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N° 3797

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2021.

 

 

 

RAPPORT

FAIT

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République,

Par M. Florent BOUDIÉ,

Rapporteur général

et

Mme Laetitia AVIA, Mme Anne BRUGNERA, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT,
M. Sacha HOULIÉ, M. Éric POULLIAT et Mme Laurence VICHNIEVSKY,

Rapporteurs thématiques

Tome I

AVANT-PROPOS, Commentaires d’articles ET ANNEXES

 

——

 

Voir le numéro :

 Assemblée nationale :  3649 rect.


 


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La commission spéciale est composée de :

M. François de Rugy, président 

M. Florent Boudié, rapporteur général

Mme Laetitia Avia, Mme Anne Brugnera, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Sacha Houlié, M. Éric Poulliat et Mme Laurence Vichnievsky, rapporteurs thématiques

M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Annie Genevard, Mme Anne-Christine Lang et M. François Pupponi, vice-présidents 

M. Charles de Courson, M. Éric Diard, M. Jean-François Eliaou et Mme Cécile Untermaier, secrétaires 

Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, M. Yves Blein, Mme Anne-Laure Blin, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Marie-George Buffet, Mme Émilie Chalas, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Coralie Dubost, M. Christophe Euzet, M. Olivier Falorni, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Meyer Habib, M. Yves Hemedinger, M. Pierre Henriet, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Olivier Marleix, M. Jean-Paul Mattei, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Patrice Perrot, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. Pacôme Rupin, M. Boris Vallaud, M. Philippe Vigier et M. Guillaume Vuilletet

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

I. Présentation du projet de loi

A. garantir le respect des principes républicains (Titre Ier)

1. Les dispositions relatives au service public (chapitre 1)

2. Les dispositions relatives aux associations (chapitre 2)

3. Les dispositions destinées à protéger la dignité de la personne humaine (chapitre 3)

4. Les dispositions visant à lutter contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne (chapitre 4)

5. Les dispositions relatives à l’éducation et aux sports (chapitre 5)

B. garantir le libre exercice du culte (titre II)

1. Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte (chapitre 1)

2. Renforcer la préservation de l’ordre public (chapitre 2)

3. Les dispositions transitoires (chapitre 3)

C. TRACFIN (titre III)

D. Les dispositions relatives à l’outre mer (titre IV)

II. Les principaux apports de la commission

1. L’affermissement du principe de neutralité dans le service public

2. Des mesures de sûreté pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes

3. La possibilité, pour l’administration ou le délégataire de service public, de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de leurs agents

4. Des mesures d’urgence en cas d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire

5. Des précisions concernant le contenu du contrat d’engagement républicain et sa mise en œuvre

6. La protection des victimes de la polygamie

7. Le renforcement de la lutte contre les certificats de virginité

8. Le renforcement de la lutte contre la haine en ligne

9. L’encadrement équilibré de l’instruction dans la famille et l’amélioration de la lutte contre l’évitement scolaire

10. L’instauration d’un plafonnement de la valeur des immeubles dits de rapport

11. Le renforcement des obligations incombant aux associations mixtes

12. Une nouvelle rédaction de l’article 31 du projet de loi pour éviter un renvoi aux dispositions de la loi de 1905 dans le code civil local

13. La suppression de l’article 32

14. Une réécriture de l’article 39 du projet de loi

15. Un prononcé plus systématique des interdictions de paraître dans les lieux de culte

16. Une modification de l’article 46 pour préciser les conditions dans lesquelles peut s’exercer le droit d’opposition élargi de TRACFIN

17. L’application des articles 6, 14 et 19 en outre-mer

Commentaires des articles

TITRE ier Garantir le respect des principes républicains et des exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique

Chapitre Ier Dispositions relatives au service public

Article 1er Respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité par les salariés participant à une mission de service public

Article 1er bis (art. L. 721-2 du code de l’éducation) Formation des enseignants et des personnels de l’éducation au principe de laïcité

Article 1er ter (art. 25 et 28 ter [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 14 et 23 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) Formation des agents publics au principe de laïcité et mise en place systématique d’un référent « laïcité » au sein des administrations

Article 2 (art. L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales) Élargissement de la procédure dite du « déféré accéléré » aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics

Article 3 (art. 706-25-4, 706-25-6 et 706-25-7 du code de procédure pénale) Élargissement du fichier national des auteurs d’infractions terroristes aux auteurs d’apologie et de provocation à des actes terroristes

Article 4 (art. 433-3-1 et 433-23-1 [nouveaux] du code pénal) Création de l’infraction pénale de menaces, violences ou actes d’intimidation à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’une mission de service public aux fins d’obtention d’une exemption ou d’une dérogation aux règles régissant ce service

Article 4 bis (art. 431-1 du code pénal) Délit d’entrave à l’exercice de la fonction d’enseignant

Article 5 (art. 6 quater A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) Extension aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces du champ des signalements pour les actes dont un agent public est victime

Chapitre II Dispositions relatives aux associations

Article 6 (art. 10–1 [nouveau] de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) Signature d’un contrat d’engagement républicain pour les associations sollicitant ou bénéficiant d’une subvention au titre de l’intérêt général

Article 6 bis Demande de rapport sur la création un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales pour la promotion des principes du contrat d’engagement républicain

Article 7 (art. 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) Obligation de respecter le contrat d’engagement républicain pour les associations agréées

Article 8 (art. 212-1, 212-1-1[nouveau]  et 212-1-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) Adaptation et élargissement des motifs de dissolution administrative d’une association

Article 9 (art. 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) Renforcement des contrôles sur les fonds de dotation

Article 10 (art. L. 14 A et L. 14 B [nouveau] du livre des procédures fiscales) Renforcement du contrôle fiscal des organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à une réduction d’impôt pour les contribuables donateurs

Article 11 (art. 222 bis [nouveau] et 238 bis du code général des impôts) Création d’une nouvelle obligation déclarative pour les organismes sans but lucratif délivrant des reçus fiscaux à leurs donateurs

Article 12 (art. 1378 octies du code général des impôts) Suspension des avantages fiscaux dont bénéficient les organismes sans but lucratif en cas de condamnation pénale

Chapitre III Dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l’égalité entre les femmes et les hommes

Article 13 (art. 913 et 921 du code civil) Renforcement de la protection des héritiers réservataires

Article 14 (art. L. 311-2 [nouveau], L. 313-11, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 314-5, L. 314-9, L. 511-4, L. 521-2 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Introduction d’une réserve générale de polygamie faisant obstacle à la délivrance de tout titre de séjour

Article 14 bis (art. L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Renouvellement automatique du titre de séjour d’une personne victime de polygamie

Article 15 (art. L. 161-23-1 A [nouveau] du code de la sécurité sociale) Limitation du bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant

Article 16 (art. L. 1110-2-1 et L. 1115-3 [nouveaux] du code de la santé publique) Interdiction des certificats de virginité

Article 16 bis (art. L. 1110-2-2 et L. 1115-4 [nouveaux] du code de la santé publique) Interdiction des opérations de conformation sexuées

Article 16 ter (art. 225-4-11 [nouveau] du code pénal) Création du délit d’incitation à la demande d’un certificat de virginité

Article 17 (art. 63 et 175-2 du code civil) Renforcement de la lutte contre les mariages forcés ou frauduleux

Chapitre IV Dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne

Article 18 (art. 223-1-1 [nouveau] du code pénal) Sanction de la divulgation d’informations permettant d’identifier ou de localiser une personne dans le but de l’exposer à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens

Article 18 bis (nouveau) (art. 24, 24 bis et 33 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse) Circonstance aggravante lorsque certains délits de presse sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Article 19 (art. 6-3 et 6-4 [nouveaux] de la loi  2004575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) Lutte contre les sites dits « miroirs »

Article 19 bis (nouveau)  (art. 6 et 6-5 [nouveau] de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; art.19, 42-7 et 62 [nouveau] de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Renforcement de la régulation des opérateurs de plateforme

Article 20 (art. 397-6 et art. 804 du code de procédure pénale) Extension des procédures rapides de jugement des délits à certains délits prévus par la loi du 29 juillet 1881

Article 20 bis (nouveau) (art. 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse) Extension des cas dans lesquels le ministère public peut agir d’office aux actes diffamatoires envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l’identité de genre

Article 20 ter (nouveau) (art. 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse) Extension de la durée de prescription à un an pour l’ensemble des délits prévus à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Chapitre V Dispositions relatives à l’éducation et aux sports

Section 1 Dispositions relatives à l’instruction en famille

Article 21 (art. L. 131-2, L. 131-5, L. 131-5-1 [nouveau] et L. 131-11 du code de l’éducation ; art. L. 552-4 du code de la sécurité sociale) Encadrement des possibilités de recours à l’instruction en famille

Article 21 bis (nouveau) (art. L. 131-6-1 [nouveau] du code de l’éducation) Attribution d’un identifiant national à chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction

Article 21 ter (nouveau) Organisation à titre expérimental d’une journée pédagogique de la citoyenneté pour les enfants instruits en famille

Section 2 Dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés

Article 22 (art. L. 241-5, L. 441-3-1 [nouveau], L. 441-4, L. 442-2 et L. 914-5 du code de l’éducation) Renforcement des contrôles sur les établissements d’enseignement privés hors contrat

Article 22 bis (nouveau) (art. L. 911-5 du code de l’éducation) Interdiction de diriger ou d’être employé dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé pour toute personne inscrite au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes

Article 23 (art. 227-17-1 du code pénal) Augmentation des sanctions à l’encontre des chefs d’établissements d’enseignement privés hors contrat méconnaissant différentes mises en demeure

Article 23 bis (nouveau) (art. L. 111-1-1 du code de l’éducation) Proposition d’une charte des valeurs et principes républicains aux établissements d’enseignement privés hors contrat

Article 24 (art. L. 442-5 et L. 442-12 du code de l’éducation) Condition de capacité à dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public pour la conclusion d’un contrat avec l’État

Section 3 Dispositions relatives aux sports

Article 25 (art. L. 111-1, L. 121-4, L. 131-8, L. 131-9, L. 131-14, L. 131-15-2 [nouveau] du code du sport) Contrôle de l’État sur les fédérations sportives et conclusion d’un contrat d’engagement républicain

Article 25 bis (nouveau) (art. L. 100-1 et L. 112-16 du code du sport) Reconnaissance du rôle des activités physiques et sportives dans la construction de la citoyenneté et adoption d’une charte du respect des principes de la République par l’Agence nationale du sport

TITRE II Garantir le libre exercice du culte

Chapitre Ier Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte

Section 1 Associations cultuelles

Article 26 (art. 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Modification des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des associations cultuelles

Article 27 (art. 19–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, art. 111 de la loi n° 2009–526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures) Obligation de déclaration au préfet d’une association cultuelle souhaitant bénéficier des avantages propres auxdites associations

Article 28 (art. 19–2 [nouveau] de la loi de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Modification des règles relatives au financement des associations cultuelles

Article 29 (Article 20 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Application des modifications de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État aux unions d’associations cultuelles

Section 2 Autres associations organisant l’exercice du culte

Article 30 (art. 4, art. 4–1 et 4–2 [nouveaux] de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes) Extension aux associations dites « mixtes » d’obligations prévues pour les associations cultuelles

Article 31 (art. 79–V et 79–VI [nouveaux] du code civil local, art. 167–1 à 167–6 [nouveaux] du code pénal local) Extension aux associations de droit local à objet cultuel d’Alsace Moselle de certaines dispositions applicables aux associations cultuelles et à la police des cultes

Article 32 (art. L. 213-1-1 du code de l’urbanisme) Exemption du droit de préemption des biens immeubles faisant l’objet de donations entre vifs au profit des organisations religieuses et associatives en mesure de recevoir des libéralités

Chapitre II Renforcer la préservation de l’ordre public

Section 1 Contrôle du financement des cultes

Article 33 (art. 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Renforcement des obligations administratives et comptables des associations cultuelles

Article 34 (art. 23 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Sanction du non-respect des obligations administratives et comptables imposées aux associations cultuelles

Article 35 (art. 19-3 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Obligation de déclarer les financements étrangers bénéficiant aux cultes et droit d’opposition de l’autorité administrative

Article 36 (art. 910-1 [nouveau] du code civil) Droit d’opposition de l’autorité administrative aux libéralités  bénéficiant aux associations cultuelles en provenance de l’étranger

Section 2 Police des cultes

Article 37 (art. 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Renforcement des sanctions au titre de la police des cultes

Article 38 (art. 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Renforcement des sanctions en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer

Article 39 (art. 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Renforcement des peines pour certaines infractions lorsqu’elles sont commises dans des lieux de culte ou aux abords de ces lieux

Article 40 (art. 26 [abrogé] et art. 35–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Modernisation et renforcement des règles relatives à l’interdiction de la tenue de réunions politiques et d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte

Article 41 (art. 36 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Modification des conditions de la mise en cause de la responsabilité civile de l’association lors de la commission de certaines infractions

Article 42 (art. 36–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Création d’une peine alternative ou complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de culte

Article 43 (art. 36–2 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État) Interdiction temporaire de diriger une association cultuelle pour les personnes condamnées pour des actes de terrorisme

Article 44 (art. 36–3 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État) Création d’une nouvelle mesure de fermeture administrative temporaire des lieux de culte et des locaux dépendant du lieu de culte

Chapitre III Dispositions transitoires

Article 45 Dispositions transitoires pour les associations cultuelles

Titre III dispositions diverses

Article 46 (art. L. 561-24 et L. 765-13 du code monétaire et financier) Extension de la portée du droit d’opposition de TRACFIN

Titre IV dispositions relatives à l’outre-mer

Article 47 (art. 43 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, art. 7 [nouveau] de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, décret du 6 février 1911 modifié déterminant les conditions d’application à la Martinique, à la Guadeloupe et à La Réunion des lois sur la séparation des Églises et de l’État et l’exercice public des cultes [abrogé]) Mesures d’harmonisation du régime des cultes en outre-mer avec le cadre juridique métropolitain

Article 48 Application en Polynésie française des dispositions relatives à la protection des héritiers réservataires

Article 49 (art. L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; art. 17 [nouveau], 235 et 23-6 de la loi n° 2002-411 du 27 mars 2002  relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte) Adaptation des dispositions relatives à la délivrance des  titres de séjour et aux pensions de réversion à Mayotte

Article 49 bis (nouveau) (art. L. 442-1, L. 443-1, L. 444-1, L. 445-1, L. 446-1, L. 652-1, L. 653-1, L. 654-1, L. 655-1  et L. 656-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) Application de l’article 14 relatif à la réserve de polygamie en outre-mer

Article 50 (art. L. 285-1, L. 286-4 et L. 287-1 du code de la sécurité intérieure) Application des dispositions liées à la dissolution administrative des associations et groupements de fait en Polynésie française, en NouvelleCalédonie et à Wallis-et-Futuna

Article 51 (art. L. 1521-1 et L. 1521-4 du code de la sécurité sociale) Application à Wallis-et-Futuna des dispositions relatives à l’interdiction des certificats de virginité

Article 52 (nouveau) (art. 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000  relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) Application des dispositions relatives au contrat d’engagement républicain  en outre-mer

Article 53 (nouveau) (art. 57 de la loi n° 2004 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) Application des dispositions relatives à la lutte contre les sites dits « miroirs »  en outre-mer

Annexes

annexe 1 : Liste des personnes entendues par la commission spéciale

annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur général et les rapporteurs thématiques

annexe 3 : LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN du projet de loi

 


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Mesdames, Messieurs,

 

L’objet du projet de loi confortant le respect des principes de la République – qui a été soumis au conseil des ministres 115 ans jour pour jour après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État – est de lutter contre les dérives séparatistes partout où elles se produisent. Ces phénomènes s’introduisent aussi bien par le biais des services publics, notamment locaux, que des associations, de la haine en ligne, des établissements scolaires ou encore de l’organisation des cultes.

Le Gouvernement et la majorité parlementaire souhaitent apporter des réponses fermes, mais aussi équilibrées. C’est tout le travail qui a été mené depuis le 17 décembre dernier, à travers une centaine d’auditions, menées par la commission spéciale dans son ensemble et par les rapporteurs thématiques.

« La République doit se construire sans cesse » disait Pierre Mendès France. Ce projet de loi de liberté y prend sa part. Il s’articule autour de deux axes principaux.

Il vise d’abord à garantir le respect des lois et principes de la République dans les domaines exposés à des risques séparatistes (titre Ier).

Ainsi, il traite du sujet des services publics, afin d’assurer le respect du principe de neutralité par les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public et de prémunir les agents publics contre les tentatives d’intimidation, menaces ou violences.

Il aborde également les enjeux cruciaux du monde associatif en conditionnant l’attribution de subventions à la souscription préalable d’un contrat d’engagement républicain, en renforçant les moyens juridiques pour agir contre des associations qui présentent une menace grave pour l’ordre public et en donnant à l’administration fiscale davantage de leviers pour contrôler les organismes qui bénéficient d’avantages fiscaux, notamment des réductions d’impôt liées aux dons.

Il vise à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes en renforçant la lutte contre la polygamie, la délivrance de certificats de virginité et les mariages forcés ou frauduleux.

S’agissant de la lutte contre les discours et les pratiques qui encouragent à la haine, il renforce l’effectivité des mesures prises contre des sites qui relaient des contenus illicites, il crée un délit de mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle et il rend applicables aux délits de provocation à la haine les procédures rapides de jugement.

En matière d’éducation, il soumet à autorisation l’instruction en famille et précise les motifs qui peuvent la justifier pour garantir qu’elle s’exerce dans l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en renforçant les modalités de contrôle de l’État sur les établissements privés hors contrat. Il soumet, également, les associations sportives et les fédérations sportives agréées à la conclusion d’un contrat d’engagement républicain, adapté à leurs spécificités.

Le deuxième axe du projet de loi est de moderniser et de renforcer le régime d’organisation des cultes issu de la loi du 9 décembre 1905 (titre II).

Il réforme l’organisation des associations cultuelles afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes. Il renforce leurs obligations administratives et comptables afin d’assurer une meilleure transparence sur leur situation financière et patrimoniale, tant à destination de l’État que des membres qui les composent.

Pour les associations dites mixtes qui relèvent du régime du 1er juillet 1901 et qui exercent pour partie un culte, le projet de loi aligne leurs obligations, notamment administratives et comptables, sur celles des associations cultuelles et les incite à distinguer leurs activités cultuelles du reste de leurs activités afin notamment d’assurer le principe de non-subventionnement public au culte.

Il prévoit également un contrôle des financements étrangers bénéficiant aux cultes, avec une obligation pour les associations cultuelles de déclarer les avantages et ressources supérieurs à 10 000 euros dont elles bénéficient et un droit d’opposition de l’administration en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.

À ce titre, il renforce aussi les moyens à la disposition de TRACFIN pour s’opposer aux opérations susceptibles d’être liées à du blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.

Enfin, le projet de loi actualise les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 en matière de police des cultes et les renforce pour assurer que les lieux de culte ne soient pas détournés de leur vocation.

À l’initiative de vos rapporteurs, du Gouvernement et de députés, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements complétant ce projet de loi, sans remettre toutefois en cause ses grands équilibres.

*

*     *

I.   Présentation du projet de loi

A.   garantir le respect des principes républicains (Titre Ier)

1.   Les dispositions relatives au service public (chapitre 1)

L’article 1er inscrit dans la loi le principe selon lequel les organismes de droit public ou privé chargés, par la loi ou le règlement, de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité et renforce les moyens à la disposition de l’autorité administrative pour contrôler les obligations qui en découlent pour eux. Il impose aussi aux titulaires des contrats de commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public de veiller au respect de ces mêmes principes.

L’article 2 étend la procédure accélérée de suspension sur déféré préfectoral aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics.

L’article 3 modifie le champ d’application du fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) en y intégrant les délits de provocation à des actes de terrorisme, d’apologie publique du terrorisme et d’entrave à l’efficacité d’une procédure de blocage d’un service de communication au public en ligne. Par ailleurs, il inverse la logique d’inscription dans ce fichier, qui devient obligatoire, sauf décision motivée de la juridiction ou du procureur de la République.

L’article 4 crée une infraction pénale pour sanctionner le fait d’user de menaces, violences ou actes d’intimidation à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’une mission de service public aux fins d’obtention d’une exemption ou d’une dérogation aux règles régissant le service public, et prévoit une peine complémentaire d’interdiction du territoire français si la personne coupable de ces faits est étrangère.

L’article 5 étend aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces le champ des actes qui peuvent faire l’objet d’un signalement par les agents publics.

2.   Les dispositions relatives aux associations (chapitre 2)

L’article 6 renforce l’encadrement des subventions attribuées aux associations par les collectivités publiques ou par tout organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial afin de s’assurer que ces moyens mis librement à leur disposition soient employés dans le respect des principes républicains, qui seront déclinés dans un contrat d’engagement républicain.

L’article 7 renforce les conditions d’agrément des associations par l’État en ajoutant une condition de respect des principes du contrat d’engagement républicain prévu à l’article 10-1 de la loi du 12 avril 2000, créé par l’article 6 du projet de loi.

L’article 8 modernise et renforce la procédure de dissolution administrative d’association prévue par le code de la sécurité intérieure. Il prévoit la possibilité d’imputer à une association ou à un groupement de fait les agissements qui sont soit commis par des membres agissant en cette qualité, soit directement liés aux activités de cette association ou de ce groupement. Il crée par ailleurs la possibilité, en cas d’urgence, de suspendre à titre conservatoire tout ou partie des activités des associations ou groupements de fait, pour une durée maximale de trois mois.

L’article 9 renforce le contrôle de l’État sur l’activité des fonds de dotation, précise les obligations relatives aux documents qu’ils sont tenus de transmettre au préfet et facilite la suspension par l’autorité administrative des fonds qui ne respectent pas la loi.

L’article 10 permet à l’administration fiscale de vérifier si un organisme bénéficiaire de dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur la fortune immobilière satisfait aux conditions définies aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts.

L’article 11 impose aux organismes à but non lucratif bénéficiaires de dons qui estiment être éligibles au régime fiscal du mécénat de déclarer chaque année le montant cumulé des dons qu’ils reçoivent ainsi que le nombre de reçus délivrés. Il oblige aussi les entreprises qui souhaitent bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés à raison de leurs dons à des organismes d’intérêt général à présenter un reçu fiscal en cas de contrôle, comme cela existe pour les particuliers.

L’article 12 élargit la liste des motifs de suspension des avantages fiscaux bénéficiant aux organismes sans but lucratif en cas de condamnation, en y intégrant les actes de terrorisme, le recel, le blanchiment, la mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations et l’usage de menaces ou de pressions à l’encontre d’un agent public en vue de se soustraire aux règles du service public.

3.   Les dispositions destinées à protéger la dignité de la personne humaine (chapitre 3)

L’article 13 prévoit qu’en cas de succession, en l’absence de mécanisme réservataire protecteur des enfants prévu par la loi étrangère applicable, ces derniers peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens du défunt situés en France pour être rétablis dans les droits réservataires que leur confère la loi française. Il fait également obligation au notaire d’informer les héritiers susceptibles d’être lésés par les libéralités effectuées par le défunt.

L’article 14 introduit une réserve générale de polygamie pour la délivrance de tous les titres de séjour sans distinction de nature ou de catégorie.

L’article 15 limite le bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant, avec le même objectif de lutte contre la polygamie.

L’article 16 interdit aux professionnels de santé d’établir un certificat de virginité et assortit cette prohibition d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

L’article 17 prévoit que, lorsqu’il existe un doute sur le caractère libre du consentement au mariage, l’officier de l’état civil s’entretient séparément avec chacun des futurs époux et que, s’il conserve un doute à l’issue de ces entretiens, il saisit le procureur de la République aux fins d’éventuelle opposition à mariage.

4.   Les dispositions visant à lutter contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne (chapitre 4)

L’article 18 crée un nouveau délit, inséré au sein du code pénal, sanctionnant de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens.

L’article 19 renforce les moyens de lutte contre les sites dits « miroirs », identiques ou très proches de sites déclarés illicites par une décision de justice en raison notamment de leur contenu haineux, en permettant à l’autorité administrative et, selon les cas, aux parties à la décision de justice, de demander aux fournisseurs d’accès à internet d’en bloquer l’accès

L’article 20 prévoit que puissent être applicables à certains délits dits « de presse » car prévus par la loi du 29 juillet 1881 (provocation non suivie d’effet à commettre certaines infractions graves comme les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique ; apologie de crimes ; provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison notamment de la race ou de la religion) les procédures rapides de jugement (comparution immédiate ou convocation par procès-verbal) de manière à faire cesser aussi rapidement que possible les dommages causés par les propos incriminés.

5.   Les dispositions relatives à l’éducation et aux sports (chapitre 5)

La section 1 concerne les dispositions relatives à l’instruction en famille.

L’article 21 prévoit de substituer au régime de déclaration préalable un régime d’autorisation préalable de l’instruction en famille, dont le recours serait limité à quatre motifs : l’état de santé ou le handicap de l’enfant ; la pratique intensive d’activités sportives ou artistiques ; l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ou l’itinérance de la famille ; l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve de la vérification de la capacité des personnes responsables à assurer l’instruction en famille, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

La section 2 concerne les dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés.

L’article 22 renforce l’encadrement des établissements d’enseignement privés hors contrat, en transférant du juge judiciaire au préfet la capacité de fermer de manière temporaire ou définitive un établissement ouvert sans autorisation ou, après mise en demeure, un établissement ne satisfaisant pas aux obligations en matière d’ordre public ou de droit à l’instruction. En outre, l’article prévoit que les établissements d’enseignement privés hors contrat devront transmettre, chaque année, la liste des personnels salariés ainsi que les pièces attestant de leur identité d’une part et, à la demande du préfet ou des services de l’éducation nationale, les documents financiers, budgétaires et comptables précisant le montant, la nature et l’origine des ressources de l’établissement d’autre part.

L’article 23 augmente les sanctions prévues par le code pénal à l’encontre des chefs d’établissement méconnaissant les mises en demeure ou décisions administratives de fermeture qui leur sont adressées, de façon cohérente avec les modifications apportées par l’article 22.

L’article 24 fixe une condition supplémentaire à la conclusion d’un contrat entre un établissement privé et l’État : celle d’être en capacité de dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public.

L’article 25 substitue un régime de contrôle au régime de tutelle de l’État sur les fédérations sportives et impose aux associations sportives agrées, aux fédérations sportives agréées et aux fédérations sportives délégataires de respecter un contrat d’engagement républicain, comportant des mesures complémentaires graduées en fonction de la structure, notamment la protection de l’intégrité physique et morale des mineurs et la promotion des principes du contrat d’engagement républicain. Il instaure également la conclusion d’un contrat de délégation pour les fédérations délégataires et leur impose de définir une stratégie nationale visant à promouvoir les principes du contrat d’engagement républicain.

B.   garantir le libre exercice du culte (titre II)

1.   Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte (chapitre 1)

La section 1 concerne les associations cultuelles.

L’article 26 modifie l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 relatif aux caractéristiques des associations cultuelles. Il soumet à la décision d’un organe délibérant l’adhésion des nouveaux membres, les modifications statutaires, les cessions immobilières et, sauf si cela ne relève pas des compétences de l’association, le recrutement des ministres du culte (disposition anti–putsch).

L’article 27 transforme la procédure actuelle de rescrit administratif en une obligation de déclaration, auprès du préfet, de la qualité cultuelle de toute association qui souhaite bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles. L’administration pourra mettre un terme à tout moment au bénéfice de ces avantages si une association cultuelle ne respecte plus les règles de fonctionnement ou pour un motif d’ordre public.

L’article 28 modernise les dispositions relatives au financement des associations cultuelles. Il permet à ces associations de posséder des immeubles acquis à titre gratuit qui ne sont pas directement nécessaires à leur objet, afin de pouvoir en tirer des revenus. Ces revenus ne pourront servir qu’à financer des activités cultuelles.

L’article 29 tire les conséquences de la modification des dispositions applicables aux associations cultuelles en ce qui concerne l’application de ces dispositions aux unions d’associations cultuelles.

La section 2 traite des autres associations organisant l’exercice du culte.

L’article 30 assujettit les associations simplement déclarées ayant un objet en tout ou partie cultuel, dites associations « mixtes » de la loi de 1907, aux obligations essentielles imposées aux associations cultuelles. Il impose que les comptes annuels dissocient clairement les activités en relation avec l’exercice public d’un culte des autres activités et, dans certains cas, prévoit la certification des comptes de ces associations. Enfin, le préfet pourra enjoindre à une association de mettre en conformité son objet avec ses activités si cela est nécessaire.

L’article 31 étend aux associations inscrites de droit local à objet cultuel d’Alsace Moselle certaines obligations applicables aux associations cultuelles et soumet les associations inscrites à objet cultuel et les établissements publics du culte d’Alsace Moselle à certaines dispositions relatives à la police des cultes.

L’article 32 prévoit une exemption du droit de préemption pour les immeubles faisant l’objet d’une donation entre vifs au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités, des établissements publics du culte et des associations de droit local.

2.   Renforcer la préservation de l’ordre public (chapitre 2)

La section 1 instaure des mesures de contrôle du financement des cultes.

L’article 33 renforce les obligations administratives et comptables imposées par la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État aux associations cultuelles. Il précise les modalités d’établissement de leurs comptes annuels et les oblige à dresser une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice du culte. Il impose aussi aux associations cultuelles qui bénéficient de financements étrangers d’assurer la certification de leurs comptes par un commissaire aux comptes.

L’article 34 renforce les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations administratives et comptables des associations cultuelles, telles que modifiées par l’article 33. Il prévoit la possibilité pour le juge judiciaire d’enjoindre sous astreinte aux dirigeants d’une association méconnaissant leurs obligations de produire leurs comptes annuels et d’autres documents mentionnés à l’article 21 de la loi de 1905.

L’article 35 renforce les contrôles sur les financements étrangers des cultes. Il impose aux associations cultuelles qui reçoivent au moins 10 000 euros d’apports étrangers de déclarer à l’autorité administrative le montant des avantages et ressources dont elles bénéficient. Il permet aussi à l’autorité administrative de s’opposer à la réception de financements provenant de l’étranger en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.

L’article 36 insère un nouvel article 910–1 dans le code civil pour permettre à l’autorité administrative de s’opposer à l’acceptation par les associations cultuelles des libéralités qui leur sont consenties en provenance d’un État étranger.

La section 2 modernise les dispositions relatives à la police des cultes.

L’article 37 prévoit des peines contraventionnelles de cinquième classe en cas d’infraction à plusieurs dispositions relatives notamment au caractère public du culte et au respect des arrêtés municipaux.

L’article 38 renforce les peines prévues en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer.

L’article 39 aggrave les peines prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors que les provocations à commettre certaines infractions graves ou que les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes sont commises dans des lieux où s’exerce le culte ou aux abords de ces lieux.

L’article 40 modernise et renforce les règles relatives à l’interdiction de la tenue de réunions politiques et d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte.

L’article 41 précise les conditions de la mise en cause de la responsabilité civile de l’association lors de la commission de certaines infractions.

L’article 42 prévoit qu’une interdiction de paraître dans les lieux de culte peut être prononcée par le juge à titre de peine alternative ou de peine complémentaire pour les délits relatifs à la police des cultes, ainsi qu’en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.

L’article 43 interdit à toute personne condamnée pour des actes de terrorisme de diriger ou d’administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

L’article 44 crée une mesure de fermeture administrative des lieux de culte et des locaux dépendant du lieu de culte, à caractère temporaire, visant à lutter contre les agissements de nature à troubler gravement l’ordre public en provoquant à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes.

3.   Les dispositions transitoires (chapitre 3)

L’article 45 prévoit des dispositions transitoires afin de faciliter l’application des dispositions relatives à la déclaration de la qualité cultuelle des associations qui souhaitent bénéficier du régime juridique propre aux associations cultuelles.

C.   TRACFIN (titre III)

L’article 46 élargit la portée du droit d’opposition de TRACFIN, qui lui permet de reporter de dix jours la réalisation d’une opération non encore exécutée susceptible d’être liée à du blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. Aujourd’hui, ce droit d’opposition est entravé par des contraintes d’ordre procédural, l’opposition devant s’exercer opération par opération et autant de fois que nécessaire même lorsque des opérations sont liées à la même infraction. L’article 46 permet à TRACFIN de s’opposer à une opération et, par anticipation, à toutes les opérations liées à la même infraction.

D.   Les dispositions relatives à l’outre mer (titre IV)

L’article 47 renforce l’harmonisation du régime des cultes en outre–mer (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Saint–Barthélémy et Saint–Martin) avec celui de la métropole.

L’article 48 rend les dispositions de l’article 13 (renforcement de la protection des héritiers réservataires) applicables en Polynésie française.

L’article 49 porte sur l’application à Mayotte des dispositions relatives à la délivrance de titres de séjour et aux pensions de réversion.

L’article 50 est un article de coordination outre–mer (Wallis et Futuna, Polynésie française et Nouvelle Calédonie) de l’article 8 sur les dissolutions d’association.

L’article 51 rend applicables les dispositions relatives à l’interdiction des certificats de virginité (prévues à l’article 16) à Wallis-et-Futuna.

II.    Les principaux apports de la commission

1.   L’affermissement du principe de neutralité dans le service public

Afin de renforcer la portée du principe de neutralité, la commission a adopté trois amendements à l’article 1er.

Elle a tout d’abord précisé que les salariés ou les personnes sur lesquelles le délégataire d’une mission de service public ou le titulaire d’un contrat de commande publique exercent une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction doivent, dans l’exécution du service public, s’abstenir de manifester leurs opinions non seulement religieuses, mais également politiques.

Elle a ensuite ajouté que les services de transport à la personne librement organisés ou non conventionnés, en tant qu’ils participent à une mission de service public, sont également soumis aux obligations de respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité.

Elle a enfin indiqué que le titulaire d’un contrat de la commande publique doit communiquer à l’acheteur ou à l’autorité concédante les contrats de sous-traitance conclu pour l’exécution du service public.

La commission a également souhaité mettre l’accent sur la diffusion et sur la connaissance des enjeux liés au principe de laïcité au sein du service public. Elle a donc adopté trois amendements créant deux articles additionnels après l’article 1er.

L’article 1er ter prévoit l’obligation de formation au principe de laïcité de tous les agents publics et consacre la fonction de référent « laïcité » au sein de l’ensemble des administrations des trois versants de la fonction publique.

L’article 1er bis prévoit que les enseignants et les personnels de l’éducation reçoivent une formation spécifique sur le principe de laïcité, compte tenu des spécificités de leurs missions et des publics auxquels ils s’adressent.

2.   Des mesures de sûreté pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes

À l’article 3, la commission a soumis les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes aux obligations de justifier de leur adresse et de déclarer leurs changements d’adresse et leurs déplacements à l’étranger, pendant cinq ans s’ils sont majeurs ou trois ans s’ils sont mineurs.

Elle a également prévu l’enregistrement, dès leur prononcé et de plein droit, des décisions d’irresponsabilité pénale prononcées par les juridictions et a clarifié la répartition des compétences entre le siège et le parquet en retirant au ministère public l’appréciation d’un éventuel non-enregistrement de la décision d’irresponsabilité pour la confier à la juridiction qui a pris la décision.

3.   La possibilité, pour l’administration ou le délégataire de service public, de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de leurs agents

À l’article 4, la commission a ouvert la possibilité à l’administration ou au délégataire de service public de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de ses agents ou préposés et a clarifié l’articulation entre les faits visés au cinquième alinéa de l’article 433-3 du code pénal et ceux concernés par le nouvel article 433‑3‑1 du même code.

La commission a par ailleurs inséré un article 4 bis qui crée un délit d’entrave à l’exercice des fonctions d’enseignant.

4.   Des mesures d’urgence en cas d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire

À l’article 5, la commission a étendu le champ de la procédure de signalement prévue pour les agents publics à tout acte d’intimidation et a prévu, dès que la collectivité publique est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, des mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits.

5.   Des précisions concernant le contenu du contrat d’engagement républicain et sa mise en œuvre

À l’article 6, la commission a d’une part modifié les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain, en précisant que les associations étaient tenues de respecter l’ordre public et non d’assurer sa sauvegarde. Elle a en outre ajouté à ces principes le respect des exigences minimales de la vie en société et des symboles de la République. D’autre part, elle a complété les dispositions portant sur la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain, en étendant l’application de ce contrat aux fondations qui demandent une subvention publique.

En outre, la commission a adopté un amendement visant à préciser que les associations agréées sont réputées avoir satisfait à l’engagement de respecter les principes de ce contrat dans le cadre de leurs demandes de subvention. Enfin, la commission a adopté des amendements introduisant le devoir d’informer les membres de l’association du contenu de ce contrat d’engagement républicain, et l’obligation, pour une collectivité prenant la décision de retirer la subvention d’une association, de notifier cette décision aux autres collectivités qui concourent au financement de l’association, ainsi qu’au préfet.

6.   La protection des victimes de la polygamie

À l’article 14, la commission a précisé que la situation du conjoint qui a subi la polygamie fait l’objet d’un examen individuel et a procédé aux coordinations nécessaires avec l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui entrera en vigueur le 1er mai 2021.

La commission a également introduit un article 14 bis afin de prévoir le renouvellement automatique du titre de séjour d’une personne victime de polygamie.

7.   Le renforcement de la lutte contre les certificats de virginité

À l’article 16, la commission a ajouté qu’une personne, non membre du corps médical, se rend coupable de viol si elle réalise, dans l’objectif d’établir un certificat de virginité, un examen avec pénétration et qu’elle se rend coupable d’agression sexuelle en cas d’examen sans pénétration.

Après l’article 16, la commission a introduit un article 16 ter qui sanctionne l’entourage qui exerce des pressions sur la jeune femme pour qu’elle se voit délivrer un certificat de virginité.

Elle a également inséré un article 16 bis qui interdit les opérations de conformation sexuées pour les mineurs, sauf si l’intéressé y a consenti.

8.   Le renforcement de la lutte contre la haine en ligne

La commission a précisé le champ d’application de l’article 18, pour le rendre plus opérationnel, et créé une circonstance aggravante lorsque le délit de divulgation d’informations aux fins d’exposer autrui à un risque est commis à l’encontre d’un mineur. Elle a également prévu une circonstance aggravante lorsque les délits de provocation à la haine ou à la violence discriminatoire, d’injure discriminatoire ou de négation d’un génocide ou d’un crime contre l’humanité sont commis par une personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique.

Elle a adopté un article additionnel 19 bis qui renforce la responsabilité des opérateurs de plateforme dans la lutte contre les contenus illicites, en leur fixant des obligations de moyens et de transparence, et en consolidant les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

9.   L’encadrement équilibré de l’instruction dans la famille et l’amélioration de la lutte contre l’évitement scolaire 

La commission a adopté plusieurs modifications significatives à l’article 21, notamment pour substituer à la mention selon laquelle les convictions politiques, religieuses ou philosophiques ne peuvent pas être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation celle selon laquelle seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut fonder une telle demande. Le quatrième motif, celui de la situation particulière propre à l’enfant, a été précisé : il s’agira d’une situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif, que les personnes responsables devront présenter dans le cadre de la demande d’autorisation. Par ailleurs, la commission a précisé qu’il pourra être dérogé au caractère annuel de l’autorisation, pour des motifs tirés de l’état de santé ou du handicap de l’enfant, selon des modalités précisées par décret. Enfin, l’entrée en vigueur du dispositif a, également, été reportée d’un an.

De plus, les moyens de lutte contre l’évitement scolaire ont été renforcés : l’article 21 modifié par la commission prévoit que les enfants instruits en famille devront être rattachés administrativement à une circonscription ou à un établissement scolaire et généralise les cellules de prévention de l’évitement scolaire pour lutter contre le phénomène de déscolarisation. Un article additionnel 21 bis prévoit également la généralisation du numéro d’identifiant unique de l’élève, pour l’étendre aux enfants instruits en famille et dans des établissements d’enseignement hors contrat.  Il s’agit, en particulier, de mieux connaître l’ensemble de la population des enfants soumis à l’obligation d’instruction pour suivre les parcours de chacun et garantir qu’aucun enfant ne soit déscolarisé ou ne sorte du spectre de connaissance et de suivi des autorités de l’État.

10.   L’instauration d’un plafonnement de la valeur des immeubles dits de rapport

A l’article 28, la commission a adopté un amendement visant à instaurer le plafonnement de la valeur des immeubles acquis à titre gratuit par les associations cultuelles, dans le but d’éviter que les revenus tirés des immeubles dits de rapport ne deviennent le mode de financement majoritaire de ces associations.

11.   Le renforcement des obligations incombant aux associations mixtes

À l’article 30, la commission a adopté deux amendements visant à renforcer les obligations incombant aux associations mixtes, en leur imposant d’établir un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport, à l’instar des associations cultuelles, et d’ouvrir un compte bancaire spécifique pour leurs activités en relation avec le culte.

12.   Une nouvelle rédaction de l’article 31 du projet de loi pour éviter un renvoi aux dispositions de la loi de 1905 dans le code civil local

À  l’article 31, la commission a adopté un amendement visant à réécrire dans le code civil local les dispositions rendues applicables aux associations inscrites de droit local à objet cultuel sans renvoyer aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.

En outre, la commission a adopté un amendement visant à rendre applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les nouvelles mesures prévues à l’article 44 du projet de loi relatives à la fermeture administrative temporaire des lieux de culte.

13.   La suppression de l’article 32

La commission a adopté les amendements visant à supprimer l’article 32, qui visait à exempter du droit de préemption les biens immeubles donnés aux associations en mesure de recevoir des libéralités, parmi lesquelles les associations cultuelles.

14.   Une réécriture de l’article 39 du projet de loi

La commission a adopté un amendement de réécriture globale de l’article 39, afin d’abroger l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, qui punit actuellement d’une peine allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement le fait, pour un ministre du culte, de provoquer soit à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, soit à se soulever ou s’armer contre les autres citoyens.

Ces dispositions ne paraissaient pas satisfaisantes dès lors qu’elles prévoyaient un régime plus favorable pour des infractions commises par un ministre du culte que le régime de droit commun prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ce qui ne semblait pas justifié. Il a donc paru souhaitable de ne conserver qu’un seul régime, celui de la loi du 29 juillet 1881 permettant de sanctionner les appels à la haine.

15.   Un prononcé plus systématique des interdictions de paraître dans les lieux de culte

À l’article 42, la commission a adopté un amendement visant à prévoir que la peine complémentaire d’interdiction de paraitre dans les lieux de culte soit prononcée de manière systématique à l’encontre des personnes s’étant rendues coupables d’un délit en matière de police des cultes, d’apologie du terrorisme ou d’appel à la haine.

Dans le respect du principe d’individualisation des peines, il est toutefois prévu que la juridiction puisse ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée.

16.   Une modification de l’article 46 pour préciser les conditions dans lesquelles peut s’exercer le droit d’opposition élargi de TRACFIN

La commission a modifié l’article 46 afin d’exonérer de toute responsabilité les personnes chargées d’exécuter une opération suspendue par TRACFIN et d’autoriser ces personnes, à titre exceptionnel, à déroger au principe de confidentialité qui couvre les opérations de TRACFIN aux fins de prévenir l’autorité judiciaire.

En outre la commission spéciale a adopté un amendement renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer quelles opérations sont ou ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un droit d’opposition de TRACFIN.

17.   L’application des articles 6, 14 et 19 en outre-mer

La commission a ajouté un article 49 bis qui rend l’article 14 du projet de loi relatif à la réserve générale de polygamie pour la délivrance des titres de séjour applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Elle a ajouté un article 52 qui rend l’article 6 relatif au contrat d’engagement républicain applicable en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et à Wallis‑et‑Futuna.

Enfin, la commission spéciale a créé un article 53 qui rend l’article 19 du projet de loi relatif à la lutte contre les sites dits « miroirs » applicable en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

 

 

 


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Commentaires des articles

  TITRE ier
Garantir le respect des principes républicains et des exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique

Sur proposition de Mme Annie Genevard et des membres du groupe Les Républicains et suivant l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a adopté un amendement qui complète l’intitulé du titre Ier, afin de préciser que son objet est de garantir non seulement le respect des principes républicains mais également les exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique.

Chapitre Ier
Dispositions relatives au service public

Article 1er
Respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité par les salariés participant à une mission de service public

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article inscrit dans la loi le principe selon lequel les organismes de droit public ou privé chargés, par la loi ou le règlement, de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité et renforce les moyens à la disposition de l’autorité administrative pour contrôler les obligations qui en découlent pour eux. Il impose aussi aux titulaires des contrats de commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public de veiller au respect de ces mêmes principes.

       Modifications apportées par la commission

La commission a précisé que les salariés ou les personnes sur lesquelles le délégataire d’une mission de service public ou le titulaire d’un contrat de commande publique exercent une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction doivent, dans l’exécution du service public, s’abstenir de manifester leurs opinions non seulement religieuses, mais également politiques. Elle a ajouté que les services de transport à la personne librement organisés ou non conventionnés, en tant qu’ils participent à une mission de service public, sont également soumis aux obligations de respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité. Elle a indiqué que le titulaire d’un contrat de la commande publique doit communiquer à l’acheteur ou à l’autorité concédante les contrats de sous-traitance conclus pour l’exécution du service public.

I.   L’état du droit

A.   Le cadre constitutionnel et conventionnel

1.   Les sources constitutionnelles

Les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité devant les services publics sont intimement liés.

Corollaire du principe d’égalité devant la loi inscrit à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe d’égalité devant les services publics est un principe de valeur constitutionnelle qui, régissant le fonctionnement des services publics, implique notamment l’égal accès des usagers au service public et leur égal traitement.

Ce principe d’égalité a pour corollaire le principe de neutralité du service public. Le Conseil constitutionnel les qualifie tous deux de « principes fondamentaux du service public » ([2]). La neutralité des services, qui fait partie des principes constitutionnels régissant le service public ([3]), vise l’expression de toutes les opinions, qu’elles soient politiques, syndicales ou encore religieuses. Elle interdit en particulier que le service public soit assuré de manière différenciée en fonction des convictions de son personnel ou de celles des usagers du service.

Élément de la neutralité des services publics, le principe de laïcité est l’expression d’une neutralité religieuse. Ce principe a été consacré comme l’une des caractéristiques de la République par l’article 1er de la Constitution du 27 octobre 1946, qui proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », avant d’être repris et complété par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 afin de préciser que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

La notion de laïcité figure également, à propos de l’enseignement, au treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui affirme que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État » et auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.

Figurant au nombre des « droits et libertés que la Constitution garantit » ([4]), le principe de laïcité implique que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte mais qu’elle en garantit le libre exercice. Il impose le respect de toutes les croyances et l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. Il en résulte la neutralité de l’État, garantie tout à la fois de la liberté de conscience, de religion et de l’absence de discrimination ([5]).

Le Conseil constitutionnel a précisé que le principe de laïcité intéresse les relations entre les collectivités publiques et les particuliers ([6]). Il en résulte que les rapports entre les personnes privées n’en relèvent pas directement. Le Conseil a également indiqué que le principe de laïcité interdit « à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les collectivités publiques et les particuliers » ([7]).

Les principes de neutralité et de laïcité du service public doivent être conciliés avec la liberté de conscience, qui est un principe fondamental reconnu par les lois de la République ([8]), et les libertés de conviction et d’expression religieuses, qui ont également une valeur constitutionnelle. La liberté de conscience est proclamée par l’article 10 de la Déclaration de 1789, qui affirme que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi ». Alors que la liberté de choisir ses convictions religieuses est absolue, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions n’est que relative car elle peut subir des restrictions.

Au sein des services publics, la liberté de manifester ses opinions ou croyances religieuses doit donc être conciliée avec les exigences particulières découlant des principes de laïcité de l’État et de neutralité des services publics.

2.   Les sources conventionnelles européennes

La Convention européenne des droits de l’homme, en son article 9 ([9]), et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en son article 10 ([10]), protègent les libertés de pensée, de conscience et de religion.

La Cour européenne des droits de l’homme déduit du caractère fondamental de la liberté religieuse une obligation de neutralité pour l’État ([11]) – elle interprète l’article 9 de la Convention comme ayant pour conséquence l’absence d’ingérence des États dans l’exercice des cultes – qu’elle assortit d’une large marge nationale d’appréciation. La Cour a ainsi jugé que « l’étendue et les modalités de la réglementation en matière de rapports entre l’État et les religions doit être dans une certaine mesure laissé à l’État concerné, puisqu’il dépend du contexte national concerné » ([12]). Elle a ainsi admis la présence de crucifix dans les salles de classe des écoles publiques italiennes ([13]).

La Cour exerce son contrôle sur les justifications apportées à l’appui de celle-ci. À cet égard, le caractère ostentatoire du signe religieux et la nature des fonctions de l’agent sont pour elle des éléments essentiels. La Cour a ainsi jugé que l’interdiction du port de tout signe religieux par un agent public, en l’espèce une assistante sociale employée par le centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, constitue une ingérence proportionnée au but poursuivi qui est le respect des principes de laïcité et de neutralité des services publics, et ne constitue pas une violation de l’article 9 de la Convention ([14]).

B.   Le champ d’application des principes de neutralité et de laïcité

À de rares exceptions près (cf. infra C.1.b), le champ d’application des principes de neutralité et de laïcité correspond à celui des services publics.

1.   En dehors des services publics, ces principes ne trouvent pas à s’appliquer en tant que tels

Les principes de neutralité et de laïcité ne trouvent pas à s’appliquer en tant que tels dans le secteur privé, sauf si l’organisme de droit privé est chargé de l’exécution d’une mission de service public.

Le droit du travail respecte le principe de liberté de conscience tout en permettant toutefois certaines restrictions proportionnées. « Il résulte de la combinaison des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché » ainsi que l’a relevé la Cour de cassation ([15]).

Ainsi, la mise en œuvre, dans une entreprise privée, de mesures restreignant la liberté des individus d’exprimer leurs convictions, notamment religieuses, peut être justifiée lorsque la sécurité au travail ou des impératifs de santé ou d’hygiène sanitaire sont en jeu.

Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché » ([16]).

L’édiction d’une clause de neutralité doit répondre aux règles définies par la chambre sociale de la Cour de cassation à la suite des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a confirmé la compatibilité d’une clause de neutralité avec le droit de l’Union européenne ([17]).

La Cour de cassation a ainsi précisé que « l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l’article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients » ([18]).

2.   Au sein des services publics, ces principes s’appliquent quel que soit le mode de gestion

a.   Les modes de gestion du service public sont d’une grande diversité

Un service public est une mission d’intérêt général assumée, directement ou indirectement, par une personne publique. En l’absence de qualification textuelle, l’identification d’un service public suppose donc de rechercher si se trouvent simultanément réunis un critère organique – le rattachement à une personne publique – et un critère matériel – le but d’intérêt général d’une activité.

L’existence d’un service public peut résulter de garanties constitutionnelles ou avoir été prévue par des dispositions législatives. Le législateur peut procéder à la qualification de service public, en associant une activité d’intérêt général et une personne publique. Mais des services publics peuvent également être créés par l’administration de l’État ou par les collectivités territoriales – à condition de respecter la liberté du commerce et de l’industrie et le droit à la concurrence ([19]) – ou assumés par elles.

On distingue deux principaux modes de gestion des services publics.

i.   La gestion par la personne publique elle-même

Le premier mode de gestion est la gestion directe par la personne publique par l’intermédiaire d’une régie simple ou autonome ou une personnalité juridique autonome : établissement public (centre communal d’action sociale, office public d’HLM, hôpital, etc.), groupement d’intérêt public (GIP) au sens de la loi n°2011‑525 du 17 mai 2011 ou encore personne publique sui generis, telle que la Banque de France.

ii.   La gestion par une personne privée sous le contrôle de la personne publique

Un organisme de droit privé n’est chargé d’une mission de service public que si une personne publique lui a confié ce service et continue à l’assumer.

Un service public susceptible d’être délégué peut être confié de plusieurs manières à un organisme de droit privé.

• Il peut faire l’objet d’une dévolution par voie contractuelle.

Plusieurs types de contrats peuvent avoir un tel objet. Il s’agit, à titre principal, de contrats soumis au code de la commande publique et plus précisément de marchés publics ou, plus souvent, de contrats de concession de service au sens de l’article L. 1121-3 de ce code. Mais d’autres types de contrats peuvent avoir cet objet, comme les contrats d’association conclus entre le ministère de l’Éducation nationale et les établissements sous contrat.

• Il peut être confié à un organisme de droit privé de manière unilatérale.

Lorsque le législateur qualifie expressément une activité d’intérêt général exercée par un organisme de droit privé de service public, il lui revient soit de lui confier directement cette activité (voir par exemple la société SNCF Réseau à l’article L. 2111-9 du code des transports ou la société Aéroports de Paris à l’article L. 6323-2 du même code) ou de fixer les modalités selon lesquelles elle lui sera confiée par voie unilatérale. Au titre de cette seconde hypothèse, peuvent être cités, par exemple, en matière hospitalière, les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) qui sont habilités par le directeur général de l’agence régionale de santé en application de l’article L. 6112-3 du code de la santé publique ou encore le service extérieur des pompes funèbres qui, en vertu de l’article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales, est une mission de service public qui peut notamment être exercée par les entreprises habilitées à cette fin.

En l’absence de prévisions expresses du législateur, les conditions d’exercice d’une mission par un organisme de droit privé peuvent révéler qu’il s’est vu confier un service public.

Il en va ainsi lorsque les dispositions législatives et réglementaires qui le régissent, même sans qualifier son activité de service public, lui accordent des prérogatives de puissance publique et organisent le contrôle de l’administration sur son activité ([20]).

Il en va également ainsi, lorsqu’il apparaît, au vu de l’intérêt général de son activité, des conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, des obligations qui lui sont imposées et des mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, que l’administration a entendu lui confier une mission de service public ([21]).

b.   Les obligations inhérentes à l’exercice d’une mission de service public sont identiques qu’il soit assuré par une personne publique ou par une personne privée

Le fait que le service public soit confié à une personne privée ne change pas la nature des obligations inhérentes à l’exécution du service public. L’ensemble des règles et principes généraux, jurisprudentiels et textuels, propres au service public trouvent à s’appliquer, comme les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité.

Le Conseil d’État a ainsi jugé que le fait que le service public soit confié à une personne privée ne change pas la nature des obligations inhérentes à l’exécution du service public ([22]). Il l’a confirmé dans son étude rendue à la demande du Défenseur des droits en décembre 2013.

La chambre sociale de la Cour de cassation a également rappelé, à propos du règlement intérieur d’une caisse primaire d’assurance maladie qui interdisait à ses salariés le port du foulard islamique, que « Les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s’appliquer aux agents [qu’ils emploient], ces derniers sont soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires » ([23]).

C.   La portée des principes de neutralité et de laïcité

1.   À l’égard des agents

a.   Une application stricte

Indépendamment de leur qualité d’agent public ou de salarié de droit privé, tous les agents exerçant une mission de service public, quelles que soient leurs fonctions, sont soumis au strict respect des principes de neutralité et de laïcité.

D’origine jurisprudentielle, ces principes ont été inscrits dans le statut général de la fonction publique par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ([24]).

Le principe de neutralité interdit que le service public soit assuré de manière différente selon les convictions du personnel ou des usagers. Ainsi, les agents ne doivent pas avantager ou pénaliser, pour des raisons politiques, philosophiques, raciales, ethniques ou religieuses, un usager ([25]) ou un cocontractant ([26]). Ce principe a également pour conséquence que les locaux du service doivent être des espaces neutres.

Le principe de neutralité religieuse fait en particulier obstacle à ce que les agents disposent du droit de manifester leurs croyances religieuses. Le Conseil d’État a ainsi précisé que « le fait pour un agent (…) de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations » ([27]).

Le principe de laïcité interdit ainsi le prosélytisme de la part d’un agent durant son service, qui peut prendre la forme, par exemple, de la distribution aux usagers d’imprimés à caractère religieux ([28]) ou de l’utilisation de moyens de communication fournis par le service pour faire la promotion d’une association cultuelle ([29]).

Par ailleurs, le port d’un signe religieux est constitutif d’une faute pouvant justifier une sanction disciplinaire à l’encontre de l’agent ([30]), même si « la rigueur du principe n’interdit pas une modulation des éventuelles sanctions en fonction des manquements constatés » ([31]). L’administration doit notamment tenir compte de la nature et du degré du caractère ostentatoire de ce signe, de la nature des fonctions confiées à l’agent, ainsi que de l’exercice par lui soit de prérogatives de puissance publique, soit de fonctions de représentation ([32]).

Si le port de la barbe ne constitue pas à lui seul un signe d’appartenance religieuse ([33]), il en va autrement lorsque des éléments établissent qu’il représente effectivement la manifestation d’une revendication religieuse. Ainsi, lorsque l’agent s’est étendu dans la presse sur le fait que son refus de couper sa barbe afin de se conformer aux instructions de sa hiérarchie, relatives à l’utilisation d’équipements de sécurité, était motivé par des questions religieuses, il a manqué à l’obligation de neutralité religieuse ([34]).

Le Premier ministre a édicté une charte de la laïcité dans les services publics qui, devant être affichée dans les lieux publics, souligne que « le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l’exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations » avant d’ajouter qu’« il appartient aux responsables des services publics de faire respecter l’application du principe de laïcité dans l’enceinte de ces services » ([35]).

La ministre de la fonction publique a rappelé, dans une circulaire du 15 mars 2017, que les principes de neutralité et de laïcité font obstacle à ce que les agents publics disposent dans le cadre du service public, quelle que soit la nature de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances et leur appartenance religieuse. Ainsi, tout signe religieux visible est interdit et toute attitude qui pourrait être la marque d’une adhésion à une croyance particulière, même si l’agent n’est pas en contact avec le public, est interdite. Elle précise également que les stagiaires, les apprentis ainsi que les volontaires du service civique accueillis dans les administrations sont soumis à l’obligation de neutralité ([36]).

b.   Les exceptions à l’exigence de neutralité religieuse dans les services publics

Des exceptions trouvent à s’appliquer, en particulier lorsque l’exécution d’un service public est confiée à des organismes privés qui se sont constitués sur un fondement religieux.

Il en va ainsi en matière d’enseignement privé, dans le cadre du principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté d’enseignement ([37]), avec lequel doit être concilié le caractère laïc de l’enseignement public. Il en résulte que si les établissements d’enseignement privés sous contrat doivent accepter des élèves de toutes les confessions et garantir leur totale liberté de conscience, ils peuvent conserver un « caractère propre » ([38]), notamment religieux, que les enseignants et les élèves doivent respecter ([39]). À cet égard, le Conseil d’État a précisé que l’obligation faite par le règlement intérieur d’un établissement privé à tous les personnels de respecter le caractère propre de l’établissement n’est légale que « si celui-ci précise, d’une part, que le respect du caractère propre de l’établissement ne saurait permettre qu’il soit porté atteinte à la liberté de conscience des intéressés et, d’autre part, que les obligations qui en résultent doivent s’apprécier eu égard à la nature des fonctions exercées par les personnels qui y sont soumis » ([40]).

C’est également le cas lorsqu’il s’agit d’assurer le libre exercice du culte des personnes qui, dans les hôpitaux ou les prisons, ne peuvent l’exercer par elles-mêmes, le service public y faisant obstacle. C’est le sens du deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État qui, par dérogation, autorise, dans ces cas particuliers, les dépenses publiques relatives à des services d’aumônerie.

Enfin, des raisons historiques expliquent que des structures à vocation religieuse ou défendant des valeurs religieuses exercent des missions de service public en matière pénitentiaire ou hospitalière. Ainsi, l’administration pénitentiaire et le juge ont admis la participation au service public de surveillance de « surveillants congréganistes » qui sont des religieux qui assument des fonctions complémentaires de soutien à la prise en charge des détenus. Il n’y a alors pas d’exigence de respect du principe de neutralité religieuse ; en revanche, il est fait obligation de traiter également tous les usagers du service et de ne faire aucun prosélytisme ([41]). De même, les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), qui assurent à ce titre, une ou plusieurs missions de service public, peuvent être gérés par des congrégations.

2.   À l’égard des usagers

Compte tenu de leur qualité, les usagers des services publics ne sont pas soumis au respect des principes de neutralité et de laïcité. Ils peuvent donc exprimer leurs opinions, notamment religieuses, sous réserve que cette expression ne soit pas constitutive d’un trouble à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service, dont le maintien résulte de l’article 10 de la Déclaration de 1789.

Comme le rappelle la charte de la laïcité, « les usagers du service public ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, dans les limites du respect de la neutralité du service public et du bon fonctionnement de celui-ci ».


Dispositions de la charte de la laïcité dans les services publics relatives aux usagers

Tous les usagers sont égaux devant le service public.

Les usagers des services publics ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d’ordre public, de sécurité, de santé et d’hygiène.

Les usagers des services publics doivent s’abstenir de toute forme de prosélytisme.

Les usagers des services publics ne peuvent récuser un agent public ou d’autres usagers, ni exiger une adaptation du fonctionnement du service public ou d’un équipement public.

Cependant, le service s’efforce de prendre en considération les convictions des usagers dans le respect des règles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement.

Lorsque la vérification de l’identité est nécessaire, les usagers doivent se conformer aux obligations qui en découlent.

Les usagers accueillis à temps complet dans un service public, notamment au sein d’établissements médico-sociaux, hospitaliers ou pénitentiaires ont droit au respect de leurs croyances et peuvent participer à l’exercice de leur culte, sous réserve des contraintes découlant des nécessités du bon fonctionnement du service.

Ainsi, les contraintes inhérentes aux missions du service public hospitalier et aux conditions dans lesquelles il est assuré justifient que l’expression des convictions religieuses au sein des établissements de santé ne doive pas porter atteinte à la qualité des soins et aux règles d’hygiène – le malade doit accepter la tenue vestimentaire imposée compte tenu des soins qui lui sont donnés –, à la tranquillité des autres personnes hospitalisées et de leurs proches et au fonctionnement régulier du service ([42]).

En matière d’enseignement, il a été jugé que les élèves des établissements publics d’enseignement du second degré ne peuvent bénéficier individuellement d’autorisations d’absence nécessaires à l’exercice d’un culte ou à la célébration d’une fête religieuse que dans les cas où elles sont compatibles avec l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études et avec le respect de l’ordre public dans l’établissement ([43]).

Le législateur a par ailleurs interdit le port des signes religieux à l’école. Après l’avis rendu par le Conseil d’État le 27 novembre 1989 sur le foulard islamique ([44]), la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a introduit, dans le code de l’éducation, l’article L. 141-5-1 qui interdit aux élèves de ces établissements le port de signes ou de tenues par lesquels ils manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.

3.   À l’égard des tiers

Dans son étude du 19 décembre 2013, le Conseil d’État relève qu’« entre l’agent et l’usager, la loi et la jurisprudence n’ont pas identifié de troisième catégorie de « collaborateurs » ou « participants », qui serait soumise en tant que telle à l’exigence de neutralité religieuse » avant d’ajouter que « l’emploi, par diverses sources et pour des finalités diverses, de la notion de « collaborateur », « collaborateur occasionnel » ou « participant » ne dessine pas une catégorie juridique dont les membres seraient, entre autres, soumis à l’exigence de neutralité religieuse ».

Extrait de l’étude du Conseil d’État demandée par le Défenseur des droits le 20 septembre 2013

En premier lieu, la théorie des « collaborateurs occasionnels des services publics », au sens que la jurisprudence administrative a donné à cette notion, est purement fonctionnelle. Elle puise sa source dans la théorie du risque professionnel inventée à la fin du XIXème siècle ([45]) et a pour seul objet d’indemniser des personnes qui, en prêtant un concours occasionnel, ont subi un dommage ([46]) . Malgré le développement des assurances et de la sécurité sociale, cette théorie reste d’actualité. Elle a été appliquée par exemple à la mère d’une élève, blessée à l’occasion d’une sortie pédagogique. De cette théorie fonctionnelle, le juge n’a déduit à ce jour aucun statut auquel seraient soumises les personnes apportant leur concours au service public : si les dommages causés par ces collaborateurs sont également indemnisés par l’administration, ces personnes n’en deviennent pas pour autant des agents du service public auxquels pourraient être imposées des obligations ou des sujétions statutaires.

En deuxième lieu, plus généralement, pour le juge administratif et les litiges relatifs à l’organisation ou au fonctionnement des services publics qui lui sont soumis, il existe des agents, des usagers et des tiers, ces derniers ayant pour caractéristique soit de n’avoir aucune relation avec le service public, soit d’avoir une relation différente de celle des agents et des usagers. Dans cette approche, ni le Conseil d’État, ni la Cour de Cassation n’ont reconnu l’existence de « participants » à l’exécution du service public. Et s’agissant du service public de l’éducation, en dehors de l’hypothèse du dommage subi du fait d’une collaboration bénévole qui s’inscrit dans la théorie précédemment décrite, le Conseil d’État regarde les parents d’élèves comme des usagers ([47]), dont le comportement peut être soumis aux exigences ci-après.

En dernier lieu, l’emploi par de nombreux textes des expressions « collaborateur », « collaborateur occasionnel », « participant » ou de leurs synonymes, pour des raisons de commodité, ne révèle pas plus l’existence d’une catégorie homogène et pertinente de « collaborateurs du service public ». Ces textes dessinent en réalité deux cas de figure bien distincts :

– soit ils appliquent les règles qu’ils prévoient à de véritables agents publics ;

– soit ils étendent à des tiers des règles généralement applicables à des agents publics. Dans ce cas toutefois, cette assimilation ne vaut que pour la règle prescrite par le texte et n’entraîne en rien l’application de l’ensemble des sujétions imposées aux agents publics.

Les personnes tierces au service public ne sont pas soumises aux obligations de neutralité et de laïcité. Pour autant, des restrictions à la liberté de manifester des opinions, en particulier religieuses, peuvent résulter soit de textes particuliers soit de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service.

Ainsi, en matière de justice criminelle, des limitations sont apportées à la liberté d’expression. Ainsi, en application de l’article 311 du code de procédure pénale, les jurés de cours d’assises ont le devoir de ne pas manifester leur opinion. De même, l’article 309 de ce code, qui confie au président de la cour d’assises la police de l’audience, lui permet de prendre les mesures nécessaires au maintien de l’ordre dans la salle d’audience. L’article 321 précise que lorsque l’une des personnes assistant à l’audience trouble l’ordre, le président ordonne son expulsion.

En matière d’enseignement, les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses.

Enfin, en matière de service pénitentiaire, les personnes qui apportent leur concours au service public pénitentiaire, comme les visiteurs de prison, sont soumises au respect du code de déontologie de ce service ([48]), qui énonce à leur égard des obligations générales pouvant conduire à restreindre leur liberté d’expression religieuse, comme celle d’intervenir dans une stricte impartialité vis-à-vis de ces personnes.

II.   Les dispositions du projet de loi

Alors que certains organismes privés ou publics chargés de l’exécution d’un service public – en particulier parmi les entreprises délégataires de transports publics – sont confrontés à des difficultés pour faire appliquer les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité, l’article 1er du projet de loi poursuit deux objets :

– clarifier le champ d’application des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité pour les organismes de droit privé par l’inscription dans la loi de la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation relative aux services publics ;

– renforcer l’effectivité de ces principes en garantissant aux personnes publiques auxquelles se rattachent ces services publics des voies de droit leur permettant de s’assurer de leur respect.

Comme l’indique l’étude d’impact, deux lignes directrices ont présidé à la définition du champ d’application de l’article 1er.

La première est de tenir compte de la complexité de la notion de service public, qui conduit nécessairement à laisser des cas d’exécution du service public par un organisme privé ou public hors du champ d’application de cet article. Comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, « ceux-ci, quand bien même ils ne ressortissent pas de l’application du I et du II ne sont pas pour autant exonérés du respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent à eux à raison de leur participation à l’exécution du service public, principes dégagés par la jurisprudence qui doit demeurer ».

La seconde est de ne pas étendre le champ d’application dégagé par la jurisprudence.

D’une part, il s’agit de ne pas introduire de dispositions qui auraient pour effet de rendre ces principes applicables à des personnes qui ne participent pas directement à l’exercice d’une mission de service public, comme les agents d’entretien ou les personnes chargées de fonctions dites « support » lorsque leur mission est éloignée de la mission de service public. L’étude d’impact souligne ainsi que « c’est in concreto que devra être appréciée la situation de chacune des catégories de salariés, qui seront soumis ou non à des règles spécifiques par l’intermédiaire du règlement intérieur ».

D’autre part, le champ d’application de ces dispositions ne s’étend pas à toute entité chargée d’une mission de service public. Il s’agit par là, ainsi que le relève le Conseil d’État dans son avis, de « ne pas remettre en cause des restrictions à l’application du principe de laïcité du service public aujourd’hui admises par des lois, telles que les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements d’enseignement privé ou celles du code de la santé publique relatives aux établissements de santé privés d’intérêt collectif, ou par la jurisprudence ».

Le projet de loi par ailleurs évite de créer, par un énoncé trop général, une situation d’incertitude juridique pour les divers organismes, notamment associatifs, participant à des missions d’intérêt général sans que la loi, le règlement ou le contrat qui leur confient cette mission ne les aient eux-mêmes qualifiées de service public.

L’article 1er distingue deux cas : d’une part, le cas où l’exécution d’une mission de service public est confiée par la loi ou par le règlement et, d’autre part, le cas où elle résulte d’un contrat de la commande publique.

A.   l’exécution de la mission de service public est confiée par la loi ou par le règlement

• Le I prévoit tout d’abord que, lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction ([49]), lorsqu’ils participent à l’exécution du service public, s’abstiennent de manifester leurs opinions, notamment religieuses, et traitent de façon égale toutes les personnes.

Selon l’étude d’impact, sont visés les organismes qui sont nommément chargés de l’exécution d’une mission de service public, à l’exclusion des catégories générales qui relèvent de l’initiative privée et peuvent se voir confier l’exécution d’une mission de service public s’ils en remplissent les conditions et que l’administration le leur permet par un acte d’agrément ou de désignation.

Il s’agit d’organismes désignés par la loi ou par le règlement comme devant exercer une mission de service public (comme, par exemple, la société SNCF Réseau dont les missions de service public sont prévues par l’article L. 2111-9 du code des transports) ou de structures qui, sans être désignées expressément par le texte, sont créées à l’initiative des autorités publiques et dans des conditions telles que leur seule création manifeste la volonté de leur attribuer un service public. C’est ainsi le cas des caisses locales de sécurité sociale (caisses d’allocations familiales, caisses primaires d’assurances maladie, etc.), des missions locales ou encore des offices publics de l’habitat.

En revanche, sont exclus du champ du I de l’article 1er, les organismes privés, même désignés par la loi, qui sont soumis à une habilitation, un agrément ou toute autre forme de décision de l’autorité publique. C’est le cas, par exemple, des établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC), qui sont soumis à une habilitation donnée par l’agence régionale de santé et peuvent être dirigés par des congrégations religieuses, ou des sociétés anonymes d’habitations à loyers modérés, dont la participation à ce service public requiert un agrément.

• Le I ajoute que l’organisme veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public s’assure du respect de ces obligations. Il s’agit ainsi de permettre l’application de ces principes aux sous-traitants.

• Le I renvoie enfin aux dispositions réglementaires applicables à ces organismes la définition des modalités de contrôle et de sanction de ces obligations.

• Le I sera applicable aux organismes de droit public et de droit privé chargés de l’exécution d’un service public en vertu d’une loi ou d’un règlement à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

B.   L’EXÉCUTION DE LA MISSION DE SERVICE PUBLIC EST CONFIÉE PAR un contrat de la commande publique

Le II et le III visent les cas où l’exécution d’une mission de service public est confiée par un contrat de la commande publique.

1.   Le principe

• Le II dispose que, lorsqu’un contrat de la commande publique a pour objet, en tout ou partie, l’exécution d’un service public, son titulaire est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu’ils participent à l’exécution du service public, s’abstiennent de manifester leurs opinions, notamment religieuses, et traitent de façon égale toutes les personnes.

Sont concernés les contrats de la commande publique au sens de l’article 2 du code de la commande publique, c’est-à-dire les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques.

Les contrats de la commande publique sont les marchés publics et les contrats de concession, quelle que soit leur dénomination.

Selon l’étude d’impact, sont concernés les contrats passés conformément aux dispositions du code de la commande publique mais également ceux qui, répondant à la définition d’un contrat de la commande publique, sont attribués en application de règles sectorielles, tels que les contrats concernant les transports publics en Île-de-France, les lignes d’équilibre du territoire opérées par la SNCF ou encore les aéroports concédés.

Comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, ces dispositions « n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d’écarter un candidat à la passation d’un tel contrat au seul motif qu’il s’agirait d’un organisme, association ou autre, se réclamant d’un courant de pensée ou d’inspiration confessionnelle ».

Par ailleurs, ne sont pas concernées d’autres formes contractuelles d’association au service public ne relevant pas de la commande publique, telles que, en matière d’enseignement privé, le contrat d’association prévu à l’article L. 442-5 du code de l’éducation.

• Le II ajoute que le titulaire du contrat doit veiller à ce que toute autre personne à laquelle il confie pour partie l’exécution du service public s’assure du respect de ces obligations.

Compte tenu du fait que le critère retenu pour le respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité est la participation à une mission de service public, l’ensemble des sous-traitants qui se voient confier l’exécution d’une telle mission, qu’ils soient sous-traitants directs ou sous-traitants de rang inférieur, est visé. En particulier, la mise en œuvre de ces principes par les sous-traitants de rang inférieur résulte d’une application en chaine d’obligations législatives déclinées dans la relation contractuelle. Ainsi, le sous-traitant doit respecter les principes énoncés parce que la loi l’exige de son co-contractant et non du fait de la loi elle-même, qui ne s’applique qu’au titulaire du contrat de la commande publique.

• Le II indique enfin que les clauses du contrat rappellent ces obligations et précisent les modalités de contrôle et de sanction du cocontractant lorsque celui-ci n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés.

Cette disposition permettra d’imposer l’introduction de clauses spécifiques dans les contrats de la commande publique.

2.   L’entrée en vigueur

Le III prévoit que les dispositions relatives aux clauses du contrat s’appliquent aux contrats de la commande publique pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de la date de publication de la présente loi.

Il précise ensuite que les contrats pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est en cours à la date de publication de la présente loi et les contrats en cours à cette même date sont modifiés, en tant que de besoin, pour se conformer aux obligations dans les vingt-quatre mois suivant cette date. Les contrats confiant l’exécution de services publics – pour l’essentiel des contrats de concession – étant fréquemment conclus pour une durée longue, il convient en effet de prévoir que ceux en cours ou dont la procédure de consultation est en cours seront également soumis aux obligations de respect des principes de neutralité et de laïcité du service public.

Il ajoute enfin que cette obligation de mise en conformité ne s’applique pas à ceux de ces contrats dont le terme intervient dans les trente-six mois suivant la date de publication de la présente loi, afin que les obligations nouvelles pesant sur les contrats en cours restent proportionnées aux objectifs recherchés.

III.   La position de la commission

À l’initiative de M. Xavier Breton (LR) et suivant l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a tout d’abord précisé que les salariés ou les personnes sur lesquelles l’organisme de droit public ou de droit privé, qui s’est vu confier une mission de service public par la loi ou par le règlement, exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction doivent, dans l’exercice de cette mission, s’abstenir de manifester leurs opinions non seulement religieuses mais également politiques. Elle a procédé à cette même précision pour les titulaires d’un contrat de la commande publique, à l’initiative de M. Xavier Breton (LR) d’une part et de M. Jacques Marilossian (LaREM) d’autre part.

Sur proposition de Mme Laurianne Rossi et avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a ensuite ajouté que les services de transport à la personne librement organisés ou non conventionnés, en tant qu’ils participent à une mission de service public à la date du 1er janvier 2021, sont également soumis aux obligations de respect des principes d’égalité, de neutralité et de laïcité.

À l’initiative de Mme Isabelle Florennes et des membres du groupe DEM, la commission a enfin indiqué que le titulaire d’un contrat de la commande publique doit communiquer à l’acheteur ou à l’autorité concédante les contrats de sous-traitance conclus pour l’exécution du service public.

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Article 1er bis
(art. L. 721-2 du code de l’éducation)
Formation des enseignants et des personnels de l’éducation au principe de laïcité

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Issu d’un amendement du rapporteur général, cet article additionnel ajoute, parmi les missions des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPÉ) définies par l’article L. 721-2 du code de l’éducation, celle de dispenser aux futurs enseignants, aux enseignants et aux personnels de l’éducation une formation spécifique relative au principe de laïcité.

Si les personnels enseignants et de l’éducation font partie des agents publics pour lesquels l’article 1er ter du présent projet de loi prévoit une obligation de formation au principe de laïcité, il convient de préciser, au sein du code de l’éducation, qu’une telle formation leur est dispensée, dans le cadre de leur formation initiale mais également continue, compte tenu des spécificités de leurs missions et des publics auxquels ils s’adressent.

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Article 1er ter
(art. 25 et 28 ter [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 14 et 23 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale)
Formation des agents publics au principe de laïcité et mise en place systématique d’un référent « laïcité » au sein des administrations

Introduit par la commission

     Résumé du dispositif et effets principaux

Issu de deux amendements du Gouvernement, adoptés avec un avis favorable de la rapporteure, cet article additionnel prévoit l’obligation de formation au principe de laïcité de tous les agents publics et consacre la fonction de référent « laïcité » au sein de l’ensemble des administrations des trois versants de la fonction publique.

● Le du I du présent article ajoute, à l’article 25 de la loi portant statut général de la fonction publique ([50]), aux devoirs auxquels est astreint tout fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions (dignité, impartialité, intégrité, probité, égalité, neutralité et laïcité) que ce dernier est formé au principe de laïcité.

Cette disposition s’appliquera à l’ensemble des agents publics (qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels ([51])) des trois versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière).

Pour assurer l’effectivité de cette mesure, le Gouvernement s’est engagé à définir un socle minimal de compétences que devront maîtriser l’ensemble des fonctionnaires dans l’exercice de leurs missions et à élaborer un guide pratique de la laïcité à destination de tous les agents publics.

● Le du I et le II du présent article consacrent au niveau législatif la fonction de référent « laïcité » au sein de l’ensemble des administrations.

En effet, aujourd’hui, c’est en application de la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique, qu’un référent « laïcité » doit être identifié dans chaque administration. Aux termes de cette circulaire, « Selon les spécificités des missions et l’organisation de chaque administration, les conseils en la matière pourront être apportés soit par un correspondant ou un référent « laïcité » dédié, soit par le référent déontologue créé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ».

Extrait de la circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique

Les collectivités territoriales affiliées à un centre de gestion peuvent demander, avec l’accord du président du centre de gestion, à ce que cette fonction soit exercée par le référent déontologue.

Depuis fin 2011, un référent laïcité est déjà en place dans les établissements hospitaliers et dans les agences régionales de santé (circulaire n° DOS/RH4/2011/356 du 5 septembre 2011 relative à la charte des aumôneries dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986). Il convient de les conforter dans cette mission.

Selon l’organisation mise en place dans chaque administration, il convient d’informer, par tout moyen, les agents publics en relevant de l’identité et des coordonnées du correspondant ou du référent en charge des questions de laïcité.

Afin d’assurer cette mission, il conviendra que le correspondant ou le référent dispose des moyens nécessaires et qu’il ait reçu une formation appropriée à l’aide notamment des modules de formation précédemment exposés et lui permettant d’apporter, tant sur le fond que dans l’accompagnement, les réponses aux difficultés rencontrées par les agents.

Il est enfin rappelé que l’existence d’un référent laïcité ne doit pas conduire à méconnaître le rôle primordial de l’autorité hiérarchique, qui est chargée de veiller au respect du principe de laïcité dans les services placés sous son autorité, dans les conditions précédemment exposées.

Aussi, le du I du présent article insère un nouvel article 28 ter dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que les administrations, collectivités et établissements publics désignent un référent « laïcité ». Il prévoit également que ce dernier est chargé d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité au fonctionnaire ou au chef de service qui le consulte, avant d’ajouter que ces fonctions s’exercent sous réserve de la responsabilité et des prérogatives du chef de service. Il renvoie enfin à un décret en Conseil d’État la détermination des missions ainsi que des modalités et des critères de désignation des référents « laïcité ».

Le Gouvernement a précisé que le référent « laïcité » pourra répondre aux sollicitations individuelles des agents publics sur l’application du principe de laïcité et les aider à faire face aux situations auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leurs fonctions. Il pourra également assister les chefs de service, qui sont chargés de veiller au respect du principe de laïcité dans les services placés sous leur autorité ([52]), par exemple, en répondant à des sollicitations sur des situations individuelles ou en élaborant des recommandations de portée générale sur l’application de ce principe.

Le II du présent article ajoute, aux articles 14 et 23 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la possibilité, pour les petites collectivités territoriales, de rattacher le référent « laïcité » au centre de gestion auquel elles sont affiliées.

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Article 2
(art. L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales)
Élargissement de la procédure dite du « déféré accéléré » aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend la procédure accélérée de suspension sur déféré préfectoral aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Aux termes de l’article 72 de la Constitution, « les collectivités [territoriales] s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » tandis que « le représentant de l’État (…) a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

Conformément à ces principes, les articles L. 2131-6 – pour les communes –, L. 3132-1 – pour les départements – et L. 4142-1 – pour les régions – du code général des collectivités territoriales prévoient que le préfet défère au tribunal administratif les actes ([53]) qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Il en informe sans délai l’autorité qui a pris l’acte et lui communique toutes précisions sur les illégalités invoquées, de telle sorte qu’elle puisse, le cas échéant, retirer l’acte sans attendre le jugement du tribunal administratif.

Le préfet peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il s’agit ainsi de « geler » la situation tant que le règlement du litige n’est pas intervenu, de telle sorte que l’acte ne produise pas d’effets difficilement réversibles s’il était finalement annulé par le juge administratif. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est alors statué dans un délai d’un mois.

La suspension de l’exécution de l’acte du seul fait de la demande du préfet est en outre prévue dans un nombre limité de domaines. Ainsi, la demande de suspension en matière d’urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l’État dans les dix jours à compter de la réception de l’acte entraîne la suspension de celui-ci jusqu’à ce que le président du tribunal administratif ait statué. Cependant, si ce dernier n’a pas statué au terme d’un délai d’un mois à compter de la réception, l’acte redevient exécutoire.

Enfin, une procédure accélérée, dite de « déféré accéléré » est prévue lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle. Le président du tribunal administratif en prononce alors la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d’appel devant le Conseil d’État dans la quinzaine de la notification. Le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué à cet effet statue alors dans un délai de quarante-huit heures.

Il ressort de la jurisprudence que seules certaines mesures de police sont de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle.

Ainsi, le juge administratif reconnaît-il cette qualité aux mesures telles que l’interdiction de la circulation sur une voie communale ([54]), l’interdiction des stands politiques pendant la durée d’une foire ([55]), la fermeture d’un centre commercial ([56]), la réquisition d’un logement ([57]) ou encore l’interdiction de la circulation des véhicules de plus de dix tonnes dans une rue ([58]). Le Conseil d’État a confirmé que constituaient des actes de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle un arrêté municipal réglementant l’activité des chauffeurs de taxis assurant la desserte de la commune ([59]), un arrêté municipal prévoyant que les enfants de moins de douze ans non accompagnés circulant de nuit pourront être conduits par la force publique chez leurs parents ([60]) ou encore un arrêté interdisant toute circulation et tout stationnement des véhicules lourds sur l’ensemble des voies et chemins communaux ([61]).

En revanche, ne portent pas illégalement atteinte à une liberté des mesures de police telles que l’interdiction de survol du territoire communal limitée aux aéronefs répandant des produits chimiques ([62]) ou l’interdiction de la vente ou de la distribution gratuite de journaux et de tracts et de la mise en circulation de pétitions sur le marché et ses alentours immédiats les jours où il a lieu ([63]).

En dehors du domaine de la police, aucun acte n’a, semble-t-il, été considéré jusqu’à présent comme de nature à compromettre l’exercice d’une liberté, qu’il s’agisse d’un arrêté municipal organisant un concours de recrutement ([64]), d’une délibération supprimant le service de ramassage scolaire dans une commune voisine ([65]) ou encore de décisions du conseil municipal et d’un arrêté municipal décidant de ne pas modifier les horaires d’ouverture des écoles maternelles et élémentaires pour préserver le mercredi matin ([66]).

Il apparaît donc qu’un acte qui porterait gravement atteinte au principe de neutralité des services publics ne pourrait se voir appliquer la procédure accélérée de suspension sur déféré que s’il portait également atteinte à une liberté publique ou individuelle.

Il convient enfin de souligner qu’à la différence de la procédure de référé-liberté prévue à l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ne sont expressément prévues ni la condition d’urgence ni celle d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Aussi, les personnes qui s’estiment victimes d’une atteinte à une liberté peuvent trouver intérêt à demander au préfet d’engager devant le juge administratif cette procédure accélérée de suspension sur déféré.

2.   Les dispositions du projet de loi

Compte tenu du fait que les actes qui portent gravement atteinte au principe de neutralité des services publics, comme un règlement de piscine interdisant la mixité pour des raisons confessionnelles ou un marché public contenant des clauses à portée confessionnelle, figurent parmi les dysfonctionnements les plus graves du service public et qu’il convient de les faire cesser au plus vite, l’article 2 du projet de loi étend la procédure du « déféré accéléré » à ces actes.

À cet effet, il inclut aux articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales les actes de nature à porter gravement atteinte au principe de neutralité des services publics, conformément à la recommandation faite par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([67]).

Ainsi, en cas d’atteintes au principe de neutralité des services publics, particulièrement lorsqu’elles affectent des services publics directement en rapport avec les usagers tels que les équipements sportifs, les cantines ou les bibliothèques, le juge pourra statuer sur les demandes de suspension dans un délai de quarante-huit heures, en première instance comme en appel devant le Conseil d’État.

Il apparaît en effet préférable de privilégier le recours à la procédure du « déféré accéléré », qui permet que l’appréciation de l’existence d’actes qui portent gravement atteinte au principe de neutralité des services publics, qui peut s’avérer délicate, relève de la compétence du juge, plutôt que du préfet. Comme l’a souligné le Conseil d’État, « les dispositions [de l’avant-projet de loi] créant un déféré suspensif nouveau assorti de la reconnaissance d’un pouvoir de substitution du préfet modifient de façon excessive l’équilibre du contrôle administratif et du respect des lois par les collectivités territoriales ».

Le Conseil d’État a par ailleurs rappelé que « même sans texte le juge peut ordonner toute mesure nécessaire y compris une injonction sous astreinte ».

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 3
(art. 706-25-4, 706-25-6 et 706-25-7 du code de procédure pénale)
Élargissement du fichier national des auteurs d’infractions terroristes aux auteurs d’apologie et de provocation à des actes terroristes

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article intègre dans le champ d’application du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) les délits de provocation à des actes de terrorisme, d’apologie publique du terrorisme et d’entrave à l’efficacité d’une procédure de blocage d’un service de communication au public en ligne et inverse la logique d’inscription dans ce fichier, qui devient obligatoire, sauf décision spécialement motivée.

       Modifications apportées par la commission

La commission a souhaité que soient enregistrées, dès leur prononcé et de plein droit, les décisions d’irresponsabilité pénale prononcées par les juridictions et a clarifié la répartition des compétences entre le siège et le parquet en retirant au ministère public l’appréciation d’un éventuel non-enregistrement de la décision d’irresponsabilité pour la confier à la juridiction qui a pris la décision. Elle a également soumis les auteurs d’apologie du terrorisme et de provocation à des actes terroristes aux obligations de justifier de leur adresse et de déclarer leurs changements d’adresse et leurs déplacements à l’étranger, pendant cinq ans s’ils sont majeurs ou trois ans s’ils sont mineurs.

A.   Le fichier national des auteurs d’infractions terroristes

Créé par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement et mis en service le 1er juillet 2016, le fichier national des auteurs d’infractions terroristes poursuit un double objectif : prévenir le renouvellement des infractions terroristes et faciliter l’identification de leurs auteurs ([68]). À cet effet, il recense les personnes âgées de treize ans ou plus qui sont condamnées ou mises en cause pour des infractions terroristes.

Tenu par le service du casier judiciaire national sous l’autorité du ministre de la Justice et le contrôle d’un magistrat, ce fichier a pour objet de recevoir, conserver et communiquer aux personnes habilitées les informations relatives à l’identité ainsi que l’adresse des résidences des auteurs d’actes de terrorisme.

1.   Le champ d’application

Aux termes de l’article 706-25-4 sont concernées :

– les infractions de terrorisme visées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal – comme la participation à un groupement formé ou à une entente en vue d’accomplir un acte terroriste, les atteintes volontaires à la vie en relation intentionnelle avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ou encore le financement d’une entreprise terroriste –, à l’exclusion de celles prévues aux articles 421-2-5 à 421-2-5-1 qui concernent la provocation et l’apologie publique d’actes terroristes ainsi que l’extraction, la reproduction et la transmission de données faisant l’apologie d’actes de terrorisme ou provoquant à leur commission afin d’entraver une procédure de blocage d’un service de communication au public en ligne ;

– les infractions mentionnées aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure qui portent sur la violation d’une interdiction de sortie du territoire prononcée par le ministre de l’Intérieur et l’absence de restitution de passeport ou de carte nationale d’identité à l’issue de la notification de l’interdiction ainsi que sur le non-respect d’une mesure d’assignation à résidence et sur la violation de mesures d’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes.

Seules les décisions judiciaires énumérées à l’article 706-25-4 du code de procédure pénale conduisent à l’inscription d’un individu. Il peut s’agir :

– d’une condamnation, même non définitive, en France ou à l’étranger ;

– d’une décision d’irresponsabilité pénale pour trouble mental ;

– d’une décision, même non définitive, prononcée contre un mineur de plus de treize ans ;

– d’une mise en examen lorsque le juge d’instruction a ordonné l’inscription de la décision dans le fichier. Il convient de souligner que les juges d’instruction n’ont jusqu’à présent pas prononcé d’inscription de personnes mises en examen.

Les décisions concernant des mineurs âgés de moins de treize ans ne sont pas inscrites dans le fichier.

2.   Les modalités de fonctionnement

a.   La conservation des données

Il revient au procureur de la République de faire procéder à l’enregistrement des informations devant figurer dans le fichier ([69]).

En vertu de l’article 706-25-6 du code de procédure pénale, la durée de conservation des données varie selon la nature de l’infraction et le fait que la personne est ou non majeure.

Courant à compter du prononcé de la décision ou de la libération de l’intéressé lorsque ce dernier exécutait une peine privative de liberté sans sursis en exécution de la condamnation, cette durée est de :

– vingt ans pour l’auteur d’infractions terroristes s’il est majeur ou dix ans s’il est mineur ;

– cinq ans pour l’auteur d’infractions figurant aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure ou trois ans s’il est mineur.

Les données sont également effacées automatiquement au décès de l’intéressé ou à l’occasion d’une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

Un effacement anticipé peut également être sollicité par voie de requête par la personne inscrite suivant les conditions posées par l’article 706-25-12 du code de procédure pénale.

Enfin, il convient de souligner que l’amnistie ou la réhabilitation ainsi que les règles propres à l’effacement des condamnations figurant au casier judiciaire n’entraînent pas l’effacement de ces informations ([70]).

b.   L’accès aux données

Les possibilités d’interconnexion et de rapprochement sont définies de façon limitative : seule une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées (FPR) est prévue ([71]).

i.   Les personnes inscrites

L’accès aux données enregistrées est assuré à la personne inscrite.

En effet, toute personne dont l’identité est enregistrée dans le fichier en est informée par l’autorité judiciaire soit par notification lors de l’audience, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la dernière adresse déclarée, soit, à défaut, par le recours à la force publique par l’officier de police judiciaire, avec l’autorisation préalable du procureur de la République.

Elle est également informée des mesures et obligations auxquelles elle est astreinte et des peines encourues en cas de non-respect de ces obligations (cf. 3.).

Lorsque la personne est détenue au titre de la condamnation justifiant son inscription au fichier et qu’elle n’en a pas encore été informée, l’information lui est donnée au moment de sa libération définitive ou préalablement à la première mesure d’aménagement de sa peine ([72]).

ii.   Les personnes habilitées

Les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles à un nombre limité de personnes habilitées qui sont définies à l’article 706-25-9. Sur cette liste figurent notamment les autorités judiciaires ainsi que les représentants de l’État dans le département et, par leur intermédiaire, les maires et présidents des collectivités territoriales et de leurs groupements, pour les décisions administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation.

3.   Les mesures de sûreté

En application de l’article 706-25-7, l’inscription dans le fichier impose à l’intéressé de se soumettre à trois obligations :

– justifier de son adresse une première fois dans les quinze jours de la notification de l’inscription, puis tous les trois mois ;

– déclarer tout changement d’adresse dans un délai de quinze jours au plus tard suivant ce changement ;

– déclarer tout déplacement transfrontalier.

La durée d’astreinte aux obligations de justification et de présentation est de :

– dix ans pour l’auteur d’infractions terroristes s’il est majeur ou cinq ans s’il est mineur ;

– cinq ans pour l’auteur d’infractions figurant aux articles L. 224-1 et L. 224-7 du code de la sécurité intérieure ou trois ans s’il est mineur.

Au 31 décembre 2020, 1 339 personnes étaient inscrites au FIJAIT, dont 1 337 pour des infractions à caractère terroriste et 2 pour des infractions de violation des interdictions de sortie du territoire.

B.   Les dispositions du projet de loi

Afin de renforcer la portée des enquêtes administratives tendant au recrutement, à l’affectation d’une personne ou à l’octroi d’une autorisation, un agrément ou une habilitation et d’améliorer le suivi des personnes qui ont fait la démonstration de leur adhésion à des idées ou à des actes de nature terroriste et, par conséquent, de mieux lutter contre le développement du phénomène terroriste, l’article 3 inclut dans le fichier des auteurs d’actes terroristes les personnes qui provoquent à de tels actes ou qui en font publiquement l’apologie et inverse la logique d’inscription dans ce fichier, qui devient obligatoire, sauf décision spécialement motivée.

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a considéré que « les mesures d’extension du champ d’application du FIJAIT et de création d’une inscription de plein droit sont nécessaires, adaptées et proportionnées, et que le projet de loi opère une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect de la vie privée » ([73]).

1.   L’inscription des auteurs des délits d’apologie et de provocation à des actes terroristes dans le fichier national et ses conséquences sur le régime des infractions relatives à l’interdiction de sortie du territoire et à l’assignation à résidence

a.   L’élargissement des motifs d’inscription aux délits de provocation et d’apologie du terrorisme

Le a) du du présent article supprime l’exception à l’inscription dans le fichier des auteurs d’actes terroristes qui est expressément prévue, à l’article 70625-4 du code de procédure pénale, pour les délits de provocation à des actes de terrorisme, d’apologie publique du terrorisme et d’entrave à l’efficacité d’une procédure de blocage d’un service de communication au public en ligne mentionnés aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal. Il étend donc le périmètre juridique du fichier afin d’y inclure l’ensemble des infractions de nature terroriste.

Il s’inscrit dans la logique du renforcement de la lutte contre le terrorisme. Afin de les sanctionner à la hauteur de leur gravité, les délits d’apologie et de provocation aux actes de terrorisme ne figurent plus, en effet, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, mais dans le code pénal, depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Il en résulte le recours à plusieurs techniques spéciales d’enquête et l’application du régime de prescription et des règles de poursuite de droit commun, comme la possibilité de recourir à la procédure de comparution immédiate ([74]).

L’inscription des auteurs de provocation et d’apologie des actes de terrorisme dans le FIJAIT offre par ailleurs l’opportunité aux représentants de l’État dans le département et, par leur intermédiaire, aux maires et présidents des collectivités territoriales et de leurs groupements, de se renseigner sur les actes de provocation ou d’apologie du terrorisme que pourrait avoir commis une personne avant toute décision administrative de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation. Elle permet donc d’étendre le champ d’information des préfets, l’accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire étant aujourd’hui limité par l’article 776 du code de procédure pénale aux cas de demandes d’emplois publics, de propositions relatives à des distinctions honorifiques ou de soumissions pour des adjudications de travaux ou de marchés publics ou en vue de poursuites disciplinaires ou de l’ouverture d’une école privée, ainsi que de demandes d’agrément destinées à permettre la constatation par procès-verbal d’infractions à la loi pénale.

En outre, le FIJAIT représente une source d’informations judiciaires plus complètes que le bulletin n° 2 du casier judiciaire. En effet, contrairement au bulletin n° 2, il comprend les décisions, même non définitives, prononcées contre un mineur de plus de treize ans. En outre, en application de l’article 706-25-6 du code de procédure pénale, les règles propres à l’effacement des condamnations figurant au casier judiciaire ne s’appliquent pas au FIJAIT et n’entraînent pas l’effacement de l’identité, de l’adresse ou des adresses du domicile ou des résidences de la personne inscrite au sein de ce fichier.

Selon les données fournies par le ministère de la Justice, de 200 à 500 personnes pourraient être concernées chaque année ([75]).

Alors qu’aujourd’hui l’inscription dans le FIJAIT relève essentiellement de la compétence du parquet national antiterroriste et des juridictions de jugement spécialisées dans le traitement des dossiers terroristes, l’extension de son champ d’application aux délits d’apologie ou de provocation à des actes terroristes aura pour conséquence d’élargir cette compétence aux parquets et juridictions de droit commun.

b.   L’alignement des règles relatives à la conservation des données sur le régime des infractions relatives à l’interdiction de sortie du territoire et à l’assignation à résidence

Le du présent article prévoit, à l’article 706-25-6, que les personnes inscrites dans le fichier pour provocation ou apologie du terrorisme bénéficient d’un régime moins strict de conservation des données que celles inscrites pour des infractions matérielles de terrorisme.

Elles se voient donc appliquer les règles posées pour les auteurs d’une infraction figurant aux articles L. 224-1 et L. 224-7 du code de la sécurité intérieure, à savoir une durée de conservation des données fixée à cinq ans si la personne est majeure et à trois ans s’il s’agit d’un mineur.

Cette différence de traitement trouve une justification dans le fait que ces infractions ne présentent pas le même degré de gravité que les infractions terroristes matérielles.

c.   L’absence de mesures de sûreté

Le du présent article prévoit, à l’article 706-25-7 du code de procédure pénale, que les mesures de sûreté qui sont liées à l’inscription au FIJAIT, à savoir l’obligation de justifier de son adresse et de déclarer ses changements d’adresse ou tout déplacement à l’étranger, ne s’appliquent pas aux auteurs d’infractions prévues aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal, et ne s’appliqueront plus aux auteurs d’infractions mentionnées aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure.

Pour ces infractions immatérielles, l’inscription au FIJAIT n’entraînera pas l’application à l’intéressé de mesures de sûreté.

2.   La création d’une inscription de plein droit

Le b) et le c) du du présent article modifient, à l’article 706-25-4 du code de procédure pénale, les conditions d’inscription dans le FIJAIT en remplaçant le dispositif actuel, qui repose sur une décision d’inscription expresse de la juridiction, par un système d’inscription de plein droit, sauf décision contraire et spécialement motivée par la juridiction ou par le procureur de la République.

Poursuivant l’objectif d’optimiser le fonctionnement du FIJAIT, cette inversion de la logique d’inscription est conforme au régime de traitement des infractions les plus graves dans les fichiers. Il est, en effet, déjà admis pour le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) que la gravité des infractions en cause puisse justifier le recours à un régime d’inscription systématique.

C.   La position de la commission

La commission a, à l’initiative, d’une part, des rapporteurs et, d’autre part, de Mme Isabelle Florennes et des membres du groupe DEM, et suivant l’avis de sagesse du Gouvernement, souhaité que soient enregistrées, dès leur prononcé et de plein droit, les décisions d’irresponsabilité pénale prononcées par les juridictions d’instruction ou de jugement. Elle a également clarifié la répartition des compétences entre le siège et le parquet en retirant au ministère public l’appréciation d’un éventuel non-enregistrement de la décision d’irresponsabilité pour la confier à la juridiction qui a pris la décision.

La commission a ensuite adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement des rapporteurs pour soumettre les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à des actes terroristes aux obligations de justifier de leur adresse et de déclarer leurs changements d’adresse et leurs déplacements à l’étranger, pendant cinq ans s’ils sont majeurs ou trois ans s’ils sont mineurs. Il apparaît en effet que ces personnes peuvent être aussi dangereuses que les auteurs d’actes terroristes eux-mêmes.

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Article 4
(art. 433-3-1 et 433-23-1 [nouveaux] du code pénal)
Création de l’infraction pénale de menaces, violences ou actes d’intimidation à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’une mission de service public aux fins d’obtention d’une exemption ou d’une dérogation aux règles régissant ce service

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une infraction pénale pour sanctionner le fait d’user de menaces, violences ou actes d’intimidation à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’une mission de service public aux fins d’obtention d’une exemption ou d’une dérogation aux règles régissant ce service et prévoit une peine complémentaire d’interdiction du territoire français si la personne coupable de ces faits est étrangère.

       Modifications apportées par la commission

La commission a clarifié l’articulation entre les faits visés au cinquième alinéa de l’article 433-3 du code pénal et ceux concernés par le nouvel article 433-3-1 du même code et a permis à l’administration ou au délégataire de service public de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de ses agents ou préposés.

1.   La répression des menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique

La répression des menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique est organisée par l’article 433-3 du code pénal créé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Aux termes de cet article, trois niveaux de protection sont prévus.

Le premier prévoit une protection de la personne compte tenu de sa fonction, afin de la préserver ainsi que sa famille et ses proches de toute menace de commettre un crime ou un délit à son encontre ou à l’encontre de ses biens. Les sanctions sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Sont ainsi concernées :

– les personnes investies d’un mandat électif public, magistrats, jurés, avocats, officiers publics ou ministériels, militaires de la gendarmerie nationale, fonctionnaires de la police nationale, des douanes, de l’inspection du travail, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et les gardiens assermentés d’immeubles ou les agents exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles, dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions (alinéa 1er) ;

– les agents d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, les enseignants ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, toute autre personne chargée d’une mission de service public ainsi que les professionnels de santé, dans l’exercice de leurs fonctions (alinéa 2) ;

– leurs conjoint, ascendants ou descendants en ligne directe ainsi que toute autre personne vivant habituellement à leur domicile (alinéa 3).

Le deuxième niveau de protection prévoit une peine portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort ou d’une menace d’atteinte aux biens dangereuse pour les personnes (alinéa 4).

Le troisième et dernier niveau de protection fixe des sanctions à hauteur de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende pour le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation pour obtenir d’une personne exerçant une fonction publique qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte relevant de ses fonctions ou qu’elle abuse de son autorité en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable (alinéa 5).

Le nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l’article 433‑3 est en constante augmentation puisqu’il est passé de 7 077 en 2015 à 9 155 en 2019 (+ 29 %). En 2019, la répartition était la suivante : 4 633 condamnations prononcées au titre de l’alinéa 1er, 1 919 au titre de l’alinéa 2, 147 au titre de l’alinéa 3, 7 972 au titre de l’alinéa 4 et 385 au titre de l’alinéa 5, dont 102 condamnations pour des faits commis à l’encontre d’une personne chargée d’une mission de service public.

Par ailleurs, l’article 433-6 définit la rébellion comme le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant, dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice et l’article 433-7 la punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, ces peines étant portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si la rébellion est commise en réunion.

Il s’agit d’incriminations générales qui ne permettent pas de tenir compte du motif particulier ayant animé l’auteur des menaces et actes d’intimidation.

2.   Les dispositions du projet de loi

Compte tenu de l’exposition croissante des agents publics, dans l’exercice de leurs fonctions, à des actes d’intimidation et de menace à des fins d’exemption ou d’application différenciée des règles de fonctionnement du service – comme le refus d’un parent que son enfant fasse du sport en présence d’un enfant d’un autre sexe –, le présent article crée une incrimination réprimant le fait d’user de menaces, violences ou intimidations à l’encontre d’une personne chargée d’une mission de service public avec comme objectif d’obtenir une dérogation totale ou partielle et assortit ce nouveau délit d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.

a.   Le nouveau délit de menace ou d’intimidation aux fins d’obtention d’une dérogation aux règles de fonctionnement d’un service public

Le I de l’article 4 introduit un article 433-3-1 au sein de la section 2 du chapitre III du titre III du livre IV du code pénal, consacrée aux menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique.

Ce nouvel article prévoit qu’est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende le fait d’user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d’intimidation à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public, afin d’obtenir pour soi-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement du service.

Le champ d’application de la nouvelle infraction est large puisque sont visées les personnes chargées d’une mission de service public, autrement dit les personnes qui ne disposent pas, à la différence de celles dépositaires de l’autorité publique, de pouvoirs décisionnels ou contraignants, mais exercent une fonction ou une mission d’intérêt général, permanente ou temporaire.

La définition des actes matériels incriminés est également large. Ceux-ci peuvent en effet consister en des menaces ou intimidations ou prendre la forme de violences de toutes natures. La notion d’intimidation a notamment été précisée au sujet du dernier alinéa de l’article 433-3 par la Cour de cassation comme « l’action concertée de plusieurs personnes, de nature à empêcher un officier ministériel d’accomplir sans le concours de la force publique, un acte de sa fonction » ([76]). Ces actes pourront être véhiculés par un moyen de communication en ligne au public.

Pour que l’infraction soit retenue, il sera nécessaire de caractériser l’intention particulière de l’auteur de bénéficier d’une exemption ou d’une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement du service à son bénéfice ou pour celui d’un groupe identifié.

Les peines prévues (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende) sont supérieures à celles attachées aux menaces de commettre un crime ou un délit (trois ans d’emprisonnement), égales à celles attachées aux menaces de mort ou menaces dangereuses pour les personnes (cinq ans) et inférieures aux menaces, violences et actes d’intimidation pour obtenir un acte ou un abus d’autorité de la personne publique (dix ans). Elles apparaissent adaptées et proportionnées.

Bien que le nouveau délit puisse s’analyser comme une incrimination spéciale par rapport à l’incrimination générale prévue par le dernier alinéa de l’article 433-3 du code pénal – emportant comme conséquence qu’il devra être fait application de l’incrimination spéciale dès lors que les faits auront été commis afin d’obtenir une exemption ou une application différenciée des règles régissant le fonctionnement du service public –, il apparaît que cette mesure peut entrer de façon partielle dans le champ du dernier alinéa de l’article 433-3.

b.   La peine complémentaire d’interdiction du territoire français

Le II de l’article 4 crée un article 433-23-1 au sein de la section 12 du chapitre III du titre III du livre IV du code pénal, consacrée aux peines complémentaires et à la responsabilité des personnes morales.

Ce nouvel article ouvre la possibilité au juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français ([77]). Il prévoit que l’interdiction du territoire français peut être prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131‑10, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’infraction prévue à l’article 433-3-1.

En application de l’article 131-10, l’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion. Lorsque l’interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d’exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. L’interdiction du territoire français prononcée en même temps qu’une peine d’emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l’objet, aux fins de préparation d’une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique ou de permissions de sortir.

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement des rapporteurs qui clarifie l’articulation entre les faits visés au cinquième alinéa de l’article 433‑3 du code pénal et ceux concernés par le nouvel article 433‑3‑1 du même code, afin de lever toute ambiguïté sur le champ d’application respectif de chacun de ces deux articles.

Suivant l’avis de sagesse du Gouvernement, la commission a également adopté un amendement des rapporteurs permettant à l’administration ou au délégataire de service public de porter plainte pour des actes commis à l’encontre de ses agents ou préposés, malgré la règle selon laquelle « nul ne plaide par procureur ». En effet, ces derniers, menacés ou intimidés, sont dissuadés de porter plainte eux-mêmes, craignant des représailles. Le dépôt de plainte pourra être fait auprès du procureur de la République ou auprès des services de police ou de gendarmerie.

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Article 4 bis
(art. 431-1 du code pénal)
Délit d’entrave à l’exercice de la fonction d’enseignant

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de Mme Annie Genevard et des membres du groupe Les Républicains, contre l’avis des rapporteurs et du Gouvernement, cet article additionnel prévoit un nouveau délit d’entrave à l’exercice de la fonction d’enseignant.

1.   L’état du droit

L’article 431-1 du code pénal a pour objet de protéger l’exercice de libertés fondamentales et le bon fonctionnement des assemblées élues.

● L’article 431-1 sanctionne le fait d’entraver l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion et de manifestation.

Depuis la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, il mentionne également, de manière expresse, la liberté de la création artistique et la liberté de diffusion de la création artistique.

L’entrave ne peut être punie que si elle résulte d’une action concertée, et non de celle d’un seul individu.

La sanction encourue varie selon les moyens utilisés :

– si l’entrave a été réalisée à l’aide de menaces, elle est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ;

– si l’entrave a été réalisée à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations, elle est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

● Depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, l’article 431-1 sanctionne également le fait d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’une collectivité territoriale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Toutefois, dans ce cas, le recours à une action concertée n’est pas exigé. L’action d’un individu isolé peut donc être punie.

2.   La réforme proposée

L’article 4 bis ajoute, à l’article 431-1, après l’alinéa relatif à la liberté de la création artistique, un nouveau délit d’entrave à l’exercice des fonctions d’enseignant.

Il prévoit qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’entraver ou de tenter d’entraver par des pressions ou des insultes l’exercice de la fonction d’enseignant selon les objectifs pédagogiques de l’éducation nationale déterminés par le Conseil supérieur des programmes.

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Article 5
(art. 6 quater A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)
Extension aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces du champ des signalements pour les actes dont un agent public est victime

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces le champ des actes qui peuvent faire l’objet d’un signalement par les agents publics.

       Modifications apportées par la commission

La commission a étendu le champ de la procédure de signalement à tout acte d’intimidation et a prévu, dès que la collectivité publique est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, des mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits.

1.   L’état du droit

Introduit dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, l’article 6 quater A prévoit la mise en place, par chaque employeur public, d’un dispositif de signalement des violences, des discriminations, des harcèlements et des agissements sexistes pour leurs agents.

Initialement définie par la circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique puis par l’accord du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, l’obligation faite aux employeurs publics de mettre en place un dispositif de signalement et de traitement des violences sexuelles et sexistes sur le lieu de travail a été affermie, étendue à l’ensemble des versants de la fonction publique et aux violences et aux discriminations qu’elle que soit leur nature et son dispositif a été ouvert aux témoins de ces actes par la loi du 6 août 2019.

En application de l’article 6 quater A, il revient donc aux administrations, collectivités et établissements publics de mettre en place un dispositif de signalement qui a pour objet de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes ([78]) et de les orienter vers les autorités compétentes en matière d’accompagnement, de soutien et de protection des victimes et de traitement des faits signalés. Ce dispositif permet également de recueillir les signalements de témoins de tels agissements.

Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique prévoit que les administrations, collectivités territoriales ou établissements publics mettent en place, au plus tard le 1er mai 2020, un dispositif de signalement, qui comporte :

– le recueil des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements ;

– l’orientation des agents vers les autorités compétentes en matière d’accompagnement, de soutien et de protection des victimes ainsi que vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection appropriée et pour assurer le traitement des faits signalés, notamment par la réalisation d’une enquête administrative.

De tels signalements peuvent permettre la mise en œuvre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui prévoit que tout fonctionnaire « qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Ce dispositif constitue une modalité de mise en œuvre de la protection fonctionnelle que tout employeur public est tenu d’assurer à ses agents en application de l’article 11 du statut général des fonctionnaires. La protection fonctionnelle consiste en l’obligation, pour l’employeur public, de protéger ses agents – qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels – ainsi que leurs ayant-droits, contre toutes les attaques dont ils pourraient être victime dans l’exercice de leurs fonctions ou en raison de leur qualité.

Trois motifs peuvent justifier l’octroi de cette protection :

– l’agent public est l’objet d’attaques (atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, violences, agissements constitutifs de harcèlement, menaces, injures, diffamation, outrage, etc.) ;

– la responsabilité civile de l’agent est mise en cause du fait d’une faute de service lorsque le conflit d’attribution n’a pas été élevé ;

– l’agent est l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

Aux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, l’employeur se doit « de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée ». Outre une obligation de réparation, cette protection suppose de mettre en œuvre des mesures de prévention – changement d’affectation, éloignement ou suspension des fonctions de l’auteur des faits, par exemple – et une assistance juridique. En cas de carence, la responsabilité de l’employeur peut être engagée.

La circulaire du 2 novembre 2020 visant à renforcer la protection des agents publics face aux attaques dont ils font l’objet dans le cadre de leurs fonctions, garantit la mobilisation des responsables publics, à tous les niveaux de l’administration, pour protéger leurs agents objets de menaces ou victimes d’attaques en s’assurant qu’ils bénéficient d’un soutien renforcé et systématique de leur employeur et notamment de l’octroi sans délai de la protection fonctionnelle lorsque les circonstances et l’urgence le justifient afin de ne pas les laisser sans défense dans une situation pouvant se traduire par une atteinte grave à leur intégrité. Elle prévoit notamment une réponse systématique et ferme des responsables publics contre les diffamations, menaces ou injures véhiculées sur les réseaux sociaux qui visent nominativement un fonctionnaire ou un agent public. Un dispositif de suivi permettant de recenser les attaques dont font l’objet des agents publics, les demandes de protection accordées ou refusées et les mesures de protection mises en œuvre ainsi qu’un dispositif d’orientation, de conseil et d’accompagnement des agents doivent, en outre, être mis en place.

Selon le dernier recensement réalisé par le ministère de la transformation et de la fonction publiques, 200 protections fonctionnelles seraient octroyées à des agents victimes d’attaques ([79]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Face à la montée des comportements agressifs à l’égard des agents publics et aux nouvelles formes d’attaques dont ils peuvent faire l’objet, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux – comme l’a tragiquement révélé l’assassinat du professeur Samuel Paty –, l’article 5 complète l’article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983, afin d’étendre le champ du dispositif de signalement aux atteintes volontaires à l’intégrité physique et aux menaces.

Cette extension du champ du dispositif de signalement a une double dimension : matérielle et personnelle. En effet, au-delà de l’élargissement des actes visés aux atteintes à l’intégrité physique et aux menaces, elle a pour conséquence d’étendre un mécanisme initialement conçu pour des signalements d’actes intervenant au sein de l’administration à des agissements ayant lieu dans le cadre de relations entre les agents publics et les usagers ou encore concernant une personne extérieure au service public.

Elle doit permettre d’accroître l’octroi de la protection fonctionnelle, afin de mieux protéger les agents publics victimes d’attaques.

3.   La position de la commission

À l’initiative des rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a étendu le champ de la procédure de signalement à tout acte d’intimidation, par cohérence avec l’article 4 du présent projet de loi.

Elle a également, avec l’avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement des rapporteurs visant à prévoir, dès que la collectivité publique est informée de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, des mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en oeuvre, sur demande ou non du fonctionnaire, pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque.

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Chapitre II
Dispositions relatives aux associations

Article 6
(art. 10–1 [nouveau] de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Signature d’un contrat d’engagement républicain pour les associations sollicitant ou bénéficiant d’une subvention au titre de l’intérêt général

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à imposer aux associations souhaitant bénéficier d’une subvention publique de s’engager à respecter les principes figurant dans un contrat d’engagement républicain. Le respect de cet engagement conditionne la délivrance ou le maintien de la subvention. Dès lors, dans l’hypothèse où l’objet de l’association serait illicite ou lorsque ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne seraient pas compatibles avec le contrat d’engagement républicain, la collectivité publique, ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, sollicité pour délivrer une subvention ou l’ayant déjà délivrée, se voit dans l’obligation de refuser la subvention ou de demander sa restitution.

       Modifications apportées par la commission

La modification a adopté dix amendements sur le présent article. Ils visent d’une part à préciser et enrichir les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain, en précisant que les associations doivent respecter l’ordre public, et non en assurer la sauvegarde, et en ajoutant aux principes contenus dans ce contrat le respect des exigences minimales de la vie en société et des symboles de la République. D’autre part, les amendements adoptés précisent les modalités de mise en œuvre du contrat d’engagement républicain. Outre l’extension de ce contrat aux fondations qui font une demande de subvention, la commission a adopté un amendement visant à préciser que les associations agréées sont réputées avoir satisfait l’obligation de s’engager au respect des principes de ce contrat dans le cadre de leurs demandes de subventions. La commission a également adopté un amendement instaurant une obligation d’information des membres de l’association signataire du contenu de ce contrat d’engagement républicain. En outre, est instaurée l’obligation, pour la collectivité prenant la décision de retirer une subvention au titre du non-respect des principes du contrat d’engagement républicain, de notifier cette décision aux autres collectivités qui subventionnent l’association concernée, ainsi qu’au préfet. 

1.   L’état du droit

a.   Une procédure de demande de subvention en grande partie uniformisée

Les subventions sont définies comme des « contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire » ([80]). Cette formulation comprend les subventions numéraires mais également les contributions en nature.

Une subvention revêt plusieurs caractéristiques :

– elle caractérise une situation dans laquelle un organisme de droit privé initie, définit et mène une action qui intéresse la collectivité publique. Cette dernière, y trouvant un intérêt peut donc décider d’y apporter son soutien. L’attribution d’une subvention est donc discrétionnaire, et se justifie par des considérations relevant de l’intérêt général ;

–  la subvention peut financer le fonctionnement global de l’association, comme elle peut financer une action précise ;

– même si une association remplit l’ensemble des conditions pour percevoir une subvention, il ne s’agit pas d’un droit opposable. Le Conseil d’État a notamment rappelé que « l’attribution d’une subvention ne constitue pas un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l’obtenir » ([81]), confirmant ainsi le pouvoir discrétionnaire de la collectivité publique.

L’ensemble des collectivités publiques, et en premier lieu les communes, délivrent des subventions aux associations. 61 % d’entre elles perçoivent au moins un financement public ([82]).

Si l’attribution d’une subvention est à la discrétion de la collectivité publique, un certain nombre de règles formelles doivent être respectées.

En termes concrets, les demandes de subvention sont établies selon un formulaire unique, dont les caractéristiques sont précisées par voie réglementaire ([83]).

Dès lors, le contenu de ce formulaire est commun aux collectivités territoriales et à l’État. Le décret n° 2016-1971 du 28 décembre 2016 précisant les caractéristiques du formulaire unique de demande de subvention des associations détermine que le formulaire unique comporte six premières rubriques contenant les informations administratives. Ce formulaire unique a pour vocation d’être commun à l’ensemble des collectivités publiques, tant l’État, les collectivités territoriales, que les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial. Il permet ainsi d’éviter des doublons pour les dirigeants associatifs qui sollicitent plusieurs financeurs publics. Chaque collectivité peut toutefois l’assortir de compléments, d’une note, annexe, instruction pour préciser ses attentes.

Toutefois, et malgré la référence à un formulaire unique dans la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000, les situations restent disparates selon les collectivités considérées. L’ensemble des services de l’État utilisent le CERFA n° 12156*05. S’il est mis à disposition des collectivités territoriales, qui ont vocation à l’appliquer dans le respect de la lettre de la loi, il apparaît qu’elles tendent dans la majorité des cas à utiliser leur formulaire propre. Dès lors, ce formulaire propre respecte les dispositions du décret, mais il ne s’agit pas d’un formulaire unique partagé au sens propre.

b.   S’il existe des moyens permettant de retirer une subvention, ils ne permettent pas de prendre en compte le non-respect des principes républicains

Des moyens existent d’ores et déjà pour une collectivité publique souhaitant justifier une décision de refus ou de retrait de sa subvention à une association.

● Tout d’abord, des règles générales encadrent l’octroi et l’usage des subventions.

Les associations doivent respecter les lois et règlements qui leur sont applicables. À cet égard, une association dont les modalités d’action revendiquées ou pratiques sont contraires à la loi ne peut bénéficier d’une subvention publique ([84]).

Les associations doivent justifier a posteriori de l’emploi des fonds lorsque la subvention était affectée à un emploi déterminé. En outre, la subvention étant allouée pour un objet déterminé, un projet spécifique, ou étant dédiée au financement global de l’activité associative, les associations ne peuvent les reverser en tout ou partie à une autre structure ([85]).

● En outre, en cas de non-respect de plusieurs règles relatives au contrôle de l’usage de la subvention, plusieurs dispositifs permettent de retirer la subvention d’une association qui ne respecterait pas ses engagements :

– s’il apparaît, notamment à la suite d’un contrôle de l’inspection générale des finances, qu’un concours accordé par l’État, un établissement public de l’État ou un organisme soumis au contrôle économique et financier de l’État n’a pas reçu l’emploi auquel il était destiné, l’État ou le représentant de l’établissement ou l’organisme peut ordonner le reversement de tout ou partie des sommes versées ([86]) ;

– si l’association refuse de communiquer les pièces justificatives des dépenses et tout autre document dont la production serait jugée utile dans le cadre des contrôles, ou de communiquer ses comptes, la subvention de l’État est supprimée ([87]) ;

– Concernant les collectivités, toute association ayant reçu une subvention est tenue de fournir à l’autorité qui la subventionne une copie certifiée de ses budgets et de ses comptes, ainsi que tous les documents faisant connaître les résultats de son activité ([88]). En outre, de la même manière que pour les subventions délivrées par l’État, « il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention d’en employer tout ou partie en subventions à d’autres associations, œuvres ou entreprises » ([89]) .

– Ces dispositions sont confirmées et renforcées par l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui dispose que toute administration peut retirer sans délai une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi ne sont pas ou plus respectées. Ainsi, si l’association ne respecte pas ses engagements, la collectivité peut suspendre le versement des fonds.

Toutefois, aucun de ces textes ne permet d’asseoir le retrait de l’intégralité d’une subvention en raison du non-respect des principes républicains.

c.   Si des engagements unissent d’ores et déjà les collectivités publiques et les associations, leur valeur juridique est insuffisante et leur usage n’est pas généralisé

Il existe d’ores et déjà des voies permettant de retirer la subvention d’une association dont les activités ou le fonctionnement iraient à l’encontre de principes et de valeurs prédéfinis. Ces moyens s’avèrent toutefois incomplets.

● Tout d’abord, les associations sollicitant une subvention doivent s’engager à respecter les principes et valeurs de la Charte des engagements réciproques conclue le 14 février 2014 entre l’État, les associations d’élus territoriaux et le Mouvement associatif. Cette charte, dont la signature a marqué l’aboutissement d’une réflexion partagée des acteurs associatifs et des pouvoirs publics, figure dans la liste des attestations auxquelles doit satisfaire le signataire du CERFA n° 12156*05, utilisé pour les demandes de subvention auprès des services de l’État.

Cette charte est fondée sur « les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité », et détermine que les signataires s’engagent, entre autres, à « promouvoir le respect des principes de non-discrimination des personnes dans l’engagement associatif » et « promouvoir l’égale participation des femmes et des hommes à la gouvernance, l’équilibre entre les générations, entre les milieux socioculturels, dans l’exercice des responsabilités » ([90]).

Cette charte est toutefois insuffisante à trois égards :

– elle n’a pas de valeur juridique contraignante. En effet, si le CERFA dans lequel elle figure découle du décret n° 2016-1971 du 28 décembre 2016 susmentionné, ce dernier ne la mentionne pas. Dès lors, sa portée juridique est incertaine ;

– les principes mentionnés ne recouvrent qu’imparfaitement les valeurs républicaines que peuvent défendre les associations, et qui sont mentionnées dans le contrat d’engagement républicain proposé par le présent projet de loi (cf. infra) ;

– enfin, le CERFA n’étant pas systématiquement utilisé par les collectivités territoriales, et le décret ne mentionnant pas la charte, cette dernière ne figure pas de manière obligatoire dans les formulaires de demande de subvention des collectivités territoriales.

Les chartes de laïcité, dépourvues de valeur juridique contraignante, présentent les mêmes limites.

● Dans certains départements, d’autres chartes ont été créées. C’est par exemple le cas de la charte de respect des valeurs de la République du préfet de l’Essonne. En effet, l’administration peut toujours subordonner l’octroi ou le maintien d’une subvention à l’acceptation de conditions particulières, à condition que ces dernières ne soient pas illégales ([91]). Dès lors, au niveau local, une collectivité peut conditionner l’octroi de la subvention au respect de certaines valeurs, inscrites dans une convention de subventionnement.

Toutefois, l’inscription de ces valeurs dans les conventions de subventionnement n’est pas une pratique généralisée. Les valeurs retenues sont en outre susceptibles de varier entre les collectivités, ce qui, pour les principes de la République, qui doivent s’appliquer à l’ensemble du territoire et des citoyens, semble peu satisfaisant.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La création d’un contrat d’engagement doté d’une valeur juridique

Le présent article propose de créer un contrat d’engagement républicain, par le biais de la création d’un nouvel article 10-1 dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

● Ce contrat serait d’application large. Comme le détermine le premier alinéa de l’article 10-1 nouvellement créé, serait concernée toute association qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 de la même loi. Sont également concernées les attributions de subventions en nature.

Sont toutefois exclues du champ de cette disposition les associations cultuelles, qui ne peuvent bénéficier de subventions publiques ([92]). En revanche, les associations dites « mixtes », exerçant sous un statut de loi 1901 une ou plusieurs activités non cultuelles ainsi qu’une activité cultuelle, seraient concernées par la signature de ce contrat quant à l’exercice de leurs activités non-cultuelles, dans la mesure où elles peuvent bénéficier d’une subvention pour ces activités.

Les associations devront signer le contrat lorsqu’elles sollicitent une subvention auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public et commercial. L’ensemble des administrations seraient donc concernées. Dès lors, cette disposition concernant les collectivités territoriales, le recours à la loi s’impose, en vertu de l’article 34 de la Constitution.

En termes pratiques, le formulaire unique mentionné à l’article 10 de la loi n° 2000-321 ferait référence au contrat d’engagement républicain. Selon la formule utilisée, le CERFA serait complété par une ligne spécifique, et les collectivités utilisant un formulaire propre devraient le faire figurer également. Le rapporteur rappelle à cet égard l’intérêt de généraliser à l’ensemble des collectivités l’usage du CERFA, dans l’objectif de réduire les contraintes administratives pesant sur les associations qui demandent des subventions à plusieurs collectivités.

● Par le contrat d’engagement républicain, l’association s’engage à respecter plusieurs principes, définis limitativement par le présent article (cf. infra) :

– le principe de liberté ;

– le principe d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes ;

– le principe de fraternité ;

– le respect de la dignité de la personne humaine ;

– la sauvegarde de l’ordre public.

● Au contraire de la Charte des engagements réciproques qui existe d’ores et déjà, la signature du contrat d’engagement républicain emporte des conséquences juridiques impératives pour la collectivité publique sollicitée pour délivrer une subvention ou l’ayant déjà délivrée. Elle se trouve dans l’obligation de refuser ou de retirer la subvention. Par conséquent, la méconnaissance des engagements républicains contenus dans le contrat d’engagement emporte des conséquences à plusieurs moments :

– le deuxième alinéa de l’article 10-1 nouvellement créé vise le moment de la demande de subvention. Il indique d’une part qu’au moment de la demande, la collectivité publique sollicitée refuse la subvention si l’objet que poursuit l’association est illicite. Cette précision vient compléter l’article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, qui indique que « toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite […] est nulle et de nul effet ». D’autre part, la collectivité doit refuser la subvention si les activités ou les modalités selon lesquelles l’association les conduit ne sont pas compatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit.

– le troisième alinéa de l’article nouvellement créé vise quant à lui la situation dans laquelle l’association aurait déjà obtenu la subvention, mais dans laquelle la collectivité se rendrait compte que l’association ne remplit pas ou plus les conditions fixées, pour les deux mêmes raisons que celles mentionnées dans l’alinéa précédent. Ainsi, la collectivité non seulement peut, mais doit, retirer la subvention et enjoindre le bénéficiaire à lui restituer les sommes versées, ou en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire, si l’association poursuit un objet illicite ou si ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit.

Dans ce cas de figure, et conformément à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, la décision motivée de l’administration n’interviendrait qu’après que la personne morale ait été mise à même de présenter des observations écrites, et orales sur sa demande.

La responsabilité de refuser ou de retirer une subvention appartient à l’autorité ou l’organisme sollicité. Toutefois, la dimension impérative de cette responsabilité concourt à faire intervenir le préfet en cas de besoin. Il lui reviendrait en effet de faire respecter cette obligation de refus ou de retrait de la subvention, par le biais du contrôle de légalité, visant à vérifier que la collectivité publique respecte les dispositions législatives qui lui sont applicables.

Enfin, il convient de signaler que la notion de contrat ne renvoie pas à un contrat au sens classique du terme : le contrat qui unirait l’association à la collectivité n’a pas de dimension synallagmatique, en ce que les deux parties ne s’engagent pas mutuellement l’une envers l’autre. Toutefois, l’usage du terme de contrat permet de souligner que la rupture de l’engagement contractualisé de l’association est porteuse d’effet tant pour l’association que la collectivité publique, le respect des principes mentionnés dans le contrat étant une condition impérative à la perception de la subvention.

b.   Cette disposition n’est pas de nature à remettre en question les principes constitutionnels de la libre administration des collectivités territoriales et de la liberté d’association

● L’aspect impératif du refus ou du retrait de la subvention n’entre pas en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, déterminé à l’article 72 de la Constitution. La Constitution consacre ce principe de libre administration, dont il appartient au législateur de fixer les conditions et pour l’énoncé desquelles il dispose d’une marge d’appréciation. Le Conseil constitutionnel se charge quant à lui de contrôler que les dispositions législatives ne portent pas une atteinte à cette liberté qui aurait pour objet ou pour effet de la dénaturer ([93]).

● La liberté d’association, reconnue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République ([94]), n’est pas non plus remise en cause par le contrat d’engagement républicain dans son principe ([95]).

En outre, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) prévoit que toute personne a droit à la liberté d’association, sans que cela n’interdise « que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».

Dès lors, le présent article n’est pas de nature à entrer en contradiction avec ces deux principes : il n’impose qu’une contrainte limitée aux collectivités, il n’interdit pas la création d’association et ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur liberté.

c.   Les principes cités dans le contrat d’engagement républicain

Plusieurs des principes définis limitativement par le présent article (cf. infra), figurent dans le Préambule de la Constitution de 1958, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une décision portant sur la liberté d’association ([96]). Ces principes ont dès lors une valeur constitutionnelle.

● Les principes de liberté, d’égalité et de fraternité figurent dans la devise nationale, définie à l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Les principes de liberté et d’égalité inspirent de nombreux principes constitutionnels ([97]). En outre, le Conseil constitutionnel a fait directement référence à la devise pour estimer que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle ([98]).

Le présent article précise que le principe d’égalité comprend notamment l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette précision est également de valeur constitutionnelle : le troisième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit en effet l’égalité des droits reconnus aux femmes et aux hommes « dans tous les domaines ».

● Le respect de la dignité de la personne humaine est également reconnu par le Conseil constitutionnel comme un principe constitutionnel. Il ressort en effet du Préambule de la Constitution de 1946, qui figure dans le bloc de constitutionnalité, que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle » ([99]).

● Le dernier principe mentionné par le présent article, la sauvegarde de l’ordre public, a une valeur juridiquement moindre, bien que considérable : il s’agit d’un objectif de valeur constitutionnelle ([100]), et non d’une liberté que la Constitution garantit. L’ordre public comprend traditionnellement le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.

La mention de la sauvegarde de l’ordre public parmi les principes que doivent respecter les associations bénéficiant d’une subvention publique soulève plusieurs questions quant à son interprétation.

Tout d’abord, l’ordre public est la finalité de la police administrative. Or, il existe plusieurs titulaires de la police administrative :

– le Premier ministre est habilité à prendre des mesures de police administrative devant être appliquées sur l’ensemble du territoire ([101]) ;

– le préfet dispose de pouvoirs de police administrative générale lorsque les mesures concernent plusieurs communes du département, ou en cas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs ([102]) ;

– enfin, le maire est le détenteur de droit commun du pouvoir de police administrative, en vertu de l’article L. 2215-1 du CGCT.

Par conséquent, les associations ne figurent pas parmi les autorités susceptibles de protéger activement l’ordre public en édictant des mesures de police administrative. Dès lors, la mention de la sauvegarde de l’ordre public parmi les principes que les associations s’engageraient à respecter doit s’entendre avec nuance.

La sauvegarde de l’ordre public ne doit pas s’entendre comme l’obligation faite aux associations d’agir activement pour assurer que l’ordre public est respecté, en mettant par exemple fin à des comportements le menaçant.

Il s’agit principalement de rappeler le rôle central et citoyen des associations, qui doivent respecter l’ordre public et ne pas encourager, inciter, ou prendre part à des comportements de nature à le menacer.

Ainsi, s’il est exclu de leur demander de concourir activement à la conservation de l’ordre public, les associations doivent s’engager a minima à le préserver, ou, autrement dit, à ne pas le perturber. Le décret en Conseil d’État pourrait permettre de préciser l’acception retenue.

En outre, l’ordre public inclut dans sa conception extensive et la plus contemporaine le respect de la dignité de la personne humaine ([103]). Dès lors, les deux derniers principes cités par l’article, le respect de la dignité humaine et la sauvegarde de l’ordre public, se recoupent partiellement. L’objectif semble donc être d’insister tout particulièrement sur la dignité de la personne humaine.

Ainsi, le contrat d’engagement républicain non seulement a une valeur juridique supérieure à la Charte de 2014, mais permet également de couvrir deux valeurs essentielles, celles de dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public.

Elle ne vise pas toutefois l’intégralité des principes constitutionnels, laissant de côté ceux qui ne sont pas applicables aux associations, comme le respect des droits de la défense.

Enfin, il convient de signaler que le principe de laïcité ne figure pas parmi les valeurs citées dans le contrat d’engagement républicain. La jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État a permis de définir les trois piliers, indissociables, qui composent le principe de laïcité. Cette dernière comprend :

– la liberté de conscience et du libre exercice du culte ([104])  ;

– le respect de toutes les croyances et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de religion ([105]) ;

– l’obligation de neutralité de l’État, en tant que principe organisationnel de l’action publique ([106]).

Dès lors, en tant que principe d’organisation, la laïcité s’impose aux agents publics ou aux personnes privées qui participent au service public. Or, la notion même de subvention exclut la dimension de rémunération ou de délégation de service public. Les associations restent libres de s’appuyer sur les valeurs qu’elles déterminent, y compris d’inspiration religieuse ou spirituelle, tant qu’elles respectent les valeurs mentionnées dans le contrat d’engagement républicain.

3.   La position de la commission

La commission a adopté dix amendements sur le présent article, dont trois amendements rédactionnels des rapporteurs. 

Tout d’abord, sur proposition des rapporteurs, la commission a adopté avec un avis favorable du Gouvernement un amendement visant à remplacer la mention de la « sauvegarde de l’ordre public » par la mention du « respect de l’ordre public ». La formulation initiale de l’article 6, qui reposait sur la sauvegarde de l’ordre public, contribuait à créer une ambiguïté quant au rôle réel des associations, en laissant entendre qu’elles seraient tenues de contribuer activement au maintien de l’ordre public, par exemple en mettant fin à des comportements qui le menaceraient. Cette formulation est apparue excessive. Toutefois, le rôle citoyen et l’influence des associations leur confèrent un devoir d’exemplarité : il est dès lors légitime de préciser qu’elles doivent respecter l’ordre public et ne pas inciter ni encourager des comportements de nature à le troubler, sans être responsables toutefois de sa sauvegarde de manière proactive.

A été adopté, avec un avis favorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement de M. François Pupponi et des membres du groupe DEM visant à étendre l’engagement à respecter les principes du contrat d’engagement républicain aux fondations qui font une demande de subvention. Si les fondations reposent sur un régime juridique différent de celui des associations ([107]), elles peuvent également percevoir des subventions publiques ([108]). Dès lors, il semble pertinent de les soumettre également à la signature du contrat d’engagement républicain dans le cadre de leurs demandes de subventions.

La commission a également adopté avec un avis favorable du rapporteur et  défavorable du Gouvernement un amendement de M. Charles de Courson et des membres du groupe Libertés et territoires, visant à supprimer la précision selon laquelle le principe d’égalité, figurant dans le contrat d’engagement républicain, incluait l’égalité « notamment entre les femmes et les hommes ». Cette suppression ne vise pas à minimiser, encore moins à nier, la centralité de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont souvent les premières victimes du séparatisme. Toutefois, d’un point de vue purement juridique, il ne semble pas pertinent de désigner explicitement cette dimension du principe d’égalité. Ce dernier l’englobe nécessairement. En outre, énumérer une partie des déclinaisons du principe d’égalité peut avoir pour effet involontaire de limiter la portée du principe quant à ses autres dimensions. Il est dès lors plus efficace de s’en tenir au principe général.

La commission a adopté un amendement de Mme Marie Guevenoux et plusieurs députés du groupe La République en marche, avec un avis défavorable du rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, visant à ajouter aux principes contenus dans le contrat d’engagement républicain le respect des exigences minimales de la vie en société et des symboles fondamentaux de la République. Si la notion d’exigences minimales de la vie en société a été utilisée par le Conseil constitutionnel ([109]), il n’en a pas donné de définition dans le cadre de sa décision. Dans un rapport du 25 mars 2010, le Conseil d’Etat indique que l’ordre public pourrait, dans une définition extensive, répondre à un « socle minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles à la vie en société ». Il s’agirait d’exigences et de garanties à ce point fondamentales qu’elles conditionneraient l’exercice des autres libertés. Les symboles fondamentaux de la République au sens de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont le drapeau tricolore, l’hymne national et la devise.

Plusieurs amendements des rapporteurs visant à préciser les conditions de mise en œuvre du contrat d’engagement républicain ont été adoptés :

– la commission a adopté avec un avis favorable du Gouvernement un amendement visant à indiquer que l’obligation de s’engager à respecter les principes du contrat d’engagement républicain est réputée satisfaite par les associations agréées au titre de l’article 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Cette disposition répond à une demande de simplification administrative de la part du monde associatif. En effet, l’article 7 du présent projet de loi propose d’ajouter l’engagement à respecter les principes du contrat d’engagement républicain aux conditions du tronc commun devant être remplies par les associations qui sollicitent le bénéfice d’un agrément. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’exiger de leur part qu’elles s’engagent à respecter ces principes à deux reprises, pour la demande d’agrément et pour la demande de subvention, d’autant plus que l’obtention de certains agréments conditionne l’obtention de la subvention. La rédaction proposée permet toutefois de retirer la subvention d’une association agréée qui manquerait à ses engagements au regard des principes républicains ;

– la commission a adopté avec un avis défavorable du Gouvernement un amendement visant à indiquer que l’association qui s’engage à respecter les principes du contrat d’engagement républicain est tenue d’informer de manière individuelle ses membres du contenu de ce contrat. Son respect ne peut dépendre en effet du dirigeant de l’association seul. Ses membres doivent par conséquent être informés du contenu de ce contrat ;

– enfin, la commission a adopté avec un avis favorable du Gouvernement un amendement créant un devoir de notification pour la collectivité ayant pris la décision de retirer la subvention d’une association en raison d’un manquement aux principes du contrat d’engagement républicain. La collectivité ayant pris cette décision est tenue, en application de la disposition adoptée, de la notifier aux autres autorités concourant au financement de l’association, ainsi qu’au préfet. L’objectif de cette mesure est de garantir la pleine information des autres collectivités, afin qu’elles puissent à leur tour décider du retrait de la subvention. Le préfet gagnerait aussi à être informé de cette décision, d’une part au titre des fonds potentiellement attribués par l’État, et d’autre part afin de pouvoir bénéficier d’informations quant aux associations exerçant sur le territoire sur lequel il est compétent.

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Article 6 bis
Demande de rapport sur la création un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales pour la promotion des principes du contrat d’engagement républicain

Introduit par la commission

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article porte une demande de rapport analysant les possibilités de créer un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales, dont le but serait de promouvoir les principes du contrat d’engagement républicain.

1.   L’état du droit

La vie associative bénéficie de plusieurs sources de financements. 61 % d’entre elles perçoivent au moins un financement public.

Tout d’abord, les collectivités peuvent financer les associations. Les communes sont à ce titre leur premier financeur. Les départements et les régions versent également des subventions.

En outre, les associations bénéficient du soutien du fonds de développement pour la vie associative (FDVA) ([110]), financé par le budget de l’État. L’objet de ce fonds est de contribuer au développement des associations. L’usage du fonds repose sur l’attribution de concours financiers au profit des bénévoles élus ou des responsables d’activités pour leur formation, à l’exception des associations qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives. En outre, le FDVA finance le fonctionnement et les projets innovants des associations, y compris sportives.

Les subventions octroyées par les parlementaires aux associations par le biais de la « réserve parlementaire » ayant été supprimées par la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ([111]), les crédits alloués au FDVA ont été augmentés en loi de finances pour 2018, faisant de cet outil un instrument central du soutien au monde associatif.

Les ministères peuvent également verser des subventions aux associations.

D’autres organismes publics, dont des établissements publics administratifs, des établissements publics à caractère industriel et commercial et des organismes de sécurité sociale, peuvent également contribuer au financement du monde associatif.

Les financements de l’État à destination des collectivités territoriales sont variés. Ils reposent sur des dotations budgétaires, des prélèvements sur recettes et des transferts d’impôt. En outre, certains ministères versent des subventions spécifiques aux collectivités territoriales, qui bénéficient également des dégrèvements d’impôts locaux et de fiscalité transférée.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article additionnel est issu d’un amendement adopté à l’initiative de M. Philippe Vigier et des membres du groupe DEM, ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

Il porte une demande de rapport analysant les possibilités de créer un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales. L’objectif de ce fonds, baptisé « Promesse républicaine », serait de promouvoir les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain. Son fonctionnement serait semblable à celui du FDVA.

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Article 7
(art. 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Obligation de respecter le contrat d’engagement républicain pour les associations agréées

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose d’ajouter aux conditions du tronc commun d’agrément des associations le respect des principes mentionnés dans le contrat d’engagement républicain, créé par l’article 6 du présent projet de loi.

     Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Un agrément peut être accordé à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou par le code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par l’État ou l’un de ses établissements publics. Il vise à signifier la reconnaissance de l’engagement d’une association dans un domaine particulier. La décision de délivrer un agrément est prise par l’autorité administrative compétente selon l’agrément concerné.

Aux termes de l’article 25-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, pour bénéficier d’un agrément, une association doit, d’une part, remplir trois conditions générales constituant un tronc commun :

– répondre à un objet d’intérêt général ;

– présenter un mode de fonctionnement démocratique ;

– et respecter des règles de nature à garantir la transparence financière ([112]).

Dans le cadre du dossier de demande d’agrément, le représentant légal de l’association établit par une attestation sur l’honneur le respect des trois conditions du tronc commun.

Les associations reconnues d’utilité publique sont réputées satisfaire à ces conditions, ainsi que toute association qui s’est vue délivrer un agrément durant les cinq dernières années.

Le décret n° 2017-908 portant diverses dispositions relatives au régime juridique des associations, des fondations, des fonds de dotation et des organismes faisant appel public à la générosité précise le contenu de ces conditions. Il dispose notamment que, pour satisfaire à la condition d’objet d’intérêt général mentionnée au 1° de l’article 25-1 de la loi du 12 avril 2000, l’association doit « demeurer ouverte à tous sans discrimination, et présenter des garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles ». Il précise notamment les critères retenus pour vérifier le respect des trois critères du tronc commun.

D’autre part, l’association qui fait la demande d’un agrément doit remplir les conditions propres à chaque agrément, déterminées par chaque ministère compétent par des textes législatifs ou réglementaires différents et propres à leur domaine d’activité. L’État ou l’un de ses établissements publics qui a délivré l’agrément peut procéder à son abrogation selon les conditions de l’article L. 242-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, la non-satisfaction de l’une des conditions de délivrance de l’agrément peut conduire au retrait de l’agrément ([113]).

Si chacune des autorités en charge de délivrer des agréments contrôle le respect de ses conditions propres, seul le premier ministère sollicité contrôle le respect des conditions du tronc commun. Par la suite, les agréments demandés par la même association à d’autres ministères ne feront l’objet que d’une vérification du respect des conditions propres à ces ministères.

Selon les données figurant dans l’étude d’impact, les associations agréées sont au nombre de 300 000 environ, dont plus la moitié, soit 185 000, sont des associations sportives, tandis que l’on compte environ 18 000 associations de jeunesse et d’éducation populaire et 80 000 associations de chasse. Ces associations agréées bénéficient de plusieurs prérogatives, définies par des lois et règlements. Tout d’abord, l’agrément peut leur permettre de bénéficier d’avantages fiscaux et leur ouvre le droit de pratiquer certaines activités. En outre, certains agréments conditionnent le bénéfice de subventions.

Il existe plusieurs agréments. Les principaux sont :

– l’agrément des associations de protection de l’environnement ([114]) permet aux associations agréées de participer aux instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques publiques d’environnement et de développement durable et de mener des actions en justice. L’agrément est accordé par le préfet du département dans lequel l’association a son siège social lorsque l’agrément est demandé dans un cadre local, ou par le ministre lorsque l’agrément est demandé dans un cadre national ;

– l’agrément des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public ([115]) est attribué à des associations qui proposent des activités éducatives complémentaires aux enseignements délivrés à l’école. Il existe deux niveaux d’agrément, un niveau national si l’association couvre l’ensemble du territoire national et si son action s’exerce sur un grand nombre d’académies, et un niveau académique si l’association a une activité locale ou exerce son action sur un faible nombre d’académies. Le ministère décide de l’attribution de l’agrément ;

– l’agrément de jeunesse et d’éducation populaire ([116]) vise à reconnaitre l’activité d’association ayant des activités de jeunesse et/ou d’éducation populaire. Il existe un agrément national, attribué par arrêté du ministre, et un agrément départemental prononcé par arrêté préfectoral. Il convient de noter qu’aux termes de l’article 8 de la loi du 17 juillet 2001, cet agrément « est notamment subordonné à l’existence et au respect de dispositions statutaires garantissant la liberté de conscience, le respect du principe de non-discrimination, leur fonctionnement démocratique, la transparence de leur gestion, et permettant, sauf dans les cas où le respect de cette dernière condition est incompatible avec l’objet de l’association et la qualité de ses membres ou usagers, l’égal accès des hommes et des femmes et l’accès des jeunes à leurs instances dirigeantes ».

– l’agrément des associations sportives ([117]) est attribué à toute association sportive affiliée à une fédération sportive agréée par l’État ([118]). Les associations sportives agréées peuvent notamment bénéficier de l’aide de l’État. L’agrément est délivré par le ministre chargé des sports aux fédérations. Les fédérations sportives agréées sont reconnues comme participantes à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives ([119]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article propose de modifier l’article 25-1 de la loi du 12 avril 2000, qui liste les conditions comprises dans le tronc commun à tous les ministères pour la délivrance des agréments aux associations.

Il ajoute aux trois conditions précitées le respect des principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi du 12 avril 2000, introduit par l’article 6 du présent projet de loi. De la même manière que pour les autres conditions préexistantes, les associations qui se sont vues délivrer un agrément sont réputées satisfaire pendant cinq ans au contrat d’engagement républicain.

Les modalités de délivrance des agréments ne se voient pas modifiées par cet article. Comme c’est le cas actuellement, le premier ministère sollicité vérifierait le respect des conditions du tronc commun, et donc des principes contenus dans le contrat d’engagement républicain. D’un point de vue pratique, et comme pour les trois critères préexistants, le représentant légal de l’association établirait une attestation sur l’honneur justifiant de son respect des principes du contrat d’engagement républicain.

Les moyens utilisés par les services de l’État en charge de délivrer les agréments pour le contrôle du respect des principes républicains restent toutefois peu précisés. Les conditions d’application de l’article 25-1 étant définies par décret en Conseil d’État en vertu du même article, le décret n° 2017-908 du 6 mai 2017 portant diverses dispositions relatives au régime juridique des associations, des fondations, des fonds de dotation et des organismes faisant appel public à la générosité pourrait être le support d’une plus ample définition des critères attendus et des modalités de leur contrôle.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

Article 8
(art. 212-1, 212-1-1[nouveau]  et 212-1-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Adaptation et élargissement des motifs de dissolution administrative
d’une association

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose de modifier à trois égards le régime de la dissolution administrative des associations et des groupements de fait. Tout d’abord, il adapte et complète les motifs de dissolution. Dans un second temps, il propose, sous conditions, de pouvoir imputer à l’association ou au groupement de fait les agissements de ses membres de nature à justifier une dissolution administrative. Enfin, il propose la création d’une procédure d’urgence permettant de suspendre les activités de l’association faisant l’objet d’une mesure de dissolution. Si ces mesures constituent une évolution importante du dispositif de dissolution des associations et groupements de fait, elles ne sont pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’association.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

a.   La liberté d’association fait l’objet d’un régime juridique libéral

i.   La reconnaissance de la liberté d’association en droit interne

La liberté d’association est l’une des libertés fondamentales constitutives de l’ordre juridique interne français. Elle a tout d’abord été reconnue comme un principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel ([120]). Le Conseil d’État l’a quant à lui rattaché aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, visés par le Préambule de la Constitution de 1946 ([121]), et l’a reconnu comme une liberté constitutionnelle ([122]).

La liberté d’association peut s’exercer par deux formes. D’une part, les personnes sont libres de se regrouper librement, sans autorisation ni déclaration préalable, formant ainsi un groupement de fait. Si ce regroupement est licite, il ne jouit pas de la capacité juridique ([123]). Il illustre néanmoins la grande liberté qui prévaut dans ce domaine, et est reconnu à ce titre dans la loi fondatrice du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

Une association reconnue par la loi de 1901 est quant à elle déclarée et rendue publique par ses fondateurs. Elle bénéficie à ce titre de la capacité juridique ([124]). La déclaration préalable est réalisée auprès du représentant de l’État dans le département du siège social de l’association. Cette déclaration doit comprendre le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ([125]).

La reconnaissance de la centralité de la liberté d’association a pour corollaire l’instauration et la protection d’un régime juridique libéral. Par conséquent, la création d’une association est libre : elle n’est soumise ni à autorisation, ni à contrôle a priori de l’autorité administrative.

Comme le souligne le Conseil constitutionnel, « la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validation à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire » ([126]).

ii.   La reconnaissance de la liberté d’association en droit international

Le droit international et européen reconnaît également la liberté d’association.

Tout d’abord, l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît à toute personne la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.

L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît également à toute personne la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. Il encadre également les restrictions à la liberté d’association, en indiquant que « l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».

Dès lors, les restrictions appliquées doivent être prévues par la loi, doivent être nécessaires, et doivent répondre à des buts légitimes dans une société démocratique. La Cour européenne des droits de l’homme exerce un contrôle strict sur les mesures de restriction à la liberté d’association. Ainsi, les restrictions à la liberté d’association doivent être non seulement prévues par la loi, mais également proportionnées au but poursuivi par l’État ([127]). Elle considère à cet égard que la dissolution forcée d’une association est une mesure aux conséquences lourdes, qui ne peut s’appliquer qu’aux cas les plus graves ([128]). Ainsi, pour qu’une dissolution soit considérée comme proportionnée, les autorités doivent démontrer qu’il n’existe pas d’autres mesures portant moins gravement atteinte au droit à la liberté d’association et permettant d’arriver au même but ([129]).

D’autres normes internationales, dont le Pacte international des droits civils et politiques en son article 22, reconnaissent la liberté d’association.

b.   Des limites peuvent être posées à la liberté d’association pour des cas restreints uniquement

En vertu de sa qualité de liberté fondamentale, le droit d’association ne peut être restreint que dans des cas prévus par la loi et strictement limités, conformément aux exigences constitutionnelles et au droit international. La dissolution est l’une des restrictions prévues par la loi pouvant lui être apportée. Plusieurs voies, judiciaires et administratives, peuvent être mobilisées pour sa mise en œuvre.

i.   Les dissolutions opérées par voie judiciaire

Il existe trois possibilités permettant de dissoudre une association ou un groupement de fait par la voie judiciaire. L’ensemble des voies de dissolution judiciaires visent les associations déclarées uniquement, et excluent par conséquent les groupements de fait.

● La première limitation à la liberté d’association est posée par la loi du 1er juillet 1901 elle-même, dont l’article 3 détermine que « toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement, est nulle et de nul effet ». Cette formulation générale permet d’adapter l’interprétation de cet article aux contextes visés. En outre, la licéité de l’objet peut être apparente, ou peut se découvrir. Par conséquent, il suffit par exemple qu’au cours de la vie de l’association, celle-ci soit détournée du but poursuivi à l’origine si son objet réel est devenu illicite ([130]).

L’article 7 de la loi de 1901 indique qu’en cas de nullité prévue à l’article 3, l’association est dissoute par le tribunal judiciaire, soit sur requête d’une personne intéressée, soit par le procureur de la République. Dans ce contexte, peuvent être ordonnées la fermeture des locaux et l’interdiction de toute réunion des membres de l’association.

Enfin, en application de l’article 8 de la même loi, sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, « les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution », ainsi que « toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute, en consentant l’usage d’un local dont elles disposent ».

● Peut-être prononcée, en vertu de l’article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, la dissolution d’une association qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de « créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives » pour diverses infractions, parmi lesquelles les infractions contre l’espèce humaine, l’atteinte volontaire ou involontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, la mise en danger de la personne, l’atteinte aux libertés de la personne, l’atteinte à la dignité de la personne, l’atteinte à la personnalité, la mise en péril des mineurs, les atteintes aux biens ([131]), l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie ([132]), et la publicité mensongère, la fraude ou les falsifications ([133]). Dans ce cas de figure également, la demande est portée devant le tribunal judiciaire à la demande du ministère public ou à la requête de toute personne intéressée.

Le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, de l’association dissoute par cette voie est punie d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ([134]).

● Enfin, lorsque la loi le prévoit, un crime ou délit peut également donner lieu à la dissolution d’une association créée ou détournée de son objet ([135]), pour commettre les faits incriminés ([136]). Cette disposition n’est toutefois pas applicable à certaines personnes morales, dont les partis ou groupement politiques, les syndicats et les institutions représentatives du personnel.

ii.   Les dissolutions opérées par voie administrative

Il existe deux possibilités permettant de dissoudre une association ou un groupement de fait par la voie administrative.

● En période d’état d’urgence, sur le fondement de l’article 6-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ([137]) « sont dissous par décret en conseil des ministres les associations ou groupements de fait qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent ».

Les effets de cet article sont particulièrement puissants, pour deux raisons principales. D’une part, les mesures prises sur le fondement du présent article ne cessent pas de produire leurs effets à la fin de l’état d’urgence (par dérogation à l’article 14 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955). D’autre part, les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure et les services désignés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4 du même code, peuvent recourir aux techniques de renseignement pour la prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution des associations ou groupements dissous en application de cet article.

En outre, le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution sont punies par plusieurs sanctions :

– trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ([138]) ;

– les peines prévues aux articles 431-17 à 431-21 du code pénal.

Malgré l’approche généraliste de cet article, qui permet de saisir une grande diversité de situations, aucune dissolution n’a été prononcée sur son fondement.

● Sous le régime de droit commun, la dissolution peut être prononcée par une mesure de police administrative fondée sur les dispositions de l’article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure.

Le régime de droit commun de dissolution des associations résulte en grande partie de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées. Cette loi souligne la forte correspondance qui existe entre les préoccupations de l’époque et les motifs retenus pour dissoudre une association. Elle constitue en effet une réaction aux événements du 6 février 1934, qui ont vu de violentes émeutes nationales et antiparlementaristes porter atteinte à l’ordre public. L’objectif de cette loi était ainsi de fournir à l’administration une base légale pour dissoudre une association ou un groupement de fait à l’origine de troubles graves à l’ordre public. Elle a notamment permis de prononcer la nullité d’une association politique appelant au rétablissement de la monarchie par tous moyens, notamment par l’emploi de la force ([139]).

Les dispositions correspondantes ont été codifiées à l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure vise sept motifs, pouvant être cumulés, pour lesquels une association ou un groupement peut se voir dissous par décret en conseil des ministres. Sont visés les associations ou groupements de fait :

«  Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ;

 Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

 Ou qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

 Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

 Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ;

 Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

 Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger.

Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article, ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l’organisation d’un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal. »

Il convient toutefois de noter que sont exclus de l’application de cet article les associations et groupements de fait de supporters, définis comme ayant pour objet le soutien à une association sportive. Ces associations et groupements de fait sont en effet soumis à une police spéciale, en vertu de l’article L. 212-2 du CSI.

Les services de renseignement sont chargés de proposer la dissolution administrative à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur, qui instruit cette proposition. La dissolution prononcée constitue une mesure de police administrative ([140]). Par conséquent, elle ne peut avoir pour objet que la protection de l’ordre public, menacée par une association ou un groupement de fait qui se rendrait coupable des agissements précédemment énumérés.

En outre, au regard de son caractère fortement contraignant, d’importantes exigences juridiques garantissent la proportionnalité entre la mesure prononcée et le respect du droit d’association :

– une mesure de dissolution administrative doit être solidement motivée : il doit résulter des activités de l’association ou du groupement une dangerosité particulière pour l’ordre et la sécurité publics. Le juge administratif vérifie à ce titre que le décret de dissolution prend en compte à cet effet des considérations de droit et de fait ([141]) ;

– les mesures de dissolution doivent, comme toutes les mesures de police administrative, être strictement nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ([142]) ;

– la mesure de dissolution fait l’objet d’une procédure contradictoire ([143]), selon les dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, après que la DLPAJ a proposé la dissolution, après analyse de la qualification juridique et validation par le cabinet du ministre de l’intérieur puis du Premier ministre. Dans ce cadre, des observations écrites ou un entretien avec les responsables de l’association ou du groupement de fait peuvent avoir lieu ;

– la dissolution est prononcée par décret en conseil des ministres du Président de la République, garantissant un haut niveau de transparence et de visibilité de la mesure, mais également son caractère rare et solennel ;

– enfin, une mesure de dissolution administrative est susceptible de recours administratif (recours gracieux ou hiérarchique) et de recours contentieux. Le droit d’association étant une liberté fondamentale, le recours pourra prendre la forme d’un référé-liberté ou d’un référé-suspension, bénéficiant des conditions favorables de ces derniers ([144]). Le recours peut également, de manière cumulative ou alternative, prendre la voie d’un recours en annulation.

La dissolution entre en vigueur lors de la publication du décret au Journal officiel et à sa notification au président de l’association ou responsable du groupement de fait.

L’article 9 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association détermine qu’en cas de dissolution, y compris lorsque cette dernière est prononcée par la justice, les biens de l’association seront dévolus conformément à ses statuts, ou suivant les règles déterminées en assemblée générale en l’absence de disposition statutaire.

Les dispositions de l’article L. 212-1 du CSI ne méconnaissent pas les stipulations de l’article 11 de la CEDH. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet récemment jugé que la liberté d’association ne pouvait conduire à l’abus de la liberté d’association en contradiction avec les valeurs de tolérance, de paix sociale et de non-discrimination, elles aussi défendues au titre de la Convention ([145]) . Le Conseil d’État a également reconnu que la dissolution d’un groupement de fait ayant provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes en raison de leur appartenance à une race ou une religion et propagé des idées ou théories à caractère raciste et antisémite, constitue une restriction à l’exercice de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH justifiée par une menace pour l’ordre public ([146]) .

c.   Une mesure qui a fait la preuve de son efficacité pour répondre aux menaces pesant sur l’ordre public

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 janvier 1936, 123 associations et groupements de fait ont fait l’objet d’une dissolution administrative, dont 29 entre 2010 et 2020, quatre entre 2000 et 2010 et 90 entre 1936 et 2000. Une accélération de son usage est ainsi observée au cours des dix dernières années.

L’usage de la dissolution administrative reflète les préoccupations et événements de l’époque. Durant les dernières années, le contexte social troublé et la montée en puissance de la menace terroriste ont ainsi conduit à une augmentation de l’usage de la mesure, et à un usage plus fréquent des motifs énumérés aux 1°, 2°, 6° et 7° de l’article L. 212-1.

Si les autres fondements sont plus datés, et de ce fait moins facilement mobilisables, la procédure de dissolution est l’un des éléments importants du dispositif de lutte contre la diffusion d’idéologies mortifères, qu’il s’agisse de l’islamisme radical (tant des personnes morales gestionnaires de lieux de culte que des groupements identifiés comme adhérant à une idéologie islamiste radicale) ou de groupuscules d’extrême-droite.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La modification des motifs permettant de prononcer la dissolution d’une association

Le présent article propose de modifier l’article L. 212-1 du CSI relatif à la dissolution administrative de droit commun, dans le but de pouvoir utiliser plus largement et plus facilement ses dispositions.

Le renforcement du droit de dissolution s’inscrit dans l’une des dynamiques du texte, consistant à instaurer un continuum de sanction, allant du retrait de la subvention (article 6) et d’agrément (article 7), à la dissolution.

Pour ce faire, le présent article propose d’une part d’actualiser certains motifs, et ainsi éviter ainsi les situations dans lesquelles une base légale manquerait. En effet, certaines dispositions de l’article L. 212-1 du CSI semblent désuètes ou incomplètes, car ces dispositions n’ont été peu que mises à jour depuis leur création dans le cadre de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées. D’autre part, le présent article propose de préciser certains motifs. Enfin, il propose de compléter la liste des motifs justifiant une mesure de dissolution.

● Le premier des motifs de dissolution vise les associations ou groupements de fait « qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ». Cette disposition visait, à sa création, à répondre aux agissements des ligues d’extrême droite actives dans les années 1930. Ce motif est aujourd’hui peu mobilisable, car le critère géographique renvoyant à la rue est restrictif : il ne permet pas de saisir des agissements visant par exemple un lieu privé ou un lieu ouvert au public.

Par conséquent, le présent projet de loi propose de remplacer la mention à la rue, critère géographique, par un autre type d’action, venant s’ajouter aux manifestations armées dans la rue : il s’agit des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens.

Si cette disposition ne vient pas modifier l’esprit du 1° de l’article L. 212-1 du CSI, elle étend son champ. Restreint auparavant à des manifestations armées dans un lieu défini (la rue), ce motif de dissolution vise désormais les manifestations armées et les agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, se déroulant en tout lieu. Dans son avis consultatif sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que cette actualisation d’un motif historiquement lié à la vocation anti‑ligues de la loi de 1936 était nécessaire pour lutter contre des formes inédites et graves de violences répétées ou récurrentes commises en dehors de la voie publique.

● Le troisième motif de dissolution, qui vise les associations ou groupements de fait qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement, est précisé, afin de viser non seulement les associations sont le but est celui-là, mais également celles dont « l’objet ou l’action tend à porter atteinte à l’intégrité du territoire nationale ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ».

Cette précision, qui reprend une interprétation jurisprudentielle selon laquelle il convient de se référer non uniquement à l’objet social de l’association mais également à son activité réelle ([147]), permet d’appliquer ce motif à des associations qui n’affichent pas explicitement cet objectif, mais dont l’objet réel ou les actions y concourent.

● Le sixième motif de dissolution vise les associations ou groupements de fait qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes, ou qui propagent des idées ou des théories tendant à justifier ou à encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence. Le présent projet de loi propose de modifier plusieurs aspects de ce motif.

Tout d’abord, il propose d’inclure les associations ou groupements de fait non seulement qui provoquent à la discrimination, la haine ou la violence, mais également qui y contribuent par leurs agissements.

En outre, il propose d’élargir les discriminations concernées, en ajoutant aux critères existants (l’origine, l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion) de nouveaux critères : le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Enfin, le présent article précise que l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion peut être vraie ou supposée, et il précise qu’il ne s’agit pas d’une race, mais d’une « prétendue race », insistant ainsi le fait que la République française ne reconnaît aucune race.

b.   La possibilité d’imputer à une association ou un groupement de fait les agissements de leurs membres

● Le présent projet de loi propose de créer un nouvel article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure, dans le prolongement de l’article L. 212-1 : il vise à pouvoir imputer à une association ou un groupement de fait, pour prononcer sa dissolution, les agissements mentionnés [à l’article L. 212-1] commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité, ou directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ».

Cette mesure complète à deux égards l’article 121-2 du code pénal, selon lequel « les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Le nouvel article L. 212-1-1 du CSI nouvellement créé vise d’une part les motifs justifiant une dissolution, et non uniquement la responsabilité pénale, et d’autre part permet de prendre en compte les agissements des dirigeants mais également des membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association et du groupement.

L’objectif de cette mesure est d’éviter qu’une association portant atteinte à l’ordre public puisse échapper à toute mesure administrative en arguant que les agissements répréhensibles ne sont pas du fait de la personne morale, mais de certains de ses membres ou de ses dirigeants. Dès lors, il s’agit d’attribuer à une association la responsabilité d’agissements commis par ses membres, et de pouvoir la dissoudre sur ces motifs.

● Cet article s’inspire de plusieurs sources jurisprudentielles et légales :

– Dans une décision de 2014, le Conseil d’État a considéré que des groupements de fait qui partagent les mêmes dirigeants et étaient étroitement imbriqués en raison de leur fonctionnement et de leurs activités, pouvaient être considérés comme formant un ensemble unique ([148]) .

– Dans une décision récente, le Conseil d’État a jugé légale la dissolution d’une association notamment en raison des messages tenus par son fondateur et président sur les réseaux sociaux, alors que l’association arguait qu’elle ne saurait être tenue responsable ni des publications de son président ni des commentaires y afférent ([149]) .

– En outre, des dispositions applicables aux associations de supporters en application de l’article L. 332-18 du code du sport permettent de prononcer la dissolution ou la suspension d’associations ou de groupements pour des motifs proches de ceux du 6° de l’article L. 212-1 du CSI et à raison des agissements de leurs membres ([150]) .

● Enfin, cet article offre des garanties importantes, permettant d’assurer qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle. En effet, pour l’application de cette mesure :

– suivant la suggestion du Conseil d’État dans son avis consultatif, il faut que les personnes physiques agissent en qualité de membres de l’association, ou soient directement liées à ses activités ;

– il faut que les dirigeants de l’association soient informés de ces agissements et qu’ils n’aient pas pris les mesures nécessaires pour les faire cesser. Cette disposition permet de prendre en compte le fait qu’il est parfois difficile pour un dirigeant d’association de repérer les comportements répréhensibles. Il faudra toutefois qu’il puisse le prouver ;

– pour ce faire, il convient de prendre en compte les moyens dont ils disposaient.

Le rapporteur insiste sur l’importance et la sensibilité que revêtira l’appréciation in concreto¸ par l’administration et par le juge, de la capacité du dirigeant à avoir connaissance des agissements visés, notamment lorsque ceux-ci passent par les réseaux sociaux.

c.   La création d’une procédure d’urgence de suspension des activités d’une association faisant l’objet d’une procédure de dissolution

Enfin, le présent article propose de créer un nouvel article L. 212-1-2 du code de la sécurité intérieure, afin d’instaurer une procédure d’urgence permettant la suspension de tout ou partie des activités des associations ou groupements de fait qui font l’objet d’une procédure de dissolution.

Le recours à cette procédure n’est toutefois pas obligatoire : la suspension « peut » être prononcée, à titre conservatoire et pour une durée maximale de trois mois par le ministre de l’intérieur. En outre, elle porte, comme le recommande le Conseil d’État, sur tout ou partie des activités de l’association.

L’ensemble de ces précautions permet de répondre de façon proportionnée à la menace représente par l’association faisant l’objet d’une dissolution.

Cette disposition s’inspire des celles de l’article L. 322-18 du code du sport, selon lesquelles, « peut être dissous ou suspendu d’activité pendant douze mois au plus par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l’article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l’occasion d’une manifestation sportive, des actes répétés ou un acte d’une particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d’incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Enfin, cet article nouvellement créé propose de punir d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la violation de la mesure conservatoire de suspension.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du rapporteur, un amendement rédactionnel de M. Charles de Courson, visant à corriger une faute d’accord.

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Article 9
(art. 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie)
Renforcement des contrôles sur les fonds de dotation

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les fonds de dotation sont des outils de financement créés par l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.

Ils ont été identifiés comme un facteur de risque en raison, d’une part, de leur facilité de création et de fonctionnement et, d’autre part, de l’insuffisance des contrôles auxquels ils sont soumis, qui permettent le détournement de certains fonds à des fins contraires à l’intérêt général.

Tout en préservant le régime déclaratif de création des fonds de dotation, et sans imposer la transmission de documents supplémentaires, cet article précise les obligations auxquelles sont soumis les fonds et renforce les pouvoirs de contrôle du préfet, notamment sa capacité à suspendre l’activité des fonds ne respectant pas la loi, ni les principes de la République.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements qui clarifient les sanctions ainsi que la procédure de suspension des fonds de dotation.

1.   L’état du droit

Les fonds de dotation sont des outils de financement des œuvres et organismes d’intérêt général. Ils ont été identifiés comme un facteur de risque en matière de non-respect des principes de la République en raison, d’une part, de leur facilité de création et de fonctionnement et, d’autre part, de l’insuffisance des contrôles auxquels ils sont soumis, qui permettent le détournement de certains fonds à des fins contraires à l’intérêt général.

a.   Le fonds de dotation, un dispositif simple et avantageux

Le fonds de dotation est prévu à l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui le définit au premier alinéa du I comme « une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général ».

Il s’agit d’un dispositif innovant, qui emprunte à la fois au régime des associations et au régime des fondations. Il bénéficie d’une grande facilité de création et de fonctionnement ainsi que d’avantages fiscaux.

● La création d’un fonds de dotation est peu contraignante.

En application du II de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, un fonds de dotation peut être créé – par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, privées ou publiques – au moyen d’une simple déclaration à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social, assortie du dépôt de ses statuts. À la différence d’autres organismes à but non lucratif, comme les fondations, la création d’un fonds de dotation n’est donc pas soumise à une autorisation administrative préalable.

Le préfet de département exerce un contrôle a priori tendant à vérifier le caractère d’intérêt général du fonds. Le fonds doit, conformément au I de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, poursuivre un objet d’intérêt général au sens de la doctrine fiscale, c’est-à-dire exercer une activité non lucrative, avoir une gestion désintéressée et mener des actions qui ne bénéficient pas qu’à un nombre non restreint de personnes. Néanmoins, ce contrôle a priori est très restreint. Les services préfectoraux, qui ne disposent que d’un délai de cinq jours pour délivrer le récépissé, se contentent de vérifier que le dossier présenté est complet et que l’objet déclaré est suffisamment précis.

Il convient de souligner que les associations cultuelles relevant de la loi de 1905 ([151]), dont l’objet doit être exclusivement cultuel, n’ont pas la possibilité de créer un fonds de dotation ou de recevoir des dons d’un fonds de dotation en vue de réaliser une œuvre ou une mission d’intérêt général. Néanmoins, ces facultés sont reconnues aux associations « mixtes » relevant de la loi de 1901 ([152]) pour la réalisation de leurs activités à caractère social ou culturel.

Initialement, aucune dotation initiale n’était exigée pour la création d’un fonds de dotation. Toutefois, de nombreux fonds créés sans parvenir à mobiliser des financements sont devenus des « coquilles vides » n’ayant aucune activité. En conséquence, l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie prévoit, depuis 2014 ([153]), que les fondateurs apportent une dotation initiale qui ne peut être inférieure à un montant fixé par voie réglementaire sans pouvoir excéder 30 000 euros. Ce montant minimal a été fixé à 15 000 euros par le décret du 22 janvier 2015 ([154]).

● Les fonds de dotation bénéficient d’une grande liberté d’organisation.

Une fois créé, pour une durée déterminée ou indéterminée, un fonds de dotation bénéficie de la personnalité morale à compter de la date de publication au Journal officiel de la déclaration faite en préfecture. En application du V de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie et de l’article 1er du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation, il est administré par un conseil d’administration, comprenant au minimum trois membres, mais au sein duquel l’État n’est pas représenté (contrairement, par exemple, au conseil d’administration d’une fondation). Le conseil d’administration définit la politique d’investissement du fonds dans les conditions fixées dans les statuts.

Conformément aux III et IV de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, un fonds de dotation dispose librement de ses ressources, dans la limite de son objet d’intérêt général. En principe, un fonds de dotation ne peut consommer les dotations en capital dont il bénéficie et ne peut utiliser que les revenus issus de celles-ci. Toutefois, par dérogation, les statuts d’un fonds peuvent prévoir la possibilité de consommer sa dotation en période de faible rémunération.

Outre sa dotation en capital initiale, le fonds de dotation dispose d’une capacité juridique étendue pour recevoir des apports de toute nature. Ainsi, un fonds de dotation peut librement accepter les dons et libéralités sans déclaration ni autorisation préalable. Si aucun fonds public ne peut être versé à un fonds de dotation, il peut être dérogé à cette interdiction, à titre exceptionnel, pour une œuvre ou un programme d’actions déterminé, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget. Par ailleurs, un fonds de dotation peut faire appel à la générosité publique, après autorisation administrative, soit pour compléter sa dotation en capital, soit pour financer une mission d’intérêt général.

● Les fonds de dotation bénéficient d’incitations fiscales calquées sur le régime du mécénat.

En tant qu’organismes sans but lucratif, les fonds de dotation ne sont pas soumis aux impôts commerciaux (notamment l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée ou encore la cotisation foncière des entreprises). En outre, en application du 14° de l’article 795 du code général des impôts, les dons et legs qui leur sont consentis sont exonérés de droits de mutation.

En outre, les particuliers peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons à un fonds de dotation, dans les conditions fixées à l’article 200 du code général des impôts. De même, les entreprises peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés à hauteur de 60 % du montant de leurs dons, dans les conditions fixées à l’article 238 bis du même code.

● La facilité de création des fonds de dotation, la simplicité de leurs règles de fonctionnement et les avantages fiscaux dont ils bénéficient expliquent le développement des fonds de dotation.

Selon les informations figurant dans l’étude d’impact ([155]), le nombre de fonds de dotation est passé de 162 en 2009 à 2 494 fin 2017, dont 1 651 fonds en activité, et ce malgré une réduction du nombre de créations annuelles en 2015 et 2016. Le total des actifs de ces fonds est estimé entre 1,3 et 1,6 milliard d’euros. Leurs dépenses seraient comprises entre 220 et 270 millions d’euros par an.

Les associations, les fondations, les particuliers, les entreprises et même des organismes publics (par exemple, le musée du Louvre) se sont rapidement appropriés l’outil et ont créé des fonds de dotation de toute taille et de tout objet, dans des domaines très variés tels que l’action artistique et culturelle, l’éducation, l’enseignement, la recherche, l’action humanitaire, l’insertion économique et sociale, le développement durable, les sports ou encore les loisirs.

b.   Un contrôle restreint qui rend possible le détournement des fonds de dotation à des fins contraires à l’intérêt général

Les fonds de dotation sont soumis à des contrôles volontairement assouplis par rapport aux autres organismes sans but lucratif. L’activité courante des fonds de dotation fait l’objet d’un contrôle a posteriori, par le préfet de département, à partir des documents que les fonds sont tenus de publier à chaque exercice. Ils peuvent, dans certains cas, faire l’objet d’une suspension, voire d’une dissolution.

● Le contrôle a posteriori des fonds de dotation repose principalement sur l’obligation d’établir divers documents relatifs aux activités des fonds.

En application du VI de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, un fonds de dotation doit établir et publier des comptes annuels comprenant au moins un bilan et un compte de résultat. Si le montant de ses ressources excède 10 000 euros, il doit également nommer un commissaire aux comptes, lequel est chargé d’informer l’autorité administrative des difficultés repérées à l’occasion de l’exercice de sa mission.

En outre, conformément au VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, un fonds de dotation est tenu d’élaborer un rapport d’activité chaque année. L’article 8 du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 précité précise que ce rapport doit être soumis à l’approbation du conseil d’administration et contenir un certain nombre d’éléments (par exemple, un compte rendu d’activité, la liste et le montant des actions financées ou encore la liste des libéralités reçues).

Ces documents doivent être communiqués à l’autorité administrative. Ainsi, chaque année, un fonds de dotation a pour obligation d’adresser au préfet de département son rapport d’activité ainsi que ses comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes. Les comptes annuels des fonds de dotation sont publiés sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative (DILA) dans les mêmes conditions que ceux des associations et des fondations soumises à l’article L. 612-4 du code de commerce.

Les articles 4 et 8 du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 précité précisent que les documents doivent être transmis dans un délai de six mois à compter de la fin de l’exercice comptable. Lorsque le rapport d’activité n’a pas été notifié dans ce délai ou lorsque le rapport est incomplet, l’autorité administrative peut mettre en demeure le fonds de dotation de se conformer à ses obligations dans un délai d’un mois.

● Un fonds de dotation peut faire l’objet d’une suspension temporaire, voire d’une dissolution.

Le VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie charge l’autorité administrative, c’est-à-dire le préfet de département, de s’assurer de « la régularité du fonctionnement » d’un fonds de dotation et lui permet, à cette fin, de se faire communiquer tous documents et de procéder à toutes investigations utiles.

S’il constate des « dysfonctionnements graves » affectant la réalisation de l’objet d’un fonds de dotation, tels que définis à l’article 9 du décret du 11 février 2009 précité, le préfet de département peut, après mise en demeure non suivie d’effet, décider, par un acte motivé publié au Journal officiel, de suspendre l’activité du fonds pendant une période de six mois maximum.

Le VIII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie prévoit aussi la possibilité de dissoudre un fonds de dotation. La dissolution peut être prévue dans les statuts ou souhaitée par les fondateurs du fonds. Elle peut aussi résulter d’une décision judiciaire. Ainsi, lorsque la mission d’intérêt général d’un fonds n’est plus assurée, le préfet de département peut saisir l’autorité judiciaire aux fins de dissolution de ce fonds.

Il convient de souligner que, en l’état actuel du droit, la suspension d’un fonds de dotation – sanction administrative – et la saisie du juge judiciaire aux fins de dissolution du fonds ne peuvent se cumuler, ce qui ne permet pas toujours d’agir dans les situations d’urgence.

● En pratique, il est souvent difficile de suspendre ou de dissoudre un fonds de dotation qui ne respecterait pas la loi.

Il n’est pas toujours évident pour l’autorité administrative de démontrer l’existence d’un dysfonctionnement grave affectant la réalisation d’un fonds pour en suspendre l’activité, ni de prouver que la mission d’intérêt général d’un fonds n’est plus assurée pour en demander la dissolution. Ainsi, la suspension et la dissolution forcées sont rarement mises en œuvre. Selon l’étude d’impact, en 2015, seules 14 suspensions temporaires et 113 dissolutions ont été prononcées.

Cette situation résulte du peu de moyens dont dispose l’administration pour sanctionner le non-respect des obligations de transmission imposées aux fonds de dotation. L’absence de transmission par un fonds de son rapport d’activité au préfet de département ne constitue un dysfonctionnement grave susceptible de donner lieu à une suspension temporaire que si elle est constatée durant deux exercices consécutifs, et malgré une mise en demeure. De même, l’absence de transmission des comptes annuels ne constitue pas un dysfonctionnement grave passible de sanction. La loi ne permet de sanctionner que l’absence d’établissement des comptes annuels et de publicité de ceux-ci.

L’insuffisance du contrôle sur les fonds de dotation a été soulignée par la Cour des comptes ([156]), qui indiquait que les actions de contrôle « sont assurées de manière variable selon les préfectures » dont certaines « ne disposent pas des effectifs et/ou de compétences suffisants pour effectuer les vérifications requises ». De surcroît, la Cour observait que « les services de l’État sont très souvent dépassés par la croissance du nombre de fondations et de fonds de dotation, et peinent à assurer complètement leur mission de surveillance et de contrôle ».

● En conséquence, la facilité de création des fonds de dotation, la simplicité de leurs règles de fonctionnement et leurs avantages fiscaux peuvent être détournés à des fins contraires à l’intérêt général.

Ainsi, certains fonds de dotation peuvent exercer une activité réelle en tout ou partie lucrative ou cultuelle. Compte tenu de l’insuffisance des contrôles sur ces fonds, il peut en être ainsi pendant plusieurs années sans que l’autorité administrative n’en ait connaissance. En outre, même en cas de constatation d’un dysfonctionnement grave affectant l’objet d’un fonds de dotation, celui-ci peut reprendre ses activités quelques mois après sa suspension. Dès lors, les fonds de dotation ont été identifiés comme un facteur de risque en matière de séparatisme.

À titre d’illustration, l’étude d’impact annexée au projet de loi indique que des fonds de dotation servent à financer la construction de lieux de culte avec des financements provenant d’un pays étranger. Ainsi, comme elle l’a indiqué aux rapporteurs, la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers a été saisie de l’activité du fonds de dotation « Passerelles » qui finançait la construction de mosquées, indirectement par la prise de parts dans des sociétés civiles immobilières, au moyen de financements reçus de Qatar Charity, un fonds gouvernemental qatari. La généralité de l’objet du fonds ne permettait pas d’envisager de telles activités lors du contrôle a priori. Ce n’est qu’à la clôture de son premier exercice comptable, lors du dépôt du rapport d’activité du fonds, que le défaut de conformité à l’intérêt général, au sens fiscal du terme, de l’activité réellement exercée a pu être mis en évidence ; « il a ainsi fallu trois ans à la préfecture de région ÎledeFrance pour suspendre l’activité de ce fonds et soumettre sa dissolution au juge judiciaire » ([157]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Tout en préservant le régime déclaratif de création des fonds de dotation, et sans exiger la transmission de documents supplémentaires, cet article précise les obligations auxquelles sont soumis les fonds et renforce les pouvoirs de contrôle du préfet de département, notamment sa capacité à suspendre l’activité des fonds de dotation.

a.   Le renforcement des sanctions en cas de défaut de transmission des documents exigés des fonds de dotation

Si le 1° et le 2° n’apportent pas de modifications majeures au droit existant, le respect de ces obligations imposées aux fonds de dotation fait désormais l’objet d’une nouvelle sanction.

Le  insère un V bis à l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, qui impose à tout fonds de dotation d’établir chaque année un rapport d’activité soumis à l’approbation du conseil d’administration et de l’adresser au préfet de département dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice.

Cette nouvelle rédaction reprend des dispositions qui figuraient déjà pour partie au VII de l’article 140 et qui figuraient intégralement au premier alinéa de l’article 8 du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 précité. L’obligation d’établir et de transmettre un rapport d’activité approuvé par le conseil d’administration se voit conférer une valeur législative.

Le , qui modifie le VI de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, ajoute à l’obligation pour les fonds de dotation d’établir et de publier leurs comptes annuels l’obligation de transmettre ces comptes au préfet de département. Jusqu’ici, l’obligation de transmission des comptes à l’autorité préfectorale figurait au deuxième alinéa du VII du même article 140, réécrit, ainsi qu’au niveau réglementaire à l’article 4 du décret n° 2009‑158 du 11 février 2009 précité.

Afin de renforcer la visibilité des services préfectoraux sur les activités menées par les fonds de dotation, l’article renforce les sanctions en cas de défaut de transmission des documents exigés aux fonds de dotation.

En conséquence, le a du  réécrit la première phrase du premier alinéa du VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, qui dispose que l’autorité administrative s’assure de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation – ce qui était déjà prévu – mais aussi qu’il s’assure « de la conformité du fonds de dotation aux dispositions du I » du même article 140. Cette nouvelle rédaction doit permettre au préfet de département de vérifier que l’objet et les activités d’un fonds de dotation relèvent bien d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général, sans but lucratif, ni objet cultuel.

Cette modification répond à une recommandation du Conseil d’État qui, dans son avis consultatif sur le projet de loi, invitait le Gouvernement à étoffer la rédaction du VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie afin d’autoriser explicitement le préfet à suspendre l’activité d’un fonds de dotation s’il constate que l’objet statutaire de ce fonds ne respecte pas le cadre général posé par le I dudit article 140.

En outre, le b du 3° réécrit le deuxième alinéa du VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie et prévoit qu’en cas d’absence de transmission par un fonds de dotation de son rapport d’activité, du rapport de son commissaire aux comptes ou de ses comptes annuels dans les délais prévus, l’autorité administrative peut suspendre l’activité de ce fonds, après mise en demeure non suivie d’effet, jusqu’à la transmission effective de ces documents.

Sans prévoir la transmission de documents supplémentaires, ces dispositions permettent de sanctionner de manière autonome le défaut de transmission du rapport d’activité, des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes, sans qu’il en résulte un dysfonctionnement de l’activité du fonds, et sans imposer que la non-transmission du rapport d’activité soit constatée durant deux exercices consécutifs.

Elles étendent aussi la durée de la suspension jusqu’à la transmission effective des documents, évitant ainsi que la suspension d’un fonds mal intentionné ne soit levée après six mois. La décision de suspension, tout comme la décision de levée, doivent faire l’objet d’une publication au Journal officiel.

b.   Le renforcement des pouvoirs du préfet et de sa capacité à suspendre l’activité des fonds de dotation

Par ailleurs, le c du  modifie le troisième alinéa du VII de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie et renforce les sanctions applicables aux fonds de dotation.

Il élargit les motifs de suspension des fonds de dotation. L’activité d’un fonds de dotation pourra désormais être suspendue si un dysfonctionnement – et non plus un dysfonctionnement qualifié de « grave » – affecte la réalisation de l’objet du fonds. En outre, la suspension pourra aussi intervenir si l’objet ou l’activité du fonds est incompatible avec une mission d’intérêt général. Jusqu’ici, cette incompatibilité n’était qu’un motif de saisine de l’autorité judiciaire aux fins de dissolution. Enfin, un fonds pourra être suspendu si son objet n’est pas conforme aux dispositions du I de l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie.

En d’autres termes, les dysfonctionnements affectant l’objet du fonds sont érigés en motifs communs de mesures de suspension administrative et de dissolution judiciaire. Ainsi, le préfet disposera d’un levier efficace pour inciter les fonds à se conformer à la réglementation en vigueur sans devoir en solliciter directement la dissolution.

En outre, le c du  permet de renouveler deux fois la suspension prononcée pour une durée de six mois et ainsi allonge la durée maximale de suspension d’un fonds de dotation à dix-huit mois.

Enfin, la suspension, sanction administrative, peut désormais être cumulée avec la saisine du juge judiciaire par l’autorité de contrôle du fonds de dotation, aux fins de dissolution de ce dernier. Ce choix est laissé à l’appréciation de l’autorité administrative.

Le Conseil d’État considère que, ainsi rédigée, cette extension mesurée des pouvoirs de sanction administrative du représentant de l’État est proportionnée à l’objectif poursuivi et ne méconnaît aucune règle, ni aucun principe s’imposant au législateur.

c.   Les modalités d’application de l’article

Cet article a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire français, sans entrée en vigueur différée.

3.   La position de la commission

La commission a adopté deux amendements à l’article 9.

Elle a adopté, avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, un amendement rédactionnel de M. Charles de Courson visant à clarifier les sanctions prévues en cas de non-transmission par un fonds de dotation de son rapport d’activité, de ses comptes annuels et de son rapport du commissaire aux comptes, lorsque ce dernier est exigé, dans les délais requis.

Elle a également adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement des rapporteurs qui aligne la procédure de suspension des fonds de dotation en cas de non‑transmission du rapport d’activité et des comptes annuels et la procédure de suspension en cas de dysfonctionnements affectant la réalisation de l’objet du fonds. Il s’agit d’imposer à l’autorité administrative, dans les deux cas, de motiver sa décision de suspension et de publier au Journal officiel la décision de suspension et la décision de levée de suspension.

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Article 10
(art. L. 14 A et L. 14 B [nouveau] du livre des procédures fiscales)
Renforcement du contrôle fiscal des organismes bénéficiaires de dons
ouvrant droit à une réduction d’impôt pour les contribuables donateurs

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent bénéficier d’incitations fiscales consistant en une réduction d’impôt pour les contribuables donateurs.

Ne sont éligibles à ce dispositif que les organismes qui remplissent une condition d’intérêt général et répondent aux critères fixés dans la loi et la doctrine fiscale.

En l’état actuel du droit, l’administration fiscale dispose de moyens limités pour contrôler que les organismes qui bénéficient de ces incitations fiscales remplissent les conditions d’éligibilité. En conséquence, les organismes qui ne respectent pas la loi et font bénéficier indûment leurs donateurs d’avantages fiscaux sont peu sanctionnés.

Cet article modifie le livre des procédures fiscales pour permettre à l’administration fiscale de contrôler le bien-fondé de l’éligibilité des dons consentis aux organismes sans but lucratif et ouvrant droit à une réduction d’impôt.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Les avantages fiscaux accordés aux organismes sans but lucratif sont conditionnés au respect de certaines conditions. Toutefois, en raison du manque de moyens de contrôle mis à la disposition de l’administration fiscale, les organismes qui ne respectent pas la loi ni, le cas échéant, les principes de la République sont peu sanctionnés.

a.   Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’incitations fiscales

Les organismes sans but lucratif bénéficient de plusieurs avantages fiscaux. Par exemple, ils peuvent être exonérés d’impôts commerciaux (notamment l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée ou encore la cotisation foncière des entreprises) et certains d’entre eux sont exonérés de droits de mutation dans les conditions définies à l’article 795 du code général des impôts. Par ailleurs, en application du régime fiscal du mécénat, les dons qui leur sont consentis peuvent ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs. Toutefois, ces avantages ne bénéficient qu’aux organismes qui respectent les conditions définies par la loi et par la doctrine fiscale.

● Le régime fiscal du mécénat ouvre droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs.

Le mécénat, qui consiste à faire un don en nature ou un versement en numéraire au profit d’un organisme d’intérêt général, peut ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs, selon les conditions et modalités prévues au code général des impôts.

Ainsi, les particuliers peuvent bénéficier, en application de l’article 200 du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons et versements – ce taux pouvant être porté à 75 % pour les dons à certains organismes –, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

Les particuliers peuvent également bénéficier, en application de l’article 978 du même code, d’une réduction d’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 75 % du montant de leurs dons, dans la limite d’un plafond annuel de 50 000 euros. La fraction du versement ayant donné lieu à l’avantage fiscal ne peut donner lieu à un autre avantage fiscal au titre d’un autre impôt.

De même, les entreprises peuvent bénéficier, conformément à l’article 238 bis du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur les sociétés, à hauteur de 60 % du montant de leurs dons et versements, dans la limite de 5 ‰ (5 pour mille) de leur chiffre d’affaires annuel hors taxes ou d’un plafond alternatif fixé à 20 000 euros. La loi de finances pour 2020 ([158]) a limité ces avantages, pour les dons effectués au cours des exercices clos à partir du 31 décembre 2020, en abaissant le taux de la réduction d’impôt à 40 % du montant pour la fraction de dons supérieure à 2 millions d’euros et en abaissant le montant du plafond alternatif à 10 000 euros. Lorsque cette limite est dépassée au cours d’un exercice, l’excédent de versement donne lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu’il puisse en résulter un dépassement de cette même limite.

En application du 5 de l’article 200 et du IV de l’article 978 du code général des impôts, les contribuables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur la fortune immobilière ne peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt à raison de leurs dons et versements qu’à la condition d’être en mesure de présenter à l’administration des pièces justificatives attestant du montant et de la date des versements ainsi que de l’identité des bénéficiaires. Les organismes bénéficiaires sont donc tenus de délivrer aux particuliers donateurs des reçus fiscaux.

Aucune obligation similaire n’existe pour les dons et versements consentis par des entreprises. En application du 6 de l’article 238 bis du code général des impôts, seules les entreprises qui effectuent au cours d’un exercice plus de 10 000 euros de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt sont tenues de déclarer à l’administration fiscale le montant et la date de ces versements, l’identité des bénéficiaires ainsi que la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie. Toutefois, rien ne les oblige à présenter un reçu fiscal émis par l’organisme bénéficiaire.

 Pour être éligibles à ces réductions d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent respecter une condition d’intérêt général.

Pour remplir la condition d’intérêt général, les organismes bénéficiaires de dons – quel que soit leur statut juridique : association, fondation, fonds de dotation, établissement public – doivent exercer une activité entrant dans un des domaines d’action énumérés de manière limitative dans la loi. La liste de ces domaines d’action, qui trouve son origine dans les différentes lois portant sur le mécénat ([159]), figure, pour la réduction d’impôt sur le revenu, à l’article 200 du code général des impôts, pour la réduction d’impôt sur les sociétés, à l’article 238 bis du même code et, pour la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, à l’article 978 dudit code.

Les domaines d’action énumérés pour les dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu et ceux donnant droit à une réduction d’impôt sur les sociétés, bien qu’ils ne se recoupent pas entièrement ([160]), sont quasiment identiques. Ainsi, les a, b et e du 1 de l’article 200 ainsi que les a et b du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts mentionnent parmi les organismes éligibles :

– les fondations ou les associations relevant de la loi de 1901 ([161]) reconnues d’utilité publique ;

– les organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ainsi que les organismes concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

– les associations cultuelles et de bienfaisance relevant de la loi de 1905 ([162]) ainsi que les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace Moselle.

S’agissant de la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, les domaines d’action énumérés à l’article 978 du code général des impôts sont plus restreints, notamment en ce qu’ils n’incluent pas les associations cultuelles.

Pour remplir la condition d’intérêt général et être éligibles à une réduction d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent aussi respecter trois critères dégagés par l’administration fiscale qui conditionnent l’octroi du statut d’organisme sans but lucratif au sens de la doctrine fiscale :

– les organismes doivent exercer une activité non lucrative, sans entrer en concurrence avec une ou plusieurs entreprises du secteur concurrentiel ;

– ils doivent avoir une gestion désintéressée, ce qui suppose notamment des modalités de fonctionnement assurant la transparence de la rémunération des dirigeants ainsi que des élections régulières et périodiques ;

– leur action ne doit pas être réservée à un nombre restreint de bénéficiaires, une condition plus délicate à vérifier mais retenue dans la jurisprudence du Conseil d’État ([163]).

b.   Malgré l’importance de la dépense fiscale, les organismes bénéficiaires de dons sont peu contrôlés et peu sanctionnés

La dépense fiscale liée aux réductions d’impôt au titre des dons à des organismes d’intérêt général est estimée à environ 2,5 milliards d’euros par an. Ainsi, comme l’indique l’étude d’impact, elle atteignait, en 2018, 1,59 milliard d’euros pour les particuliers et 817 millions d’euros pour les entreprises ([164]).

Toutefois, comme le montrent les constats récurrents de la Cour des comptes, cette dépense fiscale est mal évaluée et peu contrôlée ([165]), car les obligations déclaratives imposées aux organismes bénéficiaires de dons sont restreintes, mais aussi car les moyens mis à la disposition de l’administration fiscale sont limités.

● La loi prévoit la possibilité de sanctionner les organismes bénéficiaires de dons qui ne respectent pas la loi, mais les sanctions sont rarement prononcées.

Ainsi, en application de l’article 1740 A du code général des impôts, le fait de délivrer sciemment des documents permettant à un contribuable d’obtenir indûment une réduction d’impôt entraîne l’application d’une amende. La sanction prévue a d’ailleurs été alourdie, en application de l’article 203 de la loi de finances pour 2019, à compter du 1er janvier 2019. Auparavant, l’amende était égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur les documents falsifiés ou au montant de la réduction d’impôt indûment obtenue. Désormais, le taux de l’amende est égal à celui de la réduction d’impôt et son assiette est constituée par les sommes indûment mentionnées sur les documents délivrés au contribuable. Lorsque ces derniers ne mentionnent pas de somme, l’amende est égale au montant de l’avantage fiscal indûment obtenu. Toutefois, il convient de souligner que la réduction d’impôt n’est pas remise en cause pour les contribuables, personnes physiques, qui l’ont appliquée de bonne foi sur la base du reçu fiscal délivré par l’organisme bénéficiaire.

Toutefois, l’amende prévue à l’article 1740 A du code général des impôts est rarement appliquée : environ une douzaine de fois par an, pour un montant de 786 000 euros en 2017 et 253 000 euros en 2018 ([166]).

● En réalité, les moyens dont dispose l’administration fiscale pour contrôler les organismes bénéficiaires de dons sont insuffisants.

Le contrôle des organismes bénéficiaires de dons est prévu à l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales, qui permet à l’administration fiscale de contrôler sur place les organismes bénéficiant de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt et de se voir communiquer tous les documents et pièces de toute nature nécessaires à la réalisation du contrôle.

Ces dispositions s’accompagnent de garanties procédurales pour les organismes contrôlés, prévues aux articles R. 14 A‑1 à R. 14 A‑3 du livre des procédures fiscales, qui incluent l’envoi préalable d’un avis informant du contrôle et spécifiant les années soumises au contrôle, l’obligation de rappeler à l’organisme son droit de se faire assister d’un conseil de son choix, l’envoi dans un délai encadré d’un document motivé rendant compte des résultats du contrôle et justifiant une éventuelle proposition de sanction, un débat contradictoire sur la sanction envisagée ou encore l’interdiction pour l’administration de procéder à un contrôle ultérieur durant une certaine période.

Néanmoins, le contrôle prévu à l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales est limité. Il permet uniquement à l’administration fiscale de vérifier que les montants portés sur les reçus fiscaux délivrés par un organisme sans but lucratif correspondent aux montants des dons et versements effectivement perçus par cet organisme. Il s’agit notamment de vérifier que des particuliers ne se prévalent pas de faux reçus fiscaux pour obtenir une réduction d’impôt. Rien ne permet donc à l’administration de vérifier le bien-fondé de l’émission des reçus fiscaux au regard des conditions d’éligibilité du dispositif, ni de s’assurer que la condition d’intérêt général est bien remplie.

● En pratique, l’amende prévue à l’article 1740 A du code général des impôts n’est susceptible d’être mise en œuvre que dans un nombre de cas limités, énumérés dans l’étude d’impact ([167]) :

– dans le cas d’une vérification de comptabilité, dont la finalité est d’assujettir un organisme aux impôts commerciaux en raison de l’exercice d’une activité lucrative ou d’une gestion intéressée, vérification qui ne peut être engagée que si l’administration fiscale dispose d’indices sérieux et qui est donc inapplicable aux organismes non imposés ;

– dans le cas où un organisme émet des reçus fiscaux en dépit d’un rescrit de l’administration fiscale lui indiquant qu’il ne bénéficie pas du régime fiscal du mécénat, cette dernière étant alors en mesure de démontrer le caractère intentionnel du non-respect de la loi par l’organisme ; toutefois, les demandes de rescrit sont peu fréquentes ([168]) ;

– dans le cas où une association cultuelle relevant de la loi de 1905 se réclame du régime fiscal du mécénat et où l’administration fiscale, en application de l’article L. 135 ZA du livre des procédures fiscales, consulte les services préfectoraux chargés des associations et fondations aux fins de savoir si la qualité d’association cultuelle est effectivement reconnue à cette association au regard des critères de définition juridique de cette catégorie.

En conséquence, l’application irrégulière du régime fiscal du mécénat est susceptible de perdurer sans qu’aucun contrôle ne puisse faire cesser cette situation. Cela signifie que de l’argent public – et donc le contribuable – peut financer des associations qui ne respectent pas la loi et les principes de la République.

2.   Les dispositions du projet de loi

Sans modifier les conditions d’éligibilité aux réductions d’impôt, l’article 10 permet à l’administration fiscale de contrôler les organismes bénéficiaires de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt afin de s’assurer que ces organismes respectent bien les conditions définies par la loi. Il va de pair avec l’article 11 qui impose aux mêmes organismes de déclarer le nombre et le montant cumulé des dons qu’ils reçoivent.

● Cet article élargit l’objet du contrôle de l’administration fiscale.

Le a du 1° réécrit le premier alinéa de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales pour permettre à l’administration fiscale de contrôler « la régularité de la délivrance des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels les organismes bénéficiaires de dons et versements indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt ».

Ainsi, l’administration fiscale pourra vérifier le bien-fondé de l’éligibilité des dons et versements reçus par un organisme aux réductions d’impôt et s’assurer que cet organisme respecte bien, le cas échéant, les conditions prévues aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts.

Comme l’a indiqué la direction générale des finances publiques (DGFIP), lors de son audition par les rapporteurs, ce contrôle pourra également déboucher sur un contrôle de comptabilité, visant à assujettir l’organisme aux impôts commerciaux, s’il révèle un doute portant sur l’exercice d’une activité lucrative ou d’une gestion intéressée.

Les modalités du contrôle ne sont pas modifiées. Il s’agit d’un contrôle sur place autorisant l’administration à consulter tous les documents utiles et à engager un dialogue contradictoire pour appréhender précisément la réalité des activités et du fonctionnement de l’organisme.

Il convient de souligner que ce contrôle des reçus fiscaux et attestations s’appliquera aussi aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur les sociétés, dans la mesure où l’article 11 du projet de loi modifie l’article 238 bis du code général des impôts afin d’imposer que les entreprises donatrices se voient remettre des pièces justificatives attestant la réalité de leurs dons et versements.

● Cet article inscrit aussi dans la loi les garanties procédurales accordées aux organismes faisant l’objet d’un contrôle.

Cette modification correspond à une recommandation du Conseil d’État qui, dans son avis consultatif sur le projet de loi ([169]), estimait que le renforcement du contrôle sur les organismes sans but lucratif rend d’autant plus nécessaire l’existence de garanties accordées aux organismes contrôlés et suggérait en conséquence de faire figurer les dispositions concernées dans la partie législative du livre des procédures fiscales plutôt que dans sa partie règlementaire.

Le b du 1° modifie le deuxième alinéa de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales afin de préciser que le contrôle « ne peut s’étendre sur une durée supérieure à six mois », « sous peine de nullité de la procédure ».

Le c du 1° complète le dernier alinéa de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales par une phrase indiquant que « sont applicables à la procédure […] les garanties mentionnées à l’article L. 14 B ».

Le crée ce nouvel article L. 14 B du livre des procédures fiscales, qui fixe les garanties encadrant la procédure prévue à l’article L. 14 A. Il donne valeur législative aux dispositions jusqu’ici prévues aux articles R. 14 A‑1 à R. 14 A‑3 du livre des procédures fiscales, qui ont vocation à être abrogés.

Le contrôle ne peut être engagé sans que l’organisme bénéficiaire des dons et versements en ait été informé par l’envoi d’un avis qui l’informe du contrôle, en lui précisant les années soumises au contrôle, et qui lui rappelle son droit de se faire assister par un conseil de son choix.

Au terme du contrôle, au plus tard six mois après la présentation des documents et pièces justificatives demandés, l’administration fiscale doit informer l’organisme contrôlé de ses résultats et de sa volonté d’appliquer la sanction prévue à l’article 1740 A du code général des impôts. Cette information doit figurer dans un document motivé pour permettre à l’organisme de formuler ses observations. En cas de désaccord, l’organisme peut présenter un recours hiérarchique dans un délai de trente jours à compter de la notification du document motivé. Aucune sanction ne peut être prononcée avant l’expiration de ce délai de trente jours.

Enfin, lorsque le contrôle d’un organisme, effectué pour une période déterminée, est achevé, l’administration fiscale ne peut pas procéder à un nouveau contrôle pour la même période. En d’autres termes, l’administration ne peut contrôler plusieurs fois un organisme pour la même période.

● L’article 10 a vocation à s’appliquer en France hexagonale et dans les départements d’outre-mer. Toutefois, il ne sera pas applicable dans les collectivités d’outre-mer régies par les articles 73 et 76 de la Constitution. Aucune entrée en vigueur différée n’est prévue.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel des rapporteurs.

*

*     *

Article 11
(art. 222 bis [nouveau] et 238 bis du code général des impôts)
Création d’une nouvelle obligation déclarative pour les organismes
sans but lucratif délivrant des reçus fiscaux à leurs donateurs

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent bénéficier d’incitations fiscales consistant en une réduction d’impôt pour les contribuables donateurs.

Bien qu’elle représente 2,5 milliards d’euros par an, la dépense fiscale liée au régime du mécénat est mal évaluée et peu contrôlée. L’administration fiscale demeure privée d’informations pourtant élémentaires pour organiser le contrôle du respect de la législation en vigueur. Les avantages fiscaux peuvent donc bénéficier à des organismes qui ne respectent pas la loi ni, le cas échéant, les principes de la République.

Cet article modifie le code général des impôts pour imposer aux organismes faisant appel à la générosité du public l’obligation de déclarer chaque année le nombre et le montant cumulé des dons qui leur sont consentis, et pour étendre aux entreprises la règle, déjà applicable aux particuliers, selon laquelle le bénéfice de l’avantage fiscal est subordonné à la production d’un reçu par le donataire en cas de contrôle fiscal.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Les avantages fiscaux accordés aux organismes sans but lucratif sont conditionnés au respect de certaines conditions. Toutefois, compte tenu du caractère restreint des obligations déclaratives imposées aux organismes bénéficiaires de dons, l’administration fiscale manque d’informations pour organiser le contrôle du respect de la législation en vigueur.

a.   Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’incitations fiscales

Les organismes sans but lucratif bénéficient de plusieurs avantages fiscaux. Par exemple, ils peuvent être exonérés d’impôts commerciaux (notamment l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée ou encore la cotisation foncière des entreprises) et certains d’entre eux sont exonérés de droits de mutation dans les conditions définies à l’article 795 du code général des impôts. Par ailleurs, en application du régime fiscal du mécénat, les dons qui leur sont consentis peuvent ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs. Toutefois, ces avantages ne bénéficient qu’aux organismes qui respectent les conditions définies par la loi et par la doctrine fiscale.

● Le régime fiscal du mécénat ouvre droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs.

Le mécénat, qui consiste à faire un don en nature ou un versement en numéraire au profit d’un organisme d’intérêt général, peut ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs, selon les conditions et modalités prévues au code général des impôts.

Ainsi, les particuliers peuvent bénéficier, en application de l’article 200 du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons et versements – ce taux pouvant être porté à 75 % pour les dons à certains organismes –, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

Les particuliers peuvent également bénéficier, en application de l’article 978 du même code, d’une réduction d’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 75 % du montant de leurs dons, dans la limite d’un plafond annuel de 50 000 euros. La fraction du versement ayant donné lieu à l’avantage fiscal ne peut donner lieu à un autre avantage fiscal au titre d’un autre impôt.

De même, les entreprises peuvent bénéficier, conformément à l’article 238 bis du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur les sociétés, à hauteur de 60 % du montant de leurs dons et versements, dans la limite de 5 ‰ (5 pour mille) de leur chiffre d’affaires annuel hors taxes ou d’un plafond alternatif fixé à 20 000 euros. La loi de finances pour 2020 ([170]) a limité ces avantages, pour les dons effectués au cours des exercices clos à partir du 31 décembre 2020, en abaissant le taux de la réduction d’impôt à 40 % du montant pour la fraction de dons supérieure à 2 millions d’euros et en abaissant le montant du plafond alternatif à 10 000 euros. Lorsque cette limite est dépassée au cours d’un exercice, l’excédent de versement donne lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu’il puisse en résulter un dépassement de cette même limite.

En application du 5 de l’article 200 et du IV de l’article 978 du code général des impôts, les contribuables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur la fortune immobilière ne peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt à raison de leurs dons et versements qu’à la condition d’être en mesure de présenter à l’administration des pièces justificatives attestant du montant et de la date des versements ainsi que de l’identité des bénéficiaires. Les organismes bénéficiaires sont donc tenus de délivrer aux particuliers donateurs des reçus fiscaux.

Aucune obligation similaire n’existe pour les dons et versements consentis par des entreprises. En application du 6 de l’article 238 bis du code général des impôts, seules les entreprises qui effectuent au cours d’un exercice plus de 10 000 euros de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt sont tenues de déclarer à l’administration fiscale le montant et la date de ces versements, l’identité des bénéficiaires ainsi que la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie. Toutefois, rien ne les oblige à présenter un reçu fiscal émis par l’organisme bénéficiaire.

 Pour être éligibles à ces réductions d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent respecter une condition d’intérêt général.

Pour remplir la condition d’intérêt général, les organismes bénéficiaires de dons – quel que soit leur statut juridique : association, fondation, fonds de dotation, établissement public – doivent exercer une activité entrant dans un des domaines d’action énumérés de manière limitative dans la loi. La liste de ces domaines d’action, qui trouve son origine dans les différentes lois portant sur le mécénat ([171]), figure, pour la réduction d’impôt sur le revenu, à l’article 200 du code général des impôts, pour la réduction d’impôt sur les sociétés, à l’article 238 bis du même code et, pour la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, à l’article 978 dudit code.

Les domaines d’action énumérés pour les dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu et ceux donnant droit à une réduction d’impôt sur les sociétés, bien qu’ils ne se recoupent pas entièrement ([172]), sont quasiment identiques. Ainsi, les a, b et e du 1 de l’article 200 ainsi que les a et b du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts mentionnent parmi les organismes éligibles :

– les fondations ou les associations relevant de la loi de 1901 ([173]) reconnues d’utilité publique ;

– les organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ainsi que les organismes concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

– les associations cultuelles et de bienfaisance relevant de la loi de 1905 ([174]) ainsi que les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace Moselle.

S’agissant de la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, les domaines d’action énumérés à l’article 978 du code général des impôts sont plus restreints, notamment en ce qu’ils n’incluent pas les associations cultuelles.

Pour remplir la condition d’intérêt général et être éligibles à une réduction d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent aussi respecter trois critères dégagés par l’administration fiscale qui conditionnent l’octroi du statut d’organisme sans but lucratif au sens de la doctrine fiscale :

– les organismes doivent exercer une activité non lucrative, sans entrer en concurrence avec une ou plusieurs entreprises du secteur concurrentiel ;

– ils doivent avoir une gestion désintéressée, ce qui suppose notamment des modalités de fonctionnement assurant la transparence de la rémunération des dirigeants ainsi que des élections régulières et périodiques ;

– leur action ne doit pas être réservée à un nombre restreint de bénéficiaires, une condition plus délicate à vérifier mais retenue dans la jurisprudence du Conseil d’État ([175]).

b.   L’administration fiscale manque d’informations pour organiser le contrôle du respect de la législation en vigueur

La dépense fiscale liée aux réductions d’impôt accordées au titre des dons à des organismes d’intérêt général représente environ 2,5 milliards d’euros par an et connaît depuis plusieurs années une progression dynamique. Néanmoins, malgré son importance croissante, l’administration fiscale manque d’informations pour organiser le contrôle du respect de la législation en vigueur.

En effet, la dépense fiscale liée au régime du mécénat est mal évaluée et peu contrôlée. Il s’agit d’un constat récurrent de la Cour des comptes. Ainsi, dans un rapport sur le mécénat des entreprises publié en 2018, elle affirmait que : « Si cette dépense fiscale est une dépense de guichet et ne peut donc pas, en temps réel, être régulée, il n’en demeure pas moins que le suivi et le pilotage assurés par l’État sont presque inexistants. La prévision annuelle des dépenses est peu fiable. Cette circonstance ne justifie toutefois pas l’absence de chiffrage pour les exercices 2018 et 2019, dans l’annexe Voies et moyens du projet de loi de finances pour 2019, préjudiciable à l’information annuelle du Parlement » ([176]). En conséquence, la Cour recommandait à l’État de prendre des mesures pour mieux connaître, mieux évaluer et mieux contrôler cette dépense fiscale.

Le chiffrage global des réductions d’impôt liées aux dons à des organismes d’intérêt général a récemment progressé. Depuis le projet de loi de finances pour 2020, le montant de la dépense fiscale est renseigné, au moins en ce qui concerne sa réalisation lors du dernier exercice budgétaire, dans le tome II de l’évaluation des voies et moyens. Ces chiffres sont repris dans l’étude d’impact ([177]) annexée au présent projet de loi, qui montrent que l’État a consacré aux organismes sans but lucratif plus de 2,41 milliards d’euros en 2018, dont 1,59 milliard d’euros pour les particuliers et 817 millions d’euros pour les entreprises. Ces dépenses ont atteint 2,51 milliards d’euros en 2019.

Montant de la dépense fiscale liée aux réductions d’impôt
au titre des dons à des organismes d’intérêt général

(en millions d’euros)

 

Réalisation

Réalisation

Prévision

Prévision

 

2018

2019

2020

2021

Impôt sur le revenu

1 518

1 455

1 545

1 510

Impôt sur les sociétés

817

954

nc

nc

Impôt sur la fortune immobilière (ex. ISF)

77

99

nc

nc

Total

2 412

2 508

Source : tome II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2020 et tome II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2021.

Toutefois, en l’état actuel du droit, l’administration fiscale demeure privée d’informations pourtant élémentaires pour organiser le contrôle du respect de la législation en vigueur. Les seules données mises à sa disposition sont les déclarations fiscales remplies par les contribuables donateurs, qui ne font apparaître que le montant total des dons effectués, sans dévoiler le détail par bénéficiaire ou par secteur d’activité.

Quant aux organismes bénéficiaires de dons, ils n’ont pas à justifier d’un agrément préalable pour délivrer des reçus fiscaux ouvrant droit à une réduction d’impôt. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, peut utiliser la procédure de rescrit fiscal mise en place par la loi du 1er août 2003 ([178]) qui permet à tout organisme de demander à l’administration si les dons reçus ouvrent droit aux réductions d’impôt, et font alors l’objet d’un contrôle d’éligibilité. Toutefois, ils n’ont pas d’intérêt à ni aucune obligation de le faire ([179]). Ils peuvent donc bénéficier des incitations fiscales sans prouver qu’ils respectent les conditions prévues par la loi. En outre, ils n’ont aucune obligation de déclarer à l’administration qu’ils reçoivent des dons pour lesquels ils émettent des reçus fiscaux.

En conséquence, comme l’a confirmé la direction générale des finances publiques (DGFIP), lors de son audition par les rapporteurs, l’administration ne dispose d’aucun outil permettant d’identifier les organismes émettant des reçus fiscaux ou des attestations de dons en vue de faire bénéficier leurs donateurs d’une réduction d’impôt. Elle n’est donc pas en mesure de chiffrer le montant des avantages accordés à chacun de ces bénéficiaires.

La faiblesse de ces obligations déclaratives a été soulignée par la Cour des comptes : « la Cour estime possible et souhaitable, pour mieux analyser l’impact de la politique de l’État en faveur du mécénat et, à titre complémentaire, pour faciliter le contrôle de la bonne utilisation des mesures fiscales par les mécènes, d’imposer quelques obligations déclaratives aux organismes bénéficiaires du mécénat des entreprises. Elles pourraient être rattachées aux obligations de transparence financière des bénéficiaires de dons, plutôt qu’au code général des impôts, compte tenu du fait que les organismes sans but lucratif concernés n’ont, dans le cas général, aucune obligation actuelle de se faire connaître auprès de l’administration fiscale » ([180]).

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les avantages fiscaux correspondants peuvent bénéficier à des organismes qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité du dispositif, par exemple en raison de l’exercice d’une activité lucrative, mais aussi par des organismes qui ne respectent pas la loi, ni les principes de la République.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 11 va de pair avec l’article 10 en ce qu’il renforce les moyens dont dispose l’administration fiscale pour contrôler les organismes bénéficiaires de dons et maîtriser et mieux connaître la dépense fiscale liée au régime du mécénat.

● Le  crée un nouvel article 222 bis au sein du code général des impôts, qui impose aux organismes délivrant des reçus ou attestations par lesquels ils indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier d’une réduction d’impôt en matière d’impôt sur le revenu (article 200 du code général des impôts), d’impôt sur les sociétés (article 238 bis) ou d’impôt sur la fortune immobilière (article 978) de déclarer annuellement à l’administration fiscale le nombre de documents délivrés ainsi que le montant global des dons et versements perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos.

Cette nouvelle obligation déclarative s’impose à l’ensemble des organismes bénéficiaires de dons ou de versements ouvrant droit à une réduction d’impôt. Toutefois, s’agissant de la réduction d’impôt sur le revenu dont peuvent bénéficier les particuliers, elle ne s’applique pas aux partis politiques et aux associations de financement électorales mentionnés au 3 de l’article 200 du code général des impôts.

L’objet de la déclaration porte uniquement sur le nombre de reçus fiscaux ou d’attestations délivrés ainsi que sur le montant cumulé des dons et versements reçus. Rien n’oblige donc les organismes faisant appel à la générosité du public à désigner les particuliers ou entreprises destinataires des reçus fiscaux ou attestations délivrés.

La déclaration doit être effectuée dans les délais prévus au deuxième alinéa de l’article 223 du code général des impôts, c’est-à-dire dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice. Si l’exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n’est clos au cours d’une année, la déclaration est à déposer au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

Le second alinéa du nouvel article 222 bis du code général des impôts précise que les déclarations des organismes bénéficiaires de dons et versements devront correspondre à un modèle fixé par l’administration.

● Le insère un nouveau 5 bis au sein de l’article 238 bis du code général des impôts qui prévoit que le bénéfice de la réduction d’impôt sur les sociétés dont peut bénéficier une entreprise à raison de ses dons et versements est subordonné à la condition qu’elle « soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives répondant à un modèle fixé par l’administration attestant la réalité de ces dons et versements ».

Comme les particuliers donateurs, les entreprises donatrices seront donc désormais tenues de présenter à l’administration fiscale des reçus fiscaux ou attestations justifiant de la réalité de leurs dons.

Il s’agit de rendre pleinement effective l’obligation déclarative créée par le 1° à l’article 222 bis du code général des impôts. En effet, cette obligation n’a de sens que si les organismes sans but lucratif émettent des reçus fiscaux pour l’ensemble des dons qui leur sont consentis, non seulement ceux des particuliers, mais aussi ceux des entreprises. Le 2° permettra donc à l’administration fiscale d’avoir une vision complète de la dépense fiscale.

● Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, le non-respect de l’obligation déclarative créée au 1° « sera sanctionné par l’amende prévue à l’article 1729 B du code général des impôts » ([181]).

En conséquence, le défaut de production de la déclaration prévue à l’article 222 bis du code général des impôts dans les délais prescrits entraînera l’application d’une amende de 150 euros. Sauf cas de force majeure, les omissions ou inexactitudes constatées dans la déclaration entraîneront l’application d’une amende de 15 euros par omission ou inexactitude, sans que le total des amendes applicables puisse être inférieur à 60 euros ni supérieur à 10 000 euros.

En outre, les amendes ne seront pas applicables, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque l’intéressé a réparé l’infraction, soit spontanément, soit dans les trente jours suivant une demande de l’administration.

La sanction prévue est donc très faible et on peut légitimement s’interroger sur son caractère dissuasif.

● Dans son avis consultatif sur le projet de loi, le Conseil d’État affirmait que les obligations envisagées sont « mesurées et nécessaires, d’ailleurs recommandées à plusieurs reprises par la Cour des comptes dans ses rapports sur les dépenses fiscales liées au mécénat ». Par ailleurs, il invitait le Gouvernement à « préciser le calendrier d’entrée en vigueur de ces obligations nouvelles, de manière à ne pas faire peser sur les organismes sans but lucratif une contrainte excessive » ([182]).

La nouvelle obligation déclarative imposée aux organismes bénéficiaires de dons est applicable aux justificatifs délivrés à compter du 1er janvier 2021. La première déclaration sera donc à effectuer en 2022 au titre des dons reçus en 2021 ou au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.

L’obligation imposée aux entreprises de détenir des justificatifs pour bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés au titre des dons et versements effectués entrera quant à elle en vigueur le 1er janvier 2022.

Les deux nouvelles mesures seront applicables en France hexagonale et dans les départements d’outre-mer. Elles ne s’appliqueront pas dans les collectivités d’outre-mer régies par les articles 74 et 76 de la Constitution, puisque les réductions d’impôt en matière d’impôt sur le revenu, d’impôt sur la fortune immobilière et d’impôt sur les sociétés ne s’appliquent pas dans ces territoires.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel des rapporteurs.

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*     *

Article 12
(art. 1378 octies du code général des impôts)
Suspension des avantages fiscaux dont bénéficient les organismes
sans but lucratif en cas de condamnation pénale

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent bénéficier d’incitations fiscales consistant en une réduction d’impôt pour les contribuables donateurs.

Ne sont éligibles à ce dispositif que les organismes qui remplissent une condition d’intérêt général et répondent aux critères fixés dans la loi et la doctrine fiscale.

L’éligibilité d’un organisme aux réductions d’impôt peut être suspendue par le ministre après une enquête de la Cour des comptes ou un refus de certification des comptes, mais aussi en cas de condamnation pénale définitive.

En vue de conforter le respect des principes de la République, cet article élargit la liste des infractions pour lesquelles un organisme définitivement condamné perd temporairement le bénéfice de ces avantages fiscaux.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Les avantages fiscaux accordés aux organismes sans but lucratif sont conditionnés au respect de certaines conditions. Le bénéfice de ces avantages peut toutefois être temporairement suspendu par le ministre chargé du budget ou en cas de condamnation pénale définitive.

a.   Les organismes faisant appel à la générosité du public peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’incitations fiscales

Les organismes sans but lucratif bénéficient de plusieurs avantages fiscaux. Par exemple, ils peuvent être exonérés d’impôts commerciaux (notamment l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée ou encore la cotisation foncière des entreprises) et certains d’entre eux sont exonérés de droits de mutation dans les conditions définies à l’article 795 du code général des impôts. Par ailleurs, en application du régime fiscal du mécénat, les dons qui leur sont consentis peuvent ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs. Toutefois, ces avantages ne bénéficient qu’aux organismes qui respectent les conditions définies par la loi et par la doctrine fiscale.

● Le régime fiscal du mécénat ouvre droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs.

Le mécénat, qui consiste à faire un don en nature ou un versement en numéraire au profit d’un organisme d’intérêt général, peut ouvrir droit à des réductions d’impôt pour les contribuables donateurs, selon les conditions et modalités prévues au code général des impôts.

Ainsi, les particuliers peuvent bénéficier, en application de l’article 200 du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons et versements – ce taux pouvant être porté à 75 % pour les dons à certains organismes –, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

Les particuliers peuvent également bénéficier, en application de l’article 978 du même code, d’une réduction d’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 75 % du montant de leurs dons, dans la limite d’un plafond annuel de 50 000 euros. La fraction du versement ayant donné lieu à l’avantage fiscal ne peut donner lieu à un autre avantage fiscal au titre d’un autre impôt.

De même, les entreprises peuvent bénéficier, conformément à l’article 238 bis du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur les sociétés, à hauteur de 60 % du montant de leurs dons et versements, dans la limite de 5 ‰ (5 pour mille) de leur chiffre d’affaires annuel hors taxes ou d’un plafond alternatif fixé à 20 000 euros. La loi de finances pour 2020 ([183]) a limité ces avantages, pour les dons effectués au cours des exercices clos à partir du 31 décembre 2020, en abaissant le taux de la réduction d’impôt à 40 % du montant pour la fraction de dons supérieure à 2 millions d’euros et en abaissant le montant du plafond alternatif à 10 000 euros. Lorsque cette limite est dépassée au cours d’un exercice, l’excédent de versement donne lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu’il puisse en résulter un dépassement de cette même limite.

En application du 5 de l’article 200 et du IV de l’article 978 du code général des impôts, les contribuables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur la fortune immobilière ne peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt à raison de leurs dons et versements qu’à la condition d’être en mesure de présenter à l’administration des pièces justificatives attestant du montant et de la date des versements ainsi que de l’identité des bénéficiaires. Les organismes bénéficiaires sont donc tenus de délivrer aux particuliers donateurs des reçus fiscaux.

Aucune obligation similaire n’existe pour les dons et versements consentis par des entreprises. En application du 6 de l’article 238 bis du code général des impôts, seules les entreprises qui effectuent au cours d’un exercice plus de 10 000 euros de dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt sont tenues de déclarer à l’administration fiscale le montant et la date de ces versements, l’identité des bénéficiaires ainsi que la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie. Toutefois, rien ne les oblige à présenter un reçu fiscal émis par l’organisme bénéficiaire.

 Pour être éligibles à ces réductions d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent respecter une condition d’intérêt général.

Pour remplir la condition d’intérêt général, les organismes bénéficiaires de dons – quel que soit leur statut juridique : association, fondation, fonds de dotation, établissement public – doivent exercer une activité entrant dans un des domaines d’action énumérés de manière limitative dans la loi. La liste de ces domaines d’action, qui trouve son origine dans les différentes lois portant sur le mécénat ([184]), figure, pour la réduction d’impôt sur le revenu, à l’article 200 du code général des impôts, pour la réduction d’impôt sur les sociétés, à l’article 238 bis du même code et, pour la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, à l’article 978 dudit code.

Les domaines d’action énumérés pour les dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu et ceux donnant droit à une réduction d’impôt sur les sociétés, bien qu’ils ne se recoupent pas entièrement ([185]), sont quasiment identiques. Ainsi, les a, b et e du 1 de l’article 200 ainsi que les a et b du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts mentionnent parmi les organismes éligibles :

– les fondations ou les associations relevant de la loi de 1901 ([186]) reconnues d’utilité publique ;

– les organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ainsi que les organismes concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

– les associations cultuelles et de bienfaisance relevant de la loi de 1905 ([187]) ainsi que les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace Moselle.

S’agissant de la réduction d’impôt sur la fortune immobilière, les domaines d’action énumérés à l’article 978 du code général des impôts sont plus restreints, notamment en ce qu’ils n’incluent pas les associations cultuelles.

Pour remplir la condition d’intérêt général et être éligibles à une réduction d’impôt, les organismes faisant appel à la générosité du public doivent aussi respecter trois critères dégagés par l’administration fiscale qui conditionnent l’octroi du statut d’organisme sans but lucratif au sens de la doctrine fiscale :

– les organismes doivent exercer une activité non lucrative, sans entrer en concurrence avec une ou plusieurs entreprises du secteur concurrentiel ;

– ils doivent avoir une gestion désintéressée, ce qui suppose notamment des modalités de fonctionnement assurant la transparence de la rémunération des dirigeants ainsi que des élections régulières et périodiques ;

– leur action ne doit pas être réservée à un nombre restreint de bénéficiaires, une condition plus délicate à vérifier mais retenue dans la jurisprudence du Conseil d’État ([188]).

b.   Les avantages fiscaux accordés aux organismes sans but lucratif peuvent fait l’objet d’une suspension temporaire

La dépense fiscale ainsi consacrée par l’État aux organismes sans but lucratif est estimée à environ 2,5 milliards d’euros par an. Ainsi, comme l’indique l’étude d’impact, elle atteignait, en 2018, 1,59 milliard d’euros pour les particuliers et 817 millions d’euros pour les entreprises ([189]).

L’ampleur de ces montants justifie la possibilité pour l’administration de suspendre temporairement les avantages fiscaux dont bénéficient certains organismes. La suspension des avantages fiscaux accordés à un organisme ne l’empêche pas de recevoir des dons, mais ces financements ne sont plus subventionnés par l’État à travers une mesure fiscale incitative.

 L’éligibilité d’un organisme aux réductions d’impôt liées aux dons qui lui sont consentis peut être suspendue par le ministre après une enquête de la Cour des comptes ou un refus de certification des comptes.

L’article L. 111-9 du code des juridictions financières permet à la Cour des comptes de contrôler les comptes des organismes sans but lucratif bénéficiant d’incitations fiscales « afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par un appel public à la générosité ».

En application du troisième alinéa de l’article L. 143-2 du code des juridictions financières, lorsque la Cour, à l’issue d’un tel contrôle, atteste « de la non-conformité des dépenses engagées aux objectifs poursuivis par l’appel public à la générosité ou de la non-conformité des dépenses financées par les dons ouvrant droit à un avantage fiscal aux objectifs de l’organisme, elle assortit son rapport d’une déclaration explicite en ce sens », laquelle est transmise au ministre chargé du budget ainsi qu’aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat et rendue publique.

Conformément au I de l’article 1378 octies du code général des impôts, lorsque le ministre chargé du budget « reçoit de la Cour des comptes la déclaration mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 143-2 du code des juridictions financières, il peut, par arrêté pris dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État, suspendre de tout avantage fiscal les dons, legs et versements effectués au profit de l’organisme visé dans la déclaration. Cet arrêté est publié au Journal officiel. Dans le cas contraire, il adresse un rapport motivé au premier président de la Cour des comptes et aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. »

Le V du même article 1378 octies permet aussi au ministre chargé du budget, dans des conditions similaires, de suspendre les avantages fiscaux dont bénéficie un organisme lorsqu’un commissaire aux comptes refuse de certifier les comptes de cet organisme.

 La suspension des avantages fiscaux dont bénéficie un organisme peut aussi être prévue par la loi à la suite d’une condamnation pénale définitive.

En effet, en application du II de l’article 1378 octies du code général des impôts, lorsqu’un organisme susceptible d’être contrôlé par la Cour est définitivement condamné – pour escroquerie (sur le fondement de l’article 313-2 du code pénal) ou abus de confiance (sur le fondement de l’article 314-1 du code pénal) –, les dons, legs et versements qui lui sont consentis ne peuvent plus ouvrir droit au bénéfice d’un avantage fiscal. La suspension des avantages fiscaux est alors prévue par la loi sans nécessiter aucun acte administratif du ministre du budget.

Dans tous les cas, le III de l’article 1378 octies du code général des impôts prévoit que la suspension des avantages fiscaux prend effet à compter du quinzième jour qui suit, le cas échéant, la notification de l’arrêté du ministre chargé du budget ou la condamnation définitive.

L’organisme mis en cause est tenu d’informer expressément ses donateurs, dans tous les documents, y compris électroniques, destinés à solliciter du public des dons, legs, versements et cotisations, que ceux-ci ne peuvent plus ouvrir droit à aucun avantage fiscal, sous peine d’une amende prévue à l’article 1762 decies du code général des impôts égale à 25 % du montant des dons irrégulièrement perçus.

 Les avantages fiscaux ne sont suspendus que de manière temporaire et peuvent faire l’objet d’un rétablissement, dans les conditions prévues au IV de l’article 1378 octies du code général des impôts.

À l’expiration, selon le cas, d’un délai d’un an suivant la notification de l’arrêté du ministre chargé du budget ou d’un délai de trois ans à compter de la condamnation définitive de l’organisme, ce dernier peut saisir le ministre chargé du budget d’une demande tendant au rétablissement du bénéfice des avantages fiscaux pour les dons, legs et versements susceptibles d’être effectués à son profit.

Le ministre chargé du budget peut rétablir le bénéfice des avantages fiscaux après avis conforme de la Cour des comptes. À défaut d’avis de la Cour des comptes dans un délai de six mois à compter de sa saisine, celui-ci est réputé favorable.

Comme l’explique l’étude d’impact annexée au projet de loi ([190]), le dispositif existant est conforme aux principes constitutionnels de proportionnalité et d’individualisation des peines, dans la mesure où la suspension des avantages fiscaux, bien qu’elle soit automatique dans le cas d’une condamnation pénale définitive, s’accompagne d’une modulation dans le temps, avec la possibilité de mettre fin à la peine après l’expiration d’un délai de trois ans.

2.   Les dispositions du projet de loi

Comme les articles 10 et 11, l’article 12 renforce les contrôles et les sanctions prévus à l’encontre des organismes bénéficiant d’incitations fiscales qui ne respectent pas la loi et les principes de la République.

 Le I modifie le II de l’article 1378 octies du code général des impôts en vue d’élargir la liste des infractions jugées incompatibles avec l’appel public à la générosité et susceptibles d’entraîner la suspension des avantages fiscaux au titre des dons, versements et legs pour une durée de trois ans.

Les nouvelles infractions concernées comprennent à la fois des infractions faisant peser une menace grave sur la société et des infractions de nature économique :

– les actes de terrorisme, sur le fondement des articles 421-1 et suivants du code pénal, ce qui inclut les atteintes à la vie humaine, les actes d’intimidation, l’association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes, le financement du terrorisme et l’apologie du terrorisme ;

– le blanchiment d’argent, sur le fondement de l’article 324-1 du code pénal ;

– le recel, sur le fondement de l’article 321-1 du code pénal.

Les ajouts proposés concernent aussi deux nouvelles infractions créées par le projet de loi lui-même :

– l’usage de menaces, de violences ou de tout autre acte d’intimidation à l’égard d’un agent public ou de toute autre personne chargée d’une mission de service public, afin de bénéficier d’une exemption totale ou partielle ou d’une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service, délit qu’il est proposé de créer sur le fondement du nouvel article 433‑3‑1 du code pénal introduit par l’article 4 du projet de loi ;

– l’atteinte à la vie d’autrui par la diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle, sur le fondement du nouvel article 223‑1-1 du code pénal créé par l’article 18 du projet de loi.

 Les I et II modifient également les II et V de l’article 1378 octies du code général des impôts pour modifier la liste des organismes susceptibles d’être contrôlés et de faire l’objet d’une mesure de suspension temporaire, afin qu’elle ne renvoie plus aux organismes mentionnés à l’article L. 111-8 du code des juridictions financières mais à ceux mentionnés aux articles L. 111‑9 et L. 111-10 du même code, qui concernent les « organismes faisant appel à la générosité du public » ainsi que les « organismes bénéficiant de dons ouvrant droit à un avantage fiscal ». Cette mesure n’est pas commentée dans l’étude d’impact, mais il s’agit vraisemblablement d’une mesure de coordination avec la nouvelle rédaction du code des juridictions financières résultant de l’ordonnance du 13 octobre 2016 ([191]).

 Dans son avis consultatif sur le projet de loi ([192]), le Conseil d’État analyse la procédure de sanction « non comme une peine automatique mais comme une constatation de la perte de capacité juridique de l’organisme condamné à prétendre faire publiquement appel à la générosité des donateurs en maniant l’argument incitatif de l’avantage fiscal correspondant » et ne formule pas d’objection de nature juridique à l’égard des mesures envisagées.

Il formule toutefois une interrogation quant à l’effet réel de l’article : « à la lumière des mentions de l’étude d’impact selon lesquelles ces dispositions n’ont pas reçu d’application connue depuis leur entrée en vigueur il y a plus de dix ans, le Conseil d’État s’interroge sur l’effet utile d’une telle extension, dont la portée ne peut être que symbolique ».

 Cet article ne sera applicable qu’aux actes commis à compter du lendemain de la publication de la présente loi.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

 


—  1  —

Chapitre III
Dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l’égalité entre les femmes et les hommes

À l’initiative des rapporteurs et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a modifié l’intitulé du chapitre III pour substituer à la référence à la diginité de la personne humaine – notion ambivalente et recouvrant des options philosophiques et idéologiques divergentes, comme l’a mis en évidence le comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution présidé par Mme Simone Veil en 2008 – celle du respect des droits des personnes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Article 13
(art. 913 et 921 du code civil)
Renforcement de la protection des héritiers réservataires

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce la protection des héritiers réservataires, d’une part, en renforçant leur information par le notaire sur leur droit à l’action en réduction et, d’autre part, en prévoyant la possibilité pour les enfants omis par le testament régi par une loi étrangère d’effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens du défunt situés en France pour être rétablis dans les droits réservataires que leur confère la loi française.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

A.   L’état du droit

1.   La réserve héréditaire

Le droit des successions et des libéralités est une mécanique d’ensemble dont la réserve héréditaire constitue un élément fondateur.

Synthèse de la tradition romaine et de l’ancien droit français, la réserve héréditaire n’a été définie dans le code civil qu’en 2006 ([193]). L’article 912 dispose que « La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent », avant d’ajouter que « La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Ainsi, en présence d’héritiers qualifiés de réservataires ([194]) – les descendants et, à défaut de descendant, le conjoint survivant –, la succession se trouve divisée en deux :

– la quotité disponible, dont le défunt peut librement disposer par des libéralités ;

– la réserve héréditaire, dont la loi assure la dévolution aux héritiers réservataires.

La réserve héréditaire, dont la fonction est de protéger la famille et les individus, consiste essentiellement en une limite au pouvoir de disposer à titre gratuit du testateur. La réserve héréditaire et la quotité disponible expriment donc un point d’équilibre entre la liberté individuelle – amarrée à la propriété privée – et la famille – cellule de solidarités sociales.

La réserve héréditaire est attribuée à partir du seul lien de parenté ou du mariage, comme une conséquence légale de cet état. Pour en bénéficier, il faut – et il suffit – que les héritiers réservataires soient appelés à la succession en application des règles de la dévolution légale et qu’ils l’acceptent.

En vertu de l’article 913 du code civil, la réserve globale est fonction du nombre d’enfants laissés par le défunt :

– si le défunt laisse un seul enfant, la quotité disponible est fixée à la moitié de la succession ; la réserve est par conséquent de l’autre moitié ;

– s’il laisse deux enfants, la quotité disponible est du tiers de la succession et la réserve par conséquent des deux tiers ;

– s’il laisse trois enfants ou plus, la quotité disponible est du quart de la succession et la réserve des trois quarts.

Le même article 913 énonce également que l’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845.

En assurant une égalité minimale entre les enfants au sein de la fratrie, la réserve héréditaire garantit que des discriminations ne soient faites entre les enfants au détriment des enfants d’une première union dans les familles recomposées, ou en lien avec des préceptes religieux fondés sur le sexe, la nature de la filiation ou la religion de l’enfant. Si la quotité disponible peut éventuellement faire l’objet de telles dispositions discriminatoires non révélées, la réserve héréditaire permet d’en limiter les effets dans le respect des principes civils républicains.

La réserve héréditaire, expression civile du principe républicain d’égalité ([195])

« La réserve héréditaire assure non pas que chaque enfant recevra une part égale dans la succession mais que chacun recevra quelque chose.

La quotité disponible pourra le cas échéant être attribuée entièrement à l’un des enfants.

Pour n’en prendre qu’un exemple, en application de l’actuel article 913 du code civil, en présence de deux enfants, l’un d’entre eux pourra recueillir les deux tiers de la succession – un tiers au titre de sa réserve et un tiers au titre de la quotité disponible – tandis que l’autre ne recevra que sa réserve, égale à un tiers. Finalement, l’enfant avantagé aura reçu deux fois plus que l’autre ».

Lorsqu’il existe plusieurs réservataires au même degré, par exemple plusieurs enfants, la réserve se divise par souche entre les enfants, chacun prenant la même part individuelle dans la réserve globale.

Lorsqu’il a été disposé au-delà de la quotité disponible, l’atteinte à la réserve héréditaire est sanctionnée non par la nullité mais par la réduction des libéralités excessives. Plus précisément, la libéralité excessive n’est pas réduite automatiquement ; elle est seulement réductible, à la demande de l’héritier réservataire, qui peut toujours renoncer, une fois la succession ouverte, à la sanction de sa réserve. L’héritier est donc libre de réclamer ou non sa réserve lors du règlement de la succession. Si des donations ou legs portent atteinte à sa réserve, il doit exercer une action en réduction, prévue par l’article 921 du code civil.

Aux termes de cet article, « La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».

La loi ne prévoit aucune forme particulière pour exercer cette action, lorsqu’elle est faite après le décès. Elle peut être faite à l’amiable, lors du partage, ou à travers une action en justice. La renonciation à l’action peut être expresse ou tacite.

2.   L’absence de bénéfice de la réserve héréditaire dans un contexte international

Selon les règles de conflit en matière de successions internationales établies par le règlement européen relatif aux successions ([196]), qui s’applique aux successions ouvertes depuis le 17 août 2015, la loi applicable à la succession est en principe celle de l’État de la dernière résidence habituelle du défunt ou, à titre exceptionnel, celle de l’État avec lequel le défunt présentait des liens manifestement plus étroits ([197]). Le défunt peut néanmoins déroger à cette règle en désignant comme applicable à sa succession la loi de sa nationalité ([198]). Le règlement prévoit toutefois deux cas dans lesquels la loi interne peut contrarier l’application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit : l’exception d’ordre public international ([199]) et l’existence de dispositions spéciales imposant des restrictions concernant la succession portant sur certains biens ou ayant une incidence sur celle-ci ([200]).

Si la règle de conflit successorale donne compétence à une loi qui ignore la réserve héréditaire, le juge ne l’écartera pas pour lui substituer la loi française car l’exception d’ordre public ne s’appliquera pas.

L’exception d’ordre public

En droit international privé, l’exception d’ordre public est un mécanisme d’éviction d’une loi étrangère reconnue comme applicable. Le fait qu’une loi étrangère soit désignée comme applicable à une situation donnée manifeste que celle-ci est plus proche de l’ordre juridique étranger que de l’ordre juridique national. Mais, appliquée extra-territorialement, une loi étrangère se trouve nécessairement en concurrence avec la loi locale. Si, dans un cas donné, sa teneur heurte des conceptions fondamentales dans l’ordre juridique national, son application effective peut constituer un trouble : elle sera alors écartée au nom de l’ordre public.

L’exception d’ordre public est donc un mécanisme de défense des valeurs fondamentales du pays concerné.

Si la Cour de cassation a pu les définir par le passé comme les « principes de justice universelle considérés dans l’opinion française comme doués de valeur internationale absolue » ([201]), elle se réfère désormais aux « principes essentiels du droit français » ([202]).

En effet, la Cour de cassation a écarté le caractère d’ordre public international de la réserve héréditaire. Dans deux arrêts du 27 septembre 2017 ([203]), la première chambre civile a, par un attendu de principe commun aux deux décisions, affirmé qu’« une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels », ce qui n’était pas le cas, dans les espèces qui lui étaient soumises, dès lors que les enfants exhérédés ne prétendaient pas « se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ». Elle a considéré que la réserve héréditaire, bien qu’étant un principe d’ordre public interne, ne pouvait être élevée au rang de principe d’ordre public international, notamment parce que la loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions, en a affaibli la portée. Elle a réduit l’ordre public international à sa plus simple expression en consacrant un ordre public exclusivement alimentaire destiné à remédier aux seules situations dans lesquelles l’hériter se retrouverait dans le besoin.

Certes, « la réserve héréditaire n’est en aucun cas une singularité française. Elle est au contraire très répandue puisqu’elle existe dans la quasi-totalité des droits de tradition civiliste, c’est-à-dire les droits inspirés de la tradition juridique européenne continentale. Si l’on met à part quelques exceptions ponctuelles, qui s’expliquent par des raisons historiques particulières, la réserve héréditaire est présente dans tous les systèmes juridiques de tradition civiliste européens, latino-américains ainsi dans de nombreux droits africains ou asiatiques (…). La réserve existe encore dans certains droits dits mixtes, notamment en Ecosse, ainsi que dans tous les pays de droit arabo-musulman », comme l’a souligné le groupe de travail sur la réserve héréditaire ([204]). Il n’en demeure pas moins qu’il existe de nombreux pays qui ne connaissent pas la réserve héréditaire comme les pays de droit anglo-saxon (États-Unis, Angleterre, etc.), certains pays de droit civil (Madagascar, Honduras, etc.) ou encore les pays qui appliquent la loi coranique (Iran, Pakistan, etc.). Le testateur peut dès lors établir des discriminations entre ses enfants en raison de leur sexe, de leur ordre de naissance, de leur filiation, de leur religion, de leur orientation sexuelle.

B.   Les dispositions du projet de loi

L’article 13 du projet de loi a pour objet de renforcer la protection des héritiers réservataires, d’une part en renforçant, de manière générale, le devoir d’information du notaire à leur égard sur l’action en réduction qu’ils peuvent exercer, et d’autre part en prévoyant qu’en l’absence de mécanisme réservataire protecteur des enfants prévu par la loi étrangère applicable à une succession, ces derniers puissent exercer un prélèvement sur les biens du défunt situés en France pour être rétablis dans les droits réservataires que leur confère la loi française.

1.   La création d’un droit de prélèvement compensatoire au bénéfice de tous les héritiers

Le I du présent article complète l’article 913 du code civil afin de permettre aux enfants évincés d’une succession, pour quelque motif que ce soit, de récupérer une part successorale sur les biens situés en France.

Il prévoit que, lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou y réside habituellement, et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne connaît aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants, situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci.

Les conditions de mise en œuvre de ce droit de prélèvement sont claires. Il faut que la loi étrangère à laquelle est soumise la succession ne prévoie aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants et que le défunt ou l’un au moins des enfants soit ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou y réside habituellement.

Dès lors que ces conditions sont remplies, le notaire peut appliquer le prélèvement compensatoire sans avoir besoin de faire appel au juge.

La loi étrangère considérée comme contraire à l’ordre public français ne peut alors produire tous ses effets : elle s’applique dans la limite des droits réservataires des enfants, dans une logique d’ordre public de proximité.

Ainsi, si l’on prend l’exemple d’un défunt avec deux enfants (un fils et une fille) qui lègue l’ensemble de son patrimoine de 300, réparti entre 150 en France et 150 à l’étranger, à son fils, la fille pourra prélever sur les biens existants situés en France une part réservataire de 100 (soit un tiers des biens conformément à l’article 913 du code civil) et le fils recevra 50 en France et 150 à l’étranger.

L’enfant ne pourra effectuer le prélèvement que dans la limite des droits réservataires octroyés par la loi française, ce qui signifie qu’il ne pourra pas obtenir plus qu’un montant équivalent à celui de la réserve. Ainsi, pour calculer le montant de ce prélèvement, il faudra tenir compte de tout ce que l’enfant aura pu recevoir sous l’empire de la loi étrangère. Par exemple, s’il a déjà reçu une libéralité de la part du défunt, celle-ci sera prise en compte dans le calcul de la réserve, et imputée de ses droits, comme le précise l’étude d’impact.

Le prélèvement suppose qu’il y ait suffisamment de biens successoraux en France pour permettre à l’héritier de compenser la perte subie à l’étranger. Il ne sera donc pas toujours réalisable.

Ce prélèvement compensatoire concerne tous les enfants, héritiers réservataires, venant à la succession, peu importe leur nationalité. La présente proposition ne réserve en effet pas le prélèvement aux seuls héritiers français ou ressortissants d’un État membre. Le principe d’égalité devant la loi apparaît ainsi respecté ([205]).

Le dispositif proposé apparaît en outre conforme au règlement européen relatif aux successions. En effet, ce règlement prévoit des exceptions dans lesquelles la loi interne peut contrarier l’application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit. Parmi elles, figure l’exception d’ordre public international, prévue par l’article 35 du règlement selon lequel « l’application d’une disposition de la loi d’un État désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for ».

La Cour de justice de l’Union européenne laisse une certaine marge d’appréciation aux États membres pour définir les contours de leur propre ordre public international. Il ressort de sa jurisprudence plusieurs conditions pour qu’une disposition nationale puisse être considérée par l’État membre comme d’ordre public international ([206]). La règle interne doit ainsi correspondre à des valeurs partagées par l’ensemble des États membres et constituer pour l’État considéré un élément essentiel de son ordre juridique social, économique ou culturel.

La réserve héréditaire semble remplir ces conditions. Elle est en effet un principe commun à l’ensemble des États membres de l’Union européenne liés par le règlement et elle exprime des valeurs politiques et culturelles fortes puisqu’elle traduit notamment les principes républicains français que sont la liberté ([207]), l’égalité ([208]) et la fraternité ([209]).

Par conséquent, le prélèvement compensatoire jouera comme un effet de l’exception d’ordre public international.

Consacrée comme un principe d’ordre public international, la réserve héréditaire serait renforcée. Il serait ainsi mis fin à la jurisprudence de la Cour de cassation issue de ses arrêts de 2017, qui est critiquée tant sur le principe que sur ses conséquences pratiques. En effet, la Cour n’a retenu que le fondement alimentaire de la réserve. Or, le principe de la réserve va bien au-delà puisqu’elle n’est pas calculée en fonction des besoins des enfants et des ressources de la succession, et peut même n’être attribuée qu’en nue-propriété. En outre, en jugeant que la loi étrangère qui ne connait pas la réserve n’est pas en soi contraire à l’ordre public international, la Cour ne s’autorise presque plus aucun contrôle sur la volonté du défunt.

Suivant la proposition n° 2 et les propositions n° 3 et 3 bis formulées par le groupe de travail sur la réserve héréditaire ([210]), la mesure proposée contribuera à affermir la réserve héréditaire alors que certains demandent sa suppression au nom de la liberté de disposer de ses biens à titre gratuit et que d’autres invitent à son évolution en lien avec les mutations sociologiques contemporaines ou avec la volonté de favoriser le développement de la philanthropie. Elle permettra surtout d’éviter que des discriminations ne soient réalisées entre les enfants qu’elles soient exercées à l’encontre des enfants d’une précédente union dans les familles recomposées ou qu’elles soient fondées sur le sexe, l’ordre de naissance, la nature de la filiation ou encore la religion.

2.   Le renforcement de l’obligation d’information du notaire à l’égard des héritiers réservataires

Afin de permettre à l’héritier d’exercer son action en réduction en pleine connaissance de cause, le II du présent article renforce l’obligation d’information et le devoir de conseil du notaire.

Justifié par sa mission d’officier ministériel et public et d’origine jurisprudentielle, le devoir de conseil du notaire a pour conséquence qu’il doit prendre toutes les initiatives qui lui paraissent nécessaires pour assurer la validité et l’efficacité des actes. À ce titre, le notaire doit rechercher et faire nécessairement intervenir l’ensemble des héritiers réservataires, afin qu’ils prennent position sur l’exercice de la réduction. Il engage sa responsabilité professionnelle s’il n’attire pas l’attention des héritiers réservataires sur les libéralités consenties par le défunt et susceptibles d’action en réduction ([211]).

Le II complète l’article 921 du code civil par un nouvel alinéa qui prévoit que, lorsque le notaire constate après le décès que les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné, individuellement, et le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible.

Il s’agira ainsi, pour le notaire, d’informer, lors d’un entretien individuel, l’héritier réservataire de ses droits lors du règlement de la succession, de s’assurer du caractère libre et éclairé de son consentement en cas de renonciation et d’éviter que l’héritier réservataire subisse des pressions de la part de la fratrie, de donataires ou de légataires, lorsqu’il devra effectuer son choix de demander ou non la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible.

L’absence d’information de la part du notaire ne viendra pas remettre en cause la validité du partage éventuellement effectué par la suite, mais engagera la responsabilité professionnelle du notaire.

Si sa responsabilité est mise en cause, le notaire devra démontrer qu’il a bien reçu individuellement chaque héritier réservataire pour les informer précisément de leurs droits. Aucune forme n’étant exigée par le texte, la preuve de l’information pourra être apportée par tout moyen, par exemple en faisant signer aux héritiers une reconnaissance de conseil donné ou une consultation.

Comme le précise l’étude d’impact, « Le notaire est toutefois tenu d’une obligation de moyens et non de résultat. Dès lors, sa responsabilité ne pourrait être engagée lorsqu’il n’avait pas connaissance de l’existence de l’enfant, ou lorsque celui-ci était introuvable, ou encore lorsqu’il a été confronté à un refus de sa part. L’héritier réservataire n’est effectivement pas obligé de se présenter au notaire s’il ne le souhaite pas, ni de recevoir sa part de réserve. Dans ces circonstances, un échange de correspondances, ou même un courrier du notaire envoyé à l’enfant réfractaire devrait donc être admis pour justifier de l’information donnée ».

3.   Une entrée en vigueur différée

Le III du présent article prévoit tout d’abord une entrée en vigueur de ses dispositions au premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

C’est conforme au choix généralement fait par le législateur, dans le domaine des successions et des libéralités, de différer l’entrée en vigueur de la loi nouvelle au-delà du lendemain de sa publication, ce qui permet opportunément aux intéressés de prendre la mesure des changements à venir. Ce fut le cas des lois du 3 juillet 1971 ([212]), du 3 décembre 2001 ([213]) et du 23 juin 2006 ([214]).

Le III ajoute ensuite que ces dispositions s’appliquent aux successions ouvertes à compter de leur entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à cette entrée en vigueur, conformément au principe posé pour les modifications relatives à la réserve héréditaire. Cette solution a été dégagée par la Cour de cassation, en l’absence de précisions législatives, pour l’application de la loi du 17 juin 1938, puis consacrée par les lois du 3 juillet 1971 et du 23 juin 2006.

C.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 14
(art. L. 311-2 [nouveau], L. 313-11, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 314-5, L. 314-9, L. 511-4, L. 521-2 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Introduction d’une réserve générale de polygamie faisant obstacle à la délivrance de tout titre de séjour

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article introduit une réserve générale de polygamie pour la délivrance de tous les titres de séjour.

       Modifications apportées par la commission

La commission a précisé que la situation du conjoint qui a subi la polygamie fait l’objet d’un examen individuel et a procédé aux coordinations nécessaires avec l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui entrera en vigueur le 1er mai 2021.

1.   L’état du droit

Le principe monogamique est, selon les termes du doyen Carbonnier, « une clef de voûte de la civilisation juridique européenne ». Il est consacré à l’article 147 du code civil, qui interdit de « contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».

L’interdiction de la polygamie est, en France, un principe d’ordre public dont la violation est sanctionnée par l’annulation du mariage irrégulier et constitue un délit réprimé par l’article 433-20 du code pénal ([215]). Depuis 2015, moins de quatre condamnations ont été prononcées en moyenne chaque année au titre du délit de polygamie et aucune condamnation n’a été prononcée au titre du délit de célébration de mariage par un officier public connaissant l’existence d’un mariage précédent. Pour autant, alors qu’il n’est pas possible de disposer de données statistiques, 16 000 à 20 000 familles polygames vivraient en France ([216]).

Ce principe d’ordre public s’oppose à ce qu’un Français contracte une union polygame et à ce qu’une telle union, quelle que soit la nationalité des intéressés, soit célébrée par un officier d’état civil français. Ce principe, fixé et sanctionné par la loi française, ne s’applique cependant pas à des étrangers qui contractent des unions polygames à l’étranger conformément à leur loi personnelle.

Il existe néanmoins plusieurs dispositions dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers en France qui interdisent la délivrance de certains titres de séjour aux étrangers en situation de polygamie.

Ainsi, les articles L. 314-1 et L. 314-5 ([217]) interdisent la délivrance et le renouvellement de la carte de résident à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ou aux conjoints de ce ressortissant. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée.

L’article L. 313-11 ([218]) prévoit une réserve faisant obstacle à la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger vivant en France en état de polygamie s’il est le conjoint d’un ressortissant de nationalité française, le parent d’un enfant français ou étranger vivant en France depuis plus de quinze ans, tout en maintenant des exceptions prévues pour le jeune majeur entré en France avant l’âge de dix ans, l’étranger titulaire d’une rente d’accident de travail ou de maladie et l’apatride.

Toutefois, cette réserve de polygamie, créée en 1997, n’a pas été reprise à l’occasion de la création ultérieure de titres familiaux pour les catégories suivantes : étranger malade, mineur confié à l’aide sociale à l’enfance, étranger né en France, victime de traite des êtres humains ou de proxénétisme, étranger titulaire d’une ordonnance de protection, conjoint d’étranger titulaire d’une carte portant la mention de résident longue durée-UE dans un autre État membre et membre de famille de protégé subsidiaire, étranger accueilli par un organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires.

Ainsi, seuls les demandeurs de titres « conjoints de Français », « parents d’enfant français » et « liens personnels et familiaux » et les bénéficiaires du regroupement familial font l’objet d’une réserve légale de polygamie. Une telle réserve n’est en revanche pas formulée de manière transversale s’agissant des titres de séjour liés à des motifs non familiaux (immigration professionnelle, études, stages, visiteurs…).

Aussi, la réserve de polygamie ne couvre-t-elle pas l’ensemble des étrangers demandeurs ou détenteurs d’un titre de séjour.

Par ailleurs, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, fait obligation, dans sa partie réglementaire, à tous les demandeurs de titres de séjour portant la mention « vie privée et familiale » de produire une déclaration sur l’honneur de non polygamie en France lors du dépôt de leur demande de titre de séjour. En outre, l’obligation qui est faite à l’étranger de justifier son état civil permet à l’administration de vérifier sa situation matrimoniale et familiale en exigeant copies du livret de famille, de l’acte de naissance ou de mariage.

Enfin, le conjoint d’un étranger vivant en France en état de polygamie se voit également retirer son titre de séjour, dans les mêmes conditions.

2.   Les dispositions du projet de loi

À l’instar de ce que prévoit l’article L. 313-3 du CESEDA, le présent article prévoit une réserve générale de polygamie pour la délivrance de l’ensemble des titres de séjour.

À cet effet, le I de l’article 14 rétablit l’article L. 311-2 en posant le principe qu’aucun document de séjour ne peut être délivré à un ressortissant étranger qui vit en France en état de polygamie. Tout document de séjour détenu par un ressortissant dans une telle situation doit être retiré.

Le II, le III, les a) et b) du 1°, le a) du 2° et le a) du 3° du IV procèdent aux coordinations nécessaires aux articles L. 313-11, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 314-5, L. 314-9, L. 511-4, L. 521-2 et L. 521-3.

Le c) du 1°, le b) du 2° et le b) du 3° du IV précisent que l’étranger en état de polygamie peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion, sous réserve qu’il ne relève pas d’une catégorie protégée contre l’éloignement.

Ainsi, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, l’ensemble des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ([219]), détenteurs ou demandeurs de titres de séjour, dont la loi personnelle autorise la polygamie, devront être en mesure, tant à l’occasion des démarches de renouvellement de leur titre qu’à la sollicitation du préfet lorsque celui-ci exerce ses pouvoirs de contrôle des titres de séjour en cours de validité, de justifier une situation de non polygamie par la production de leur acte de naissance, de leur acte de mariage, du livret de famille ou par une déclaration sur l’honneur.

Seront désormais également concernés les demandeurs ou détenteurs de titres professionnels (salarié, travailleur temporaire, entrepreneur-profession libérale, passeport talent, stagiaires…), les étudiants, les visiteurs ainsi que les titres de séjour familiaux non couverts à ce jour (étranger né en France, entré avant l’âge de treize ans, étranger malade, titulaire d’une rente d’accident de travail ou de maladie, étranger sous ordonnance de protection, victime de traite des êtres humains).

3.   La position de la commission

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement des rapporteurs qui propose une nouvelle rédaction de l’article 14, afin de préciser que la situation du conjoint qui a subi la polygamie fait l’objet d’un examen individuel et de procéder aux coordinations nécessaires avec l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui entrera en vigueur le 1er mai 2021.

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Article 14 bis
(art. L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Renouvellement automatique du titre de séjour d’une personne victime de polygamie

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de Mme Buffet et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine et avec un avis de sagesse du Gouvernement, cet article additionnel prévoit le renouvellement automatique du titre de séjour d’une personne victime de polygamie.

Il complète l’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, lorsque l’étranger a été victime de polygamie et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour et qu’elle en accorde le renouvellement.

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Article 15
(art. L. 161-23-1 A [nouveau] du code de la sécurité sociale)
Limitation du bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article limite le bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Les pensions de réversion sont versées au conjoint survivant et aux conjoints divorcés d’un assuré décédé au prorata de la durée du mariage. Elles sont également versées à titre provisoire au conjoint d’un assuré non titulaire d’une pension qui a disparu de son domicile depuis plus d’un an et au conjoint d’un assuré titulaire d’une pension qui a disparu de son domicile lorsque plus d’un an s’est écoulé sans qu’il réclame les arrérages de sa pension.

Le bénéfice d’une pension de réversion est subordonné à l’existence du mariage ; les autres conditions varient selon les régimes de retraite.

Il résulte de l’article 147 du code civil consacrant le principe de monogamie ([220]), qui s’applique aux ressortissants français pour tout mariage contracté en France ou à l’étranger et aux ressortissants étrangers pour les mariages contractés en France, qu’il ne peut être attribué une pension de réversion qu’à un seul conjoint survivant.

Toutefois, l’article 202-1 du même code prévoit que les qualités et conditions requises pour pouvoir se marier sont régies par la loi personnelle de chacun des époux.

Lorsque des mariages ont été célébrés dans des États autorisant la polygamie et entre ressortissants de nationalité d’un État autorisant la polygamie, des conventions internationales de sécurité sociale conclues entre la France et certains États ([221]) autorisent le partage de la pension du décédé entre les veuves de l’assuré polygame dès lors qu’elles remplissent les conditions d’attribution de cette pension.

Par ailleurs, en dehors de ces stipulations conventionnelles, en l’absence de disposition dans la législation française interdisant expressément le partage entre les veuves d’un assuré polygame, le droit n’interdit pas d’attribuer la pension de réversion à plusieurs époux ou épouses.

Ainsi, lorsqu’un premier mariage est célébré entre un homme de statut polygame et une femme de nationalité française et qu’un second mariage est célébré dans un État reconnaissant la polygamie entre le même homme et une seconde épouse dont le statut personnel autorise la polygamie, la Cour de cassation considère qu’en l’absence d’action en annulation du second mariage, la qualité de conjoint survivant ne peut pas être déniée pour cause de bigamie ([222]). La Cour reconnaît donc la qualité de conjoint à la seconde épouse et admet le partage de la pension de réversion.

Par ailleurs, lorsqu’un assuré décédé a été naturalisé français après avoir contracté un second mariage, la Cour reconnaît des droits à réversion à la seconde épouse de l’assuré décédé, dès lors que les deux mariages ont été conclus en conformité avec la législation du pays d’origine. Selon la Cour, l’ordre public français ne saurait en effet faire obstacle à l’acquisition de droits en France sur le fondement d’une situation créée sans fraude à l’étranger en conformité avec la loi ayant compétence en vertu du droit international privé, ce qui entraîne un droit à pension de réversion pour les conjoints survivants ([223]).

Enfin, la Cour a jugé que seule l’annulation du mariage peut faire obstacle à ce que la seconde épouse ait la qualité de conjoint survivant et s’opposer en conséquence au droit à pension de réversion, sous réserve d’en remplir les conditions d’attribution ([224]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article limite le bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant.

Le I du présent article introduit au sein du code de la sécurité sociale, un article L. 161-23-1 A, qui prévoit que, sous réserve des engagements internationaux de la France, une pension de réversion au titre de tout régime de retraite de base et complémentaire, légal ou rendu légalement obligatoire, ne peut être versée qu’à un seul conjoint survivant. En cas de pluralité de conjoints survivants, la pension de réversion est versée au conjoint survivant de l’assuré décédé dont le mariage a été contracté à la date la plus ancienne.

Il ajoute que le conjoint divorcé n’est susceptible de bénéficier d’un droit à pension de réversion, sous réserve qu’il remplisse les conditions prévues par le régime dont il relève, qu’au titre de la durée du mariage au cours de laquelle il était le seul conjoint de l’assuré décédé et en proportion de cette durée, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux mariages déclarés nuls mentionnés à l’article 201 du code civil. Dans ce cas, la pension de réversion est partagée entre les conjoints survivants selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

Il s’agit ainsi de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, en application de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er de son protocole additionnel n° 1, fait obstacle à ce qu’un droit à pension de réversion soit refusé lorsque l’intéressé pouvait avoir une espérance légitime de bénéficier de ce droit du fait de son mariage. En ce sens, un mariage putatif, tel que défini à l’article 201 du code civil, ne peut pas priver le conjoint survivant de bonne foi au droit à pension de réversion.

Par ailleurs, en application de l’article 55 de la Constitution ([225]), ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux ressortissants des pays pour lesquels, en cas de polygamie, la pension de réversion est partagée entre les différents conjoints selon des modalités déterminées par une convention internationale.

Le II du présent article prévoit que ces dispositions s’appliquent aux pensions de réversion prenant effet à compter de la publication de la présente loi.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 16
(art. L. 1110-2-1 et L. 1115-3 [nouveaux] du code de la santé publique)
Interdiction des certificats de virginité

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article interdit aux professionnels de santé d’établir un certificat de virginité et assortit cette prohibition d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

       Modifications apportées par la commission

La commission a ajouté qu’une personne, non membre du corps médical, se rend coupable de viol si elle réalise, dans l’objectif d’établir un certificat de virginité, un examen avec pénétration et qu’elle se rend coupable d’agression sexuelle en cas d’examen sans pénétration.

1.   L’état du droit

L’établissement de certificat de virginité par un professionnel de santé ne fait l’objet d’aucune interdiction en droit positif.

Outre le fait qu’elles ne concernent que les médecins, les dispositions du code de déontologie médicale apparaissent en effet insuffisantes pour servir de fondement juridique à une telle interdiction.

Dispositions du code de déontologie médicale

L’article R. 4127-76 du code de la santé publique prévoit que l’exercice de la médecine comporte notamment l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.

L’article R. 4127-28 pose l’interdiction de délivrer un certificat de complaisance.

L’article R. 4127-51 interdit au médecin l’immixtion sans raison professionnelle dans les affaires de famille ou dans la vie privée de ses patients.

En particulier, les certificats de virginité et les certificats de complaisance sont distincts. Les certificats de complaisance font état de faits qui n’ont pas été constatés par le médecin ou qui vont au-delà des constatations médicales. Ils sont délivrés par pure complaisance du médecin, alors qu’il n’est nullement tenu de le faire, en vue de solliciter la bienveillance du destinataire. Ces certificats sont, en règle générale, utilisés afin d’échapper à une obligation scolaire ou professionnelle. Dans le cas des certificats de virginité, le médecin est censé vérifier la virginité d’une patiente avant d’attester de celle-ci. Un certificat de virginité n’est un certificat de complaisance que si le médecin écrit, sur la demande de la patiente ou d’un de ses proches, qu’elle n’a jamais eu de relations sexuelles ([226]).

Il apparaît, par ailleurs, que la qualification d’un certificat de virginité comme un faux au sens de l’article 441-7 du code pénal ([227]) n’est pas certaine, compte tenu de la difficulté à caractériser l’élément intentionnel de l’auteur du certificat ([228]).

D’ailleurs, la délivrance de certificat de virginité n’a fait jamais l’objet de condamnation pénale ou de sanction disciplinaire par les ordres professionnels concernés.

Pourtant, des certificats de virginité sont régulièrement demandés par des patientes ou par leurs proches. Bien qu’aucune donnée statistique ne soit disponible, il ressort d’une enquête publiée par le Quotidien du médecin en 2019 que 29 % des médecins auraient déjà été consultés pour établir un certificat de constatation de virginité.

Or, ces certificats, qui sont fréquemment demandés dans la perspective d’un mariage ou d’une annulation de mariage, ne reposent sur aucune justification médicale, portent atteinte à l’intégrité de la femme et menacent leur santé. Sur le plan médico-scientifique, il n’est en effet pas possible d’affirmer avec certitude, sur la base d’un examen clinique, qu’une personne n’a jamais eu de rapport sexuel. Cet acte, qui représente une violation de l’intimité, du respect du corps et de la dignité de la patiente, peut en outre engendrer des traumatismes physiques et psychologiques.

D’ailleurs, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ONU-Femmes et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont condamné la pratique des tests de virginité qui est « médicalement inutile et souvent douloureuse, humiliante et traumatisante » et ont appelé à la faire cesser dans une déclaration publiée en 2018 ([229]). Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a réprouvé, dès 2003, cette pratique, considérant que « n’ayant aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme (notamment mineure) contrainte par son entourage de s’y soumettre, un tel examen ne relève pas du rôle du médecin ». De même, en 2007, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a considéré que le médecin « doit (…) refuser l’examen et la rédaction d’un tel certificat qui nous paraît contraire à la dignité de la femme » ([230]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article prévoit d’interdire, dans le titre Ier du code de la santé publique qui est consacré aux droits des personnes malades et des usagers du système de santé, l’établissement de certificat de virginité par les professionnels de santé en assortissant cette prohibition d’une sanction pénale, afin d’en garantir l’effectivité.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré que cette « interdiction [était] justifiée au regard du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (Décision n° 94-343/344 DC, 27 juillet 1994, cons. 2) qui protège contre toute forme d’asservissement et de dégradation, pouvant notamment résulter de traitements inhumains ou dégradants non justifiés par une nécessité médicale et de nature à inspirer « des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à l’humilier et à l’avilir » (CEDH, Jalloh c. Allemagne, n° 54810/00, 11 juillet 2006) » ([231]).

Cette interdiction a été unanimement saluée par les médecins et les associations de défense des droits des femmes auditionnés.

a.   L’interdiction des certificats de virginité

Le du présent article introduit un article L. 1110-2-1 qui dispose qu’un professionnel de santé ne peut établir de certificat aux fins d’attester de la virginité d’une personne.

L’emplacement de ce nouvel article L. 1110-2-1 – au début du code de la santé publique, parmi les articles principiels qui sont regroupés au sein du chapitre préliminaire consacré aux droits de la personne et, plus particulièrement, après l’article L. 1110-2 qui dispose que la personne malade a droit au respect de sa dignité – révèle l’importance accordée à cette mesure.

Sont visés l’ensemble des professionnels de santé ([232]), parmi lesquels, au premier chef, les médecins, mais également les infirmiers et les sages-femmes

Se limitant à interdire l’établissement d’un certificat médical dont le seul objet est d’attester qu’une femme n’a jamais eu de relations sexuelles, ce nouvel article n’est, par ailleurs, pas susceptible de limiter les examens gynécologiques pratiqués dans un cadre médico-légal, comme ceux intervenant à la suite d’agressions sexuelles de femmes vierges, qui poursuivent une finalité différente.

b.   Une nouvelle incrimination pénale

Son insère au sein du chapitre V, qui contient les dispositions d’ordre pénal, un article L. 1115-3 qui prévoit une nouvelle incrimination pénale, sanctionnant l’établissement d’un certificat de virginité d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Identiques à ce que prévoient les dispositions de l’article 441-7 du code pénal en matière d’infraction de faux et d’usage de faux, la nature et le quantum de la peine encourue paraissent adaptés à la nature des faits.

Le fait de réprimer pénalement l’établissement de certificats de virginité ne fait pas obstacle par ailleurs à d’éventuelles poursuites et sanctions disciplinaires.

S’agissant des requérants possibles, l’étude d’impact précise qu’il pourrait notamment s’agir d’associations de défense des droits des femmes, du procureur de la République ou encore du conseil national de l’ordre concerné.

3.   La position de la commission

À l’initiative de Mme Laurence Gayte (LaREM), la commission a adopté, contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement qui complète le chapitre V du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique afin de prévoir qu’une personne, non membre du corps médical, se rend coupable de viol si elle réalise, dans l’objectif d’établir un certificat de virginité, un examen avec pénétration et qu’elle se rend coupable d’agression sexuelle en cas d’examen sans pénétration.

La commission a ainsi créé un article L. 1115-4 qui prévoit que :

– toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen avec pénétration en vue d’établir un certificat de virginité, se rend coupable de viol et encourt la peine prévue à l’article 222-23 du code pénal (soit quinze ans de réclusion criminelle) ;

– toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen sans pénétration en vue d’établir un certificat de virginité, se rend coupable d’agression sexuelle et encourt la peine prévue à l’article 222-27 du même code (soit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende) et si l’agression est commise sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable, la peine prévue à l’article 222‑29 du même code (soit sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende) ;

 toute personne informée de la réalisation d’un tel acte en vue d’établir un certificat de virginité et qui ne dénonce pas sa réalisation aux autorités encourt la peine pour non-dénonciation de crime ou de délit prévue aux articles 434-1, 434-3 et 434-4 du code pénal (soit sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende).

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*     *

Article 16 bis
(art. L. 1110-2-2 et L. 1115-4 [nouveaux] du code de la santé publique)
Interdiction des opérations de conformation sexuées

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de M. Raphaël Gérard, contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement, cet article additionnel interdit les opérations de conformation sexuées pour les mineurs, sauf si l’intéressé y a consenti, et les sanctionne d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Le du présent article introduit, au sein du chapitre préliminaire du code de la santé publique, relatif aux droits de la personne, un article L. 1110-2-2 qui dispose qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité corporelle d’un mineur dans le but de conformer l’apparence de ses organes génitaux au sexe masculin ou féminin que si l’intéressé exprime personnellement sa volonté de subir cette intervention.

Le du présent article insère au sein du chapitre V, qui contient les dispositions d’ordre pénal, un article L. 1115-5 qui prévoit une nouvelle incrimination pénale, sanctionnant les opérations de conformation sexuées non consenties pour les mineurs d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

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Article 16 ter
(art. 225-4-11 [nouveau] du code pénal)
Création du délit d’incitation à la demande d’un certificat de virginité

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de M. Jean-François Éliaou et des membres du groupe LaREM avec un avis favorable de la rapporteure et un avis de sagesse du Gouvernement, cet article additionnel a pour objet de sanctionner l’entourage qui exerce des pressions sur la jeune femme pour qu’elle se voie délivrer un certificat de virginité.

Au sein du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, relatif aux atteintes à la dignité de la personne, l’article 16 ter ajoute une section I quater intitulée « De l’incitation ou de la contrainte à solliciter un certificat de virginité ».

Il crée en son sein l’article 225‑4‑11, qui prévoit que le fait d’inciter ou de contraindre une personne à solliciter un certificat de virginité par menace, violence, abus d’autorité ou abus de pouvoir, est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La peine est portée à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende si la personne est mineure.

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*     *

Article 17
(art. 63 et 175-2 du code civil)
Renforcement de la lutte contre les mariages forcés ou frauduleux

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que, lorsqu’il existe un doute sur le consentement au mariage, l’officier de l’état civil s’entretient séparément avec chacun des futurs époux et que, s’il conserve un doute à l’issue de ces entretiens, il saisit le procureur de la République aux fins d’éventuelle opposition à mariage.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

A.   L’état du droit

1.   Le consentement à la formation du couple, condition essentielle au mariage

La volonté des futurs époux joue un rôle fondamental dans la formation du mariage car elle est l’expression de la liberté individuelle de chacun. Le mariage n’est un acte de volonté que si les futurs époux peuvent jouir d’une liberté matrimoniale complète et consentir pleinement au mariage, ce qui suppose l’existence et l’intégrité du consentement des futurs époux.

a.   L’existence du consentement au mariage

En vertu de l’article 146 du code civil, « Il n’y a pas de mariage sans consentement ».

Il en résulte que les futurs époux doivent exprimer un consentement conscient et manifester une réelle intention conjugale. Le consentement doit en particulier être l’affirmation d’une véritable intention matrimoniale, sous peine de nullité absolue du mariage.

Il y a ainsi mariage frauduleux lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale ([233]), comme une finalité uniquement patrimoniale ([234]) ou successorale ([235]) ou encore l’obtention d’un titre de séjour ([236]) ou de la nationalité française ([237]).

Ces mariages sont qualifiés de « mariage blanc » lorsque les deux époux ont contracté mariage exclusivement dans un but étranger à l’institution matrimoniale ou de « mariage gris » lorsqu’un seul des époux est animé d’une intention matrimoniale.

Plusieurs dispositions permettent de lutter contre ces mariages frauduleux.

Ainsi, l’article 21-2 du code civil soumet l’acquisition de la nationalité française par mariage à l’exigence d’une durée de vie commune de quatre ans à compter du mariage. Suivant la même logique, l’article L. 314-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que la carte de résident est attribuée de plein droit  à l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu’il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n’ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français.

Par ailleurs, sur le plan pénal, l’article L. 623-1 du même code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile punit de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de contracter un mariage aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint.

b.   L’intégrité du consentement au mariage

Le consentement au mariage des futurs époux doit être exempt de vices, c’est-à-dire qu’il doit être exprimé en toute liberté et donné en connaissance de cause.

L’exigence d’un consentement libre, posée par l’article 180 du code civil ([238]), signifie que le consentement des époux ne doit pas avoir été forcé, c’est-à-dire déterminé par des menaces ou des violences physiques subies antérieurement à la célébration ([239]).

La sanction est la nullité relative du mariage.

Plusieurs dispositions ont pour objet de lutter contre les mariages forcés.

L’article 515-13 du code civil permet à une personne majeure de solliciter du juge aux affaires familiales une ordonnance de protection assortie d’une interdiction temporaire de sortie du territoire (OST) lorsqu’elle se sait menacée de mariage forcé.

Par ailleurs, les violences, les actes de torture et de barbarie, le meurtre font l’objet d’une répression aggravée lorsqu’ils sont commis « contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union » ou « contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union » ([240]). En outre, l’article 222-14-4 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’user de manœuvres dolosives afin de déterminer une personne à se rendre à l’étranger dans le but de la contraindre à contracter un mariage.

2.   Le contrôle du consentement

Les formalités antérieures à la célébration ont pour finalité de renseigner l’officier de l’état civil sur la situation des futurs époux afin de lui permettre de vérifier que les conditions de fond du mariage, en particulier l’existence de leur consentement et son caractère libre, sont bien remplies.

a.   Par l’officier de l’état civil

Relatif aux formalités prescrites en vue de la célébration d’un mariage, l’article 63 du code civil prévoit que la publication du mariage par l’officier de l’état civil ou, en cas de dispense de publication, sa célébration est notamment subordonnée à l’audition commune des futurs époux, sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 du même code.

L’officier de l’état civil, s’il l’estime nécessaire, demande à s’entretenir séparément avec l’un ou l’autre des futurs époux.

L’audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.

L’officier de l’état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l’état civil de la commune la réalisation de l’audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l’un des futurs époux réside à l’étranger, l’officier de l’état civil peut demander à l’autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à son audition.

L’autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents la réalisation de l’audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l’un des futurs époux réside dans un pays autre que celui de la célébration, l’autorité diplomatique ou consulaire peut demander à l’officier de l’état civil territorialement compétent de procéder à son audition.

L’officier d’état civil qui ne se conforme pas à ces prescriptions est poursuivi devant le tribunal judiciaire et puni d’une amende allant de trois à trente euros.

L’officier de l’état civil n’a pas à effectuer d’investigations pour s’assurer de la réalité du consentement, en application de l’instruction générale du 11 mai 1999 relative à l’état civil. En revanche, s’il existe des indices sérieux permettant de douter du consentement de l’un ou des futurs époux, il peut saisir le procureur de la République dans les conditions prévues par l’article 175-2 du code civil.

Éléments laissant supposer que le consentement ne serait pas réel selon l’instruction générale du 11 mai 1999 relative à l’état civil

– Retards répétés et anormaux pour produire les pièces du dossier de mariage ;

– Projets de mariage successivement reportés ou annulés comportant parfois un changement en la personne de l’un des futurs époux ;

– Présentation du dossier de mariage et accomplissement des diverses formalités par un tiers servant d’interprète entre les époux, ou par un seul des époux sans que l’autre y soit jamais associé ;

– État d’hébétude ou existence de traces récentes de coups constatés lors du dépôt du dossier ou de la cérémonie ;

– Déclaration, même rétractée, du futur conjoint sur les pressions qu’il subit ;

– Projets de mariage de couples différents comportant les mêmes témoins ;

– Connaissance par l’officier de l’état civil d’une situation personnelle ou sociale particulière qui laisse présumer que l’intéressé ne peut accepter l’union en toute liberté.

Si le procureur de la République ne s’est pas opposé au mariage à la suite de sa saisine par l’officier de l’état civil, ce dernier peut effectuer une seconde saisine s’il a recueilli des indices nouveaux laissant présumer une absence de consentement au mariage. Cependant, il ne peut pas refuser de célébrer le mariage à la date fixée en l’absence d’opposition ou de décision de sursis du procureur ([241]).

L’officier de l’état civil qui refuse de célébrer un mariage alors que le procureur de la République n’a formé aucune opposition commet une voie de fait. Il encourt des poursuites pénales et peut également faire l’objet de sanctions administratives. L’impossibilité d’auditionner les futurs époux n’autorise pas l’officier de l’état civil à refuser le dossier de mariage et la publication des bans ([242]).

b.   Par le procureur de la République

Introduit dans le code civil par la loi du 30 décembre 1993 afin de lutter contre les mariages fictifs puis modifié par les lois du 26 novembre 2003 et des 4 avril et 14 novembre 2006, l’article 175-2 porte sur les oppositions à mariage formées par le procureur de la République saisi par l’officier de l’état civil.

Il prévoit que lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés.

Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.

La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.

À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.

L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.

Le mariage ne peut être célébré qu’après mainlevée de l’opposition obtenue par les époux auprès du tribunal judiciaire. Ainsi, en 2019, les tribunaux judiciaires ont été saisis de 301 demandes de mainlevée d’opposition à mariage. Deux tiers de ces demandes ont été acceptées.

B.   Les dispositions du projet de loi

Il est particulièrement difficile d’évaluer précisément le phénomène des mariages frauduleux ou forcés, compte tenu de leur caractère clandestin, de l’absence fréquente de saisine des juridictions et de l’absence de données statistiques nationales.

L’enquête Trajectoires et Origines, Enquête sur la diversité des populations en France, réalisée conjointement par l’INED et l’INSEE en 2008, a permis de mettre en perspective les données issues des tribunaux – il y aurait 15 à 20 annulations de mariages par an au motif qu’ils auraient été forcés – alors que celles présentées dans les médias ou par certaines associations feraient état de 70 000 jeunes femmes concernées.

Les données statistiques relatives aux ordonnances de protection prises pour protéger une femme contre un mariage forcé témoignent également du faible recours à cette procédure puisqu’en 2017, 2018 et 2019, respectivement quatre, deux et une ordonnances ont été rendues sur le fondement de l’article 515-13 du code civil.

Comme le souligne l’étude d’impact à titre illustratif, le parquet de Nantes a prononcé en 2016, 2018 et 2019, respectivement 231, 365 et 547 oppositions à mariage (soit 52% de taux d’opposition pour 2019) ainsi que respectivement 100, 93 et 408 oppositions à la transcription d’un mariage célébré à l’étranger (soit 80 % de taux d’opposition à transcription pour 2019).

Quelle que soit leur ampleur, il convient d’accentuer la lutte contre les mariages forcés ou frauduleux car ils constituent une atteinte à l’effectivité de l’ordre public matrimonial français, qui fait de l’existence d’une intention matrimoniale une condition de fond essentielle du mariage, ainsi qu’à la liberté matrimoniale des futurs époux, et plus particulièrement de celle des femmes, qui sont les principales victimes de ce type d’union et qu’il convient de protéger de pratiques familiales, religieuses ou culturelles contraires aux valeurs de la République.

Aussi, le présent article renforce-t-il le dispositif de lutte a priori contre les mariages forcés ou frauduleux.

1.   Caractère obligatoire de l’entretien individuel avec chacun des époux

Le a) du du présent article modifie l’article 63 du code civil afin de rendre obligatoire l’entretien individuel de l’officier de l’état civil avec les futurs époux, en cas de suspicion d’un mariage contracté à des fins étrangères à l’union matrimoniale ou non librement consenti.

Il prévoit que l’officier de l’état civil décide d’un entretien individuel au vu des pièces remises par les futurs époux, d’éléments recueillis lors de leur audition commune ou d’éléments circonstanciés extérieurs reçus.

Ces éléments pourront être des courriers ou des témoignages de personnes physiques (membres de la famille, amis, collègues, etc.) ou morales (associations) ayant connaissance de la situation particulière des futurs époux.

2.   Obligation de saisine du procureur de la République en cas de doute sérieux sur la réalité ou l’intégrité du consentement

Le b) du du présent article insère un nouvel alinéa à l’article 63 et le 2° du même article modifie l’article 175-2 du code civil, pour faire de la faculté, aujourd’hui ouverte à l’officier de l’état civil, de saisir le procureur de la République en cas de doute sérieux sur le consentement du ou des futurs époux, une obligation.

L’inscription de l’obligation pour l’officier de l’état civil de saisir le procureur de la République à l’article 63 du code civil permettra de lui appliquer les dispositions du même article qui prévoient sa condamnation à une amende civile lorsqu’il ne respecte pas ses obligations.

C.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *


—  1  —

Chapitre IV
Dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne

Article 18
(art. 223-1-1 [nouveau] du code pénal)
Sanction de la divulgation d’informations permettant d’identifier ou de localiser une personne dans le but de l’exposer à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 18 crée un nouveau délit, inséré au sein du code pénal, sanctionnant de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement permettant de clarifier le régime juridique du nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la divulgation d’informations personnelles, précisant que l’auteur doit avoir connaissance du risque auquel il expose et que ce risque est « direct », et non plus « immédiat ». La commission a également adopté un amendement créant une circonstance aggravante lorsque le délit est commis à l’encontre d’une personne mineure et a étendu explicitement la circonstance aggravante relative aux dépositaires de l’autorité publique et chargés d’une mission de service public aux titulaires d’un mandat électif.  

1.   L’état du droit

a.   La sanction de la divulgation d’informations et de l’exposition à une menace

 Le code pénal sanctionne, en différents endroits, soit la divulgation d’informations personnelles, soit le fait d’exposer autrui à un risque immédiat.

Ainsi, l’article 223-1 du code pénal sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Cet article, et l’interprétation jurisprudentielle qui en est faite, repose sur la connaissance du risque qu’avait nécessairement l’individu violant une obligation de prudence ou de sécurité.

L’article 226-4-1 du code pénal sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant d’identifier un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. L’article précise que cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.

Enfin, l’article 226-22 du code pénal sanctionne de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait de divulguer auprès d’un tiers qui n’a pas qualité pour les recevoir des données à caractère personnel avec pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, sans son autorisation.

 La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne les incitations aux crimes, à la haine, à la discrimination et à la violence, ainsi que l’apologie qui en est faite.

L’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne comme complices de crimes ou de délits ceux qui, notamment par des supports écrits ou oraux exposés dans des lieux ou réunions publics, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre le crime ou le délit concerné, si la provocation a été suivie d’effet ou d’une tentative de crime.

L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 (alinéas 1 à 5) punit de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à commettre les infractions suivantes :

– les atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, sans que cette provocation n’ait été suivie d’effet ;

– les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, sans que cette provocation n’ait été suivie d’effet ;

– les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;

– l’apologie de ces crimes, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.

Sont également punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, ou de l’une de ces deux peines seulement (alinéas 7 et 8) :

 la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

– la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

Enfin, les articles 39 bis et suivants sanctionnent la divulgation de certaines informations personnelles spécifiques, notamment des informations permettant l’identification d’un mineur qui s’est suicidé (article 39 bis), les informations relatives à la filiation d’origine d’une personne ayant fait l’objet d’une adoption plénière, moins de trente ans après sa mort (article 39 quater) ou encore des renseignements concernant l’identité d’une victime d’agression ou d’atteinte sexuelle (article 39 quinquies).

b.   L’absence de dispositions sanctionnant la divulgation d’informations personnelles dans le but de nuire

Si les dispositions pénales relatives à la divulgation d’informations sont nombreuses, aucune ne permet aujourd’hui de sanctionner la divulgation de données personnelles, objectives, sans provocation explicite à la violence, mais comportant un appel implicite, de nature à menacer de manière directe, objectivable, l’intégrité physique ou psychique, ou les biens d’un individu.

Ainsi, l’article 223-1 du code pénal ne permet pas de sanctionner l’exposition directe à un risque immédiat par la divulgation volontaire d’informations personnelles, mais simplement par la méconnaissance d’une obligation de sécurité.

L’article 226-22 du code pénal ne permet pas de sanctionner les atteintes à l’intégrité physique, mais simplement les atteintes à la vie privée ou à l’honneur par la divulgation d’informations.

L’article 226-4-1, pour sa part, repose essentiellement sur l’usurpation d’identité numérique et sanctionne le simple fait de troubler la tranquillité, et non d’exposer délibérément à un risque d’infraction commise par un tiers.

L’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ne permet de sanctionner que les divulgations d’informations ayant effectivement conduit à ce qu’un crime ou un délit soit commis.

Enfin, l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ne permet de sanctionner que les provocations manifestes à la haine ou à la violence, les appels directs et explicites, et non la simple divulgation d’informations, quand bien même l’appel à la violence qui en découle est implicite. Par ailleurs, les dispositions de la loi de 1881 concernent des informations dont les conditions de publicité ne sont pas nécessairement remplies par certains contenus diffusés sur des groupes à caractère plus ou moins fermés, notamment sur des réseaux sociaux.

Aussi, selon l’analyse du Gouvernement, en particulier du ministère de la Justice, que partage le Conseil d’État, le droit en vigueur ne comporte aucune disposition permettant de sanctionner la divulgation d’informations personnelles dans l’intention de nuire, sans pour autant que l’appel à la violence ne soit caractérisé.

L’exemple le plus évident des lacunes de la législation reste, bien sûr, la succession d’événements ayant conduit à l’assassinat dramatique du professeur Samuel Paty en octobre 2020, après plusieurs semaines de diffusion de messages haineux sur internet, dont certains précisant son nom et celui de l’établissement dans lequel il enseignait, faisant de lui une cible.

Au-delà, la pratique dite du « doxing », consistant à rechercher et à divulguer sur internet des informations personnelles d’un individu – identité, adresse, numéro de sécurité sociale, numéro de téléphone – dans le dessein de lui nuire, est aujourd’hui particulièrement difficile à sanctionner.

De nombreuses associations de lutte contre la haine en ligne, entendues par la rapporteure, l’ont confirmé : la divulgation d’un certain nombre d’informations personnelles, privées ou professionnelles, notamment sur les supports électroniques, n’est aujourd’hui pas répréhensible pénalement, malgré l’existence avérée des menaces que cette divulgation fait peser sur l’intégrité physique ou morale d’une personne. Ainsi en est-il, par exemple, de cas d’ « outing » forcé, dans lesquels l’orientation sexuelle d’une personne est révélée, ainsi que son identité, l’exposant à un risque de menaces physiques, de harcèlement, parfois de rupture familiale. Ainsi en est-il également de la diffusion d’images intimes, à caractère sexuel, le plus souvent de jeunes filles, accompagnées du nom, de l’adresse, du numéro de téléphone portable ou du nom de l’établissement scolaire que fréquentent les victimes, les exposant également à un risque de harcèlement, physique ou moral, mais également de grande détresse psychologique.

Comme l’indique l’association e-enfance, dans une autre affaire, celle de la jeune adolescente Mila menacée de mort pour avoir critiqué l’islam sur les réseaux sociaux, un grand nombre de messages se contentaient de divulguer des données personnelles permettant de localiser la jeune femme, pour lesquels il manquait à l’association les fondements juridiques suffisants pour en obtenir le retrait.

c.   L’augmentation de la haine en ligne

La circulation de contenus haineux en ligne, sous toutes les formes (messages, vidéos, images, etc.) et sur tout support (commentaires sur des réseaux sociaux, blogs, sites internet dédiés) a augmenté ces dernières années.

Ainsi, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, PHAROS, créée en 2009 et placée sous l’égide du ministère de l’intérieur a recueilli, en 2019, 228 545 signalements de contenus, dont 17 555 dans le domaine des discriminations et de la haine en ligne, soit 7,68 % des signalements. Ce chiffre est en augmentation régulière depuis la création de la plateforme. Cette plateforme avait recueilli, en 2018, 163 723 signalements, dont près de 14 000 relevaient de la haine en ligne ou de discriminations et concernaient 8 000 contenus. Les réseaux sociaux sont le principal support de ces messages de haine ([243]).

Évolution du nombre de signalements reçus dans le domaine de la haine et des discriminations par la plateforme PHAROS depuis 2013

Source : contribution du ministère de l’Intérieur au rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2019

Source : contribution du ministère de l’Intérieur au rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2019

 

Selon les données transmises par le CSA, la cartographie de la haine en ligne réalisée par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) a permis de comptabiliser des millions de contenus haineux publiés sur les réseaux sociaux en 2020 et relevant des catégories suivantes :

Répartition des contenus illicites par type de discours en 2020

Discours

Nombre de messages

Discours misogynes

7 948 332

Discours anti-Arabes/Anti-Maghrébins

1 752 405

Discours anti-LGBT

1 695 268

Discours capacitistes ou validistes

565 662

Discours anti-Roms ou anti-Gitans

223 483

Discours anti-Noir ou anti-Africain

299 157

Discours anti-Musulmans

168 324

Discours anti-Chrétiens

156 047

Discours anti-Blancs

125 654

Discours antisémites

79 289

Discours anti-Asiatiques

45 804

Source : CSA

Selon l’association Génération numérique, 4 jeunes sur 10 ont déjà été exposés à des contenus choquants. En outre, 21 % des 11 à 18 ans ont déjà vu circuler des propos racistes et 18 % des propos haineux liés à la religion. Seulement 1 jeune sur 3 signale le contenu.

La Fédération française des télécoms, représentant les fournisseurs d’accès à internet, indique pour sa part avoir reçu 1 869 signalements en 2020, dont 190 étaient techniquement exploitables et ont fait l’objet d’une transmission à Pharos. La grande majorité des signalements portaient sur des contenus liés à la pédocriminalité et une dizaine de signalements étaient relatifs à des contenus haineux.

Les plateformes prennent, indéniablement, des mesures, mais qui restent insuffisantes face à la rapidité de la diffusion des messages :

– Facebook indiquait avoir pris des mesures à l’encontre de près de 2,9 millions de contenus entre juillet et septembre 2018, contre 1,8 million au dernier trimestre 2019 ([244]). Le taux de prévalence des messages haineux est estimé entre 0,10 et 0,11, soit 10 à 11 contenus sur 10 000 ;

– Youtube indiquait avoir, au troisième trimestre 2020, retiré 1,8 millions de chaînes et les 32 millions de vidéos qu’elles contenaient, ainsi que 8 millions de vidéos isolées. Sur l’ensemble de ces vidéos, 60 000 avaient été mises en ligne à partir d’une adresse IP attribuée à la France. En parallèle, un milliard de commentaires ont également été supprimés ;

– Snapchat indiquait avoir reçu des signalements portant sur 21 000 contenus haineux, dont 2000 ont donné lieu à des suppressions de compte ;

 Twitter ne mentionne pas le nombre de suppressions de contenus pour motif haineux dans son dernier rapport de transparence. En revanche, quatre associations ont assigné la société en mai 2020 après avoir notamment relevé qu’à peine 11 % des messages signalés avaient finalement été supprimés par la plateforme (sur un échantillon de 1 100 messages d’insultes ou d’incitation à la haine).

d.   Des évolutions récentes issues de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet

Plusieurs évolutions récentes dans la lutte contre la haine en ligne ont été apportées, issues notamment de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, mais doivent aujourd’hui être complétées par l’évolution du code pénal.

Créé par l’article 10 de cette loi, le pôle spécialisé de lutte contre les contenus haineux sur internet, ou « Parquet numérique », a été mis en place à compter du 4 janvier 2020. L’article 15-3-3 du code de procédure pénale ainsi introduit prévoit, en effet, qu’une juridiction désignée par décret dispose d’une compétence nationale, concurrente à celle résultant du droit commun, pour les délits de harcèlement sexuel ou moral aggravés par le caractère discriminatoire au sens des articles 132-76 et 132-77 du code pénal ([245]), dès lors que les faits sont commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique et que la plainte a été adressée par voie électronique.

Le décret n° 2020-1444 du 24 novembre 2020 pris pour l’application de l’article 15-3-3 du code de procédure pénale désigne le tribunal judiciaire de Paris pour exercer cette compétence. Selon le ministère de la justice, dans une circulaire datée également du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris dispose d’une expertise qui le désigne naturellement pour qu’y soit créé le pôle national de lutte contre la haine en ligne : « sur le plan pénal, le Parquet de Paris bénéficie d’un haut niveau de qualification pour cette délinquance spécifique dont il traite aujourd’hui le plus grand nombre de procédures […]. Sur le plan civil, la juridiction parisienne dispose également d’une expérience spécifique pour le traitement des demandes de suppression de ces contenus, contentieux technique essentiel à la prévention de la propagation de la haine en ligne ».

Le pôle national de lutte contre la haine en ligne exercera une compétence concurrente lorsque les propos diffusés sur internet seront visibles depuis n’importe quel point du territoire national et seront susceptibles de constituer les infractions suivantes :

– la provocation directe non suivie d’effet à la commission d’un crime ou d’un délit (article 24, alinéas 1 et 2) ;

– les délits de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence (article 24, alinéas 7 et 8), d’injure publique (article 29, alinéa 2 ; article 33, alinéas 2 et 3) et de diffamation publique (article 29, alinéa 1 et article 32 alinéas 2 et 3) à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion, ou à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap.

– le harcèlement moral dès lors que les messages sont publics et qu’ils comportent des éléments permettant de retenir une circonstance aggravante des articles 132-76 et 132-77 du code pénal.

Les critères de saisine du parquet de Paris seront, sous réserve de son appréciation pour chaque procédure, la complexité de la procédure (résultant notamment de la technicité de l’enquête ou de la multiplicité d’auteurs éventuellement localisés en de multiples points du territoire) et le fort trouble à l’ordre public engendré par les faits, notamment en cas de retentissement médiatique important ou de sensibilité particulière de l’affaire. Ainsi, la procureure de Vienne s’est déjà dessaisie de l’affaire dite « Mila » au profit de ce nouveau pôle. Le procureur de la République de Paris estime à 400 à 500 le nombre de dossiers qui pourraient être traités chaque année, ciblant les principaux pourvoyeurs de haine avec la plus grande réactivité possible.

Pour accomplir cette mission, les effectifs du siège, du parquet et du greffe du tribunal judiciaire de Paris ont été et seront renforcés : le pôle recevra l’appui d’un assistant spécialisé et de deux juristes assistants.

La loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet a, également, créé un observatoire de la haine en ligne (article 16) qui doit permettre d’appréhender ces faits de manière globale. L’observatoire doit contribuer à une meilleure connaissance du phénomène, indispensable pour parvenir à une meilleure efficacité de l’action judiciaire et administrative.

Il a été mis en place le 8 juillet 2020, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui en assure le secrétariat et en a précisé les missions : analyser et quantifier les contenus relatifs à la haine en ligne ; œuvrer à améliorer la compréhension du phénomène en suivant son évolution ; partager les informations des différents acteurs concernés, publics et privés. Il associe les opérateurs, associations, administrations et chercheurs concernés par la lutte et la prévention contre ces infractions et prend en compte la diversité des publics, notamment les mineurs.

Si son existence est trop récente pour en dresser un bilan, sa création est une avancée positive dans la connaissance et la maîtrise du phénomène de la haine en ligne.

Enfin, il peut être souligné que les moyens consacrés à la plateforme PHAROS ont été augmentés à l’automne 2020, en effectifs et en amplitude d’action, puisque la plateforme, gérée par 28 enquêteurs sous la supervision de deux officiers, sera désormais ouverte sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt‑quatre. Comme le ministre de l’intérieur l’a indiqué lors de son audition par la commission, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 50 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2021, et autant en 2022.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 18 du projet de loi propose de créer un nouveau délit, inséré à la section I (« des risques causés à autrui ») du chapitre III (« de la mise en danger de la personne ») du titre II (« des atteintes à la personne humaine ») du livre II (« des crimes et délits contre les personnes ») du code pénal.

Les alinéas 1 et 2 précisent que ce délit sanctionne, au sein d’un article nouveau 223-1-1, le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit – sur un support de communication électronique mais pas uniquement – des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

L’alinéa 3 de l’article crée une circonstance aggravante et précise que lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Le régime de peine proposé, trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, se situe entre les peines prévues pour les délits d’atteinte à la vie privée (cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende), celles prévues pour la mise en danger délibérée d’autrui (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) et celles prévues pour le délit de provocation aux crimes ou à la violence par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse (un an d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende s’agissant de la provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination et cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende s’agissant de la provocation à certains crimes et délits).

Il est à noter que ce délit ne sanctionne la divulgation d’informations que lorsque celle-ci est opérée dans le but de nuire, et ce quand bien même une telle divulgation ne serait pas suivie de conséquences. Il s’agit d’incriminer un comportement indépendamment de ses conséquences.

En revanche, comme l’indique le Conseil d’État, « dès lors que la caractérisation de l’infraction impose la démonstration d’une intention particulière de nuire qui permet de ne réprimer que les comportements commis dans le but de porter atteinte à une personne ou à sa famille, elle n’a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d’images qui ont pour but d’informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu’elles permettent d’identifier ou de localiser ».

À cet égard, l’article ne touche aucunement à la liberté d’expression, ou à la liberté d’informer le public : seules sont réprimées les divulgations d’informations objectives, relatives à un individu en particulier, telles qu’une adresse, un numéro de téléphone. Pour la rapporteure, cette transmission publique d’éléments d’identité ou personnels dans l’intention de nuire ne peut pas être assimilée à l’expression d’une opinion ou d’une idée participant à l’information générale ou au débat public.

Enfin, comme précisé par la direction des affaires criminelles et des grâces, la notion de « risque immédiat » ne recouvre pas une notion de temporalité, mais une notion de tangibilité, de caractérisation du risque, qui doit être direct et objectivable, quand bien même sa concrétisation peut ne pas survenir immédiatement après la divulgation des informations. Ce point mériterait toutefois d’être explicité.

3.   La position de la commission

La commission a, à l’initiative des rapporteurs, adopté un amendement de réécriture de la fin du deuxième alinéa ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, permettant de préciser le régime juridique du nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la divulgation d’informations personnelles. Cet amendement renforce les éléments permettant de déterminer l’intention de l’auteur d’exposer à un risque, en précisant que cet auteur devra avoir connaissance du risque auquel il expose la victime. Il substitue à la notion de « risque immédiat » celle de « risque direct » pour dissiper toute confusion quant au sens de l’immédiateté et à ses conditions d’application. Enfin, il substitue à la notion d’« atteinte à l’intégrité physique et psychique » celle d’« atteinte à la personne », correspondant aux crimes et délits visés par le titre II du livre II du code pénal.

La commission a, également, adopté plusieurs amendements identiques présentés par les rapporteurs, par Mme Annie Genevard (LR) et par M. Jean‑Baptiste Moreau (LaREM), ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, prévoyant une circonstance aggravante lorsque le délit créé par l’article 18 est commis à l’encontre d’une personne mineure : les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende, par parallélisme avec l’augmentation des peines lorsque les faits sont commis à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Il s’agit ici de prendre en compte la particulière vulnérabilité et la grande exposition des mineurs à ces divulgations d’informations personnelles, en particulier sur des supports de communication en ligne.

La commission a, enfin, adopté contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement de M. François Pupponi (DEM), intégrant explicitement les titulaires d’un mandat électif à la liste des personnes pour lesquelles l’atteinte portée au titre de l’article 223-1-1 nouveau constitue une circonstance aggravante, aux côtés des dépositaires de l’autorité publique ou des personnes chargées d’une mission de service public.

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Article 18 bis (nouveau)
(art. 24, 24 bis et 33 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse)
Circonstance aggravante lorsque certains délits de presse sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte de l’adoption par la commission d’amendements identiques des rapporteurs et de M. Stanislas Guerini et les membres du groupe La République en Marche, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Il a pour objet de prévoir une circonstance aggravante lorsque les délits prévus par les septième et huitième alinéas de l’article 24 (provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination, à raison notamment de l’origine, de la religion, de la nation, ou à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap) (1°), par l’article 24 bis (négationnisme de génocide et de crimes contre l’humanité) (2°) et par les troisième et quatrième alinéas de l’article 33 (injure en raison notamment de l’origine, de la religion, de la nation, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap) de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse (3°) sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de sa mission.

La peine encourue, d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, est alors portée à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Il s’agit, notamment à la suite de plusieurs affaires marquantes, de rappeler le devoir d’exemplarité de ces personnes et de renforcer le lien de confiance qui les unit aux citoyens français.

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Article 19
(art. 6-3 et 6-4 [nouveaux] de la loi  2004575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)
Lutte contre les sites dits « miroirs »

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 19 renforce les moyens de lutte contre les sites dits « miroirs », identiques ou très proches de sites déclarés illicites par une décision de justice en raison notamment de leur contenu haineux, en permettant à l’autorité administrative et, selon les cas, aux parties à la décision de justice, de demander aux fournisseurs d’accès à internet d’en bloquer l’accès.

       Modifications apportées par la commission

La commission a complété l’article par une disposition visant à supprimer le principe de subsidiarité qui prévaut dans la procédure du « référé-internet », de manière à permettre à l’autorité judiciaire de prescrire indifféremment aux hébergeurs ou aux fournisseurs d’accès à internet les mesures propres à faire cesser un dommage résultant d’un contenu illicite. Elle a également supprimé les deuxième et troisième alinéas, qui créaient un article 6-3 à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, et conféraient aux parties à une procédure judiciaire ayant entraîné une décision définitive la possibilité de demander aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès à un contenu identique à celui visé par ladite décision de justice. Elle a précisé, dans l’article 6-4, que la notification de l’autorité administrative peut être adressée aux hébergeurs ou aux fournisseurs d’accès à internet, pour un contenu identique ou équivalent à un contenu précédemment jugé illicite. 

1.   L’état du droit

a.   Différentes procédures de blocage de l’accès à des contenus illicites sur décision administrative ou judiciaire

Le droit en vigueur comporte plusieurs possibilités de blocage de l’accès à des contenus illicites sur internet, majoritairement décidées par le juge judiciaire. Les blocages dits « administratifs », plus rapides, sont aujourd’hui réservés aux situations d’illicéité les plus manifestes de sites faisant l’apologie du terrorisme ou pédopornographiques.

Ces blocages ont été décrits dans le rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre la haine sur internet (n° 1785).

 Le blocage judiciaire

Le blocage judiciaire est ordonné par le juge civil. Il est possible à l’égard de tout contenu susceptible de causer un dommage à un tiers et fréquemment désigné sous le terme de « référé internet ». Aux termes du 8 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête » à tout hébergeur ou, à défaut, tout fournisseur d’accès à internet « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

La rédaction de cet alinéa laisse entendre un principe de subsidiarité, conduisant à ce que la prescription au fournisseur d’accès à internet ne puisse intervenir qu’après prescription aux hébergeurs. La jurisprudence diverge toutefois sur ce point, la Cour de cassation ayant notamment jugé que « la prescription de ces mesures n’est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d’hébergement » ([246]).

Le blocage peut être obtenu, selon la Fédération française des télécoms, en un à deux mois en moyenne.

D’autres procédures de blocage par référés spécifiques existent, prévues par l’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (référé spécial permettant le blocage d’un site internet en cas de trouble manifestement illicite résultant de messages ou d’informations mis à la disposition du public), par l’article 706-23 du code de procédure pénale (référé spécial autorisant le blocage d’un site internet provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie) ou encore par l’article 809 du code de procédure civile (référé de droit commun).

 Le blocage administratif

En application de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, l’autorité administrative est autorisée à ordonner, sans recours à l’autorité judiciaire, le blocage de certains sites véhiculant des contenus dont l’illicéité est particulièrement grave : les sites provoquant ou faisant l’apologie du terrorisme, ainsi que les sites pédopornographiques.

Ainsi, en application de l’article 6-1 de la loi précitée pour la confiance dans l’économie numérique, « Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander [aux éditeurs de service internet ou aux hébergeurs] de retirer les contenus qui contreviennent à ces [articles]. Elle en informe simultanément les [fournisseurs d’accès à internet] ». L’autorité administrative visée est ici l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) qui, après avoir demandé aux éditeurs de service internet et aux hébergeurs de retirer un contenu illicite peut, en cas d’absence de retrait à l’expiration d’un délai de 24 heures, demander aux fournisseurs d’accès à internet d’en bloquer l’accès en leur notifiant la liste des sites visés.

L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent au droit aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne.

Ce blocage, qui ne fait pas intervenir le juge judiciaire, est encadré de deux garanties :

 l’autorité administrative doit d’abord demander aux éditeurs de service internet ou aux hébergeurs le retrait de ces contenus, en en informant simultanément les fournisseurs d’accès à internet ; ce n’est qu’en l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de 24 heures qu’elle peut notifier aux fournisseurs d’accès à internet la liste des adresses des sites contrevenant au droit ;

 ces mesures de blocage sont placées sous le contrôle d’une personnalité qualifiée, désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), à qui l’autorité administrative doit transmettre les demandes de retrait et la liste des sites incriminés. Cette personnalité « s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste » et, si elle constate une irrégularité, peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Elle peut saisir la juridiction administrative en référé ou sur requête si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation.

Il est généralement rapide : la procédure peut permettre d’obtenir un blocage en quelques jours.

Sur la période courant du 2 février au 31 décembre 2019, la personnalité qualifiée a recensé 18 177 demandes (– 29 % par rapport à 2018 ([247])) de l’OCLCTIC visant à restreindre l’accès à des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. Les contenus à caractère pédopornographique représentent 68 % des contrôles opérés. Les demandes concernent des blocages de sites (420 demandes), des retraits de contenus (11 874 demandes) et des déréférencements d’adresses électroniques (5 883 demandes). Aucune recommandation n’a été adressée au ministère de l’intérieur.

 Les blocages mixtes

Enfin, des blocages dits « mixtes », faisant intervenir l’autorité judiciaire et une autorité administrative variable selon les cas, sont également prévus :

– le référé « jeux en ligne », prévu par l’article 61 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne : il donne au président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), autorité administrative indépendante, la possibilité d’enjoindre les hébergeurs de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès à un site de jeux ou de paris en ligne illégal et, en cas d’absence de mesure effective, de demander au président du tribunal de grande instance de Paris d’ordonner aux fournisseurs d’accès à internet le blocage de l’accès à ce site ainsi que « toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site » de l’opérateur par un moteur de recherche ou un annuaire ;

– le référé « services d’investissement en ligne », prévu par l’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier : il donne au président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), autorité publique indépendante, les mêmes pouvoirs qu’au président de l’ARJEL à l’égard des sites d’investissement en ligne illégaux, à l’exception de la possibilité de demander le déréférencement de ces sites ;

– le référé « consommation », prévu par l’article L. 524-3 du code de la consommation : il donne à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), direction du ministère de l’économie et des finances, la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance de Paris, en référé ou sur requête, afin qu’il ordonne aux hébergeurs ou aux fournisseurs d’accès à internet « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

 Selon les données transmises par SFR, les demandes de blocage qui ont été adressées à ce fournisseur d’accès à internet, à la date d’avril 2020, émanaient :

– pour 230 d’entre elles, de l’OCLCTIC (sites faisant l’apologie du terrorisme ou pédopornographiques) ;

– pour 600 d’entre elles, de l’ARJEL ;

– pour 40 d’entre elles, de la DGCCRF ;

 pour 800 d’entre elles, d’une décision judiciaire liée à des faits de piratage ;

– pour 30 d’entre elles, d’une décision judiciaire prise pour d’autres raisons (notamment la haine en ligne).

Selon les données transmises par la Fédération française des télécoms (FFT), les opérateurs membres (SFR, Bouygues et Orange) ont bloqué environ 1 500 sites en 2020, soit trois fois plus qu’en 2015. Environ 600 de ces sites comportaient des contenus pédocriminels et 650 relevaient du piratage de contenus audiovisuels. Venaient ensuite les contenus terroristes (environ 40 sites bloqués en 2020), les jeux d’argent illicites, les sites d’investissement en ligne illicites, et enfin les contenus haineux (entre deux et cinq par an).

La FFT précise qu’elle constate une légère augmentation des blocages liés à la diffamation entre 2015 et 2020, pour un total d’un peu moins de dix sites bloqués à ce jour.

b.   La responsabilité des intermédiaires techniques

Les fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs n’ont pas d’obligation générale de surveillance en application de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur, notamment son article 14 ([248]), transposée dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Comme l’explicite l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, « les personnes mentionnées aux 1 et 2 [fournisseurs d’accès et hébergeurs] ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».

Il résulte de ces dispositions, selon l’interprétation qui en est faite par la Cour de cassation, qu’un hébergeur ne peut être enjoint de bloquer de manière systématique la réapparition d’un service de communication au public en ligne retiré une première fois en raison de son caractère illicite, car cela reviendrait à le soumettre à une obligation générale de surveillance sous la forme d’un système de filtrage et de blocage permanent ([249]).

Ces dispositions ne permettent donc pas de traiter la problématique nouvelle de la réapparition, quasiment instantanée, de sites ou de contenus identiques à ceux ayant fait l’objet d’une décision de justice constatant leur illicéité, utilisant un nom de domaine différent : il est alors nécessaire d’entamer une autre procédure – nécessairement judiciaire aujourd’hui car les procédures administratives ne concernent que les contenus terroristes ou pédopornographiques – souvent longue de plusieurs mois, durant lesquels le contenu, dont l’illicéité ne fait pas débat, reste accessible. Ceci remet en question toute l’efficacité de la procédure, qui ne semble pas adaptée aux nouvelles stratégies de contournement des pourvoyeurs de haine en ligne.

L’exemple le plus parlant de cette situation concerne le site Démocratie participative, condamné, mais dont l’achat par son principal responsable de près de 240 noms de domaines lui permet de ressurgir quelques secondes après le prononcé d’une décision de justice. À ce jour, une dizaine de répliques ont pu être bloquées, mais le potentiel de réapparition est immense. Par ailleurs, selon la FFT, trois autres sites et leurs miroirs, relevant de la haine en ligne, ont pu être bloqués, pour un total de 20 blocages depuis 2014.

Aussi, il apparaît désormais indispensable de permettre, dès lors qu’une décision de justice a jugé illicite le contenu d’un site internet, à l’autorité administrative d’ordonner le blocage d’un site dont le contenu lui est identique, en totalité ou de manière substantielle. Ceci n’instaurerait pas une obligation générale de surveillance pour les fournisseurs d’accès et hébergeurs, dès lors que chaque site à supprimer leur serait désigné par l’autorité administrative.

En outre, le droit national, comme le droit européen, admet que des activités temporaires et ciblées de surveillance puissent être imposées aux fournisseurs d’accès et hébergeurs. En effet, l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique précitée précise que l’absence d’obligation générale de surveillance est « sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l’autorité judiciaire », ce qui s’inscrit en parfaite cohérence avec le paragraphe 3 de l’article 14 de la directive précitée, qui précise que l’absence d’obligation générale de surveillance « n’affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation et n’affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d’instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l’accès impossible », ainsi qu’avec le considérant 47 de cette directive ([250]).

Ceci a été confirmé par une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne ([251]), qui a estimé, dans un arrêt de 2019, que le droit de l’Union européenne « ne s’oppose pas à ce qu’un hébergeur soit contraint de retirer des informations équivalant à celle ayant été qualifiée d’illicite, dès lors qu’une obligation de retrait n’implique pas une surveillance générale des informations stockées, et découle d’une prise de connaissance résultant de la notification effectuée par la personne concernée, les tiers ou une autre source ».

2.    Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi comporte des dispositions insérées dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique visant à lutter contre le contournement des décisions de justice constatant l’illicéité d’un site Internet et ordonnant son blocage ou son déréférencement par des professionnels de la haine en ligne. Il s’agit de compléter les possibilités pour l’autorité administrative de restreindre l’accès à des contenus haineux sur internet. Ces dispositions faisaient initialement l’objet de l’article 8 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, censuré par le Conseil constitutionnel ([252]), non pas sur le fond, mais en raison du renvoi opéré par cet article 8 à des dispositions elles-mêmes censurées.

L’article 19 insère ainsi, après l’article 6-2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, deux articles 6-3 et 6-4 qui renforcent les pouvoirs de l’autorité administrative pour assurer le blocage de sites aux contenus illicites, au-delà des seuls sites terroristes ou pédopornographiques. Il est à noter que l’article insère ces dispositions à la suite d’un article 6-2, créé par la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020, qui entre en vigueur six mois après la publication de cette loi, soit au 20 avril 2021, a priori avant l’adoption définitive du présent projet de loi.

Les alinéas 1 à 3 créent un article 6-3, qui dispose que lorsqu’une décision de justice exécutoire a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au 7 du I de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, l’autorité administrative, mais également toute partie à la procédure judiciaire, peuvent demander aux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès à tout service de communication au public reprenant le contenu du service visé par la décision de justice, pour une durée plafonnée à celle restant à courir pour les mesures ordonnées par la décision de justice.

Les infractions visées par le 7 du I de l’article 6 sont les suivantes :

– apologie des atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité de la personne, des agressions sexuelles, vols, extorsions et destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes (cinquième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881) ;

– apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage, d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi (cinquième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881) ;

– provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (septième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881) ;

– provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (huitième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881) ;

– propos relevant du harcèlement sexuel (article 222-33 du code pénal) ;

– traite des êtres humains (article 225-4-1 du code pénal) ;

– proxénétisme ou assimilé (articles 225-5 et 225-6 du code pénal) ;

– enregistrement ou diffusion d’images pédopornographiques (article 227-23) ;

– fabrication, transport ou diffusion d’un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger (article 227-24 du code pénal) ;

– provocation à des actes de terrorisme ou apologie de tels actes (article 421-2-5 du code pénal).

L’objectif recherché par le Gouvernement en donnant aux parties à la procédure judiciaire le pouvoir de demander le blocage d’un site miroir est notamment, selon l’étude d’impact, de responsabiliser le bénéficiaire d’une décision de justice exécutoire et d’éviter le recours systématique à une procédure administrative.

L’alinéa 3 précise que, lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement en application de l’alinéa 2, l’autorité judiciaire peut être saisie en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services.

L’autorité judiciaire reste donc présente dans l’ensemble de la procédure, comme auteur de la décision initiale éventuellement répliquée par l’autorité administrative, et comme voie de recours en cas de non-application de la mesure administrative.

En outre, les alinéas 4 à 6 créent un article 6-4 qui prévoit également que, lorsqu’une décision judiciaire exécutoire a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public dont le contenu relève des infractions précitées, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée (mais non plus les parties à la procédure judiciaire) peut demander aux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès à tout service de communication au public reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service visé par la décision de justice, pour une durée plafonnée à celle restant à courir pour les mesures ordonnées par la décision de justice.

En effet, dès lors que le site « miroir » n’est pas strictement identique au site visé par la décision de justice initiale, il convient de ne laisser qu’à l’autorité administrative, et non plus aux parties à la procédure judiciaire, la possibilité de demander son blocage.

L’alinéa 5 précise que, dans les mêmes conditions, l’autorité administrative peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.

Enfin, l’alinéa 6 précise que, comme pour l’article 6-3, lorsqu’il n’est pas procédé à ce blocage ou à ce déréférencement, l’autorité judiciaire peut être saisie en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services.

Le Conseil d’État, dans son avis, relève que, dans les deux cas, « la demande de blocage ou de déréférencement ne peut être formulée pour une durée excédant celle restant à courir pour les mesures judiciairement ordonnées et que, lorsqu’elle demeure infructueuse, les demandeurs doivent à nouveau solliciter l’autorité judiciaire pour qu’elle ordonne toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus des services concernés ». Aussi, il estime que « le dispositif proposé ne contrevient pas aux exigences résultant de la Constitution et du droit de l’Union dont il rappelle qu’elles ne permettent pas de procéder à l’interdiction des sites et contenus « miroirs », quels que soient le degré et la gravité de leur illicéité, sans l’intervention d’un juge », rappelant ici l’avis qu’il avait déjà formulé sur la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cinq amendements à cet article.

Le premier, présenté par les rapporteurs et adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, supprime le principe de subsidiarité qui semble résulter de la disposition relative au « référé-internet » (8 du I de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique précitée), celle-ci disposant que l’autorité judiciaire peut prescrire à tout hébergeur « ou, à défaut, » à tout fournisseur d’accès à internet les mesures propres à prévenir ou faire cesser un dommage résultant d’un contenu litigieux. La nouvelle rédaction proposée, en autorisant le juge à prescrire indifféremment à l’hébergeur ou au fournisseur d’accès à internet toute mesure utile, doit permettre de clarifier le droit applicable, d’unifier la jurisprudence et d’accélérer la mise en œuvre d’une décision de blocage judiciaire.

La commission a également adopté deux amendements identiques, avec l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, présenté par Mme Isabelle Florennes et plusieurs députés du groupe DEM, ainsi que par M. Robin Reda et plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ces amendements suppriment les deuxième et troisième alinéas de l’article, et, partant, l’article 6-3 que l’article 19 entendait créer à la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Il s’agit de supprimer la possibilité donnée aux parties à une procédure judiciaire ayant obtenu une décision définitive constatant l’illicéité d’un site internet et ordonnant son blocage, de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès à tout contenu identique. En effet, seule une autorité habilitée, comme l’autorité administrative, éventuellement saisie par toute personne intéressée, doit pouvoir identifier et qualifier des sites « miroirs » de sites illicites et demander que des mesures soient prises par les intermédiaires techniques.

Enfin, la commission a adopté deux amendements des rapporteurs, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. Le premier prévoit que l’autorité administrative peut demander non pas uniquement aux fournisseurs d’accès mais également aux hébergeurs de bloquer l’accès à un contenu miroir d’un contenu jugé illicite. Le second substitue à la notion de contenu « reprenant en totalité ou de manière substantielle » le contenu initial, celle de contenu « identique ou équivalent » à tout ou partie du contenu initial, pour reprendre les termes de la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision de 2019 précitée.

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Article 19 bis (nouveau)
(art. 6 et 6-5 [nouveau] de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; art.19, 42-7 et 62 [nouveau] de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Renforcement de la régulation des opérateurs de plateforme

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte de deux amendements identiques adoptés par la commission à l’initiative des rapporteurs et du Gouvernement. Il a pour objet de renforcer le dispositif de lutte contre les contenus haineux en ligne, en conférant aux plateformes, d’une part, des obligations de moyens et des obligations de transparence s’agissant de la modération des contenus publiés sur des services de communication électronique, et au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’autre part, des pouvoirs de sanction plus importants.

Cet article s’inscrit dans la continuité de certaines dispositions de la loi n° 2020‑766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, qui conférait, de la même manière, des obligations de moyens aux opérateurs de plateforme et un pouvoir de régulation au CSA. Ces dispositions n’ont pas été censurées sur le fond par le Conseil constitutionnel, mais par voie de conséquence car elles renvoyaient à des dispositions elles-mêmes censurées. 

Il s’inscrit également dans la dynamique européenne, à laquelle une nouvelle impulsion a été donnée en décembre 2020, par la présentation du Digital Services Act (DSA), projet de règlement européen sur les services numériques qui a pour ambition de construire un nouveau cadre de lutte contre la diffusion de contenus illicites, en responsabilisant les plateformes numériques à travers les obligations de moyens reprises dans l’article.

Le 1° du I apporte plusieurs clarifications à l’article 6, et en particulier au 7 du I, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Le 2° du I de l’article crée un article 6‑5 (nouveau) à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui impose plusieurs obligations aux opérateurs de plateforme en ligne dans la modération des contenus illicites. Les opérateurs visés sont les opérateurs de plateforme, établis en France ou à l’étranger, qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéos et moteurs de recherche). 

Les contenus visés, eux, sont ceux listés au 7 du I de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, pour lesquels un devoir de coopération renforcé existe d’ores et déjà, ainsi que le négationnisme et les injures discriminatoires, qui sont au cœur de la lutte contre les contenus haineux en France.

En premier lieu, le 1° et le 2° renforcent l’obligation de coopération de ces opérateurs avec les autorités publiques, tant dans la bonne mise en œuvre des injonctions judiciaires ou administratives (a du 1°), que dans la transmission de données permettant l’identification des auteurs de contenus haineux (b du 1°). Les contenus signalés devront être temporairement conservés aux fins de l’enquête judiciaire (c du 1°). Les plateformes devront également désigner un interlocuteur unique, référent des autorités publiques françaises, pour assurer l’effectivité de cette coopération (2°)

En second lieu, le 3° et le 4° prévoient des obligations de transparence renforcées pour ces opérateurs. Leurs conditions générales d’utilisation devront expliciter leur politique et leurs moyens, humains comme technologiques, de modération, ainsi que les mesures prises en cas de diffusion de contenus haineux, et les voies de recours internes et judiciaires dont disposent les utilisateurs (3°). Les opérateurs devront également publier régulièrement des informations et indicateurs chiffrés, définis par le CSA, relatifs au traitement des notifications et des recours internes. Ils devront, enfin, désigner des tiers de confiance, dont les notifications font l’objet d’un traitement prioritaire, de manière transparente : les critères de sélection de ces tiers de confiance feront également l’objet d’une publication ().

De plus, le 9° prévoit que les plateformes les plus importantes en nombre de connexions devront procéder, chaque année, à une évaluation des risques systémiques liés au fonctionnement et à l’utilisation de leurs services en matière de diffusion des contenus illicites, mais aussi en matière d’atteinte aux droits fondamentaux, notamment à la liberté d’expression (a). Elles devront mettre en œuvre des mesures raisonnables, proportionnées et efficaces pour atténuer les risques de diffusion tout en veillant à prévenir les risques de retrait non justifié (b). Elles devront, enfin, rendre compte au public, selon des modalités fixées par le CSA, de l’évaluation de ces risques systémiques et des mesures d’atténuation qu’elles doivent mettre en œuvre (c).

En troisième lieu, l’article a pour objet de préserver les droits de l’ensemble des utilisateurs. Les 5° à 7° prévoient que les plateformes devront mettre en place des dispositifs aisément accessibles et faciles d’utilisation de notification des contenus considérés par les utilisateurs comme illicites. L’utilisateur pourra signaler l’adresse à laquelle le contenu est accessible et les raisons pour lesquelles il l’estime illicite. Il pourra laisser les moyens de le contacter, et sera informé des sanctions encourues en cas de notification abusive (). Les plateformes devront accuser réception de ces notifications, les examiner dans un prompt délai et informer l’auteur de chaque notification des suites qui lui sont données et des voies de recours internes s’il conteste la décision qui est prise sur son fondement (). En parallèle, les plateformes devront également prévenir les signalements abusifs et offrir à leurs utilisateurs des garanties et des voies de recours internes et judiciaires (). 

Pour les opérateurs qui prévoient la suspension ou la résiliation des comptes d’utilisateurs, ou la suspension de l’accès au dispositif de notification à l’égard des utilisateurs qui ont soumis des signalements abusifs, le 8° prévoit un encadrement de ces procédures, qui devront être transparentes, et prévoir des voies de recours internes comme judiciaires.

Enfin, afin de contrôler la mise en œuvre de ces obligations, l’article renforce les pouvoirs de régulation du CSA. Son II crée un chapitre III, « Dispositions applicables aux plateformes en ligne en matière de lutte contre les contenus haineux », au sein de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Celui-ci devra veiller au respect, par les opérateurs de plateforme en ligne, de l’ensemble de ces dispositions, tout en prenant en compte les caractéristiques de chacun des services et l’adéquation des moyens mis en œuvre par l’opérateur avec ces caractéristiques (alinéa 51). Le CSA aura notamment accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés de modération, tels que les algorithmes (alinéa 52). Il devra définir les informations et indicateurs chiffrés que les plateformes devront lui transmettre pour l’évaluation de leur politique de modération, et qu’elles devront également rendre publics (alinéa 53), et publier, chaque année, un bilan de l’article 6‑5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique tel que créé par cet amendement (alinéa 54). En application du II de cet article 62 nouveau, en cas de manquement, le CSA pourra mettre en demeure un opérateur de se conformer à ses obligations dans un délai qu’il déterminera, puis prononcer une sanction pécuniaire plafonnée à 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, conformément aux sanctions prévues par le DSA (alinéa 56). La sanction sera plafonnée à 1 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent en cas de refus de communiquer les informations demandées par le régulateur relatives aux principes de fonctionnement des outils automatisés de modération (paramètres, méthodes, données pour l’amélioration de la performance, etc.) (alinéa 57). Le CSA pourra rendre publiques les mises en demeure et sanctions qu’il prononce (alinéa 58).

Le III de l’article fixe au 31 décembre 2023 l’échéance de fin de l’application de ces dispositions – qui seront applicables dès l’entrée en vigueur de la loi – dans l’attente de l’adoption du DSA, auquel le droit national devra nécessairement être conforme. 

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Article 20
(art. 397-6 et art. 804 du code de procédure pénale)
Extension des procédures rapides de jugement des délits à certains délits prévus par la loi du 29 juillet 1881

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 20 prévoit que puissent être applicables à certains délits dits « de presse » car prévus par la loi du 29 juillet 1881 (provocation non suivie d’effet à commettre certaines infractions graves comme les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique ; apologie de crimes ; provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison notamment de la race ou de la religion) les procédures rapides de jugement (comparution immédiate ou convocation par procès-verbal) de manière à faire cesser aussi rapidement que possible les dommages causés par les propos incriminés.

       Modifications apportées par la commission

La commission a étendu l’application de cet article aux délits visés par l’article 24 bis (négationnisme des crimes contre l’humanité et génocides) et par les troisième et quatrième alinéas de l’article 33 (injure proférée envers les personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, avérée ou supposée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap) de la loi du 29 juillet 1881.

1.   L’état du droit

Le code de procédure pénale prévoit trois procédures rapides de jugement des délits décrites aux articles 393 à 397-5 :

– la convocation par procès-verbal, prévue par l’article 394 : sur décision du procureur de la République, elle emporte le déferrement de la personne mise en cause et sa comparution devant le tribunal correctionnel dans un délai compris entre dix jours (sauf renonciation expresse de l’intéressé en présence de son avocat) et six mois. Dans l’attente de la comparution, le prévenu peut faire l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire ou d’un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, après traduction devant le juge des libertés et de la détention, statuant en chambre du conseil avec l’assistance d’un greffier ;

– la comparution immédiate, prévue par l’article 395 : lorsqu’il apparaît au procureur de la République que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, il peut, s’il estime que l’affaire justifie une comparution immédiate, traduire un prévenu en garde-à-vue sur le champ devant le tribunal, sous réserve que la personne mise en cause soit poursuivie pour un délit puni d’un maximum d’au moins deux ans d’emprisonnement ou, en cas de flagrance, d’un maximum d’au moins six mois. Le prévenu doit donner son accord à cette procédure. Il est alors retenu jusqu’à sa comparution, qui doit avoir lieu le jour même. Si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention pour décider d’une éventuelle détention provisoire, d’une mesure de contrôle judiciaire ou d’un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;

– la comparution à délai différé, prévue par l’article 397-1-1 : elle permet au procureur de la République de faire juger rapidement une personne placée en garde à vue, notamment s’il y a des charges suffisantes contre l’auteur mais que certains résultats d’enquête (expertise, relevés de téléphonie, etc.) ne sont pas disponibles avant la fin de la garde à vue.

L’article 397-6 du code de procédure pénale précise cependant que les dispositions des articles 393 à 397-5, relatifs aux procédures rapides de jugement des délits ne sont applicables ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

Aussi, aujourd’hui, les procédures rapides de jugement ne peuvent être mises en œuvre pour les délits prévus, notamment, par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, loi spéciale : provocation non suivie d’effet à commettre certaines infractions graves comme les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique ; apologie de crimes ; provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison notamment de l’origine ou de la religion, ce qui conduit à limiter la possibilité de poursuites rapides.

Ceci apparaît contestable, à plusieurs égards :

– les délits visés, bien qu’insérés au sein de la loi sur la liberté de la presse, ne constituent pas des délits de presse, dès lors qu’ils peuvent être commis par tout individu (notamment des particuliers) et sur tout support (notamment par des discours ou des harangues sur la voie publique). Le droit en vigueur conduit donc à offrir une protection procédurale, sous le couvert du droit de la presse, à des individus qui n’en relèvent assurément pas ;

– l’existence d’une réponse pénale rapide apparaît nécessaire face à l’augmentation des affaires concernant les délits réprimés par l’article 24 de la loi de 1881, passés de 793 en 2015 à 998 en 2019 et face au décalage inacceptable entre l’immédiateté d’internet, la viralité des contenus d’une part, et la longueur d’une procédure judiciaire qui peut n’aboutir qu’au bout de plusieurs mois, durant lesquels le contenu reste accessible et les dommages ou menaces bien présents.

Plusieurs exemples ont été cités au cours des auditions menées par la rapporteure, relatifs notamment à des provocations sur la voie publique. Ainsi, alors que des croix gammées avaient été peintes sur les arcades de la rue de Rivoli, la comparution immédiate a pu être obtenue au titre de la dégradation de biens, mais non au titre de la provocation à la haine raciale ni de l’injure raciale qui, prévues par la loi de 1881, ne pouvaient faire l’objet d’une telle procédure. Une subtilité procédurale a finalement permis de joindre la seconde affaire à la première, mais ceci aurait pu ne pas être le cas ([253]).

De la même manière, après l’injure antisémite subie par M. Finkielkraut en février 2018, sur la voie publique, et malgré la flagrance évidente, il n’avait pas été possible d’interpeller l’auteur ni le déférer en comparution immédiate, celui-ci pouvant profiter des dispositions protectrices du droit de la presse, alors même qu’il manifestait un comportement haineux sans aucun lien avec la liberté de la presse. Le jugement n’est intervenu que six mois plus tard, en juillet 2019.

Aussi, il apparaît nécessaire d’ouvrir les procédures rapides de jugements à des délits qui, bien que condamnés par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, ne relèvent manifestement pas du droit de la presse.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 20 modifie le code de procédure pénale pour instaurer la possibilité de recourir aux procédures rapides de jugement, notamment à la comparution immédiate, par dérogation aux procédures prévues par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Il s’agit de permettre le prononcé de mesures privatives de libertés de manière rapide, propre à faire cesser les agissements de pourvoyeurs de haine, quel qu’en soit le support (incarcération immédiate dès le prononcé du jugement, détention provisoire et contrôle judiciaire dans l’attente du jugement).

Les alinéas 1 à 3 complètent l’article 397-6 du code de procédure pénale pour préciser que, par dérogation, les dispositions des articles 393 à 397-5 – les procédures de comparution immédiate et différée et de convocation par procès‑verbal – sont applicables aux délits prévus par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, c’est-à-dire :

– la provocation directe, non suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ; les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal (alinéas 1 à 3 de l’article 24) ;

– la provocation à l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal (alinéa 4 de l’article 24) ;

– l’apologie des crimes visés au premier alinéa (atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité physique, etc.), des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi (alinéa 5 de l’article 24) ;

– la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (alinéa 7 de l’article 24) ;

– la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (alinéa 8 de l’article 24).

Cependant, dans la mesure où seuls les délits prévus par les alinéas 1 à 5 de l’article 24 sont passibles d’une peine maximale de plus de deux ans (cinq ans), les délits de provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence devront faire l’objet d’une flagrance pour pouvoir être soumis à la procédure de comparution immédiate.

Ainsi, dans son avis, le Conseil d’État relève que « la peine maximale prévue pour les infractions visées aux alinéas 7 et 8 de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ‒ une année d’emprisonnement ‒ est inférieure au seuil minimal de deux ans prévu par l’article 395 du code de procédure pénale pour le recours à ce mode de poursuite dans le cadre d’une procédure d’enquête préliminaire. En conséquence ces infractions ne peuvent être poursuivies selon la procédure de comparution immédiate qu’à la condition d’avoir fait l’objet d’une procédure de flagrance dans les conditions de l’article 53 du code de procédure pénale ».

Entendu par la rapporteure, le procureur de la République de Paris, M. Rémy Heitz, estime qu’en matière de contenu en ligne, la flagrance requiert d’intervenir dans la semaine suivant la première mise en ligne du contenu incriminé. S’agissant des provocations de rue, la flagrance peut être établie sans difficulté.

L’alinéa 3 précise toutefois que ces dispositions demeurent inapplicables lorsque sont applicables les dispositions concernant la détermination des personnes responsables de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 ou de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, organisant le système de responsabilité « en cascade » dans le secteur de la presse et des médias.

Cette responsabilité en cascade repose sur le principe selon lequel, dans la mesure où le directeur de publication insuffle la ligne éditoriale de son journal ou de son site, il doit être tenu pour responsable, en lieu et place de l’auteur d’un article incriminé, pour le contenu de cet article. Il s’agit, à la fois, de protéger le journaliste pour ses écrits, et d’assurer la responsabilité de celui qui, in fine, décide de leur caractère public.

L’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 dispose ainsi que « seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l’ordre ci-après, savoir :

 Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations, et, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article 6, les codirecteurs de la publication ;

 À leur défaut, les auteurs ;

 À défaut des auteurs, les imprimeurs ;

 À défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs ».

L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle réplique ce mécanisme pour les contenus en ligne et dispose que « au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou […] le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. À défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal ».

Ce même article prévoit une distinction, s’agissant des contenus publiés sur internet, entre ceux qui relèvent d’une ligne éditoriale et d’un contrôle du directeur de publication avant cette publication, et ceux qui relèvent de commentaires spontanés de tiers, sur l’espace de discussion auquel peut donner accès le service de communication en ligne. Dans le second cas, le directeur de la publication ne saurait être tenu pour responsable, dès lors qu’il n’avait pas connaissance du message avant sa mise en ligne : « lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

Il résulte donc du présent article que tout message à caractère public diffusé sur un support dont le contenu est publié sous le contrôle d’un directeur de publication – c’est-à-dire tout contenu diffusé au sein d’un organe de presse ou sur un site internet – demeure exclu du cadre procédural rendu applicable à certaines infractions de la loi du 29 juillet 1881.

Comme l’indique l’étude d’impact, « pas plus que le directeur de publication du média dans lequel le message a été rendu public, l’auteur du message ne peut être poursuivi dans ces conditions dérogatoires, qu’il soit ou non employé par l’entreprise de presse concernée, qu’il ait été rémunéré ou non pour le message et quelle que soit sa qualité professionnelle ». En effet, « dans la mesure où l’objectif poursuivi est de sanctionner rapidement les provocations commises sur internet et les réseaux sociaux, le recours aux procédures rapides de jugement est exclu concernant les entreprises de presse : ainsi les garanties procédurales prévues par la loi de 1881 ne sont pas affectées et le régime de la responsabilité en cascade demeure une garantie qui permet d’éviter une répression excessive des entreprises de presse écrite ».

Dans la rédaction actuelle du texte, cette exclusion s’étend également aux sites édités à titre non professionnel, en particulier aux blogs qui, en application de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982, doivent être dotés, comme tout service de communication électronique au public, d’un directeur de la publication auquel s’applique le régime de la responsabilité en cascade.

Selon le Conseil d’État, « le blogueur, cumulant les qualités d’auteur et de directeur de la publication, ne pourra de ce fait être jugé selon les procédures accélérées ».

Sont, en revanche, visés par la procédure de comparution immédiate, les propos spontanés, tenus par des individus sur des sites, blogs ou réseaux sociaux, dont le directeur de publication ne peut avoir connaissance avant leur mise en ligne. Ceci concerne, en réalité, la majorité des contenus haineux signalés.

Le Conseil d’État estime cette différence de traitement « justifiée par la différence de situation entre les responsables éditoriaux de service de communication au public ‒professionnels ou non ‒ ayant donné tous les éléments d’identification permettant de rechercher leur responsabilité en cas d’abus de la liberté d’expression et les commentateurs occasionnels s’exprimant en dehors du contrôle d’un directeur de la publication dans un espace non éditorialisé ».

Le recours à cette procédure serait donc à la fois limité – dans la mesure où elle ne serait pas applicable aux organes de presse ou aux blogs, requerrait la flagrance pour les délits de provocation à la haine ou à la discrimination, serait soumise à l’appréciation du Procureur de la République, et pourrait faire l’objet d’une opposition du prévenu – tout en permettant de traiter le plus grand nombre des situations que recouvre la haine en ligne, à savoir les commentaires haineux émis par des particuliers estimant à tort que l’anonymat leur accorde l’impunité.

L’équilibre recherché entre la sanction efficace de délits pour lesquels la durée représente un facteur exponentiel de dommages pour la victime et le respect des droits et de la liberté de la presse apparaît respecté.

Les alinéas 4 et 5 opèrent une modification de coordination législative pour préciser, à l’article 804 du code de procédure pénale, que la version applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna est, sous réserve des dispositions spécifiques, la version telle qu’issue du présent projet de loi.

3.   La position de la commission

Outre deux amendements de précision rédactionnelle des rapporteurs, la commission a adopté un amendement de M. Jean-François Eliaou et du groupe La République en Marche, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, étendant l’application de cet article aux délits visés par l’article 24 bis (négationnisme des crimes contre l’humanité et génocides) et par les troisième et quatrième alinéas de l’article 33 (injure proférée envers les personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, avérée ou supposée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap) de la loi du 29 juillet 1881.

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Article 20 bis (nouveau)
(art. 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse)
Extension des cas dans lesquels le ministère public peut agir d’office aux actes diffamatoires envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l’identité de genre

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative de M. Raphaël Gérard et de plusieurs membres du groupe La République en marche, avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il modifie l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse pour prévoir la possibilité, pour le ministère public, d’exercer la poursuite d’office lorsque la diffamation ou l’injure envers les particuliers prévues par les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse sont commises envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur identité de genre.

Cette possibilité existe déjà lorsque de telles diffamations ou injures sont commises envers les particuliers à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. Il s’agit, essentiellement, d’une modification de cohérence, par analogie avec la liste des catégories ou groupes dont la diffamation ou l’injure sont sanctionnées par la loi précitée de 1881.

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Article 20 ter (nouveau)
(art. 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse)
Extension de la durée de prescription à un an pour l’ensemble des délits prévus à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative de M. Pierre-Yves Bournazel et de plusieurs membres du groupe Agir ensemble, avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il modifie l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse pour étendre le délai de prescription de trois mois à un an pour l’ensemble des délits mentionnés à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à l’exception des délits prévus aux septième et huitième alinéas (provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence en raison notamment de l’origine, de la religion, de la nation, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap), pour lesquels ce délai de prescription est déjà d’un an.

Il s’agit, en particulier, d’inclure dans le champ de cette prescription d’un an la provocation, non suivie d’effet, à commettre une atteinte volontaire à la vie, à l’intégrité de la personne ou une agression sexuelle ; la provocation, non suivie d’effet, à commettre un vol, une extorsion, une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuses pour les personnes ainsi que la provocation, non suivie d’effet, à commettre l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal. Est également concernée l’apologie de tels crimes.

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Chapitre V
Dispositions relatives à l’éducation et aux sports

Section 1
Dispositions relatives à l’instruction en famille

Article 21
(art. L. 131-2, L. 131-5, L. 131-5-1 [nouveau] et L. 131-11 du code de l’éducation ; art. L. 552-4 du code de la sécurité sociale)
Encadrement des possibilités de recours à l’instruction en famille

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit de substituer au régime de déclaration préalable un régime d’autorisation préalable de l’instruction en famille, dont le recours serait limité à quatre motifs : l’état de santé ou le handicap de l’enfant ; la pratique intensive d’activités sportives ou artistiques ; l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ou l’itinérance de la famille ; l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve de la vérification de la capacité des personnes responsables à assurer l’instruction en famille, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs modifications à l’article 21. La définition des modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille ont été renvoyées à un décret, lequel devra préciser les situations dans lesquelles il sera possible de déroger au caractère annuel de l’autorisation. La mention selon laquelle les convictions politiques, religieuses ou philosophiques ne peuvent pas être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation a été remplacée par la mention selon laquelle seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut fonder une telle demande. Le quatrième motif, celui de la situation particulière propre à l’enfant, a été précisé : il s’agira d’une situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif, que les personnes responsables devront présenter dans le cadre de la demande d’autorisation.

L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation pourra convoquer les responsables de l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille. Les enfants instruits en famille devront être rattachés administrativement à une circonscription ou à un établissement scolaire et les cellules de prévention de l’évitement scolaire seront généralisées pour lutter contre le phénomène de déscolarisation. La mention selon laquelle le silence gardé par l’administration durant deux mois sur une demande d’autorisation d’instruction en famille vaut acceptation a été intégrée de manière explicite au texte. Enfin, la date d’entrée en vigueur de la mesure a été reportée à 2022.

1.   L’état du droit

a.   L’obligation d’instruction

L’article L. 111-1 du code de l’éducation, premier article de ce code, fixe le droit de l’enfant à l’éducation, qu’il définit comme devant permettre à chaque enfant de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et d’exercer sa citoyenneté.

L’article L. 131-1 du code de l’éducation, modifié par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, fixe le principe de l’instruction obligatoire pour chaque enfant âgé de 3 à 16 ans : « l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans ».

L’article L. 131-1-1 définit le droit de l’enfant à l’instruction, qui a pour objet de garantir à l’enfant l’acquisition « des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale » d’une part et, d’autre part, « l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté ».

Ce même article L. 131-1-1 précise également, depuis 1998 ([254]), que l’instruction obligatoire « est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement » bien qu’elle puisse être, aux termes de l’article L. 131-2, « donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ».

Enfin, l’article L. 122-1-1 précise que « la scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité ».

b.   La liberté de l’enseignement

 Une liberté reconnue au niveau national mais qui ne recouvre pas explicitement l’instruction en famille

La liberté de l’enseignement a été reconnue et consacrée comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République par le Conseil constitutionnel (décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977).

Cette liberté doit, cependant, s’exercer dans le respect du droit de l’enfant à l’éducation défini à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation et de son droit à l’instruction défini à l’article L. 131-1 du même code.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne s’est jamais prononcé sur la question de savoir si la faculté d’instruire ses enfants au sein de la famille en était une composante essentielle ou seulement une modalité secondaire. Seules ont été reconnues comme composantes essentielles du principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement :

– l’existence même de l’enseignement privé (décision n° 99-414 DC du 8 juillet 1999) ;

– l’octroi de financements publics aux établissements en relevant (décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994) ;

– le respect dû au caractère propre de ces établissements (décision n° 84‑185 DC du 18 janvier 1985).

Aussi, le droit pour les parents de recourir à l’instruction en famille ne paraît pas relever d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ni autonome, ni inclus dans la liberté de l’enseignement.

Certes, le Conseil d’État a estimé, dans sa décision du 19 juillet 2017 ([255]), que le principe de la liberté d’enseignement implique le droit pour les parents de choisir des méthodes alternatives à celles proposées par le système scolaire public, « y compris l’instruction au sein de la famille ».

 Une interprétation conventionnelle qui n’intègre pas l’instruction en famille

L’observation des États étrangers, dont plusieurs interdisent ou restreignent strictement l’instruction en famille, permet d’établir de manière certaine la compatibilité de la restriction de l’instruction en famille avec le droit de l’Union européenne et avec la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen.

Ainsi, l’Allemagne ne permet pas que l’instruction en famille soit fondée sur des convictions religieuses ou politiques. À titre d’illustration, deux requérants, traditionnalistes chrétiens souhaitant éduquer leurs deux enfants à la maison, notamment pour les dispenser de cours d’éducation sexuelle contraires à leurs convictions religieuses, ont été déboutés en juin 2002 de l’appel qu’ils avaient formé contre le refus d’autorisation à l’instruction en famille qui leur avait été opposé par la cour administrative d’appel du Bade-Wurtemberg. Celle-ci concluait que « même si le droit des parents requérants d’éduquer leurs enfants comprenait l’instruction religieuse, la Loi fondamentale ne donnait pas aux intéressés un droit exclusif quant à l’instruction de leurs enfants […]. Les parents ne pouvaient faire dispenser leurs enfants de la scolarité obligatoire lorsqu’ils étaient en désaccord avec le contenu de certaines parties du programme scolaire, même si leur désaccord était motivé par des considérations religieuses ».

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie sur cette affaire, a jugé en septembre 2006 (Konrad c. Allemagne, 11 septembre 2006, 35504/03), que ni l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni les articles 28 et 29 de la convention relative aux droits de l’enfant ne s’opposent à ce qu’un État partie impose la scolarisation. La décision précisait que l’hypothèse formulée par l’Allemagne selon laquelle « l’acquisition des connaissances mais également l’intégration dans la société et les premières expériences que l’on peut faire de celle-ci sont des objectifs cruciaux de l’éducation à l’école primaire » et que « l’instruction à la maison ne permettrait pas à un degré égal d’atteindre ces objectifs, même si elle offrait aux enfants la possibilité d’acquérir un niveau de connaissances identique à celui d’une éducation dispensée à l’école primaire » n’était pas erronée.

Plus récemment, la Cour a confirmé cet avis en estimant que cette question relève « de la marge d’appréciation des États contractants dans la mise en place et l’interprétation des règles de leurs systèmes éducatifs » (CEDH, 10 janvier 2019, Wunderlich c. Allemagne, n° 18925/19) : la Cour maintient la faculté pour les États d’interdire l’école à la maison et considère que le placement des enfants en foyer dans le cas où les parents refuseraient d’obtempérer est acceptable au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, l’application de l’obligation de scolarité aux fins de l’intégration des enfants dans la société constituant un motif pertinent justifiant la privation partielle de l’autorité parentale.

Il peut être noté qu’en Espagne, la scolarisation est obligatoire pour tout élève âgé de six à seize ans. De la même manière, en Croatie, seuls les motifs de maladie ou de handicap peuvent justifier le recours à l’instruction en famille. Il en va de même en Grèce pour les enfants à besoins spéciaux.

c.   Les modalités de contrôle de l’instruction en famille

Lorsque le choix de l’instruction en famille est opéré, en France, par les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire ([256]), celles-ci doivent, selon les modalités fixées par l’article L. 131-5 du code de l’éducation, déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation qu’elles assureront ou feront assurer l’instruction dans la famille. Une déclaration annuelle est alors demandée. Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours suivant tout changement de résidence ou de choix d’instruction.

L’absence de déclaration constitue une infraction pénale qui peut être sanctionnée par une amende du montant prévu pour les contraventions de cinquième classe – soit 1 500 euros au plus – en application de l’article R. 131-18 du code de l’éducation. Cette absence de déclaration doit être signalée au procureur de la République par toute autorité municipale ou académique qui en aura connaissance. Elle peut aussi faire l’objet d’une information préoccupante pour enfant en danger auprès du président du conseil départemental.

En revanche, aucune justification à la demande d’instruction en famille n’est imposée.

Deux contrôles sont organisés, dont les modalités sont fixées à l’article L. 131-10 :

– un contrôle administratif : le maire est chargé de conduire dès la première année d’instruction en famille, puis tous les deux ans, une enquête sur les enfants instruits dans leur famille. Cette enquête vise uniquement à établir quelles sont les raisons avancées par les parents à l’appui de ce choix d’instruction et s’il est donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Les résultats de cette enquête doivent être communiqués à l’inspecteur d’académie. En cas de défaillance du maire à organiser cette enquête, celle-ci est diligentée par le préfet de département.

Plusieurs difficultés dans la mise en œuvre de ces contrôles sont cependant relevées, malgré la publication d’un guide interministériel à destination des maires pour les aider dans cette mission ([257]) : il semble que certains maires ne réalisent pas cette enquête lorsque les enfants ont dépassé l’âge de l’école élémentaire ; par ailleurs, le recensement et le recoupement des données rendent difficile l’identification de certaines familles.

– un contrôle pédagogique, dont les modalités ont été renforcées par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance : le contrôle porte à la fois sur la réalité de l’instruction dispensée et sur les acquisitions de l’enfant et sa progression. Il est exercé par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction en famille. Il doit permettre de vérifier, d’une part, que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et, d’autre part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1. Le contrôle a lieu, en principe, au domicile, de manière à permettre d’apprécier le cadre dans lequel l’enfant est instruit et de consulter plus facilement les supports pédagogiques sur lesquels cette instruction s’appuie.

Lorsque les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, un second contrôle est organisé. Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé.

Si les parents manquent à l’obligation de scolariser leur enfant après cette mise en demeure, ils encourent une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, en application de l’article 227-17-1 du code pénal : « le fait, pour les parents d’un enfant ou toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas l’inscrire dans un établissement d’enseignement, sans excuse valable, en dépit d’une mise en demeure de l’inspecteur d’académie, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». En outre, il appartient à l’inspecteur d’académie de signaler ces faits au procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale qui oblige tout fonctionnaire à aviser sans délai le procureur de la République de tout crime ou délit dont il acquiert la connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, lorsque les personnes responsables ont refusé deux fois, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle pédagogique, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est en droit de les mettre en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire. Ceci constitue une avancée importante de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, le dispositif antérieur ne permettant aux services académiques de prévoir cette mise en demeure qu’en cas de constat d’une instruction à domicile jugée insuffisante. Il s’agit, ici, d’éviter les manœuvres dilatoires de parents qui se soustrairaient au contrôle pour masquer les carences de l’enseignement.

Les contrôles pédagogiques

D’après les informations transmises à la rapporteure, 69 % des enfants instruits en famille ont fait l’objet d’un contrôle pédagogique sur l’année scolaire 2018-2019. L’objectif de 100 % de contrôles, pour l’année 2019-2020, n’a pas pu être atteint compte-tenu des bouleversements engendrés par la crise sanitaire et le confinement associé. Il est maintenu pour l’année scolaire 2020-2021.

Ces contrôles, qui ont lieu au domicile de la famille dans la majorité des cas, et durent environ une demi-journée, ont permis d’établir dans 10 % des cas une instruction insatisfaisante, contre 7 % sur l’année 2016-2017. Les lacunes concernaient notamment des pans entiers de connaissances, s’agissant, par exemple, des sciences ou de l’enseignement civique et moral.

Selon le rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi pour une école de la confiance ([258]), 83 mises en demeure de scolariser ont été prononcées sur la période 2016-2017, dont 60 % ont été suivies d’une scolarisation. Pour les 40 % restants, les services de l’éducation nationale ont saisi le procureur de la République. 59 informations préoccupantes ont, par ailleurs, été transmises aux services départementaux de protection de l’enfance. Au cours de la même année scolaire, les contrôles de l’instruction à domicile ont également révélé l’existence de 11 écoles de fait, dont 5 ont fait l’objet d’une saisine du procureur de la République.

d.   Le recensement des enfants d’âge scolaire

Depuis la loi du 28 mars 1882 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire, il incombe au maire d’établir la liste des enfants soumis à l’obligation scolaire sur le territoire de sa commune. En application de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, chaque année, « à la rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire. Les personnes responsables doivent y faire inscrire les enfants dont elles ont la garde ». À cette fin, le maire peut mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel afin de procéder au recensement des enfants en âge scolaire domiciliés dans sa commune.

En application de l’article R. 131-4 du code de l’éducation, le maire doit faire connaître sans délai au directeur académique des services de l’éducation nationale les manquements à l’obligation d’inscription dans une école ou un établissement d’enseignement ou de déclaration d’instruction dans la famille prévue par l’article L. 131-5 pour les enfants soumis à l’obligation scolaire.

Cependant, cette obligation soulève de grandes difficultés, et la connaissance des enfants d’âge scolaire présents sur le territoire d’une commune est parfois lacunaire. Elle ne permet pas de mettre fin à la situation d’enfants « fantômes », invisibles, qui ne sont ni inscrits dans un établissement scolaire, public ou privé, ni déclarés instruits en famille. Ceci résulte, notamment, de la complexe coordination des fichiers entre les services départementaux de l’éducation nationale, les services municipaux, les services de la sécurité sociale ou d’autres services et constitue une difficulté à laquelle il convient de mettre fin.

Si l’avant-projet de loi comportait une disposition permettant l’extension du numéro d’identifiant national des élèves – qui est aujourd’hui attribué aux seuls élèves inscrits dans un établissement public ou privé sous contrat – aux élèves inscrits dans un établissement hors contrat ou instruits en famille, cette disposition a été retirée du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale.

Certains territoires ont mis en place un schéma de transmission des données entre différentes autorités de l’État, et constitué des « cellules de prévention de l’évitement scolaire », qui permettent d’identifier les enfants soumis à l’obligation scolaire dont le mode d’instruction n’est pas connu des pouvoirs publics, de manière à engager un dialogue avec la famille et, le cas échéant, à scolariser l’enfant

Les cellules de prévention de l’évitement scolaire mises en place dans le département du Nord

Plusieurs organismes publics du département du Nord ont conventionné avec l’État pour la création de cellules de prévention de l’évitement scolaire en 2019.

En effet, afin de rendre le partenariat le plus opérationnel possible dans la lutte contre l’évitement scolaire, le Préfet délégué à l’égalité des chances a proposé à plusieurs communes que soit installée, à l’échelle communale, une « cellule de prévention de l’évitement scolaire » autour des services municipaux concernés (éducation, dispositif de réussite éducative, petite enfance, jeunesse), de la direction des services départementaux de l’éducation nationale, des services du conseil départemental, de la caisse d’allocations familiales (CAF) du Nord, du Parquet et des délégués du préfet. Cette cellule doit permettre de croiser l’ensemble des informations disponibles pour identifier les enfants en situation d’évitement scolaire. Il s’agira alors de vérifier s’ils relèvent ou non d’une alerte au sens du code de l’éducation et d’engager des actions de médiation ou de faciliter les contrôles obligatoires ainsi que toute action concertée sur l’accompagnement du public mineur et familial identifié. Le pilotage de la cellule est tripartite entre la commune, la préfecture du Nord et la direction des services départementaux de l’éducation nationale.

En pratique, la commune conventionne avec la CAF du Nord et la mutualité sociale agricole (MSA) ainsi que tout autre organisme permettant de constituer la liste des enfants âgés de 3 à 16 ans résidant dans la commune et qui sont soumis à l’obligation d’instruction. Les données collectées sont complétées par les déclarations en instruction en famille reçues par la commune, et par toutes autres données (émanant notamment du centre communal d’action sociale) afin d’être les plus exhaustives possible.

La direction des services départementaux de l’éducation nationale procède au croisement des informations transmises par la commune avec les données départementales et nationales issues des établissements publics, privés, hors contrat et des déclarations d’instruction en famille. Suite à la réalisation de cette opération, la direction des services départementaux de l’éducation nationale adresse à la commune et à la préfecture du Nord une version actualisée de la liste et signale les situations pour lesquelles les modalités d’instruction ne sont pas connues.

Une réunion de la cellule permet ensuite de construire une réponse cohérence et coordonnée, en lien avec le service à qui en est confié le soin :

- soit de compléter les informations dont le groupe a besoin ;

- soit d’établir le contact avec la famille concernée ;

- soit de préparer un accompagnement concernant l’enfant ou sa famille.

Si un enfant est soumis à l’obligation scolaire et qu’il n’est ni inscrit dans un établissement ni déclaré instruit à domicile, la direction des services départementaux de l’éducation nationale adresse aux parents, sans délai et en recommandé, une mise en demeure de scolarisation.

En fonction des situations rencontrées, les membres de la cellule peuvent notamment prendre les décisions suivantes :

- tenter une médiation et un dialogue avec l’élève et sa famille ;

- orienter la famille vers des structures municipales permettant le traitement des difficultés ;

- soutenir les parents dans l’exercice de l’autorité parentale ;

- engager les contrôles immédiats de la commune et/ou de la direction des services départementaux de l’éducation nationale ;

- engager un rappel à l’ordre ou un conseil des droits et devoirs des familles ;

- saisir le procureur de la République, qui jugera des suites à donner.

e.   La nécessité en 2021 de resserrer les modalités de l’instruction en famille

L’instruction en famille concerne aujourd’hui un nombre croissant d’enfants, et constitue un enjeu sociétal majeur.

Alors qu’ils étaient 18 818 en 2010, les enfants instruits en famille étaient 35 950 en 2018-2019, soit 0,43 % des enfants soumis à l’obligation scolaire. Ils étaient, en novembre 2020, plus de 62 000, soit une augmentation de plus de 50 % en deux ans.

Si l’augmentation observée à partir de la rentrée 2019 peut être partiellement expliquée par l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans, il convient de noter que le nombre d’enfants instruits en famille augmente pour toutes les classes d’âge cette année-là, et que la tendance se poursuit en 2020.

En outre, le nombre d’élèves inscrits en dehors du cadre réglementé du Centre national d’éducation à distance (CNED) augmente également : alors qu’ils étaient environ 3 000 en 2007-2008, ils sont aujourd’hui 47 671 (contre 17 000 élèves inscrits au CNED), selon les données du ministère de l’éducation nationale. Alors que le nombre d’enfants instruits à domicile hors CNED représentait en 2010-2011, environ 25 % des élèves instruits à domicile, il représente aujourd’hui les trois quarts de ces enfants (75,8 %, soit une multiplication par 14 entre 2007 et 2020). La proportion d’élèves inscrits au CNED est particulièrement faible pour les élèves les plus jeunes : 1 694 sur 13 215 élèves de six à dix ans instruits en famille.

Selon le rapport du Sénat au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre ([259]), « force est de constater une défiance croissante de la part de certains parents [à l’égard de l’école], qui remettent en cause ses enseignements et son fonctionnement, voire souhaitent en détacher leurs enfants, soit par le recours à l’instruction à domicile, soit par une scolarisation en établissement privé hors contrat ».

Alors que le nombre d’enfants instruits en famille a longtemps été stable, il subit ces dernières années une augmentation qui alerte. Aussi, la situation est objectivement différente de celle qu’elle était il y a une dizaine d’années : de 3 000 enfants instruits en famille hors du cadre réglementé du CNED, le nombre est aujourd’hui porté à près de 50 000 et la tendance semble se prolonger.

Loin d’être marginale, la situation appelle la plus grande vigilance des pouvoirs publics et du législateur et doit alerter, tant l’on sait le rôle majeur que joue l’école dans la socialisation et l’équilibre des enfants, contribuant, aux termes de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, à « l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative », mais également à « la mixité sociale des publics scolarisés », elle dont la mission est, notamment, de « faire partager aux élèves les valeurs de la République » et de leur faire acquérir « le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité ». Elle a aussi pour objectifs de permettre à chacun de « développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté ». Les enfants non scolarisés échappent à ces objectifs de l’école républicaine.

Les conséquences délétères de l’épidémie de Covid-19, et du confinement qu’elle a entrainé, sont venues démontrer le rôle crucial de la scolarisation. Comme l’indique le rapport fait au nom de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse ([260]) , « la période du confinement a été un puissant facteur d’aggravation des inégalités scolaires. Nombreux sont les facteurs qui ont accentué les inégalités déjà existantes entre élèves : accès à une connexion internet et à du matériel informatique, connaissance de la culture scolaire, contexte environnemental, sanitaire, social et familial, accompagnement et autonomie, etc. À cela s’ajoutent les possibles effets du confinement, comme l’isolement social, la moindre activité physique, le mal-être psychologique ou les violences intrafamiliales. La non-fréquentation des établissements porte gravement préjudice aux élèves les plus en difficulté, qu’il s’agisse de difficultés scolaires, sociales, psychologiques, ainsi qu’aux élèves en situation de handicap ».

Aussi, face à l’augmentation du nombre d’enfants instruits en famille, mais également face aux dérives parfois constatées, il apparait aujourd’hui nécessaire de mieux encadrer l’instruction en famille, pour en garantir sa qualité, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

En premier lieu, il apparaît que le droit à l’instruction, qui est une exigence constitutionnelle et conventionnelle, n’est pas toujours garanti de manière satisfaisante. Ainsi, 10 % des enfants contrôlés présentent des lacunes majeures s’agissant de l’instruction, ne leur permettant pas d’acquérir, à 16 ans, les connaissances du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les principales carences constatées concernent notamment l’insuffisant travail sur les démarches permettant l’appropriation des savoirs (approche très académique, moindre formation à l’esprit critique) ; des enseignements manquants ou tronqués (notamment sciences et sport) ; une moindre ouverture au monde (activités extérieures, connaissance de l’actualité).

Peuvent également être notées des conséquences en matière de santé publique, l’école permettant le dépistage de certains troubles, notamment de l’apprentissage, mais également la vérification du respect des obligations vaccinales, ainsi que l’éducation au respect du corps, passant notamment par l’éducation à l’alimentation et à la sexualité. Il est d’ailleurs connu que le refus de se soumettre aux obligations vaccinales motive certains parents à choisir l’instruction en famille.

Par ailleurs, et surtout, l’instruction en famille peut donner lieu à des dérives sectaires ou communautaires, qui, si elles demeurent minoritaires, ne peuvent être ignorées ni considérées comme marginales. Selon les données fournies par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), entendue par la rapporteure, 25 % des 3 000 demandes ou signalements qui sont adressés à la mission évoquent des mineurs, avec une dimension éducative quasiment toujours présente. Environ 200 signalements concernent explicitement l’instruction en famille ou en établissement hors contrat. Ces signalements sont souvent le fait de membres de la famille, parfois de l’un des parents après un divorce ou une séparation. L’instruction en famille, qui peut alors être motivée par une pédagogie alternative inscrite dans un projet de société en communauté fermée, des techniques psychologisantes de développement personnel ou encore un courant New age qui confère à l’enfant des missions et pouvoirs particuliers, porte le risque d’un enfermement effectif, avec une falsification de l’enseignement, un embrigadement des consciences et une atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant. Le droit à l’instruction est, pour sa part, bafoué par le fréquent amateurisme des fondateurs de courants ou de structures concernés.

Au-delà des seules dérives sectaires, les contrôles pédagogiques ont parfois conduit à transmettre des signalements aux cellules de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles, motivés par des comportements inadaptés voire hostiles à des inspecteurs (comportements ou propos agressifs des personnes responsables de l’enfant, refus de serrer la main, mise en cause des valeurs de l’école et de la République), le comportement de l’enfant (tristesse, regards baissés, enfants mutiques) ou la suspicion de projet de départ de l’enfant à l’étranger pour rejoindre une école coranique.

Enfin, dans un certain nombre de cas, l’instruction en famille sert de paravent à l’inscription des enfants concernés dans des écoles privées non autorisées, qualifiables d’écoles « de fait », qui peuvent également méconnaître les principes fondamentaux du droit à l’instruction, voire même les droits fondamentaux des enfants. Selon l’étude d’impact, ces écoles de fait, souvent sous le couvert d’accueil collectif de mineurs ou d’établissement de soutien scolaire, ont pour objet de faire suivre aux enfants un enseignement sans lien aucun avec les programmes de l’enseignement public. Ainsi, les élèves scolarisés dans deux écoles de fait identifiées en Seine-Saint-Denis en 2019 étaient, pour la moitié, déclarés comme étant instruits en famille. La Miviludes le confirme : dans le cas de la secte Tabitha’s place, située dans le sud de la France, les enfants étaient officiellement déclarés comme instruits en famille mais sont, en réalité, regroupés dans des écoles de fait. Si l’article L. 131-5 du code de l’éducation permet de sanctionner ce phénomène ([261]), il ne suffit pas aujourd’hui à l’endiguer.

Les contrôles pédagogiques ne permettent pas, aujourd’hui, de déceler toutes ces dérives, notamment sectaires. Selon la Miviludes, les enfants sont « dressés » pour apporter les bonnes réponses aux inspecteurs de l’éducation nationale et les contrôles sont préparés (faux cahiers, etc.). Les inspecteurs, formés aux enjeux pédagogiques, ne sont pas nécessairement en mesure d’apprécier la situation dans son ensemble. Ainsi, dans le cas de la communauté d’Artigat en Ariège, qui a servi de filière de recrutement de djihadistes (notamment de Mohammed Merah, auteur de l’attentat de Toulouse), les services qui rencontraient les enfants instruits dans la famille constataient qu’ils étaient particulièrement bien élevés et instruits, et n’ont rien eu à redire ni sur leur niveau, ni sur leur comportement. La question n’est pas tant celle des moyens que celle de la détection des phénomènes sectaires et de radicalisation.

Le plan national de prévention de la radicalisation a consacré deux de ses mesures à l’instruction en famille :

– la mise en place, au niveau départemental, d’une formation restreinte de la cellule de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPRAF), pour coordonner les contrôles des établissements hors contrat et des situations d’instruction à domicile en cas de suspicion de radicalisation ;

– l’amélioration de la fluidité de la transmission de l’information avec le maire et l’inspection académique, sous le pilotage du préfet, en cas de signalement de radicalisation.

Il convient aujourd’hui d’aller plus loin, tant il arrive que l’instruction en famille soit dévoyée, contournée, utilisée à d’autres fins que celles pour lesquelles elle a été conçue. Il s’agit de préserver l’instruction en famille des détournements de ce mode d’instruction, pour protéger les enfants et leur droit d’instruction dont l’État doit être garant, mais aussi la société des dérives séparatistes.

2.   Le dispositif proposé

Le dispositif proposé a pour objet de conditionner le recours à l’instruction en famille à quatre motifs : l’état de santé ou le handicap de l’enfant ; la pratique intensive d’activités sportives ou artistiques ; l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ou l’itinérance de la famille ; l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve de la vérification de la capacité des personnes responsables à assurer l’instruction en famille, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’article 21 du projet de loi apporte plusieurs modifications au code de l’éducation et au code de la sécurité sociale pour substituer au régime de déclaration un régime d’autorisation préalable de l’instruction en famille, soumis au respect de plusieurs conditions.

Ainsi, le 1° du I (alinéas 1 à 3) modifie l’article L. 131-2 pour préciser que l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés (et non pas « peut être »), précisant qu’elle ne peut être dispensée que « par dérogation » dans la famille, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131‑5.

Le 2° du I (alinéas 4 à 12) modifie l’article L. 131-5 pour préciser les conditions d’autorisation de l’instruction en famille.

L’alinéa 5 substitue au principe d’une déclaration préalable annuelle, fixé au premier alinéa de l’article L. 131-5, celui d’une autorisation annuelle accordée par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation aux personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire pour dispenser l’instruction en famille.

L’alinéa 6 supprime l’obligation de renouveler la déclaration dans les huit jours suivant une modification dans les « modalités d’instruction ». En effet, en cas de modification de choix dans les modalités d’instruction, conduisant à retirer un enfant de l’école pour lui dispenser une instruction en famille, une autorisation préalable sera désormais obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 131-5.

Les alinéas 7 à 12 précisent les motifs, listés de manière exhaustive, pour lesquels une autorisation d’instruction en famille pourra être accordée :

– l’état de santé de l’enfant ou son handicap ;

– la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;

– l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ;

– l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’alinéa 8 précise que les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant ne pourront être invoquées.

Ces motifs reprennent ceux suggérés par le Conseil d’État dans son avis sur l’avant-projet de loi.

Il convient de noter, s’agissant du quatrième motif, que la situation particulière envisagée doit être « propre à l’enfant », et non propre à la famille ou aux parents.

Si la condition de capacité des parents à assurer l’instruction en famille n’est pas précisée dans la loi, elle devrait l’être par décret et pourrait comporter des critères relatifs, notamment, à la disponibilité des parents.

En l’absence de mention contraire, l’autorisation sera soumise au régime de droit commun selon lequel le silence de l’administration vaut accord. Ceci est une évolution par rapport à l’avant-projet de loi, qui envisageait de recourir au principe selon lequel le silence de l’administration vaut refus à l’issue d’un délai qui aurait été précisé par décret.

L’étude d’impact apporte plusieurs éléments d’information, qui devraient être précisés par décret :

– le défaut d’assiduité ou l’insuffisance des résultats obtenus à l’occasion du contrôle pédagogique pourraient être des motifs de refus de renouvellement de l’autorisation, si la situation de l’enfant ne fait pas manifestement obstacle à sa scolarisation ;

– les trois premiers critères d’autorisation de l’instruction en famille feront l’objet d’une proposition systématique d’inscription au CNED en classe à inscription réglementée, prise en charge financièrement par l’État.

En outre, le contrôle pédagogique sera maintenu dans sa forme actuelle, avec un contrôle annuel et l’organisation d’un second contrôle en cas de résultats insatisfaisants au premier.

Ces dispositions apparaissent conformes au respect de la liberté de l’enseignement, tel que décrite ci-dessus. Dans son avis, le Conseil d’État précise que, « alors même que des lois récentes ont déjà nettement renforcé les dispositions relatives au contrôle de l’instruction en famille, le législateur peut faire le choix, sans se heurter aux mêmes obstacles, d’un nouveau resserrement […], de façon notamment à empêcher que le droit de choisir l’instruction en famille ne soit utilisé pour des raisons propres aux parents, notamment de nature politique ou religieuse, qui ne correspondraient pas à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à l’instruction ». Le Gouvernement, dans la version finale du texte présenté à l’Assemblée nationale, a suivi strictement ces recommandations qui sont de nature à assurer la proportionnalité de la mesure envisagée avec les objectifs poursuivis : protection du droit à l’instruction et lutte contre les risques de radicalisation notamment.

En outre, il peut être avancé que l’instruction à l’école sert l’intérêt supérieur de l’enfant, principe de niveau constitutionnel et conventionnel. Selon M. Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, « l’instruction en famille, même sans postuler l’indignité ou les carences parentales, n’apporte évidemment pas les mêmes garanties. La République peutelle sacrifier l’avenir d’un enfant sur l’autel des desiderata parentaux ? (…) Livrer l’instruction d’un enfant à la discrétion parentale, c’est entretenir les disparités sociales et porter ainsi atteinte à l’égal accès à l’enseignement ».

Le 3° du I (alinéas 13 et 14) crée un article L. 131-5-1 nouveau précisant les sanctions associées au non-respect des dispositions de l’article L. 131-5. Il est ainsi indiqué que lorsque l’autorisation évoquée est obtenue par fraude, elle est retirée sans délai. L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met alors les personnes responsables de l’enfant en demeure de l’inscrire dans un délai de quinze jours suivant la notification du retrait de l’autorisation dans un établissement scolaire public ou privé et d’en informer le maire, qui en informe à son tour l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation nationale.

Le 4° du I (alinéa 15) modifie l’article L. 131-11 pour y insérer une référence à l’article L. 131-5-1 créé par les alinéas précédents : ainsi, les manquements aux obligations résultant des articles L. 131-5-1, L. 131-10 et L. 442‑2 du code de l’éducation sont sanctionnés par les dispositions des articles 227-17-1 et 227-17-2 du code pénal. En conséquence, le fait, par les parents d’un enfant ou toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale, de ne pas l’inscrire dans un établissement d’enseignement, sans excuse valable, en dépit d’une mise en demeure de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prononcée notamment en application de l’article L. 131-5-1 sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Le 5° du I (alinéa 16) opère une modification de coordination législative pour substituer, à l’article L. 311-1 relatif à l’organisation de la scolarité par cycles, le terme « autorisation » au terme « déclaration annuelle ».

Le II (alinéa 17) modifie l’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale pour préciser que le versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire est subordonné non pas à la présentation « soit d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » mais désormais à la présentation « de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 1315 du code de l’éducation ».

Il peut, toutefois, être relevé qu’en pratique, les prestations familiales sont versées en faveur de l’enfant sans exiger le certificat de scolarité, sur une simple présomption de scolarisation pour les enfants soumis à l’obligation scolaire de 3 à 16 ans. De même, bien que l’attestation de l’Éducation nationale soit requise pour le versement de l’allocation de rentrée scolaire, ce justificatif n’est pas demandé pour les enfants de moins de 16 ans. En conséquence, comme l’indique le directeur général de la CAF du Nord, « si en théorie les enfants non scolarisés (c’estàdire non-inscrits dans un établissement d’enseignement et ne bénéficiant pas d’un enseignement par ailleurs) n’ouvrent pas droit aux prestations familiales, il est juridiquement impossible de les connaître ».

Enfin, le III (alinéa 18) précise que ces dispositions seront applicables à partir de la rentrée scolaire 2021.

3.   La position de la commission

Seize amendements, dont cinq identiques et un amendement rédactionnel, ont été adoptés à l’article 21, ainsi que deux sous-amendements.

Un amendement des rapporteurs, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, renvoie au décret la définition des modalités de délivrance de l’autorisation et précise que ce décret pourra lister les situations dans lesquelles il sera possible de déroger au caractère annuel de l’autorisation, lorsqu’une telle dérogation est justifiée par l’état de santé ou le handicap de l’enfant.

Un amendement des rapporteurs, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, supprime la mention selon laquelle les convictions politiques, religieuses ou philosophiques ne peuvent pas être invoquées à l’appui d’une demande d’autorisation, et la remplace par la mention selon laquelle seul l’intérêt supérieur de l’enfant peut fonder une telle demande. Il s’agit d’expliciter l’objectif que poursuit l’article : encadrer l’instruction en famille pour que celle-ci ne puisse être organisée que dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Un amendement de M. Françis Chouat (LaREM), ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, précise le troisième motif : pourra être invoqué à l’appui d’une demande d’autorisation l’éloignement « de tout » établissement scolaire, et non l’éloignement « d’un » établissement scolaire, pour éviter que l’éloignement d’un établissement en particulier ne justifie une demande d’instruction en famille.

Le quatrième motif, celui de la situation particulière propre à l’enfant, a été précisé par amendement de Mme Géraldine Bannier et plusieurs députés du groupe DEM, rectifié pour tenir compte d’une proposition d’amendement faite par M. Bruno Studer et plusieurs membres du groupe LaREM, ayant reçu l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement : il devra désormais s’agir d’une situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif, que les personnes responsables devront présenter par écrit dans le cadre de la demande d’autorisation, en transmettant les pièces justifiant de leur capacité à assurer l’instruction en famille. 

Un amendement de Mme Marie Guévenoux et du groupe LaREM, ayant fait l’objet de deux sous-amendements de la rapporteure, prévoit que le maire de la commune de l’enfant ayant reçu une autorisation d’instruction en famille est informé de cette autorisation. Les sous-amendements précisent que cette information doit être faite sous deux mois et a pour objet de permettre au maire de réaliser l’enquête qui lui incombe en application du premier alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation.

Un amendement de M. Bruno Studer et de plusieurs députés du groupe LaREM, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, précise que l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation pourra convoquer les personnes responsables de l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille.

Un amendement des rapporteurs, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, prévoit que les enfants instruits en famille devront être rattachés administrativement à une circonscription ou à un établissement scolaire.

La mention selon laquelle le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut accord a été explicitement intégrée aux dispositions relatives à la demande d’autorisation par amendement de la rapporteure, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement.

Un amendement, ayant également reçu un avis favorable du Gouvernement, généralise les cellules de prévention de l’évitement scolaire pour lutter contre le phénomène de déscolarisation. Il s’agit d’organiser au mieux la transmission des données relatives au recensement des élèves d’âge scolaire entre différentes autorités de l’État, qui disposent chacune de fichiers et d’informations utiles, pour identifier les enfants soumis à l’obligation d’instruction dont le mode d’instruction n’est pas connu des pouvoirs publics, pour engager un dialogue avec la famille et, le cas échéant, rescolariser l’enfant.

À l’initiative des rapporteurs, l’article L. 131-10, qui prévoit les modalités de contrôle, a été adapté aux conditions d’autorisation prévues par l’article 21 : le contrôle de la mairie n’aura plus pour objet d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables d’un enfant instruit en famille, mais de vérifier la réalité des motifs avancés dans la demande d’autorisation. Le terme de « déclaration » est remplacé par les termes d’« autorisation préalable » à chaque occurrence.   

Enfin, cinq amendements identiques, déposés par Mme Anne-Laure Blin et plusieurs membres du groupe LR, M. Charles de Courson et plusieurs membres du groupe Libertés et Territoires, M. Xavier Breton et plusieurs membres du groupe LR, M. Gregory Labille et plusieurs membres du groupe UDI et M. Gaël Le Bohec et plusieurs membres du groupe LaREM, ayant reçu l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, permettent de reporter l’entrée en vigueur de la disposition à la rentrée scolaire 2022.

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Article 21 bis (nouveau)
(art. L. 131-6-1 [nouveau] du code de l’éducation)
Attribution d’un identifiant national à chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative des rapporteurs, avec l’avis favorable du Gouvernement.

Il crée un article nouveau L. 131-6-1 au sein du code de l’éducation, prévoyant l’attribution à chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction d’un identifiant national.

Il s’agit, en particulier, de mieux connaître l’ensemble de la population des enfants soumis à l’obligation d’instruction pour suivre les parcours de chacun et garantir qu’aucun enfant ne soit déscolarisé ou ne sorte du spectre de connaissance et de suivi des autorités de l’État. En effet, aujourd’hui, tous les élèves de l’enseignement public et privé sous contrat disposent d’un identifiant national élève dit « INE » qui demeure identique pendant toute leur scolarité. En revanche, les enfants instruits en famille et ceux inscrits dans des établissements hors contrat ne sont pas concernés par ce dispositif, et ne peuvent pas faire l’objet d’un suivi de leur parcours scolaire : cet article y remédie.

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Article 21 ter (nouveau)
Organisation à titre expérimental d’une journée pédagogique de la citoyenneté pour les enfants instruits en famille

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative de Mme Fabienne Colboc et de plusieurs députés du groupe LaREM, avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il a pour objet de mettre en place, à titre expérimental, une journée pédagogique autour de la citoyenneté et des principes républicains dans les écoles volontaires, pour les enfants instruits à domicile. Cette journée pourrait se joindre à des actions déjà existantes, notamment la journée de la laïcité à l’école, fixée le 9 décembre. Les enfants recevant l’instruction en famille y seraient conviés, afin de rencontrer les élèves scolarisés et d’échanger avec les enseignants sur la citoyenneté et les principes républicains.

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Section 2
Dispositions relatives aux établissements d’enseignement privés

Article 22
(art. L. 241-5, L. 441-3-1 [nouveau], L. 441-4, L. 442-2 et L. 914-5 du code de l’éducation)
Renforcement des contrôles sur les établissements d’enseignement privés hors contrat

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 22 renforce l’encadrement des établissements d’enseignement privés hors contrat, en transférant du juge judiciaire au préfet la capacité de fermer de manière temporaire ou définitive un établissement ouvert sans autorisation ou, après mise en demeure, un établissement ne satisfaisant pas aux obligations en matière d’ordre public ou de droit à l’instruction. En outre, l’article prévoit que les établissements d’enseignement privés hors contrat devront transmettre, chaque année, la liste des personnels salariés ainsi que les pièces attestant de leur identité d’une part et, à la demande du préfet ou des services de l’éducation nationale, les documents financiers, budgétaires et comptables précisant le montant, la nature et l’origine des ressources de l’établissement d’autre part.

       Modifications apportées par la commission

La commission a modifié cet article pour y ajouter la suppression de la sanction de fermeture judiciaire prévue par l’article L. 241-7 du code de l’éducation en cas de refus de contrôle par un directeur d’établissement d’enseignement technique privé, cette situation faisant désormais l’objet d’une fermeture administrative en application des dispositions créées par l’article 22. Elle a, également, prévu la transmission au préfet de département des éléments d’identification d’un candidat retenu pour un poste de personnel enseignant au sein d’un établissement d’enseignement privé, pour vérifier avant son embauche sa non-inscription aux fichiers liés au terrorisme. Enfin, elle a prévu l’information du maire en cas de décision de fermeture administrative prise par le préfet.

  1. L’état du droit

Les établissements hors contrat sont aujourd’hui au nombre de 1 872 environ, et accueillent 85 000 élèves. Parmi eux, 500 établissements hors contrat sont confessionnels, dont 250 catholiques, une vingtaine de groupes scolaires israélites, une quarantaine d’établissements protestants et quatre-vingt-quinze musulmans.

Ces établissements hors contrat jouissent d’une grande liberté dans le choix de leurs enseignements et de leur organisation, notamment des horaires, à la condition que l’enseignement dispensé respecte le droit des élèves à l’instruction et les normes minimales de connaissances de l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation.

Selon la Miviludes, le nombre d’élèves accueillis dans des établissements hors contrat a doublé entre 2012 et 2020. Les représentants des écoles hors contrat entendus par la rapporteure confirment cette tendance à la hausse, en nombre d’établissements et en élèves. Cette hausse se concentre principalement sur les établissements du premier degré. Elle résulte, selon le ministère de l’éducation nationale, d’un attrait renouvelé pour les pédagogies alternatives (environ 25 % des établissements hors contrat étant caractérisés par des critères confessionnels). La Miviludes le confirme : il y aurait, depuis plusieurs années, une forme de « marché bis » de l’éducation, après ceux de la santé et du bien-être, dont les supports pédagogiques reprennent tous les codes de l’éducation nationale tout en s’en détournant dans leur contenu. La hausse du nombre d’élèves scolarisés dans les établissements hors contrat résulte également d’une meilleure connaissance statistique des élèves scolarisés dans ces établissements, issue de l’obligation instaurée en 2018 de transmettre huit jours après la rentrée scolaire la liste des élèves inscrits au directeur académique des services de l’éducation nationale.

Si l’enseignement hors contrat contribue à la diversité des choix éducatifs disponibles, et permet un certain dynamisme pédagogique, une vigilance demeure nécessaire, car il peut souffrir de lacunes en termes de qualités éducatives et de contenu pédagogique, mais également être un support de radicalisation, d’endoctrinement ou de dérives sectaires.

La loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat dite « loi Gatel » a permis d’encadrer plus strictement les modalités d’ouverture et d’exercice de ces établissements. Le travail est aujourd’hui à poursuivre.

a.   L’ouverture d’un établissement privé hors contrat

Le régime d’ouverture d’un établissement hors contrat a été précisé et unifié – trois régimes coexistant jusqu’alors pour les écoles, les établissements du second degré et les établissements techniques – par la loi dite Gatel, qui ajoute quatre motifs complémentaires d’opposition à l’ouverture d’un établissement, au seul motif prévu jusqu’alors pour les établissements d’enseignement général, celui du non-respect des bonnes mœurs et de l’hygiène ([262]).

En application de l’article L. 441-1 du code de l’éducation, tout établissement privé, pour ouvrir, doit déclarer son intention à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, qui transmet la déclaration au maire de la commune dans laquelle l’établissement est situé, au représentant de l’État dans le département et au procureur de la République.

Ces quatre autorités peuvent s’opposer à l’ouverture pour quatre motifs :

– dans l’intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse (cette deuxième partie de phrase se substituant à la notion de « bonnes mœurs et d’hygiène ») ;

– si la personne qui ouvre l’établissement ne remplit pas les conditions de capacité et de nationalité fixées aux 1° et 2° du I de l’article L. 914-3 ;

– si la personne qui dirigera l’établissement ne remplit pas les conditions prévues à l’article L. 914-3 ;

– s’il ressort du projet de l’établissement que celui-ci n’a pas le caractère d’un établissement scolaire ou, le cas échéant, technique.

Si le dossier d’ouverture est complet, l’établissement est ouvert à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la date de déclaration, sauf opposition à l’ouverture formulée par l’une des autorités susmentionnées.

La durée de trois mois laissée aux autorités pour exprimer leur opposition constitue une avancée importante de la loi Gatel : ce délai était, auparavant, d’un mois pour les services de l’État s’agissant des établissements d’enseignement général, et de deux mois s’agissant des établissements d’enseignement technique. Il était de huit jours seulement pour le maire, qui ne pouvait s’opposer qu’à l’ouverture des établissements d’enseignement général.

L’article L. 441-4 prévoit que le fait d’ouvrir un établissement d’enseignement privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites est puni de 15 000 euros d’amende et de la fermeture de l’établissement. La peine complémentaire d’interdiction d’ouvrir et de diriger un établissement scolaire ainsi que d’y enseigner, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, est également encourue. Lorsque le procureur de la République a été saisi des faits constitutifs de cette infraction, l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure.

L’article L. 914-5 prévoit que le fait de diriger un établissement privé d’enseignement scolaire en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites aux articles L. 441-1 et L. 914-3 est puni d’une amende de 15 000 euros et de la fermeture de l’établissement. La peine complémentaire d’interdiction de diriger un établissement scolaire et d’y enseigner, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, est également encourue.

Les conditions de capacités et de nationalité

Article L. 911-5 du code de l’éducation

I.-Sont incapables de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé, ou d’y être employés, à quelque titre que ce soit :

1° Ceux qui ont été définitivement condamnés par le juge pénal pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs ;

2° Ceux qui ont été privés par jugement de tout ou partie des droits civils, civiques et de famille mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, ou qui ont été déchus de l’autorité parentale ;

3° Ceux qui ont été frappés d’interdiction d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

II.-Est incapable de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé, ou d’y être employée, toute personne qui, ayant exercé dans un établissement d’enseignement ou de formation accueillant un public d’âge scolaire, a été révoquée ou licenciée en application d’une sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs.

Article L. 914-3 du code de l’éducation :

I.-Nul ne peut diriger un établissement d’enseignement scolaire privé :

1° S’il est frappé d’une incapacité prévue à l’article L. 911-5 ;

2° S’il n’est pas de nationalité française ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

3° S’il ne remplit pas des conditions d’âge, de diplômes et de pratique professionnelle ou de connaissances professionnelles fixées par décret en Conseil d’État, dans la limite des conditions exigées des agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d’enseignement correspondantes dans les écoles et établissements publics relevant du ministre chargé de l’éducation nationale ;

4° S’il n’a pas exercé pendant cinq ans au moins des fonctions de direction, d’enseignement ou de surveillance dans un établissement d’enseignement public ou privé d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

II.-Nul ne peut être chargé d’un enseignement dans un établissement d’enseignement privé du premier ou du second degré s’il ne remplit pas les conditions fixées aux 1° à 3° du I du présent article.

À la rentrée 2020, cette nouvelle législation a conduit à formuler 27 oppositions, sur 212 déclarations d’ouverture reçues, soit 13 %. Ce taux était de 4 % en 2017 (7 oppositions sur 185 déclarations reçues).

 

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat précité dresse la liste des motifs de refus formulés pour l’année 2019-2020 :

Répartition des 27 oppositions formulées pour 2019-2020 par motif

Motif d’opposition

Part

Conditions non respectées par la personne qui dirige l’établissement

33 %

Urbanisme

30 %

Ordre public et protection de l’enfance et de la jeunesse

26 %

Protection de l’enfance et de la jeunesse

7 %

N’a pas le caractère d’un établissement scolaire

4 %

Ordre public seul

0 %

Source : secrétariat général de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Sénat, rapport du Sénat au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, n° 595, juillet 2020).

b.   Le contrôle et la fermeture d’un établissement privé hors contrat

En application de l’article L. 442-2 du code de l’éducation, « le contrôle de l’État sur les établissements d’enseignement privés qui ne sont pas liés à l’État par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, au respect de l’ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse ».

Par ailleurs, en application du même article, « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des classes hors contrat afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l’éducation tel que celui-ci est défini par l’article L. 111-1 ».

Un contrôle est réalisé au cours de la première année d’exercice d’un établissement privé. Les modalités de ce contrôle ne permettent toutefois pas de contrôler l’ensemble des établissements chaque année.

Nombre de contrôles d’établissements privés hors contrat réalisés et proportion des établissements privés contrôlés dans leur première année de fonctionnement

Année scolaire

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Nombre de contrôles réalisés ou programmés (pour l’année 2019-20)

174

190

188

265

358

390

427

Proportion d’établissements contrôlés dans leur première année d’ouverture

Nc

Nc

50,5 %

48,8 %

73,2 %

88,24 %

98 %

Source : secrétariat général de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Sénat, rapport du Sénat au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, n° 595, juillet 2020).

L’article L. 442-2 prévoit deux modalités de sanction lorsque ces contrôles révèlent des insuffisances de nature pédagogique ou en matière d’ordre public :

– en cas de contrôle révélant des insuffisances, le directeur de l’établissement est mis en demeure de fournir ses explications ou d’améliorer la situation. En cas de refus de la part du directeur de l’établissement d’améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, un enseignement conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, l’autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, puis met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite. Les parents sont passibles, en cas de refus, d’une amende de 7 500 euros et de six mois d’emprisonnement (article 227-17-1 du code pénal). Le procureur peut décider d’engager des poursuites contre le directeur, à l’issue desquelles le juge judiciaire pourra prononcer une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros ainsi que la fermeture de l’établissement (article 227-17-1 du code pénal) ;

– lorsque le représentant de l’État dans le département ou l’autorité compétente en matière d’éducation constate que les conditions de fonctionnement de l’établissement présentent un risque pour l’ordre public, il met en demeure le directeur de l’établissement de remédier à la situation dans un délai qu’il fixe. En cas de refus de la part du directeur de l’établissement de remédier à la situation, le préfet ou l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, puis l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite. Les parents sont passibles, en cas de refus, d’une amende de 7 500 euros et de six mois d’emprisonnement (article 227-17-1 du code pénal). Le procureur peut décider d’engager des poursuites contre le directeur, à l’issue desquelles le juge judiciaire pourra prononcer une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros ainsi que la fermeture de l’établissement (article 227-17-1 du code pénal).

Par ailleurs, l’article L. 241-4 prévoit également, de manière plus large, les modalités d’inspection des établissements d’enseignement du premier et du second degrés, publics ou privés. Cette inspection est réalisée par les inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche ; par les recteurs d’académie et les directeurs académiques des services de l’éducation nationale agissant sur délégation de ces derniers ; par les inspecteurs de l’éducation nationale ; par les membres du conseil départemental de l’éducation nationale désignés à cet effet ; par le maire et les délégués départementaux de l’éducation nationale. L’inspection des établissements d’enseignement privés porte sur la moralité, l’hygiène, la salubrité et sur l’exécution des obligations imposées à ces établissements par le code de l’éducation. Elle ne peut porter sur l’enseignement que pour vérifier s’il n’est pas contraire à la morale, à la Constitution, aux lois et notamment à l’instruction obligatoire. L’article L. 241-5 prévoit que le fait, pour tout chef d’établissement d’enseignement du premier et du second degré privé, de refuser de se soumettre à la surveillance et à l’inspection des autorités scolaires, dans les conditions établies à l’article L. 241-4, est puni de 15 000 euros d’amende et de la fermeture de l’établissement.

En définitive, sauf exception (lorsqu’elle intervient sur le fondement de réglementations relatives à la sécurité d’un établissement recevant du public ou du droit du travail), la fermeture d’un établissement privé hors contrat ne peut être prononcée que par l’autorité judiciaire, éventuellement saisie par le préfet, pour trois motifs :

– l’ouverture en méconnaissance des dispositions régissant l’ouverture des établissements d’enseignement privés ;

– le refus de se soumettre à la surveillance et à l’inspection des autorités scolaires ;

– le constat, à l’occasion d’un contrôle et en l’absence d’amélioration après mise en demeure, que les enseignements dispensés ne sont pas conformes à l’objet de l’instruction obligatoire ou que le fonctionnement de l’établissement porte atteinte à l’ordre public. Dès que le procureur a été saisi, l’autorité académique met concomitamment en demeure les parents des élèves concernés d’inscrire leur enfant dans un autre établissement.

Ainsi, en 2018-2019, 5 fermetures d’établissements d’enseignement hors contrat ont été ordonnées par le juge judiciaire.

Certaines difficultés sont, toutefois, relevées.

En effet, les décisions judiciaires ne permettent pas une fermeture rapide et efficace des établissements concernés. Les procédures judiciaires sont longues et leur issue est incertaine – la fermeture de l’établissement n’étant qu’une possibilité. Elles font le plus souvent l’objet d’appels suspensifs d’une première décision de fermeture, qui permettent aux établissements de rester ouverts plusieurs mois voire d’accepter de nouvelles inscriptions.

Par ailleurs, la mise en demeure adressée aux parents d’inscrire les enfants dans un autre établissement scolaire, qui devrait suffire à vider l’établissement de ses élèves dans l’attente de sa fermeture effective, est rarement suivie d’effets, car son caractère exécutoire est peu connu et sa portée incertaine, s’agissant par exemple de sa validité dans le temps.

Aussi, selon l’étude d’impact, « le dispositif actuel se révèle insuffisant pour faire cesser des dommages », les établissements tirant profit des délais d’intervention du juge judiciaire pour accueillir des élèves de manière irrégulière. À titre d’illustration, l’étude d’impact évoque un établissement dont la fermeture a été effective plus de deux ans après la saisine du procureur de la République par le recteur – en raison d’un appel à l’encontre d’une première décision de justice intervenue 18 mois après la saisine. Ce n’est qu’à compter de la liquidation judiciaire de l’école que l’établissement a cessé d’accueillir des élèves.

c.   Les contrôles des personnels et des fonds

 Le contrôle des personnels

La loi Gatel et le décret n° 2018-407 du 29 mai 2018 ont renforcé le contrôle par les services compétents de la capacité des enseignants employés par les établissements à exercer leurs fonctions, en imposant aux établissements privés hors contrat de transmettre au recteur, chaque année avant le 15 novembre, la liste des personnes exerçant des fonctions d’enseignement dans l’établissement, ainsi que leur date d’entrée en fonction et toute pièce justificative permettant d’établir que chacune d’elles remplit les conditions de diplômes et de pratiques professionnelles ou de connaissances professionnelles exigées par la loi.

L’article L. 442-2 prévoit ainsi que les établissements hors contrat communiquent chaque année à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation les noms des personnes exerçant des fonctions d’enseignement ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et de leurs titres, dans des conditions fixées par décret.

Comme l’indique l’étude d’impact, la transmission de ces informations permet à l’administration de procéder à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et à la vérification de leur inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). Les services compétents sont alors en mesure de s’assurer que ces personnels ne font pas l’objet d’une mesure d’interdiction d’exercer prononcée en matière disciplinaire en application de l’article L. 914-16 (pour faute grave dans l’exercice des fonctions, inconduite ou immoralité ou lorsque l’enseignement est contraire à la morale et aux lois) ou de l’une des incapacités prévues à l’article L. 911-5 du code.

Cette obligation ne concerne, aujourd’hui, que le personnel enseignant et exclut donc toute autre personne : personnels administratifs, encadrants intervenant en dehors du temps scolaire, etc. Pourtant, dans la mesure où l’article L. 911-5 dispose que ne peut être « employée, toute personne qui, ayant exercé dans un établissement d’enseignement ou de formation accueillant un public d’âge scolaire, a été révoquée ou licenciée en application d’une sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs », les vérifications permettant la transmission de l’identité des enseignants devraient également être opérées s’agissant des personnels non enseignants.

En outre, comme l’indique la circulaire n° 2018-096 du 21 août 2018 relative au régime juridique applicable à l’ouverture et au fonctionnement des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat, « il apparaît indispensable de s’assurer de l’absence – au sein de quelque établissement d’enseignement que ce soit – de toute personne, par exemple, fichée en catégorie "S" (8° du III de l’article 2 du décret du 28 mai 2010) et l’autorité académique s’assurera auprès du préfet que le fichier des personnes recherchées a été consulté (dans les conditions prévues par le décret du 28 mai 2010) ».

 Le contrôle des fonds

Les établissements privés hors contrat, qui sont le plus souvent constitués sous forme d’association, ont pour principales ressources les contributions des familles et les dons d’autres associations, de sociétés ou de particuliers.

L’article L. 441-2, modifié par la loi Gatel, prévoit que le dossier d’ouverture d’un établissement d’enseignement privé comprend des pièces précisant ses modalités de financement. L’article D. 441-2 précise que le dossier de déclaration d’ouverture comprend un état prévisionnel qui précise l’origine, la nature, et le montant des principales ressources dont disposera l’établissement pour les trois premières années de son fonctionnement.

Cependant, ce contrôle, ponctuel, n’est exercé qu’à l’ouverture de l’établissement, l’état prévisionnel fourni ne concerne que les trois premières années de fonctionnement, et il ne recense que les « principales ressources ».

Passée la première déclaration, il n’existe aucun contrôle de l’autorité compétente, pas plus que d’obligation d’information en cas de modification, même substantielle, du plan de financement. Hors éventuels contrôles en matière fiscale ou sociale, les financements ne sont donc pas connus des autorités académiques ou préfectorales. Or il pourrait exister un danger si ces établissements recevaient des fonds provenant de personnes ou d’organisations hostiles aux valeurs de la République et devenaient des vecteurs de stratégies d’influence, voire d’endoctrinement. Aussi, un contrôle financier plus approfondi et permanent apparaît nécessaire, tant au regard de la protection de l’ordre public que de celle du droit à l’instruction (notamment pour garantir qu’un financement étranger ne soit pas corrélé à des exigences en matière de supports ou de méthodes pédagogiques).

  1. Le dispositif proposé

Le présent article a pour objet de renforcer l’encadrement des établissements privés hors contrat, dans différentes dimensions : création de possibilités de fermeture administrative ; contrôle des personnels ; contrôle des ressources.

 L’article modifie en premier lieu les modalités de fermeture d’un établissement privé hors contrat, en transférant ce pouvoir, dans certains cas, de l’autorité judiciaire à l’autorité administrative.

Le 1° du I (alinéa 2) modifie le code de l’éducation pour supprimer, à l’article L. 241-5, la mention selon laquelle le refus de se soumettre à une inspection peut être suivi de la fermeture de l’établissement, celle-ci étant reprise en un autre article sous la forme d’une fermeture administrative.

Le 2° du I (alinéas 3 à 6) crée un article L. 441-3-1 nouveau, qui précise que lorsque le préfet de département constate que des enfants sont accueillis aux fins de leur dispenser des enseignements scolaires sans qu’ait été faite la déclaration d’ouverture prévue par l’article L. 441-1, celui-ci, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, prononce l’interruption de l’accueil et la fermeture des locaux utilisés.

Cette fermeture doit faire l’objet d’une information préalable en application de l’article L. 122-1 du code des relations du public et de l’administration. En l’absence d’un responsable identifié de l’accueil, elle peut toutefois être faite auprès de toute personne participant à l’encadrement de cet accueil ou par voie d’affichage.

De la même manière, l’alinéa 5 prévoit que le préfet, après avis de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, prononce l’interruption de l’accueil et la fermeture des locaux utilisés s’il constate que des enfants sont accueillis avant l’expiration du délai de trois mois au-delà duquel le silence de l’administration vaut accord, prévu à l’article L. 441-1, ou en dépit d’une opposition formulée par l’autorité compétente.

Cette modification permettra d’accélérer les délais de procédure en dissociant la fermeture administrative de la procédure pénale. Elle devrait permettre une fermeture effective plus rapide des établissements hors contrat ouverts sans autorisation, pouvant être qualifiés d’établissements de fait.

L’alinéa 6 dispose que lorsqu’une telle interruption de l’accueil est prononcée, l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met en demeure les parents des enfants accueillis dans l’établissement fermé d’inscrire leur enfant dans un autre établissement scolaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui leur est faite.

 Le 3° du I (alinéas 7 et 8) augmente les sanctions prévues pour l’ouverture d’un établissement hors contrat en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions et formalités prescrites, prévues à l’article L. 441-4 : celles-ci, aujourd’hui de 15 000 euros d’amende et la fermeture de l’établissement, sont portées à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. La peine de fermeture de l’établissement est, en revanche, supprimée, celle-ci passant sous le régime de la fermeture administrative.

Selon l’étude d’impact, cette modification a pour objet de mettre en cohérence la peine encourue avec celle prévue pour les autres délits, notamment la méconnaissance d’une mise en demeure de scolariser son enfant (six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende) ou la méconnaissance par le chef d’établissement de la mise en demeure qui lui est faite de régulariser certains manquements (six mois d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, portée par le texte à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende). Cela permet également le placement en garde à vue des contrevenants.

Les alinéas 9 et 10 procèdent à des modifications de coordination juridique.

 Le a) du 4° du I (alinéas 11 et 12) permet de préciser, au sein du I de l’article L. 442-2 qui définit le champ du contrôle de l’État sur les établissements hors contrat, que l’instruction obligatoire implique l’acquisition progressive du socle commun défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation.

Cette précision a pour objet d’inscrire dès le début de l’article L. 442-2 consacré aux obligations de ces établissements, l’exigence de l’acquisition progressive du socle de connaissances, de compétences et de culture, procédant aujourd’hui du II de l’article L. 442-2.

Il s’agit également d’aligner ce contrôle sur celui qui est fait pour les enfants instruits en famille, pour lesquels le contrôle doit permettre de s’assurer « de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture » (article L. 131-10), et de permettre que le contrôle porte sur le suivi de la progression des élèves sur plusieurs années.

 Le b) du 4° du I (alinéas 13 et 14) renforce les contrôles exercés sur l’ensemble des personnels des établissements hors contrat. Ainsi, alors que le droit en vigueur prévoit que les établissements ne communiquent, chaque année, d’informations que sur leur personnel enseignant, l’alinéa 14 étend cette obligation à tous les personnels : aux termes du deuxième alinéa du II de l’article L. 442-2 tel que modifié, les établissements privés hors contrat communiquent chaque année à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation les noms de l’ensemble des personnels ainsi que les éléments attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et, pour les enseignants, de leurs titres.

Les modalités de cette communication seront précisées par décret. Environ 30 000 personnes sont concernées.

 De la même manière, l’alinéa 15 renforce les modalités de contrôle des ressources des établissements privés hors contrat, en particulier de leur provenance. Ainsi, alors que les fonds ne peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un contrôle qu’à l’ouverture de l’établissement, le II de l’article L. 442-2 prévoit, dans sa rédaction prévue par le projet de loi, que les établissements privés hors contrat doivent fournir, à la demande du préfet ou de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, les documents budgétaires, comptables et financiers qui précisent l’origine, le montant et la nature des ressources de l’établissement.

Les modalités de cette communication seront précisées par décret, notamment s’agissant de la nature des documents, des délais de transmission, des modalités de présentation, ou encore des autorités administratives compétentes pour le contrôle.

Selon l’étude d’impact, cet article s’inscrit dans la droite ligne du Plan national de prévention de la radicalisation du 23 février 2018 qui permet aux services de l’État de se pencher sur la légalité et la conformité des financements des opérateurs sur lesquels plane un doute sérieux quant à leurs motivations, notamment à travers la mobilisation des comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF). Il s’agit de permettre à l’administration d’exercer un droit de regard ponctuel pour garantir l’absence de flux financiers suspects. Si besoin, un examen conjoint entre services de l’État compétents, notamment les CODAF, pourra être organisé.

L’étude d’impact indique qu’en cas de détection de financement par des institutions ou personnes hostiles aux valeurs de la République, l’établissement sera informé et des explications pourront lui être demandées. Cela pourra également fonder des mises en demeure adressées par le préfet ou le recteur sur le fondement de l’article L. 442-2.

Il est à noter que la mesure nécessitera la présence, au sein des équipes d’inspection des établissements, d’agents compétents pour identifier des irrégularités en la matière. Un éventuel effort de formation sera à organiser, ou des modalités de consultation de services spécialisés dans le contrôle des situations fiscales et sociales à prévoir.

 Par ailleurs, le d) du 4° du I (alinéas 17 à 26) modifie les quatre derniers alinéas de l’article L. 442-2 pour créer un IV précisant que le préfet de département ou l’autorité compétente en matière d’éducation peut adresser au directeur ou au représentant légal d’un établissement une mise en demeure de mettre fin à différentes situations listées aux alinéas 19 à 23, dans un délai qu’il détermine et en précisant les sanctions encourues en cas contraire :

– les risques pour l’ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs liés aux conditions de fonctionnement de l’établissement ;

– les insuffisances de l’enseignement, lorsque celui-ci n’est pas conforme à l’objet de l’instruction obligatoire tel que défini par l’article L. 131-1-1, et ne permet pas l’acquisition progressive du socle commun défini à l’article L. 122-1-1 ;

– les manquements aux obligations en matière de contrôle de l’obligation scolaire et d’assiduité des élèves ;

– les manquements aux obligations résultant des articles L. 911-5 et L. 914‑3 (critères de capacités et de nationalité) à L. 914-6 (procédure disciplinaire pour faute grave dans l’exercice des fonctions, inconduite ou immoralité ou lorsque l’enseignement est contraire à la morale et aux lois) ou à la vacance de la fonction de directeur ;

– les manquements aux obligations procédant de l’article L. 441-3 (déclaration de changement de locaux ou de représentant légal) et du II de l’article L. 442-2 (transmission des données relatives aux personnels et aux ressources).

En effet, dès lors qu’il s’agit d’un établissement régulièrement ouvert, la procédure de fermeture temporaire ou définitive ne pourra être mise en œuvre que si une mise en demeure de mettre fin aux manquements constatés est restée sans effet à l’expiration d’un délai fixé par l’autorité administrative.

L’article précise donc, à l’alinéa 24, que, s’il n’est pas remédié à ces manquements après l’expiration du délai fixé, le préfet de département peut prononcer, par arrêté motivé, la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement ou des classes concernées. Cette décision est prise après avis de l’autorité compétente en matière d’éducation s’agissant des fermetures pour risques pour l’ordre public et sur proposition de l’autorité compétente en matière d’éducation s’agissant des fermetures pour insuffisances de l’enseignement, manquement aux obligations de contrôle de l’obligation scolaire, manquement aux obligations liées à la vacance de la fonction de direction, manquement aux obligations relatives à la transmission des données, etc.

L’alinéa 25 (complétant ainsi l’alinéa 2) transfère, dans un V créé à l’article L. 442-2, au préfet de département le pouvoir d’imposer la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement lorsque l’établissement refuse de se soumettre au contrôle des autorités compétentes ou fait obstacle au bon déroulement du contrôle. Cette fermeture n’impose pas de mise en demeure préalable.

Comme l’indique l’étude d’impact, l’ensemble de ces mesures pourront être contestées par la voie du référé-liberté (qui permet l’intervention rapide du juge administratif) et par la voie du recours en excès de pouvoir.

Le VI de cet article, prévu par l’alinéa 26, prévoit que, lorsque la fermeture de l’établissement est prononcée en application des IV et V, l’autorité compétente en matière d’éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement scolaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification.

Il existe donc une action conjointe des services préfectoraux et des services académiques, chacun dans leur secteur de compétence et d’expertise.

 Le 5° du I (alinéa 27) modifie les sanctions prévues à l’article L. 914-5 pour les faits de diriger un établissement privé d’enseignement scolaire en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites : d’une amende de 15 000 euros et de la fermeture de l’établissement, la sanction de ce délit est portée à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. En effet, la fermeture, désormais administrative, est prévue par le nouvel article L. 441-3-1 (alinéas 4 à 6).

Enfin, l’alinéa 28 précise que ces dispositions ne sont applicables qu’aux infractions commises après la date de publication de la loi.

 Ces dispositions ne posent pas de difficultés juridiques. En effet, la compétence du juge judiciaire s’agissant de la fermeture des établissements privés hors contrat ne s’impose pas dès lors qu’aucune liberté individuelle n’est ici en cause, la fermeture de l’établissement n’impliquant ni rétention ni détention.

Par ailleurs, il n’y a pas davantage d’atteinte disproportionnée à la liberté d’association. Le Conseil constitutionnel a, en effet, jugé qu’il était loisible au législateur de prévoir « pour certaines catégories d’associations, des mesures spécifiques de contrôle de la part de l’État, en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent, de la nature et de l’importance des ressources qu’elles perçoivent et des dépenses obligatoires qui leur incombent » (décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000) sous réserve de ne pas créer de différence de traitement injustifiée.

De même, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit, en son article 11, que le droit d’association peut faire l’objet de restrictions qui, « prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’agissant de l’attribution au préfet du pouvoir d’ordonner la fermeture de certains établissements, le Conseil d’État observe dans son avis consultatif sur le projet de loi que « ce transfert est justifié par les difficultés nées du temps nécessaire aux procédures judiciaires, qui favorise le comportement dilatoire des dirigeants de l’établissement et des familles concernées et laisse, par suite, perdurer des situations préjudiciables aux enfants. Cette mesure ne rencontre pas d’obstacle juridique de principe […]. » Le Conseil d’État relève, au demeurant, que « de nombreuses dispositions législatives confient au préfet le pouvoir de fermer un établissement ne respectant pas ses obligations, notamment lorsque ce dernier a la charge d’enfants, tels que les établissements d’accueil des jeunes enfants ou ceux responsables des accueils collectifs de mineurs », d’autant plus que le juge judiciaire reste compétent pour ordonner la fermeture de l’établissement pour les infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi.

Par ailleurs, s’agissant des obligations de transmission d’informations relatives aux moyens et aux personnels, le Conseil d’État observe que « l’obligation de communiquer annuellement diverses pièces relatives à l’identité de leur personnel et celle de produire sur demande des documents budgétaires, comptables et financiers sont justifiées par les nécessités de contrôles tendant à assurer le respect de l’ordre public et la protection de l’enfance et de la jeunesse, lesquels imposent de pouvoir s’assurer de l’honorabilité des agents employés et de la provenance des sources de financement des établissements. Elles ne portent pas, par suite, une atteinte injustifiée ou disproportionnée à la liberté de l’enseignement ». Sur ce dernier point, le Secrétariat général de l’enseignement catholique, auditionné par la rapporteure, indique que « le contrôle prévu de manière équilibrée par la loi Gatel s’agissant de l’ouverture des établissements privé le sera tout autant si ce qui est contrôlé lors de l’ouverture l’était au-delà, en continu : les modalités de financement de l’établissement font d’ordre et déjà partie des éléments à déclarer (L. 441-2-1) ; la sauvegarde de l’ordre public est déjà visée dans le champ du contrôle des établissements (L. 442-2). On peut donc envisager en ce sens un contrôle durable et opérationnel tel qu’il est prévu dans cet article ».

  1. La position de la commission

Outre six amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission a adopté quatre amendements de fond à l’article 22.

Le premier, présenté par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, supprime la sanction de fermeture judiciaire prévue par le dernier alinéa de l’article L. 241-7 du code de l’éducation, en cas de refus de contrôle par un directeur d’établissement d’enseignement technique privé, de manière à tirer les conséquences de l’instauration d’un régime de fermeture administrative par l’article 22 pour ces mêmes faits (V. nouveau de l’article L. 442-2).

Le second, présenté par M. François Pupponi (DEM), ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement et de la rapporteure, impose aux établissements privés de transmettre avant chaque embauche de personnel enseignant des informations d’identification au préfet de département, afin que celui-ci procède à la vérification de sa non-inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), ou à la fiche S du fichier des personnes recherchées (FPR). En cas d’inscription du candidat au poste sur l’un de ces fichiers, le préfet peut notifier le refus d’embauche au directeur de l’établissement.

Enfin, deux amendements des rapporteurs, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, prévoient l’information du maire de la commune sur le territoire de laquelle est implanté un établissement d’enseignement privé, lorsque celui-ci fait l’objet d’une décision de fermeture administrative prise par le préfet sur le fondement du non-respect d’une mise en demeure ou sur le fondement d’un refus de contrôle. Il s’agit, notamment, de permettre au maire d’organiser la rescolarisation des élèves concernés.

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Article 22 bis (nouveau)
(art. L. 911-5 du code de l’éducation)
Interdiction de diriger ou d’être employé dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé pour toute personne inscrite au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative de M. François Pupponi (DEM), malgré l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il a pour objet de fixer un critère d’incapacité supplémentaire à la liste dressée par l’article L. 911-5 du code de l’éducation pour toute personne souhaitant diriger ou être employée dans un établissement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé ([263]) : celui de l’inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes, qui recense les personnes de 13 ans ou plus condamnées ou mises en cause pour ces infractions.

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Article 23
(art. 227-17-1 du code pénal)
Augmentation des sanctions à l’encontre des chefs d’établissements d’enseignement privés hors contrat méconnaissant différentes mises en demeure

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 23 augmente les sanctions prévues par le code pénal à l’encontre des chefs d’établissement méconnaissant les mises en demeure ou décisions administratives de fermeture qui leur sont adressées, de façon cohérente avec les modifications apportées par l’article 22.

       Modifications apportées par la commission

Seul un amendement rédactionnel a été adopté à cet article.

1.   L’état du droit

L’article 221-17-1 du code pénal prévoit deux sanctions à l’encontre des directeurs d’établissement privés accueillant des classes hors contrat :

– le fait de n’avoir pas pris, malgré la mise en demeure de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, les dispositions nécessaires pour que l’enseignement qui y est dispensé soit conforme à l’objet de l’instruction obligatoire et permette aux élèves concernés l’acquisition progressive du socle commun, et de n’avoir pas procédé à la fermeture de ces classes est puni de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l’encontre de celui-ci l’interdiction de diriger ou d’enseigner ainsi que la fermeture de l’établissement ;

– le fait, pour le directeur d’établissement, de n’avoir pas pris les mesures nécessaires dans le délai prescrit, malgré la mise en demeure du préfet ou de l’autorité compétente en matière d’éducation ayant constaté que les conditions de fonctionnement de l’établissement présentent un risque pour l’ordre public est puni de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l’encontre de celui-ci l’interdiction de diriger ou d’enseigner ainsi que la fermeture de l’établissement.

Ces peines sont relativement faibles. De plus, le fait que la fermeture de l’établissement sanctionne un délit commis par son directeur (qui n’est pas nécessairement le propriétaire ou le représentant légal de l’établissement) permet des contournements, certains établissements changeant par exemple régulièrement de directeur, dans un but dilatoire.

2.   Le dispositif proposé

Le dispositif proposé a pour objet d’augmenter les sanctions à l’encontre d’un chef d’établissement qui contreviendrait aux mesures qui lui sont imposées par mise en demeure ou décision administrative de fermeture, ainsi que d’intégrer le représentant légal de l’établissement dans le dispositif pénal.

Ainsi, les alinéas 1 et 2 modifient l’avant dernier alinéa de l’article L. 221‑17-1 du code pénal pour disposer que le fait, pour un directeur d’établissement privé ou son représentant légal, de n’avoir pas pris, malgré la mise en demeure des autorités compétentes de l’État, les dispositions nécessaires pour remédier aux manquements relevés est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le tribunal peut également ordonner l’interdiction de diriger ou d’enseigner. La peine de fermeture de l’établissement est supprimée, cette fermeture étant désormais ordonnée sur décision administrative. Il s’agit également d’une mesure de cohérence avec les alinéas 8 et 27 de l’article 22, qui portent également à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende la sanction en cas d’ouverture irrégulière d’un établissement hors contrat, ou de direction d’un établissement hors contrat ouvert de manière irrégulière.

Par ailleurs, l’alinéa 3 créé une infraction supplémentaire tirée du fait de ne pas procéder ou de faire obstacle à la fermeture administrative de classes ou de l’établissement, punie d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

L’alinéa 4 prévoit toutefois que la peine prévue par le code pénal dans sa rédaction antérieure à l’adoption du présent projet de loi s’applique aux infractions commises avant l’adoption de la loi.

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel, proposé par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement.

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Article 23 bis (nouveau)
(art. L. 111-1-1 du code de l’éducation)
Proposition d’une charte des valeurs et principes républicains aux établissements d’enseignement privés hors contrat

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par la commission à l’initiative de Mme Géraldine Bannier (DEM), avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il a pour objet de prévoir, au sein de l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, que les établissements d’enseignement privés non liés avec l’État par un contrat se voient proposer une charte des valeurs et principes républicains. Il s’agit de rappeler que ces établissements font pleinement partie de l’enseignement républicain et de permettre à ces établissements de promouvoir les valeurs et principes de la République, auxquels la très grande majorité adhère.

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Article 24
(art. L. 442-5 et L. 442-12 du code de l’éducation)
Condition de capacité à dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public pour la conclusion d’un contrat avec l’État

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 24 a pour objet de fixer une condition supplémentaire à la conclusion d’un contrat entre un établissement privé et l’État : celle d’être en capacité de dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public.

       Modifications apportées par la commission

Seul un amendement rédactionnel a été adopté à cet article.

1.   L’état du droit

 Le droit en vigueur prévoit deux types de contrats que les établissements privés peuvent passer avec l’État :

 un contrat simple, qui ne concerne que les établissements d’enseignement du premier degré, prévu par l’article L. 442-12 du code de l’éducation qui dispose que « les établissements d’enseignement privés du premier degré peuvent passer avec l’État un contrat simple suivant lequel les maîtres agréés reçoivent de l’État leur rémunération qui est déterminée compte tenu notamment de leurs diplômes et des rémunérations en vigueur dans l’enseignement public. Le contrat simple porte sur une partie ou sur la totalité des classes des établissements. Il entraîne le contrôle pédagogique et le contrôle financier de l’État. Peuvent bénéficier d’un contrat simple les établissements justifiant des seules conditions suivantes : durée de fonctionnement, qualification des maîtres, nombre d’élèves, salubrité des locaux scolaires ».

Aux termes de l’article R. 442-50, « les établissements qui ont passé avec l’État un contrat simple préparent aux examens officiels et organisent l’enseignement par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l’enseignement public ».

– un contrat d’association, prévu par l’article L. 442-5 du code de l’éducation qui dispose que « les établissements d’enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l’État un contrat d’association à l’enseignement public, s’ils répondent à un besoin scolaire reconnu ».

Aux termes de l’article R. 442-35, « les classes sous contrat d’association respectent les programmes et les règles appliquées dans l’enseignement public en matière d’horaires sauf dérogation accordée par le recteur d’académie en considération de l’intérêt présenté par une expérience pédagogique ».

Peuvent demander à passer un contrat avec l’État les établissements d’enseignement privés ouverts depuis cinq ans au moins à la date d’entrée en vigueur du contrat (articles R. 442-33 et R. 442-49).

 En pratique, les vérifications de la capacité des établissements à dispenser un enseignement par référence ou conforme aux programmes sont généralement effectuées au cours de la quatrième année de fonctionnement. En effet, selon l’étude d’impact, « ne s’assurer de la capacité de l’établissement à respecter les programmes qu’après la mise sous contrat reviendrait à accorder des fonds publics à des écoles incapables de respecter les termes du contrat et serait préjudiciable aux élèves et à leurs parents ».

Toutefois, l’absence de capacité de l’établissement à dispenser un enseignement conforme ou par référence aux programmes de l’enseignement public ne peut pas, en l’état actuel du droit, suffire à fonder un refus de contractualisation. Ainsi, un refus de contrat sur ce motif a pu être annulé, alors même que les contrôles diligentés sur le fondement de l’article L. 442-2 du code de l’éducation relatif au contrôle des établissements hors contrat ont permis de constater que l’établissement ne respectait pas les exigences minimales en matière d’enseignement.

Cette interprétation résulte, notamment, de décisions du Conseil d’État précisant, s’agissant du contrat simple, que l’obligation d’organiser l’enseignement par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l’enseignement public ne s’applique qu’aux classes et établissements déjà placés sous le régime du contrat simple et ne saurait fonder un refus de passation d’un tel contrat ([264]).

2.   Le dispositif proposé

Le dispositif proposé a pour objet de permettre un contrôle plus approfondi de la capacité des établissements privés hors contrat, une fois passés sous le régime du contrat, à assurer un enseignement par référence ou conforme aux programmes de l’enseignement public, en prévoyant explicitement la possibilité pour l’État de fonder un refus de conclure un contrat sur le constat que l’établissement ne sera pas en mesure de satisfaire aux obligations qui procèdent de ce contrat.

Le modifie l’article L. 442-5 du code de l’éducation relatif au contrat d’association pour y insérer la phrase suivante : « la passation du contrat est subordonnée à la vérification de la capacité de l’établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l’enseignement public ».

Le modifie l’article L. 442-12 pour ajouter à la liste des conditions permettant de conclure un contrat simple celle de la « capacité d’organiser l’enseignement par référence aux programmes de l’enseignement public ».

Ceci devrait lever des difficultés juridiques, sans contrevenir à la jurisprudence du Conseil d’État : il ne s’agit pas de vérifier que les établissements satisfont à l’obligation de dispenser des enseignements conformes ou par référence aux programmes publics, mais de contrôler leur capacité à le faire à la prise d’effet du contrat.

Cette capacité pourra notamment être attestée par le contrôle du matériel pédagogique utilisé ou disponible, par la proximité de l’enseignement déjà dispensé avec les programmes, ou encore par la qualification des enseignants. Pour procéder à ces vérifications, l’administration pourra s’appuyer sur les modalités de contrôles existantes, notamment en application de l’article L. 442-2.

Il en résultera une meilleure information du préfet dans le cadre de l’instruction de la demande de passation de contrat.

Comme mentionné dans l’avis du Conseil d’État, « les dispositions prévoyant que les services académiques vérifient, avant la signature d’un contrat simple ou d’association, la capacité de l’établissement privé à assurer un enseignement compatible avec les exigences de ce contrat, qui permettent de fonder un refus de conclure de tels contrats sur des motifs pertinents, ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique ».

Ces dispositions n’ont pas davantage soulevé d’objection de principe des personnes auditionnées par la rapporteure. Le secrétariat général de l’enseignement catholique le précisait dans une réponse écrite : « cet article technique ne pose pas de difficulté, il apparaît tout à fait légitime qu’un établissement qui souhaite conclure un contrat vienne prouver qu’il est en mesure, comme le contrat l’y oblige, de dispenser un enseignement conforme ou par référence aux programmes de l’enseignement public ».

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel, proposé par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement.

 

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Section 3
Dispositions relatives aux sports

À l’initiative des rapporteurs, et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté un amendement permettant d’insérer l’article 25 au sein d’une section spécifique, « dispositions relatives aux sports », créée au sein du chapitre V du titre Ier du projet de loi.

Article 25
(art. L. 111-1, L. 121-4, L. 131-8, L. 131-9, L. 131-14, L. 131-15-2 [nouveau] du code du sport)
Contrôle de l’État sur les fédérations sportives et conclusion d’un contrat d’engagement républicain

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 25 substitue un régime de contrôle au régime de tutelle de l’État sur les fédérations sportives, et impose aux associations sportives agrées, aux fédérations sportives agréées et aux fédérations sportives délégataires de respecter un contrat d’engagement républicain, comportant des mesures complémentaires graduées en fonction de la structure (notamment la protection de l’intégrité physique et morale des mineurs et la promotion des principes du contrat d’engagement républicain).

       Modifications apportées par la commission

La commission a apporté plusieurs modifications, pour préciser que l’engagement de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes qui figurera dans le contrat d’engagement républicain des associations sportives et des fédérations sportives agréées se fera, notamment, vis-à-vis des violences sexuelles et sexistes. Elle a également précisé que l’agrément délivré aux fédérations l’est par le ministre chargé des sports. Elle a modifié la date de fin de validité de l’agrément des fédérations sportives, fixée par le projet de loi au 31 décembre 2025, pour la ramener au 31 décembre 2024, et précisé également que l’agrément des associations sportives cessera de produire ses effets trente-six mois après la publication de la loi si celles-ci ne souscrivent pas le contrat d’engagement républicain. Enfin, elle a précisé que, dans le cadre de la stratégie nationale élaborée par les fédérations délégataires, celles-ci sont encouragées à intégrer un ou plusieurs modules obligatoires de formation sur les politiques publiques de promotion des valeurs de la République.

1.   L’état du droit

Le premier article du code du sport, l’article L. 100-1, dispose que « les activités physiques et sportives constituent un élément important de l’éducation, de la culture, de l’intégration et de la vie sociale », justifiant qu’une importance particulière leur soit accordée et qu’elles trouvent leur place dans ce projet de loi.

Il s’agit, ici, de prévenir le sport des dérives éthiques auxquelles il peut être confronté, liées au respect des principes de la République, mais également à la protection des personnes, et en particulier des mineurs.

a.   Les associations sportives

Les articles L. 121-1 et suivants du code du sport prévoient les dispositions relatives aux associations sportives.

En application de l’article L. 121-1, les associations sportives sont constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, lorsqu’elles ont leur siège dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle, conformément au code civil local.

L’article L. 121-4 prévoit que les associations sportives ne peuvent bénéficier de l’aide de l’État qu’à la condition d’avoir été agréées.

Cet agrément est notamment « fondé sur l’existence de dispositions statutaires garantissant le fonctionnement démocratique de l’association, la transparence de sa gestion et l’égal accès des femmes et des hommes à ses instances dirigeantes ».

Cependant, depuis l’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, l’affiliation d’une association sportive à une fédération sportive agréée par l’État en application de l’article L. 131-8 vaut agrément. Toutefois, une association qui concourt au développement du sport ou à la promotion du sport et des activités sportives, sans que la pratique du sport figure dans son objet, peut obtenir l’agrément sans condition d’affiliation.

L’autorité administrative peut prononcer le retrait de l’agrément accordé à une association sportive ou résultant de l’affiliation prévue au troisième alinéa si elle emploie des personnes ne satisfaisant pas aux obligations des articles L. 212-1, L. 212-2 (obligations de qualification) et L. 212-9 (obligations d’honorabilité) ou si elle méconnaît les obligations des articles L. 322-1 (impossibilité pour une personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale prévue par l’article L. 212-9 d’exploiter un établissement où sont exercées des activités physiques) et L. 322-2 (garanties d’hygiène et de sécurité des établissements où sont pratiquées des activités physiques ou sportives).

Par ailleurs, l’article R. 121-5 du code du sport prévoit que l’agrément accordé à une association sportive ou résultant de son affiliation à une fédération sportive agréée par l’État en application de l’article L. 131-8 peut être retiré par le préfet du département de son siège en cas de :

 non-conformité des statuts avec les conditions posées par l’article R. 1213 ;

 violation grave, par l’association, de ses statuts ;

 atteinte à l’ordre public ou à la moralité publique ;

 méconnaissance des règles d’hygiène ou de sécurité ;

– méconnaissance des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 exigeant la qualification des personnes qui enseignent, animent, entraînent ou encadrent une activité physique ou sportive.

Environ 380 000 associations sportives sont aujourd’hui répertoriées, dont 175 000 associations sportives sont agréées du fait de leur affiliation à une fédération sportive agréée.

b.   Les fédérations sportives

● Les dispositions générales

Les articles L. 131-1 du code du sport et suivants prévoient les dispositions relatives aux fédérations sportives.

Ainsi, en application de l’article L. 131-1, « les fédérations sportives ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou de plusieurs disciplines sportives. Elles exercent leur activité en toute indépendance ». Cette disposition apparaît toutefois contradictoire avec celle de l’article L. 111-1 du code du sport, qui prévoit que « l’État exerce la tutelle des fédérations sportives. Il veille au respect des lois et règlements en vigueur par les fédérations sportives ».

Cependant, selon les auteurs d’un rapport d’inspection abordant notamment les liens entre les fédérations sportives et l’État, entendus par votre rapporteur, le contenu de la tutelle telle qu’elle est effectivement réalisée est, aujourd’hui, assez « souple » ([265]).

L’article L. 131-2 dispose que « les fédérations sportives sont constituées sous forme d’associations, conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, au code civil local ».

Parmi les fédérations sportives, certaines disposent de responsabilités et de droits particuliers : les fédérations sportives agréées et les fédérations sportives délégataires.

 Les fédérations sportives agréées

Les articles L. 131-8 et suivants prévoient les dispositions relatives aux fédérations agréées.

Ainsi, l’article L. 131-8 dispose qu’un agrément peut être délivré par le ministre chargé des sports aux fédérations qui, en vue de participer à l’exécution d’une mission de service public, ont adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type.

Les fédérations sportives sont reconnues comme établissements d’utilité publique lorsqu’elles ont obtenu l’agrément mentionné au premier alinéa et bénéficient alors des avantages associés à la reconnaissance d’utilité publique.

L’agrément conditionne la possibilité de bénéficier d’une subvention publique.

L’article L. 131-9 précise que les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives.

En l’état actuel du droit, le retrait d’agrément est possible pour des cas limitativement prévus par l’article R. 131-9 :

– modification des statuts ou du règlement disciplinaire incompatible avec les dispositions législatives et réglementaires ;

– motif grave tiré de la violation par la fédération de ses statuts ou d’une atteinte à la moralité ou à l’ordre publics ;

– méconnaissance des règles d’hygiène ou de sécurité ;

– méconnaissance des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 relatives aux exigences de qualification requises des personnes qui enseignent, animent ou encadrent une activité physique ou sportive ou entraînent ses pratiquants ;

– motif justifié par l’intérêt général qui s’attache à la promotion et au développement des activités physiques et sportives.

En revanche, cet agrément est accordé pour une durée illimitée. Aussi, aujourd’hui, en dehors de cas particuliers portés à la connaissance du ministre des sports, le bénéfice de l’agrément accordé à une fédération n’est pas régulièrement réévalué.

On compte aujourd’hui 113 fédérations agréées, regroupant 16 millions de licenciés.

 Les fédérations sportives délégataires

Les dispositions des articles L. 131-14 et suivants traitent des fédérations sportives délégataires.

L’article L. 131-14 dispose que, dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. Cette durée a été fixée par l’article R. 131-28 : elle est accordée « pour une période courant jusqu’au 31 décembre de l’année au cours de laquelle se déroulent les jeux Olympiques d’été », soit quatre ans.

Les fédérations délégataires :

– organisent les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, proposent un projet de performance fédéral, proposent l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau, etc. (article L. 131-15) ;

 établissent une charte d’éthique et de déontologie conforme aux principes définis par la charte de déontologie établie par le Comité national olympique et sportif français prévue à l’article L. 141-3, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées (article L. 131-15-1) ;

– édictent les règles propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives (article L. 131-16).

La partie réglementaire du code du sport précise les modalités de refus et de retrait de la délégation.

En application de l’article R. 131-29, le ministre chargé des sports peut refuser la délégation pour l’un des motifs suivants :

– non-respect de l’une des conditions posées par les articles R. 131-26 (obligation de publication d’un calendrier officiel des compétitions sportives avant le début de la saison ménageant aux sportifs le temps de récupération nécessaire à la protection de leur santé ; organisation d’une surveillance médicale particulière des licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau) et R. 131-27 (établissement d’un règlement annexé aux statuts, déterminant les compétences et la composition de la ligue constituée au sein de la fédération, ainsi que les règles et les modalités de désignation de ses membres) ;

– non-respect de l’intérêt général qui s’attache à la promotion et au développement des activités physiques et sportives ;

– manquement, dans l’hypothèse où la fédération sportive était déjà titulaire d’une délégation, aux conditions auxquelles était subordonné son octroi.

Par ailleurs, en application de l’article R. 131-31, la délégation peut être retirée par le ministre chargé des sports, après avis du Comité national olympique et sportif français et, le cas échéant, du Comité paralympique et sportif français :

– lorsque la fédération sportive concernée ne justifie plus du respect des conditions mentionnées aux articles R. 131-26 et R. 131-27 ;

 en cas de non-respect par la fédération des dispositions de l’article L. 333-6 organisant les conditions de l’information sur le déroulement des manifestations sportives ;

– pour une atteinte à l’ordre public ou à la moralité publique ;

– pour un motif justifié par l’intérêt général qui s’attache à la promotion et au développement des activités physiques et sportives.

La fédération bénéficiaire de la délégation est préalablement informée des motifs susceptibles de fonder le retrait et mise à même de présenter des observations écrites ou orales. La délégation est retirée par arrêté motivé, dont un extrait est inséré au Journal officiel de la République française.

En outre, la délégation cesse de plein droit en cas de retrait de l’agrément accordé à une fédération sportive (article R. 131-30).

76 fédérations sportives délégataires représentant 340 disciplines sont aujourd’hui recensées.

c.   La difficulté à prévenir la radicalisation dans le milieu sportif

Deux rapports parlementaires récents, le rapport précité du Sénat au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, et le rapport de nos collègues Éric Diard et Éric Poulliat, au titre de la mission d’information sur les services publics face à la radicalisation ([266]), permettent d’étayer le phénomène de la radicalisation dans le sport.

Selon le rapport de la commission d’enquête du Sénat, le sujet de la radicalisation dans le milieu sportif a longtemps été ignoré, le sport bénéficiant d’une présomption de respect des valeurs de vivre-ensemble, d’égalité entre hommes et femmes, entre classes sociales et entre origines, ainsi que de respect de l’adversaire, et étant perçu, au contraire, comme un rempart contre ces dangers. Si un premier travail a été mené en 2014 auprès du monde sportif, il avait pour objet la sensibilisation à la détection de signaux faibles permettant d’identifier un jeune ou un adulte en cours de radicalisation, cette radicalisation étant perçue comme ne pouvant provenir que de l’extérieur au monde sportif. La prise de conscience du phénomène apparaît donc récente.

Cependant, dès 2011, le Conseil de l’Europe pointait du doigt « l’enrôlement de jeunes par des extrémistes (fondamentalistes, sectes) dans le cadre de pratiques sportives », dans un rapport intitulé Pratiques sportives en Europe, cité par le Sénat. Il soulignait alors que « 10 % des municipalités ont fait part à la ligue internationale de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) d’activités de prosélytisme dans une structure sportive, voire d’actes d’enrôlement dans leur commune », et décrivait le phénomène d’embrigadement en trois phases : l’identification et la récupération d’un groupe de jeunes par la pratique d’un sport peu ou pas structuré ; la structuration du groupe autour du sport en intégrant la pratique religieuse ; l’isolement et le cloisonnement des victimes dans leur pratique sportive et religieuse.

En outre, dès 2015, une note du service central du renseignement territorial ([267]) prévient que, dans certaines salles de sport ou certaines équipes, « le recrutement s’exerce principalement, voire uniquement, au sein de la communauté musulmane. Des facilités sont accordées pour prier. La mixité est bannie des bureaux de gestion ou des clubs. Le prosélytisme au profit de l’islam ou en faveur de la Palestine y devient monnaie courante […]. De façon délibérée, certains fidèles musulmans aux pratiques radicales investissent le terrain social et sportif, afin d’exercer au fil du temps une "pression amicale" sur leurs coreligionnaires, et les amener à modifier leur comportement quotidien, voire à adhérer à leur philosophie rigoriste. Cette évolution se traduit notamment par des prières, très visibles, sur les terrains sportifs ou, plus discrètes, dans les vestiaires ».

Si des données quantitatives sont difficiles à établir, compte tenu notamment de la difficulté pour les services de renseignement à pénétrer ce milieu, la ministre des Sports, entendue par l’Assemblée, a toutefois fourni quelques informations : au 27 novembre, 127 associations sportives sur 380 000 sont identifiées comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste. Les associations sportives représentent ainsi 24 % du total des structures identifiées comme séparatistes, soit un pourcentage très significatif. 29 % de ces associations sportives identifiées comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste sont ciblées comme étant tenues par l’islamisme radical.

207 contrôles d’établissements recevant du public ont été organisés, conduisant à la fermeture de cinq d’entre eux, le plus souvent sur des motifs administratifs.

S’agissant de la caractérisation non quantitative du phénomène, il apparaît que les dérives communautaires ou de radicalisation affectent principalement les sports de combat, la musculation, le football et le footsal, ou encore le tir sportif.

La radicalisation peut y revêtir différentes formes : prière collective dans les vestiaires, exigences de tenues sportives adaptées (notamment des leggings), refus de s’incliner devant l’adversaire ou l’arbitre. Elle peut concerner les licenciés comme les encadrants. M. Chapitaux, ancien sous-officier de gendarmerie de 1995 à 2008, professeur de sport de 2008 à 2014 et doctorant du Laboratoire creSco à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, qui travaille depuis plusieurs années sur la radicalisation dans le milieu sportif, cité par MM. Diart et Poulliat, indiquait ainsi que « le problème majeur décelé au cours de [ses] travaux de recherche réside autour de ce [qu’il a] modélisé sous le concept « d’éducateur sportif radicalisé/recruteur (ESR) » et des techniques d’endoctrinement qui en découlent ».

Comme l’indique M. Christian Gravel, préfet, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation entendue par votre rapporteure, le sport est une cible de choix pour ces mouvements séparatistes, car il s’agit d’un espace de socialisation qui leur permet d’avoir accès, sur plusieurs années, parfois plusieurs heures par semaine, à de jeunes esprits qu’ils peuvent formater.

La place du corps, comme moyen de développer sa force et de préparer au combat, mais également de prendre le contrôle sur l’esprit, est également un facteur important de développement de dérives extrémistes, parfois suprémacistes ou sectaires.

Plusieurs dispositions ont, progressivement, été prises par les pouvoirs publics, qui doivent être saluées, mais complétées.

Ainsi, le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) de mai 2016 comporte une mesure visant à « prévenir la radicalisation dans le champ sportif par le développement du contrôle des clubs et des éducateurs et la mise en jeu de « l’agrément sport » en cas de dérive avérée ». Cette mesure semble, toutefois, avoir été peu suivie d’effets.

En 2018, le Plan national de prévention de la radicalisation prévoit également plusieurs mesures concrètes, notamment les suivantes :

– sensibiliser les cadres techniques des fédérations sportives en vue de développer les signalements dans le cadre des dispositifs existants auprès des préfets ;

– intégrer la prévention de la radicalisation à la formation interfédérale des éducateurs sportifs ;

– sous la coordination locale du préfet de département, développer les actions de contrôle administratif et les orienter vers les disciplines et les territoires impactés par la radicalisation ;

– identifier dans chaque fédération sportive nationale un « responsable de la citoyenneté », au sens large, relais auprès des autorités déconcentrées et point de contact pour les forces de sécurité intérieure.

À l’été 2019, 34 fédérations avaient désigné ces référents citoyenneté, qui ont bénéficié d’une formation organisée par la direction des sports avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

À cet égard, l’action des fédérations sportives dans la promotion des principes de la République doit être soulignée, tant elle est importante et tant leur rôle, qu’elles assument le plus souvent avec volonté et détermination, est cruciale, notamment par le public qu’elles touchent. Ces fédérations, dont les cinq plus importantes en nombre de licenciés ont été entendues par votre rapporteure, insistent sur leur volonté d’agir, mais aussi sur le besoin qu’elles ont de disposer du soutien et de l’accompagnement précis et concret de l’État dans cette mission en laquelle elles croient fermement, pour identifier et prévenir les phénomènes séparatistes et, plus généralement, contraires à l’éthique du sport.

Plus récemment, le ministère des sports a proposé de lancer des travaux de recherche sur ce sujet, dans le cadre du Conseil scientifique sur les processus de radicalisation (COSPRAD), faisant intervenir différentes disciplines (sociologie, ethnographie, psychologie, criminologie, etc.). De plus, une mission d’inspection générale a été lancée au mois de septembre 2020, impliquant l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur et le CIPDR.

En parallèle, le CIPDR travaille à l’élaboration d’une feuille de route conforme à l’esprit de la loi, autour de plusieurs axes dont l’intensification de l’effort de formation de l’ensemble des acteurs du monde du sport, qui constitue un enjeu crucial. Ces formations doivent avoir une vocation pragmatique, et donner aux acteurs de véritables outils opérationnels de compréhension et de réponse aux enjeux auxquels ils sont confrontés, leur permettant notamment d’identifier les bases idéologiques à l’œuvre et les mécanismes d’embrigadement employés pour définir la réponse adéquate selon les situations.

Il convient, aujourd’hui, d’agir en amont, non plus pour détecter et sanctionner les dérives communautaires installées dans certains clubs sportifs, mais pour les prévenir et les empêcher, par la responsabilisation des associations et des fédérations, et leur engagement à promouvoir les principes de la République.

Dans son avis consultatif, le Conseil d’État approuve cet objectif : « comme d’autres domaines de la vie sociale, le sport est affecté par des phénomènes de repli communautaire, de prosélytisme religieux et de radicalisation […]. Ces phénomènes sont étrangers aux valeurs fondamentales du sport […]. Aussi, le Conseil d’État ne peut-il que rejoindre l’objectif du projet de loi visant à conforter et à faire progresser l’adhésion aux principes de l’engagement républicain dans le sport, en complément des autres actions devant être conduites par les pouvoirs publics pour prévenir et combattre ces phénomènes ».

2.   Le dispositif proposé

 Le 1° du I (alinéas 1 et 2) substitue au régime de tutelle de l’État sur les fédérations sportives un régime de contrôle, en modifiant l’article L. 111-1 du code du sport.

Ce contrôle reposera, selon l’étude d’impact, sur une vérification du respect des lois et règlements en vigueur par les fédérations sportives, mais également sur un examen de la contribution des fédérations à l’exercice de la mission de service public du sport ainsi que sur le bon usage des prérogatives de la délégation éventuellement accordée par le ministre des sports.

Dans son avis, le Conseil d’État indique n’émettre pas d’objection au remplacement du mot « tutelle » par le mot « contrôle ».

Pour la rapporteure, le passage d’un régime de tutelle à un régime de contrôle traduit la recherche d’un modèle fondé sur une responsabilisation plus claire des fédérations et sur un partenariat plus grand et plus équilibré au service de l’intérêt général et du développement du sport : l’État n’est plus le « tuteur », mais laisse davantage d’autonomie aux fédérations, qu’il contrôle cependant de manière approfondie, en particulier au moment de la demande d’agrément (désormais renouvelée tous les quatre ans) ou dans le cadre de l’acte de délégation.

Ceci permet à l’État de se concentrer sur les missions régaliennes de régulation et de contrôle qui sont les siennes, et ce d’autant plus que l’Agence nationale du sport, instituée en avril 2019, supervisera désormais la dimension purement sportive : elle aura notamment pour missions d’accompagner les fédérations vers plus d’excellence dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques et de  garantir une pratique du sport pour tous les publics, à tous les âges de la vie et sur tous les territoires, dans l’objectif d’augmenter le nombre de pratiquants de 3 millions de personnes d’ici 2024.

 Le 2° du I (alinéas 3 à 11) modifie les dispositions relatives aux associations sportives.

Les alinéas 3 à 5 complètent le deuxième alinéa de l’article L. 121-4 pour préciser que, pour être agréées, les associations devront s’engager à souscrire un contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration tel qu’introduit par l’article 6 du présent projet de loi. Cet article 10-1 prévoit que toute association qui sollicite l’octroi d’une subvention s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les hommes et les femmes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public.

Le ministère de l’intérieur précise toutefois que cet engagement n’aura pas de valeur contractuelle, et que ses termes ne pourront pas être négociés : les associations devront l’accepter ou le rejeter intégralement et renoncer à l’attribution de subventions.

Par ailleurs, les alinéas 6 et 7 prévoient de compléter ce même article L. 121-4 du code du sport pour préciser que le contrat d’engagement républicain comporte, en outre, pour l’association, l’engagement de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

L’alinéa 8 modifie le troisième alinéa de l’article L. 121-4 pour indiquer que l’affiliation d’une association sportive à une fédération sportive agréée par l’État en application de l’article L. 131-8 devra être complétée par la souscription du contrat d’engagement républicain pour valoir agrément.

Ainsi, si les associations sportives entrent dans le champ du nouveau cadre de droit commun conditionnant l’attribution de subventions publiques au respect du contrat d’engagement républicain en application de l’article 6 du projet de loi, elles devront souscrire pour obtenir l’agrément prévu à l’article L. 121-4, un contrat d’engagement républicain comportant en sus l’engagement de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, qu’elles soient affiliées à une fédération agrée ou non.

Les alinéas 9 et 10 complètent l’avant-dernier alinéa de l’article L. 121-4, qui dispose que « l’autorité administrative peut prononcer le retrait de l’agrément accordé à une association sportive ou résultant de l’affiliation prévue au troisième alinéa si elle emploie des personnes ne satisfaisant pas aux obligations des articles L. 212-1, L. 2122 et L. 212-9 ou si elle méconnaît les obligations des articles L. 322-1 et L. 3222. », pour préciser que l’autorité administrative compétente retire l’agrément si les activités ou les modalités selon lesquelles l’association sportive les poursuit méconnaissent le contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit.

En cas de refus de l’agrément, l’association pourra continuer à exister mais ne pourra prétendre à recevoir de subvention publique.

Enfin, l’alinéa 11 procède à une modification de coordination législative.

Comme l’indique le Conseil d’État dans son avis, « s’agissant des associations sportives agréées, y compris lorsque leur agrément résulte d’une affiliation à une fédération agréée, le projet prévoit que l’engagement républicain qu’elles sont tenues de signer […] comporte, en outre, l’engagement de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Le Conseil d’État estime que l’objectif supplémentaire ainsi assigné par l’engagement républicain aux associations agréées et l’obligation pour l’autorité administrative de retirer l’agrément en cas de méconnaissance de l’engagement sont utiles et adaptés au rôle des associations agréées dans la pratique du sport ».

 Les alinéas 12 à 18 traitent des fédérations sportives agréées.

L’objectif est de compléter le contrôle sur les fédérations sportives agréées en intégrant le contrôle du respect du contrat d’engagement républicain.

Le 3° du I (alinéas 12 à 17) complète l’article L. 131-8 relatif aux conditions d’agrément des fédérations sportives.

L’alinéa 13 précise que, pour être agréées, les fédérations doivent souscrire à plusieurs conditions :

– avoir adopté des statuts comportant certaines stipulations obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type, soit une reprise des dispositions applicables ;

– avoir souscrit le contrat d’engagement républicain mentionné à l’article L. 10-1 de la loi du 12 avril 2000, tel que créé par l’article 6 du projet de loi.

Cet agrément n’est plus délivré que pour une durée limitée à huit ans (contre une durée indéterminée dans le droit en vigueur), de manière à assurer une « clause de revoyure » du respect de ces obligations, qui permettra d’étudier la pertinence du maintien de l’agrément.

Les alinéas 14 à 16 précisent que ce contrat comporte en outre, pour les fédérations agréées, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’État, deux engagements complémentaires :

– veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, comme pour les associations sportives ;

– participer à la promotion et à la diffusion après des acteurs et publics de leur discipline sportive des principes du contrat d’engagement républicain.

L’alinéa 17 précise que le ministre chargé des sports retire l’agrément si la fédération sportive méconnaît les engagements figurant dans le contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit.

Enfin, le 4° du I (alinéa 18) modifie l’article L. 131-9 de manière à préciser explicitement que les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives dans le respect du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article L. 131-8.

L’alinéa 25 précise que tout agrément accordé à une fédération sportive avant la promulgation de la loi cesse de produire ses effets au 31 décembre 2025. Une mesure législative est ici nécessaire pour mettre fin aux agréments des fédérations sportives délivrés en application de l’article L. 131-6 du code du sport pour une durée indéterminée. La demande d’agrément devra intervenir quatre mois avant l’échéance, soit au 1er septembre 2025.

L’étude d’impact précise qu’un calendrier d’examen des agréments devra être proposé aux fédérations afin de permettre un examen fluide des demandes d’agrément et une qualité suffisante des échanges entre les fédérations et l’administration. Ce calendrier doit aussi permettre à certaines fédérations de procéder aux changements structurels nécessaires à l’obtention du nouvel agrément. Il demeure cependant possible que certains refus d’agrément fassent l’objet de contentieux.

En cas de refus d’agrément, la fédération pourra continuer d’exister mais ne pourra pas toucher de subvention publique ni participer à l’exercice d’une mission de service public du sport au sens de l’article L. 131-8.

Le Conseil d’État souligne que « ces règles nouvelles, qui s’appliqueront également aux fédérations sportives délégataires du fait qu’elles sont elles-mêmes agréées, confient aux fédérations sportives une responsabilité nouvelle importante et nécessaire dans le contexte évoqué plus haut ».

 Le 5° du I (alinéas 19 à 24) fixe les dispositions relatives aux fédérations délégataires.

L’objectif est, selon la Ministre des sports entendue par la commission spéciale, de leur donner davantage de responsabilités dans la promotion des principes républicains et la prévention d’éventuelles dérives, manifestant ainsi la confiance que leur accorde l’État. L’État souhaite, véritablement, les impliquer au-delà de la seule édiction des règles concernant le geste sportif, pour les placer dans le champ de la protection des sportifs et de l’éthique du sport.

Les alinéas 19 à 21 modifient l’article L. 131-14 pour préciser que l’octroi de la délégation est subordonné à la conclusion d’un contrat de délégation entre l’État, représenté par le ministre chargé des sports, et la fédération concernée.

Il ne s’agira plus uniquement d’un acte unilatéral de délégation mais d’un contrat passé avec chaque fédération. Le contenu du contrat devra délimiter de manière plus précise le champ d’application de la délégation mais aussi fixer les droits et obligations des fédérations sportives compte-tenu des missions qui leur sont confiées. Ce contrat comportera, selon la ministre, des dispositions relatives à l’intégrité des organisations sportives, à l’intégrité des compétitions et à la protection des pratiquants de sports. Un travail de définition des référentiels est en cours avec l’Association française de normalisation (AFNOR). Dans ses échanges avec votre rapporteure, le ministère des sports indique que le contrat ne se substituera pas à l’acte unilatéral de délégation, qui continuera à être pris par arrêté du ministre des sports, mais viendra le compléter, la signature du contrat conditionnant la décision de délégation. Ce contrat pourrait varier selon les fédérations : tout en s’appuyant sur une trame commune, définie par décret selon les orientations de la ministre, des distinctions pourraient être prévues selon la taille de la fédération, son niveau de développement ou encore les enjeux particuliers auxquels elle est confrontée.

Le contrôle de l’État sur l’action fédérale en sera facilité.

L’alinéa 22 précise qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’attribution et de retrait de la délégation, ainsi que le contenu et les modalités du contrat mentionné à l’alinéa précédent, après avis du Comité national olympique et sportif français.

Le 6° du I (alinéas 23 et 24) crée un article L. 131-15-2 après l’article L. 131-15-1, qui prévoit que les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées, et dans le cadre des orientations fixées par le ministre chargé des sports, élaborent une stratégie nationale visant à promouvoir les principes du contrat d’engagement républicain qu’elles mettent en œuvre dans l’exercice de leurs prérogatives et missions.

Le champ de la délégation est donc étendu à l’élaboration et à la mise en œuvre de cette stratégie. Le contrat de délégation devra préciser les engagements pris par la fédération dans le cadre de cette stratégie nationale, et en détailler les indicateurs, les modalités d’évaluation et les mesures susceptibles de découler de leur contrôle.

Le Conseil d’État estime que « cette mesure est utile et correspond à la mission particulière que le Gouvernement confie à ces fédérations ».

Selon l’étude d’impact, ceci devrait permettre, au terme du travail réglementaire, de disposer d’un cadre de délégation renouvelé susceptible d’être opérationnel dès 2021 pour la prochaine campagne de délégation portant sur la période 2021-2024. Les refus de délégation n’entraîneront pas la disparition de la fédération qui continuera à exercer comme fédération agréée. Toutefois, n’étant plus délégataire, elle ne pourra plus jouir des prérogatives associées à ce statut, notamment le monopole de l’organisation des compétitions à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux.

 Cet article nécessitera l’adoption de quatre décrets en Conseil d’État :

– un décret relatif à l’agrément des associations sportives (R. 121-1) ;

– un décret relatif à l’agrément des fédérations sportives (R. 131-3) ;

– un décret relatif aux engagements complémentaires devant être contenus dans le contrat d’engagement républicain souscrit par les associations et fédérations sportives ;

– un décret relatif à la délégation accordée par le ministre chargé des sports (R. 131-25 et suivants).

3.   La position de la commission

Outre huit amendements rédactionnels ou de précision juridique, la commission a adopté sept amendements de fond.

Les deux premiers, présentés par Mme Marie-Pierre Rixain et plusieurs députés membres du groupe LaREM, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, précisent que l’engagement de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, qui figurera dans le contrat d’engagement républicain des associations sportives, d’une part, et des fédérations sportives agréées, d’autre part, se fera notamment vis-à-vis des violences sexuelles et sexistes.

Le troisième, présenté par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, précise que l’agrément délivré aux fédérations l’est par le ministre chargé des sports, par parallélisme avec la procédure de retrait de l’agrément.

Le quatrième présenté par M. Éric Diard (LR), rectifié, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, modifie la date de fin de validité de l’agrément des fédérations sportives, fixée par le projet de loi au 31 décembre 2025, pour la ramener au 31 décembre 2024.

Le cinquième, présenté par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, prévoit que l’agrément des associations sportives cessera de produire ses effets trente-six mois après la publication de la loi si celles-ci ne souscrivent pas le contrat d’engagement républicain, de manière à les inciter à conclure un tel contrat alors même que la validité de leur agrément n’a pas de limite de durée dans le droit actuel.

Le sixième, présenté par Mme Fabienne Colboc et les députés membres du groupe LaREM, ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure, prévoit que, dans le cadre de la stratégie nationale élaborée par les fédérations délégataires, celles-ci sont encouragées à intégrer un ou plusieurs modules obligatoires de formation sur les politiques publiques de promotion des valeurs de la République.

Le septième, présenté par les rapporteurs et ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement, étend le contrôle de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche aux fédérations sportives agréées, et non aux seuls organismes relevant de la tutelle des ministères concernés. Cette précision est nécessaire, dans la mesure où le projet de loi substitue au régime de tutelle de l’État sur les fédérations un régime de contrôle.

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Article 25 bis (nouveau)
(art. L. 100-1 et L. 112-16 du code du sport)
Reconnaissance du rôle des activités physiques et sportives dans la construction de la citoyenneté et adoption d’une charte du respect des principes de la République par l’Agence nationale du sport

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte de deux amendements adoptés par la commission à l’initiative de M. François Cormier-Bouligeon, ayant tous deux reçu l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement.

Il complète l’article L. 100-1 du code du sport pour préciser que les activités physiques et sportives contribuent notamment à la construction de la citoyenneté et à l’apprentissage des principes et valeurs de la République, afin d’affirmer dans la loi le rôle que les acteurs du sport peuvent jouer comme unificateurs de la Nation.

Il impose également à l’Agence nationale du sport, créée en 2019 pour superviser la politique sportive de la France dans sa dimension non régalienne, d’adopter, avant le 1er janvier 2022, une charte du respect des principes de la République dans la mise en œuvre de son action. Cette disposition est insérée au sein de l’article L. 112‑16 du code du sport, relatif à la convention d’objectifs conclue entre l’État et l’Agence nationale du sport.

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TITRE II
Garantir le libre exercice du culte

Chapitre Ier
Renforcer la transparence des conditions de l’exercice du culte

Section 1
Associations cultuelles

Article 26
(art. 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Modification des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des associations cultuelles

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie certaines des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des associations cultuelles. Il assouplit la condition relative au nombre minimal de membres et soumet à la décision d’un organe délibérant un certain nombre de décisions importantes telles que le recrutement des ministres du culte, lorsqu’elle y procède.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

La liberté d’association est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Le Conseil constitutionnel a jugé que la création des associations ne devait pas être soumise à une autorisation administrative ([268]).

Le Conseil d’État a rattaché cette liberté aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République visés par le Préambule de la Constitution de 1946 ([269]) et l’a qualifiée de liberté constitutionnelle ([270]).

Comme l’a toutefois souligné le Conseil constitutionnel, cette liberté « ne s’oppose (…) pas à ce que des catégories particulières d’associations fassent l’objet de mesures spécifiques de contrôle de la part de l’État en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent, de la nature et de l’importance des ressources qu’elles perçoivent et des dépenses obligatoires qui leur incombent » ([271]).

Les modalités de constitution des associations cultuelles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ([272]). Il s’agit des règles très souples relatives à la déclaration préalable en préfecture.

En revanche, des règles spécifiques à ces associations sont prévues par l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État s’agissant de la composition et du fonctionnement des associations cultuelles.

Cet article pose en particulier un principe de spécialité de l’objet de l’association, qui ne peut être consacré qu’à l’exercice d’un culte. Cette notion a fait l’objet d’une définition très précise par le Conseil d’État, comme étant « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques, [...] ces associations ne [pouvant] mener que des activités en relation avec cet objet telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte.»  Il a ajouté que « le respect de la condition relative au caractère exclusivement cultuel de l’association doit être apprécié au regard des stipulations statutaires de l’association en cause et de ses activités réelles » et que « la poursuite par une association d’activités autres que celles rappelées ci-dessus est de nature, sauf si ces activités se rattachent directement à l’exercice du culte et présentent un caractère strictement accessoire, à l’exclure du bénéfice du statut d’association cultuelle » ([273]).

En outre, ces associations doivent réunir un nombre minimal de membres en fonction de la taille de la commune – allant de 7 à 25 personnes ([274]).

Les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs sont, chaque année au moins, présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.

Les ressources des associations cultuelles sont strictement encadrées. Il s’agit, outre des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 précitée, du produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, d’un certain nombre de rétributions ([275]) et des libéralités testamentaires ou entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles ([276]). Ces associations ne peuvent recevoir des subventions de l’État, des départements et des communes ([277]).

Enfin, aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 précitée, la dernière condition devant être satisfaite par les associations cultuelles est de ne pas porter atteinte à l’ordre public, comme a eu l’occasion de l’indiquer le Conseil d’État ([278]).

Comme le souligne l’étude d’impact, le nombre d’associations cultuelles ne peut être évalué avec précision, en l’absence d’obligation de se déclarer comme telles auprès des autorités publiques. Toutefois, ce nombre est estimé à environ 5 000, les associations cultuelles protestantes représentant les trois-quarts du total (soit entre 3 500 et 4 000, majoritairement évangéliques), et celles des témoins de Jehovah environ un cinquième (de l’ordre de 1 000) ; le nombre d’associations cultuelles catholiques est estimé à une centaine ([279]), de même que celui des associations cultuelles juives, tandis que l’on estime à quelques dizaines le nombre d’associations cultuelles musulmanes et orthodoxes.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article modernise et complète la rédaction de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 précitée.

L’article 19, qui fait l’objet d’une réécriture, est désormais entièrement consacré aux règles de fonctionnement des associations cultuelles. Un article dédié, l’article 19–2, reprend, en les complétant, les financements dont peuvent bénéficier les associations cultuelles ([280]).

L’alinéa 2 réaffirme le principe de la spécialité de l’objet cultuel de l’association.

Ce même alinéa simplifie en outre les règles relatives au nombre minimal de personnes pour la constitution d’une association cultuelle en supprimant les différents seuils actuels. Il est proposé que ces associations soient composées d’au moins sept personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts de l’association.

Les règles relatives au retrait des membres comme au contrôle de l’assemblée générale sur les actes de gestion financière et d’administration légale demeurent inchangées (alinéas 3 et 4).

L’alinéa 5 introduit une disposition nouvelle. Les statuts des associations cultuelles devront dorénavant prévoir l’existence d’un ou plusieurs organes délibérants ayant notamment pour compétence de décider de l’adhésion de tout nouveau membre, de la modification des statuts, de la               cession de tout bien immobilier appartenant à l’association, et, uniquement lorsque l’association y procède, du recrutement d’un ministre du culte.

Ce renforcement de la gouvernance des associations cultuelles vise à répondre, en particulier, aux tentatives de prise de contrôle ou « putsch » qui sont observées sur le territoire, ainsi que le relate l’étude d’impact du projet de loi : « Par exemple, dans un département de la couronne parisienne un président d’association est mis en grande difficulté par un groupe de pression qui souhaite imposer un ministre du culte au point qu’il craint des troubles à l’intérieur du lieu de culte. De même, l’exemple de la mosquée de Pantin pourrait être pris, dont la gouvernance est dominée par un président qui s’est adonné à des actions portant très gravement atteinte à l’ordre public. Plus généralement il a été constaté à de nombreuses reprises des prises de contrôle hostiles par des groupes radicaux qui s’unissent, adhèrent à l’association et acquièrent ainsi une majorité, ou une minorité leur permettant de renverser la gouvernance. » ([281])

Cet encadrement par des formations collégiales plus ou moins larges existe déjà sous différentes formes. Ainsi, les stipulations des statuts-types des associations diocésaines, tels qu’ils ont été validés par le Conseil d’État en 1923 ([282]), prévoient notamment que l’adhésion de nouveaux membres à l’association est validée par un vote de l’assemblée générale.

De même, il existe des dispositifs prévoyant des organes délibérants dotés de pouvoirs étendus pour des associations non cultuelles. Par exemple, les statuts types, approuvés par le Conseil d’État dans son avis du 19 juin 2018 pour les associations d’utilité publique, prévoient que le changement de siège de l’association relève d’une décision du conseil d’administration ou encore que le conseil d’administration agrée les nouveaux membres.

S’agissant du recrutement d’un ministre du culte, il existera désormais deux possibilités :

– si l’association est compétente pour désigner le ministre du culte, elle déterminera dans ses statuts l’organe compétent pour y procéder ;

 si la désignation du ministre du culte ne relève pas de l’association, mais d’une autorité extérieure, ces dispositions ne seront pas applicables à l’association. Ainsi, s’agissant du culte catholique, « l’évêque est autorité de nomination mais dans ce cas il n’agit pas en tant que président de l’association diocésaine mais comme autorité religieuse, l’association n’étant pas compétente pour y procéder. » ([283])

Les modalités d’application de cet article sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 6).

Il convient d’observer que le Conseil d’État a émis un avis favorable sur les modifications prévues par cet article. Il a constaté que ces dispositions constituaient certes une immixtion du législateur dans le fonctionnement des associations cultuelles mais il a considéré qu’elles obéissaient à l’objectif d’intérêt général de meilleure information des membres des associations cultuelles et de protection de ces associations contre d’éventuelles prises de contrôle par une minorité. Il a donc estimé que cet article tendait à protéger la liberté de conscience et ne portait pas une atteinte disproportionnée aux libertés de culte et d’association ([284]).

3. La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 27
(art. 19–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, art. 111 de la loi n° 2009–526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures)
Obligation de déclaration au préfet d’une association cultuelle souhaitant bénéficier des avantages propres auxdites associations

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article substitue à la procédure actuelle de rescrit administratif une obligation de déclaration, auprès du préfet, de la qualité cultuelle de toute association qui souhaite bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles. L’administration pourra mettre un terme à tout moment au bénéfice de ces avantages si une association cultuelle ne respecte plus les règles de constitution et de fonctionnement qui s’imposent à elle ou pour un motif d’ordre public tiré de ses agissements.

       Modifications apportées par la commission

Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement du rapporteur général visant à préciser le caractère contradictoire de la procédure d’opposition à la reconnaissance de qualité cultuelle d’une association.

1.   L’état du droit

Les associations cultuelles doivent, comme toute association, avoir été déclarées en préfecture, conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ([285]). Néanmoins, cette déclaration confère seulement la personnalité juridique et ne vaut pas en tant que telle reconnaissance de la qualité cultuelle de l’association.

Plusieurs procédures permettent en revanche de constater cette qualité :

– lors de la réception de donations ou de legs consentis au bénéfice de l’association, le préfet du département peut former opposition à la libéralité s’il constate que l’organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées ou qu’il n’est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire ([286]). L’étude d’impact du projet de loi fait mention d’une enquête réalisée en 2020 auprès des préfectures, parmi lesquelles 51 répondants ont indiqué avoir reçu 1 361 demandes au cours de ces cinq dernières années, dont 19 ont fait l’objet d’une opposition du préfet ([287]). Si le préfet ne fait pas opposition à la libéralité, il peut être délivré une attestation de non–opposition permettant à l’association de se prévaloir pendant cinq ans de la qualité d’association cultuelle ;

– dans le cadre d’une procédure de rescrit administratif, l’association peut interroger le préfet pour savoir si elle entre dans cette catégorie d’associations ([288]). Ce rescrit leur permet de justifier de leur qualité cultuelle pendant cinq ans ([289]). L’étude d’impact fait état, en 2020, par référence à l’enquête précitée fondée sur les 51 répondants, « de 608 demandes de rescrit ou de renouvellement de rescrit au cours des cinq dernières années dont 22 ont fait l’objet d’un refus ou d’une abrogation (soit 3 % des demandes) dont environ 73 % pour non-conformité aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, 14 % pour défaut de pièces, 5 % pour motif d’ordre public. » ([290])

– dans le cadre d’une procédure de rescrit fiscal, une association peut demander à l’administration fiscale si les dons reçus ouvrent droit aux réductions d’impôt ([291]) les dons versés aux associations cultuelles ouvrant droit aux réductions d’impôt sur le revenu et sur les sociétés prévues par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

La diversité des procédures existantes est à la fois source de complexité pour les associations cultuelles et insuffisamment systématique pour que les administrations puissent exercer un réel contrôle des avantages octroyés à cette catégorie d’associations. L’étude d’impact estime ainsi à environ 20 % la part des associations cultuelles faisant une demande de rescrit.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I du présent article modifie la loi du 9 décembre 1905 précitée afin d’y introduire un dispositif de déclaration préalable de la qualité cultuelle (article 19–1 nouveau).

Aux termes de l’alinéa 2, toute association cultuelle qui souhaite bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles prévus par des dispositions législatives et réglementaires devra déclarer au préfet sa qualité cultuelle. Cette déclaration sera distincte de la déclaration de constitution en préfecture, et pourra être faite à tout moment.

Cette nouvelle procédure ne constitue donc pas une autorisation administrative préalable dès lors qu’elle n’empêche nullement la constitution d’une association cultuelle.

Les avantages octroyés aux associations cultuelles

Les associations cultuelles peuvent bénéficier d’un certain nombre d’avantages :

– ceux prévus par l’article 19 de la loi de 1905, en particulier la possibilité de recevoir des libéralités ([292]) ;

 les emprunts garantis par les communes et départements dans certaines conditions ([293]) ;

 la possibilité de contracter des baux emphytéotiques administratifs à objet cultuel ([294]) ;

– l’exonération d’un certain nombre de taxes et d’impôts (taxe d’habitation pour les locaux affectés à l’exercice public du culte et qui ne sont pas utilisés pour un usage privatif ([295]), taxe foncière pour les locaux affectés à l’exercice du culte ([296]), taxe sur les transferts de biens mobiliers ([297]), taxe d’aménagement ([298]), droits de mutation à titre gratuit pour les dons et legs faits aux associations cultuelles ([299])) ;

 les dons versés à des associations cultuelles ouvrent droit à des réductions d’impôts ([300]).

Le préfet disposera d’un délai de deux mois suivant la déclaration pour s’opposer au bénéfice des avantages découlant de la qualité d’association cultuelle s’il constate que l’association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues par les articles 18 et 19, ou pour un motif d’ordre public. Il pourra également retirer le bénéfice de ces avantages à tout moment pour ces mêmes motifs, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire (alinéa 3).

En l’absence d’opposition, l’association déclarante bénéficiera des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années, renouvelable par déclaration au préfet, dans les mêmes conditions (alinéa 4).

Les modalités d’application de cette procédure, très similaire au rescrit administratif, sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 5).

Les associations devront se conformer à ce nouveau dispositif dans le délai d’un an suivant l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires nécessaires, sous réserve de celles qui auraient déjà obtenu une décision favorable à l’issue d’une procédure de rescrit. Dans ce dernier cas, elles continueront de bénéficier de cette reconnaissance pour le reste de la durée de validité du rescrit ([301]).

Cette procédure de déclaration est issue de l’avis du Conseil d’État, car la procédure d’agrément initialement envisagée s’approchait davantage d’un régime d’autorisation ([302]).

En conséquence, le II du présent article supprime la procédure de rescrit prévue au V de l’article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

3. La position de la commission

Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement du rapporteur général, avec un avis de sagesse du Gouvernement, visant à préciser le caractère contradictoire de la procédure d’opposition à la reconnaissance de qualité cultuelle d’une association.

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Article 28
(art. 19–2 [nouveau] de la loi de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Modification des règles relatives au financement des associations cultuelles

Adopté par la commission avec modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article insère un nouvel article 19-2 au sein de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, relatif au financement des associations cultuelles, qui maintient les possibilités de financement actuellement en vigueur en vertu de l’article 19 de la loi de 1905, et y ajoute la possibilité, pour les associations cultuelles, de posséder et d’administrer des immeubles de rapport acquis à titre gratuit.

       Modifications apportées par la commission

Afin d’encadrer les revenus tirés des immeubles dits de rapport, la commission a adopté un amendement du rapporteur général visant à plafonner la valeur des immeubles acquis à titre gratuit par les associations cultuelles.

1.   L’état du droit

a.   Les modalités de financement des associations cultuelles sont définies par les lois de 1901 et de 1905

Les modalités de financement des associations cultuelles résultent de la combinaison de deux textes.

● Tout d’abord, les modalités de financement des associations cultuelles sont définies par l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Cet article liste les possibles sources de financement des associations cultuelles :

– les cotisations des membres, prévues à l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ;

– le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte ;

– les rétributions perçues pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices ;

– les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.

L’article 19 indique également que les associations cultuelles peuvent verser, « sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet ».

Enfin, cet article précise l’interdiction posée à l’article 2 de la même loi, selon lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », en indiquant que les associations cultuelles ne peuvent percevoir de subventions de l’État, des départements et des communes, à l’exception des sommes perçues pour la réparation des édifices affectés au culte public ([303]).

L’article 6 de la loi de 1901 ([304]) complète et précise ces dispositions, en indiquant que toutes les associations régulièrement déclarées peuvent notamment acquérir à titre onéreux, posséder et administrer les immeubles « strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elles se proposent ».

La conjonction de ces deux textes confirme la soumission des associations cultuelles au principe de spécialité et son corollaire, l’interdiction qui leur est faite de posséder des immeubles de rapport. Ainsi, si elles peuvent recevoir des libéralités, elles ne peuvent pas acquérir, ni à titre gratuit ni à titre onéreux, ni posséder, d’immeubles de rapport, dénués de lien strictement nécessaire avec leur objet cultuel. Elles doivent par conséquent, lorsqu’elles se voient attribuer des biens immeubles par dons ou legs dénués de lien avec leur objet cultuel, s’en séparer.

b.   Pour les associations autres que cultuelles, le législateur a progressivement élargi les possibilités de financement

Les modalités de financement des associations de droit commun se sont progressivement diversifiées, ouvrant la possibilité pour certaines d’entre elles de détenir des immeubles de rapport.

Dans la rédaction initiale de la loi du 1er juillet 1901, seules les associations reconnues d’utilité publique pouvaient recevoir des dons et des legs. Elles ne pouvaient toutefois ni posséder ni acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles se proposent ([305]). Cette interdiction a été levée par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui a modifié l’article 11 en ce sens.

À partir de 1987 ([306]), les associations « déclarées qui ont pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale » peuvent également accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires.

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a modifié de manière importante les modalités de financement des associations. Depuis la promulgation de cette loi, les œuvres ou organismes d’intérêt général, dont l’ensemble des activités est cité au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ([307]), et qui sont déclarées depuis au moins trois ans peuvent d’une part accepter les libéralités entre vifs et testamentaires – de la même manière que les associations cultuelles – et d’autre part posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit – à la différence cette fois des associations cultuelles ([308]) .

Le critère selon lequel il est nécessaire que l’ensemble des activités de l’association figurent dans la liste du b du 1 de l’article 200 précité est restrictif. À ce titre, Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, avait en effet précisé lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire à l’Assemblée nationale que cette mesure « a pour vocation et effet d’écarter les associations dont une partie seulement des activités seraient d’intérêt général » ([309]). Sont notamment exclues de cette possibilité de percevoir des libéralités et de posséder des immeubles de rapport les associations exerçant une activité cultuelle et culturelle sous un statut de loi 1901. En effet, le terme de cultuel ne figure pas dans cette liste des activités mentionnées au b du 1° de l’article 200 du CGI.

Ainsi, depuis la loi de 2014, et au contraire d’une part des associations cultuelles et d’autre part des associations « mixtes » exerçant une activité cultuelle sous un statut de loi 1901, les associations d’intérêt général dont l’ensemble des activités sont mentionnées au b du 1° de l’article 200 du CGI peuvent posséder des immeubles de rapport acquis à titre gratuit, les administrer et en tirer des revenus de location, même si ces immeubles ne concourent pas à la réalisation de leur objet statutaire.

Si l’interdiction de posséder des immeubles de rapport faite aux associations cultuelles de statut « loi 1 905 » est bien respectée, car facilement contrôlable en raison des obligations comptables qui leur sont imposées, la situation est plus difficilement contrôlable concernant les associations exerçant une activité cultuelle sous un statut de loi 1901. Cette interdiction semble d’application limitée, en raison du flou qui peut exister concernant les activités de ces associations simplement déclarées.

En effet, en vertu du principe de liberté d’association, une simple déclaration en préfecture suffit à ces associations pour se constituer. Il est dès lors très difficile de vérifier si elles ont en réalité un objet cultuel qui ne serait pas mentionné dans leurs statuts, et de s’assurer notamment du respect de la séparation comptable entre des activités cultuelles et des activités d’une autre nature. Le présent projet de loi vise à réduire ces incertitudes en incitant par plusieurs de ses dispositions les acteurs du culte à constituer des associations cultuelles (cf. article 27, ou encore 31 du présent projet de loi).

En outre, la situation dans laquelle une structure créée sous le statut de la loi 1901 détiendrait un immeuble de rapport et le mettrait à disposition d’une association exerçant une activité cultuelle semble facilement réalisable.

c.   Une première tentative d’uniformisation des modalités de financement inaboutie

Une première tentative d’uniformisation du régime de financement a eu lieu par le biais de l’article 38 du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC), examiné en 2018, qui proposait d’autoriser les associations cultuelles à « posséder et administrer tout immeuble acquis à titre gratuit ».

Cette disposition avait suscité de vifs débats en séance et en commission à l’Assemblée et au Sénat, et n’avait finalement pas été retenue dans la loi ([310]). La commission spéciale de l’Assemblée nationale avait supprimé cette disposition de l’article 38 de la loi ESSOC, considérant que l’étude d’impact ne permettait pas d’évaluer l’impact financier que représenterait cette disposition, qui permettrait aux associations cultuelles, comme toutes les associations sans but lucratif, de bénéficier du taux d’impôt sur les sociétés réduit de 24 % sur les revenus provenant de la location des immeubles dont elles sont propriétaires ([311]).

L’une des questions qui avait animé les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat portait sur la question de savoir si la possibilité de posséder des immeubles de rapport conduisait les associations cultuelles à se départir de leur objet strictement cultuel, allant à l’encontre du principe de spécialité.

Cette crainte semble toutefois infondée : lors des débats, il avait été indiqué à plusieurs reprises que cette possibilité ne conduisait pas à remettre en cause le principe de spécialité, cette mesure ne modifiant pas le caractère exclusivement cultuel de leur objet mais leur permettant uniquement de disposer d’une nouvelle ressource, qui devrait être utilisée pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte  ([312]).

En outre, dans son avis sur le texte, le Conseil d’État considérait que cette disposition permettrait de mettre fin à une inégalité entre les différents types d’association. Il indiquait en effet que « la mesure proposée vise donc à favoriser leurs ressources propres, mais également à mettre fin à une différence de traitement entre ces associations et les associations exerçant les activités mentionnées au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Cette différence de traitement n’apparaît pas justifiée dans la mesure où l’ensemble de ces structures bénéficient de la même capacité juridique et ont un même intérêt, pour asseoir leur financement, à pouvoir disposer de facilités identiques quant à la possession et à l’administration des immeubles acquis par elles à titre gratuit »  ([313]).

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Une extension des modalités de financement qui ne remet pas en question les principes de la loi du 9 décembre 1905

Le présent article propose d’insérer un nouvel article 19-2 au sein de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État portant sur les modalités de financement des associations cultuelles. Ce nouvel article reprend une partie des dispositions de l’article 19 actuel de la loi de 1905, et y ajoute une modalité de financement nouvelle.

● D’une part, le nouvel article 19-2 reprend les modalités de financement d’ores et déjà ouvertes par l’article 19 de la loi de 1905. Il autorise ainsi les associations cultuelles à percevoir :

– les cotisations citées à l’article 6 de la loi de 1901 ;

–  le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte ;

– les rétributions pour les cérémonies et services religieux même par fondation, pour la location des bancs et des sièges, pour la fourniture des objets destinées au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu’à la décoration de ces édifications ;

– les libéralités entre vifs et testamentaires destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.

Par coordination avec l’article 36 du présent projet de loi, qui introduit un article 910-1 dans le code civil relatif aux libéralités, les conditions dans lesquelles elles sont acceptées par les organisations religieuses sont modifiées. Ainsi, les libéralités bénéficiant aux associations cultuelles en provenance de l’étranger peuvent faire l’objet d’une opposition de l’autorité administrative en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.

En outre, le nouvel article 19-2 reprend deux dispositions qui figurent dans la version actuelle de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 :

– il précise que les associations cultuelles peuvent « verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet » ;

– il rappelle l’interdiction de subventionnement public des cultes, que ce soit par l’État, par les collectivités territoriales ou par leurs groupements ([314]), et rappelle que ne sont pas considérées comme subventions « les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques » ;

● D’autre part, l’article 19-2 nouvellement créé introduit une nouvelle source de financement, en indiquant que les associations cultuelles « peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit », sans préjudice toutefois des 2° et 3° de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

Ainsi, les associations cultuelles pourraient conserver des immeubles de rapport acquis à titre gratuit (par don ou par legs), mais ne pourraient pas acquérir à titre onéreux d’immeubles autres que ceux strictement nécessaires à l’accomplissement du but qu’elles se proposent.

Cette nouvelle possibilité de financement des associations cultuelles apporte une réponse à plusieurs difficultés. Tout d’abord, en alignant le régime des associations cultuelles sur celui des associations d’intérêt général, elle remédie à la différence de régime juridique avec les autres associations et contribue à rendre le statut d’association cultuelle de la loi du 9 décembre 1905 plus attractif. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans l’objectif du présent projet de loi d’inciter des associations exerçant une activité cultuelle sous un statut de « loi 1901 » à s’inscrire sous un statut « loi 1905 ».

En effet, l’article 19-2 nouvellement créé ne figure pas dans les articles énumérés par l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907, tel que modifié par l’article 30 du présent projet de loi, qui prévoit les dispositions devant désormais s’appliquer aux associations « mixtes », exerçant une activité cultuelle sous le statut de loi 1901. Par conséquent, ces dernières ne bénéficieraient pas cette possibilité de financement nouvelle, et seraient ainsi toujours concernées par l’interdiction de détention des immeubles de rapport.

D’autre part, cette disposition vise à sécuriser les financements des associations cultuelles, menacés par la baisse des dons des fidèles. En effet, d’après l’étude d’impact du présent projet de loi, la Conférence des évêques de France enregistre par exemple, en 2018, une baisse de 25 % du montant des dons collectés par les diocèses sur une période de dix ans. Le présent projet de loi visant par ailleurs à encadrer les avantages, ressources et libéralités provenant de l’étranger (cf. article 35), il convient de compenser la baisse de recettes probables pour certaines associations. La possibilité de tirer un revenu locatif d’immeubles de rapport est l’une des voies le permettant.

Si cette possibilité de détenir des immeubles de rapport est une évolution importante, elle n’est pas de nature à remettre en cause l’équilibre instauré par la loi de 1905 :

– l’interprétation jurisprudentielle du principe posé par l’article 2 de la loi de 1905 selon lequel la République ne subventionne aucun culte n’est pas remise en cause par cette disposition.

Pour définir la portée du principe de laïcité, le Conseil constitutionnel s’appuie la règle de non-reconnaissance des cultes par l’État et sur l’interdiction de salarier des cultes, constitutionnalisant ces deux principes ([315]). En revanche, il fait le choix de laisser de côté la règle de non-subventionnement ([316]). Par conséquent, cette règle est susceptible de dérogations et d’exceptions. À ce titre, peuvent être cités le financement des aumôneries ou l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties des édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes ou attribués aux associations et unions cultuelles ([317]).

Dès lors, au regard des exceptions au principe de non-subventionnement qui existent déjà, l’argument selon lequel la détention d’immeuble de rapport contreviendrait à ce principe en raison de l’application d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés (cf. supra) semble peu opérant.

– Les associations cultuelles ne sortiraient pas de leur objet purement cultuel en raison de la détention d’un immeuble de rapport. Si cette disposition vise à leur permettre de conserver les dons et legs, elle ne vise pas à offrir aux associations cultuelles la possibilité d’acquérir à titre onéreux des immeubles de rapport. Dès lors, le risque de voir se constituer des empires immobiliers centrés sur la recherche de rentabilité semble infondé. En effet, si l’objectif du projet de loi est de consolider les ressources des associations cultuelles pour leur permettre d’assurer leur mission spirituelle, il ne s’agit pas de les inciter à mener une politique d’investissement immobilier, qui aurait pour objet de les éloigner de leur objectif premier, voire de permettre à des associations de disposer d’emprises immobilières importantes et fermées, pouvant être de nature à entraîner un phénomène communautariste au contraire des objectifs de ce projet de loi. En outre, cette disposition ne les autorise pas à organiser des activités au sein de ces immeubles de rapport, mais simplement d’en tirer un revenu locatif.

Enfin, l’article 19-2 nouvellement créé indique que le financement des associations cultuelles est également soumis aux dispositions de l’article 19-3, introduit par l’article 35 du présent projet de loi. Ce dernier impose aux associations cultuelles recevant plus de 10 000 euros d’apports étrangers par an à déclarer le montant des avantages et ressources dont elles bénéficient. En outre, il permet à l’autorité administrative de s’opposer à la perception de ces financements en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour porter atteinte à un intérêt fondamental de la société (cf. commentaire de l’article 35 du présent projet de loi).

b.   Le cas du droit local d’Alsace-Moselle

Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle bénéficient d’une organisation des cultes différente du reste du territoire national. Ils ne sont pas concernés par l’application de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

Dès lors, la mise en œuvre de l’article 28 entraîne un risque d’inégalité de traitement entre les associations cultuelles de la loi de 1905, les associations inscrites de droit local (chargées de l’exercice des cultes non-statutaires), et les établissements publics du culte en Alsace-Moselle (chargés de l’exercice des cultes statutaires).

En effet, les associations inscrites de droit local ont la pleine capacité juridique. Elles peuvent donc recevoir des dons et legs, posséder des immeubles quelle que soit leur destination. Dans le droit actuel, elles bénéficient donc de capacités juridiques plus importantes que les associations cultuelles exerçant sous le régime de la loi de 1905 sur le reste du territoire.

A contrario, les établissements publics du culte ne peuvent détenir un immeuble que pour autant qu’il soit affecté à leur mission légale, à l’instar des associations cultuelles sur le reste du territoire.

Dès lors, si les associations cultuelles relevant de la loi de 1905 bénéficieraient, en application du présent article, de la capacité de posséder des immeubles de rapport, les établissements publics du culte du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle en seraient toujours privés. Il convient toutefois de préciser que la possibilité ouverte aux cultes reconnus de percevoir des financements publics dans ces départements modère la nécessité de recourir à des ressources autres. Cette différence de fonctionnement pourrait dès lors justifier l’application d’un régime différent concernant les immeubles de rapport. 

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement du rapporteur général, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement, visant à plafonner la valeur des immeubles acquis à titre gratuit par les associations cultuelles. Ce mécanisme a pour objectif d’encadrer les revenus tirés des immeubles de rapport, afin d’éviter que la recherche de rentabilité ne devienne l’objectif principal des associations cultuelles. Le financement du culte reposant traditionnellement sur les contributions des fidèles, les revenus tirés des immeubles de rapport ne doivent pas devenir le mode de financement majoritaire.

Le valeur au-dessus de laquelle l’association serait tenue de vendre l’immeuble acquis à titre gratuit serait fixée par décret.

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Article 29
(Article 20 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Application des modifications de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État aux unions d’associations cultuelles

Adopté par la commission avec modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à étendre aux unions d’associations cultuelles les modifications proposées par le présent projet de loi concernant les associations cultuelles. En effet, si le régime juridique applicable aux associations cultuelles et aux unions d’associations cultuelles est identique, un article spécifique de la loi de 1905 l’applique aux unions. Il convient donc de modifier cet article afin d’appliquer aux unions les modifications proposées par le présent projet de loi.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de coordination, précisant les obligations qui s’appliquent aux unions d’associations cultuelles, en reprenant celles qui leur sont applicables en vertu de l’article 20 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction actuelle.

1.   L’état du droit

L’article 20 de la loi de 1905 permet aux associations cultuelles de constituer des unions cultuelles, caractérisées par une administration ou une direction centrale. Cet article n’a pas fait l’objet de modification depuis sa version initiale de 1905.

Il renvoie pour la création des unions d’associations cultuelles à l’article 7 du décret du 16 août 1901 pris pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

Cet article vise les unions d’associations de droit commun. Il précise que les unions d’associations disposent d’une administration centrale et sont soumises aux dispositions applicables aux associations déclarées des articles 1 à 5 du même décret. Elles ont également l’obligation de déclarer « le titre, l’objet et le siège des associations qui les composent ». Enfin, elles doivent faire connaitre dans les trois mois les nouvelles associations adhérentes.

L’article 20 de la loi de 1905 détermine d’autres conditions relatives au fonctionnement des unions cultuelles :

– elles sont régies par l’article 18 de la loi de 1905. Elles doivent par conséquent se constituer conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 ;

– elles sont également concernées par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 de la présente loi. Ainsi, « les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation » ([318]). Elles bénéficient des mêmes sources de financement que les associations cultuelles (cf. commentaire sur l’article 28) et peuvent également recevoir des libéralités entre vifs et testamentaires destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles ([319]). Elles peuvent verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet ([320]). Enfin, elles sont concernées par l’interdiction de financement public des cultes ([321]).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 29 du présent projet de loi tire les conséquences des modifications appliquées aux associations cultuelles pour les unions d’associations cultuelles, régies par le même régime. Il propose à cet égard deux modifications.

D’une part, il remplace dans l’article 20 de la loi du 9 décembre 1905 la mention du décret du 16 août 1901 par la mention d’un décret pris en Conseil d’État. Cette mention renvoie à un décret pris ultérieurement, pour l’application notamment de la loi du 9 décembre 1905 modifiée par le présent projet de loi.

D’autre part, il remplace la mention de l’article 18 et des cinq derniers alinéas de l’article 19 par les mentions des articles 18 à 19-3, afin d’appliquer les articles nouvellement créés par le présent projet de loi aux unions d’associations cultuelles :

– l’article 19 modifié par l’article 26 du présent projet de loi, qui modifie certaines des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des associations cultuelles ;

– l’article 19-1 créé par l’article 27 du présent projet de loi, qui vise à substituer à la procédure actuelle de rescrit administratif une obligation de déclaration, auprès du préfet, de la qualité cultuelle de toute association, qui souhaite bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles ;

– l’article 19-2 créé par l’article 28 du présent projet de loi, qui détermine les modalités de financement des associations cultuelles et leur ouvre notamment la possibilité de posséder des immeubles de rapport ;

– l’article 19-3 créé par l’article 35 du présent projet de loi qui vise à imposer aux associations cultuelles recevant plus de 10 000 euros de financements étrangers par an à déclarer le montant des avantages et ressources dont elles bénéficient. En outre, il permet à l’autorité administrative de s’opposer à la perception de ces financements en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour porter atteinte à un intérêt fondamental de la société. 

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement du rapporteur général visant à préciser les obligations des unions d’associations cultuelles, avec un avis favorable du Gouvernement. L’objectif de cet amendement est de leur appliquer les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent à elles dans le cadre de la rédaction actuelle de la loi de 1905.

En effet, la rédaction de l’article 19 proposée par le présent projet de loi définit les principes caractéristiques des associations cultuelles et de leurs statuts. Son contenu diffère en partie de l’article 19 tel qu’il est actuellement rédigé.

Or, il n’est pas nécessaire de prévoir le respect par les unions d’associations cultuelles de l’intégralité de ces dispositions, puisque les associations qui les composent les respectent d’ores et déjà. Seul le troisième alinéa de l’article 19 dans sa nouvelle rédaction a vocation à s’appliquer aux unions d’associations cultuelles. En effet, il s’appliquait déjà à elles dans la version de l’article 19 actuellement en vigueur.

 Cet alinéa détermine l’obligation de présenter au contrôle de l’assemblée générale et de soumettre à son approbation les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs.

*

*     *

Section 2
Autres associations organisant l’exercice du culte

Article 30
(art. 4, art. 4–1 et 4–2 [nouveaux] de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes)
Extension aux associations dites « mixtes » d’obligations prévues pour les associations cultuelles

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article assujettit les associations simplement déclarées ayant un objet en tout ou partie cultuel, dites associations « mixtes », aux principales obligations imposées aux associations cultuelles. Il impose en outre des obligations spécifiques à ces associations mixtes, en particulier comptables. Enfin, il prévoit une procédure permettant d’imposer à une association de mettre son objet en conformité avec ses activités s’il est constaté que cette dernière accomplit des actes en relation avec l’exercice public d’un culte sans que cela ne soit prévu.

       Modifications apportées par la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté deux amendements visant respectivement à rendre applicable aux associations dites « mixtes » l’obligation d’établir un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport, à l’instar des associations cultuelles, et à imposer à ces associations l’ouverture d’un compte bancaire spécifique pour leurs activités en relation avec le culte. 

1.   L’état du droit

Comme l’a noté Emmanuel Tawil, « dans l’esprit des auteurs de la loi de 1905 [les associations cultuelles] auraient dû être les seules structures institutionnelles à bénéficier de la liberté de culte » ([322]).

D’ailleurs, le Conseil d’État avait estimé, dans un avis rendu en octobre 1906 que : «  le principe de la liberté des cultes (…) s’applique aussi bien aux individus qu’aux collectivités, sous la réserve, pour celles-ci de se constituer en associations cultuelles » ([323]).

Mais le Vatican ayant donné instruction à l’épiscopat français de refuser de créer des associations cultuelles ([324]), la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes et plus spécifiquement son article 4, est venu ouvrir l’exercice public du culte :

– aux associations simplement déclarées conformément à la loi du 1er juillet 1901. Ces associations « mixtes », outre leur objet cultuel, ont généralement également un objet culturel, tel que la sauvegarde du patrimoine ou encore philanthropique, comme l’aide aux personnes en situation de précarité ou éducatif – activités d’apprentissage à destination des jeunes. Ces associations n’ont ni les avantages ni les obligations des associations cultuelles ;

– aux réunions tenues sur initiatives individuelles. Cette possibilité avait d’ailleurs été reconnue dès 1906 de manière jurisprudentielle ([325]).

Si la loi de 1907 est donc d’abord venue résoudre de facto la situation particulière du culte catholique, cette religion s’est cependant organisée d’une manière différente. Elle est composée d’associations diocésaines, dont les statuts ont été jugés conforme à la loi de 1905. Comme le souligne l’étude d’impact : « Il n’est pas possible de dénombrer [les associations mixtes], ce sont des associations simplement déclarées en préfecture, qui en général mentionnent l’exercice du culte dans leur objet, mais ce n’est pas toujours le cas. Les cultes bouddhiste et musulman sont principalement organisés sous ce statut. » ([326]).

Les associations diocésaines

Les associations diocésaines sont des associations ayant pour but de « subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique, sous l’autorité de l’évêque en communion avec le Saint–Siège, et conformément à la constitution de l’Église catholique » ([327]).

Entre 1923 et 1924, les « accords Poincaré-Cerretti » ont consacré l’interprétation selon laquelle le statut-type de ces associations diocésaines était conforme à la loi de 1905. Cette interprétation se fondait en particulier, outre l’avis de trois jurisconsultes, sur l’avis émis par le Conseil d’État, le 13 décembre 1923 :

« Considérant que les associations pour l’exercice des cultes doivent observer les prescriptions de la législation relative aux associations en général et qu’elles doivent en outre, d’après les textes spéciaux qui les régissent, avoir pour objet exclusif de subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public du culte, se conformer aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice et suivre les dispositions de ces textes relatives à la composition ainsi qu’au fonctionnement de ces associations, notamment en  ce  qui  concerne la gestion financière et l’administration des biens ; qu’aucune desdites dispositions n’interdit aux associations pour l’exercice des cultes de fixer elles-mêmes l’étendue de leur circonscription ;

Considérant que, de l’examen des différents articles du projet de statuts présenté, il résulte que les associations qui seraient régies par ces statuts, seraient conformes aux dispositions générales de la loi ; qu’elles auraient pour objet exclusif de subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique ; qu’elles se conformeraient à la constitution de l’Église catholique, et qu’elles ne seraient contraires à aucune disposition ci-dessus rappelée. » ([328])

Ces associations sont donc considérées comme des associations cultuelles, comme l’ont confirmé les auditions du rapporteur général ([329]) .

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I du présent article propose une nouvelle rédaction de l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 précitée.

Il conserve les trois possibilités existantes d’exercice du culte : associations régies par la loi du 9 décembre 1905, associations régies par la loi du 1er juillet 1901 et réunions tenues sur initiatives individuelles (alinéas 2 et 3).

En revanche, le champ des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 auxquelles les associations mixtes et les réunions individuelles sont soumises est sensiblement élargi, comme le montre le tableau ci–dessous. Dans le droit actuel, seule la publicité des réunions était prévue.

Cela a donc pour effet de rapprocher de manière sensible les régimes applicables aux associations cultuelles et aux associations mixtes. Sur ce point, il convient de noter que le Conseil d’État a estimé « que le caractère spécifique des associations de la loi de 1901 exerçant des activités cultuelles justifie un traitement différent de celui des autres associations de la loi de 1901. » ([330])

Application de la loi du 9 décembre 1905 aux réunions individuelles et aux associations mixtes

 

Obligations

Article de la loi du 9 décembre 1905

Réunions individuelles

Associations mixtes

Contrôle annuel de l’assemblée générale sur les actes de gestion et d’administration légale des biens

3e alinéa de l’article 19

 

X

Déclaration financement étranger / certification

Article 19–3

 

X

Obligations comptables (comptes+ état inventorié des biens meubles et immeubles + financements provenant de l’étranger)

1er alinéa de l’article 21

 

X

Liste des lieux de culte

2e alinéa de l’article 21

 

X

Présentation de documents au préfet

3e alinéa de l’article 21

 

X

Certification des comptes dans certains cas

4e alinéa de l’article 21

 

X

Sanctions pénales (obligations comptables + certification)

Deux derniers alinéas de l’article 23

 

X

Publicité des réunions

Article 25

X

X

Infractions d’outrage / diffamation commise par un acteur du culte

Article 34

X

X

Aggravation de la peine d’incitation à la commission d’infractions pénales prévue à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 à raison du lieu de commission

Article 35

X

X

Interdiction d’organiser des réunions politiques / opérations électorales dans un lieu où s’exerce le culte

Article 35–1

X

X

Responsabilité civile de l’association ayant mis à disposition l’immeuble où a été commise l’infraction

Article 36

X

X

Peine alternative / complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de cultes

Article 36–1

X

X

Interdiction de diriger / administrer une association cultuelle pour les personnes condamnées pour acte de terrorisme, ou apologie du terrorisme

Article 36–2

 

X

X : application de l’article de la loi du 9 décembre 1905.

Source : commission spéciale chargée d’examiner les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Les associations mixtes restent en revanche assujetties aux mêmes dispositions de la loi du 1er juillet 1901 précitée que dans le droit en vigueur, moyennant l’ajout d’une disposition sur les fusions et scissions d’association (article 9 bis) et la suppression d’une disposition requérant l’approbation du Conseil d’État pour la dissolution sans liquidation d’une association reconnue d’utilité publique (article 12) (alinéa 4).

application des dispositions de la loi du 1er juillet 1901 aux associations mixtes

Dispositions

Loi du 1er juillet 1901

Droit en vigueur

Droit proposé

2 personnes au moins

Article 1er

X

X

Formation libre

Article 2

X

X

Nullité

Article 3

X

X

Retrait d’un membre

Article 4

X

X

Déclaration préalable

Article 5

X

X

Capacités

Article 6

X

X

Dissolution judiciaire

Article 7

X

X

Dispositions pénales

Article 8

X

X

Conséquences d’une dissolution

Article 9

X

X

Fusion / scission

Article 9 bis

 

X

Dissolution sans liquidation

Article 12

X

 

Nullité de certains actes

Article 17

X

X

X : application de l’article de la loi du 1er juillet 1901.

Source : commission spéciale chargée d’examiner les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

En outre, le II du présent article insère également deux nouveaux articles 4–1 et 4–2 à la loi du 2 janvier 1907.

Le nouvel article 4–1 crée de nouvelles obligations comptables pour les associations mixtes :

– issues de la loi du 9 décembre 1905 telle que modifiée par le projet de loi (voir tableau correspondant) (alinéa 6) ;

– obligation d’établissement des comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément (alinéa 6) ;

 certification des comptes dans trois cas spécifiques ([331]) : lorsque ces associations délivrent des reçus fiscaux permettant à leurs donateurs de bénéficier de la réduction fiscale prévue aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts (1°), qu’elles bénéficient de subventions publiques qui dépassent annuellement un certain montant (2°), ou que leur budget annuel dépasse un certain seuil (3°). Ces seuils seront définis par décret en Conseil d’État (alinéas 7 à 10).

Le non-respect de ces dispositions expose les dirigeants et les administrateurs de l’association à 9 000 euros d’amende (alinéa 11).

Cet ensemble de dispositions est plus contraignant que celui imposé aux associations cultuelles stricto sensu. Le Conseil d’État a toutefois estimé « que les dispositions proposées sont les seules de nature à permettre de s’assurer que les dons défiscalisés et les subventions publiques sont exclusivement affectés aux activités non cultuelles. Il en déduit que cette obligation n’est pas disproportionnée au regard de son objectif. » ([332])

Par ailleurs, le nouvel article 4–2 prévoit que le préfet, s’il constate qu’une association accomplit des actes en relation avec l’exercice public d’un culte alors que cela n’est pas inscrit dans son objet, lui adresse une mise en demeure afin qu’elle mette son objet en conformité avec ses activités (alinéa 12). Cette notion d’« acte en relation avec l’exercice public d’un culte » a fait l’objet d’une définition jurisprudentielle, puisqu’il s’agit de « l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte, ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte ». ([333])

Si l’association n’a pas satisfait à la mise en demeure dans le délai fixé par le préfet, celui-ci peut prononcer une astreinte d’un montant maximal de 100 euros par jour de retard (alinéa 13).

Les conditions d’application du présent article sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 14).

3. La position de la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté deux amendements :

– un amendement du rapporteur général, avec l’avis favorable du Gouvernement, visant à rendre applicable aux associations  mixtes l’obligation d’établir un traité d’apport lorsqu’elles reçoivent un apport, à l’instar des associations cultuelles ;

– un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur général, visant à imposer aux associations mixtes l’ouverture d’un compte bancaire spécifique pour leurs activités en relation avec le culte. 

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*     *

Article 31
(art. 79–V et 79–VI [nouveaux] du code civil local, art. 167–1 à 167–6 [nouveaux] du code pénal local)
Extension aux associations de droit local à objet cultuel d’Alsace Moselle de certaines dispositions applicables aux associations cultuelles et à la police des cultes

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend aux associations inscrites de droit local à objet cultuel d’Alsace Moselle certaines obligations applicables aux associations cultuelles et aux associations mixtes. En outre, il introduit dans ces départements certaines dispositions nouvelles en matière de police des cultes.

       Modifications apportées par la commission

Outre plusieurs amendements de mise en cohérence, la commission a adopté un amendement visant à réécrire dans le code civil local les dispositions relatives aux associations inscrites de droit local à objet cultuel sans renvoyer à la loi du 9 décembre 1905 et un amendement visant à rendre applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle l’article 44 du projet de loi relatif à la fermeture administrative temporaire des lieux de culte.

1.   L’état du droit

L’article 44 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État a abrogé pour tous les départements français la loi du 18 germinal an X. Toutefois, le régime concordataire est demeuré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui ne faisaient plus partie du territoire français à cette époque.

En 1918, le retour de l’Alsace-Moselle à la France n’a pas remis en cause cette spécificité du droit cultuel alsacien-mosellan. En effet, la loi du 17 octobre 1919 a prévu le maintien des dispositions législatives et réglementaires spécifiques. Puis, la loi du 1er juin 1924 les a expressément maintenues à titre provisoire ([334]).

 Dans un avis en date du 24 janvier 1925, le Conseil d’État a ainsi confirmé que « le régime concordataire, tel qu’il résulte de la loi du 18 germinal an X, est en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle » ([335]).

Le Conseil constitutionnel a jugé que cette réglementation particulière n’était pas contraire à la Constitution, ni le constituant de 1946, ni celui de 1958, en affirmant le principe de laïcité, n’ayant entendu remettre en cause la spécificité du droit alsacien-mosellan ([336]).

La création, le fonctionnement et la dissolution des associations ayant leur siège dans les trois départements sont donc exclusivement régis par les articles 21 à 79-IV du code civil local.

Quatre cultes sont ainsi statutaires en Alsace-Moselle : le culte catholique, les cultes protestants, correspondant, d’une part, à l’Église luthérienne, dite Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine et, d’autre part, à l’Église réformée d’Alsace et de Lorraine, ainsi que le culte israélite.

Les établissements publics du culte assurent en Alsace-Moselle le fonctionnement des institutions cultuelles pour les cultes statutaires. Ces établissements sont dotés de la personnalité morale et soumis au principe de spécialité.

Les associations inscrites au registre du tribunal judiciaire du siège de l’association disposent d’une pleine capacité juridique. Elles peuvent recevoir des dons et legs ainsi que posséder et gérer des biens, sans être limitées par le principe de spécialité. En outre, elles peuvent recevoir des subventions publiques. La forme associative est la forme d’organisation habituelle des cultes non-statutaires. Les cultes statutaires peuvent également y avoir recours, notamment pour leurs activités extra cultuelles.

Les dispositions relatives à la police des cultes de la loi du 9 décembre 1905 précité ne s’appliquent pas en Alsace-Moselle, à l’exception des articles 31 et 32 en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer ([337]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I du présent article introduit deux nouveaux articles – 79–V et 79–6 – au code civil applicable aux départements du Bas–Rhin, du Haut–Rhin et de la Moselle, applicables aux associations inscrites à objet cultuel.

L’article 79–V rend applicables plusieurs dispositions de la loi du 9 décembre 1905 aux associations inscrites à objet cultuel (voir tableau ci–dessous).

Application de la loi du 9 décembre 1905 aux associations inscrites à objet cultuel

Obligations

Article de la loi du 9 décembre 1905

Associations inscrites à objet cultuel

Contrôle annuel de l’assemblée générale sur les actes de gestion et d’administration légale des biens

3e alinéa de l’article 19

X

Déclaration de financement étranger

Article 19–3

X

Obligations comptables (comptes + financements provenant de l’étranger)

1er alinéa de l’article 21

X

Liste des lieux de culte

2e alinéa de l’article 21

X

Présentation de documents au préfet

3e alinéa de l’article 21

X

Certification des comptes dans certains cas

4e alinéa de l’article 21

X

Sanctions pénales (certification)

Deux derniers alinéas de l’article 23

X

Source : commission spéciale chargée d’examiner les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

En outre, comme pour les associations mixtes, elles seront soumises à :

– l’obligation d’établissement des comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément ;

– la certification de leurs comptes : lorsqu’elles délivrent des reçus fiscaux permettant à leurs donateurs de bénéficier de la réduction fiscale prévue aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts (1°), qu’elles bénéficient de subventions publiques qui dépassent annuellement un certain montant (2°), ou que leur budget annuel dépasse un certain seuil (3°). Ces seuils seront définis par décret en Conseil d’État.

L’article 79–6 reprend la procédure prévue pour les associations mixtes de mise en demeure par l’autorité préfectorale lorsqu’il est constaté que l’association inscrite de droit local accomplit des actes en relation avec l’exercice public d’un culte sans que son objet le prévoie.

Le II du présent article introduit six nouveaux articles (167–1 à 167–6) au sein du code pénal local visant à reprendre les dispositions en matière de police des cultes :

– caractère public des réunions pour la célébration du culte comme c’est déjà le cas pour les associations cultuelles en vertu de l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 (article 167–1) ;

– infractions d’interdiction de tenir des réunions politiques ou des opérations de vote, applicables aux établissements publics du culte ou aux associations à objet cultuel (article 167–2) ([338]) ;

– circonstance aggravante tenant au lieu de commission de l’infraction prévue à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (article 167–3) ([339]) ;

– alignement du régime de responsabilité civile des établissements publics du culte ou des associations constituées pour l’exercice du culte sur celui prévu pour les associations cultuelles (article 167–4) ([340]) ;

– interdiction de paraître dans un lieu de culte (article 167–5) ([341])  ;

– interdiction à toute personne condamnée pour acte de terrorisme de diriger ou d’administrer un établissement public du culte ou une association à objet cultuel pendant une durée de dix ans (article 167–6) ([342]) .

Le Conseil d’État a considéré, « que ces dispositions sont justifiées et qu’elles ne sont pas disproportionnées au regard de leur objectif. Il constate en outre qu’elles permettront d’éviter que ne s’aggravent les inégalités existant entre ces deux catégories d’associations qui exercent pourtant les mêmes activités. » ([343])

3. La position de la commission

Outre trois amendements rédactionnels et de mise en cohérence, la commission a adopté :

– un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable du rapporteur général, visant à réécrire dans le code civil local les dispositions rendues applicables aux associations inscrites de droit local à objet cultuel sans renvoyer aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 précitée ;

– un amendement du rapporteur général, avec l’avis favorable du Gouvernement, visant à rendre applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les nouvelles mesures prévues à l’article 44 du projet de loi relatives à la fermeture administrative temporaire des lieux de culte.

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*     *

Article 32
(art. L. 213-1-1 du code de l’urbanisme)
Exemption du droit de préemption des biens immeubles faisant l’objet de donations entre vifs au profit des organisations religieuses et associatives en mesure de recevoir des libéralités

Supprimé par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tend à exempter du droit de préemption les biens immeubles faisant l’objet d’une donation entre vifs aux fondations, congrégations, associations ayant la capacité à recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local.

       Modifications apportées par la commission

La commission a supprimé le présent article.

1.   L’état du droit

a.   Les biens faisant l’objet d’une donation à une organisation religieuse ou associative sont soumis au droit de préemption

Le droit de préemption est une procédure permettant à une personne publique d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente en vue de la réalisation d’actions ou d’opérations d’aménagement d’intérêt général ([344]), à la condition que le bien soit compris dans la zone de préemption définie par un plan d’occupation des sols rendu public ou par un plan local d’urbanisme approuvé ([345]).

L’article L. 213-1 du code de l’urbanisme liste les biens pouvant être soumis au droit de préemption. Son 1° détermine notamment qu’est soumis au droit de préemption tout « immeuble ou ensemble de droits sociaux » aliéné à titre onéreux.

L’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, créé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ([346]), complète la liste des biens soumis au droit de préemption en indiquant que les mêmes immeubles ou ensemble de droits sociaux sont soumis au droit de préemption lorsqu’ils font l’objet d’une donation entre vifs, et non pas seulement lorsqu’ils sont mis en vente à titre onéreux.

Le même article pose toutefois un certain nombre d’exceptions, en vertu desquelles un immeuble faisant l’objet d’une donation entre vifs reste exclu du droit de préemption. Ainsi, ce droit de préemption ne peut être appliqué si la donation entre vifs est réalisée entre ascendants et descendants, entre collatéraux jusqu’au sixième degré, entre époux ou partenaires d’un pacte civil de solidarité, entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.

Il ressort de ces articles que les organisations religieuses régies par la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État, les organisations religieuses de droit local dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, et de la Moselle, mais également les associations de statut « loi 1901 » en mesure de recevoir des libéralités, sont soumises au droit de préemption sur les donations et legs qu’elles reçoivent. Elles ne font donc pas exception au droit commun.

b.   La soumission au droit de préemption des biens légués aux organisations religieuses ou associatives résulte d’un effet de bord non désiré par le législateur

L’objectif de l’application du droit de préemption aux immeubles faisant l’objet de donation – entérinée par l’article L. 213-1-1 cité ci-dessus – était de mettre un terme au contournement du droit de préemption par des donations fictives ([347]). Ce procédé était notamment employé par des « marchands de sommeil » qui utilisaient cette voie pour acquérir des lots de copropriété de faible valeur dans des immeubles dégradés ([348]).

Il apparaît donc que l’objectif du législateur n’était pas de soumettre les donations destinées aux organisations religieuses et aux associations au droit de préemption, mais de mettre fin à des pratiques frauduleuses sans lien avec ces organisations.

L’article 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations visait à corriger cet effet de bord de la loi de 2014, en excluant du droit de préemption les biens immeubles donnés aux fondations, congrégations, associations ayant la capacité à recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local. Cette version modifiée de l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme n’est toutefois restée en vigueur que du 25 juillet 2015 au 8 août 2015.

En effet, l’article 113 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est venu réécrire l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, en omettant de reprendre la modification récente issue de l’ordonnance de juillet 2015 précitée. Cet article 113 est issu d’un amendement du Gouvernement, visant à poursuivre l’objectif de lutte contre les donations fictives qui était à l’origine de la création de l’article L. 213-1-1 ([349]).

L’absence de mention des organisations religieuses parmi les personnes bénéficiant de l’exemption du droit de préemption serait donc une malfaçon législative, et non une volonté du législateur. Afin d’y remédier, un amendement a été adopté au Sénat, en première lecture de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([350]). M. Patrick Kanner, alors ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, a confirmé en séance publique que « la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a réécrit l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme avec pour effet involontaire de faire disparaître cette mesure et de soumettre de nouveau ces biens au droit de préemption ». L’article résultant de cet amendement a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel en raison de l’absence de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial ([351]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article propose de modifier l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme en ajoutant à la liste des exceptions au droit de préemption les immeubles ou ensemble de droits sociaux faisant l’objet d’une donation entre vifs au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local.

Il s’agit donc de rétablir les dispositions juridiques prévues par l’ordonnance de 2015 et supprimées dans le cadre d’une malfaçon législative.

Cette mesure présente plusieurs intérêts. Tout d’abord, elle s’insère dans l’objectif général de consolider et de sécuriser les ressources des associations cultuelles, en voie de raréfaction et dans un contexte de renforcement de leur contrôle prévu par le présent projet de loi.

Cette mesure pourrait permettre de garantir que le droit de préemption n’est pas exercé dans l’objectif d’empêcher l’édification ou l’installation d’un lieu de culte. Toutefois, le juge administratif sanctionne d’ores et déjà, et par une jurisprudence constante, le mésusage du droit de préemption lorsqu’il est utilisé pour empêcher l’installation d’un lieu de culte ([352]). Le juge judiciaire qualifie quant à lui de voie de fait l’utilisation inappropriée du droit de préemption pour empêcher l’édification d’un lieu de culte ([353]).

Enfin, et comme le souligne le Conseil d’État dans le cadre de son avis consultatif sur le présent projet de loi, cette évolution serait porteuse de simplification, puisqu’elle dispenserait les associations d’effectuer une déclaration d’intention d’aliéner auprès du titulaire du droit de préemption.

Le présent article propose d’étendre cette exemption du droit de préemption à toutes les associations en mesure de recevoir des libéralités, dans un souci d’égalité entre les associations. Dès lors, seraient concernées par cette exemption non seulement les organisations religieuses, mais également les associations reconnues d’utilité publique ([354]), les associations ayant pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale ([355]), les unions agréées d’associations familiales ([356]) et les associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts (œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises) ([357]).

Si cette mesure présente certains avantages, elle présente également un inconvénient majeur pour les collectivités territoriales. L’exemption du droit de préemption sur les donations entre vifs aux organisations citées précédemment pourrait pénaliser fortement les projets d’aménagement de certaines collectivités.

En outre, cette disposition aurait pour effet de créer un régime d’exception au profit de ces organismes : il s’agirait en effet des seules personnes morales bénéficiant de l’exemption du droit de préemption déterminé par l’article L. 213‑1‑1 du code de l’urbanisme. Les personnes en bénéficiant au titre de cet article sont, en l’état actuel du droit, des personnes physiques exclusivement.

3.   La position de la commission

La commission a supprimé le présent article par l’adoption de plusieurs amendements identiques, déposés par le rapporteur général et par des députés issus des différents groupes. Ces amendements ont recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Si l’adoption de ces amendements de suppression a pour effet de supprimer l’un des avantages ouverts aux associations cultuelles par le présent projet de loi dans sa version initiale, les auditions et les travaux de la commission ont montré que l’adoption de l’article 32 engendrerait des contraintes trop importantes. 

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*     *


—  1  —

Chapitre II
Renforcer la préservation de l’ordre public

Section 1
Contrôle du financement des cultes

Article 33
(art. 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Renforcement des obligations administratives
et comptables des associations cultuelles

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les associations cultuelles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 relative au contrat d’association et sont, en outre, soumises à des prescriptions spécifiques – notamment des obligations comptables – prévues dans la loi de 1905.

Toutefois, les obligations administratives et comptables imposées aux associations cultuelles n’ont jamais été modifiées et la gestion courante de ces associations souffre aujourd’hui d’un manque de transparence. En outre, les associations mixtes relevant de la loi de 1907 ne sont pas soumises à ces obligations.

En conséquence, cet article renforce les obligations administratives et comptables des associations cultuelles, en exigeant notamment une plus grande transparence sur les ressources en provenance de l’étranger.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté quatre amendements rédactionnels.

1.   L’état du droit

Les associations cultuelles prévues à l’article 18 de la loi de 1905 ([358]) sont définies comme les « associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ». Elles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 ([359]) et sont, en outre, soumises à des obligations particulières prévues dans la loi de 1905. Toutefois, ces dispositions n’ont jamais été modifiées et la gestion courante des associations cultuelles souffre aujourd’hui d’un manque de transparence.

a.   Les associations cultuelles sont soumises à des obligations particulières prévues dans la loi de 1905

● L’article 19 de la loi de 1905 impose aux associations cultuelles des obligations d’ordre général qui n’ont pas d’équivalent pour les associations relevant de la loi de 1901.

Ainsi, ces associations doivent avoir exclusivement pour l’objet l’exercice d’un culte. Elles doivent réunir un nombre minimal de personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse ([360]). Nonobstant toute clause contraire dans leurs statuts, chacun de leurs membres peut s’en retirer à tout moment, après paiement des cotisations échues et de celles de l’année courante.

L’article 19 de la loi de 1905 fixe aussi des obligations relatives à la gestion comptable et financière qui sont applicables à la fois aux associations cultuelles stricto sensu et aux unions d’associations cultuelles prévues à l’article 20 de la même loi.

Les associations cultuelles et unions d’associations ont l’obligation, nonobstant toute clause contraire dans leurs statuts, de tenir chaque année au moins une assemblée générale pour y faire approuver leurs actes de gestion financière et d’administration légale des biens.

L’article 19 encadre aussi les ressources des associations cultuelles et unions d’associations. Comme toutes les associations, elles peuvent, en application de l’article 6 de la loi de 1901, recevoir des cotisations de leurs membres. En outre, elles peuvent aussi recevoir des dons des fidèles, notamment le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, ainsi que des rétributions pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.

Depuis la loi du 25 décembre 1942 ([361]), les associations cultuelles et unions d’associations peuvent aussi percevoir des libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles, sauf opposition de l’autorité administrative dans les conditions prévues au II de l’article 910 du Code civil.

Par ailleurs, aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice d’avantages et de ressources en provenance de l’étranger.

La seule interdiction figurant à l’article 19 de la loi de 1905 est que les associations cultuelles et les unions d’associations ne peuvent recevoir, sous quelque forme que ce soit, des subventions de l’État, des départements et des communes. À ce titre, ne sont pas considérées comme des subventions publiques les sommes allouées pour la réparation des édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.

Toutefois, cela n’empêche pas les associations cultuelles de pouvoir bénéficier de certains avantages fiscaux. Ainsi, elles sont éligibles aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt dans les conditions fixées par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Les lieux de culte bénéficient aussi d’une exonération de la taxe foncière et de la taxe d’aménagement, tandis que les dons et legs consentis aux associations cultuelles sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit en application du 10° de l’article 795 du même code.

● En outre, conformément à l’article 21 de la loi de 1905, les associations cultuelles et les unions d’associations font l’objet de contrôles administratifs et comptables renforcés.

Le premier alinéa de l’article 21 de la loi de 1905 impose aux associations cultuelles et aux unions d’associations l’obligation de dresser, chaque année, leurs comptes annuels et l’état inventorié de leurs biens meubles et immeubles. La rédaction actuelle de l’alinéa résulte, d’une part, de l’article 13 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 ([362]), qui a supprimé l’obligation faite aux associations cultuelles de tenir un état de leurs recettes et de leurs dépenses ainsi que de dresser leur compte financier et, d’autre part, de l’article 47 de la loi du 10 août 2018 ([363]), qui a rétabli l’obligation d’établir des comptes annuels.

En application de l’article 47 de la loi du 10 août 2018 précitée, le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi de 1905 impose aussi aux associations cultuelles et aux unions d’associations de déclarer les dons qu’elles collectent via les services de paiement offerts par un fournisseur de réseaux ou de services de communications électroniques (autrement dit, par SMS).

En outre, conformément au troisième alinéa du même article 21, les associations cultuelles et unions d’associations sont également soumises à un contrôle financier exercé par les services fiscaux au nom du ministre chargé des finances et par l’inspection générale des finances.

● Par ailleurs, au-delà d’un certain seuil de ressources, les associations cultuelles, comme toutes les associations, sont, en application du second alinéa de l’article 4-1 de la loi de 1987 sur le mécénat ([364]), soumises aux dispositions de l’article L. 612-4 du Code de commerce. Ainsi, les associations cultuelles qui reçoivent plus de 153 000 euros ([365]) de dons doivent établir des comptes annuels – comprenant un bilan, un compte de résultat ainsi qu’une annexe – et nommer un commissaire aux comptes.

De même, l’article 1er du décret du 14 mai 2009 sur les associations et les fondations ([366]) impose à ces mêmes associations d’assurer la publicité de leurs comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative (DILA) dans les trois mois qui suivent l’approbation des comptes par l’organe délibérant.

b.   La gestion courante des associations cultuelles manque aujourd’hui de transparence

● Malgré les obligations particulières qui sont imposées aux associations cultuelles, l’étude d’impact ([367]) relève que la « gestion courante, financière et patrimoniale, des associations cultuelles souffre aujourd’hui d’un manque de transparence non seulement vis-à-vis des pouvoirs publics mais aussi à l’égard des fidèles » :

 d’une part, les « obligations administratives et comptables des associations cultuelles ne permettent pas à l’administration d’avoir une vision claire du mode de fonctionnement de ces associations, qui bénéficient pourtant d’un régime juridique leur donnant notamment droit à des avantages octroyés par la puissance publique » ;

– d’autre part, les « fidèles eux-mêmes ont besoin d’être rassurés sur la destination et l’usage effectif de leurs dons ».

Sur ce point, le Conseil d’État, relève que « les règles très sommaires figurant dans la loi de 1905 n’ont pas été modifiées depuis l’origine alors que les associations cultuelles peuvent manier des fonds importants » ([368]). Ainsi, bien que la plupart des associations cultuelles respectent d’ores et déjà les obligations qui sont introduites par le présent projet de loi, un renforcement de ces obligations paraît souhaitable pour assurer leur respect par toutes les associations.

● Par ailleurs, les règles imposées aux associations qui reçoivent plus de 153 000 euros de dons et subventions par an sont les seules obligations imposées à la fois aux associations cultuelles et aux associations mixtes relevant de la loi de 1907 ([369]), qui ont à la fois un objet cultuel – en principe minoritaire – et un objet culturel ou social. En effet, la loi de 1907 ne soumet pas les associations mixtes aux obligations administratives et comptables prévues pour les associations cultuelles aux articles 19 et 21 de la loi de 1905.

Il en résulte, pour les associations mixtes, la possibilité de s’exonérer des obligations particulières imposées par la loi de 1905 aux associations à objet cultuel – au demeurant, elles ne peuvent pas non plus bénéficier des avantages offerts par le statut d’association cultuelle. Cela peut notamment permettre à des associations qui ne respectent pas les principes de la République de dissimuler certaines sources de financement, notamment des fonds provenant d’États étrangers.

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article modifie l’article 21 de la loi de 1905 afin de renforcer les obligations administratives et comptables des associations cultuelles.

● Le renforce, tout d’abord, les obligations comptables des associations cultuelles. Il précise que les comptes annuels que les associations cultuelles sont tenues de remplir doivent comprendre un bilan, un compte de résultat et une annexe, et qu’ils doivent être présentés conformément à un règlement de l’Autorité des normes comptables. Sur ce point, le Conseil d’État, dans son avis consultatif sur le projet de loi, n’a émis aucune réserve.

● En outre, l’article renforce le contrôle de l’État sur les ressources des associations cultuelles provenant de l’étranger. D’une part, le impose aux associations cultuelles de tenir un état séparé de leurs ressources provenant d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non‑résidente en France. D’autre part, le oblige les associations cultuelles ayant bénéficié, au cours d’un exercice comptable, d’avantages ou de ressources provenant de l’étranger, à faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes. Ces avantages et ressources sont définis par référence au I de l’article 19‑1 de la loi de 1905, dans sa rédaction résultant de l’article 35 du projet de loi, comme tous les versés en numéraire ou consentis en nature de la part d’un État étranger, d’une personne morale établie à l’étranger, d’une personne physique non‑résidente en France ou de tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie.

S’agissant de cette obligation de certification des comptes, le Conseil d’État, dans son avis consultatif sur le projet de loi, a relevé qu’une obligation trop générale pourrait s’avérer contreproductive. En effet, si l’obligation s’imposait à toutes les associations cultuelles quel que soit le montant des avantages et ressources provenant de l’étranger dont elles bénéficient, les associations ne bénéficiant que d’apports étrangers limités pourraient, compte tenu du coût de la certification, être tentées soit de renoncer à ces apports, soit de les dissimuler à l’administration. En conséquence, le dernier alinéa de l’article dispose désormais que le décret en Conseil d’État prévu pour déterminer les modalités d’application de ces dispositions précisera le montant des ressources à compter duquel les comptes devront être certifiés.

Le renforcement des contrôles sur les financements étrangers des cultes doit être lu en parallèle avec les nouvelles obligations imposées par les articles 35 et 36 du projet de loi. Il doit permettre à l’autorité administrative de mieux connaître les ressources d’origine étrangère et de limiter une éventuelle ingérence d’États étrangers ou d’organisations liées à des États étrangers dans le fonctionnement des associations cultuelles.

● L’article renforce aussi les obligations administratives et déclaratives imposées aux associations cultuelles. En application du , les associations cultuelles qui reçoivent un apport en nature en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété, seront désormais tenues d’établir un traité d’apport, annexé aux comptes de l’exercice en cours et comportant une description précise de l’apport, sa valeur estimée, ses conditions d’affectation ainsi que la contrepartie pour l’apporteur et les conditions de reprise du bien.

Le impose également aux associations cultuelles de dresser une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice public du culte.

Enfin, le renforce les obligations de transparence des associations cultuelles à l’égard de l’autorité administrative. Sur demande du préfet, les associations cultuelles seront tenues de présenter leurs comptes annuels, l’inventaire de leurs biens meubles et immeubles, la liste des lieux dans lesquels elles organisent l’exercice public du culte ainsi que leur budget prévisionnel de l’exercice en cours. La transmission de ces documents permettra au représentant de l’État dans le département de s’assurer que l’association remplit toujours les conditions pour être qualifiée d’association cultuelle ou de lui retirer le bénéfice des avantages découlant du régime juridique des associations cultuelles.

● L’article 33 va de pair avec l’article 30 qui modifie de la loi de 1907 en vue de soumettre les associations mixtes à des obligations similaires à celles prévues pour les associations cultuelles.

Ainsi, le II de l’article 30 crée un nouvel article 4-1 de la loi de 1907 qui prévoit que les associations mixtes sont soumises aux dispositions des premier à quatrième alinéas de l’article 21 de la loi de 1905 qui comprennent l’ensemble des nouvelles obligations imposées aux associations cultuelles (à l’exception de l’obligation ayant trait à l’obligation d’établir un traité d’apport puisque les associations mixtes, comme les associations relevant de la loi de 1901, n’ont pas la capacité juridique de recevoir des libéralités).

En outre, le nouvel article 4-1 de la loi de 1907 oblige les associations mixtes à assurer la certification de leurs comptes lorsqu’elles émettent des reçus fiscaux en vue de permettre à un contribuable d’obtenir une réduction d’impôt, lorsqu’elles reçoivent des subventions publiques supérieures à un seuil annuel défini par décret en Conseil d’État et lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d’État.

● Cet article a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire français.

Les modalités d’entrée en vigueur des nouvelles obligations administratives et comptables sont prévues à l’article 45 du projet de loi.

Pour les associations cultuelles (I de l’article 45), l’ensemble des dispositions entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi, à l’exception de l’obligation de certification des comptes en cas d’apports provenant de l’étranger, prévue au quatrième alinéa de l’article 21 de la loi de 1905, qui sera applicable au plus tard le 1er janvier suivant le premier exercice comptable suivant l’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État définissant les modalités d’application.

Pour les associations mixtes et les associations inscrites de droit local à objet cultuel (II et III de l’article 45), l’article dans son intégralité n’entrera en vigueur que le 1er janvier suivant le premier exercice complet postérieur à l’entrée en vigueur des décrets d’application.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, quatre amendements rédactionnels présentés par les rapporteurs.

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Article 34
(art. 23 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Sanction du non-respect des obligations administratives
et comptables imposées aux associations cultuelles

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les associations cultuelles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 et sont, en outre, soumises à des prescriptions spécifiques – notamment des obligations comptables – prévues dans la loi de 1905.

Le non-respect de ces obligations est sanctionné dans les conditions fixées à l’article 23 de la loi de 1905, qui prévoit pour les dirigeants concernés une amende de 1 500 euros.

Les modifications opérées par le projet de loi dans la loi de 1905 justifient, d’une part, d’étendre la sanction prévue à de nouvelles obligations imposées aux associations cultuelles et, d’autre part, de créer une nouvelle sanction en cas de non‑respect de leurs obligations administratives et comptables.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Les associations cultuelles prévues à l’article 18 de la loi de 1905 ([370]) sont définies comme les « associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ». Elles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 ([371]) et sont, en outre, soumises à des prescriptions spécifiques fixées dans la loi de 1905. Elles sont notamment soumises à des obligations administratives et comptables prévues aux articles 19 et 21 de la loi de 1905 et dont le non-respect est sanctionné à l’article 23 de la même loi.

a.   Les associations cultuelles sont soumises à des obligations particulières prévues dans la loi de 1905

● L’article 19 de la loi de 1905 impose aux associations cultuelles des obligations d’ordre général qui n’ont pas d’équivalent pour les associations relevant de la loi de 1901.

Ainsi, ces associations doivent avoir exclusivement pour l’objet l’exercice d’un culte. Elles doivent réunir un nombre minimal de personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse ([372]). Nonobstant toute clause contraire dans leurs statuts, chacun de leurs membres peut s’en retirer à tout moment, après paiement des cotisations échues et de celles de l’année courante.

L’article 19 de la loi de 1905 fixe aussi des obligations relatives à la gestion comptable et financière qui sont applicables à la fois aux associations cultuelles stricto sensu et aux unions d’associations cultuelles prévues à l’article 20 de la même loi.

Les associations cultuelles et unions d’associations ont l’obligation, nonobstant toute clause contraire dans leurs statuts, de tenir chaque année au moins une assemblée générale pour y faire approuver leurs actes de gestion financière et d’administration.

L’article 19 encadre aussi les ressources des associations cultuelles et unions d’associations. Comme toutes les associations, elles peuvent, en application de l’article 6 de la loi de 1901, recevoir des cotisations de leurs membres. En outre, elles peuvent aussi recevoir des dons des fidèles, notamment le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, ainsi que des rétributions pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges, pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.

Depuis la loi du 25 décembre 1942 ([373]), les associations cultuelles et unions d’associations peuvent aussi percevoir des libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles, sauf opposition de l’autorité administrative dans les conditions prévues au II de l’article 910 du code civil.

Par ailleurs, aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice d’avantages et de ressources en provenance de l’étranger.

La seule interdiction figurant à l’article 19 de la loi de 1905 est que les associations cultuelles et les unions d’associations ne peuvent recevoir, sous quelque forme que ce soit, des subventions de l’État, des départements et des communes. À ce titre, ne sont pas considérées comme des subventions publiques les sommes allouées pour la réparation des édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.

Toutefois, cela n’empêche pas les associations cultuelles de pouvoir bénéficier de certains avantages fiscaux. Ainsi, elles sont éligibles aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt dans les conditions fixées par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. En outre, les lieux de culte bénéficient d’une exonération de la taxe foncière.

● En outre, conformément à l’article 21 de la loi de 1905, les associations cultuelles et les unions d’associations font l’objet de contrôles administratifs et comptables renforcés.

Le premier alinéa de l’article 21 de la loi de 1905 impose aux associations cultuelles et aux unions d’associations l’obligation de dresser, chaque année, leurs comptes annuels et l’état inventorié de leurs biens meubles et immeubles. La rédaction actuelle de l’alinéa résulte, d’une part, de l’article 13 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 ([374]), qui a supprimé l’obligation faite aux associations cultuelles de tenir un état de leurs recettes et de leurs dépenses ainsi que de dresser leur compte financier et, d’autre part, de l’article 47 de la loi du 10 août 2018 ([375]), qui a rétabli l’obligation d’établir des comptes annuels.

En application de l’article 47 de la loi du 10 août 2018 précitée, le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi de 1905 impose aussi aux associations cultuelles et aux unions d’associations de déclarer les dons qu’elles collectent via les services de paiement offerts par un fournisseur de réseaux ou de services de communications électroniques (autrement dit, par SMS).

En outre, conformément au troisième alinéa du même article 21, les associations cultuelles et unions d’associations sont également soumises à un contrôle financier exercé par les services fiscaux au nom du ministre des finances et par l’inspection générale des finances.

b.   La loi de 1905 prévoit les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations imposées aux associations cultuelles

En application du premier alinéa de l’article 23 de la loi de 1905, les directeurs ou administrateurs d’une association cultuelle ou d’une union d’associations qui contreviennent aux obligations qui leur sont imposées aux articles 18 à 22 de la même loi sont punis d’une amende prévue au 5° de l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. Le montant de cette amende s’élève à 1 500 euros. En cas de récidive, il peut être doublé.

En outre, conformément au second alinéa de l’article 23, les tribunaux peuvent, pour les mêmes raisons, prononcer la dissolution de l’association cultuelle ou de l’union concernée.

En l’état actuel du droit, les obligations et les sanctions prévues par la loi de 1905 ne s’appliquent qu’aux associations cultuelles et aux unions d’associations, mais pas aux associations mixtes relevant de la loi de 1907 ([376]), qui ont à la fois un objet cultuel – en principe minoritaire – et un objet culturel ou social. En effet, la loi de 1907 ne soumet pas les associations mixtes aux obligations administratives et comptables prévues pour les associations cultuelles aux articles 19 et 21 de la loi de 1905.

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article renforce les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations administratives et comptables imposées aux associations cultuelles. Il va de pair avec l’article 33 qui renforce ces obligations.

● Le étend le champ de la sanction prévue au premier alinéa de l’article 23 de la loi de 1905 en y intégrant le non-respect de l’obligation prévue à l’article 19‑1 de la même loi. Cette nouvelle obligation, créée à l’article 27 du projet de loi, impose aux associations souhaitant bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles de déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l’État dans le département.

● Le complète l’article 23 de la loi de 1905 par deux nouveaux alinéas, dont l’un crée une nouvelle sanction spécifique en cas de manquement aux nouvelles obligations administratives et comptables prévues aux cinq premiers alinéas de l’article 21 de la même loi. Le directeur ou l’administrateur d’une association cultuelle ou d’une union d’associations qui ne respecterait pas lesdites obligations pourra ainsi être puni de 9 000 euros d’amende.

Cette disposition va de pair avec les nouvelles obligations administratives et comptables instaurées par l’article 33 concernant la tenue des comptes et l’origine des ressources. En effet, la création de nouvelles obligations et le renforcement des sanctions participent visent à renforcer la transparence des associations cultuelles.

Selon l’étude d’impact, il s’agit de prévoir une amende à la fois dissuasive et proportionnée. La peine applicable est ainsi alignée « sur celle applicable aux sociétés anonymes (article L. 241-4 du code de commerce) et aux associations simplement déclarées pour leurs obligations comptables relatives à la perception de subventions et de dons (article L. 6124 du même code) » ([377]).

● En outre, le second alinéa ajouté par le à l’article 23 de la loi de 1905 prévoit qu’à la demande de toute personne intéressée, du ministère public ou du préfet, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association de produire les comptes annuels et les autres documents mentionnés à l’article 21 de la même loi. Le président du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités. Cette disposition vise à inciter les associations sanctionnées à se conformer rapidement aux exigences légales.

Dans son avis consultatif sur le projet de loi, le Conseil d’État ([378]) estime que les peines prévues ne sont pas disproportionnées par rapport aux infractions sanctionnées et qu’elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice des libertés d’association et de culte.

L’article 34 sera applicable sur l’ensemble du territoire. Il entrera en vigueur immédiatement mais ne sera applicable qu’une fois les nouvelles obligations administratives et comptables instaurées à l’article 33 mises en place, conformément aux modalités prévues à l’article 45.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel des rapporteurs.

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*     *

Article 35
(art. 19-3 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Obligation de déclarer les financements étrangers bénéficiant aux cultes
et droit d’opposition de l’autorité administrative

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Les ressources des associations cultuelles sont encadrées par les dispositions de l’article 19 de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, qui leur interdit notamment de recevoir des subventions publiques.

Toutefois, aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice de financements provenant de l’étranger, qu’il s’agisse de ressources en numéraire ou d’avantages en nature.

Cet article impose aux associations cultuelles recevant plus de 10 000 euros d’apports étrangers par an à déclarer le montant des avantages et ressources dont elles bénéficient. En outre, il permet à l’autorité administrative de s’opposer à la perception de ces financements en cas de menace.

       Modifications apportées par la commission

Outre un amendement rédactionnel, la commission a adopté un amendement qui précise la nature des avantages et ressources soumis à déclaration dans le but d’éviter tout contournement du dispositif.

1.   L’état du droit

Les associations cultuelles prévues à l’article 18 de la loi de 1905 ([379]) sont définies comme les « associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ». Elles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 ([380]) et sont, en outre, soumises à des obligations particulières prévues dans la loi de 1905.

Si aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice d’apports provenant de l’étranger, certains financements cachent des stratégies d’ingérence et de prise de contrôle pouvant favoriser des discours incitant à la haine, au refus du pluralisme confessionnel ou au rejet des principes de la République.

a.   Le droit existant autorise les associations cultuelles à recevoir des apports provenant de l’étranger

Si les ressources des associations cultuelles sont encadrées, rien ne leur interdit de recevoir des financements étrangers, qu’il s’agisse d’avantages et de ressources ou de libéralités.

● L’article 19 de la loi de 1905 encadre les ressources dont peuvent disposer les associations cultuelles. Ces règles sont applicables à la fois aux associations cultuelles stricto sensu et aux unions d’associations cultuelles prévues à l’article 20 de la même loi.

Comme toutes les associations, les associations cultuelles peuvent, en application de l’article 6 de la loi de 1901, recevoir des cotisations de leurs membres. En outre, elles peuvent aussi recevoir des dons des fidèles, notamment le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, ainsi que des rétributions pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges et pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux ou à la décoration de ces édifices.

La seule interdiction figurant à l’article 19 de la loi de 1905 est que les associations cultuelles et les unions d’associations ne peuvent recevoir, sous quelque forme que ce soit, des subventions de l’État, des départements et des communes. À ce titre, ne sont pas considérées comme des subventions publiques les sommes allouées pour la réparation des édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.

Toutefois, cela n’empêche pas les associations cultuelles de pouvoir bénéficier de certains avantages fiscaux. Ainsi, elles sont éligibles aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt dans les conditions fixées par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Les lieux de culte bénéficient aussi d’une exonération de la taxe foncière et de la taxe d’aménagement, tandis que les dons et legs faits aux associations cultuelles sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit par le 10° de l’article 795 du code général des impôts.

En outre, depuis la loi du 25 décembre 1942 ([381]), les associations cultuelles et unions d’associations peuvent aussi percevoir des libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles, sauf opposition de l’autorité administrative dans les conditions prévues au II de l’article 910 du code civil : si le préfet constate que l’organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu’il n’est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité et la priver d’effet.

● Néanmoins, aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice de financements provenant de l’étranger, qu’il s’agisse de ressources en numéraire, d’avantages en nature ou de libéralités.

Les seules dispositions existant en la matière concernent les libéralités consenties à des États étrangers ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités. Le III de l’article 910 du code civil prévoit que ces libéralités sont acceptées librement par ces États ou par ces établissements sauf opposition de l’autorité administrative dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

À ce titre, l’article 6-4 du décret du 11 mai 2007 ([382]) prévoit que le ministre de l’intérieur peut faire usage de son droit d’opposition :

– pour un motif tiré des engagements internationaux souscrits par la France ou de la défense de ses intérêts fondamentaux ;

– pour un motif tiré de la nature des activités de l’établissement étranger ou de ses dirigeants, en particulier en ce qui concerne les activités des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales mentionnées à l’article 1er de la loi du 12 juin 2001 ([383]) ;

– lorsque l’établissement étranger ne justifie pas que son droit national lui reconnaît la capacité juridique de recevoir des libéralités ou lorsque son objet statutaire ne lui permet pas d’exécuter les charges liées à la libéralité.

En outre, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État ([384]), le ministère de l’intérieur peut également faire usage de son droit d’opposition à l’acceptation d’une libéralité par un établissement étranger lorsque les activités de cet établissement ou de ses dirigeants, qu’elles soient menées en France ou à l’étranger, sont contraires à l’ordre public.

b.   Le besoin de transparence sur les financements étrangers bénéficiant aux associations cultuelles

● La plupart des cultes organisés en France – qu’il s’agisse des cultes historiques ou des cultes plus récemment installés – bénéficient d’apports financiers provenant de l’étranger. Ces apports prennent souvent la forme de subventions destinées à la construction de lieux de culte ou de mise à disposition d’immeubles destinés à l’exercice du culte. Ils peuvent aussi consister en une mise à disposition de personnels afin d’assurer les services cultuels.

Selon l’étude d’impact, les financements étrangers « sont largement présents dans l’islam en France, en premier lieu à travers l’action des États dits de “l’islam consulaire” (Algérie, Maroc et Turquie), qui financent sous forme de subventions de fonctionnement ou d’investissement […]. Ces trois États rémunèrent des “imams détachés” sur le territoire français qui sont affectés dans des mosquées affiliées aux fédérations rattachées à ces États. Ils ont pour certains une politique immobilière […] D’autres États ont également une action financière significative, les États du Golfe en particulier (Qatar, Arabie saoudite, Koweit en particulier), à travers le financement de prêcheurs ou la fourniture de subventions directes à la construction de mosquées » ([385]).

Néanmoins, l’islam n’est pas le seul culte présent en France qui bénéficie de financements étrangers. Ainsi, par exemple, la cathédrale catholique de la Résurrection Saint‑Corbinien d’Évry a été en partie financée par le diocèse de Munich. De même, le temple mormon du Chesnay a été en partie financé par des fonds américains. En outre, comme ses représentants l’ont indiqué lors de leur audition devant la commission spéciale, le culte orthodoxe bénéficie lui aussi de « prêtres détachés » – rémunérés, entre autres, par la Grèce – tandis que la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité de Paris, en partie construite par la Fédération de Russie, reste un lieu où « l’influence de l’État russe est évidente » ([386]).

Si les financements provenant de l’étranger semblent minoritaires – un rapport du Sénat de 2016 ([387]) estimait qu’environ 80 % des financements du culte catholique et du culte musulman provient des dons des fidèles – l’État ne dispose, en l’état actuel du droit, que d’une connaissance très parcellaire du financement étranger des cultes.

● Si la plupart des financements provenant de l’étranger se font ouvertement, certains d’entre eux poursuivent des objectifs cachés, voire des intentions malveillantes.

Ainsi, certains apports étrangers bénéficiant aux associations cultuelles établies en France sont volontairement dissimulés derrière des montages financiers complexes, pour lesquels il n’est fait aucune publicité. Par exemple, comme elle l’a indiqué aux rapporteurs, la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers a été saisie de l’activité du fonds de dotation « Passerelles » qui finançait la construction de mosquées, indirectement par la prise de parts dans des sociétés civiles immobilières, au moyen de financements reçus de Qatar Charity, un fonds gouvernemental qatari.

En outre, les objectifs poursuivis par les financements étrangers vont parfois au-delà de la simple volonté de permettre à des fidèles de pouvoir exercer leur culte librement. Ils peuvent créer une dépendance des associations cultuelles bénéficiaires à l’égard de leurs contributeurs et générer des prises de contrôle plus ou moins amicales sur les associations elles‑mêmes ou sur le contenu de leurs discours et enseignements.

Comme l’indique l’étude d’impact : certains « donateurs sont en réalité dans des stratégies de contrôle des discours, des opinions politiques, des affiliations religieuses ou des fidélités nationales ». Ils peuvent ainsi « favoriser des discours ou des pratiques favorisant la haine, le refus du pluralisme confessionnel ou le rejet des valeurs de la République » ([388]).

La situation est d’autant plus préoccupante qu’il est souvent difficile de distinguer le don d’une personne physique du don d’une organisation paraétatique derrière laquelle se cacherait l’action d’un État étranger pouvant s’apparenter à une ingérence sur le territoire national.

Il est vrai que, comme l’ont souligné les représentants des cultes durant leur audition devant la commission spéciale, toutes les associations relevant de la loi de 1901 – par exemple les associations culturelles ou sportives – reçoivent des apports provenant d’un État étranger, et parfois dans des proportions plus importantes que les associations cultuelles. Néanmoins, les auditions menées par la commission spéciale et par les rapporteurs ont montré que les apports étrangers perçus par les associations cultuelles sont loin d’être négligeables : le don unitaire le plus bas constaté est de 75 000 euros, la moyenne des dons unitaires est de 700 000 euros et la moyenne du montant total des dons perçus est de 1,15 million d’euros. De surcroît il convient de souligner que « dans l’immense majorité des cas […] identifiés, notamment grâce au travail de TRACFIN, les financements étrangers répondant à des visées séparatistes sont dirigés vers des associations cultuelles » ([389]).

Pour toutes ces raisons, le Conseil d’État, dans son avis consultatif sur le projet de loi, estime « qu’une meilleure connaissance des ressources d’origine étrangère contribuera […] à renforcer la transparence de la gestion des associations cultuelles et […] permettra également, sinon de prévenir, du moins de rendre plus difficile l’éventuelle ingérence d’États étrangers ou d’organisations liées à ces États dans le fonctionnement d’une association » ([390]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article du projet de loi insère un nouvel article 19-3 ([391]) au sein de la loi de 1905 qui impose aux associations cultuelles de déclarer les financements étrangers qu’elles reçoivent et permet à l’autorité administrative de s’opposer, sous conditions, à ces financements.

a.   Création pour les associations cultuelles d’une obligation de déclarer les avantages et ressources perçus de l’étranger

● Le I du nouvel article 19-3 de la loi de 1905 prévoit que toute association cultuelle est tenue de déclarer à l’autorité administrative les avantages et ressources versés en numéraire ou consentis en nature dont elle bénéficierait directement ou indirectement de la part d’un État étranger, d’une personne morale étrangère ou d’une personne physique non résidente en France. Devront aussi être déclarés les avantages apportés au moyen d’un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ([392]).

Cette obligation de déclaration s’applique à tous les avantages et ressources – énumérés de manière non exhaustive : apports en fonds propres, prêts, subventions, dons manuels et contributions volontaires – dont le montant ou la valorisation dépasse un seuil défini par un décret en Conseil d’État qui ne peut être inférieur à 10 000 euros, mais aussi lorsque le montant ou la valorisation du total des avantages et ressources dépasse ce même seuil sur un exercice comptable.

Dans son avis consultatif sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que l’obligation d’une déclaration par les associations cultuelles des avantages en numéraire et en nature reçus de l’étranger est justifiée au regard de « l’influence importante des cultes dans la société, ajoutée à la volonté d’ingérence de certains États ou organisations étrangers sur l’organisation du culte en France […]. Cette déclaration répond aux objectifs de transparence des comptes, le versement de ressources en numéraire ou en nature contribuant particulièrement à les rendre opaques » ([393]).

En outre, il indique que l’obligation de déclaration n’est pas contraire au droit de l’Union européenne. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que « l’objectif consistant à accroître la transparence du financement de certaines organisations, eu égard à l’influence qu’elles pouvaient avoir sur la vie publique, pouvait constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant des mesures destinées à assurer la transparence de ce financement, en particulier lorsqu’il est originaire de pays tiers à l’Union » ([394]).

● En application du II du nouvel article 19-3 de la loi de 1905, l’obligation de déclaration s’applique à l’ensemble des avantages et ressources apportés directement à une association cultuelle, mais aussi à ceux apportés à toute autre association, société ou entité dans des conditions telles qu’ils doivent être considérés comme bénéficiant à l’association elle-même. Il s’agit d’éviter tout contournement de l’obligation de déclaration en intégrant, par exemple, les sociétés civiles immobilières qui dépendraient d’une association. Comme le rappelle l’avis du Conseil d’État, la « prise en compte de la proximité de l’association avec d’autres organismes est admis par la jurisprudence » ([395]).

● Enfin, pour assurer l’effectivité du contrôle de l’État sur les avantages et ressources perçus par les cultes en provenance de l’étranger, les fiducies et personnes morales de droit français concernées seront tenues d’assurer la certification de leurs comptes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette disposition fait écho au 2° de l’article 33 du projet de loi qui oblige les associations cultuelles ayant bénéficié, au cours d’un exercice comptable, d’avantages ou de ressources provenant de l’étranger, à faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, selon des modalités déterminées par un décret en Conseil d’État.

b.   Création d’un droit d’opposition de l’administration aux apports étrangers destinés à une association cultuelle

Le III du nouvel article 19-3 de la loi de 1905 permet à l’autorité administrative – c’est-à-dire le préfet de département en coopération avec le service du traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) – de s’opposer à la perception des avantages et ressources qu’une association cultuelle recevrait de l’étranger et d’en exiger la restitution lorsque les agissements de l’association ou d’un de ses dirigeants ou que les agissements du donateur étranger « constituent une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ».

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État relève que ce droit d’opposition constitue une atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété. Toutefois, cette atteinte est acceptable dans la mesure où l’article 910 du code civil permet déjà à l’administration de s’opposer à l’acceptation par une association d’une libéralité provenant de l’étranger notamment lorsque ses activités ou celles de ses dirigeants sont contraires à l’ordre public ([396]).

En outre, le Conseil d’État indique que le droit d’opposition est également susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des capitaux prévue à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Conformément à la jurisprudence de la CJUE ([397]), le recours par un État membre à la notion d’ordre public pour justifier certaines restrictions aux libertés de circulation – telles qu’un dispositif pouvant aboutir à priver un organisme de ressources en provenance de l’étranger –, sur le fondement de l’article 65 du TFUE, ne peut se justifier qu’en présence d’une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour porter atteinte à un intérêt fondamental de la société ». En conséquence, l’autorité administrative ne pourra exercer son droit d’opposition que si cette condition est remplie.

Le III de l’article 19-3 de la loi de 1905 précise aussi que le droit d’opposition de l’autorité administrative ne peut s’exercer qu’après mise en œuvre d’une procédure contradictoire au cours de laquelle l’association cultuelle a été mise en mesure de présenter ses observations. En outre, il convient de souligner que l’exercice du droit d’opposition sera placé sous le contrôle du juge, qui pourra être saisi en référé en application des articles L. 521-1 ou L. 521-2 du code de justice administrative.

c.   Les sanctions applicables en cas de manquement à l’obligation de déclarer les avantages et ressources perçus de l’étranger

Afin d’assurer l’effectivité du nouveau dispositif de contrôle des financements étrangers, le IV de l’article 19-3 de la loi de 1905 prévoit des sanctions proportionnées à la gravité des infractions concernées.

Le non‑respect de l’obligation de déclaration est puni d’une amende de 3 750 euros, dont le montant peut être porté au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction. En outre, les personnes physiques ou morales coupables de l’infraction encourent également, dans les conditions prévues par l’article 131‑21 du code pénal, une peine complémentaire de confiscation de la valeur des avantages et ressources concernés.

Le fait pour un dirigeant, un administrateur ou un fiduciaire de ne pas respecter l’obligation de certification des comptes est puni d’une amende de 9 000 euros. Il s’agit de la même peine que celle prévue, pour des infractions similaires, à l’article 21 de la loi de 1905, dans sa rédaction résultant de l’article 34 du projet de loi.

En cas d’opposition formée par l’autorité administrative, l’association bénéficiaire sera tenue de restituer les avantages et ressources concernés. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois sera puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans et de 30 000 euros d’amende ainsi que d’une peine complémentaire de confiscation desdits avantages et ressources.

Au regard de la gravité des infractions qu’elles sanctionnent, le Conseil d’État considère que ces peines ne sont pas disproportionnées.

d.   Les modalités d’application

Le nouvel article 19-3 de la loi de 1905 sera applicable à la fois aux associations cultuelles relevant de la loi de 1905 et aux associations mixtes relevant de la loi de 1907 ([398]), qui ont à la fois un objet cultuel – en principe minoritaire – et un objet culturel ou social. En effet, l’article 4 de la loi de 1907, dans sa rédaction résultant de l’article 30 du projet de loi, prévoit que les associations à objet mixte sont également soumises, entre autres, aux dispositions de l’article 19-3 de la loi de 1905.

L’article 19-3 de la loi de 1905 sera aussi, en application de l’article 29 du projet de loi, applicable aux unions d’associations cultuelles.

L’article 35 a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire, sans entrée en vigueur différée. Toutefois, un décret en Conseil d’État viendra préciser certaines de ses modalités d’application, en particulier les conditions dans lesquelles les personnes et organismes concernés par le dispositif doivent assurer la certification de leurs comptes.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement, présenté par les rapporteurs, qui précise la nature des avantages et ressources soumis à déclaration et complète la liste figurant au quatrième alinéa de l’article 35 en ajoutant les mécénats de compétences, les prêts de main d’œuvre, les dépôts en liquide et les titres de créance. L’objectif est d’éviter tout contournement de l’obligation de déclaration.

La commission a également adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel présenté par les rapporteurs.

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Article 36
(art. 910-1 [nouveau] du code civil)
Droit d’opposition de l’autorité administrative aux libéralités
bénéficiant aux associations cultuelles en provenance de l’étranger

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Si l’article 19 de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État encadre les ressources des associations cultuelles, il leur ouvre aussi la possibilité de recevoir des libéralités dans les conditions définies à l’article 910 du code civil.

Afin de renforcer le contrôle exercé sur les financements étrangers perçus par les associations cultuelles, cet article insère un nouvel article 910-1 dans le code civil qui permet à l’autorité administrative de s’opposer aux libéralités bénéficiant aux associations cultuelles en provenance de l’étranger en cas de menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de précision.

1.   L’état du droit

Les associations cultuelles prévues à l’article 18 de la loi de 1905 ([399]) sont définies comme les « associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ». Elles sont constituées conformément aux dispositions des articles 5 à 9 de la loi de 1901 ([400]) et sont, en outre, soumises à des obligations particulières prévues dans la loi de 1905.

Si la loi de 1905 impose des contraintes aux associations cultuelles, elle leur offre aussi des avantages dont ne disposent pas les associations relevant de la loi de 1901. Ainsi, la capacité des associations cultuelles à recevoir des libéralités, combinée au manque de transparence sur les financements étrangers des cultes, rend ces associations vulnérables aux stratégies d’ingérence et de prise de contrôle de la part d’États étrangers mal intentionnés.

a.   Le droit existant réglemente les ressources des associations cultuelles mais leur accorde la capacité de recevoir des libéralités

● L’article 19 de la loi de 1905 encadre les ressources dont peuvent disposer les associations cultuelles. Ces règles sont applicables à la fois aux associations cultuelles stricto sensu et aux unions d’associations cultuelles prévues à l’article 20 de la même loi.

Comme toutes les associations, les associations cultuelles peuvent, en application de l’article 6 de la loi de 1901, recevoir des cotisations de leurs membres. En outre, elles peuvent aussi recevoir des dons des fidèles, notamment le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, ainsi que des rétributions pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges et pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux ou à la décoration de ces édifices.

La seule interdiction figurant à l’article 19 de la loi de 1905 est que les associations cultuelles et les unions d’associations ne peuvent recevoir, sous quelque forme que ce soit, des subventions de l’État, des départements et des communes. À ce titre, ne sont pas considérées comme des subventions publiques les sommes allouées pour la réparation des édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.

Cela n’empêche pas les associations cultuelles de pouvoir bénéficier de certains avantages fiscaux. Ainsi, elles sont éligibles aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt dans les conditions fixées par les articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts. Les lieux de culte bénéficient aussi d’une exonération de la taxe foncière et de la taxe d’aménagement, tandis que les dons et legs faits aux associations cultuelles sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit par le 10° de l’article 795 du code général des impôts.

● Par ailleurs, les associations cultuelles ont la capacité juridique de recevoir des libéralités. Ainsi, depuis la loi du 25 décembre 1942 ([401]) : l’article 19 de la loi de 1905 prévoit ainsi que les associations cultuelles et unions d’associations peuvent percevoir des libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles, dans les conditions prévues au II de l’article 910 du code civil.

Il s’agit d’un avantage propre aux associations cultuelles dont ne bénéficient pas toutes les associations relevant de la loi de 1901. La loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ([402]) a complété l’article 6 de la loi de 1901 afin de permettre à certaines associations d’accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires, dans les conditions définies au même II de l’article 910 du code civil. Toutefois, cette possibilité n’est ouverte qu’aux associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Cela ne concerne donc que les œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ainsi que les organismes concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

De ce fait, les associations mixtes relevant de la loi de 1907 ([403]), qui ont à la fois un objet cultuel – en principe minoritaire – et un objet culturel ou social, n’ont pas la possibilité de recevoir des libéralités. En effet, elles ne remplissent pas la condition prévue à l’article 6 de la loi de 1901, puisqu’elles exercent en partie des activités cultuelles qui ne sont pas mentionnées au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts.

S’agissant des conditions dans lesquelles les associations cultuelles – ce qui inclut les associations cultuelles et les établissements publics du culte dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle – et les associations en ayant la capacité peuvent recevoir des libéralités, le premier alinéa du II de l’article 910 du code civil prévoit que les dispositions entre vifs ou par testament sont acceptées librement, sauf opposition de l’autorité administrative. Le deuxième alinéa du II du même article 910 dispose que si le représentant de l’État constate que l’organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu’il n’est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut s’opposer à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d’effet.

Un droit d’opposition similaire existe aussi pour les libéralités consenties à des États étrangers ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités. Le III de l’article 910 du code civil prévoit que ces libéralités sont acceptées librement par ces États ou par ces établissements sauf opposition de l’autorité administrative dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. À ce titre, l’article 6-4 du décret du 11 mai 2007 ([404]) prévoit que le ministre de l’intérieur peut faire usage de son droit d’opposition :

– pour un motif tiré des engagements internationaux souscrits par la France ou de la défense de ses intérêts fondamentaux ;

– pour un motif tiré de la nature des activités de l’établissement étranger ou de ses dirigeants, en particulier en ce qui concerne les activités des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales mentionnées à l’article 1er de la loi du 12 juin 2001 ([405]) ;

– lorsque l’établissement étranger ne justifie pas que son droit national lui reconnaît la capacité juridique de recevoir des libéralités ou lorsque son objet statutaire ne lui permet pas d’exécuter les charges liées à la libéralité.

En outre, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État ([406]), le ministère de l’intérieur peut également faire usage de son droit d’opposition à l’acceptation d’une libéralité par un établissement étranger lorsque les activités de cet établissement ou de ses dirigeants, qu’elles soient menées en France ou à l’étranger, sont contraires à l’ordre public.

b.   Les associations cultuelles étant en capacité de bénéficier de libéralités provenant de l’étranger, elles sont plus particulièrement concernées par les risques d’ingérence

Aucune règle, ni aucun principe ne s’opposent à ce qu’une association cultuelle bénéfice de financements provenant de l’étranger, qu’il s’agisse de ressources en numéraire, d’avantages en nature ou de libéralités. De fait, la plupart des cultes organisés en France – qu’il s’agisse des cultes historiques ou des cultes plus récemment installés – bénéficient d’apports financiers provenant de l’étranger, comme détaillé supra (voir commentaire de l’article 35).

Si la plupart des financements provenant de l’étranger se font ouvertement, certains d’entre eux poursuivent des objectifs cachés, voire des intentions malveillantes. Ainsi, certains apports étrangers bénéficiant aux associations cultuelles établies en France sont volontairement dissimulés derrière des montages financiers complexes, pour lesquels il n’est fait aucune publicité. La situation est d’autant plus préoccupante qu’il est souvent difficile de distinguer le don d’une personne physique du don d’une organisation paraétatique derrière laquelle se cacherait l’action d’un État étranger pouvant s’apparenter à une ingérence sur le territoire national.

En outre, les objectifs poursuivis par les financements étrangers vont parfois au delà de la simple volonté de permettre à des fidèles de pouvoir exercer leur culte librement. Ils peuvent créer une dépendance des associations cultuelles bénéficiaires à l’égard de leurs contributeurs et générer des prises de contrôle plus ou moins amicales sur les associations elles‑mêmes ou sur le contenu de leurs discours et enseignements.

Il est vrai que, comme l’ont souligné les représentants des cultes durant leur audition devant la commission, toutes les associations relevant de la loi de 1901 – par exemple les associations culturelles ou sportives – reçoivent des apports provenant d’un État étranger, et parfois dans des proportions plus importantes que les associations cultuelles. Néanmoins, les auditions menées par la commission et par les rapporteurs ont montré que  « dans l’immense majorité des cas […] identifiés, notamment grâce au travail de TRACFIN, les financements étrangers répondant à des visées séparatistes sont dirigés vers des associations cultuelles » ([407]).

En outre, si les financements étrangers passent par des subventions destinées à la construction de lieux de culte, ils prennent aussi souvent la forme de mises à disposition d’immeubles destinés à l’exercice du culte. En cela, la capacité des associations cultuelles à recevoir des libéralités est un avantage dont ne bénéficient pas toutes les associations relevant de la loi de 1901, ni les associations mixtes relevant de la loi de 1907. Dans cette perspective, l’étude d’impact souligne que des États étrangers « ont pour certains une politique immobilière : le Maroc a acquis la pleine propriété d’au moins quatre “grandes mosquées” » ([408]).

Pour ces raisons, le Conseil d’État, dans son avis consultatif sur le projet de loi, estime « qu’une meilleure connaissance des ressources d’origine étrangère contribuera […] à renforcer la transparence de la gestion des associations cultuelles et […] permettra également, sinon de prévenir, du moins de rendre plus difficile l’éventuelle ingérence d’États étrangers ou d’organisations liées à ces États dans le fonctionnement d’une association » ([409]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article duplique l’article 910 du code civil en vue de créer un régime d’autorisation préalable des libéralités reçues par les associations cultuelles en provenance de l’étranger. Il va de pair avec l’article 35 du projet de loi qui renforce les contrôles sur les apports dont bénéficient les cultes.

Le présent article insère un nouvel article 910-1 dans le code civil qui prévoit que les dispositions entre vifs ou par testament consenties directement ou indirectement à des associations cultuelles par des États étrangers, des personnes morales étrangères ou des personnes physiques non résidentes « sont acceptées librement par ces associations et ces établissements, sauf opposition formée par l’autorité administrative compétente ».

L’autorité administrative a donc la possibilité de s’opposer à l’acceptation d’une telle libéralité – et de la priver d’effet – « pour le motif mentionné au III de l’article 19‑3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée », créé par l’article 35 du projet de loi, c’est-à-dire lorsque les agissements de l’association ou d’un de ses dirigeants ou que les agissements du donateur étranger « constituent une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ».

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État relève que le droit d’opposition constitue une atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété. Toutefois, cette atteinte est acceptable dans la mesure où l’article 910 du code civil permet déjà à l’administration de s’opposer à l’acceptation par une association d’une libéralité provenant de l’étranger notamment ses activités ou celles de ses dirigeants sont contraires à l’ordre public ([410]) .

En outre, le Conseil d’État indique que le droit d’opposition est également susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des capitaux prévue à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Conformément à la jurisprudence de la CJUE ([411]), le recours par un État membre à la notion d’ordre public pour justifier certaines restrictions aux libertés de circulation – telles qu’un dispositif pouvant aboutir à priver un organisme de ressources en provenance de l’étranger –, sur le fondement de l’article 65 du TFUE, ne peut se justifier qu’en présence d’une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour porter atteinte à un intérêt fondamental de la société ». En conséquence, l’autorité administrative ne pourra exercer son droit d’opposition que si cette condition est remplie.

Ces dispositions sont confirmées au deuxième alinéa du II de l’article 19-2 de la loi de 1905, dans sa rédaction résultant de l’article 28 du projet de loi, qui dispose que les associations cultuelles « peuvent recevoir, dans les conditions prévues par le II de l’article 910 et par l’article 910-1 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles ».

Les articles 35 et 36 imposent donc un ensemble cohérent d’obligations s’imposant aux associations cultuelles de nature à renforcer la transparence sur les apports reçus par ces dernières en provenance de l’étranger. Les nouveaux dispositifs permettront ainsi de mieux limiter l’ingérence de certains États ou organisations étrangers sur l’organisation du culte en France.

Toutefois, à la différence de l’article 35, l’article 36 ne s’applique pas aux associations mixtes qui, comme une partie des associations relevant de la loi de 1901, n’ont pas la capacité juridique de recevoir des libéralités. Par ailleurs, l’article 36 sera applicable aux congrégations et, dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle, aux établissements publics du culte et aux associations de droit local à objet cultuel.

L’article 36 a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire, sans entrée en vigueur différée. Toutefois, un décret en Conseil d’État doit venir préciser les conditions dans lesquelles s’exerce l’opposition de l’autorité administrative à une libéralité.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement de précision présenté par les rapporteurs qui substitue aux termes « dispositions entre vifs ou par testament » – lesquels ont du sens pour des personnes physiques ou morales, mais moins pour des États étrangers – le synonyme plus approprié de « libéralités ».

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Section 2
Police des cultes

Article 37
(art. 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Renforcement des sanctions au titre de la police des cultes

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit des peines contraventionnelles de cinquième classe en cas d’infraction à plusieurs dispositions relatives notamment au caractère public du culte et au respect des arrêtés municipaux.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

En application du premier alinéa de l’article 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la violation des dispositions suivantes de cette même loi est passible d’une « peine de police » :

– le fait de tenir des réunions pour la célébration du culte dans les locaux appartenant ou mis à disposition d’une association cultuelle qui ne seraient pas ouvertes au public (article 25) ;

– le fait de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice du culte (article 26) ;

– le non-respect des arrêtés régissant les manifestations extérieures d’un culte et les sonneries de cloche (article 27) ;

– le fait d’élever, d’apposer un signe ou un emblème religieux sur un monument public ou un emplacement public (article 28 de la loi du 9 décembre 1905 précitée).

Ces contraventions visent les personnes qui ont organisé la réunion ou manifestation, qui y ont participé en tant que ministre du culte et qui ont fourni le local ([412]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° du présent article procède à la modernisation de la rédaction de l’article 29 de la loi du 9 décembre 1905 précitée ainsi qu’à l’aggravation du quantum de la peine.

Ces infractions seront dorénavant passibles d’une contravention de la 5ème classe, soit une amende de 1 500 euros, pouvant être portée à 3 000 euros en cas de récidive – contre 450 euros au plus dans le droit en vigueur. Comme le note l’étude d’impact : « La réécriture de ces infractions aurait pu se faire a minima, à travers la simple actualisation de la « peine de police » en contravention de la 3ème classe. Le choix a été fait de procéder à une modification du quantum de la peine en recourant au régime de la contravention de 5ème classe au regard de la gravité des infractions appréciée à la lumière du contexte social et politique actuel. »

Une infraction de nature contraventionnelle relève en principe du domaine réglementaire. Dès lors que l’ensemble des autres infractions en matière de police des cultes relève de la loi du 9 décembre 1905, le Gouvernement a fait le choix de maintenir cette disposition, avec l’avis favorable du Conseil d’État ([413]).

Le 2° du présent article tire les conséquences de la renumérotation de l’article 26 de la loi du 9 décembre 1905 par l’article 40 du projet de loi ([414]).

3. La position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel des rapporteurs avec avis favorable du Gouvernement.

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Article 38
(art. 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Renforcement des sanctions en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article renforce les peines prévues en cas d’atteinte à la liberté d’exercer un culte ou de s’abstenir de l’exercer, en les alignant sur celles prévues par le code pénal pour des infractions similaires.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels.

1.   L’état du droit

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État réprime plusieurs types de comportements portant atteinte au libre exercice des cultes ([415]) :

– le fait, soit par voies de fait, violences ou menaces, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou de l’exposer à un dommage, de déterminer une personne à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à quitter une association cultuelle, à contribuer ou à ne pas contribuer aux frais d’un culte (article 31) ;

– le fait d’empêcher, retarder ou interrompre les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices (article 32).

Dans les deux cas, ces infractions sont punies de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe. Cette classification est insuffisante au regard de l’intérêt protégé à savoir la liberté d’exercice du culte, a fortiori lorsque ces infractions sont commises par la voie de violences.

À titre de comparaison, le délit d’entrave à la liberté de réunion prévu à l’article 431-1 du code pénal est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende lorsqu’il est commis au moyen de menaces. Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque cette infraction est commise à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° du présent article crée un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour les menaces ayant des conséquences sur l’exercice du culte par un individu. Cette même peine est prévue pour le fait d’empêcher, retarder ou interrompre les exercices d’un culte. Cela emporte des conséquences en matière procédurale, notamment le possible recours aux mesures restrictives de liberté.

Le 2° du présent article reprend la gradation prévue pour le délit d’entrave à la liberté de réunion précité en portant à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende la peine encourue lorsque l’auteur des faits aura agi par voie de fait ou violence.

Cette rédaction découle des préconisations du Conseil d’État ([416]).

3. La position de la commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels des rapporteurs avec un avis favorable du Gouvernement.

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Article 39
(art. 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Renforcement des peines pour certaines infractions lorsqu’elles sont commises dans des lieux de culte ou aux abords de ces lieux

Adopté avec modifications par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article aggrave les peines prévues par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors que les provocations à commettre certaines infractions graves ou que les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes sont commises dans des lieux où s’exerce le culte ou aux abords de ces lieux.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté, sur proposition des rapporteurs et avec avis favorable du Gouvernement, un amendement de réécriture globale de cet article, afin d’abroger l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et de conserver uniquement le régime prévu par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

1.   L’état du droit

L’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État punit d’une peine allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement le fait, pour un ministre du culte, de provoquer soit à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, soit à se soulever ou s’armer contre les autres citoyens. Pour être répréhensibles, ces actes doivent être réalisés au moyen de discours ou d’un écrit affiché ou distribué publiquement dans le lieu où s’exerce le culte.

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit plusieurs infractions similaires mais en les réprimant plus fortement :

– l’article 23 considère comme des complices « ceux qui, soit par des discours, (…) proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, (…) des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet » ;

– les cinq premiers alinéas de l’article 24 sanctionnent de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende les provocations publiques non suivies d’effet à commettre certaines infractions graves ([417]) ;

– le sixième alinéa de cet article 24 punit de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe, « tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics » ;

– les septième et huitième alinéas de l’article 24 punissent d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article prévoit une réécriture de l’article 35. Il est non seulement prévu de renvoyer aux qualifications pénales prévues par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, mais également d’aggraver le quantum de la peine encourue dès lors que les infractions seront commises dans un lieu où s’exerce le culte ou aux abords de ces lieux :

 

Infraction

Peine encourue (article 24 de la loi du 29 juillet 1881)

Peine encourue (projet de loi)

Provocations publiques non suivies d’effet à commettre :

– les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles ;

– les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes ;

– les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal.

L’apologie publique des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi.

Cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

Sept ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics

Contraventions de la 5ème  classe

3 750 euros d’amende

Provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

Un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

Trois d’ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende

Source : commission spéciale chargée d’examiner les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Il s’agit en outre d’une double extension puisque le dispositif ne visera plus uniquement les ministres du culte mais toute personne d’une part, et d’autre part, car le dispositif vise désormais également les « abords » des lieux de culte.

Le Conseil d’État a émis un certain nombre de critiques sur ces dispositions. En effet, il « observe que les peines prévues par l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse sont déjà lourdes, ce qui s’explique par la gravité des comportements en cause. Aussi, s’il est justifié que les ministres du culte ne bénéficient plus, comme c’est le cas actuellement, d’un traitement plus favorable que les autres personnes ayant commis les mêmes infractions, il est permis de se demander si, à l’inverse, le seul fait que l’infraction soit commise dans un lieu de culte ou à ses abords justifie que son auteur, quel qu’il soit, soit puni plus sévèrement. Le Gouvernement invoque l’influence particulière d’un ministre du culte et la perméabilité de son auditoire. Mais d’autres responsables peuvent, dans d’autres domaines, exercer une influence importante sur les personnes destinataires de leurs messages. De plus, l’aggravation des sanctions ne s’appliquerait pas seulement aux propos tenus à l’intérieur du lieu de culte par un ministre du culte : elle s’étendrait à ceux tenus par toute personne, y compris à l’extérieur de ce lieu. Or, ces personnes ne sont pas, par rapport à certains autres responsables qui s’adressent eux aussi à des auditoires sur lesquels ils exercent une forte influence, dans une situation tellement différente qu’elle justifierait la différence de traitement prévue par le projet. En outre, le Conseil d’État n’estime pas souhaitable de multiplier les particularités de la règle pénale en prévoyant, pour des infractions identiques, des sanctions différentes selon la situation de l’auteur de l’infraction. » ([418])

3. La position de la commission

La commission a adopté, sur proposition des rapporteurs et avec avis favorable du Gouvernement, un amendement de réécriture globale de cet article.

Le présent article abroge l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, qui punit actuellement d’une peine allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement le fait, pour un ministre du culte, de provoquer soit à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, soit à se soulever ou s’armer contre les autres citoyens.

La situation actuelle ne paraissait donc pas satisfaisante dès lors qu’elle prévoit un régime plus favorable pour des infractions commises par un ministre du culte que le régime de droit commun prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ce qui ne paraît pas justifié.

En conséquence, il a paru souhaitable à la commission de ne conserver qu’un seul régime, celui de la loi du 29 juillet 1881. C’est d’ailleurs la proposition qui a été faite par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, dans le prolongement de ses critiques sur cet article du projet de loi.

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Article 40
(art. 26 [abrogé] et art. 35–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Modernisation et renforcement des règles relatives à l’interdiction de la tenue de réunions politiques et d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modernise et renforce les règles relatives à l’interdiction de la tenue de réunions politiques et il prévoit une nouvelle interdiction relative à l’organisation d’opérations de vote dans des locaux servant à l’exercice d’un culte.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de précision.

1.   L’état du droit

L’article 26 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte, la violation de cette disposition étant aujourd’hui passible d’une peine de police (article 29) ([419]).

Le Conseil d’État a appliqué aux « dépendances nécessaires, fonctionnellement indissociables » des édifices du culte le régime de l’affectation légale de ces édifices ([420]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article procède à la renumérotation de l’article 26, qui devient l’article 35–1.

Le 1° du présent article élargit le périmètre du lieu de l’interdiction de tenue d’une réunion politique aux dépendances qui constituent un accessoire indissociable du lieu de culte. Cette formulation reprend strictement celle qui est applicable pour les biens du domaine public en vertu de l’article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par ailleurs, il crée, pour ces mêmes lieux, une nouvelle interdiction, dans le prolongement de celle qui existe aujourd’hui : celle d’afficher, de distribuer ou de diffuser de la propagande électorale.

Le 2° du présent article proscrit les opérations électorales françaises et étrangères dans les lieux de culte ou utilisés par une association cultuelle, ce qui paraît cohérent avec les dispositions existantes.

En outre, il confère un caractère délictuel aux infractions à l’article 35–1 en prévoyant une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cela emporte des conséquences procédurales, puisqu’il sera désormais possible de mettre en œuvre des mesures de poursuites restrictives de libertés, notamment par le placement en garde à vue du prévenu.

D’après l’étude d’impact, « cette rédaction plus adaptée aux problématiques contemporaines permettra de réprimer des pratiques qui se répandent consistant soit pour les cadres religieux à s’immiscer, en particulier lors des campagnes électorales, en organisant lors des offices ou en marge de ceux-ci, ou dans les lieux de culte, des prises de paroles dédiées aux questions politiques totalement indépendantes du culte, ou à constituer un relais de politiques d’États étrangers ; soit à des candidats de venir vanter leur bilan ou leur action dans des lieux de culte dans le cadre de campagnes électorales. » ([421])

Le Conseil d’État a soutenu ce dispositif, estimant que l’aggravation de la sanction « n’est pas disproportionnée au regard de la gravité des agissements en cause. » ([422])

3. La position de la commission

La commission a adopté un amendement de précision porté par M. Philippe Vigier et les membres du groupe DEM, avec l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

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Article 41
(art. 36 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Modification des conditions de la mise en cause de la responsabilité civile de l’association lors de la commission de certaines infractions

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article précise les conditions de la mise en cause de la responsabilité civile de l’association lors de la commission de certaines infractions.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

L’article 36 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État dispose que l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise est civilement responsable dans le cas de condamnation aux infractions pénales suivantes :

– exercice public du culte (article 25) ;

– interdiction de tenir des réunions politiques (article 26) ;

– outrage ou diffamation par un ministre du culte envers un citoyen chargé d’un service public (article 34) ;

– provocation par un ministre du culte à la résistance à l’exécution des lois ou aux actes de l’autorité publique (article 35).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° et le 2° du présent article procèdent respectivement à une modification rédactionnelle et à une modification tirant les conséquences de la renumérotation d’un article de la loi du 9 décembre 1905 précitée par l’article 40 du projet de loi.

Le 3° du présent article prévoit la possibilité que l’association cultuelle puisse s’exonérer de sa responsabilité lorsque l’infraction a été commise par une personne non membre de l’association ou n’agissant pas à l’invitation de celle-ci et dans des conditions dont celle-ci ne pouvait avoir connaissance.

Le Conseil d’État a validé ce dispositif, considérant que « cette modification (…) adapte le dispositif au principe de personnalisation des peines ». ([423])

3. La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 42
(art. 36–1 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Création d’une peine alternative ou complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de culte

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit qu’une interdiction de paraître dans les lieux de culte puisse être prononcée par le juge à titre de peine alternative ou de peine complémentaire pour les délits relatifs à la police des cultes, ainsi qu’en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement visant à prévoir que la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de culte soit prononcée de manière systématique à l’encontre des personnes s’étant rendues coupables d’un délit en matière de police des cultes, d’apologie du terrorisme ou d’appel à la haine. La juridiction peut ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée.

1.   L’état du droit

Aux termes de l’article 131–6 du code pénal, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l’emprisonnement, une ou plusieurs peines alternatives parmi lesquelles :

– la suspension ou l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de conduire certains véhicules, l’interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif d’anti-démarrage par éthylotest électronique ;

– la confiscation ou l’immobilisation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

– l’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, la confiscation d’armes, le retrait du permis de chasser ;

– l’interdiction d’émettre certains chèques ;

– la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

– l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction ;

– l’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise ;

– l’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l’infraction ;

– l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Lorsque le délit est seulement puni d’une peine d’amende, ces peines peuvent être prononcées à la place de l’amende, mais ne peuvent s’y ajouter (article 131-7 du code pénal).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article introduit dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État un nouvel article 36–1 instituant une peine alternative ou complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de cultes pour :

– fait, soit par voies de fait, violences ou menaces, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou de l’exposer à un dommage, de déterminer une personne à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à quitter une association cultuelle, à contribuer ou à ne pas contribuer aux frais d’un culte (article 31 de la loi du 9 décembre 1905 précitée) ;

– fait d’empêcher, retarder ou interrompre les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices (article 32 de la loi du 9 décembre 1905 précitée) :

– outrage ou diffamation par un ministre du culte envers un citoyen chargé d’un service public (article 34 de la loi du 9 décembre 1905 précitée) ;

– provocation à commettre certaines infractions et apologie de certains crimes quand ils sont commis dans un lieu de culte ou aux abords de ceux–ci (article 35 de la loi du 9 décembre 1905 précitée) ;

– délits de provocation à des actes de terrorisme ou d’apologie de ces actes prévus à l’article 421-2-5 du code pénal ;

– délits de provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes sanctionnés par les septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

L’apport principal de cet article par rapport au droit en vigueur réside dans le fait que cette peine pourra être prononcée de manière complémentaire même si seule une amende a été prononcée.

Le Conseil d’État a émis un avis favorable à cet article, estimant que « ces mesures sont justifiées par la nécessité d’éloigner des lieux de culte les personnes qui y ont commis les infractions en question et dont la présence pourrait avoir une influence néfaste sur les fidèles ou entraîner des troubles à l’ordre public ». ([424])

3. La position de la commission

La commission a adopté, sur proposition des rapporteurs et avec un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement visant à prévoir que la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de culte soit prononcée de manière systématique à l’encontre des personnes s’étant rendues coupables d’un délit en matière de police des cultes, d’apologie du terrorisme ou d’appel à la haine.

Dans le respect du principe d’individualisation des peines, il est toutefois prévu que la juridiction puisse ne pas prononcer cette peine par une décision spécialement motivée.

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Article 43
(art. 36–2 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État)
Interdiction temporaire de diriger une association cultuelle pour les personnes condamnées pour des actes de terrorisme

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article interdit à toute personne condamnée pour des actes de terrorisme ou pour apologie du terrorisme de diriger ou d’administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence.

1.   L’état du droit

Le droit positif comporte un certain nombre de dispositifs, spécifiques ou de droit commun, permettant à la juridiction de prononcer des peines complémentaires pour les personnes condamnées pour terrorisme.

Ainsi, l’article 422-3 du code pénal prévoit que ces personnes encourent les de peines complémentaires suivantes :

– l’interdiction temporaire des droits civiques, civils et de famille ;

– l’interdiction temporaire d’exercer une fonction publique, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ;

– l’interdiction temporaire de séjour dans certains lieux.

Aux termes de l’article 422–4, l’interdiction du territoire français peut être prononcée, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’une infraction terroriste.

Par ailleurs, depuis la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, l’article 4218 du code pénal permet la condamnation des personnes coupables d’infractions de nature terroriste à un suivi socio-judiciaire ([425]). Ce suivi socio-judiciaire est régi par les articles 131‑36‑1 à 131‑36‑8 du code pénal. Les obligations susceptibles d’être prononcées sont les trente-trois mesures énumérées par le code pénal dans le cadre du régime de la probation ([426]), qui comprennent notamment :

– les obligations de répondre aux convocations du juge, d’obtenir son autorisation pour tout changement d’emploi ou de résidence, de l’informer de tout déplacement à l’étranger, ou encore de s’astreindre à une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique destinée à permettre la réinsertion ;

– les interdictions de paraître en certains lieux et d’entrer en relation avec certaines personnes ;

– le placement sous surveillance électronique mobile.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article insère dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État un nouvel article 36–2 prévoyant un régime d’incapacité spécifique, au terme duquel une personne condamnée pour actes de terrorisme, y compris pour apologie du terrorisme, ne pourra diriger ou administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

Le Conseil d’État a validé ce dispositif, estimant que « cette incapacité est justifiée par le caractère particulièrement sensible des activités cultuelles. » ([427])

3. La position de la commission

La commission a adopté un amendement des rapporteurs, avec avis favorable du Gouvernement, visant à corriger une erreur de référence.

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Article 44
(art. 36–3 [nouveau] de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État)
Création d’une nouvelle mesure de fermeture administrative temporaire des lieux de culte et des locaux dépendant du lieu de culte

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une nouvelle mesure de fermeture administrative des lieux de culte et des locaux en dépendant, à caractère temporaire, qui permet de compléter le dispositif existant issu de la loi du 30 octobre 2017 dite « SILT ». Il vise à lutter contre des agissements de nature à troubler gravement l’ordre public en provoquant à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Un lieu de culte est un endroit servant à la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement de certains rites ou pratiques dans le cadre d’une croyance religieuse. Il ne s’agit donc pas nécessairement d’un édifice du culte tel qu’une cathédrale, une synagogue, un temple, une pagode ou une mosquée. D’après l’étude d’impact du projet de loi, le nombre de lieux de culte sur le territoire est estimé à 52 000 ([428]).

En l’état du droit, plusieurs dispositifs très différents permettent de fermer un lieu de culte.

Cette fermeture peut relever de dispositifs de droit commun, non spécifiques aux lieux de culte :

– la législation relative aux établissements recevant du public (articles L. 123–1 et suivants du code de la construction et de l’habitation) ;

– le cas échéant, la législation de droit privé régissant les rapports entre propriétaires et locataires (résiliation de bail, expulsion locative…).

Elle peut également résulter de deux dispositifs spécifiques aux lieux de culte. L’article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence permet, en période d’état d’urgence et dans les seules zones où il est déclaré, au ministre de l’intérieur ou au préfet d’ordonner « la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature, en particulier des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ».

Lors de l’état d’urgence de 2015–2017, dix-neuf lieux de culte ont ainsi fait l’objet d’une fermeture en application de cette disposition.

Les lieux de culte fermés durant l’état d’urgence

– salle de prière du Beausoleil (06), fermée par arrêté du 17 novembre 2015 ;

– mosquée de Drap (06), située dans un garage, ayant fait l’objet d’une fermeture le 19 novembre 2015, renouvelée à cinq reprises ;

– mosquée « Nour » de Nice (06), ayant fait l’objet d’une fermeture le 24 novembre 2015, renouvelée à cinq reprises ;

– mosquée du port de Gennevilliers (92), fermée par arrêté du 24 novembre 2015 ;

– salle de prière « Eden » de Tourette-Levens (06), fermée par arrêté du 25 novembre 2015 ;

– mosquée de l’Arbresle (69), fermée par arrêté du 26 novembre 2015 ;

– mosquée de Lagny-sur-Marne (77), fermée par arrêté du 1er décembre 2015 ;

– mosquée du Cannet (06), appelée « L’Olivet », fermée par arrêté du 8 décembre 2015, renouvelé à cinq reprises ;

– mosquée de Saint-André-de-la-Roche (06), située dans le foyer ADOMA, fermée par arrêté du 18 août 2016, renouvelé à deux reprises ;

– mosquée « Al Rawda » de Stains (93), fermée du 2 novembre 2016 au 9 mai 2017 ;

– mosquée de Villiers-sur-Marne (94), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

 mosquée d’Ecquevilly (78), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

– mosquée de Clichy-sous-Bois (93), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

– salle de prière du foyer ADEF à Pontoise (95), fermée par arrêté du 22 décembre 2016 ;

– mosquée du Calendal à Aix-en-Provence (13), fermée par arrêté du 31 janvier 2017, mesure renouvelée le 14 juillet 2017 ;

– mosquée « Asounna » de Sète (34), fermée par arrêté du 5 avril 2017 ;

 mosquée de Torcy (77), fermée par arrêté du 10 avril 2017, mesure renouvelée le 14 juillet 2017 ;

– mosquée de Fontenay-aux-Roses (92), fermée par arrêté du 28 septembre 2017 ;

– mosquée « salle des Indes » de Sartrouville (78), fermée par arrêté du 2 octobre 2017.

L’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 2 de la loi n° 2017–1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), permet au préfet de prononcer la fermeture temporaire d’un lieu de culte ([429]).

Ce dispositif ne peut intervenir qu’aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et ne peut excéder six mois. En outre, il fait l’objet d’une procédure particulièrement protectrice puisque l’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office.

Le Conseil constitutionnel a reconnu que si la mesure de fermeture d’un lieu de culte portait atteinte à la liberté de conscience et au libre exercice des cultes, une telle atteinte n’en demeurait pas moins justifiée au regard de l’objectif poursuivi de prévention du terrorisme et proportionnée compte tenu de son encadrement ([430]).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT, huit lieux de culte ont fait l’objet d’une fermeture administrative sur ce fondement.

Les lieux de culte fermés sur le fondement de la loi SILT

– la mosquée « Dar Es Salam » (dite « mosquée du Calendal ») à Aix-en-Provence, fermée par arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 16 novembre 2017, arrivé à échéance le 18 mai 2018 ;

– la salle de prière « salle des Indes » à Sartrouville, fermée par arrêté du préfet des Yvelines du 17 novembre 2017, arrivé à échéance le 20 mai 2018 ;

– la mosquée « As Sounna » à Marseille, fermée par arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 11 décembre 2017, arrivé à échéance le 13 juin 2018. Par ailleurs, l’association gestionnaire de cette mosquée a été dissoute par décret du Président de la République du 31 août 2018 ;

– la salle de prière « Abu Darda » de Gigean, fermée par arrêté du préfet de l’Hérault du 14 mai 2018, arrivé à échéance au 16 novembre 2018 ;

– la salle de prière du « centre Zahra » à Grande-Synthe, fermée par arrêté du préfet du Nord du 15 octobre 2018, arrivé à échéance le 17 avril 2019 ;

– la mosquée « As-Sunnah » à Hautmont, fermée par arrêté du préfet du Nord du 13 décembre 2018, arrivé à échéance le 15 juin 2019 ;

– la mosquée « Al-Kawthar » à Grenoble, fermée par arrêté du préfet de l’Isère du 4 février 2019, arrivé à échéance le 7 août 2019 ;

– la grande mosquée de Pantin, fermée par arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis, le 19 octobre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty.

Ce nombre relativement faible s’explique par la difficulté pour les services de renseignement de rassembler des éléments permettant de satisfaire au double critère exigé par la loi (prévention du terrorisme et discours de haine ou incitant au terrorisme). Dans les faits, comme l’a souligné le rapport du Gouvernement sur l’application de la loi SILT, les services de l’État s’appuient donc sur un faisceau d’indices tels que :

– des messages véhiculés de manière active (prêches, organisation de conférences, diffusion d’écrits, invitation de personnalités connues pour leur soutien à Daech, etc.) ou passive (renvoi à des idées ou théories par mise à disposition des fidèles d’ouvrages, de liens internet correspondant à des sites prosélytes) ;

– les fréquentations : implication des membres dirigeant le lieu de culte ou de fidèles dans des organisations terroristes ou liens entretenus avec des individus en lien avec ces organisations ;

– les activités organisées au sein du lieu de culte (enseignement coranique exaltant les valeurs du djihad, activités sportives constituant des lieux d’endoctrinement ou d’entraînement au djihad, organisation d’une filière de combattants, activités de soutien aux détenus pour des motifs en lien avec le terrorisme) ([431]).

Par conséquent, les pouvoirs publics admettent prononcer la fermeture de lieux de culte, de dépendances de ceux-ci ou encore de débits de boissons dans lesquels se retrouvent des prédicateurs sur le fondement des dispositions de droit commun, notamment de celles propres à la législation des établissements recevant du public. Bien qu’elle ne soit en rien illégale, cette situation qui détourne les dispositions précitées de leur objectif initial (le contrôle de la conformité des bâtiments aux règles de sécurité et d’accessibilité) n’apparaît pas satisfaisante.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article insère dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État un nouvel article 36–3 reprenant largement les dispositions de l’article L. 227–1 du code de la sécurité intérieure (voir infra).

Le I instaure une nouvelle procédure de fermeture administrative, à l’initiative du préfet, des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence.

Cette disposition se distingue de celle prévue par l’article L. 227–1 sur deux points. D’abord, elle n’est pas finalisée à la seule prévention du terrorisme, ce qui constitue une extension importante. Ensuite, même si les motifs de fermeture sont assez proches, on observe la suppression dans le dispositif proposé des raisons liées au terrorisme mais aussi à la discrimination, remplacées par la justification ou l’encouragement de la haine ou de la violence envers une personne ou un groupe de personnes. Cette rédaction est directement issue des recommandations du Conseil d’État, qui a estimé que le terme de « provocation à la discrimination » était d’une portée trop incertaine et qu’elle donnait au champ de la mesure un caractère trop large ([432]).

Les modalités de fermeture reprennent celles énoncées à l’article L. 227–1, à l’exception majeure de la durée maximale de fermeture, qui est limitée à deux mois – au lieu de six.

Comparaison entre les dispositifs de fermeture des lieux de culte

 

Article L. 227–1 du code de la sécurité intérieure

Article 44 du projet de loi

Finalité 

Seule prévention du terrorisme

 

Motifs de la fermeture

Lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes.

Lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence.

Autorité

Préfet

Préfet

Procédure

Arrêté motivé et fermeture précédée d’une procédure contradictoire.

 

L’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office.

 

Toutefois, si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d’office avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique ou, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande.

Arrêté motivé et fermeture précédée d’une procédure contradictoire.

 

L’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office.

 

Toutefois, si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d’office avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique ou, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande.

Durée maximale

6 mois

2 mois

Lieux concernés

Lieux de culte

Lieux de culte

Locaux dépendants du lieu de culte

Sanction en cas de violation

6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende

6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende

Source : commission spéciale chargée d’examiner les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Le II introduit une dimension nouvelle par rapport à l’article L. 227–1 puisqu’il permet de fermer également les locaux dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée s’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés pour faire échec à l’exécution de cette mesure.

Cette disposition est cruciale car l’expérience acquise au cours des dernières années a montré que les locaux annexes pouvaient constituer un moyen de contournement de l’arrêté préfectoral de fermeture, l’étude d’impact en citant un exemple : « Malgré la fermeture du lieu de culte, l’arrêté ayant été pris dans le cadre de la loi SILT, les notes de renseignement ont permis d’établir que les fidèles continuaient à se réunir dans l’enceinte immobilière et que l’imam continuait à tenir ses prêches dans une salle annexe au lieu effectivement fermé par la mesure initiale. Par la suite, les dirigeants du lieu de culte ont continué d’organiser divers rassemblements et rencontres à destination des fidèles au sein du même centre culturel. »

Nos collègues Yaël Braun–Pivet, Raphaël Gauvain et Eric Ciotti, qui ont mené les travaux de contrôle de la loi SILT, sont parvenus à la même conclusion de la nécessité d’une extension de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure aux locaux annexes ([433]).

Le III, s’agissant de la procédure et le IV, s’agissant des sanctions en cas de violation de la fermeture, reprennent exactement les termes employés à l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.

3. La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Chapitre III
Dispositions transitoires

Article 45
Dispositions transitoires pour les associations cultuelles

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit des mesures d’entrée en vigueur différée afin de faciliter l’application des dispositions relatives à la déclaration de la qualité cultuelle des associations qui souhaitent bénéficier du régime juridique propre aux associations cultuelles.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté trois amendements rédactionnels et de coordination.

Le I du présent article prévoit que les associations cultuelles doivent se conformer aux obligations du quatrième alinéa de l’article 19 (modification des statuts afin qu’ils prévoient des organes délibérants dotés d’un certain nombre de prérogatives) et 19–1 (déclaration préalable pour pouvoir bénéficier des avantages octroyés aux associations cultuelles) de la loi du 9 décembre 1905 précitée dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur des décrets en Conseil d’État prévus par ces articles.

Toutefois, lorsque ces associations cultuelles ont bénéficié d’une réponse favorable dans le cadre d’un rescrit administratif ou qu’elles ont bénéficié d’une décision de non–opposition à l’acceptation d’une libéralité avant l’entrée en vigueur de la loi, elles ne sont soumises à ces deux dispositions qu’à compter de l’expiration de la validité de ces décisions ou à l’issue d’un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du décret d’application de l’article 19–1 si cette date est plus tardive.

En outre, les associations cultuelles doivent se conformer à l’obligation de certification des comptes en cas de financement étranger (article 21 de la loi du 9 décembre 1905 précitée), au plus tard le 1er janvier suivant le premier exercice comptable complet suivant l’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État prévu.

Le II du présent article prévoit que les associations mixtes doivent se conformer aux obligations du troisième alinéa de l’article 19 (présentation annuelle des actes de gestion financière et d’administration légale des biens à l’assemblée générale) de la loi du 9 décembre 1905 précitée et à l’article 4–1 (nouvelles obligations comptables) de la loi du 2 janvier 1907 précitée, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur des décrets en Conseil d’État prévus par les articles 19 et 21 de la loi du 9 décembre 1905.

Le III du présent article prévoit que, dans les départements d’Alsace et de la Moselle, les associations inscrites de droit local à objet cultuel constituées avant l’entrée en vigueur de la loi doivent se conformer aux dispositions de présentation annuelle des actes de gestion financière et d’administration légale des biens à l’assemblée générale et des 2e à 7e alinéas de l’article 79–V du code civil local (contrôle annuel de l’assemblée générale sur les actes de gestion et d’administration légale des biens, déclaration de financement étranger et obligations comptables), dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur des décrets en Conseil d’État prévus par les articles 19 et 21 de la loi du 9 décembre 1905.

3. La position de la commission

Outre deux amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission a adopté un amendement de coordination du Gouvernement tirant les conséquences de l’adoption d’un amendement à l’article 31.

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—  1  —

Titre III
dispositions diverses

Article 46
(art. L. 561-24 et L. 765-13 du code monétaire et financier)
Extension de la portée du droit d’opposition de TRACFIN

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le service du traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) joue un rôle central dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

TRACFIN dispose notamment du pouvoir de s’opposer à la réalisation d’une opération soupçonnée d’être liée au blanchiment du produit d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou au financement du terrorisme dans l’attente d’une éventuelle saisie administrative ou judiciaire.

En l’état actuel du droit, l’exercice de ce droit d’opposition est limité par des contraintes procédurales qui, dans certaines affaires, entraînent un risque de déperdition des sommes frauduleuses.

En conséquence, cet article élargit la portée du pouvoir d’opposition de TRACFIN en lui permettant de bloquer temporairement l’ensemble des opérations liées à une même infraction potentielle.

       Modifications apportées par la commission

Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les opérations susceptibles de faire l’objet d’un droit d’opposition de TRACFIN. Elle a aussi adopté un amendement qui exonère de toute responsabilité les personnes chargées d’exécuter une opération suspendue par TRACFIN et qui leur permet de déroger au principe de confidentialité aux fins de prévenir l’autorité judiciaire.

1.   L’état du droit

Le service du traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) est un service à compétence nationale placé sous l’autorité des ministres chargés de l’économie, des finances et du budget. Créé en 1990 ([434]), il relève aujourd’hui des articles L. 561-23 et suivants du code monétaire et financier. Il est chargé d’animer et de coordonner, sur le plan national et international, les moyens d’investigations des administrations ou services dédiés à la recherche des infractions en matière douanière ou fiscale liées aux circuits financiers clandestins et au blanchiment d’argent.

TRACFIN joue un rôle majeur dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Son existence répond aux exigences fixées et par le droit de l’Union européenne ([435]), qui impose à chaque État membre l’obligation de créer une cellule de renseignement financier nationale chargée de recevoir, d’analyser et de communiquer aux autorités compétentes les informations relatives aux mouvements suspects de capitaux, ainsi qu’aux règles définies par le par le groupe d’action financière (GAFI) ([436]).

En outre, TRACFIN est aussi un service de renseignement qui œuvre pour prévenir les atteintes aux intérêts de la Nation, protéger les personnes, les biens et les institutions, y compris la forme républicaine de ses institutions.

Pour remplir ses missions, TRACFIN dispose de moyens humains et matériels importants pour trier et analyser les renseignements recueillis. Ainsi, la loi de finances pour 2020 ([437]) prévoyait une hausse de 15 équivalents temps plein (ETP) et celle pour 2021 ([438]) renforce encore le service de 5 nouveaux ETP de sorte que le plafond d’emplois du service atteint désormais 197 ETP. En outre, TRACFIN dispose de moyens technologiques conséquents et investit dans l’intelligence artificielle.

Outre ses moyens humains et matériels, TRACFIN dispose d’importantes prérogatives, et notamment du pouvoir de s’opposer à la réalisation d’une opération soupçonnée d’être frauduleuse. L’exercice de ce droit d’opposition est toutefois limité par des contraintes procédurales.

a.   TRACFIN dispose de prérogatives importantes, qui incluent un pouvoir d’opposition aux opérations soupçonnées d’être frauduleuses

● Pour remplir sa mission de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, TRACFIN dispose d’importants pouvoirs d’investigation.

En application de l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ([439]) sont tenues de déclarer à TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme ».

Conformément au III de l’article L. 561-23 du code monétaire et financier, TRACFIN analyse et « enrichit » les déclarations de soupçon des professionnels assujettis et exploite tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration.

Lorsque les investigations de TRACFIN mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d’une infraction punie d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou du financement du terrorisme, le service peut, en application de l’article L. 561-30-1 du code monétaire et financier, saisir le procureur de la République, au moyen d’une note d’information, des opérations susceptibles de trouver une qualification pénale.

● Les prérogatives de TRACFIN incluent un pouvoir d’opposition qui permet au service de suspendre temporairement l’exécution d’une opération soupçonnée d’être frauduleuse.

Ainsi, en application de l’article L. 561-24 du code monétaire et financier, TRACFIN peut s’opposer à la réalisation d’une opération non encore exécutée, dont il a eu connaissance à l’occasion des informations qui lui ont été communiquées, et qui est susceptible d’être liée au blanchiment du produit d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou au financement du terrorisme. Son opposition est notifiée au professionnel assujetti chargé de réaliser l’opération.

En cas d’opposition, l’exécution de l’opération est suspendue pendant une durée de dix jours ouvrables à compter de l’émission de la notification de cette opposition. Il s’agit d’éviter l’évasion des capitaux litigieux vers l’étranger ou leur dissipation (retraits en espèces, liquidation d’un contrat d’assurance), dans l’attente d’une saisie administrative ou judiciaire des sommes litigieuses.

Le délai de dix jours, d’une part, permet à TRACFIN d’enrichir ses renseignements et d’élaborer sa note d’information et, d’autre part, laisse le temps à l’autorité judiciaire de prendre connaissance du dossier et d’en apprécier tous les éléments. Il peut déboucher soit, en cas d’enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République, sur des réquisitions motivées de saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d’obtention d’une ordonnance de saisie pénale, soit, dans le cadre d’une information judiciaire, sur une ordonnance de saisie pénale prise directement par le juge d’instruction. Cette ordonnance est notifiée au professionnel assujetti ainsi qu’à la personne détentrice des avoirs.

Ce délai reste relativement court mais constitue un équilibre dans la mesure où, tant qu’il court, le professionnel assujetti se trouve dans la situation délicate de devoir reporter l’opération sans pouvoir donner d’explications à son client. En effet, en application du dernier alinéa du I de l’article L. 561-24 et de l’article L. 574-1 du code monétaire et financier, la révélation de l’exercice du droit d’opposition par TRACFIN constitue une infraction pénale incriminée et punie d’une amende de 22 500 euros ([440]). Le délai peut être prorogé par le président du tribunal judiciaire de Paris, mais cette possibilité n’a jamais été mise en œuvre.

Comme l’explique l’étude d’impact, le droit d’opposition de TRACFIN s’exerce en concertation avec l’autorité judiciaire, via des contacts informels entre les magistrats détachés auprès du service et les magistrats en juridiction : « quand bien même il n’est pas conditionné dans la loi à l’accord de l’autorité judiciaire, le droit d’opposition de TRACFIN n’est, en pratique, pas mis en œuvre si l’autorité judiciaire ne le juge pas opportun. Cela permet de ne pas reporter inutilement une opération pendant dix jours, de ne pas exposer le professionnel en charge de l’opération et de ne pas révéler l’existence d’investigations en cours » ([441]).

Le droit d’opposition de TRACFIN est donc utilisé avec parcimonie. Le service a fait usage de cette prérogative sept fois en 2018, onze fois en 2019 et cinquante fois en 2020 ([442]). Ces chiffres sont à comparer aux 95 732 déclarations de soupçons reçues par TRACFIN en 2019, ayant donné lieu à 3 738 notes administratives, de renseignement ou de transmission judiciaire.

b.   Le pouvoir d’opposition de TRACFIN est entravé par des contraintes procédurales

En pratique, l’exercice du droit d’opposition dont dispose TRACFIN est entravé par des contraintes procédurales. En effet, en l’état actuel du droit, le droit d’opposition ne peut viser qu’une seule opération à la fois, même quand plusieurs opérations sont menées à partir du produit d’une seule et unique infraction. Cela oblige TRACFIN à répéter l’exercice de son droit d’opposition, opération par opération, autant de fois que nécessaire.

En outre, le service ne peut s’opposer à l’ensemble des opérations que si le professionnel assujetti réalise bien de façon systématique une nouvelle déclaration de soupçon à chaque nouvelle tentative de mouvement. Il existe donc un réel risque de déperdition des sommes concernées entre le moment où la première opposition est exercée et une éventuelle saisie pénale dans le délai de dix jours.

D’après l’étude d’impact, il n’est pas rare que TRACFIN doive exercer plusieurs fois son droit d’opposition dans une même affaire. Ainsi, le service a fait usage de cette prérogative à huit reprises dans un même dossier en septembre 2020 et à cinq reprises dans un autre dossier en octobre 2020 ([443]).

En outre, les contraintes procédurales qui encadrent l’exercice du droit d’opposition de TRACFIN ne lui permettent pas, en cas de dissolution d’une association relevant de la loi de 1901 ([444]) qui ne respecte pas les principes de la République, de se prémunir contre une tentative d’évacuation des actifs de cette association, notamment vers l’étranger, intervenant entre le moment où la décision est prise et celui où la dissolution est effective.

 

Exemple concret tiré de l’étude d’impact ([445])

Un compte bancaire est crédité d’un million d’euros d’origine suspecte. Le titulaire du compte ordonne un virement de 10 000 euros.

En l’état actuel du droit, TRACFIN ne pourra s’opposer qu’à l’exécution de cette opération de 10 000 euros, et sera dépendant d’autres éventuelles déclarations de soupçon sur d’autres tentatives de mouvements, pour réaliser d’autres droits d’opposition.

Avec la modification proposée, TRACFIN pourra s’opposer non seulement au mouvement de 10 000 euros mais aussi, par anticipation, à toute nouvelle opération au débit du compte, dans le but d’éviter la dissipation de la somme d’un million d’euros dans l’attente d’une éventuelle saisie pénale à intervenir dans le délai de 10 jours.

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article élargit la portée du pouvoir d’opposition de TRACFIN en lui permettant de bloquer temporairement l’ensemble des opérations liées à une même infraction potentielle.

● Le 1° du I, qui modifie le premier alinéa de l’article L. 561‑24 du code monétaire et financier, prévoit que le pouvoir de TRACFIN de s’opposer à une opération lui étant signalée peut également s’étendre, par anticipation, à l’exécution de toute autre opération liée à celle-ci et portant sur les mêmes sommes signalées par le professionnel assujetti.

La rédaction actuelle résulte d’une recommandation du Conseil d’État qui jugeait nécessaire de faire explicitement apparaître que le pouvoir de suspension par anticipation ne peut s’exercer qu’à l’égard d’opérations liées entre elles.

● Les 2° à 6° du I modifient également l’article L. 561‑24 du code monétaire et financier afin de procéder aux coordinations rédactionnelles qui résultent de la modification prévue au 1° du I.

L’article permet donc d’alléger les contraintes procédurales qui encadrent l’action de TRACFIN et de sécuriser les saisies pénales en bloquant l’ensemble des fonds. Elle permet aussi de simplifier la conduite à tenir pour les professionnels assujettis en charge de l’opération, qui n’auront plus à s’interroger sur le report ou l’absence de report des opérations qui suivraient la première opération signalée.

L’étude d’impact précise que le nouveau droit d’opposition dit « général », consistant à suspendre par anticipation toutes les opérations liées à une même somme d’argent, ne se substitue pas au report ciblé d’une seule et unique opération, qui sera toujours possible. En outre, TRACFIN demeurera libre d’exercer son pouvoir d’opposition sans appliquer ce dernier aux opérations de vie courante comme, par exemple, des paiements de petit montant en carte bancaire.

● L’article sera applicable sans entrée en vigueur différée. L’article D. 561‑36 du code monétaire et financier sera modifié pour tenir compte de l’évolution de l’article L. 561-24, mais il ne s’agira que d’une simple harmonisation légistique sans évolution de fond.

Les nouvelles dispositions seront applicables sur l’ensemble du territoire y compris dans les départements et régions d’outre-mer ainsi que dans les collectivités d’outre-mer, où la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme s’applique, dans les conditions définies pour chaque collectivité dans le code monétaire et financier.

Le II modifie l’article L. 765-13 du code monétaire et financier, dans la mesure où l’application de l’article aux îles Wallis et Futuna nécessite qu’y soit précisé que l’article L. 561‑24 du même code s’applique « dans sa rédaction résultant de la loi […] confortant le respect des principes de la République ».

3.   La position de la commission

Outre deux amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, deux amendements de fond.

Un amendement des rapporteurs prévoit que le droit d’opposition de TRACFIN s’exerce sous réserve qu’il soit possible de suspendre l’exécution des opérations concernées, dans des conditions définies par décret. En effet, si un virement bancaire peut aisément être suspendu, cela est moins évident pour un paiement par carte bancaire, qui est soit accepté, soit refusé. Il s’agit donc de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer quelles opérations sont ou ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un droit d’opposition de TRACFIN.

L’autre amendement des rapporteurs, d’une part, exonère de toute responsabilité les personnes chargées d’exécuter une opération suspendue par TRACFIN, afin d’éviter que le client dont l’opération est suspendue ne puisse se retourner, par exemple, contre son établissement bancaire. D’autre part, il autorise, à titre exceptionnel, les personnes en charge de l’exécution d’une opération suspendue à déroger au principe de confidentialité qui couvre les opérations de TRACFIN aux fins de prévenir l’autorité judiciaire.

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Titre IV
dispositions relatives à l’outre-mer

Article 47
(art. 43 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, art. 7 [nouveau] de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, décret du 6 février 1911 modifié déterminant les conditions d’application à la Martinique, à la Guadeloupe et à La Réunion des lois sur la séparation des Églises et de l’État et l’exercice public des cultes [abrogé])
Mesures d’harmonisation du régime des cultes en outre-mer avec le cadre juridique métropolitain

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article renforce l’harmonisation du régime des cultes en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint–Barthélémy et à Saint–Martin avec le régime applicable en métropole.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’état du droit

Le décret du 6 février 1911 ([446]) détermine le régime des cultes applicable en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Ce décret est également applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin en raison du principe de continuité institutionnelle.

Le régime existant dans ces collectivités est très proche de celui résultant des lois du 9 décembre 1905 ([447]) et du 2 janvier 1907 ([448]). Il ne paraît donc plus nécessaire de conserver un régime distinct.

2.   Dispositions du projet de loi

Le I propose une nouvelle rédaction de l’article 43 de la loi du 9 décembre 1905 dont l’écriture actuelle est devenue obsolète.

L’alinéa 2 dispose que la loi du 9 décembre 1905 précitée serait applicable de plein droit en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint–Barthélémy et à Saint–Martin.

Les alinéas 3 à 6 procèdent aux ajustements nécessaires pour tenir compte de l’organisation institutionnelle à Saint–Barthélémy et à Saint–Martin.

Le II insère un nouvel article 7 à la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

L’alinéa 9 dispose que désormais, la loi du 2 janvier 1907 serait applicable de plein droit en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint–Barthélémy et à Saint–Martin.

Les alinéas 10 à 13 procèdent aux ajustements nécessaires pour tenir compte de l’organisation institutionnelle à Saint–Barthélémy et à Saint–Martin.

En conséquence, le III du présent article abroge le décret du 6 février 1911 précité.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 48
Application en Polynésie française des dispositions relatives à la protection des héritiers réservataires

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend les dispositions de l’article 13, relatives à la protection des héritiers réservataires, applicables en Polynésie française.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 49
(art. L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
art. 17 [nouveau], 235 et 23-6 de la loi n° 2002-411 du 27 mars 2002
relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte)
Adaptation des dispositions relatives à la délivrance des
titres de séjour et aux pensions de réversion à Mayotte

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Compte tenu de la spécificité des dispositions relatives au mariage à Mayotte, cet article adapte, pour ce département d’outre-mer, les modalités d’application des dispositions des articles 14 et 15 du projet de loi concernant la délivrance de titres de séjour et le droit à pension de réversion.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 14.

1.   L’état du droit

La polygamie était autorisée à Mayotte, de manière générale jusqu’en 2003 puis, entre 2003 et 2010, uniquement pour les personnes ayant atteint l’âge requis pour se marier au 1er janvier 2005.

Ainsi, en application de l’article 68 de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outremer ([449]), l’article 52-2 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte ([450]) prévoyait ainsi que « nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du ou des précédents » ; cette disposition n’était applicable qu’aux « personnes accédant à l’âge requis pour se marier au 1er janvier 2005 ». L’âge requis pour se marier était quant à lui fixé, depuis 2000, à dix-huit ans pour les hommes et à quinze ans pour les femmes ([451]).

En 2010, la polygamie a été totalement interdite pour l’avenir. Le 3° du II de l’article 16 de l’ordonnance du 3 juin 2010 ([452]) a abrogé l’article 52-2 de la loi du 11 juillet 2001 précitée et le 1° de l’article 9 de la même ordonnance a rendu l’article 147 du code civil applicable à Mayotte, sous réserve d’un aménagement de la condition requise pour se marier de dissoudre préalablement le ou les mariages.

2.   Les dispositions du projet de loi

Compte tenu de la spécificité des dispositions relatives au mariage à Mayotte, cet article adapte, pour ce département d’outre-mer, les modalités d’application des articles 14 et 15 du projet de loi concernant la délivrance de titres de séjour et le droit à pension de réversion.

Le I, qui rétablit le 1° de l’article L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, adapte l’application de la réserve générale relative à la polygamie pour la délivrance des titres de séjour prévue à l’article 14 du projet de loi.

D’une part, il prévoit que, par exception à la première phrase du nouvel article L. 311-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui interdit la délivrance d’un document de séjour à un ressortissant étranger qui vit en France en état de polygamie, les titres de séjour des étrangers en état de polygamie légalement constituée à Mayotte à la date de publication de la loi du 21 juillet 2003 ou de l’ordonnance du 3 juin 2010 précitées peuvent être renouvelés.

D’autre part, il prévoit que, par dérogation à la seconde phrase de l’article L. 311-2 du même code, les documents de séjour détenus par les ressortissants mentionnés à l’état précédent ne sont pas retirés.

Le II, qui modifie l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, adapte quant à lui les dispositions de l’article 15 du projet de loi, qui crée un nouvel article L. 161-23-1 A dans le code de la sécurité sociale, lequel limite le bénéfice d’une pension de réversion à un seul conjoint survivant même en cas de pluralité de conjoints survivants.

Le 1° du II rétablit l’article 17 de l’ordonnance du 27 mars 2002 précitée qui prévoit que la limitation ne s’applique qu’aux pensions de réversion prenant effet à compter de la publication de la présente loi, à l’exception de celles versées aux conjoints ayant contracté mariage avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 3 juin 2010 précitée.

Le 2° du II complète les articles 23-5 et 23-6 de l’ordonnance du 27 mars 2002 précitée en vue de préciser que l’article 17 de l’ordonnance, rétabli au 1° du même II, s’applique aux résidents à Mayotte qui exercent une profession libérale, au sens de l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’à ceux qui exercent la profession d’avocat salarié ou non salarié, « pour le droit à pension de réversion dans leurs régimes d’assurance vieillesse de base et complémentaire légal ou rendu légalement obligatoire ».

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de coordination, présenté par les rapporteurs, qui réécrit le I de l’article 49 afin de tenir compte de la nouvelle rédaction du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, résultant d’une ordonnance du 16 décembre 2020 ([453]), ainsi que de la nouvelle rédaction de l’article 14 lui aussi modifié en conséquence.

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Article 49 bis (nouveau)
(art. L. 442-1, L. 443-1, L. 444-1, L. 445-1, L. 446-1, L. 652-1, L. 653-1, L. 654-1, L. 655-1
et L. 656-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Application de l’article 14 relatif à la réserve de polygamie en outre-mer

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article résulte d’un amendement du rapporteur, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Il modifie les tableaux surnommés « compteurs Lifou » du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui indiquent les dispositions du code applicables dans les différentes collectivités d’outre-mer.

Il s’agit de rendre l’article 14 relatif à la réserve générale de polygamie pour la délivrance des titres de séjour applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Ces modifications tiennent compte de l’ordonnance du 16 décembre 2020 ([454]), qui modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qui a conduit à modifier la rédaction de l’article 14 du projet de loi.

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Article 50
(art. L. 285-1, L. 286-4 et L. 287-1 du code de la sécurité intérieure)
Application des dispositions liées à la dissolution administrative des associations et groupements de fait en Polynésie française,
en NouvelleCalédonie et à Wallis-et-Futuna

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à étendre à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les modifications apportées aux modalités de dissolution des associations et groupements de fait par l’article 8 du présent projet de loi.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel.

1.   L’état du droit

Plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure, dont l’article L. 212‑1 relatif à la dissolution administrative des associations et groupements de fait, sont applicables aux collectivités d’outre-mer, en vertu des articles suivants :

– l’article L. 285-1 pour la Polynésie française ;

– l’article L. 286-1 pour la Nouvelle-Calédonie ;

– l’article L. 287-1 pour Wallis-et-Futuna.

Ces trois articles précisent que les articles du code de la sécurité intérieure visés le sont dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure étant modifié par l’article 8 du présent projet de loi, le présent article propose de remplacer dans les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 la mention à l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 par la mention à la loi qui entrera en vigueur à l’issue de l’adoption du présent projet de loi. Cette dernière constituera alors en effet la dernière modification de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.

En outre, l’article 50 propose de tirer la conséquence de la création des articles L. 212-1-1 et L. 212-1-2 par l’article 8 du présent projet de loi, en prévoyant que ces articles s’appliqueraient également en Polynésie française, en Nouvelle‑Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Ces articles complétant le régime juridique de la dissolution administrative fixé par l’article L. 212-1, leur application doit être étendue aux collectivités visées.

3.   La position de la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel, présenté par le rapporteur, visant à simplifier la coordination entre le projet de loi et les autres projets de loi en cours de navette.

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Article 51
(art. L. 1521-1 et L. 1521-4 du code de la sécurité sociale)
Application à Wallis-et-Futuna des dispositions relatives à l’interdiction des certificats de virginité

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend applicables à Wallis-et-Futuna les dispositions relatives à l’interdiction des certificats de virginité prévues par l’article 16 du présent projet de loi.

       Modifications apportées par la commission

La commissiona a adopté cet article sans modification.

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Article 52 (nouveau)
(art. 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Application des dispositions relatives au contrat d’engagement républicain
en outre-mer

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article résulte d’un amendement du rapporteur, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Il modifie l’article 41 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en vue de rendre l’article 6 du projet de loi, instituant le contrat d’engagement républicain, applicable en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

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Article 53 (nouveau)
(art. 57 de la loi n° 2004 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)
Application des dispositions relatives à la lutte contre les sites dits « miroirs »
en outre-mer

Introduit par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article résulte d’un amendement du rapporteur, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Il modifie l’article 57 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique en vue de rendre l’article 19 du projet de loi, relatif à la lutte contre les sites dits « miroirs » ([455]), applicable en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

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   Annexes

annexe 1 :
Liste des personnes entendues par la commission spéciale

(par ordre chronologique)

     M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur

     M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports

     M. Bernard Stirn, membre de l’Institut, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État

     M. Jean Baubérot, historien et sociologue, professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’École Pratique des Hautes Études

     Mme Frédérique de La Morena, maître de conférence en droit public à l’université de Toulouse, membre du Conseil des sages de la laïcité placé auprès du ministre de l’Éducation nationale

     Monseigneur Éric de MoulinsBeaufort, président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, et Père Hugues de Woillemont, secrétaire général de la Conférence

     M. Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, et M. Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France

     M. Olivier Wang-Genh, président exécutif de l’Union bouddhiste de France

     Son Eminence le métropolite Emmanuel (Adamakis), président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF)

     M. François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, et M. Jean-Daniel Roque, membre du bureau et conseiller juridique

     Table ronde des représentants de courants philosophiques :

– Grand Orient de France  M. Benoît Graisset-Recco, troisième Grand Maître adjoint, en charge de la laïcité, et M. Jean Javanni, Grand Officier délégué à la laïcité

– Grande Loge Mixte de France  M. Edouard Habrant, Grand Maître

– Grande Loge de France – M. Pierre-Marie Adam, Grand Maître, et Me Philippe Nugues, avocat et membre de la Grande Loge de France

– Grande Loge Féminine de France – Mme Marie-Claude Kervella-Boux, présidente, et Mme Marie Bidaud, présidente de la commission nationale de la laïcité

– Grande Loge Nationale Française – M. Jean-Pierre Rollet, Grand Maître, et M. Patrick Meneghetti, collaborateur en charge des affaires juridiques

– Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain – M. Georges Voileau, Grand Maître national, et M. Sylvain Zeghni, conseiller national

– Fédération nationale de la libre pensée – M. Dominique Goussot, vice‑président

     Observatoire de la laïcité – M. Jean–Louis Bianco, président, et M. Nicolas Cadène, rapporteur général

     M. Gilles Clavreul, auteur d’un rapport sur la laïcité, ancien délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah)

     Table ronde réunissant les associations des élus de collectivités territoriales :

– Association des maires de France M. François Baroin, président et maire de Troyes, et M. Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône et président du groupe de travail Laïcité de l’AMF

– Assemblée des départements de France M. Alexandre Touzet, vice‑président du conseil départemental de l’Essonne, président du groupe de travail de l’ADF sur la prévention de la délinquance et la radicalisation

– Assemblée des communautés de France (AdCF) M. Sébastien Martin, président de l’AdCF et président de la communauté d’agglomération du Grand‑Chalon

– France Urbaine  Mme Johanna Rolland, présidente, maire de Nantes, présidente de Nantes Métropole

     Mme Claire Hédon, défenseure des droits, et Mme Constance Riviere, secrétaire générale

     Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargée des Sports

     M. Cédric O, secrétaire d’état chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques

     Conseil français du culte musulman (CFCM) – M. Mohammed Moussaoui, président

     M. Éric Dupond-Moretti, Garde des sceaux, ministre de la Justice

     Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté

     Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville

     Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances

     M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics

     Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques

     Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales

     Table ronde réunissant les organisations salariales :

 M. Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, et Mme Caroline Werkoff, secrétaire confédérale en charge des relations avec le Parlement

 Mme Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT

 M. Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération des Fonctionnaires‑FO, Mme Roxane Idoudi, secrétaire confédérale en charge du développement de l’organisation, Mme Brussia Marton, assistante confédérale au service juridique

 M. Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC

 M. Cyril Chabanier, président de la CFTC

 M. Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, et M. Stéphane Tassel, secrétaire national de la FSU

 Mme Émilie Trigo, secrétaire nationale de l’UNSA

     Table ronde réunissant les organisations patronales :

 MEDEF (*) M. Geoffroy Roux de Bézieux, président

 CPME (*) M. François Asselin, président

     M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’université de Bordeaux

     M. Hakim El Karoui, chef d’entreprise et essayiste

     Mme Lucile Rolland, cheffe du Service central du renseignement territorial de la direction générale de la police nationale, et M. Julien Le Guen, adjoint

     Mme Raphaëlle Bacqué et Mme Ariane Chemin, journalistes et essayistes, auteures de « La communauté »

     M. Henri Peña-Ruiz, philosophe et écrivain

     Mme Catherine Kintzler, philosophe

     M. Bernard Rougier, professeur en sociologie à l’Université Paris 3-Sorbonne‑Nouvelle, directeur de l’ouvrage « Les territoires conquis de l’islamisme »

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


—  1  —

annexe 2 :
Liste des personnes entendues
par le rapporteur général
et les rapporteurs thématiques

(par ordre chronologique)

     Fédération française des Télécoms (FFT) (*)  M. Anthony Colombani, directeur corporate de Bouygues Telecom, Mme Carole Gay, responsable des relations institutionnelles chez Orange, M. Frédéric Dejonckheere, chargé de mission usages et contenus chez SFR, M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques de la FFT, et Mme Alexandra Laffitte, chargée de mission usages et contenus FFT

     Ministère de la Justice – M. Paul Huber, directeur des services judiciaires

     Table ronde consacrée à la lutte contre le cyberharcèlement :

– Association e-enfance – Mme Justine Atlan, directrice générale

 Génération numérique – M. Cyril di Palma, délégué général

 Respect zone – M. Philipe Coen, fondateur

 SOS homophobie (*)  M. David Malazoué, président, membre de la commission soutien juridique

 Coexister – Mme Radia Bakkouch, présidente

  Ministère de la justice  Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) – M. Jean-François de Montgolfier, directeur

  Ministère de l’Intérieur – Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) – M. Thomas Campeaux, directeur, accompagné de M. Éric Tison, sous-directeur des libertés publiques, M. Ludovic Guinamant, adjoint au sous-directeur, M. Clément Rouchouse, chef du bureau central des cultes, et M. Julien Borne-Santoni, adjoint au chef de bureau, M. David Foltz, chef du bureau de la liberté individuelle, et Mme Sabrina Palmier, cheffe du bureau des questions pénales

  Ministère de l’Intérieur – M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL)

  Conseil supérieur du notariat (*)  Me David Ambriosiano, président, et Me François Devos, directeur des affaires juridiques

     Table ronde d’avocats :

 Me Jean-Yves Dupeux, président de l’Association des avocats praticiens en droit de la presse

 Me Basile Ader, avocat

 Me Éric Morain, avocat

 Me Julie Jacob, avocate

     Institut de droit local alsacien-mosellan  M. Jean-Marie Woehrling, président, et M. Éric Sander, secrétaire général

     Mme Michelle Moreau, ancienne première adjointe au maire d’Angers

     Ministère de la justice – M. Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces

     Ministère de l’Économie et des finances – M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal, et Mme Florence Lerat, sous-directrice de la sécurité juridique des entreprises

     Table ronde des entreprises chargées de l’exécution d’un service public :

 Société nationale des chemins de fer français (SNCF) (*)  M. Pierre Messulam, directeur Risques Sécurité-Sûreté du groupe SNCF, M. Christophe Merlin, directeur de la sûreté, et Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

 Régie autonome des transports parisiens (RATP) (*) – M. Jérôme Harnois, directeur chargé de la préparation aux crises, des enjeux de sûreté, de conformité et des affaires institutionnelles du Groupe RATP et membre du Comex, M. Jean Aghulon, directeur des ressources humaines du Groupe RATP et membre du Comex, M. Guillaume Rondeau, directeur du département juridique Groupe RATP, et M. John-David Nahon, chargé des affaires parlementaires et institutionnelles

 Groupe Keolis (*)  Mme Stéphanie Boisnard, directrice Sûreté et Lutte contre la fraude, M. Patrick Aujogue, directeur Sécurité Keolis Lyon, M. Bruno Danet, directeur exécutif des ressources humaines et organisation

     Ministère de la fonction publique – Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Florian Blazy, directeur, adjoint à la directrice générale de l’administration et de la fonction publique, Mme Nathalie Green, sous-directrice de la synthèse statutaire, de la gouvernance et des partenariats, Mme Julia di Ciccio, chef de bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social, et M. Yann-Gaël Jaffre, chef de bureau de la formation professionnelle tout au long de la vie

     Table ronde des associations et des fondations :

– France Générosités (*) – Mme Laurence Lepetit, déléguée générale, et Mme Ann-Sophie de Jotemps, responsable juridique et fiscale

– Centre français des fonds et dotations (*) – M. Benoit Miribel, président, M. Jean-Marc Pautras, délégué général, et M. Nicolas Mitton, responsable juridique et affaires publiques

– France Bénévolat – M. Hubert Pénicaud, vice-président national

     Juristes pour l’enfance  Mme Olivia Sarton, directrice scientifique

     Mme Anne Josso, secrétaire générale de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), et M. Pierre Quef, conseiller Education nationale au pôle séparatisme et repli identitaire au secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation

     Coordination des Fédérations et Associations de Culture (COFAC)  Mme Marie-Claire Martel, présidente, et M. Olivier Lenoir, vice-président

     Table ronde des syndicats des entreprises chargées de l’exécution d’un service public :

 Union nationale des syndicats autonomes UNSA-Ferroviaire (SNCF) et UNSA-Transport (ADP-RATP) – Mme Fanny Arav, administratrice salariée à la SA SNCF Réseau

 SNCF – CFDT Cheminots – M. Sébastien Mariani, secrétaire général adjoint

     Audition commune :

 Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) (*) – Mme AnneMarie Trarieux, présidente de la section Éthique et Déontologie

 Syndicat des médecins généralistes MG France – Mme Margot Bayart, première vice-présidente

     Ministère de l’intérieur – M. Claude d’Harcourt, directeur général des étrangers en France

     Caisse d’allocations familiales du Nord – M. Luc Grard, directeur général

     Association ZUPdeCO – M. François-Afif Benthanane, fondateur

     Mme Sarah El Hairy, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement

     M. Jérémie Bréaud, maire de Bron

     Table ronde de représentants de plateformes et de moteurs de recherche :

 Twitter (*) – Mme Audrey Herblin-Stoop, chargée des relations publiques, France & Russia, et M. Victor Roulière

 Snapchat – M. Jean Gonié, directeur Europe Public Policy

 Wikimédia (*) – M. Pierre-Yves Beaudouin, président

 Dailymotion (*)  M. Clément Reix, responsable des affaires publiques et règlementaires

 Google France (*)  M. Thibault Guiroy, responsable des affaires institutionnelles

 Qwant (*)  M. Guillaume Champeau, directeur des affaires juridiques, et M. Sébastien Ménard, directeur des affaires publiques

 Bing – Mme Camille Vaziaga, responsable des affaires publiques

 Facebook (*) – Mme Béatrice Oeuvrard, manager chargée des affaires publiques de Facebook France

     Collectif Vigilance Universités – M. Gilles Denis, fondateur et coordonnateur

     M. Rémi Heitz, procureur de Paris

     Table ronde d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes :

 Fédération nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF) – Mme Claire Caminade, responsable du département ressources/développement/mécénat, Mme Christine Passagne, conseillère technique accès au droit, et Mme Cynthia Martin, conseillère technique accès au droit / DIP

– Femmes solidaires – Mme Sabine Salmon, présidente nationale, Mmes Carine Delahaie, Khady Diop, Soad Baba-Aissa, membres de la direction nationale

 Regards de Femmes  Mme Michèle Vianès, présidente, et Mme Bérénice Bertrand, secrétaire générale adjointe

     M.  Laurent Nunez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

     Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports :

 Direction générale de l’enseignement scolaire – M. Édouard Geffray, directeur général

 Direction des affaires juridiques Mme Natacha Chicot, directrice

 Direction des affaires financières – Mme Mélanie Joder, directrice

     Association des maires  Ville & Banlieue de France – M. Driss Ettazaoui, vice-président, vice-président en charge du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance et de la politique de la ville au sein de l’Agglomération Evreux Portes de Normandie

     Table ronde des représentants de l’enseignement privé (hors contrat et sous contrat) :

 Fédération nationale de l’enseignement privé (FNEP)M. Patrick Roux, président, Mme Marie-Laure Lelourec, secrétaire de la commission de l’enseignement à distance (EAD), et M. Léonidas Kalogeropoulos, conseil de la FNEP

 Fédération des écoles privées laïques sous contrat avec l’État – M. Frédéric Lucet, président

 Fonds social juif unifié (FSJU) – M. Patrick Petit-Ohayon, directeur de l’Action scolaire, et M. Richard Odier, directeur général

 Conseil scolaire de la fédération protestante de France (FPF) – M. Christian Albecker, président du Conseil scolaire de la FPF, et M. Guy Mielcarek, secrétaire général du Conseil scolaire

 Secrétariat général de l’enseignement catholique (*)  M. Philippe Delorme, secrétaire général, M. Yann Diraison, adjoint du secrétaire général, M. Pierre Marsollier, délégué général aux relations politiques

     Table ronde des associations de l’instruction en famille :

 Association LAIA (Libres d’apprendre et d’instruire autrement) – Mme Alix Fourest, membre de l’assemblée collégiale, et Mme Séverine Montagnani, membre de l’association

 Union nationale pour l’instruction et l’épanouissement – Mme Nathalie Fromant

 Les enfants d’abord, LED’A – M. Nicolas Lebar et Mme Emmanuelle Philip

– Collectif Félicia (Fédération pour la Liberté du Choix de l’Instruction et des Apprentissages) – Mme Julie Larcher et Mme Nathalie Le Borgne, coordinatrices

 Association CISE – Mme Odile Sittler

 Collectif républicain pour le maintien de l’IEF  M. Yann Le Pit, représentant

 Association Liberté éducation - instruction en famille – M. Jean-Baptiste Maillard, secrétaire général

     Audition conjointe :

 Conseil national des Barreaux  Mme Laurence Roques, présidente de la commission LDH, et M. Bernard Fau, président de la commission texte du CNB, accompagnés de Mme Anne-Charlotte Varin, directrice des affaires publiques

 Conférence des bâtonniers (*)  M. Jérôme Dirou, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers et président de la Commission pénale

 Barreau de Paris : Me. Basile Ader, avocat

     Table ronde de représentants de l’école hors contrat :

 Fondation Kairos – M. Cédric de Lestrange, administrateur

 Association Créer son école (*) – Mme Anne Coffinier, présidente, et M. Nicolas Sild, professeur de droit public à l’Université Toulouse-Capitole

 Fondation pour l’école (*) – M. Lionel Devic, président, Mme Titiane Salleron, directrice juridique, et M. Jean-Baptiste Dupuis, directeur général

 Fondation Espérance Banlieues – M. Éric Mestrallet, fondateur délégué, et Mme Albane Thiollet, chargée des relations institutionnelles

 EUDEC France – Mme Cécile Prokop, membre

 Educ’France  Mme Axelle Girard, présidente

 Fédération des parents d’élèves des écoles indépendantes – M. Thomas Egnell, président

     M. Emmanuel Tawil, maître de conférences de droit public

     Haut Conseil de la vie associative (HCVA) – M. Kaïs Marzouki, secrétaire général, Thierry Guillois, membre du bureau, avocat, et M. Philippe-Henri Dutheil, membre du bureau, ancien bâtonnier des Hauts-de- Seine

     Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports  Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – M. Jean-Benoît Dujol, directeur général

     M. Christian Gravel, préfet, secrétaire général du Comité Interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, et Mme Claudie Baudino, chargée de mission au pôle Prévention de la radicalisation au SGCIPDR (en charge notamment du dossier de la radicalisation dans le sport)

     Ministère de l’économie et des finances : TRACFIN – Mme Maryvonne Le Brignonen, directrice, et Mme Elise Naigeon de Santi, chef du département juridique et judiciaire

     Ministère de l’Intérieur – Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) – M. Thomas Campeaux, directeur, accompagné de M. Éric Tison, sous-directeur des libertés publiques, M. Ludovic Guinamant, adjoint au sous-directeur, M. Clément Rouchouse, chef du bureau central des cultes, et M. Julien Borne-Santoni, adjoint, M. David Foltz, chef du bureau de la liberté individuelle, et Mme Sabrina Palmier, cheffe du bureau des questions pénales

     Fédération bancaire française (FBF) (*)  Mme Maya Atig, directrice financière, et M. Nicolas Bodilis Reguer, directeur du département Relations institutionnelles France

     Table ronde des fédérations sportives :

 Fédération française de tennis (*)  M. Bernard Giudicelli, président

 Fédération française d’équitation (*)  M. Frédéric Bouix, délégué général, et Mme Catherine Bonnichon de Rancourt, directrice des affaires européennes et institutionnelles

 Fédération française de judo et disciplines associées  M. Max Bresolin, directeur technique national

 Fédération française de basketball  M. Jean-Pierre Suitat, président fédéral

 Fédération française de football (*)  Mme Brigitte Henriques, vice‑présidente, M. Erwan Le Prévost, directeur des relations institutionnelles, et M. Pierre Samsonoff, directeur général adjoint

     Anima’fac (*) – Mme Claire Thoury, déléguée générale

     France Nature Environnement (*)  Mme Bénédicte Hermelin, directrice générale

     Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*)  M. Denis Masseglia, président, M. Jean-Michel Brun, secrétaire général, Mme Constance Popineau, directrice des affaires juridiques, et Mme Julie Lavet, directrice des relations institutionnelles

     M. François Molins, Procureur général près la Cour de cassation

     Le Mouvement associatif (*)  Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale, Mme Anne-Claire Devoge, vice-présidente du Mouvement associatif, vice-présidente du Cnajep, Mme Marie-Claire Martel, secrétaire générale du Mouvement associatif, présidente de la Cofac, M. Jérôme Voiturier, vice-président du Mouvement associatif, délégué général de l’Uniopss, Mme Françoise Sauvageot, Vice-Présidente du Mouvement associatif, représentant le CNOSF, et Mme Lucie Suchet, responsable plaidoyer du Mouvement associatif

     Inspection générale de l’éducation nationale, des sports et de la recherche – M. Fabien Canu et M. Olivier Keraudren, inspecteurs généraux

     Audition conjointe :

 Centre national d’enseignement à distance (Cned) – M. Michel Reverchon-Billot, directeur général, et M. Jean-Michel Leclercq, directeur de cabinet

 Cours Pi – M. Erick Isnard, directeur opérationnel

     SOS éducation (*)  Mme Sophie Audugé, déléguée générale, et Mme Paola Carruolo, responsable de la communication institutionnelle

     Ministère de l’Intérieur – Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) – M. Nicolas Lerner, directeur général

     M. Mahyar Monshipour Kermani, conseiller technique national du ministère des sports, placé auprès de la Fédération française de boxe

     Table ronde de chercheurs sur le thème de l’éducation :

 M. Philippe Bongrand, sociologue, coordinateur d’un projet de recherche sur la sociographie de l’instruction en famille

 M. Dominique Glasman, professeur émérite à l’Université de Savoie

 Mme Elise Tenret, maître de conférences à Paris Dauphine

     Inspection générale de l’Éducation nationale, des sports et de la recherche – Mme Michèle Weltzer et M. Guy Waiss, inspecteurs généraux

     Table ronde syndicats de l’enseignement public :

 Fédération syndicale unitaire (FSU)  Mme Nathalie Andrieux-Hennequin, Mme Sophie Abraham, et M. Grégory Frackowiack, membres du bureau national

 Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation – M. Benoît Kermoal, secrétaire national à l’UNSA Éducation chargé des questions de société, Mme Carine Aoun-Boudot, chargée de mission laïcité à l’UNSA Éducation, et M. Rémy Sirvent, secrétaire national laïcité au Syndicat des enseignants de l’UNSA (SE-UNSA)

 Syndicat général de l’Éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) – M. Alexis Torchet, secrétaire national

     Table ronde sur l’éducation populaire :

 Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) – Mme Anne-Claire Devoge, vice-présidente

 Fédération Léo Lagrange – M. Vincent Séguéla, secrétaire général

 Fédération des Centres Sociaux et Socioculturels – M. Tarik Touahria, président

 La Ligue de l’enseignement (*) – M. Yannick Hervé, secrétaire général, en charge de la vie associative, de l’engagement et de la jeunesse, M. Gilles Épale, trésorier général en charge des vacances, loisirs et séjours éducatifs, et M. Arnaud Tiercelin, responsable des Politiques éducatives et de la formation permanente

     Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SI.EN UNSA) – M. Patrick Roumagnac, secrétaire général

     Table ronde d’associations :

 SOS Racisme  M. Hermann Ebongue, secrétaire général, Mme Marie Mescam, responsable du pôle juridique de l’association, M. Valentin Stel, chargé de mission pôle juridique

 Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA)  Mme Ilana Soskin, membre du Bureau Exécutif de la LICRA, avocat de la LICRA et présidente de la LICRANET

 France fraternités  M. Pierre Henry, président

 Union des étudiants juifs de France (UEJF) – Mme Noémie Madar, présidente

     Table ronde portant sur les enfants à besoins particuliers :

 HyperSupers TDAH France – Mme Diane Cabouat, administratrice

 Association nationale de parents d’enfants intellectuellement précoces (ANPEIP)  Mme Frédérique Cluzeau, présidente, Mmes Lezebot et Lowenstein, membres du comité d’administration

 Association de parents d’enfants concernés par la phobie scolaire  Mme Odile Mandagaran, présidente

– Association AEVE (Autisme, espoir vers l’école)  M. Fréderic Tiberghien, conseiller d’État honoraire et administrateur de l’AEVE, et Mme Rose de Champeaux, consultante

     M. Hugues Fulchiron, magistrat à la Cour de cassation

     Conseil supérieur de l’audiovisuel  M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, et M. Yannick Faure, directeur de cabinet

     Table ronde plateformes et moteurs de recherche :

 Facebook (*) – Mme Béatrice Oeuvrard et Mme Julie Ladousse

 Snapchat – M. Jean Gonié, directeur Europe Public Policy 

 Dailymotion (*)   M. Clément Reix, responsable des affaires publiques et règlementaires

‑ Google France (*) – M. Thibault Guiroy, responsable des affaires institutionnelles

 Qwant  (*)   M. Sébastien Ménard, directeur des affaires publiques

 Bing (*) – Mme Camille Vaziaga, responsable des affaires publiques

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 


—  1  —

annexe 3 :
LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er bis

Code de l’éducation

L. 721-2

1er ter

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

25

1er ter

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

28 ter [nouveau]

1er ter

Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

14

1er ter

Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

23

2

Code général des collectivités territoriales

L. 2131-6, L. 3132-1, L. 4142-1

3

Code de procédure pénale

706-25-4

3

Code de procédure pénale

706-25-6

3

Code de procédure pénale

706-25-7

4

Code pénal

433-3

4

Code pénal

433-3-1 [nouveau]

4

Code pénal

433-23-1 [nouveau]

4 bis

Code pénal

431-1

5

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

6 quater A

5

Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

11

6

Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

10-1 [nouveau]

7

Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

25-1

8

Code de la sécurité intérieure

L. 212-1

8

Code de la sécurité intérieure

L. 212-1-1 et L. 212-1-2 [nouveaux]

9

Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

140

10

Livre des procédures fiscales

L. 14 A

10

Livre des procédures fiscales

L. 14 B [nouveau]

11

Code général des impôts

222 bis [nouveau]

11

Code général des impôts

238 bis

12

Code général des impôts

1378 octies

13

Code civil

913

13

Code civil

921

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Intitulé de la section 2 du chapitre II du livre IV

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 412-6 [nouveau]

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 423-1, L 423‑2, L 423‑7, L. 423‑10 et L.423‑23

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 432-3

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 435-1 et L. 435-2

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 611-3

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 631-2

14

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 631-3

14 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 313-12

15

Code de la sécurité sociale

L. 161-23-1A [nouveau]

16

Code de la santé publique

L. 1110-2-1 [nouveau]

16

Code de la santé publique

L. 1115-3 [nouveau]

16

Code de la santé publique

L. 1115-4 [nouveau]

16 bis

Code de la santé publique

L. 1110-2-2 [nouveau]

16 bis

Code de la santé publique

L. 1115-5[nouveau]

16 ter

Code pénal

Section 1 quater du Chapitre V du titre II du livre II art. 225-4-11 [nouveau]

17

Code civil

63

17

Code civil

175-2

18

Code pénal

233-1-1 [nouveau]

18 bis

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

24

18 bis

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

24 bis

18 bis

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

33

19

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6

19

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6-3 et 6-4 [nouveaux]

19 bis

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6

19 bis

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6-5 [nouveau]

19 bis

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

19

19 bis

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

42-7

19 bis

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Chapitre III du titre IV [art.62 - nouveau]

20

Code de procédure pénale

397-6

20

Code de procédure pénale

804

20 bis

Loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

48

20 ter

Loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

65-3

21

Code de l’éducation

L. 131-2

21

Code de l’éducation

L. 131-5

21

Code de l’éducation

L. 131-5-1 [nouveau]

21

Code de l’éducation

L. 131-6

21

Code de l’éducation

L. 131-10

21

Code de l’éducation

L. 131-11

21

Code de l’éducation

L. 311-1

21

Code de l’éducation

L. 552-4

21 bis

Code de l’éducation

L. 131-6-1

[nouveau]

22

Code de l’éducation

L. 241-5

22

Code de l’éducation

L. 241-7

22

Code de l’éducation

L. 441-3-1 [nouveau]

22

Code de l’éducation

L. 441-4

22

Code de l’éducation

L. 442-2

22

Code de l’éducation

L. 914-5

22 bis

Code de l’éducation

L. 911-5

23

Code pénal

227-17-1

23 bis

Code de l’éducation

L. 111-1-1

24

Code de l’éducation

L. 442-5

24

Code de l’éducation

L. 442-12

25

Code du sport

L. 111-1

25

Code du sport

L. 121-4

25

Code du sport

L. 131-8

25

Code du sport

L. 131-9

25

Code du sport

L. 131-11

25

Code du sport

L. 131-14

25

Code du sport

L. 131-15-2 [nouveau]

25

Loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale

21

25 bis

Code du sport

L. 100-1

25 bis

Code du sport

L. 112-16

26

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

19

27

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

19-1 [nouveau]

27

Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures

111

28

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

19-2 [nouveau]

29

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

20

30

Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes

4

30

Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes

4-1 et 4-2 [nouveaux]

31

Code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

79-V à 79-X [nouveaux]

31

Code pénal local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

167-1 à 167-7 [nouveaux]

32

Code de l’urbanisme

L. 213-1-1

33

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

21

34

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

23

35

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

19-3 [nouveau]

36

Code civil

910-1 [nouveau]

37

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

29

38

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

31

39

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

35 [abrogé]

40

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

26 [devient 35-1]

41

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

36

42

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

36-1 [nouveau]

43

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

36-2 [nouveau]

44

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

36-3 [nouveau]

46

Code monétaire et financier

L. 561-24

46

Code monétaire et financier

L. 765-13

47

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

43

49

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 441-6

49

Ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte

17 [rétabli]

49

Ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte

23-5 et 23-6

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 442-1, L. 443-1, L. 445-1, L. 446-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 442-1, L. 443-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 444-1, L. 445-1 et L. 446-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 442-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 443-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 444-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 445-1 et L. 446-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 442-1, L. 444-1, L. 445-1, L. 446-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 652-1, L. 653-1, L. 654-1, L. 655-1 et L. 656-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 652-1, L. 653-1, L. 654-1, L. 655-1 et L. 656-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 443-1

49 bis

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L. 655-1, L. 656-1

50

Code de la sécurité intérieure

L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1

51

Code de la santé publique

L. 1521-1

51

Code de la santé publique

L. 1521-4

52

Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

41

53

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

57

 

 

 

 

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 DC du 8 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication.

([3]) Conseil constitutionnel, décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à l’entreprise nationale France télécom.

([4]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité.

([5]) Même décision 2012-297.

([6]) CC, décision n° 201-297 et 2004-505.

([7]) CC, décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

([8]) Conseil constitutionnel, décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Liberté de l’enseignement.

([9]) L’article 9 de la CEDH stipule que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

([10]) L’article 10 dispose que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2.Le droit à l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ».

([11]) CEDH, 26 septembre 1996, Manoussakis, n° 18748/91.

([12]) CEDH, Grande chambre, 10 novembre 2005, Leyla Sahin c. Turquie, n° 44774/98.

([13]) CEDH, 18 mars 2011, Lautsi c. Italie, n° 30814.

([14]) CEDH, 26 novembre 2015, Ébrahimian c. France, n° 64846/11.

([15]) Cour de cassation, Assemblée plénière, Crèche Baby Loup, 25 juin 2014, n° 13-28.369.

([16]) Article L. 1321-2-1 du code du travail.

([17]) La CJUE a affirmé qu’une règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux ne constitue pas une discrimination directe. Cependant, en l’absence d’une telle règle, la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle de nature à écarter l’existence d’une discrimination (CJUE, 14 mars 2017, C-157/15 et C188/15).

([18]) Cour de cassation, Chambre sociale, 22 novembre 2017, n° 13-19.855.

([19]) En effet, si en dehors des missions qui leur sont expressément confiées par des dispositions législatives et réglementaires, les personnes publiques peuvent, dans le cadre de leurs compétences, prendre en charge des activités et les ériger en services publics (décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social), une telle création est encadrée lorsque l’activité a un caractère économique. Les personnes publiques ne peuvent alors la prendre en charge que dans le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et du droit de la concurrence, ce qui implique qu’elles ne peuvent agir que, d’une part, si elles justifient d’un intérêt public, qui peut notamment résulter de la carence de l’initiative privée, et d’autre part, si les modalités de prise en charge de l’activité n’ont pas pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence sur le marché concerné (CE Assemblée, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n° 2755312).

([20]) Le Conseil d’État a considéré que l’Association française pour le nommage Internet en coopération, organisme de droit privé, devait être regardée comme chargée d’une mission de service public compte tenu du caractère d’intérêt général de son activité d’attribution et de gestion de certains noms de domaine sur Internet, du contrôle exercé sur elle par des personnes publiques et des prérogatives de puissance publique dont elle dispose (CE, 10 juin 2013, M. Pitte, n° 327375).

([21]) Conseil d’État, Section, 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI), n° 264541.

([22]) Conseil d’État, Section, 31 janvier 1964, CAF de l’arrondissement de Lyon.

([23]) Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2013, n° 11-28.845.

([24]) L’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que « Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ».

([25]) Conseil d’État, 3 mai 1950, Jamet.

([26]) Conseil d’État, 9 juillet 1948, Bourgade.

([27]) Conseil d’État, avis, 3 mai 2000, Melle Marteaux, n° 217017.

([28]) Conseil d’État, 19 février 2009, M. B., n° 311633.

([29]) Conseil d’État, 15 octobre 2003, O., n° 244428.

([30]) Cour administrative d’appel de Versailles, 23 février 2006, Mme E., n° 04VE03227.

([31]) Conseil d’État, avis, 3 mai 2000, Melle Marteaux, n° 217017.

([32]) Cour administrative d’appel de Lyon, 27 novembre 2003, Mme B., n° 03LY01392.

([33]) Le Conseil d’État a considéré que le refus, opposé par un stagiaire au sein d’un hôpital public, de couper sa barbe ainsi que sa reconnaissance du fait que son apparence physique pouvait être perçue comme un signe d’appartenance religieuse étaient par eux-mêmes insuffisants pour caractériser la manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public, en l’absence d’aucune autre circonstance susceptible d’établir qu’il aurait manifesté de telles convictions dans l’exercice de ses fonctions (Conseil d’État, 12 février 2020, n° 418299).

([34]) Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 27 mai 2004, n° 0403791.

([35]) Circulaire du Premier ministre n° 5209/SG du 13 avril 2007 portant charte de la laïcité dans les services publics.

([36]) Circulaire de la ministre de la fonction publique du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique.

([37]) Conseil constitutionnel, décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 relative à la liberté d’enseignement.

([38])L’article L. 442-1 du code de l’éducation précise que « l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances, y ont accès ».

([39]) Articles L. 442-1 et 442-5 du code de l’éducation.

([40]) Conseil d’État, 20 juillet 1990, Association familiale de l’externat Saint-Joseph, n° 85429.

([41]) Conseil d’État, 27 juillet 2001, Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière, n° 215550.

([42]) Circulaire n° DHOS/G/2005/57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé.

([43]) Conseil d’État, Assemblée, 14 avril 1995, Koen, n° 157653.

([44]) Le Conseil d’État y souligne qu’en l’absence de texte, la liberté religieuse des usagers du service public doit avoir ses limites et qu’ils ne doivent pas accomplir des « actes de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande ». Ils ne doivent pas non plus avoir un comportement de caractère « ostentatoire ou revendicatif ».

([45]) Conseil d’État, 21 juin 1895, Cames.

([46]) Conseil d’État, Assemblée, 22 novembre 1946, Commune de Saint-Priest-la-Plaine et Cour de cassation, Chambre civile, 23 novembre 1956, Trésor Public.

([47]) Conseil d’État, 22 mars 1941, Union des parents d’élèves de l’enseignement libre.

([48]) Décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire.

([49]) Comme les intérimaires ou les stagiaires.

([50]) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

([51]) En application du II de l’article 32 de la même loi.

([52]) Article 25 de la même loi.

([53]) La liste des actes qui doivent être transmis au préfet est fixée par l’article L. 2131-2 pour les communes, par l’article L. 3131-2 pour les départements et par l’article L. 4141-2 pour les régions. Y figurent notamment les délibérations des assemblées – à l’exception de celles relatives aux tarifs des droits de voirie et de stationnement, à l’établissement des plans d’alignement et de nivellement, à l’ouverture ou à la modification des voies communales, aux taux de promotion pour l’avancement de grade des fonctionnaires et à l’affiliation aux centres de gestion – ; les décisions prises sur délégation de ces assemblées ; les décisions réglementaires et individuelles prises dans l’exercice du pouvoir de police sauf en matière de circulation et de stationnement ou en matière d’exploitation, par les associations, des débits de boisson ; les actes à caractère réglementaire pris par les autorités locales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence en application de la loi ; les conventions relatives aux marchés et aux emprunts, celles de concession ou d’affermage des services publics locaux  à caractère industriel ou commercial et celles de délégation de service public et les contrats de partenariat et, enfin, les décisions individuelles relatives au recrutement et au licenciement des agents non titulaires.

([54]) TA Montpellier, ord., 31 mai 1983, Préfet des Pyrénées-Orientales c/ Commune de Casteil.

([55]) TA Orléans, ord., 3 octobre 1985, Préfet d’Eure-et-Loir.

([56]) TA Nice, ord., 5 septembre 1986, COREP du Var.

([57]) TA Paris, ord., 27 février 1987, Maire d’Arcueil.

([58]) TA Strasbourg, ord., 12 février 1989, Préfet de la Moselle.

([59]) Conseil d’État, ord., 1er avril 1984, Commune de Colombier-Saugnieu.

([60]) Conseil d’État, ord., 29 juillet 1997, Préfet du Vaucluse c/ Commune de Sorgues.

([61]) Conseil d’État, ord., 3 juillet 1998, Commune de La Bruguière, n° 197525.

([62]) TA Lyon, ord., 21 oct. 1987, COREP de l’Ardèche: Lebon 621.

([63]) Conseil d’État, ord., 15 décembre 1982, Commune de Garches, n° 47231.

([64]) Conseil d’État, ord., 2 juillet 1982, Commune de Sarcelles, n° 43545.

([65]) Conseil d’État, ord., 25 janvier 1984, Commune de Pont-du-Casse.

([66]) TA Rouen, ord. 6 septembre 2014, Préfet de la Seine-Maritime, n° 1402920.

([67]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, 9 décembre 2020.

([68]) Article 706-25-3 du code de procédure pénale.

([69]) Article 706-25-5 du code de procédure pénale.

([70]) Article 706-25-6 du code de procédure pénale.

([71]) Article 706-25-13 du même code.

([72]) Article 706-25-7 du même code.

([73]) Op. cit.

([74]) Toutefois, ces actes étant considérés comme d’une moindre gravité, toutes les règles spécifiques et dérogatoires attachées à la lutte contre le terrorisme ne s’y appliquent pas.

([75]) De 2016 à 2019, le nombre de condamnations en première instance pour apologie ou provocation au terrorisme s’est élevé à, respectivement, 526, 352, 260 et 228.

([76]) Cour de cassation, Cambre criminelle, 18 mai 1999, n° 98-80.482.

([77]) Le nombre d’interdictions du territoire français prononcées a fortement augmenté ces dernières années puisqu’il est passé de 2 373 en 2017 à 4 614 en 2019, compte tenu notamment de l’élargissement du champ de cette peine complémentaire.

([78]) Comme l’indique l’étude d’impact, en 2019, 162 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’encontre d’agents de la fonction publique d’État pour des faits de violences sexuelles et sexistes.

([79]) L’étude d’impact précise que ne sont pas comptabilisés les agents des ministères chargés de l’éducation nationale et de l’intérieur.

([80]) Article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

([81]) Conseil d’État, 25 septembre 1995, Association CIVIC.

([82]) Guide d’usage de la subvention, 2019-2020, Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse

([83]) Article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

([84]) Conseil d’État, 15 novembre 1995, n° 137500, Commune de Secondigny.

([85]) Article 15 du décret-loi du 2 mai 1938 relatif au budget.

([86]) IV de l’article 43 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

([87]) Article 14 du décret-loi du 2 mai 1938.

([88]) Article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([89])  Article L. 1611-4 du CGCT.

([90]) Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales, 14 février 2014.

([91]) Conseil d’État, 1er mars 1950, Ville de Paris.

([92]) Article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([93]) Cet élément ne peut s’apprécier qu’au cas par cas, mais voir par exemple la décision du Conseil constitutionnel no 92-316 DC du 20 janvier 1993.

([94])  Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d’association.

([95]) Avis consultatif du Conseil d’État sur le présent projet de loi.

([96]) Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d’association.

([97]) Par exemple, voir Conseil constitutionnel, décision no 2014-439 QPC du 23 janvier 2015, sur le principe d’égalité devant la loi, ou encore la décision no 79-107 DC du 12 juillet 1979 qui affirme la liberté d’aller et venir.

([98]) Conseil constitutionnel, décision no 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et a.

([99]) Conseil constitutionnel, décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, et plus récemment décision n° 2020‑/‑858/859 QPC du 2 octobre 2020.

([100]) Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014.

([101]) Conseil d’État, 8 août 1919, Labonne.

([102]) Article L. 2215-1 du CGCT.

([103]) Conseil d’État, Ass, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge.

([104]) Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013.

([105]) Ibid.

([106]) Ibid.

([107]) Fixé par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.  

([108]) Article 19-8 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.  

([109]) Décision n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010 sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

([110]) Créé par le décret n° 2011-2121 du 30 décembre 2011 relatif au fonds pour le développement de la vie associative.

([111]) Article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

([112]) Article 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

([113]) Article 19 du décret n° 2017-908 du 6 mai 2017 portant diverses dispositions relatives au régime juridique des associations, des fondations, des fonds de dotation et des organismes faisant appel public à la générosité

([114]) Prévu par l’article L. 141-1 du code de l’environnement.

([115]) Prévu à l’article D. 551-1 du code de l’éducation.

([116]) Prévu par l’article 8 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001.

([117]) Prévu à l’article L. 121-4 du code du sport.

([118]) Ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations.

([119]) Article L. 131-9 du code du sport. 

([120]) Conseil constitutionnel, décision n° 71–44 DC, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([121]) Conseil d’État, ass., 11 juill. 1956, Amicale des Annamites de Paris.

([122]) Conseil d’État, sect., 24 janv. 1958, Association des anciens combattants et victimes de la guerre du département d’Oran.

([123]) Article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([124]) Article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([125]) Ibid.

([126])  Conseil constitutionnel, décisions n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011 et n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010.

([127]) CEDH, 5 octobre 2005, Branche de l’Armée du Salut c/ Russie.

([128]) CEDH, 17 octobre 2016, Les Authentiks et Supras d’Auteuil 91 c. France.

([129]) CEDH, 11 octobre 2011, Association Rhino et autres c. Suisse.

([130]) Cour de cassation - Première chambre civile, 23 février 1972, n° 71-10.157.

([131]) Prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal.

([132]) Prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique.

([133]) Prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation.

([134]) Peine prévue à l’article 434-43 du code pénal, visée par l’article 1er de la loi n° 2001-501 du 12 juin 2001.

([135]) Lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans.

([136]) Article 131-39 du code pénal.

([137]) Cet article a été introduit par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.

([138]) Article 431-15 du code pénal.

([139])  Conseil d’État, 4 avril 1936, Pujo, de Lassus et Réal Del Sarte.

([140]) Conseil d’État, 21 janvier 1970, Krivine.

([141]) Conseil d’État, 17 novembre 2006, Tribu Ka.

([142]) Conseil d’État, 19 mai 1933, Benjamin.

([143]) Conseil d’État, 25 juillet 2008, Association nouvelle des Boulogne Boys.

([144]) Article L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

([145]) CEDH, 8 octobre 2020, Ayoub et autres c. France.

([146]) Conseil d’État, 17 novembre 2006, Capo Chichi.

([147]) Conseil d’État, 30 juillet 2014, Association "Envie de rêver" et autres.

([148]) Conseil d’État, 30 juillet. 2014, Association « Envie de rêver » et autres.

([149]) Conseil d’État, ordonnance du 25 novembre 2020, Association Barakacity.

([150]) Conseil d’État, avis du 29, octobre 2007, Société sportive professionnelle « Losc Lille Métropole » et CE, 25 juillet 2008, Association nouvelle « Boulogne Boys ».  

([151]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([152]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([153]) L’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a été modifié à cet effet par l’article 85 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

([154]) Le montant est fixé par l’article 2 bis du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation, introduit par l’article 1er du décret n° 2015‑49 du 22 janvier 2015 relatif aux fonds de dotation.

([155]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 108.

([156]) Cour des comptes, « Le soutien public au mécénat des entreprises », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, novembre 2018, page 62.

([157]) Étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 111.

([158]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([159]) Voir notamment l’article 11 de la loi du 14 août 1954, l’article 2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

([160]) Par exemple, l’éligibilité du financement des partis politiques et des associations de financement électorales est prévue pour les particuliers mais pas pour les entreprises.

([161]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([162]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([163]) Par exemple, le Conseil d’État a retenu cette notion pour refuser le bénéfice d’avantages fiscaux à des associations d’anciens élèves dont l’objet principal était de défendre des intérêts matériels et moraux de ses membres.

([164]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 108. Voir aussi le tome II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances.

([165]) Ce point est plus particulièrement développé dans le commentaire de l’article 11 figurant dans le présent rapport.

([166]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 119.

([167]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 117.

([168]) Lors de son audition devant la commission spéciale, le ministre chargé des comptes publics a indiqué qu’on dénombre 6 700 demandes de rescrit par an, ce qui est à la fois beaucoup en nombre et très peu par rapport au nombre d’associations. Voir le compte rendu de l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, devant la commission spéciale, lundi 11 janvier 2021.

([169]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 20.

([170]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([171]) Voir notamment l’article 11 de la loi du 14 août 1954, l’article 2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

([172]) Par exemple, l’éligibilité du financement des partis politiques et des associations de financement électorales est prévue pour les particuliers mais pas pour les entreprises.

([173]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([174]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([175]) Par exemple, le Conseil d’État a retenu cette notion pour refuser le bénéfice d’avantages fiscaux à des associations d’anciens élèves dont l’objet principal était de défendre des intérêts matériels et moraux de ses membres.

([176]) Cour des comptes, « Le soutien public au mécénat des entreprises », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, novembre 2018, page 97.

([177]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 118.

([178]) Loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

([179]) Lors de son audition devant la commission spéciale, le ministre chargé des comptes publics a indiqué qu’on dénombre 6 700 demandes de rescrit par an, ce qui est à la fois beaucoup en nombre et très peu par rapport au nombre d’associations. Voir le compte rendu de l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, devant la commission spéciale, lundi 11 janvier 2021.

([180]) Cour des comptes, « Le soutien public au mécénat des entreprises », communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, novembre 2018, page 76.

([181]) Voir l’exposé des motifs du projet de loi, page 8. Cette information ne figure pas dans l’étude d’impact.

([182]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 19.

([183]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([184]) Voir notamment l’article 11 de la loi du 14 août 1954, l’article 2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

([185]) Par exemple, l’éligibilité du financement des partis politiques et des associations de financement électorales est prévue pour les particuliers mais pas pour les entreprises.

([186]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([187]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([188]) Par exemple, le Conseil d’État a retenu cette notion pour refuser le bénéfice d’avantages fiscaux à des associations d’anciens élèves dont l’objet principal était de défendre des intérêts matériels et moraux de ses membres.

([189]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 108. Voir aussi le tome II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances.

([190]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 129.

([191]) Voir l’article 1er de l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières.

([192]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 20.

([193]) Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

([194]) En l’absence de descendant et de conjoint survivant, il n’y a pas de réserve héréditaire : la quotité disponible atteint toute la succession et le défunt peut librement disposer de tous ses biens au profit du bénéficiaire de son choix.

([195]) Extrait du rapport du groupe de travail sur la réserve héréditaire rédigé sous la direction de Mme Cécile Pérès et de M. Philippe Potentier et remis à Mme Nicole Belloubet, ministre de la Justice, 13 décembre 2019.

([196]) Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen.

([197]) Article 21.

([198]) Article 22.

([199]) Article 35.

([200]) Article 30.

([201]) Cour de cassation, Première chambre civile, 25 mai 1948, Lautour.

([202]) Cour de cassation, Première chambre civile, 6 avril 2011, n° 09-17130, n° 09-66486 et n° 10-19053.

([203]) Cour de cassation, Première chambre civile, 27 septembre 2017, Jarre et Colombier, n° 16-17198 et n° 16‑13151.

([204]) Op. cit.

([205]) Ce droit de prélèvement se distingue de l’ancien droit de prélèvement qui a été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision nº 2011-159 QPC du 5 août 2011 au motif qu’il était réservé aux seuls héritiers français et établissait une différence de traitement entre les héritiers venant à la succession. Après avoir rappelé le rôle protecteur du droit de prélèvement permettant de « déroger à la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois française, (…) lorsqu’un cohéritier au moins est français et que la succession comprend des biens situés sur le territoire français » et affirmé que ces critères étaient conformes au principe d’égalité, le Conseil a considéré que, dans la mesure où le droit de prélèvement sur la succession était réservé au seul héritier français, il établissait « une différence de traitement entre les héritiers venant également à la succession (...) qui « n’était pas en rapport direct avec l’objet de la loi qui tendait, notamment, à protéger la réserve héréditaire et l’égalité entre héritiers garanties par la loi française ». Le Conseil en a conclu que « l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de détraction était contraire à la Constitution », notamment au principe d’égalité devant la loi.

([206]) Cf. notamment CJUE, 22 décembre 2010, C-208/09, Sayn Wittgenstein.

([207]) La réserve héréditaire protège les enfants des pressions que pourraient imposer les parents en échange d’un héritage.

([208]) La réserve héréditaire assure une égalité minimale au sein de la fratrie ; elle limite le risque de discriminations entre les enfants.

([209]) La réserve héréditaire est une expression de la solidarité familiale, qui est d’ailleurs un de ses fondements.

([210]) Proposition n° 2 : Reconnaître que la réserve héréditaire est d’ordre public international ; Proposition n° 3 : Considérer qu’est contraire à l’ordre public international la loi étrangère dont l’application conduirait à priver de tout droit un descendant en rang utile pour succéder lorsque le défunt ou l’héritier est de nationalité française ou réside en France au moment du décès ; Proposition n° 3 bis :Adopter éventuellement une démarche plus large en étendant ces rattachements à tous les ressortissants d’un État membre ou ayant leur résidence dans un État membre.

([211]) Cour d’appel de Lyon, 4 mars 2014, n° 13/06534.

([212]) Entrée en vigueur le 1er janvier 1972.

([213]) Entrée en vigueur le 1er juillet 2002.

([214]) Entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

([215]) L’article 433-20 du code pénal prévoit que « Le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines l’officier public ayant célébré ce mariage en connaissant l’existence du précédent ».

([216]) Étude d’impact citant un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme de mars 2018.

([217]) Ces articles ont été introduits dans le CESEDA par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France.

([218]) Cet article a été introduit dans le CESEDA par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l’immigration.

([219]) À l’exception des ressortissants algériens qui voient leur situation régie par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

([220]) Cf. commentaire de l’article 14.

([221]) Algérie, Bénin, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo et Tunisie jusqu’à la nouvelle convention signée avec la France le 26 juin 2003.

([222]) Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2013, 9 octobre 2014 et 12 février 2015.

([223]) Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février et 2 mai 2007.

([224]) Cour de cassation, Chambre sociale, 20 décembre 2018, n° 17-27.987.

([225]) « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »

([226]) Certains considèrent le certificat de virginité comme un certificat de complaisance dans la mesure où la virginité ne peut être totalement prouvée et que le certificat ne peut être totalement fiable.

([227]) L’article 447-1 du code pénal dispose qu’« est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait :

1° D’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;

2° De falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;

3° De faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié ».

([228]) Il est impossible d’affirmer qu’un médecin cherche « délibérément » à faire un faux dans le cas de la constatation de la virginité d’une patiente.

([229]) Eliminating virginity testing. An interagency statement, WHO, 2018, WHO/RHR/18.15.

([230]) Brèves du collège, Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), septembre 2007, n° 13.

([231]) Op. cit.

([232]) La référence aux professionnels de santé couvre les professions médicales (médecins, sages-femmes et odontologistes) mais également les professions de la pharmacie et de la physique médicale (pharmacies, préparateurs en pharmacie, physiciens médicaux) ainsi que les professions d’auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, etc.).

([233]) Cour de cassation, Première chambre civile, 20 novembre 1963, Appietto.

([234]) Cour de cassation, Première chambre civile, 28 octobre 2003, n° 01-12.574.

([235]) Cour de cassation, Première chambre civile, 19 décembre 2012, n° 01-12.574.

([236]) Cour de cassation, Première chambre civile, 6 juillet 2000, n° 09-15.606.

([237]) Cour d’appel de Grenoble, 3 novembre 1998.

([238]) L’article 180 du code civil dispose que « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

([239]) Constituent ainsi une contrainte des menaces verbales exercées sur le futur époux par ses parents et par son supérieur hiérarchique (Tribunal civil de Montpellier, Première chambre, 16 juillet 1946), des pressions violentes et des menaces de mort proférées contre le futur époux par son futur beau-père (Cour d’appel de Bastia, 27 juin 1949), des menaces de représailles proférées à l’encontre de la future épouse (Cour de cassation, Première chambre civile, 2 décembre 1997, n° 96-12.324) ou encore des pressions familiales subies par la future épouse (Cour d’appel de Colmar, 28 avril 2005).

([240]) Articles 221-4-10°, 222-8-6°, 222-10-6°, 222-12-66°et 222-13-6° du code pénal.

([241]) Cour de cassation, Première chambre civile, 6 février 2007, n° 06-10.403.

([242]) Cour de cassation, Première chambre civile, 9 janvier 2007, n° 05-14.720, à propos d’une épouse de nationalité française qui s’était vu refuser son visa d’entrée en France.

([243])  Source : contribution du ministère de l’Intérieur au rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2019.

([244]) Source : rapports de transparence de Facebook (https://transparency.facebook.com/community-standardsenforcement#hate-speech).

([245]) Une circonstance aggravante est établie lorsqu’un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, ou à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons.

([246]) Cass. Civ. 1ère, 19 juin 2008, n° 07-12.244.

([247])  La CNIL précise que la nette diminution constatée entre 2018 et 2019 du nombre de demandes de retrait, de déréférencement et de blocage de contenus s’explique par le nombre beaucoup plus faible de contenus publiés sur Internet par les organisations terroristes et par leurs sympathisants, et par l’existence d’actions coordonnées par EUROPOL en 2019, qui ont fortement affecté certains vecteurs de diffusion utilisés par les terroristes (par exemple TELEGRAM).

([248]) « Le prestataire intermédiaire n’est pas responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service à condition qu’il n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n’ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente ou que, dès le moment où il a de telles connaissances, il agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible ».

([249]) Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, n° 11-13 666.

([250]) « L’interdiction pour les États membres d’imposer aux prestataires de services une obligation de surveillance ne vaut que pour les obligations à caractère général. Elle ne concerne pas les obligations de surveillance applicables à un cas spécifique et, notamment, elle ne fait pas obstacle aux décisions des autorités nationales prises conformément à la législation nationale »

([251]) CJUE, 3 octobre 2019, Glawischnig-Piesczek

([252]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020.

([253]) L’article 393 prévoit que le procureur de la République peut décider de fixer à la même audience qu’une audience prévue par les articles 393 à 397-1, afin qu’elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont la personne a fait l’objet pour d’autres délits, à la suite d’une convocation par procès-verbal, par officier de police judiciaire ou en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une citation directe, d’une ordonnance pénale ou d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Hors le cas de la comparution immédiate, cette décision doit intervenir au moins dix jours avant la date de l’audience. Le prévenu et son avocat en sont informés sans délai.

([254])  Loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire.

([255])  Conseil d’État, 3ème - 8ème ‑ chambres réunies, 19/07/2017, 406150, Association Les enfants d’abord.

([256]) L’article L. 131-4 précise que sont désignées comme « responsables » les « parents, le tuteur ou ceux qui ont la charge de l’enfant, soit qu’ils en assument la charge à la demande des parents, du tuteur ou d’une autorité compétente, soit qu’ils exercent sur lui, de façon continue, une autorité de fait ».

([257]) Pour préciser les conditions de mise en œuvre de ces missions, un guide interministériel a été publié en octobre 2017 par les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale à l’intention des maires et des présidents de conseils départementaux.

([258]) Rapport n° 1629, janvier 2019, par Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang.

([259]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, n° 595, 7 juillet 2020, de Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

([260])  Rapport fait au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, n° 3703, 16 décembre 2020, Mme Marie-Georges Buffet

([261]) Il dispose que « le fait, pour les parents d’un enfant ou pour toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, d’inscrire cet enfant dans un établissement d’enseignement privé qui a ouvert malgré l’opposition prévue au chapitre Ier du titre IV du livre IV du présent code ou sans remplir les conditions prescrites au même chapitre Ier, alors qu’ils ont déclaré qu’ils feront donner à cet enfant l’instruction dans la famille, est passible des peines prévues au premier alinéa de l’article 441-7 du code pénal » (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).

([262])  Les établissements d’enseignement technique pouvaient également se voir opposer un refus « dans l’intérêt de l’ordre public » ou s’ils ne démontraient pas clairement « le caractère d’un établissement technique ».

([263]) La liste des incapacités fixée à l’article L. 911-5 comprend les motifs suivants :

1° Condamnation définitive par le juge pénal pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs ;

2° Privation, par jugement, de tout ou partie des droits civils, civiques et de famille mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, ou déchéance de l’autorité parentale ;

3° Interdiction d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

([264]) Conseil d’État, 13 janvier 1965, association d’éducation populaire des écoles de Réalmont ; Conseil d’État, 10 mai 1985, Association Seaska.

([265])  Rapport de la mission d’évaluation relative aux relations entre les fédérations sportives et les ligues professionnelles et à la répartition de leurs compétences, MM. Fabien Canu et Olivier Keraudran, inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports, mars 2019

([266]) Rapport de la mission d’information de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur les services publics face à la radicalisation, n° 2082, du 27 juin 2019, MM. Éric Diard et Éric Poulliat.

([267]) Citée par le rapport de MM. Diard et Poulliat

([268]) Conseil constitutionnel, décision n° 71–44 DC, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, cons. 2.

([269]) CE, ass., 11 juill. 1956, Amicale des Annamites de Paris.

([270]) CE, sect., 24 janv. 1958, Association des anciens combattants et victimes de la guerre du département d’Oran.

([271]) Conseil constitutionnel, décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, cons. 38.

([272]) En effet, l’article 18 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État relatif aux caractéristiques des associations cultuelles renvoie aux articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association les modalités de constitution des associations cultuelles.

([273]) Conseil d’État, ass., avis du 24 octobre 1997, Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom.

([274]) Dans les communes de moins de 1 000 habitants, sept personnes ; dans les communes de 1 000 à 20 000 habitants, quinze personnes ; dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20 000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.

([275]) Il s’agit de rétributions pour les cérémonies et services religieux, pour la location des bancs et sièges ainsi que pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.

([276]) Dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l’article 910 du code civil.

([277]) À noter toutefois que ne sont cependant pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.

([278]) Conseil d’État, 28 avril 2004, Association cultuelle du Vajra Triomphant. Le Conseil d’État a notamment jugé que « le fait que certaines des activités de l’association pourraient porter atteinte à l’ordre public s’oppose à ce que cette association bénéficie du statut d’association cultuelle ».

([279]) Le culte catholique est fondé sur l’existence d’associations cultuelles à caractère spécifique appelées associations diocésaines (voir commentaire de l’article 30), par diocèse, correspondant à une circonscription religieuse d’une taille proche de celle d’un département, alors que les églises protestantes sont organisées sur la base d’associations cultuelles plus locales.

([280]) Voir commentaire de l’article 28.

([281]) Étude d’impact du projet de loi, p. 303.

([282]) Avis du Conseil d’État, 13 décembre 1923, n° 185707.

([283]) Étude d’impact du projet de loi, p. 304.

([284]) Conseil d’État, avis n° 401549 du 3 décembre 2020 sur le présent projet de loi, §72.

([285]) Voir commentaire de l’article 26.

([286]) Article 2 du décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil.

([287]) Étude d’impact sur le projet de loi, p. 310.

([288]) V de l’article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

([289]) Article 12-3 du décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil.

([290]) Étude d’impact sur le projet de loi, p. 312.

([291]) Article L. 80 C du livre des procédures fiscales.

([292]) Voir commentaire de l’article 28.

([293]) Articles L. 2 252-4 et L.3231-5 du code général des collectivités territoriales.

([294]) Article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.

([295]) Article 1407 du code général des impôts.

([296]) 4° de l’article 1382 du code général des impôts.

([297]) Article 1039 du code général des impôts.

([298]) Article R. 331-4, 4° du code de l’urbanisme.

([299]) 10° de l’article 795 du code général des impôts.

([300]) Sur le revenu ou sur les sociétés, en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

([301]) Voir commentaire de l’article 45.

([302]) Conseil d’État, avis n° 401549, op. cit., §73.

([303]) Article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([304]) Applicable aux associations cultuelles, en vertu de l’article 18 de la loi du 9 décembre 1905 selon lequel « les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 ».

([305]) Article 11 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dans sa rédaction antérieure à la promulgation de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

([306]) Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

([307])  Les « œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ». En outre, afin d’être reconnue comme une association d’intérêt général, une association doit exercer une activité non lucrative, se caractériser par une gestion désintéressée, et un cercle étendu de bénéficiaires, comme le signale le bulletin officiel des finances publiques dans sa section BOI-IR-RICI-250-10-10.

([308]) En outre, l’article 6 de la loi de 1901 précise que les associations déclarées ayant pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale, continuent de bénéficier de ces dispositions si, avant la date de promulgation de la présente loi, elles avaient accepté une libéralité.

([309]) Examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, deuxième séance du jeudi 15 mai 2014.

(1) La disposition avait été supprimée par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, avant d’être rétablie par la commission saisie au fond du Sénat, puis à nouveau supprimée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

([311]) Article 219 bis du code général des impôts.

([312])  Examen en commission du 21 février 2018 et séance publique du 14 mars 2018.

([313])  Avis consultatif du Conseil d’État du 27 novembre 2017 sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

([314]) Qui ne sont pas mentionnés actuellement dans l’article 19.

([315]) Conseil constitutionnel., 21 fevr. 2013, décision n° 2012-297 QPC, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité.

([316]) Agnès Roblot-Troizier et Guillaume Tusseau, Le principe constitutionnel de laïcité et la prétendue volonté du pouvoir constituant, RFDA, 2013.

([317]) Article 1384 du code général des impôts.

([318]) Sixième alinéa de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([319]) Septième et huitième alinéas de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([320]) Neuvième alinéa de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([321]) Dernier alinéa de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([322]) Emmanuel Tawil, « Vers la fin de la liberté des associations cultuelles ? », Recueil Dalloz 2020, p. 2178.

([323]) Conseil d’État, ass., avis n° 145.641, 25 et 31 octobre 1906.

([324]) Pape Pie X, Encyclique Vehementer Nos,11 février 1906 : « Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc, vis-à-vis de lautorité civile dans une dépendance telle, que lautorité ecclésiastique, et cest manifeste, naura plus sur elles aucun pouvoir ».

([325]) Conseil d’État, ass., avis n° 145.641, op. cit. : « Considérant dès lors, que la loi du 9 décembre 1905 ne met aucun obstacle à ce que des individus, agissant en dehors de toute espèce d’association, organisent des réunions publiques cultuelles dans les conditions du droit commun, tel qu’il résulte de la loi de 1881. »

([326]) Étude d’impact du projet de loi, p 324.

([327]) Statuts–types, article 2, §1.

([328]) Conseil d’État, avis n° 18570, 13 décembre 1923.

([329]) Audition de la DLPAJ du ministère de l’intérieur.

([330]) Conseil d’État, avis n° 401549, op. cit., § 86.

([331]) Deux autres obligations de certification des comptes sont par ailleurs prévues :

– lorsqu’une association reçoit 153 000 euros et plus de dons ouvrant droit à réduction fiscale (article 4-1 de la loi n° 87-171 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat) ;

– en cas de réception de ressources ou avantages provenant de l’étranger pour un montant dépassant le seuil fixé par décret en Conseil d’État (créé par l’article 35 du projet de loi).

([332]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., § 87.

([333]) Avis rendu le 14 novembre 1989 par la section de l’intérieur du Conseil d’État (n° 346040).

([334]) Article 7 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, p. 5026.

([335]) Conseil d’État, avis, 24 janvier 1925, sections réunies de la législation, de la justice et des affaires étrangères et de l’intérieur, de l’instruction publique et des Beaux-arts.

([336]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, §6.

([337]) Introduits dans le code pénal local par l’article 172 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([338]) Voir commentaire de l’article 39 du projet de loi.

([339]) Voir commentaire de l’article 40 du projet de loi.

([340]) Voir commentaire de l’article 41 du projet de loi.

([341]) Voir commentaire de l’article 42 du projet de loi.

([342]) Voir commentaire de l’article 43 du projet de loi.

([343]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., § 91.

([344]) Les aménagements pouvant justifier l’exercice d’un droit de préemption sont listés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. Il s’agit de la mise en œuvre d’un projet urbain, d’une politique locale de l’habitat, de l’organisation du maintien, de l’extension ou de l’accueil des activités économiques, du développement des loisirs et du tourisme, de la réalisation des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de la lutte contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, du renouvellement urbain, la sauvegarde ou de la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels.

([345]) Articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de l’urbanisme.

([346]) Article 150 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([347]) Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, par MM. Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, 2013.

([348]) Discussion au Sénat de la proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l’exercice du droit de préemption, en 2011.

([349]) Séance publique du Sénat du 15 avril 2015, examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

(2) Séance publique du Sénat du 5 octobre 2016, examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

(3) Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 portant sur la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([352]) Tribunal administratif de Lyon, 1993, Association Altène.

([353])  Cour d’appel de Rouen, 23 février 1994 Association locale des témoins de Jéhovah d’Elbeuf.

([354]) Article 11 de la loi du 1er juillet 1901.

([355]) Article 6 de la loi du 1er juillet 1901.

([356]) Article L. 211-10 du code de l’action sociale et des familles.

([357])  Article 6 de la loi du 1er juillet 1901.

([358]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([359]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([360]) En application des premier à quatrième alinéa de l’article 19 de la loi de 1905, les seuils sont de sept personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de moins de 1 000 habitants, quinze personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de 1 000 à 20 000 habitants et vingt-cinq personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de plus de 20 000 habitants.

([361]) Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.

([362]) Ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations.

([363]) Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.

([364]) Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

([365]) L’article L. 612-4 du Code de commerce renvoie à un seuil déterminé par décret, fixé à l’article D. 612‑5 du même code à hauteur de 153 000 euros.

([366]) Décret n° 2009 540 du 14 mai 2009 portant sur les obligations des associations et des fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels.

([367]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 340.

([368]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 38.

([369]) Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

([370]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([371]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([372]) En application des premier à quatrième alinéa de l’article 19 de la loi de 1905, les seuils sont de sept personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de moins de 1 000 habitants, quinze personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de 1 000 à 20 000 habitants et vingt-cinq personnes lorsque l’association a son siège dans une commune de plus de 20 000 habitants.

([373]) Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.

([374]) Ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations.

([375]) Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.

([376]) Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

([377]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 345.

([378]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 38.

([379]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([380]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([381]) Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.

([382]) Décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil.

([383]) Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([384]) Voir l’arrêt du Conseil d’État, 30 mars 2018, Mouvement raelien international, n° 411124.

([385]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 349.

([386]) Voir le compte rendu de l’audition de Son Éminence le métropolite Emmanuel Adamakis, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, devant la commission spéciale, lundi 4 janvier 2021.

([387]) Rapport d’information de Mme Nathalie Goulet et M  André Reichardt, fait au nom de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’islam en France et de ses lieux de culte, enregistré à la présidence du Sénat le 5 juillet 2016.

([388]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 349.

([389]) Voir le compte rendu de l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, devant la commission spéciale, lundi 11 janvier 2021.

([390]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 39.

([391]) Pour rappel, les articles 19-1 et 19-2 de la loi de 1905 sont créés, respectivement, par les articles 27 et 28 du projet de loi.

([392]) Fiducie : contrat par lequel une personne (le constituant) transfère tout ou partie d’un ensemble de biens qu’elles possèdent à une autre personne (le fiduciaire) en vue d’agir dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

([393]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 40.

([394]) Voir CJUE, Commission contre Hongrie, 18 juin 2020, affaire n° C–78/18, point 79.

([395]) Par exemple, le Conseil d’État a jugé qu’une association exerçant des activités cultuelles pouvait se voir refuser le bénéfice du statut prévu par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État en raison de faits condamnables commis par des associations qui lui étaient proches (voir l’arrêt Association cultuelle du Vajra Triomphant, 28 avril 2004, n° 248467).

([396]) Voir Conseil d’État, Ministre de l’intérieur c/ Mouvement raëlien international, 30 mars 2018 (n° 411124).

([397]) Voir CJUE, Commission contre Hongrie, 18 juin 2020, affaire n° C–78/18, point 8.

([398]) Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

([399]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([400]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([401]) Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.

([402]) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

([403]) Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

([404]) Décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du code civil.

([405]) Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([406]) Voir l’arrêt du Conseil d’État, 30 mars 2018, Mouvement raelien international, n° 411124.

([407]) Voir le compte rendu de l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, devant la commission spéciale, lundi 11 janvier 2021.

([408]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 349.

([409]) Conseil d’État, avis sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République, n° 401549, séance du 3 décembre 2020, rectificatif du 7 décembre 2020, page 39.

([410]) Voir Conseil d’État, Ministre de l’intérieur c/ Mouvement raëlien international, 30 mars 2018 (n° 411124).

([411]) Voir CJUE, Commission contre Hongrie, 18 juin 2020, affaire n° C–78/18, point 8.

([412]) Uniquement s’agissant des infractions constituées par la violation des articles 25 et 26.

([413]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., § 93.

([414]) Voir commentaire de l’article 40 du projet de loi.

([415]) Ces infractions viennent compléter les infractions de droit commun prévues par le code pénal, et notamment l’entrave à l’exercice de la liberté d’expression, de travail, d’association, de réunion ou de manifestation prévue par l’article 431-1 du code pénal.

([416]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., § 94.

([417]) Il s’agit des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles ; les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes ; les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal.. Est punie des mêmes peines l’apologie publique des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi.

([418]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §95.

([419]) Voir commentaire de l’article 37 du présent projet de loi, qui prévoit de moderniser et durcir le régime des peines applicables en la matière.

([420]) Conseil d’État, 20 juin 2012, n° 340648, Commune des Saintes-Maries-de-la-Mer.

([421]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 368.

([422]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §95.

([423]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §96.

([424]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §97.

([425]) Article 131-36-7 du code pénal.

([426]) Articles 132‑44 et 132‑45 du code pénal.

([427]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §98.

([428]) Étude d’impact du projet de loi, p. 375.

([429]) Ces dispositions ont été introduites à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2020. La loi n° 2020-1671 du 24 décembre 2020 relative à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure a prolongé ces dispositions jusqu’au 31 juillet 2021.

([430]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 16 février 2018.

([431]) Deuxième rapport annuel du Gouvernement sur l’application de la loi SILT, février 2020.

([432]) Avis du Conseil d’État, n° 401549, op. cit., §101.

([433]) https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/320652/3122370/version/1/file/i3700.pdf

([434]) Voir le décret du 9 mai 1990 portant création d’une cellule de coordination chargée du traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN), abrogé le 24 août 2005.

([435]) Voir la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

([436]) Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental chargé de promouvoir des normes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international.

([437]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([438]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([439]) La liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme est prévue à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier. Elle inclut, entre autres, des établissements financiers comme les banques et les compagnies d’assurances, mais aussi les commissaires aux comptes, les avocats, les notaires ou encore les experts-comptables.

([440]) Ces nouvelles dispositions sont en vigueur depuis le 14 février 2020, en application de l’ordonnance n° 2020‑115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

([441]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 389.

([442]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 390 : « Les chiffres de l’année 2020 sont affectés par la mobilisation du service sur la lutte contre la fraude au dispositif de chômage partiel mis en place à l’occasion de la crise sanitaire. Ainsi, sur la seule thématique des fraudes au chômage partiel, TRACFIN a exercé en quelques mois trente droits d’opposition pour un montant supérieur à 2,2 millions d’euros. Doivent être ajoutés les droits d’opposition exercés en 2020 sur d’autres dossiers pour un montant total supérieur à 7,9 millions d’euros. »

([443]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 391.

([444]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([445]) Voir l’étude d’impact annexée au projet de loi confortant le respect des principes de la République, page 391.

([446]) Décret du 6 février 1911 déterminant les conditions d’application à la Martinique, à la Guadeloupe et à La Réunion des lois sur la séparation des Églises et de l’État et l’exercice public des cultes.

([447]) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

([448]) Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.

([449]) Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.

([450]) Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

([451]) Voir l’article 26 de la délibération n° 61-16 du 17 mai 1961 de l’assemblée territoriale des Comores, dans sa rédaction résultant du I de l’article 16 de l’ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil de Mayotte.

([452]) Ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître.

([453]) Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([454]) Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([455])  Voir, dans le présent rapport, le commentaire de l’article 19.