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N° 4034

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière dans l’île ( 3928)

PAR M. Jean-Félix ACQUAVIVA

Député

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Voir les numéros : 3928

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS.............................................5

examen des articles

Article 1er  Instauration d’un droit de préemption spécifique à la Corse

Article 2

Création d’une taxe spécifique sur les résidences secondaires

Définition par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse de zones communales d’équilibre territorial et social

Article 4 (art. L. 442216 du code général des collectivités territoriales) Création d’un droit d’expérimentation législative  pour la collectivité de Corse

Article 5 Gage financier

Compte-rendu des Débats

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

 L’attachement des Corses à la terre est viscéral.

Le lien à cette terre, île-montagne de Méditerranée, peuplée depuis le néolithique, à l’histoire tourmentée faite d’invasions et de résistance face à la puissance des oppresseurs, est à la fois historique, culturel et politique.

Depuis la terre solaire de Balagne, entre mer et fougères, le groupe polyphonique A Filetta chante ce lien indéfectible et éternel qui unit les Corses à leur sol :

E’ quandu in tempi à vene invichjarà u ricordu

Ogni palmu di sta tarra si purtarà à l’iglia

U sonniu fattu veru chì, in un intimu accordu

Di tè si n’ avarà qualchì fida sumiglia ([1])

Mais que se passera-t-il le jour où le massif du Monte Cintu, les falaises de Bunifaziu, la forêt de Vizzavona, les rues d’Aiacciu, de Bastia, de Corti ou la plaine orientale ne reflèteront plus les rêves et l’horizon des Corses, et notamment de la jeunesse corse ? Car la Corse, la Kallisté des Grecs, est aujourd’hui confrontée à ce que le politologue André Fazi qualifie de « péril grave » : un double phénomène de spéculation foncière et immobilière prédatrice qui met en péril la possibilité pour ses habitants, notamment les plus jeunes d’entre eux, mais aussi les familles à revenu médian, de s’y loger décemment, d’y vivre paisiblement et de s’y projeter durablement. 

Dans le discours qu’il a prononcé à Bastia le 7 février 2018, le Président de la République a lui-même qualifié l’enjeu du logement en Corse de « problème endémique », exhortant à la mise en œuvre d’une stratégie d’urbanisme « qui permette de contrôler les effets de rente ». Dans le même temps, M. Emmanuel Macron excluait la mise en place d’un statut de résident et entendait privilégier, au moyen d’une ingénierie développée par les services de l’État, la mobilisation des « outils de droit commun », notamment les documents d’urbanisme, et la simplification des démarches. Malgré la promesse de « réponses concrètes », celles-ci n’ont pas été à la hauteur des enjeux insulaires. Preuve en est que depuis plus de trois ans, rien n’a vraiment changé ; les choses ont même continué d’empirer et ont entrainé avec elles la désillusion.

Les Corses et votre rapporteur ne peuvent se satisfaire du constat qui est unanimement dressé et de l’apitoiement qu’il suscite. Celui-ci appelle au contraire des mesures fortes et des propositions ambitieuses : tel est l’objet des articles 1er à 3 de la présente proposition de loi qui instaurent, à titre expérimental, un droit de préemption inédit au profit de la collectivité de Corse, instituent une taxe spécifique sur les résidences secondaires spéculatives pour financer ce nouveau droit et renforcent le plan d’aménagement et de développement durable de Corse.

Le choix de la méthode expérimentale est assumé : elle permet de mettre en œuvre, et éventuellement d’ajuster, au plus près du terrain, la meilleure politique possible tout en assumant l’incertitude et le risque inhérents à cette méthode.

Les dix-sept auditions conduites par votre rapporteur et les apports qu’elles ont permis prouvent que le dispositif proposé est engagé dans un processus de perfectionnement permanent.  Les différents experts politiques et juridiques ont bien démontré que des rédactions sécurisées au niveau juridique étaient possibles, sans pour autant renier les objectifs premiers qui ont guidé le dépôt de cette proposition de loi.

Le développement de la démarche expérimentale, à des fins de différenciation, est également porté par l’article 4, qui s’inscrit pleinement dans l’agenda législatif proposé par le Gouvernement, au croisement de l’adoption du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution et de l’examen à venir du projet de loi « 4 D ». Cet article vise, lui aussi, à favoriser l’expérimentation et la différenciation locales tout en renforçant le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse, sur la base de dispositions votées il y a vingt ans par le Parlement, en 2002, mais censurées par le Conseil constitutionnel, en l’absence de réforme sur le droit à l’expérimentation adopté l’année suivante en 2003. La Corse a toujours été à l’avant-garde, un laboratoire de la décentralisation.

L’horizon constitutionnel bouché constitue la principale limite aux ambitions de ce texte dans le cadre de cette République empêtrée dans sa conception uniformisée et uniformisante des politiques publiques qui amène à l’inégalité, en ne tenant pas compte des situations différentes, alors qu’elle proclame l’égalité, mais de principe seulement.

Ignorée jusqu’ici par la Constitution du 4 octobre 1958, la Corse avait fondé beaucoup d’espoirs et d’attentes sur le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie constitutionnelle plus représentative, responsable et efficace qui devait réparer un silence regrettable tout en favorisant, à l’avenir, la mise en œuvre de politiques publiques adaptées à ses spécificités. Alors que la perspective d’une révision constitutionnelle s’est durablement éloignée, la Corse ne peut se permettre de languir, sans certitude aucune, au cours d’un nouveau cycle quinquennal ou décennal. D’autant que les Corses ont décidé de s’engager dans une temporalité politique alternative et franche, rythmée par la majorité territoriale nationaliste conduite, depuis 2015, par M. Gilles Simeoni, et confortée à chaque élection locale depuis.

Il importe donc que le message exprimé dans les urnes corses soit entendu. Dès 1768, Jean-Jacques Rousseau, sollicité par la République Corse de Pasquale Paoli pour établir une Constitution pour l’île, liait intrinsèquement la pérennité du système républicain et démocratique à l’attachement des hommes à leur terre et au fait qu’ils tiraient d’elle « leurs distinctions et leurs droits » ([2]). Lorsque les hommes ne tirent plus de leur terre ni distinctions, ni droits – leur fierté, en somme – c’est en effet toute la promesse républicaine qui s’effondre, et les évènements d’Aléria d’août 1975 doivent continuer de nous rappeler que les phénomènes de spoliation et de prédation terrestres conduisent irrémédiablement à la révolte.

 Il est donc urgent d’agir, d’autant que l’avenir économique et social de la Corse ne cesse de s’obscurcir du fait de l’installation, dans la durée, de la crise sanitaire et de ses conséquences néfastes. Le Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables est venu mettre des chiffres concrets sur l’inquiétude qui ne cesse de croître sur l’île. C’est en Corse que l’activité des TPE-PME a le plus régressé en 2020 : leur chiffre d’affaire a reculé de 14,1 % en moyenne contre 8,4 % au niveau national ([3]).

 « A Corsica ùn hè à vende », la Corse n’est pas à vendre : ainsi commençait l’appel à la résistance lancé, le 11 juillet 1940, par le commandant François‑Marie Pietri. Huit décennies plus tard, si le péril auquel la Corse fait face est bien sûr différent, le mot d’ordre pour défendre l’île reste le même : la Corse ne sera jamais à vendre.

 

    

 


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   examen des articles

Article 1er
Instauration d’un droit de préemption spécifique à la Corse

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet à la collectivité de Corse d’instaurer et d’exercer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un droit de préemption sur les transferts de propriété bâtie ou non bâtie sur son territoire.

       Dernières modifications législatives intervenues

Sans objet.

       Les modifications apportées par la Commission

Votre commission a adopté un amendement de réécriture globale de l’article. Sans remettre en cause la portée du droit de préemption ainsi instauré, cet amendement améliore la précision juridique du dispositif créé et renforce les garanties qui lui sont attachées.

1.   La problématique du foncier et de l’immobilier en Corse

a.   Un constat largement partagé

Si d’autres territoires en France hexagonale connaissent des difficultés liées aux prix du foncier et de l’immobilier, votre rapporteur, ainsi que plusieurs personnes auditionnées, s’accordent sur le fait que la situation de la Corse à cet égard est sans équivalent. La Corse cumule en effet un fort taux de résidences secondaires, un pouvoir d’achat plus faible que la moyenne nationale et une déficience de l’offre de logement.

Les résidences secondaires en Corse représentent 28,8 % du parc de logement, un taux trois fois plus élevé que la moyenne du territoire national (9,7 %). Seul le département des Hautes-Alpes a un taux supérieur (35,6 %) tandis que la Savoie, les Alpes de Haute-Provence et la Lozère affichent quant à elles des taux similaires ([4]). Comme l’a souligné M. Ghjuvan’Santu Le Mao, expert immobilier, au cours de son audition, le nombre de résidences secondaires a augmenté beaucoup plus rapidement (+ 54 % en 20 ans) que celui des résidences principales (+ 40 % en 20 ans) et certaines communes comme Porto Vecchio ou Bonifacio comptent d’ores et déjà une majorité de résidences secondaires.

37 % de ces résidences secondaires sont détenues par des résidents corses, 55 % par des personnes résidant en France hors Corse, et 8 % par des personnes résidant à l’étranger. Il y a lieu de distinguer ici les « maisons de village » détenues à titre de résidence secondaire par de nombreux Corses, très souvent en indivision depuis plusieurs générations et en attente de régularisation sur les successions, de certaines résidences secondaires, souvent situées à proximité du littoral et achetées dans un but purement spéculatif. Certaines de ces propriétés sont en effet proposées à la location saisonnière à des prix très élevés, atteignant facilement plus de 10 000 euros par semaine pendant la période estivale pour une grande villa, et souvent en dehors de tout cadre légal. Selon l’agence du tourisme de la Corse, ce type de location représenterait pas moins de 75 % de l’offre de logements touristiques sur l’île ([5]). Il y a là une concurrence évidente pour les acteurs professionnels traditionnels du logement touristique.

Ces résidences secondaires sont inégalement réparties sur le territoire corse :

– l’extrême-sud et la côte du nord-ouest comptent une part élevée de résidences secondaires, ce à quoi s’ajoute une forte fréquentation touristique dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de Calvi-Balagne, de Pieve de l’Ornano et du Taravo et de Sud-Corse ;

– l’intérieur des terres compte de nombreuses résidences secondaires détenues en majorité par des Corses ;

– les agglomérations de Bastia et Ajaccio se caractérisent par une part moindre de résidences secondaires (10,8 %).

La Corse se caractérise également et essentiellement par la dynamique des prix des terrains à bâtir et des propriétés bâties. Entre 2006 et 2017, le coût moyen au m2 des terrains à bâtir y a ainsi augmenté de 138 % (de 34 à 81 €/ m2), alors que la moyenne nationale est 36 % (de 46 à 82 €/ m2), ce qui a un effet inflationniste sur le prix des logements. Il n’est pas rare que dans certaines communes, les prix atteignent 20 000 à 30 000 €/ m2 pour une villa.

b.   Une situation devenue insoutenable pour la population de Corse

Cette situation est préoccupante à plusieurs égards. Elle est à l’origine de fractures économiques et sociales profondes et crée une rupture d’égalité manifeste au détriment de la population corse dans l’accès au logement, à la propriété et à l’emploi, mais aussi dans la capacité de créer une activité économique par l’absence de maitrise foncière.

La dynamique des prix évoquée ci-dessus est problématique pour l’accès au logement. D’une part, elle porte un préjudice évident à la construction de logements sociaux, non rentable compte-tenu du prix du foncier, et donc à l’accès au logement. D’autre part, elle renchérit le coût des logements à l’achat ou à la location. Il devient donc très difficile pour les plus précaires, les jeunes ménages et les familles à revenus médians de se loger à un prix raisonnable à proximité des bassins d’emploi. À titre d’exemple, dans son rapport sur les marchés fonciers et immobiliers en Corse, l’Assemblée de Corse a ainsi calculé, par territoire, le pourcentage de communes non accessibles (financièrement) aux jeunes ménages ([6]). Il apparaît que les zones les plus touristiques ou les plus urbanisées, autour de Bastia, en Balagne, et sur la côte sud, ne sont pas accessibles aux jeunes ménages. L’activité de location touristique réduit aussi le parc de logements pouvant être loués à titre de résidence principale aux personnes habitant en Corse.

Les conséquences des transactions de résidences secondaires à des prix exorbitants doivent aussi être appréciées dans le contexte de la fin du régime fiscal dérogatoire sur les droits de succession en 2027 ([7]). Le prix des transactions se reflète sur la valeur de l’ensemble des biens immobiliers situés à proximité, tout autant que sur l’augmentation de la valeur de l’imposition sur les successions. Dès lors, la fin de l’abattement de 50 % sur la valeur du bien pourrait contraindre de nombreuses personnes à vendre le bien hérité faute de pouvoir payer les droits de succession.

Cette situation alimente ainsi un sentiment d’injustice et de dépossession chez une grande partie des Corses. Les inégalités ainsi mises en lumière sont d’autant plus insupportables que le taux de pauvreté en Corse est de 20 %, soit cinq points de plus que la moyenne nationale. Ce taux de pauvreté ne doit pas faire oublier le fait que la Corse fait partie des régions, hors Île-de-France, où la proportion de hauts revenus – 1 % de la population fiscale, soit 2 500 personnes – est élevée. Les ménages dont ils font partie ont des revenus moyens ou médians supérieurs à la moyenne française et tirent, plus souvent qu’ailleurs, leur revenu principal d’activités non salariées ou de leur patrimoine ([8]). En ce qui concerne la part de population de très hauts revenus, la Corse se situe en deuxième position des régions, à égalité avec Auvergne-Rhône Alpes, derrière l’Île-de-France. Cette structure de fortes inégalités interne à la société insulaire résulte d’une logique d’économie de rente qui est notamment issue de la place prépondérante qu’occupent les spéculations foncière et immobilière.  

Le constat relatif aux marchés fonciers et immobiliers en Corse, loin d’être l’apanage d’une majorité politique, est largement partagé. C’est ce qui ressort des nombreux rapports sur ce thème ([9]) mais aussi des auditions que votre rapporteur a pu mener avec plusieurs ministères. L’attractivité de la Corse doit beaucoup à la beauté de l’île et au caractère préservé de ses paysages et au fait qu’elle est une destination de loisirs et de villégiature très prisée par des populations généralement aisées. Ainsi, compte tenu d’une très forte demande externe, un déséquilibre structurel s’est installé entre l’offre et de la demande de logements, accentué par la rareté foncière découlant du caractère d’île-montagne, et favorisé par le crédit d’impôt pour l’investissement en Corse (CIIC) ([10]), utilisé abusivement en faveur de la location de meublés touristiques. Il demeure néanmoins important de souligner l’importance de ce crédit d’impôt pour l’économie corse car il constitue un outil bénéfique à la production et l’investissement des très petites et des petites et moyennes entreprises insulaires.

2.   Les régimes de préemption existants

Le droit de préemption permet à la personne qui en est titulaire d’acquérir de façon prioritaire un bien que le propriétaire souhaite vendre, en lieu et place des éventuels autres acheteurs intéressés. Il porte atteinte à la liberté contractuelle ainsi qu’au droit de propriété constitutionnellement garanti ([11]) et doit donc être étroitement encadré dans son champ (délais, zones de préemption) et ses modalités (motifs, garanties…).

a.   Les principaux régimes de préemption du code de l’urbanisme

Les communes dotées d’un plan d’occupation des sols rendu public ou d’un plan local d’urbanisme approuvé, ainsi que les communes dotées d’une carte communale approuvée, peuvent instaurer un droit de préemption urbain dans un ou plusieurs périmètres  déterminés ([12]). Ce droit peut aussi être institué par le préfet.

Par ailleurs, à l’occasion de la création d’une zone d’aménagement différé par le préfet de département ou par un établissement public de coopération intercommunale, un droit de préemption peut être accordé sur cette zone à une collectivité publique ou à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d'aménagement ([13]) .

Enfin les communes ayant institué un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité disposent dans ce périmètre d’un droit de préemption des aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux ([14]).

Les départements peuvent créer des zones de préemption pour mettre en œuvre leur politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles ([15]) . En Corse, cette compétence est exercée par la collectivité de Corse.

Les documents d’urbanisme intercommunaux et communaux

Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) établit, à l’échelle d’une aire urbaine ou d’un bassin d’emplois, un projet de territoire intégrant les différentes politiques sectorielles. Il est donc au moins intercommunal. C’est un document pivot dans la mesure où il intègre les documents de planification territoriale supérieurs et s'impose aux plans locaux d’urbanisme (PLU), y compris intercommunaux (PLUi), et aux cartes communales dans un rapport de compatibilité.

Le plan local de l’urbanisme, élaboré au niveau communal ou intercommunal, définit la destination générale des sols. Il distingue les zones urbanisées, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles.

La carte communale est un document simplifié permettant aux communes n’étant pas dotées d’un PLU de délimiter les seceturs où les constructions sont autorisées et celles où elles ne sont pas admises. Son existence donne compétence au maire pour statuer sur les autorisations d’urbanisme et permet aussi au conseil municipal d’instituer le droit de préemption urbain.

En l’absence de PLU ou de carte communale, les règles générales du Règlement national d’urbanisme (RNU) s’appliquent.

***

En Corse, le droit de préemption n’est pas mis en œuvre de façon satisfaisante ; ce constat a été largement confirmé par les personnalités politiques auditionnées par votre rapporteur, qu’il s’agisse des membres du Conseil exécutif de Corse, des représentants de l’Assemblée de Corse ou des présidents des associations des maires de Corse. Ainsi M. Ange-Pierre Vivoni, président de l’association des maires de Haute-Corse, estime-t-il que 80 % des communes de Haute-Corse n’ont pas l’exercice de ce droit. Le droit de préemption urbain, le plus courant, est en effet conditionné à l’existence d’un plan local de l’urbanisme (PLU) approuvé, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale approuvée, ce dont toutes les communes ne se sont pas dotées. Ainsi, en janvier 2017, 121 communes de Corse disposaient d’un PLU, le même nombre était doté d’une carte communale et, en l’absence de ces documents, 118 étaient directement soumises au Règlement national urbain.

Par ailleurs même quand elles en ont la capacité juridique, les petites communes n’ont pas la capacité financière de mettre en œuvre de façon effective leur droit de préemption sur des biens qui, comme on l’a vu, se vendent très cher. Elles peuvent, certes, bénéficier du soutien de l’Office foncier de la Corse ([16]) en leur déléguant par convention l’exercice de leur droit de préemption, mais cela ne leur permet pas de s’exonérer de l’achat du bien préempté. L’Office acquiert des terrains pour leur compte, en assure le portage et le leur cède à l’issue du délai de portage.

Les présidents des associations des maires de Corse ont aussi fait état des pressions, voire des menaces parfois exercées à l’encontre des élus cherchant à mettre en œuvre leur droit de préemption ([17]) .

Au regard de ce constat, la création d’un droit de préemption complémentaire et non concurrent des droits de préemption qui existent déjà se justifie pleinement. Pour l’exercer, la collectivité de Corse disposerait de moyens financiers qui font malheureusement souvent défaut aux petites communes. Cette nécessité est renforcée par la perspective de l’expiration en 2027 du régime fiscal dérogatoire propre à la Corse en matière de droits de succession. L’existence d’un droit de préemption effectif sera alors nécessaire pour protéger le patrimoine insulaire de ce que M. André Fazi, maître de conférence en sciences politiques à l’Université de Corse, a qualifié, lors de son audition, de « péril grave ».

b.   Les droits de préemption dans certaines collectivités d’outre-mer

Des droits de préemption spécifiques ont été instaurés dans plusieurs collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et dotées de l’autonomie : la Polynésie française ([18]), Saint Barthélemy ([19]) et Saint-Martin ([20]). Dans ces trois collectivités, ne sont pas concernés par le droit de préemption les transferts réalisés au profit des personnes justifiant d’une durée de résidence suffisante sur ce territoire ou justifiant d’une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne ayant l’une de ces qualités.

La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française allait même plus loin en prévoyant initialement d’exclure du droit de préemption les transferts au profit de personnes de nationalité française nées en Polynésie française ou dont l’un des parents est né en Polynésie française. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février 2004 ([21]) au motif qu’elle méconnaîtrait la notion de « population » au sens des articles 72-3 et 74 de la Constitution.

Le droit de préemption propre à certaines collectivités d’outre-mer
régies par l’article 74

Article 19 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française

La Polynésie française peut subordonner à déclaration les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux y afférents, à l'exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré.

Dans le but de préserver l'appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l'identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, la Polynésie française peut exercer dans le délai de deux mois son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration de transfert, à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits propriétés foncières ou droits sociaux. A défaut d'accord, cette valeur est fixée comme en matière d'expropriation.

Les dispositions des deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux transferts réalisés au profit des personnes :

- justifiant d'une durée suffisante de résidence en Polynésie française, ou

- justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne ayant l'une des qualités ci-dessus.

(…)

Article LO 6214-7 du code général des collectivités territoriales (Saint-Barthélemy)

La collectivité peut subordonner à déclaration les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux y afférents, à l'exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré.

Dans le but de préserver la cohésion sociale de Saint-Barthélemy, de garantir l'exercice effectif du droit au logement de ses habitants et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, la collectivité peut exercer, par délibération motivée, dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration de transfert son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration, à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits propriétés foncières ou droits sociaux. À défaut d'accord, cette valeur est fixée comme en matière d'expropriation.

Lorsque l’exercice du droit de préemption a pour but de préserver la cohésion sociale de Saint-Barthélemy ou de garantir l'exercice effectif du droit au logement de ses habitants, le deuxième alinéa n'est pas applicable aux transferts réalisés au profit des :

1° Personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Barthélemy ;

2° Personnes justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Barthélemy.

(…)

Article LO 6314-7 du code général des collectivités territoriales (Saint-Martin)

La collectivité peut subordonner à déclaration les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux y afférents, à l'exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré.

Dans le but de préserver la cohésion sociale de Saint-Martin, de garantir l'exercice effectif du droit au logement de ses habitants et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, la collectivité peut exercer, dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration de transfert, son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration, à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits propriétés foncières ou droits sociaux. A défaut d'accord, cette valeur est fixée comme en matière d'expropriation.

Le deuxième alinéa n'est pas applicable aux transferts réalisés au profit des personnes :

1° Justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Martin ;

2° Justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Martin.

(…)

En l’état actuel du droit, la Constitution et en particulier le principe d’égalité font obstacle à la mise en œuvre d’un dispositif similaire en Corse. Les trois collectivités précitées relèvent en effet de l’article 74 de la Constitution, aux termes duquel la loi organique peut déterminer, pour les collectivités dotées de l’autonomie, « des mesures justifiées par les nécessités locales (…) en faveur de [leur] population, en matière (…) de protection du patrimoine foncier ».

La Corse, collectivité à statut particulier régie par l’article 72, est dans une situation juridique différente. Comme le soulignait Guy Carcassonne, seule une révision constitutionnelle permettrait de prendre des mesures fortes en faveur de la population de la Corse en réponse aux problèmes fonciers rencontrés. Malgré les souhaits politiques en ce sens – l’Assemblée de Corse s’est ainsi prononcée pour la reconnaissance du statut de « résident » corse ([22]) et plusieurs personnes auditionnées comme M. Jean-Guy Talamoni et M. Petru Antone Tomasi ont appelé de leurs vœux le recours à la notion de « centre des intérêts matériels et moraux » – l’instauration de mesures de discriminations positives dans le domaine du foncier se heurte à ces limites constitutionnelles auxquelles s’ajoute, il est vrai, un manque probable de volonté politique en ce sens de la part des gouvernements successifs. 

3.   Le dispositif proposé

Le présent article met en place un droit de préemption sur l’ensemble du territoire de la collectivité de Corse. Ce droit est mis en œuvre par le président du conseil exécutif de Corse, qui peut le déléguer, et s’exerce dans un délai de quatre mois à compter de la déclaration de transfert.

Le droit de préemption ainsi instauré présente plusieurs spécificités qui le distinguent des autres régimes de préemption existants.

● Il peut être mis en œuvre sur certains biens uniquement, eu égard à son objet qui est de participer à la lutte contre les phénomènes de spéculation foncière et immobilière. Sont donc exclus de son champ d’application les transferts donnant lieu à une transaction d’un montant inférieur à 350 000 euros ainsi que les donations en ligne directe ou collatérale jusqu’au quatrième degré (alinéa 1).

● Il répond à des motifs d’intérêt général largement entendus. L’alinéa 2 mentionne ainsi « le but de préserver l’appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population corse ; de préserver la cohésion sociale de la Corse ; de garantir l’exercice effectif du droit au logement de ses habitants en privilégiant l’accession sociale à la propriété, de favoriser la construction de logement sociaux ; d’encourager le développement de l’activité économique et de sauvegarder ou mettre en valeur les espaces naturels. »

● Enfin, il s’applique dans une zone de préemption qui recouvre l’ensemble du territoire de la Corse. Il ne se substitue pas aux autres droits de préemption pouvant être mis en œuvre sur le territoire corse mais s’y ajoute, dans un esprit de complémentarité.

Ce droit de préemption est mis en place à titre expérimental pour une durée de cinq ans, et devra faire l’objet d’une évaluation au plus tard trois mois avant la fin de l’expérimentation (alinéa 4).

4.   Les modifications apportées par la Commission

Au cours des auditions, il est apparu à votre rapporteur que ce droit pourrait être utilement encadré davantage. Aussi un amendement de réécriture globale de l’article a-t-il été adopté au cours de l’examen en commission. L’amendement adopté n’altère pas la nature et la portée du droit de préemption introduit par cet article mais prévoit :

– la limitation de l’exercice du droit de préemption à certaines zones, évolutives, et préalablement définies par l’Assemblée de Corse, et une précision des motifs justifiant la délimitation de ces zones de préemption par l’Assemblée de Corse ; il s’agit « de garantir l’exercice effectif du droit au logement de ses habitants en privilégiant l’accession sociale à la propriété et en favorisant la mixité sociale, d'encourager la construction de logements sociaux, de préserver l’accès aux services publics, de développer les réseaux, les infrastructures et les équipements ou de favoriser l’accueil, le maintien et l’extension des activités économiques » ;

– l’intervention d’un décret en Conseil d’État, pris après l’Assemblée de Corse, pour déterminer le prix au mètre carré à partir duquel le droit de préemption pourra s’exercer et plus généralement pour fixer les modalités d’application de l’article. Cette référence de prix au mètre carré est apparue plus pertinente que la rédaction initiale du texte qui faisait référence à un prix en valeur absolue (350 000 euros) ;

– une réduction à deux mois, au lieu de quatre, du délai dans lequel le droit de préemption pourra s’exercer ;

– un droit de rétrocession au profit du vendeur dont le bien été préempté, si ce bien n’a pas été affecté dans un délai de cinq ans à un des objets justifiant la préemption.

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*     *

Article 2

Création d’une taxe spécifique sur les résidences secondaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une taxe sur les locaux affectés à l’habitation n’étant pas affectés à la résidence principale, assise sur la valeur vénale réelle du bien, et dont le taux, plafonné à 1 %, serait déterminé par l’Assemblée de Corse.

       Dernières modifications législatives intervenues

Sans objet.

       Les modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article qui maintient le principe d’une taxe sur les résidences secondaires et apporte plusieurs précisions au dispositif ainsi institué.

1.   L’état du droit

Plusieurs dispositifs, qui ne sont pas spécifiques à la Corse, permettent de surtaxer les résidences secondaires par rapport aux résidences principales.

Les abattements accordés pour les résidences principales au titre de la taxe d’habitation ne sont pas applicables. Les résidences secondaires ne sont pas non plus concernées par la suppression de la taxe d’habitation, déjà effective pour 80 % des ménages et qui sera généralisée d’ici 2023. Enfin, et surtout, l’article 1407 ter du code général des impôts permet à certaines communes de voter une majoration de leur taux de taxe d’habitation pour les logements meublés non affectés à la résidence principale. Cette majoration, pouvant être initialement comprise entre 5 et 20 % depuis 2014, peut atteindre 60 % depuis le 1er janvier 2017.

Sont seules concernées les communes situées dans le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants au sens du I de l’article 232 du même code, à savoir celles appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ces dernières se caractérisent notamment « par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ».

Le décret du 10 mai 2013 ([23])  fixe la liste des agglomérations, 28 au total, répondant à ces critères.

Dans le contexte des difficultés rencontrées par la Corse, cette taxe est insuffisante pour deux raisons.

D’une part, son champ d’application n’est pas assez étendu puisque seules les agglomérations de Bastia et d’Ajaccio sont concernées, alors que la problématique des résidences secondaires dépasse de loin ces deux villes comme l’illustre le rapport précité de l’INSEE. La majoration ainsi votée est de 50 % à Bastia et de 40 % à Ajaccio. D’autre part, la majoration de taxe d’habitation ainsi permise n’est pas assez élevée pour avoir un caractère réellement dissuasif et reste en-deçà des externalités négatives induites par la spéculation foncière et immobilière. Il convient notamment de souligner que la présence de résidences secondaires implique aussi des surcoûts liés aux réseaux d’eau et d’assainissement, d’électrification, aux routes d’accès et aux dépenses de prévention contre les incendies et de secours pour les communes dans lesquelles elles sont implantées ainsi que pour la collectivité de Corse. Il apparaît juste d’associer davantage les propriétaires de ces résidences au financement de ces infrastructures dont ils bénéficient.

Un dispositif supplémentaire s’avère donc nécessaire ; c’est l’objet du présent article. 

2.   Le dispositif proposé

La taxe dont cet article permet l’instauration présente les caractéristiques suivantes.

En ce qui concerne son assiette, seules sont concernées les résidences secondaires dont la valeur vénale réelle, au 1er janvier de l’année du recouvrement, dépasse 350 000 euros. Cette disposition est conforme à l’objectif de la proposition de loi, qui est de lutter contre la spéculation foncière et immobilière. Indépendamment de leur valeur, sont aussi exclus « les immeubles ou droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié qu’à la condition que les attestations notariées visées au 3 de l’article 28 du décret n° 5522 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière relatives à ces biens soient publiées dans les vingtquatre mois du décès » (alinéa 2). Cette formulation reprend les termes de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse ([24]) et fait référence à une spécificité foncière propre au territoire corse : l’existence de biens dont le propriétaire n’est pas clairement identifié puisque dans une grande proportion des cas, le dernier propriétaire connu est décédé avant 1900. Ils seraient exonérés sous réserve de la régularisation de la situation juridique des biens concernés.

Le « désordre juridique foncier » en Corse ([25])

De nombreux biens immobiliers en Corse sont dans une situation juridique incertaine. Ce désordre recouvre notamment :

– Des biens dont le propriétaire est décédé mais qui n’ont pas fait l’objet de mutation sur plusieurs générations. 34 % des parcelles seraient concernées, selon M. Paul Grimaldi, président du Groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriétés en Corse (GIRTEC) ;

– Les biens non délimités, c’est-à-dire sur lesquels plusieurs droits de propriété s’exercent sans que les limites puissent être clairement établies.

La situation est préjudiciable pour les propriétaires qui, en l’absence de titre de propriété, ne peuvent pas disposer librement de leur bien. Pour le Trésor public, elle représente un manque à gagner dans la mesure où elle ne favorise pas le recouvrement effectif des impôts.

Pour esquisser uns solution à cette situation, la loi du 23 juin 2006 a mis en place le GIRTEC qui aurait déjà permis de régler le sort de 130 000 parcelles. La loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ([26]) va également en ce sens.

La détermination du taux ferait intervenir plusieurs acteurs. Il reviendrait à l’Assemblée de Corse de le déterminer (alinéa 5), dans la limite de 1 % de la valeur vénale réelle du bien (alinéa 3) et le cas échéant avec des modulations au niveau communal sur le fondement des critères suivants : « l’évolution du prix du foncier et de son taux de croissance, les bases locatives, la densité démographique, le taux de résidences secondaires de la commune et la nature de l’acquisition du bien constituant la résidence secondaire » (alinéa 5).

Les personnes soumises à cette taxe seraient « les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France ainsi que celles n’ayant pas leur domicile fiscal en France ». Le produit de la taxe serait reversé à la collectivité de Corse (alinéa 4). 

3.   Les modifications apportées par la Commission

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article. Le principe d’une taxe sur les résidences secondaires, au profit de la collectivité de Corse, est maintenu et la précision juridique du dispositif ainsi institué est renforcée :

– le champ des personnes assujetties à la taxe est élargi pour y inclure les personnes morales. La rédaction initiale ne mentionne en effet que les personnes physiques. Mais eu égard à l’objet de la taxe, il serait injuste et incohérent qu’elles seules y soient assujetties dans la mesure où de nombreux investissements dans les résidences secondaires en Corse sont réalisés par l’intermédiaire de SCI ;

– les modalités de définition de la taxe sont précisées. Son taux devra être compris entre 0,1 % et 1 %. L’Assemblée de Corse reste compétente pour mettre en place des exonérations sur critères sociaux ou des modulations du taux au niveau communal tandis que les modalités d’application et la valeur au mètre carré à partir de laquelle un bien est assujetti à la taxe seront déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis de l’Assemblée de Corse.

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Article 3

(art. L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales)

Définition par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse de zones communales d’équilibre territorial et social

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet au plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) de définir des critères visant à créer des zones communales d’équilibre territorial et social s’imposant aux documents d’urbanisme locaux, dans lesquelles les activités de location saisonnière non professionnelle et la grande distribution seraient interdites.

       Dernières modifications législatives intervenues

Le PADDUC a été instauré par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, qui lui conférait les mêmes effets qu’une directive territoriale d’aménagement. Il a été modifié de façon marginale par la loi du 27 janvier 2014 (« MAPTAM ») ([27]), l’ordonnance du 23 septembre 2015 ([28]) et la loi du 24 décembre 2019 (« LOM ») ([29]).

       Les modifications apportées par la Commission

La commission a adopté un amendement présenté par le groupe LaREM de rédaction globale de l’article, sous-amendé par le rapporteur. Il maintient le principe des zones communales d’équilibre territorial tout en leur conférant une portée plus incitative que prescriptive.

1.   L’état du droit

Le PADDUC est le document d’aménagement et de planification territoriale élaboré par la collectivité de Corse. Le document actuel a été adopté le 2 octobre 2015 par l’Assemblée de Corse à l’issue de cinq ans de concertations et révisé en 2020.

Il définit « les principes d’aménagement de l’espace » et, à ce titre, détermine « la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. ». Dans ce cadre, la destination générale des différentes parties du territoire de l’île, dont l’échelle a été déterminée par une délibération de l’Assemblée de Corse, détermine des secteurs d’enjeux urbains, des espaces stratégiques agricoles, des espaces stratégiques environnementaux ou des espaces remarquables ou caractéristiques au sens de la loi littoral.

Il s’impose aux autres documents d’urbanisme locaux de la façon suivante :

– les schémas de cohérence territoriale (SCOT) doivent être compatibles ([30]) avec le PADDUC, qui ne s’impose dès lors aux documents communaux qu’à travers les SCOT ;

– en l’absence de SCOT, ce sont les plans locaux d’urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu qui doivent être compatibles avec le PADDUC, « notamment dans la délimitation à laquelle ils procèdent des zones situées sur leur territoire et dans l’affectation qu’ils décident de leur donner » (III de l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales) ;

– en l’absence des documents ci-dessus, les dispositions du PADDUC relatives aux espaces stratégiques sont directement opposables aux tiers.

L’articulation entre le caractère contraignant du PADDUC et les principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre a été utilement précisée par le tribunal administratif de Bastia dans un jugement du 1er février 2018 ([31]). Le PADDUC ne saurait s’identifier à un zonage par parcelles ; le juge administratif a considéré que « l’échelle de 1/100 000 choisie pour la carte de destination générale des différentes parties du territoire est suffisamment précise pour avoir une portée utile sans toutefois permettre une identification des différentes parcelles ; qu’il en va de même de l’échelle de 1/50 000 de la carte des espaces stratégiques agricoles dès lors que le mode de représentation graphique de ces espaces par aplats de couleur sans contour n’autorise pas une identification des parcelles ; que le choix de ces échelles ne méconnaît ni le principe de libre administration des collectivités territoriales ni le principe d’interdiction de toute tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ».

2.   Le dispositif proposé

Le présent article permet la détermination de « zones communales d’équilibre territorial et social » caractérisées par l’exclusion de deux activités : la location saisonnière non professionnelle et la grande distribution. Ces zones seraient consacrées à l’accession sociale à la propriété, à la construction de logements sociaux et aux activités industrielles, commerciales et libérales. Il s’agit, en quelque sorte, de créer un équivalent aux espaces stratégiques agricoles pour les activités urbaines participant à des objectifs d’ordre social (accès au logement) ou d’ordre économique. Il appartiendrait aux SCOT et aux documents d’urbanisme communaux d’identifier et de délimiter ces zones et de les intégrer.

3.   Les modifications apportées par la Commission

Les nombreuses auditions réalisées par votre rapporteur dans le cadre de ses travaux sur cette proposition de loi ont mis en lumière l’incertitude qui pèse sur la conformité de la rédaction actuelle avec l’interdiction de toute tutelle exercée par une collectivité sur une autre. Les termes employés par le juge dans le jugement précité suggèrent qu’une délimitation trop fine des parcelles par le PADDUC, au détriment des autres documents d’urbanisme, pourrait méconnaître ce principe. 

Aussi la Commission a-t-elle adopté un amendement de rédaction globale prévoyant un dispositif moins prescriptif.

Le principe des « zones communales d’équilibre territorial » est conservé. Au sein de celles-ci, seront susceptibles d’être prises des « prescriptions de nature à favoriser l’accession sociale à la propriété, la construction de logements et les activités commerciales, industrielles, artisanales ou agricoles ». Les activités de location touristique de type Air Bnb et la grande distribution sont exclues des activités que les zones communales d’équilibre territorial pourront encourager ; par contre, votre Commission n’a pas souhaité porter atteinte au développement des activités d’hébergement touristique traditionnelles comme les hôtels, les terrains de camping, les chambres d’hôtes et les résidences de tourisme.

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Article 4
(art. L. 442216 du code général des collectivités territoriales)
Création d’un droit d’expérimentation législative
pour la collectivité de Corse

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article introduit, à l’article L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales, une procédure permettant à la collectivité de Corse de demander d’expérimenter des mesures relevant de dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration lorsqu’elles présentent, pour l’exercice de ses compétences, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île.

       Dernières modifications législatives intervenues

Ce dispositif, qui figurait dans le projet de loi relatif à la Corse, devenu loi n° 2002‑92 du 22 janvier 2002, a été censuré par le Conseil constitutionnel, saisi du texte, dans sa décision n° 2001‑454 DC du 17 janvier 2002.

       Les modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, à l’initiative de son rapporteur, un amendement permettant de favoriser une information plus claire et transparente sur les suites que le Gouvernement donne aux demandes qui lui sont adressées par la collectivité de Corse.

1.   L’article L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales n’est pas à la hauteur des attentes soulevées en Corse

a.   Un cadre juridique limité

Depuis 1982, la collectivité de Corse bénéficie d’une prérogative singulière, organisée par l’article L. 4422­‑16 du code général des collectivités territoriales, censée lui permettre d’adapter aux circonstances insulaires les lois et règlements nationaux. Singulière, cette disposition n’est cependant pas inédite au sein de la République Française, notamment au regard des principes d’identité et de spécialité législatives, déterminés par les articles 73 et 74 de la Constitution, qui prévalent respectivement pour les départements et régions d’outre-mer, d’une part, et pour les collectivités d’outre-mer, d’autre part. Sa portée s’avère, en comparaison, bien moindre dans la mesure où elle est, dans les faits, de nature purement proclamative et essentiellement « symbolique » ([32]).

Le dispositif de l’article L. 4422‑16 a été construit, successivement, par les trois lois relatives au statut de la Corse : la loi n° 82‑214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région Corse (« statut Deferre »), la loi n° 91‑428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse (« statut Joxe ») et la loi n° 2002­‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse (« statut Jospin »).

Le statut de la collectivité de Corse

Aux yeux de la Constitution du 4 octobre 1958, la Corse n’existe que sous la dénomination administrative et désincarnée de « collectivité à statut particulier ». Cette mention, sans être à la hauteur des enjeux corses, constitue néanmoins un moindre mal juridique.

La collectivité unique regroupe, depuis le 1er janvier 2018, l’ancienne collectivité territoriale de Corse, constituée à l’échelon régional, et les deux conseils départementaux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Elle est composée d’un organe délibérant, l’Assemblée de Corse, où sont élus, tous les six ans, soixante-trois conseillers au scrutin proportionnel de liste à deux tours, et d’un Conseil exécutif, responsable devant elle, composé d’un président et de dix conseillers.

L’Assemblée règle, par les délibérations que prépare et exécute le président de l’exécutif, les affaires de la Corse.

Outre son mode d’organisation singulier, la collectivité de Corse bénéficie également de compétences particulières compte-tenu des nombreuses spécificités de ce territoire, qualifié par la loi du 9 juillet 1985 d’île-montagne. Elles concernent l’action sanitaire et sociale, l’éducation, la culture, le sport, le développement durable et l’environnement, les transports, les infrastructures, le logement et le foncier et le développement économique.

Lors de son audition, la professeure Wanda Mastor faisait toutefois remarquer que l’étendue des compétences de la collectivité demeurait insuffisante et que, en l’état, l’organisation institutionnelle aboutie de la collectivité pouvait s’apparenter, à regret, à une coquille vide.

Si trois lois importantes sur le statut de la collectivité de Corse se sont succédées en vingt ans, les deux dernières décennies ont été marquées par une ambition législative restreinte ([33]) qui n’a pu être rattrapée, en 2018, en raison de l’abandon de la révision constitutionnelle qui devait enfin permettre de mentionner la Corse dans le texte fondamental. Guy Carcassonne qualifia d’indécent, d’illogique et d’insultant ([34]) ce silence constitutionnel qui limite sérieusement les marges de manœuvre pour mieux prendre en compte les spécificités de l’île. L’introduction d’un article 72‑5, qui prévoyait notamment que des adaptations pourraient être décidées par la collectivité de Corse dans les matières où s’exercent ses compétences, aurait en effet permis d’accroître la portée du dispositif de l’article L. 4422‑16 dont l’amélioration doit aujourd’hui être envisagée à cadre constitutionnel constant. 

b.   Un droit d’interpellation sans réelle portée normative

Le dispositif de l’article L. 4422‑16, organisé sur trois niveaux, permet à l’Assemblée de Corse de proposer la modification ou l’adaptation des dispositions réglementaires ou législatives qui concernent les collectivités territoriales de Corse (I et III), de solliciter l’habilitation du législateur pour adapter aux spécificités de l’île les modalités d’application de la loi (II) et d’être consultée sur les projets et  propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse (V).

● L’Assemblée de Corse, de sa propre initiative ou à la demande du conseil exécutif ou du Premier ministre, peut présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions réglementaires ou législatives en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse. Les propositions que l’Assemblée de Corse adopte sont adressées au président du conseil exécutif, qui les transmet au Premier ministre et au préfet de région.

C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui explique en quoi ces dispositions sont dépourvues de toute portée normative et relèvent avant tout de l’expression de vœux pieux, dans la mesure où elles se bornent, s’agissant du I concernant l’exercice du pouvoir réglementaire, « à prévoir la procédure par laquelle l’Assemblée de Corse peut présenter des propositions tendant à la modification ou à l’adaptation, par les autorités compétentes de l’État, de dispositions réglementaires ; que, par suite, elles ne transfèrent, par elles-mêmes, à cette collectivité aucune matière relevant du domaine réglementaire » ([35]).

● La collectivité de Corse peut ensuite demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l’île. Cette demande est faite par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au préfet de Corse.

Cette faculté est néanmoins strictement encadrée, d’une part par le champ de l’habilitation qui est limité aux compétences dévolues à la collectivité et duquel sont exclues les mesures relevant de l’exercice d’une liberté individuelle ou d’un droit fondamental et, d’autre part, par le partage déséquilibré du pouvoir réglementaire en France : le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse s’exerce en effet dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi et dans le respect de l’article 21 de la Constitution qui dispose que le Premier ministre assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire.

Le pouvoir réglementaire en France

Certaines autorités administratives disposent du pouvoir de prendre de manière unilatérale des actes exécutoires et opposables d’ordre général et impersonnel.

Au niveau national, le pouvoir règlementaire se partage, au sein de l’exécutif, entre le Président de la République qui, en application de l’article 13 de la Constitution, signe les textes adoptés en Conseil des ministres, et le Premier ministre qui, en application de l’article 21, dispose du pouvoir réglementaire de droit commun qu’il peut déléguer à ses ministres. Les autorités administratives indépendantes peuvent, lorsque la loi le prévoit, également disposer d’un tel pouvoir.

Au niveau local, le troisième alinéa de l’article 72 reconnaît, depuis 2013, aux collectivités locales un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences : il s’agit des actes adoptés par les assemblées délibérantes, tels que le plan local d’urbanisme par exemple. Il s’agit néanmoins, comme le faisait remarquer la professeure Wanda Mastor en audition, d’un pouvoir secondaire et résiduel. En effet, celui-ci est soumis à la fois à la loi et au règlement national qui le précèdent, le déterminent et l’encadrent strictement.

Ce dispositif s’avère, lui aussi, dépourvu de tout effet contraignant. Le législateur avait tenté, en 1991, d’anticiper cet écueil en adoptant une disposition enjoignant au Premier ministre d’accuser réception de la demande sous quinze jours et de fixer le délai dans lequel il apporte sa réponse au fond, celle-ci devant intervenir au plus tard avant le début de la session ordinaire suivante de l’Assemblée de Corse. Le Conseil constitutionnel a néanmoins estimé « que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse dans un délai déterminé à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation, émanant de l’organe délibérant d'une collectivité territoriale » ([36]) et a censuré cette disposition.

● Enfin, l’Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Elle dispose d’un délai d’un mois pour rendre son avis, délai qui est réduit à quinze jours en cas d’urgence, sur demande du préfet de région. L’avis est réputé avoir été donné une fois le délai expiré.

Cette consultation n’emporte, encore une fois, aucun effet contraignant et ne peut avoir aucune incidence sur la régularité de la procédure législative ([37]). C’est néanmoins sur le fondement de cette disposition que l’Assemblée de Corse a émis, le vendredi 26 mars, un avis favorable sur la présente proposition de loi.

c.   Des frustrations légitimes

La commission des compétences législatives et réglementaires de l’Assemblée de Corse a dressé, en 2013, un bilan « particulièrement décevant » du dispositif de l’article L. 4422‑16 ([38]). Deux éléments sont mis en exergue pour expliquer cette situation : « les compétences normatives spécifiques de l’Assemblée de Corse ne sont, à l’analyse, que très faiblement dérogatoires au droit commun et s’avèrent, en pratique, d’une efficacité particulièrement limitée ». Le rapport explique bien le sentiment d’inutilité que dégage ce dispositif qui n’a aucun effet normatif : « sous couvert d’un « pouvoir » de proposition, le législateur n’a fait que formaliser une faculté pour la collectivité territoriale de Corse de porter à la connaissance des autorités étatiques de simples suggestions d’évolutions législatives ou réglementaires, faculté dénuée de tout effet contraignant et qui, en tant que telle, n’aurait pas même eu besoin d’être prévue par la loi ». M. André Fazi a ainsi expliqué, lors de son audition, que n’importe quelle collectivité territoriale en France pourrait se saisir, d’elle-même, de telles dispositions sans qu’il soit nécessaire de leur donner une base légale.

L’article L. 4422‑16 n’a donc pas permis à la collectivité de Corse de jouer un rôle actif et utile dans la détermination des règles qui lui sont applicables et qui devraient, compte tenu de ses spécificités, pouvoir faire l’objet d’adaptations légitimes. Un constat, dressé dans le rapport précité, symbolise le dialogue à sens unique que pratique trop souvent l’État vis-à-vis de la collectivité : « bien que l’Assemblée de Corse ait usé à quarante reprises, en vingt-huit ans, de sa faculté de proposition d’évolutions législatives et réglementaires, ses propositions, dans leur majorité, n’ont pas été prises en compte, le plus souvent sans même que le gouvernement juge utile d’y répondre formellement ». C’est sur cette base que la professeure Wanda Mastor a pu écrire, en 2018, que « l’objectif affiché de l’association de l’Assemblée de Corse à l’édiction des règles la concernant était donc essentiellement symbolique. Et dans les faits, il fut cantonné au monde d’un principe de courtoisie. Ou plutôt de discourtoisie. » ([39])

Pierre Chaubon qualifiait ([40]) lui aussi ce pouvoir de l’Assemblée de Corse de « virtuel », « fictif » et sans « aucune effectivité ». Il parlait ainsi d’un « grand malentendu qui a entrainé des frustrations multiples ».

Finalement, c’est le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, qui a résumé par un proverbe insulaire, lors de son audition, le sentiment qu’inspire, en Corse, le dispositif de l’article L. 4422‑16 : « Dumandà hè legge ». Demander, c’est toujours permis.

d.   Un article amputé

L’édifice de l’article L. 4422‑16 est également affecté par l’absence d’une disposition essentielle pourtant adoptée par le législateur en 2002 ([41]). Il s’agit du IV de l’article qui aurait permis à l’Assemblée de Corse, lorsque « les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île » de « demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur ».

Cette procédure, qui devait introduire une véritable faculté d’adaptation, pour la collectivité de Corse, des dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration, a été censurée par Conseil constitutionnel, qui a estimé « qu’en ouvrant au législateur, fût-ce à titre expérimental, dérogatoire et limité dans le temps, la possibilité d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, la loi déférée est intervenue dans un domaine qui ne relève que de la Constitution » ([42]).

2.   Le dispositif proposé par l’article 4

Face à ce constat insatisfaisant, votre rapporteur estime qu’il existe des marges de manœuvre, y compris à cadre constitutionnel constant, pour permettre à la Corse de prendre la part qui doit être la sienne dans le processus d’élaboration des normes qui la concernent et qui se doivent de mieux prendre en compte ses spécificités. Lors de son audition, M. André Fazi s’est interrogé sur le décalage constaté entre les raisons légitimes qui ont présidé à l’introduction, à partir de 1982, de ce dispositif et son inefficacité devenue manifeste. Votre rapporteur estime que cette rupture n’est pas une fatalité et qu’il importe de donner un nouvel élan au désir de participation et de reconnaissance exprimé par la Corse.

a.   Instaurer un véritable dialogue entre la collectivité de Corse et l’État

Le 2° de l’article 4 vise à accroître l’effectivité de la procédure du II de l’article L. 4422‑16 afin, in fine, de renforcer le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse. L’objectif est donc pleinement cohérent avec les intentions du Gouvernement et l’engagement de la ministre Jacqueline Gourault qui a déclaré souhaiter « que nous amplifions la dévolution du pouvoir réglementaire aux collectivités » ([43]).

À cette fin, il apparaît nécessaire que les demandes d’habilitation, exprimées par la collectivité de Corse, visant à fixer des règles adaptées aux spécificités de l’île pour la mise en œuvre des compétences qui lui sont dévolues, puissent être effectivement et sérieusement prises en compte par le Gouvernement, même s’il n’est pas possible, en l’état de la jurisprudence constitutionnelle, de réintroduire la mesure, censurée en 1991, qui enjoignait le Premier ministre à répondre à ces demandes.

En l’état, le 2° supprime la mention superfétatoire selon laquelle l’habilitation respecte l’article 21 de la Constitution. Cette suppression, qui n’a pas de réelle portée normative, vise principalement à interpeller le Gouvernement et à jeter les nouvelles bases d’un dialogue que votre rapporteur souhaite réciproque et fructueux entre l’État et la collectivité de Corse.

b.   Réintroduire une faculté d’adaptation législative expérimentale

Le  de l’article 4 réintroduit la disposition de la loi du 22 janvier 2002, censurée par le Conseil Constitutionnel, autorisant l’Assemblée de Corse, lorsque les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, de demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur.

Dix-neuf ans après la censure prononcée par le Conseil constitutionnel, il est permis de considérer que sa décision serait aujourd’hui différente dans la mesure où le constituant a clairement exprimé son souhait de surmonter cette inconstitutionnalité. La loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a en effet introduit un quatrième alinéa à l’article 72 de la Constitution qui prévoit que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

Les travaux préparatoires de cette révision constitutionnelle sont éclairants. M. Pascal Clément, rapporteur pour la commission des Lois de l’Assemblée nationale, constatant que « le Conseil constitutionnel a censuré, dans la même disposition, la possibilité d’habiliter la collectivité territoriale de Corse à procéder à des expérimentations comportant des dérogations aux dispositions législatives en vigueur, considérant que, en autorisant la collectivité à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, le législateur était intervenu dans un domaine qui ne relève que de la Constitution » affirme que « c’est précisément afin d’autoriser l’expérimentation dans les domaines relevant de la compétence législative que le projet de révision constitutionnelle introduit ce quatrième alinéa à l’article 72 » ([44]). Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. René Garrec, a quant à lui écrit que cette « procédure pourrait s’apparenter à celle prévue au profit de la collectivité territoriale de Corse : demande d’habilitation par la collectivité territoriale, adoption d’un décret ou d’une loi d’habilitation autorisant l’expérimentation dans un domaine et pour une durée limités, évaluation du dispositif conduisant soit à la poursuite de l’expérimentation, soit à son abandon, soit à sa généralisation » ([45]).

De plus, le dispositif proposé s’inscrit dans la lignée du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, présenté par le Gouvernement et définitivement adopté par le Parlement le 16 mars dernier ([46]). Ce texte ouvre, à l’article L.O 1113‑6 du code général des collectivités territoriales, la voie à une pérennisation différenciée, selon les territoires, d’adaptations expérimentales d’ordre législatif.

Comme dans le dispositif adopté en 2002, le présent article prévoit que la demande soit formulée par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au préfet de Corse. Il appartiendra au législateur de fixer la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délais dans lesquels la collectivité de Corse peut faire application de ces dispositions. Il est prévu que soient également fixées les modalités d’information du Parlement sur leur mise en œuvre. Enfin, les mesures prises à titre expérimental par la collectivité de Corse cesseront de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas procédé à leur adoption ou modification.

Par rapport à 2002, ce dispositif est amputé de la mention selon laquelle l’évaluation continue de cette expérimentation est confiée, dans chaque assemblée, à une commission composée à la représentation proportionnelle des groupes et qui présente des rapports d’évaluation qui peuvent conduire le législateur à mettre fin à l’expérimentation avant le terme prévu.

Initialement introduit au IV de l’article L. 4422‑16, ce dispositif écrase l’actuel III de cet article qui a préalablement été fusionné avec son I par le 1° du présent article.

3.   Les modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté l’article 4 enrichi d’un amendement, présenté par son rapporteur, qui prévoit que chaque année avant l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée de Corse, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport présentant les demandes qui lui ont été adressées sur le fondement du II de l’article L. 4422‑16 ainsi que les réponses qui leur ont été apportées. Ce dispositif, qui permet de surmonter la censure prononcée en 1991 contre l’injonction qui avait été faite au Premier ministre de répondre aux demandes qui lui sont adressées, permettra de favoriser une information plus claire et transparente sur les suites que le Gouvernement donne aux demandes exprimées par la collectivité de Corse, et ce faisant, d’aboutir sur une meilleure prise en considération de ces dernières.

Votre rapporteur a également présenté un amendement, compatible avec l’article 43 de la Constitution qui fixe à huit le nombre maximal de commissions permanentes dans chaque assemblée, qui avait pour but de réintroduire le dispositif d’évaluation des expérimentations en confiant cette tâche non pas à une commission mais à une délégation parlementaire. Cet amendement a été retiré à la suite de l’engagement formulé par la présidente de la commission des Lois, que votre rapporteur tient à remercier, indiquant que la Commission sera en mesure d’effectuer ce suivi qui relève pleinement de ses compétences.

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Article 5
Gage financier

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article prévoit que la charge résultant, pour la collectivité de Corse, de l’application de la proposition de loi est compensées par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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   Compte-rendu des Débats

Lors de sa réunion du mercredi 31 mars 2021, la Commission examine la proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncières et immobilières dans l’île (n° 3928) (M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur).

Lien vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10586090_606422e283c78.commission-des-lois--evolution-statutaire-de-la-collectivite-de-corse--recours-aux-dispositions-fi-31-mars-2021

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. La Corse est en proie à un phénomène de spéculation immobilière et foncière qui met en péril la possibilité, pour ses habitants, notamment les plus jeunes et les familles aux revenus médians, de s’y loger décemment, d’y vivre paisiblement et de s’y projeter durablement.

Je ne citerai que quelques chiffres : le taux de résidences secondaires en Corse, qui avoisine les 30 %, est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Certaines villas, proches du littoral, peuvent se vendre jusqu’à 30 000 euros du mètre carré et se louent facilement 10 000 ou 20 000 euros par semaine, parfois bien plus, en haute saison. Quand on sait que le revenu médian en Corse approche les 20 000 euros annuels, ce qui est inférieur de 11 à 18 % à la moyenne nationale, on mesure l’indécence de telles transactions qui aggravent les inégalités au sein de la société insulaire.

En raison du déséquilibre entre l’offre et la demande de logements induit par cette situation et de la dynamique des prix qu’elle entretient, le coût des terrains à bâtir a connu une inflation trois fois supérieure à la moyenne nationale. Ainsi, le droit au logement est, dans les faits, largement remis en cause. Le prix des terrains n’est pas de nature à encourager la construction de logements sociaux et dans plusieurs zones, en particulier près du littoral, là où se trouvent les emplois, une grande partie des ménages ne peut accéder à la propriété pour des raisons financières.

La dynamique exponentielle à l’œuvre est mortifère et pousse dos au mur la majorité des habitants qui ont choisi de vivre toute l’année en Corse. Les résidences secondaires se vendent à prix d’or dans certains endroits très prisés, l’extrême sud, la Balagne, la rive sud d’Ajaccio, ce qui fait exploser les prix du foncier à bâtir, et par conséquent des résidences principales. La tendance gagne toutes les zones de l’île, jusqu’aux territoires ruraux et montagneux. Enfin, la viabilité économique des logements sociaux, du fait de prix du foncier de base exorbitants, est remise en question.

Enfin, la hausse des impôts de succession, touchés par la valeur spéculative des transactions, entraînera une dépossession massive des insulaires, surtout dans le contexte corse, marqué par un désordre foncier comparable à celui de la Martinique et non encore résolu. Des milliers de familles modestes ou à revenus moyens, qui régularisent leur succession afin de titrer des biens dont le dernier propriétaire connu est, très souvent, décédé avant 1900, devront vendre leur patrimoine hérité, faute de disposer des liquidités suffisantes pour payer l’impôt, lequel dépendra d’une valeur moyenne de transaction très nettement sublimée. Ce faisant, ils contribueront malgré eux à alimenter la bulle spéculative. Cette situation commande d’adopter rapidement les mesures prévues par cette proposition de loi mais aussi d’adapter la fiscalité afin qu’elle ne soit pas confiscatoire et permette d’éviter la dépossession annoncée. Ce débat, cependant, est de portée constitutionnelle et nécessite d’inscrire la Corse dans le texte suprême, ce qui ne se fera pas avant cinq ou dix ans. Or, il y a urgence. Nous devons agir hic et nunc, ici et maintenant. Les fractures économiques, sociales, territoriales et morales sont immenses. La rupture d’égalité est manifeste : les insulaires ont des difficultés pour accéder au logement, à la propriété et à l’emploi, mais aussi pour créer une activité économique du fait de l’absence de maîtrise foncière.

Le caractère d’île-montagne, en termes topographiques et géographiques, et la situation que je viens d’évoquer, accentuent la rupture d’égalité par la rareté foncière aiguë qui en découle. Ce constat est largement partagé. Il n’est l’apanage d’aucun clan et d’aucune majorité politique. Le Président de la République lui-même a reconnu, lors du discours qu’il a prononcé à Bastia le 7 février 2018, que le logement était devenu un problème endémique sur l’île, trop de personnes ne pouvant s’y loger décemment, notamment les jeunes.

Aucun des représentants des trois ministères que j’ai entendus dans le cadre de mes travaux, pas plus que les autres personnes auditionnées, n’ont remis en cause ce constat alarmant ni le grave péril qui menace la Corse, bien au contraire.

J’ai bien conscience que le chemin juridique dans lequel s’engage cette proposition de loi est étroit mais il convient d’agir vite, de manière proportionnée, à droit constitutionnel constant, tant la situation est urgente. Dans la Constitution, la Corse est encore considérée comme une simple collectivité à statut particulier au sens de l’article 72. C’est une situation peu cohérente, au regard de la spécificité géographique, historique, linguistique et culturelle de ce territoire au sein de la République mais aussi de l’organisation institutionnelle singulière dont elle bénéficie depuis 1982. Le projet de loi constitutionnelle qui devait être discuté en 2018 faisait entrer la Corse dans la Constitution. Son abandon, dans les circonstances que l’on connaît, ne facilite pas le développement de solutions appropriées et spécifiques aux problématiques de l’île, en particulier foncières. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter des outils de droit commun invoqués par le Président de la République, comme les documents d’urbanisme ou la simplification des procédures. Ils ne suffisent pas pour combattre les mécanismes en œuvre et les forces parfois occultes, qui ont intérêt à spéculer sur le terreau de cette île de beauté préservée en Méditerranée. Trois ans après le discours de Bastia, rien n’a changé. La situation est beaucoup trop grave pour que nous puissions attendre une hypothétique prochaine révision constitutionnelle.

Par cette proposition de loi, je vous propose de répondre, à droit constitutionnel constant, au problème du foncier, dans les articles 1er à 3, et à celui des compétences normatives de la collectivité de Corse, à l’article 4. J’ai eu à cœur de tenir compte des remarques qui m’ont été faites tout au long des nombreuses auditions que j’ai menées. Je défendrai donc des amendements pour réécrire les articles 1er et 2 afin d’en renforcer l’efficacité, la solidité juridique et l’opérationnalité.

L’article 1er prévoit d’instaurer à titre expérimental, pour cinq ans, un droit de préemption spécifique au profit de la collectivité de Corse, sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution. Conformément à l’objet de la proposition de loi, ce droit ne concernerait que les aliénations à titre onéreux supérieures à un certain montant. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse, déterminerait le seuil, exprimé en prix au mètre carré, à partir duquel le droit de préemption pourrait s’appliquer dans les zones concernées. Pour couper court à d’éventuelles craintes, précisons que l’exercice de ce droit ne concurrencerait pas les droits de préemption qui existent pour les autres collectivités.

Cet article se justifie tout d’abord par le fait que la collectivité élabore le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) avec lequel les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) doivent être compatibles. Par ailleurs, les communes et les intercommunalités n’ont pas du tout les moyens financiers, en Corse, de rendre efficace un droit de préemption urbain, si du moins elles le détenaient car 80 % ne peuvent l’exercer en l’absence de PLU approuvé. En effet, les valeurs immobilières sont exponentielles tandis que les budgets restent très étriqués, pour différentes raisons – communes de petite taille, très faible densité démographique, faiblesse des revenus de la population, poids surdimensionné du budget de la collecte et du traitement des déchets. Par ailleurs, la collectivité de Corse est la seule, de dimension régionale, dotée de la clause de compétence générale. Elle est, à ce titre, un acteur institutionnel incontournable, partenaire des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à travers ses fonds dédiés : règlements d’aides aux communes, fonds de territorialisation, fonds Montagne etc.

Il ne sert à rien de créer un droit de préemption si son titulaire n’a pas les moyens d’en user. Aussi l’article 2 permet-il à l’Assemblée de Corse de créer une taxe sur les résidences secondaires assise sur la valeur vénale réelle du bien considéré. Le produit de cette taxe lui reviendrait et plusieurs garde-fous sont prévus pour qu’elle ne frappe pas aveuglément les patrimoines familiaux ou les propriétaires modestes. Les résidences dont la valeur vénale est inférieure à un certain seuil ne seraient pas concernées. Par ailleurs, l’Assemblée de Corse pourra prévoir des exonérations sur critères sociaux ou des modulations au niveau communal à partir d’autres critères, fixés dans l’article. L’amendement de réécriture globale que je vous proposerai vise à ce qu’un décret soit pris en Conseil d’État, après avis de l’Assemblée de Corse, pour déterminer les modalités pratiques de la mise en œuvre de cette taxe, notamment le seuil, exprimé en prix au mètre carré, au-delà duquel celle-ci s’applique.

L’article 3 prévoit de créer, via le PADDUC, des zones sans activité de grande distribution et de location de meublés touristiques de type AirBnb. L’aménagement du territoire doit d’abord répondre aux besoins de la population locale, qu’il s’agisse de logements ou d’activité économique. Dès lors, il est important que les documents d’urbanisme permettent de répondre à ces besoins en excluant certaines activités de certaines zones. Le phénomène de résidentialisation secondaire tel qu’il s’est développé dans l’île altère non seulement le besoin impérieux de logement permanent mais aussi l’impératif de bonne gestion des deniers publics, au regard du surcoût lié au nécessaire dimensionnement des réseaux supportés par les communes et la collectivité de Corse – routes, eau, assainissement, électrification, dépenses de secours et d’incendie – proportionnés à l’accroissement saisonnier du nombre de touristes et au mitage provoqué par le phénomène.

Enfin, l’article 4 traite des compétences normatives de la collectivité de Corse, à laquelle il ouvre une faculté d’adaptation législative à titre expérimental. Lorsque des dispositions législatives présentent, pour l’exercice de ses compétences, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, la collectivité de Corse peut demander à expérimenter des mesures qui relèvent de ce champ.

L’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales confère déjà à la collectivité de Corse la capacité de proposer la modification ou l’adaptation des dispositions réglementaires ou législative qui la concernent. Cependant, ces dispositions sont, dans la pratique, restées lettre morte même si vous me direz qu’au bout du compte, une loi n’est pas nécessaire pour écrire un courrier au Parlement ou au cabinet du Premier ministre. Le constat que je dresse ne donne pas lieu à polémique : il est partagé par de nombreux juristes. Je souhaite que cet article permette de mettre fin à la situation absurde qui veut que, quarante après le premier acte de la décentralisation, la Corse soit encore laissée à l’écart de la détermination des règles qui la concernent.

Cette proposition de loi, assurément, s’inscrit dans un certain contexte législatif. Dans quelques mois, notre assemblée examinera le projet de loi dit 4D dont l’un des D vaut pour « Différenciation ». Le moment est peut-être venu de reconnaître que l’égalité formelle, l’égalitarisme, est souvent la source des plus grandes inégalités et injustices.

Nous devons à tous les Corses, ceux d’origine et ceux d’adoption, qui choisissent d’y vivre toute l’année, de contrecarrer le scandale de la spéculation foncière et immobilière. Voulons-nous que les insulaires n’aient le choix qu’entre partir, être dépossédés ou devenir des indiens dans la réserve ? Voulons-nous vraiment envoyer le signal que la démocratie et le droit sont impuissants et sourds aux préoccupations légitimes des insulaires quand elles sont démocratiquement exprimées, à une large majorité, à intervalles réguliers, depuis des années ? Ce ne serait ni juste ni de très bon augure quand on connaît l’histoire de ce pays ainsi que le lien charnel et culturel profond qu’ont les insulaires à leur terre. Nous avons la responsabilité et le devoir d’agir. Je vous invite à passer de la parole aux actes. Tel est le sens du texte soumis à l’approbation de la commission des Lois. La Corse et les Corses nous regardent et espèrent : ne décevons pas leurs attentes.

M. Bruno Questel. Cette proposition de loi tend à résoudre des problèmes identifiés depuis un certain temps en Corse. Nous analyserons au cas par cas chacun des quatre articles principaux de ce texte mais, d’ores et déjà, nous saluons le travail du rapporteur qui a tenu compte, au travers des amendements qu’il a déposés depuis nos auditions, des remarques des députés ou des personnes entendues.

L’article 1er vise à expérimenter un droit de préemption spécifique à la Corse. La spéculation foncière est un fléau pour l’île et nous devons en débattre. Les modifications apportées au dispositif initial semblent aller dans le bon sens et il est probable que nous les votions.

En revanche, nous ne pourrons suivre la position du rapporteur concernant la création d’une taxe sur les résidences inoccupées même si nous sommes conscients des problèmes que posent la spéculation et les agissements de certains investisseurs, qui avancent masqués dans certaines parties du territoire pour engranger des bénéfices incommensurables.

L’article 3, qui aborde les questions d’urbanisme, mérite toute notre attention. Nous avons proposé un amendement que le rapporteur souhaite sous-amender. Nous en discuterons dans un esprit constructif.

Quant au droit d’expérimentation législative, prévu à l’article 4, l’État doit reconnaître qu’il ne s’en est pas occupé depuis que le territoire et la collectivité territoriale sont dotés de ces spécificités. En effet, la collectivité territoriale, depuis plus de dix ans, n’a jamais obtenu la moindre réponse des pouvoirs publics.

C’est, en tout cas, dans un esprit bienveillant que nous aborderons l’examen des articles.

M. Antoine Savignat. Il nous est proposé, par ce texte, d’instaurer diverses mesures dérogatoires du droit commun en Corse afin de faire face à la hausse du coût foncier et de l’immobilier.

L’article 1er vise à expérimenter, conformément aux dispositions de l’article 37-1 de la Constitution, un droit de préemption spécifique à la Corse, qui pourrait s’exercer dans un délai de quatre mois pour toutes les transactions supérieures à 350 000 euros. Outre la question de la revente des biens préemptés et de la détermination de ceux qui pourraient prétendre à l’acquisition, le dispositif implique de distinguer entre la population corse et la population nationale, ce qui n’est pas possible. Le parallèle avec les dispositifs ultramarins ne saurait prospérer, la Corse n’entrant pas dans le champ de l’article 74 de la Constitution. Le droit de préemption d’une collectivité limitant la liberté du propriétaire de disposer de son bien n’est considéré comme conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel que s’il est justifié par un objectif d’intérêt général et s’il ne constitue pas, compte tenu de l’objectif qu’il poursuit, une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété. Or, les motifs d’intérêt général qui sous-tendent la justification du recours au droit de préemption, dans la rédaction proposée, présente deux difficultés : l’indétermination du motif d’intérêt général relatif à la préservation de l’appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population corse et l’absence de garantie de la fin poursuivie car rien n’impose à la collectivité de Corse d’utiliser le bien conformément à sa destination première. Par ailleurs, comment analyser cette disposition au regard du principe d’égalité devant la loi ? Il n’est pas établi qu’en matière de pression foncière, la Corse soit dans une situation qui justifie objectivement une différence de traitement et une expérimentation qui lui soit exclusivement réservée.

L’article 2 prévoit de créer une surtaxe spécifique sur les résidences secondaires. Elle serait perçue par la collectivité de Corse dans l’ensemble du territoire de l’île afin de corriger les inégalités sociales dans l’accès à la propriété ou à la location à l’année. Cet article semble contraire aux dispositions constitutionnelles pour quatre raisons. Tout d’abord, la Corse n’est pas dans une situation qui justifierait une différence de traitement et l’attribution d’un nouveau pouvoir fiscal. Dans certains départements, le taux de résidences secondaires est supérieur ou similaire à celui de la Corse. Cette disposition pourrait rompre l’égalité devant l’impôt. La taxe annuelle sur les résidences secondaires pourrait représenter une double imposition et revêtir un caractère confiscatoire. La modulation de taux que la collectivité de Corse pourrait appliquer à l’échelle de ces communes serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. Le pouvoir d’exonération confié à la collectivité de Corse, de par son imprécision, pourrait placer le législateur dans une situation d’incompétence négative. Il serait plus efficient s’il était cantonné aux communes des zones tendues répertoriées dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, et si la taxe était allouée aux EPCI ou aux communes pour financer l’accession à la propriété des locaux et permettre l’exercice du droit de préemption.

L’article 3 prévoit que les PLU peuvent définir des zones dans lesquelles la construction de logements à des fins de résidences secondaires ou de locations saisonnières non professionnelles n’est pas permise. C’est déjà possible grâce aux programmes de logements communaux. Surtout, cette disposition pourrait poser des difficultés d’ordre constitutionnel au titre des principes de la non-tutelle et de la libre administration s’il était considéré que la définition de ces zones, tout comme leur caractère exclusif, empiétait sur les compétences des communes en matière d’aménagement et d’urbanisme.

L’article 4 prévoit d’introduire une réponse obligatoire du Premier ministre au pouvoir de proposition d’évolutions législatives et règlementaires. Il réintroduit les dispositions visant à octroyer un droit d’expérimentation législative, adopté dans le cadre de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, mais censurée par le Conseil constitutionnel le 17 janvier 2002. La création d’un nouveau type d’expérimentation en application du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution relève de la loi organique et non de la loi ordinaire. Elle est, qui plus est, inutile dès lors que la Corse, comme l’ensemble des collectivités de la République, peut recourir aux expérimentations prévues aux articles LO. 1113-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Rien ne saurait justifier, en comparaison avec d’autres territoires, une différence de traitement et les dispositions de ce texte sont de nature à induire des inégalités devant la loi, aussi notre groupe votera-t-il contre cette proposition de loi.

M. François Pupponi.  Nous avons abordé ce texte avec une grande bienveillance, nous aussi.

Nous saluons la création, à titre expérimental, d’un droit de préemption spécifique à la Corse car, tel qu’il existe aujourd’hui, le droit de préemption ne permet pas aux collectivités locales de répondre à toutes les situations qui se présentent. Ce constat vaut pour d’autres territoires métropolitains. L’idée est de faire évoluer le droit de préemption pour permettre aux collectivités d’empêcher des désordres et des dérives d’ordre juridique.

Pour ce qui est de la taxe, je dirai à M. Savignat que son argument ne tient pas et je vais lui expliquer pourquoi il faut créer une taxe spécifique à la Corse. Connaissez-vous un autre État de l’Union européenne où il a été versé 30 à 40 % de la valeur d’un bien à des contribuables pour qu’ils construisent une résidence secondaire, la louent durant cinq ans quitte à concurrencer les hôtels voisins, et la revendent au terme de ce délai sans payer de taxe sur la plus-value immobilière ? Pour vous donner un exemple précis, un contribuable a construit, quelque part, une résidence secondaire à 3 millions d’euros. L’État lui a fait un chèque de 900 000 euros. Il a loué sa résidence secondaire entre 20 000 et 40 000 euros la semaine avant de la revendre, cinq ans plus tard, 9 millions d’euros, sans taxe sur la plus-value. Ce paradis fiscal, c’est la Corse. Les grands cabinets fiscalistes incitaient d’ailleurs à investir en Corse ! Heureusement, depuis deux ans, notre assemblée a mis un terme au dispositif de crédit d’impôt corse, pour ce qui concerne l’hôtellerie, mais ceux qui ont investi avant 2019 continuent à bénéficier de cet avantage fiscal. Il ne me paraît donc pas scandaleux que la puissance publique essaie de récupérer un peu d’argent sur l’exploitation du bien ou sur sa revente. En effet, revendre une résidence secondaire exonérée de taxation sur la plus-value et qui aura été financée à hauteur de 40 %, c’est de l’enrichissement sans cause. Arrêtons cette gabegie. La création d’une taxe spécifique me semble la moindre des choses.

Concernant les documents d’urbanisme, nous travaillerons avec le groupe La République en Marche (LaRem) qui a déposé un amendement. Quant à l’expérimentation législative, il serait temps, en effet, de tenir compte du statut juridique particulier de la Corse. Là encore, l’article 4 de ce texte recevra toute notre bienveillance.

Mme Cécile Untermaier. Il est très important de dénoncer la situation foncière et immobilière ainsi que la bulle spéculative qui entraînent la dépossession des insulaires. Je remercie le rapporteur de l’avoir fait. Cette proposition de loi est ambitieuse car le chemin juridique est complexe. On ne peut que regretter que ces questions n’aient pas été abordées dans le cadre d’un projet de loi, ce qui aurait imposé une étude d’impact qui, elle, n’aurait pas été réalisée par un cabinet privé.

Vous vous êtes donc attaqué, monsieur le rapporteur, à ces questions complexes après avoir constaté que rien n’avait changé depuis des années. Il est en effet utile d’en débattre, les citoyens corses le méritent, même si le risque constitutionnel existe. Nous adopterons, nous aussi, une approche article par article, d’autant plus que vos amendements modifient la rédaction initiale des articles 1er et 2.

Concernant le droit de préemption, vous arrivez presque à nous convaincre que ce droit spécifique à la Corse, s’il interroge la République une et indivisible que nous aimons tous, répond également à la particularité du statut de la Corse. C’est vrai, le droit de préemption actuel est très encadré et contraint : ce constat pourrait conduire à se pencher sur son application dans l’Hexagone.

Cette proposition de loi vise à garantir l’équilibre entre la liberté d’acquisition et la résorption de la dépossession foncière et immobilière.

Pour ce qui est de la logique de différenciation et d’expérimentation, elle me semble avoir toute sa place dans cette proposition de loi dès lors qu’il s’agit de traiter une rupture d’égalité. Nous devons prendre des mesures qui vont plus loin, non seulement pour la Corse mais pour le reste du territoire. Ce sujet, d’intérêt général, doit tous nous préoccuper. La Corse fait en effet partie de la République.

La population corse augmente deux fois plus rapidement que la moyenne française. Les conséquences sont nombreuses : sa langue et sa culture disparaissent progressivement, elle se sent dépossédée de son identité et a le sentiment d’avoir perdu son âme. Sur le plan écologique, la bétonisation de l’île pose un problème grave et, d’un point de vue économique, la précarité s’accentue.

Face à ces constats, un texte de compromis et préventif, débattu au Parlement, nous semble préférable à une réponse qui ne ferait qu’aggraver le repli communautaire et les tensions. Notre groupe accueille avec intérêt ce texte.

M. Dimitri Houbron. Cette proposition de loi s’inscrit directement dans le besoin de différenciation singulièrement exprimé par la Corse dans la limite de ce qui est permis par la loi et la Constitution. Ce besoin de différenciation mérite des évolutions proportionnées. Ce texte aborde diverses problématiques relatives à la Corse. Selon un rapport de l’INSEE paru en octobre 2015, les touristes ont dépensé 2,5 milliards d’euros dans l’île, ce qui représente 31 % du produit intérieur brut régional. L’attractivité de l’île de beauté pousse de nombreux acheteurs fortunés à y investir pour des résidences secondaires ou dans un but locatif. Les chiffres pointés par une étude de l’agence corse d’urbanisme, en décembre 2019, en témoignent : à l’échelle de la France, le prix moyen au mètre carré d’un terrain à bâtir a augmenté en moyenne de 68 % entre 2006 et 2017. Durant la même période, dans l’île, la hausse s’élève à 138 %. De surcroît, tandis que le coût du foncier a augmenté en moyenne deux fois plus vite que celui du logement sur le continent, sa progression a été quatre fois plus rapide en Corse – 138 % contre 36 %. L’immobilier corse est un marché captif et hyper concentré. Par ailleurs, 20 % des Corses vivent sous le seuil de pauvreté.

Nous devons apporter des réponses innovantes tout en trouvant des points d’équilibre. M. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, l’a souligné durant les auditions : selon un proverbe corse, demander est toujours permis, et même s’il est peu probable que la réponse soit positive. Nous comprenons donc la détermination avec laquelle le groupe Libertés et territoires se bat pour cette proposition de loi. Pourtant, l’article 1er pose la question de l’atteinte portée à deux principes constitutionnels. D’une part, il ne s’appuie pas suffisamment sur un motif d’intérêt général et les garanties voisines à ce principe. D’autre part, en vertu du principe d’égalité devant la loi, la Corse a beau disposer d’un statut spécifique, il faudrait justifier qu’au regard des autres situations sur le continent, elle souffre de singularités exacerbées et manifestes.

Alors que l’article 2 prévoit de créer une taxe annuelle sur les résidences secondaires, des contraintes constitutionnelles demeurent. Il est impératif de prouver la spécificité corse. Or, la Corse n’est pas la seule concernée par un taux élevé de résidences secondaires – je pense notamment à la Côte d’Azur. Par ailleurs, cette taxe présenterait un caractère confiscatoire en s’ajoutant à d’autres impositions. Enfin, la modulation du taux, placée entre les mains de la collectivité de Corse, serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. Si nous ne perdons pas de vue que les spécificités territoriales de la Corse méritent d’être prises en compte, nous estimons que les dispositions prévues par ce texte instaurent une différenciation disproportionnée. Je préfèrerais débattre de la différenciation corse dans le cadre du prochain projet de loi dit 4D. Par conséquent, à titre personnel, je m’abstiendrai sur ce texte.

M. Michel Castellani. Cette proposition de loi vise à concrétiser une promesse du Président de la République qui, à ce jour, n’a toujours pas été tenue. Le statut particulier de la Corse devait être reconnu dans la Constitution, en 2018. C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qu’il avait transformée en engagement une fois élu. Cette inscription dans la Constitution ouvrait la voie vers l’instauration de réponses législatives plus adaptées aux spécificités de la Corse, qu’il s’agisse de l’insularité, de la faible densité, de la pression foncière et immobilière, de la déperdition de la langue, de l’identité, de la culture qui font la richesse de cette île. Face à l’abandon brutal de cette réforme en juillet 2018, il me semble crucial que nous puissions faire évoluer le statut de la Corse à droit constitutionnel constant. L’article 4 prévoit ainsi d’octroyer un droit d’’expérimentation à la collectivité de Corse. Cette mesure nous semble la plus adaptée pour faire évoluer le statut de la Corse dans le respect de la Constitution. Ainsi, nous sommes en phase avec la politique du Gouvernement qui souhaite favoriser le recours aux expérimentations. La ministre Jacqueline Gourault n’avait-elle pas déclaré que la solution résidait dans la différenciation ?

Cette proposition de loi vise également à répondre au problème le plus urgent, celui de la spéculation immobilière galopante : 37,2 % du parc de logements de l’île est déjà composé de résidences secondaires, soit quatre fois plus que sur le continent. Ces logements intermittents, souvent possédés par des personnes qui n’ont pas de lien avec l’île, font flamber les prix. Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté deux fois plus vite en Corse que sur le continent, et le coût du foncier, quatre fois plus vite. Se loger est devenu extrêmement difficile pour un Corse, d’autant plus qu’un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et que le revenu annuel y est plus faible que sur le continent. L’offre de logement social y est également plus réduite – 10 % contre 17 %.

Il est donc essentiel de prendre des mesures législatives spécifiques à même de répondre à la situation. On peut toujours parler de la Corse avec légèreté, en souriant, comme d’un folklore local, mais nous, nous en souffrons ! Chaque jour, nous voyons s’effondrer notre univers. C’est cela qu’il faut comprendre. Pour faire face à cette situation qui nous touche au plus profond de nous-mêmes, ce texte propose des mesures proportionnées. Vous parlez de rupture d’égalité mais, au quotidien, c’est notre communauté insulaire qui la subit. Cette communauté, rappelons-le, est ouverte. Elle repose sur un sentiment d’appartenance. Chaque jour, depuis l’empire romain, des hommes et des femmes de toutes origines sont venus s’y fondre. La population de la Corse a doublé depuis 1970, exclusivement du fait de l’excédent migratoire. Je vous laisse en imaginer la signification. Le mouvement s’accélère encore au point de ne plus pouvoir être contrôlé. Chaque jour, vingt et une personnes s’installent en Corse et sept en repartent.

Le rapporteur a fourni un travail considérable, à l’issue des nombreuses auditions qu’il a menées, pour parvenir à un terrain d’entente. Il nous est proposé un triptyque de mesures : un droit de préemption accordé à la collectivité de Corse, composée à 80 % de toutes petites communes, le financement de ce droit par une taxation juste qui respecte le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt – le système d’une taxe sur les résidences secondaires les plus onéreuses existe déjà en Île-de-France, du reste –, enfin la collectivité de Corse doit pouvoir s’appuyer sur les documents d’urbanisme afin de favoriser l’accès au logement des habitants.

Il est temps de reconnaître les difficultés spécifiques de notre île, de prendre en compte la volonté exprimée à chaque élection par une majorité d’électeurs. En Corse, c’est également une grande majorité d’élus, en particulier des maires, qui soutiennent ce texte.

M. Pascal Brindeau. Monsieur le rapporteur a fort bien décrit cette pression foncière et immobilière, dont les conséquences sont très importantes sur les prix au mètre carré au point de rendre parfois l’accès au logement très difficile pour les Corses. Il formule donc un certain nombre de propositions à droit constitutionnel constant, la réforme constitutionnelle de 2018 n’ayant hélas pas pu aboutir – le groupe UDI-I est favorable à l’inscription de la Corse dans la Constitution, au sein de la République, avec sa culture et son identité.

Cette proposition de loi formule trois axes.

S’agissant du droit de préemption spécifique et de son élargissement à titre expérimental, je m’associe aux propos de M. Pupponi : la Corse est en effet loin d’être le seul territoire à faire face à une très forte spéculation immobilière – que l’on songe aux départements qui bordent l’Île-de-France à la suite de la crise sanitaire ou qui ont des attraits touristiques particuliers. Il est difficile d’y assurer à la fois la présence d’un habitat principal et de résidences secondaires. Peut-être un élargissement de l’expérimentation envisagée serait-il donc précieux.

La taxation spécifique sur les résidences secondaires perçue par la collectivité de Corse peut quant à elle s’inscrire dans le cadre de la clause générale de compétence mais sans doute aurait-il été possible d’envisager une répartition différente de son produit, en en faisant bénéficier les communes ou les intercommunalités, celles-ci disposant d’un certain nombre de compétences, notamment, en matière de logement. Peut-être un système mixte pourrait-il être imaginé ?

Enfin, l’expérimentation législative fait écho à ce que nous avons voté récemment et nous ne pouvons qu’y être favorables, en souhaitant là encore que d’autres territoires comparables puissent éventuellement en bénéficier.

Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Bastien Lachaud. Nos collègues du groupe Libertés et Territoires proposent un texte visant à lutter contre le phénomène de spéculation foncière et immobilière en Corse. Notre groupe ne peut qu’approuver cette volonté de combattre la spéculation, l’accaparation par les riches, la destruction de tout par la marchandisation, l’exclusion des classes sociales les moins favorisées.

En effet, la spéculation foncière et immobilière fait des ravages en Corse comme ailleurs afin de tirer de juteux profits du tourisme de masse. Peu importe les conséquences sur les populations ! Or, elles sont terribles. Les achats à visée touristiques accaparent tous les logements disponibles, les lieux sont vidés de leur population, sur-occupés pendant les vacances d’été et fantomatiques l’hiver.

L’absence ou la faiblesse de régulation entraînent de graves problèmes d’accès au logement. Les logements disponibles sont donc accaparés, jamais loués à l’année, les habitants sont chassés au loin et les trajets pour aller travailler s’allongent.

Peu à peu, les lieux sont artificialisés, entièrement consacrés au tourisme, et les spécificités qui font leur charme sont folklorisées et muséifiées pour en tirer le plus d’argent possible. Même la beauté du paysage est mercantilisée !

Le problème de l’indisponibilité des logements s’aggrave d’année en année en Corse. Entre 2006 et 2019, les coûts du logement et du foncier ont respectivement augmenté deux et quatre fois plus vite sur l’île que sur le continent alors qu’un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. En moyenne, les loyers sont très élevés ; on compte seulement 10 % de logements sociaux, ce qui est le taux le plus faible de la France métropolitaine ; enfin, 90 000 logements sont des résidences secondaires, soit, près de 30 % du parc de logements contre 9 % en France métropolitaine – ce phénomène se retrouve ailleurs, même s’il est particulièrement prégnant en Corse : selon les chiffres donnés par le rapporteur, seul le département des Hautes-Alpes a un taux supérieur. Certaines communes, comme Porto-Vecchio ou Bonifacio comptent d’ores et déjà une majorité de résidences secondaires ; 37 % sont détenues par des résidents corses, 55 % par des personnes résidantes en France continentale et 8 % à l’étranger. Ces différents facteurs expliquent la difficulté à se loger sur l’île, en particulier pour les classes populaires. Les personnes précaires, les jeunes ménages, les familles ont le plus grand mal pour trouver des logements à des prix raisonnables et à proximité de leur lieu de travail.

La combinaison de fortes inégalités de revenus et de la prédation spéculative sur les logements amplifie la crise. Des individus, seuls, ne peuvent rien faire contre la spéculation et sont incapables de surenchérir. Le coût du logement doit donc être maîtrisé par l’action publique et c’est à quoi tend cette proposition de loi, à laquelle La France insoumise est par principe favorable.

Nous sommes en effet favorables à l’élargissement du droit de préemption et à la création d’une taxe spécifique sur les résidences secondaires afin de dissuader les spéculateurs fonciers et immobiliers mais nous considérons que ce texte ne va pas assez loin. Nous avions proposé, par voie d’amendement, d’abaisser le seuil pour la surtaxe d’habitation qui existe déjà afin d’inclure un plus grand nombre de communes pouvant délibérer de cette surtaxe puisque les critères actuels ne concernent qu’Ajaccio ou Bastia alors que de nombreuses communes de zones touristiques, plus petites, en Corse mais aussi sur la Côte d’Azur ou sur la côte atlantique, sont également frappées par ce phénomène de spéculation foncière et pourraient bénéficier de ce dispositif. De plus, il ne faudrait pas que, suite à l’adoption de ce texte, la spéculation se déplace. Malheureusement, comme la majorité en a la sinistre habitude, l’irrecevabilité s’est appliquée et nous ne pouvons donc en débattre.

Enfin, nous sommes favorables à la planification écologique et, plus généralement, à la planification des activités. Ainsi, les plans locaux d’urbanisme doivent définir des zones dans lesquelles la construction de logements destinés à devenir des résidences secondaires ou des locations saisonnières non professionnelles ne serait plus permise afin d’éviter la création de villes fantômes.

Nous sommes en revanche réservés sur l’article 4. En effet, nous ne sommes pas favorables à la différenciation territoriale et au bricolage auxquels le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution voté il y a quinze jours conduiront inéluctablement. La mise en concurrence des territoires conduira immanquablement au moins-disant social et environnemental, à l’instauration de règles illisibles, variables selon les régions ou les départements.

La spécificité corse n’a pas besoin d’être démontrée en raison notamment de son insularité. Dès lors, nous sommes d’accord pour réfléchir à la place de l’île dans le système institutionnel, dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, et nous regrettons en l’occurrence de ne pas pouvoir le faire.

M. Stéphane Peu. Nous portons sur cette proposition de loi un regard plutôt positif même si nous discuterons avec son rapporteur de l’opportunité de déposer des amendements en séance publique.

La question du patrimoine, en particulier foncier, est l’un des facteurs de l’accroissement des inégalités. Un grand résistant corse, Jean Nicoli, assassiné en 1943 par les Chemises noires, évoquait déjà les « spoliés de la terre ». L’Île-de-France et la Corse ont au moins un point commun : ce sont les deux régions où les inégalités de revenus entre les plus riches et les plus pauvres sont les plus importantes. De tels écarts, contrairement à ce que l’on pourrait penser, sont notamment liés à la question du patrimoine, comme le montrent les travaux de Thomas Piketty. Tous les mécanismes de défiscalisation instaurés par tous les gouvernements successifs ont plutôt accéléré le développement de ces inégalités et il est donc temps de les réorienter.

Il me paraîtrait intéressant d’adosser le droit de préemption à un intérêt anti spéculatif car la lutte contre la spéculation foncière et immobilière relève de l’intérêt public. Le droit de propriété est cependant placé si haut dans notre pays que toute tentative d’aller en ce sens a toujours échoué – je pense par exemple à la loi ALUR : la préemption suppose toujours la construction d’une école, d’une place publique ou d’une gare.

Cette proposition de loi pourrait d’ailleurs avoir des prolongements intéressants. Plus de quarante stations de métro vont être construites dans le cadre du Grand Paris Express. Les prix de certains terrains sont parfois multipliés par quinze mais exclusivement suite à cet investissement public. Or, il est anormal de pouvoir s’enrichir en dormant : l’intérêt public consisterait à préempter assez largement pour construire des logements et que les classes populaires puissent habiter près des réseaux de transport au lieu d’être reléguées toujours plus loin.

Sauf erreur de ma part, la question de la finalité de la préemption et de son utilité ou de son orientation sociale mérite d’être précisée dans ce texte. Même si je ne suis pas un inconditionnel des expérimentations, j’ai toujours pensé qu’il est des domaines où elles sont légitimes et c’est en l’occurrence le cas afin de pouvoir garantir aux Corses de pouvoir habiter chez eux.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Je vous remercie pour toutes vos remarques, qui témoignent de l’intérêt que vous portez à la Corse et à ce texte.

Nous essayons de trouver un chemin à droit constitutionnel constant. Ce n’est pas simple mais nous ne pouvons plus attendre. Nous sommes prêts à cheminer avec le groupe La République en Marche, tout comme nous avons réécrit les articles 1er et 2 suite aux auditions afin que le chemin de crête que nous empruntons soit juridiquement et opérationnellement sûr, en particulier en ce qui concerne le droit de préemption. D’ici à la séance publique, nous pourrons donc avancer ensemble.

S’agissant de l’article 3, l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales dispose que le PADDUC « définit les principes de l'aménagement de l'espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l'implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. » PLU, PLUi et SCOT doivent être compatibles avec cette détermination des localisations préférentielles. Je donnerai un avis favorable à l’amendement CL7 du groupe La République en Marche, qui s’inscrit tout à fait dans le sens de la loi avec les directives territoriales d’aménagement.

Non, M. Savignat, l’article 1er ne vise pas à distinguer la population corse d’autres populations. Le droit de préemption s’appliquera quelle que soit l’origine du problème, « pour des motifs d’intérêt général » dont la caractérisation est renforcée dans la deuxième rédaction que nous proposerons : logement social, accession sociale à la propriété, maintien et extension des activités économiques, mixité sociale, etc.

De plus, de nouvelles garanties sont apportées au vendeur, notamment en matière de devoir d’affectation et de droit de rétrocession si le projet d’intérêt général n’est pas mené à bien après cinq ans. Il continuera à bénéficier de droits, en amont et en aval de l’exercice du droit de préemption.

En ce qui concerne la spécificité de la Corse, le taux de résidences secondaires n’est pas seul en cause – il est en effet plus élevé en Lozère ou dans les Hautes-Alpes. C’est le cumul d’un certain nombre de contraintes qui met les Corses dos au mur : en dix ans, le taux du foncier a augmenté de 138 % en Corse contre 68 % en France continentale, soit 200 % plus vite, et c’est sans équivalent ; le taux de logement social est inférieur à la moyenne nationale et sa viabilité économique est amoindrie compte tenu du coût du foncier non bâti ; le revenu médian est inférieur de 11 % à 18 % par rapport à la moyenne nationale. Il faut également compter avec les spécificités géographiques de cette île-montagne et avec la nécessaire préservation de l’environnement. Nous sommes néanmoins favorables à une extension de cette expérience car la spéculation ne se limite bien évidemment pas à l’île.

La taxe que nous proposons n’a pas le même objet que la surtaxe sur les résidences secondaires, qui vise plutôt à financer les réseaux et les contributions publiques des communes. Elle vise la spéculation, de manière proportionnée, et à dégager une recette globale pour permettre le bon exercice du droit de préemption. Nous sommes toutefois ouverts, d’ici à la séance publique, à une adaptation de la surtaxe sur les résidences secondaires pour la Corse. Seules Bastia et Ajaccio sont en effet à ce jour concernées puisque seules les communautés urbaines de 50 000 habitants sont visées. Elle n’est pas donc applicable dans les endroits où la spéculation sévit le plus, comme l’extrême sud de l’île ou la Balagne, ce qui est une anomalie.

Le crédit d'impôt pour investissement en Corse pour les meublés de tourisme a été en effet détourné. Comme dirait notre collègue Charles de Courson, c’est « open bar ». Des promoteurs en usent et peuvent réaliser des plus-values très importantes alors qu’ils ont organisé une économie de rentes, à laquelle s’ajoutent des locations saisonnières de type Airbnb. L’État s’est ainsi fait le complice, volontaire ou non, de la spéculation, et nous en arrivons au point de rupture.

Le droit et la démocratie, Mme Untermaier, doivent permettre de trouver des solutions à une situation devenue intenable : certains territoires sont devenus de véritables zones d’exclusion pour les familles de la classe moyenne.

La collectivité de Corse dispose en effet d’un statut particulier : son exécutif doit rendre des comptes devant l’Assemblée de Corse, c’est la seule collectivité régionale disposant de la clause générale de compétence et, comme les outre-mer, elle dispose de taxes induites spécifiques en matière de transports ou sur le tabac, mais son droit à demander et le principe de courtoisie – certains constitutionnalistes évoquent plutôt, en l’occurrence, un principe de discourtoisie – n’ont jamais été respectés : sur cinquante demandes, quarante-huit non-réponses ou refus. Depuis la révision constitutionnelle de 2003, la réinsertion de l’extension du droit à l’expérimentation à partir d’un statut particulier est juridiquement défendable et, selon nous, s’impose.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la question des écarts de revenus en Corse : les 1 % de personnes les plus riches cohabite avec les personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, dont le nombre est 5 % supérieur à la moyenne nationale. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une économie du surprofit et de la rente dans certains secteurs – au premier chef, celui de l’immobilier, qui fait figure de poule aux œufs d’or.

Tout est lié, dans une petite société de 350 000 habitants.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Instauration d’un droit de préemption spécifique à la Corse

La Commission est saisie de l’amendement CL10 du rapporteur.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Conscients que, d’un point de vue juridique, nous étions sur un chemin de crête et suite aux auditions qui ont été menées, nous proposons de réécrire cet article 1er consacré à l’expérimentation d’un droit de préemption « urbain » mais étendu à l’ensemble de la collectivité.

La rédaction initiale a été modifiée : en matière de délais, pour les déclarations d’aliénations à titre onéreux, de façon à ce que le droit de préemption s’exerce de manière non concurrente avec les droits de préemption communaux, et en prévoyant un droit de rétrocession si le projet d’intérêt général n’est pas engagé dans les cinq ans.

Nous précisons également la procédure permettant de respecter le droit de propriété, conformément à nombre de droits de préemption urbains existants. Nous renforçons les motifs d’intérêt général pour lesquels ce droit de préemption peut être exercé. Il s’agit de garantir l’exercice effectif du droit au logement des Corses en privilégiant l’accession sociale à la propriété et en favorisant la mixité sociale mais, aussi, d’encourager la construction de logements sociaux, de préserver l’accès aux services publics, de développer les réseaux, les infrastructures, les équipements, de favoriser l’accueil, le maintien et l’extension des activités économiques.

Ce droit de préemption ne pourra être utilisé qu’à partir d’un certain montant au mètre carré, dont nous préconisons qu’il soit fixé par décret en Conseil d’État après avis de l’Assemblée de Corse.

M. Bruno Questel. Le groupe La République en Marche votera cet amendement afin que le travail puisse se poursuivre avec le rapporteur et en séance publique sur cette question importante et complexe.

M. Guillaume Larrivé. À titre personnel, je suis plutôt favorable à la création de ce droit de préemption pour les motifs d’intérêt général qui ont été évoqués et pour prendre en compte la spécificité corse.

J’ai un doute, en revanche, sur la délégation des droits de préemption du II au président du conseil exécutif de Corse puis, éventuellement, à un office ou une agence de la collectivité. Une parfaite transparente supposerait que cela soit dévolu à l’Assemblée de Corse, avec le cas échéant une commission ad hoc, plurielle et représentative.

M. François Pupponi. Nous sommes favorables à cet article 1er, sur lequel il conviendra de travailler d’ici à la séance publique.

Autre spécificité corse : seules 20 % des communes disposent d’un droit de préemption puisque plus de 80 % d’entre elles n’ont pas de documents d’urbanisme. Sans doute aura-t-on intérêt à favoriser le droit de préemption pour la collectivité de Corse afin d’inciter les communes à s’en doter afin de promouvoir une véritable politique foncière.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement est intéressant mais je m’interroge.

Il n’est pas question d’apports en société alors que la loi donne la possibilité aux Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) de disposer d’un droit de préemption.

Par ailleurs, la fixation d’un seuil est-elle pertinente, au risque, pour la collectivité, de ne pas pouvoir exercer son droit de préemption si le montant est inférieur au prix plancher ?

Enfin, l’amendement dispose que « À défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé selon les modalités prévues » par le code de l’urbanisme, ce qui mériterait sans doute d’être précisé.

Il n’en reste pas moins que cela va dans le bon sens dès lors, comme l’a rappelé M. Pupponi, que les communes soumises au Règlement national d’urbanisme (RNU) ne peuvent pas exercer leur droit de préemption. Vous confirmez en fait le droit de préemption existant pour les communes qui peuvent l’exercer et, subsidiairement, c’est le droit de préemption de la collectivité qui s’exercera.

M. Stéphane Peu. Cet amendement apporte un certain nombre de précisions, notamment sur le montant, déterminé au mètre carré plutôt qu’à partir de la valeur vénale, ce qui me paraît plus juste.

M. Mattei a raison : la question de la préemption ou d’une intervention sur les transferts de parts de sociétés civiles immobilières (SCI) est un véritable enjeu en Corse où des mécanismes assez astucieux d’investissement permettant d’échapper à l’impôt ainsi que d’autres mécanismes de défiscalisation s’appliquent parfois. Une inscription dans la loi serait bienvenue.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Nous sommes ouverts à d’autres modifications d’ici à la séance publique, notamment sur la question des parts de sociétés et des délégations bien que, sur ce point, nous nous conformons au statut de la Corse, où le pouvoir du conseil exécutif est assez important.

J’entends l’interrogation de M. Mattei mais nous avons tenu à donner le la en matière de montant au mètre carré compte tenu du caractère territorial de ces questions, sans préjudice d’un droit de préemption des communes, si peu étendu soit-il. Si la plupart des communes restent soumises au RNU, outre la difficulté de réaliser des documents d’urbanisme pour 300 communes – sur les 365 que compte la Corse – qui n’excèdent pas 300 habitants, c’est aussi parce qu’une pression s’exerce sur les maires. Le maire de Sisco a ainsi reçu un appel anonyme à propos d’un couvent du XIVe siècle…

C’est donc l’ensemble du contexte qu’il convient d’appréhender. Nous sommes d’ailleurs soutenus par les associations des maires et présidents d’EPCI de Corse, qui voient dans ce texte non une concurrence qui leur serait faite mais une manière de se serrer les coudes et d’avancer ensemble.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé.

Article 2 : Création d’une taxe spécifique sur les résidences secondaires

La Commission examine l’amendement CL11 du rapporteur.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Là encore, pour les raisons déjà évoquées, nous proposons une nouvelle rédaction de l’article : précision des taux de la taxe et des seuils d’application dans les zones déterminées en Conseil d’État, exclusion des biens indivis, souvent d’ailleurs très dégradés – dans la majorité des cas, en Corse, le dernier propriétaire connu est décédé avant 1900 et de nombreuse parcelles n’ont pas de « carte d’identité », ce qui interdit bien des choses ; inclusion des personnes morales ; encadrement des prérogatives de l’Assemblée de Corse ; renvoi au Conseil d’État de l’application de la taxe.

Il s’agit de fournir une recette proportionnée pour l’exercice du droit de préemption et d’être équitables grâce à une adaptation communale. Le statut particulier de la Corse nous invite à innover sur un plan institutionnel.

M. Jean-Paul Mattei. Je regrette le choix de taxer les stocks plutôt que les flux et que vous ne vous soyez pas intéressés aux plus-values. Puisqu’il est question de spéculation, il aurait été intéressant de se pencher sur les profits dégagés suite à la vente des biens. Je suis étonné que vous n’ayez pas travaillé sur la taxe appliquée aux cessions de terrains classés en zone constructible depuis moins de 18 ans au moment de la cession dans les communes dotées de documents d’urbanisme car la « surtaxe » existe déjà par ailleurs pour les résidences secondaires et les logements vacants.

De la même manière, la question du Grand Paris Express évoquée par M. Peu devrait être discutée.

Sans doute aurait-on pu cibler une ressource permettant d’abonder un fonds pour acquérir des biens et favoriser le logement social en Corse.

Je ne suis pas sûr que ce vecteur soit le bon.

M. Guillaume Larrivé. Je comprends l’objectif de ce texte mais je trouve que le dispositif proposé est très dérogatoire au droit commun. Je suis partisan d’une meilleure insertion dans le droit commun des articles 1407 ter et 232 du code général des impôts concernant la surtaxe d’habitation pour les résidences secondaires, le droit actuel prévoyant qu’elle peut s’appliquer « dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants ». Une extension du périmètre géographique pourrait être envisagée.

M. Bruno Questel. Le groupe LaREM s’abstiendra sur cet amendement. D’une part, le risque d’inégalité devant la loi fiscale et de rupture d’égalité devant les charges publiques reste présent. D’autre part, le pouvoir d’exonération mérite d’être précisé. Je rejoins notre collègue Mattei sur le seuil de 1 % et la question des plus-values.

Un travail est donc nécessaire d’ici à la séance publique pour arriver le cas échéant à une rédaction conjointe, tenant également compte des observations de notre collègue Larrivé sur la nécessité d’éviter un mécanisme dérogatoire en s’appuyant sur les dispositions existantes.

M. Erwan Balanant. Le groupe MoDem s’abstiendra pour les mêmes raisons. Des solutions devraient pouvoir être trouvées d’ici à la séance.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés votera pour cet amendement. Nous considérons qu’une proposition de loi ayant nécessité un tel travail mérite d’être discutée dans tous ses éléments en séance publique. Les aménagements qui viennent d’être évoqués pourront être abordés au travers d’amendements déposés à ce moment-là.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé.

Article 3 (art. L. 4424-9-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Définition par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse de zones communales d’équilibre territorial et social

La Commission est saisie de l’amendement CL7 de M. Bruno Questel et du sous-amendement CL12 rectifié du rapporteur.

M. Bruno Questel. Il s’agit d’adapter l’évolution du champ du PADDUC prévue par la proposition de loi, tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales. Nous avons échangé à ce sujet avec le rapporteur et sommes favorables à son sous-amendement, qui complète à juste titre ce que nous proposons.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. La rédaction initiale permettait déjà selon nous de respecter les compétences communales et intercommunales. Néanmoins le fait de le mentionner expressément dans l’amendement n’est nullement dérangeant. Avis favorable.

Le sous-amendement vise à éviter un effet pervers, en excluant la grande distribution et les activités de location touristique de type AirBnb du champ des activités devant être favorisées au sein des zones communales d’équilibre territorial et social.

La Commission adopte le sous-amendement puis l’amendement ainsi sous-amendé.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 4 (art. L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales) : Création d’un droit d’expérimentation législative pour la collectivité de Corse

La Commission est saisie de l’amendement CL9 du rapporteur.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Cet amendement vise à concrétiser l’engagement du Gouvernement de renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités locales.

Le législateur avait adopté en 1991 une disposition enjoignant au Premier ministre d’accuser réception de la demande d’adaptation des règles sous quinze jours et de fixer le délai dans lequel il apportait sa réponse au fond. Le Conseil constitutionnel avait cependant censuré cette disposition de nature injonctive.

Au vu de la longue histoire d’absence discourtoise de réponse aux demandes, l’amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel présentant les demandes qui lui ont été adressées ainsi que les réponses qui leur ont été apportées. Cela permettra de redonner du sens à des échanges sur des adaptations qui sont permises par le statut de la Corse.

M. Bruno Questel. Le groupe LaREM s’abstiendra de manière bienveillante sur les amendements du rapporteur et sur cet article, car nous souhaitons nous inscrire dans une démarche de fond de réforme institutionnelle.

Nous regrettons la manière dont l’exécutif a traité depuis vingt ans les demandes effectuées par la collectivité de Corse en matière d’expérimentation. On voit bien qu’il s’agissait d’un leurre, d’un affichage non suivi d’effets.

Il appartient à l’exécutif de prendre ses responsabilités s’il souhaite à nouveau avancer dans la direction de l’expérimentation.

Mme Cécile Untermaier. Je tire des propos très positifs de notre collègue Questel la conclusion qu’il convient de voter pour l’amendement, ce que fera le groupe Socialistes et apparentés.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Toujours dans l’esprit de tirer les enseignements de la longue histoire institutionnelle des trois statuts particuliers de la Corse, et tout particulièrement de celui de 2002, nous proposons la création d’une délégation parlementaire dans chaque assemblée, composée à la représentation proportionnelle des groupes. Elle serait chargée d’une évaluation continue de l’expérimentation et serait amenée à présenter des rapports d’évaluation qui peuvent conduire le législateur à mettre fin à l’expérimentation avant le terme prévu.

M. Guillaume Larrivé. Je ne voudrais pas parler en votre nom, madame la présidente, mais n’est-ce pas précisément un travail pour la commission des Lois ? Créer une délégation ad hoc ne me semble pas opportun.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Comme souvent, je vous rejoins M. Larrivé.

M. Bruno Questel. Je vois dans cet amendement la manifestation d’un attachement indéfectible des parlementaires insulaires à la République et à ses institutions, ce que je trouve plutôt positif. Mais je pense aussi que ce travail relève exclusivement de notre Commission, donc je souhaiterais le retrait de l’amendement. Je ne voudrais pas qu’une abstention, même malveillante, conduise à son adoption.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Si la commission des Lois s’engage à faire de manière régulière des évaluations des expérimentations, je ne vois que des avantages à le retirer. C’est donc bien un engagement ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous connaissez notre attachement à nos missions constitutionnelles d’évaluation et de contrôle, que nous entendons bien accomplir le plus ardemment possible.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Gage financier

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur. Je vous remercie pour ce débat constructif sur un sujet qui n’était pas évident pour tous : la Corse. C’est un signe essentiel pour l’avenir, pour renouer les liens et construire quelque chose qui ait du sens, notamment au regard des fractures qui ont été évoquées. Tous les Corses vous remercient.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncières et immobilières dans l’île (n° 3928) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


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   Personnes entendues

   M. Gilles Simeoni, président

   M. Ghjuvannu Biancucci, conseiller exécutif et président de l’agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse

   M. Jean-Charles Vallée, directeur général de l’Office foncier de Corse

   M. Jean-Guy Talamoni, président

   M. Petru Antone Tomasi, président de la commission pour l’évolution statutaire de la Corse

   Mme Nadine Nivaggioni, présidente de la commission du développement économique et de l’aménagement du territoire

   Mme Pauline Malet, directrice adjointe du cabinet

   Mme Lila Mahnane, conseillère parlementaire

   M. Thomas Welsch, conseiller aménagement urbanisme et écologie territoriale

   M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

   Mme Jenna Reinette, conseillère urbanisme

   Mme Lucy Kerckaert, conseillère parlementaire

   Mme Naïla Boukheloua, adjointe au sous-directeur de la qualité du cadre de vie

   Mme Bruno Mauchauffée, adjoint au directeur

   M. Guillaume Denis, sous-directeur

   Mme Véronique Daudin, directrice régionale

   Mme Magali Bonnefont, cheffe du service étude et diffusion

   M. Pascal Berteaud, directeur général

   M. Jean-Jacques Ciccolini, président de l’association des maires de Corse du Sud

   M. Ange-Pierre Vivoni, président de l’association des maires de Haute‑Corse

   Maître Paul Cuttoli, président du conseil régional des notaires de Corse

   Maître Jean Jérôme Luccioni, président de la chambre des notaires de Corse du Sud

   M. Paul Grimaldi, président du conseil d’administration

 

 

 

 


([1]) « Lorsque le souvenir un jour s’estompera ; Chacune des parcelles de cette vieille terre ; Reflétera ce rêve qui était ton horizon ; Et ton visage vivant sur elle s’imprimera », dernier couplet de la chanson Sumiglia. 

 

([2]) Jean-Jacques Rousseau, Projet de Constitution pour la Corse.

([3]) « Image PME : bilan 2020 ».

([4]) Source : INSEE, à partir des sources fiscales Fideli.

([5]) Étude sur l’économie informelle en Corse, agence du tourisme de la Corse, 2015.

([6]) En tenant compte  du prix médian de vente d’une maison T4 et de la capacité de financement des ménages elle-même calculée à partir de leur revenu, leur capacité d’emprunt et leur apport personnel.

([7]) Ce régime fiscal dérogatoire, qui devait prendre fin en 2018, a été prolongé pour dix années supplémentaires par la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété.

([8]) INSEE Flash Corse n° 50, mai 2020.

([9]) Pour n‘en citer que certains, le rapport Carcassonne de 2014, le rapport de l’INSEE sur les résidences secondaires en Corse (2020), le rapport n°2019/E3/241 du président du conseil exécutif de Corse sur les marchés fonciers et immobiliers de Corse…

([10]) Mis en place en 2002, il a été détourné à des fins spéculatives. L’article 22 de la loi de finances pour 2019 a exclu les meublés de tourisme du bénéfice de cet avantage à partir du 1er janvier 2019.

([11]) Article XVI de la DDHC : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

([12]) Articles L. 211-1 à L. 211-7 du code de l’urbanisme.

([13]) Articles L. 212-2 à L. 212-5 du code de l’urbanisme.

([14]) Articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’urbanisme.

([15]) Articles L. 215-1 à L. 215-24 du code de l’urbanisme.

([16]) Article L. 4424-26-2 du code de l’urbanisme.

([17]) Pour un exemple très récent sur la commune de Sisco: https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/sisco/vente-du-couvent-sainte-catherine-le-maire-de-sisco-depose-plainte-apres-avoir-ete-menace-par-telephone-2006392.html

([18]) Article 19 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française .

([19]) Article LO. 6214-7 du code général des collectivités territoriales.

([20]) Article LO. 6314-7 du code général des collectivités territoriales.

([21]) DC n°2004-490 du 12 février 2004, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([22]) Délibération 14/042 AC de l’Assemblée de Corse portant sur la protection du patrimoine foncier

([23]) Décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027399823

([24]) Loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, article 51, relatif aux successions   

([25]) Cette expression est attribuée à la commission Badinter sur la Corse.

([26]) Loi n°2017-285 du 6 mars 2017.

([27]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

([28]) Ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme

([29]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités

([30]) La notion de compatibilité est considérée comme moins contraignante que la notion de conformité.

([31]) TA Bastia, n° 1600452, Commune de Peri.

([32]) Wanda Mastor, Pour un statut constitutionnel de la Corse, rapport au président de l’Assemblée de Corse, 18 janvier 2018

([33]) C’est néanmoins la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a consacré la collectivité unique de Corse.

([34]) Rapport réalisé en 2013 pour l’Assemblée de Corse.

([35]) Décision n° 2001‑454 DC du 17 janvier 2002.

([36]) Décision n° 91‑290 DC du 9 mai 1991.

([37]) Conseil constitutionnel, décision précitée.

([38]) Les institutions particulières de la Corse : « Le constat, les évolutions nécessaires », session de l’Assemblée de Corse des 26 et 27 septembre 2013.

([39]) Pour un statut constitutionnel de la Corse, rapport au président de l’Assemblée de Corse, 18 janvier 2018. 

([40]) Débat sur l’avenir institutionnel de la Corse, Constitutions 2016, p. 27.

([41]) La loi n° 2002‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.

([42]) Décision n° 2001‑454 DC du 17 janvier 2002.

([43]) Allocution du 1er octobre 2019 devant le congrès des régions de France.

([44]) Rapport n° 376 (12ème législature) déposé le 3 novembre 2002.

([45]) Rapport n° 27 (2002-2003) déposé le 23 octobre 2002.

([46]) Conformément à l’article 61 alinéa 1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est actuellement saisi de cet texte.