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No 3827

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,

DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SENAT,

APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
 

portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° 3812)

 

par M. Rémy Rebeyrotte

Député

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 3812


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS.................................................... 5

I. Les dispositions initiales du projet de loi

II. Les modifications et ajouts introduits par le Sénat

III. Les principaux apports de la Commission

Examen des articles du projet de loi

Article 1er Modification du calendrier électoral des élections régionales et départementales de 2021 et 2027

Article 1er bis Élargissement des modalités de procurations de vote

Article 2 Remise au Parlement le 1er avril 2021 d’un rapport sur la situation sanitaire

Article 2 bis Publication par la CNCCFP d’un guide actualisé du candidat et du mandataire pour les prochaines élections régionales et départementales

Article 3 (art. 3 et 11 de l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la création de la Collectivité européenne d’Alsace) Adaptation des mesures transitoires applicables à la Collectivité européenne d’Alsace

Article 4 Adaptation des règles de propagande électorale et de financement de la campagne pour les élections régionales et départementales

Article 4 bis A Extension de 12 à 19 jours de la durée de la campagne officielle pour les prochaines élections régionales et départementales

Article 4 bis B Avancement d’une semaine de la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour des élections régionales

Article 4 bis Règles d’organisation des bureaux de vote équipés de machines à voter

Article 4 ter Rapport du Gouvernement au Parlement sur le recours aux machines à voter

Article 5 Délais supplémentaire applicable au dépôt des comptes de campagne des candidats

Article 6 Campagne audiovisuelle des candidats aux élections régionales

Article 6 bis Communication audiovisuelle sur le rôle des conseils départementaux et régionaux

Article 7 Mention des marges d’erreur dans les sondages publiés ou diffusés

Article 8 Délai supplémentaire applicable à l’adoption du budget primitif des régions et des départements

Article 9 Délai supplémentaire applicable à l’adoption du compte administratif des régions et des départements

COMPTE RENDU DES DÉBATS

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES


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MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis plus d’un an, le virus de la Covid-19 circule sur notre territoire, mettant à l’épreuve notre système de santé, notre économie, notre vie quotidienne, mais également notre démocratie. Fondé sur l’exercice universel, régulier, sincère et équitable du pouvoir de suffrage, notre calendrier électoral a dû être modifié à plusieurs reprises pour préserver la santé de nos concitoyens et limiter la propagation de la maladie.

Suivant l’avis du comité scientifique covid-19, mis en place auprès de l’exécutif ([1]), le législateur a ainsi été amené à reporter :

– le second tour des élections municipales, du 22 mars au 28 juin 2020 ([2]) ;

– les élections consulaires, de mai 2020 à mai 2021 ([3]) ;

– le renouvellement des six sénateurs des Français de l’étranger pour permettre, au préalable, le renouvellement des conseillers et délégués consulaires qui composent leur collège électoral. L’élection de ces six sénateurs est ainsi reportée d’une année, soit à septembre 2021 ;

– les élections législatives, sénatoriales et municipales partielles qui pourront être organisées jusqu’au 13 juin 2021, par dérogation au délai de trois mois pour l’organisation de l’élection après constatation de la vacance de leur siège ([4]).

Ces décisions, difficiles au regard de l’importance de ces échéances électorales pour nos concitoyens, ont fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce consensus témoigne de l’attachement de l’ensemble des partis politiques à l’organisation des élections dans des conditions permettant de concilier les principes constitutionnels de sincérité et de périodicité du scrutin avec celui de préservation de la santé publique.

Le présent projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, déposé sur le Bureau du Sénat le 21 décembre 2020, s’inscrit dans la poursuite de ces précédents travaux. Au regard de la situation sanitaire actuelle, marquée par les incertitudes sur l’efficacité des vaccins face à l’apparition de nouveaux variants du virus, il prévoit à titre principal de reporter ces élections de mars, échéance actuellement fixée par la loi ([5]), à juin 2021.

De nouveau, cette disposition est le fruit d’un large consensus politique ayant permis l’émergence d’une proposition équilibrée. Le Gouvernement a en effet confié à M. Jean‑Louis Debré, ancien Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, la mission de déterminer la date et les modalités les plus opportunes pour l’organisation de ces élections au regard du contexte sanitaire actuel. À la suite d’une soixantaine d’auditions et avec pour fil conducteur « la recherche du plus large accord possible des responsables des formations politiques », ce dernier a présenté les résultats de ses travaux le 13 novembre 2020 ([6]).

Ceux-ci concluent qu’« un report des scrutins au mois de juin 2021 constituerait une option raisonnable, au regard des risques sanitaires comme des enjeux politiques et institutionnels ». Un rapport sur l’état sanitaire du pays sera porté à la connaissance du Parlement avant le 1er avril 2021. Il ne constitue pas pour autant une « clause de revoyure » automatique. Par ailleurs, des aménagements législatifs et réglementaires sont préconisés pour soutenir la participation des électeurs et adapter certaines règles relatives à la campagne électorale.

Le présent projet de loi s’inspire ainsi de ces travaux, dans le respect du consensus politique auquel tous les groupes politiques ont contribué et des exigences constitutionnelles encadrant la tenue des élections. Si les impératifs de la crise sanitaire ne peuvent bien sûr être méconnus, la démocratie ne saurait pour autant être mise entre parenthèses.

Le Sénat s’est très largement prononcé en faveur de ce report, tout en procédant à plusieurs adaptations et ajouts dont l’opportunité soulève, pour certains d’entre eux, quelques interrogations.

Lors de l’examen en commission des Lois, l’organisation des deux tours des élections en juin 2021 a été confirmée. La Commission a également approuvé de nombreuses modifications apportées par le Sénat, tout en supprimant celles qui apparaissent injustifiées compte tenu de l’objet initial de ce projet de loi, voire inopportunes compte tenu des circonstances dans lesquelles les prochains scrutins vont se dérouler. Elle a également procédé à l’ajout de plusieurs dispositions visant essentiellement à adapter certaines règles d’organisation de la campagne, compte tenu du report des scrutins.

 

I.   Les dispositions initiales du projet de loi

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi comporte quatre articles.

L’article 1er reporte de mars à juin 2021 la tenue des élections régionales et départementales et prolonge en conséquence les mandats en cours jusqu’à cette date. Il fixe également à décembre 2027 puis à mars 2033 la date des élections régionales et départementales suivantes

L’article 2 prévoit au plus tard le 1er avril 2021 la remise au Parlement par le comité de scientifiques d’un rapport se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant.

Par coordination avec le report de trois mois des scrutins régionaux et départementaux, l’article 3 reporte de plusieurs mois les dates auxquelles la Collectivité européenne d’Alsace doit avoir déterminé son siège ainsi que le régime indemnitaire et les conditions d’emploi de son personnel.

Dans un même objectif de coordination, l’article 4 tend, d’une part, à prolonger jusqu’à la nouvelle date du scrutin l’application de certaines règles d’interdiction relatives à la propagande électorale, et d’autre part, à majorer de 20 % le plafond des dépenses électorales.

II.   Les modifications et ajouts introduits par le Sénat

Si le Sénat a approuvé l’essentiel des dispositions initiales du projet de loi, il a adopté huit articles supplémentaires, étendant ainsi de façon notable l’objet de celui-ci.

À l’article 1er, le Sénat a accepté le report des élections à juin prochain tout en introduisant une date butoir applicable au second tour, le 20 juin 2021. Il a également fixé à mars 2028 l’échéance des mandats des conseillers régionaux et départementaux élus en juin 2021.

À l’article 2, le Sénat a précisé que le rapport, réalisé sur la base d’un avis du comité de scientifiques, est remis par le Gouvernement au Parlement et que son objet se concentre sur les mesures d’organisation du scrutin qu’il convient de mettre en œuvre afin de garantir la sécurité sanitaire du processus électoral.

S’agissant des articles additionnels introduits par le Sénat, l’article 1er bis autorise le recours à la double procuration et à leur déterritorialisation dès lors qu’il existe un lien familial entre le mandant et le mandataire.

L’article 4 bis ouvre la possibilité d’utiliser, pour les bureaux de vote qui en sont équipés, une même machine à voter lors des prochaines élections régionales et départementales.

L’article 5 repousse au 10 septembre 2021 la date limite de dépôt des comptes de campagne des candidats aux élections régionales et départementales.

L’article 6 organise la diffusion audiovisuelle de clips de campagne des candidats aux élections régionales sur les chaînes de radio et de télévision du service public.

L’article 6 bis prévoit l’organisation d’une communication audiovisuelle sur les chaînes publiques de radio et de télévision afin d’expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux.

L’article 7 prévoit la mention obligatoire de la marge d’erreur des résultats de sondages électoraux à l’occasion de chacune de leur publication et diffusion.

Les articles 8 et 9 étendent au 31 juillet 2021 la date à laquelle les organes délibérants des départements et des régions doivent avoir adopté leur budget primitif pour l’exercice 2021 et leur compte administratif pour l’exercice 2020.

III.   Les principaux apports de la Commission

La Commission a adopté 23 amendements afin de préciser, adapter, ajouter et supprimer certaines dispositions.

À l’article 1er, la Commission a précisé que les deux tours de scrutin auront lieu en juin 2021 tout en supprimant la date butoir relative à l’organisation du second tour, le 20 juin 2021. À l’article 1er bis, la Commission a supprimé la déterritorialisation des procurations introduite par le Sénat.

La Commission a introduit l’article 2 bis qui précise que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) publie un guide du candidat et du mandataire actualisé et spécifique aux élections régionales et départementales de juin 2021.

À l’article 4, s’agissant des seules élections régionales et départementales reportées en 2021, l’interdiction de porter à la connaissance du public un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit a été supprimée.

Introduits par la Commission, les articles 4 bis A et 4 bis B visent, d’une part, à allonger de douze à dix-neuf jours la durée de la campagne officielle avant le premier tour du scrutin des élections régionales et départementales, et d’autre part, dans un souci de coordination, à avancer d’une semaine la date limite de dépôt des candidatures aux élections régionales.

La Commission a adopté l’article 4 ter qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement au plus tard le 1er octobre 2021 un rapport analysant la possibilité de généraliser le recours aux machines à voter pour les communes désireuses de le faire pour les prochains scrutins.

Si, à l’article 6 bis, la Commission a précisé, et étendu aux élections régionales, la campagne audiovisuelle de communication institutionnelle, elle a supprimé l’article 6. Elle a également supprimé les articles 8 et 9.


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Examen des articles du projet de loi

Article 1er
Modification du calendrier électoral des élections régionales et départementales de 2021 et 2027

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Dans sa rédaction initiale, le présent article reporte de mars à juin 2021 la tenue des élections régionales et départementales et prolonge en conséquence les mandats en cours jusqu’à cette date. Il fixe également à décembre 2027 puis à mars 2033 la date des élections régionales et départementales suivantes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2020-1669 du 24 décembre 2020 relative aux délais d’organisation des élections législatives et sénatoriales partielles prévoit que les sièges vacants de député et les sièges devenus vacants de sénateur avant le 13 mars 2021 donnent lieu à des élections partielles organisées dès que la situation sanitaire le permet et, au plus tard, le 13 juin 2021.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur afin de fixer à mars 2028 l’échéance des mandats des conseillers régionaux et départementaux élus en juin 2021. Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de M. Alain Cadec (Les Républicains), après avis favorable du rapporteur et défavorable du Gouvernement, tendant à fixer la date du second tour des prochaines élections régionales et départementales au 20 juin 2021 au plus tard.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur afin de rappeler le motif du report des élections régionales et départementales et de préciser que les deux tours de scrutin auront lieu en juin 2021, en supprimant la date butoir fixée au 20 juin 2021.

1.   Le report des élections par le législateur s’inscrit dans le respect du cadre constitutionnel

Sur le fondement de l’article 3 de la Constitution selon lequel « le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret », le Conseil constitutionnel a établi un principe de périodicité du suffrage qui implique que les électeurs doivent être « appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage » ([7]). Toutefois, en raison d’un motif d’intérêt général, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour reporter une élection, soit du fait de l’encombrement du calendrier électoral, soit à la suite d’un évènement affectant la sincérité du scrutin.

Le législateur a ainsi modifié le calendrier électoral afin de prévenir une sollicitation excessive des électeurs dans une courte période, à l’image de la loi 2005-1563 du 15 décembre 2005 qui a reporté les élections municipales et cantonales de mars 2007 à mars 2008 et ainsi augmenté d’une année les mandats des conseillers municipaux et généraux, au regard de la tenue des scrutins présidentiels et législatifs du printemps 2007.

Afin de favoriser la participation, la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 a prolongé d’un an le mandat d’une série de conseillers généraux et écourté de deux ans le mandat de l’autre série pour permettre la tenue simultanée des régionales et des cantonales.

Le report des échéances électorales peut également se justifier en raison de la survenance d’un évènement exceptionnel ([8]). La crise sanitaire du covid-19 a motivé le report du second tour des élections municipales de 2020 dont le premier tour avait déjà eu lieu ([9]), des élections consulaires de mai 2020 à mai 2021 ([10]) et de l’élection de six sénateurs représentants les Français établis hors de France ([11]).

Le Conseil constitutionnel limite son contrôle du report des élections à la non-violation d’un principe constitutionnel tel que le principe de périodicité raisonnable du suffrage, de libre administration des collectivités territoriales ou du caractère exceptionnel et transitoire de la prolongation d’un mandat. Il vérifie l’adéquation des mesures avec l’objectif poursuivi par le législateur.

Ce cadre jurisprudentiel constant ([12]) a été rappelé à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité sur l’organisation du second tour des élections municipales de 2020 ([13]) : « Le législateur ne saurait, sans méconnaître les exigences résultant de l’article 3 de la Constitution, autoriser une telle modification du déroulement des opérations électorales qu’à la condition qu’elle soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et que, par les modalités qu’il a retenues, il n’en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l’égalité devant le suffrage. »

Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a estimé que le report du second tour des municipales était adapté à la gravité de la situation sanitaire et à l’incertitude entourant l’évolution de l’épidémie en considérant que les dispositions prises pour éviter la propagation de l’épidémie constituaient un motif impérieux d’intérêt général. Plusieurs mesures d’adaptation du droit électoral contribuaient également à assurer, malgré le délai de trois mois séparant les deux tours de scrutin, la continuité des opérations électorales, l’égalité entre les candidats au cours de la campagne et la sincérité du scrutin.

La dégradation du contexte sanitaire lié à l’épidémie de covid-19 à la fin de l’année 2020 a alimenté les réflexions autour du report des élections régionales et départementales prévues en mars 2021. À la demande du Premier ministre et à l’issue d’une large consultation transpartisane, M. Jean-Louis Debré a rendu le 13 novembre 2020 un rapport envisageant plusieurs solutions de report.

2.   Les différents scénarios envisageables à l’épreuve de la crise sanitaire

Le rapport de M. Jean-Louis Debré a étudié l’opportunité de plusieurs options relatives à la date des prochaines élections régionales et départementales.

Le maintien des élections en mars 2021 a été rejeté eu égard à la forte détérioration de la situation sanitaire depuis le début de l’automne 2020 au point d’aboutir à la mise en place d’un deuxième confinement le 28 octobre 2020. Auditionnés par M. Jean-Louis Debré, M. Jean-François Delfraissy, président du comité de scientifiques, et M. Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du comité, ont indiqué que la tenue de la campagne électorale et des scrutins selon le calendrier prévu par le code électoral ([14]) était « fortement déconseillée » voire « déraisonnable » ([15]) .

Le report des élections à l’automne 2021 ou à l’automne 2022 a également été écarté pour plusieurs raisons. Les risques de reprise épidémique liés à la baisse des températures, la difficulté d’organiser la campagne au cours de la période estivale et la délicate articulation de ces échéances avec le calendrier budgétaire des collectivités régionales et départementales constituent plusieurs obstacles majeurs. En outre, le report des élections à l’automne 2022 entraînerait une prorogation inédite de plus de dix-huit mois des mandats des actuels conseillers régionaux et départementaux, au risque d’encourir une inconstitutionnalité pour méconnaissance du principe de périodicité raisonnable du scrutin.

Le rapport de M. Jean-Louis Debré considère que report des élections au mois de juin 2021 représente l’option la plus pertinente. Bénéficiant d’un très large consensus politique et justifiée par la persistance de circonstances exceptionnelles, ce décalage de trois mois s’avère motivé par « un souci d’équilibre entre les exigences de la vie démocratique et les précautions sanitaires. » ([16])

3.   La modification du calendrier électoral proposée par le Gouvernement

Le projet de loi déposé par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat le 21 décembre 2020 retient la préconisation du rapport de M. Jean-Louis Debré. Dans sa rédaction initiale, le présent article proroge la durée des mandats actuels jusqu’au mois de juin 2021 au cours duquel aura lieu le renouvellement des conseils régionaux et départementaux. Le report du scrutin au mois de juin 2021 concerne l’intégralité des élections régionales et départementales se déroulant en métropole et sur les territoires ultra-marins. Le Gouvernement précise qu’aucune donnée actuellement disponible ne justifie à ce jour un report différencié des élections en outre-mer ([17]).

La date exacte des deux tours de scrutin relève du niveau règlementaire : le décret de convocation des électeurs devant être publié au moins six semaines avant la tenue du premier tour ([18]). Le présent article fixe à décembre 2027 l’échéance des mandats des conseillers élus en juin 2021, puis à mars 2033 celle des mandats des conseillers élus en décembre 2027 :

Le choix de fixer à décembre 2027 le terme des mandats des conseillers régionaux et départementaux élus en juin 2021 répond à l’objectif d’éviter la concomitance des élections locales avec les élections législatives qui succèderont à l’élection présidentielle organisée deux mois plus tôt.

Afin de rétablir la périodicité habituelle des scrutins régionaux et départementaux, les élections suivantes seraient ainsi organisées en mars 2033. La durée de six ans de droit commun applicable aux mandats régionaux et départementaux serait rétablie à compter de cette date.

4.   La position du Sénat

Le Sénat approuve le report des élections régionales et départementales en juin 2021. La commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur tendant à prévoir les élections suivantes en mars 2028. Cette solution permet de se conformer dès 2028 aux règles de droit commun des scrutins régionaux et départementaux, en modifiant la durée du mandat des seuls conseillers élus en juin 2021, contrairement à la solution privilégiée par le Gouvernement qui réduirait à cinq ans et trois mois la durée des conseillers élus en décembre 2027.

La solution choisie par le Sénat aboutirait à organiser trois élections au cours du printemps 2034 : outre la concomitance des scrutins régionaux et départementaux en mars, les élections européennes auraient également lieu à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a également adopté un amendement de M. Alain Cadec, après avis favorable du rapporteur et avis défavorable du Gouvernement, tendant à fixer la date du second tour des prochaines élections régionales et départementales au 20 juin 2021 au plus tard. L’objectif vise à encadrer davantage les dates auxquelles les scrutins pourraient se dérouler. La faculté d’organiser le second tour le dimanche 27 juin a ainsi été rejetée, eu égard à l’imminence des vacances estivales susceptibles de favoriser l’abstention. Le Gouvernement considère que cette précision empiète sur le domaine règlementaire, le décret de convocation des électeurs ayant en effet pour objet de déterminer la date exacte des deux tours de scrutin.

5.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rappeler que le report de trois mois des élections régionales et départementales se justifie eu égard à l’existence de risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19. S’il prévoit que les deux tours des scrutins départementaux et régionaux auront lieu au cours du mois de juin 2021, l’amendement supprime la date butoir fixée par le Sénat au 20 juin 2021, cette précision empiétant en effet sur la compétence du pouvoir règlementaire. Pris au plus tard six semaines avant le premier tour ([19]), le décret de convocation des électeurs aura ainsi pour objet de préciser les dates auxquelles se dérouleront les prochaines élections régionales et départementales.

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Article 1er bis
Élargissement des modalités de procurations de vote

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement du rapporteur adopté lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article élargit et facilite le recours aux procurations de vote pour les prochaines élections régionales et départementales.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 1er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 a autorisé, s’agissant de ces seuls scrutins, le recours à deux procurations de vote et assouplit les conditions de leur mise en œuvre.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté plusieurs amendements identiques tendant à supprimer la déterritorialisation des procurations ainsi qu’un amendement du rapporteur pour rétablir l’application des règles de droit commun s’agissant de l’établissement et du retrait des procurations au domicile du mandant.

1.   Les règles applicables aux procurations de vote prévues par le code électoral

L’article L. 73 du code électoral prévoit que chaque mandataire ne peut disposer que d’une seule procuration établie en France ([20]). Le mandataire doit être inscrit sur les listes électorales de la commune sur lesquelles est inscrit le mandant ([21]). Mis en place par le décret n° 2018-343 du 9 mai 2018 portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel permettant la gestion du répertoire électoral unique pris en application des dispositions du I de l’article 2 et de l’article 7 de la loi n° 2016-1 048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, le répertoire électoral unique (REU) a permis de fusionner l’ensemble des listes électorales en un seul fichier national dans lequel sont inscrits les 47 millions d’électeurs. Conformément à l’article 111 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, l’adaptation du REU va rendre possible la déterritorialisation de la procuration à compter du 1er janvier 2022, autorisant ainsi l’exercice de la procuration par un mandant inscrit dans une commune différente de celle dans laquelle est inscrit son mandataire.

Afin de faciliter le recours à la procuration de vote par les mandants ne pouvant se déplacer au commissariat de police ou à la gendarmerie afin d’établir leur procuration, l’article R. 72 du code électoral prévoit que les officiers et agents de police judiciaire compétents pour établir les procurations, ou les délégués des officiers de police judiciaire, se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d’infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux, dès lors qu’ils disposent d’un certificat médical ou d’un document officiel attestant de leur situation ([22]).

2.   Les assouplissements proposés par le Sénat

Par un amendement du rapporteur adopté lors de l’examen en Commission, le Sénat a introduit le présent article afin d’élargir et de faciliter le recours aux procurations pour les seules élections régionales et départementales. L’objectif vise à favoriser la participation électorale dans un contexte sanitaire susceptible de dissuader les électeurs de se déplacer pour voter.

Premièrement, par dérogation à l’article L. 73 du code électoral, il autorise chaque mandataire à disposer de deux procurations, conformément à la dérogation déjà mise en œuvre pour le second tour des élections municipales du 28 juin 2020.

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement supprimant la possibilité d’une double procuration. D’une part, il estime que si l’urgence de la crise sanitaire apparue au premier semestre 2020 avait justifié cette dérogation applicable au second tour des dernières élections municipales, la situation actuelle s’avère différente, au regard, par exemple, de la vaccination en cours des personnes vulnérables ne pouvant ou ne souhaitant pas se déplacer pour voter. D’autre part, les risques de fraude induits par la double procuration demeurent élevés, ce qui a conduit à interdire cette pratique depuis 1988.

Deuxièmement, l’article anticipe la déterritorialisation de la procuration dont la mise en place est prévue le 1er janvier 2022 en rendant possible l’établissement d’une procuration par un mandant inscrit dans une commune différente de celle dans laquelle est inscrite son mandataire, dès lors qu’il existe un lien familial entre ces derniers ([23]) et que l’enregistrement de la procuration a lieu au moins trois jours avant le scrutin.

Invoquant des difficultés opérationnelles qui empêchent, à ce stade, la mise en œuvre de ce dispositif, un amendement de suppression présenté par le Gouvernement a été rejeté par le Sénat.

Troisièmement, dans le prolongement des dispositions prévues par l’article 4 du décret n° 2020-742 du 17 juin 2020 applicable au seul second tour des élections municipales du 28 juin 2020, le présent article autorise les personnes qui, en raison de l’épidémie de covid-19, ne peuvent pas comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire habilités à établir les procurations ou leurs délégués à demander à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration. Cette faculté répond à des conditions particulièrement souples, dans la mesure où les personnes ne sont pas tenues de fournir un justificatif attestant de leur impossibilité de se déplacer.

Quatrièmement, la sécurisation sanitaire des opérations de vote implique de fournir des équipements de protection adaptés en faveur des électeurs qui n’en disposent pas et des personnes participant à l’organisation du scrutin. L’article prévoit que les dépenses afférentes en incombent à l’État.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté trois amendements identiques du rapporteur, de M. Bastien Lachaud (La France Insoumise) et de M. Pacôme Rupin (La République en Marche) afin de supprimer la mise en œuvre de la déterritorialisation des procurations introduite par le Sénat. Il apparaît en effet que les conditions techniques permettant de garantir la sécurité du dispositif ne sont pas encore réunies à ce jour.

À l’initiative du rapporteur, la Commission a également adopté un amendement supprimant l’assouplissement excessif de la faculté par laquelle les mandants peuvent établir leurs procurations à domicile grâce au concours des officiers de police judiciaire.

Au-delà des risques d’abus et de surcharge d’activité pesant sur ces derniers, il apparaît que les règles de droit commun prévues par les articles R. 72 et R. 73 du code électoral encadrent de façon satisfaisante la réalisation des procurations au domicile des mandats. En effet, l’article R. 72 prévoit que les officiers et agents de police judiciaire compétents pour établir les procurations, ou les délégués des officiers de police judiciaire, se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d’infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux. Cette faculté répond aux règles prévues par l’article R. 73, qui précise que la demande doit être formulée par écrit et accompagnée d’un certificat médical ou de tout document officiel justifiant que l’électeur est dans l’impossibilité manifeste de comparaître.

Par ailleurs, la nouvelle application « MaProcuration » pourra faciliter le recueil à distance des informations administratives nécessaires à l’établissement de la procuration et raccourcir la présentation de la personne devant l’officier de police judiciaire.

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Article 2
Remise au Parlement le 1er avril 2021 d’un rapport sur la situation sanitaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoit au plus tard le 1er avril 2021 la remise au Parlement par le comité de scientifiques d’un rapport se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant.

       Dernières modifications législatives intervenues

Créé par l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’article L. 3 131-19 du code de la santé publique institue un comité de scientifiques chargé de rendre périodiquement des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser, d’une part, que le rapport, réalisé sur la base d’un avis du comité de scientifiques, est remis par le Gouvernement au Parlement et, d’autre part, que son objet se concentre sur les mesures d’organisation du scrutin qu’il convient de mettre en œuvre afin de garantir la sécurité sanitaire du processus électoral.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur afin de rétablir la rédaction initiale de l’objet du rapport relatif à la présentation des risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant.

1.   La consultation du comité de scientifiques en amont du scrutin

Compte tenu du caractère évolutif et difficilement prévisible de la pandémie de covid-19 au cours des prochains mois, il apparaît nécessaire de garantir l’information du Parlement sur la situation sanitaire en amont de la tenue du scrutin que l’article 1er reporte au mois de juin 2021. Dans cette optique, et conformément à la recommandation du rapport de M. Jean-Louis Debré ([24]), la rédaction initiale du présent article prévoit la remise par le comité de scientifiques institué sur le fondement de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique d’un rapport portant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant. Le rapport de M. Jean-Louis Debré précise que l’information du Parlement ne constitue pas pour autant « une clause de revoyure automatique » mais simplement un « point de situation ».

Rendu public, ce rapport doit être remis au plus tard le 1er avril 2021, avant la publication du décret de convocation des électeurs qui doit intervenir au moins six semaines avant le premier tour de scrutin ([25]). L’étude d’impact annexée au projet de loi précise que ce calendrier permettrait ainsi au Parlement, en cas de dégradation de la situation sanitaire, de reporter la tenue des élections ([26]).

2.   La nouvelle délimitation du champ du rapport opérée par le Sénat

Par un amendement du rapporteur adopté lors de l’examen en Commission, le Sénat a modifié la rédaction de l’article 2.

Premièrement, la remise du rapport au Parlement est effectuée par le Gouvernement sur la base d’une analyse préalable du comité de scientifiques rendue publique sans délai.

Deuxièmement, outre la présentation d’un état des lieux de l’épidémie de covid-19, le contenu du rapport est recentré sur les mesures particulières d’organisation nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire des élections régionales et départementales.

Cette rédaction a pour objectif d’entériner le report du scrutin au mois de juin, sans qu’il puisse être envisagé de procéder à un nouveau report, indépendamment de l’évolution de la situation sanitaire constatée au début du printemps 2021.

3.   La position de la Commission

Si la Commission approuve le principe de la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur la base d’une analyse du comité de scientifiques, elle a adopté un amendement du rapporteur afin de rétablir la rédaction initiale de l’objet du rapport relatif à la présentation des risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale le précédant. Le rapport a en effet pour but de dresser, au plus tard le 1er avril 2021, un état des lieux de la situation sanitaire dans la perspective des élections régionales et départementales de juin 2021. Il s’agit ainsi d’un point de situation visant à informer la représentation nationale sur les enjeux sanitaires liés à l’organisation des élections.

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Article 2 bis
Publication par la CNCCFP d’un guide actualisé du candidat et du mandataire pour les prochaines élections régionales et départementales

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement de M. Paul Molac (Libertés et Territoires) ayant fait l’objet d’un sous-amendement du rapporteur, le présent article prévoit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) publie un guide du candidat et du mandataire spécifique aux élections régionales et départementales de juin 2021 tenant compte de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 et des dispositions de la présente loi.

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La dernière mise à jour du guide du candidat et du mandataire réalisé par la CNCCFP remonte à janvier 2020, soit deux mois avant le premier tour des élections municipales. Le présent article prévoit la publication d’un guide du candidat et du mandataire spécifique aux élections régionales et départementales de juin 2021, afin d’informer les candidats et leurs mandataires financiers des règles afférentes à ces scrutins. L’évolution du cadre légal et règlementaire, à l’image du report de la date limite du dépôt des comptes de campagne prévu par l’article 5 du projet de loi, nécessite de sensibiliser les candidats et leurs mandataires financiers aux adaptations des règles applicables aux prochaines élections, dans un objectif de sécurité juridique.

 L’amendement portant création du présent article a fait l’objet d’un sous-amendement du rapporteur afin de préciser le caractère « actualisé » du guide précité, tout en laissant une certaine marge de manœuvre calendaire à la CNCCFP afin de le mettre à jour.

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Article 3
(art. 3 et 11 de l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la création de la Collectivité européenne d’Alsace)
Adaptation des mesures transitoires applicables à la Collectivité européenne d’Alsace

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

En raison du report des élections départementales au mois de juin 2021, le présent article reporte de plusieurs mois les dates auxquelles la Collectivité européenne d’Alsace doit avoir déterminé son siège ainsi que le régime indemnitaire et les conditions d’emploi de son personnel.

       Dernières modifications législatives intervenues

Prise sur le fondement de l’article 12 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la création de la Collectivité européenne d’Alsace a fixé, d’une part, au 2 juin 2021 l’échéance à laquelle sont déterminés le régime indemnitaire et les conditions d’emploi de son personnel, et, d’autre part, au 30 juin 2021 celle à laquelle doit être défini son siège.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   Les dates butoirs prévues par l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020

Créée le 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d’Alsace résulte de la fusion des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Afin d’encadrer cette évolution institutionnelle, les articles 3 et 11 de l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 déterminent les délais dans lesquels l’assemblée délibérante de la Collectivité européenne d’Alsace doit avoir choisi son siège et avoir déterminé les règles statutaires applicables à son personnel ([27]).

Au regard des échéances électorales prévues en 2021, le calendrier aujourd’hui en vigueur est le suivant :

À l’issue des élections départementales prévues en mars 2021, il est ainsi prévu que la nouvelle assemblée délibérante de la Collectivité européenne d’Alsace dispose d’un délai d’environ trois mois afin de prendre les décisions relatives à la détermination de son siège et du régime statutaire de ses agents.

2.   Le report de ces délais prévu par le projet de loi

Compte tenu du report des élections départementales à juin 2021, le présent article a pour objet d’adapter les échéances susmentionnées afin d’accorder à la future assemblée délibérante un délai suffisant à la prise de ces décisions. Un nouveau calendrier est ainsi proposé :

3.   La position du Sénat

Le Sénat a adopté cet article uniquement modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur lors de l’examen en Commission.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 4
Adaptation des règles de propagande électorale et de financement de la campagne pour les élections régionales et départementales

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Compte tenu du report des élections régionales et départementales à juin 2021, le présent article tend, d’une part, à prolonger jusqu’à la nouvelle date du scrutin l’application de certaines règles d’interdiction relatives à la propagande électorale, et, d’autre part, à majorer de 20 % le plafond des dépenses électorales.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 19 de la loi n° 2020-du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a prévu que les plafonds de dépenses applicables à la campagne du second tour des élections municipales sont majorés par un coefficient fixé par décret qui ne peut être supérieur à 1,5.

       Modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur tendant à apporter des précisions rédactionnelles et à supprimer l’interdiction de porter à la connaissance du public un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit pour les prochaines élections régionales et départementales.

1.   Les règles de propagande et de plafonnement des dépenses de campagne prévues par le code électoral

Dans le but de garantir la sincérité du scrutin et l’égalité des candidats, le code électoral encadre l’utilisation des moyens de propagande dans les six mois précédant le scrutin. Plusieurs interdictions sont ainsi prévues :

        interdiction de porter à la connaissance du public un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ([28]) ;

 

        interdiction d’affichage de propagande électorale en dehors des panneaux « d’expression libre » et des panneaux électoraux apposés par les communes ([29]) ;

 

        interdiction d’utiliser tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle à des fins de propagande électorale ([30]) ;

 

        interdiction d’organiser une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité territoriale ([31]) ;

En ce qui concerne les règles de financement de la campagne électorale, l’article L. 52-4 prévoit que le mandataire financier désigné par le candidat recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne ([32]).

L’organisation des élections régionales et départementales en mars 2021 fixe donc au 1er septembre 2020 le début de la période au cours de laquelle s’appliquent les interdictions mentionnées aux articles L. 50-1 à L. 52-1 et les règles de financement prévues par l’article L. 52-4.

L’article L. 52-11 détermine le plafond des dépenses engagées par les candidats aux élections régionales et départementales. Son montant est calculé selon un critère démographique ([33]). L’article L. 52-11-1 garantit le remboursement public des dépenses de campagne à hauteur de 47,5 % des dépenses électorales en faveur des candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

2.   Les adaptations rendues nécessaires par le report des élections régionales et départementales

Le report des élections régionales et départementales de mars à juin 2021 nécessite de clarifier et de sécuriser la période au cours de laquelle les règles de propagande et de financement précitées doivent s’appliquer. En l’absence d’adaptation, ces règles se seraient appliquées à compter du 1er décembre 2020 alors même que la campagne de certains candidats a pu débuter dès le mois de septembre.

Le présent article précise que la période prise en compte a débuté le 1er septembre 2020 et s’étendra, d’une part, jusqu’à la date du tour du scrutin où l’élection est acquise s’agissant des interdictions en matière de propagande électorale et, d’autre part, jusqu’au dépôt du compte de campagne en ce qui concerne le contrôle des dépenses et des recettes de campagne des candidats régi par l’article L. 52-4.

La prorogation de la période ouverte le 1er septembre 2020 jusqu’au mois de juin 2021 induit pendant plusieurs mois le chevauchement des comptes de campagne des candidats aux élections régionales et départementales avec ceux des candidats à l’élection présidentielle. En effet, la période de financement applicable à celle-ci débute à compter du 1er avril 2021, soit un an avant la date du premier tour ([34]).

Dans son avis rendu sur le projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République déposé le 21 décembre 2020 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, le Conseil d’État estime que ce chevauchement ne présente pas de difficulté majeure. En outre, le raccourcissement éventuel de la période de financement de l’élection présidentielle induirait plusieurs inconvénients tenant notamment à l’affaiblissement du contrôle opéré sur le financement de cette campagne et à l’impossibilité pour les donateurs particuliers de bénéficier, dès le 1er avril 2021, de l’avantage fiscal prévu par la législation.

Enfin, le présent article procède à la majoration de 20 % du montant du plafond de dépenses électorales prévu par l’article L. 52-11 précité. Une majoration identique avait été décidée dans le cadre du report du second tour des élections municipales à juin 2020 ([35]).

3.   La position du Sénat

Le Sénat a adopté cet article uniquement modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur lors de l’examen en Commission.

4.   La position de la Commission

Outre un amendement rédactionnel, la Commission a adopté un amendement du rapporteur afin de supprimer, pour les prochaines élections régionales et départementales, l’interdiction prévue par l’article L. 50-1 du code électoral par laquelle aucun numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ne peut être porté à la connaissance du public par un candidat, une liste de candidats ou à leur profit.

Créée par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, une telle interdiction semble aujourd’hui anachronique. Elle n’apparaît pas opportune compte tenu des circonstances dans lesquelles la prochaine campagne électorale va se dérouler. La mise à disposition d’un numéro d’appel gratuit serait le cas échéant prise en charge par les candidats eux-mêmes et permettrait ainsi aux électeurs de se renseigner sur le programme des candidats, en l’absence de la tenue de réunions électorales physiques.

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Article 4 bis A
Extension de 12 à 19 jours de la durée de la campagne officielle pour les prochaines élections régionales et départementales

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par deux amendements identiques du rapporteur et de Mme Yaël Braun-Pivet (La République en Marche), le présent article porte de douze à dix-neuf jours la durée de la campagne officielle avant le premier tour du scrutin des élections régionales et départementales.

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Les articles L. 47 A, L. 353, L. 375 et L. 558-25 du code électoral prévoient que l’ouverture de la campagne officielle des élections régionales et départementales débute le deuxième lundi précédant le premier tour du scrutin.

Par dérogation avec les règles de droit commun, le présent article vise à allonger la durée de la campagne officielle d’une semaine supplémentaire. Cette évolution, circonscrite aux prochaines élections régionales et départementales, facilitera l’accès des électeurs à la propagande électorale, ce qui permettra de les sensibiliser plus tôt aux enjeux de l’élection et ainsi de favoriser la participation.

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Article 4 bis B
Avancement d’une semaine de la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour des élections régionales

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement du rapporteur, le présent article procède à l’avancement d’une semaine de la date limite de dépôt des candidatures pour les prochaines élections régionales.

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Sur le fondement des articles L. 350 et L. 558-22 du code électoral, les déclarations de candidature aux élections régionales sont déposées au plus tard le quatrième lundi qui précède le jour du premier tour du scrutin, à midi.

Par coordination avec l’article 4 bis A introduit par la Commission afin d’allonger d’une semaine supplémentaire la durée de la campagne officielle, le présent article avance d’une semaine la date limite de dépôt des candidatures aux prochaines élections régionales en la fixant au cinquième lundi qui précède le jour du premier tour du scrutin. Cette évolution permet de maintenir un délai de deux semaines entre le dépôt des candidatures et le début de la campagne officielle nécessaire à la préparation et à la communication de la propagande électorale.

S’agissant du premier tour des élections départementales, la détermination de la date limite de dépôt des candidatures relève d’un arrêté préfectoral.

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Article 4 bis
Règles d’organisation des bureaux de vote équipés de machines à voter

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement adopté par le Sénat à l’initiative de Mme Agnès Canayer (Les Républicains) après avoir recueilli un avis favorable du rapporteur et défavorable du Gouvernement, le présent article prévoit la possibilité d’utiliser, pour les bureaux de vote qui en sont équipés, une même machine à voter lors des prochaines élections régionales et départementales.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

1.   Le recours aux machines à voter

Créé par la loi n° 69-419 du 10 mai 1969, l’article L. 57-1 du code électoral régit l’utilisation des machines à voter lors du déroulement des scrutins :

Règles applicables aux machines à voter

Des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée dans chaque département par le représentant de l’État.

Les machines à voter doivent correspondre à un modèle agréé par arrêté du ministre de l’Intérieur et satisfaire à plusieurs conditions de sécurité et d’adaptabilité telles que la préservation du caractère secret du vote, l’utilisation dans le cadre de plusieurs scrutins organisés simultanément, le maniement par des électeurs handicapés, l’enregistrement du vote blanc ou la totalisation du nombre de votants et de suffrages.

Le dernier alinéa de l’article L. 63 du code électoral précise que le bureau de vote est tenu de s’assurer publiquement, avant le commencement du scrutin, que la machine fonctionne normalement et que tous les compteurs sont à la graduation zéro.

Si un moratoire est appliqué depuis 2008 afin de geler le déploiement des machines à voter ([36]), une soixantaine de communes utilisent encore ce dispositif ([37]) dont le principal intérêt consiste à faciliter les opérations de dépouillement. En amont des élections municipales de 2020, une instruction ministérielle a ainsi été adressée aux maires afin de les informer des dispositions à mettre en œuvre s’agissant des conditions d’utilisation des machines à voter installées dans les bureaux de vote situés sur le territoire de leur commune.

2.   La proposition du Sénat

Issu d’un amendement adopté en séance publique, le présent article prévoit qu’une même machine à voter peut être utilisée pour les élections régionales et départementales. Le cas échéant, le bureau de vote est commun aux deux scrutins. Cet article prévoit des dispositions identiques à celles mentionnées à l’article L. 63 précité quant à la vérification du bon fonctionnement de la machine à voter.

Tendant à garantir sur le plan opérationnel le bon déroulement du scrutin à l’épreuve de la crise sanitaire, l’amendement a fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement qui estime que son objet a vocation à être pleinement satisfait par la publication d’un décret pris en Conseil d’État en février 2021. Le cadre règlementaire précisera en effet que les deux scrutins départementaux et régionaux se dérouleront dans un même bureau de vote dès lors que celui-ci est équipé d’une machine à voter.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement rédactionnel.

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Article 4 ter
Rapport du Gouvernement au Parlement sur le recours aux machines à voter

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement de Mme Isabelle Florennes (Mouvement démocrate et Démocrates apparentés) ayant fait l’objet d’un sous-amendement du rapporteur, le présent article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement au plus tard le 1er octobre 2021 un rapport analysant la possibilité de généraliser le recours aux machines à voter pour les communes désireuses de le faire pour les scrutins à venir.

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Le moratoire sur le déploiement des machines à voter décidé en 2008 par le pouvoir réglementaire soulève des interrogations. D’une part, l’opportunité de recourir davantage aux machines à voter doit être analysée au regard de plusieurs critères tenant à la fois à la sécurité et au bon déroulement des opérations de vote, ainsi qu’à des exigences environnementales et sanitaires.

D’autre part, le moratoire en vigueur empêche les communes équipées de machines à voter de renouveler leurs stocks actuels, ce qui peut poser problème en cas de dysfonctionnement des machines existantes.

À l’initiative de Mme Isabelle Florennes ([38]), le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement au plus tard le 1er octobre 2021 un rapport sur la possibilité de généraliser le recours aux machines à voter pour les communes qui le souhaitent dans la perspective des prochaines échéances électorales. Ce rapport précisera les conditions dans lesquelles les communes désireuses de recourir à ce dispositif pourront le faire.

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Article 5
Délais supplémentaire applicable au dépôt des comptes de campagne des candidats

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement du rapporteur lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article repousse au 10 septembre 2021 la date limite de dépôt des comptes de campagne des candidats aux élections régionales et départementales.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a dispensé les candidats qui ne recueillent pas le pourcentage de suffrages exprimés donnant droit au remboursement des dépenses électorales et dont les recettes et les dépenses n’excèdent pas un certain montant de recourir à un expert-comptable.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté deux amendements du rapporteur tendant à repousser au 17 septembre 2021 la date limite de dépôt des comptes de campagne des candidats aux élections régionales et départementales et à porter de deux à trois mois le délai dans lequel la CNCCFP doit se prononcer sur les comptes des candidats en cas de contentieux électoral s’agissant des seules élections régionales.

1.   Les délais relatifs à l’obligation de dépôt du compte de campagne des candidats déterminée par l’article L. 52-12 du code électoral

En application de l’article L. 52-12 du code électoral, le compte de campagne présente, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection par le candidat ou le candidat tête de liste ([39]), pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date de son dépôt ([40]).

Le II de l’article L. 52-12 prévoit que les candidats sont tenus de déposer à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) leur compte de campagne au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Le compte de campagne est alors présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui le met en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises ([41]).

La méconnaissance des délais impartis expose les candidats au non-remboursement par l’État de leurs dépenses électorales ([42]), voire à une peine d’inéligibilité de trois ans susceptible d’être prononcée par le juge électoral ([43]).

2.   Le report du délai proposé par le Sénat

Issu d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat, le présent article repousse au vendredi 10 septembre 2021 la date butoir relative au dépôt des comptes de campagne des candidats aux élections régionales et départementales, par dérogation à la règle prévue au II de l’article L. 52-12.

Dans l’hypothèse de la tenue du premier tour des élections régionales et départementales le dimanche 13 juin 2021, l’application du II de l’article L. 52-12 contraindrait ainsi les candidats à déposer leur compte de campagne à la fin du mois d’août 2021 :

Ce calendrier pourrait engendrer d’importantes difficultés pratiques. Les vacances estivales ne constituent pas la période optimale afin de solliciter l’intervention des experts-comptables et d’obtenir l’ensemble des documents nécessaires au dépôt des comptes de campagne. Suivant la dérogation mise en œuvre lors des élections municipales de 2020 ([44]), le présent article reporte ainsi de trois semaines le délai au terme duquel les comptes de campagne doivent être déposés, en fixant la date de dépôt au vendredi 10 septembre 2021.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement fixant au vendredi 17 septembre 2021 la date limite de remise des comptes de campagne à la CNCCFP. Ce report d’une semaine répond à un objectif de souplesse, au regard de la persistance éventuelle de difficultés auxquelles les candidats seraient confrontés afin de rassembler l’ensemble des pièces justificatives nécessaires au dépôt de leurs comptes de campagne à la fin de la période estivale.

L’amendement porte également de deux à trois mois le délai de contrôle des comptes par la CNCCFP en cas de contentieux contre les opérations électorales, pour les seules élections régionales, par dérogation avec l’article L. 118-2 du code électoral. Cet allongement du délai d’instruction vise à faciliter le travail accompli par la CNCCFP qui sera confrontée à une surcharge d’activité au second semestre 2021.

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Article 6
Campagne audiovisuelle des candidats aux élections régionales

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par deux amendements identiques du rapporteur et de M. Eric Kerrouche (Socialiste, Écologiste, Républicain) lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article organise la diffusion audiovisuelle de clips de campagne des candidats aux élections régionales sur les chaînes de radio et de télévision du service public.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de suppression de cet article.

1.   L’absence de cadre législatif régissant la campagne électorale régionale

Le code électoral ne prévoit aucune disposition encadrant l’organisation d’une campagne audiovisuelle s’agissant des élections régionales, à l’exception des élections organisées en Corse ([45]) en Guyane et en Martinique ([46])  pour lesquelles les antennes locales du service public de télévision et de radiodiffusion sont mises à la disposition des listes dont la candidature a été régulièrement enregistrée. Le temps d’antenne s’élève à trois heures à la télévision et à la radio, celui-ci étant réparti de façon égale entre les listes.

La diffusion de clips de campagne sur les émissions de service public est cependant prévue, à l’échelle législative, dans le cadre des élections législatives ([47]) et européennes.

Paragraphes I à III de l’article 19 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen

I. Pendant la campagne électorale, les émissions du service public de la communication audiovisuelle sont mises à la disposition des listes dont la candidature a été régulièrement enregistrée, dans les conditions prévues au présent article.

II. Une durée d’émission de trois minutes est mise à la disposition de chacune des listes mentionnées au I.

III. Une durée d’émission de deux heures est répartie entre les listes mentionnées au I au prorata du nombre de députés, de sénateurs et de représentants français au Parlement européen ayant déclaré les soutenir. Les conditions dans lesquelles les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen expriment leur soutien à ces listes sont fixées par décret en Conseil d’État. La répartition des durées respectivement attribuées est rendue publique.

En l’absence de cadre législatif, la campagne audiovisuelle des élections régionales se déroule donc sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui veille à ce que les éditeurs de services de radio et de télévision respectent le principe de pluralisme pendant les six semaines précédant le scrutin ([48]), selon une règle d’équité entre les candidats.

2.   La mise en place d’une campagne audiovisuelle pour les élections régionales proposée par le Sénat

Issu des travaux de la commission des Lois du Sénat, le présent article prévoit l’organisation d’une campagne audiovisuelle pour les seules élections régionales ([49]), afin de pallier les restrictions découlant de la crise sanitaire du covid-19 qui perturbent l’organisation habituelle des réunions électorales et de l’ensemble des rencontres physiques entre les candidats et les électeurs. Cette évolution concrétiserait l’une des pistes de réflexion mentionnées par M. Jean-Louis Debré dans son rapport remis au Premier ministre le 13 novembre 2020 ([50]).

Conformément aux règles applicables aux élections régionales organisées en Corse, en Guyane et en Martinique (CSA), cet article prévoit une répartition du temps d’antenne alloué aux listes de candidats selon une règle d’égalité, à compter du troisième lundi qui précède le scrutin et jusqu’à la veille de celui-ci. Les clips de campagne ont vocation à être retransmis sur les services diffusant des programmes régionaux ou locaux, c’est-à-dire France Télévisions et Radio France. Les dépenses liées à la campagne audiovisuelle sont prises en charge par l’État.

Avant le premier tour de scrutin, une durée d’émission de deux heures est prévue lorsque le nombre de listes de candidats est inférieur ou égal à neuf. Au-delà de ce nombre, la durée s’élève à trois heures. Avant le second tour, la durée d’émission accordée aux candidats des listes qualifiées pour celui-ci est fixée à une heure.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de suppression du présent article.

Premièrement, la diffusion de tels clips s’effectuerait au détriment des programmes déjà en place sur les décrochages régionaux de France 3, c’est-à-dire les éditions d’informations régionales et les débats organisés entre les candidats ([51]), ce qui ne favoriserait pas le débat démocratique et la bonne information des téléspectateurs.

Deuxièmement, s’agissant de la production de ces clips, au-delà du surcoût important que cette évolution entraînerait, l’organisation d’une telle campagne, ferait peser sur les équipes régionales un surcroît d’activité et une complexification de l’organisation des activités des stations régionales, s’agissant par exemple de la vérification par France 3 du nécessaire respect des règles entourant la production de ces clips et de leur qualité technique.

Troisièmement, si le périmètre défini pour les régions de France 3 correspond bien aux régions administratives, la réception des offres TV par la TNT ne recoupe pas toujours parfaitement ces territoires, contraignant certains téléspectateurs à recevoir programmes et information conçus pour la région voisine. Une partie des citoyens recevraient ainsi des spots officiels de candidats qui ne les concernent pas.

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Article 6 bis
Communication audiovisuelle sur le rôle des conseils départementaux et régionaux

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement adopté par le Sénat à l’initiative de Mme Agnès Canayer (Les Républicains) après avoir recueilli un avis favorable du rapporteur et défavorable du Gouvernement, le présent article prévoit l’organisation d’une communication audiovisuelle sur les chaînes publiques de radio et de télévision afin d’expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement du rapporteur afin d’étendre cette communication audiovisuelle aux élections régionales.

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En l’absence de la mise en place de clips de campagne diffusés par France Télévisions ou Radio France, cet article impose que des programmes du service public de la communication audiovisuelle sont consacrés à expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux à compter du troisième lundi qui précède le premier tour de scrutin et jusqu’à la veille du second tour. Compte tenu des restrictions sanitaires modifiant le déroulement habituel de la campagne électorale, ces émissions visent un objectif « pédagogique » afin de sensibiliser les électeurs à l’action des conseils départementaux.

Le CSA a vocation à déterminer la production et la diffusion de ces programmes, après consultation des présidents des chaînes publiques de radio et de télévision concernées. Introduit par le Sénat, le Gouvernement a émis un avis défavorable à l’amendement de Mme Agnès Canayer, considérant que le contenu des programmes diffusés sur les médias du service public ne relève pas du niveau législatif ([52]).

Compte tenu de la singularité des prochaines campagnes électorales régionales et départementales, la Commission a adopté un amendement du rapporteur afin d’étendre le champ de cette communication audiovisuelle au rôle et au fonctionnement des conseils régionaux, ainsi qu’aux dates et aux modalités des scrutins. Elle rappelle aussi l’importance que revêtira la campagne d’information du ministère de l’Intérieur pour s’inscrire sur les listes électorales et voter à l’occasion de ces élections.

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Article 7
Mention des marges d’erreur dans les sondages publiés ou diffusés

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement de M. Jean-Pierre Sueur (Socialiste, Ecologiste et Républicain) lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article prévoit la mention obligatoire de la marge d’erreur des résultats de sondages électoraux à l’occasion de chacune de leur publication et diffusion.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 6 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections a modifié l’article 2 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion afin de prévoir la mention des marges d’erreur afférentes aux sondages électoraux publiés ou diffusés pour la première fois.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

1.   L’obligation de mentionner les marges d’erreur des sondages électoraux

Le 7° de l’article 2 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 prévoit l’obligation de mentionner les marges d’erreur des résultats de sondages publiés ou diffusés pour la première fois.

Cependant, en application du dernier alinéa de l’article précité, la portée de cette obligation est amoindrie par la possibilité de faire figurer cette mention sur le service de communication au public en ligne de l’organe d’information qui publie ou diffuse le sondage. Le cas échéant, seule l’adresse internet de ce service doit être indiquée par l’organe d’information. En pratique, les publications et diffusions ultérieures des résultats des sondages ne mentionnent donc pas systématiquement les marges d’erreurs, celles-ci étant simplement indiquées sur le document mis en ligne par l’institut de sondage à l’occasion de sa première publication.

2.   La généralisation de l’obligation proposée par le Sénat

Issu d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat, le présent article généralise l’obligation tendant à mentionner les marges d’erreur à toute publication ou diffusion des sondages électoraux, et non plus uniquement lors de leur première publication ou diffusion.

Ne modifiant pas l’article 2 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977, cette disposition ne s’appliquerait par conséquent qu’aux seules élections régionales et départementales organisées en 2021.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 8
Délai supplémentaire applicable à l’adoption du budget primitif des régions et des départements

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement de Mme Catherine di Folco (Les Républicains) lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article étend au 31 juillet 2021 la date à laquelle les organes délibérants des départements et des régions doivent avoir adopté leur budget primitif pour l’exercice 2021.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de suppression de cet article.

1.   Les délais d’adoption du budget prévus par l’article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales

Le premier alinéa de l’article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que les organes délibérants départementaux et régionaux doivent adopter le budget de la collectivité au plus tard le 15 avril de l’exercice auquel il s’applique. Lors de l’année au cours de laquelle sont renouvelés les organes délibérants, la date limite est fixée au 30 avril afin de rendre possible l’adoption du budget par une nouvelle majorité départementale ou régionale à l’issue des élections ayant eu lieu le mois précédent.

L’article L. 1612-1 prévoit les règles budgétaires applicables dès lors que le budget n’a pas été adopté avant le 1er janvier de l’exercice auquel il s’applique :

Premier à quatrième alinéas de l’article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales

Dans le cas où le budget d’une collectivité territoriale n’a pas été adopté avant le 1er janvier de l’exercice auquel il s’applique, l’exécutif de la collectivité territoriale est en droit, jusqu’à l’adoption de ce budget, de mettre en recouvrement les recettes et d’engager, de liquider et de mandater les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l’année précédente.

Il est en droit de mandater les dépenses afférentes au remboursement en capital des annuités de la dette venant à échéance avant le vote du budget.

En outre, jusqu’à l’adoption du budget ou jusqu’au 15 avril, en l’absence d’adoption du budget avant cette date, l’exécutif de la collectivité territoriale peut, sur autorisation de l’organe délibérant, engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette.

L’autorisation mentionnée à l’alinéa ci-dessus précise le montant et l’affectation des crédits.

2.   Le report du délai proposé par le Sénat

Issu d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat, le présent article repousse la date butoir relative au vote du budget par l’organe délibérant départemental ou régional au 31 juillet 2021, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 1612-2 précité.

Avant l’adoption du budget et par dérogation aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1612-1, le président du conseil départemental ou du conseil régional peut alors, sur autorisation de l’organe délibérant, engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement à hauteur des sept douzièmes du montant des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent ([53]). Cette dérogation s’inspire de la procédure mise en œuvre en 2020 en raison de la crise sanitaire ([54]).

Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression du présent article ayant été rejeté par le Sénat après avoir recueilli un avis défavorable du rapporteur. Le Gouvernement considère que les assemblées délibérantes actuellement en fonction doivent pouvoir adopter un budget pour l’exercice 2021 selon les règles de droit commun. L’adoption d’un budget à la fin du mois de juillet 2021 affaiblirait l’effectivité de la compétence budgétaire des conseils départementaux ou régionaux, au regard, d’une part, de la durée potentiellement réduite à moins de six mois pendant laquelle le budget ainsi voté s’appliquerait et, d’autre part, aux risques de blocages institutionnels qu’une telle situation serait susceptible d’engendrer.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

Il apparaît en effet que les assemblées délibérantes actuellement en fonction sont tout à fait en mesure d’adopter un budget pour l’exercice 2021 selon les règles de droit commun, soit avant le 30 avril 2021. Ce report ne présente pas de justification, d’autant plus que la très grande majorité des conseils départementaux et régionaux adoptent leur budget de l’année N au plus tard au premier trimestre.

L’adoption d’un budget à la fin du mois de juillet 2021 affaiblirait considérablement l’effectivité de la compétence budgétaire des conseils départementaux ou régionaux, au regard, d’une part, de la durée potentiellement réduite à moins de six mois pendant laquelle le budget ainsi voté s’appliquerait et d’autre part aux risques de blocages institutionnels qu’une telle situation pourrait engendrer.

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Article 9
Délai supplémentaire applicable à l’adoption du compte administratif des régions et des départements

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement de Mme Catherine di Folco (Les Républicains) lors de l’examen en commission des Lois du Sénat, le présent article porte au 31 juillet 2021 la date à laquelle les organes délibérants des départements et des régions doivent avoir adopté le compte administratif relatif à l’exercice 2020.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de suppression de cet article.

1.   Les délais d’adoption du compte administratif prévus par l’article L. 1612-12 du code général des collectivités territoriales

Le compte administratif retrace annuellement l’ensemble des opérations budgétaires effectuées par l’exécutif de la collectivité. La reddition des comptes par l’ordonnateur des dépenses permet ainsi de présenter les résultats comptables de l’exercice précédent, le comptable public du département ou de la région étant tenu d’établir le compte administratif au plus tard le 1er juin de l’année N+1. Le premier alinéa de l’article L. 1612-12 du code général des collectivités territoriales précise que l’assemblée délibérante est ensuite appelée à voter le compte administratif au plus tard le 30 juin.

2.   Le report du délai proposé par le Sénat

Issu d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat, le présent article repousse la date butoir relative à l’approbation du compte administratif par l’organe délibérant départemental ou régional au 31 juillet 2021, par dérogation à l’article L. 1612-12.

Le report du délai au 31 juillet 2021 vise à assouplir la procédure de présentation et d’arrêt des comptes au regard du report en juin 2021 du renouvellement des conseils départementaux et régionaux. Une dérogation identique avait déjà été mise en œuvre en 2020 ([55]) s’agissant du report du délai maximal au terme duquel devait avoir lieu le vote de l’arrêté des comptes par les exécutifs locaux.

3.   La position de la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

Dans le prolongement de la suppression de l’article 8 par la Commission, il apparaît que les assemblées délibérantes actuellement en fonction sont également en mesure d’adopter leur compte administratif pour l’exercice 2021 selon les règles de droit commun, soit au plus tard le 30 juin 2021. L’organisation du  renouvellement des conseils départementaux et régionaux en juin prochain n’emporte pas de conséquence sur la procédure d’adoption de leur compte administratif.


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COMPTE RENDU DES DÉBATS

Lors de sa première réunion du mercredi 3 février 2021, la Commission examine le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° 3812) (M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10269346_601a71f2e9c14.commission-des-lois--mainmise-sur-la-ressource-en-eau-par-les-interets-prives-et-ses-consequences--3-fevrier-2021

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Depuis plus d’un an, le virus de la Covid-19 circule sur notre territoire, mettant à l’épreuve notre système de santé, notre économie, notre vie quotidienne, mais également notre démocratie.

Fondé sur l’exercice régulier, sincère et équitable du pouvoir de suffrage, notre calendrier électoral a dû être modifié à plusieurs reprises pour préserver la santé de nos concitoyens et limiter la propagation de la maladie.

Suivant l’avis du Conseil scientifique Covid-19, mis en place auprès de l’exécutif, nous avons déjà été amenés à reporter le second tour des élections municipales, du 22 mars au 28 juin 2020, les élections consulaires, de mai 2020 à mai 2021, ainsi que plusieurs élections législatives, sénatoriales et municipales partielles qui pourront être organisées jusqu’au 13 juin 2021, par dérogation au délai de trois mois pour l’organisation de l’élection après constatation de la vacance de siège.

Ces décisions, difficiles au regard de l’importance de ces échéances électorales pour nos concitoyens, ont jusqu’à présent fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ce consensus témoigne de l’attachement de l’ensemble des partis politiques à l’organisation des élections dans des conditions permettant de concilier les principes constitutionnels de sincérité et de périodicité du scrutin avec celui de préservation de la santé publique.

Le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, déposé sur le bureau du Sénat le 21 décembre 2020, s’inscrit dans la poursuite de ces précédents travaux.

Au regard de la situation sanitaire actuelle, marquée par les incertitudes sur l’efficacité des vaccins face à l’apparition de nouveaux variants du virus, il prévoit à titre principal de reporter ces élections de mars, échéance actuellement fixée par la loi, à juin 2021.

Le Premier ministre a confié à M. Jean-Louis Debré, ancien président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, la mission de déterminer la date et les modalités les plus opportunes pour l’organisation de ces élections au regard du contexte sanitaire actuel.

Son rapport, rendu le 13 novembre 2020, a opté pour un report en juin des élections régionales et départementales, moyennant un rapport sur la situation sanitaire élaboré par le Conseil scientifique au 1er avril 2021 – rapport qui ne vaut pas clause de revoyure automatique – et quelques adaptations afin d’assurer la bonne tenue de la campagne électorale.

Le présent projet de loi s’inspire de ces travaux, dans le respect du consensus politique auquel tous les groupes politiques ont contribué, et des exigences constitutionnelles encadrant la tenue des élections, ce qui a permis l’émergence d’une proposition équilibrée.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a été adopté par le Sénat la semaine dernière.

Si le report des élections régionales et départementales à juin 2021 a été approuvé – presque exigé – par nos collègues sénateurs, huit articles additionnels ont été ajoutés au projet de loi. Certaines de ces nouvelles dispositions peuvent d’ailleurs soulever des questions d’opportunité ou entretiennent un lien très ténu avec les quatre dispositions initiales – visiblement, chez nos amis sénateurs, l’imagination était au pouvoir.

Permettez-moi à présent d’évoquer certaines dispositions qui méritent une attention particulière, notamment à la suite de la dizaine d’auditions que j’ai menées en tant que rapporteur au cours des derniers jours.

Si l’article 1er prévoit l’organisation des élections en juin, le Sénat a souhaité fixer une date butoir du second tour au 20 juin 2021 : or je ne suis pas favorable à l’inscription dans la loi de la date des tours de scrutin, celle-ci relevant du pouvoir réglementaire dans le cadre du décret de convocation des électeurs.

J’ai cependant sollicité le Gouvernement afin qu’il annonce, éventuellement dans le cadre de nos travaux, ou rapidement après l’adoption de notre texte, les dates du scrutin, le corps électoral comme les candidats devant être éclairés au plus vite.

En revanche, la solution sénatoriale visant à fixer à mars 2028, et non décembre 2027, le terme du mandat des prochains conseillers régionaux et départementaux me semble tout à fait opportune.

Le Sénat a ajouté un article 1er bis visant à faciliter le recours aux procurations.

Si le maintien de la possibilité d’une double procuration me paraît pertinent, sa déterritorialisation – même circonscrite au cadre familial strict – n’est absolument pas souhaitable à ce jour, compte tenu des obstacles techniques et informatiques auxquels les services de l’État sont encore confrontés et qu’ils essaient de lever pour 2022.

Le Sénat a également introduit deux articles relatifs à l’organisation d’une campagne électorale sur les chaînes de l’audiovisuel public.

Si l’organisation d’une campagne institutionnelle de sensibilisation des électeurs au rôle des conseillers départementaux ainsi qu’aux dates et modalités du scrutin apparaît bienvenue – c’est l’objet de l’article 6 bis, que je propose d’ailleurs d’étendre aux conseils régionaux –, il n’est pas réaliste ni même souhaitable à ce stade d’imposer aux chaînes du service public de diffuser, voire de contrôler la production de clips de campagne : c’est l’objet de l’article 6, que je propose donc de supprimer.

Oui, donc, à une communication institutionnelle sur le rôle des conseils régionaux et généraux, des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique ; oui au rappel de la date du scrutin et ses modalités ; oui à des campagnes incitant les électeurs à venir aux urnes ; oui à des débats sur les décrochages régionaux, notamment de France 3, ou à d’autres, plus larges, mais non à des clips qui prendraient sur ces décrochages et qui pourraient entraîner des inégalités importantes s’agissant de leur réalisation.

Enfin, les articles 8 et 9 ajoutés par le Sénat modifient le code général des collectivités territoriales (CGCT) afin de prévoir le report de la date limite à laquelle les budgets primitifs et les comptes administratifs des départements et des régions devront être votés. Ces reports, très éloignés de l’objet du texte, ne se justifient pas. Aussi, je vous proposerai de supprimer ces dispositions qui auraient pu relever du texte relatif à l’état d’urgence sanitaire.

En outre, j’ai également déposé plusieurs amendements afin de prévoir différentes adaptations liées à la tenue de la campagne, s’agissant par exemple de l’extension de deux à trois semaines de la durée de la campagne officielle ou de l’extension de certains délais relatifs au contrôle des comptes opérés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Je crois sincèrement que le consensus politique sur ces dispositions doit pouvoir prévaloir, en procédant à l’ensemble des adaptations nécessaires, sans pour autant devoir réformer à cette occasion l’ensemble du code électoral.

Les questions que soulèvent certains articles adoptés par le Sénat et certains amendements déposés sont tout à fait légitimes mais elles doivent s’inscrire, je le crois, dans une perspective plus large et structurelle que celle d’un projet de loi visant en premier lieu à acter le report de trois mois des élections régionales et départementales.

Elles doivent nous pousser à réfléchir, à l’avenir, à l’adaptation ou à la rénovation de nos modes de campagne et de scrutin à l’heure du numérique, c’est-à-dire à un droit électoral modernisé compte tenu des nouveaux enjeux technologiques et sanitaires.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous passons aux interventions des orateurs de groupe.

M. Pacôme Rupin. Le Gouvernement propose, au travers de ce projet de loi, de reporter les élections régionales et départementales initialement prévues au mois de mars prochain au mois de juin.

Une telle décision est issue, après la consultation menée par Jean-Louis Debré, d’un large consensus au sein des familles politiques de notre pays. Le groupe La République en marche apportera donc bien naturellement son soutien à ce texte.

Si la crise de la Covid-19 doit nous amener à faire des aménagements utiles en matière d’organisation des élections, la vie démocratique doit suivre son cours, comme cela a été le cas l’année dernière s’agissant des municipales. Le second tour a certes eu lieu trois mois après le premier, mais il a eu lieu – déjà au mois de juin – et a permis l’installation de milliers de conseils municipaux et intercommunaux qui peuvent aujourd’hui agir avec sérénité.

Certes, nous ignorons quelle sera la situation sanitaire au mois de juin prochain. Mais, grâce au déploiement de la campagne vaccinale et à une amélioration du contrôle de l’épidémie, nous avons des raisons d’espérer que l’organisation de ces scrutins sera possible. Une météo plus clémente au printemps favorisera en outre la tenue de la campagne électorale, qui sera forcément différente puisqu’elle devra privilégier les échanges entre candidats et citoyens en extérieur.

En tout état de cause, la tenue de ces scrutins, pour donner la capacité aux Français de s’exprimer dans les urnes, doit primer sur l’exigence de conditions de campagne totalement normales. Le texte permet d’ailleurs d’innover en la matière afin par exemple de compenser la probable impossibilité de tenir des réunions publiques.

Nous devons également faciliter l’exercice du vote en élargissant ses modalités. C’est dans cet objectif que nous suivrons les sénateurs et que nous adopterons la possibilité pour chaque électeur d’être porteur de deux procurations lors de ces élections. Cela doit notamment permettre à davantage de personnes vulnérables ou âgées ne souhaitant pas se déplacer lors des scrutins de voter normalement.

Néanmoins, le bon déroulement du scrutin et l’élargissement des modalités de vote ne peuvent être effectifs qu’à condition de pouvoir garantir une absence de fraude et une organisation simple du vote : nous devons nous attacher à garantir cet équilibre et à éviter tout risque d’altérer la sincérité du scrutin ou la perception qu’en auraient les électeurs.

Nous soutiendrons également un allongement de la durée de la campagne électorale, portée de deux à trois semaines, proposé par la présidente de la commission des lois, afin de faciliter l’accès aux informations électorales des candidats et de laisser davantage de temps à nos concitoyens pour en prendre connaissance. Je pense en particulier aux panneaux d’affichage électoral.

De même, sous réserve de quelques ajustements présentés par M. le rapporteur, nous voterons la création, proposée par le Sénat, d’une campagne électorale télévisuelle officielle pour les élections régionales permettant la diffusion de débats sur les chaînes et antennes régionales, à l’image de ce qui existe pour les élections nationales.

Nous soutiendrons également toutes les initiatives gouvernementales ne ressortant pas nécessairement du domaine de la loi mais visant à favoriser la participation et le bon déroulement de la campagne électorale et des opérations de vote, comme l’appel au volontariat des jeunes pour être assesseurs dans les bureaux de vote.

En effet, organiser un double scrutin en période de crise sanitaire est un défi que nous devons relever avec toutes les bonnes volontés afin de faire vivre notre démocratie.

M. Raphaël Schellenberger. Je relève une forme de similitude entre l’examen de ce texte et la discussion que nous avons eue hier dans l’hémicycle à propos de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire : tous deux traitent de l’exercice démocratique en temps de crise, qu’il s’agisse d’institutions élues et installées, comme notre assemblée, ou du renouvellement périodique des assemblées, qu’elles soient locales ou nationales.

La crise nous offre de nombreux rebondissements. Rien n’exclut donc à ce stade que les questions que nous nous posons aujourd’hui au sujet des élections locales ne se reposent pas dans un an s’agissant du renouvellement de l’Assemblée nationale ou de la périodicité de l’élection présidentielle.

Nous allons créer un précédent avec ce texte :  si nous en venions à accepter un décalage, voire un tripatouillage, trop important de la périodicité du renouvellement des assemblées locales, qu’est-ce qui empêcherait en effet demain que nous refusions un autre tripatouillage, celui-là de la périodicité du mandat de parlementaire ou de Président de la République ?

La question que nous devons trancher est bien celle-ci : la crise sanitaire nécessite-t-elle que l’on bouscule complètement le processus électoral, c’est-à-dire le cœur de la démocratie ?

La stratégie visant à confier au président Debré la rédaction d’un rapport sur le sujet est, en soi, déjà discutable. Certes, le fruit de son travail est équilibré, même si nous dénonçons – avec lui d’ailleurs – les pressions qu’il a pu subir afin qu’il propose le décalage des élections locales au-delà de 2022. Néanmoins, le choix du nouveau calendrier implique le rejet de la solution initiale, c’est-à-dire le maintien des élections départementales et régionales aux dates prévues.

On a en effet demandé à Jean-Louis Debré de produire un tel rapport après les dates auxquelles ces élections auraient dû être convoquées. Une telle non-décision imposait déjà leur report au plus tôt au mois de juin prochain et restreignaient les possibilités qui lui étaient offertes.

Je fais également le parallèle avec une autre question devenue criante par endroits : celle de la tenue des élections partielles. Certaines communes, comme celle de Sainte-Marie-aux-Mines, voisine de ma circonscription, sont ainsi depuis de longs mois administrées par une commission spéciale : ce n’est pas tenable dans le temps. Or ailleurs en France, des élections municipales partielles se tiennent. Elles ont ainsi été organisées dans une commune de 5 000 habitants du Pas-de-Calais. En revanche, dans la circonscription législative voisine, dont la population du chef-lieu est comparable et où la candidate est ministre, on refuse l’organisation des élections législatives. Quelle est vraiment la règle ? Pourquoi une telle différence de traitement dans des territoires identiques ?

Il est urgent de fixer des règles claires et contraignantes pour la convocation de ces élections. Il s’agit de démocratie, et Les Républicains ne transigeront pas sur cette question.

Concernant enfin le mode de campagne, tout le monde doit s’adapter à la crise, y compris les politiques et les candidats aux élections. Les entreprises ne sauraient être les seules à devoir le faire. En cela le questionnement relatif à la place de la télévision publique, y compris dans les campagnes locales, est important. La télévision publique locale, comme France 3, peut profiter de cette crise pour changer ses grilles de programmes. Pourquoi ne pas prévoir plus de décrochages régionaux ? Les Français apprécieraient sans doute un tel changement.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Ce texte est important pour la vitalité démocratique de notre pays car, comme l’a dit Jean-Louis Debré lors de son audition par notre commission, la semaine dernière : « On ne confine pas la démocratie » ; « nous ne devons pas ajouter, a-t-il poursuivi, à la crise économique, sociale et sanitaire une crise politique. C’est pour cela que ces élections doivent avoir lieu en juin prochain ».

Pourquoi en juin et pas en septembre ou après les élections présidentielles ? Les raisons sont multiples : le déroulement de la campagne électorale serait particulièrement difficile en plein été ; il importe également de ne pas donner une coloration politique à des élections qui visent à désigner des représentants locaux ; enfin, ce serait un non-sens d’enchaîner les processus électoraux pendant les deux premières années du prochain quinquennat : élections présidentielles, législatives, départementales, régionales, sénatoriales – renouvellement partiel – et européennes.

Le report au mois de juin semble faire l’objet d’un consensus mais nous devons également travailler à la meilleure organisation possible de ce rendez-vous électoral. Deux objectifs doivent nous guider : assurer les conditions sanitaires optimales pour le bon déroulement des opérations de vote ; lutter contre l’abstention, dont je rappelle qu’au second tour des élections municipales du mois de juin dernier elle atteignait près de 59 %, soit environ vingt points de plus qu’en 2014.

La démocratie doit vivre, les électeurs doivent pouvoir s’exprimer. C’est pourquoi il est essentiel de sécuriser les opérations de vote et de les faciliter en pleine pandémie afin de rassurer nos concitoyens. Ce souffle démocratique sera d’autant plus important que les Français ont le sentiment de ne plus avoir de perspectives et de voir se défaire le lien social qui les unit à la nation. Nous le constatons depuis plusieurs années : la relation entre représentants et représentés est en crise. Nous devons donc tout faire pour que la pandémie n’aggrave pas les choses.

Certes, ce projet de loi ne permettra pas de résoudre le problème de l’abstention mais il constitue une opportunité pour commencer à proposer et à expérimenter des solutions. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés a ainsi déposé un certain nombre d’amendements, dont la majeure partie a été déclarée irrecevable soit au titre de l’article 40 de la Constitution, soit parce qu’ils ont été considérés comme des « cavaliers » législatifs. Il me paraît néanmoins important d’y revenir.

Nous proposions que la photo du candidat figure sur le bulletin afin de faciliter l’accessibilité aux opérations électorales des 2,5 millions de personnes illettrées que compte notre pays ; nous proposions également une expérimentation du vote à distance, par correspondance ou par voie électronique : notre amendement a été déclaré irrecevable car créant une charge publique supplémentaire mais nous en présenterons un autre en séance publique ; nous souhaitions que les procurations soient possibles dans le cadre départemental et pas seulement dans le cadre municipal ; nous souhaitions expérimenter la comptabilisation des votes blancs ainsi qu’un allongement de la durée de la campagne officielle pour les élections régionales ; enfin, soyons à l’heure du numérique, des réseaux sociaux et des applications électroniques en modernisant les modalités des campagnes électorales et des opérations de vote !

Je regrette que nous ne puissions pas débattre plus largement de toutes ces questions.

Mme Marietta Karamanli. La situation sanitaire et ses perspectives d’évolution à moyen terme justifient le report des élections départementales, régionales et territoriales prévues au mois de mars. Alors qu’un nouveau confinement est imminent, leur maintien n’est souhaitable ni sur le plan sanitaire, ni pour la sincérité du scrutin.

Ce texte a donc été adopté par nos collègues sénateurs, dont nous saluons le travail. Contre l’avis du Gouvernement, ils ont voté un amendement disposant que le second tour se déroulerait au plus tard le 20 juin afin d’éviter le risque d’une abstention massive le dimanche 27 en raison du début des vacances d’été.

Le groupe Socialistes et apparentés proposera plusieurs amendements afin de donner plus de visibilité aux candidats en cadrant les délais de convocation et des élections, pour anticiper les effets d’une prolongation du mandat à l’horizon de six ans et réduire le délai de validation des comptes de campagne en l’absence de contentieux.

Si ces amendements ont un caractère technique, ce projet de loi comporte une dimension politique. Nous souhaitons éviter que la situation des élections municipales se reproduise, l’interruption de trois mois entre les deux tours ayant favorisé l’abstention. Nous nous interrogeons également sur le déséquilibre de la situation entre les sortants et leurs concurrents, la crise sanitaire ne permettant pas le déroulement d’une campagne normale et sereine.

L’article 2 prévoit que les conditions de sécurité sanitaires feront l’objet d’un rapport public mais rien n’indique que l’appréciation des risques par la population sera la même. Le texte prévoit des dispositions permettant de faciliter le vote par procuration, ce dont nous nous félicitons, mais la question de l’augmentation de la participation des citoyens aux élections à travers d’autres modalités se posera un jour ou l’autre. Ni le vote par correspondance – qui a existé – ni le vote en distanciel, qui suppose de nouvelles garanties de sécurité, ne sont en l’état évoqués, or, il y a fort à parier que, demain, il conviendra d’envisager leur développement, sauf à se résigner à l’effritement voire à l’effondrement de la participation aux élections, ce qui affaiblirait notre démocratie.

Le Gouvernement, dans les mois à venir, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin que ces élections puissent se dérouler au mois de juin et qu’un report éventuel n’excède pas quelques semaines. Nous restons mobilisés et nous voterons ce texte, dès lors que nos amendements rencontreront un écho positif.

M. Luc Lamirault. Le groupe Agir ensemble est favorable à cette pause dans le calendrier électoral mais il conviendra de connaître la date exacte des élections pour donner plus de visibilité aux candidats notamment.

Nous sommes également certains que les municipalités sauront faire face à la situation, comme elles l’ont fait lors du deuxième tour des élections municipales.

Notre groupe est favorable à l’ouverture d’une réflexion autour des modes de vote alternatifs mais nous nous interrogeons sur la possibilité de l’engager dès cette année. De plus, le vote à l’urne garde notre préférence : chacun doit sans doute se souvenir du caractère solennel de son premier passage dans l’isoloir !

La possibilité d’une double procuration nous semble bienvenue mais je ne suis pas certain qu’elle soit très facile à organiser et j’ignore ce qu’il en a été effectivement lors du deuxième tour des élections municipales. En revanche, nous ne sommes pas favorables à la déterritorialisation des procurations, quasiment impossible à organiser pour les mairies et les gendarmeries.

Nous sommes favorables à l’allongement de deux à trois semaines de la durée de la campagne et à l’organisation d’émissions télévisées consacrées au rôle des conseillers départementaux et régionaux.

Nous portons donc un regard globalement positif sur ce texte mais nous resterons vigilants.

M. Pascal Brindeau. Ce débat, comme l’a rappelé M. Schellenberger, fait écho à celui sur l’état d’urgence sanitaire et concerne la vitalité même de la démocratie dans le contexte de la crise sanitaire.

Je me félicite que, suite aux travaux de Jean-Louis Debré, le spectre d’un report renouvelé de ces élections, à discrétion de l’exécutif, ait été écarté, alors que ces dernières n’ont pas seulement des conséquences politiques sur un plan national mais pour la vie même de nos territoires. Nos concitoyens auraient vécu un report au-delà de l’élection présidentielle de 2022 comme une confiscation de la démocratie et une forme de tripatouillage, alors que nombre d’entre eux se défient déjà du système représentatif. Il n’aurait pas été acceptable de se livrer à ce petit jeu en arguant de la crise sanitaire alors que nous demandons aux Français de continuer à travailler et que leurs libertés sont réduites.

La perspective d’un report au mois de juin devrait faire l’objet d’un consensus, jusqu’à la conclusion que j’espère positive de la commission mixte paritaire. Je nourris quelque crainte à ce propos après avoir entendu le rapporteur tant il a déconsidéré certaines propositions du Sénat alors que quelques-unes d’entre elles sont frappées au coin du bon sens.

Je ne suis pas d’accord avec lui sur son interprétation de l’introduction de la borne du 20 juin 2021 dès lors que les dates du premier et du second tour ne sont pas fixées.

Je ne suis pas d’accord non plus s’agissant de la territorialisation des procurations. Deux procurations par personne, c’est le bon sens. Nous avons les moyens de nous organiser en ce sens mais à condition de dématérialiser la totalité de la procédure, comme le groupe UDI et Indépendants le propose depuis longtemps, et de faire donc fi de la territorialisation tout en ne limitant pas les procurations aux seuls ascendants ou descendants.

Je ne le suis pas non plus s’agissant de l’adaptation de la campagne électorale et des moyens audiovisuels qui devraient lui être consacrés. Même si la circulation du virus refluera au printemps, la campagne électorale ne ressemblera pas à celles que nous avons connues : il est très peu probable que des réunions publiques à grande échelle ou des rencontres « porte-à-porte » puissent être organisées. Nous devons donc promouvoir le développement de toutes les autres formes de contact, ce qui passe par l’audiovisuel et les réseaux sociaux. L’impossibilité d’organiser des débats ou de prévoir des temps d’expression pour les candidats sur les chaînes publiques ne me semble pas aller dans le bon sens. Notre groupe propose également qu’il soit possible, à titre dérogatoire, de sponsoriser des messages sur les réseaux sociaux.

Enfin, je ne suis pas non plus d’accord s’agissant des dispositions introduites par le Sénat concernant les comptes administratifs des collectivités. Le report des élections implique celui des installations des assemblées locales, donc, des délibérations et des votes des budgets.

M. Bastien Lachaud. Une élection ne se réduit pas au vote : c’est une délibération collective pour donner une orientation politique, en l’occurrence, aux collectivités locales. En soi, le scrutin n’est que la conclusion du processus électoral, où la campagne est déterminante pour que le choix de nos concitoyens soit éclairé : ils ont besoin de connaître les programmes des candidats afin de se forger une opinion.

Le rapport de Jean-Louis Debré précise à juste titre que « si la tenue des élections, en elle-même, serait possible en mars 2021, en observant un protocole sanitaire strict, la sincérité des scrutins suppose que la campagne qui les précède se tienne, pour quelques mois, en dehors d’une loi d’état d’urgence sanitaire votée par le Parlement ». D’évidence, cela n’est pas envisageable en mars prochain et nous sommes donc favorables à un tel report.

Toutefois, le groupe La France insoumise souhaite avoir des garanties pour que cette campagne se déroule effectivement hors état d’urgence sanitaire, lequel limiterait drastiquement les possibilités de faire campagne. Or, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021 a été votée hier soir par notre assemblée. En juin, nous serons loin des « quelques mois en dehors de l’état d’urgence sanitaire » préconisés par le rapport. Au mieux, nous en serons à quelques semaines. Nous notons donc une contradiction entre les objectifs affichés – permettre le déroulement d’une campagne politique – et le calendrier prévisionnel qui ne le prévoit pas car, compte tenu de la situation sanitaire, les candidats auront besoin de plus d’une ou deux semaines pour se présenter. Raccourcir la campagne hors état d’urgence revient à donner une prime aux sortants et aux candidats qui pourront utiliser des moyens de campagne coûteux pour se faire connaître.

Par ailleurs, comment fera-t-on pour conjuguer l’ouverture concomitante des comptes de campagne pour une campagne régionale et, possiblement, pour l’élection présidentielle ? Les comptes, pour cette dernière, ouvrent en avril 2021, donc, les dépenses engagées pour les élections régionales par un candidat qui, ultérieurement, se présenterait à l’élection présidentielle, devront être pour partie imputés à ce compte. Les comptes de l’élection régionale seront-ils rouverts ? Quelles règles la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) fixera-t-elle ? Tout cela doit être clair et connu des candidats. Je pose cette question depuis le mois de décembre et j’attends toujours une réponse précise !

Nous sommes défavorables à l’augmentation du nombre de procurations qui, comme souvent, est un pansement sur une jambe de bois. Si les électeurs ne se rendent pas aux urnes, ce n’est pas parce qu’ils ne le peuvent pas matériellement mais parce qu’ils ne souhaitent pas voter. Une telle augmentation n’aurait qu’un effet marginal sur la participation. Si l’on veut que les électeurs se rendent aux urnes, peut-être faudrait-il qu’ils aient des raisons de penser que leur voix compte, que les décisions politiques qu’ils souhaitent s’incarnent dans leur vie, bref, que nous vivions dans un régime vraiment démocratique et pas dans une monarchie présidentielle où, quelle que soit la décision prise par les citoyens, la même politique se poursuit car seule compte l’élection présidentielle, une fois tous les cinq ans.

M. Sébastien Jumel. Je me méfie toujours de ceux qui aimeraient différer le verdict électoral jusqu’à ce qu’il leur convienne. On s’est beaucoup moqué de Trump recomptant les bulletins mais il ne faudrait pas qu’en France, au prétexte que vous allez prendre une gamelle aux élections régionales, vous vouliez différer ces dernières indéfiniment.

La crise sanitaire a révélé le besoin de démocratie. Les collectivités territoriales et, en particulier, les régions ont su prendre soin de leur population, y compris lorsque l’État a fait défaut. Les enjeux régionaux en matière d’industrie, d’aménagement du territoire, de service public, de mobilité, sont également considérables.

Le groupe GDR est clair : Debré, tout Debré, rien que Debré. Nous savons combien les velléités d’amendement pourraient mettre en péril les fragiles équilibres de son rapport.

Les procurations familiales, ce n’est pas mon truc : le vote excède la famille, en particulier lorsque le territoire concerné excède celui de la commune.

Nous serons très vigilants quant à la clause de revoyure envisagée suite à l’analyse du Comité de scientifiques.

Les présidents de région sortants disposent de la force de frappe de leur collectivité en termes de communication, de moyens, de valorisation de l’action qu’ils ont menée. Ils opèrent d’ailleurs parfois avec le soutien de l’État, en particulier lorsqu’ils sont invités à signer les contrats de plan État-Région à la veille des élections régionales en engageant ainsi la collectivité dans une direction qui n’est pas nécessairement celle choisie par une nouvelle majorité : d’une certaine manière, c’est faire campagne, à bon compte, avec l’argent de l’État. Il faudra veiller à ce que l’égalité entre candidats soit respectée.

Nous serons vigilants quant au bon déroulement de la campagne. Le contexte sanitaire permettra difficilement l’organisation de réunions publiques dans des lieux fermés mais sans doute devrons-nous faire preuve d’imagination, et pas seulement en matière de démocratie numérique : en matière de démocratie réelle aussi – organisation de meetings en plein air par exemple –, tant il importe de convaincre nos concitoyens qu’ils doivent se mêler de leurs propres affaires. Je suis de ceux qui croient en leur capacité à prendre leur avenir en main. Les enjeux sont importants. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur ce texte, se déterminera en séance publique.

M. Paul Molac. La tenue régulière d’élections, la respiration démocratique sont particulièrement importantes. Il n’est pas possible de jouer avec le calendrier électoral. Des élections essentielles se sont d’ailleurs déroulées en pleine pandémie dans un certain nombre de grands pays comme les États-Unis, le Portugal ou l’Ukraine. Nous ne pouvons donc pas reporter indéfiniment nos élections. Un télescopage avec les élections présidentielles serait parfaitement inacceptable.

La « présidentialisation » des élections législatives est patente avec l’inversion du calendrier. La concentration de toutes les élections en même temps me semblerait démocratiquement déplorable car le pluralisme en souffrirait.

En reprenant les préconisations du rapport Debré et en bornant l’élection au 20 juin, le texte issu du Sénat convient à notre groupe Libertés et Territoires.

Aucune difficulté avec l’article 2, qui prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement.

Je ne partage pas l’avis du rapporteur sur l’article 6. Les clips de campagne existent pour les candidats à l’élection présidentielle, et même pour les syndicats lors des campagnes prud’homales. Rien ne justifie qu’ils n’existent pas pour les têtes de liste des élections régionales. Dans le monde actuel, le petit écran est dans chaque famille. Cela me paraît être une mesure de bon sens, comme le sont les doubles procurations.

Enfin, le texte comporte certaines dispositions techniques, qui ne font pas difficulté.

Nous souhaitons donc nous éloigner le moins possible de ce qui a été voté par le Sénat. Nous avons toutefois déposé quelques amendements sur la déterritorialisation, dont le dispositif semble trop large. Ils tomberont probablement, si l’amendement de suppression est adopté.

M. Matthieu Orphelin. Les orateurs, notamment celui du groupe La République en marche (LREM), m’ont rassuré sur le fait que les élections aient lieu en juin, mais il reste un flou que le Gouvernement et le Président de la République doivent lever. Le Président de la République, lors d’une prochaine allocution, prendra-t-il l’engagement que les élections auront lieu en juin ? On lit que certains réfléchissent peut-être pour lui à d’autres stratégies. Le Président doit affirmer qu’il n’en est rien et que les élections auront bien lieu en juin. Je ne serai donc pas rassuré que l’on enlève la borne du 20 juin : cela fera que le doute subsistera. Nous devons travailler ce point d’ici à la séance.

Par ailleurs, s’agissant de l’application de l’article 45 de la Constitution, et sans remettre en cause la présidence de la commission, il se peut que la reconnaissance et la meilleure comptabilisation du vote blanc ne soient pas en lien, même indirect, avec le texte. Pourtant, elles constituent de vrais enjeux. Le groupe LREM et le Gouvernement ont choisi, seuls, de ne pas les faire figurer dans le projet de loi.

En revanche, et je le redirai en séance avec un rappel au règlement, je conteste l’absence de lien, même indirect, avec le texte de l’expérimentation du vote par anticipation dans certaines communes volontaires. Un tel vote existe déjà dans d’autres pays, avec de bons résultats sur la participation et l’impact sanitaire. Il aurait pu être testé dans notre territoire, pour nous préparer à la suite. On refuse là une expérimentation qui avait tout son intérêt, sanitaire et électoral.

M. Arnaud Viala. Le présent texte est attendu car, depuis plusieurs mois, un doute plane sur les élections départementales et régionales. Il est renforcé par le fait que nous avons dépassé la date à partir de laquelle il aurait fallu que les choses soient claires si les élections avaient dû se tenir en mars. Chacun savait donc qu’elles ne se tiendraient pas à cette date. Nos concitoyens et les élus des collectivités ou les futurs candidats ont maintenant besoin d’être fixés.

La présentation de Jean-Louis Debré a été claire. Nos questions et ses réponses ont permis de lever certaines zones d’ombre autour de la faisabilité de plusieurs hypothèses. Tout converge vers l’idée que ces élections doivent avoir lieu à la fin de juin.

Le Sénat a produit un travail de grande qualité, précisant notamment que le rapport du Comité scientifique, attendu début avril, devra être remis aux parlementaires. À partir du moment où nous aurons adopté ce texte, il nous faudra beaucoup de clarté et de pédagogie vis-à-vis des Français, qui seront appelés aux urnes, et des candidats, qui finissent par être perdus dans ce qu’ils pourront faire, ce qu’ils n’auront pas le droit de faire et ce qu’ils seront censés faire. Un mémento synthétique précis des éléments issus du texte est requis.

M. Philippe Gosselin. Hier soir, nous avons voté la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er juin. C’est un état particulier, qui, à ce stade, n’englobe pas la tenue des élections locales, départementales et régionales. C’est heureux : il ne faudrait pas que l’état d’urgence puisse servir à justifier la non-tenue de ces élections. Quand bien même il serait à nouveau prorogé au-delà du 1er juin, il est important de rappeler que la démocratie ne peut pas être confinée, et qu’aucun couvre-feu ne peut lui être imposé.

Des échéances électorales existent, qui sont des respirations démocratiques nécessaires aux collectivités. Un décalage de quelques mois n’est pas grave – il faut tenir compte de la situation –, mais nous ne pourrons pas aller au-delà. Les formules qui consisteraient à regrouper l’ensemble des élections autour de l’élection présidentielle, qui ne peut être décalée car elle est constitutionnelle, ou autour des élections législatives, ne seraient pas sérieuses. Pour tout ce qui concerne la campagne et l’organisation, elles nous conduiraient à un gros bloc d’élections, à l’américaine, où les citoyens noircissent des bulletins de vote de quatre, cinq ou six pages, qui sont lus par des lecteurs optiques. Nous n’y sommes pas habitués en France.

Évidemment, on pourrait prévoir ces élections en septembre 2022, et proroger les mandats actuels de dix-huit mois. N’y pensons pas. Nous avons un texte, qui a été bien travaillé par le Sénat, ainsi que le rapport Debré, qui donne la température et le décor. Il faut s’en tenir à cela. Bien sûr, des questions sur l’organisation de la campagne, la territorialisation des procurations, les comptes de campagne ou les montants ont été soulevées. Nous nous adapterons. Ne maintenons qu’un principe, celui de la démocratie et de l’organisation de ces élections.

M. Sacha Houlié. Il y a un paradoxe : mon collègue Matthieu Orphelin a demandé au Président de la République de faire ce que le Parlement peut faire. Le législateur peut décider des modalités des élections – il nous revient de les prévoir. Je veux donc vous rassurer sur ce point.

Par ailleurs, j’invite chacun à ne pas comparer des élections locales et les élections présidentielles que nous avons vu tenir dans d’autres pays. Qu’on le veuille ou non, elles ont une portée différente quant à la mobilisation de nos concitoyens – on le constate avec la participation.

On peut certes tenir des élections lors de l’état d’urgence sanitaire, mais il faut tirer les conséquences des 30 % de participation enregistrés au second tour des élections municipales dans les 4 000 villes ou villages concernés. On peut s’arc-bouter sur la tenue immédiate d’élections ou la fixation d’échéances à très bref délai. Il ne faudra pas se plaindre ensuite des conséquences, notamment d’une participation d’autant plus erratique que l’on cumule les élections, ce qui n’est pas souhaitable pour leur intelligibilité, et que l’on connaît l’importance des institutions – le département pour ses compétences sociales, la région pour ses compétences économiques – dans la crise.

Je suis prudent sur ces questions – c’est une position personnelle, qui n’est pas celle du groupe La République en marche –, et j’invite ceux qui réclament des élections en juin à une grande prudence car ils pourraient être ceux qui demanderont leur décalage, parce que la crise ne sera pas résolue au mois de juin prochain.

M. Éric Ciotti. Quelle que soit l’importance de la crise sanitaire, il ne convient pas d’y rajouter une crise démocratique. La plupart des démocraties n’ont pas interrompu leur processus électoral. Je réaffirme mon attachement à la continuité des opérations électorales et à la respiration démocratique. Arrêter ce calendrier électoral et ces rendez-vous démocratiques altérerait encore plus le lien, déjà ténu, entre les représentants et leurs concitoyens.

Le Sénat a réalisé un travail de qualité, notamment en précisant et recadrant la clause de revoyure, et en faisant en sorte qu’elle soit la condition d’un processus de sécurisation du scrutin, non la possibilité d’introduire un doute dans la fixation de sa date.

J’émettrai une réserve sur le fait de laisser démarrer le processus électoral au 1er septembre. Un démarrage six mois avant, comme la loi le prévoit, – au 1er décembre, pour des élections en juin – aurait été suffisant. La plage actuelle, trop longue, est contraire à l’esprit de la loi, telle que nous l’avions modifiée lorsque nous étions passés d’un an à six mois. Ce délai aurait permis d’éviter d’augmenter le plafond des dépenses électorales – pourquoi, d’ailleurs, les majorer de 20 % alors que la période double ? La question se pose car ceux qui ont engagé des dépenses se trouveront sans doute dans une situation complexe.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je partage l’approche de Pacôme Rupin envers France 3. Nous avons une longue discussion avec les représentants de la chaîne. Pour l’instant, son organisation prévoit une chaîne nationale avec des décrochages régionaux, qui sont contraints. Mais le projet de Mme Ernotte comprend l’inversion de la logique pour aller vers des chaînes régionales, avec des décrochages nationaux, ce qui entraînerait de profondes modifications.

Pour l’instant, des choix doivent être faits. Tout ce qui serait donné à des clips serait enlevé aux débats, aux journaux télévisés ou à d’autres émissions. Nous avons préféré privilégier les débats, qui nous semblent être un élément clé, avec les messages institutionnels sur l’importance de se rendre aux urnes ou la date des élections. Au second tour des élections municipales, ils ont été l’élément de campagne, dans cette absence presque totale de campagne que nous avons vécue, la campagne ayant eu lieu avant le premier tour. Nous n’étions pas alors dans la même configuration.

Les enveloppes budgétaires sont de plus contenues.

En outre, si nous conseillons aux candidats d’avoir des clips et s’ils sont financés dans les comptes de campagne, quels montants seront fixés ? Cela nécessite un travail en amont. Je rappelle que le texte permet simplement de reporter de trois mois une élection, qui aurait dû se dérouler en mars.

Il s’agira, monsieur Schellenberger, de la première campagne en mode covid. Le Sénat et nos collègues ont fait certaines propositions. Nous devons trouver des voies un peu différentes pour faire campagne. Il sera difficile voire impossible de faire du porte-à-porte ou des meetings de campagne.

Les élections partielles, notamment municipales, sont à la main des préfets. Ce sont eux qui décident, en fonction des circonstances sanitaires locales, ce qui me paraît une très bonne chose. Nous avons toujours ce débat, y compris au sein de notre commission, et il conviendra de le trancher un jour : quand il y a une adaptation locale, on crie à l’inégalité dans le territoire ; quand il n’y en a pas, on pointe l’absurdité du niveau national, dont les décisions ne correspondent pas à la situation locale. Il faudra un jour que nous comprenions qu’adapter les dispositifs sur le terrain n’est pas forcément une ignominie épouvantable et une remise en cause de l’égalitarisme sacré. On peut se dire jacobin ou girondin, mais il faudra reconnaître que s’adapter au terrain – comme le fait le texte pour les élections partielles municipales –, n’est pas nécessairement une mauvaise décision.

Je remercie le groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés pour ses nombreuses propositions, qui pourront accélérer la réflexion sur l’évolution et l’adaptation de notre droit électoral. Mais, si nous innovions avec un tel texte, par exemple avec le vote par correspondance, dont on a vu les limites dans le passé, avec le vote à distance ou le vote par anticipation, nous pourrions être accusés de manœuvrer. Ces modes d’adaptation demandent du temps, de la pédagogie, de la publicité, au bon sens du terme, auprès des électeurs, pour franchir le pas en toute connaissance de cause, pour l’organisateur, les candidats et les électeurs. On touche là à l’expression du vote, de la démocratie.

Je ne repousse donc pas ces propositions. La crise actuelle a d’ailleurs accéléré la réflexion du ministère de l’Intérieur, en particulier sur les machines à voter, le vote par correspondance ou un scrutin anticipé – on l’a vu faire dans d’autres pays. Il faut sécuriser le dispositif, notamment pour le vote numérique, afin d’être certains que l’expression ne puisse pas être truquée et dévoyée.

Pour ce qui concerne l’allongement de la campagne officielle, nous avons retenu et élargi des propositions du MoDem. De même, madame Karamanli, sur l’élargissement de la période de dépôt des candidatures, nous avons tenté de tenir compte de vos propositions pour sécuriser et améliorer l’organisation des élections dans cette période de covid-19. M. Lamirault avait également soulevé ces problèmes.

S’agissant de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, nous ne pourrons donner qu’un peu plus de temps, en raison du télescopage avec les élections présidentielle et législatives – M. Lachaud l’a rappelé. Nous n’avons pas de solution. Nous espérons que ce télescopage sera le plus réduit possible.

Nous souhaiterions qu’un remboursement des frais de campagne puisse intervenir dans des délais raisonnables, s’il n’y a pas contentieux. Cela est essentiel pour les candidats. Actuellement, des candidats aux élections municipales attendent encore des remboursements, ce qui est problématique tant pour les candidats que pour l’expression de la démocratie. À nous de veiller à ce que les frais de campagne soient remboursés le plus rapidement possible, s’il n’y a pas contentieux. Dans le cas contraire, il nous revient de limiter au maximum les répercussions sur d’autres campagnes électorales. C’est le problème du report : nous sommes bien conscients des limites en la matière.

Jean-Louis Debré a bien dit qu’il avait reçu une variété de points de vue, par exemple sur les dates des élections. Son travail a consisté à trouver un consensus. D’ailleurs, le texte que nous proposons se rapproche de la proposition du rapport Debré. En réalité, le Sénat s’en est largement exonéré. En disant que le rapport du Conseil scientifique devait porter sur le mode d’organisation des élections, non sur un point de la situation sanitaire du pays au 1er avril 2021, le Sénat a transformé l’esprit qui était celui de Jean-Louis Debré.

Pour Jean-Louis Debré, un point sanitaire est nécessaire, qui n’est pas une clause de revoyure automatique. Le Gouvernement et le Parlement en tirent les conséquences qu’ils souhaitent. Le Sénat voudrait que, même si l’état sanitaire est épouvantable, le Conseil scientifique, en lieu et place du ministère de l’Intérieur, se penche tout de même sur l’organisation d’élections à tout prix.

Certains ont plaidé pour un report plus long des échéances électorales des régionales et des départementales. D’autres sont obsédés par l’idée que le scrutin devrait se tenir au mois de juin, quoi qu’il arrive. C'est le cas de la majorité sénatoriale, qui semble vouloir favoriser les sortants. Nous ne sommes là ni pour favoriser les sortants, ni pour favoriser d’autres candidats, mais pour trouver un cadre, qui permettra l’expression, dans les meilleures conditions possibles, de la diversité du pluralisme politique à l’occasion de ces élections. Il nous revient d’avoir un texte qui n’écarte pas la question sanitaire et qui ne contienne pas de clause de revoyure automatique. Le Conseil scientifique n’est pas le Parlement, ni le Gouvernement, ni le ministère de l’Intérieur. Il aura un avis à donner mais c’est à l’exécutif et au législatif d’en tirer ou non les conséquences. Tel est l’esprit du rapport de Jean-Louis Debré.

Nous rappelons que nous souhaitons que les deux tours aient lieu en juin. On ne peut pas faire mieux. Le Gouvernement fera ensuite des propositions sur les dates retenues. Je rejoins ce que disait M. Lamirault, il faut que l’on sache assez vite quand les élections se tiendront, tant pour les candidats que pour les électeurs.

Quant au télescopage des élections qu’a évoqué M. Lachaud, nous sommes dans une logique de report, qui nous est imposée par la situation.

J’ai aussi répondu à M. Jumel, qui souhaitait « Debré, tout Debré, rien que Debré », – comme quoi les temps changent – et l’égalité entre les candidats.

Monsieur Molac, nous retenons votre proposition d’un guide harmonisé ou d’un mémento, également évoqués par Arnaud Viala. Il faut que les candidats sachent exactement comment les élections s’organiseront, et qu’ils connaissent les délais qui les concernent et les recours possibles. Sans préciser de date de publication, nous avons discuté avec la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, d’un guide bien fait répondant à votre sollicitation.

Nous sommes bien partis pour organiser les élections en juin. Nous espérons que la situation sanitaire et le constat qu’en fera le Conseil scientifique permettront l’organisation des deux tours en juin.

Enfin, nous avons discuté avec les associations d’élus pour déterminer la date de début des frais de campagne. La grande difficulté est que certaines personnes ont déjà engagé des frais de campagne depuis le 1er septembre, parce qu’elles pensaient, légitimement, que les élections se tiendraient en mars. Il serait délicat de changer les règles en cours de route et de leur demander de prendre ces frais à leur charge.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Modification du calendrier électoral des élections régionales et départementales de 2021 et 2027

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CL39 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL57 de Mme Marietta Karamanli, ainsi que les amendements CL9 et CL10 de M. Pacôme Rupin.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’amendement CL39 rappelle que le report de trois mois des élections régionales et départementales se justifie eu égard à l’existence de risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19. Il revient également sur l’introduction d’une date butoir fixée par le Sénat au 20 juin 2021. S’il est nécessaire de prévoir que les deux tours des scrutins départementaux et régionaux auront lieu au cours du mois de juin 2021, la détermination de leur date exacte relève du pouvoir réglementaire. Le décret de convocation des électeurs précisera ainsi les dates auxquelles auront lieu les deux tours des prochaines élections régionales et départementales. Nous retenons donc le mois de juin, tout en laissant au Gouvernement le soin d’annoncer très vite les dates retenues. Je souhaiterais même qu’une telle annonce soit faite à l’occasion de nos travaux.

Mme Marietta Karamanli. Pour compléter l’amendement de notre rapporteur, nous proposons d’encadrer les délais de convocation des élections départementales, régionales et territoriales en 2021. Il s’agit d’améliorer la visibilité du calendrier pour les binômes et les listes de candidats. Le décret de convocation devra être pris au plus tard six semaines avant la tenue du premier tour des élections. Ce délai était celui déjà prévu en juin 2020 et il était bien adapté.

La date limite de dépôt des candidatures étant fixée au quatrième lundi avant le jour qui précède le scrutin, un tel délai permettrait aux binômes et aux listes de disposer de quinze jours entre la date de convocation des électeurs et la date limite de dépôt des candidatures, ce qui est raisonnable.

Notre sous-amendement laisse également au Gouvernement un délai minimal de trois semaines entre la date la plus tardive de transmission du rapport prévu à l’article 2 et la date limite de convocation des électeurs en cas de premier tour le 6 juin, pour tirer toutes les conséquences organisationnelles, concerter le Parlement et préparer le décret.

M. Pacôme Rupin. Je porte les amendements CL9 et CL10 à titre personnel. Ils visent deux objectifs. Le premier est de pousser le Gouvernement à fixer les dates des élections le plus rapidement possible car il faut que les candidats puissent s’organiser. Le second, dans la continuité des dispositions adoptées par le Sénat, vise à éviter que le deuxième tour ne se tienne le 27 juin car cela coïncide pour beaucoup avec le début des vacances et nous avions pu constater les conséquences de ce choix lors du deuxième tour des élections municipales. Il s’agit d’amendements d’appel – le Gouvernement fera son choix – mais ils visent à réaffirmer notre souci d’une annonce rapide de ces dates, en évitant le 27 juin.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Madame Karamanli, votre sous-amendement est satisfait : les élections visées à l’article 1er sont convoquées dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire par décret du Premier ministre publié au moins six semaines avant la date du scrutin. Bien sûr, nous souhaiterions que cela soit anticipé, compte tenu des circonstances. Seul le délai entre la convocation et les dépôts de candidature sera raccourci d’une semaine puisque nous avons souhaité laisser un peu plus de temps entre le dépôt des candidatures et la campagne officielle.

Monsieur Rupin, je ne pense pas qu’il soit opportun de figer dans la loi la date exacte du premier et du second tours de scrutin : il s’agit d’une compétence qui relève du pouvoir réglementaire. Sur le fond, l’article 1er tel que modifié par l’amendement que j’ai déposé indique déjà clairement le calendrier : les deux tours auront lieu au mois de juin.

Ensuite, quant à savoir si le premier tour doit plutôt avoir lieu le 6, le 13 ou le 20 juin, il appartiendra comme de coutume au Gouvernement de fixer la date exacte au début du mois de mai, soit six semaines avant le premier tour du scrutin, l’idéal étant malgré tout de disposer rapidement de son choix, de préférence même avant l’adoption du présent projet de loi.

M. Matthieu Orphelin. Tout ce qui permet de réduire le flou que j’évoquais va dans le bon sens. C’est le cas de l’amendement du rapporteur, des amendements du collègue Rupin – mais ils vont tomber – et du sous-amendement. Même si c’est peut-être déjà prévu, cela va mieux en le disant ! Les lois bavardes sont parfois rassurantes car nous sommes à 120 jours de début juin et nous ne savons toujours pas si les élections vont avoir lieu…

M. Arnaud Viala. Les amendements de Pacôme Rupin sont tout à fait fondés, ainsi que la remarque du rapporteur : il faut que le ministre, quand il sera au banc, s’exprime sur la date que le Gouvernement envisage de retenir car les atermoiements autour de ces scrutins ont trop duré et chacun a besoin d’un point d’horizon, indépendamment des circonstances que nous connaissons. Nous voterons donc les amendements de Pacôme Rupin.

Mme Marietta Karamanli. J’ai écouté avec attention les explications de M. le rapporteur. Nous partageons la même préoccupation de visibilité. Je propose de retirer mon sous-amendement afin que nous puissions le retravailler pour la séance publique. Peut-être pourrait-on envisager que le décret soit pris plus tôt que ce que prévoit mon sous-amendement afin que le Gouvernement se positionne clairement lors de la séance publique ?

M. Raphaël Schellenberger. Comme mon collègue Arnaud Viala, je crois qu’il faut être le plus précis possible car l’incertitude planait jusqu’à maintenant sur le scrutin – nos débats sont très regardés. Monsieur le rapporteur, la démocratie ne souffre pas d’adaptation locale. Quand un scrutin est annulé, il doit ensuite être convoqué dans un délai défini. C’est la loi qui fixe les conditions d’organisation des élections locales ; ce n’est pas la prérogative des préfets ou d’un quelconque fonctionnaire de l’État.

Étant donné le flou entretenu sur le report, les intentions politiques, et la situation exceptionnelle, le plus simple est d’apporter toutes les précisions dans la loi, notamment la date du premier tour, puisque le 13 juin fait consensus depuis la publication du rapport Debré.

M. Pacôme Rupin. Je remercie mes collègues pour leur soutien. Nous sommes d’accord, les dates doivent être fixées rapidement et il faut éviter le 27 juin. Étant donné qu’ils risquent de tomber si l’amendement du rapporteur est adopté, je vais retirer mes amendements, mais les redéposerai pour la séance publique afin que nous puissions engager cette discussion dans l’hémicycle et, je l’espère, disposer d’informations plus précises de la part du Gouvernement.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. J’entends vos propos. Je vous le répète, je serai extrêmement attentif à ce qu’on dispose rapidement de la date des deux tours de scrutin. Madame Karamanli, je vous remercie pour votre proposition qui va mettre « la pression » sur l’exécutif. Nous en débattrons lors la séance publique.

Le sous-amendement CL57 est retiré, ainsi que les amendements CL9 et CL10.

La commission adopte l’amendement CL39.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons bien entendu la volonté de l’ensemble des membres de la commission des lois : il faut que le Gouvernement s’exprime rapidement sur les dates qu’il entend retenir.

L’amendement CL27 de Mme Marietta Karamanli est retiré.

La commission passe à l’amendement CL28 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’écarter le risque que la prolongation de neuf mois du mandat des conseillers départementaux, des conseillers régionaux et des membres de l’Assemblée de Corse et des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique élus en juin 2021 jusqu’en mars 2028 ne soit plus justifiée à l’expiration du mandat de six ans desdits conseillers.

La prolongation nous semble prématurée. En effet, celle du mandat des conseillers municipaux renouvelables en 2007 n’était intervenue que fin 2005. Or le présent article anticipe cette prolongation avant même que les conseillers concernés ne soient élus !

Notre groupe ne s’oppose pas au principe de ce report. Cependant, pour être justifié, il est essentiel que son fait générateur persiste jusqu’à cette date ou à proximité de celle-ci. Le présent amendement propose donc de conditionner la prolongation au maintien du calendrier électoral tel qu’anticipé à ce jour.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. J’y suis défavorable car la proposition du Sénat est très intéressante, et d’une remarquable qualité. En effet, le mandat des représentants locaux élus en 2021 s’achèverait en décembre 2027. Cela signifierait qu’il faudrait organiser six tours de scrutin la même année, si on inclut les présidentielles et les législatives et que l’on considère que les élections départementales et régionales sont organisées le même jour, ce qui risque de poser de véritables difficultés à certaines communes, notamment en termes de frais de fonctionnement – ceux d’entre vous qui ont été maires ou élus locaux le savent.

Le Sénat propose de décaler les élections départementales et régionales en mars 2028, ce qui nous semble une bonne solution, même si, en 2034, auront lieu les élections européennes. Mais trois tours de scrutin en une année, ce n’est pas la même chose que six pour le budget d’une collectivité !

La loi n’a pas vocation à introduire des exceptions afin de prévoir les cas dans lesquels les élections présidentielles et législatives ne se dérouleraient pas à leur date normale du fait d’événements politiques que nul ne peut prévoir. Nous n’allons tout de même pas convoquer Élizabeth Teissier ou Mme Irma !

Il faut donner dès aujourd’hui une visibilité sur l’échéance du mandat des futurs conseillers régionaux et départementaux : la date de mars 2028 me semble opportune, afin de revenir à un schéma classique.

Mme Marietta Karamanli. Il ne s’agit pas de jouer la Pythie ou Mme Irma, mais nous faisons la loi et il faut anticiper. Dans nos institutions, les modalités de l’élection présidentielle et de dissolution de l’Assemblée nationale sont fixées. On ne peut donc dire qu’il n’existe aucun risque. En conséquence, je maintiens mon amendement car il faut pouvoir intégrer dans notre calendrier une élection anticipée pour cause de dissolution ou pour toute autre raison.

M. Raphaël Schellenberger. S’agissant du calendrier électoral, nous sortons tout de même d’une période de turbulences. Le projet de loi doit fixer des principes clairs et simples. La périodicité du renouvellement est a priori intangible. Des exceptions sont possibles lorsqu’il y a trop de scrutins la même année : ce n’est pas la première fois que nous rallongeons des mandats d’un an. Nous l’avons fait pour des élections municipales ou cantonales. Mais on le sait au moment de la convocation des élections, ce qui rend l’affaire démocratiquement acceptable !

En outre, on ne peut pas anticiper certains événements et le législateur est toujours relativement performant quand il s’agit de voter des lois électorales et de modifier les calendriers électoraux, surtout quand cela va dans le sens de la majorité législative !

Enfin, je comprends la fiction que vous imaginez, madame Karamanli. Mais votre amendement souffre d’une défaillance juridique : il nécessite le vote d’une nouvelle loi si l’événement politique hypothétique que vous craignez se produit. C’est l’histoire de l’œuf et de la poule !

Il est surprenant qu’avec l’inversement du calendrier législatif et le quinquennat, vous imaginiez une dissolution de l’Assemblée nationale. Je ne suis pas sûr que cela arrive à nouveau… Est-ce utile de légiférer dans ce cas ?

Comme le rapporteur, je reconnais la qualité du travail sénatorial. En outre, il est important que les élections locales se tiennent toujours à peu près à la même période de l’année – en mars ou avril. Ces mois sont plus propices à l’exercice démocratique que le mois de décembre ou à la veille de l’été.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le droit électoral n’aime pas l’instabilité – c’est notre difficulté dans la situation actuelle. Il faut donc veiller à la lisibilité du dispositif, afin que les candidats sachent que, s’ils se présentent, ils seront élus jusqu’en mars 2028.

Mme Marietta Karamanli. Je vais retirer mon amendement mais j’y reviendrai lors de la séance publique. Je ne vais pas à nouveau faire du droit constitutionnel et relancer le débat sur les institutions et le calendrier de l’élection présidentielle et des élections législatives. Mais l’analyse – et, le moment venu, éventuellement, un texte – ne sauraient émaner du seul Gouvernement.

L’amendement est retiré.

Puis la commission adopte l’article premier modifié.

Article 1er bis : Élargissement des modalités de procurations de vote

La commission examine successivement l’amendement CL11 de M. Bastien Lachaud et les amendements identiques CL40 du rapporteur, CL12 de M. Bastien Lachaud et CL37 de M. Pacôme Rupin.

M. Bastien Lachaud. Je vais défendre les amendements CL11 et CL12 en même temps. Il s’agit de revenir sur l’assouplissement des conditions du recours à la procuration. Si la double procuration pouvait s’entendre au moment des élections municipales du fait de la situation sanitaire, ce n’est plus le cas pour les élections régionales puisque nous les repoussons pour tenir le scrutin dans de bonnes conditions. L’amendement CL11 vise donc à supprimer la possibilité d’y recourir. Je l’ai déjà dit, le vote est personnel et ce n’est pas l’augmentation du nombre de procurations qui facilitera le vote et permettra de lutter contre l’abstention. Le même argumentaire vaut pour la déterritorialisation des procurations : l’amendement CL12 vise donc à la supprimer.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Effectivement, sur ce dernier point, je suis d’accord et mon amendement CL40 est identique. Si la mise en place de la déterritorialisation des procurations prévue par la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique du 27 décembre 2019 sera effective le 1er janvier 2022, son introduction anticipée pour les prochaines élections départementales et régionales de juin 2021 se heurte à une difficulté d’ordre technique et opérationnelle liée à l’adaptation numérique du registre national d’inscription sur les listes électorales.

En effet, les contraintes de développement informatique liées au répertoire électoral unique créé en 2018 empêchent la mise en œuvre immédiate de cette réforme, laquelle engendrerait des risques susceptibles d’affecter le bon déroulement des prochains scrutins.

Certes, le Sénat a encadré cette déterritorialisation des procurations par l’exigence d’un lien familial, en listant les membres de la famille auquel le dispositif aurait vocation à s’appliquer. Mais cela ne permet pas de remédier aux difficultés liées aux nécessaires vérifications et contrôles qui devront s’opérer.

En outre, toutes les situations familiales n’ont pas été prises en compte – ainsi les demi-frères ou demi-sœurs ne sont pas concernés.

L’adoption de mon amendement fera mécaniquement tomber plusieurs autres amendements qui visent à restreindre ou à élargir la déterritorialisation des procurations. Il fera également tomber l’amendement CL19 d’Élodie Jacquier-Laforge sur la dématérialisation des procurations. Permettez-moi de préciser, madame Jacquier-Laforge, que l’objectif que vous visez me semble en partie satisfait. En effet, dès les prochaines élections régionales et départementales, le dispositif « Ma procuration » permettra de dématérialiser une large part du processus d’établissement des procurations et donc de simplifier et d’accélérer les démarches des électeurs. Quand la personne viendra à la gendarmerie ou au commissariat, tous ses éléments d’identification auront été transmis numériquement, ce qui évitera de les lui demander. Pour autant, il lui faudra encore se déplacer pour vérifier que c’est bien elle et personne d’autre qui donne procuration, ce qui ne devrait plus être le cas à partir de 2022.

M. Pacôme Rupin. Le rapporteur a parfaitement développé certains arguments, notamment les difficultés opérationnelles que ces alinéas, ajoutés au Sénat, pourraient poser. J’ajouterai qu’il me semble étrange que seuls des membres de la famille puissent porter une procuration déterritorialisée. Certes, on ne peut nier que certains citoyens votent en famille, mais c’est une certaine vision du vote ! D’autres ne le font pas en famille et ont l’habitude de donner procuration à un ami ou à une personne politiquement proche, plutôt qu’à un frère, une sœur, des parents ou des enfants. Cette disposition crée une forme d’iniquité entre citoyens. C’est pourquoi le groupe La République en Marche est contre et défend l’amendement CL37.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Les amendements suivants vont tomber si celui du rapporteur et les amendements identiques sont adoptés. Souhaitez-vous vous exprimer ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je partage votre analyse sur le lien de parenté, d’autant que ce n’est, en l’état actuel du droit, pas demandé pour établir les procurations.

Notre proposition nous semblait plus pertinente, l’amendement CL18 visant à ouvrir le portage de procurations aux citoyens d’un même département, et non plus seulement aux citoyens d’une même commune. On pourrait d’ailleurs envisager le même dispositif au niveau régional pour les élections régionales.

S’agissant de la dématérialisation, objet de l’amendement CL19, les explications du rapporteur ont été très claires. Vous avez raison, il faut faciliter ces démarches. Bien sûr, il est fondamental de vérifier l’identité de la personne qui donne procuration et de celle qui la reçoit mais, pour le moment, ces formalités sont extrêmement contraignantes : il faut utiliser un stylo noir, écrire en majuscule, remplir toutes les informations, etc. La dématérialisation étant prévue pour 2022, il faut aller de l’avant – le contexte nous y pousse.

M. Paul Molac. L’amendement CL34 vise à limiter la possibilité d’autoriser l’électeur à disposer d’une procuration dans une autre commune pour voter au nom d’un membre de sa famille, uniquement si ce dernier est inscrit dans une commune du même ressort électoral.

M. Pascal Brindeau. Si la rédaction du Sénat est inadaptée et malheureuse, supprimer la notion de déterritorialisation me semble aussi trop restrictif. Vous pouvez déjà disposer d’une procuration pour quelqu’un qui habite à l’étranger ; la notion de territorialité est donc toute relative… En outre, nous savons procéder à l’authentification d’une identité par voie dématérialisée. Nous pouvons donc techniquement aller au bout du processus de dématérialisation des procurations.

Nous ferons des propositions en ce sens pour la séance publique car limiter les procurations à la commune est trop restrictif. Ainsi, Élodie Jacquier-Laforge a raison de plaider pour des procurations territorialement plus larges pour les élections régionales. C’est également vrai pour les élections départementales.

M. Raphaël Schellenberger. Ce n’est pas la première fois qu’au sein de cette commission, nous débattons de la modernisation des scrutins – par voie électronique, par correspondance, par le vote anticipé, etc. À chaque fois, la conclusion est la même : il faut être très prudent. La République s’est construite avec les isoloirs ; chez Les Républicains, nous leur resterons attachés. Certes, d’autres pays votent autrement mais, en France, nous avons acquis notre souveraineté politique grâce aux isoloirs.

Cela n’empêche pas les adaptations, comme la double procuration, éprouvée grâce aux dernières élections municipales et qui permet à chacun – notamment ceux qui sont empêchés de se déplacer – de s’exprimer dans un vote libre et individuel. Il faut maintenir ce système de double procuration réintroduit par le Sénat pour les prochaines élections locales.

Comment le Sénat a-t-il procédé pour la déterritorialisation ? Il l’a pensée comme un outil nécessaire pour faciliter l’établissement des procurations puisque la construction des relations sociales dans nos territoires a profondément changé et que le tiers de confiance, celui qui va voter en notre nom, est parfois éloigné géographiquement. Je suis d’accord avec vous, le critère du lien familial est trop restrictif. Je plaide pour une déterritorialisation simple, sans critère familial et je ne comprends pas, monsieur le rapporteur, votre argument : le répertoire électoral unique ne nous le permettrait pas. Mais c’est pourtant bien l’outil technique qui doit le permettre – tout le monde est dans le même fichier et ce fichier est, de surcroît, numérisé.

Mme Marietta Karamanli. Nous partageons la même analyse même si notre groupe n’a pas déposé d’amendement. La déterritorialisation et la gestion des procurations telles que prévues aux alinéas 4 et 5 ne nous conviennent pas. Nous soutiendrons donc la proposition de suppression.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. J’émets également un avis défavorable sur l’amendement CL11 de M. Lachaud qui souhaite le retour à la procuration unique. Dans la situation de crise que nous vivons, nous vous proposons de maintenir la possibilité d’une double procuration, sur le modèle du deuxième tour des élections municipales.

Monsieur Schellenberger, nous aurons à débattre de sa généralisation lorsque nous serons sortis de ce contexte. Je vous rejoins par contre sur la déterritorialisation, qui doit être plus large. Mais, techniquement, le ministère de Inous indique qu’il ne sera pas prêt en toute sécurité avant le 1er janvier 2022. C’est pourquoi nous proposons le statu quo pour le moment.

La commission rejette l’amendement CL11.

Puis elle adopte les amendements identiques CL40, CL12 et CL37.

En conséquence, les amendements CL2 de M. Matthieu Orphelin, CL18 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL33 et CL34 de M. Paul Molac ainsi que CL19 de Mme Élodie Jacquier-Laforge tombent.

La commission en vient à l’amendement CL41 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer la faculté ouverte par les alinéas 6 et 7 : elle autorise les personnes qui, en raison de l’épidémie de covid-19, ne peuvent pas comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire à demander à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration.

Bien sûr, cette faculté resterait ouverte aux personnes pouvant attester qu’elles sont empêchées physiquement de se déplacer au commissariat ou à à la gendarmerie – c’est déjà prévu par le code électoral.

Le dispositif s’est avéré peu probant avant le deuxième tour des élections municipales. En outre, l’officier qui se déplace au sein d’un foyer devrait, dans le contexte sanitaire actuel, être testé pour éviter toute propagation du virus que nous combattons.

En outre, nous sommes nombreux à avoir souhaité que les forces de police soient davantage concentrées sur leurs missions quotidiennes.

Enfin, le dispositif « Ma procuration » va grandement simplifier le passage au commissariat ou à la gendarmerie, tout l’aspect administratif étant traité en amont. Il faut que nous en fassions collectivement la promotion.

M. Raphaël Schellenberger. Je comprends la suppression de ce dispositif conjoncturel, mais il restera toujours des officiers de police judiciaire pour se déplacer au domicile des mandants empêchés de le faire. Si c’est parfois bien organisé dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ce n’est pas le cas sur tout le territoire. Je proposerai probablement un amendement en séance car, nous l’avons constaté lors de précédents scrutins, la bonne organisation de ce dispositif dépend de la volonté des forces de police qui sont les seules à disposer d’officiers de police judiciaire en tout lieu du territoire. Malheureusement, parfois, les officiers tardent à venir, voire ne viennent pas. Or cela ne devrait pas se produire. Il conviendrait que le Gouvernement s’exprime sur ce sujet en séance.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er bis modifié.

Lors de sa seconde réunion du mercredi 3 février 2021, la Commission poursuit l’examen du projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° 3812) (M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10273415_601aa33b5b367.commission-des-lois--report-du-renouvellement-general-des-conseils-departementaux-des-conseils-reg-3-fevrier-2021

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Nous reprenons à l’article 2.

Article 2 : Remise au Parlement d’un rapport sur la situation sanitaire

La commission examine l’amendement CL42 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’amendement vise à faire la synthèse entre ce que souhaite le Sénat et la proposition de Jean-Louis Debré. Ce dernier proposait que le conseil scientifique rende un rapport directement au Parlement, quand les sénateurs prévoient que le rapport ne porte que sur les éventuelles adaptations du scrutin en fonction du contexte sanitaire.

L’amendement maintient le principe de la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la base de l’analyse du conseil scientifique – les éventuelles propositions visant à aménager le mode de scrutin ne pouvant venir que de l’exécutif sur la base, bien sûr, du rapport du conseil scientifique. Cette rédaction laissera au conseil scientifique sa liberté de parole sur l’état sanitaire du pays, au moment où il rendra son rapport, qui sera en outre ponctuel.

M. Raphaël Schellenberger. Je rebondis sur vos propos, monsieur le rapporteur : ce n’est pas un rapport sur l’opportunité de la tenue du scrutin. Ce dernier se tiendra en juin, quelle que soit la situation sanitaire. Le rapport vise simplement à décrire les risques et la façon dont il faudra les prendre en compte pour la campagne électorale et durant le scrutin.

Vous faites donc le choix d’un rapport sur les modalités de l’élection, et non sur son opportunité. Je m’en félicite. Néanmoins, la rédaction que vous proposez me semble moins opérationnelle que celle du Sénat. À partir du moment où l’on décide que le scrutin aura lieu, il faut certes faire en sorte de réfléchir aux « risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin et de la campagne électorale précédant celui-ci », mais il serait également intéressant que le Gouvernement et le conseil scientifique se penchent sur les modalités permettant de les réduire et les mesures à prendre.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je ne veux pas vous contredire, monsieur Schellenberger mais, si le conseil scientifique doit rendre un rapport sur l’état sanitaire du pays le 1er avril avec, éventuellement, des éléments prospectifs, ce n’est pas son rôle de dire comment on organise un scrutin. Le Gouvernement, et notamment le ministère de l’Intérieur, est chargé depuis toujours de cette mission et il s’adapte aux circonstances.

Dans ce cadre, quel sera le rôle de la représentation nationale ? L’Assemblée nationale et le Sénat devront s’emparer de l’analyse et des propositions du Gouvernement, rédigées sur la base du rapport du conseil scientifique, et adapter en tant que de besoin l’organisation et la mise en œuvre du scrutin.

Lors de son audition, le professeur Delfraissy l’a souligné : à partir de ses conclusions, il ne pourra pas dire quelle est la meilleure manière d’organiser le scrutin, mais seulement s’il est raisonnable ou non, d’un point de vue sanitaire, de l’organiser et quelles sont les précautions à prendre. Les modalités concrètes de son organisation seront du ressort de l’exécutif et du pouvoir législatif.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, votre réponse suscite chez moi un peu d’incompréhension. Certes, le conseil scientifique va émettre un avis, puis le Gouvernement prévoir l’organisation des élections en conséquence. En revanche, je ne comprends pas quel rôle jouera le Parlement puisque le présent projet de loi, lorsqu’il sera adopté, fixera les modalités des élections locales de 2021. Le Parlement n’aura donc plus rien à dire, le décret prévoyant à la fois les dates et les modalités du scrutin. Suggérez-vous qu’il faille adopter une nouvelle loi ?

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Mon amendement ne fait que préciser le fait que, sur la base du rapport du conseil scientifique, le Gouvernement nous transmet un rapport qui nous permettra ensuite de l’interroger sur les modalités du scrutin.

En cela, je suis fidèle à la position de Jean-Louis Debré, qui écrit très clairement dans son rapport que la remise de l’avis du Conseil scientifique n’aura pas « le caractère d’une clause de revoyure automatique ». Il s’agit simplement de donner au Gouvernement et au Parlement la possibilité d’adapter les conditions d’organisation du scrutin.

M. Paul Molac. Je comprends bien la nuance. Ce dispositif me paraît effectivement louable, mais je me demande quand nous disposerons du rapport du Conseil scientifique – j’espère que nous l’aurons rapidement ! Nous avons les moyens d’interroger l’exécutif, en particulier dans le cadre des questions au Gouvernement ; un groupe parlementaire pourrait également proposer d’inscrire à l’ordre du jour d’une semaine de contrôle un débat relatif à la tenue des élections et à la possibilité d’organiser ces dernières sans contribuer à la propagation du virus.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’article 2 prévoit la remise du rapport « au plus tard le 1er avril 2021 ».

M. Raphaël Schellenberger. Monsieur le rapporteur, vous ne dites pas toujours la même chose. J’essaie de m’attacher au texte que nous examinons : aux termes de l’article 2, c’est le Gouvernement qui remet au Parlement un rapport construit sur la base d’une analyse du Conseil scientifique. Cela me semble de bon aloi. Ce n’est donc pas le Conseil scientifique ni le Professeur Delfraissy qui nous dira quelles modalités pratiques devront être mises en œuvre pour l’organisation du scrutin. Puisque c’est le Gouvernement qui nous remettra ce rapport, il ne me semble pas illogique qu’il y ajoute quelques éléments pratiques sur la façon dont il tiendra compte du risque sanitaire dans l’organisation des opérations électorales. Cette question est incluse dans la rédaction adoptée par le Sénat alors qu’elle est absente de celle que vous proposez. Du fait de la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement, qui relève uniquement du Gouvernement, ce n’est pas le Parlement qui déterminera les modalités concrètes d’organisation des bureaux de vote, ni la liste des établissements recevant du public (ERP) qui pourront être ouverts pour faire campagne ou des espaces publics qui pourront être occupés dans ce cadre. Eu égard aux enjeux de ces élections, il ne me semble pas incongru de demander au Gouvernement d’évoquer ces questions dans son rapport. C’est pourquoi la rédaction du Sénat me paraît plus précise que la vôtre.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. C’est justement parce que le Conseil scientifique ne peut pas se prononcer sur l’organisation concrète du scrutin que le Sénat prévoit que le Gouvernement rédige son rapport « au vu » de cet avis. Le rapport que nous remettra le Gouvernement portera évidemment sur les modalités d’organisation des opérations électorales.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La commission examine l’amendement CL35 de M. Paul Molac, qui fait l’objet du sous-amendement CL43 du rapporteur.

M. Paul Molac. Nous souhaitons que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) publie, au plus tard le 30 avril, un guide du candidat et du mandataire spécifique aux élections régionales et départementales de juin 2021 en tenant compte de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Cette précaution est nécessaire car il faut absolument que les choses soient claires avant le début de la campagne. Lors des élections législatives de 2012, les préconisations de la CNCCFP relatives aux circonscriptions des Français de l’étranger avaient été émises très tard, et certains candidats qui avaient déjà commencé leur campagne s’étaient trouvés particulièrement ennuyés.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement CL43, qui vise à supprimer la date butoir donnée à la CNCCFP – cette dernière a parfaitement compris le message – et à préciser que le guide doit être actualisé. Il ne s’agit pas de republier un guide existant, mais bien de fournir aux candidats et à leurs mandataires des indications très précises adaptées aux conditions particulières du scrutin.

M. Erwan Balanant. Cette disposition me semble très importante. Quand on a un peu d’expérience en politique et qu’on a été candidat à de nombreuses élections, on sait à peu près comment les choses fonctionnent, mais quand interviennent des changements importants liés à un contexte particulier, il ne faudrait pas se laisser piéger par l’habitude.

Par ailleurs, ces guides gagneraient à être rendus plus lisibles et plus compréhensibles, car pour des gens qui n’ont aucune expérience électorale, ils ne sont pas si simples. Je ne parle pas forcément des élections régionales, qui sont un peu différentes puisqu’elles ont lieu au scrutin de liste ; en revanche, un primo-candidat à une élection départementale doit avoir une compréhension claire et précise des règles auxquelles il est soumis. La même démarche pourrait être entreprise pour les élections municipales, par exemple. Nous sommes nombreux ici à avoir participé à ces élections : nous pouvons donc attester qu’il n’est pas évident, la première fois, de déchiffrer les guides fournis à cette occasion.

M. Bruno Questel. Au risque de passer pour un ancien combattant, je précise que j’entamerai dans quelques semaines ma cinquième campagne pour les élections départementales. À l’échelle départementale, justement, nous sommes le plus souvent membres d’un collectif, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition : les choses sont alors quelque peu organisées. Quant aux candidats indépendants, ils ont parfois une notoriété non dissimulée, qu’ils doivent assumer – je ne parle pas forcément pour moi. Je m’interroge donc sur l’utilité de l’amendement présenté par M. Molac ; je ne sais pas dans quelle mesure un outil élaboré par la CNCCFP serait plus lisible qu’un guide proposé par les partis politiques.

M. Raphaël Schellenberger. Une fois n’est pas coutume, je me retrouve dans l’intervention de M. Questel. Pour qu’une démocratie soit effective, il faut évidemment garantir au plus grand nombre la possibilité d’accéder aux mandats électifs, mais cela ne veut pas dire que les candidats doivent faire campagne en méconnaissant la loi. Quand on aspire à exercer des responsabilités publiques, la première responsabilité doit être de s’intéresser aux règles en vigueur pour y accéder.

J’entends souvent que les partis politiques seraient un outil désuet, dépassé, démodé – ce n’est pas ce qu’a dit M. Questel, alors qu’il a un long passé d’indépendant –, et que chacun devrait pouvoir se présenter librement à une élection. Les partis politiques n’en ont pas moins un rôle à jouer, qui leur est d’ailleurs reconnu par la Constitution, dont l’article 4 dispose qu’ils « concourent à l’expression du suffrage ». Leur rôle est d’aider nos concitoyens à se porter candidats et à accéder aux mandats électifs.

Que je sois candidat ou non à une élection, je lis toujours avec attention les guides de la CNCCFP. Mais je lis avec encore plus d’attention les guides édités par les différents partis politiques, et je tombe parfois sur des pépites. Les guides électoraux de La République en marche pour les élections municipales expliquaient même ce qu’il fallait dire aux électeurs, alors que cela relève normalement de la liberté du candidat ! Je vois en tout cas que même les nouveaux partis politiques comme La République en marche sont capables d’éditer des guides électoraux à destination des candidats : je fais donc confiance à l’ensemble des parties prenantes de la démocratie, y compris aux partis politiques, pour faciliter l’accès aux mandats.

M. Paul Molac. La CNCCFP change parfois d’avis alors que la campagne a déjà commencé. C’est arrivé en 2012, pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger. Certains d’entre eux, dont des personnes bien briefées par des partis, ont fait l’objet d’une invalidation.

M. Bruno Questel. L’amendement ne permettra pas d’y remédier.

M. Paul Molac. Si, car je demande que l’on fasse bien attention au fait que nous sommes en période de pandémie et que l’on amende le guide.

Mme Marietta Karamanli. L’amendement, tel que le rapporteur propose de le sous-amender, apportera un complément intéressant. Cela n’enlèvera rien aux partis politiques mais cela permettra à chacun et à chacune – dans les partis et chez les candidats – d’être aussi bien éclairé, informé, que possible. Ce sera un plus pour la démocratie.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. De quoi est-il question ? D’un document donnant une information actualisée et émanant de l’autorité qui fixe les règles. Cela sécurisera les élections : plus l’information est précise et récente, moins on est exposé à des recours, qui prennent du temps et mobilisent la justice. Ce sera donc forcément positif. Les partis politiques joueront également leur rôle, comme l’a très bien dit Mme Karamanli. Le dispositif n’entrera pas en opposition avec leur action.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Les partis politiques pourront ensuite diffuser une information précise, étayée et actualisée. Et j’espère que l’on distribuera, en plus, des tongs chez Les Républicains, comme l’avait fait l’UMP à une époque (Sourires). Avec la commission dont nous parlons, il n’y aura pas de produits dérivés : on aura toujours un avantage si on passe par un parti.

M. Erwan Balanant. Que cette commission mette à la disposition des candidats une analyse claire des conditions juridiques, surtout quand il s’agit des élections départementales, qui sont de proximité et auxquelles se présentent des notables, des maires, qui n’appartiennent à aucun parti et qui n’en ont pas envie, cela me paraît être la moindre des choses et je ne vois pas en quoi cela pourrait constituer une atteinte aux partis. On peut parfaitement être candidat à une élection, et même être élu, sans être membre d’un parti. On peut aussi en rejoindre un après avoir été élu, ou on peut s’en retirer.

M. Raphaël Schellenberger. C’est ce qu’on appelle retourner sa veste.

M. Erwan Balanant. Mais non, c’est tout simplement suivre un chemin, avoir une démarche citoyenne qui peut ne pas être liée à un parti.

Je pense aussi, même si c’est peut-être hors sujet, aux élections municipales. Beaucoup de listes citoyennes extrêmement intéressantes se situent en dehors de tout parti, ou bien elles peuvent être très différentes des partis auxquelles elles se rattachent.

Je trouve que l’amendement et le sous-amendement sont donc très pertinents.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

Elle examine l’amendement CL36 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Nous proposons qu’un comité de liaison entre le Gouvernement, les groupes parlementaires et les principaux partis politiques se réunisse au moins toutes les deux semaines en vue de délibérer sur les conditions d’organisation des élections départementales et régionales prévues en 2021. Il s’agit d’institutionnaliser la concertation et la transparence qui sont nécessaires pour obtenir la confiance des citoyens dans les processus électoraux auxquels ils seront appelés à participer.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le Gouvernement mène des concertations régulières : un comité de liaison avec les groupes parlementaires et les partis politiques existe déjà. Il n’est pas nécessaire d’institutionnaliser cette pratique en l’inscrivant dans la loi. Je vous suggère donc de retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Il est vrai que le Gouvernement mène des concertations avec les représentants des groupes et des partis politiques, mais pas comme c’est écrit dans l’amendement, qui fait référence aux « principaux partis politiques » : il y a des grand-messes, qui ne respectent pas toujours les contraintes liées au covid, car ce ne sont pas les partis politiques qui manquent en France – il arrive parfois que le nombre de leurs adhérents ne soit pas supérieur à celui de leurs dirigeants. Les réunions rassemblent vraiment beaucoup de monde… Les nuances et les subtilités des idéologies politiques sont très intéressantes mais la situation est parfois un peu compliquée, notamment en matière de pilotage, quand on met absolument tout le monde autour de la même table. Cet amendement a l’avantage de mettre en lumière un mode de fonctionnement discutable.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Il n’y est pas question des micro-partis, dont l’existence est notamment liée aux conditions de financement de la vie politique, ce qui ne manque pas de poser quelques questions.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 (art. 3 et 11 de l’ordonnance n° 2020-1304 du 28 octobre 2020 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la création de la Collectivité européenne d’Alsace) : Adaptation des mesures transitoires applicables à la Collectivité européenne d’Alsace

La commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Adaptation des règles de propagande électorale et de financement de la campagne pour les élections régionales et départementales

La commission est saisie de l’amendement CL45 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Cet amendement tend à apporter quelques précisions rédactionnelles et à supprimer l’interdiction prévue par l’article L. 50-1 du code électoral aux termes duquel aucun numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ne peut être porté à la connaissance du public par un candidat, une liste de candidats ou à leur profit.

Cette interdiction, datant de 1990, est un peu anachronique. Elle ne paraît pas opportune compte tenu des circonstances dans lesquelles la prochaine campagne électorale se déroulera. La mise à disposition d’un numéro d’appel gratuit, qui serait, le cas échéant, prise en charge par les candidats eux-mêmes, permettrait aux électeurs de se renseigner sur les programmes en l’absence de réunions électorales physiques : on pourrait appeler un candidat ou son équipe grâce à un numéro vert et ainsi se renseigner.

La disposition en vigueur est un peu curieuse. Je ne sais plus très bien quelle en était la raison, mais je crois qu’on craignait en particulier un démarchage. Or ce n’est pas ce qui se produira, puisque ce sont les électeurs qui pourront appeler pour en savoir plus sur tel ou tel point.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis partagé sur cet amendement. Comme vous, je pense qu’il est désuet de prévoir des affiches électorales sans numéro vert. De toute façon, de nombreux candidats y font figurer un numéro de portable ou de ligne fixe pour être appelés. Que le compte de campagne puisse prendre en charge les coûts des appels au candidat de la part d’électeurs intéressés ne me pose pas de problème. En revanche, que le candidat puisse disposer d’un numéro vert m’interpelle : si je suis d’accord pour considérer comme une dépense électorale des frais de téléphonie, quel que soit le sens de l’appel, je ne suis pas certain que le numéro vert, qui est un outil de politique publique, doive devenir un outil de conquête électorale et être mis à disposition d’une campagne.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. À son origine, le numéro vert était réservé aux campagnes d’intérêt national – campagnes d’appel au don, à la solidarité. C’est moins le cas à présent : le dispositif s’est élargi.

Par ailleurs, la démocratie est aussi une grande cause nationale. Donner à l’électeur la capacité d’interroger le candidat sur un point du programme, voire de lui poser des questions directement, si tel est le choix du candidat, fait partie de ces causes qui sont légitimes. Le numéro vert permet même à un électeur qui n’a pas des moyens considérables d’échanger avec un candidat.

Le candidat est naturellement libre de recourir ou non à un tel numéro, mais si cela élève la démocratie, notamment locale, au rang des grandes causes nationales, ce n’est pas plus mal dans le contexte actuel.

M. Erwan Balanant. Je partageais les remarques de Raphaël Schellenberger, mais les précisions du rapporteur me convainquent aussi. Il faut en finir avec ce tabou selon lequel un candidat ne peut pas disposer d’un numéro vert. Le téléphone est tout de même un outil intéressant.

S’agissant de l’argument financier, la plupart des électeurs paient non pas leurs communications, mais des forfaits qui leur permettent d’appeler largement. Il est intéressant de disposer enfin de numéros de téléphone sur lesquels les électeurs peuvent appeler pour obtenir des renseignements sur le programme, auprès du candidat ou de son équipe. Aujourd’hui, nous le faisons indirectement puisque nous sommes interpelés sur nos programmes par d’autres voies, notamment celle des réseaux sociaux. Cela signifierait que l’on n’aurait pas le droit de répondre au téléphone à propos de notre programme, mais que l’on pourrait répondre par mail ou par un site. Faire sauter cet interdit semble de bonne politique.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le rapporteur, sur quelles expériences et analyses vous appuyez-vous pour faire cette proposition ? Je comprends la volonté de permettre à chacun d’accéder facilement à l’information, mais il me semble que nous manquons de recul pour justifier la proposition.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Les circonstances de la pandémie la justifient. La question est posée à chaque fois que nous débattons de la loi électorale. Nous étions restés à la situation de départ car nous n’avions pas rencontré d’enjeux aussi majeurs que ceux que nous connaissons actuellement.

Les numéros de cette nature existent dans tous les pays européens : l’électeur peut appeler librement pour obtenir une information, un élément de programme ou une précision sur un rendez-vous donné par le candidat, y compris en visioconférence.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Les prochaines campagnes électorales seront très compliquées. Dans un contexte où il sera difficile d’organiser des réunions publiques, disposer d’un tel numéro de téléphone semble important, même si l’on peut utiliser les réseaux sociaux ou organiser des campagnes. Avec un numéro de téléphone gratuit, une personne qui souhaite rencontrer son candidat aura une possibilité d’échanger et de faire vivre la démocratie. Nous y sommes donc favorables.

M. Raphaël Schellenberger. Mon problème n’est pas qu’il y ait un numéro de téléphone, un numéro d’appel ou qu’il soit gratuit. Je m’interroge sur le fait que l’on confonde un jour ce numéro, qui peut être un outil de communication institutionnelle, avec un numéro de priorité. Mettre sur les affiches un numéro semblable aux numéros d’appel pour un danger particulier, par exemple pour l’enfance en danger, pourrait entraîner une confusion discutable.

Le Gouvernement pourra peut-être répondre techniquement à cette question, en nous assurant que les numéros d’appel gratuit que l’on pourrait faire apparaître sur les affiches ou les documents de propagande, ne soient pas des 0800 ou des 3919, mais des numéros classiques, dont la prise en charge dans les comptes de campagne serait organisée. Cela me semble être un point d’équilibre, pour faciliter l’accès au candidat, tout en évitant de confondre candidature politique et institutions.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’indicatif 0800 était en effet prévu pour les appels prioritaires de l’État. Il est différent, aujourd’hui : il y a souvent quatre chiffres, ce qui permet d’éviter la confusion. Ce n’était pas le cas en 1990.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL46 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL29 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il vise à réduire de six à trois mois le délai donné à la CNCCFP pour valider les comptes de campagne des candidats, en l’absence de contentieux. La date limite est actuellement fixée au 10 mars 2022, ce qui rendrait le remboursement des frais de campagne concomitant avec le premier tour de l’élection présidentielle. Cette situation pourrait porter préjudice à certains candidats ou partis politiques ayant contribué au financement d’un candidat et amenés à le faire de nouveau. Il apparaît souhaitable de finaliser ces opérations avant la fin de l’année 2021, si les élections se tiennent en juin.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Avis défavorable. Les représentants de la CNCCFP, que nous avons auditionnés la semaine dernière, nous ont dit qu’ils n’avaient pas trop de six mois pour valider les comptes de campagne des milliers de candidats aux élections régionales et, surtout, départementales. Il paraît donc irréaliste de diviser par deux la durée au terme de laquelle la commission devra se prononcer sur les comptes de campagne : tout contrôle deviendrait impossible.

Cela étant, nous avons essayé de négocier avec la commission. Nous avons proposé qu’elle dispose d’un mois de plus pour traiter les cas donnant lieu à un contentieux mais qu’elle traite plus rapidement les situations qui ne posent pas de problème. Il est vrai que le délai nécessaire à la validation des comptes et au remboursement des frais de campagne est souvent trop long et que c’est un frein à la démocratie.

Mme Marietta Karamanli. Je ne crois pas qu’il faille négocier avec la commission, mais fixer certaines limites. Les délais sont souvent trop longs, alors que rien ne le justifie. Et, en 2022, cela pourrait mettre en difficulté certains candidats ou certains partis concernés par les élections présidentielles.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CL22 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et les amendements identiques CL47 du rapporteur et CL38 de Mme Yaël Braun-Pivet.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement vise à allonger de douze à dix-neuf jours la durée de la campagne officielle régie par le code électoral avant le premier tour des élections régionales. Cela facilitera l’accès des électeurs aux messages des candidats dans une période de crise sanitaire où la campagne électorale ne pourra pas être menée sous sa forme habituelle.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à l’amendement du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés mais je propose de l’élargir aux élections départementales.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’amendement CL38, identique à celui du rapporteur, est celui du groupe La République en marche.

M. Raphaël Schellenberger. J’ai juste une petite question technique : cette disposition aura-t-elle un effet sur le délai qu’ont les candidats pour remettre leurs circulaires à la préfecture, afin qu’elle les diffuse ?

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’idée est vraiment d’allonger les délais pour tous les aspects de la campagne. La campagne officielle sera plus longue et le délai de dépôt des candidatures le sera aussi. Il s’agit d’adapter le rythme de la campagne à la situation si particulière que nous connaissons.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Les amendements CL47 et CL38 étant plus larges que le mien, je retire le mien.

L’amendement CL22 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Elle examine l’amendement CL48 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Cet amendement répond à la question que vous venez de poser, monsieur Schellenberger, au sujet du dépôt des candidatures.

L'extension de la durée de la campagne électorale de douze à dix-neuf jours rend nécessaire, par coordination, l’avancement d’une semaine de la date limite de dépôt des candidatures. Pour le premier tour des élections régionales de juin 2021, le présent amendement prévoit donc que les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le cinquième lundi qui précède le jour du scrutin, à midi – le guide sera particulièrement utile pour préciser toutes ces dates. S’agissant du premier tour des élections départementales, la détermination de la date limite de dépôt des candidatures relève du pouvoir règlementaire, puisqu’il dépend d’un arrêté préfectoral. Cela dit, le ministère de l’intérieur nous a indiqué qu’il demanderait aux préfets d’harmoniser les deux campagnes, pour ne pas créer de confusion.

La commission adopte l’amendement.

Article 4 bis : Règles d’organisation des bureaux de vote équipés de machines à voter

La commission examine l’amendement CL30 de Mme Marietta Karamanli.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le déploiement des machines à voter fait l’objet d’un moratoire depuis 2008. Il va de soi que l’article 4 bis, qui a été ajouté par le Sénat en séance publique, mais qui a vocation à être pleinement satisfait par un décret au cours des prochaines semaines, ne concerne que les communes qui utilisent à ce jour des machines à voter, soit environ une soixantaine. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Nous reparlerons de ces machines à voter, car l’amendement CL24 du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés demande un rapport sur la question. Il paraît tout à fait essentiel de faire le point sur ces machines et les évolutions technologiques qu’elles ont connues.

Mme Marietta Karamanli. Nous avons déjà débattu de ces machines à l’occasion de l’examen d’un autre texte. Le moratoire empêche de les renouveler, elles suscitent parfois des doutes, mais il paraît important que les communes qui en disposent puissent les utiliser lors des prochaines élections. Espérons que le rapport ne tardera pas trop.

M. Paul Molac. J’ai le même problème, puisque les deux plus grandes communes de ma circonscription, qui comptent 10 000 et 7 000 habitants, ont des machines à voter. Or leur population augmente et elles ne peuvent pas racheter de machines, parce qu’il n’est plus possible de les faire homologuer. J’ai d’ailleurs écrit au ministère de l’Intérieur à ce propos.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Les moratoires, c’est bien, à condition d’en sortir. Le rapport devra être rendu au Parlement avant le 1er octobre 2021. Les communes qui disposent des machines ne peuvent pas les actualiser et alors que de nouvelles machines permettraient de sécuriser le vote, il est impossible de les installer. L’exécutif et le législateur doivent définir une stratégie commune sur l’avenir de ces machines et de ce type de vote.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL49 du rapporteur.

Elle adopte l’article 4 bis, modifié.

Après l’article 4 bis

 La commission examine l’amendement CL24 de Mme Isabelle Florennes, sousamendé par le sous-amendement CL50 du rapporteur.

Mme Isabelle Florennes. Après douze ans de moratoire sur l’installation des machines à voter, il est temps d’avancer. J’ai d’ailleurs saisi le ministère de l’Intérieur il y a deux ans, sans obtenir de réponse satisfaisante. Il est nécessaire d’aller de l’avant, d’une part, pour les communes qui utilisent ces machines et d’autre part, parce que dans la période sanitaire actuelle, leur utilisation peut être précieuse. Cela fait plus de seize ans que soixante communes les expérimentent, si l’on peut encore appeler cela une expérimentation ! Se pose désormais le problème du renouvellement des machines, de leur vieillissement et du remplacement de leurs pièces. Nous avons été saisis par les soixante maires, et je suis heureuse de vous présenter un amendement qui permettra au ministère de clarifier sa position sur ces machines que plusieurs pays européens utilisent depuis de nombreuses années. Je rappelle qu’il n’existe aucun contentieux à leur propos et qu’aucune fraude n’a été signalée.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le sous-amendement vise à repousser la date de rendu du rapport au 1er octobre 2021 au plus tard. Nous vous suivons, madame Florennes, et le ministère de l’Intérieur est également très favorable à votre demande de rapport.

Mme Isabelle Florennes. Les attentes sont réelles. Plusieurs groupes soutiennent notre démarche. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous pouvez compter sur notre vigilance collective pour que le rapport soit remis, car on nous en doit encore un certain nombre…

La commission adopte le sous­-amendement.

Elle adopte l’amendement sous-amendé.

Article 5 : Délai supplémentaire applicable au dépôt des comptes de campagne des candidats

La commission étudie l’amendement CL51 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Il vise à reporter d’une semaine la date limite de remise des comptes de campagne, au 17 septembre 2021.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL52 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. L’article L. 118‑2 du code électoral prévoit que, lorsqu’une élection dans une circonscription fait l’objet d’un recours contentieux, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant la date limite de leur dépôt. En 2021, l’examen des comptes de campagne des candidats aux élections régionales devra être effectué dans le même délai que celui des comptes des candidats aux élections départementales, dans des circonscriptions sensiblement plus nombreuses. Enfin, il ne peut être exclu qu’un contexte sanitaire dégradé accroîtrait les difficultés pour les candidats concernés à réunir et à transmettre les pièces justificatives supplémentaires sollicitées par la CNCCFP. Il est donc proposé de porter à trois mois le délai de contrôle des comptes par la CNCCFP en cas de contentieux contre les opérations électorales, pour les seules élections régionales.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 5, modifié.    

Article 6 : Campagne audiovisuelle des candidats aux élections régionales

La commission examine l’amendement CL53 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 6 adopté par la commission des lois du Sénat. Celui-ci impose aux chaînes audiovisuelles du service public d’organiser la diffusion sur leurs antennes de clips de campagne des candidats aux élections régionales.

Si l’objectif de cette disposition s’avère louable, elle se heurte à plusieurs obstacles techniques majeurs qui empêchent, compte tenu des délais applicables, sa mise en œuvre effective. Nous avons auditionné lundi après-midi France Télévisions et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), ce qui m’a permis de mesurer le bien-fondé de leurs arguments.

Premièrement, la diffusion de tels clips s’effectuerait au détriment des programmes déjà en place sur les décrochages régionaux de France 3, c’est-à-dire les éditions d’informations régionales qui devraient ainsi être raccourcies, ce qui ne favoriserait pas le débat démocratique et la bonne information des téléspectateurs. Surtout, ce temps de diffusion rognerait sur celui des débats alors qu’il faudrait plutôt privilégier ces derniers.

Deuxièmement, s’agissant de la production de ces clips, au-delà du surcoût important que cette évolution entraînerait, l’organisation d’une telle campagne ferait peser sur les équipes régionales un surcroît d’activité et une complexification de l’organisation des activités des stations régionales. Je pense en particulier à la vérification par France 3 du nécessaire respect des règles entourant la production de ces clips. Soit France 3 les réalise elle-même, soit elle en délègue la production à des extérieurs, au risque d’en compromettre la qualité ou l’homogénéité.

Troisièmement, si le périmètre défini pour les régions de France 3 correspond bien aux régions administratives, la réception des offres TV par la TNT ne recoupe pas toujours parfaitement ces territoires, contraignant certains téléspectateurs à recevoir programmes et informations conçus pour la région voisine. Ce n’est pas exceptionnel. Une partie des citoyens recevrait ainsi des spots officiels de candidats qui ne les concernent pas.

Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire de supprimer l’article 6, indépendamment des indispensables réflexions que nous devrons mener dans les prochaines années autour des campagnes électorales audiovisuelles.

M. Raphaël Schellenberger. Le groupe Les Républicains votera contre cet amendement. Nous sommes capables de faire campagne autrement, y compris en temps de crise, et nous pourrions moderniser les campagnes électorales. Il est invraisemblable que cet espace d’expression publique ne soit pas accessible aux candidats aux élections. Vos arguments, monsieur le rapporteur, ne me satisfont pas. Celui concernant la diffusion par la TNT se comprend mais on ne peut pas considérer non plus qu’une minorité puisse l’emporter sur l’information de la majorité et, surtout, qu’elle serait incapable de comprendre, si elle habite dans le Grand Est, les informations qui concernent la Bourgogne Franche-Comté par exemple. C’est le cas pour le journal télévisé et, au passage, les téléspectateurs du Grand Est concernés doivent passablement s’agacer de recevoir le journal régional de la Franche-Comté.

Quant à la différence de la qualité des clips entre les candidats, on pourrait tout aussi bien parler de celle des circulaires que la préfecture distribue ou du manque d’homogénéité entre les clips des candidats à la présidentielle qui, eux, ont ce droit de tirage sur la télévision. Tous les clips ne se valent pas et je ne parle pas de l’appréciation subjective que l’on pourrait porter en fonction du candidat. Qui serait qualifié pour juger, en toute objectivité, de la valeur d’un clip ?

Enfin, la diffusion de ces clips ne saurait rogner sur le temps actuel consacré aux décrochages régionaux mais il me semble assez facile d’augmenter le temps de décrochage régional de France 3, ce qui satisferait tout le monde. Pourquoi ne pas saisir l’occasion de cette campagne électorale ?

M. Erwan Balanant. Je suis d’accord avec une bonne partie des arguments de Raphaël Schellenberger. Pour avoir été responsable d’une campagne audiovisuelle à l’élection présidentielle, je comprends très bien pourquoi France 3 et France Télévisions vous ont opposé de tels arguments. Cette situation, ne le cachons pas, est une conséquence de l’abandon progressif des antennes régionales, dont certaines ont été tout bonnement sacrifiées. Nous aurions pu saisir cette occasion pour réarmer ces antennes car nous avons besoin de télévisions régionales fortes, qui délivrent des informations claires et précises.

Cela étant, les arguments que vous nous opposez ne tiennent pas. Ce sont exactement les mêmes que l’on entend quand on monte une campagne audiovisuelle pour la présidentielle. Avez-vous une idée des contraintes qui pèsent sur les réalisateurs des clips officiels de campagne présidentielle ? Ils sont loin de faire ce qu’ils veulent ! Le problème n’est pas le message à délivrer mais les moyens techniques de le réaliser. Il faut travailler pour moitié avec les équipes de France Télévisions, pour l’autre avec celles de la campagne, sous prétexte d’uniformiser. Pourtant, aujourd’hui, pour tourner des clips qui se tiennent, on n’a pas besoin de s’appeler Steven Spielberg, ni de disposer de moyens disproportionnés.

Il est dommage de supprimer cet article car l’audiovisuel permet de transmettre des messages. Quant aux décrochages TNT, l’argument n’est pas plus valable. Dans mon territoire, certains captent les décrochages de Vannes à cause de la direction de leur antenne, d’autres les décrochages de Brest. Lors de la diffusion de la chaîne local du groule Le Télégramme, qui est notre quotidien régional, ils captent l’un ou l’autre. Cependant, Internet permet de regarder les programmes que l’on veut tandis que le câble et les offres ADSL offrent l’accès à toutes les chaînes. Si j’avais envie de regarder les prestations de Raphaël Schellenberger sur une chaine locale d’Alsace, je le pourrais. Ces arguments ne tiennent pas.

M. Paul Molac. J’ai bien l’impression que s’organise une coalition des Français de l’extérieur ! Je trouve dommage, moi aussi, que cet article soit supprimé. Je comprends bien que France 3 préférerait organiser ses grilles de programmes sans qu’on lui impose de passer des clips mais il me semble important, pour la démocratie, que l’on autorise la diffusion de clips de campagne des candidats aux élections régionales, comme cela existe pour l’élection présidentielle ou les élections syndicales. Ce serait d’autant plus nécessaire que la région prend de plus en plus d’importance.

Bien sûr, il y aurait des effets de bord mais seraient-ils si importants ? Voyez-vous, alors que j’habite dans le Finistère, je capte mieux, pour des raisons qui tiennent à la géographie, la télévision de Rennes, en Ille-et-Vilaine. Si je veux regarder les programmes du Morbihan, j’ai d’autres moyens pour le faire. Ce n’est pas un problème.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je voudrais rendre hommage à France 3. Lors du second tour des élections municipales, ils ont mis l’accent sur les débats et ils ont su s’adapter très rapidement pour organiser des débats qui n’étaient pas prévus initialement. Pas moins de 240 débats ont été diffusés sur France 3 pour le seul second tour des municipales.

J’ai demandé à France 3 si l’on pouvait prévoir des clips et des débats. Ils m’ont répondu par la négative : s’il y a des clips, le temps consacré aux débats sera réduit, tout simplement parce que France 3 est organisée comme l’a décrit Erwan Balanant. Si, demain, nous menons la réforme voulue par Delphine Ernotte, pour faire de France 3 une chaîne beaucoup plus régionale avec des décrochages nationaux, la donne en sera totalement changée et nous pourrons autoriser clips et débats. En attendant, je préfère privilégier le débat à la succession de clips.

J’ai aussi l’expérience du monde de l’audiovisuel – bien qu’en des temps plus anciens – et j’en retiens que les clips institutionnels des syndicats et des partis politiques, trop longs, battaient les records de décrochage des téléspectateurs. Quand les gens voyaient arriver à l’antenne ces programmes dont la réalisation n’était pas toujours formidable, c’était le signal pour changer de chaîne. Et s’il y avait relativement peu de chaînes à l’époque, nous avons maintenant l’embarras du choix pour zapper.

Ces clips ne doivent pas consommer du temps d’antenne qui serait plus utile aux débats. Pour dynamiser une campagne dans les conditions de crise sanitaire, il est préférable d’organiser des débats au premier et au second tour. Ils permettront de confronter les points de vue et les programmes, et de présenter les projets pour la région.

La commission adopte l’amendement et l’article 6 est supprimé.

Après l’article 6

La commission est saisie de l’amendement CL25 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Il s’agit encore des clips de campagne, mais sur les réseaux sociaux plutôt qu’à la télévision. Pour aller chercher les électeurs où ils se trouvent, il faut communiquer sur les réseaux sociaux.

Nous proposons d’autoriser la diffusion de clips de campagne sur les réseaux sociaux, dans des conditions définies par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cette mesure permettra d’organiser la campagne des élections régionales dans les meilleures conditions possibles compte tenu de l’impossibilité des rencontres et des réunions publiques, tout en maintenant le contrôle du CSA.

Nous parlons fréquemment de la régulation des réseaux sociaux au sein de cette commission, ce ne sont pas des espaces de non-droit et les différents courants politiques doivent s’y exprimer dans le respect des règles du CSA.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Je vous demande de retirer cet amendement, à défaut j’y serais défavorable, pour deux raisons.

Le sujet soulevé est pertinent, mais il est compliqué d’attribuer au CSA un nouveau rôle de régulation des clips de campagne diffusés sur les réseaux sociaux pour les prochaines élections régionales et départementales. Le respect du code électoral me semble suffire pour réguler efficacement la campagne électorale. Chacun peut publier ce qu’il souhaite sur les réseaux sociaux, mais vu les volumes en jeu, les moyens nécessaires pour réguler toutes les publications sont tels qu’il serait très difficile au CSA de le faire.

Une réflexion globale doit être menée sur la propagande électorale dématérialisée au XXIe siècle. Ce travail est mené par le ministère de l’intérieur, il serait bon qu’il aboutisse avant la fin de l’année pour nous permettre d’ouvrir par étapes nos modes de campagne électorale et nos scrutins aux nouvelles technologies.

M. Erwan Balanant. Je comprends que cette proposition entraînerait un surcroît de travail pour le CSA, mais personne ne contrôle les clips que les candidats publient sur internet. Certains flirtent avec la limite des règles électorales, ou ne s’embarrassent pas de la moindre politesse, voire sont diffamatoires. Il est dommage qu’il n’y ait pas de régulation, ou au moins une possibilité de faire retirer rapidement ces éléments lorsqu’ils sont diffamatoires. Le texte sur les fake news permettra peut-être d’arranger les choses, c’est pourquoi j’y suis attentif.

En plus des règles de présentation des circulaires papier, il faut rapidement que le ministère de l’Intérieur diffuse un « paquet numérique » pour fixer un format de clip dont la durée serait déterminée, et qui devrait respecter une charte.

M. Pacôme Rupin. Nous débattons de la régulation des réseaux sociaux dans plusieurs textes. Les candidats sont libres de diffuser ce qu’ils veulent sur les réseaux sociaux, mais il est interdit d’y acheter de la publicité. Cette règle permet de limiter l’impact de ces messages, et d’écarter un outil qui permettrait de diffuser massivement de fausses informations. L’existence de cette réglementation en France nous préserve partiellement d’un déferlement de messages diffusant des contre-vérités, ou très éloignés des valeurs républicaines que chaque candidat à une élection devrait respecter.

Nous devons mener ce travail, et je comprends l’appel à une meilleure régulation, mais je partage le scepticisme du rapporteur sur la capacité du Conseil supérieur de l’audiovisuel à traiter ce sujet. Il faudrait un CSA dédié à l’espace numérique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Nous partageons le constat et le souhait d’avancer. Le rapporteur explique que le CSA n’est pas la bonne entité, M. Rupin appelle à la création d’un CSA spécialisé sur les réseaux sociaux. Nous devons avancer sur ce sujet ; nous ne pouvons pas tout régler dans ce projet de loi sur le report des élections, mais nous constatons à quel point il faut rénover et moderniser nos systèmes d’information, de campagne électorale et de vote.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cette question appelle un projet de loi ad hoc valable pour toutes les élections, qui adapterait notre façon de faire de la politique aux réalités du XXIe siècle. Avançons !

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Madame la présidente, je suis entièrement d’accord avec vous. Nous sommes au point de rencontre de trois domaines : la régulation des réseaux sociaux – Dieu sait si nous y travaillons dans cette assemblée ! – ; la question de savoir s’il faut conserver des professions de foi sur papier – M. Balanant a soulevé le problème des volumes en jeu – ou réfléchir à un format numérique ; …

M. Erwan Balanant. D’autant que le papier arrive souvent après le vote !

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. En effet. Le troisième domaine de réflexion est la possibilité de diffuser des clips publicitaires, tels que des contenus sponsorisés sur Facebook. À l’heure actuelle, cette pratique est sanctionnée, assez sévèrement, par la CNCCFP. Faut-il modifier cet état de fait ? Sur ce point, je suis assez sensible aux arguments de Pacôme Rupin.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je retire l’amendement afin que nous ayons ce débat en séance publique.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dans le cadre d’un groupe de travail composé de membres de chaque sensibilité politique représentée en commission des lois, nos collègues sénateurs ont publié un rapport d’information au mois de décembre 2020. Il portait uniquement sur le vote à distance et n’abordait pas le sujet des campagnes électorales. Notre débat a une portée plus globale. Nous poursuivrons la réflexion.

L’amendement CL25 est retiré.

Article 6 bis : Communication audiovisuelle sur le rôle des conseils départementaux

La commission examine l’amendement CL54 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Le présent article a été introduit par le Sénat en séance publique. Il prévoit l’organisation, sur les chaînes publiques de radio et de télévision, d’une campagne de communication audiovisuelle détaillant le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux. Un tel outil me semble utile pour faire œuvre de pédagogie auprès des électeurs.

Le présent amendement étend le champ de la communication institutionnelle des chaînes du service public aux élections régionales. Il apporte également une précision quant à la délimitation de son objet, s’agissant des dates des scrutins régionaux et départementaux, ainsi que des modalités de vote afférentes à ces élections. Il s’agit de diffuser trois informations institutionnelles : l’encouragement à aller voter – en précisant, en sus des campagnes du ministère de l’Intérieur, leur importance dans la lutte contre l’abstention ; ce pour quoi on est encouragé à aller voter – le rôle des conseils départementaux et des conseils régionaux ; les modalités du vote, notamment les jours et la façon dont le scrutin se déroule.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 bis modifié.

Article 7 : Mention des marges d’erreur dans les sondages publiés ou diffusés

La commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8 : Délai supplémentaire applicable à l’adoption du budget primitif des régions et des départements

La commission examine l’amendement CL55 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Il vise à supprimer l’article. Raphaël Schellenberger et moi-même avons eu l’occasion d’en débattre dans le cadre d’une audition de l’Assemblée des départements de France (ADF) : il ne nous semble pas souhaitable de reporter le vote du budget primitif et de modifier le code général des collectivités territoriales à cet effet, dès lors que la plupart des conseils départementaux et régionaux ont adopté leur budget primitif, ou peuvent le faire. Une telle démarche nous semble un peu spécieuse.

M. Raphaël Schellenberger. Une fois acquis, un mandat électoral commence au premier jour et prend fin au dernier jour. Du premier au dernier jour, les élus doivent se consacrer au fonctionnement de leur collectivité locale. L’acte principal et essentiel qu’ils accomplissent est le vote du budget, sans lequel aucune action de la collectivité n’est possible. Nous avons débattu de la question de savoir s’il faut ou non voter en période de crise, et si le processus électoral est une façon de mettre entre parenthèses l’action de la collectivité renouvelée. Tel n’est pas mon avis. Une fois élue, l’assemblée travaille jusqu’au dernier jour de sa légitimité. Pour ce faire, elle a besoin d’un budget. Ne prenons pas l’habitude de voter des budgets au mois de juillet, d’autant qu’ils sont d’envergure départementale et régionale, soit plusieurs centaines de millions d’euros, et servent à financer l’investissement et la commande publics, ainsi que des stratégies de relance économique et sociale des territoires ! Ce n’est pas le moment, pour les collectivités locales – moins encore pour les départements, qui exercent la compétence sociale dans les territoires –, de baisser les bras et de ne pas travailler, bien au contraire ! J’espère que la plupart d’entre elles ont adopté un budget au mois de décembre, et qu’à défaut elles le feront dans les plus brefs délais.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 9 : Délai supplémentaire applicable à l’adoption du compte administratif des régions et des départements

La commission examine l’amendement CL56 du rapporteur.

M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de suppression de l’article, qui vise à modifier le code général des collectivités territoriales. Je n’exclus pas que nous en débattions avec le Sénat le moment venu. Le délai accordé aux conseils municipaux et communautaires lors du report du second tour des dernières élections municipales l’a été dans le cadre d’une loi relative à l’état d’urgence sanitaire. Il me semble que les dispositions du présent article relèvent d’une telle loi. Qu’une loi électorale modifie le fonctionnement des collectivités locales ne me semble pas satisfaisant. Nous en débattrons avec les sénateurs, ce qui, au demeurant, ne serait pas nécessaire si le second tour avait lieu le 20 juin prochain. Nous ferons preuve de pragmatisme.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 9 est supprimé.

La commission adopte le projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° 3812), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

 

 


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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

● Ministère de l’Intérieur

   Mme Pascale Pin, cheffe du bureau des élections et des études politiques à la direction de la modernisation et de l’administration territoriale

   M. Olivier Jacob, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale

   M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

● Ministère des Outre-mer

   M. Marion Lebœuf, cheffe du bureau du droit public à la direction générale de l’outre-mer

 Conseil scientifique Covid-19

   M. Jean-François Delfraissy, président

 Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

   M. Jean-Philippe Vachia, président

   Mme Sylvie Calvès, secrétaire générale

 Association des Départements de France

   M. Pierre Monzani, directeur général

 Association des Régions de France

   M. Renaud Muselier, président

   M. Jules Nyssen, délégué général

   M. Frédéric Eon, conseiller juridique

 France Télévisions

   M. Alain Astarita, directeur délégué à la coordination et au développement des régions de France 3

   M. Florian Humez, directeur des relations avec les pouvoirs publics de France Télévisions

   Mme Mme Valérie Giacomello, directrice de l’information régionale de France 3

   Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles de France Télévisions

 Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

   M. Roch Olivier Maistre, président

   M. Yannick Faure, directeur de cabinet du président

   Mme Guillaume Blanchot, directeur général

 Personnalités qualifiées

   Mme Anne Levade, Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Sorbonne

   M. Romain Rambaud, Professeur de droit public à l’Université Grenoble Alpes

 


([1]) En application de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique.

([2]) Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

([3]) Idem.

([4]) Loi organique n° 2020-1669 du 24 décembre 2020 relative aux délais d’organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

([5]) Article 10 de la loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([6]) Rapport de M. Jean-Louis Debré remis le 13 novembre 2020 au Premier ministre : « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ».

([7]) Décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990 relative à la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

([8])  En 1973, le préfet de La Réunion a reporté le second tour d’une élection législative « aux motifs qu’en raison des pluies diluviennes qui s’abattaient sur le département et de l’interdiction générale de circuler qu’il avait édictée, la sécurité des personnes se rendant dans les bureaux de vote était gravement menacée » (Conseil constitutionnel, décision n° 73-603/741 AN du 27 juin 1973).

([9]) Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi d’urgence du 23 mars 2020 prévoyant ce report, a rappelé que « le report du second tour d’un scrutin politique est sans précédent dans notre histoire politique contemporaine ». Si le Conseil l’a considéré pleinement justifié par l’épidémie en cours sur le territoire national, il a estimé que la limitation à trois mois de l’écart séparant le premier tour du second apportait une garantie à la sincérité du scrutin. Au-delà de ce délai, l’ensemble des opérations de vote aurait été à reprendre.

([10]) Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020.

([11]) Loi organique n° 2020-976 du 3 août 2020.

([12]) Décisions n° 94-341 DC du 6 juillet 1994, Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux et n° 96-372 DC du 6 février 1996, Loi organique relative à la date du renouvellement des membres de l’assemblée territoriale de la Polynésie française.

([13]) Décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, M. Daniel D. et autres.

([14]) Articles L. 192 et L. 336 du code électoral.

([15]) Rapport de M. Jean-Louis Debré remis le 13 novembre 2020 au Premier ministre : « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales », p. 9.

([16]) Rapport de M. Jean-Louis Debré remis le 13 novembre 2020 au Premier ministre : « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales », p. 11.

([17]) La singularité de la situation épidémiologique en Guyane constatée en 2020 appelle cependant à une certaine vigilance.

([18]) Articles L. 220 et L. 357 du code électoral.

([19]) Conformément aux articles L. 220, L. 357, L. 378, et L. 558-29 du code électoral.

([20]) La double procuration n’est autorisée que si l’une des deux procurations a été établie à l’étranger.

([21]) Article L. 72 du code électoral.

([22]) Article R. 73 du code électoral.

([23]) Conjoint, partenaire de PACS, concubin, ascendant, descendant, frère ou sœur.

([24]) Rapport de M. Jean-Louis Debré remis le 13 novembre 2020 au Premier ministre : « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales », p. 17.

([25]) Articles L. 220 et L. 357 du code électoral.

([26]) Étude d’impact, p. 12.

([27]) L’article 11 de l’ordonnance n° 2020-1304 prévoit que ces règles s’appliquent, au plus tard, à compter du 1er juillet 2022.

([28]) Article L. 50-1 du code électoral.

([29]) Article L. 51 du code électoral.

([30]) Premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral.

([31]) Second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral. Cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus

([32]) Le mandataire règle les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, ou par l’un des membres d’un binôme de candidats ou au profit de ce membre, font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt.

([33]) À titre illustratif, le plafond de dépense par habitant s’agissant des circonscriptions électorales dont la population est inférieure à 15 000 habitants s’élève à 0,53 euro pour les élections régionales.

([34]) Conformément à l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

([35]) Article 7 du décret n° 2020-643 du 27 mai 2020.

([36]) Dans ses observations relatives aux élections législatives de juin 2007, le Conseil constitutionnel a notamment considéré que « l’usage des machines à voter a posé des problèmes » et que « ces incidents peuvent accroître la réticence psychologique à laquelle se heurte l’utilisation d’un procédé qui rompt le lien symbolique entre le citoyen et l’acte électoral. »

([37]) Selon la réponse ministérielle du 25 juillet 2019 à la question écrite n° 01801 de la sénatrice Christine Prunaud.

([38]) L’amendement de Mme Isabelle Florennes a été sous-amendé par le rapporteur afin de fixer au 1er octobre 2021 au plus tard la date de la remise du rapport.

([39]) Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l’article 200 du code général des impôts.

([40]) À l’exclusion des dépenses de la campagne officielle. Par ailleurs, sous réserve du règlement de dépenses engagées avant le second tour de scrutin ou le premier tour de scrutin si le candidat n’est pas présent au second tour, le compte de campagne ne peut retracer de dépenses postérieures à la date du scrutin.

([41]) La présentation par un expert-comptable n’est pas requise lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret.  

([42]) Article L. 52-11-1 du code électoral.

([43]) Article L. 118-3 du code électoral.

([44]) Article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([45]) Article L. 375 du code électoral.

([46]) Article L. 558-25 du code électoral.

([47]) Article L. 167-1 du code électoral.

([48]) Conseil supérieur de l’audiovisuel, article 2 de la délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale.

([49]) Les élections départementales ne sont pas concernées par ce dispositif eu égard au nombre élevé de candidats (9 000 binômes de candidats), ce qui rendrait nécessairement complexe l’organisation d’une campagne audiovisuelle consacrée à ces élections départementales.

([50]) Rapport de M. Jean-Louis Debré remis le 13 novembre 2020 au Premier ministre : « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales », p. 39.

([51]) Lors des élections municipales de 2020, France 3 a par exemple organisé près de 240 débats sur ses antennes régionales.

([52]) Le cahier des charges de France Télévisions est ainsi déterminé par le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009.

([53]) Le président du conseil départemental ou régional peut également engager, liquider et mandater les dépenses de fonctionnement dans la limite du montant de celles inscrites au budget de l’année précédente.

([54]) Article 3 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

([55]) Article 4 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.