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N° 4195

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2020

I. Plusieurs mesures du dÉficit de l’État

A. La comptabilitÉ budgÉtaire

B. La comptabilitÉ gÉnÉrale

C. La comptabilitÉ nationale

D. ClÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

a. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

b. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

II. Le DÉFICIT PUBLIC atteint un niveau inÉdit

A. Évolution sur longue période

B. Analyse du dÉficit public de 2020

1. Un déficit public très élevé, mais inférieur aux dernières prévisions

2. Le déficit de l’État redevient inférieur au déficit public

C. UNE DECOMPOSITION DU DEFICIT PUBLIC DIFFICILE A INTERPRETER

1. Les notions de déficit structurel et conjoncturel

2. La composante conjoncturelle porte plus de la moitié du déficit public

a. L’évolution du solde structurel n’est pas significative

b. Les mesures d’urgence sont comptabilisées comme ponctuelles et temporaires

c. Le déficit conjoncturel est fortement creusé

3. L’avis du Haut Conseil des finances publiques : une présentation faussée du déficit structurel

III. le dÉficit budgÉtaire de l’État porte toujours l’essentiel du dÉficit public

A. Formation du solde budgÉtaire 2020

B. Analyse d’exÉcution À exÉcution

C. Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

fiche 2 : Les recettes de l’État En 2020

I. Les recettes fiscales de l’État

A. Montant global

B. Plusieurs Retraitements sont nÉcessaires pour L’analyse Économique des recettes fiscales de l’État

C. Examen gÉnÉral des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État

1. Analyse d’exécution à exécution

a. La crise économie entraîne une contraction importante des recettes fiscales

b. Les mesures fiscales nouvelles en 2020

c. Des mesures de périmètre et de transfert significatives

2. Analyse par rapport à la prévision

D. Examen impÔt par impÔt

1. La taxe sur la valeur ajoutée

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

2. L’impôt sur le revenu

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

3. L’impôt sur les sociétés (IS)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

5. Les impôts assis sur le capital

II. Les recettes non fiscales de l’État

A. Les dividendes et recettes assimilÉes

B. Les autres recettes non fiscales

1. Les produits du domaine de l’État

2. Les produits de la vente de biens et services

3. Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

4. Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

5. Les recettes diverses

Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

I. une augmentation des dépenses de l’État dans un contexte de crise sanitaire

A. L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

B. UNE sous-Consommation des crÉdits autorisÉs par le Parlement

C. L’évolution des dÉpenses de personnel

1. Des dépenses de personnel en augmentation, mais inférieures à la prévision de la loi de finances initiale

2. L’inversion de la progression des emplois consommés par les ministères

II. Le respect des normes de dépenses

III. Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

Fiche 4 : les modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2020

I. Les modifications apportées au cours de l’année 2020 marquéEs par la réponse à la crise sanitaire

A. Des mouvements de crÉdits d’ampleur exceptionnelLE autorisés par quatre lois de finances rectificatives

1. Le budget général de l’État particulièrement mobilisé pour répondre à l’urgence

a. Les ouvertures de crédits principalement justifiées par l’urgence dans le cadre de la crise sanitaire

b. Les annulations de crédits

c. Une fin de gestion caractérisée par un collectif budgétaire d’une ampleur inédite

2. Des budgets annexes stables et une forte mobilisation des crédits sur les comptes spéciaux

B. Les mouvements réglementaires

1. Les fonds de concours doublés en raison d’opérations exceptionnelles

2. De faibles montants annulés par décret

3. Une logique prudentielle d’estimation des besoins pour un niveau exceptionnel de reports de crédits sur la gestion 2021

4. Les autres mouvements réglementaires

C. Les avancées en matière d’assainissement de l’exécution budgétaire confirmées malgré la crise économique

1. Le faible taux de mise en réserve des crédits en 2020

a. Des taux de mise en réserve des crédits élevés entre 2012 et 2017

b. La poursuite de la sincérisation de l’utilisation de la mise en réserve abaissée à 3 %, hors titre 2, depuis 2018

2. L’absence de décret d’avance pour la troisième année consécutive

II. Les modifications proposées par le présent projet de loi de règlement

A. Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

B. Les annulations portant sur le budget général

Fiche 5 : La dette de l’État

I. Une augmentation historique de l’endettement de l’État en 2020

A. Un encours de la dette supÉrieur À 2 000 milliards d’euros

1. L’accroissement de l’encours total de la dette négociable de l’État

2. La composition de la dette négociable

a. Un allongement de la durée de vie de la dette négociable malgré la forte augmentation de l’encours des titres de court terme

b. Une légère diminution de la part de dette détenue par les non-résidents

B. Une augmentation exceptionnelle du besoin de financement en 2020

C. Les ressources de financement de l’État

1. Un niveau très élevé et en progression d’émissions de titres à moyen et long terme

2. Un regain de l’encours de titres de dette de court terme, en rupture avec la tendance observée ces dernières années

3. Le niveau record du montant des primes à l’émission

4. La forte croissance des dépôts des correspondants du Trésor

II. Une charge de la dette en diminution et infÉrieure À la prÉvision

A. La baisse de la charge de la dette de l’État

B. Une charge de la dette infÉrieure aux prÉvisions de la loi de finances initiale

fiche 6 : La comptabilitÉ gÉnÉrale de l’État

III. Le bilan de l’État : une forte dégradation de la situation nette patrimoniale dans le contexte de crise sanitaire

A. Un actif retraçant le soutien de l’État à ses entreprises stratégiques

1. Des immobilisations en hausse

2. Un actif circulant qui progresse du fait de l’augmentation des créances

3. Une multiplication par deux du niveau de trésorerie disponible

B. une forte dégradation du passif en raison de la hausse sans précédent des dettes financières

1. L’augmentation exceptionnelle du niveau des dettes financières

2. Des dettes non financières en progression

3. La hausse significative des provisions pour risques et charges

4. Une trésorerie passive substantielle

IV. Le compte de résultat de l’état : un résulTat patrimonial à son plus bas niveau historique

A. Le cycle de fonctionnement

B. Le cycle d’intervention

C. Le cycle financier

D. Les produits régaliens nets

V. Les engagements hors bilan

Travaux de la Commission

Auditions DE la Commission

AUDITION DE MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090) et sur le programme de stabilité 2021-2027

AUDITION DE M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2020 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2020 ET sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de règlement de 2020 et sur le programme de stabilité.

Examen en Commission

Discussion générale

Examen des articles

Article liminaire Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2020

Article 1er Résultats du budget de l’année 2020

Article 2 Tableau de financement de l’année 2020

Article 3 Résultat de l’exercice 2020 Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

Article 4 Budget général  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Après l’article 4

Article 5 Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Article 6 Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Article 7 Règlement des comptes spéciaux « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres » clos au 1er janvier 2020

Article 8 Règlement des comptes spéciaux « Transition énergétique » et « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » clos au 1er janvier 2021

 


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   INTRODUCTION

Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 qu’il nous revient d’examiner est à la fois hors norme et sans surprise. Hors norme, il l’est par le constat qu’il fait du caractère massif de la dégradation de nos finances publiques en 2020, à la suite de la réponse publique tout aussi massive face à la crise sanitaire et économique que nous vivons depuis mars 2020. Sans surprise, car chacun sait au Parlement et dans le pays à quel point la photographie financière de l’exercice 2020 a peu à voir avec la loi de finances initiale propre à cet exercice, et tout à voir avec les quatre lois de finances rectificatives qui ont porté cette réponse publique, et qui ont fait l’objet d’une large approbation sur de très nombreux bancs des deux assemblées parlementaires et d’un accord dans les mêmes termes au Sénat et à l’Assemblée nationale.

La préparation et le vote de ces lois de finances rectificatives ont d’ailleurs été de véritables exercices d’équilibriste, entre le besoin d’ouvrir suffisamment de crédits et celui de respecter un principe de sincérité qui, pour les lois de finances, impose d’ouvrir des crédits dans la plus proche mesure des décaissements attendus. C’est tant mieux si, aujourd’hui, les prévisions de la quatrième LFR sur les recettes, sur le déficit, sur la dette, apparaissent pessimistes. Depuis un an, l’urgence commande toujours et il est préférable de se préparer au pire pour constater de bonnes surprises au moment d’apurer les comptes.

En 2020, le déficit public, toutes administrations publiques confondues, s’est élevé à 211,5 milliards d’euros, contre 74,7 milliards d’euros en 2019. Le déficit public en 2020 représente ainsi 9,2 % du PIB ­ contre 3,1 % du PIB en 2019 et même 2,2 % compte tenu de la bascule du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales employeurs.

Le déficit de l’État atteint 178,1 milliards d’euros (92,7 milliards d’euros en 2019). Contrairement à 2019, il est moins élevé que celui de l’ensemble des administrations publiques, ce qui révèle l’impact majeur de la crise sanitaire sur les finances sociales. Le solde des administrations locales est, à l’inverse, relativement peu affecté. – c’est une bonne nouvelle pour les collectivités et un signe de l’efficacité des filets de sécurité mis en place par l’État.

S’agissant des dépenses du budget général, elles se sont élevées à 389,7 milliards d’euros nettes des remboursements et dégrèvements, alors qu’elles s’étaient élevées à 336,1 milliards d’euros en 2019. On constate ainsi l’impact des 41,8 milliards d’euros décaissés tout au long de l’année 2020 au titre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire.


Au demeurant, toutes les dépenses liées à la crise sanitaire n’ont pas été imputées sur cette mission : les aides exceptionnelles en faveur des ménages et personnes les plus modestes et les plus fragilisées par la crise ont été financées par la mission Solidarité, insertion et égalité des chances pour 2,4 milliards d’euros. La mission Économie a permis l’achat de masques de protection pour 395 millions d’euros et a contribué au soutien des industries produisant des masques, ainsi que des zoos et des centres équestres pour 45 millions d’euros – la même mission a financé en 2020 des mesures du plan de relance en faveur des filières automobile et aéronautique et des projets de relocalisation ou de décarbonation de l’industrie pour 250 millions d’euros.

Au-delà du budget général, les comptes spéciaux ont porté une partie déterminante de la réponse publique. L’État a déboursé 8,3 milliards d’euros pour renforcer les entreprises stratégiques fragilisées par la crise via une montée au capital. Près de 2 milliards d’euros d’avances ont été consenties, pour faire face aux difficultés des aéroports et aérodromes et aux pertes tarifaires pour les autorités organisatrices de la mobilité. Les filets destinés à sécuriser les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les collectivités territoriales ont joué leur rôle : s’il y a sous-consommation, c’est bien parce que les besoins ont été moins importants que prévus.

Enfin, n’oublions pas que les PGE ont constitué l’outil le plus massif de soutien à la trésorerie des entreprises. Nous n’en voyons pas encore l’impact dans le déficit public, car les entreprises bénéficient pleinement de leur deuxième année de différé de remboursement. Ces prêts ont néanmoins un impact substantiel sur le bilan de l’État, avec un engagement de garantie de 100 milliards d’euros inscrit au passif. La sortie de ces PGE devra être accompagnée, à l’évidence, pour ne pas fragiliser les entreprises qui en ont bénéficié et qui ont dû le décaisser. Cela passera probablement par un allongement de leur échéance ; cela passera aussi par des procédures de restructuration simplifiées et accompagnées budgétairement pour les entreprises ayant des perspectives de rebond.

La très forte augmentation des dépenses, outre qu’elle relève pour l’essentiel de la réponse légitime à la crise, n’a pas empêché une certaine maîtrise budgétaire, comme l’illustrent l’évolution modérée des dépenses de personnel, inférieure à la prévision de LFI (+ 1,2 milliard d’euros pour un montant total exécuté de 132,6 milliards d’euros) et la première baisse des emplois consommés depuis 2015 (1 923 317 ETPT, en baisse de 6 965 par rapport à 2019). Par ailleurs, l’exécution 2020, dans la lignée des deux années précédentes, est marquée par l’absence de décret d’avance ainsi que par la mise en œuvre et le respect de règles raisonnables de mise en réserve de crédits.

Les recettes fiscales nettes de l’État ont également été fortement affectées par la crise sanitaire : Elles s’élèvent à 256,0 milliards d’euros, contre 281,3 milliards d’euros en 2019 et 293 milliards d’euros prévus en LFI pour 2020. Les impôts dont le rendement est le plus attaché à l’activité économique – TVA, TICPE, IS – sont en très grande partie à l’origine de cette moins-value d’ensemble. Si l’on prend en compte les recettes non fiscales et que l’on défalque les prélèvements sur recettes, les produits régaliens nets de l’État se sont élevés à 217 milliards d’euros.

Toutes administrations publiques confondues, l’encours de la dette au 31 décembre 2020 s’élève à 2 001 milliards d’euros, soit 115,7 % du PIB. Ces deux indicateurs s’élevaient au 31 décembre 2019 à respectivement 1 823 milliards d’euros et 97,6 % du PIB. Cette augmentation très forte de notre endettement a pour origine un besoin de financement sans précédent d’un montant supérieur à 300 milliards d’euros, notamment du fait du montant du déficit budgétaire évoqué supra.

L’augmentation du stock de dette a été toutefois accompagnée en 2020 d’une baisse substantielle du coût des engagements financiers de l’État, soit un montant historiquement bas de 35,8 milliards d’euros, contre 40,3 milliards d’euros en 2019. La qualité de la signature de la France a ainsi été confortée en 2020, permettant le financement de nos politiques publiques au meilleur coût sur les marchés.

C’est dû bien entendu à la politique monétaire efficace de la Banque centrale européenne, ce qui justifie au demeurant le choix de la France et des Français en faveur de l’Europe et de l’euro, s’il en était besoin. C’est dû également au bien‑fondé des politiques d’urgence et de relance engagées par la France, à la fois considérées comme protectrices de nos emplois et de nos entreprises et susceptibles de contribuer à un « retour sur investissement » via la croissance qu’elles préparent. Toutes ces orientations ont été validées, justifiées et même encouragées au niveau international, que ce soit par la Commission européenne, l’OCDE ou le FMI qui ont bien compris l’intérêt de ces mesures pour préserver les revenus, l’emploi et les entreprises, en préparant le rebond de l’économie. Une fois sortis de l’urgence, le plan de relance doit nous permettre de rattraper le temps perdu en retrouvant et en dépassant la trajectoire de croissance d’avant crise. Nous tenons là aussi, au-delà de l’action de la BCE, un facteur de crédibilité de la France sur les marchés financiers et de confiance des investisseurs dans notre signature.

La crise n’a pas entamé le sérieux budgétaire de la majorité, il a d’ailleurs permis de l’aborder dans des conditions plus convenables. Le « quoi qu’il en coûte » ne signifie pas que tout est devenu durablement gratuit, ce mot d’ordre mis en actions a signifié et signifie encore que pas un euro de soutien ne doit manquer en France à la protection sanitaire et économique de nos compatriotes face à la crise du Covid-19. Une fois cette période achevée, chacun sait qu’il faudra rendre à nos finances publiques une vitesse de croisière soutenable. Il faudra être en mesure d’encadrer l’évolution de la dépense publique, de rééquilibrer nos comptes sociaux et de promouvoir l’investissement public pour l’avenir. En temps voulu, une nouvelle programmation budgétaire doit nous permettre de stabiliser puis de diminuer l’endettement public. Notamment lors des prochaines échéances démocratiques nationales, il appartiendra aux Français de trancher les questions qui sous-tendent la définition de cette nouvelle trajectoire.

Au total, il revient au Parlement de donner son quitus sur l’exercice budgétaire 2020. Certes, il aurait sans doute été possible de mieux ajuster les crédits ouverts respectivement en 2020 et 2021 au titre de l’urgence, en modérant le volume des reports qui, nécessairement, pèse sur l’exactitude de l’autorisation budgétaire donnée par le Parlement. Mais souvenons-nous aussi que le PLFR 4 a été conçu à l’aube du second confinement, et que la nouvelle lecture du PLF 2021 a eu lieu quand il s’achevait. Les « moments sanitaires » et les prévisions budgétaires associées ont beaucoup varié d’un mois à l’autre, parfois d’une semaine à l’autre - la séquence ouverte depuis le début de l’année 2021 l’illustre également. Dans ce contexte, qui a encouragé des prévisions prudentes concernant des politiques publiques nouvelles de guichet, il convient de constater que l’exécution 2020 est bien le miroir des quatre lois de finances rectificatives largement approuvées bien au-delà de la majorité parlementaire. On peut logiquement former le vœu que l’approbation de cette exécution soit mue par le même esprit d’unité nationale.

 

 

 

 

 

 

 


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   fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2020

La loi de règlement arrête le déficit public – toutes administrations publiques confondues – et le déficit de l’État. Le premier est mesuré selon les principes de la comptabilité nationale et le second selon ceux de la comptabilité budgétaire et générale. Ces trois types de comptabilité ont des objets différents.

le dÉficit en 2020

Déficit public

(toutes administrations publiques)

Comptabilité nationale

211,5 milliards d’euros

soit 9,2 % du PIB

 

Déficit de l’État

Comptabilité budgétaire

178,1 milliards d’euros

Comptabilité générale

165,6 milliards d’euros

Comptabilité nationale

182,0 milliards d’euros

Source : Insee et présent projet de loi de règlement.

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB en comptabilité nationale, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et de vérifier si la France respecte ses engagements européens.

La mesure du solde de l’État selon les principes de la comptabilité budgétaire permet d’appréhender son besoin de financement annuel.

La mesure du résultat patrimonial permet de déterminer la part de la variation annuelle du patrimoine de l’État qui résulte de la différence entre ses produits et ses charges comptables.

I.   Plusieurs mesures du dÉficit de l’État

Historiquement, les lois de règlement ont d’abord porté sur la comptabilité budgétaire, qui est une comptabilité de caisse. Plus récente, la comptabilité générale a fourni une approche davantage économique de la situation financière et patrimoniale de l’État. Enfin, la comptabilité nationale permet, dans une approche harmonisée avec les autres États de l’Union européenne, d’agréger le solde de l’État avec celui des autres administrations publiques locales et de sécurité sociale.

A.   La comptabilitÉ budgÉtaire

Traditionnellement, l’examen de la loi de règlement avait pour but de débattre uniquement de l’exécution du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui d’une comptabilité très commentée car elle permet de constater le niveau de recettes, en particulier fiscales, et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la LOLF ([1]). Son article 28 précise que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

Les résultats du budget de l’État pour 2020 sont arrêtés par l’article 1er du présent projet de loi de règlement. Le déficit budgétaire forme, avec l’amortissement de la dette, le besoin de financement de l’État arrêté à l’article 2. Le suivi des autorisations de dépenses et des éventuels reports du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux est assuré par les articles 4, 5 et 6.

B.   La comptabilitÉ gÉnÉrale

Depuis 2006, une comptabilité générale de l’État est annexée au projet de loi de règlement. Cette comptabilité dite d’engagements est tenue selon les mêmes principes qu’une comptabilité d’entreprise : un compte de résultat de l’année en cours est rattaché au bilan de l’État, et une annexe est également prévue pour détailler et justifier la nomenclature comptable. Les charges et les produits sont rattachés à l’exercice durant lequel les droits et obligations sont nés, indépendamment de la date de paiement ou d’encaissement effective.

Article 30 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

« La comptabilité générale de l’État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement. »

« Les règles applicables à la comptabilité générale de l’État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action. »

« Elles sont arrêtées après avis d’un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et publié. »

La comptabilité générale permet d’appréhender également des produits et charges qui ne donnent pas lieu à des flux de trésorerie, et qui ne sont donc pas retracés par la comptabilité budgétaire, comme les dotations aux amortissements et aux provisions ou l’état des stocks. Elle retrace aussi les opérations de nature patrimoniale (immobilisations, créances, dettes, etc.), qui ne sont pas décrites en loi de finances, et qui n’ont pas d’impact sur le solde public en comptabilité nationale. La comptabilité générale offre ainsi la possibilité de mesurer les variations annuelles du patrimoine de l’État.

Elle fait généralement l’objet de peu de commentaires dans le débat public, malgré l’enrichissement de l’information qu’elle représente.

Les résultats des comptes de l’État pour 2020 sont arrêtés par l’article 3 du présent projet de loi de règlement.

La comptabilité générale de l’État est analysée de façon plus détaillée dans la fiche 6 du présent rapport. Seul est rappelé ici le résultat patrimonial, c’est-à-dire la différence entre les produits et les charges de l’année 2020.

Le rÉsultat de l’État depuis 2018

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2020

Exercice 2019

Exercice 2018

 

 

Cycle

de fonctionnement

Charges (a)

270,2

271,7

266,0

Produits (b)

78,5

77,1

77,1

Charges nettes (I = a-b)

191,7

194,6

188,9

 

 

Cycle

d’intervention

Charges (a)

273,4

205,3

193,1

Produits (b)

50,1

43,0

38,4

Charges nettes (II = a-b)

223,4*

162,4*

154,7

 

 

Cycle

Financier

Charges (a)

71,2

49,7

57,3

Produits (b)

29,5

27,2

34,8

Charges nettes (III = a-b)

41,7

22,5

22,5

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

456,7*

379,5

366,1

 

 

Produits régaliens nets (B)

291,1

294,9

314,3

 

 

Résultat (B-A)

– 165,6

– 84,6

– 51,9

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : lois de règlement 2018 et 2019 et présent projet de loi de règlement.

C.   La comptabilitÉ nationale

Enfin, depuis 2013, l’examen du projet de loi de règlement permet, sur le fondement de l’article liminaire, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale présentés dans l’article liminaire sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du PIB, qui joue un rôle toujours essentiel dans le cadre de l’examen et de la comparaison des finances publiques au niveau européen.

D.   ClÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

a.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

Selon la comptabilité nationale, le déficit de l’État s’établit à 182 milliards d’euros, soit un écart de 3,9 milliards d’euros avec le déficit budgétaire, qui atteint 178,1 milliards d’euros.

Cet écart se justifie par trois opérations principales :

– certaines opérations budgétaires sont comptabilisées en opérations financières au sens de la comptabilité nationale, et sont placées ainsi hors du périmètre des « dépenses maastrichtiennes » (comptant pour le calcul du déficit public), ce qui améliore le déficit de 7,2 milliards d’euros en comptabilité nationale. Plusieurs mesures de soutien sont concernées, comme le prêt de 3 milliards d’euros à Air France, les avances à Île-de-France Mobilités pour 1,2 milliard, la souscription aux obligations convertibles d’EDF à hauteur de 1,0 milliard d’euros. Hors mesures d’urgence, l’État a également procédé à une nouvelle dotation du Fonds pour l’innovation et l’industrie avec 1,9 milliard d’euros. En sens inverse, la cession de titres La Poste pour 1,1 milliard dans le cadre de la réorganisation du groupe améliore le déficit budgétaire sans impact sur le déficit mesuré en comptabilité nationale ;

– le rattachement comptable de droits constatés à l’exercice 2020 améliore le solde de 3,8 milliards d’euros au sens de la comptabilité nationale sous l’effet de mouvements contraires. Sont concernés, en particulier, l’enregistrement des dépenses de CICE au moment de la reconnaissance de la créance par l’administration, et non au moment de leur utilisation par les entreprises, les dépenses et recettes de contentieux, qui ne sont enregistrés en comptabilité nationale qu’au moment de leur jugement définitif, ainsi que la comptabilisation des subventions de l’État à la date de leur fait générateur et non à leur date de décaissement ;

– enfin, les autres opérations non budgétaires dégradent le solde en comptabilité nationale de 14,9 milliards d’euros. Les 25 milliards d’euros correspondant à la reprise de dette de SNCF Réseau vis-à-vis de la caisse de la dette publique (voir infra) sont partiellement compensés par l’enregistrement des intérêts en droits constatés qui améliore le solde de 10,6 milliards d’euros.

 

Le tableau ci-dessous retrace les clés de passage entre le solde en comptabilité budgétaire et celui en comptabilité nationale.

Passage de la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

(en milliards d’euros)

 

2020

Solde d’exécution des lois de finances

 178,1

 Opérations budgétaires traitées en opérations financières

+ 7,2

 Corrections en droits constatés

+ 3,8

 Opérations non budgétaires affectant le besoin de financement

– 14,9

Déficit de l’État en comptabilité nationale

 182,0

Source : présent projet de loi de règlement.

b.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

Selon la comptabilité générale, le résultat patrimonial de l’État, qui est la somme de ses charges et de ses produits mesurés dans le compte de résultat, s’établit à – 165,6 milliards d’euros, soit un écart de 12,5 milliards d’euros avec le déficit budgétaire. Le solde patrimonial de l’État est donc meilleur que son solde budgétaire, ce qui s’explique par le fait que certaines dépenses constituent un investissement qui lui permettent d’acquérir un actif.

L’écart entre les deux soldes s’explique principalement, d’une part, par trois effets positifs :

– l’augmentation des immobilisations financières (18,7 milliards d’euros), certaines opérations présentant un caractère d’investissement à l’image du renforcement exceptionnel des capitaux propres des entreprises dans lesquelles l’État détient des participations ou encore les opérations de transformation du groupe SNCF en sociétés anonymes ([2]) ;

– l’effet de décalage dans la constatation des dépenses et des charges pour 10,1 milliards d’euros, avec certaines mesures d’urgence mises en œuvre sous la forme d’avances, à l’image de l’activité partielle, ainsi que la baisse des charges à payer au titre du CICE ;

– l’augmentation des immobilisations incorporelles, corporelles et stocks (5 milliards) et l’impact du décalage entre les produits et recettes (4 milliards).

 

 

Il s’explique, d’autre part, par deux effets négatifs :

– la progression des provisions pour risques et charges, avec un impact de – 11,3 milliards d’euros (provisions pour transfert au titre du fonds de solidarité, de l’activité partielle, des aides exceptionnelles aux publics fragiles, aux jeunes et aux collectivités territoriales et provisions pour appel en garantie au titre du PGE) ;

– l’incidence des opérations de trésorerie (– 13,9 milliards) sans impact sur le solde budgétaire avec notamment la reprise de la dette de SNCF Réseau pour 25 milliards d’euros, partiellement compensée par l’étalement des primes nettes de décotes sur OAT (+ 9,8 milliards).

Passage de la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

(en milliards d’euros)

 

2020

Solde d’exécution des lois de finances

 178,1

 Immobilisations financières

+ 18,7

 Décalage entre charges et dépenses

+ 10,1

 Immobilisation incorporelles, corporelles et stocks

+ 5

 Décalage produits et recettes

+ 4

 Provisions pour risques et charges

– 11,3

 Opérations de trésorerie et autres

– 13,9

Déficit de l’État en comptabilité nationale

 165,6

Source : présent projet de loi de règlement.

II.   Le DÉFICIT PUBLIC atteint un niveau inÉdit

A.   Évolution sur longue période

L’article liminaire du présent projet de loi de règlement établit le déficit public 2020 à 9,2 % du PIB, contre une prévision initiale de 3,2 %.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les soldes supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

– 3,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

– 2,6

– 3,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,6

– 3,0

– 2,3

– 3,1*

– 9,2

* Hors effet de bascule du CICE, le solde atteint – 2,2 % du PIB.

Source : Insee, base 2014, présent PLR.

L’année 1974 est la dernière pour laquelle le solde public a été exécuté à l’excédent. Les années 1993 et 2009 ont enregistré des pics de déficit, respectivement à 6,4 % et 7,2 % du PIB. Depuis, la France a connu neuf années consécutives de déficit supérieur à 3 % du PIB entre 2008 à 2016.

L’année 2017 avait marqué un retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis au Conseil de l’Union européenne de clôturer la procédure de déficit excessif, dont la France faisait l’objet, lors de sa réunion du 22 juin 2018.

Afin de faire face à la crise sanitaire qui s’est déclenchée en France en mars 2020, l’État a été contraint, de nouveau et à la faveur de l’assouplissement de l’encadrement budgétaire européen, de s’extraire des règles de Maastricht.

B.   Analyse du dÉficit public de 2020

Le solde public est déficitaire à hauteur de 9,2 % du PIB. Plus de la moitié de ce déficit est liée à sa composante conjoncturelle, qui atteint – 5,4 % du PIB. Les mesures ponctuelles et temporaires affectent pour leur part le solde à hauteur de – 2,9 % du PIB. Au final, la part structurelle du déficit serait très limitée, à – 0,9 % du PIB, et inférieure à celle exécutée en 2019 (2,0 %). Le choix du Gouvernement de comptabiliser l’essentiel des mesures d’urgence comme mesures ponctuelles et temporaires fausse néanmoins la lecture de l’évolution du solde structurel.

1.   Un déficit public très élevé, mais inférieur aux dernières prévisions

La LFI 2020 prévoyait un déficit public de 2,2 % du PIB. Le déclenchement de la crise sanitaire, les restrictions administratives et les mesures d’urgence ont rapidement conduit à une dégradation importante des prévisions de déficit sur l’année 2020.

La dernière prévision, associée à la LFR 4 pour 2020, prévoyait un solde public de – 11,3 % du PIB. La prudence de cette prévision est aujourd’hui démontrée eu égard aux résultats de l’exécution présentés avec le présent projet de loi de règlement.

L’amélioration du solde par rapport à cette dernière prévision est liée à la fois à une bonne tenue des recettes fiscales (voir fiche n° 2) et par des non-consommations importantes sur les crédits ouverts, qui ont fait l’objet de reports sur l’exercice 2021 (voir fiche n° 3).

Évolution du solde public en 2020

(en % du PIB)

Composantes

2020

LFI

2020

LFR 1

2020

LFR 2

2020
LFR 3

2020
PLF 2021

2020
PLFR 4

2020

Exécution

Solde effectif

 2,2

 3,9

 9,1*

– 11,5*

 10,2*

 11,3

 9,2

Solde structurel

– 2,2

– 2,2

– 2,0

– 2,2

– 1,2

– 0,6

– 0,9

Solde conjoncturel

+ 0,1

– 1,3

– 5,3

– 7

– 6,5

– 7,2

– 5,4

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,1

– 0,4

– 1,7

– 2,4

– 2,6

– 3,5

– 2,9

* Effet d’arrondi au dixième

Source : loi de finances initiale pour 2020, lois de finances rectificatives n° 1, 2, 3 et 4 et présent projet de loi de règlement

NB : Les données pour l’exécution 2020 sont celles du projet de loi de règlement, qui ne sont pas à jour de la révision des comptes nationaux 2020 par l’Insee (voir commentaire de l’article liminaire).

2.   Le déficit de l’État redevient inférieur au déficit public

Le déficit de l’État, qui est l’objet principal de la loi de règlement, n’est pas la seule composante du déficit public en comptabilité nationale : celle-ci prend en compte le solde de l’ensemble des administrations publiques, en y incluant celui des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.

En 2019, le déficit de l’État (3,5 % du PIB) était supérieur au déficit public (3,1 % du PIB). Les comptes des administrations sociales étaient en effet en excédent (+ 0,6 % du PIB), alors que ceux des administrations locales étaient équilibrés. La concentration du déficit public sur l’État s’était d’ailleurs accentuée ces dernières années, le déficit de l’État ayant été supérieur au déficit public pendant trois années consécutives. L’État finance en effet la plupart des politiques publiques du Gouvernement et compense largement celles dont le coût repose sur d’autres administrations publiques.

Les sous-secteurs d’administration publique connaissent une dégradation de leur solde en 2020, à l’exception des organismes divers d’administration centrale.

Solde public par sous-secteur d’administration publique

(en % de PIB)

 

2019

2020

Solde effectif toutes APU

 3,1

 9,2

Administrations publiques centrales

– 3,6

– 6,9

 dont État

– 3,5

– 7,9

 dont organismes divers d’administration centrale

– 0,1

+ 1,0

Administrations publiques locales

+ 0,0

– 0,2

Administrations de sécurité sociale

+ 0,6

– 2,1

Source : présent projet de loi de règlement.

Le déficit de l’État s’aggrave de 96,3 milliards d’euros. La sécurité sociale connaît également une détérioration marquée de ses comptes, avec un solde qui diminue de 62,8 milliards d’euros. Les administrations locales apparaissent moins affectées, leur déficit progressant de 3,1 milliards d’euros.

Solde public par sous-secteur d’administration publique

(en milliards d’euros)

 

2019

2020

Solde effectif toutes APU

 74,7

 211,5

Administrations publiques centrales

– 88,1

– 159

 dont État

– 85,7

– 182

 dont organismes divers d’administration centrale

– 2,4

+ 23,1

Administrations publiques locales

– 1,1

– 4,2

Administrations de sécurité sociale

+ 14,5

– 48,3

Source : présent projet de loi de règlement.

Les organismes divers d’administration centrale connaissent, à l’inverse, une amélioration marquée de leur solde de 25,5 milliards d’euros, en raison de la reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau auprès de la Caisse de la dette publique, enregistrée en dépense et qui améliore, à ce titre, le solde des ODAC. Au total, cette opération reste cependant neutre sur le déficit enregistré en comptabilité nationale.

Le mécanisme de reprise de dette de SNCF Réseau par l’État

La reprise de dette de SNCF Réseau par l’État, d’un montant de 25 milliards d’euros en 2020, a été réalisée en deux étapes :

– d’abord, SNCF Réseau et la Caisse de la dette publique (CDP) ont contracté des prêts croisés pour un montant de 25 milliards d’euros ;

– ensuite, l’État s’est substitué à SNCF Réseau comme débiteur de la CDP.

Au total, l’État s’est donc endetté de 25 milliards d’euros vis-à-vis de la CDP alors que, dans le même temps, SNCF Réseau a bénéficié d’une créance de 25 milliards d’euros sur la CDP. SNCF Réseau et la CDP appartenant tous deux au sous-secteur des ODAC, la dette du sous-secteur n’est pas affectée mais son actif envers l’État augmente de 25 milliards d’euros.

Source : Comptes nationaux des administrations publiques, année 2020, complément à l’Informations rapides n° 082 du 26 mars 2021.

Au-delà du seul budget de l’État, la crise a donc contribué à une dégradation massive de l’ensemble des comptes publics.

C.   UNE DECOMPOSITION DU DEFICIT PUBLIC DIFFICILE A INTERPRETER

Contrairement à la tendance observée jusqu’en 2020, l’essentiel du déficit exécuté repose sur sa composante conjoncturelle. Les choix de comptabilisation des dépenses d’urgence par le Gouvernement ont néanmoins pesé sur le calcul du déficit pour 2020.

1.   Les notions de déficit structurel et conjoncturel

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Autrement dit, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La composante structurelle a donc fait l’objet d’un encadrement renforcé, dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période de reprise de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([3]). Ce volet préventif prévoit ainsi que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette publique d’un État membre est supérieure à 60 % de son PIB).

Les modalités de calcul des différentes composantes du déficit sont complexes mais dépendent essentiellement de la notion d’écart de production, c’est-à-dire de la différence entre la production effective et la production potentielle.

Méthode de calcul des composantes structurelle et conjoncturelle du déficit public

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit public fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » (1).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 au rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB serait, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigée des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser l’écart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

() Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses de croissance potentielle et d’écarts de production qui ont été fixées par la LPFP pour les années 2018 à 2022. Ces hypothèses avaient été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis portant sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([4]).


HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Croissance potentielle (LPFP)

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB (LPFP)

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Croissance potentielle (Pstab)

1,25

1,25

– 0,3

0,6

1,35

1,35

1,35

Écart de production en % du PIB (Pstab)

– 7,7

– 3,7

– 1,1

– 0,2

0

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2025

2026

2027

 

 

 

 

Croissance potentielle (Pstab)

1,35

1,35

1,35

 

 

 

 

Écart de production en % du PIB (Pstab)

0

0

0

 

 

 

 

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et programme de stabilité 2021-2027, avril 2021.

Ces hypothèses ont été révisées au sein du rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances pour 2021, sans avoir de valeur juridique néanmoins. Le programme de stabilité 2021-2027, présenté en avril 2021, reprend ces nouvelles hypothèses qui traduisent une dégradation de la croissance potentielle en France du fait de la crise.

Le Haut conseil des finances publiques estime ([5]) que les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production du Gouvernement en 2021 et 2022 sont plausibles mais que le retour, en 2023, à la croissance potentielle d’avant-crise est optimiste. Par ailleurs, la fermeture de l’écart de production, prévue à partir de 2024, est entourée d’aléas importants. De façon globale, le Haut Conseil considère que la réalisation de la trajectoire présentée suppose la matérialisation d’un scénario de croissance et d’inflation jugé favorable, ainsi que la poursuite dans la durée d’un ajustement structurel au moins égal à celui inscrit dans le programme de stabilité, sans qu’il soit documenté néanmoins.

2.   La composante conjoncturelle porte plus de la moitié du déficit public

L’article liminaire fixe la décomposition du solde public en pourcentage de PIB de la manière suivante : – 5,4 % de déficit conjoncturel, – 0,9 % pour la composante structurelle et – 2,9 % traduisant les mesures ponctuelles et temporaires.


a.   L’évolution du solde structurel n’est pas significative

L’exécution présentée au sein de l’article liminaire du présent projet de loi de règlement indique une amélioration du solde structurel entre 2019 et 2020, celui‑ci passant de – 2,2 % à – 0,9 % du PIB. Ces données ne sont néanmoins pas à jour de l’actualisation des comptes nationaux 2020 par l’Insee, publiées le 28 mai 2021 (voir le commentaire de l’article liminaire). 

Cette évolution ne doit, cependant, pas être considérée comme significative, comme l’a indiqué le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2021 ([6]) et ainsi qu’il l’a rappelé depuis. En effet, le Gouvernement a fait le choix de comptabiliser les mesures d’urgence comme ponctuelles et temporaires, ce qui les sort du calcul du solde structurel.

Par ailleurs, le solde structurel se calcule en pourcentage de PIB potentiel, c’est-à-dire une grandeur normalement indépendante de la conjoncture. L’hypothèse de PIB potentiel retenue reste donc celle de la dernière loi de programmation des finances publiques, avec une croissance du PIB potentiel de + 1,25 % en 2020 alors même que le PIB effectif se contracte de 8,2 % sur l’année. L’hypothèse selon laquelle le potentiel de croissance de l’économie française ne serait pas affecté par la crise apparaît, à ce titre, discutable.

Enfin, les prélèvements obligatoires se sont révélés résilients à l’activité, avec une élasticité inférieure à l’unité alors qu’ils évoluent, en temps normal, à un niveau comparable à celui du PIB. Cet effet entraîne une amélioration du solde structurel de 0,6 point en 2020.

Le HCFP a d’ailleurs cherché à évaluer le surcroît de prélèvements obligatoires résultant, en 2020, des six principales mesures exceptionnelles de soutien aux ménages et aux entreprises. Au total, la hausse directe et indirecte des PO liée à ces mesures se situerait entre 10,7 milliards et 18,8 milliards d’euros, soit de 18 % à 33 % du coût brut de ces mesures de soutien ([7]).

Aussi, le double effet de la neutralisation des mesures d’urgence et de la résilience des prélèvements obligatoires au numérateur couplé à l’absence de baisse – et même la progression – du PIB potentiel au dénominateur dans un contexte de contraction du PIB effectif fausse l’évolution du solde structurel en 2020. Une évolution inverse doit d’ailleurs être anticipée en 2021, par contrecoup d’un rebond de l’activité bien au-dessus de l’hypothèse de croissance potentielle de la LPFP.


b.   Les mesures d’urgence sont comptabilisées comme ponctuelles et temporaires

Ainsi qu’il a été souligné plus haut, les mesures d’urgence prises pour répondre à la crise sanitaire sont comptabilisées comme ponctuelles et temporaires.

La définition des mesures ponctuelles et temporaires

La Commission européenne a développé, dans le rapport Public Finance in the EMU 2015, une doctrine de classification pour les mesures ponctuelles et temporaires, reposant sur cinq principes :

– la mesure est intrinsèquement non-récurrente ;

– le caractère ponctuel et temporaire ne peut être décrété par la loi ou par une décision du Gouvernement, ce qui implique que la Commission ne se sent pas tenue par la caractérisation présentée ;

– les composantes volatiles des recettes et des dépenses ne doivent pas être considérées comme ponctuelles et temporaires ;

– les mesures discrétionnaires conduisant à creuser le déficit public ne sont pas, sauf exception, considérées comme ponctuelles et temporaires ;

– seules les mesures ayant un impact significatif, c’est-à-dire supérieur à 0,1 % du PIB, sur le solde public peuvent être traitées comme ponctuelles et temporaires.

En tout état de cause, la Commission adopte une approche au cas par cas et se réserve la décision de classer ou non une mesure donnée comme ponctuelle et temporaire.

Source : annexe II de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Au total, les mesures d’urgence adoptées en réponse à la crise sanitaire aggravent le déficit de 72,8 milliards d’euros. Diverses autres opérations, à la fois en dépense et en recettes, portent le total des mesures ponctuelles et temporaires à 73,6 milliards d’euros, soit – 2,9 % du PIB potentiel.

c.   Le déficit conjoncturel est fortement creusé

Alors que, en 2019, le déficit conjoncturel était nul, traduisant la fermeture de l’écart de production et l’atteinte du PIB potentiel, cette composante se rouvre brutalement en 2020 pour atteindre – 5,4 %. La dégradation du solde conjoncturel est logique en temps de crise car la production se contracte fortement et le PIB effectif s’établit bien en dessous de son niveau potentiel.

Les prévisions associées au programme de stabilité prévoient néanmoins une fermeture rapide de l’écart de production, qui serait nul à partir de 2024.

3.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques : une présentation faussée du déficit structurel

Le Haut Conseil des finances publiques a constaté, dès son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 ([8]), que la crise sanitaire avait conduit à des évolutions hors normes des finances publiques et que, de ce fait, les « circonstances exceptionnelles » prévues par l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) étaient réunies. La loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, qui sert habituellement de référence au Haut conseil, a par la suite, été considérée comme caduque ([9]).

Trajectoire de la LPFP 2018-2022 et exécution

(en % de PIB)

 

2018

2019

2020

LPFP

Exécution

LPFP

Exécution

LPFP

Exécution

Solde effectif

 2,8

 2,5

 2,9

 3,0

 1,5

 9,2

Solde structurel

– 2,1

– 2,3

– 1,9

– 2,2

– 1,6

– 0,9

Solde conjoncturel

– 0,4

0

– 0,1

+ 0,2

+ 0,1

– 5,4

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,2

– 0,2

– 0,9

– 1,0

+ 0,0

– 2,9

Source : LPFP 2018-2022 et présent projet de loi de règlement.

NB : Les données pour l’exécution 2020 sont celles du projet de loi de règlement, qui ne sont pas à jour de la révision des comptes nationaux 2020 par l’Insee (voir commentaire de l’article liminaire).

L’évolution du solde structurel n’est pas significative, ainsi qu’il a été rappelé plus haut. De plus, le HCFP considère que le choix du Gouvernement de classer l’essentiel des mesures de soutien en mesures ponctuelles et temporaires, sans impact sur le solde structurel, est discutable pour trois raisons principales :

– certaines mesures, comme le chômage partiel, viennent se substituer en partie à des dépenses d’indemnisation du chômage, normalement prises en compte dans le calcul du solde conjoncturel ;

– le Gouvernement ne tient pas compte du fait que certaines dépenses publiques de fonctionnement et d’investissement n’ont pas pu être effectuées en raison des restrictions sanitaires et améliorent le solde public ;

– la reconduction de nombreuses mesures de soutien relativise leur caractère ponctuel et temporaire en 2020.

À cette surestimation des facteurs ponctuels et temporaires s’ajoute, comme rappelé plus haut, l’effet trompeur de l’évolution du PIB potentiel, qui reste calculé selon des hypothèses désormais caduques.

Néanmoins, le solde structurel présenté (– 0,9 %) étant inférieur à celui prévu en LPFP (– 2,3 %), le HCFP n’est pas amené à déclencher le mécanisme de correction, sans qu’il y ait besoin d’invoquer les circonstances exceptionnelles.

Loi organique n°2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation
et à la gouvernance des finances publiques (extraits)

I. ― En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.

Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.

Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen du projet de loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.

II. ― Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.

III.   le dÉficit budgÉtaire de l’État porte toujours l’essentiel du dÉficit public

Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 178,1 milliards d’euros, en augmentation de 85,4 milliards d’euros par rapport à 2019.

Le dÉficit budgÉtaire de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

– 138,0

– 113,8*

– 90,7

– 87,2

– 74,9

– 73,6*

– 70,5

– 69,1

– 67,7

– 76,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

– 92,7

– 178,1

 

 

 

 

 

 

 

 

* hors programmes d’investissements d’avenir (PIA).

Source : lois de règlement de 2009 à 2019, présent projet de loi de règlement.


A.   Formation du solde budgÉtaire 2020

Le tableau d’équilibre ci-dessous permet de détailler la formation du solde budgétaire et son évolution.

Évolution du solde budgétaire

(en millions d’euros)

 

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Recettes fiscales nettes

281,3

293,0

256,0

Recettes non fiscales

14,0

14,4

14,8

à déduire : PSR (UE)

– 21,0

– 21,5

– 23,7

à déduire : PSR (CT)

– 40,9

– 41,2

– 42,0

Fonds de concours et attribution de produits

5,8

6,0

12,0

Recettes nettes

239,2

250,7

217,0*

Dépenses nettes

336,1

343,7

389,7

Solde du budget général

 96,9

 93,1

 172,7

Solde des budgets annexes

0,2

0,0

0,0

Solde des comptes spéciaux

4,1

– 0,1

– 5,4

Solde budgétaire de l’État

 92,7*

 93,1*

 178,1

* Effet d’arrondi au dixième.

Lecture : Les prélèvements sur recettes sont traités en dépenses supplémentaires et non en moindres recettes, contrairement à l’usage retenu par les documents budgétaires et la Cour des comptes.

Source : Cour des comptes, RBDE 2020.

Le niveau du déficit budgétaire en 2020 résulte, in fine :

– de dépenses nettes du budget général qui se sont élevées à 455,4 milliards d’euros, en y incluant les prélèvements sur recettes (voir fiche 3) ;

– de recettes nettes du budget général qui ressortent à 282,8 milliards d’euros, une fois neutralisé l’effet des prélèvements sur recettes (voir fiche 2), en intégrant les recettes de fonds de concours ;

– et du solde des budgets annexes et comptes spéciaux qui s’établit à – 5,4 milliards d’euros.


B.   Analyse d’exÉcution À exÉcution

Le déficit budgétaire s’établit à 178,1 milliards d’euros en 2020, en augmentation de 85,4 milliards par rapport à l’année 2019, où il atteignait 92,7 milliards d’euros.

passage du solde 2019 au solde 2020

(en milliards d’euros)

 

2019

Variation

2020

 

2019

Variation

2020

Dépenses du budget général (I)

398

+ 57,4

455,4

Recettes du budget général (II)

301,1

 18,3

282,8

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

330,3

+ 51,5

381,8

Recettes fiscales nettes

281,3

– 25,3

256,0

Fonds de concours et attribution de produits

5,8

+ 2,1

7,9

Fonds de concours et attribution de produits

5,8

+ 6,2

12,0

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

21,0

+ 2,7

23,7

Recettes non fiscales

14,0

+ 0,8

14,8

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

40,9

+ 1,1

42,0

Soldes des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

4,3

 9,7

 5,4

Déficit à financer

(II – I + III)

92,7

+ 85,4

178,1

En raison d’effets d’arrondis au dixième, la somme des chiffres présentés peut ne pas correspondre au résultat de cette somme.

Lecture : Les prélèvements sur recettes sont traités en dépenses supplémentaires et non en moindres recettes, contrairement à l’usage retenu par les documents budgétaires et la Cour des comptes.

Source : loi de règlement pour 2019 et présent projet de loi de règlement.

Au niveau de l’État, ce déficit a donc presque doublé en un an (+ 92 %).

Cela s’explique à la fois par une progression des dépenses du budget général de 57,4 milliards d’euros, soit plus des deux tiers de la hausse, et par une baisse de ses recettes de 18,3 milliards d’euros. La dégradation du solde des budgets annexes et comptes spéciaux explique le reste de l’augmentation du déficit, avec 9,7 milliards d’euros.

La prise en compte des fonds de concours en 2020

La présentation des fonds de concours suit celle retenue par la Cour des comptes. Habituellement, les recettes de fonds de concours sont considérées comme équivalentes aux sommes consommées – les fonds de concours n’ont donc pas d’effet sur le solde. La Cour souligne néanmoins que les 4,05 milliards d’euros versés par le CAS Participations financières de l’État à la SNCF ont été rattachés au budget général, afin d’être rétrocédé à SNCF Réseau dans un second temps. Or, cette rétrocession se traduira par une consommation de l’enveloppe entre 2021 et 2023 ; elle n’a donc pas d’impact sur l’exécution 2020. Dès lors, le montant de fonds de concours consommé (7,9 milliards d’euros) est moins élevé que les recettes de fonds de concours (12 milliards). Cette situation a donc un impact sur le solde 2020.

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2020, avril 2021.

C.   Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

L’écart à la prévision de LFI atteint, en exécution, 85 milliards d’euros, en raison de dépenses supplémentaires pour 49 milliards, de moindres recettes pour 30,6 milliards et de la dégradation du solde des comptes spéciaux pour 5,3 milliards d’euros.

passage du solde LFI 2020 au solde constaté en 2020

(en milliards d’euros)

 

LFI

Variation

LR

 

LFI

Variation

LR

Dépenses du budget général (I)

406,4

+ 49

455,4

Recettes du budget général (II)

313,4

 30,6

282,8

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

337,7

+ 44,1

381,8

Recettes fiscales nettes

293,0

 37

256,0

Fonds de concours et attribution de produits

6,0

+ 1,9

7,9

Fonds de concours et attribution de produits

6,0

+ 6

12,0

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

21,5

+ 2,2

23,7

Recettes non fiscales

14,4

+ 0,4

14,8

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

41,2

+ 0,8

42,0

Soldes des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

 0,1

 5,3

 5,4

Déficit à financer

(II – I + III)

93,1

+ 85

178,1

En raison d’effets d’arrondis au dixième, la somme des chiffres présentés peut ne pas correspondre au résultat de cette somme.

Lecture : Les prélèvements sur recettes sont traités en dépenses supplémentaires et non en moindres recettes, contrairement à l’usage retenu par les documents budgétaires et la Cour des comptes.

Source : présent projet de loi de règlement.

*

*     *

 

 


—  1  —

   fiche 2 : Les recettes de l’État En 2020

Les recettes du budget général de l’État, très affectées par la crise économique et sanitaire en 2020, diminuent de 24,5 milliards d’euros par rapport à 2019.

L’essentiel de cette baisse provient d’une contraction de la TVA (– 15,2 milliards d’euros), des impôts sur le capital et des autres recettes fiscales (– 10,8 milliards) et de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (– 4,5 milliards). À l’inverse, le rendement de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés progresse.

Ces chiffres ne reflètent pas, néanmoins, l’impact réel de la crise. L’écart à la prévision de loi de finances initiale pour 2020 rend mieux compte de cet impact, avec une forte contraction des recettes de l’impôt sur les sociétés (– 11,9 milliards), de la TICPE (– 5,7 milliards) et des autres recettes fiscales (– 5,8 milliards).

En revanche, le rendement définitif des recettes fiscales est plus élevé de 6,7 milliards d’euros que les dernières prévisions associées à la quatrième loi de finances rectificative pour 2020.

Les recettes non fiscales se sont élevées à 14,8 milliards d’euros en 2020, en faible progression par rapport à 2019 (14 milliards d’euros).

Recettes nettes du budget gÉnÉral de l’État en 2020

(en milliards d’euros)

Recettes du budget général de l’État

hors fonds de concours

Exécution 2020

Écart à 2019

Écart aux prévisions

LFI 2020

LFR 4 2020

Total

270,8

 24,5

 36,6

+ 5,2

dont impôt sur le revenu (IR)

74,0

+ 2,3

– 1,5

+ 0,8

dont impôt sur les sociétés (IS)

36,3

+ 2,9

– 11,9

+ 3,6

dont taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

113,8

– 15,2

– 12,2

+ 1,7

dont taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

6,9

– 4,5

– 5,7

+ 0,5

dont autres recettes fiscales

25

– 10,8

– 5,8

+ 0,1

Sous-total recettes fiscales nettes

256,0

 25,3

 37

+ 6,7

dont recettes non fiscales

14,8

+ 0,8

+ 0,4

– 1,5

Source : présent projet de loi de règlement.


I.   Les recettes fiscales de l’État

Les 256 milliards d’euros de recettes fiscales nettes représentent la moitié des ressources de l’État, l’autre moitié étant constituée des émissions de dette pour 260 milliards d’euros.

A.   Montant global

Recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

260,0

214,3

237,0*

255,0

268,4

284,0

274,3

280,1

284,1

295,6

295,4

281,3

256,0

* Le montant de l’année 2010 n’inclut pas le rendement de 16,6 milliards d’euros des impôts locaux affectés transitoirement à l’État cette année-là.

Source : commission des finances.

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général ([10]).

Remboursements et dégrèvements

En 2020, le montant des recettes fiscales brutes du budget général a été de 407 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements se sont élevés à 151 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général se sont établies à 256 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de « trop-versé » lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements intervenus en 2020 se décomposent ainsi :

– 85,1 milliards au titre de la mécanique de certains impôts, dont 60 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 13,4 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 23,5 milliards d’euros au titre du soutien à des politiques publiques via des remboursements de crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 19,5 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

– et 22,9 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

B.   Plusieurs Retraitements sont nÉcessaires pour L’analyse Économique des recettes fiscales de l’État

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État.

Le montant de 256 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 1er du présent projet de loi de règlement. Cette présentation budgétaire est toutefois incomplète, pour deux raisons :

– la présentation budgétaire déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux ;

– la présentation budgétaire écarte les recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État.

Concernant les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, la Cour des comptes a renouvelé une recommandation récurrente pour que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de l’État ([11]). En effet, ceux-ci n’ont pas de rapport avec la mécanique des impôts d’État : il n’est donc pas logique de les soustraire du rendement brut des impôts d’État. Les dégrèvements et remboursements des impôts locaux devraient, dès lors, figurer en dépenses.

Cette observation de la Cour des comptes est d’autant plus pertinente que les dégrèvements des impôts locaux ont eu tendance à croître ces dernières années sous l’effet de plusieurs réformes. Cette tendance se poursuit avec la montée en puissance du dégrèvement sur la taxe d’habitation (TH) pour les résidences principales résultant de sa suppression par étapes pour 80 % des ménages : les remboursements et dégrèvements de TH avaient augmenté de 3,9 milliards d’euros en 2019 pour atteindre 10,6 milliards d’euros, avant de progresser du même montant en 2020 pour atteindre 14,5 milliards d’euros.

Au total, le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux s’élève à 22,9 milliards d’euros, après 18,9 milliards d’euros en 2019.

Concernant la fiscalité affectée aux comptes spéciaux et budgets annexes, l’omission de cette fraction de la fiscalité est regrettable compte tenu de l’importance qu’ont pris certains de ces impôts dans la période récente, en particulier la TICPE affectée au compte d’affectation spéciale (CAS) Transition énergétique.


Ainsi, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État s’est élevé à 7,7 milliards d’euros en 2020 ([12]), en baisse par rapport à 2019 (10,3 milliards d’euros). Cette baisse intervient dans un contexte de recentralisation de certaines dépenses au sein du budget de l’État, avec la suppression des comptes d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres et Financement du développement et de la modernisation de l’apprentissage. La disparition du CAS Transition énergétique en 2021 contribuera également à atténuer cet effet.

Impôts affectÉs À des budgets annexes et comptes spÉciaux de l’État

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte d’affectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2020

BA

Contrôle et exploitation aériens

Taxe de l’aviation civile

124,2

Frais d’assiette et recouvrement sur taxes perçues pour le compte de tiers

2,1

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

139,4

CAS

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

375,5

CAS

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Contribution de solidarité territoriale

16,1

Taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires

226,0

Fraction de la taxe d’aménagement du territoire

70,7

CAS

Transition énergétique

Fraction de la taxe intérieure sur les produits énergétiques

6 753,7

Fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes

1,0

Total

7 708,7

Source : Annexe « Développement des opérations constatées aux comptes spéciaux et aux budgets annexes » du présent projet de loi de règlement.

Au total, si l’on réintègre les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (7,7 milliards d’euros) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (22,9 milliards d’euros), le montant réel des recettes fiscales nettes de l’État ne serait donc pas de 256 milliards d’euros mais de 286,6 milliards.

Dans l’analyse qui suit, et pour plus de clarté, la présentation budgétaire du projet de loi de règlement est néanmoins retenue.

C.   Examen gÉnÉral des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont analysées par rapport à l’exécution constatée en 2019 ainsi que par rapport aux prévisions de la LFI et de la quatrième LFR de l’année 2020.

1.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État diminuent de 25,3 milliards d’euros par rapport à 2019, passant de 281,3 milliards d’euros à 256,0 milliards d’euros. En 2020, comme depuis 2017, les recettes fiscales diminuent.

Évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral

(en milliards d’euros)

Exécution

2019

Évolution

spontanée

Mesures fiscales nouvelles

Mesures
de périmètre

Exécution

2020

281,3

– 23,0

+ 5,7

– 8

256,0

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, mai 2021.

L’évolution d’une année sur l’autre des recettes fiscales dépend de trois facteurs : l’évolution spontanée, les mesures fiscales nouvelles et les mesures de périmètre et de transfert.

L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre, l’évolution spontanée d’un impôt est de 2 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 102 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Les mesures fiscales

Les mesures fiscales sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances. Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures fiscales ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures fiscales permet de mesurer l’impact des réformes décidées par le Parlement. Par exemple, si du fait des mesures fiscales le rendement d’un impôt augmente de 3 et que celui-ci bénéficie par ailleurs d’une évolution spontanée de 2 %, son rendement passera de 100 à 105. L’impact des mesures fiscales dans la hausse n’est alors que de 3 sur 5.

Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

a.   La crise économie entraîne une contraction importante des recettes fiscales

Avec un repli spontané de 23 milliards d’euros représentant 8,2 % des recettes fiscales de 2019, les recettes ont diminué, en 2020, plus fortement que le PIB, qui a subi un recul de 6,1 % en valeur (8,2 % de récession économique, partiellement compensée par une mesure d’évolution des prix, dit déflateur du PIB, de 2,1 %).

Cela correspond à une élasticité (1,3) bien plus faible en 2020 que celle observée en 2009 (3,4) malgré une baisse de PIB plus marquée (– 2,8 % en 2009) : le rendement des impôts a donc été relativement robuste en 2020.

Notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait cru en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance l’élasticité a tendance à être inférieure ou égale à 1, voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

Il s’agit de la cinquième année consécutive durant laquelle l’élasticité des recettes fiscales est supérieure à l’unité.

ÉlasticitÉ des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État
sur la pÉriode 2008-2020

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

+ 1,0

+ 4,5

+ 1,6

+ 1,6

– 0,2

– 0,6

– 0,4

+ 0,9

+ 1,2

+1,8

+1,8

+ 1,1

+ 1,3

Source : commission des finances.

b.   Les mesures fiscales nouvelles en 2020

Les mesures fiscales nouvelles se traduisent par un surcroît total de recettes de 5,7 milliards d’euros, résultant d’une hausse de 18,5 milliards d’euros partiellement compensée par une baisse de 14,7 milliards d’euros et de deux mesures ponctuelles, détaillées plus loin, dont le solde atteint + 1,9 milliard d’euros.

La hausse des recettes fiscales est liée à trois effets principaux. Près de 60 % de cette hausse provient du contrecoup de la suppression du CICE sur les recettes d’impôt sur les sociétés – et, de façon plus marginale, d’impôt sur le revenu.

L’effet retour des allègements de cotisations sociales sur les recettes d’IS est également important, à 5,9 milliards d’euros. En effet, la diminution des cotisations salariales augmente l’assiette taxable à l’IS et à l’IR ce qui, à taux inchangé, permet d’augmenter les recettes fiscales.

Enfin, l’instauration du prélèvement à la source a permis de consolider les recettes d’impôt sur les revenus, avec 1,5 milliard d’euros supplémentaires.

À l’inverse, de nombreuses mesures diminuent les recettes fiscales, traduisant les dispositions destinées à alléger les prélèvements obligatoires sur les entreprises et les ménages, pour un total de 14,7 milliards d’euros :

– la réforme du barème de l’impôt sur le revenu (– 5 milliards d’euros) ;

– la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation (– 3,7 milliards) ;

– la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (– 2,5 milliards) ;

– le contrecoup du renforcement du cinquième acompte en 2019 qui aurait un impact de – 1,5 milliard ;

– la défiscalisation des heures supplémentaires (– 0,8 milliard) ;

– l’effet retour sur l’IR du transfert entre cotisation et CSG (– 0,3 milliard) ;

– les mesures sur la TVA en faveur des bailleurs sociaux (– 0,3 milliard) ;

– l’avancement du remboursement de TICPE pour les transporteurs routiers (– 0,3 milliard) ;

– la réforme des crédits de paiement sur les droits de succession (– 0,3 milliard).


c.   Des mesures de périmètre et de transfert significatives

L’exercice 2019 avait été marqué par une mesure de périmètre significative : le transfert aux administrations de sécurité sociale d’un montant de 31,2 milliards d’euros de recettes de TVA, se traduisant donc par une perte de recettes équivalente pour le budget de l’État.

En 2020, deux mesures de périmètre contribuent à diminuer les recettes fiscales de l’État, avec un nouveau transfert de TVA à la sécurité sociale de 6,6 milliards d’euros et un transfert de 2,2 milliards de TICPE aux collectivités, au CAS Transition énergétique et à l’AFITF.

À l’inverse, la budgétisation de la taxe additionnelle à l’immatriculation augmente les recettes fiscales perçues par l’État de 0,6 milliard d’euros.

En dernier lieu, deux mesures ponctuelles ont un effet opposé sur le niveau des recettes : le contrecoup du décalage comptable lié au prélèvement à la source (+ 5,1 milliards d’euros) et l’impact des contentieux de série, qui diminuent les recettes nettes de 3,2 milliards.

Au total, les mesures nouvelles de périmètre ont un impact de – 8 milliards d’euros sur les recettes fiscales, partiellement compensé par les mesures nouvelles (+ 5,7 milliards). Le solde des mesures nouvelles et de périmètre ressort donc à – 2,4 milliards d’euros.

2.   Analyse par rapport à la prévision

L’exécution des recettes fiscales se situe, en 2020, nettement en dessous de son niveau prévu en loi de finances initiale. Cet écart, logique au regard de l’ampleur de la crise et de son effet sur la production nationale, atteint 37 milliards d’euros. Il convient néanmoins de remarquer que la dernière loi de finances rectificatives avait adopté des prévisions prudentes de sorte que, en loi de règlement, les recettes sont finalement plus élevées de 6,7 milliards d’euros.

Écart des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral 2020
par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2020

 

 

LFI 2020

LFR 4 2020

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 4

256,0

293,0

249,2

– 37,0

+ 6,7*

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2020 et présent projet de loi de règlement.

Les principaux écarts par rapport à la prévision initiale se situent au niveau de l’impôt sur les sociétés, dont les recettes atteignent 75 % de leur niveau prévu, et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), exécutée à 55 % de la prévision initiale.


Taux d’exÉcution par impÔt

(en milliards d’euros et en pourcentage de la prévision de LFI)

Recette fiscale

Écart en milliards d’euros

Taux d’exécution de la prévision de la LFI

Impôt net sur le revenu

– 1,5

98 %

Impôt net sur les sociétés

– 11,9

75 %

TICPE

– 5,7

55 %

Taxe sur la valeur ajoutée nette

– 12,2

90 %

Autres recettes fiscales nettes

– 5,8

81 %

Total des recettes fiscales nettes

 37

87 %

Source : présent projet de loi de règlement.

Au sein des autres recettes fiscales nettes, l’imposition du capital a été un peu moins affectée par la récession économique (– 5,8 milliards, soit 81 % de la prévision de LFI). En particulier, les retenues à la source et prélèvements sur revenus de capital mobiliers ainsi que les prélèvements sur les bons anonymes sont inférieurs de 1,7 milliard d’euros aux prévisions.

D’autres recettes ont été particulièrement robustes, à l’image de l’impôt sur le revenu, exécuté à un niveau très proche de la prévision. La préservation des revenus des Français au cours de la crise, grâce aux mesures d’urgence, a été retrouvée dans le rendement de l’impôt sur le revenu en 2020.

D.   Examen impÔt par impÔt

Les quatre principaux impôts (TVA, IR, IS, TICPE) représentent à eux seuls un rendement net de 231 milliards d’euros, soit 90 % des recettes fiscales nettes du budget général de l’État.

Ces différents impôts sont présentés ci-après par ordre d’importance sur le plan du rendement budgétaire. Comme précédemment pour l’ensemble des recettes fiscales, le rendement de chaque impôt pour 2020 est analysé par rapport à l’exécution constatée en 2019 ainsi que par rapport aux prévisions des lois de finances relatives à l’année 2020.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée

La TVA est un impôt d’État partagé avec la sécurité sociale et les régions. Elle joue de façon croissante un rôle de variable d’ajustement dans les transferts entre l’État et les autres administrations publiques.

Rendement net de la TVA depuis 2011

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

État

131,9

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

Sécurité sociale

10,1

10,6

9,2

12,7

11,8

11,2

11,5

10,3

41,5

45,4

Régions

4,2

4,3

4,0

Total

142,0

144,0

145,5

151,0

153,6

155,6

163,9

171,2

174,7

163,2

Source : Conseil des prélèvements obligatoires et présent projet de loi de règlement.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes de TVA affectées à l’État sont en baisse de 15,2 milliards d’euros par rapport à 2019.

L’effet de la crise, mais également des mesures nouvelles et de transfert expliquent cette évolution. Le repli spontané de l’impôt atteint 8,4 milliards d’euros, (– 6,5 %), soit une baisse relative proche de celle du PIB en 2020 (– 6,1 % en valeur). Un nouveau transfert de TVA à la sécurité sociale explique également la baisse du rendement pour l’État en 2020.

Des recettes nettes de TVA 2018 aux recettes nettes de tva 2020 (part État)

(en milliards d’euros)

Exécution

2019

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Mesures

de périmètre

Exécution

2020

129,0

– 8,4

– 0,2

– 6,6

113,8

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, avril 2021 et exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

La mesure nouvelle diminuant les recettes de TVA est celle relative à l’abaissement du taux de 10 % à 5,5 % au bénéfice des bailleurs sociaux.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Les recettes de taxe sur la valeur ajoutée ont atteint 90 % de leur niveau prévu. La baisse du produit net de TVA s’explique à la fois par la baisse du produit brut collecté du fait de la contraction de l’activité et par la hausse des remboursements et dégrèvements. Cette hausse des remboursements et dégrèvements provient notamment de la préférence des entreprises, dans le contexte de crise, pour le remboursement immédiat de leurs créances plutôt que l’imputation sur la TVA à venir. L’accélération du traitement des crédits de TVA par les services de la DGFiP, qui a allégé les contrôles préalables, explique également la hausse des remboursements observée en 2020.

Écart des recettes nettes de TVA 2020 par rapport aux prÉvisions (PART État)

(en milliards d’euros)

Exécution 2020

 

 

LFI 2020

LFR 4 2020

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 4

113,8

126,0

112,0

– 12,2

+ 1,7*

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2020 et présent projet de loi de règlement.

2.   L’impôt sur le revenu

Contrairement à la TVA ou à la TICPE, l’IR est affecté intégralement à l’État. Son rendement a contribué à près de 29 % aux recettes fiscales nettes du budget général. Il a augmenté de près de 20 milliards d’euros en une décennie et malgré, la crise, progresse par rapport à 2019.

Rendement net de l’IR depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Rendement net

55,1

58,5

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

71,7

74

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes d’impôt sur le revenu ont bien résisté à la crise : les mesures d’urgence ont soutenu les salaires et préservé l’emploi. Aussi, le rendement de l’IR est en hausse de 2,3 milliards d’euros en 2020 pour atteindre 74 milliards d’euros. L’évolution spontanée positive (+ 1,0 milliard) s’ajoute à l’effet des mesures nouvelles (+ 1,3 milliard).

Les deux principales mesures affectant les recettes d’IR se compensent avec, d’une part, le décalage comptable lié au PAS qui a un effet positif de 5,1 milliards d’euros et, d’autre part, la réforme du barème de l’IR qui joue négativement à hauteur de 5,0 milliards d’euros. Concernant ce premier effet, la mise en œuvre du PAS entraînait, en 2019, la perception de l’impôt dû sur 11 des 12 mois de l’année, les recettes du mois de décembre 2019 étant perçues en janvier 2020. Cela avait entraîné, sur 2019, de moindres recettes à hauteur de 5,2 milliards d’euros.

Du reste, la mise en œuvre du PAS permet l’amélioration du taux de recouvrement de l’IR, avec un surcroît de recettes de 1,5 milliard d’euros en 2020. Deux autres effets augmentent les recettes de l’impôt sur l’année : la suppression du CICE (+ 0,6 milliard) et l’effet retour sur l’IR de la transformation du CICE en allègements de cotisations (+ 0,3 milliard). 

À l’inverse, la défiscalisation des heures supplémentaires (– 0,8 milliard), l’imposition des revenus au PFU (– 0,1 milliard) et des mesures diverses (– 0,3 milliard) entraînent une diminution du rendement de l’impôt.

L’effet comptable du décalage de perception des recettes du mois de décembre 2019 en janvier 2020 entraîne une évolution trompeuse du rendement de l’impôt. Aussi, en le neutralisant, les recettes d’IR seraient effectivement en baisse par rapport à 2019, pour atteindre 68,9 milliards d’euros.

Des recettes nettes d’IR 2019 aux recettes nettes d’IR 2020

(en milliards d’euros)

Exécution

2019

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2020

71,7

+ 1,0

+ 1,3

0

74,0

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, avril 2021.

Aucune mesure de périmètre ou de transfert n’est à signaler, l’IR demeurant affecté en totalité à l’État.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Le rendement effectif de l’IR en 2020 est moins élevé que la prévision de la LFI, mais se révèle plus robuste que les prévisions de la quatrième loi de finances rectificative.

L’écart à la LFI de – 1,5 milliard d’euros tient à la diminution des salaires avec la crise. La moins-value reste mesurée car le caractère contemporain de l’impôt n’est que partiel et les ménages ont moins recouru à la modulation des taux que prévu.

Écart des recettes nettes d’IR 2020 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2019

 

 

LFI 2019

LFR 4 2019

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 4

74,0

75,5

73,2

– 1,5

+ 0,8

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2020 et présent projet de loi de règlement.

3.   L’impôt sur les sociétés (IS)

Le rendement de l’IS a représenté plus de 13 % des recettes fiscales nettes du budget général de l’État. Il a diminué de près de 30 % en dix ans.

Rendement net de l’IS depuis 2010

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Rendement net

51,4

53,0

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

33,5

36,3

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Le rendement net de l’IS augmente de 1,8 milliard d’euros en 2020 pour s’établir à 36,3 milliards d’euros. Les effets de la suppression du CICE masquent cependant la forte diminution des recettes avec la crise.

Des recettes nettes d’IS 2019 aux recettes nettes d’IS 2020

(en milliards d’euros)

Exécution

2019

Évolution

spontanée

Mesures
fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2019

33,5

– 9,3

+ 12,2

0

36,3*

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, avril 2021.


Ainsi, bien que la contraction spontanée des recettes d’IS atteigne 28 %, soit un niveau près de quatre fois supérieur à celle du PIB (– 6,1 %), deux mesures nouvelles contrebalancent cet effet en majorant les recettes :

– la suppression du CICE en 2019 a majoré les recettes de 10,5 milliards ;

– le renforcement des allègements de cotisations sociales, en 2019 également, a élargi l’assiette de l’impôt et en a augmenté le rendement de 5,6 milliards.

Deux mesures jouent, à l’inverse, de façon négative sur le produit net de l’impôt : la poursuite de la baisse du taux d’imposition (– 2,5 milliards) et l’élargissement du cinquième acompte en 2019 qui a réduit le solde versé en 2020 (– 1,5 milliard).

À noter que ces mesures nouvelles contribuent à un niveau élevé du solde d’impôt sur les sociétés restant à verser (14,5 milliards d’euros en 2020, contre 9,9 milliards en 2019). Les encaissements de mars, juin et septembre s’établissent à des niveaux comparables à ceux de 2019 : les entreprises ont donc eu peu recours à la faculté de décaler le versement de l’acompte de mars au mois de juin. En revanche, les encaissements d’IS au titre de l’acompte de décembre 2020 sont significativement inférieurs à ceux de décembre 2019. Cela augmente donc mécaniquement le solde restant à verser en 2021 au titre de l’exercice 2020.

Cette présentation, retenue par la Cour des comptes, peut être interrogée car la pérennisation de cet acompte s’est en réalité traduite par un surcroît de recettes sur l’année 2019 de 1,5 milliard d’euros, surcroît qui aurait dû être enregistré dans le solde arrêté en 2020 si ce cinquième acompte n’avait pas été mis en place. Aussi, la pérennisation de ce cinquième versement en 2020 consolide ces recettes supplémentaires d’IS sur l’année, en « rapatriant » des recettes normalement enregistrées l’année suivante.

Les recettes d’IS ont, enfin, été affectées par la baisse de rendement du contrôle fiscal (– 2 milliards), une hausse des remboursements à la suite de contentieux (+ 1 milliard) et une plus forte utilisation du crédit d’impôt recherche (+ 1,1 milliard), qui aboutissent tous à une diminution du rendement de l’impôt.

Aucune mesure de périmètre ou de transfert n’est à signaler, l’IS demeurant affecté en totalité à l’État.


b.   Analyse de l’écart avec la prévision

La LFI pour 2020 prévoyait un rendement net d’IS de 48,2 milliards d’euros, en hausse importante par rapport au niveau atteint en 2019 (33,5 milliards). La trajectoire ascendante du rendement de l’IS, à la faveur de l’extinction des créances de CICE, a dès lors été percutée par la crise.

Écart des recettes nettes d’IS 2020 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2020

 

 

LFI 2020

LFR 4 2020

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 4

36,3

48,2

32,7

– 11,9

+ 3,6

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2020 et présent projet de loi de règlement.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Le produit de la TICPE est partagé entre le budget général de l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétences.

La loi de finances initiale pour 2020 prévoyait un rendement de TICPE (12,5 milliards d’euros) près de deux fois supérieur au niveau finalement exécuté (6,9 milliards d’euros).

a.   Analyse d’exécution à exécution

Le montant de la part du produit de TICPE revenant au budget général de l’État diminue de 4,5 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019. Cette baisse est due à une contraction spontanée (– 1,6 milliard d’euros) causée par les importantes mesures de restrictions de déplacement mises en place au cours de l’année, mais surtout à des mesures nouvelles, de périmètre et de transfert (– 2,6 milliards).

La contraction spontanée des recettes de TICPE atteint ainsi 14 %, soit plus de deux fois celle du PIB (6,1 % en valeur). Cette chute du produit net s’explique à la fois par le repli de l’impôt brut collecté par la direction générale des douanes et des droits indirects – particulièrement fort aux mois d’avril et de mai et, dans une moindre mesure, au dernier trimestre – et par une croissance des remboursements et dégrèvements. En effet, sur ce dernier point, le passage d’un versement semestriel à un versement trimestriel aux transporteurs a contribué à l’augmentation des remboursements de TICPE sur l’année (+ 0,3 milliard d’euros), en accélérant le calendrier de remboursement, qui diminuent d’autant les recettes nettes de l’impôt.

Par ailleurs, les recettes de TICPE sont affectées par d’importantes mesures de transfert aux administrations publiques locales au titre des garanties de recettes (– 0,7 milliard), au compte d’affectation spéciale Transition énergétique (– 1 milliard) et à l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France (– 0,6 milliard). Le solde des mesures de périmètre est calculé par convention afin de maintenir l’évolution spontanée de TICPE identique sur l’ensemble des sous-secteurs.

Des recettes nettes de TICPE 2019 aux recettes nettes de TICPE 2020

(en milliards d’euros)

Exécution

2019

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2020

11,3

– 1,6

– 0,2

– 2,6

6,9

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, avril 2021 et exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Le produit de la TICPE affecté au budget général de l’État en 2020 subit une forte contraction par rapport à la prévision initiale, mais se situe à un niveau plus élevé que prévu par la quatrième loi de finances rectificative.

Écart des recettes nettes de TICPE 2020 par rapport aux prévisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2020

 

 

LFI 2020

LFR 4 2020

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 4

6,9

12,5

6,4

– 5,7

+ 0,5

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2020 et présent projet de loi de règlement.

5.   Les impôts assis sur le capital

Les impôts assis sur le capital ont été relativement peu affectés par la crise.

Produit des impÔts assis sur le capital en 2020

(en milliards d’euros)

 

2019

2020

Évolution

Mds

%

Impôt sur la fortune immobilière

2,1

2,0

– 0,1

– 4,2 %

Prélèvement de solidarité

10,6

10,8

0,1

+ 1,2 %

Droits de donation

3,0

2,5

– 0,5

– 17,0 %

Droits de succession

12,3

12,6

0,3

+ 2,5 %

Total

28

27,9

– 0,1

– 0,4 %

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 : recettes fiscales de l’État, avril 2021.

Ainsi, le rendement de deux impositions a progressé (prélèvement de solidarité sur les revenus et plus-values du capital, droits de succession), alors que l’impôt sur la fortune immobilière n’a que peu varié et que les droits de donation ont baissé de façon relativement marquée.


II.   Les recettes non fiscales de l’État

Avec 14,8 milliards d’euros en 2020, les recettes non fiscales constituent une part non négligeable des recettes nettes du budget général de l’État (environ 5,5 %). Malgré la chute des dividendes versées par les entreprises dont l’État est actionnaire, elles progressent de 0,8 milliard d’euros par rapport à 2019. De façon plus surprenante, l’exécution est même supérieure de 0,4 milliard d’euros à la prévision de la loi de finance initiale.

Recettes non fiscales du budget gÉnÉral de l’État en 2020 par rapport À 2019 et aux prÉvisions de la loi de finances pour 2020

(en milliards d’euros)

Recettes non fiscales du budget général de l’État

Exécution

2020

Écart

à 2019

Écart

à la LFI

Total

14,8

+ 0,8

+ 0,4

Dividendes et recettes assimilées

4,5

– 1,2

– 1,6

Produits du domaine de l’État

1,5

+ 0,7

+ 0,1

Produits de la vente de biens et services

1,7

– 0,1

– 0,1

Remboursement des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

0,4

– 0,4

– 0,8

Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

5,0

+ 3,1

+ 3,5

Divers

1,7

– 1,3

– 0,6

Source : présent projet de loi de règlement et loi de finances pour 2020.

A.   Les dividendes et recettes assimilÉes

Les dividendes et recettes assimilées représentent un peu moins du tiers des recettes non fiscales du budget général de l’État avec 4,5 milliards d’euros en 2019. Ils ont néanmoins connu une forte baisse de 1,2 milliard d’euros par rapport à 2019, correspondant à une chute de – 21 %.  

Les dividendes sont affectés au budget général de l’État. En revanche, les opérations patrimoniales – c’est-à-dire essentiellement les ventes et les achats de titres, ainsi que l’affectation des produits de cession – relèvent du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Le dividende versé par la Banque de France (3,5 milliards d’euros) est à la fois supérieur au niveau de 2019 (3,2 milliards) et à celui de la prévision en LFI (2,2 milliards). Avec celui versé par la Caisse des dépôts et consignations (0,7 milliard d’euros, après 0,8 milliard d’euros en 2019), ils constituent les deux principales ressources de la catégorie.


La Caisse des dépôts verse également à l’État une contribution représentative de l’impôt sur les sociétés, qui atteint un niveau similaire à celui enregistré en 2019 (0,1 milliard d’euros). À noter que, en 2020, il n’y a pas eu de prélèvements sur les fonds d’épargne, alors que la loi de finances initiale prévoyait des recettes s’élevant à 0,4 milliard d’euros à ce titre. L’État a, en effet, souhaité que la Caisse puisse renforcer ses fonds propres dans le contexte de la crise sanitaire.

En outre, en 2020, seules 21 entreprises non financières ont versé 0,4 milliard d’euros de dividendes, contre 47 sociétés pour 1,7 milliard en 2019. Les principaux versements pour 2020 proviennent d’Orange (214 millions d’euros), Naval Group (76 millions d’euros) et la Française des jeux (18 millions d’euros).

B.   Les autres recettes non fiscales

1.   Les produits du domaine de l’État

Les produits du domaine de l’État se sont élevés à 1,5 milliard d’euros, soit 0,7 milliard d’euros de plus qu’en 2019.

L’augmentation observée provient de la hausse des recettes issues des redevances d’usage des fréquences radioélectriques (+ 0,4 milliard d’euros). L’attribution des fréquences 5G, qui doit rapporter 2,8 milliards d’euros, a permis un premier versement des opérateurs de 0,4 milliard d’euros, le solde devant être payé en 2021 et au cours des années suivantes.

L’autre poste majeur de recettes en matière de domaine de l’État était le règlement des « loyers budgétaires », à savoir les loyers versés par les administrations occupantes à l’État propriétaire (1 milliard d’euros en 2018). Cette méthode de comptabilisation, qui devait inciter à la rationalisation de l’utilisation du parc immobilier, a été abandonnée pour les ministères civils en 2019, d’où une baisse de cette recette de 0,9 milliard d’euros. En ce qui concerne le ministère des Armées, l’extinction du dispositif est intervenue en 2020, mettant fin à la perception du reliquat de 0,1 milliard.

2.   Les produits de la vente de biens et services

Les produits de la vente de biens et services ont diminué de 0,1 milliard d’euros en 2020, pour s’établir à 1,1 milliard d’euros. Il s’agit principalement des frais d’assiette et de recouvrement des impôts et taxes recouvrés par l’État pour le compte d’autres personnes morales, notamment les collectivités territoriales et l’Union européenne.

En outre, les ventes de quotas d’émissions de gaz à effet de serre sur le marché européen ont été très dynamiques en 2020, comme en 2019, et ont dépassé le plafond légal d’affectation à l’Agence nationale de l’habitat. Le reliquat de 0,3 milliard d’euros a été versé au budget général.

3.   Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières se sont élevés à 0,4 milliard d’euros, en baisse de 0,3 milliard d’euros en raison d’un plus faible niveau de remboursements de créances dans le cadre des PIA (– 0,2 milliard) et la baisse des remboursements des avances remboursables à l’aviation civile (– 0,1 milliard).

4.   Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite affectés au budget général de l’État se sont élevés à 5 milliards d’euros en 2019, soit une hausse de 3 milliards d’euros par rapport à 2019

Le dynamisme de ces recettes s’explique par des amendes importantes prononcées par les autorités de la concurrence, en hausse de 1,6 milliard par rapport à 2019 : amendes à l’encontre de plusieurs entreprises émettrices de titres-restaurants et de leur organisme commun (0,4 milliard) et du groupe Apple (1,2 milliard).

Le produit des autres amendes et condamnations pécuniaires est lui aussi en forte progression (+ 1,7 milliard d’euros), à la suite notamment d’un versement de 2,1 milliards d’euros par le constructeur aéronautique Airbus dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public. À l’inverse, de moindres recettes sont constatées sur les amendes forfaitaires de la circulation (– 0,2 milliard).

5.   Les recettes diverses

La rémunération de la garantie par l’État des prêts accordés par les établissements bancaires dans le cadre de la crise sanitaire (PGE) entraîne un surcroît de recettes de l’ordre de 0,3 milliard d’euros.

La restriction des déplacements internationaux entraîne également un niveau moins élevé de produits de chancellerie diplomatiques et consulaires (– 0,2 milliard d’euros).

Enfin, tant les reversements du compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur (– 0,4 milliard d’euros), que les rémunérations d’actifs dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir (– 0,1 milliard) sont en repli par rapport à 2019.

*

*     *

 

 


—  1  —

   Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

Les dépenses de l’État ont augmenté de 67,6 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 12,8 %) principalement en raison de la réponse apportée à la crise (I). Les normes de dépenses fixées en loi de finances initiale (LFI) n’ont pas pu être respectées (II). L’analyse des dépenses de l’État ne peut se réduire aux crédits budgétaires qui représentent moins de trois quarts de l’ensemble des moyens consacrés aux politiques publiques.

Évolution de l’exÉcution des crÉdits BUDGÉTAIRES DEPUIS 2017

(en millions d’euros et crédits de paiement)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution annuelle moyenne 2019-2017 (en %)

Exécution 2020

Évolution 2020-2019 (en %)

Budget général

326 775

329 722

336 069

+ 1,4

389 678

+ 16,0

Budget annexe

2 321

2 321

2 265

– 1,2

2 224

– 1,8

Comptes spéciaux

201 627

198 509

191 143

– 2,6

205 215

+ 7,4

Total

530 723

530 552

529 477

 0,1

597 117

+ 12,8

* hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : commission des finances d’après les projets de loi de règlement pour les années 2017 à 2020.

I.   une augmentation des dépenses de l’État dans un contexte de crise sanitaire

Les dépenses du budget général, hors mission Remboursements et dégrèvements, ont progressé de 53,6 milliards d’euros ([13]) en 2020 par rapport à 2019. Elles atteignent ainsi 389,7 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique principalement par les mesures de réponse à la crise sanitaires mais aussi par les moyens supplémentaires alloués aux politiques considérées comme prioritaires par le Gouvernement (A). Le plafond des dépenses autorisées, modifié par le Parlement à l’occasion des quatre lois de finances rectificatives adoptées en 2020, s’est révélé trop élevé et une sous-consommation des crédits de 37,5 milliards d’euros est constatée (B). Enfin, les dépenses de personnel continuent d’augmenter à un rythme modéré (+ 1 %) tandis que le nombre d’emplois consommés par les ministères est en diminution pour la première fois depuis 2015 (C).


A.   L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

● Les dépenses du budget général de l’État ont augmenté de 53,6 milliards d’euros entre 2019 et 2020 pour s’établir à 389,7 milliards d’euros, soit une hausse de 16 %.

● Les augmentations de crédits observées reflètent les besoins engendrés par la réponse de l’État à la crise sanitaire. Elles traduisent également les priorités données par le Gouvernement à certaines politiques publiques.

La mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire a finalement conduit à une consommation de 41,8 milliards d’euros de crédits de paiement finançant les principaux dispositifs de soutien à la crise : l’activité partielle (17,8 milliards d’euros), le fonds de solidarité (11,8 milliards d’euros), la compensation à la sécurité sociale des allègements de charges (3,9 milliards d’euros) et l’intervention en fonds propres de l’État dans certaines entreprises (8,3 milliards d’euros).

Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances progressent de 4,3 milliards d’euros. La mission a porté certains dispositifs de réponse à la crise comme les aides exceptionnelles de solidarité pour 2,4 milliards d’euros. Le reste de l’augmentation résulte de mesures de périmètres et d’une évolution spontanée de certaines dépenses d’intervention principalement l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d’activité.

L’exécution de la mission Écologie, développement et mobilité durables augmente de 2,4 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019. La mission, en effet, a financé près d’1 milliard d’euros de crédits destinés au soutien à l’économie (aides à l’acquisition de véhicules propres et plan en faveur de la flotte commerciale) et à la compensation des baisses de recettes de certains opérateurs comme l’AFITF, le Céréma, l’IGN ou Météo France. Des mesures de périmètre significatives ont également élargi le champ de la mission : le programme 355 consacré aux charges financières résultant de la reprise de la dette SNCF a été créé (400 millions d’euros), le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres (614 millions d’euros) a été rebudgétisé. Enfin, une dépense exceptionnelle de 370 millions d’euros a été constatée en raison de la décision de payer en une fois l’indemnité due à EDF pour la fermeture de Fessenheim (370 millions d’euros).

La mission Défense progresse de 1,8 milliard d’euros de crédits conformément à la trajectoire définie par la loi de programmation militaire (2019-2025). Le surcroît de moyens résulte principalement d’une dotation plus sincère au titre des opérations extérieures et missions intérieures ce qui permet un autofinancement complet par la mission tout au long de l’année, alors que des transferts de crédits depuis d’autres missions étaient généralement nécessaires pour boucler l’exécution.

Sur la mission Économie, 1,1 milliard d’euros de plus qu’en 2019 ont été dépensés. La mission a servi de support budgétaire à certaines mesures prises en réponse à la crise sanitaire. Ainsi, les crédits supplémentaires ont financé l’achat de masques de protection (395 millions d’euros), la mise en œuvre du plan de relance notamment les filières automobile et aéronautique et les projets de relocalisation ou de décarbonation de l’industrie (250 millions d’euros) et l’abondement du fonds de garantie de BPI France (100 millions d’euros) Des mesures sectorielles ont également été financées au profit des industries produisant des masques, ainsi que des zoos et des centres équestres (45 millions d’euros). Les décaissements de crédits de paiement du plan France très haut débit ont conduit à une consommation de 200 millions d’euros de plus qu’en 2019.

Les crédits de la mission Administration générale de l’État augmentent de 1 milliard d’euros (+37,1 %) en raison de mesures de périmètre conduisant à rattacher au programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur l’ensemble des dépenses des fonctions supports du ministère de l’Intérieur.

L’augmentation des crédits sur la mission Enseignement scolaire se poursuit avec 1,3 milliard d’euros supplémentaires en 2020 liée à la croissance des dépenses de personnel.

La mission Recherche et enseignement supérieur enregistre une progression de ses crédits de 784 millions d’euros. Les mesures de réponse à la crise ont mobilisé 472 millions d’euros pour financer les aides aux étudiants boursiers, la compensation des opérateurs de la mission, la création d’un fonds d’urgence pour la recherche contre la Covid et les plans de soutien de l’État à la filière aéronautique. Le reste de l’augmentation des dépenses était prévu par la loi de finances initiale, en hausse de 533 millions par rapport à l’exécution 2019, conformément à la trajectoire fixée en LPFP.

La mission Investissements d’avenir a connu un doublement de ces crédits de paiement passant de 1 à 2 milliards d’euros entre 2019 et 2020, conformément à la trajectoire de déploiement du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3). Toutefois, l’exécution budgétaire s’est caractérisée par des réallocations s’élevant à 315 millions d’euros pour soutenir l’innovation et accompagner la reprise économique dans le contexte de crise sanitaire.

● À l’inverse, les crédits de la mission Engagements financiers de l’État, composés à 99 % des crédits finançant la charge de la dette et la trésorerie de l’État, ont diminué de 4,3 milliards d’euros en 2020 (– 10,7 %) en raison d’un environnement d’inflation et de taux d’intérêts très favorables. Il est à relever que plusieurs dispositifs de garanties ont été mis en place par l’État sur le programme 111 Appels en garantie de l’État pour un montant maximum de 327,5 milliards d’euros dont 300 milliards d’euros de prêts de garantis par l’État (PGE). La sinistralité a été très faible en 2020, à hauteur de 5 millions d’euros pour les PGE, en raison des différés de remboursement du capital.

De même, les crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement ont diminué de 527 millions d’euros (– 42,4 %). Cette baisse résulte d’un recentrage de la mission sur la coordination du travail gouvernemental qui a conduit à supprimer le programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrés et à intégrer ses moyens au sein de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

Évolution des dÉpenses des missions (périmÈtre courant)

(Crédits de paiement en millions d’euros)

Missions

Exécution 2019

Ouvertures 2020

Exécution 2020

Écart exécution 2019 et 2020

En %

Action et transformation publiques

55

143

113

+ 58

+ 105,5

Action extérieure de l’État

2 819

3 055

2 941

+ 122

+ 4,3

Administration générale et territoriale de l’État

2 826

3 974

3 873

+ 1 047

+ 37,1

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 944

3 026

2 886

 – 58

– 2,0

Aide publique au développement

2 992

3 396

3 380

+ 388

+ 13,0

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 299

2 202

2 186

 – 113

– 4,9

Cohésion des territoires

17 580

18 160

17 725

+ 145

+ 0,8

Conseil et contrôle de l’État

686

718

690

+ 4

+ 0,6

Crédits non répartis

0

96

0

+ 0

 

Culture

2 947

3 232

3 163

+ 216

+ 7,3

Défense

44 866

46 873

46 676

+ 1 810

+ 4,0

Direction de l’action du Gouvernement

1 243

784

716

 – 527

– 42,4

Écologie, développement et mobilité durables

14 325

21 380

16 735

+ 2 410

+ 16,8

Économie

1 786

3 245

2 920

+ 1 134

+ 63,5

Engagements financiers de l’État

40 585

36 284

36 230

 – 4 355

 – 10,7

Enseignement scolaire

72 716

74 194

73 969

+ 1 253

+ 1,7

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

10 325

10 390

10 226

 – 99

– 1,0

Immigration, asile et intégration

1 839

1 865

1 814

 – 25

– 1,4

Investissements d’avenir

1 020

2 027

2 027

+ 1 007

+ 98,7

Justice

8 925

9 283

9 151

+ 226

+ 2,5

Médias, livre et industries culturelles

577

1 200

1 146

+ 569

+ 98,6

Outre-mer

2 407

2 385

2 332

 – 75

 3,1

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0

70 571

41 820

+ 41 820

n.d.

Pouvoirs publics

991

994

994

+ 3

+ 0,3

Recherche et enseignement supérieur

27 964

28 894

28 748

+ 784

+ 2,8

Régimes sociaux et de retraite

6 186

6 245

6 244

+ 58

+ 0,9

Relations avec les collectivités territoriales

3 440

3 749

3 618

+ 178

+ 5,2

Remboursements et dégrèvements

140 064

152 168

151 021

+ 10 957

+ 7,8

Santé

1 355

1 829

1 724

+ 369

+ 27,2

Sécurités

20 469

20 765

20 613

+ 144

+ 0,7

Solidarité, insertion et égalité des chances

24 711

29 069

29 019

+ 4 308

+ 17,4

Sport, jeunesse et vie associative

998

1 384

1 262

+ 264

+ 26,5

Travail et emploi

14 193

15 786

14 736

+ 543

+ 3,8

Total

476 133

579 363

540 699

+ 64 566

+ 13,6

Total hors Remboursements et dégrèvements

336 069

427 196

389 678

+ 53 609

+ 16,0

Note : le tableau correspond à la consommation de l’ensemble des crédits au titre de ces missions, y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances, d’après la loi de règlement pour 2019 et le présent projet de loi de règlement.

B.   UNE sous-Consommation des crÉdits autorisÉs par le Parlement

L’exécution budgétaire 2020 se singularise par une sous-consommation de 8,8 % des crédits de paiement votés. Les crédits finalement consommés s’élèvent à 389,7 milliards d’euros ([14]), hors mission Remboursements et dégrèvements, soit 37,5 milliards en deçà du plafond autorisé par le Parlement. 

Cette exécution s’écarte donc sensiblement des précédentes qui se caractérisaient par une sous-consommation des crédits de paiement disponibles d’environ 1 %. En 2019, la Cour des comptes avait ainsi estimé que le résultat de la gestion traduisait une « exécution conforme au vote du Parlement » ([15]).

Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts à l’issue de la dernière LFR et l’Exécution

(en millions d’euros)

 

Autorisa-tion 2017

Exécution 2017

Autorisa-tion 2018

Exécution 2018

Autorisa-tion 2019

Exécution 2019

Autorisa-tion 2020

Exécution 2020

Dépenses brutes

442 488

439 348

457 232

455 449

481 941

476 133

579 363

540 699

À déduire : Remboursements et dégrèvements

113 282

112 573

124 615

125 727

143 034

140 064

152 168

151 021

Dépenses nettes

329 206

326 775

332 617

329 722

338 907

336 069

427 195

389 678

Écart en valeur

 

– 2 431

 

– 2 895

 

– 2 839

 

– 37 517

Écart en %

 

– 0,7

 

– 0,9

 

– 0,8

 

– 8,8

Source : commission des finances d’après les annexes aux projets de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général pour les années 2017 à 2020.

● Les déterminants de cette sous-exécution sont largement imputables mais ne se réduisent pas à la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire

Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts à l’issue de la dernière LFR et l’Exécution

(en millions d’euros)

Missions

Ouvertures 2020

Exécution 2020

Écart exécution 2019 et 2020

En %

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

70 571

41 820

28 751

 – 40,7

Autres missions hors Remboursements et dégrèvement

356 625

347 858

8 767

 – 2,5

Total

427 196

389 678

37 518

 – 8,8

Source : commission des finances d’après les annexes aux projets de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général pour les années 2017 à 2020.

Hors mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Remboursements et dégrèvement, l’écart par rapport à la loi de finances initiale est de – 2,5 %. Deux missions concentrent une proportion importante des sous-exécutions comme le montre le tableau suivant.

Missions dont la sous exécution s’Écarte le plus
de L’autorisation budgÉtaire

(crédits de paiement en millions d’euros)

Missions  exécution inférieure l’autorisation budgétaire

Ouvertures 2020

Exécution 2020

Écart

En % des ouvertures

Écologie, développement et mobilité durables

21 380

16 735

 – 4 645

 – 21,7

Travail et emploi

15 786

14 736

 – 1 049

 – 6,6

Cohésion des territoires

18 160

17 725

 – 436

 – 2,4

Économie

3 245

2 920

 – 326

 – 10,0

Enseignement scolaire

74 194

73 969

 – 225

 – 0,3

Défense

46 873

46 676

 – 197

 – 0,4

Note : en incluant les fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances d’après les annexes aux projets de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général pour les années 2017 à 2020.

La sous-exécution de la mission Écologie s’élève à 4,6 milliards d’euros et s’explique, à titre principal, par la recapitalisation de la SNCF intégralement financée par des fonds de concours (4,05 milliards d’euros) crédités sur la mission en fin d’année 2020 puis reportés sur 2021 pour un versement à SNCF Réseau.

La sous-exécution de la mission Travail et emploi qui s’élève à 1 milliard d’euros est due à une surbudgétisation initiale récurrente du plan d’investissement dans les compétences (718 millions d’euros non consommés). Par ailleurs, l’ensemble des crédits ouverts en quatrième loi de finances rectificative au titre de l’acte II de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été gelé en vue d’être reporté en 2021 (284 millions d’euros en CP).

Pour une analyse détaillée des écarts à l’exécution par mission ou par programme, il est renvoyé aux travaux des rapporteurs spéciaux.

C.   L’évolution des dÉpenses de personnel

Les dépenses de personnel continuent de progresser en 2020 (+ 1 %) par rapport à 2019 (1), mais la tendance à la progression des emplois consommés par les ministères s’inverse avec 6 965 équivalents temps plein de moins qu’en 2019 (2).

1.   Des dépenses de personnel en augmentation, mais inférieures à la prévision de la loi de finances initiale

Les dépenses de personnel du budget général de l’État ont augmenté de 1,2 milliard d’euros en 2020 (+ 1 %). Elles se sont élevées à 132,6 milliards d’euros ([16]), après 131,3 milliards d’euros en 2019. Les dépenses de rémunération ont représenté 89,2 milliards d’euros et les contributions de l’État employeur au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions 43,4 milliards d’euros.

L’évolution des dépenses est portée principalement par les besoins des ministères considérés comme prioritaires par le Gouvernement (armées, éducation nationale, intérieur et justice) comme retracé par le tableau suivant.

Comparaison des dÉpenses de personnel en 2020 par rapport
à la prÉvision en LFI et à l’exÉcution 2019

(en millions d’euros)

Ministère

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Écart exécution 2020-2019

Écart (en % de l’exécution 2019)

Action et comptes publics

5 891

5 931

5 839

 – 51

 – 0,9

Agriculture et alimentation

1 467

1 520

1 487

+ 20

+ 1,4

Armées

11 985

12 088

12 123

+ 138

+ 1,2

Cohésion des territoires

18

14

2

 – 17

n.p.

Culture

499

467

462

 – 37

 – 7,4

Économie et finances

744

734

725

 – 19

 – 2,6

Éducation nationale

46 578

47 279

47 149

+ 571

+ 1,2

Enseignement supérieur, recherche et innovation

357

367

349

 – 8

 – 2,2

Europe et affaires étrangères

962

977

965

+ 3

+ 0,3

Intérieur

12 410

12 885

12 596

+ 186

+ 1,5

Justice

3 840

3 935

3 936

+ 96

+ 2,5

Outre-mer

105

109

109

+ 4

+ 3,8

Services du Premier ministre

662

681

665

+ 3

+ 0,5

Solidarités et santé

518

421

427

 – 92

 – 17,8

Sport

 

84

85

+ 85 

n.p.

Transition écologique et solidaire

1 890

1 850

1 877

 – 13

 – 0,7

Travail

423

422

427

+ 4

+ 0,9

Total

88 350

89 765

89 222

+ 872

+ 1

Source : présent projet de loi de règlement

Les dépenses de personnel ont été inférieures aux crédits prévus par la LFI, qu’il s’agisse des dépenses de rémunération (– 0,54 milliard d’euros) ou des dépenses de contributions au CAS Pensions (– 0,44 milliard d’euros). L’écart s’expliquerait par les impacts divers de la crise sanitaire, entraînant des décalages dans les recrutements et nécessitant, dans le même temps, la mobilisation de moyens temporaires en renfort de certaines missions.

2.   L’inversion de la progression des emplois consommés par les ministères

Le plafond d’emplois de l’État avait été fixé à 1 943 201 équivalents temps plein travaillés (ETPT) à l’issue de la dernière loi de finances rectificative de 2020 (y compris budgets annexes).

● La consommation d’emplois s’est établie à 1 923 317 ETPT, à un niveau inférieur de 19 884 ETPT au plafond (écart de 1,02 %).

L’article 11 de la LPFP ([17]) prévoit que le plafond des autorisations d’emplois de l’État prévu en LFI « ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ». Cette disposition a pour objet de renforcer la portée des plafonds d’autorisation d’emplois de la LFI en diminuant la vacance sous plafond.

En 2020, l’écart entre la consommation d’emplois respecte donc à très peu de chose près les prescriptions de la LPFP, pour la première fois depuis son entrée en vigueur après des écarts plus marqués de 1,2 % en 2019, 1,3 % en 2018 et 1,5 % en 2017.

● En outre, par rapport à 2019 les emplois consommés sont en légère diminution de – 6 965 ETPT (– 0,4 %), ce qui marque une rupture avec la tendance à la progression des ETPT observée depuis 2015.

Évolution de la consommation d’emplois
par rapport à l’exercice précédent

(en ETPT)

Source : commission des finances, d’après les projets de lois de règlement.

Les disparités entre ministères peuvent être très fortes comme retracé par le tableau ci-après. Les emplois des ministères considérés comme prioritaires progressent depuis 2017 : armées (+ 2 495 ETPT), éducation nationale (+ 17 976 ETPT), intérieur (+ 3 858 ETPT) ou Justice (+ 4 713 ETPT).

Consommation d’emplois par ministère depuis 2017

(en ETPT)

Ministère

Consommation des emplois 2017

Consommation des emplois 2018

Consommation des emplois 2019

Consommation des emplois 2020

Écart 2019-2020

Écart 2017-2020

Action et comptes publics

125 367

123 484

121 499

119 113

 – 2 386

 – 6 254

Agriculture et alimentation

30 844

30 327

30 150

29 883

 – 267

 – 961

Armées

267 263

268 195

268 996

269 758

+ 762

+ 2 495

Cohésion des territoires

311

300

271

17

 – 254

 – 294

Culture

10 934

10 922

10 633

9 388

 – 1 245

 – 1 546

Économie et finances

12 962

12 751

12 424

12 026

 – 398

 – 936

Éducation nationale

990 687

1 004 436

1 012 500

1 008 663

 – 3 837

+ 17 976

Enseignement supérieur, recherche et innovation

7 161

7 317

7 040

6 754

 – 286

 – 407

Europe et affaires étrangères

13 628

13 437

13 598

13 525

 – 73

 – 103

Intérieur

281 918

281 824

284 523

285 776

+ 1 253

+ 3 858

Justice

82 204

83 552

85 341

86 917

+ 1 576

+ 4 713

Outre-mer

5 477

5 474

5 437

5 191

 – 246

 – 286

Services du Premier ministre

10 958

11 135

9 380

9 235

 – 145

 – 1 723

Solidarités et santé

10 070

9 858

9 467

7 646

 – 1 821

 – 2 424

Sports

 

0

0

1 515

+ 1 515

+ 1 515

Transition écologique et solidaire

41 088

40 250

39 287

38 351

 – 936

 – 2 737

Travail

9 233

8 977

8 769

8 643

 – 126

 – 590

Total budget général

1 900 105

1 912 239

1 919 315

1 912 401

 – 6 914

+ 12 296

Pilotage et ressources humaines

653

579

527

495

 – 32

 – 158

Soutien aux prestations de l’aviation civile

10 434

10 431

10 440

10 421

 – 19

 – 13

Total budgets annexes

11 087

11 010

10 967

10 916

 – 51

 – 171

Total général

1 911 192

1 923 249

1 930 282

1 923 317

 – 6 965

+ 12 125

Source : projets de loi de règlement de 2017 à 2020.

● Cette vision n’est toutefois pas exhaustive puisqu’elle n’inclut pas les emplois des opérateurs qui emploient près de 400 000 ETPT. Depuis 2009, un plafond d’autorisations d’emplois des opérateurs est voté au niveau des programmes de chaque mission et réparti entre les opérateurs par le responsable de programme conformément à l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 ([18]). En 2020, ce plafond s’est élevé à 402 113 ETPT ([19]).

Le rapporteur général regrette qu’une information systématique sur l’exécution de ces plafonds d’emplois ne soit pas fournie au niveau agrégé à l’occasion du projet de loi de règlement.

II.   Le respect des normes de dépenses

L’exercice 2020 est le troisième exercice d’application des deux normes de dépenses définies par l’article 9 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP). En plus des plafonds initialement définis par cette LPFP, les lois de finances initiale procèdent à leur réactualisation chaque année.

La définition des normes de dépenses par l’article 9 de la LPFP

Afin de distinguer plus clairement un périmètre de dépenses conventionnellement à la main du gestionnaire et le périmètre de l’ensemble des dépenses de l’État, l’article 9 de la LPFP 2018-2022 a défini une norme de dépenses pilotables, qui est incluse dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE). Ces normes ne constituent pas des plafonds de dépenses inscrits dans le dispositif des lois de finances. Elles sont toutefois présentées à titre informatif par le Gouvernement, à la fois en programmation et en exécution, dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances et dans celui du projet de loi de règlement.

La norme de dépenses pilotables de l’État inclut : les dépenses du budget général hors les missions Remboursements et dégrèvements et Investissements d’avenir, hors la charge de la dette et hors les contributions au CAS Pensions, les plafonds des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale, les dépenses des budgets annexes hors contributions au CAS Pensions, les dépenses des CAS hors les CAS Pensions, Participations financières de l’État et hors programmes de désendettement, ou programmes portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers, et les dépenses du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

L’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) inclut, outre l’agrégat précédent : les dépenses d’investissements d’avenir et la charge de la dette, les prélèvements sur recettes à destination de l’Union européenne et des collectivités territoriales, ainsi que la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane, le CAS Pensions et les programmes des comptes spéciaux portant à titre principal des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers.

● Dès l’exercice budgétaire 2019, le plafond de dépenses pilotables défini par la LPFP a été dépassé par la LFI et en exécution pour financer les mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages de décembre 2018. En revanche, l’exécution s’était conformée à la norme définie en LFI comme le montre le graphique suivant.


Programmation et exécution des dépenses pilotables entre 2018 et 2020

(en milliards d’euros, à champ constant 2020)

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2020, p. 114.

La survenance de la crise sanitaire a fini de perturber les équilibres envisagés en 2018 et bien que la LPFP soit toujours en vigueur, l’exercice de comparaison est devenu peu opérant.

Les objectifs de dépenses fixés par la LFI n’ont également pas été respectés :

– L’objectif de « dépenses pilotables » fixé en LFI pour 2020 a été dépassé de 6,4 milliards d’euros en raison notamment de mesures d’urgence et de soutien ;

Sur le périmètre de l’Odete, l’objectif de dépenses fixé par la LFI 2020 à 447,4 milliards d’euros a été dépassé de 43,1 milliards d’euros.

Exécution 2018 à 2020 des dÉpenses sous normes

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2018

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Écart Exécution 2020 à la LFI

Crédits budgétaires sous norme

240,3

246,1

253,2

259,3

+ 6,1

Taxes et recettes affectées

9,1

9,4

19,5

19,6

+ 0,1

Comptes spéciaux sous norme

11,0

10,2

10,5

10,9

+ 0,4

Budgets annexes sous norme

2,0

1,9

2,0

1,9

 – 0,1

Retraitement des flux internes au budget de l’État

– 5,8

– 5,8

– 5,8

– 5,9

– 0,1

Norme de dépenses pilotables

256,5

261,8

279,4

285,8

+ 6,4

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

 –

 –

 –

36,9

+ 36,9

Investissements d’avenir

1,1

1,0

2,1

2,0

 – 0,1

Charge de la dette

41,5

40,3

38,6

36,2

 – 2,4

CAS Pensions hors programme 743

56,7

57,3

58,0

57,9

 – 0,1

Prélèvements sur recettes

65,2

66,2

67,2

69,7

+ 2,5

Comptes spéciaux inclus dans l’objectif

4,4

4,7

2,1

2,0

 – 0,1

Objectif de dépenses totales de l’État (Odete)

425,4

431,3

447,4

490,5

+ 43,1

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2020, p. 113, d’après les données de la direction du budget.

III.   Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

● La mission d’information sur l’application de la LOLF avait plaidé pour élargir l’analyse des dépenses de l’État à l’ensemble des moyens mobilisés pour la mise en œuvre des politiques publiques ([20]) et pour un encadrement plus strict des instruments concourant à affaiblir le principe d’unité budgétaire.

Principe fondamental du droit budgétaire, l’unité budgétaire suppose le regroupement dans un texte unique de l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. Ce principe conditionne la clarté du budget et la portée du vote annuel du budget par les parlementaires. Il implique donc qu’il existe un texte de loi unique avec un compte unique qui récapitule la totalité des recettes et des dépenses, que les recettes et les dépenses soient présentées de façon homogène et qu’elles ne soient pas contractées.

● Le rapporteur général se réjouit donc de la présentation proposée par la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État qui s’efforce de proposer une évaluation globale de ces moyens.

Les moyens de l’État au service des politiques publiques

(en milliards d’euros)

NB : Les impôts et taxes affectées sont ceux qui financent des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

La case fonds sans personnalité juridique n’est pas proportionnelle aux enjeux financiers. Le dernier recensement opéré estime qu’ils représenteraient 31,2 milliards d’euros ([21]) .

Le champ des comptes spéciaux est retraité par la Cour pour refléter leur incidence sur le budget de l’État.

Source : Cour des comptes, Budget de l’État 2020, pp.150 et suivantes.

● Plusieurs avancées en faveur du respect de l’unité budgétaire sont à relever pour l’exercice 2020.

Deux comptes d’affectation spéciale ont été rebudgétisés. Le CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres (0,3 milliard d’euros de dépenses en 2019) a été supprimé et ses moyens ont été réaffectés à la mission Écologie, développement et mobilités durables. Par ailleurs, le CAS Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (1,7 milliard d’euros de dépenses en 2019) a été clôturé.

Sous l’effet de la fin du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (CICE), le coût des dépenses fiscales connaît une diminution de 10,8 milliards d’euros en 2020. Hors CICE, le montant des dépenses fiscales demeure stable par rapport à 2019 (– 0,1 milliard d’euros).

Enfin, le fonds d’urgence en faveur du logement (FUL) a été supprimé en 2020 ([22]).

 

 

*

*     *

 

 


—  1  —

Fiche 4 : les modifications de crédits intervenues
au cours de l’exercice 2020

L’exécution 2020 s’est caractérisée par des mouvements législatifs et réglementaires nombreux et de grande ampleur pour ajuster les crédits ouverts aux besoins engendrés par la crise (I).

Au total, la consommation de crédits de paiement en 2020, sur l’ensemble du budget de l’État, a atteint 597,1 milliards d’euros (hors mission Remboursements et dégrèvements), soit 47,2 milliards d’euros de plus que la prévision au titre de la loi de finances initiale (LFI). À titre de comparaison, l’exercice budgétaire 2019 s’était soldé par une consommation de 529,5 milliards d’euros de crédits.

Les ouvertures de crédits, autorisées dans un contexte de grande incertitude, ont in fine largement dépassé les besoins, permettant des reports sur l’exercice 2021 de 43,9 milliards d’euros sur l’ensemble du budget de l’État. En outre, le présent projet de loi de règlement propose des annulations de crédits s’élevant à 22,7 milliards d’euros (II).

Mouvements affectant les plafonds de crédits de paiement ouverts
par la loi de finances initiale


(en milliards d’euros)

*: hors mission Remboursements et dégrèvements ; Fdc : fonds de concours

Source : commission des finances.

I. Les modifications apportées au cours de l’année 2020 marquéEs par la réponse à la crise sanitaire

L’exercice budgétaire 2020 a conduit à des ouvertures de crédits conséquentes sur l’ensemble du budget de l’État par rapport à l’autorisation initiale. Quatre lois de finances rectificatives ont été adoptées conduisant à l’ouverture de 98,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 93,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) sur l’ensemble du budget de l’État – hors mission Remboursements et dégrèvements mais en incluant les fonds de concours (A). Des ajustements réglementaires ont également été mis en œuvre notamment pour augmenter les fonds de concours et opérer des reports de crédits (B). Malgré ces mouvements exceptionnels dans leur ampleur, la gestion budgétaire 2020 s’inscrit dans la lignée des deux précédentes en matière de sincérité et de clarté budgétaires avec une absence de décret d’avance et une modération de la mise en réserve (C).

A.   Des mouvements de crÉdits d’ampleur exceptionnelLE autorisés par quatre lois de finances rectificatives

La réponse de l’État à la crise sanitaire a conduit à l’adoption de quatre lois de finances rectificatives qui ont modifié substantiellement le niveau des crédits ouverts par rapport à l’autorisation initiale pour l’année 2020. 98 milliards d’euros d’AE et 94 milliards d’euros de CP ont été votés au cours des différents collectifs, soit une augmentation de 17 % par rapport à la loi de finances initiale.

Les mouvements législatifs de crédits ont concerné principalement le budget général de l’État, au sein duquel la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire a été logée pour un montant d’ouverture total de crédits de 69,6 milliards d’euros en AE et CP (1). La stabilité des budgets annexes contraste avec la variation importante des comptes spéciaux (2).

Le détail des ouvertures par les différentes lois de finances rectificatives est retracé dans les deux tableaux suivants.

 

 

 


ouvertures et annulations des autorisations d’engagement

(en millions d’euros)

Autorisations d'engagement

LFI n°2019-1479 du 28 déc. 2019

Loi de finances rectificative n° 2020-289 du 23 mars 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-935 du 30 juillet 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-1473 du 30 nov. 2020

Total des lois de finances

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

501 835

10 816

598

10 218

39 981

6 238

33 743

18 276

245

18 031

32 996

3 458

29 538

593 365

À déduire : Remboursements et dégrèvements d'impôts

140 830

4 566

598

3 968

 

4 238

-4 238

1 738

70

1 668

9 940

 

9 940

152 168

Dépenses nettes

361 005

6 250

 

6 250

39 981

2 000

37 981

16 538

175

16 363

23 056

3 458

19 598

441 197

Fonds de concours

5 806

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5 806

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

366 811

6 250

 

6 250

39 981

2 000

37 981

16 538

175

16 363

23 056

3 458

19 598

447 003

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 332

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

44

-44

2 288

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

81 393

 

6 980

-6 980

20 000

 

20 000

 

 

 

484

406

78

94 491

Comptes de concours financiers

128 695

500

 

500

2 125

 

2 125

2 350

 

2 350

2 125

2 257

-132

133 538

Total des dépenses des comptes spéciaux

210 088

500

6 980

-6 480

22 125

 

22 125

2 350

 

2 350

2 609

2 663

-54

228 029

Total général

579 231

6 750

6 980

-230

62 106

2 000

60 106

18 888

175

18 713

25 665

6 165

19 500

677 320

Source : présent projet de loi de règlement.

 

 

 

 


ouvertures et annulations des crÉdits de paiement

(en millions d’euros)

Crédits de paiement

LFI n°2019-1479 du 28 déc. 2019

Loi de finances rectificative n° 2020-289 du 23 mars 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-935 du 30 juillet 2020

Loi de finances rectificative n° 2020-1473 du 30 nov. 2020

Total des lois de finances

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

478 535

10 816

598

10 218

39 981

6 238

33 743

14 473

70

14 403

32 839

4 157

28 682

565 581

À déduire : Remboursements et dégrèvements d'impôts

140 830

4 566

598

3 968

 

4 238

-4 238

1 738

70

1 668

9 940

 

9 940

152 168

Dépenses nettes

337 705

6 250

 

6 250

39 981

2 000

37 981

12 735

 

12 735

22 899

4 157

18 742

413 413

Fonds de concours

6 028

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 028

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

343 733

6 250

 

6 250

39 981

2 000

37 981

12 735

 

12 735

22 899

4 157

18 742

419 441

Budget annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 327

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

62

-62

2 265

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

81 195

 

6 980

-6 980

20 000

 

20 000

 

 

 

484

458

26

94 241

Comptes de concours financiers

128 836

500

 

500

2 125

 

2 125

2 350

 

2 350

2 125

1 990

135

133 946

Comptes de commerce (solde)

-54

 

 

 

 

 

 

11

 

11

 

 

 

-43

Comptes d'opérations monétaires (solde)

-91

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

-91

Total des dépenses des comptes spéciaux

209 886

500

6 980

-6 480

22 125

 

22 125

2 361

 

2 361

2 609

2 448

161

228 053

Total général

555 946

6 750

6 980

-230

62 106

2 000

60 106

15 096

 

15 096

25 508

6 667

18 841

649 759

Source : présent projet de loi de règlement.

 

 


—  1  —

 

1.   Le budget général de l’État particulièrement mobilisé pour répondre à l’urgence

Au total, les quatre lois de finances rectificatives pour 2020 ont conduit à des ouvertures nettes de 91,5 milliards d’euros de crédits en AE et 87 milliards d’euros en CP (80,2 milliards d’AE et 75,7 milliards d’euros de CP hors mission Remboursements et dégrèvements) sur le champ du budget général de l’État, en plus des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Sur les trente-trois missions du budget général, les lois de finances rectificatives ont donné lieu à des ouvertures nettes de crédits de paiement pour 19 d’entre elles, 10 ont connu des annulations nettes de crédits, tandis que quatre missions n’ont pas été affectées. Le détail des ouvertures législatives de crédits par mission au cours de l’année 2020 est récapitulé par les deux tableaux suivants.

Les ouvertures de crédits (98,1 milliards d’euros) – qu’elles aient porté sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire (69,6 milliards d’euros en AE et CP) ou sur d’autres missions du budget général – ont principalement conduit à financer des mesures dont le besoin est né de la crise (a). Les annulations nettes de crédits dont le montant s’établit à 11,1 milliards d’euros ne divergent pas substantiellement des niveaux observés ces dernières années (b). Le collectif budgétaire de fin d’année, s’il n’a pas comporté de mesures fiscales, a fortement contribué à ces mouvements de crédits et ne s’est donc pas borné à un simple ajustement de fin de gestion (c).

 

 


ouvertures et annulations des autorisations d’engagement par mission par les lois de finances pour 2020

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2020 (A)

LFR 1 (B)

LFR 2 (C)

LFR 3 (D)

LFR 4 (E)

Solde (B + C + D + E)

Total lois de finances (A + F)

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Solde (F)

Action et transformation publiques

339

 

 

 

 

 

 

 

40

 

40

– 40

299

Action extérieure de l'État

2 873

 

 

 

 

155

-

6

15

161

15

+ 145

3 019

Administration générale et territoriale de l'État

4 046

 

 

 

 

15

 

 

43

15

43

– 28

4 018

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 995

 

 

 

 

 

 

26

27

26

27

– 1

2 994

Aide publique au développement

7 299

 

 

 

 

 

 

 

413

 

413

– 413

6 887

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 146

 

 

 

 

 

 

36

6

36

6

+ 30

2 177

Cohésion des territoires

15 072

 

 

 

 

287

 

2 105

11

2 391

11

+ 2 381

17 453

Conseil et contrôle de l'État

776

 

 

 

 

 

 

 

7

 

7

– 7

770

Crédits non répartis

440

 

 

1 620

 

 

 

 

1 027

1 620

1 027

+ 593

1 033

Culture

2 995

 

 

 

 

60

 

25

20

85

20

+ 65

3 060

Défense

65 348

 

 

 

 

 

 

36

36

36

36

 

65 348

Direction de l'action du Gouvernement

811

 

 

 

 

 

 

9

8

9

8

+ 1

812

Écologie, développement et mobilité durables

13 198

 

 

 

 

973

 

68

134

1 041

134

+ 907

14 105

Économie

1 902

 

 

281

 

963

25

167

1

1 411

26

+ 1 385

3 287

Engagements financiers de l'État

38 329

-

-

-

2 000

280

-

 

504

280

2 504

– 2 224

36 105

Enseignement scolaire

74 152

 

 

 

 

127

 

174

223

301

223

+ 78

74 230

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

10 498

 

 

 

 

 

 

 

116

 

116

– 116

10 383

Immigration, asile et intégration

1 928

 

 

 

 

 

 

35

35

35

35

 

1 928

Investissements d'avenir

-

 

 

 

 

150

150

15

15

165

165

 

-

Justice

9 112

 

 

 

 

 

 

19

151

19

151

– 132

8 980

Médias, livre et industries culturelles

577

 

 

 

 

384

 

100

 

484

 

+ 484

1 061

Outre-mer

2 519

 

 

 

 

 

 

 

65

 

65

– 65

2 453

Plan d’urgence face à la crise

 

6 250

 

37 200

 

8 933

 

17 210

 

69 593

 

+ 69 593

69 593

Pouvoirs publics

994

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

994

Recherche et enseignement supérieur

28 652

 

 

 

 

471

 

40

348

511

348

+ 162

28 814

Régimes sociaux et de retraite

6 228

 

 

 

 

 

 

 

4

 

4

– 4

6 223

Relations avec les collectivités territoriales

3 830

 

 

 

 

1 000

 

280

0

1 280

 

+ 1 280

5 110

Remboursements et dégrèvements

140 830

4 566

598

 

4 238

1 738

70

9 939

 

16 243

4 906

+ 11 337

152 168

Santé

1 125

 

 

 

 

5

 

9

32

14

32

– 18

1 107

Sécurités

21 365

 

 

 

 

307

 

21

151

329

151

+ 177

21 542

Solidarité, insertion et égalité des chances

26 310

 

 

880

 

228

 

1 646

7

2 754

7

+ 2 747

29 058

Sport, jeunesse et vie associative

1 413

 

 

 

 

50

 

5

0

55

 

+ 55

1 468

Travail et emploi

13 732

 

 

 

 

2 151

 

1 025

20

3 176

20

+ 3 156

16 888

Total

501 835

10 816

598

39 981

6 238

18 276

245

32 996

3 459

102 070

10 540

+ 91 530

593 365

Total hors RetD

361 005

6 250

-

39 981

2 000

16 539

175

23 057

3 459

85 827

5 634

+ 80 192

441 197

 

 

Source : présent projet de loi de règlement.

 


ouvertures et annulations des crÉdits de paiement par mission par les lois de finances pour 2020

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2020 (A)

LFR 1 (B)

LFR 2 (C)

LFR 3 (D)

LFR 4 (E)

Solde (B + C + D + E)

Total lois de finances (A + F)

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Solde (F)

Action et transformation publiques

435

 

 

 

 

 

 

 

324

 –

324

 – 324

111

Action extérieure de l'État

2 868

 

 

 

 

155

 

6

16

161

16

+ 145

3 013

Administration générale et territoriale de l'État

3 970

 

 

 

 

15

 

 

40

15

40

 – 25

3 945

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 942

 

 

 

 

 

 

50

34

50

34

+ 16

2 958

Aide publique au développement

3 268

 

 

 

 

 

 

41

2

41

2

+ 39

3 308

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 160

 

 

 

 

 

 

36

6

36

6

+ 30

2 190

Cohésion des territoires

15 154

 

 

 

 

287

 

2 104

22

2 390

22

+ 2 369

17 522

Conseil et contrôle de l'État

705

 

 

 

 

 

 

 

7

 –

7

– 7

698

Crédits non répartis

140

 

 

1 620

 

 

 

 

1 027

1 620

1 027

+ 593

733

Culture

2 961

 

 

 

 

60

 

25

20

85

20

+ 65

3 027

Défense

46 076

 

 

 

 

 

 

200

200

200

200

 

46 076

Direction de l'action du Gouvernement

791

 

 

 

 

 

 

0

14

 –

14

– 14

777

Écologie, développement et mobilité durables

13 246

 

 

 

 

973

 

357

259

1 330

259

+ 1 072

14 318

Économie

2 357

-

 

281

 

348

 

144

352

774

352

+ 422

2 779

Engagements financiers de l'État

38 504

-  

 

 

2 000

280

 

 

511

280

2 511

– 2 231

36 272

Enseignement scolaire

74 014

 

 

 

 

127

 

174

229

301

229

+ 71

74 086

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

10 444

 

 

 

 

 

 

 

184

 –

184

– 184

10 260

Immigration, asile et intégration

1 812

 

 

 

 

 

 

42

42

42

42

 

1 812

Investissements d'avenir

2 057

 

 

 

 

 

 

85

85

85

85

 

2 057

Justice

9 389

 

 

 

 

 

 

19

160

19

160

– 141

9 248

 

 

 

Mission

LFI 2020 (A)

LFR 1 (B)

LFR 2 (C)

LFR 3 (D)

LFR 4 (E)

Solde (B + C + D + E)

Total lois de finances (A + F)

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Solde (F)

Médias, livre et industries culturelles

587

 

 

 

 

384

 

101

 

485

 

+ 485

1 072

Outre-mer

2 372

 

 

 

 

 

 

 

127

 

127

 – 127

2 245

Plan d'urgence face à la crise sanitaire et sociale

 

6 250

 

37 200

 

8 933

 

17 210

 

69 593

 

+ 69 593

69 593

Pouvoirs publics

994

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

994

Recherche et enseignement supérieur

28 664

 

 

 

 

315

 

40

336

355

336

+ 19

28 683

Régimes sociaux et de retraite

6 228

 

 

 

 

 

 

 

4

 

4

– 4

6 223

Relations avec les collectivités territoriales

3 468

 

 

 

 

 

 

260

0

260

 

+ 260

3 728

Remboursements et dégrèvements

140 830

4 566

598

 

4 238

1 738

70

9 939

 

16 243

4 906

+ 11 337

152 168

Santé

1 128

 

 

 

 

5

 

9

32

14

32

 – 19

1 110

Sécurités

20 485

 

 

 

 

109

 

42

91

151

91

+ 60

20 545

Solidarité, insertion et égalité des chances

26 282

 

 

880

 

228

 

1 637

7

2 745

7

+ 2 738

29 020

Sport, jeunesse et vie associative

1 217

 

 

 

 

50

 

5

0

55

 

+ 55

1 272

Travail et emploi

12 984

 

 

 

 

467

 

311

27

778

27

+ 751

13 736

Total

478 535

10 816

598

39 981

6 238

14 473

70

32 839

4 158

98 109

11 064

+ 87 045

565 580

Total hors Remboursements et dégrèvements

337 704

6 250

-

39 981

2 000

12 735

 

22 899

4 158

81 866

6 158

+ 75 708

413 412

 

 

Source : présent projet de loi de règlement.

 

 

 

 


—  1  —

 

a.   Les ouvertures de crédits principalement justifiées par l’urgence dans le cadre de la crise sanitaire

Les quatre lois de finances rectificatives ont procédé à des ouvertures de crédits de paiement nettes des annulations sur dix-neuf missions du budget général pour un montant total de 90,1 milliards d’euros – 78,8 milliards hors Remboursements et dégrèvements.

Elles ont principalement porté sur les missions suivantes :

– Plan d’urgence face à la crise sanitaire (+ 69,6 milliards d’euros) principal support du financement des mesures de soutien à l’économie durant la période créée par la première loi de finances rectificative ;

– Solidarité, insertion et égalité des chances (+ 2,7 milliards d’euros) qui a abrité les aides exceptionnelles de solidarité versées en juin et novembre 2020 aux ménages et personnes les plus modestes. Les besoins s’expliquent également par la hausse tendancielle des dépenses de guichet portées par la mission comme l’allocation aux adultes handicapés, hausse qui n’est pas imputable uniquement à la crise ;

– Cohésion des territoires (+ 2,4 milliards d’euros) en raison du report de la réforme du mode de calcul des aides personnalisées au logement (APL), de l’augmentation des demandes pour cette allocation et au titre de l’hébergement d’urgence dans le contexte de la crise ;

– Écologie, développement et mobilité durables (+ 1,1 milliard d’euros) qui a financé la prime à la conversion en anticipation du plan de relance et du paiement de l’indemnité de fermeture de la centrale de Fessenheim ;

Travail et emploi (+ 751 millions d’euros) pour financer l’aide exceptionnelle à l’apprentissage, la prime à l’embauche des jeunes et le fonds national pour l’emploi (FNE) assurant la formation des salariés placés en activité partielle ;

– Crédits non répartis (+ 593 millions d’euros) pour abonder la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ;

Médias livres et industries culturelles (+ 485 millions d’euros) en faveur du soutien aux filières du secteur culturel ;

Économie (+ 422 millions d’euros) destinés au financement de l’achat de masques et aux mesures de soutien des filières aéronautique et automobile dans le cadre du plan de relance.

b.   Les annulations de crédits

Les missions concernées par des annulations nettes de crédits de paiement, à l’issue des quatre LFR, sont au nombre de 10 pour un montant total de 3,1 milliards d’euros.

Plus de deux tiers de ces annulations ont été effectuées sur la mission Engagements financiers de l’État en raison d’un contexte effectif de taux et d’inflation plus favorable qu’anticipé (– 2,2 milliards d’euros). Le reste des annulations de crédits sur ont été opérées par la dernière loi de finances rectificative de l’année et ont concerné la réserve de précaution.

c.   Une fin de gestion caractérisée par un collectif budgétaire d’une ampleur inédite

La loi de finances rectificative de fin d’année (LFR 4) a été un instrument de réponse à la crise autant qu’un outil de fin de gestion. Les ouvertures de crédits votées par ce dernier collectif budgétaire, à hauteur de 22,9 milliards d’euros de CP hors mission Remboursements et dégrèvements, excèdent largement le niveau moyen d’ouvertures constaté ces dernières années (3,1 milliards d’euros de 2009 à 2019). En revanche, le niveau d’annulations des crédits – 4,2 milliards d’euros de CP, hors mission Remboursements et dégrèvements, est moins atypique n’étant pas sensiblement éloigné de la moyenne observée lors de la décennie précédente.

OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS sur le budget gÉnÉral
EN LFR de fin d’annÉe

(en millions d’euros, en crédits de paiement)

Mouvements

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Moyenne 2009 -2019

2020

Ouvertures

5 272

3 373

849

3 581

791

1 712

4 785

5 595

3 439

2 130

2 778

3 119

+ 22 899

Annulations

– 6 510

 – 3 666

 – 1 478

 – 2 083

 – 4 738

 – 2 733

 – 2 644

 – 3 219

 – 85

 – 2 050

 – 4 332

– 3 049

– 4 158

Écart plafonds PLFR/LFI

 – 1 238

 – 293

 – 629

+ 1 498

 – 3 947

 – 1 021

+ 2 141

+ 2 376

+ 3 354

+ 80

 – 1 554

+ 70

+ 18 741

N.B. : hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2007 à 2020.

Le solde des ouvertures et des annulations de crédits de la loi de finances de fin de gestion s’élève ainsi à + 18,7 milliards d’euros alors qu’en moyenne, sur les dix dernières années, les ouvertures étaient compensées par les fermetures avec un solde légèrement positif de 70 millions d’euros.

Toutefois, le Gouvernement a tenu l’engagement pris depuis 2018 de n’y faire figurer que des dispositions budgétaires ou de fin de gestion, sans aucune disposition fiscale. Le rapporteur général rappelle à ce titre que la mission d’information sur l’application de la LOLF – dont il a été le rapporteur – a préconisé de restreindre le champ organique du collectif de fin d’année aux opérations de fin de gestion ([23]).

solde des ouvertures et annulations de crÉdits en lfr de fin d’annÉe

(en millions d’euros)

N.B. : hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2007 à 2019 et présent projet de loi de règlement..

2.   Des budgets annexes stables et une forte mobilisation des crédits sur les comptes spéciaux

Si l’autorisation budgétaire concernant les budgets annexes a peu varié en 2020, les ouvertures supplémentaires de crédits sur les comptes spéciaux se sont élevées à près de 18,2 milliards d’euros en AE et CP via les quatre lois de finances rectificatives.

solde des Mouvements de crÉdits des budgets annexes et des comptes spéciaux en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

LFI

LFR

Total des lois de finances

LFI

LFR

Total LFI + LFR

Budget annexes

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 332

– 44

2 288

2 327

– 62

2 265

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

Comptes d'affectation spéciale

81 393

+ 13 098

94 491

81 195

+ 13 046

94 241

Comptes de concours financiers

128 695

+ 4 843

133 538

128 836

+ 5 110

133 946

Comptes de commerce (solde)

 

 

 

-54

+ 11

-43

Comptes d'opérations monétaires (solde)

 

 

 

-91

+ 0

-91

Total des dépenses des comptes spéciaux

210 088

+ 17 941

228 029

209 886

+ 18 167

228 053

Source : commission des finances, présent projet de loi de règlement.

Les ouvertures nettes de crédits relatives à des comptes d’affectation spéciale se sont élevées à 17,9 milliards d’euros d’AE et 18,2 milliards d’euros de CP. Les ouvertures nettes de crédits ont concerné le compte Participations financières de l’État (20 milliards d’euros en AE et CP) au titre du renforcement des participations financières de l’État dans le cadre de la crise, ainsi que le compte Transition énergétique (0,4 milliard d’euros en AE et CP) pour prendre en compte une hausse du montant des recettes de TICPE qui lui est affecté. En revanche 7,4 milliards d’euros ont été annulés en AE et CP répartis entre les comptes Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État (5 milliards d’euros) et Désendettement de l’État et des établissements publics de l’État (2 milliards d’euros) en raison de l’abandon de certains projets de privatisation comme celui d’Aéroports de Paris.

En ce qui concerne les comptes de concours financiers, les ouvertures nettes de crédits se sont élevées à 4,8 milliards d’euros en AE et 5,1 milliards d’euros en CP. Elles ont bénéficié principalement aux comptes :

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics (3,7 milliards d’euros d’AE et CP), compte sollicité pour apporter des avances à des opérateurs en difficulté. En particulier, il a versé 1,2 milliard d’euros au budget annexe Contrôle et exploitation aériens, 0,5 milliard d’euros aux exploitants d’aérodromes et 1,2 milliard d’euros à Île-de-France Mobilités ;

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, pour 1,3 milliard d’euros en AE et 1,4 milliard d’euros en CP destinés au financement des prêts bonifiés aux entreprises non éligibles à l’obtention d’un prêt garanti par l’État;

Avances aux collectivités territoriales, au titre d’une ouverture nette de 500 millions d’euros pour compenser les pertes de recettes fiscales occasionnées par la crise.

À l’inverse, le compte Prêt à des États étrangers a subi des annulations de 0,7 milliard d’euros en AE et 0,4 milliard d’euros en CP en raison de l’absence de concrétisation de certains projets de financement.

B.   Les mouvements réglementaires

La modification des crédits en cours d’année n’est pas l’apanage des lois de finances. Sous certaines conditions strictement encadrées par la LOLF, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement adoptés en loi de finances peuvent faire l’objet de modifications par voie réglementaire, par reports de crédits d’un exercice à l’autre, par décrets de transfert, de virement, de répartition et par l’affectation de fonds de concours ou l’attribution de produits. Les deux tableaux suivants présentent une vision exhaustive de l’ensemble de ces modifications réglementaires intervenues au cours de l’exercice 2020. Ils présentent également les ajustements du présent projet de loi compte tenu des consommations constatées.

L’exercice budgétaire 2020 se caractérise ainsi par un fort niveau de fonds de concours non anticipé en loi de finance initiale (1). Si le Gouvernement a maîtrisé le niveau des annulations par décrets (2), le montant exceptionnel des reports de crédit sur l’exercice 2021 – qui s’établit à 80,5 milliards d’euros en AE et 43,9 milliards d’euros en CP sur l’ensemble du budget de l’État – ne doit pas constituer un précédent (3).

 


modifications apportées aux lois de finances initiale et rectificative
par les mesures réglementaires et le projet de loi de rÈglement

(en millions d’euros)

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

Budget ou compte

Prévisions des lois de finances initiale et rectificative

Reports de la gestion précédente

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attributions de produits

Modifi-

cations de crédits liées à des plus-values de recettes

Reprise d’AE

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante

Situation avant l’intervention du projet de loi de règlement

Projet de loi de règlement

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

Dépenses brutes

593 365

22 233

169

– 169

508

– 508

637

– 637

13 286

 

 

628 884

– 74 206

554 679

547 714

1

6 965

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

152 168

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

152 168

 

152 168

151 017

 

1 150

Total des dépenses du budget général

441 197

22 233

169

– 169

508

– 508

637

– 637

13 286

 

 

476 716

– 74 206

402 511

396 697

1

5 815

Budgets annexes

Total des dépenses des budgets annexes

2 259

45

 

 

 

 

 

 

22

 

8

2 334

– 72

2 262

2 238

 

24

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

94 491

5 183

1

– 1

 

 

 

 

4

2

 

99 680

– 4 329

95 351

80 980

 

14 371

Comptes de concours financiers

133 538

200

 

 

 

 

 

 

 

 

 

133 738

– 1 904

131 835

123 965

 

7 870

Total des dépenses des comptes spéciaux

228 029

5 383

1

– 1

0

0

0

0

4

2

 

233 418

– 6 233

227 186

204 945

0

22 241

Total général des autorisations d’engagement

671 485

27 661

170

– 170

508

– 508

637

– 637

13 312

2

8

712 468

– 80 511

631 959

603 880

1

28 080


CRÉDITS DE PAIEMENT

Budget ou compte

Prévisions des lois de finances initiale et rectificative

Reports de la gestion précédente

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attribu-tions des produits

Modifica-tions de crédits liées
à des
plus – values de recettes

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante

Situation avant l’intervention du projet de loi de règlement

Projet de loi de règlement

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

Dépenses brutes

565 581

1 904

191

– 191

474

– 474

637

– 637

11 879

 

579 364

– 36 608

542 756

540 699

1

2 057

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

152 168

 

 

 

 

 

 

 

 

 

152 168

 

152 168

151 021

 

1 146

Total des dépenses du budget général

413 413

1 904

191

– 191

474

– 474

637

– 637

11 879

 

427 196

– 36 608

390 588

389 678

1

911

Budgets annexes

Total des dépenses des budgets annexes

2 235

54

 

 

 

 

 

 

22

 

2 311

– 60

2 251

2 224

 

27

Comptes spéciaux

Comptes d’affectation spéciale

94 241

6 083

1

– 1

 

 

 

 

4

2

100 330

– 5 298

95 032

80 689

 

14 344

Comptes de concours financiers

133 946

5

 

 

 

 

 

 

 

 

133 951

– 1 925

132 026

124 600

 

7 426

Comptes de commerce (solde)

– 43

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 43

 

– 43

– 51

 

 

Comptes d’opérations monétaires (solde)

– 91

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 91

 

– 91

– 23

 

 

Total des dépenses des comptes spéciaux

228 053

6 088

1

– 1

 

 

 

 

4

2

234 148

– 7 223

226 925

205 215

 

21 770

Total général des crédits de paiement

643 701

8 046

191

– 191

474

– 474

637

– 637

11 905

2

663 654

– 43 891

619 763

597 117

1

22 708

Source : présent projet de loi de règlement

 


—  1  —

 

1.   Les fonds de concours doublés en raison d’opérations exceptionnelles

Les crédits ouverts en LFI sont majorés des crédits ouverts par voie de fonds de concours et d’attributions de produits. Ils se sont élevés à 11,9 milliards d’euros en CP pour le budget général en 2019, à un niveau supérieur à la prévision de la LFI (6,0 milliards d’euros ([24])) et à l’exécution 2019 (5,8 milliards d’euros).

Plusieurs opérations permettent d’expliquer cet écart dont :

– la participation des régions (0,5 milliard d’euros) et des compagnies d’assurances (0,4 milliard d’euros) au financement du fonds de solidarité dont les crédits sont logés dans la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire ;

– une contribution à hauteur de 0,7 milliard d’euros de Santé Publique France à la mission Santé pour l’acquisition de matériels en réponse aux besoins sanitaires (masques, appareils respiratoires et tests virologiques) ;

– enfin, le programme 203 - Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables a bénéficié d’une recette de fonds de concours de 4 milliards d’euros en provenance de la SNCF, destinée à être reversé à SNCF Réseau pour des travaux d’entretien du réseau ([25]) .

2.   De faibles montants annulés par décret

Le Gouvernement a pris trois décrets d’annulation de crédits au titre de l’année 2020, les 3 septembre ([26]) et 15 décembre 2020 ([27]) et le 15 février 2021 ([28]),pour montant total de 98,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 90,9 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Ces niveaux d’annulation restent modérés sont en léger recul par rapport de ceux observés en 2019.

Annulations de crÉdits issues de dÉcrets d’annulation

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Les annulations de crédits par voie réglementaire sont un instrument de régulation budgétaire permis par l’article 14 de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Son premier alinéa prévoit que l’annulation de crédits peut être motivée par le constat, en cours d’année, qu’ils sont devenus sans objet ou par la nécessité de préserver l’équilibre budgétaire de l’année en cours tel que défini par la dernière loi de finances. Les présents décrets d’annulation sont justifiés par le premier motif. Il s’agit d’annulations à caractère technique, réalisées à la demande des ministères concernés, afin de permettre le remboursement de trop-perçus sur fonds de concours au bénéfice de tiers.

3.   Une logique prudentielle d’estimation des besoins pour un niveau exceptionnel de reports de crédits sur la gestion 2021

Les reports de crédits sont prévus par l’article 15 de la LOLF. Pris par arrêtés, ils constituent un aménagement au principe d’annualité en permettant d’assouplir le cadre temporel de la gestion. Aux termes de cet article, ils sont toutefois plafonnés par une double limite :

 « les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés » ;

 « les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l’ensemble des crédits initiaux sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. »


Une loi de finances peut néanmoins déroger au second plafond. L’article 102 de la loi de finances initiale pour 2021 a prévu un tel déplafonnement pour 51 programmes, soit deux fois et demie le nombre de programmes concernés par des déplafonnements en 2020 (23 programmes) ([29]) . Le montant des reports atteint ainsi un niveau inédit de l’ordre de 36,6 milliards d’euros de CP sur le budget général en incluant les fonds de concours (5,9 milliards d’euros), soit 10 fois plus environ que le maximum observé au cours de ces dix dernières années. Les reports sur les comptes spéciaux augmentent également pour atteindre 7,2 milliards d’euros de CP, soit sensiblement le niveau de 2016, après une baisse constatée entre 2017 et 2019.

évolution des reports de crédits de paiement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les projets de lois de règlement.

Les reports du budget général se concentrent, en montant, à 79 % sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire (28,7 milliards d’euros). Ils portent également sur 28 autres missions à hauteur de 7,9 milliards d’euros dont 5,9 milliards d’euros de fonds de concours, y compris l’opération de recapitalisation de la SNCF pour 4,05 milliards d’euros. Ce niveau exceptionnel contraste avec la démarche de modération des niveaux de reports du budget général, engagée par le Gouvernement depuis 2017.


En conséquence, dans son rapport sur le budget de l’État, la Cour des comptes critique ce niveau important de reports ([30]). Elle regrette que le Gouvernement ait préféré recourir à cet instrument réglementaire plutôt qu’à l’ouverture de crédits par la voie législative. En effet, le Gouvernement pouvait jusqu’à la fin de la première quinzaine du mois de décembre, à l’occasion de l’examen en nouvelle lecture de la loi de finances initiale pour 2021, soumettre des amendements de crédits au vote du Parlement, notamment concernant la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Comme le montre le graphique ci-après, le niveau des ouvertures de crédits au titre de la quatrième loi de finances rectificative sur cette mission est inférieur aux montants des reports effectués sur 2021. La Cour estime qu’il en résulte une « confusion des exercices budgétaires » contraire au principe d’annualité.

Évolution des ouvertures de crédits de paiement sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire en 2020 et reports opÉrÉs sur 2021

Programme

LFR 1 à 3

LFR 4 (D)

Total 2020

Reports sur un même programme

Reports croisés

Total reportés sur le programme

P356 Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire

20 533

2 100

22 633

2 500

– 2 327

2 500

P357  Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire

7 950

10 810

18 760

7 928

6 627

14 555

P358  Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire

20 000

 

20 000

11 969

 

11 969

P360  Compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire

3 900

4 300

8 200

– 4 300

Total mission

52 383

17 210

69 593

22 397

6 627

29 024

Source : commission des finances d’après les lois de finances rectificatives pour 2020 et les arrêtés de reports du 24 décembre 2020 et des 27 janvier, 17 et 18 mars 2021.

Par ailleurs, une partie des reports ayant conduit à des changements d’affectation ([31]), la Cour y voit également une remise en cause du principe de spécialité. L’article 15 de la LOLF prévoit en effet que les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles sur un programme à la fin de l’année peuvent être reportés « sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs ». Le Gouvernement a jugé que, bien que ne finançant pas les mêmes dispositifs, les programmes 356 et 358 concourraient au soutien des entreprises en période d’urgence et donc participaient du même objectif que le fonds de solidarité.

Tout en partageant le constat d’une lisibilité budgétaire amoindrie par ces mouvements, il apparaît que les incertitudes liées au contexte sanitaire sont à l’origine de ces mouvements exceptionnels. Ils sont justifiés par le Gouvernement au titre d’une approche prudentielle liée à un environnement particulièrement mouvant en fin d’année 2020 et en début d’année 2021. Rappelons que les mesures d’aide d’urgence devaient s’éteindre début 2021 pour laisser place à la relance économique. Aussi, les reports sur 2021 ne devaient-ils financer que les aides au titre de l’année 2020 versées avec décalage.

Il importe toutefois que ce niveau de report ne constitue pas un précédent pour l’avenir et qu’un retour à des montants raisonnables comme ceux prévalant avant 2020 soit opéré pour les exercices budgétaires 2021 et 2022. En outre, les informations fournies par le Gouvernement au moment du vote de l’article autorisant les dérogations au plafond établi par l’article 15 de la LOLF sont relativement succinctes. Si le Gouvernement fournit une liste des programmes susceptibles d’être concernés, il ne communique pas les montants de reports envisagés.

4.   Les autres mouvements réglementaires

D’autres dispositifs de régulations budgétaires peuvent modifier la destination des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année considérée sans changer le plafond global des crédits autorisés.

Les virements, prévus à l’article 12 de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère, dans la limite de 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année pour chacun des programmes concernés. En 2020, ils sont restés marginaux et s’établissent à 191 millions d’euros de CP, un niveau moindre que celui de 2019 (325 millions d’euros en CP).

Les transferts, prévus au même article de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l’emploi des crédits correspond à des actions du programme d’origine. Ils représentent par définition une altération de l’autorisation parlementaire moins marquée que les virements. En 2020, ils se sont établis à 474 millions d’euros, soit un niveau plus élevé qu’en 2019 (293 millions d’euros) et 2 018 (310 millions d’euros) mais contenu par rapport à 2017 (1,2 milliard d’euros).

Les crédits globaux, définis aux articles 7 et 11 de la LOLF, constituent des autorisations de dépenses dont la destination n’est pas connue au moment du vote de la loi de finances initiale. L’objet de ces crédits globaux est limité à deux catégories de dépenses par la loi organique : les dépenses accidentelles ou imprévisibles et les mesures générales en matière de rémunérations. Ces deux catégories de dépenses sont regroupées au sein de la mission Crédits non répartis. Le niveau d’annulations de crédits et d’ouvertures associées vers d’autres missions du budget général s’est élevé à 637 millions d’euros, soit près de six fois plus qu’en 2019 et 2018 (110 millions d’euros). En effet, la mission a fait l’objet d’une mobilisation importante en tant qu’outil de gestion budgétaire face à la crise.

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, outil de gestion budgétaire dans un contexte de crise

La dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles prévue par l’article 7 de la LOLF constitue une réserve transréversale de crédits. Portée par le programme 552 de la mission Crédits non répartis, elle est destinée « à faire face à des calamités », et à « des dépenses imprévisibles » selon cet article.

La mission d’information sur l’application de la LOLF ([32]) avait regretté l’usage qui était fait de cette dotation, servant à la couverture de sous-budgétisations initiales à hauteur de 111 millions d’euros en 2018 et 84 millions d’euros en 2019 ([33]) . La mission avait préconisé, tout en sincérisant son usage, d’accroître le montant de cette dotation pour faire face à des aléas budgétaires parallèlement à la réduction de la réserve de précaution.

En 2020, la dotation a entièrement été consacrée au financement de mesures destinées à répondre à la crise sanitaire pour un montant total de 1,6 milliard d’euros. Cinq décrets de répartition sur le fondement de l’article 11 de la LOLF ont annulé 631 millions d’euros.de crédits sur la DDAI au profit d’autres missions comme retracé sur le graphique suivant. La loi de finances rectificative de fin d’année a annulé 1 milliard d’euros de crédits sur la dotation au profit de la mission Solidarité insertion et égalité des chances.

Évolution des crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles et missions financées à partir de cette dotation par décret en 2020

(en millions d’euros, AE = CP)

* Médias : Médias, livres et industries culturelles ; Sport : Sport, jeunesse et vie associative

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance de la mission Crédits non répartis

C.   Les avancées en matière d’assainissement de l’exécution budgétaire confirmées malgré la crise économique

Si le déroulement habituel de l’année budgétaire a été largement percuté par la crise sanitaire et la mise en œuvre des mesures d’urgence, les principaux acquis de bonne gestion budgétaires mis en place depuis 2017 ont été préservés, avec un faible niveau de mouvements réglementaires en cours de gestion, compte tenu du faible taux de mise en réserve des crédits (1) et de l’absence de décret d’avance (2).

1.   Le faible taux de mise en réserve des crédits en 2020

La réserve de précaution est un dispositif prévu par le III de l’article 14 et le 4° bis de l’article 51 de la LOLF. Elle consiste à rendre indisponibles des crédits pour le responsable de programme. On parle de « gels » de crédits, voire de « surgels » lors de mises en réserve intervenues en cours de gestion, après la mise en réserve initiale.

La réserve de précaution répond à une double logique :

– une logique « d’autoassurance » destinée à responsabiliser les gestionnaires en cas d’aléas de gestion ;

– et une logique de modération du rythme de consommation de crédits.

a.   Des taux de mise en réserve des crédits élevés entre 2012 et 2017

L’exercice 2020 s’inscrit dans la continuité des exercices 2 018 et 2019 durant lesquels la pratique de la mise en réserve de crédits a été assainie et rendue plus conforme à l’esprit de la LOLF.

Entre 2012 et 2017, le taux de mise en réserve des crédits sur les dépenses hors dépenses de personnel a été progressivement augmenté jusqu’à atteindre 8 %.

Évolution du taux de mise en rÉserve

(en %)

Taux

PLF 2012

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2 018 à 2020

Taux de mise en réserve des crédits hors titre 2

5

6

7

8

8

8

3

Taux de mise en réserve des crédits du titre 2

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

Source : commission des finances.

En lien avec les éléments d’insincérité qu’elle a alors identifiés, la Cour des comptes avait critiqué l’utilisation que faisait le Gouvernement de la réserve de précaution, considérant qu’elle a été « détournée de son objectif au profit de la couverture, en exécution, de sous-budgétisations » ([34]).

b.   La poursuite de la sincérisation de l’utilisation de la mise en réserve abaissée à 3 %, hors titre 2, depuis 2018

En 2017, le Gouvernement a entamé une démarche de sincérisation budgétaire qui est passée notamment par un abaissement de la mise en réserve de crédits, hors titre 2, de 8 à 3 %. Ce taux de 3 %, appliqué en 2018 et 2019, avait pour objet de rendre à la réserve de précaution son rôle premier d’assurance contre les aléas de gestion.

L’abaissement de ce taux n’a pas été un obstacle à une consommation des crédits conforme à la prévision de la LFI et à l’absence de décret d’avance, grâce à des budgétisations initiales plus sincères.

Tout en maintenant un niveau moyen de gel initial de 3 %, hors dépenses de personnel, une méthode plus sophistiquée de calcul de la mise en réserve a été annoncée à l’occasion du projet de loi de finances pour l’année 2020 ([35]). Ainsi, un taux réduit de 0,5 % est appliqué à certaines dépenses particulièrement contraintes telles que les prestations sociales ([36]). Par ailleurs, les crédits de la mission Investissement d’avenir sont exclus de l’assiette initiale de mise en réserve. Pour conserver un taux moyen de 3 %, cela conduit néanmoins à porter le taux de mise en réserve à 4 % sur les programmes dont les dépenses (hors titre 2) sont jugées plus modulables.

Les crédits mis en réserve se sont élevés à 6,3 milliards d’euros en 2020, résultant d’abord d’un gel initial de 3 % en moyenne sur les crédits hors dépenses de personnel (4 milliards d’euros) et de 0,5 % sur la masse salariale (0,5 milliard d’euros). Ils proviennent également des gels supplémentaires (surgels) décidés en cours d’exécution. Ceux-ci se sont élevés en 2020 à 1,8 milliard d’euros un niveau très inférieur à celui de 2017 (4,5 milliards d’euros) et relativement stable par rapport à 2019 (1,5 milliard d’euros).

La réserve de précaution a donné lieu à 3,3 milliards d’euros de dégels pour consommation et à 3,0 milliards d’euros d’annulation. Ces montants sont de niveaux équivalents à ceux observés en 2019 (respectivement 3,6 milliards d’euros et 2,4 milliards d’euros), ce qui tend à conforter l’amélioration de la gestion des risques budgétaires.

Évolution de l’utilisation de la réserve de précaution

(en milliards d’euros et en crédits de paiement, hors crédits de personnel)

Réserve

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2 018

2019

2020

Réserve initiale* [A]

5 001

6 229

5 926

6 909

8 382

9 332

9 836

3 912

4 019

4 520

« Surgels » [B] (y compris fin de gestion)

469

1 565

2 054

1 792

2 132

5 199

4 505

678

1 569

1 738

Réserve après « surgels » [C] = [A] + [B]

5 470

7 793

7 979

8 701

10 515

14 531

14 341

4 590

5 588

6 258

Dégels : crédits rendus disponibles [D] (y compris fin de gestion)

3 708

4 461

4 767

4 317

6 491

8 680

10 139

2 250

3 039

3 291

Crédits conservés en réserve ou définitivement annulés

[E] = [C] - [D]

1 762

3 332

3 212

4 384

4 024

5 850

4 202

2 341

2 549

2 967

Pourcentage de mobilisation de la réserve de précaution [D] / [C]

68 %

57 %

60 %

50 %

62 %

60 %

71 %

49 %

54 %

53 %

* La réserve initiale correspond à la réserve théorique, déduction faite des dégels systématiques de début de gestion.

Source : Gouvernement pour les années 2011 à 2019, Cour des comptes, Le budget de l’État en 2020, p. 140, pour l’année 2020

2.   L’absence de décret d’avance pour la troisième année consécutive

L’absence de décret d’avance en 2018 était une première depuis 1985. Cette pratique respectueuse de l’autorisation du Parlement en matière budgétaire a été réitérée en 2019 et en 2020. Les décrets d’annulation de crédits n’ont procédé qu’à des annulations techniques de faible ampleur.

● La pratique d’ouverture de crédits par décret d’avance porte une atteinte à l’autorisation parlementaire en matière budgétaire encadrée par l’article 13 de la LOLF. Le Gouvernement peut ainsi majorer le niveau des plafonds des programmes dotés de crédits limitatifs fixé par le législateur en ouvrant des crédits supplémentaires par des décrets d’avance dits « gagés » à condition de respecter plusieurs conditions :

– le caractère d’urgence des actions pour lesquelles ces crédits sont rendus disponibles ;

– le respect de l’équilibre budgétaire, ce qui implique que les ouvertures prévues soient compensées ou « gagées » par des annulations de crédits à due concurrence ;

– le respect du plafond d’ouverture de crédits de l’article 13 de la LOLF (1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année) ;

– le respect du plafond d’annulation des crédits prévu à l’article 14 de la LOLF (le montant cumulé des crédits annulés par décrets d’annulation et par décrets d’avance ne peut excéder 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances relatives à l’année en cours) ;

– les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat font connaître leur avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui leur est faite du projet de décret d’avance.

● Pour la première fois depuis 1985 et après des niveaux élevés d’ouvertures de crédits par décrets d’avance lors des exercices précédents, le Gouvernement n’a pas pris de décret d’avance en 2018 grâce à une programmation initiale plus sincère. Cette bonne pratique s’est poursuivie en 2019 et en 2020.

l’Évolution des crÉDITS OUVERTS PAR DÉCRET D’AVANCE

(en millions d’euros pour l’échelle de gauche)

DA = décrets d’avance

Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et d’après le site Légifrance.

Le recours à des décrets d’avance aurait pu se justifier en 2020 dans le contexte d’une épidémie exigeant plusieurs fois durant l’année que soient prises et modifiées des mesures budgétaires de soutien à l’économie massives et devant être mises en œuvre très rapidement.

Le Gouvernement leur a préféré le dépôt de projets de lois de finances rectificatives à quatre reprises pour opérer des ouvertures considérables de crédits. Ce support budgétaire est plus respectueux de l’autorisation et des débats parlementaires dans la mesure où il garantit une présentation du texte par le Gouvernement, un examen en commission puis en séance, avec la possibilité d’amender le projet de loi lors des différentes lectures.


II.   Les modifications proposées par le présent projet de loi de règlement

En vertu du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent projet de loi de règlement ouvre pour chaque programme « les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

L’article 4 du présent projet de loi arrête les montants consommés sur le budget général au titre de 2020 et procède aux ouvertures (A) et annulations nécessaires (B).

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi de règlement arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2020 et procèdent aux ajustements nécessaires (C).

Ces mouvements sont analysés dans le détail par les différents rapporteurs spéciaux compétents.

A.   Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

L’article 4 propose l’ouverture de 967 319,65 euros d’AE et de CP au titre du programme Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État. Il s’agit d’un programme portant des crédits évaluatifs créée à l’occasion de la loi de finances pour 2020.

L’ouverture de crédits en loi de règlement est peu fréquente. La dernière loi de règlement ayant conduit à un tel mouvement est celle de 2016.

B.   Les annulations portant sur le budget général

● En AE, le présent projet de loi prévoit l’annulation de 5,8 milliards d’euros (hors mission Remboursements et dégrèvements). Les missions les plus concernées par ces annulations sont retracées dans le tableau suivant.


MissionS principalement concernÉes par les annulations d’autorisations d’engagement proposÉes par le présent projet de loi de rÈglement

(en millions d’euros)

Missions et programmes

AE Consommées

AE non consommées et non reportées

% annulées/

consommées

Administration générale et territoriale de l'État

3 824

145

3,8

Aide publique au développement

6 524

422

6,5

Cohésion des territoires

17 770

300

1,7

Crédits non répartis

 

396

n.d

Défense

50 861

728

1,4

Écologie, développement et mobilité durables

17 073

177

1,0

Enseignement scolaire

74 021

179

0,2

Justice

10 031

149

1,5

Sécurités

20 934

302

1,4

Travail et emploi

12 929

2 498

19,3

Sous-total

213 968

5 297

2,5

Remboursements et dégrèvements

151 017

1 150

0,8

Autres missions

182 729

518

0,3

TOTAL

547 714

6 965

1,3

Source : présent projet de loi de règlement.

Sans s’en écarter fortement, le niveau total d’annulations en AE est supérieur à la moyenne des exercices 2 012 à 2019 (5,3 milliards d’euros). Deux missions affichent une proportion d’AE devenus sans objet particulièrement importante au regard de la consommation :

– la mission Aide publique au développement pour 422 millions d’euros. La sous-exécution est due aux prêts consentis à des États étrangers : près d’1 milliard d’euros avaient été prévus en raison d’une hypothèse de hausse des taux retenue lors de la construction de la loi de finances initiale, qui ne s’est pas réalisée, ainsi que d’une revue à la baisse du plan d’activité 2020 du fait de la crise sanitaire. La consommation finale d’AE s’est ainsi établie à 600 millions d’euros ;

– la mission Travail et emploi, pour laquelle l’écart à la prévision en AE s’explique par des retraits d’engagements juridiques budgétaires sur les années antérieures de 2,44 milliards d’euros. La Cour des comptes recommande depuis plusieurs années de fiabiliser la gestion pluriannuelle différenciée en AE et CP sur cette mission. Ce travail n'a pas pu progresser en 2020 en raison notamment de la charge liée aux réponses à la crise sanitaire ([37]) .

Annulations d’Autorisations d’engagement en loi de rÈglement

(en millions d’euros)

Hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : projets de loi de règlement de 2012 à 2020.

● En CP, le projet de loi prévoit l’annulation de 911 millions d’euros (hors la mission Remboursements et dégrèvements). Les missions les plus concernées par ces annulations sont retracées dans le tableau suivant.

MissionS principalement concernÉes par les de crédits de paiement proposÉes par le présent projet de loi de rÈglement

(en millions d’euros)

Missions et programmes

CP Consommés

CP non consommés et non reportés

% des CP annulés/consommés

Action extérieure de l'État

2 941

43

1,5

Crédits non répartis

-

96

n.d

Défense

46 676

166

0,4

Engagements financiers de l'État

36 230

52

0,1

Enseignement scolaire

73 969

173

0,2

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

10 226

30

0,3

Justice

9 151

60

0,7

Santé

1 724

13

0,8

Sécurités

20 613

99

0,5

Travail et emploi

14 736

42

0,3

Sous-total

216 265

775

0,4

Remboursements et dégrèvements

151 021

1 146

0,8

Autres missions

173 412

136

0,1

TOTAL

540 699

2 057

0,4

Source : présent projet de loi de règlement.

Tout en s’écartant de la moyenne des annulations de crédits de paiement entre 2012 et 2019 (596 millions d’euros), le niveau observé en 2020 est similaire à ceux de 2019 (935 millions d’euros) ou 2018 (877 millions d’euros).

Annulations de crédits de paiement en loi de règlement

(en millions d’euros)

* hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : projets de loi de règlement.

C.   Les mouvements de crédits relatifs aux budgets annexes et comptes spéciaux

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi de règlement arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2020 et procèdent aux ajustements nécessaires.

MOUVEments de crédits sur les budgets annexes et les comptes spéciaux 

(en millions d’euros)

Budget ou compte

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertures

Annulations d’autorisations non engagées
et non reportées

Ouvertures

Annulations
de crédits non consommés
et non reportés

Budget annexe Contrôle et exploitation aériens

8,9

 

13,4

Budget annexe Publications officielles et information administrative

15,4

 

13,7

Comptes d’affectation spéciale

14 371,0

14 344,1

Comptes de concours financiers

7 869,5

7 425,9

Source : présent projet de loi de règlement.

 

*

*     *

 

 


—  1  —

 

   Fiche 5 : La dette de l’État

L’encours de la dette de l’État s’est élevé à 2 001 milliards d’euros en valeur actualisée ([38]) au terme de l’année 2020, après 1 823 milliards d’euros à la fin de l’année 2019 (+ 178 milliards d’euros). Cette augmentation de près de 10 % s’explique par la hausse du besoin de financement dans un contexte de soutien exceptionnel aux ménages et à l’activité économique du fait de la crise sanitaire.

En dépit de l’augmentation de l’encours de la dette, la charge d’intérêt de la dette et le coût de la trésorerie de l’État ont diminué, passant de 40,3 milliards d’euros en 2019 à 35,8 milliards d’euros en 2020, en raison de la faiblesse des taux d’intérêt et d’un effet favorable de la faible inflation sur l’encours des titres indexés sur cet indicateur.

I.   Une augmentation historique de l’endettement de l’État en 2020

A.   Un encours de la dette supÉrieur À 2 000 milliards d’euros

1.   L’accroissement de l’encours total de la dette négociable de l’État

L’encours de dette négociable de l’État ([39]) s’établit à 2 001 milliards d’euros en 2020, en progression de 178 milliards d’euros, après une hausse de 66 milliards d’euros en 2019 et de 70 milliards d’euros en 2018. Si le rythme d’augmentation en valeur de la dette a été relativement homogène pour la période 2017-2019 (+ 4 % en moyenne par an), l’année 2020 marque une rupture de tendance avec une augmentation de près de 10 % de l’encours de dette.

 

Évolution de l’encours de la dette nÉgociable de l’État

(en valeur actualisée, en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État, annexés aux projets de lois de règlement.

Cette forte hausse de l’encours de la dette en 2020 s’explique principalement par l’augmentation du déficit à financer qui s’établit à 178,1 milliards d’euros à la fin de l’année 2020 (+ 85,4 milliards d’euros par rapport à 2019), dans le contexte de la crise sanitaire de la covid-19.

2.   La composition de la dette négociable

a.   Un allongement de la durée de vie de la dette négociable malgré la forte augmentation de l’encours des titres de court terme

Si la part des titres à moyen et long terme (OAT) reste très majoritaire dans la composition de la dette négociable de l’État (92 %), la part des titres de court terme (BTF) ([40]) augmente significativement en 2020 (+ 2 points).

Après avoir atteint son niveau le plus bas le 31 décembre 2019, l’encours des BTF a augmenté de 51 % en 2020 et s’établit à 161 milliards d’euros au 31 décembre 2020.

Le niveau de l’encours des OAT augmente également, à hauteur de 7,2 % par rapport à 2019.

composition de la dette nÉgociable

(en millions d’euros)

Encours

Fin 2019

Fin 2020

Évolution 2019/2020
(en %)

Part de l’encours 2019
(en  %)

Ensemble de la dette-valeur actualisée

1 822 805

2 001 014

9,8

100

dont titres indexés

226 396

220 054

– 2,8

11

Obligations assimilables du Trésor – OAT

1 715 872

1 839 406

7,2

91,9

Bons du Trésor à taux fixe – BTF

106 933

161 608

51,1

8,1

Source : rapport annuel de performances Engagements financiers de l’État pour 2020.

Cette évolution constitue une rupture avec la tendance à la baisse de la part des BTF dans l’encours de la dette négociable observée depuis fin 2009. La part des BTF dans l’encours de la dette négociable s’établit fin 2020 à un niveau similaire à celui de fin 2016, bien loin toutefois des niveaux atteints en 2009 et 2010, dans un contexte de besoin de financement comparable à celui de l’année 2020 (voir infra).

Part des BTF dans l’encours de dette nÉgociable

Source : commission des finances.

Malgré cette forte augmentation du niveau de la dette de court terme, la durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger légèrement et s’établit à 8 ans et 73 jours fin 2020, un niveau record depuis la création de l’Agence France Trésor (AFT). Cette quasi-stabilité s’explique par l’allongement de la maturité moyenne à l’émission de titres de moyen-long terme à 11,5 ans en 2020 (contre 11,2 ans en moyenne sur la période 2016-2019).

Évolution de la durÉe de vie de la dette nÉgociable

(en millions d’euros)

Année

Fin 2011

Fin 2012

Fin 2013

Fin 2014

Fin 2015

Fin 2016

Fin 2017

Fin 2018

Fin 2019

Fin 2020

Durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État (après swaps)

7 ans et 52 jours

7 ans et 34 jours

7 ans et 5 jours

6 ans et 362 jours

7 ans et 47 jours

7 ans et 195 jours

7 ans et 296 jours

7 ans et 336 jours

8 ans et 63 jours

8 ans et 73 jours

Source : rapports annuels de l’Agence France Trésor.

En outre, l’encours de dette de l’État est constitué pour 11 % de titres indexés sur l’inflation à travers les titres indexés sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) et ceux indexés sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i). Les fluctuations de l’inflation se répercutent sur la totalité de l’encours des titres indexés, à la différence des variations de taux d’intérêt qui affectent uniquement les émissions de titre. L’encours des titres indexés était de 220 milliards d’euros au 31 décembre 2020, une variation positive de 0,1 point du taux d’inflation ayant ainsi un impact de l’ordre de 220 millions d’euros supplémentaires sur la charge de la dette.

b.   Une légère diminution de la part de dette détenue par les non-résidents

La part de la dette de l’État détenue par les non-résidents a diminué en 2020, sous l’effet de la mise en œuvre du programme d’achats actifs de la Banque centrale européenne ([41]). Elle s’établit ainsi à 50,1 % à la fin de l’année 2020.

DÉTENTION PAR LES NON-RÉSIDENTS
DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

Date

Total dette négociable

déc-09

67,8 %

déc-10

67 %

déc-11

64 %

déc-12

61,9 %

déc-13

63,5 %

déc-14

63,6 %

déc-15

61,9 %

déc-16

58,3 %

déc-17

54,5 %

déc-18

52,3 %

déc-19

53,6 %

déc-20

50,1 %

Source : Banque de France.

B.   Une augmentation exceptionnelle du besoin de financement en 2020

Tant l’effet mécanique de la chute d’activité sur les recettes et les dépenses de l’État que les mesures nouvelles annoncées pour faire face à la crise économique et sanitaire ont conduit à une nette augmentation du besoin de financement de l’État en 2020, qui s’est situé à un niveau exceptionnellement élevé de 309,5 milliards d’euros, en très forte hausse par rapport à 2019 (+ 89 milliards d’euros). À titre de comparaison, ce besoin de financement s’était établi à 246 milliards d’euros lors de la crise de 2009 (+ 82 milliards d’euros par rapport à 2008). Entre 2010 et 2019, il avait assez peu varié, s’établissant à 191 milliards d’euros en moyenne sur la période.

NIVEAU Du BESOIN de financement de l’État


(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État.

Ce besoin de financement résulte principalement d’un déficit de l’État de 178 milliards d’euros, supérieur de 85,4 milliards d’euros à celui de 2019. L’amortissement des titres de moyen et long terme s’établit à 136,1 milliards d’euros, en hausse de 5,9 milliards par rapport à 2019 après une augmentation de 13,6 milliards d’euros entre 2018 et 2019.

le besoin de financement de l’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

Exé-cution
2018

Exé-cution
2019

LFI

2020

LFR (1)

2020

LFR (2) 2020

LFR (3) 2020

LFR (4)

2020

Exé-cution

2020

Écart 2019/2020

Écart LFI /

Exé-cution

Besoin de financement

191,9

220,5

230,5

246,1

324,6

364,2

361,6

309,5

+89,0

+ 79,0

Amortissement de titres d’État à moyen et long terme

116,6

130,2

136,4

136,4

136,2

136,2

136,1

136,1

+ 5,9

 0,3

Valeur nominale

115,9

128,9

130,5

130,5

130,5

130,5

130,5

130,5

+ 1,6

0

Suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

0,7

1,3

5,9

5,9

5,7

5,7

5,6

5,6

+ 4,3

 0,3

Amortissement de dettes reprises par l’État

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

+ 0,5

0

SNCF réseau - amortissement

 

 

1,8

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

+ 1,7

– 0,1

Déficit à financer (*)

76,0

92,7

93,1

109,0

185,5

225,1

222,9

178,1

+ 85,4

+ 85,0

Autres besoins de financement

– 0,6

– 2,4

– 1,3

– 1,5

0,7

0,7

0,4

– 6,9 (1)

– 4,5

– 5,6

Ressources de financement

191,9

220,5

230,5

246,1

324,6

364,2

361,6

309,5

+ 89,0

+ 79,0

Émissions à moyen et long terme (OAT et BTAN) nettes des rachats

195,0

200,0

205,0

210,0

245,0

260,0

260,0

260,0

60

+ 55

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

2,0

0

– 2

Variation des BTF (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

– 13,6

– 6,0

+ 10,0

+ 27,5

+ 64,1

+ 82,9

+53,3

+ 54,7

+ 60,7

+ 44,7

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

+ 9,8

+ 11,5

+ 6,4

+ 1,8

+ 15,0

+ 27,8

+ 16,3

+ 21,4

Variation des disponibilités (+ si diminution ; – sinon)

– 11,1

– 5,7

+ 3,6

+ 4,1

+ 9,0

+ 9,0

+ 11,0

– 63,4

 57,7

– 67

Autres ressources de trésorerie

11,8

20,6

3,5

4,5

6,5

10,5

22,3

30,4

+ 9,8

+ 26,9

Source : rapport annuel de performances Engagements financiers de l’État pour 2020.

(*) Hors dépenses affectées au Programme d’Investissements d’Avenir (PIA). Seules sont intégrées au tableau de financement les opérations donnant lieu à un flux, soit pour les PIA les décaissements nets des intérêts versés. Elles sont comptabilisées dans la ligne « autres besoins de trésorerie »

(1) L’évolution de ce montant par rapport à 2019 s’explique par l’annulation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie (– 0,5 milliards d’euros), une régularisation comptable suite à la demande de la Cour des comptes (– 3,5 milliards d’euros) partiellement compensée par des décaissements sur les comptes PIA nets des intérêts versés (+ 0,2 milliards d’euros) et les ajustements pour passage de l’exercice budgétaire à l’année civile (– 3,1 milliards d’euros).

C.   Les ressources de financement de l’État

La hausse du besoin de financement en cours d’exercice a été couverte, pour l’essentiel, par une augmentation des émissions de dette par rapport à la prévision, répartie entre la dette de court terme (+ 44,7 milliards d’euros) et la dette de moyen et long terme (+ 55 milliards d’euros).

Cette progression de l’encours des BTF et des OAT s’explique par l’adaptation du programme de financement de l’AFT au choc représenté par la hausse du besoin de financement de l’État. L’utilisation des titres de court terme est traditionnellement préférée pour faire face aux variations limitées du besoin de financement, les investisseurs étant généralement moins favorables à une modification du programme de financement de moyen et de long terme. En raison de l’importance et de la globalité du choc, mais aussi de la politique active de rachat d’obligations par la BCE (voir infra) et de l’environnement favorable de taux, l’AFT a diversifié ses émissions et le recours aux BTF a été limité, ce qui permet à l’AFT de conserver aujourd’hui une bonne capacité d’absorption d’un nouveau choc.

Les émissions effectives de dette de moyen et de long terme ayant été calibrées sur les prévisions de déficit de la troisième loi de finances rectificative, nettement plus élevées que celles finalement constatées, le niveau de la trésorerie de l’État a fortement augmenté et s’est établi à 63,4 milliards d’euros.

1.   Un niveau très élevé et en progression d’émissions de titres à moyen et long terme

Les émissions de titre à moyen et long terme se sont élevées à 289,5 milliards d’euros, soit un niveau très supérieur à celui constaté en 2019 (+ 18 %), lequel était déjà nettement supérieur à celui des exercices précédents. Ce niveau brut d’émissions inclut le rachat par l’État de 29,5 milliards d’euros de dette arrivant à échéance en 2021 et 2022, un volume inférieur à celui de 2019 (45,6 milliards d’euros) mais proche de celui observé au cours des années précédentes.

Les Émissions de titres À moyen et long terme

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Émissions brutes de titres à moyen et long terme

132

178,6

210,7

207,2

201,5

192

203,1

220

214

213,1

225

246

289,5

Rachats de titres

3,4

13,6

22,7

23,8

23,5

23

31,1

33

27

28,1

30

45,6

29,5

Émissions nettes de titres à moyen et long terme

128,5

164,9

187,6

183,4

177,9

169

172

187

187

185

195

200

260

NB : les arrondis peuvent entraîner un décalage pour certains résultats.

Source : lois de règlement successives et présent projet de loi de règlement.

Les émissions de titres nettes des rachats se sont établies à 260,0 milliards d’euros, en hausse de 60 milliards d’euros par rapport à la prévision et de 55 milliards d’euros par rapport à 2019.

2.   Un regain de l’encours de titres de dette de court terme, en rupture avec la tendance observée ces dernières années

L’encours de dette à court terme a augmenté de 54,7 milliards d’euros en 2020. Cette hausse est supérieure de 44,7 milliards d’euros à celle prévue en loi de finances initiale. L’encours des BTF augmente de 60,7 milliards d’euros par rapport à 2019.

La progression de cet encours a été revue à la baisse par rapport à la prévision de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([42]), du fait d’un niveau de ressources issues des dépôts des correspondants et des autres ressources de trésorerie plus élevé que prévu.

3.   Le niveau record du montant des primes à l’émission

En 2020 le montant des primes nettes des décotes à l’émission a fortement augmenté et a atteint le niveau record de 30,7 milliards d’euros. Le niveau constaté est nettement supérieur à la prévision de la LFI (3 milliards d’euros). Il est en nette augmentation par rapport à 2019 (21,2 milliards d’euros).

Évolution du NIVEAU des primes nettes de dÉcotes

(en milliards d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

8,2

2,5

9,2

6,0

7,4

22,7

20,8

10,5

11,3

21,2

30,7

Source : AFT.

Cet accroissement est lié, d’une part, au nouveau recul des taux d’intérêt de moyen et long terme en cours d’année, effet renforcé par leur caractère négatif qui entraîne mécaniquement l’encaissement de primes à l’émission (voir infra), et, d’autre part à la réémission d’anciennes souches, dont le nombre a été doublé en 2020 par rapport à l’année précédente pour satisfaire la forte demande des marchés. Cette demande s’explique par l’ampleur de l’intervention de la BCE sur les marchés, qui a racheté de la dette française sur l’ensemble de la courbe (et pas seulement sur des titres de référence récemment créés), contribuant ainsi à assécher le stock de souches anciennes.


Le volume d’émissions de titres sur des souches anciennes s’est élevé à 110,8 milliards d’euros en 2020, après 55 milliards d’euros en 2019. Cette forte augmentation a entraîné la hausse du montant des primes nettes des décotes sur ces émissions, qui se sont établies à 21,4 milliards d’euros en 2020 (contre 11,2 milliards d’euros en 2019), malgré une réduction de l’écart entre les taux d’émission et les taux du marché (1,77 point de pourcentage en 2020, après 2,05 points de pourcentage en 2019).

Comme en 2019, un écart élevé de taux entre l’émission de titres de référence (les nouvelles souches) et les taux du marché a été constaté (0,36 point de pourcentage en 2020, stable par rapport à 2019) en raison des taux négatifs, ce qui a généré 6,9 milliards d’euros de primes nettes de décote sur ces émissions, un niveau comparable à celui de 2019 (7,8 milliards d’euros).

Les primes et décotes à l’émission

Les émissions de titres donnent lieu à des primes (ou décotes), lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux issu de l’adjudication. Ainsi, les souscripteurs versent une prime si le taux facial est supérieur au taux d’adjudication.

Cette situation résulte notamment de l’émission de titres sur des souches dites anciennes, porteuses de taux supérieurs aux taux de marché qui sont actuellement à des niveaux historiquement bas.

L’émission de titres à partir de souches anciennes reflète la politique d’émission ayant recours à la technique d’assimilation, qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette à plusieurs reprises pour améliorer la liquidité de la dette en répondant aux attentes de taux et de maturité des investisseurs.

D’un point de vue de coût actuariel, il est équivalent d’émettre un titre au taux du marché et d’émettre un titre à partir d’une souche ancienne à un taux différent de celui de marché avec une prime ou une décote à l’émission.

Le niveau élevé des primes constaté en 2020 s’explique également par l’ampleur de la variation des taux d’intérêt en cours d’année, effet renforcé par le maintien des taux de l’OAT à 10 ans en territoire négatif. Or, étant donné qu’il n’est pas possible pour l’AFT d’émettre des titres à taux négatif, l’émission de titres à horizon 10 ans se traduit nécessairement par des primes à l’émission.


Le traitement comptable des primes à l’émission

Les primes à l’émission représentent une ressource de trésorerie pour l’État, au sens de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (1).

Au sens de la comptabilité générale et de la comptabilité nationale « maastrichtienne », les primes et décotes à l’émission sont amorties de façon étalée sur toute la durée de vie du titre, la charge financière correspond dès lors au taux d’intérêt issu de l’adjudication.

En revanche, la charge financière en comptabilité budgétaire correspond aux décaissements liés aux intérêts servis, conformément au taux de coupon.

Ainsi, les primes et décotes à l’émission contribuent à alléger de 10 milliards d’euros la charge de la dette en 2020, au sens de la comptabilité maastrichtienne.

(1) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

4.   La forte croissance des dépôts des correspondants du Trésor

Les fonds déposés par les correspondants du Trésor ont augmenté de 27,8 milliards d’euros en 2020, à un niveau nettement supérieur à la prévision de la LFI (+ 6,4 milliards d’euros), après une augmentation de 11,5 milliards d’euros en 2019

Cette croissance s’explique par la progression de l’encours des établissements publics nationaux (+ 23,4 milliards d’euros) résultant de flux exceptionnels (notamment, la Société du Grand Paris dans une stratégie de préfinancement à taux bas, l’Agence des Services et de Paiement pour faire face aux dépenses de l’activité partielle et la Cades dans le cadre de la reprise de dette de la sécurité sociale).

II.   Une charge de la dette en diminution et infÉrieure À la prÉvision

En dépit de l’augmentation substantielle de l’encours de la dette, la charge de la dette de l’État s’est établie à 35,8 milliards d’euros en 2020, à un niveau inférieur de 2,3 milliards d’euros à la prévision de la LFI et en repli de 4,5 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2019. Cette situation traduit les bonnes conditions de financement dont bénéficie l’État depuis plusieurs années.


A.   La baisse de la charge de la dette de l’État

En 2020, la charge de la dette et de la trésorerie de l’État s’établit à 35,8 milliards d’euros, après 40,3 milliards d’euros en 2019.

Évolution de la charge de la dette et de la trÉsorerie de l’État

(en milliards d’euros)

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

La diminution de la charge de la dette et de la trésorerie de l’État (– 4,5 milliards d’euros) résulte des facteurs haussiers et baissiers suivants :

– un effet volume défavorable (impact de + 0,2 milliard d’euros), lié à l’augmentation significative de l’encours de dette à moyen et long terme (+ 178 milliards d’euros) ;

– un effet inflation favorable (impact de – 2,3 milliards d’euros) en 2020 par rapport à 2019 ;

– un effet taux favorable (impact de – 2,7 milliards d’euros).

En effet, la France a bénéficié de conditions d’endettement très favorables en 2020 : les émissions de court terme ont été réalisées à des taux très proches de 2019 (– 0,56 % contre – 0,58 % en 2019) tandis que les émissions à moyen et long terme ont bénéficié de conditions encore plus favorables (– 0,13 % contre 0,11 % en 2019). Ces taux sont bien inférieurs aux hypothèses du PLF 2020, qui prévoyaient une moyenne annuelle de – 0,50 % pour les taux à court terme et de 0,50 % pour les taux de moyen et long terme.

B.   Une charge de la dette infÉrieure aux prÉvisions de la loi de finances initiale

La charge de la dette et de la trésorerie de l’État ressort à un niveau inférieur de 2,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

comparaison des prÉVISIONS ET EXÉCUTION de la charge de la dette
et de la trÉSORERIE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

Exercice

2014

Exercice

2015

Exercice

2016

Exercice

2017

Exercice

2018

Exercice

2019

Exercice 2020

Prévision LFI

46,7

44,3

44,5

41,5

41,2

42,1

38,1

Exécution

43,2

42,1

41,5

41,7

41,5

40,3

35,8

Écart

– 3,5

– 2,2

– 3,0

+ 0,1

+ 0,3

– 1,8

–2,3

N.B. : hors swaps.

Source : lois de finances initiales et lois de règlement, projet de loi de règlement pour 2019.

La sous-exécution constatée résulte principalement des facteurs suivants :

– une inflation plus faible qu’anticipé (+ 0,2 % pour la France et + 0,1 % en zone euro, au lieu de prévisions à + 1,0 % en France et + 1,3 % en zone euro), soit un moindre coût de 2,2 milliards d’euros, en raison des titres de dette dont le taux d’intérêt est indexé sur l’inflation ;

– un maintien à un niveau très bas des taux d’intérêt à court terme, avec un taux à l’émission maintenu à – 0,56 % en moyenne sur l’année (après – 0,58 % en 2019) alors que la LFI 2020 était bâtie sur une hypothèse de relèvement progressif des taux courts, ce qui a entraîné une diminution de la charge de la dette de 0,3 milliard d’euros.

*

*     *

 

 


—  1  —

 

   fiche 6 : La comptabilitÉ gÉnÉrale de l’État

Le projet de loi de règlement est accompagné du compte général de l’État prévu à l’article 54 de la LOLF. Le compte général de l’État comporte notamment un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Il se rapproche en cela de la comptabilité d’une entreprise et ne s’en distingue qu’à raison des spécificités de l’action de l’État.

L’article 3 du présent projet de loi de règlement a pour objet d’approuver le compte de résultat de l’exercice 2020, d’affecter ce résultat comptable au bilan, d’arrêter le bilan, puis d’approuver l’annexe du compte général de l’État.

La comptabilité générale permet de rendre compte de l’ensemble de la situation financière et patrimoniale de l’État (I) et des résultats de l’exercice (II).

Elle a aussi pour fonction de retracer les engagements hors bilan de l’État, notamment ceux résultant des engagements de retraite et des garanties octroyées à des entités publiques ou privées (III).

Afin de s’assurer de la fiabilité des informations comptables, le législateur organique, au 5° de l’article 58 de la LOLF, a confié à la Cour des comptes la mission de certifier les comptes de l’État (IV).

La comptabilité générale de l’État, dix ans après : une nouvelle étape à engager

La Cour des comptes a rendu public, le 22 février 2016, un rapport sur la comptabilité générale de l’État. Ce rapport dresse un bilan de la mise en œuvre de cette nouvelle comptabilité. Il en détaille les apports et les limites.

Au titre des apports, la Cour des comptes a souligné que la comptabilité générale avait permis une meilleure transparence et connaissance du patrimoine de l’État ainsi qu’une modernisation des services financiers en favorisant des travaux communs entre les différents gestionnaires.

Au titre des limites, la Cour des comptes a constaté que la comptabilité générale n’avait pas encore trouvé sa place dans le débat public : la comptabilité nationale, dont les résultats servent directement au suivi du respect des engagements européens de la France, permet de fournir le solde des administrations publiques, un des principaux enjeux des lois de finances. 

En outre, la Cour des comptes a relevé que la comptabilité générale était peu utilisée par les gestionnaires publics. De ce fait, elle a peu fait évoluer les pratiques administratives. En outre, la fiabilité des comptes est encore systématiquement insuffisante dans certains domaines importants (les immobilisations financières ou les stocks, notamment militaires).

 

III.   Le bilan de l’État : une forte dégradation de la situation nette patrimoniale dans le contexte de crise sanitaire

La situation nette patrimoniale est égale à la différence entre l’actif de l’État, évalué à 1 169 milliards d’euros, et son passif, évalué à 2 705,2 milliards d’euros au 31 décembre 2020.

Cette situation nette est donc négative à hauteur de 1 536,2 milliards d’euros au 31 décembre 2020, au lieu de 1 371,2 milliards d’euros au 31 décembre 2019. Elle s’est ainsi fortement dégradée, à hauteur de 165 milliards d’euros, ce qui s’explique par une détérioration importante du passif de l’État (+ 254,7 milliards d’euros au total), plus rapide que la hausse de l’actif de l’État (+ 89,7 milliards d’euros).

Cette forte augmentation du passif de l’État est directement liée à la crise sanitaire de 2020 : les dettes financières contractées ont connu une hausse sans précédent (+ 201 milliards d’euros) en raison d’un besoin de financement exceptionnel en période de crise tandis que les provisions pour risques et charges se sont accrues (+ 13,3 milliards d’euros) du fait de la mise en place de dispositifs exceptionnels de soutien aux entreprises et aux ménages (voir infra).

Les principales hausses de l’actif de l’État concernent les immobilisations financières (+ 21 milliards d’euros, principalement du fait du soutien de l’État aux capitaux propres des entreprises dans lesquelles il détient des participations et de l’augmentation de la valorisation du groupe SNCF à la suite de sa transformation en société anonyme) et la trésorerie active de l’État qui progresse de 62,1 milliards d’euros.

Il est toutefois important de rappeler que la situation nette de l’État n’est pas comparable à celle d’une entreprise, puisqu’il ne dispose pas, à l’actif, d’un capital social ou équivalent. En outre, l’État dispose d’un actif incorporel particulier, qui n’est pas valorisé dans ses comptes : sa souveraineté et sa capacité à lever l’impôt. Enfin, il comptabilise des charges qui pourraient être considérées comme des investissements pour la collectivité, comme les dépenses de recherche et d’enseignement supérieur.

 


Source : exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

A.   Un actif retraçant le soutien de l’État à ses entreprises stratégiques

L’actif de l’État dépasse les 1 100 milliards d’euros, alors qu’il était évalué aux environs de 500 milliards d’euros dans la première édition de la comptabilité générale en 2006. Entre-temps, la connaissance du patrimoine de l’État a été améliorée et enrichie, notamment par la valorisation des infrastructures. Comme pour un bilan d’entreprise, l’actif de l’État est ventilé en immobilisations, actif circulant (stocks et créances) et trésorerie.

Actif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie d’actifs nets

Au 31 décembre 2020

Au 31 décembre 2019

Au 31 décembre 2018

Au 31 décembre 2017

Immobilisations

920,4

896,8

879,9

851,1

Actif circulant

134,6

130,5

125,7

127,0

Trésorerie active

113,2

51,0

46,0

33,2

Régularisation

0,8

0,9

0,2

1,3

Total

1 169,0

1 079,2

1 051,8

1 012,6

Source : lois de règlement successives et présent projet de loi de règlement.


1.   Des immobilisations en hausse

Les immobilisations de l’État sont évaluées à la clôture de l’exercice à 920,4 milliards d’euros au lieu de 896,8 milliards d’euros au terme de 2019. Elles constituent environ 80 % de l’actif de l’État.

Cette hausse de 23,6 milliards d’euros s’explique principalement par la progression des immobilisations financières (+ 21 milliards d’euros) dans un contexte de soutien aux acteurs économiques stratégiques. Ainsi, les immobilisations financières augmentent en 2020 en raison de :

– la hausse de la valeur nette des participations de l’État (+ 16,0 milliards d’euros) liée principalement à la progression de la valeur d’équivalence du groupe SNCF (+ 21,5 milliards d’euros) dans le cadre de la reprise de 25 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau par l’État ;

– l’augmentation des créances rattachées à des participations (+ 2,2 milliards d’euros) qui résulte de l’avance faite à Air France-KLM (3 milliards d’euros) ;

– la hausse des prêts et avances (+ 1,4 milliard d’euros), à la suite notamment de l’avance versée à Ile-de-France Mobilités (1,2 milliard d’euros) ;

– et de la hausse des autres immobilisations financières du fait de la souscription par l’État aux obligations d’EDF (1 milliard d’euros).

2.   Un actif circulant qui progresse du fait de l’augmentation des créances

L’actif circulant hors trésorerie est évalué à 134,6 milliards d’euros au 31 décembre 2020, soit 4,1 milliards d’euros de plus que fin 2019.

Une hausse importante des autres créances est observée (+ 4,8 milliards d’euros) en raison de la mise en place de mesures exceptionnelles en 2020 : dispositif de chômage partiel (2,7 milliards d’euros), compensation des allègements de prélèvement pour les entreprises les plus touchées par la crise (0,7 milliard d’euros), mesures pour stimuler l’embauche des jeunes (0,2 milliard d’euros).

Si les créances sur les redevables sont pratiquement stables en 2020 (+ 0,2 milliard d’euros), il faut toutefois noter la hausse des créances recouvrées pour le compte de tiers (+ 1,8 milliard d’euros), principalement au titre des restes à recouvrer de cotisation foncière des entreprises ([43]), et la baisse des créances liées aux amendes, pénalités et crédits d’enlèvement (– 2,4 milliards d’euros), en raison de la constatation en 2019 d’un produit à recevoir de montant très significatif au titre d’une convention judiciaire d’intérêt public.

3.   Une multiplication par deux du niveau de trésorerie disponible

La trésorerie disponible au 31 décembre 2020 s’élève à 113,2 milliards d’euros, soit plus du double du niveau de trésorerie active constaté fin 2019 (51 milliards d’euros).

Cette forte progression résulte de l’écart entre les prévisions de déficit budgétaire retenues pour la réalisation du programme de financement (223 milliards d’euros), et le déficit budgétaire finalement observé (178 milliards d’euros), l’Agence France Trésor ayant donc levé des ressources supérieures au besoin de financement réel à la fin de l’exercice. Ces ressources sont utilisées en 2021 pour financer, à taux bas, une partie des crédits budgétaires reportés à la fin de l’année 2020.

B.   une forte dégradation du passif en raison de la hausse sans précédent des dettes financières

Passif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie de passifs

Au 31 décembre 2020

Au 31 décembre 2019

Au 31 décembre 2018

Au 31 décembre 2017

Dettes financières

2 047,2

1 846,2

1 780,7

1 710,7

Dettes non financières

281,4

270,5

244,5

244,1

Provisions pour risques et charges

161,0

147,8

145,9

148,1

Autres passifs

33,8

35,4

36,2

39,5

Trésorerie passive

156,2

126,8

115,3

107,1

Régularisation

25,6

23,7

24,1

22,2

Total

2 705,2

2 450,5

2 346,7

2 271,7

1.   L’augmentation exceptionnelle du niveau des dettes financières

Le passif de l’État, principalement constitué de dettes financières (75 %), augmente de 254,7 milliards d’euros en 2020 (+ 11 % par rapport à 2019), en raison de la progression des dettes financières (+ 201 milliards d’euros de dettes nouvelles) dans le contexte d’un besoin de financement exceptionnel en période de crise. Le niveau des dettes financières s’établit à 2 047 milliards d’euros à la fin de l’année 2020.

Cette augmentation globale du niveau des dettes financières est répartie entre :

– une hausse de 129,5 milliards d’euros des titres négociables à moyen et long terme et de 54,7 milliards d’euros des titres négociables à court terme ;

– une baisse de 6,1 milliards d’euros des intérêts courus et assimilés, dans le contexte d’une inflation faible et de taux d’intérêt bas ;

– une progression de 22,8 milliards d’euros des dettes financières et autres emprunts, principalement liée à la reprise de la dette SNCF Réseau par l’État pour 25 milliards d’euros.

2.   Des dettes non financières en progression

Les dettes non financières, hors trésorerie, sont de 281,4 milliards d’euros au 31 décembre 2020 au lieu de 269,7 milliards d’euros au 31 décembre 2018. Cette hausse de 10,9 milliards d’euros s’explique principalement par la poursuite de la hausse des primes d’émission sur les nouvelles émissions d’obligations assimilables du trésor (OAT), à hauteur de 30,9 milliards d’euros.

Le niveau des dettes relatives aux transferts aux entreprises augmente très fortement en raison des mesures exceptionnelles mises en place pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire : fonds de solidarité pour les entreprises (3,1 milliards d’euros), dispositif de chômage partiel (1,1 milliard d’euros), compensation à la sécurité sociale des prélèvements sociaux (0,6 milliard d’euros).

Par ailleurs, la suppression du CICE au 1er janvier 2019 s’est traduite pour la première fois en 2020 ([44]) par une forte diminution des charges à payer au titre de ce dispositif (– 7,6 milliards d’euros).

3.   La hausse significative des provisions pour risques et charges

Les provisions pour risques et charges augmentent de 13,2 milliards d’euros par rapport à 2019 pour s’établir à 161,0 milliards d’euros du fait de la mise en place de dispositifs exceptionnels de soutien aux entreprises et aux ménages.

Les provisions pour risques augmentent de 3,4 milliards d’euros en raison, d’une part, de la hausse des provisions pour engagements (+ 7 milliards d’euros), essentiellement au titre des prêts garantis par l’État aux entreprises et, d’autre part, de la baisse des provisions pour litiges fiscaux (– 4,7 milliards d’euros).

Les provisions pour charges augmentent de 9,9 milliards d’euros en raison notamment de la hausse des provisions relatives au prélèvement sur recettes de l’Union européenne dans le contexte du Brexit (+ 4,4 milliards d’euros) et de l’augmentation des provisions relatives aux dispositifs exceptionnels mis en place dans le cadre de la crise sanitaire (prise en charge par l’État du chômage partiel pour 2,2 milliards d’euros et contribution de l’État au fonds de solidarité pour 1,5 milliard d’euros).


4.   Une trésorerie passive substantielle

La trésorerie passive correspond aux dépôts des correspondants du Trésor et assimilés. Elle est de 156,2 milliards d’euros au 31 décembre 2020, en hausse de 29,4 milliards d’euros. Cette hausse s’explique notamment par la progression des dépôts des établissements publics nationaux : CADES (+ 6,9 milliards d’euros pour anticiper les échéances de reprise de la dette de l’ACOSS), la Société du Grand Paris (+ 7,8 milliards d’euros dans une stratégie de préfinancement pour profiter de l’environnement de taux bas), l’Agence de services et de paiement (+ 4,4 milliards d’euros dans le cadre de son activité de gestion du chômage partiel).

IV.   Le compte de résultat de l’état : un résulTat patrimonial à son plus bas niveau historique

Le résultat patrimonial 2020 s’établit à – 165,6 milliards d’euros, en détérioration de 81 milliards d’euros par rapport à 2019, en raison de l’effet combiné d’une augmentation sans précédent des charges nettes (+ 77 milliards d’euros) et d’une baisse des produits régaliens nets de 4,1 milliards d’euros. Le résultat patrimonial est ainsi à son plus bas niveau historique. À titre de comparaison, il s’établissait à – 112 milliards d’euros en 2010.

FORMATION du résultat de l’État en 2019

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2020

Exercice 2019

Exercice 2018

Exercice 2017

 

 

Cycle de fonctionnement

Charges (a)

270,2

271,4

266,0

268,8

Produits (b)

78,5

77,0

77,1

73,1

Charges nettes (I =a-b)

191,7

194,4

188,9

195,7

 

 

Cycle

d’intervention

Charges (a)

273,4

206,1

193,1

190,5

Produits (b)

50,1

43,1

38,4

39,0

Charges nettes (II = a-b)

223,3

163

154,7

151,4

 

 

Cycle Financier

Charges (a)

71,2

45,5

57,3

51,7

Produits (b)

29,5

23,1

34,8

35,0

Charges nettes (III = a-b)

41,7

22,4

22,5

16,7

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

456,7

379,8

366,1

363,8

 

 

Produits régaliens nets (B)

291,1

295,2

314,3

302,8

 

 

Résultat (B-A)

 165,6

 84,5

 51,9

 61,1

Source : lois de règlement 2017,2018 et 2019 et présent projet de loi de règlement.


A.   Le cycle de fonctionnement

Le cycle de fonctionnement s’est amélioré de 2,7 milliards d’euros en 2020. Il comprend notamment les charges de personnel (149,6 milliards d’euros), lesquelles constituent le premier poste du compte de résultat de l’État, qui progresse de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2019. On note également une baisse de 2,4 milliards d’euros des charges de fonctionnement indirect, suite au changement de statut en société anonyme du groupe SNCF.

B.   Le cycle d’intervention

Les charges nettes d’intervention progressent très fortement en 2020 (+ 51,4 milliards d’euros), principalement du fait des mesures exceptionnelles mises en place pour soutenir les entreprises et les ménages dans le cadre de la crise sanitaire.

Ainsi, les transferts aux entreprises augmentent de 40,7 milliards d’euros en raison des modalités de versement du dispositif exceptionnel de chômage partiel aux ménages, ainsi qu’en raison du fonds de solidarité et de la compensation à la sécurité sociale d’exonérations de prélèvements sociaux. Les transferts directs aux ménages progressent de 4,7 milliards d’euros notamment en raison du versement des aides exceptionnelles de solidarité aux ménages modestes et aux jeunes.

Les produits d’intervention, hors reprises sur provisions et dépréciation, sont en hausse de 6,4 milliards d’euros principalement du fait de la participation de la SNCF au versement de subventions pour des opérations de régénération ferroviaire dans le cadre du changement de statut de l’entreprise.

Les dotations aux provisions et dépréciations nettes de reprises du cycle d’intervention augmentent de 15,4 milliards d’euros suite à la comptabilisation de provisions relatives aux mesures de soutien des entreprises (cf supra).

C.   Le cycle financier

Le cycle financier, qui comprend essentiellement le paiement des intérêts de la dette, enregistre une hausse de 19,3 milliards d’euros principalement due à la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’État à hauteur de 25 milliards d’euros. Cette hausse est partiellement compensée par le produit de cession (7,5 milliards d’euros) généré par les opérations de restructuration du groupe SNCF.

La charge de la dette négociable diminue de 6,8 milliards d’euros en raison de la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation.


D.   Les produits régaliens nets

Les produits régaliens nets sont la somme des produits fiscaux nets et des amendes et pénalités, sous déduction des ressources propres du budget de l’Union européenne. Ils diminuent de 4,1 milliards d’euros en 2020, principalement en raison de la baisse du produit net de TVA et de la TICPE dans le contexte du repli de la consommation et de la réduction des déplacements. Cette diminution est cependant modérée par la forte progression du produit de l’impôt sur les sociétés suite à la transformation du CICE en allègements de cotisations sociales pérennes.

Les produits régaliens nets

(en milliards d’euros, arrondis au dixième)

Catégorie de produits

31 décembre 2020

31 décembre 2019

31 décembre 2018

31 décembre 2017

Produits fiscaux nets

305,7

304,3

325,4

310,7

Amendes, prélèvements divers et autres pénalités

9,0

12,0

9,5

8,5

Ressources propres du budget de l’Union européenne

– 23,7

– 21,0

– 20,6

– 16,4

Total

291,0

295,3

314,3

302,8

Source : lois de règlement 2017 à 2019 et présent projet de loi de règlement.

V.   Les engagements hors bilan

Les engagements hors bilan de l’État sont constitués de l’ensemble des obligations potentielles qui, sans réunir les critères d’inscription au bilan ou au compte de résultat, s’imposent à l’État et sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur sa situation financière.

Ils s’élèvent à environ 4 420 milliards d’euros. Les engagements hors bilan relatifs aux retraites – y compris les subventions d’équilibre à certains régimes de retraite – en représentent environ la moitié et sont en forte hausse. Cette augmentation est essentiellement imputable à l’évolution du taux d’actualisation appliqué, en partie compensée par l’amélioration du niveau de cotisations.

Il faut également souligner que la dette garantie par l’État au titre des engagements pris augmente de 115 milliards d’euros, principalement en raison de la mise en place des PGE et de la garantie de la dette Unédic qui progresse significativement, dans le contexte de la crise sanitaire.

Les principaux engagements hors bilan de l’État

(en milliards d’euros)

 

2020

2019

Variation
2020/2019

Retraite envers les fonctionnaires de l’État et les militaires

2619

2 265

+ 355

Garanties de protection des épargnants

488

450

+ 38

Subventions aux régimes de retraite et subventions d'équilibre aux régimes spéciaux dont SNCF, ENIM, RATP, CANSSM, SEITA

524

437

+ 87

Dette garantie par l'État

320

205

+ 115

Retraite envers les fonctionnaires de la Poste

149

140

+ 9

Quote-part française au capital appelable du MES

126

126

0

Service public de l'énergie ([45])

118

108

+ 10

Aides au logement (ALS, APL et ALF) ([46])

77

73

+ 4

Total

4421

3 804

+ 617

Source : exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 47‑2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères » et qu’« ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Le troisième alinéa de l’article 27 de la LOLF prévoit que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

Le législateur a ainsi confié à la Cour des comptes la mission de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, les comptes de l’État ont été systématiquement certifiés, même si cette certification a toujours été assortie de réserves. Les premières années ont été marquées par des progrès significatifs, ce qui a permis, en dix ans, la levée de quatorze réserves.

Depuis 2015, les comptes de l’État sont certifiés réguliers et sincères, sous quatre réserves substantielles invariantes. Les efforts de l’administration ne permettent pas, à cette date, de contribuer à lever ces réserves :

– les limites générales dans l’étendue des vérifications ;

– les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ;

– les anomalies relatives aux immobilisations financières ;

– les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens.

Évolution du nombre de réserves depuis 2006

Exercice

2006

2007 - 2008

2009

2010 – 2011 -

2012

2013 – 2014 - 2015

2016 – 2017 – 2018 – 2019 - 2020

Nombre de réserves

13

12

9

7

5

4

Source : Cour des comptes.

*

*     *

 

 


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   Travaux de la Commission

   Auditions DE la Commission

AUDITION DE MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090) et sur le programme de stabilité 2021-2027

Lors de sa réunion du mercredi 14 avril 2021 après-midi, la Commission a auditionné MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090) et sur le programme de stabilité 2021-2027.

M. le président Éric Woerth. Je vous informe tout d’abord que le groupe de travail, commun avec la commission des lois, sur le suivi de l’expérimentation relative à la collecte de données en lignes au profit de l’administration fiscale, permise par la loi de finances initiale pour 2020, a tenu sa réunion constitutive.

Je remercie MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à venir présenter le programme de stabilité. Ce programme a été présenté ce matin même en Conseil des ministres, qui a également délibéré, de façon plus précoce que l’année dernière, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.

Nous poursuivrons demain cette discussion en entendant M. Pierre Moscovici, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis émis par le Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité ainsi que sur l’avis relatif au solde structurel des administrations publiques présenté en projet de loi de règlement, ainsi qu’en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’exécution budgétaire 2020 et sur l’acte de certification des comptes de l’État pour 2020.

La présentation du programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer sa stratégie budgétaire. Dans un contexte de crise, c’est un exercice encore plus délicat qu’en temps ordinaire. Le programme de stabilité qui nous a été communiqué ce matin établit une trajectoire sur la période allant de 2021 à 2027. Le solde des administrations publiques, qui avait atteint moins 9,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020, demeurerait très dégradé non seulement en 2021, mais aussi en 2022, à moins 5,3 %. Néanmoins, la réduction ultérieure du déficit public d’environ 0,5 point de PIB par an permettrait d’atteindre un déficit inférieur à 3 % en 2027 et une stabilisation à cet horizon de l’endettement public, à un niveau toujours supérieur à 115 points de PIB. Ce programme de stabilité, qui tire les conséquences de la crise, est donc, d’un certain point de vue, plutôt ambitieux.

D’autre part, il faut cette année transmettre, à l’échéance du 30 avril, au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne, non seulement le programme de stabilité, mais aussi le plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) que chaque État membre met en œuvre pour faire face à la crise et obtenir les fonds dégagés à l’échelle européenne. Ces programmes et ces plans sont en cours d’examen par les parlements nationaux. Pour la bonne information du Parlement français, nous souhaiterions, monsieur le ministre de l’économie, pouvoir vous auditionner, conjointement avec la commission des affaires européennes, sur ce sujet – c’est ce qui se fait dans d’autres pays européens et c’est ainsi que nous avions procédé lors de la présentation du plan de relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Le programme de stabilité, que nous transmettrons à nos partenaires européens à la fin du mois, revêt cette année un caractère exceptionnel puisque la crise que nous traversons – la plus grave depuis 1929 – nous a amenés à faire des choix de politiques publiques majeurs. L’objectif de ce programme est d’indiquer aux Français comment nous comptons rétablir les finances publiques, à quel rythme, suivant quel calendrier et avec quels instruments.

Nous estimons qu’il ne faudra les rétablir que lorsque la croissance sera revenue et que la crise sanitaire sera derrière nous. Lors des précédentes crises, le redémarrage de la croissance avait été bloqué et la zone euro affaiblie car nous avions voulu rétablir trop rapidement les finances publiques. La question du calendrier est donc décisive. Je veux qu’il soit clair pour tous les Français que le rétablissement des finances publiques ne se fera qu’une fois que l’économie aura redémarré.

Ce rétablissement est néanmoins nécessaire et c’est pourquoi nous proposons de limiter la croissance des dépenses publiques en volume à 0,7 % par an en moyenne durant les cinq prochaines années. L’objectif est ambitieux : cela représente l’effort le plus important depuis vingt ans, puisque dans les années 2000, la croissance des dépenses publiques en volume était de l’ordre de 2 %, avant de ralentir pour s’établir à environ 1 %. Cette tendance à une meilleure maîtrise des dépenses publiques est, selon nous, saine.

L’alternative réside entre la maîtrise des finances publiques et l’augmentation des impôts. Nous avons opté, avec le Président de la République et le Premier ministre, pour la première solution. Tout n’est pas possible. On ne peut dire aux Français qu’on peut à la fois laisser filer la dépense publique au cours des cinq prochaines années, renoncer au rétablissement des finances publiques et au désendettement du pays et ne pas augmenter les impôts : c’est un mensonge. Chacun doit assumer ses responsabilités : on peut vouloir augmenter les impôts – nous y sommes pour notre part totalement opposés ; ou l’on peut vouloir rétablir les finances publiques en maîtrisant la croissance de la dépense publique – c’est ce que nous proposons. L’intérêt de ce débat est de soumettre un choix clair aux Français.

Des articles de presse fleurissent, dénonçant le fait qu’en matière fiscale, la France serait aujourd’hui en décalage par rapport à ses principaux partenaires, notamment les États-Unis ou le Royaume-Uni. La réalité, c’est que ce décalage existe depuis trente ans : le taux de prélèvements obligatoires s’établit dans notre pays à 44 % de la richesse nationale ; il s’agit du taux le plus élevé parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : il est de douze points supérieur à la moyenne. On s’esbaudit que le Royaume-Uni augmente le taux de son impôt sur les sociétés, mais il est passé de 19 % à 25 % quand en France, il diminuait de 33,33 % à 25 % : il n’y a donc pas décalage, il y a convergence. Les chiffres sont aussi têtus que les faits ! La décision que nous avons prise, avec le Président de la République, de réduire la pression fiscale sur les Français, en supprimant la taxe d’habitation et en réduisant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, ne fait que ramener la France dans le haut de la fourchette des pays de l’OCDE pour ce qui est du taux de prélèvements obligatoires. Pour nos compatriotes, la question des impôts est essentielle ; nous ne voulons pas les augmenter et c’est pourquoi nous faisons le choix d’une maîtrise de la dépense publique.

Je le répète : notre priorité est la relance de l’économie. La stratégie que nous allons suivre pour y parvenir comprend trois étapes : il s’agit de protéger, de relancer, puis de rétablir les finances publiques. Ce n’est concevable que dans cet ordre.

Protéger, nous l’avons fait massivement : nous avons protégé les emplois, les compétences et les entreprises. La France est l’un des pays européens qui a le mieux et le plus protégé son économie. Nous continuerons à le faire tant que les règles sanitaires l’imposeront. Les aides seront réduites progressivement ; il n’est pas question de les supprimer brutalement, alors que les professionnels – restaurateurs, hôteliers, commerçants – en ont besoin pour reprendre leur activité.

Deuxième étape : la relance. Nous avons pris de l’avance par rapport à nos partenaires européens, car nous avons déjà engagé 30 milliards sur les 100 milliards d’euros du plan de relance. Certaines politiques, comme la rénovation énergétique des bâtiments, marchent très bien. Ainsi, au cours du premier trimestre de l’année 2021, on a réalisé autant de rénovations énergétiques et versé autant d’aides au titre de MaPrimeRenov’ qu’au cours de la totalité de l’année 2020. Les résultats de notre politique de soutien à l’apprentissage – avec près de 500 000 nouveaux apprentis l’année dernière – devraient également réjouir tous les députés, quelle que soit leur sensibilité politique. Enfin, l’accompagnement de la digitalisation des petites et moyennes entreprises (PME) industrielles remporte un succès considérable : cela montre l’attente qui existe dans ce domaine. Nous avions prévu un budget de 280 millions d’euros pour cette politique ; près d’un milliard d’euros a déjà été engagé pour financer la modernisation et la digitalisation des PME.

La relance nationale est donc engagée. Elle va vite et fort. Il nous reste à obtenir les crédits européens, qui représentent 40 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros du plan de relance.

La troisième étape sera celle du rétablissement des finances publiques. Elle interviendra lorsque les conditions économiques le permettront et que la croissance sera revenue. Ma conviction est que ce rétablissement implique une meilleure maîtrise de la dépense publique.

Pouvons-nous l’obtenir à règle constante ? Je n’en suis pas convaincu. Nous n’y arriverons pas avec une règle annuelle contraignante et une règle pluriannuelle simplement indicative. Si nous voulons maîtriser notre dépense publique et nous donner la possibilité de faire de vrais choix politiques – réduire certains crédits et en augmenter d’autres, pour financer des politiques ou des secteurs que nous jugeons prioritaires, comme l’hôpital avec le « Ségur de la santé » –, nous devons fixer pour les cinq années à venir un cadre contraignant. Je suis évidemment favorable à la définition d’un objectif pluriannuel de dépenses publiques et me félicite du dépôt par M. le président Éric Woerth et M. Le rapporteur général Laurent Saint-Martin d’une proposition de loi organique en ce sens. Ce sera une étape majeure dans la voie d’une modernisation et d’un renforcement de la gouvernance des finances publiques.

Pour maîtriser la dépense publique, il faut continuer les réformes de structure. Je suis favorable à la poursuite de la transformation de notre pays, de manière à ce que nous puissions financer notre modèle social. C’est le sens de la modification de l’assurance chômage, telle qu’elle a été proposée par Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, qui devrait mettre un terme à l’incitation aux contrats courts. C’est également le sens de la réforme des retraites, qui, en favorisant l’augmentation collective du nombre d’heures de travail en France, permettra de financer notre modèle de protection sociale et de garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition, auquel je suis fondamentalement attaché.

La troisième condition pour maîtriser la dépense publique, ce sont des règles communes afin d’assurer la cohésion de la zone euro. Ces règles doivent toutefois être pertinentes. Ce n’est de toute évidence plus le cas de celle fixant un objectif de ratio d’endettement inférieur à 60 % du PIB. Si elle pouvait l’être avant la crise financière de 2008 et la crise sanitaire actuelle, il semble nécessaire de la reconsidérer dès lors qu’une même zone monétaire enregistre, comme c’est désormais le cas dans la zone euro, près de 100 points d’écart entre les taux d’endettement public de deux de ses États membres : 160 % pour l’Italie, contre 65 % pour l’Allemagne. Cette question fait l’objet d’échanges entre ministres de la zone euro chargés des finances, dans l’attente de l’engagement de discussions formelles. Il convient que nous saisissions l’occasion que nous offre le débat sur le programme de stabilité pour nous interroger sur la stratégie économique et la coordination des politiques économiques de la zone euro. Ma conviction est que celle-ci devrait définir une nouvelle stratégie économique visant la croissance avant le respect des règles d’endettement ou de dépense publique. Je ne vois pas pourquoi la Chine et les États-Unis se fixeraient des objectifs en matière de création de richesse, d’innovation et de financement des technologies alors que l’Union européenne aurait pour seule ambition le respect de pourcentages et de règles. La première des ambitions européennes doit être de retrouver la prospérité pour tous.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Notre objectif, en voulant revenir à un niveau de déficit de 3 % en 2027, est d’atteindre le point d’inflexion du poids de la dette publique dans le PIB. Nos prévisions ont été construites sur la base d’hypothèses conventionnelles concernant les taux d’intérêt et l’inflation. Pour la croissance, en revanche, la prévision est de 5 % en 2021 – chiffre un peu revu à la baisse par rapport à nos ambitions initiales du fait de la persistance des restrictions liées à la crise épidémique – et de 4 % en 2022 ; ce n’est qu’à partir de 2023 que l’on se rapprocherait d’une hypothèse conventionnelle d’une croissance de 1,4 %, légèrement poussée par les effets du plan de relance. Nous voulons aussi retrouver un niveau de dépense publique égal à celui de 2019, autour de 53,8 % du PIB, soit une baisse de presque deux points par rapport au début du quinquennat, et un niveau de prélèvements obligatoires de 43,8 %, taux que nous avions enregistré à la fin de l’année 2019. Ces objectifs ne pourront être atteints qu’à condition de limiter l’augmentation des dépenses publiques à 0,7 % en volume au cours des cinq prochaines années, hors plan de relance et mesures d’urgence – si les chiffres figurant dans les annexes du programme de stabilité peuvent diverger, c’est qu’ils tiennent compte de ces derniers et des restes à payer en 2023.

Le projet de loi de règlement du budget a été déposé avec quinze jours d’avance par rapport au précédent – ce qui avait déjà été le cas l’année dernière –, afin que son examen puisse se faire concomitamment avec celui du programme de stabilité pour les années à venir : il nous paraît logique de discuter de l’avenir en ayant une connaissance précise des données budgétaires et comptables de l’année accomplie. Il montre une dégradation du déficit public, puisque nous avons terminé l’année 2020 avec un déficit budgétaire de 178 milliards d’euros alors que la loi de finances initiale le prévoyait à 93 milliards d’euros. Cela participe à la dégradation du déficit public dans son ensemble, qui passe de 2,2 % à 9,2 % du PIB. Cette dégradation est moins forte que prévu, mais elle reste historique. Elle s’explique à la fois par une diminution des recettes de l’État, due à un ralentissement de l’activité qui a provoqué une diminution des recettes fiscales de 37,1 milliards d’euros, et par des dépenses nouvelles, à hauteur de 44,1 milliards d’euros, dues dans leur grande majorité au financement des mesures d’urgence. Ainsi, nous avons engagé en 2020 17,8 milliards d’euros au titre du dispositif d’activité partielle et 11,8 milliards d’euros au titre du fonds de solidarité – dont les versements atteignent aujourd’hui 21 milliards d’euros, ce qui illustre la montée en puissance de cet outil. Les mesures d’urgence se sont en outre traduites par 3,9 milliards d’euros de compensations à la sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations. Notons enfin le renforcement exceptionnel des participations financières de l’État : 8,3 milliards d’euros ont été décaissés afin de participer à des opérations de recapitalisation ou de souscrire des obligations convertibles et aider ainsi les entreprises stratégiques mises à mal par la crise. Le projet de loi de règlement prend ainsi acte des effets de la crise et des conséquences des mesures d’urgence sur les comptes de l’État, ce qui concourt à l’augmentation du déficit public.

M. le président Éric Woerth. La crise va provoquer une augmentation pérenne de la dépense publique ; il n’y a pas d’effet élastique qui serait dû au plan de relance et aux mesures d’urgence ! Voyez les chiffres : la dépense publique augmente de 74,5 milliards d’euros en 2020 et de 95,6 milliards d’euros en 2021, c’est-à-dire de plus de 170 milliards d’euros au total, si l’on additionne les seuls coûts du plan de relance et des mesures d’urgence. Avec l’amélioration espérée de la conjoncture économique et l’arrêt de certaines mesures, la dépense publique devrait baisser de 2,5 % en 2022, soit 47 milliards d’euros. Mais ensuite, elle répartira à la hausse, puisque vous vous fixez pour objectif une augmentation de 0,7 % par an en moyenne à partir de 2023 – ce qui est ambitieux, vu le volume des dépenses sociales ; un tel taux n’a d’ailleurs jamais été atteint. Si l’on récapitule, la dépense publique aura en définitive connu un ressaut de 123 milliards d’euros et augmentera par la suite d’au moins 0,7 %, soit environ 10 milliards d’euros par an.

La crise laissera donc des séquelles profondes sur notre modèle de dépense publique, ne serait-ce que parce que la réponse est parfois passée par des mesures pérennes. L’augmentation de la rémunération des personnels de santé décidée à l’issue du « Ségur de la santé » en est un exemple ; personne n’y est opposé, mais cette mesure représente une augmentation pérenne de la dépense publique. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné que les dépenses de l’État hors réponse à la crise sanitaire progressaient de 7 milliards d’euros en 2020.

Quel sera le coût de la pandémie pour l’entreprise France ? Dans un entretien publié ce matin dans Le Figaro, vous estimiez, monsieur le ministre délégué, à plus de 400 milliards d’euros sur trois ans ce coût pour les finances publiques. J’imagine que cette estimation tient compte de la baisse des recettes, mais qu’en est-il si l’on inclut la perte irrattrapable de PIB évaluée, dans le programme de stabilité, à 2,25 points ?

La masse salariale fait l’objet d’une prévision – ce qui est important puisque de son volume dépend celui des recettes sociales –, mais pas le taux de chômage, alors qu’il s’agit d’un mal chronique en France. Quelle est la prévision du Gouvernement en la matière à l’horizon 2027 ?

Votre solution pour le cantonnement de la dette liée à l’épidémie de covid-19 est originale ! Le schéma d’amortissement est indexé sur la croissance afin d’affecter à l’extinction de la dette une partie des recettes excédentaires dues à une croissance supérieure aux prévisions. Or, vu l’état de nos finances publiques, la dynamique de la croissance ne peut être vue comme une cagnotte. On pourrait tout aussi bien consacrer l’excédent de recettes à la réduction globale du déficit ou de l’endettement dans son ensemble. Vous prévoyez de l’affecter à la Caisse de la dette publique, dont le modèle est proche de celui de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), mais qui, pour l’instant, n’est pas beaucoup utilisée puisqu’on n’amortit pas la dette. Aucune garantie sur les flux entrants n’est prévue et il n’y a pas de limite dans le temps. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler de cantonnement de la dette ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trajectoire présentée dans le programme de stabilité est un gage de sérieux budgétaire pour l’avenir et je m’en réjouis. Ce programme doit nous permettre de stabiliser, voire de réduire notre ratio de dette publique, en prévoyant une progression des dépenses moins rapide que celle des recettes. C’est d’ailleurs ce que recommande la commission présidée par M. Jean Arthuis et l’une des préoccupations à laquelle nous souhaitons répondre dans la proposition de loi organique, que nous sommes en train de rédiger avec le président Woerth, réformant la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Je m’interroge néanmoins sur les paramètres de cette trajectoire. Vous avez prévu une progression annuelle des dépenses publiques, hors mesure d’urgence et de relance, de 0,7 % : c’est le chiffre clef que nous devons décortiquer. Comment l’avez-vous retenu par rapport à l’évolution des dépenses publiques entre 2017 et 2019 ? Envisagez-vous de le préciser au titre de chaque politique publique concernée ?

La présidence française de l’Union européenne, au début de l’année prochaine, pourrait être l’occasion de promouvoir une révision des critères de Maastricht et du pacte de stabilité et de croissance. Je vous rejoins, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, pour dire que ces critères sont désormais obsolètes. Le Conseil d’analyse économique (CAE) a émis des préconisations intéressantes concernant la révision du cadre budgétaire européen : il suggère de modifier les critères retenus pour apprécier la soutenabilité de la dette et que chaque gouvernement définisse un objectif de dette, dont la pertinence serait évaluée par une institution budgétaire indépendante sur la base d’une méthodologie commune. Ces préconisations vous semblent-elles aller dans le même sens que vos éventuelles propositions ?

La fin de l’exercice budgétaire 2020 se singularise par un report très important – pour plus de 30 milliards d’euros – des crédits exceptionnels. Je fais partie de ceux qui considèrent que cette sous-exécution est cohérente au vu des quatre projets de loi de finances rectificative (PLFR) adoptés pour l’année 2020. Bien malin celui qui aurait pu prédire les chiffres précis de la consommation des crédits exceptionnels à la fin de l’année 2020 ! Si je comprends donc très bien ce niveau de report de crédits – qui explique d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas encore examiné de projet de loi de finances rectificative pour l’année 2021 –, pourriez-vous, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, préciser les choix que vous avez opérés pour ces reports, notamment ceux en faveur du fonds de solidarité ? Quelles sont à ce jour les perspectives de consommation des crédits pour chacun des programmes créés au titre des mesures d’urgence ?

J’aimerais enfin savoir, notamment dans la perspective de la rédaction du rapport sur l’application des mesures fiscales et des travaux que je mène avec Mme Christine Pires Beaune et M. Francis Chouat sur le crédit d’impôt recherche, si le Gouvernement compte poursuivre le travail de rationalisation de l’ensemble des dépenses fiscales, suite à la mise en œuvre  du programme d’évaluation des dépenses fiscales, qui était annexé au projet de loi de finances pour 2020 et qui a pris – mais on peut le comprendre – du retard.

M. Alexandre Holroyd. Merci, messieurs les ministres, pour cet exposé d’une grande clarté. Je n’ai pu lire le programme de stabilité qu’en diagonale, étant donné les délais qui nous étaient impartis, mais j’ai relevé quatre points saillants. Premièrement, grâce au soutien massif à l’économie pendant la crise, nous avons réussi à préserver une grande partie de notre tissu économique. Deuxièmement, notre économie sera soutenue jusqu’à la normalisation de la situation. Cette attention particulière que vous portez à la sortie de crise nous évitera de commettre les mêmes erreurs que par le passé. Troisièmement, à la différence de ce qui a toujours été fait par le passé – et qui n’a jamais marché – les prélèvements obligatoires ne seront pas augmentés pour rétablir nos finances publiques. Voilà qui est cohérent avec l’action que nous menons depuis notre prise de fonction. Quatrièmement, j’ai relevé deux mots d’ordre : responsabilité, puisque la maîtrise de nos dépenses publiques, c’est la maîtrise de notre souveraineté et de notre destin, et réalisme, puisqu’il serait irréaliste de vouloir sortir de la crise en suivant une trajectoire pluriannuelle moins crédible.

Il est fait mention dans le programme de stabilité du taux d’épargne, qui se maintiendrait à un niveau très élevé jusqu’en 2022. Quelles conséquences cela aura-t-il sur la consommation, donc sur la croissance ? Comment mobiliser cette épargne pour contribuer à la relance ?

Concernant la réforme du pacte de stabilité et de croissance, quelle est la teneur des échanges que vous avez eus avec vos homologues européens ? Quelles sont les différentes positions sur le sujet au sein de l’Union européenne ?

Mme Véronique Louwagie. Si nous sommes en faveur de la politique du « quoi qu’il en coûte », ainsi qu’en témoigne notre soutien aux quatre PLFR prévoyant le financement de mesures de soutien à l’activité économique, nous regrettons que le Gouvernement laisse déraper les dépenses de fonctionnement sans lien avec la crise. En effet, selon la Cour des comptes, la hausse inédite des dépenses ordinaires de 6,7 milliards d’euros en 2020 ne s’explique pas par la crise sanitaire. En outre, 5 000 postes de fonctionnaires d’État ont été créés en 2020, malgré la promesse du Président de la République d’une suppression de 50 000 postes sur la durée du quinquennat. Enfin, la Cour des comptes estime que l’exécutif a exagérément gonflé les montants des aides économiques.


Le manque de maîtrise des comptes publics est chronique. Nous avons pu le constater lors des trois années précédant la crise sanitaire et la France, dont le déficit est l’un des pires de la zone euro, est championne d’Europe en matière de prélèvements obligatoires et de dépense publique.

Quels sont les moyens que vous vous donnez pour stabiliser la dette à l’horizon 2027 ? La Cour des comptes dénonce le manque de réalisme des prévisions budgétaires et le rebond de la croissance ne suffira pas s’il ne s’accompagne pas de réformes d’ampleur pour réduire la dépense publique. Vous évoquez un objectif contraignant, mais la France n’a jamais respecté les programmes de stabilité qui ont été présentés les années précédentes.

Je voudrais pour finir rappeler l’opposition catégorique du groupe Les Républicains à toute hausse d’impôts.

M. Jean-Paul Mattei. L’année 2020 a été dense, puisqu’on a vu se succéder quatre projets de loi de finances rectificative, un projet de loi de finances initiale et, au sein de ce dernier, un plan de relance. On ne peut que se réjouir des mesures prises dans ce cadre : baisse des impôts pour les ménages les plus modestes, mesures en faveur de la compétitivité, baisse du coût du travail, soutien à l’investissement, à l’entrepreneuriat et à l’innovation, aide aux entreprises les plus touchées ou encore baisse des impôts de production.

En matière d’exécution budgétaire, les résultats sont-ils conformes aux prévisions actualisées en fin d’année, eu égard à la dégradation de la situation économique nationale en raison de l’épidémie, qui n’est pas encore maîtrisée ? Le programme de stabilité se fonde sur une croissance potentielle de 1,35 % : pensez-vous que cet objectif soit réalisable alors que le taux de croissance avant la crise était de 1,25 % ?

Vous évoquez le maintien des réformes structurelles que nous avons engagées depuis le début du quinquennat. En envisagez-vous d’autres ?

Je voudrais rebondir sur les propos du président Woerth concernant le cantonnement de la dette. Une structure similaire à la CADES pourrait-elle être utilisée pour le remboursement de la dette contractée en raison de l’épidémie de covid-19 ?

M. Joe Biden, président des États-Unis, a débloqué les négociations au sein de l’OCDE concernant la taxe sur les GAFAM et un taux minimal d’impôt sur les sociétés. Jusqu’à présent, aucune de nos tentatives de légiférer sur la fiscalité des entreprises étrangères n’avait pu aboutir. À quel horizon temporel pourrait-on avoir à transposer un texte international sur l’imposition des GAFAM ? Quel serait l’effet sur nos entreprises à l’international si l’impôt sur les sociétés passait de 21 % à 28 %, comme le propose M. Joe Biden ?


Avec ses 750 milliards d’euros, le plan de relance européen semble moins ambitieux que le plan de 1 900 milliards de dollars de l’administration Biden. Pensez-vous qu’il faille négocier avec nos partenaires européens un nouveau plan que nous pourrions gager sur des recettes fiscales supplémentaires si les négociations internationales en matière d’impôt sur les sociétés aboutissent ?

Mme Valérie Rabault. Messieurs les ministres, je suis d’accord avec vous sur un point : il faut doper la croissance économique. Or, j’ai été très déçue par votre programme, qui retient l’hypothèse, peu ambitieuse, d’un taux de croissance de 1,6 % du PIB – notre collègue Mattei a même évoqué une croissance potentielle de 1,35 %. Cela veut dire soit que les chiffres que vous nous présentez aujourd’hui sont en décalage par rapport aux annonces que vous faites, soit que votre plan de relance ne fonctionne pas, car il ne permet pas de doper la croissance économique – d’ailleurs, les hypothèses de croissance que vous retenez pour le reste de l’Union européenne sont supérieures à celles de la France. De fait, d’après les informations disponibles sur Chorus, sur les 23 milliards d’euros de crédits prévus au titre du plan de relance pour l’année 2021, tous n’auront pas un effet d’entraînement. D’abord, 3,3 milliards d’euros seulement ont été engagés, soit 15 % du total, alors que 25 % auraient dû l’être, puisque nous sommes au quart de l’année ; nous sommes donc très en retard. Les actions aussi mériteraient d’être revues. J’en profite pour signaler que nous n’avons pas accès sur Chorus aux informations relatives aux mesures d’urgence : un message d’erreur s’affiche. Je formule donc la demande que nous puissions y avoir accès, comme nous avons accès à celles concernant le plan de relance.

Dans vos prévisions, le déficit conjoncturel est presque nul alors que le déficit structurel s’établit à 4,1 % en 2023 et à 3,8 % en 2024. Cela signifie que, selon vous, plus rien ne fonctionne et que l’économie française est plombée. Ce message que vous envoyez à l’Europe est très négatif. Il semblerait que nous soyons bien mal partis et qu’une reprise en main s’impose. J’aimerais que vous nous expliquiez cette contradiction entre vos propos et les chiffres que vous délivrez.

Enfin, quelle sera selon vous la conséquence de la remontée des taux d’intérêt à court et long termes sur le coût de la dette ?

Mme Patricia Lemoine. Le Haut Conseil des finances publiques a jugé optimistes les prévisions de croissance potentielle à moyen terme pour la période allant de 2023 à 2027. Il considère en outre que la hausse progressive de l’inflation à moyen terme est incertaine. Une croissance du PIB ou une inflation plus faible que prévu se traduiraient, à effort structurel inchangé, par une hausse accrue du ratio d’endettement. Vous prévoyez de contenir l’augmentation de la dépense publique en volume à 0,7 % par an entre 2022 et 2027. C’est un défi, car, d’une part, la dépense publique a augmenté de 1,4 % entre 2007 et 2012 et de 1 % entre 2017 et aujourd’hui et, d’autre part, la crise nous a contraints à assumer des dépenses supplémentaires très importantes, notamment en matière de santé. Si les réserves exprimées par le Haut Conseil se vérifiaient, quelle stratégie faudrait-il, selon vous, privilégier : une maîtrise plus importante de la dépense publique au risque de provoquer un effet contracyclique ou un allongement des délais pour stabiliser le ratio de la dette publique par rapport au PIB ?

Vous avez souligné la nécessité de décaisser au plus vite les crédits du plan de relance. Vous nous avez dit que 30 milliards d’euros avaient déjà été consommés. Pourriez-vous nous donner le détail de ces consommations, notamment par département – il semble que des disparités existent ?

Du côté de l’Union européenne, les choses paraissent plus compliquées. Quand les premiers décaissements du plan de relance européen auront-ils lieu ?

M. Christophe Naegelen. Le déficit public s’élève à 211,5 milliards d’euros en 2020, soit 9,2 % du PIB, et le coût mensuel du troisième confinement est, selon vous, d’environ 11 milliards d’euros. Autant dire que les « jours heureux » des finances publiques ne sont pas devant nous !

Vous vous donnez un délai de cinq ans après la fin de la crise pour rétablir les finances publiques. Je ne vous demande pas de lire dans une boule de cristal, mais quelle date approximative avez-vous retenue pour le début de ce redressement ?

Celui-ci passe aussi par des réformes structurelles. Quid de la réforme des retraites ? Allez-vous l’engager à un an des élections présidentielles ? Pouvez-vous nous confirmer que toute hausse des impôts pour les ménages et pour les entreprises est exclue ? La priorité doit être de continuer à protéger les secteurs qui souffrent et d’amplifier la reprise grâce au plan de relance.

Mme Jennifer de Temmerman. Dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État pour 2020, publié hier matin, la Cour des comptes dénonce un niveau inédit de sous-consommation des crédits, qui s’élève à 31,6 milliards d’euros. Jamais un tel écart entre prévision et exécution n’avait été constaté ! Depuis 2009, l’écart moyen avait toujours été inférieur à un milliard d’euros. Pourquoi, en pleine crise, le Gouvernement n’a-t-il pas utilisé l’intégralité de l’enveloppe votée ? Est-ce la preuve que le plan de relance n’a pas été pleinement et concrètement déployé sur le territoire ?

Concernant le programme de stabilité présenté ce matin en Conseil des ministres, vous annoncez que, jusqu’en 2027, les exercices seront marqués par un contrôle renforcé des dépenses publiques afin de limiter drastiquement leur hausse. Qu’est devenu le « quoi qu’il en coûte » ? Les autres États annoncent des plans de relance et des mesures substantielles pour les années à venir : 1 900 milliards de dollars pour les États-Unis et 352 milliards de livres sterling sur trois ans pour le Royaume-Uni. Compteriez-vous placer le prochain quinquennat sous le signe de l’austérité ?

Mme Sabine Rubin. Notre dette de 2 362 milliards d’euros, soit 115 % du PIB, et notre déficit de 211 milliards d’euros, soit 9,2 % du PIB, vous alarment. Soit. Pourtant, si j’en crois un article de Mediapart que semblent confirmer les propos que vous venez de tenir, vous refusez d’accroître la progressivité des impôts pour résorber ce déficit alors que le Fonds monétaire international (FMI) appelle à mobiliser des recettes fiscales supplémentaires pour financer la santé et l’éducation. Il constate en effet une érosion de l’impôt sur les sociétés ainsi que de celui sur les ménages se situant en haut de l’échelle des revenus et voit dans la situation actuelle une occasion d’inverser la tendance dans les économies avancées. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine suivent ses préconisations. Il semble donc exister une convergence, mais pour qu’elle soit totale, il faudrait cesser les subventions à la production, pour lesquelles la France est en tête.

Vous refusez d’accroître la progressivité de l’impôt. Pourtant, votre politique de baisse des impôts n’a montré aucun effet positif sur la croissance et pèse sur le déficit. Il semble donc que vous ne vouliez pas résorber ce dernier. Vous ne faites pas non plus le choix de la croissance, que vous estimez fin 2023 à 2,3 %, et cela malgré le plan de relance – qui, soit dit en passant, représente un effort cinq fois inférieur à celui fourni par les États-Unis. Vous préférez, à rebours de la dynamique mondiale, compresser de manière drastique la dépense publique, dont vous souhaitez limiter la croissance à 0,7 % par an, afin de la faire passer de 61,3 % du PIB en 2020 à 53,1 % en 2027. Cette politique est la plus austéritaire depuis quarante ans et elle est inégalitaire, car le taux de pauvreté risque de passer de 14 % à 16 %. Surtout, une telle limitation de l’augmentation des dépenses publiques grèvera la croissance et augmentera donc le déficit. Comment pensez-vous sortir de ce cercle vicieux ?

Une dernière question à propos de votre obsession comptable de compression des dépenses publiques. Vous souhaitez mettre en œuvre la recommandation du rapport de la commission présidée par M. Jean Arthuis de suivre une norme de dépense publique sur le modèle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui fixe un niveau de dépense quels que soient les besoins réels. Une telle norme sera-t-elle constitutionnalisée ? Si oui, quand et par quels moyens ? Comptez-vous l’inclure dans la prochaine révision de la LOLF ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Messieurs les ministres, la pilule que vous nous présentez est amère ! Votre programme n’a rien de réjouissant pour la grande majorité des Français, qui vont devoir payer l’addition. La cure d’austérité commencera dès 2022 avec une baisse des dépenses publiques de 3,3 %, qui se poursuivra de manière constante jusqu’en 2027 au moins afin de réduire la part des dépenses publiques de 60 % à 53 % du PIB. Qui plus est, cette baisse survient après la crise du covid-19, au cours de laquelle la France est le pays développé qui aura le moins augmenté ses dépenses publiques.

Et tout cela pourquoi ? Parce que vous avez décrété qu’il fallait réduire la dette publique au plus vite sans toucher aux impôts et surtout pas à ceux des plus riches. Vous ne pourrez pas tenir longtemps ce bouclier : il vous brûlera les mains ! Vous semblez n’avoir rien appris de la crise de 2008, durant laquelle l’idéologie ordo-libérale a poussé tous les gouvernements européens à réduire les dépenses, plongeant l’économie européenne dans le marasme. Vous voulez même aller plus loin en instaurant une règle d’or dans la Constitution. Alors que le président Biden tente un plan de relance inédit pour stimuler l’économie et que le FMI prône la taxation des plus riches et des plus grosses entreprises, vous réduisez les dépenses publiques et baissez les impôts de production et ceux sur les sociétés. Vous procédez en cette fin de mandat à un dur retour aux sources – mais vous êtes, comme l’écrit Le Monde, à contretemps. Comme les injonctions du Président de la République à nous réinventer semblent lointaines !

En sus des réformes de l’assurance chômage et des retraites, dans quelles dépenses allez-vous couper pour tenir les promesses que vous avez faites à la Commission européenne ? Dans celles de la santé ?

M. Bruno Le Maire. S’agissant du coût de la pandémie, le chiffre a été donné ce matin par M. Olivier Dussopt, monsieur le président. Je n’y reviendrai pas.

On peut parler de cantonnement de la dette sociale : elle a été mise à part dans la CADES et une recette fiscale pérenne, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), est affectée à son remboursement. Cette dette sera amortie jusqu’en 2033, puisque la date d’extinction de la CADES, initialement prévue en 2025, a été reportée jusqu’à cette date.

Ce que nous proposons pour la dette liée au covid-19 est différent. Elle ne sera pas cantonnée, puisqu’aucune recette fiscale supplémentaire ne sera créée pour son remboursement. Nous sommes en effet opposés à toute augmentation d’impôt. La dette liée à la crise du covid-19 sera isolée – je rappelle que l’Assemblée nationale a voté largement en faveur de cette mesure – afin que l’on puisse évaluer précisément le coût de la crise. Nous l’estimons aujourd’hui à 140 milliards d’euros. Grâce au retour de la croissance, que nous évaluons à 5 % dès cette année, nous pourrons compter sur des recettes fiscales – impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu et taxe sur la valeur ajoutée – plus importantes. Le risque, c’est de voir dans ces recettes fiscales supplémentaires une cagnotte et de se dire que la France est suffisamment riche pour poursuivre l’augmentation rapide de ses dépenses publiques. Ce serait irresponsable. En isolant la dette due au covid-19, nous pourrons identifier, année après année, la part des recettes fiscales supplémentaires que nous souhaitons allouer à son remboursement et à son amortissement. Il nous semble que c’est là un principe de responsabilité fondamental. Si les modalités d’amortissement de la dette due au covid-19 ne sont pas clairement définies, l’intégralité des recettes fiscales supplémentaires va aller, comme toujours depuis trente ans, à la poursuite de l’augmentation de la dépense publique, ce qui serait une erreur. Nous faisons donc le choix d’amortir la dette due au covid-19 grâce aux recettes fiscales supplémentaires. Cet amortissement se fera sur une période de vingt ans, qui devrait s’achever en 2042.

Une autre politique, qui consisterait à ne pas isoler la dette et à la laisser filer, est possible, mais elle nous paraît déraisonnable et cela pour plusieurs raisons.

La première, c’est que nous nous trouverions exposés en cas d’augmentation des taux d’intérêt. En réponse à la question de Mme Valérie Rabault, je souhaite rappeler qu’une augmentation des taux d’intérêt d’un point entraîne une augmentation annuelle de 2,5 milliards d’euros des dépenses publiques consacrées à la charge de la dette, soit 15 milliards sur cinq ans et près de 30 milliards sur dix ans. Si certains veulent affecter 30 milliards d’euros au paiement des intérêts de la dette publique française, grand bien leur fasse ; pour ma part, je préfère allouer cette somme au financement des hôpitaux, des crèches, des collèges, des lycées ou des infrastructures publiques. L’intérêt de réduire la dette publique, c’est de dégager des marges de manœuvre financière pour financer des investissements ou pour faire face à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. C’est un choix politique. Nous sommes en démocratie et chacun présente ses choix aux Français. Je pense que le nôtre a le mérite de la clarté et de la lisibilité.

La deuxième raison, c’est qu’il ne me paraît pas raisonnable de maintenir durablement une dette publique deux fois plus lourde que celle de l’Allemagne, notre principal partenaire économique. La dette de la France représente 120 % de son PIB alors que l’Allemagne va rapidement retrouver un niveau de dette correspondant à 60 % de son PIB.

La troisième raison, c’est que la voix de la France est affaiblie lorsque son niveau de dette publique est largement supérieur à celui de ses partenaires. Je le constate comme ministre des finances qui participe aux réunions des dix-neuf ministres de la zone euro.

Notre objectif est de limiter l’augmentation des dépenses publiques en volume à 0,7 % par an afin d’atteindre un niveau de déficit public de 3 % du PIB, ou moins, en 2027. Si nous avions fixé cet objectif à l’horizon 2025, l’augmentation des dépenses publiques aurait dû être limitée à 0,2 % par an. Cela n’a jamais été fait et je pense que cela aurait donné un coup de frein trop fort à l’activité dans notre pays. Notre choix me paraît donc crédible et raisonnable.

Notre intérêt collectif est que les plus de 160 milliards d’euros d’épargne constituée par les Français aillent soit vers la consommation, soit vers le financement de l’économie. Pour atteindre ce dernier objectif, nous avons conçu de nouveaux outils, que vous avez adoptés : le plan d’épargne retraite (PER) a été assoupli et de nouvelles possibilités d’actionnariat salarié ont été créées. Le PEA est un grand succès : 800 000 nouveaux PEA ont été ouverts depuis un peu plus d’un an. C’est la preuve que, lorsqu’on offre aux Français des produits attractifs, ils s’en saisissent et placent leur épargne dans le financement de l’économie. Je suis par ailleurs favorable aux donations sans taxe ni impôt des grands-parents à leurs petits-enfants et des parents à leurs enfants. Cette mesure, qui interviendra après les restrictions sanitaires, permettra aux jeunes de disposer plus rapidement d’une somme de quelques milliers d’euros afin de reprendre pied à l’issue de cette période difficile. Je considère enfin que la meilleure façon de débloquer l’épargne des Français, c’est de leur garantir qu’il n’y aura pas d’augmentation des impôts, car cette perspective se traduit immédiatement par une augmentation du taux d’épargne de précaution.

Concernant la réforme du pacte de stabilité et de croissance, il ne me semble pas pertinent de maintenir le même indicateur de dette publique pour tous les États membres alors que les écarts d’endettement sont devenus très importants. Le rétablissement des finances publiques de chaque État membre de la zone euro devra se faire en fonction des conditions de soutenabilité propres à chaque pays. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, nous avons tiré les leçons de la crise de 2008, car la même toise ne sera pas imposée à tous. Il sera au contraire tenu compte de la manière dont chaque pays a été touché par le covid-19, qui est par nature injuste puisqu’il ne choisit pas ses victimes. Si un pays a été durement touché par l’épidémie et qu’il a par conséquent dû dépenser plus d’argent public, il n’y a aucune raison qu’on lui impose de retourner au niveau d’équilibre de ses finances publiques au même rythme qu’un État membre de la zone euro qui aurait été moins touché. C’est là un changement fondamental : au lendemain de la crise financière de 2008, la même règle avait été imposée à tous. Cela s’est traduit par beaucoup de souffrances, d’inefficacité économique et d’incompréhension politique. Cette fois, nous tiendrons compte, dans le cadre d’une discipline commune, de la situation de chaque État.

Je remercie Mme Véronique Louwagie pour son soutien à l’absence d’augmentation des impôts. Je rappelle que nous avions, avec M. Gérald Darmanin à l’époque ministre de l’action et des comptes publics, réussi à sortir la France de la procédure pour déficit excessif. En ramenant, pour la première fois depuis onze ans, le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, nous avions prouvé qu’en matière de finances publiques, on obtient des résultats lorsqu’on s’en donne les moyens.

En réponse aux questions de MM. Jean-Paul Mattei et Jean-Paul Dufrègne et Mme Sabine Rubin, je voudrais dire un mot sur la taxation des géants du numérique et sur le taux minimal d’impôt sur les sociétés. Reviendrons-nous, au lendemain de la crise, à de vieilles mauvaises pratiques ou essayerons-nous d’inventer quelque chose de nouveau ? Les mauvaises pratiques, c’est d’augmenter les impôts alors que le taux de prélèvements obligatoires de la France est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. Je suis, sur ce point, en désaccord avec M. Jean-Paul Dufrègne et Mme Sabine Rubin – mais c’est là tout le mérite de nos échanges. L’augmentation des impôts est inefficace. Elle affaiblit l’attractivité de notre pays et ruine les efforts de reconstruction économique, sans rapporter grand-chose. Le FMI recommande de taxer davantage les plus riches, mais la France le fait déjà ! Une taxe sur les revenus les plus élevés avait été instaurée en 2012. Cette surtaxe, que la plupart des autres pays ne pratiquent pas, aurait dû être provisoire, mais, en matière fiscale, on adore en France le provisoire qui dure ; elle a donc été pérennisée. Elle touchait au début un nombre limité de contribuables et rapportait 468 millions d’euros. Aujourd’hui, elle touche 44 000 contribuables et rapporte 1 milliard d’euros. Comme ce n’est pas encore suffisant, le risque est grand de l’étendre aux classes moyennes, qui sont nombreuses : cela rapporterait davantage. Je ne veux pas rouvrir ce débat typiquement français pour savoir qui est riche et qui appartient aux classes moyennes. À mon sens, le débat doit porter non pas sur la redistribution – si les Français l’adorent et qu’elle est bien sûr nécessaire, je pense que nous allons suffisamment loin dans ce domaine –, mais sur la création de richesse, afin d’éviter l’appauvrissement de notre pays. Les chiffres sont têtus : au cours des vingt dernières années, la France s’est, en part relative, appauvrie. En effet, au cours de cette période, le produit national brut des États-Unis et celui de l’Allemagne ont augmenté de vingt-cinq points alors que celui de la France n’a augmenté que de dix points. La redistribution est une obsession française qui nuit à la prospérité de nos concitoyens. Le vrai beau débat est de savoir comment donner plus de prospérité, plus d’emplois, plus d’activité économique et plus de croissance à tous les Français, sans exception.

Le débat fiscal du XXIème siècle porte sur la taxation des géants du numérique. Ce sont eux les vrais riches, ce sont eux les vrais vainqueurs de la crise. Je rappelle à M. Jean-Paul Dufrègne et à Mme Sabine Rubin que je me bats depuis quatre ans pour qu’on les taxe et j’ai bon espoir que nous y parvenions. Cette Assemblée a d’ailleurs adopté un projet de loi portant création d’une telle taxe. Nous sommes l’un des rares pays de l’OCDE à l’avoir fait et nous pouvons en être fiers, car c’est une mesure de justice.

Je suis favorable à l’harmonisation internationale des taux d’imposition sur les sociétés. Il s’agit là d’une autre mesure de justice, d’une véritable révolution : une telle modification radicale et essentielle de la fiscalité internationale permettra d’éviter l’évasion et l’optimisation fiscales. Concrètement, une grande multinationale qui fait des profits en France n’aura plus intérêt à se délocaliser à Dublin pour payer moins d’impôts sur les sociétés. Les recettes fiscales générées par une telle taxe seraient beaucoup plus importantes que celles d’une taxation des ménages les plus riches, mais c’est un combat plus difficile et qui demande plus d’énergie qu’une simple modification des paramètres de la taxation nationale en France. La récente prise de position de Mme Janet Yellen, secrétaire d’État américaine au Trésor, nous laisse entrevoir la possibilité d’un accord à l’été 2021 sur une nouvelle fiscalité internationale reposant sur une taxation des géants du numérique et un taux minimum d’impôt sur les sociétés. Nombre d’annonces faites par l’administration Biden vont dans le bon sens, mais il convient de rester prudent et d’attendre l’issue des débats au Congrès.

Avant de répondre à vos questions, madame Rabault, je tiens à vous dire que j’examinerai avec la direction générale des finances publiques la question de l’accès sur Chorus aux informations concernant les mesures d’urgence.

Je suis d’accord avec vous pour dire que le plus important, c’est de créer de la croissance. Nous sommes l’un des pays de la zone euro qui a le plus rapidement mis en place un plan de relance. Nous avons d’ores et déjà engagé – je dis bien « engagé » et non « décaissé » – 30 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros de crédits du plan de relance. Je rappelle que celui-ci comprend un volet relatif à l’environnement, un volet relatif à la compétitivité et un volet social. Ce sont les crédits relatifs à ce dernier volet qui ont été décaissés le plus rapidement, car ils financent par exemple la prime à l’embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée ou la prime à l’apprentissage. En revanche, les dépenses concernant la rénovation énergétique des bâtiments publics sont engagées, mais le décaissement interviendra plus tard, une fois les appels d’offres passés et les chantiers prêts commencer.

Le soutien à l’activité financé par le plan de relance représente 1,5 point de PIB supplémentaire en 2021. Il doit nous permettre, grâce à un soutien à l’investissement, à l’innovation et à la formation, de retrouver en 2022 le niveau d’activité de 2019. C’est l’objectif stratégique que je me fixe depuis douze mois.

M. Jean-Paul Mattei m’a interrogé sur un éventuel renforcement du plan de relance européen. Je suis convaincu que l’Europe doit faire davantage, mais il faut d’abord que les 750 milliards d’euros du plan de relance soient décaissés. Quand pourront-ils l’être ? Cela dépend principalement de deux pays : l’Allemagne et la Hongrie. En Allemagne, le retard dans le processus de ratification n’est imputable ni au gouvernement ni à la majorité du Bundestag, qui a adopté à une large majorité la décision relative au système des ressources propres. C’est un recours du parti Alternative für Deutschland (AfD) devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui bloque le processus. La situation en Hongrie est plus inquiétante, car le blocage y est véritablement politique. Or, si les Vingt-sept ne ratifient pas la décision relative aux ressources propres, il ne pourra y avoir de décaissements du plan de relance. J’invite donc une nouvelle fois les États membres qui n’ont pas ratifié cette disposition à le faire rapidement.

Faudra-t-il augmenter la dotation du plan de relance national ? Pour moi, la priorité est de décaisser le plus rapidement possible les crédits du plan que vous avez adopté afin de relancer l’activité économique. On verra ensuite, dans quelques mois, si nous avons besoin de plus d’argent pour financer des investissements permettant de consolider la croissance potentielle, par exemple dans l’innovation, dans les nouvelles technologies ou dans la recherche.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, en réponse à vos questions, je précise que nous n’avons pas intégré d’hypothèses d’évolution du taux de chômage dans le programme de stabilité car il existe en la matière encore trop d’incertitudes à ce stade. D’autre part, certaines décisions – vous avez cité le « Ségur de la santé » – se traduiront par des dépenses pérennes, avec un effet relativement marginal, même si la somme est importante, en 2020 et un effet plein en 2021. Ces dépenses concourent à l’évolution de la dépense publique et sont intégrées dans le programme de stabilité.

L’augmentation des dépenses de l’État au cours de l’année 2020 s’explique en partie par le fait qu’un certain volume d’augmentation de dépenses était déjà prévu en application d’engagements antérieurs ou de lois votées ; je pense à la loi de programmation militaire, à la dynamique de certaines politiques de solidarité, comme la prime d’activité qui représente 2 milliards d’euros, ou encore au recrutement d’enseignants et à la revalorisation de leur rémunération, qui se traduit par une augmentation d’un milliard d’euros.

L’écart de 6,4 milliards d’euros sur le périmètre de la norme de dépenses pilotables entre la loi de finances initiale et la réalisation, qui a fait l’objet de questions, voire de critiques de la part de certains d’entre vous, correspond pour l’essentiel à des dépenses liées à la crise, mais qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Je pense à l’augmentation tendancielle des aides personnelles au logement (APL) du fait de la dégradation de la situation des ménages, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, aux versements de la prime de précarité avant l’été, puis au mois de novembre, qui représentent un total cumulé de 2,1 milliards d’euros, à l’achat de masques pour 800 millions d’euros, aux mesures de soutien à la presse et aux médias, d’un montant de 600 millions d’euros, qui n’ont pu, pour des questions comptables, être rattachées à ladite mission, ou encore aux 400 millions d’euros de prime à la conversion.

L’augmentation du nombre d’emplois d’État en 2020, à hauteur de 5 363 équivalents temps plein (ETP), s’explique en partie par des engagements antérieurs à la crise, comme la décision de ne plus fermer d’écoles en zone rurale sans l’accord des élus, dont l’impact a été de l’ordre de 1 500 ETP, ou encore la mise en place du plan en faveur des BTS, qui a abouti au recrutement de 450 ETP. Des décisions prises à la suite de la crise ont elles aussi contribué à cette augmentation. Ainsi, 2 400 ETP ont été créés au sein de Pôle emploi, les services du ministère des solidarités et de la santé, hors personnel soignant, ont été renforcés de 420 ETP et d’autres ETP encore ont été créés au sein de l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Nous avons tenu compte des effets de la crise puisque, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait un schéma d’emplois en décroissance en 2021, nous avons acté dans la loi de finances qu’il serait stable, l’écart permettant de répondre à certains besoins. Nous veillons, en matière d’emploi, à ce que les engagements pris dans le cadre des lois de programmation soient tenus ; aboutir à une telle stabilité implique des efforts de la part d’autres ministères.

En ce qui concerne les dépenses fiscales et leur rationalisation, la crise et les périodes de confinement qu’elle a imposées nous ont empêchés d’aller aussi loin que nous l’aurions souhaité. Nous poursuivrons néanmoins notre effort d’optimisation des dépenses fiscales, notamment en mettant en œuvre les outils et les indicateurs du budget vert qui permettent de mesurer non seulement l’efficacité d’une dépense, mais aussi son incidence sur l’environnement. Nos services sont disponibles et mobilisés pour travailler avec vous en ce sens dans le cadre des textes financiers qui seront soumis à l’examen de votre assemblée.

Les reports de 30 milliards d’euros évoqués par M. Jean-Paul Mattei et Mme Jennifer de Temmerman n’étaient pas prévus, mais nous les avions annoncés comme étant possibles. Le quatrième PLFR, présenté au mois de novembre, prévoyait – je précise qu’il s’agissait d’hypothèses économiques et non sanitaires – un confinement en novembre et décembre et une perte d’activité de vingt points par mois de confinement. En réalité, nous n’avons perdu que onze points au mois de novembre, probablement en raison d’une sous-estimation de l’effet bénéfique du maintien de l’ouverture des établissements scolaires et d’une meilleure organisation du tissu économique en période de confinement, notamment grâce au télétravail. Le mois de décembre, malgré les restrictions – qui ne s’étendaient pas encore au couvre-feu –, s’est traduit par une perte d’activité de sept à huit points. Ces reports s’expliquent donc par une sous-consommation des dispositifs d’urgence liée au maintien de l’activité à un niveau plus important que prévu.

Nous avions prévu lors du dépôt du quatrième PLFR un déficit de l’État de 223 milliards d’euros, mais il s’est finalement établi à 178 milliards d’euros, soit une différence de 45 milliards d’euros. Cette différence s’explique pour 29 milliards d’euros par des dépenses moindres que prévu et qui ont donné lieu au report que j’ai évoqué et, pour 7 milliards d’euros, par des recettes fiscales moins dégradées que prévu puisque l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée ont connu un rebond en fin d’année grâce au maintien de l’activité économique – portée par les mesures de soutien – à un niveau plus élevé que prévu. Le report s’est fait principalement vers le fonds de solidarité, dispositif qui consomme actuellement le plus de fonds publics : il finance en effet en particulier l’indemnisation des commerces fermés par suite des mesures sanitaires, par le moyen soit d’un forfait de 10 000 euros soit du versement d’une somme égale à 20 % du chiffre d’affaires, la prise en charge des coûts fixes, qui peut atteindre des montants beaucoup plus importants, les aides aux commerces faisant face à des problèmes de stocks ou encore les dispositifs dédiés spécifiquement à l’économie de montagne.

Nous estimons aujourd’hui qu’à situation sanitaire inchangée et dans le cadre du calendrier indiqué par le Président de la République, le volume des dépenses publiques liées aux mesures que l’on pourrait qualifier d’urgence atteindrait 55,8 milliards d’euros, dont 14 milliards environ dus à l’augmentation de l’ONDAM afin de financer la campagne de vaccination et au coût de la prise en charge hospitalière de l’épidémie, et un peu plus de 20 milliards affectés au fonds de solidarité pour l’année 2021.

Madame Rabault, j’ai déjà donné instruction à nos services de régler la question de l’accès à Chorus. J’ai en outre demandé à nos services informatiques de se rapprocher de ceux de l’Assemblée nationale pour que soit bien précisé ce qui relève de la consommation d’autorisations d’engagement (AE) et ce qui relève de la consommation de crédits de paiement (CP). Je précise que Chorus ne retrace pas les dépenses effectuées pour le compte de l’État par des opérateurs. Or, un grand nombre des dispositifs du plan de relance passe par des opérateurs, notamment par l’Agence de services et de paiement ; c’est le cas, par exemple, de MaPrimeRenov’, ainsi que des aides à l’embauche d’apprentis ou de jeunes de moins de 26 ans. Le Gouvernement et les parlementaires peuvent néanmoins s’appuyer sur des documents de synthèse plus complets. Quoi qu’il en soit, l’accès sur Chorus à l’ensemble des informations que vous avez demandées sera assuré.

Nous ne partageons pas la lecture très pessimiste que vous faites, Mme Rabault, du déficit structurel. Les fluctuations très fortes et la classification des dépenses nous empêchent d’avoir une lecture aussi linéaire et facile que la vôtre.


S’agissant de la charge de la dette, nous sommes extrêmement vigilants à ce que notre politique monétaire nous permette de continuer à bénéficier de taux bas. Dans la trajectoire pluriannuelle, nous avons tenu compte d’hypothèses conventionnelles en matière d’évolution des taux. Ces hypothèses prudentes nous conduisent à prévoir que la charge de la dette pourrait être, à l’horizon 2027-2030, renchérie d’un demi-point de PIB par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui. Il s’agit d’éviter de mauvaises surprises au cours des années qui viennent.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, on pourrait fort bien envisager d’affecter le surplus de recettes dû à la croissance à la baisse du déficit public et à la réduction de l’endettement annuel plutôt qu’à l’isolement d’une partie de la dette liée au covid-19. Vos services ont dû étudier ces deux scénarios. Quel est celui qui est le moins coûteux ?

Mme Zivka Park. Si l’examen du projet de loi de règlement nous conduit à nous poser la question habituelle de la bonne exécution des crédits engagés par rapport à la loi de finances initiale, nous devons aussi, dans le contexte inédit de la crise sanitaire et des lourdes conséquences économiques et sociales qu’elle engendre, nous assurer que l’État a été au rendez-vous des enjeux soulevés par la pandémie. Cela a été le cas à travers la mise en œuvre des dispositifs de soutien d’urgence que nous avons votés. Toutefois, les crédits ouverts n’ont pas été utilisés dans leur totalité. Leur sous-consommation était une possibilité dont nous avions débattu et vous nous avez apporté des éléments de réponse concernant l’écart enregistré et le redéploiement des crédits non utilisés.

Je souhaiterais vous interroger sur les dispositifs de sortie de crise. Vous vous fixez pour objectif d’éviter les chocs de trésorerie pour les entreprises qui ont bénéficié jusqu’à présent des dispositifs d’urgence. Nous devons continuer à accompagner les secteurs les plus lourdement affectés par les mesures de restriction sanitaire afin de les aider à se relever. Je pense aux petits commerçants, aux artisans, aux indépendants, aux professionnels des secteurs de la restauration, de l’hébergement, de l’événementiel, des industries sportives et culturelles et à d’autres encore. Pourriez-vous nous indiquer les lignes directrices que vous comptez suivre pour définir les modalités de ces dispositifs de sortie de crise et leur adaptation aux différents secteurs ?

Mme Émilie Cariou. Messieurs les ministres, vos refus en matière de fiscalité sont idéologiques. Des marges de manœuvre existent, sur l’optimisation fiscale des multinationales ou encore sur les 100 milliards d’euros de niches fiscales qui sont renouvelées tous les ans. Alors que l’argent public coule à flots sur les entreprises, il est crucial que ceux qui réalisent des profits soient mobilisés dans l’effort de solidarité nationale. Or, vous proposez l’austérité aux Français. Je souhaite à cet égard éclairer mes collègues : la baisse des prestations sociales affecte directement le budget des ménages les plus précaires et a donc le même effet qu’une hausse de la fiscalité. Cessez donc votre faux discours sur la préservation des ménages !

Vous nous dites avoir cantonné une partie de la dette, notamment les 150 milliards d’euros de prêts de l’été dernier – mais vous nous parlez d’une ressource fiscale qui devait s’éteindre ! En réalité, vous avez augmenté la fiscalité sur les ménages avec la CRDS, qui frappe aussi les indemnités journalières versées par la sécurité sociale, les indemnités chômage et le SMIC.

Vous avez déjà doublé le plafond des donations exonérées de droits en ligne directe, le passant de 100 000 à 200 000 euros, et les donations des grands-parents peuvent désormais se faire sans droit de donation jusqu’à 80 000 euros. Les quelques milliers d’euros d’exonération dont vous nous parlez s’ajouteront ainsi aux 300 000 euros de donations exonérées par enfant. Cette mesure ne touchera que 5 % des ménages, ceux dont le patrimoine est le plus élevé.

Je récuse votre argumentation sur l’optimisation fiscale, qui se fonde sur le taux d’imposition en France. Ce que propose l’administration Biden, c’est de soumettre les filiales établies dans les paradis fiscaux à un taux minimal de 21 %, alors que les négociations au sein de l’OCDE s’orientent vers un taux de 12,5 %. Voilà le véritable enjeu. Ce qui compte, ce n’est pas le taux appliqué aux États-Unis ou en France, c’est celui pratiqué dans les paradis fiscaux. Si aucun industriel français ne figure parmi les dix principaux producteurs de vaccins ou de matériels de santé – Mme Valérie Rabault a communiqué sur ce sujet cet après-midi –, c’est que tout pousse nos industriels à produire à l’extérieur. La France va-t-elle soutenir le taux minimal de 21 % dans le cadre des négociations au sein de l’OCDE ?

M. Charles de Courson. Vous prévoyez un taux de croissance potentielle de 1,35 %. On trouvait ce chiffre dans les programmes de stabilité de 2017 et 2018, mais la Commission européenne l’estime aujourd’hui à 1 %. Qu’est-ce qui vous permet de penser que nous allons brusquement gagner 0,35 point alors que nous avons sous-investi dans les entreprises en 2020 et 2021 du fait de la crise ?

Vous n’envisagez pas d’augmentation des prélèvements obligatoires. Je vous en félicite, car la France a déjà le taux le plus élevé d’Europe et bientôt du monde si la trajectoire actuelle se poursuit. Il vous reste donc deux options : doper la croissance ou réduire la dépense. Avec un coefficient de capital d’environ quatre, une augmentation d’un point du taux de croissance de la France requerrait 4 % d’investissements supplémentaires par an par rapport au PIB, soit 100 milliards d’euros ; une augmentation de 0,25 point demanderait 20 à 25 milliards d’euros supplémentaires. C’est énorme ! S’agissant de la réduction des dépenses, vous dites : « vivent les réformes structurelles ! » Certes, mais votre réforme des retraites est encalminée durablement et ne ressortira pas d’ici à la fin de la législature. Une augmentation des dépenses liées à l’assurance vieillesse de 1,9 % en volume est prévue pour 2021. Votre objectif de ramener l’augmentation des dépenses publiques à un taux de 0,7 % semble donc très ambitieux : cela représente presque la moitié des dépenses sociales. La constatation est la même pour l’assurance maladie. Où donc comptez-vous faire des économies ?

Mme Christine Pires Beaune. La France n’a pas été en mesure de créer son propre vaccin. Le pays de Pasteur se trouve par conséquent à la merci des Allemands, des Américains, des Chinois et des Russes ; nous sommes tout juste bons à remplir des flacons. Les raisons de ce désastre sont nombreuses et ne sont pas la conséquence des politiques conduites depuis quatre ans mais, à ma grande surprise, le plan de relance ne comprend aucune ligne en faveur de l’effort de recherche en santé. Pourtant, les projets existent – mais le financement des phases cliniques, qui coûtent très cher, est insuffisant. Certes, le taux de succès est faible, de l’ordre de 3 %, mais pour espérer des succès, il faut en financer beaucoup, qui n’ont pas tous besoin de sommes pharaoniques. Le système actuel conduit les découvreurs français, qui sont avant tout des chercheurs, à se vendre à l’étranger. Le risque d’un déclassement pérenne est réel.

Mme Bénédicte Peyrol. Le programme de stabilité indique que le budget vert participe à l’amélioration de la qualité des dépenses publiques. Il me semble important de le souligner.

Les engagements contingents, qui concernent la partie hors bilan des dépenses de l’État, appellent la vigilance. La crise sanitaire en a en effet modifié la structure. Si, jusqu’à présent, les engagements correspondant à des garanties étaient limités, ils sont estimés dans le programme de stabilité à 2,2 milliards d’euros pour 2020-2021 au titre de provisions pour faire face aux défaillances des entreprises ayant souscrit des prêts garantis par l’État. Pourriez-vous nous dire comment cette somme a été calculée ? Que se passera-t-il après 2021 ?

M. Mohamed Laqhila. En raison de la crise sanitaire, l’épargne des Français a atteint un niveau record en 2020, qui sera certainement dépassé en 2021. Avez-vous élaboré des scénarios de désépargne des Français ? L’Observatoire français des conjonctures économiques a travaillé sur deux hypothèses. La première se fonde sur une consommation de 20 % du surplus d’épargne lié à la crise sanitaire ; dans ce cas, en 2022, la croissance française serait de 6 %, le taux de chômage de 8,7 % et la dette publique représenterait 115 % du PIB. Dans le cas où cette épargne ne serait pas consommée, la croissance serait de 4,3 %, le taux de chômage de 9,4 % et la dette atteindrait 117 % du PIB.

Je note que vous ne prévoyez aucune augmentation d’impôt, ce dont je me réjouis. Pourriez-vous toutefois rassurer les épargnants en confirmant que l’épargne ne sera pas fiscalisée ? Quel dispositif envisagez-vous pour inciter les Français à désépargner ?

M. Michel Lauzzana. Pendant la crise, le commerce extérieur de la France a chuté et le déficit commercial s’est fortement creusé. Nous sommes entourés de pays – la Chine, les États-Unis, l’Allemagne – qui déploient des plans de relance comparables, voire supérieurs au nôtre, et nous allons être confrontés en Europe à une augmentation du prix des matières premières. Craignez-vous que cela contrarie le redressement de nos comptes publics ? Le plan de relance est-il calibré pour soutenir notre commerce extérieur ?

M. Brahim Hammouche. Messieurs les ministres, vous plaidez pour la révision de la règle relative au ratio d’endettement public, mais restez favorable au maintien de celle d’un déficit à un niveau inférieur à 3 % du PIB. Votre objectif est de ramener la dette à 117 % du PIB en 2027, bien loin du plafond des 60 % prévu dans le pacte de stabilité et de croissance. Pour y parvenir, vous envisagez un effort de redressement des dépenses dès la fin de la crise. Quels sont les critères objectifs que vous entendez prendre en considération pour définir la sortie de crise ? Ne faudrait-il pas plutôt parler de « crises » au pluriel – d’autant que nous savons que d’autres crises sanitaires peuvent surgir ?

M. Bruno Le Maire. Nous souhaitons mettre en œuvre un dispositif sur mesure pour la sortie de crise, de même que nous avons conçu un dispositif sur mesure pour protéger les entreprises et les salariés durant la crise. Il n’y aura pas un seul instrument qui répondra à la situation de toutes les grandes entreprises, de toutes les PME, de tous les indépendants : il y en aura toute une batterie. Nous avons utilisé pendant la crise quatre instruments principaux : les prêts garantis par l’État, le fonds de solidarité, les exonérations de cotisations et contributions sociales et l’activité partielle. Cela a été simple, massif et efficace. Les dispositifs de sortie de crise devront être aussi simples, aussi massifs et aussi efficaces.

Nous travaillons à une extinction progressive du fonds de solidarité. Je n’exclus pas, évidemment, le maintien d’un filet de sécurité et d’un fonds de solidarité pour les activités qui resteraient durablement suspendues. Certaines activités vont pouvoir reprendre et elles retrouveront immédiatement l’intégralité de leur chiffre d’affaires – par exemple, les commerces de vêtements. D’autres devront respecter des règles sanitaires qui auront un impact sur leur chiffre d’affaires : dans les restaurants, par exemple, on appliquera une jauge, un espacement minimal entre les tables, une distinction entre terrasses et salles intérieures. On ne peut retirer à un restaurant, du jour au lendemain, le bénéfice du fonds de solidarité. Il nous faut tenir compte de ce que vivent concrètement les Français pour être au plus près de leurs attentes concernant la protection que doit leur apporter la puissance publique.

S’agissant des prêts garantis par l’État, je pense que la question est réglée. Toutes les entreprises qui le souhaiteront auront la possibilité de commencer à les rembourser avec un délai supplémentaire d’un an, c’est-à-dire au printemps 2022 plutôt qu’au printemps 2021. Ce différé leur apporte, je crois, un réel soutien.

Les prêts participatifs sont réservés aux entreprises les mieux portantes, celles dont la santé est suffisamment bonne pour qu’elles puissent envisager d’investir à nouveau. Nous mettons 20 milliards d’euros à leur disposition sous la forme de quasi-fonds propres, afin de ne pas peser sur leur endettement. Nous y avons travaillé pendant près de six mois.


Je l’ai annoncé ce matin : nous travaillons également à des accompagnements spécifiques pour les entreprises qui font face à un mur de dettes et qui, même si elles peuvent être viables d’ici deux ou trois ans, ne peuvent pas s’en sortir dans les mois qui viennent. Cet accompagnement se fera au cas par cas pour chacune de ces entreprises. Je ne veux pas voir disparaître des entreprises qui sont structurellement viables mais confrontées à des difficultés conjoncturelles insurmontables. Cet accompagnement spécifique pourrait s’exercer à l’échelon local, grâce par exemple aux comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), dans lesquels siègent des commissaires aux comptes et des représentants des tribunaux de commerce, des services de l’État et des banques, soit autant d’acteurs de terrain. Je souhaite que ces comités soient renforcés et que nous réfléchissions à l’éventuelle création d’une structure nationale de supervision afin que l’on s’assure que chaque entreprise viable mais confrontée à des difficultés insurmontables à cause du mur de la dette trouve une solution. Ces solutions, qu’il s’agisse d’un étalement ou d’une annulation partielle de la dette, seront décidées – j’y insiste afin de ne pas susciter de faux espoirs – au plus près des territoires et au cas par cas ; en outre, la réflexion sur la création d’une structure nationale n’a pas encore abouti : il faut consulter tous les acteurs pour savoir si chacun est prêt à participer à cet effort. Il reste que les entreprises ont besoin d’être accompagnées dans cette période de sortie de crise, dont j’ai parfaitement conscience qu’elle est la plus périlleuse pour elles. Je ne voudrais pas que l’on perde en quelques semaines le produit des efforts que nous avons consentis depuis douze mois.

Madame Cariou, vos propos, si je puis me permettre, portent à confusion. Je vais donc apporter quelques précisions. Je suis totalement opposé à l’optimisation fiscale et a fortiori au détournement fiscal par les grandes multinationales. Je défends depuis près de quatre ans l’idée d’une imposition minimale sur les sociétés. J’aurais aimé que l’Union européenne soit capable de faire l’harmonisation fiscale par le haut et qu’elle mette ainsi fin à un dumping fiscal qui ruine la crédibilité européenne. Malheureusement, la règle de l’unanimité fait obstacle à l’harmonisation fiscale. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la majorité qualifiée sur les sujets fiscaux. Le paradoxe, c’est qu’il est probable qu’il sera mis fin au dumping fiscal en Europe grâce à un accord conclu au sein de l’OCDE. Ce que l’Union européenne n’aura pas été capable de faire faute de majorité qualifiée, un autre organisme international, l’OCDE, parviendra probablement à le faire. L’Europe ne peut accepter des modèles économiques fondés sur le dumping fiscal. C’est une voie sans issue.

J’ai proposé 12,5 % comme taux minimal d’impôt sur les sociétés au niveau international. Certes, l’exécutif américain propose 21 %, mais je pense que le Sénat défendra une position différente. Quoi qu’il en soit, un tel taux ne me poserait aucun problème. Le taux de l’impôt sur les sociétés est en France de 25 % : nous ne faisons pas partie des moins disant fiscaux. En revanche, je ne veux pas que nous soyons la lanterne rouge des pays développés en matière d’imposition. Or, c’est ce que nous sommes depuis plusieurs décennies. Il convient d’y remédier.

Vous nous reprochez de tenir un faux discours sur la préservation des ménages. Ce n’est pas un faux discours, c’est une réalité économique. Malgré la récession économique que nous avons traversée en 2020 – la plus forte depuis 1929 –, nous avons, selon les données de l’INSEE, augmenté le pouvoir d’achat des ménages de plus de 0,6 %. J’ai conscience que ce chiffre cache des situations très différentes, mais vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas fait le maximum pour préserver le pouvoir d’achat des ménages ! Les dispositifs de chômage partiel et d’activité partielle de longue durée, les mesures de soutien aux entreprises leur ont permis de résister aux chocs. Nous devrions collectivement être fiers d’avoir obtenu ce résultat.

Pourquoi, monsieur de Courson, avoir retenu un taux de croissance potentielle de 1,35 % ? Afin de compenser le sous-investissement que notre pays a connu, un tiers du plan de relance tend à améliorer la compétitivité des entreprises : 10 milliards d’euros seront ainsi consacrés à la baisse des impôts de production pour renforcer la compétitivité-coût des entreprises et leur permettre d’investir. Par ailleurs, le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA) est doté d’une enveloppe de 20 milliards d’euros, soit le double du précédent.

Madame Pires Beaune, je partage, ainsi que beaucoup de Français, votre déception que le pays de Pasteur n’ait pas été capable de produire rapidement son propre vaccin, mais je ne perds pas espoir de voir Sanofi nous proposer un vaccin efficace dans les mois qui viennent. Je crois en les forces de mon pays. Plutôt que de s’arrêter à cette défaite, rassemblons-nous pour nous battre et tirons-en les conséquences en matière de politique de santé publique. Le quatrième PIA prévoit dans ce secteur 670 millions d’euros d’investissements sur cinq ans, dont 130 millions d’euros pour la lutte contre les maladies infectieuses, 150 millions d’euros pour les biothérapies et 150 millions d’euros pour la santé digitale. En outre, je me bats pour que l’Union européenne adopte un programme d’intérêt collectif en matière de santé. Je souhaite aussi que la France et l’Europe renforcent leur indépendance pour ce qui concerne les molécules servant de principes actifs aux médicaments, et qu’elles ne dépendent pas de l’Inde ou de la Chine.

Je vous confirme, monsieur Laqhila, que nous ne taxerons pas l’épargne, car je pense que taxer l’épargne des Français pour les inciter à consommer n’est ni efficace ni juste.

Monsieur Lauzzana, je partage votre inquiétude concernant l’augmentation du coût des matières premières. C’est un sujet de préoccupation pour beaucoup de chefs d’entreprise.

Monsieur Hammouche, la crise économique touchera à sa fin quand la France aura retrouvé son niveau d’activité de 2019, c’est-à-dire dans le courant de l’année 2022.


M. Olivier Dussopt. L’INSEE souligne que, jusqu’à la fin du troisième trimestre 2020, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages était légèrement négative, en baisse de 0,2 point. Elle est devenue positive, en hausse de 0,6 point, au cours du quatrième trimestre, sous l’effet conjugué, premièrement et à hauteur de 5,2 milliards d’euros, de la baisse de l’impôt sur le revenu qui a porté sur les deux premières tranches d’imposition conformément à la loi de finances que vous aviez adoptée et, deuxièmement, de la suppression du troisième tiers de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Ce sont ces deux mesures qui ont provoqué l’effet de bascule.

Dans le cadre du quatrième PIA, 400 millions d’euros seront affectés, en sus des programmes mentionnés par M. Bruno Le Maire, à des traitements du covid-19. Des mesures transversales sont en outre prévues, puisque l’Agence nationale de la recherche se voit allouer 400 millions d’euros. De plus, un dispositif de préservation des emplois dans le domaine de la recherche et du développement sera financé à hauteur de 300 millions d’euros, ce qui contribuera à préserver 2 500 emplois par an, alors que ces emplois étaient menacés du fait des restrictions financières liées à la crise sanitaire. Ce dispositif est piloté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, parallèlement au crédit d’impôt recherche.

Madame Peyrol, je confirme que nous comptons utiliser et développer le budget vert, car il permet d’améliorer la gouvernance des finances publiques. Nous avons récemment évoqué quelques pistes avec vous, comme l’élargissement du périmètre des dépenses de l’État faisant l’objet d’une cotation ou le renforcement de la performance des dépenses fiscales.

Vous avez raison de souligner que l’année 2020 a fortement modifié les engagements contingents, puisqu’ils représentaient un peu plus de 200 milliards d’euros en 2019 et que nous avons engagé à ce jour 130 milliards d’euros au titre des prêts garantis à 90 % par l’État. Les provisions de 2,2 milliards d’euros qui apparaissent dans le programme de stabilité pour les exercices 2020 et 2021 s’appuient sur un taux de sinistralité tenant notamment compte de la défaillance définitive des entreprises qui ont contracté un prêt garanti par l’État. Ce taux a été fixé pour les années à venir au même niveau que pour la mise en place du plan de relance, à savoir entre 5 % et 6 %. Grâce tant à nos contacts avec les établissements bancaires, qui connaissent le niveau d’utilisation des prêts garantis par l’État une fois qu’ils ont été souscrits, qu’aux diverses mesures prises, comme l’encadrement des taux ou le décalage de la première échéance, nous sommes confiants quant à la capacité de remboursement des entreprises.

M. le président Éric Woerth. Merci, messieurs les ministres, pour vos réponses.

 

 


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AUDITION DE M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2020 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2020 ET sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de règlement de 2020 et sur le programme de stabilité.

Lors de sa réunion du jeudi 15 avril 2021 au matin, la Commission a auditionné M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l’exercice 2020 et sur la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2020 et sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de règlement de 2020 et sur le programme de stabilité.

M. le président Éric Woerth. Chers collègues, nous entendons ce matin M. Pierre Moscovici en sa double qualité de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Nous aborderons avec lui plusieurs sujets ayant fait l’objet de publications : certification des comptes, rapport sur le budget de l’année passée, avis sur le projet de loi de règlement et sur le programme de stabilité.

En vertu de l’article 17 de la loi organique de 2012 relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le programme de stabilité, que nous avons examiné hier, en présence des deux ministres. Son avis est joint à ce programme lorsque celui-ci est transmis au Parlement – nous l’avons reçu hier et je vous l’ai fait parvenir.

Alors que le projet de loi de règlement du budget 2020 était présenté en Conseil des ministres hier, nous avons simultanément reçu l’avis du Haut Conseil sur le solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement.

Parallèlement, mardi 12 avril, la Cour des comptes a rendu public son rapport au Parlement sur l’exécution du budget de l’État pour 2020, ainsi que la certification des comptes de l’État pour 2020.

L’ensemble de ces documents viendront éclairer notre analyse du projet de loi de règlement et du programme de stabilité pour les années 2021 à 2027.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. Je suis heureux de revenir devant votre commission, accompagné de Christian Charpy, président de la première chambre, de Carine Camby, présidente de chambre, rapporteure générale, d’Emmanuel Belluteau, président de section, de Louis-Paul Pelé, conseiller maître, et d’Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques.

Au cours de cette audition, je vous présenterai quatre productions de la Cour des comptes : la certification des comptes de l’État et le rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020, ainsi que les avis rendus hier par le Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de règlement et sur le programme de stabilité.

Avant d’en venir au contenu de nos travaux, je souhaite vous dire un mot du contexte exceptionnel dans lequel ils ont été réalisés. Leur calendrier de publication a été accéléré, puisque l’acte de certification et le rapport sur le budget de l’État vous sont remis deux semaines plus tôt que l’an dernier, un mois plus tôt qu’en 2019 et un mois et demi plus tôt qu’en 2017. La Cour a donc consenti d’importants efforts pour réduire ses délais de production, tout en maintenant l’intégralité de ses contrôles, grâce à la mise en œuvre de différentes mesures de simplification, à l’instar, pour la certification par exemple, des audits effectués au fil de l’eau.

La réduction des délais de production des rapports de la Cour est au cœur du projet de réforme stratégique que je porte pour les juridictions financières. Ce changement de calendrier vous permet de consacrer plus de temps à l’évaluation des politiques publiques et des résultats, une étape essentielle que vous avez souhaité renforcer dans le cadre du printemps de l’évaluation, auquel la Cour, souscrivant pleinement à cette démarche, est toujours très heureuse de participer.

Les documents que je vous présente sont le fruit d’un travail accompli dans des conditions nettement plus difficiles en raison de la pandémie, pour nous comme pour les administrations. Les équipes de la Cour se sont attachées à étudier les effets de la crise, immédiats ou décalés, sur les recettes, les dépenses et le déficit de l’État, mais aussi sur la situation patrimoniale de ce dernier ; celles du Haut Conseil ont dû faire face à un niveau très élevé d’incertitude pour rédiger leurs avis, dans des délais extraordinairement limités. Les conséquences de la crise sanitaire et économique sont donc, encore une fois, au cœur des travaux à l’ordre du jour.

L’acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2020 est le quinzième depuis le premier exercice exécuté dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dont le 5° de l’article 58 confie à la Cour la mission de certifier les comptes de l’État. Le premier, remis en 2007 sur l’exercice 2006, comportait treize réserves ; celui-ci en contient quatre, comme l’an dernier. Cette évolution témoigne des efforts accomplis par l’administration, avec le soutien de la Cour, pour améliorer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Plusieurs points de réserve sont levés par rapport aux exercices précédents, dont certains figuraient dans l’acte depuis l’origine. Les quatre réserves qui demeurent sont toutefois substantielles et elles se décomposent en vingt-deux constats d’audit significatifs.

La première réserve est systémique. Elle concerne des limites au regard de nos vérifications, qui tiennent, d’une part, aux conditions de tenue de la comptabilité générale dans Chorus et, d’autre part, à l’efficacité du contrôle interne. Les trois autres concernent différentes anomalies significatives dans les comptes, qui portent respectivement sur les stocks militaires et les immobilisations, sur les participations financières de l’État, sur les charges de personnel et d’intervention et sur les produits régaliens.

Au total, et sans détailler les différents constats d’audit, dont la plupart ne sont d’ailleurs pas nouveaux, l’opinion de la Cour fait ressortir trois principaux constats au 31 décembre 2020. Le premier, c’est la poursuite des efforts de fiabilisation des comptes malgré la crise. Je m’en réjouis et tiens à saluer le travail partenarial très constructif de la Cour et de la direction générale des finances publiques (DGFiP), sur la base du plan d’action que nous avons signé en 2019, visant à simplifier les conditions de production et d’audit des comptes et à amplifier l’usage de la comptabilité générale. Ce travail a aussi permis d’avancer le calendrier de mise à disposition des comptes, sans incidence sur leur fiabilité. Cette démarche de fiabilisation, déjà positive, doit encore être poursuivie, parce que des comptes fiables constituent pour l’administration une source très précieuse d’informations en matière de gestion courante et de prévision budgétaire. Ils sont aussi la condition d’une juste appréhension de la situation financière de l’État, de ses engagements à moyen et long termes et de sa capacité à y faire face.

Le deuxième constat concerne les progrès qui restent à accomplir dans la démarche de maîtrise des risques. Si la Cour reconnaît que les dispositifs de contrôle interne de l’État continuent de se professionnaliser, elle constate qu’ils n’ont pas encore atteint un niveau de maturité suffisant pour garantir la maîtrise des principaux risques susceptibles d’avoir une incidence sur les comptes. Cette exigence nous semble pourtant d’autant plus forte que le Gouvernement souhaite alléger ou supprimer de nombreux contrôles a priori. Nous partageons cet objectif, mais une telle évolution n’est envisageable que si elle est précédée d’efforts importants pour analyser les risques auxquels est exposée la gestion publique et mettre en place les mécanismes pour les prévenir ou les maîtriser – alléger, bien sûr ; simplifier, évidemment, mais pas au prix d’un accroissement des risques.

Le troisième et dernier constat a trait à l’insuffisante utilisation de la comptabilité générale pour appréhender la situation des finances publiques. Malgré son apparente technicité, ce constat m’apparaît particulièrement important dans la situation de crise actuelle, notamment parce que l’État aura plus que jamais besoin, dans les années qui viennent, de disposer d’une vision à moyen et long termes de ses engagements. Dans cette perspective, l’analyse du solde budgétaire de l’État doit être complétée par celle de sa situation patrimoniale.

La comptabilité budgétaire et la comptabilité générale ne s’opposent pas. Elles constituent deux moyens complémentaires d’analyser la situation des finances de l’État. La Cour est prête à prendre toute sa part à ce chantier et va d’ailleurs, pour la première fois et à titre expérimental, joindre au rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui vous sera remis en juin prochain, une analyse financière de la situation de l’État à partir de sa comptabilité générale. Cela contribuera à alimenter le débat annuel sur la dette publique que nous appelons de nos vœux, à l’Assemblée nationale comme à la Cour.

Notre rapport sur l’exécution du budget de l’État en 2020 – une année exceptionnelle à tous égards – met en évidence l’impact massif de la crise, mais aussi des évolutions plus structurelles et peut-être durables qui ne peuvent pas lui être uniquement imputables.

Commençons par l’incidence majeure de la crise sanitaire sur le budget de l’État. À partir du mois de mars 2020, le Gouvernement a adopté un ensemble de mesures pour ralentir la diffusion de la pandémie de covid-19, puis pour soutenir les entreprises et les ménages face aux conséquences économiques redoutables qui en découlaient. Les interventions de l’État ont été portées par quatre lois de finances rectificatives (LFR) adoptées en mars, avril, juillet et novembre, qui ont modifié significativement la programmation budgétaire initiale.

En partant de la dépense effective, la Cour a réalisé un très important travail pour chiffrer l’incidence de la crise sur le solde budgétaire de l’État. Sans négliger l’inévitable marge d’incertitudes propre à ce type de calcul, celle-ci s’élèverait à 92,7 milliards d’euros, soit peu ou prou l’équivalent du montant du déficit de l’État prévu par la loi de finances initiale (LFI), à savoir 93,1 milliards d’euros. Plus de la moitié de ce coût résulte de dépenses supplémentaires liées à la crise, à hauteur de près de 50 milliards d’euros, dont 42 milliards d’euros ont été portés par la nouvelle mission budgétaire Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Celle-ci rassemble quatre interventions de l’État : la prise en charge de l’activité partielle ; les aides du fonds de solidarité ; les prises de participations de l’État dans des entreprises en difficulté ; la compensation à la sécurité sociale du dispositif d’exonération et d’aide au paiement des prélèvements sociaux. Les autres dépenses budgétaires imputables à la crise relèvent d’autres missions – Solidarité, insertion et égalité des chances, Travail et emploi ou Économie.

La crise a aussi pesé sur les recettes de l’État, puisqu’elle a notamment provoqué une baisse de 32,3 milliards d’euros des recettes fiscales. L’effet est toutefois inégal selon les impôts : il est particulièrement marqué pour l’impôt sur les sociétés (IS) et l’est dans une moindre mesure pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en lien avec l’évolution de la consommation. En revanche, l’impôt sur le revenu (IR) a été assez peu affecté en raison des mesures de soutien, tout comme les impôts assis sur le capital.

Conséquence logique de cet effet de ciseau entre dépenses et recettes, le solde budgétaire de l’État a connu une très forte dégradation. Le déficit s’élève à 178 milliards d’euros fin 2020, en hausse de près de 85 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, soit un quasi-doublement. La Cour relève que toutes les composantes du solde budgétaire contribuent à cet écart, le solde du budget général à hauteur de près de 80 milliards d’euros et celui des comptes spéciaux à hauteur de plus de 5 milliards. Cette dégradation est bien plus significative qu’en 2009 après la crise financière de 2008 puisqu’à cette date, le déficit s’élevait à 138 milliards d’euros. Le niveau de déficit atteint en 2020 est donc absolument sans précédent.

Par conséquent, la dette de l’État s’est fortement accrue en 2020 et a franchi, elle aussi, un nouveau record, celui de la barre très symbolique des 2 000 milliards d’euros. Son encours a progressé de 63 % depuis 2010 et le besoin de financement de l’État a augmenté de 89 milliards d’euros par rapport à 2019, pour s’élever à près de 310 milliards – les graphiques qui illustrent cette donnée sont impressionnants. Près de la moitié des dépenses, nettes des remboursements et dégrèvements, du budget général ont ainsi été financées en 2020 par l’endettement et non par des recettes publiques. Le besoin de refinancement de l’État au cours des dix prochaines années – c’est-à-dire le montant de la dette arrivant à échéance – augmente quant à lui de 180 milliards d’euros. L’État a toutefois bénéficié de la poursuite de la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation, exceptionnellement bas en 2020, qui a permis de diminuer la charge d’intérêts. Ces facteurs conjoncturels peuvent être durables ; ils dépendent du pilotage de la politique monétaire et de l’évolution des comportements en matière d’inflation. Mais cela n’enlève rien à la vigilance qui doit être la nôtre quant à l’augmentation de la dette dans la durée si les taux d’intérêt ou l’inflation venaient à repartir à la hausse.

La dégradation du solde budgétaire de l’État en 2020 est donc significative et a des conséquences directes sur son niveau d’endettement, déjà élevé. Elle est toutefois largement inférieure à ce qui avait été anticipé dans la quatrième loi de finances rectificative, qui prévoyait un déficit de 223,3 milliards d’euros, supérieur de plus de 45 milliards d’euros à ce qui a finalement été constaté. Cet écart entre la prévision et l’exécution résulte d’un volume très important de crédits non dépensés en fin d’année, à hauteur de 31,6 milliards d’euros, principalement ceux qui avaient été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative. Plus de 90 % d’entre eux concernent les crédits de la seule mission Plan d’urgence, qui a bénéficié en 2020 de 69,6 milliards d’euros de crédits.

Cette sous-consommation, parfois présentée comme une bonne nouvelle, reflète surtout, aux yeux de la Cour, au-delà des incertitudes inhérentes à la crise sanitaire et d’un réflexe naturel de prudence – qu’il ne s’agit pas pour nous de condamner –, un manque de réalisme des prévisions budgétaires. Pour le dire plus directement, nous estimons que les montants de crédits ouverts dans la quatrième loi de finances rectificative dépassaient les prévisions de dépenses qui pouvaient raisonnablement découler des informations disponibles en novembre, quand elle a été votée, et que la prudence ne peut justifier à elle seule l’ampleur de cette surbudgétisation. Nous avions anticipé cet effet et je vous l’avais indiqué lorsque j’étais venu vous présenter le rapport du Haut Conseil des finances publiques, sans toutefois anticiper son ampleur.

Les crédits non consommés ont donné lieu à des reports massifs de plus de 30 milliards d’euros sur l’exercice suivant, alors qu’ils s’élèvent habituellement en moyenne à 1,4 milliard sur les dix dernières années. La Cour considère que des reports aussi élevés conduisent à une certaine confusion des exercices et portent atteinte au principe d’annualité budgétaire. Il aurait été plus conforme aux règles posées par la LOLF – à laquelle le président et le rapporteur général de votre commission sont attachés –, d’ouvrir les crédits supplémentaires dans la loi de finances pour 2021, ce qui était tout à fait possible puisque des amendements substantiels ont été apportés au projet de loi de finances jusqu’à la mi-décembre. Notre rapport contient donc une recommandation visant à n’ouvrir dans la loi de finances que les crédits nécessaires à l’exercice en cours et à mieux se conformer à la règle de plafonnement des reports de crédits à 3 % des crédits ouverts, pour respecter la volonté du législateur organique.

Les prévisions de recettes fiscales n’ont pas davantage échappé aux aléas. L’écart est élevé – près de 29 milliards d’euros – entre l’exécution et la troisième loi de finances rectificative. Sans méconnaître le degré très élevé d’incertitude qui a prévalu tout au long de l’exercice 2020, ces aléas dans les prévisions de recettes mettent clairement en évidence l’intérêt d’une expertise complémentaire à celle du Gouvernement pour examiner ex ante le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses publiques dans les projets de lois financières.

Il s’agit donc d’une illustration très concrète de ce que l’extension du mandat du Haut Conseil des finances publiques – une extension modeste mais déterminante que j’appelle de mes vœux depuis ma nomination – pourrait apporter à la décision publique. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, et comme la Cour l’a recommandé dans son rapport sur la gouvernance des finances publiques que je suis venu vous présenter en novembre, ce mandat pourrait, et devrait, être étendu à l’appréciation du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses, comme – en vérité – le font déjà la plupart des institutions budgétaires indépendantes en Europe.

J’en reviens à l’impact de la crise économique née de la pandémie sur le budget de l’État en 2020. Cette pandémie a entraîné une très forte hausse des dépenses : à périmètre constant, les dépenses, nettes des remboursements et dégrèvements, du budget général ont augmenté de 15,5 % par rapport à 2019, pour atteindre un niveau inégalé de près de 390 milliards d’euros. Une partie de ces dépenses est, bien sûr, imputable à la crise – j’en ai parlé –, mais cette dernière n’explique pas tout et les autres dépenses du budget général, celles que je qualifierais d’ordinaires, ont également nettement progressé en 2020. Pour être précis, elles ont augmenté de 6,7 milliards d’euros entre 2019 et 2020 contre, par exemple, 1,5 milliard entre 2017 et 2018.

Le plafond de dépenses pilotables – qui ne comprennent pas les dépenses exceptionnelles de crise – prévu par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a d’ailleurs été dépassé de plus de 15 milliards d’euros, preuve supplémentaire, s’il en fallait, de la caducité de ce texte. Ce dépassement traduit une hausse structurelle de certaines dépenses, notamment de fonctionnement. Si cette dynamique se poursuivait, et en tenant compte des dépenses de crise et des crédits reportés sur 2021, l’augmentation des dépenses du budget de l’État entre 2018 et 2021 pourrait s’établir à 90,5 milliards d’euros, soit une hausse de presque 30 %.

Si ce dynamisme était maintenu, il risquerait de produire un effet dit de cliquet par lequel les dépenses de l’État se maintiendraient à un niveau durablement plus élevé qu’avant la crise. On peut assumer cette situation – c’est un débat politique dans lequel nous ne souhaitons pas entrer – mais elle aurait des effets directs sur la trajectoire de solde et de dette publics présentée dans le programme de stabilité.

Les dépenses de l’État ne sont pas toutes retracées dans le seul budget général. C’est pourquoi, comme l’an dernier, la Cour a étendu son analyse à l’ensemble des moyens financiers que l’État consacre aux politiques publiques. Les dépenses des deux budgets annexes et des vingt-huit comptes spéciaux ont représenté, hors doubles comptes avec le budget général, 19,6 milliards d’euros en 2020, soit un montant comparable à la mission Sécurités du budget général.

À plusieurs reprises, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner le caractère très hétéroclite de l’ensemble formé par les budgets annexes et les comptes spéciaux et de regretter le pilotage partiel de leurs dépenses. L’exécution 2020 prolonge les progrès réalisés en 2019, puisque les deux tiers de leurs dépenses sont comprises dans la norme de dépenses pilotables de l’État et que les trois quarts d’entre elles sont couvertes par l’objectif de dépenses totales de l’État. En outre, deux comptes d’affectation spéciale ont été supprimés et leurs moyens rebudgétisés par la loi de finances initiale pour 2020 : ceux relatifs au financement de l’apprentissage et à l’acquisition de véhicules propres.

Une part significative des dépenses des comptes spéciaux et des budgets annexes restants demeure cependant en dehors de toute norme et les recommandations antérieures de la Cour pour rationaliser cet ensemble n’ont pas encore été toutes suivies d’effet. La revue du bien-fondé de chacun de ces dispositifs doit être systématisée, comme nous l’avons déjà proposé, pour améliorer la lisibilité des moyens budgétaires de l’État, faciliter leur pilotage et approfondir le contrôle parlementaire sur les sommes engagées.

Mais, vous le savez, les moyens que l’État consacre à la conduite de politiques publiques ne se limitent pas aux dépenses budgétaires et notre rapport aborde aussi les dépenses fiscales, les taxes affectées et les fonds sans personnalité juridique. Ces moyens représentent des sommes très significatives, les dépenses fiscales s’élevant, fin 2020, à 89,1 milliards d’euros et l’État ayant affecté l’an dernier 40,3 milliards d’euros d’impôts et taxes à des opérateurs ou à d’autres organismes, hors collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale, sans qu’une information suffisante ait été donnée au Parlement sur les actions que ces moyens considérables viennent financer. Nous recommandons d’accélérer la mise en œuvre du programme d’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des dépenses fiscales et de revoir le périmètre du plafonnement de ces dépenses fiscales en loi de programmation. Quant aux fonds sans personnalité juridique, qui continuent à être créés, la Cour regrette à nouveau qu’ils ne fassent l’objet ni d’un suivi précis, ni d’une stratégie de remise en ordre, alors qu’ils échappent presque à tout contrôle.

Au terme de son analyse sur l’exécution en 2020 du budget de l’État, la Cour formule cinq recommandations. Elle s’est attachée à en réduire le nombre, car plusieurs sujets rejoignent largement ceux des notes d’analyse de l’exécution budgétaire publiées à l’appui de ce rapport et les recommandations que nous avions exprimées à l’automne dans le rapport sur la réforme du cadre organique et de la gouvernance des finances publiques.

Avant de conclure mon propos, j’enfile brièvement ma casquette de président du Haut Conseil des finances publiques – un rôle complémentaire de celui de Premier président de la Cour des comptes et non contradictoire – pour vous présenter en quelques mots les avis que le Haut Conseil vient de formuler sur le projet de loi de règlement et le programme de stabilité, dans des délais particulièrement resserrés. Ces délais excessivement brefs ne sont pas satisfaisants, car ils limitent nécessairement la capacité d’analyse et d’expertise du Haut Conseil. La petite équipe autour du rapporteur général, Éric Dubois, ainsi que les membres du Haut Conseil travaillent vraiment d’arrache-pied, jour et nuit, pour produire des analyses de qualité et ils aimeraient pouvoir aller encore plus loin. Pour le dire clairement : nous avons besoin d’un peu plus de temps !

S’agissant de l’avis sur le projet de loi de règlement, je serai très bref, car le solde structurel sur lequel le Haut Conseil était chargé de se prononcer est dépourvu de signification. Il l’est à deux titres. D’une part, il est calculé à partir de l’estimation du produit intérieur brut (PIB) potentiel de la loi de programmation des finances publiques de 2018. Cette estimation a été rendue caduque par la crise économique, mais reste pourtant la référence sur laquelle le Haut Conseil doit, selon les termes de la loi organique de décembre 2012, s’appuyer pour rendre son avis. À plusieurs reprises, nous avons plaidé pour l’adoption d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques mais, les incertitudes se prolongeant, ce n’est pour le moment pas pertinent. En revanche, une fois la crise passée, et le cycle politique dans lequel nous allons entrer en 2022 dénoué, il faudra résoudre cette contradiction objective.

D’autre part, le solde structurel repose sur des modalités de calcul des mesures exceptionnelles et temporaires retenues par le Gouvernement qui viennent quelque peu brouiller – la Cour est diplomate – la lecture de la décomposition du solde. En effet, la totalité des mesures d’urgence et de soutien de l’an dernier sont considérées comme des one-off, c’est-à-dire des mesures appelées à ne pas se renouveler – pardon pour ce jargon bruxellois. Elles ne sont donc pas comptées dans l’évaluation du solde structurel, alors que la plupart d’entre elles se prolongent en 2021, devenant des two-off – au minimum.

Par conséquent, et en contradiction avec la très forte et persistante dégradation des finances publiques, le solde structurel présenté par le Gouvernement apparaît en nette amélioration en 2020 : après moins 2,3 points en 2019, il s’établirait à moins 0,9 point en 2020. Le Haut Conseil des finances publiques estime toutefois que, dans ces conditions, il n’y a pas lieu de déclencher le mécanisme de correction. Pourquoi ? Dans son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, la crise sanitaire avait conduit le Haut Conseil à estimer que les circonstances exceptionnelles mentionnées par les textes européens étaient réunies. Elles le sont toujours. Ces mêmes conditions avaient conduit le Conseil de l’Union européenne à déclencher la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance en mars dernier. Nous ne recommandons donc pas de déclencher un mécanisme de correction, que nous ne saurions d’ailleurs pas utiliser dans ces circonstances particulières.

En outre, en réponse à une question que vous m’aviez adressée à l’automne dernier, notre avis sur le projet de loi de règlement comprend un encadré sur le coût net des six principales mesures d’urgence de soutien aux revenus. Selon les estimations du secrétariat permanent du Haut Conseil, leur coût net serait compris entre 67 % et 82 % de leur montant brut, en raison d’un effet direct et indirect favorable sur les prélèvements obligatoires. Voilà, monsieur le président, un exemple des travaux que nous pouvons mener en complément de nos avis et qui justifie l’amélioration de l’expertise du Haut Conseil à laquelle vous avez bien voulu consentir.

S’agissant maintenant de l’avis sur le projet de programme de stabilité pour les années 2021 à 2027, le Haut Conseil a examiné les prévisions macroéconomiques pour la durée de la programmation. Notre appréciation diffère selon l’horizon temporel considéré. Pour 2021, la prévision de croissance de 5 % du Gouvernement est cohérente avec le scénario sanitaire d’une levée progressive des restrictions pesant sur les activités et les déplacements à partir de mai. Cette prévision est inférieure à celle de la loi de finances pour 2021, qui prévoyait un rebond du PIB de 6 %, mais elle correspond en réalité à un niveau d’activité sensiblement supérieur car la récession a été moins profonde que prévu l’an dernier. Au total, le niveau du PIB prévu pour 2021 dans le programme de stabilité est ainsi plus élevé, d’un peu plus de 2 %, que celui de la loi de finances initiale. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle et cela témoigne du dynamisme et de la résilience de l’économie française.

Pour 2022, et sous réserve d’une maîtrise durable de l’épidémie, nous considérons que la prévision de croissance de 4 % du Gouvernement est prudente. Dans ce scénario, le PIB reviendrait à peine au-dessus de son niveau de 2019 en moyenne sur 2022. L’activité pourrait se révéler plus soutenue si les ménages venaient à consommer une partie des 8 points de PIB de surcroît d’épargne. C’est une des clés de l’évolution.

En revanche, pour la période 2023-2027, le Haut Conseil considère que l’hypothèse de croissance potentielle du Gouvernement est plutôt optimiste. À partir de 2023, la croissance potentielle reviendrait effectivement selon le programme de stabilité à son niveau d’avant-crise, soit plus 1,35 % par an. Des aléas positifs existent autour de cette estimation : nous pourrions, par exemple, être favorablement surpris par la diffusion des technologies numériques dans l’économie. Toutefois, dans nos analyses, les aléas négatifs semblent dominer. La croissance potentielle pourrait être affaiblie par des séquelles durables que la crise sanitaire risque de laisser sur le tissu économique français. Elle pourrait également l’être par des évolutions plus structurelles, comme le vieillissement de la population ou les conséquences économiques de la transition écologique. L’estimation de croissance potentielle du Gouvernement se situe dans le haut de l’intervalle des prévisions à moyen terme des économistes.

Je conclurai en évoquant la trajectoire de la dette publique. Depuis le printemps dernier, j’ai eu l’occasion de vous dire à plusieurs reprises que celle-ci appelle une vigilance particulière. Ce message conserve, bien sûr, toute sa pertinence et son acuité. Selon la prévision du programme de stabilité, le ratio de dette publique augmenterait de 20 points de PIB entre 2019 et 2021. Sous l’effet d’un déficit durablement creusé, le ratio de dette resterait proche de 118 points de PIB jusqu’en 2027. À cet horizon, il serait encore supérieur de 20,1 points à son niveau de 2019.

Cette trajectoire de stabilisation du niveau d’endettement est fragile. Elle suppose la matérialisation d’un scénario de croissance et d’inflation que le Haut Conseil juge relativement favorable. Elle suppose aussi que l’ajustement structurel annoncé, mais non encore documenté dans le programme de stabilité, de l’ordre de 0,3 point par an, soit effectivement réalisé. Une croissance du PIB, une inflation ou un effort structurel plus faibles, même légèrement, se traduiraient par une hausse accrue du ratio d’endettement et la légère inflexion du niveau de dette attendue à l’horizon de 2027 ne pourrait alors être obtenue – et je n’évoque même pas la problématique de la charge et des taux d’intérêt, exogène à nos travaux. La soutenabilité à moyen terme de la dette publique demeure donc un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance de notre part.

M. le président Éric Woerth. Je partage bien des observations que vous avez faites.

Lors de la présentation du programme de stabilité, hier, j’ai posé aux ministres la question du rehaussement durable, quasiment pérenne, du niveau des dépenses par rapport à la période antérieure au covid-19. Quand on regarde les seules dépenses budgétaires, la hausse est d’environ 170 milliards d’euros en cumulé pour 2020 et 2021. Les prévisions du programme de stabilité font état d’une baisse d’une petite cinquantaine de milliards en 2022, puis la dépense publique repartirait à la hausse d’une dizaine de milliards chaque année. Le Gouvernement parle d’augmentation maîtrisée – on a rarement connu une augmentation de 0,7 % en volume sur l’ensemble des dépenses publiques – mais c’est quand même une augmentation. La question n’est pas de savoir si on pense que les chiffres sont crédibles ou non ; j’observe simplement qu’il restera 120 milliards d’euros de plus qu’avant le covid-19 : ils sont durablement inscrits.

Je sais bien que le PIB augmentera probablement un peu plus vite que la dépense publique au bout d’un certain temps et que le ratio dette/PIB diminuera un tout petit peu, mais ce ne sera quasiment pas le cas d’ici à 2027 et la suite est vraiment très éloignée. Cela veut dire que la réponse à la crise a des conséquences durables en termes de niveau des dépenses publiques, ce qui est très préoccupant : le niveau de ces dépenses est déjà très élevé dans notre pays et cela diminue notre capacité à réduire les déficits publics.

S’agissant de l’organisation des finances publiques, nous allons déposer, avec le rapporteur général, une proposition de loi organique directement issue du rapport de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la MILOLF, qui a été présenté à l’automne 2019. La situation a relativement peu changé : la crise nous a plutôt confortés dans l’idée qu’il fallait améliorer un peu l’outil, pour avoir une nouvelle version de la LOLF – sans la transformer, évidemment. Nous proposons notamment d’étendre les pouvoirs et le périmètre d’action du Haut Conseil des finances publiques, pour les rendre à peu près comparables à ce qui existe dans d’autres pays pour des institutions de même nature. On sent bien, dans les questions qui vous sont posées au sein de cette commission, que c’est nécessaire, celles-ci se trouvant souvent hors de votre champ d’action actuel.

Concernant le projet de loi de règlement, je reviens sur la question des dépenses d’investissement. La proposition de loi organique demandera, d’ailleurs, de bien faire la différence, par mission et par programme, avec les dépenses de fonctionnement, ce qui changera quelque peu la nature de la discussion et renforcera notre éclairage sur la composition, in fine, de la dette publique nouvelle.

Les dépenses d’investissement s’élèvent, pour le seul titre 5, à 13,6 milliards d’euros, et à 15,3 milliards en intégrant le titre 7. Cela représente 4 % du budget général. L’augmentation légère de ces dépenses en 2020, de 1,2 milliard d’euros, qui concernait essentiellement les sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Suffren, ne doit pas masquer le fait que les crédits d’investissement sont sous-consommés – leur consommation est de 84 % des crédits de paiement (CP) et seulement de 59,1 % des autorisations d’engagement (AE) – et ce n’est pas la première fois. Que pensez-vous du fait qu’on ne respecte pas beaucoup les autorisations parlementaires dans ce domaine ? Les crédits d’investissement sont certes plus difficiles à mettre en œuvre que ceux de fonctionnement, notamment s’ils sont liés à l’armement, à la recherche ou à des contrats, mais on observe quand même un décalage.

Les primes d’émission sont un sujet fréquemment abordé au sein de cette commission, notamment par M. de Courson. La mobilisation de souches anciennes dont le taux est supérieur à celui du marché est assez importante. Les primes perçues à ce titre ont été supérieures à 30 milliards d’euros en 2020 après décote et l’Agence France Trésor (AFT) a réalisé de cette manière près de 40 % de ses émissions en 2020. Considérez-vous que l’on peut tenir à ce rythme-là ? Est-ce de bonne gestion ?


M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous rejoins tout à fait sur ces différents points, monsieur le président Woerth.

L’écart entre les prévisions et l’exécution en 2020, qui est effectivement un sujet important, concerne essentiellement la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, en particulier le fonds de solidarité et l’activité partielle. Il faut se rappeler dans quel état d’esprit nous avons voté les crédits dans le cadre des différentes lois de finances rectificatives : les critères du fonds de solidarité étaient susceptibles de varier d’une façon assez significative, le cas échéant jusqu’en décembre 2020. Cela s’est d’ailleurs produit, mais plutôt au début de l’année 2021. Les écarts s’expliquent assez bien, étant entendu qu’ils doivent évidemment rester tout à fait exceptionnels et que le principe d’annualité budgétaire doit prévaloir : « prévoir large » avait un sens et, pour 2021, des crédits supplémentaires avaient aussi été ouverts en nouvelle lecture.

Je salue la pérennisation de l’approche de la Cour des comptes qui consiste à considérer la dépense publique dans son ensemble, y compris les dépenses fiscales, les fonds sans personnalité juridique et les taxes affectées. De telles informations manquent souvent au Parlement. Au-delà de la vision d’ensemble que procure votre rapport, pourriez-vous réaliser, dans vos programmes de travail, davantage d’évaluations de ces dispositifs ? Je pense en particulier à la dépense fiscale, qui est un peu ma marotte ces derniers mois.

L’effort réalisé dans votre rapport pour isoler les dépenses supplémentaires liées à la crise et pour distinguer les dépenses conjoncturelles ou structurelles est précieux. Je rejoins ce qu’a dit le président Woerth. L’effort de distinction entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement sera essentiel au lendemain de la crise. Nous devons conserver cette approche pour les prochaines années. Pouvez-vous préciser, notamment à la suite de l’audition du ministre de l’économie, des finances et de la relance qui a eu lieu hier, votre appréciation de la soutenabilité de la trajectoire prévue pour la dette et les dépenses publiques ?

Vous proposez d’étendre le mandat du Haut Conseil à l’appréciation du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses. Pouvez-vous revenir sur ce que cela apporterait et ce que cela signifierait en matière de moyens, notamment humains ? J’en profite pour faire, moi aussi, de la publicité autour de la proposition de loi organique que nous déposerons bientôt – nous ne manquons jamais une occasion de l’évoquer. Ce sera une occasion de débattre du niveau d’indépendance et des moyens humains et financiers que doit avoir le Haut Conseil.

Mme Cendra Motin. Je me placerai, à mon tour, à moyen terme : depuis le début de notre mandat, nous avons à cœur de maîtriser la dépense publique. M. Bruno Le Maire l’a rappelé hier, lors de son audition : nous n’augmenterons pas les impôts. Nous maîtrisons les dépenses publiques et nous souhaitons faire baisser la pression fiscale sur nos concitoyens. Il ne faut pas perdre le bénéfice des quatre dernières années.

L’objectif concernant le solde structurel a finalement été tenu en 2020, selon l’avis du Haut Conseil, malgré la dégradation notable des finances publiques. Celle-ci a eu un triple effet : une hausse des dépenses, majoritairement due à la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, une baisse des recettes publiques et une augmentation de l’endettement de la France, car il n’y a évidemment pas d’argent magique. Les seules bonnes nouvelles, dans cette crise, sont la baisse de la charge de la dette et le dynamisme plus important que prévu des recettes non fiscales.

Les quatre lois de finances rectificatives ont été destinées à gérer l’urgence et rien que l’urgence. La quatrième a permis de décaisser des aides jusqu’à la fin de l’année 2020 et au début de l’année 2021. S’agissant de la question de l’évolution des montants en cours d’année, il a fallu prévoir, pour des raisons d’agilité, plus de moyens pour l’activité partielle de longue durée dans le cadre de ce dernier collectif et ces moyens ont ensuite été complétés par la loi de finances pour 2021.

Nous avons à cœur, depuis le début de la législature, de ne pas toucher à certains budgets, voire de les augmenter – cela concerne la santé, l’éducation nationale, l’intérieur, la justice et la recherche. Je crois que nous avons eu raison de le faire et nous continuons à soutenir fortement ces cinq ministères vraiment importants. C’est aussi une condition pour la reprise.

Quant au plan de relance, dont les crédits entrent dans le solde structurel, il est évident que l’innovation s’inscrit dans le temps long. Le plan de relance est une première étape. Je rejoins complètement notre président et notre rapporteur général en ce qui concerne la nécessité de mieux prendre en compte l’investissement dans les lois de finances, pour mieux l’accompagner dans la durée, ce qu’on ne peut pas nécessairement faire dans un budget purement annualisé.

Comment analysez-vous la capacité de l’État à faire des économies structurelles dans le contexte de reprise que nous connaîtrons dans les cinq prochaines années ? Pensez-vous que la trajectoire de rééquilibrage du solde structurel présentée dans le programme de stabilité est réalisable ? Vous avez souligné que cette trajectoire nécessite la poursuite dans la durée d’ajustements structurels au moins égaux à ceux inscrits dans ce programme.

Mme Véronique Louwagie. S’agissant de la certification des comptes et des quatre réserves substantielles que la Cour des comptes formule, vous avez évoqué les conditions de tenue de la comptabilité dans Chorus. Cet outil Chorus a-t-il conduit ou non à améliorer la fiabilité des enregistrements ?

Vous avez indiqué que les dépenses ordinaires ont augmenté de 6,7 milliards d’euros en 2020 et que, si cette dynamique se poursuivait, l’augmentation des dépenses du budget de l’État pourrait s’établir à 90,5 milliards par rapport à 2018. C’est une situation inquiétante et même dramatique. Selon vous, la diminution des dépenses passe-t-elle nécessairement par une réforme des retraites ?

Vous avez fait cinq recommandations. Pourriez-vous détailler celle qui consisterait à remplacer le fonds pour l’innovation et l’industrie par un dispositif de financement dans le budget général ?

J’en viens à la prévision de croissance de 5 % en 2021 et de 4 % en 2022. Nous sommes confrontés à deux difficultés. Les entreprises subissent des pénuries de matières premières et une inflation des prix qui perturbent énormément les commandes publiques et mettent en difficulté certains acteurs. Cet élément a-t-il été pris en compte dans la prévision de croissance ? Le fait que la consommation des Français pourrait être réduite par des comportements de défiance, qui conduiraient à encore plus d’épargne, a-t-il également été intégré ?

M. Jean-Paul Mattei. Je commencerai par les réserves liées à la certification des comptes. On peut comprendre les trois premières. La quatrième concerne les anomalies relatives aux charges de personnel et d’intervention, ainsi qu’aux produits régaliens : en la matière, des insuffisances significatives affectent toujours, fin 2020, le contrôle et l’enregistrement comptable et l’évaluation des créances sur les redevables ne donne pas une image fidèle des droits et obligations. Je suis un peu étonné par cette réserve compte tenu des outils qui existent. Le prélèvement à la source a-t-il contribué à sécuriser davantage les recettes ?

Vous soulignez, dans votre avis sur le programme de stabilité, le risque d’une prévision de reprise en 2023 au niveau de 2019 et d’une baisse de la dette publique trop optimiste et vous rappelez l’importance de l’aléa économique et sanitaire, le programme de stabilité étant fondé sur l’hypothèse d’une reprise dès mai 2021 – cela semble aujourd’hui assez conditionnel. Pensez-vous que les couvre-feu et les reconfinements successifs ont sensiblement modifié les grands équilibres sur lesquels le budget pour 2021 est fondé ? Même si nous sommes conscients qu’il est impossible de prévoir dans une loi de programmation budgétaire pluriannuelle l’effet d’une crise telle que celle que nous connaissons, pourrait-on intégrer à l’avenir d’autres éléments pour rapprocher les projections budgétaires de la réalité de l’exécution que vous constatez ?

L’année 2020 a vu se succéder quatre projets de loi de finances rectificatives, après le projet de loi de finances initiale, et un plan de relance dont la particularité est d’être concentré budgétairement sur deux ans – 2020 et 2021 –, ce qui est quand même très court. Un nouveau PLFR vous semble-t-il nécessaire pour ajuster le périmètre budgétaire à la réalité des dépenses ?

M. Jean-Louis Bricout. La Cour des comptes certifie qu’au regard des règles et des principes comptables applicables, le compte général de l’État pour l’exercice 2020 est régulier et sincère et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l’État, avec certes quelques réserves. Vous dites notamment que votre institution n’est pas toujours en mesure de se prononcer sur le bien-fondé et la fiabilité des enregistrements comptables, tant du fait des conditions de tenue de la comptabilité générale dans Chorus que de l’organisation et du suivi du contrôle interne dans les ministères.

Vous montrez également que la pandémie a coûté, en 2020, 92,7 milliards d’euros à l’État, à qui vous reprochez des écarts importants entre les prévisions et l’exécution budgétaire. Par exemple, 31,6 milliards n’ont pas été dépensés conformément à ce que nous, parlementaires, avions voté. Le Gouvernement a largement reporté ces crédits sur 2021, dans des programmes différents de ceux pour lesquels ils avaient été ouverts, sans que nous en rediscutions, ce qui est inacceptable. Les prévisions du Gouvernement sont également mauvaises du côté des recettes. Vous soulignez l’exagération du manque à gagner pour l’État et vous rappelez utilement au Gouvernement que le budget n’est pas une enveloppe globale que l’exécutif pourrait utiliser à sa guise.

À la suite de ces constats, j’aimerais connaître votre sentiment sur les écarts budgétaires. Pensez-vous que ce sont des erreurs d’appréciation, qui pourraient s’expliquer au vu de la succession d’incertitudes et de difficultés dans la gestion de la crise, ou qu’il s’agit, en toile de fond, de manœuvres de communication, d’une façon de conforter les messages envoyés à la population ? Les prévisions de dépenses seraient volontairement exagérées pour renforcer l’idée qu’on sauvera l’économie « coûte que coûte » et même pour dire que, la Cour des comptes l’attesterait, l’économie est encore debout, les recettes sont au mieux et la stratégie de gestion sanitaire est au top. Le troisième message, qui correspond à un vieux fantasme des conservateurs, concernerait la nécessité de freiner et de maîtriser assez rapidement la dépense publique.

N’avez-vous pas le sentiment que les écarts budgétaires ne sont pas complètement des erreurs d’appréciation, mais constituent aussi une manœuvre pour faire jouer à votre institution un rôle de catalyseur en matière de communication ?

Mme Lise Magnier. S’agissant de la certification des comptes, pouvez-vous nous donner des explications très concrètes au sujet des quatre réserves substantielles que vous avez émises, malgré la démarche de fiabilisation que vous avez également soulignée ? Sont-elles liées à des outils non adaptés au sein des services de l’État, à des procédures insuffisamment formalisées ou à un manque de personnel ? La troisième réserve exprime votre désaccord avec l’État en ce qui concerne la valeur de son patrimoine financier. Pouvez-vous en expliquer les raisons ?

S’agissant de la difficulté à définir le solde structurel, vous regrettez une décomposition plus conventionnelle et contestable qu’à l’accoutumée entre les composantes exceptionnelle et temporaire, structurelle et conjoncturelle. Il est vrai qu’il peut sembler incohérent d’afficher une amélioration du solde structurel en 2020 au vu de la situation de nos finances publiques. Une distinction est faite dans le programme de stabilité entre ces mêmes composantes. Je vous rejoins là encore : la frontière peut parfois sembler assez artificielle. La notion de solde structurel est-elle encore pertinente ? Peut-on et doit-on utiliser une autre décomposition du solde public pour assurer une plus grande clarté et une meilleure compréhension des finances publiques ?

En ce qui concerne la gouvernance des finances publiques, je fais miennes les questions qui vous ont été posées sur l’évolution du rôle du Haut Conseil, dont on pourrait faire une institution budgétaire indépendante, dotée d’un mandat ambitieux et de moyens propres, comme l’a préconisé la commission pour l’avenir des finances publiques. Qu’en pensez-vous ? Quels pourraient être les obstacles techniques ?

Mme Sabine Rubin. Vous estimez que les prévisions de croissance figurant dans le programme de stabilité sont trop optimistes pour la période 2023-2027, ce qui rend l’objectif de baisse de l’endettement fixé pour 2027 difficile à atteindre. Pourtant, le Gouvernement choisit de réduire les dépenses publiques en les soumettant à une norme contraignante – pas plus de 0,7 % d’augmentation annuelle. Ne croyez-vous pas que ce choix grèvera encore plus la croissance ? Elle sera privée à la fois de la relance par la dépense publique et de l’utilisation de l’épargne, pour des raisons de précaution. Il en résulterait un cercle vicieux et une récession quasiment pérenne.

Le Gouvernement indique dans le programme de stabilité qu’il veut soumettre l’initiative législative à une sorte de règle d’or, dont le respect serait l’alpha et l’oméga au Parlement, sous le contrôle du Haut Conseil des finances publiques. Ne pensez-vous pas que cela pose un problème démocratique ? Cela réduirait la capacité d’initiative, déjà assez contrainte, du Parlement en matière de finances publiques.

M. Jean-Paul Dufrègne. La prévision de croissance potentielle du Gouvernement est de 1,35 %, ce qui est une hypothèse plutôt optimiste compte tenu des sous-investissements de cette année. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance a affirmé hier, devant notre commission, que ces sous-investissements seraient compensés par le plan de relance et les mesures structurelles. Comment analysez-vous et quantifiez-vous les conséquences du plan de relance sur la croissance potentielle ?

Le programme de stabilité prévoit un ralentissement très important des dépenses publiques : elles diminueraient de 3,3 % en 2022 puis augmenteraient de 0,7 % en moyenne, alors que la hausse était d’au moins 1 % avant 2020. Comment ces éléments ont-ils été intégrés dans les prévisions macroéconomiques ? La prévision de croissance inclut-elle le ralentissement des dépenses publiques prévu à partir de 2022 ? A-t-on intégré un effet multiplicateur nul, ce qui signifierait que la baisse des dépenses publiques n’aurait aucun impact sur la croissance ?

De même, le ralentissement des dépenses pourrait-il peser sur la croissance potentielle de la France et réduire ses capacités productives ? On pourrait légitimement penser qu’un ralentissement brutal et durable des dépenses, tel qu’il est envisagé dans le programme de stabilité, pourrait amoindrir la croissance potentielle en réduisant l’investissement ou en provoquant des effets d’hystérèse.

Pensez-vous que la France se trouve réellement à la frontière de ses capacités productives ou jugez-vous qu’il serait possible de recalibrer le plan de relance de manière à l’amplifier et à pousser davantage la croissance, à l’image de ce qu’a annoncé le président Biden ?

Le Gouvernement fait l’hypothèse d’une normalisation de l’épargne d’ici à 2022. Peut-on penser que le fort ralentissement des dépenses publiques et la conduite de réformes antisociales, comme celles du chômage et des retraites, pourraient conduire au contraire à un accroissement de l’épargne de précaution ?

M. Michel Castellani. Nous sommes confrontés à une situation particulièrement difficile. Elle était déjà tendue avant l’irruption de la crise sanitaire, qui a singulièrement aggravé la conjoncture.

S’agissant des dépenses, M. Le Maire nous a présenté hier un programme de stabilité axé sur un contrôle drastique des dépenses, dont on peut se demander s’il est tenable et même souhaitable à la sortie de la crise. Vous évoquez l’effet de cliquet dans votre rapport tout en doutant de l’opportunité d’un maintien des dépenses à un niveau très élevé. Les objectifs du Gouvernement ne risquent-ils pas d’être intenables ? N’y a-t-il pas, en fait, une contradiction fondamentale ?

La hausse considérable de la dette ne suscite pas, pour l’instant, de grandes inquiétudes grâce à la politique volontariste de l’Agence France Trésor et surtout aux taux d’intérêt particulièrement bas. Néanmoins, une hausse des taux ne risque-t-elle pas de conduire à une situation intenable, à un choc brutal ? On voit mal quelles mesures on pourrait prendre pour y faire face.

S’agissant toujours de la dette, M. Le Maire a réitéré son rejet du plafond maastrichtien de 60 % du PIB tout en rappelant son attachement, pour ce qui est du déficit, au critère de 3 % du PIB. Pourquoi ne pas abandonner les deux ? Quels nouveaux critères faudrait-il alors créer ?

Toutes ces questions peuvent se résumer de la manière suivante : quelle politique, quelle convergence et quelle gouvernance faut-il adopter face à la situation actuelle ?

Mme Christine Pires Beaune. En tant que rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, je sais que les contentieux fiscaux sont très coûteux pour l’État et ils le seraient beaucoup plus que prévu d’après vos travaux. À la page 81 de votre rapport, on découvre qu’ils ont coûté 4,7 milliards d’euros de plus que les prévisions de la loi de finances initiale. L’État n’aurait-il pas dû ajuster ses prévisions au cours des quatre projets de loi de finances rectificative ? Qui plus est, sur les 6 milliards d’euros, 1,6 milliard d’euros correspond au versement des intérêts moratoires. Comment éviter de telles dépenses, quand cet argent aurait été mieux placé dans l’éducation, par exemple ?

Page 84, vous notez une forte progression du produit des amendes en 2020, à hauteur de 3 milliards d’euros. Comment cela se fait-il, alors que les amendes routières, notamment, auraient dû diminuer drastiquement à cause du confinement ?

Enfin, à la page 30 du rapport relatif à la certification des comptes, vous mentionnez le patrimoine corporel de l’État, notamment les infrastructures concédées à des tiers, parmi lesquelles les autoroutes représentent 161,1 milliards d’euros. En l’absence d’inventaire détaillé du réseau, comment l’actif a-t-il été valorisé ?

Par ailleurs, monsieur le président Woerth, alors que la commission des finances compte soixante-treize membres, nous ne sommes que dix-neuf. Aujourd’hui, Mme Rabault a dû quitter la salle ; hier, c’était M. Bricout. La demi‑jauge ne pourrait-elle pas s’appliquer à l’effectif complet de la commission et non aux groupes ?

M. le président Éric Woerth. Madame Pires Beaune, les règles efficaces sont des règles simples. Celle-ci permet de respecter les équilibres entre groupes, sans avoir à gérer les entrées et sorties de chacun ni à faire sans cesse des arbitrages. J’applique les règles définies par la Conférence des présidents, même si la demi‑jauge n’est, en réalité, pas souvent atteinte. Croyez-moi, cela ne m’amuse pas plus que vous.

M. Brahim Hammouche. Vous nous avez alertés quant aux progrès qui restent à accomplir dans la démarche de maîtrise des risques induits par la mobilisation de la garantie de l’État sur les prêts, ainsi que par les avances qu’il a accordées en 2020. Pourriez-vous nous préciser quels sont les différents risques encourus – majeurs, modérés et mineurs ? À combien évaluez-vous leur coût ?

Mme Bénédicte Peyrol. Dans le programme de stabilité, le Gouvernement mentionne que le budget vert améliore la qualité de la dépense. Quel regard la Cour des comptes porte-t-elle sur ce nouvel outil ? Réfléchit-elle au rôle qu’elle pourrait jouer, par exemple en lien avec le Haut Conseil pour le climat (HCC), pour certifier ce budget ou agirait‑elle plus en amont ? Enfin, faut-il, selon vous, suivre tout particulièrement les dépenses fiscales défavorables à l’environnement relevées en 2016 par la Cour des comptes dans un rapport remarqué ?

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. Je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions, puisque certaines, qui concernent les dépenses à venir, ne relèvent pas des quatre documents que je viens de vous présenter. Néanmoins, je peux d’ores et déjà vous donner rendez-vous, dans la mesure où la Cour des comptes est en train de faire un audit à 360 degrés des finances publiques, comportant une analyse de la trajectoire, intégrant la question de la dette et du cantonnement de la « dette covid », mais aussi une réflexion sur la sortie des mesures d’urgence et une approche structurelle des finances publiques, des politiques de croissance et de l’action publique. Ces travaux, commandés par le Président de la République et le Premier ministre, me permettront de vous répondre plus précisément sur la trajectoire de la dette et sur les moyens d’en assurer la soutenabilité : définition du moment où commencer l’effort ; nature de cet effort ; soutiens pour muscler la croissance – sans exclure par principe la réflexion sur les recettes, même si je n’ai pas à me prononcer sur les positions politiques retenues. Nous avons auditionné votre président et allons auditionner le rapporteur général. Une trentaine de magistrats travaillent à temps plein sur le sujet.

Concernant l’évolution des dépenses publiques, notamment des dépenses dites ordinaires, qui ont augmenté de 6,7 milliards d’euros en 2020, soit à peu près comme en 2019, où l’augmentation était de 7,3 milliards d’euros, mais beaucoup plus vite qu’en 2018, où elle n’était que de 1,5 milliard d’euros, même si les dispositifs pris spécifiquement en réponse à la crise ont vocation à s’éteindre, la Cour s’interroge sur l’évolution des autres dépenses, une fois la crise passée, dont rien à ce stade ne garantit le ralentissement. Nous mentionnons notamment le risque d’un effet de cliquet. J’ai cité le chiffre de plus de 90 milliards d’euros si la tendance se prolonge. Nous observons que si, à l’occasion de la crise de 2008-2010, les dépenses publiques avaient significativement augmenté de 4 points de PIB, elles avaient retrouvé, par la suite, leur niveau d’avant-crise. C’est pourquoi il faut réfléchir à l’évolution des dépenses au‑delà de la crise. Hier, M. Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics a donné le chiffre de 0,7 %, lequel est inférieur à la moyenne en volume de la hausse des dépenses publiques sur les dernières années, qui tourne autour de 1,1 %. Il faudra voir si cela suffit pour parvenir à une baisse de la dette. Vous en débattrez au niveau politique et nous en débattrons collectivement.

Le solde structurel de 2020 nous semble totalement dépourvu de sens, parce que la loi de programmation des finances publiques, qui définit la croissance potentielle, n’a plus de base et que les one-off sont comptabilisés d’une manière discutable. Cela discrédite-t-il pour autant la notion de solde structurel ? Je ne le crois pas, même si la crise sanitaire a rendu plus complexe son évaluation et que les choix faits ont contribué à brouiller sa définition. En tout état de cause, le solde structurel reste un outil indispensable pour établir une stratégie de finances publiques. C’est pourquoi il faut en refonder le calcul plutôt que tuer le pianiste et éliminer l’indicateur.

La Cour souligne depuis plusieurs années la sous-consommation des crédits d’investissement du budget de l’État et leur transformation par fongibilité en crédits de fonctionnement. Bien que cette pratique ne soit pas contraire à la LOLF, nous la regrettons. Dans notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2020, nous avions insisté pour que soient préservés les investissements publics, notamment ceux qui concernent la transition écologique ou la santé publique. Nous nous sommes également interrogés, sans trancher, sur l’opportunité de créer une sorte de fongibilité asymétrique pour les crédits d’investissement, à l’image des crédits de titre 2, c’est-à-dire de limiter voire d’interdire la possibilité de transformer des crédits d’investissement en crédits de fonctionnement au sein d’un même programme, même si l’inverse serait possible. La Cour aura l’occasion de revenir sur l’importance accordée aux dépenses d’investissement dans sa réponse à la commande du Premier ministre.

Pour ce qui est des investissements d’avenir, la Cour relève que la doctrine d’investissement a été amendée, puisqu’elle est définie au niveau législatif à l’article 233 de la loi de finances pour 2021. Nous suivrons avec attention les changements à venir dans la gouvernance des programmes d’investissements d’avenir (PIA), avec l’installation du conseil interministériel de l’innovation. S’agissant de la traçabilité insuffisante des recettes en provenance des investissements d’avenir, la direction du budget indiquait à la Cour qu’elle avait prévu de travailler en 2021 avec le secrétariat général pour l’investissement à l’enrichissement de la documentation, notamment du jaune annexé. La Cour sera attentive à une évolution qu’elle appelle de ses vœux depuis plusieurs années.

Les émissions d’obligations ont donné lieu en 2020 à la perception d’un niveau très élevé de primes à l’émission pour un montant de quelque 30,7 milliards d’euros. Selon l’AFT, ce niveau s’explique par la baisse des taux d’intérêt et par la demande des investisseurs pour des émissions sur des souches anciennes dont les taux de coupon sont supérieurs aux taux de marché actuels. Le programme d’achat de titres publics de la Banque centrale européenne, qui intervient sur l’ensemble de la courbe des taux, contribue à alimenter la demande des investisseurs pour ces titres plus anciens. Les primes perçues aujourd’hui auront pour contrepartie une augmentation des charges d’intérêt au cours des prochaines années. Mais, vous l’avez rappelé, c’est un mécanisme neutre du point de vue actuariel. Aussi, l’interrogation sur la soutenabilité de la dette va bien au-delà de ce seul sujet, qui n’est pas négligeable pour autant. Cela renvoie notamment à l’évolution de l’encours de la dette, en fonction des futurs niveaux de déficit public.

J’ai lu avec intérêt le rapport de M. Arthuis – qui m’avait auditionné et que la Cour auditionnera la semaine prochaine –, lequel met notamment l’accent sur l’idée d’une vigie indépendante pour aider au pilotage des politiques publiques et finances publiques. Mais une telle vigie existe déjà ! Le Haut Conseil des finances publiques est une institution indépendante, placée auprès d’une institution également indépendante, dotée de moyens propres que vous avez commencé à augmenter – je vous en remercie – pour cette année et qu’il faudra sans doute abonder légèrement, afin d’élargir son mandat pour lui permettre d’être plus utile au débat public et au contrôle du Parlement.

À ce sujet, je veux revenir sur quelques points. Le mandat du HCFP porte, à titre principal, sur l’appréciation du réalisme des prévisions macroéconomiques, ce qui est un peu paradoxal, dans la mesure où il ne s’appelle pas Haut Conseil des prévisions macroéconomiques… Elles sont un élément indispensable dans le cadre de la prévision des finances publiques, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne sont pas le seul déterminant des prévisions de recettes et de dépenses. Il est possible d’avoir des prévisions macroéconomiques réalistes et des prévisions de recettes, de dépenses et de solde qui ne le seraient pas. C’est la raison pour laquelle je rejoins ce que disait le président Woerth sur le fait qu’une extension du mandat du HCFP à l’appréciation du réalisme des recettes et des dépenses constituerait un nouveau progrès dans la gouvernance des finances publiques ; il y en a sans doute d’autres.

Concernant l’ensemble des moyens des politiques publiques, au-delà des seuls crédits du budget général, il faudrait consulter l’ensemble des analyses de l’exécution budgétaire annexées au rapport sur le budget général. S’agissant des dépenses fiscales, vous trouverez également une note d’analyse de l’exécution budgétaire qui leur est consacrée. La Cour est très attentive à ces dépenses fiscales, qui se maintiennent à un niveau élevé. Enfin, la première chambre avait réalisé un rapport complet sur les fonds sans personnalité juridique, à la suite duquel nous avions appelé à une forme de remise en ordre. Nous ferons en 2022 un suivi de ce rapport, qui demeure d’actualité.

Les limitations des systèmes d’information sont une constante. En l’état actuel des choses, l’utilisation des applications informatiques ne permet pas de garantir, sur un certain nombre de postes, que les données comptabilisées correspondent à la réalité et donnent une image fidèle de la situation financière. Avec la mise en œuvre du progiciel Chorus en 2012, l’État s’est doté d’un outil performant, commun aux comptabilités budgétaire et générale pour assurer la gestion des dépenses et des recettes selon les règles introduites par la LOLF. Je dirais que cela marche. Le résultat est globalement satisfaisant pour les dépenses, qui sont désormais traçables sur l’ensemble de la chaîne, de l’engagement au paiement. En revanche, des insuffisances significatives persistent pour les recettes, pour lesquelles le système d’information est loin d’être utilisé à la mesure de ses possibilités. La majorité des applications remettantes fonctionne encore selon les règles de l’ordonnance de 1959, ce qui rend nécessaire d’opérer leur conversion dans le langage utilisé par Chorus. Pour résumer, l’outil n’est pas déficient mais on peut en faire un usage plus performant.

Le principe de fiabilité des comptes suppose que, en amont de leur production, les dispositifs de contrôle et de vérification mis en œuvre par l’administration permettent de prévenir les anomalies et les erreurs, garantissant au moins leur correction une fois repérées, ce qui fait l’objet du contrôle interne. Nous constatons que la démarche de maîtrise des risques continue de progresser dans presque tous les ministères, mais qu’elle n’a pas encore atteint un niveau de maturité suffisant pour garantir la fiabilité des comptes et assurer une bonne gestion des actions conduites par les services de l’État. Cela concerne notamment l’insuffisante hiérarchisation des contrôles, en fonction des enjeux et des risques, et l’absence d’outils de mesure de la réalité des risques. Je le redis, allègement et simplification doivent aller de pair avec une amélioration de la maîtrise des risques et des contrôles appropriés.

Pour les prévisions de croissance pour 2020 et 2021, les pénuries ont été prises en compte dans le calcul du PIB en 2021. Cela a été noté par le HCFP. Nous avons relevé que la prévision d’inflation sous-jacente est un peu basse. Cela fait partie des quelques paramètres qui peuvent jouer sur le futur. L’écart est important entre les prévisions et l’exécution sur les recettes comme sur les dépenses ; pour celles-ci, il est notamment l’effet d’une grande prudence. Je conçois tout à fait la prudence, d’une part, et la prise en compte des incertitudes, d’autre part – c’est, en gestion, une attitude préférable à celle consistant à ignorer l’une et à mépriser les autres. En revanche, je pense que l’ampleur de l’écart, supérieur à 40 milliards d’euros, ne s’explique pas seulement par la prudence ou l’anticipation des incertitudes, à moins de supposer qu’elles aient été excessives. Les circonstances de l’été 2020 ont compliqué l’évaluation des recettes, ce qui confirme la nécessité d’une analyse indépendante.

Les participations financières de l’État sont composées de 1 703 entités qui représentent une valeur de 307,4 milliards d’euros à l’actif du bilan : 647 sont des participations contrôlées, 1 056 des participations non contrôlées. La Cour s’appuie, pour apprécier la fiabilité des montants comptabilisés au titre des participations contrôlées, sur les rapports d’audits internes des commissaires aux comptes de ces sociétés. L’acte de certification des comptes de 2020 énonce les constats suivants pour les 647 entités contrôlées : 191 rapports reçus, dont 31 qui font état de réserves ; nous n’avons pas obtenu le rapport de 74 entités et n’avons pas d’informations probantes pour les 382 autres. Une certaine incertitude persiste donc quant à la fiabilité d’une part significative de participations, qui justifie la réserve formulée par la Cour. Je vous ai fait cette réponse détaillée pour que vous preniez la mesure du travail considérable que fournit l’équipe de certification, composée de vingt-cinq personnes, dont je pense qu’il faut faire un usage plus important, car c’est un outil précieux. Je crois que vos prochains travaux sur la LOLF en fourniront l’opportunité.

Pour les contentieux de série, il s’agit de crédits évaluatifs, ajustés en fin d’année. Leurs intérêts moratoires sont assez inévitables au vu des délais de traitement même si leur montant de 6,7 milliards d’euros n’est pas négligeable. Quant au niveau du produit des amendes, il s’explique par les décisions de l’Autorité de la concurrence et non par l’évolution du produit des amendes de la circulation.

Le HCFP note que la prévision pour 2021 du programme de stabilité est conditionnée par la réalisation du scénario sanitaire. En cas de décalage important du calendrier de levée des contraintes sanitaires, il faudra réactualiser le scénario de croissance. Mais, à ce stade, nous n’avons pas de raison de remettre en cause le scénario du Gouvernement, même si le virus demeure le maître en la matière. Quant aux prévisions de croissance, elles tiennent compte de l’influence des finances publiques, qui est défavorable à court terme mais pas nécessairement à long terme, surtout si la qualité de la dépense est privilégiée.

Enfin, j’ai pris bonne note de vos remarques sur le budget vert, qui semble une perspective d’avenir. Pour la première fois, des indicateurs se dessinent en la matière. Nous soulignons dans notre rapport que nous sommes prêts à nous investir pour l’avenir dans le suivi de cette grande transition écologique, qui sera centrale dans notre politique économique, quoi qu’il arrive.

Mme Valérie Rabault. Hier, j’ai interrogé le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur le niveau du déficit structurel, sans obtenir de réponse. Le solde nominal a été mis quasiment à 100 % sur sa composante structurelle, ce qui signifie que l’économie française est mal en point, sans quoi on aurait pu supposer une part plus importante de la composante conjoncturelle. La position du curseur entre solde structurel et solde conjoncturel a-t-elle un impact sur la dette ? Autrement dit, est-ce que le Gouvernement n’a pas chargé la barque sur la partie structurelle pour rendre la dynamique de dette plus acceptable vis-à-vis de Bruxelles ?

M. Pierre Moscovici. J’aurais tendance à inverser votre raisonnement. J’ai insisté tout à l’heure sur le fait que le calcul du solde structurel était quelque peu dépourvu de sens et que les choix qui avaient été faits, de comptabiliser comme des one-off des mesures qui se prolongent en réalité, aboutissaient à diminuer fortement le solde structurel, puisqu’il passait de moins 2,3 points en 2019 à moins 0,9 point en 2020, ce qui est un peu contre-intuitif quand on observe la dégradation des finances publiques, dont il est difficile de penser qu’elle n’ait aucune composante structurelle. J’en déduis plutôt qu’il faudra revenir à une mesure plus réaliste de ce solde. On va le rehausser en 2021, ce qui appelle une nouvelle loi de programmation des finances publiques dotée d’un caractère contraignant. J’ai entendu le propos du ministre de l’économie, des finances et de la relance et n’ai pas à me prononcer sur son caractère constitutionnel, par exemple, mais je comprends tout à fait que nous n’ayons pas pu le faire maintenant, les incertitudes étant bien trop fortes.

Dès lors que nous aurons vu la fin ou à tout le moins la maîtrise de la crise sanitaire et que l’horizon sera plus clair – sans doute vers les échéances politiques du printemps 2022 –, il faudra mener un pilotage plus serré les cinq années suivantes, afin d’intégrer cette composante qui ne me paraît pas avoir d’impact particulier sur la dette. Je ne pense pas qu’il faille voir dans ces choix quelque intention maligne. Rien ne justifie que nous déclenchions le mécanisme de correction : dans un contexte où les circonstances sont extraordinaires et où les règles budgétaires européennes sont débranchées, avec, en plus, des outils qui ne sont plus très pertinents et une loi de programmation caduque, cela n’aurait pas grande signification. Tel est le sens de notre avis sur le projet de loi de règlement.

M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes. Nous ne portons pas un regard négatif par principe sur le fonds pour l’innovation et l’industrie. Nous pensons, au contraire, qu’il faut favoriser les dépenses d’innovation et rendrons d’ailleurs prochainement à la commission des finances un rapport sur les aides publiques à l’innovation. Nous disons seulement que le mécanisme utilisé n’a pas de sens : il est contraire au principe de l’unité budgétaire ; sa mise en œuvre est très complexe ; il ne garantit pas les recettes. Utilisons plutôt le dispositif du quatrième PIA, qui est dépourvu de tout risque de gel et pluriannuel.

Les incertitudes sur les produits régaliens peuvent, en effet, paraître paradoxales. Cela est très largement lié au mauvais fonctionnement des systèmes informatiques, au moins au fait qu’ils sont anciens et ne garantissent pas la corrélation entre ce qui est correctement prélevé et ce qui est comptabilisé. Pour la DGFiP, modifier les systèmes informatiques de prélèvement de l’impôt est compliqué, puisque, en cas de défaillance, les conséquences seraient dramatiques. En revanche, je peux vous rassurer : le prélèvement à la source n’a rien changé à la question et ne présente pas de risque.

S’agissant du remboursement des avances, il y a effectivement un risque, puisque de l’argent a été avancé aux aéroports ou aux autorités organisatrices de la mobilité. Or, je ne suis pas convaincu qu’il sera remboursé selon le calendrier initialement prévu. Il en existe également un concernant les garanties que l’État a consenties sur les prêts.

Enfin, pour ce qui est de la valeur des actifs autoroutiers, l’estimation a été faite par les services du ministère, sur la base de données techniques contractuelles financières, selon la méthode du coût de remplacement à neuf par kilomètre. Nous n’avons pas relevé d’anomalies à ce titre dans les comptes, même si le calcul est un peu conventionnel.

 

 

 


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   Examen en Commission

   Discussion générale

Au cours de sa séance du mercredi 26 mai au matin, la commission a procédé à l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l'année 2020 (n° 4090).

M. le président Éric Woerth. Nous examinons ce matin le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020, inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée le mercredi 16 juin. Le calendrier est un peu particulier, puisque les ministres, Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, sont venus nous le présenter le 14 avril et ont avancé son dépôt, pour nous permettre de préparer au mieux le Printemps de l’évaluation.

Ce projet de loi de règlement est historique, au sens fort du terme, l’écart par rapport à la loi de finances initiale étant de plus de 80 milliards d’euros – augmentation des dépenses et baisse des recettes confondues. La LFI n’est alors plus un repère ; et ce projet de loi devient l’histoire d’une crise.

 

 


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   Examen des articles

Article liminaire
Solde structurel et solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2020

Le présent article met en œuvre l’article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([47]).

Article 8 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012
relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

La loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte. Le cas échéant, l’écart aux soldes prévus par la loi de finances de l’année et par la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

Ainsi, est présenté un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2020, les soldes prévus par la loi de finances initiale (LFI) pour 2020 ([48]) et par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([49]), ainsi que l’écart aux soldes prévus.

Tableau de synthÈse de l’article liminaire

(en points de PIB)

Solde

Exécution 2020

LFI 2020

LPFP 2018-2022 (année 2020)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel

– 0,9

– 2,2

+ 1,3

– 1,6

+ 0,7

Solde conjoncturel

– 5,4

+ 0,1

– 5,5

+ 0,1

– 5,5

Mesures ponctuelles et temporaires

– 2,9

– 0,1

– 2,9*

+ 0,0

– 2,9

Solde effectif

 9,2

 2,2

 7,1*

 1,5

 7,7

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : présent projet de loi de règlement.

NB : Les données pour l’exécution 2020 sont celles du projet de loi de règlement, qui ne sont pas à jour de la révision des comptes nationaux 2020 par l’Insee (voir commentaire de l’article liminaire).

Ces données, présentées au sein du présent projet de loi de règlement, ne sont pas à jour des comptes nationaux 2020 publiés par l’Insee le 28 mai 2021. La révision de la croissance en volume de l’activité pour les années 2018, 2019 et 2020 entraînent une amélioration de 0,4 point du solde conjoncturel, ce qui conduit dans le même temps à une dégradation du solde structurel du même ordre. Les données actualisées sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau de synthÈse de l’article liminaire (donnÉes actualisÉes)

(en points de PIB)

Solde

Exécution 2020

LFI 2020

LPFP 2018-2022 (année 2020)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel

– 1,3

– 2,2

+ 0,9

– 1,6

+ 0,3

Solde conjoncturel

– 5,0

+ 0,1

– 5,1

+ 0,1

– 5,1

Mesures ponctuelles et temporaires

– 2,9

– 0,1

– 3,0

+ 0,0

– 2,9

Solde effectif

 9,2

 2,2

 7,1*

 1,5

 7,7

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : Insee, comptes nationaux 2020 des administrations publiques, 28 mai 2021.

Il conviendra, dès lors, d’amender le projet de loi de règlement pour tirer la conséquence de la publication des comptes nationaux. Pour plus de lisibilité, les données présentées au sein du présent rapport sont celles du projet initial de loi de règlement.

Dans son avis n° HCFP-2021-1 du 12 avril 2021, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) constate que les déficits structurels, estimés à 2,3 points de PIB pour 2019 et 0,9 point pour 2020, « ne s’écartent pas de manière importante » de ceux prévus par la LPFP : « il n’y a donc pas lieu de déclencher le mécanisme de correction prévu par l’article 23 de la loi organique ». Néanmoins, l’évolution du solde structurel en apparaît non significative (voir fiche n° 1). L’existence de circonstances exceptionnelles prévues à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques a d’ailleurs été relevée par le HCFP dès son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 ([50]).

Le mécanisme de correction de la loi organique

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG.

Les différentes composantes du déficit public de 2020 sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

 

 

*

*     *

 

La commission adopte l’article liminaire sans modification.

 


Article 1er
Résultats du budget de l’année 2020

Conformément au paragraphe I de l’article 37 de la LOLF ([51]), le présent article arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État en 2020, duquel découle le résultat budgétaire ou le solde d’exécution des lois de finances.

Le I arrête le résultat budgétaire de l’État en 2019 à – 178,1 milliards d’euros.

Le II arrête, dans un tableau, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux de l’année 2020. Les données présentées sont calculées hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ([52]).

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

 

 

*

*     *

 

La commission adopte l’article 1er sans modification.

 

 

 

 


Article 2
Tableau de financement de l’année 2020

Conformément au paragraphe II de l’article 37 de la LOLF, le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2020. Le besoin et les ressources de financement sont ainsi arrêtés à 309,5 milliards d’euros.

Ressources et charges de trÉsorerie de l’annÉe 2020

(en milliards d’euros)

Besoin et ressources de financement de l’État

Exécution 2019

Besoin de financement

309,5

Amortissement de la dette à moyen et long termes

136,1

dont remboursement du nominal à valeur faciale

130,5

dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

5,6

Amortissement SNCF réseau

1,7

Amortissement des autres dettes

0,5

Déficit à financer

178,1

Autres besoins de trésorerie

– 6,9

Ressources de financement

309,5

Émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

54,7

Variation des dépôts des correspondants

27,8

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

– 63,4

Autres ressources de trésorerie

30,4

Source : article 2 du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.

Cet article présente les flux de trésorerie ayant concouru à l’équilibre financier de l’État et non à son équilibre comptable, défini en comptabilité générale et budgétaire de l’État.

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 5).

 

*

*     *

 

La commission adopte l’article 2 sans modification.


Article 3
Résultat de l’exercice 2020
Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

Le présent article soumet à l’approbation du Parlement les états financiers de l’État. Aux termes du paragraphe III de l’article 37 de la LOLF, « la loi de règlement approuve le compte de résultat de l’exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées » et « elle affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes ».

Le I du présent article approuve le compte de résultat de l’exercice relatif à l’année 2020, lequel fait ressortir un résultat patrimonial de – 165,6 milliards d’euros, et mentionne dans un tableau les charges et produits de l’État.

Le II affecte au bilan ce résultat à la ligne « report des exercices antérieurs ».

Le III approuve le bilan après affectation du résultat comptable. La situation nette du bilan de l’État s’établit ainsi à – 1 536,2 milliards d’euros au 31 décembre 2020.

Le IV approuve les informations complémentaires figurant à l’annexe du compte général de l’État.

Par ailleurs, l’article 47–2 de la Constitution, issu de sa révision du 23 juillet 2008, prévoit que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Sur ce fondement, la Cour des comptes est chargée de procéder à la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État en application du 5° de l’article 58 de la LOLF. Début avril 2021 ([53]), la Cour a certifié qu’« au regard des règles et principes comptables qui lui sont applicables, le compte général de l’État de l’exercice clos le 31 décembre 2020 et arrêté le 2 avril 2021 est régulier et sincère, et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l’État sous quatre réserves, toutes substantielles ».

Ces réserves, les mêmes qu’exprimées au titre des exercices 2019 et 2018, portent sur les limites générales dans l’étendue des vérifications, les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles, les anomalies relatives aux immobilisations financières et les anomalies relatives aux charges et produits régaliens.

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 6).

 

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La commission adopte l’article 3 sans modification.


Article 4
Budget général  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur le budget général.

Aux termes du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article « ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

À ce titre, le présent article ouvre des crédits complémentaires pour un montant égal en AE et CP de 967 319,65 euros. Ils sont destinés au financement du programme Charge de la dette de SNCF réseau reprise par l’État qui porte des crédits évaluatifs au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Le présent article procède également à l’annulation de crédits non consommés et non reportés à hauteur de 6,97 milliards d’euros en AE et 2,06 milliards d’euros en CP, dont 1,15 milliard d’euros en AE/CP au titre de la mission Remboursements et dégrèvements.

L’annexe Développement des opérations constatées au budget général ([54])  au présent projet de loi de règlement a pour objet de détailler la situation définitive des ouvertures en AE et en CP, les dépenses constatées sur le budget général et les modifications demandées en loi de règlement.

Les données contenues dans le présent article sont analysées dans la partie générale du présent rapport notamment par la fiche 4 relative aux modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2020.

 

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La commission adopte l’article 4 sans modification.


Après l’article 4

La commission est saisie de l’amendement CF4 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui justifie l’annulation des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) non consommés en 2020 et non reportés de la mission Travail et emploi. En effet, l’article procède à l’annulation d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées, concernant principalement le programme Accès et retour à l’emploi, à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés, à hauteur de 41,6 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La sous-consommation des autorisations d’engagement de cette mission est particulièrement problématique. Sa rapporteure spéciale, Marie-Christine Verdier-Jouclas, l’a d’ailleurs noté de son côté. Vous avez raison : ces AE doivent être mieux gérées. En réalité, elles sont initialement sur-budgétisées, ce qui conduit, année après année, à les annuler, parce qu’elles sont devenues sans objet. Ce point fait partie des axes d’amélioration que nous devrons présenter à la ministre lors du Printemps de l’évaluation. En revanche, je ne pense pas qu’il y ait besoin d’un rapport sur le sujet. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Nous avons le même débat tous les ans, notamment sur le financement des maisons de l’emploi et de la formation, dont l’action est assez remarquable. Même si elles sont certainement satisfaites de leur financement, il ne serait pas inutile qu’elles aient plus d’argent. Alors qu’il y a des besoins dans le domaine, des crédits sont annulés. C’est surprenant.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. La question se posera de nouveau cette année et ne doutez pas que nous ferons de nouveau le nécessaire pour accompagner les maisons de l’emploi, parce qu’une majorité d’entre elles fonctionnent et que celles qui ne fonctionnaient pas ont disparu. Je vous confirme que, dans le rapport que je présenterai en commission d’évaluation des politiques publiques (CEPP), je donnerai des explications claires concernant ces annulations d’AE.

La commission rejette l’amendement CF4.

La commission est saisie de l’amendement CF5 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui justifie l’annulation des autorisations d’engagement et des crédits de paiement non consommés en 2020 et non reportés de la mission Action extérieure de l’État. L’article 4 procède à l’annulation d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 43,6 millions d’euros, qui portent principalement sur les programmes Français à l’étranger et affaires consulaires et Action de la France en Europe et dans le monde. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 42,8 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Une grande partie des annulations relatives au programme 151 s’explique par le fait que les crédits avaient été ouverts à hauteur de 50 millions d’euros en troisième loi de finances rectificative au titre d’une aide de secours occasionnel de solidarité à nos compatriotes de l’étranger. Or la consommation n’a été que de 4,7 millions d’euros d’aides allouées à un peu moins de 30 000 bénéficiaires en 2020. Quant à l’autre programme de la mission, son enveloppe a été sous-consommée en raison de la crise sanitaire et de la non-utilisation des bourses de mobilité de courte durée, des échanges d’experts et des dépenses de fonctionnement. Demande de retrait.

M. Jean-Louis Bricout. Je vous remercie de ces explications.

L’amendement CF5 est retiré. 

La commission est saisie de l’amendement CF6 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. C’est encore une demande de rapport, concernant cette fois la mission Administration générale et territoriale de l’État. L’article procède à l’annulation des autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 145,4 millions d’euros, qui portent principalement sur le programme Administration territoriale de l’État. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 33,7 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le niveau d’exécution de cette mission est très satisfaisant, à 97,5 %. Nous l’avons vu hier en CEPP : le périmètre a été modifié, ce qui explique qu’un milliard d’euros aient été attribués à la mission. S’ils sont facialement importants, ils représentent en fait davantage des modifications de périmètre des missions que de l’argent frais supplémentaire. La gestion de la crise a conduit à quelques retards d’investissement, ce qui explique le léger décalage. Notre rapporteure spéciale, Jennifer de Temmerman, en a parlé en présentant son rapport d’évaluation pour la mission Administration générale et territoriale de l’État. Demande de retrait.

L’amendement CF6 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CF7 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il y est question de la mission Défense. L’article procède à l’annulation des autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 728,3 millions d’euros, qui portent principalement sur les programmes Équipement des forces, à hauteur de 319,3 millions d’euros, Soutien de la politique de la défense, pour 195,8 millions d’euros, et Préparation et emploi des forces, pour 186,6 millions d’euros. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 166,4 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Rappelons que plus de 3,4 milliards d’euros supplémentaires ont été exécutés entre 2018 et 2020 dans le cadre de la mission Défense. Le taux d’exécution est aussi très satisfaisant, puisqu’il s’élève à 98,6 % pour les autorisations d’engagement et à 99,6 % pour les crédits de paiement. Demande de retrait.

L’amendement est retiré. 

La commission en vient à l’amendement CF8 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. La demande de rapport concerne la mission Enseignement scolaire. L’article procède à l’annulation des autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 179,5 millions d’euros, qui portent principalement sur le programme Enseignement scolaire public du second degré. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 172,8 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces 172,8 millions d’euros ne représentent que 0,3 % des crédits de la mission. Aussi peut-on considérer que le taux d’exécution est extrêmement satisfaisant. Je rappelle que l’on vote des plafonds de crédits et qu’il est donc normal que la gestion ne corresponde pas à l’euro près à notre autorisation initiale. Ce qui compte, c’est que les taux d’exécution dépassent les 95 ou 96 %, ce qui est nettement le cas en l’espèce. Demande de retrait.

M. Jean-Louis Bricout. On peut effectivement se satisfaire de la bonne exécution de ces crédits. Mais il y a sur le terrain des tensions en ce qui concerne les moyens du second degré. 172,8 millions d’euros ne sont pas rien, même si c’est peu par rapport à l’ensemble. Vous comprendrez que l’on puisse s’étonner que ces crédits n’aient pas été utilisés.

L’amendement CF8 est retiré.

La commission examine l’amendement CF9 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. La demande de rapport concerne cette fois la mission Sécurités. L’article procède à l’annulation des autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 302,2 millions d’euros, qui portent principalement sur les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale, alors que de nombreux besoins ont été identifiés dans les territoires. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 99,3 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous votons à l’automne des crédits spécialisés, que nous ne pouvons pas transférer ailleurs selon le principe des vases communicants. Cela dit, cette mission dans son ensemble a un niveau d’exécution satisfaisant : 98,6 % en AE et 99,3 % en CP. L’exécution peut être considérée comme conforme à notre vote. Demande de retrait.

L’amendement CF9 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF10 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Même punition, avec la mission Justice. L’article procède à l’annulation des autorisations d’engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 149 millions d’euros, qui portent principalement sur le programme Administration pénitentiaire et Conduite et pilotage de la politique de la justice. Il procède, par ailleurs, à l’annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 60 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La mission est exécutée à 90 % en AE et à 98,6 % en CP. Pour ce qui est des crédits de paiement, la sous-consommation est essentiellement due à une moindre utilisation de l’aide juridictionnelle, notamment du fait du ralentissement de l’activité des juridictions lors du premier confinement. Je vous renvoie à l’échange que nous avons eu avec la Cour des comptes la semaine dernière à ce sujet. Pour les autorisations d’engagement, le taux de 90 % peut paraître encore un peu faible. Il faut rappeler qu’il était de 80 % en 2019 et de 77 % en 2018, donc nous sommes en forte progression. C’est une mission qui est toujours compliquée, en particulier à cause de la construction des centres pénitentiaires qui pose souvent problème en matière d’exécution des AE. Demande de retrait.

L’amendement CF10 est retiré.

 

 


Article 5
Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des AE et des CP consommés sur les budgets annexes.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens présente un niveau de consommation de 2,1 milliards d’euros en AE et en CP au titre de l’exercice 2020. Le budget annexe Publications officielles et information administrative présente un niveau de consommation de 138,8 millions d’euros en AE et 135 millions d’euros en CP.

En application du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article procède également à l’annulation d’AE non engagées et non reportées au titre de l’exercice 2020 sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 8,9 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 15,4 millions d’euros.

Parallèlement, il annule les CP non consommés et non reportés sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 13,4 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 13,7 millions d’euros.

 

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La commission adopte l’article 5 sans modification.

 

 

 


Article 6
Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

Le I du présent article arrête dans un tableau le montant des autorisations d’engagement consommées sur les comptes spéciaux, au 31 décembre 2020, par mission et programme.

Autorisations d’engagement ouvertes et consommÉes des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Autorisations d’engagement ouvertes à l’issue de la LFR 4

Autorisations d’engagement consommées

Différence

2017

204,3

200,4

– 3,9

2018

207,3

198,7

– 8,6

2019

210,1

189,7

– 20,4

2020

228,0

204,9

– 23,1

Source : lois de finances et lois de règlement successives.

Le II arrête dans un tableau les résultats des comptes spéciaux, au 31 décembre 2020, par mission et programme.

crÉdits de paiement ouverts et consommÉs des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Crédits de paiement ouverts à l’issue de la LFR 4

Crédits de paiement consommés

Différence

2017

203,0

198,1

– 4,9

2018

205,8

198,6

– 7,2

2019

210,0

191,2

– 18,8

2020

228,2

205,3

– 22,9

Source : lois de finances et lois de règlement successives.

Le III arrête, dans un tableau, à la date du 31 décembre 2020, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2020.

Le IV reporte les soldes arrêtés au III et reportés à la gestion 2021 à l’exception :

 d’un solde débiteur de 800 millions d’euros sur le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics correspondant à une avance accordée le 31 décembre 2010 au Fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations, et qui a déjà été remboursée à l’État en 2015, rendant le solde sans objet ;

 d’un solde débiteur de 30,8 millions d’euros pour deux comptes de concours financiers : 12,3 millions pour le compte Prêts à des États étrangers et 18,5 millions d’euros pour le compte Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ;

 d’un solde créditeur de 33,4 millions d’euros sur le compte de commerce Opérations commerciales des domaines ;

 d’un solde créditeur de 18,3 millions d’euros concernant le compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques ;

 d’un solde créditeur de 4,9 millions d’euros pour le compte d’opérations monétaires Pertes et bénéfices de change.

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiches 2 et 3).

 

 

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La commission adopte l’article 6 sans modification.

 

 


 

Article 7
Règlement des comptes spéciaux « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » et « Aides à l’acquisition de véhicules propres » clos au 1er janvier 2020

Le présent article prévoit le règlement de deux comptes spéciaux clos au 1er janvier 2020.

– Le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, créé en 2011, avait vocation à percevoir une quote-part de la taxe d’apprentissage et à la reverser aux régions. Or, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové le financement de l’apprentissage en créant France compétences, organisme unique chargé d’assurer la répartition des financements collectés par le réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf).

Cette évolution a rendu le CAS obsolète. L’article 87 de la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 a donc prévu sa clôture au 1er janvier 2020, avec reversement du solde des opérations enregistrées sur le compte au budget général de l’État. C’est l’objet du présent article.

L’article 37 de la LOLF prévoit en effet que la loi de règlement arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l’exercice suivant et apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial.

Au total, 52,9 millions d’euros sont ainsi reversés au budget général de l’État au titre de la clôture du CAS Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage.

– Le compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres a été créé par la loi de finances pour 2012 afin de retracer, en recettes, le produit du malus automobile et, en dépenses, des contributions au financement d’aides à l’acquisition de véhicules propres et d’aides au retrait de véhicules polluants (« primes à la conversion »). Ces dernières ont été réintégrées au budget général, au sein du programme 174 Énergie, climat et après-mine, par la loi de finances pour 2019.


L’article 90 de la loi de finances pour 2020 procède à la réintégration complète du compte au budget général de l’État au 1er janvier 2020, le programme 174 regroupant désormais l’ensemble des dispositifs de soutien à la mobilité durable (prime à la conversion, bonus automobile, bonus pour l’acquisition de véhicules à assistance électrique).

Le compte est, dès lors, clos au 1er janvier 2020 et le solde de 213,1 millions d’euros est reversé au budget général de l’État.

 

 

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La commission adopte l’article 7 sans modification.


Article 8
Règlement des comptes spéciaux « Transition énergétique » et « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » clos au 1er janvier 2021

Le présent article prévoit le règlement de deux comptes spéciaux clos au 1er janvier 2021.

● Le compte d’affectation spéciale Transition énergétique, créé en 2005 afin de fournir un support budgétaire aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en électricité ou en gaz, a été clôturé au 1er janvier 2021 par l’article 89 de la loi de finances pour 2020. En recettes, le compte retraçait une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes ainsi que les revenus tirés de la mise aux enchères des garanties d’origine. En dépenses, le compte portait, pour l’essentiel, les compensations aux opérateurs en contrepartie des charges de soutien aux énergies renouvelables et le remboursement aux opérateurs du déficit de compensation de leurs charges de service public de l’électricité.

Les flux budgétaires du compte ont été réintégrés au budget général de l’État – en particulier, pour les dépenses, au sein du programme 345 Service public de l’énergie. Aussi, cela permet de regrouper l’ensemble des charges de service public de l’énergie au sein de ce programme.

Le présent article apure le solde créditeur du compte d’affectation spéciale Transition énergétique à un montant de 92,1 millions d’euros. Ce solde est reversé au budget de l’État à la date de clôture du compte, au 1er janvier 2021 (voir infra).

● Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs a été créé en 2011 afin de porter le système de péréquation externalisé entre les activités ferroviaires rentables de grande vitesse (TGV) et celles de longues distances (trains d’équilibres du territoire ou Intercités) historiquement déficitaires. Le compte finançait ainsi la compensation du déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire et le versement d’une soulte aux régions pour les lignes transférées à la suite du rapport Duron de 2015.

Le compte était alimenté, en recettes, par la contribution de solidarité territoriale (CST), une fraction de la taxe d’aménagement du territoire due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes et le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF).

La suppression du compte est justifiée par l’ouverture à la concurrence, qui rend le fonctionnement du compte inadapté. En effet, un compte d’affectation spéciale ne permet pas de distinguer l’engagement juridique en autorisation d’engagement (AE) des versements en crédits de paiement (CP). Or, les marchés d’exploitation des lignes seront attribués sur la base d’une convention pluriannuelle, qui nécessitera un engagement juridique en année N pour un décaissement des fonds sur la durée de cette convention.

Aussi, le compte a été supprimé par l’article 88 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et le financement de la compensation du déficit des activités, réintégré au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables. L’ouverture à la concurrence ne remet pas en cause, pour autant, le principe de la péréquation, les taxes actuelles ayant vocation à perdurer.

Le solde créditeur du compte, de 41,8 millions d’euros, est apuré par le présent article. Ce solde est reversé au budget de l’État à la date de clôture du compte, au 1er janvier 2021 (voir infra).

● Le présent article adopte une nouvelle approche concernant l’apurement des comptes spéciaux. Jusqu’à récemment, les comptes étaient clôturés au 31 décembre d’une année N, ce qui ne posait pas de problèmes pour leur apurement, réalisé en loi de règlement de l’année N. Le reversement au budget général était réalisé la même année.

Les deux comptes apurés à l’article 7 de la présente loi de règlement ont, de façon novatrice, été clôturés au 1er janvier de l’année 2020. L’apurement réalisé par cet article, qui arrête définitivement leur résultat, permet le reversement du solde de ces comptes au budget général sur la même année – reversement prévu par la disposition de la loi de finances pour 2020 qui prévoit la clôture de ces comptes. Or, la loi de règlement 2020 a vocation à afficher les soldes des comptes au 31 décembre 2020 : à cette date, les deux comptes avaient déjà été clôturés, comme indiqué ci-dessus.

Le présent projet de loi de règlement a choisi d’adopter une démarche plus lisible. Dorénavant, pour les comptes clos au 1er janvier d’une année N, les soldes sont apurés au 31 décembre N-1 et reportés à l’année suivante, ce qui permet leur reversement au budget général de l’État à leur date de clôture effective (le 1er janvier N). Cette solution permet de justifier le fait que les documents de l’année N ne retracent plus le compte clos au 1er janvier alors même qu’il continue, formellement, d’exister sur une très courte durée au cours de cette année N.

Ainsi, pour les comptes spéciaux Transition énergétique et Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs, clôturés au 1er janvier 2021, les soldes sont reportés sur l’année 2021 par l’article 6 du présent projet de loi de règlement, afin d’être reversés au budget général au jour exact de leur clôture. Pour ces comptes, il n’y aura donc pas de disposition correspondante en loi de règlement pour 2021.

La nouvelle approche décrite ci-dessus, effectivement plus lisible, explique la coexistence des articles 7 et 8 au sein du présent projet de loi de règlement.

En tout état de cause, il est préférable de prévoir la clôture des comptes spéciaux au 31 décembre d’une année N, dans la mesure où, dans ce cas, la séquence permet la concomitance entre la date d’apurement et celle du reversement au budget général, évitant ainsi le report sur l’année suivante.

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*     *

La commission adopte l’article 8 sans modification.

 

M. le président Éric Woerth. Qui souhaite prendre la parole avant le vote sur l’ensemble du projet de loi de règlement ?

Mme Marie-Christine Dalloz. L’année 2020 restera hélas dans les annales comme celle de la pire récession du XXIe siècle et, par conséquent, comme une année noire pour nos finances publiques : le déficit atteint 9,2 % du PIB et la dette explose, à 115,7 %, tandis que le PIB se contracte de plus de 8 %.

Mais tout ne peut pas être attribué à la pandémie. Nous, Les Républicains, avons partagé l’impératif du « quoi qu’il en coûte » et avons toujours défendu les mesures de soutien à l’activité économique pendant la crise, comme les dépenses de relance par l’investissement. Nous regrettons toutefois que le Gouvernement laisse autant déraper les dépenses de fonctionnement, sans lien avec la crise. La Cour des comptes est d’ailleurs très critique au sujet des dépenses hors covid : à ses yeux, la hausse inédite des dépenses publiques ne s’explique pas uniquement par la crise sanitaire ; les dépenses ordinaires ont même augmenté de 6,7 milliards d’euros en 2020. Cela confirme le peu de maîtrise des dépenses publiques de la part du Gouvernement actuel.

Un exemple : Bercy a annoncé la création de plus de 5 000 postes de fonctionnaires de l’État pour 2020, alors que le Président de la République avait promis, pendant sa campagne, de réduire de 50 000 le nombre de ces postes au cours du quinquennat. C’est incompréhensible.

Dans le même temps, la Cour des comptes estime que l’exécutif a gonflé exagérément les montants des aides économiques allouées lors de la crise, afin de rassurer les Français et de mettre en avant son propre volontarisme politique. En effet, la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, dotée de 69,7 milliards d’euros de crédits, n’en a consommé que 41,8, ce qui représente une sous-exécution de près de 29 milliards.

Contrairement à l’Allemagne, la France a été incapable, ces dernières années, d’engager des réformes structurelles et d’entreprendre des efforts pour équilibrer ses comptes publics ou tenter de se désendetter. En 2019, vingt-trois des vingt-huit pays de l’Union européenne se sont désendettés, tandis que la France faisait partie des cinq dont la dette continuait d’augmenter. C’est cela, la réalité ! Et, inévitablement, ce sont les générations à venir qui vont payer. Le groupe Les Républicains ne peut cautionner une telle gestion des finances publiques au cours des trois premières années du quinquennat, d’autant moins qu’entre 2017 et 2019, la conjoncture aurait permis de désendetter notre pays.

Enfin, nous sommes catégoriquement opposés à toute perspective de hausse d’impôts, notre taux de prélèvements obligatoires battant déjà un record parmi les pays européens en 2020. Or, s’il affirme ne pas modifier la pression fiscale, le Gouvernement augmente néanmoins de manière mécanique les impôts des Français en prolongeant la durée de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au moins jusqu’en 2033, au lieu de 2024 comme initialement prévu.

M. Christophe Jerretie. Mon analyse sera évidemment un peu différente, même si tout n’est pas à jeter dans ce qui vient d’être dit : on a raison de réclamer des efforts – mais c’est par tous qu’ils auraient dû être faits, depuis au moins une vingtaine d’années !

Concernant la loi de règlement, plusieurs aspects sont exceptionnels. D’abord, la période : nous en avons subi les conséquences et nous ne sommes pas responsables de l’ensemble des mesures dont nous avons eu besoin pour remédier aux difficultés de nos concitoyens, notamment en matière économique. Le rebond que nous connaissons prouve qu’il était nécessaire d’injecter de l’argent public dans l’économie, peut-être même au-delà de ce que nous devions faire : les effets économiques et sociaux sont là en 2021.

Les chiffres sont eux aussi exceptionnels. Le déficit est conséquent, comme cela vient d’être dit ; nous devrons l’assumer ensemble et trouver les solutions permettant d’aborder les prochaines années, en comblant les besoins de financement, mais aussi, peut-être, en procédant aux réformes nécessaires qui n’ont pas été faites pendant vingt ans – nous en sommes probablement responsables, mais tout le monde l’est.

Enfin, l’action publique nécessite des efforts. En commission comme dans l’hémicycle, quand on touche à une politique publique, tous s’y opposent ; il va pourtant falloir s’asseoir autour de la table pour réformer les politiques publiques à long terme, et non à court terme comme nous avons l’habitude de le faire.

Évidemment, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera pour le projet de loi de règlement et approuve toutes les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise.

M. Alexandre Holroyd. Il est certain que 2020 restera dans les annales, tant l’exécution du budget a été affectée par la crise sanitaire et par la crise économique sans commune mesure qui en découle. Le quasi-doublement du déficit du budget de l’État reflète une mobilisation totale et sans précédent pour protéger les Français et soutenir les ménages et les entreprises – c’est le message principal du présent texte de loi. Près de 42 milliards d’euros ont été mobilisés dans le cadre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire pour le Fonds de solidarité, l’activité partielle, la compensation des allégements de cotisations de sécurité sociale ; ces mesures exceptionnelles ont contribué à la résilience de l’économie. Lorsque nous avons voté le quatrième projet de loi de finances rectificative, les projections concernant le PIB étaient beaucoup plus négatives que ce qui apparaît dans la loi de règlement ; de ce point de vue, celle-ci est une bonne nouvelle. De plus, la relance se passe plutôt mieux en France que chez certains de nos voisins européens, notamment celui qui a été cité…

Le texte témoigne de la rapidité, de l’efficacité et du caractère massif du plan de relance. Ce sont 10 milliards en autorisations d’engagement et environ 9 en crédits de paiement, soit 10 % du montant de ce plan, qui ont été consommés dès 2020. Notre engagement à déployer rapidement les crédits de la mission Plan de relance est donc respecté. Et les mesures touchent tous les territoires. Par exemple, selon les derniers chiffres, actualisés en avril, en Île-de-France, ce sont 4 669 TPE et PME qui ont bénéficié de l’aide à la numérisation, 84 000 contrats d’apprentissage qui ont été signés et ouvrent droit à l’aide exceptionnelle, environ 54 000 primes qui ont été versées pour l’embauche d’un jeune, 42 000 bonus écologiques et primes à la conversion qui ont été octroyés. Voilà le signe d’un Gouvernement pleinement mobilisé pour protéger nos concitoyens face à la crise économique produite par une crise sanitaire inédite. Nous devrions tous nous en réjouir.

Le groupe La République en marche votera pour le projet de loi de règlement.

M. Charles de Courson. On connaît la phrase d’Alphonse Allais : « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites. » Ce projet de loi de règlement montre précisément que vous avez aboli toutes les limites, au point que l’on se demande à quoi peut bien servir un ministre chargé des comptes publics.

Je ferai trois remarques. La première concerne la politique d’open bar budgétaire. Je ne la critique pas : nous avons voté plusieurs des collectifs de l’année dernière. Le problème, c’est que l’on a renoncé à toute politique d’économie, alors que les deux étaient parfaitement conciliables. Le rapport de la Cour des comptes le souligne, d’ailleurs : il n’y a plus aucun effort d’économie. C’est fini : open bar !

Mais l’open bar n’a qu’un temps. Il durera, bien entendu, jusqu’à la présidentielle : j’attends avec impatience le projet de loi de finances pour 2022, qui continuera évidemment cette politique. Pour la suite, je souhaite bien du plaisir au ministre des finances qui sera désigné après les élections présidentielle et législatives, et si je suis encore parmi vous à ce moment-là, je lui présenterai dès sa nomination mes condoléances.

Ma deuxième observation porte sur un sujet qui n’intéresse personne tant il est important : le bilan de l’État. On ne le commente jamais. Un Premier ministre avait déclaré, peut-être imprudemment, qu’il était à la tête d’un État en faillite. Dans une entreprise privée, qu’est-ce qu’une faillite ? C’est le fait que l’actif net soit négatif. Or voici les chiffres : la situation nette de l’État est négative de 1 536 milliards d’euros. Les actifs de l’État représentent 1 168 milliards ; son passif, 2 705 milliards. Et encore, je suis gentil : je ne tiens pas compte des engagements hors bilan, notamment en matière de retraites – 2 000 milliards supplémentaires d’après l’ordre de grandeur inscrit dans la loi de règlement. Nous sommes donc en faillite.

Or les déficits accumulés, bien avant 2020, sont massivement des déficits de fonctionnement. Je me tue à dire, année après année, que, dans le budget de l’État, il n’y a plus que 5 % d’investissement. Il y a encore quelques élus locaux parmi nous : que serait le budget de notre commune, de notre département, de notre région si nous n’investissions plus que 5 % de son montant ? C’est simple : cela voudrait dire que tout fout le camp !

Troisième observation, assez inquiétante : les 30 milliards de report de 2020 sur 2021. On n’a jamais vu ça ! La LOLF dispose que de tels reports doivent être limités au niveau des programmes et plafonnés à 3 %. Ici, on est bien au-delà – le Gouvernement peut lever ce plafond de 3 %. Ne nous y trompons pas : pourquoi le Gouvernement a-t-il fait cela ? Pour donner l’illusion, dans la loi de finances pour 2021, d’un déficit inférieur à ce qu’il allait être. J’attends donc également avec impatience la loi de règlement 2021, en espérant que nous en discuterons avant les élections présidentielle et législatives…

Voilà les trois raisons pour lesquelles le groupe Libertés et territoires votera contre le projet de loi de règlement.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je commencerai par un propos plus politique sur l’année écoulée, une année inédite par l’ampleur du choc économique auquel notre pays a fait face, subissant une récession de 8,2 %. En réaction à cette crise, le Gouvernement a recouru à différents dispositifs de soutien, essentiellement tournés vers les entreprises, en permettant à celles-ci de mettre une partie de leurs salariés en chômage partiel et de disposer d’une indemnisation grâce au Fonds de solidarité. Nous l’avions dit au début – nous n’étions d’ailleurs pas les seuls : le soutien apporté par ce dernier était insuffisant dans sa version initiale. Il a évolué dans le bon sens.

Mais, pour nous, ces mesures n’ont pas assez protégé les ménages et des pans entiers de la population ont été oubliés – intermittents, étudiants, intérimaires, auto‑entrepreneurs… Bien que les Français aient beaucoup épargné en 2020, n’oublions pas que les 20 % les plus modestes d’entre eux se sont endettés, que le nombre de pauvres a augmenté de près d’un million de personnes. De ce point de vue, vous avez échoué et votre tropisme en faveur des entreprises a été confirmé par la crise sanitaire.

Je ne reviens pas sur les aspects techniques relatifs à la sous-consommation, à propos desquels quelques réponses ont été apportées.

Enfin, malgré nos demandes réitérées, les mesures de relance et de soutien n’ont pas fait appel aux plus aisés, aux grandes fortunes, aux très grosses entreprises, qui ont continué de distribuer des dividendes. Pour nous, plus encore qu’une erreur, c’est véritablement une faute, d’autant que plane maintenant le spectre de la baisse des dépenses publiques. Car il faut bien financer tout cela ; et c’est à celles et ceux qui ont le moins – toujours aux mêmes – que l’addition sera finalement présentée.

Compte tenu de cette situation, vous comprendrez que nous ne votions pas le projet de loi de règlement.

M. Jean-Louis Bricout. L’exécution du budget 2020 a laissé des traces profondes dans les finances publiques. J’attendrai le débat dans l’hémicycle pour aborder les désaccords politiques concernant les orientations budgétaires, le plan de relance ou l’équilibre entre les politiques de l’offre et de la demande. Je veux en revanche vous poser des questions techniques pour tenter d’y voir plus clair dans l’exécution budgétaire.

Quel est le montant de l’augmentation mécanique des dépenses publiques, hors mesures d’économie et dépenses imprévues, consécutive aux projets de loi de finances rectificative ? Quel est le montant des économies imposées par la crise – achats reportés, chantiers mis en pause, dispositifs annulés ?

Parallèlement, quel est le montant de la diminution mécanique des recettes, hors mesures adoptées en PLFR ? Ce serait une façon de mesurer l’impact du covid-19. Pourriez-vous chiffrer les recettes dont vous avez choisi de vous priver à l’occasion des PLFR ? Je pense par exemple au report et à l’annulation de cotisations destinés à donner de l’air aux entreprises.

Combien la crise a-t-elle coûté aux finances publiques en 2020 ? Vous avez reporté environ 30 milliards de crédits de 2020 à 2021, préférant prévoir trop en 2020 plutôt que trop peu – cela peut s’entendre. J’aimerais tout de même savoir quels dispositifs ont été créés afin d’évaluer si les publics cibles des aides ont effectivement pu y avoir accès et, si ce n’est pas le cas, pour quelles raisons – je pense notamment aux étudiants. Je ne reviendrai pas sur les mesures d’annulation de crédits, qui ont été abordées pendant l’examen des amendements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je serai bref car beaucoup de ces questions ont déjà été débattues, soit lors de l’audition des ministres sur ce projet de loi, soit pendant l’examen du décret d’avance, qui a permis de donner des explications sur le report des crédits de l’année 2020.

S’agissant des dépenses de fonctionnement, il faut entrer dans le détail : financer des recrutements et du matériel pour les policiers et les gendarmes, ou pour une justice de proximité plus efficace, cela relève de la dépense de fonctionnement. On ne peut pas considérer que nos enseignants ne sont pas assez rémunérés et leur consacrer un effort budgétaire de 400 millions d’euros, inédit et nécessaire, pour ensuite laisser dénoncer un dérapage des dépenses de fonctionnement : il faut être cohérent. Les dépenses de fonctionnement n’augmentent que pour les politiques publiques que nous estimons prioritaires, à savoir la sécurité, l’éducation, la justice, la transition écologique, etc. Nous aurons l’occasion de tenir à nouveau ce discours de cohérence lors de l’examen des prochains projets de loi de finances.

Concernant la sous-exécution de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, je rappelle que c’est le Parlement qui a voté l’autorisation du report des crédits non consommés. L’ouverture de crédits initiale était très large et, pour éviter une sous-exécution en 2020, nous avons adopté un amendement du Gouvernement à l’article 102 du projet de loi de finances pour 2021 autorisant le report de ces crédits sur l’exercice suivant. Cela a ensuite permis au Gouvernement de présenter un projet de décret d’avance dûment. Tout cela a naturellement été fait sous le contrôle du Parlement.

La dette publique de notre pays a considérablement augmenté, à la fois en pourcentage de PIB et en valeur – elle avait déjà très fortement augmenté, de quarante points, lors de la crise précédente, en 2008. C’est une des conséquences de la gestion de la crise. Le financement massif pour sauver notre économie et les salariés, et pour aider les plus fragiles d’entre nous, coûte beaucoup d’argent et impose de recourir à l’endettement public. Il est nécessaire de définir les trajectoires de stabilisation puis de réduction de la dette, mais celle-ci est indispensable pour faire face à la situation. Je partage en outre l’idée qu’il ne faut surtout pas augmenter les impôts en réponse à la crise.

Par ailleurs, l’actif net de l’État est négatif par construction : un État n’est pas une entreprise ! L’État ne peut pas inscrire à l’actif certaines immobilisations en regard de ses dépenses, comme le ferait une entreprise, car il a des services publics à gérer et des fonctionnaires à payer. La situation n’est pas tout à fait comparable. C’est d’ailleurs pour cela qu’on nous prête alors que la situation financière nette de l’État est négative.

Financer des entreprises, c’est d’abord sauver des emplois, monsieur Dufrègne, et je suis sûr qu’au fond, vous êtes d’accord avec cela. Nous devons faire attention à ne pas répandre l’idée qu’au nom du « quoi qu’il en coûte », tous les crédits votés en 2020 auraient été alloués à « l’entreprise », comme si celle-ci était un objet flottant, sans vie à l’intérieur. L’activité partielle ne consiste pas à sauver des entreprises, mais avant tout à permettre à notre économie de maintenir les niveaux de salaire alors que les activités économiques sont à l’arrêt. On évoque souvent la « politique de l’offre » ou la « politique de l’entreprise » : s’il est important de maintenir en vie notre économie, ce sont d’abord les emplois qui ont été sauvés pendant la crise grâce au maintien de la trésorerie des structures qui les accueillent, c’est-à-dire, pour beaucoup d’entre elles, des entreprises. Je veux vraiment que l’on prenne garde à ce discours : l’on n’oppose pas le sauvetage des entreprises à la vie des gens ; sauver les entreprises, c’est d’abord préserver les emplois, donc éviter aux ménages de sombrer dans la précarité.

Enfin, en 2020, nous avons accordé à deux reprises des aides exceptionnelles aux publics les plus fragiles, notamment par le versement d’une aide de 150 euros plus 100 euros par enfant. La collectivité a consacré beaucoup d’argent au soutien des plus précaires, au maintien de notre économie, de la trésorerie des entreprises et donc des emplois en 2020 : nous pouvons nous en satisfaire collectivement. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans les prochaines semaines, lors de l’examen du prochain PLFR, et de poursuivre en 2021 le soutien à notre pays.

M. Julien Aubert. Il ne faut pas confondre l’opportunité de la dépense avec les règles budgétaires qui la conditionnent. Nous pourrions discuter de la manière dont vous avez dépensé l’argent, mais c’est un autre sujet. Ce qui me frappe dans vos réponses, c’est que vous n’avez à aucun moment explicité la raison pour laquelle l’essentiel des sommes finance le déficit de fonctionnement plutôt que l’investissement, ni fixé un point d’atterrissage. Après un an de « quoi qu’il en coûte », quelle trajectoire souhaitez-vous adopter ?

Vous faites un peu comme si vous n’étiez pas certains d’être réélus en 2022 : la situation financière de la France risque alors d’être catastrophique et on dirait que vous ne vous en préoccupez pas, considérant que ce sera à d’autres de la gérer. Nous avions déposé avec quelques collègues une proposition de résolution invitant le Gouvernement à présenter un plan quinquennal de désendettement public ; nous devrions en débattre aujourd’hui. Je comprends vos arguments sur l’actif – je ne vous demanderai pas comment vous valorisez des actifs tels que La Joconde ou l’Obélisque de la place de la Concorde –, mais vous n’avez pas été très disert sur la trajectoire de la dette ni sur le point d’atterrissage de votre politique.

M. le président Éric Woerth. Un projet de loi de règlement raconte une histoire, qui obéit en général à une norme. Celui-là ne se situe pas dans la norme : il témoigne d’une crise, et il en ira vraisemblablement de même en 2021.

Je partage l’avis de Julien Aubert sur la trajectoire des dépenses publiques. Le programme de stabilité a été envoyé à la Commission européenne, mais le Gouvernement n’a pas annoncé de programmation des finances publiques. On peut le comprendre car elle serait probablement fausse le jour où elle serait publiée, mais l’annonce, à un moment donné, d’une volonté de maîtriser la dépense publique me semble indispensable.

Le déficit public de l’État a été majoré de 84 milliards d’euros, ce qui est considérable. Il est vrai que c’est la conséquence d’un manque de réformes ces vingt dernières années, même s’il n’y a jamais eu d’absence de réformes – il y a eu beaucoup de réformes, mais jamais celle que l’on attendait. C’est le propre de notre pays.

La vraie question est de savoir comment rebondir, comment écrire l’histoire de demain, grâce au projet de loi de finances rectificative qui nous sera présenté bientôt. Cela met en jeu notre capacité à créer une phase de transition entre l’urgence et la relance, qui ne dure pas au-delà de la crise et permette d’obtenir des contreparties aux éventuelles dépenses de fonctionnement supplémentaires. L’open bar de Charles de Courson est le seul qui soit resté ouvert ! Il faudra bien non pas le fermer, mais montrer qu’on a utilisé la relance pour améliorer nos capacités de production et rattraper le temps perdu. Tout cela reste à écrire, et notre commission aura vocation à y participer dans les mois qui viennent, même si ces mois seront de plus en plus politiques, et donc de plus en plus difficiles à décrypter.

La Cour des comptes a chiffré les dépenses supplémentaires hors covid-19 en 2020 à environ 6 à 7 milliards d’euros – nous les avions évaluées à peu près au même niveau. Cette somme, loin d’être négligeable, va bien au-delà de la moyenne des cinq ou six dernières années. Méfions-nous de l’impression de facilité engendrée par cette crise.

 


([1]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([2]) En 2020, aux termes de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, les trois établissements publics industriels et commerciaux composant le groupe SNCF ont été transformés en cinq sociétés anonymes : SNCF SA (société mère), SNCF Réseau, SNCF Gares et connexions, Rail Logistics Europe et SNCF Voyageurs. L’État détient l’intégralité de SNCF SA, dont le capital est incessible. Cette société détient toutes les sociétés directement ou indirectement, les titres de SNCF Réseau et SNCF Voyageurs étant également incessibles.

([3]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([4]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien).

([5])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2021-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2021 à 2027.

([6])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 du 21 septembre 2020 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.

([7])  Secrétariat permanent du Haut Conseil des finances publiques, Le coût net des mesures économiques et sociales exceptionnelles en 2020, note d’étude n° 2021-01.

([8])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-1 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020.

([9]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 du 21 septembre 2020 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.

([10]) Pour la dernière loi de finances, voir Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2021, annexe 37 : Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 3399, 8 octobre 2020.

([11]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2020, avril 2021.

([12]) Le montant des contributions versées par les agents au compte d’affectation spéciale Pensions n’a pas été inclus dans ce montant dans la mesure où il s’agit de cotisations en vue d’acquérir des droits à la retraite et non d’impôts.

([13]) L’ensemble des analyses présentées considèrent les crédits de paiement.

([14]) En incluant les fonds de concours et les attributions de produit.

([15]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019, pp. 117 et suivantes.

([16]) Données issues du projet de loi de règlement pour 2020 (p. 49). Les fonds de concours et attributions de produit rattachés aux dépenses de personnels sont relativement faibles. Les dépenses brutes de titre II du budget général de l’État y compris rattachements de fonds de concours et attributions de produits atteignent 133 milliards d’euros en 2020, dont 89,6 milliards d’euros pour les dépenses de rémunération et 43,4 milliards d’euros pour les contributions de l’Etat-employeur au compte d’affectation spéciale Pensions.

([17]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([18]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008

([19]) Article 102 de la loi de finances initiale pour 2020.

([20])  M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019

([21])  Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, p. 147

([22]) Article 93 de la loi de finances pour 2020.

([23])  M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019, pp. 56 et suiv.

([24]) La prévision est restée identique à l’occasion des différentes loi de finances rectificatives

([25]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2021, p. 88.

([26]) Décret n° 2020-1112 du 3 septembre 2020 portant annulation de crédits.

([27])  Décret n° 2020-1605 du 15 décembre 2020 portant annulation de crédits.

([28]) Décret n° 2021-164 du 15 février 2021 portant annulation de crédits.

([29]) Il est à noter que le Parlement ignore au moment du vote de cet article le montant des crédits que le Gouvernement entend reporter sur l’exercice suivant.

([30]) Cour des comptes, Rapport sur le budget de l’État 2020, p144.

([31]) 6,6 milliards d’euros de crédits votés en 2020 sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire en provenance des programmes 356 finançant l’activité partielle et 360 assurant la compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements sociaux ont été réorientés vers le financement en 2021 du programme 357 logeant les crédits du Fonds de solidarité.

([32])  M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019, pp. 56.

([33]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019 (résultats et gestion), avril 2020.

([34]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, mai 2018, p. 187.

([35]) Projet de loi de finances pour 2020, p. 23 (lien). 

([36]) Cette réduction du taux concerne les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 157 Handicap et dépendance et 304 Inclusion sociale et protection des personnes.

([37])  Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire 2020 relative à la mission Travail et emploi,

([38]) La valeur actualisée de l’encours correspond à la valeur nominale pour les titres à taux fixe et à la valeur nominale multipliée par le coefficient d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.

([39]) La dette négociable de l’État désigne la dette contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés financiers (obligations et bons du Trésor). Il existe une dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics…) sur le compte du Trésor et qui constitue aussi un moyen de financement de l’État.

([40]) Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont des valeurs assimilables du Trésor à moyen et long terme, de maturité de deux à cinquante ans. Les bons du Trésor à taux fixe (BTF) sont des titres assimilables du Trésor à court terme, de maturité initiale inférieure ou égale à un an (généralement 13, 26 et 52 semaines).

([41]) Pour rappel, la dette française est rachetée par la Banque de France dans le cadre des programmes de rachats d’actifs de la Banque centrale européenne. En effet, dans le cadre de l’Eurosystème, les banques centrales nationales sont chargées de mettre en œuvre, de façon décentralisée, la politique monétaire unique définie par le Conseil des gouverneurs de la BCE, notamment les programmes de rachats d’actifs.

([42])  Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([43])En effet, dans le cadre des mesures exceptionnelles à l’économie en 2020, les entreprises ont été autorisées à reporter de 3 mois le paiement de leur échéance de solde de CFE au titre de l’exercice 2020, la date limite de paiement étant normalement fixée au 15 décembre de l’année.

([44])  L’effet a lieu pour la première fois en 2020 en raison du décalage existant entre l’année d’ouverture des droits pour les entreprises (année de versement des rémunérations) et l’année au cours de laquelle les créances de CICE constituent une obligation pour l’État (année de liquidation du solde de l’impôt sur les sociétés).

([45]) Il s’agit des engagements de compensations versées aux producteurs d’énergie renouvelable dans le cadre du dispositif de garantie des rémunérations (cf. le rapport annuel de performances du compte d’affectation spéciale Transition énergétique), calculés en fonction de l’évolution du prix de l’énergie, principalement celui de l’électricité.

([46])  Il s’agit des engagements de versement de ces trois prestations sociales, calculées sur la base d’une durée de versement statistique.

([47]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([48]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([49]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([50])  HCFP, avis n° HCFP-2020-1 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020.

([51]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([52]) Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article, cette convention tient au fait que le compte d’opérations monétaires Opérations avec le FMI retrace « pour mémoire » le montant de la créance de la France sur le FMI (correspondant à sa quote-part dans le capital de l’institution). Les crédits de ce compte sont adoptés sans découvert autorisé en LFI puis, en loi de règlement, une autorisation de découvert est adoptée, à hauteur du montant de la créance (20,15 milliards début 2020, diminué du solde créditeur des opérations 2020 de 1,5 milliard d’euros). Au total, le découvert complémentaire demandé dans la loi de règlement correspond à la balance de sortie de compte, débitrice à hauteur de 18,65 milliards d’euros. L’importance du montant justifie que le solde de ce compte soit exclu des résultats budgétaires de l’année, afin d’éviter tout biais comptable.

([53])  Cour des comptes, Acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2020, avril 2021.

([54]) Cette annexe est prévue par le 2° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001).