Logo2003modif

N° 4307

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la protection des enfants,

 

 

 

Par Mmes Bénédicte PÉTELLE et Michèle PEYRON,

 

Députées.

 

——

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4264.

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

AVANT-propos

Commentaire dES articles

TITRE IER AMÉLIORER LE QUOTIDIEN DES ENFANTS PROTÉGÉS

Article 1er Recherche préalable d’un membre de la famille ou d’un tiers de confiance avant tout « placement »

Article 2 Simplification des conditions de délégation des attributs de l’autorité parentale au gardien de l’enfant

Article 3 Encadrement des établissements et structures pouvant accueillir les mineurs de la protection de l’enfance

Article 3 bis (nouveau) Recours à un infirmier en pratique avancée pour la coordination des équipes de l’aide sociale à l’enfance

Article 3 ter (nouveau) Information sur les droits lors de l’entretien réalisé à un an de la majorité

Article 3 quater (nouveau) Désignation d’une personne de confiance

TITRE II MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES VIOLENCES

Article 4 Contrôle renforcé des personnels exerçant dans le secteur social et médicosocial

Article 5 Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social

Article 6 Référentiel national pour le traitement des situations de dangers

TITRE III AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Article 7 Recours à la collégialité en matière d’assistance éducative

Article 8 Renforcement de l’information du juge

TITRE IV AMÉLIORER L’EXERCICE DU MÉTIER D’ASSISTANT FAMILIAL

Articles 9, 10 et 11 Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

TITRE V MIEUX PILOTER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DE L’ENFANCE

Article 12 Gouvernance de la protection maternelle et infantile

Article 12 bis (nouveau) Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile

Article 12 ter (nouveau) Rapport relatif à mise en œuvre de négociations conventionnelles en vue du remboursement des actes des infirmières puéricultrices

Article 13 Substituer aux principales structures nationales spécialisées dans la protection de l’enfance un groupement d’intérêt public national compétent pour l’ensemble du secteur, cofinancé à parité par l’État et les départements

TITRE VI MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

Article 14 Modifier la clé de répartition entre départements des mineurs non accompagnés

Article 14 bis (nouveau) Interdiction de réexamen de la situation d’un mineur non accompagné

Article 15 Recours obligatoire au traitement automatisé d’appui à l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant non accompagnées

TITRE VII DISPOSITIONS OUTREMER

Article 16 Habilitation relative à l’application outre-mer

examen en commission

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 15 heures

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 21 heures

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurES

Annexe  2 : TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI


—  1  —

   AVANT-propos

● 306 800 mineurs et 21 400 jeunes majeurs au 31 décembre 2018. Telle est l’ampleur prise aujourd’hui par le champ de la protection de l’enfance. Naturellement, derrière ces chiffres, qui représentent 2 % des enfants de notre pays, se dissimulent autant d’histoires individuelles, dont parfois des tragédies médiatisées qui nous rappellent les effets directs qui peuvent découler d’une défaillance.

Ce Gouvernement et cette majorité se sont résolument engagés dans le sens d’une meilleure protection des enfants. Outre la lutte contre les violences familiales ou l’inceste, qui ont fait l’objet de lois propres, la protection de l’enfance est au cœur de l’action gouvernementale, à travers la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, visant à garantir à chaque enfant les mêmes chances et les mêmes droits.

Ce projet de loi s’inscrit en outre dans la stratégie globale qu’a proposée au Gouvernement la commission « des 1000 jours », présidée par Boris Cyrulnik. Cette commission avait notamment préconisé une attention renouvelée aux problématiques de la prévention en matière de santé périnatale, maternelle et infantile.

En amont de ce texte, le Gouvernement a également mené de larges consultations, relatives à l’amélioration des conditions de vie et de travail des assistantes familiales, mais aussi commandé aux corps d’inspection des rapports sur l’accueil de mineurs protégés dans des structures non autorisées ou habilitées au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou sur la gouvernance de la protection de l’enfance.

Parallèlement, notre Assemblée s’est emparée des sujets à la fois de la protection de l’enfance comme de la protection maternelle et infantile (PMI).

S’agissant du premier, notre collègue Perrine Goulet a rapporté une mission d’information présidée par Alain Ramadier sur l’aide sociale à l’enfance dans son ensemble. Le rapport qui en est issu, publié le 3 juillet 2019, a fait le constat d’un certain nombre de failles dans le fonctionnement de ces services et émis des propositions telles que le regroupement de la gouvernance, l’établissement d’un référentiel unique d’évaluation des informations préoccupantes ou la revalorisation de la rémunération minimale des assistants familiaux, qui ont largement irrigué le présent texte.

En ce qui concerne le second sujet, la rapporteure Michèle Peyron a remis au Gouvernement un rapport au mois de juin 2019, « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », destiné à empêcher l’extinction progressive des services départementaux de PMI. Là encore, les propositions de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats comme de recentrer les actions de PMI autour d’une logique de prévention sanitaire harmonisée à l’échelle nationale ont été reprises dans le projet de loi qui nous est soumis.

La Cour des comptes, enfin, a rendu en novembre 2020 un rapport tirant un bilan de la politique de protection de l’enfance pour constater que celle-ci, si elle devait demeurer une compétence décentralisée, gagnerait à bénéficier d’une gouvernance rénovée et de référentiels susceptibles d’orienter au mieux les professionnels.

Les dispositions qui structurent ce texte sont donc issues d’un constat largement partagé, mais aussi de la volonté sans faille qui anime le Gouvernement comme les membres de la majorité parlementaire pour améliorer la situation des enfants accueillis et protégés.

Dans cette perspective, le texte vise à la fois à améliorer le quotidien des enfants, à lutter contre les violences qui peuvent leur être infligées au sein des établissements mais aussi à encadrer strictement le recours à des structures non autorisées pour loger temporairement des mineurs.

La gouvernance de la PMI comme de la protection de l’enfance fait l’objet de mesures visant à garantir une plus grande uniformité sur le territoire, tandis que les assistants familiaux bénéficient d’une amélioration réelle de leur statut, par le biais d’une revalorisation salariale, d’une possibilité supplémentaire d’accueillir des enfants au‑delà de l’âge de la retraite ou de bénéficier d’un maintien de cette rémunération en cas de suspension de leurs fonctions.

Enfin, le texte vise à mieux protéger les mineurs non accompagnés et à harmoniser leur accueil dans tous les départements.

Plus précisément, l’article 1er crée une évaluation systématique de la possibilité de confier l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers de confiance avant que le juge n’envisage un placement. Il a été enrichi en commission par l’adoption d’un amendement qui garantit le recueil de la parole de l’enfant dans le cadre de l’évaluation. Cet article ainsi complété vise à rappeler une évidence : un enfant se sentira toujours plus en sécurité et rassuré dans un environnement qui lui est familier.

L’article 2, quant à lui, permet d’autoriser de manière plus claire des délégations ponctuelles de l’autorité parentale au gardien de l’enfant, lorsque ses parents sont dans une démarche d’obstruction ou tout simplement absents, afin de donner aux enfants de l’ASE la possibilité de mener une vie quotidienne semblable à celle des autres enfants.

L’article 3 vise à interdire le recours pérenne à des structures d’hébergement non autorisées pour accueillir des mineurs protégés. Il aménage une dérogation strictement encadrée à ces conditions. Deux amendements ont précisé les contours de cette dérogation avec une limite temporelle tenant à une période maximale de deux mois et un critère « qualitatif » quant à la prise en charge, en prévoyant que le pouvoir réglementaire fixera un niveau minimal d’encadrement et de suivi des mineurs dans les hôtels et autres structures ainsi que de formation requise pour les encadrants. L’interdiction de principe d’une solution inacceptable à long terme, sera donc beaucoup plus clairement affirmée.

La commission a adopté trois articles additionnels après l’article 3, dont deux renforcent l’accès à l’autonomie des jeunes de l’ASE : le premier renforce leur droit à l’information dans le cadre de l’entretien qui doit être réalisé à un an de la majorité, et l’autre prévoit la possibilité de désigner une personne de confiance majeure, non professionnelle, susceptible de les aider dans leurs démarches.

L’article 4 a pour but de mieux contrôler les professionnels du secteur social et médico-social et singulièrement dans le domaine de la protection de l’enfance. Outre la possibilité ouverte par le texte de contrôler les antécédents judiciaires à tout moment, la rapporteure Bénédicte Pételle estime qu’il s’agira de mettre en place des moyens humains et techniques permettant de faciliter et de systématiser la consultation du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (« FIJAIS »).

Dans une perspective similaire, l’article 5 devra permettre de mieux structurer les politiques de prévention de la maltraitance dans les établissements et services sociaux et médico‑sociaux, à la fois à l’échelon « ultralocal », avec un nouveau volet dédié dans le projet d’établissement ou de service, et à l’échelon départemental. Ces politiques de prévention été renforcées en commission grâce à un amendement créant un référent pour la lutte contre la maltraitance, externe à la structure.

Afin d’harmoniser les pratiques d’évaluation des informations préoccupantes dans l’ensemble du territoire, l’article 6 met en place un référentiel national, fixé par le Gouvernement sous l’égide de la Haute Autorité de santé.

Ce texte s’attache par ailleurs à améliorer les modalités d’organisation de l’autorité judiciaire en charge du suivi et de l’intérêt supérieur des enfants accueillis.

Pour ce faire, l’article 7, en premier lieu, ménage la possibilité pour le juge des enfants, à l’instar de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales, de recourir à une formation collégiale si l’affaire qui lui est soumise est particulièrement complexe. En second lieu, l’article 8 renforce les obligations d’information du juge au moment où le service envisage de modifier le lieu de placement du mineur.

Le titre IV, quant à lui, vise à moderniser le métier d’assistant familial. L’article 9 est à cet égard fondamental, dans la mesure où il apporte une sécurité à l’exercice du métier d’assistant familial en le rendant financièrement moins précaire, grâce à l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC mensuel pour l’accueil d’un seul enfant. Il rend également cette rémunération moins aléatoire, en fixant l’indemnité en cas de suspension de l’agrément au niveau de leur salaire, et en créant une nouvelle indemnité en cas d’accueil d’un nombre d’enfant inférieur à celui prévu par le contrat de travail.

L’article 10 permettra la mise en œuvre d’une base nationale de recensement des agréments des assistants familiaux permettant aux employeurs de s’assurer de la validité de l’agrément de la personne qu’ils emploient.

Enfin, l’article 11 ouvrira la possibilité aux assistants familiaux employés par les départements de travailler au‑delà de la limite d’âge à laquelle ils sont normalement soumis afin d’éviter les ruptures dans l’accompagnement des jeunes par leurs familles d’accueil. Cette dérogation sera conditionnée à l’intervention en amont du médecin de prévention, et sera limitée à trois ans et aux 21 ans du jeune accueilli.

L’article 12, dont la commission, à l’initiative de la rapporteure Michèle Peyron, a fait un titre distinct au sein du projet de loi, est consacré à la rénovation de la gouvernance des services départementaux de PMI. Désormais inscrits dans le cadre de la stratégie nationale de santé, des priorités pluriannuelles d’actions dans la matière orienteront désormais les missions de ces services. Outre les apports de nouvelles missions, notamment en matière de dépistage des troubles du neurodéveloppement, cet article permet aux services de basculer d’une logique de moyens à une logique de résultats.

La rapporteure Michèle Peyron a apporté, au cours des débats en commission, un certain nombre d’ajouts à cette section, par le biais des articles 12 bis et 12 ter. Le premier porte diverses mesures issues du rapport précité de la rapporteure. En particulier, il substitue à la dénomination de « centre de planification et d’éducation familiale » la notion de « centre de santé sexuelle et reproductive », moins infantilisante pour les personnes concernées. Il permet également aux sages‑femmes de pouvoir diriger de tels centres.

Enfin, outre l’inscription de l’action des services de PMI dans des équipes pluridisciplinaires, le même article 12 bis ouvre aux infirmières titulaires du diplôme d’État de puéricultrice la possibilité de prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement.

L’article 12 ter, quant à lui, demanda eu Gouvernement de remettre un rapport au Parlement six mois après la publication de la loi, afin d’éclairer la représentation nationale sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices dans les services départementaux de PMI parmi les actes pris en charge par l’assurance maladie.

Inscrit dans un nouveau titre V bis, l’article 13 modifie en profondeur la gouvernance de la protection de l’enfance, en inscrivant dans un seul groupement quatre instances actuellement autonomes, à savoir le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), le groupement d’intérêt public « Enfance en danger » (GIPED) et l’Agence française de l’adoption (AFA). Les complémentarités entre les actions menées par ces différents établissements permettront de mieux orienter le parcours des acteurs de la protection de l’enfance comme des représentants des enfants protégés.

Le titre VI, quant à lui, relatif aux mineurs non accompagnés (MNA), doit permettre de soutenir les départements dans leur démarches d’évaluation et de prise en charge de ces mineurs.

L’article 14 permettra ainsi, dans la répartition de ces mineurs sur le territoire, d’introduire de nouveaux critères comme les spécificités socio‑économiques des départements et la valorisation de ceux qui accompagnent les MNA au passage de la majorité.

Enfin, l’article 15 simplifiera les démarches de détermination de la minorité en généralisant l’utilisation du fichier d’appui à l’évaluation de minorité (AEM).

La commission a adopté, en outre, un article 14 bis visant à interdire les pratiques de réévaluation de la minorité par certains départements dans lesquels les enfants sont orientés après avoir été reconnus mineurs dans un autre département, dénoncées par de nombreuses associations.

L’article 16 habilite enfin le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à l’adaptation des dispositions aux collectivités et territoires d’outre‑mer pour lesquels une telle adaptation est nécessaire.

Embrassant tous les champs de la protection de l’enfance, ce projet de loi ne se suffit certes pas à lui‑même. Il doit être accompagné d’une amélioration sensible des pratiques, notamment dans leur homogénéité, puisqu’il est inacceptable qu’un enfant soit mieux suivi ou protégé selon l’endroit où il se trouve dans notre pays.

Il contribue néanmoins fortement à remédier aux failles identifiées par l’ensemble des parties prenantes depuis plusieurs années, afin de replacer la protection des enfants comme une politique d’intervention sociale majeure, par laquelle la société reconnaît elle-même sa capacité à protéger ses membres les plus fragiles.

 

 

 

 


—  1  —

   Commentaire dES articles

   TITRE IER
AMÉLIORER LE QUOTIDIEN DES ENFANTS PROTÉGÉS

Article 1er
Recherche préalable d’un membre de la famille ou d’un tiers de confiance avant tout « placement »

Adopté avec modifications

L’article 1er prévoit que le juge des enfants qui entend prendre une mesure de « placement » ([1]) doit systématiquement faire évaluer au préalable par les services compétents s’il n’existe pas dans l’entourage de l’enfant un membre de la famille ou un tiers de confiance qui pourrait l’accueillir.

I.   Le recours À la famille ou À des tiers de confiance n’est pas assez systématiquement recherché avant de procéder au « placement »

1.   L’accueil « institutionnel » des enfants est en principe une mesure subsidiaire

● En protection de l’enfance, la combinaison de l’autorité parentale, et plus particulièrement du droit de garde qui s’y attache, comme de l’intérêt supérieur de l’enfant imposent de toujours privilégier une solution proportionnée, qui n’éloigne l’enfant de son environnement familier que dans la mesure où cet éloignement est nécessaire ([2]).

Ainsi, depuis la loi du 4 juin 1970 ([3]), l’article 375-2 du code civil rappelle le principe selon lequel « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ». Par « milieu actuel », la jurisprudence a de longue date estimé qu’il fallait entendre « milieu familial naturel » ([4]), c’est‑à‑dire la famille « nucléaire » si possible, élargie à défaut.

● L’article 375-3, qui prévoit l’accueil de l’enfant en dehors de ce cadre, est donc une dérogation prévue dans une hypothèse bien précise dans laquelle la « protection de l’enfant » l’exige. À l’intérieur même de ce cadre, le législateur a énuméré et, dans une certaine mesure, hiérarchisé les hypothèses possibles, parmi lesquelles l’enfant peut être confié :

«  À l’autre parent ;

«  À un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

«  À un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;

«  À un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;

«  À un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé. » (article 375-3 dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007‑293 du 5 mars 2007 ([5])).

On voit ici, dans la loi, la préférence de la famille nucléaire (« l’autre parent ») sur la famille élargie (« autre membre de famille », auquel le législateur a assimilé le « tiers de confiance »), et celle de la famille élargie sur les services et établissements habilités. Cette recherche par « cercles concentriques » est opérée par le juge des enfants sur la base des éléments dont il dispose au moment de décider, soit que la question d’un changement des conditions d’accueil soit nouvelle, soit que se pose celle de sa prolongation (la mesure est en effet toujours provisoire et soumise à renouvellement et réexamen ([6])).

● En pratique, le juge qui ordonne l’accueil de l’enfant par une autre personne peut se fonder sur une instruction préalable par les « services compétents » qui dépendent eux-mêmes du point de départ de sa saisine :

– ce sont les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE), en cas de demande d’assistance éducative ; ceux-ci produisent en effet au moment de la mise en place d’une mesure de protection de l’enfance une « évaluation de la situation prenant en compte l’état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement » (quatrième alinéa de l’article L. 223‑1 du code de l’action sociale et des familles) ou « une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative » au moins une fois par an lorsque l’enfant est confié et tous les six mois s’il s’agit d’un enfant de moins de 2 ans (deuxième alinéa de l’article L. 223-5 du même code) ; les services sont alors saisis par une famille, cette évaluation étant naturellement présentée au juge si la question d’un accueil par une autre personne se pose ;

– la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou une association habilitée, s’il s’agit d’une mesure judiciaire d’investigation éducative souhaitée par le juge des enfants ; il s’agit alors par construction d’un travail de rassemblement des éléments qui peuvent « éclairer la décision du magistrat » soit dans le cadre de l’assistance éducative, soit dans un cadre pénal ; l’information porte notamment sur « la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, l’existence d’un danger pour la santé, la sécurité, la moralité de l’enfant, le caractère gravement compromis de ses conditions d’éducation et de son développement physique, affectif, intellectuel et social » (cas de l’assistance éducative « judiciaire » prévue à l’article 375 du code civil) ou sur « la situation matérielle et morale de la famille, la personnalité et les antécédents du mineur, sa fréquentation scolaire, ses aptitudes et son attitude à l’école, les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé, sa santé, son développement psychologique, les moyens appropriés à son éducation » (s’il y a déjà une instruction au pénal pour le mineur concerné, comme prévu aux articles 8 et 8-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 ([7])).

– les services habilités, l’ASE ou de la PJJ, en cas d’action éducative en milieu ouvert (AEMO).

2.   L’accueil « institutionnel » est parfois privilégié en pratique, au détriment de la recherche de la meilleure solution dans l’intérêt de l’enfant

Malgré cette hiérarchisation, la priorité donnée par le droit à ces proches sur les accueils institutionnels ou chez des assistants familiaux semble ne pas se vérifier totalement dans la pratique.

Dans une décision 2014-134 du 17 mars 2014 ([8]), le Défenseur des droits constatait déjà à l’époque que la pratique de confier à un tiers digne de confiance était « peu répandue » ([9]). L’étude approfondie conduite pour le Défenseur montrait ainsi que « les personnes susceptibles d’accueillir l’enfant, en qualité de tiers digne de confiance ou autre membre de la famille, sont rarement recherchées, et lorsqu’elles se manifestent spontanément, elles font souvent l’objet de suspicion, notamment en ce qui concerne leurs motivations ». Il en résultait assez logiquement la recommandation que « dans les évaluations, en amont de la décision de placement, soit systématiquement recherchée la présence, dans l’entourage de l’enfant, de ressources humaines susceptibles de l’accueillir et leurs capacités à en assumer la protection et l’éducation ».

La situation semble ne pas avoir drastiquement changé depuis : on note, d’après l’étude d’impact du Gouvernement, un faible recours à la famille élargie, comme aux « tiers de confiance » : en comparaison des 68 057 enfants confiés par décision du juge auprès des services de l’ASE, seuls 4 392 l’étaient à un tiers de confiance et 1 526 à un membre de la famille.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation : manque d’information des juges mais aussi des tiers susceptibles d’être sollicités, crainte de créer des « conflits de loyauté » lorsque le tiers de confiance ou le membre de famille se retrouvent mêlés à un conflit familial, manque d’investigations ou insuffisances de celles-ci, difficultés à identifier ces proches ou difficulté à garantir leur capacité à assurer l’accueil de l’enfant, crainte de ces proches de ne pas être suffisamment accompagnés, le tout parfois dans un contexte d’urgence à ordonner qu’il soit confié.

Il n’en reste pas moins que le principe d’un accueil par l’environnement le plus familier possible reste la meilleure garantie de l’intérêt de l’enfant.

Qu’est-ce qu’un « tiers de confiance » ?

L’alternative ouverte depuis longtemps dans le code civil entre être confié à un « membre de la famille » ou à un « tiers digne de confiance » de même que la mise sur le même plan par le législateur de ces deux catégories impliquent que des liens autres que ceux de la parenté peuvent habiliter une personne, ou un couple, à recueillir l’enfant. La définition précise de cette catégorie manque en droit mais il est possible d’en déterminer les grands traits.

Le lien affectif peut naturellement se superposer avec le lien de parenté : un membre de la famille peut être un tiers digne de confiance, mais la notion a alors peu de valeur ajoutée par rapport à celle de « membre de la famille ».

Aussi, pour donner du sens à cette distinction, les deux termes n’ont pas été interprétés par le juge de manière systématiquement équivalente et ils ne se recoupent pas toujours : ainsi, constituent parfois des « tiers dignes de confiance » des « satellites » de la sphère familiale sans lien de parenté ; il peut s’agir d’un concubin des parents ou des grands-parents, d’un beau-père ou d’un partenaire de pacte civil de solidarité. Il ne peut toutefois s’agir d’un inconnu de l’enfant.

Ces précisions ont été rendues d’autant plus importantes que le tiers digne de confiance est parfois indemnisé lorsqu’il recueille le mineur, car il est réputé participer à la mission départementale de prise en charge de celui-ci (article L. 228-3 du code de l’action sociale et des familles). Le tiers de confiance peut également recevoir par ailleurs les prestations familiales à la place des parents (article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, interprété par une circulaire 2002-032 de la Caisse nationale des allocations familiales).

Source : commission des affaires sociales.

II.   L’article 1er clarifie la règle applicable en imposant au juge de rechercher prioritairement si une solution intégrant la famille ou un tiers de confiance est possible

● L’article 1er crée un nouvel alinéa à l’article 375-3 du code civil, qui porte sur les mesures d’assistance éducative et plus précisément sur les personnes à qui le juge des enfants peut confier le mineur qui fait l’objet d’une telle mesure.

Ce nouvel alinéa prévoit que le juge ne peut confier l’enfant à un service ou un établissement avant que les services instructeurs (« service compétent », soit l’ASE, la PJJ ou des services agréés selon les cas, cfsupra) aient au préalable procédé à une évaluation complète de l’hypothèse d’un accueil par un membre de sa famille ou par un tiers digne de confiance.

Cette évaluation devrait comprendre « les conditions d’éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social » de l’enfant, formule qui reprend une partie de la définition de la protection de l’enfance telle qu’elle figure à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, entre autres ([10]), dans sa rédaction issue de la loi du 14 mars 2016 ([11]). Il s’agirait de s’appuyer sur les évaluations que doivent déjà conduire les services, tout en les incitant à conduire systématiquement et de manière approfondie une « appréhension de la situation familiale dans sa globalité » (formule utilisée par le Défenseur des droits dans la décision précitée), sans se limiter aux relations entre les parents et les enfants. La conduite effective et efficace de cette évaluation sera naturellement la condition de la réussite de cette mesure, qui doit éclairer la décision de juge et l’aider en particulier à identifier des proches susceptibles de recueillir le mineur dans de bonnes conditions. Le membre de famille ou le tiers de confiance pourra naturellement se signaler, comme c’est le cas aujourd’hui, par simple courrier.

Par pragmatisme, la rédaction réserve par ailleurs une situation d’« urgence » dans laquelle cette évaluation ne pourrait pas être conduite, et l’accueil décidé directement, dans l’intérêt de l’enfant. Il pourrait s’agir notamment de cas de violences physiques ou sexuelles, qui rendraient impossible d’attendre la réalisation d’une évaluation des conditions d’accueil par un membre de la famille ou un tiers de confiance. Cette rédaction répond à la préoccupation formulée notamment par le Défenseur des droits dans sa contribution transmise à la rapporteure Bénédicte Pételle, portant sur le risque de « maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents » ([12]). Dit autrement, la loi prévoit ainsi clairement que, si la recherche du meilleur environnement possible doit primer sur la précipitation ou tout « automatisme » vers l’accueil institutionnel, un éventuel danger pour l’enfant constituant incontestablement une « urgence » sur le plan juridique prime tout aussi clairement sur la réalisation de cette évaluation (l’accueil peut alors être provisoire en attendant d’identifier la meilleure solution).

Si le juge ne respecte pas cette obligation d’évaluation préalable, et en dehors de l’hypothèse d’urgence précitée, sa décision s’exposera à une annulation en appel, dans les conditions prévues par l’article 1190 du code de procédure civile. Il conserve néanmoins un pouvoir d’appréciation in concreto, et n’est en aucun cas contraint par la loi à ordonner cet accueil, même si l’évaluation conclut en ce sens, dès lors qu’il estime que l’accueil par un membre de famille ou tiers de confiance n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant.

● Aucune mesure spécifique d’entrée en vigueur n’étant prévue, cette nouvelle obligation entrerait en vigueur au plus tôt le lendemain de la publication de la loi, conformément à l’article 1er du code civil.

Par un jeu de « renvois » entre les textes, la mesure sera applicable à Saint‑Barthélemy, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et Saint‑Martin, comme l’essentiel des mesures du texte.

● La rapporteure Bénédicte Pételle souligne l’importance de clarifier ce principe, afin de mieux guider la décision du juge dans l’intérêt de l’enfant. L’accueil institutionnel est parfois incontournable, mais si des solutions faisant appel à un environnement plus proche de la situation commune et plus familier à l’enfant est possible, alors elle doit clairement et sans ambiguïté être privilégiée. C’est cette clarté qu’apportent les dispositions de l’article 1er.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements, qui portent sur la mise en œuvre de l’évaluation :

– le premier à l’initiative de Mme Isabelle Santiago et des membres du groupe Socialistes et apparentés, avec avis favorable de la rapporteure Bénédicte Pételle et du Gouvernement. Il prévoit que l’évaluation est réalisée « en cohérence avec le projet pour l’enfant », si bien sûr ce dernier existe déjà au moment où la question se pose ; le projet pour l’enfant prévu par l’article L. 223‑1‑1 du code de l’action sociale et des familles devant accompagner le mineur tout au long de son parcours au sein de la protection de l’enfance, il semble opportun que l’évaluation des conditions d’accueil par le membre de famille ou le tiers de confiance soit réalisée au regard de ces éléments ;

– le second à l’initiative de M. Didier Martin et des membres du groupe La République en Marche, qui prévoit le « recueil de l’avis de l’enfant lorsque ce dernier est capable de discernement ». L’évaluation aurait ainsi comme étape indispensable un échange avec l’enfant discernant, permettant d’identifier notamment la réalité et la qualité de ses relations avec le membre de famille ou le tiers de confiance auquel le juge envisage de la confier.

*

*     *


Article 2
Simplification des conditions de délégation des attributs de l’autorité parentale au gardien de l’enfant

Adopté sans modification

Partant du constat que, dans certaines situations, l’accord du parent est difficile à trouver et l’intervention du juge aux affaires familiales fastidieuse à obtenir, l’article 2 permet à ce dernier d’autoriser de manière plus large et plus pérenne l’établissement ou le foyer gardien de l’enfant protégé à exercer certains actes relevant de l’autorité parentale.

I.   La vie de l’enfant confié est parfois entravée par la difficulté À surmonter des « abus » ponctuels de l’autorité parentale et la complexité inhérente À la saisine du juge

1.   Par dérogation au principe de maintien de l’autorité parentale, le juge peut autoriser le gardien à prendre au cas par cas quelques décisions à sa place

a.   Le principe : l’accueil dans un établissement ou dans une famille ne remet pas en cause l’autorité parentale

i.   Le maintien de l’autorité parentale

Ainsi que le remarquait en 1998 Anne-Marie Leroyer, professeure de droit civil, « le droit français contemporain est resté profondément marqué par l’analyse de l’autorité parentale comme un droit naturel lié à la filiation. C’est notamment la raison pour laquelle le droit des parents ne peut souffrir d’atteinte que dans des situations exceptionnelles. » ([13])

Corollairement, l’autorité parentale ([14]), définie par l’article 371-1 du code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », ne peut d’ailleurs pas être cédée par le parent qui en demeure le titulaire naturel. De la même manière, les cas de sa suspension ou de son retrait sont conçus limitativement (cfinfra) et impliquent l’intervention du juge, qui doit constater que le parent n’est pas digne d’être le titulaire d’une telle autorité sur son enfant.

Si le juge, juge aux affaires familiales en l’occurrence, peut donc retirer l’autorité parentale dans des circonstances déterminées, il peut aussi la suspendre et la déléguer temporairement dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative. L’article 375-3 du code civil fait alors le départ entre le fait que l’enfant peut alors être confié dans son quotidien à un tiers, et le fait que « lorsque l’enfant a été confié à un tiers, l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère ». Le tiers a alors, aux termes du même article, vis-à-vis de l’enfant la responsabilité des « actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation », ce dont on déduit a contrario que les parents conservent la responsabilité des actes non usuels. L’article 375-7 précise qu’en cas d’assistance éducative, les parents conservent ainsi « tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ».

Les frontières de l’autorité parentale initiale et de l’autorité déléguée au service gardien : actes usuels et non usuels

Cette distinction directement impliquée par le maintien de l’autorité parentale fait régulièrement l’objet de discussions, certains l’estimant particulièrement floue. Elle recoupe en partie celle que fait le code civil, hors protection de l’enfance, entre les actes nécessitant l’accord des deux parents de ceux qu’un seul peut autoriser (article 3722 du code civil).

C’est toutefois la jurisprudence qui a apporté, dans un premier temps, les éléments les plus éclairants sur la définition respective des actes usuels et non usuels. Ainsi, la cour d’appel d’Aix‑en‑Provence s’est essayée à donner des actes usuels une définition qui est régulièrement reprise par les guides administratifs et la doctrine : « des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant dans une pratique antérieure non contestée » ([15]).

Ces tentatives de définition s’exposant toujours au risque d’une interprétation parfois si nuancée qu’elle en devient imprévisible ([16]), deux mesures de clarification ont été mises en œuvre depuis.

D’une part, l’article D. 223-17 créé en 2016 ([17]) prévoit que le projet pour l’enfant, document qui détermine la nature et les objectifs des interventions de l’ASE à l’égard du mineur ou de son environnement et doit l’accompagner tout au long de sa prise en charge, « comporte une annexe relative aux actes usuels » qui « précise la liste des actes usuels de l’autorité parentale que la personne physique ou morale à qui l’enfant est confié ne peut pas accomplir au nom du service de l’aide sociale à l’enfance sans lui en référer préalablement ».

D’autre part, le Gouvernement a mis à disposition des professionnels un guide en 2018 retraçant l’état de la jurisprudence mais aussi les recommandations d’un groupe de travail sur la question.

On retiendra les grandes catégories suivantes :

– certains actes sont obligatoires et doivent donc être accomplis avec ou sans l’accord des parents dans l’intérêt de l’enfant : l’affiliation à la sécurité sociale, le choix du médecin traitant, la vaccination obligatoire...

– certains actes peuvent être réalisés en tout état de cause par le mineur sans l’accord de ses parents : l’accès à la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, les actions de prévention et de dépistage...

– des actes sont considérés comme non usuels, requérant donc l’accord des parents ycompris en cas d’accueil chez des assistants familiaux ou dans un établissement :

1° au sens de la jurisprudence ; on peut citer une psychothérapie de longue durée, un baptême, une circoncision rituelle, l’inscription dans un établissement privé ou un changement d’établissement, un changement d’orientation, l’envoi dans une colonie de vacances, la captation de l’image pour une diffusion « notoire », la pratique d’un sport dangereux...

2° au sens des recommandations du groupe de travail, qui n’ont toutefois pas de valeur juridique propre : les vaccinations non obligatoires, un traitement médical, l’orientation vers une maison départementale des personnes handicapées, l’instruction à domicile, la signature du carnet de notes, le choix d’une option à l’école, le redoublement, la signature d’une convention de stage ou d’un contrat d’apprentissage, un changement de coupe de cheveux, une photo de classe, l’ouverture d’un compte bancaire ou d’un livret, l’établissement d’une carte d’identité, un changement de nom d’usage ou de prénom, l’inscription à une activité sportive ou à une autre activité extrascolaire, la mise en place de la conduite accompagnée ou d’un deux-roues, l’achat d’un téléphone portable ou une première inscription sur les réseaux sociaux, la visite à des membres de la famille ou des tiers...

3° au sens de la loi ou du règlement, qui ont, à l’inverse du 1°, imposé l’accord des parents : les tatouages et piercings...

Si la personne ou l’établissement auquel estdonc confié le mineur est donc chargé de son éducation « quotidienne », un très grand nombre de décisions continuent à relever du ou des parents, à moins que l’autorité parentale n’ait été totalement retirée.

Source : commission des affaires sociales, à partir du guide du ministère des solidarités et de la santé (2018), disponible ici : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_acte_usuels.pdf

ii.   Les cas limités de retrait de l’autorité parentale

Deux types de procédures permettent le retrait pérenne ([18]) de l’autorité parentale :

– des situations qui sanctionnent une action des parents :

– une procédure qui peut s’engager en cas d’abstention fautive des parents, le délaissement parental prévu par l’article 381‑1 du code civil ; les parents qui, vis-à-vis de leur enfant, « n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit » font de lui un mineur délaissé ; une « demande en déclaration de délaissement parental » peut alors être transmise au juge aux affaires familiales qui peut déléguer l’ensemble de l’autorité parentale au gardien qui peut demander à adopter le mineur.

b.   La dérogation : l’intervention du juge en faveur du gardien en cas d’abstention ou d’abus des parents

Outre le principe du maintien de l’autorité parentale, l’article 375‑7 du code civil prévoit l’hypothèse dans laquelle le comportement des parents exigerait temporairement et ponctuellement – si la situation est plus pérenne, c’est la question du retrait de l’autorité parentale qui doit se poser – de déroger aux frontières entre actes usuels et non usuels au profit du gardien (service, établissement, assistant familial, tiers digne de confiance...).

C’est alors le juge des enfants qui peut être saisi, généralement par le gardien, pour autoriser « un acte » qui relèverait en principe de l’autorité parentale. Cette dérogation n’en est pas moins soumise à des conditions justifiant l’impossibilité de continuer à faire peser sur les parents la responsabilité de la décision.

L’article 375-7 prévoit en réalité une double condition :

        d’une part, une condition qui tient à l’intérêt de l’enfant ; le seul désaccord entre les parents et le gardien n’est donc pas suffisant, et le juge doit apprécier à nouveau où se situe cet intérêt de l’enfant ;

        d’autre part, une situation de nature à révéler un possible blocage préjudiciable : le législateur a ainsi visé « le refus abusif ou injustifié » du parent de même que sa « négligence ».

C’est alors au demandeur, souvent le gardien lui-même, de « faire la preuve de la nécessité de cette mesure ».

Les conditions sont donc juridiquement strictes mais les cas ne sont pas rares, tant l’environnement qui entoure les enfants confiés peut facilement être conflictuel ou très complexe.

2.   Une saisine du juge complexe qui peut perturber la vie de l’enfant confié

a.   Un « cas par cas » conforme ni à l’intérêt de l’enfant ni à la pratique de la plupart des juges des enfants

Si l’article 375-7 du code civil prévoit l’autorisation d’« un acte non usuel » par le juge, cette demande en appelle souvent d’autres, les situations d’obstruction ou de négligence ne portant pas toujours sur un seul sujet à la fois.

Interrogés par la rapporteure Bénédicte Pételle, les syndicats de magistrats ont indiqué qu’en pratique les juges des enfants décidaient souvent d’autoriser plusieurs actes à la fois, bien que cette pratique ne soit pas parfaitement conforme aux textes. Les délais de traitement, dans un contexte d’encombrement global des tribunaux, et l’intérêt de l’enfant ne permettent en effet naturellement pas de faire du cas par cas.

b.   Une vie de l’enfant qui peut être significativement perturbée

Le champ très vaste des actes non usuels (cfsupra) illustre parfaitement l’absolue nécessité d’une réaction rapide, cohérente et efficace en cas de blocage du côté des titulaires de l’autorité parentale. Quelques jours ou semaines peuvent en effet compromettre un projet malgré son intérêt évident pour l’enfant, l’exemple le plus souvent cité pendant les auditions étant la signature d’un contrat de stage et d’apprentissage.

Comme l’évoquaient par ailleurs le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance ([20]) et de nombreuses associations, ces obstacles surtout lorsqu’ils sont répétés contribuent à faire de l’enfant confié un enfant « à part » qui n’a pas les mêmes facultés que les autres.

II.   L’article 2 simplifie la dÉlÉgation ponctuelle de l’autoritÉ parentale par le juge

● L’article 2 modifie l’article 375‑7 du code civil, qui porte sur l’articulation entre l’autorité parentale et une mesure d’assistance éducative, et plus particulièrement son deuxième alinéa sur les actes dits « non usuels » sur deux plans :

– en premier lieu, en permettant au juge d’autoriser non pas un mais plusieurs actes non usuels « déterminés » ; une telle évolution permettrait ainsi de ne pas ressaisir le juge à chaque occasion d’abstention ou d’obstruction des parents mais d’embrasser plus largement la situation et de surmonter les blocages ; cette ouverture ne serait toutefois pas infinie : d’abord, les actes devront être « déterminés » c’est-à-dire être nommés dans la décision et, ensuite, il conviendra au service gardien de « rapporter la preuve de la nécessité » de chacune des mesures autorisées, comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre du « cas par cas » ; conformément aux principes généraux relatifs à la procédure juridictionnelle, le juge ne pourrait comme aujourd’hui que se prononcer que sur les actes « déterminés » dont il est saisi par le demandeur ;

– en second lieu, en ajoutant un nouveau motif de substitution du gardien aux parents tenant à la poursuite ([21]) ou à la condamnation de ces derniers pour des crimes ou délits commis sur la personne de l’enfant ; de cette façon, la rédaction proposée invite le juge à couper davantage les liens créés par l’autorité parentale dès lors que le parent peut être considéré comme « moralement hors d’état » de se prononcer sur une inscription administrative scolaire ou un rendez-vous chez le médecin.

● Aucune mesure spécifique n’étant prévue, cette nouvelle obligation entrerait en vigueur au lendemain de la publication de la loi, conformément à l’article 1er du code civil. Elle s’appliquerait ainsi aux nouvelles requêtes introduites à partir de cette date.

● La rapporteure Bénédicte Pételle souligne là encore le pragmatisme de la mesure qui vise d’abord et avant tout à remettre l’enfant au cœur de la conception de la procédure, en facilitant une responsabilité accrue du gardien (service, établissement, personne) : et de permettre à l’enfant de mener une vie comme les autres sans être stigmatisé dans son quotidien comme « enfant de l’aide sociale à l’enfance. » lorsque les parents sont défaillants concrètement et/ou moralement. Si la pratique d’autorisations « groupées » d’actes non usuels semble être déjà répandue chez les juges des enfants, elle se fait aujourd’hui dans un cadre juridique insuffisamment sécurisé et n’est pas systématique de ce fait.

 

*

*     *

 


Article 3
Encadrement des établissements et structures pouvant accueillir les mineurs de la protection de l’enfance

Adopté avec modifications

L’article 3 pose un principe d’interdiction d’hébergement des mineurs de moins de 21 ans dans des structures non autorisées, principalement les hôtels et les structures « sport et jeunesse », tout en ménageant une dérogation en cas d’urgence ou pour une mise à l’abri.

Il précise en outre le périmètre des régimes d’autorisation et déclaration appliqués aux établissements intervenant au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

I.   Le recours encore important aux structures non expressÉment autorisÉes au titre de l’aide sociale À l’enfance ne permet pas un accueil satisfaisant

Suivant l’article L. 221‑2 du code de l’action sociale et des familles (CASF), « le département organise sur une base territoriale les moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement des enfants confiés au service [de l’aide sociale à l’enfance] ». Ceux-ci peuvent être réalisés par les services départementaux directement ou par un recours à des « établissements et services habilités ». Il s’agit majoritairement des établissements et services sociaux et médico-sociaux soumis à un régime d’autorisation et d’habilitation afin de garantir la sécurité et la prise en charge pluridisciplinaire des mineurs. De rares établissements hébergent aussi des mineurs sur simple déclaration. Des conditions minimales, de qualification et d’expérience professionnelle, sont toutefois exigées et le président du département a la faculté de s’y opposer, notamment dans l’intérêt de l’éducation ou du bien-être des enfants. Plusieurs milliers de mineurs, enfin, sont accueillis par des hôtels ou des structures « sport et jeunesse » dans des conditions souvent peu compatibles avec un suivi socio-éducatif de qualité réalisé par des professionnels de qualifiés.

A.   MalgrÉ un principe d’autorisation des Établissements intervenant au titre de l’ase, le recours aux hÔtels et aux structures « sport et jeunesse » est substantiel

La quasi‑totalité des établissements intervenant au titre de l’aide sociale à l’enfance relève du régime d’autorisation appliqué aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Néanmoins, l’hébergement de certains mineurs considérés comme complexes, très majoritairement des mineurs non accompagnés (MNA), se fait encore parfois dans des structures non expressément autorisées. Quelques établissements déclarés semblent en outre perdurer, au-delà des prises en charge ponctuelles prévues par le code.

1.   L’hébergement des mineurs au titre de l’ASE n’est pas nécessairement effectué dans des établissements ou services autorisés

a.   En principe, les établissements et services intervenant au titre de l’ASE sont soumis à un régime d’autorisation

Dès lors qu’aux termes de l’article L. 312‑1 du CASF, « [l]es établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans » relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont une catégorie d’ESSMS, le régime d’autorisation leur est en principe appliqué.

L’autorisation est accordée si le projet répond aux conditions fixées par l’article L. 313‑4 du code de l’action sociale et des familles. S’agissant du projet du service ou de l’établissement, il doit être « compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés [...] par le schéma d’organisation sociale ou médico-sociale » et « satisfait aux règles d’organisation et de fonctionnement prévu au présent code ». Le mode d’hébergement proposé doit être explicitement mentionné dans l’arrêté d’autorisation. La soutenabilité de la structure est aussi prise en compte dans la mesure où il est nécessaire que le projet « présente un coût de fonctionnement en année pleine compatible avec le montant des dotations ». L’article L. 313‑6 conditionne enfin la délivrance de cette autorisation à une visite de conformité.

Avant de bénéficier d’un financement par le département, les établissements accueillant des publics au titre de l’ASE doivent en outre être habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. Cette exigence est cependant aisément remplie, l’autorisation valant habilitation, sauf mention contraire, aux termes de l’article L. 313-6 précité.

D’un point de vue juridique, il existe a contrario deux types d’accueil dérogatoires au régime d’autorisation des ESSMS :

– « les structures qui ne bénéficient pas d’une autorisation et d’une habilitation octroyées conformément à la procédure fixée par le CASF » ;

 les structures qui dérogent « au cadre fixé par leur autorisation, notamment en ayant recours à des modes d’hébergement non prévus par l’arrêté » ([22]).

b.   Par exception, un accueil et un hébergement moins encadrés ont été maintenus

Aujourd’hui, le vocable de « structures non autorisées » fait en effet référence à deux réalités différentes : les établissements simplement déclarés, qui représentent un hébergement marginal, et les hôtels et structures « sport et jeunesse », qui accueillent des effectifs importants de mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Ne sont pas traités ici les services départementaux qui, par définition, n’ont pas à être autorisés.

i.   Le régime de déclaration, une exception résiduelle

Un régime de déclaration institué par la loi n° 71-1050 du 24 décembre 1971 ([23]) subsiste malgré la création du régime d’autorisation appliqué aux ESSMS par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

Par une lecture combinée des articles L. 3121 et L. 3211 du code de l’action sociale et des familles, l’accueil ponctuel des mineurs est ainsi possible dans certains établissements ayant fait l’objet d’une simple déclaration. D’une part, l’article L. 3121 définit les seuls établissements ou services exerçant une prise en charge « habituelle » comme des ESSMS soumis au régime d’autorisation et, d’autre part, l’article L. 3211 prévoit un régime de déclaration pour l’hébergement des mineurs par une personne « non autorisée ». Le régime de déclaration devrait s’appliquer par conséquent uniquement à des situations d’accueil court et ponctuel.

Le rapport précité de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) soulignait que ce régime de déclaration est d’autant plus marginal que les structures exerçant des activités non autorisées préalablement à l’entrée en vigueur du régime d’autorisation ou dans le cadre de l’article L. 313‑1 relatif à la procédure d’appel à projets ont été réputées autorisées par l’article 67 de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation du vieillissement, à condition d’avoir été habilitées à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. Seules les structures d’accueil constituées après cette date peuvent donc relever de ce régime de déclaration au titre de l’aide sociale à l’enfance, sans qu’il existe d’ailleurs de liste ou de chiffres exhaustifs sur ces structures.

ii.   L’hébergement hôtelier et les structures agréées « sport et jeunesse », une solution « hors cadre juridique »

Les principaux modes d’accueil non expressément autorisés sont aujourd’hui l’hébergement hôtelier et les structures agréées « sport, jeunesse et éducation populaire ». S’ils sont, dans de rares cas, prévus par des arrêtés d’autorisation départementaux, sur la base d’un cadre législatif et réglementaire plus qu’incertain, il y est recouru dans la quasitotalité des cas totalement en dehors de toute autorisation ou déclaration.

Ces modes d’accueils dérogatoires ne sont pas d’une importance comparable : les effectifs de mineurs concernés par l’hébergement hôtelier, ainsi que le poids financier de ce dernier, sont largement supérieurs à ceux des structures d’accueil « sport et jeunesse ». Leur identification est néanmoins malaisée dans la mesure où les données départementales ne « remontent » pas.

Le vocable d’« hébergement hôtelier » renvoie lui-même à des réalités différentes, de l’hôtel de tourisme à l’hôtel à vocation sociale. Malgré la consécration de la « résidence hôtelière à vocation sociale » ([24]) ayant permis un renouvellement de l’hôtellerie sociale auparavant centrée sur les hôtels meublés dans les grandes agglomérations, le recours à l’hôtellerie de tourisme semble encore dominant, avec une spécialisation de certains hôteliers dans l’accueil de publics en difficulté, dans un contexte de saturation de cette offre sociale. Il n’existe cependant aucun chiffre disponible relatif au nombre de nuitées.

À une échelle moindre, les structures « sport et jeunesse » sont agréées par les services territoriaux de l’État pour héberger certains jeunes de l’ASE alors que ces structures ne sont en principe autorisées à accueillir des mineurs qu’en dehors du temps scolaire, en période de vacances scolaires ou de loisirs. Certaines d’entre elles accueillent néanmoins des mineurs sur de plus longues périodes.

2.   Face aux difficultés de l’accueil institutionnel, les services de l’aide sociale à l’enfance hébergent encore de nombreux mineurs en hôtels ou structures « sport et jeunesse »

Le recours à l’hébergement hôtelier constitue un mode d’hébergement important pour l’ASE mais se révèle hétérogène, comme l’ont rappelé de récents travaux de l’IGAS.

Le rapport de l’IGAS : l’objectivation d’une réalité mal appréhendée après des incidents particulièrement graves

Le rapport de l’IGAS est né après le décès d’un jeune homme confié à l’ASE des Hauts‑de‑Seine en décembre 2019, à la suite d’une agression par un autre enfant avec lequel il était hébergé dans un hôtel. La médiatisation, parfaitement justifiée, de ce drame a mis en lumière les dérives de l’hébergement hôtelier et les lacunes dans l’accompagnement réalisé par les départements.

Face à l’opacité de ces pratiques et au manque de données disponibles, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, ont saisi immédiatement l’IGAS d’une évaluation de « la situation des enfants et des jeunes bénéficiaires d’une mesure de protection de l’enfance pris en charge dans des structures non autorisées ou habilités à l’aide sociale », visant notamment quantifier cet accueil, décrire ses conditions de réalisations et expliquer ses causes.

Ce rapport conséquent, remis en novembre 2020, permet d’éclairer un certain nombre de réalités qui étaient connues des spécialistes et des praticiens du secteur mais manquaient d’analyses exhaustives et globales. Il n’est donc pas étonnant que le présent commentaire, ou l’étude d’impact du projet de loi, le cite abondamment comme document de référence sur ce sujet.

Source : commission des affaires sociales, sur la base du rapport précité.

a.   L’hébergement en hôtel ou en structure « sport et jeunesse » concerne de nombreux mineurs pris en charge par l’ASE

Dans son rapport, l’IGAS estimait qu’à à la fin de l’année 2018 au moins 5 % des 148 000 mineurs confiés à l’ASE étaient accueillis à l’hôtel ([25]). Le nombre total de jeunes ainsi hébergés s’élèverait, selon des estimations que les inspecteurs eux-mêmes considèrent comme prudentes, entre 7 500 et 10 500 ([26]). Le recours aux structures agréées « sport et jeunesse » représente une part bien plus faible de l’accueil dans la mesure où celui-ci concernerait environ 0,4 % des mineurs accueillis. Ces deux estimations sont cependant probablement sous-évaluées, en raison de l’absence de système d’information permettant de disposer de données exhaustives et ne constituent qu’une « photographie » à un instant donné du nombre de mineurs hébergés dans ces structures, sans tenir compte du nombre de nuitées réalisées sur une année complète.

L’importance des effectifs accueillis en hôtel se traduit par un coût total important pour les départements : les dépenses atteindraient un total de 250 millions d’euros en France pour l’année 2019, soit une moyenne de 4 millions d’euros par département recourant à ces structures, toujours selon l’IGAS ([27]). Les dépenses liées à l’hébergement dans les structures agréées se révèlent plus marginales au regard des dépenses pour l’accueil des mineurs : le coût total serait de 700 000 euros en moyenne par année et par département concerné.

b.   L’hébergement en hôtel ou en structures « sport et jeunesse » répond à des situations variées

Seule une minorité de départements recourt à l’hébergement hôtelier et cet accueil ne concerne heureusement qu’une faible proportion des mineurs accueillis. Le recours à l’hébergement hôtelier se vérifie surtout au sein des départements franciliens et dans quelques départements du sud de la France.

Ces structures sont d’abord utilisées afin de pallier, en dernier recours, le manque de places institutionnelles adaptées aux mineurs dits « cas complexes » ([28]) et constituent alors des solutions d’accueil alternatives et provisoires. Des structures agréées « sport et jeunesse » sont par exemple utilisées en remplacement des places en lieux de vie et d’accueil. Le recours à l’hôtel sert donc à accueillir soit des mineurs ayant des besoins sociaux, sanitaires et médico-sociaux tels qu’il est difficile d’identifier la structure idoine, soit des mineurs mettant en échec les prises en charge collectives classiques.

En revanche, ces structures non autorisées sont souvent utilisées, parfois de façon pérenne, pour l’hébergement des MNA qui relèvent de l’ASE. Selon l’IGAS, « 95 % des mineurs hébergés à l’hôtel seraient des MNA et 28 % des MNA admis à l’ASE seraient pris en charge à l’hôtel » ([29]). Ce recours à l’hôtel se révèle donc être un choix par défaut qui traduit l’incompatibilité de la prise en charge institutionnelle avec les contraintes propres à ce public, notamment celles liées à l’attente de l’établissement de leur minorité ainsi que leur nombre croissant et imprévisible dans un contexte de manque chronique de places d’hébergement disponible pour les mineurs relevant de l’ASE.

B.   L’hÉbergement En dehors du rÉgime d’autorisation peine À rÉpondre aux enjeux de l’accompagnement de mineurs vulnÉrables

Des strictes conditions légales et formalités préalables sont imposées aux établissements et services autorisés, et uniquement à eux, alors que les autres structures déclarées ainsi que les hôtels et les structures alternatives accueillent aussi un public caractérisé par un fort besoin d’accompagnement socio-éducatif.

1.   Des contours du contrôle de ces établissements non explicitement autorisés à préciser

Aux termes de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, l’application du régime d’autorisation des ESSMS aux établissements accueillant des publics de l’ASE repose sur la notion de prise en charge habituelle. Cependant, ni la loi ni la jurisprudence n’ont explicitement défini cette notion. Par conséquent, des établissements accueillant ponctuellement, voire régulièrement, des mineurs au titre de la protection sociale ne sont soumis qu’à un simple régime de déclaration. Ils échapperaient ainsi à un contrôle a priori et, plus largement, à l’ensemble des obligations imposées aux services et établissements de l’ASE autorisés.

L’IGAS constate en outre un manque de formalisation de l’accueil en structures hôtelières et « sport et jeunesse » ([30]). Puisque celui-ci est souvent considéré comme une solution transitoire et subsidiaire, les départements ont rarement établi les critères à remplir par ces établissements. Or s’y ajoute l’absence de visite de conformité préalable, éminemment problématique dans la mesure où le contrôle exercé par les départements sur les structures non autorisées est encore exceptionnel. Ainsi, d’une part, l’accueil dans les structures alternatives échappe au pouvoir de contrôle des départements et, d’autre part, les visites de contrôle des hôtels constituent « une activité encore balbutiante » ([31]).

L’article L. 312-1 précité pose par ailleurs une difficulté dans la mesure où il n’est pas adapté à l’évolution des missions de l’ASE liées aux MNA. En effet, si l’intervention du secteur associatif est déterminante non seulement pour évaluer leur situation (minorité, isolement...) mais aussi pour assurer leur hébergement d’urgence, ces établissements et services échappent à la qualification d’ESSMS et, par conséquent, au régime d’autorisation et aux règles applicables.

Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il apparaît donc indispensable de revoir le périmètre des régimes d’autorisation et de déclaration afin d’assurer la mise en œuvre uniforme des règles communes du code de l’action sociale et des familles. Une telle différence de contrôle et d’obligation ne saurait subsister au sein d’établissements accueillant des mineurs vulnérables.

2.   Un accompagnement insuffisant des mineurs hébergés

Au-delà de la sécurité des mineurs lors de leur hébergement en dehors des établissements autorisés au titre de l’ASE, la difficulté d’un accompagnement socio-éducatif répondant aux besoins spécifiques de ce public vulnérable est constatée par de nombreux acteurs.

Dans le cadre d’un hébergement hôtelier, l’intensité de l’accompagnement mis en œuvre par les départements apparait ainsi très variable. Si cet accompagnement permet, au moins partiellement, de répondre à un accueil exceptionnel de mineurs, il s’avère en revanche particulièrement inadapté lorsque cet accueil hôtelier se prolonge sur plusieurs mois voire devient le mode exclusif d’hébergement proposé, situations notamment constatées dans la prise en charge de MNA proches de leur majorité.

L’IGAS dénonce ainsi un accompagnement parfois minimal avec une visite parfois hebdomadaire, seulement, des travailleurs sociaux alors qu’il y a des enjeux majeurs d’intégration de ces mineurs souvent confrontés à des traumatismes associés à leur parcours migratoire ([32]). L’absence d’un accompagnement régulier par des professionnels qualifiés dans un contexte d’isolement et de promiscuité de ces mineurs paraît largement incompatible avec les missions de la protection de l’enfance.

La Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) a toutefois souligné lors de son audition que les lacunes du suivi socio-éducatif concernent moins les structures « sport et jeunesse ».

II.   L’article 3 limite strictement le recours aux structures non autorisÉes

Au sein du titre Ier consacré à l’amélioration de la vie quotidienne des enfants pris en charge par l’ASE et à la sécurisation de leur accompagnement, l’article 3 entend limiter strictement le recours aux structures non autorisées, en posant un principe d’interdiction d’hébergement en hôtel ou en structures alternatives et en rénovant le périmètre des régimes d’autorisation et de déclaration.

A.   le principe d’interdiction de l’hÉbergement en hÔtel ou par des structures « jeunesse et sport »

● Le du I introduit un nouvel article L. 221-2-3 dans le code de l’action sociale et des familles en vue de clarifier les principes qui doivent guider les politiques d’hébergement. Il pose un principe explicite d’hébergement des personnes mineures ou âgées de moins de 21 ans prises en charge par l’aide sociale à l’enfance dans des établissements et services autorisés ou par des assistants familiaux, sauf durant les périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisir. Ainsi, l’hébergement hôtelier ou en structure « sport et jeunesse » est interdit.

Ce nouvel article L. 221-2-3 prévoit toutefois une dérogation, à titre exceptionnel, autorisant le recours à ces structures afin de répondre à des situations d’urgence ou pour assurer la mise à l’abri des mineurs, cette seconde notion faisant référence à « la prise en charge par l’État de l’hébergement durant la phase d’évaluation de la minorité » ([33]). La prise en charge pourra alors être réalisée par des hôtels relevant du code du tourisme, des résidences hôtelières à vocation sociale, des modes d’accueil collectif à caractère éducatif et des hébergements déclarés auprès du représentant de l’État.

Pour la rapporteure Bénédicte Pételle, il ne s’agit pas de créer une nouvelle obligation à la charge des départements mais d’inscrire dans la loi une évidence, c’est‑à‑dire l’interdiction d’une pratique largement dénoncée par les acteurs de la protection de l’enfance. Cette mesure est attendue depuis plusieurs années afin de garantir le respect des droits fondamentaux des enfants pris en charge par l’ASE et de leur assurer un suivi socio-éducatif adapté à leurs besoins spécifiques, comme l’ont encore confirmé les auditions conduites par la rapporteure.

Ainsi, les milliers de mineurs, notamment MNA, hébergés depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois dans des hôtels bénéficieront en principe d’un accueil dans un service ou établissement de l’ASE autorisé. De la même manière, des solutions spécifiques devront être développées pour les mineurs dits « complexes ».

Une interdiction totale n’aurait toutefois pas été acceptable dans un contexte de saturation de l’offre de places institutionnelles, avec le risque qu’une application stricte de la loi conduise à renvoyer des enfants vers la rue. La prise en charge dérogatoire à l’hôtel sera néanmoins très encadrée.

Les conditions d’application du présent article seront prévues par décret simple. Au regard de l’étude d’impact annexée au projet de loi, l’hébergement dans une structure hôtelière pourrait être limité par voie réglementaire à une durée maximale de deux mois, ce qui correspond au délai d’évaluation de la minorité des personnes se présentant comme MNA.

Ce décret simple aurait également vocation, d’après les informations recueillies par la rapporteure auprès du Gouvernement, à :

– énumérer plus précisément les structures concernées par le principe de dérogation ;

– définir plus précisément les conditions exceptionnelles dans lesquelles il pourra être recouru à ces structures, au-delà de la seule notion d’« urgence » évoquée par la loi ;

– fixer des conditions qualitatives de recours à ces structures ; le Gouvernement a précisé à la rapporteure qu’il pourrait s’agir d’un encadrement des publics susceptibles d’être accueillis, l’existence – déterminante – d’un accompagnement socio-éducatif, des critères de sélection des hôtels ainsi que la formalisation des relations entre conseils départementaux et établissements concernés, comme y invitait le rapport de l’IGAS.

 Afin de permettre une adaptation des départements, notamment la construction de nouvelles places d’accueil et le recrutement de professionnels qualifiés, le du II précise que ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi (soit entre onze et douze mois en fonction de la date de publication).

Durant les auditions, la rapporteure Bénédicte Pételle a pu observer que ce délai faisait l’objet de critiques radicalement opposées : certaines associations estiment que le délai est excessif au regard de la question de principe que pose l’interdiction ; d’autres acteurs et notamment les conseils départementaux estiment que ce délai est trop bref pour atteindre la « normalisation » visée par le texte. Enfin, d’autres acteurs ont relevé qu’à titre exceptionnel et temporairement, une structure non autorisée pouvait être une solution dès lors qu’un taux d’encadrement était fixé. Il est donc raisonnable d’y voir en réalité un équilibre entre le nombre de jeunes concernés et la profonde ré-interrogation de l’offre d’accueil qu’une telle mesure peut engendrer, d’une part, et la nécessité d’avancer vers une « remise en ordre » qui a été annoncée depuis plusieurs mois et à plusieurs reprises par le Gouvernement, notamment à travers son secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles. Certains départements ou la ville de Paris, auditionnée par la rapporteure, ont d’ailleurs déjà engagé des démarches en ce sens (appels à projets, développement de l’accueil en « hébergement diffus » ou « semi-autonome » ...) et ouvrent la voie à un changement à plus grande échelle que l’article entend accélérer.

L’impact de la mesure devrait entraîner un surcroît de financement de 577 500 à 808 500 euros pour l’ensemble des départements, étant entendu que sept départements rassemblent 84 % des mineurs abrités à l’hôtel. Beaucoup de départements ne sont donc a contrario pas concernés par la mesure.

La charge de l’interdiction n’a pas vocation à être supportée financièrement par l’État, qui n’a jamais promu cette pratique, mais le Gouvernement souligne qu’il appuie déjà les conseils départementaux sur la prise en charge des mineurs « cas complexes » ainsi que les jeunes en cours d’évaluation de la minorité.

B.   la rÉnovation du pÉrimÈtre des rÉgimes d’autorisation et de dÉclaration

1.   La suppression du critère de prise en charge habituelle au titre de l’aide sociale à l’enfance

● Le du I modifie le 1° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles relatif à la définition du périmètre des établissements et services sociaux et médico-sociaux, et donc le périmètre de l’autorisation administrative. Les établissements ou services mettant en œuvre les mesures de prévention au titre de la protection de l’enfance ou de l’aide sociale à l’enfance ainsi que les prestations d’aide sociale à l’enfance, y compris l’accueil d’urgence des personnes relevant possiblement du régime des MNA, seront inclus dans le champ des ESSMS. Par conséquent, ces établissements et services seront tous soumis au régime d’autorisation, notamment les conditions définies à l’article L. 313‑4 (projet, visite, habilitation...).

Le critère de prise en charge « habituelle » actuellement en vigueur est ainsi supprimé au profit d’un critère plus conforme à la réalité de l’accueil des mineurs au titre de l’ASE. Le recours au régime d’autorisation et de déclaration est clarifié. Ce n’est plus la fréquence, critère ambigu n’ayant fait l’objet d’aucune définition jurisprudentielle, mais la nature des activités, même exercées ponctuellement, qui détermine l’application des obligations légales, notamment la visite de contrôle a priori et les conditions d’organisation.

● En conséquence, le du I modifie la première phrase du premier alinéa de l’article L. 321-1 du code de l’action sociale et des familles afin de préciser symétriquement le champ du recours au régime de déclaration. Il est ainsi précisé que le régime de déclaration s’applique lorsque la personne physique ou toute personne morale de droit privé qui désire héberger ou recevoir des mineurs de manière habituelle, collectivement, à titre gratuit et onéreux, « n’est pas soumise à un régime d’autorisation ». Cette clarification permet de sécuriser le recours au régime de déclaration et de prévenir toute interprétation extensive de l’article L. 321-1. Elle vise à aménager une possibilité de prise en charge exceptionnelle de ces mineurs lors de courtes périodes, en particulier durant les vacances scolaires. (séjours à la ferme par exemple) ou pour des séjours de rupture, plus conformes à la vocation de ce régime déclaratif.

● Le du II prévoit que cette disposition entrera en vigueur de manière différée afin que les établissements relevant actuellement de la simple déclaration puissent s’adapter à l’exigence d’autorisation. Ceux-ci pourront continuer à exercer leur activité jusqu’à la décision administrative statuant sur leur demande d’autorisation et, en l’absence d’une telle demande, jusqu’à expiration d’un délai de onze à douze mois en fonction de la date de publication de la loi (selon la formule recommandée par le Conseil d’État, le « premier jour du treizième mois suivant » cette date).

Le contrôle de ces champs respectifs de l’autorisation et de la déclaration revient à l’autorité compétente en matière d’autorisation, soit le président du conseil départemental, mais aussi au préfet au regard de ses pouvoirs de police administrative. En cas de non-respect de la réglementation départageant les deux champs, la structure peut se voir « retirer sa déclaration » ([34]) et donc ne peut plus accueillir des mineurs et être financée par le conseil départemental.

● Sur ce sujet à la fois technique et pratique, la rapporteure Bénédicte Pételle fait sien l’avis exprimé par le Conseil d’État : cette disposition « est de nature à créer un régime juridique plus uniforme, cohérent et lisible et à sécuriser la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs protégés » et « poursuit l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant » ([35]).

2.   L’intégration des services d’évaluation des MNA au champ des ESSMS

Le du I insère un nouvel alinéa à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Il crée une nouvelle catégorie d’ESMSS, celle des établissements ou services mettant en œuvre des mesures d’évaluation de la situation de personnes relevant possiblement du régime des MNA. Ces personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille bénéficieront ainsi, que ce soit lors de leur accueil d’urgence ou de l’évaluation de leur situation, d’une prise en charge par des structures autorisées et soumises aux conditions de l’article L. 313-4.

Cette précision assure donc une mise en cohérence dans la prise en charge de ces mineurs. L’importance et la sensibilité de cette mission d’évaluation appellent une vigilance aussi forte – dont la traduction naturelle est le régime d’autorisation – que l’accueil et l’accompagnement proprement dits.

À défaut de dispositions spécifiques, cette mesure pourrait entrer en vigueur au lendemain de la publication de la loi, conformément à l’article 1er du code civil. La rapporteure s’interroge sur l’opportunité d’envisager une entrée en vigueur différée, même légèrement, de ces dispositions, afin d’éviter qu’une application trop rapide ne place dans l’illégalité un certain nombre de services d’évaluation qui n’auraient pas anticipé le besoin de demander une autorisation.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article, moyennant deux amendements visant à préciser les conditions du recours exceptionnel aux structures d’hébergement non autorisées afin d’encadrer l’intervention du pouvoir réglementaire :

– le premier de Mme Perrine Goulet et des membres du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, ayant reçu des avis favorables de la rapporteure Bénédicte Pételle et du Gouvernement, a inscrit que le recours dérogatoire aux structures non habilitées ne pourrait excéder deux mois ; si cette durée maximale, qui correspond au délai d’évaluation de la minorité, était déjà annoncée par l’étude d’impact, la commission a voulu garantir au niveau de la loi le caractère temporaire de cette dérogation ;

– un second amendement de la rapporteure Bénédicte Pételle, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, sous-amendé par Mme Perrine Goulet, a également prévu que le décret fixant les conditions d’application de cet accueil exceptionnel dans des structures non autorisées devra prévoir un niveau minimal d’encadrement et de suivi des mineurs, ainsi que le niveau de formation requis des professionnels intervenants ; la commission a en effet considéré que ces normes sont indispensables à un accueil répondant aux besoins spécifiques du public de l’ASE, y compris s’il est temporaire.

*

*     *

 

 


Article 3 bis (nouveau)
Recours à un infirmier en pratique avancée pour la coordination des équipes de l’aide sociale à l’enfance

Introduit par la commission

L’article 3 bis propose la possibilité de recourir à une infirmière en pratique avancée pour remplacer l’absence de médecin référent « protection de l’enfance » par un infirmier en pratique avancée.

Le quatrième alinéa de l’article L. 221‑2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « dans chaque département, un médecin référent « protection de l’enfance » [...] est chargé d’organiser les modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires » entre les services départementaux et la CRIP, d’un côté, et le secteur sanitaire (médecins libéraux, hospitaliers et scolaires), de l’autre.

À l’initiative de Mme Perrine Goulet et plusieurs de ses collègues, la commission contre l’avis de la rapporteure Bénédicte Pételle et du Gouvernement, a adopté un amendement visant à prévoir qu’« en dernier ressort » un infirmier exerçant en pratique avancée pouvait assurer cette même mission de coordination et d’« interface » à la place d’un médecin.

 

*

*     *

 

 


Article 3 ter (nouveau)
Information sur les droits lors de l’entretien réalisé à un an de la majorité

Introduit par la commission

L’article 3 ter propose que lors de l’entretien qui doit être réalisé pour l’enfant pris en charge par l’aide sociale à l’enfance à un an de sa majorité, celui-ci soit informé sur ses droits.

L’article L. 222-5-1 du code de l’action sociale et des familles, créé par la loi du 14 mars 2016 ([36]), prévoit qu’un entretien est organisé par le président du conseil départemental pour les mineurs relevant de l’ASE « un an avant [leur] majorité, pour faire un bilan de [leur] parcours et envisager les conditions de [leur] accompagnement vers l’autonomie ».

Adopté à l’initiative de Mme Sandrine Mörch et plusieurs de ses collègues, avec avis favorable de la rapporteure Bénédicte Pételle et de sagesse du Gouvernement, cet article prévoit que cet entretien :

– se déroule « au plus tard » un an avant sa majorité ;

– ait plus clairement pour objet de « l’informer sur ses droits ».

 

*

*     *

 


Article 3 quater (nouveau)
Désignation d’une personne de confiance

Introduit par la commission

L’article 3 quater reprend des dispositions très proches de celles de l’article 4 de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie de Brigitte Bourguignon, adoptée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2019, qui concernaient la possibilité pour le mineur pris en charge de désigner une personne de confiance majeure.

● Si l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles relatif au projet pour l’enfant mentionne « le rôle [...] des tiers intervenant auprès du mineur », peu de textes mentionnent la possibilité effective pour l’enfant d’entretenir des relations suivies avec un adulte autre que les professionnels qui l’accompagnent ou ses parents.

C’est dans cette perspective que l’article 4 de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon précitée proposait de « reconnaître l’existence de cette personne de confiance » ([37]) à travers une triple codification :

– d’abord, la création d’un article dans le code de l’action sociale et des familles prévoyant la possibilité de désigner formellement cette personne de confiance ; dans ce cas, la personne de confiance pourrait accompagner le mineur dans ses démarches diverses et accompagner le jeune lors de l’entretien de bilan vers l’autonomie qui doit être organisé à un an de sa majorité par le conseil départemental ([38]) ;

– ensuite, une coordination avec l’article L. 222-5-1, qui prévoit cet entretien ;

– enfin, une coordination avec l’article L. 223-1-1, qui précise que l’identité de la personne de confiance est mentionnée dans le projet pour l’enfant.

● Adopté à l’initiative d’amendements identiques de Mme Isabelle Santiago et des membres du groupe Socialistes et apparentés, de Mme Sandrine Mörch et plusieurs de ses collègues ainsi que de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche, avec avis favorables de la rapporteure Bénédicte Pételle et du Gouvernement, cet article reprend ces dispositions quasiment à l’identique.

*

*     *

   TITRE II
MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES VIOLENCES

Article 4
Contrôle renforcé des personnels exerçant dans le secteur social et médicosocial

Adopté avec modifications

L’article 4 étend et systématise le contrôle des antécédents judiciaires de l’ensemble des personnels et bénévoles du secteur social et médico-social, afin de mieux prévenir des situations de violences au sein des services et établissements.

I.   Un contrÔle limitÉ sur les personnels

1.   Un périmètre d’interdiction et de contrôle défini largement par la loi

Issu de l’ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 ([39]), l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles a repris les infractions du code pénal susceptibles d’entraîner des incapacités professionnelles des personnels exerçant dans le secteur médico-social.

a.   Champ d’application

La mesure s’applique à tous les types de personnels salariés avec une définition assez large qui distingue néanmoins :

– l’exploitant ou le dirigeant du service, de l’établissement ou du lieu de vie, d’une part ;

– les autres personnes qui peuvent « y exercer une fonction à quelque titre que ce soit », d’autre part, la formule n’emportant pas avec certitude celle de bénévole.

b.   Condamnations susceptibles d’entraîner une incapacité à exercer

L’article L. 133-6 vise un certain nombre d’infractions incompatibles avec l’exercice d’une fonction dans le secteur social et médico-social couvert par le code :

– tous les crimes sont visés ;

– le champ est plus précisément défini s’agissant des délits, qui doivent être passibles d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans sans sursis (ils figurent ci‑après dans le même ordre que les renvois au sein de l’article L. 133-6) :

La condition tenant à une peine encourue de deux ans ou plus n’est pas applicable lorsqu’il s’agit d’agression sexuelle, de corruption de mineur ou de recel de l’image d’un mineur.

On retrouve donc ici l’essentiel des crimes et des délits susceptibles d’entacher la probité des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, avec une prise en compte particulièrement systématique des délits à caractère sexuel dont les victimes peuvent être des mineurs.

2.   Un contrôle limité en pratique

a.   Un contrôle exigeant des démarches lourdes

Les dispositions, contraignantes en apparence, de l’article L. 133-6 doivent être appréciées à l’aune de la capacité effective à réaliser un contrôle des antécédents judiciaires. Or, ces démarches demeurent complexes : les établissements et services de la protection de l’enfance, comme tout employeur, peuvent demander directement le bulletin n° 3 aux candidats au recrutement, dont les modalités d’accès directes et dématérialisées sont relativement simples, mais celui-ci ne contient pas toutes les informations nécessaires, dès lors qu’il présente « seulement » les condamnations pour crimes et délits passibles d’une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement sans sursis. Ainsi, le bulletin n° 3 ne recouvre pas les infractions à caractère sexuel qui sont passibles d’une peine inférieure à deux ans et sont susceptibles de constituer une incapacité à exercer en établissement ou service social ou médico-social (cfsupra).

Le bulletin n° 2, plus complet ([41]), est plus adapté mais les établissements et services en contact avec les mineurs doivent passer par l’administration de contrôle, dont les agents habilités peuvent à leur tour demander le bulletin au casier judiciaire national (article 776 du code de procédure pénale). Le code de procédure pénale précise alors que l’administration communique uniquement soit le caractère vierge du casier, soit l’incompatibilité avec l’emploi convoité sans préciser alors quelle est la nature exacte de la condamnation. Il ne vise clairement que la seule hypothèse d’un « recrutement », à l’exclusion de tout autre moment du contrat.

Autre outil complémentaire du bulletin n° 3, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAIS) retrace les condamnations, même non définitives, d’au moins cinq ans ou de moins de cinq ans sur décision spécifique du procureur de la République, de nombreux délits à caractère sexuel et/ou sur des mineurs. Le fichier est consultable par les conseils départementaux via la préfecture (article 706-53-7 du code de procédure pénale).

Dans ces deux configurations, on constate que « les délais de consultation des casiers judiciaires et du FIJAIS sont très hétérogènes et dépendent des organisations locales au sein des autorités administratives de contrôle », comme l’a rappelé la direction générale de la cohésion sociale à la rapporteure Bénédicte Pételle ([42]).

b.   Un contrôle limité en comparaison de l’éducation nationale ou du champ « jeunesse »

Si un exercice de droit comparé dans les différents champs professionnels en contact avec les mineurs excède l’objet du présent commentaire d’article, une comparaison avec le cadre applicable au sein du ministère de l’éducation nationale, d’une part, et avec le champ « jeunesse et sport », d’autre part, permet d’éclairer les limites du cadre actuellement applicable à la protection de l’enfance.

Si les textes sont relativement plus flous pour l’éducation nationale – ils n’évoquent comme incapacité que la condamnation pour « crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs » (article L. 911-5 du code de l’éducation) – la pratique est pourtant plus stricte. Sont ainsi soumis aux contrôles les vacataires, les contractuels à chaque renouvellement de contrat, ou à défaut tous les six ans, et les fonctionnaires stagiaires avant leur titularisation. Le contrôle a lieu avant l’arrivée auprès des élèves et il porte sur le bulletin n° 2, sur le FIJAIS et sur le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). La bonne organisation du dispositif permet, d’après les informations transmises à la rapporteure par les services du Gouvernement, d’avoir une réponse en une nuit, si le casier est vierge. Si ce dernier ne l’est pas, le recrutement du candidat est repoussé de quelques jours.

Dans le champ « jeunesse » des accueils collectifs de mineurs (colonie de vacances, centre aéré, scoutisme, clubs sportifs ou culturels...), un contrôle du bulletin n° 2 et du FIJAIS est également systématique, sur un champ qui est, lui, régi par l’article L. 133-6 précité. C’est là encore la mise en œuvre qui est très différente, puisqu’une plateforme dématérialisée (système d’information relatif aux accueils de mineurs ou « SIAM » hier, système d’information « Honorabilité » depuis peu) permet ce contrôle systématisé. Lorsque le bulletin n° 2 est vierge, l’information revient ainsi à l’administration déconcentrée chargée de la requête en 48 heures. Le FIJAIS est accessible à l’administration centrale (direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – DJEPVA) de manière automatisée, cette dernière pouvant répercuter la réponse à ses services avec un courriel crypté.

II.   L’article 4 Étend la vÉrification des antÉcÉdents judiciaires À l’ensemble des personnels et bÉnÉvoles des Établissements et services de l’ASE

Le plan de lutte du Gouvernement contre les violences faites aux enfants visait dans sa mesure n° 10 à « garantir un contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels exerçant une activité au contact habituel d’enfants ». C’est dans ce sillage que s’inscrit l’article 4 du projet de loi.

● Le I modifie l’article L. 133-6 précité en deux points :

– en clarifiant le champ d’application de l’obligation de « probité » posée par cet article du code ; seraient ainsi bien visés les employés ayant une activité « permanente » ou « occasionnelle », quand bien même cette activité serait « bénévole » ;

– en précisant que le contrôle peut être réalisé aussi bien « avant l’exercice des fonctions », soit préalablement au recrutement ou au début de l’exploitation, que pendant l’exercice des fonctions ([43]) ; les modalités précises de ce contrôle sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

D’après les informations recueillies par la rapporteure auprès du Gouvernement, ce décret pourrait prévoir un renouvellement obligatoire du contrôle selon une périodicité encore difficile à définir à ce stade, mais qui pourrait être de l’ordre de ce qui existe pour les contractuels au sein de l’éducation nationale.

● Le II en fixe l’entrée en vigueur, différée de neuf mois après la publication de la loi. Ce délai vise notamment à permettre la mise en œuvre d’une plateforme automatique de contrôle, qui s’appuiera sur le récent système d’information « Honorabilité », prévu par l’arrêté du 31 mars 2021 et utilisé dans le secteur de la jeunesse et des sports, qui sera étendu au champ de la protection de l’enfance. Le coût de cette extension est évalué par l’étude d’impact du Gouvernement à 100 000 euros.

L’établissement qui ne respecterait pas ces obligations pourrait se voir refuser son autorisation ou être fermé par l’autorité de contrôle ou le préfet.

Afin de renforcer la chaine de contrôle, dix équivalents temps plein (ETP) de catégorie B pourraient être recrutés dans les services de l’État ([44]) pour un coût de 605 000 euros annuels au total. Au total, le champ de la vérification s’étendrait à deux millions de personnes à contrôler (1 100 000 professionnels et 900 000 bénévoles), ce qui place les effectifs recrutés dans le même étiage que dans le champ jeunesse (trois ETP pour un champ environ trois fois plus restreint).

III.   Les modifications apportées par la commission

Outre deux amendements rédactionnels de la rapporteure Bénédicte Pételle, la commission a adopté à l’initiative de M. Paul Christophe et de deux de ses collègues du groupe Agir ensemble un amendement visant à préciser que le contrôle des antécédents des professionnels se ferait « à intervalles réguliers », ce qui était bien l’objectif de la mesure législative et de la création d’un système d’information dédié.

*

*     *

 


Article 5
Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social

Adopté avec modifications

L’article 5 prévoit l’inscription dans le projet d’établissement ou de service dans le champ social et médico-social d’un volet spécifiquement dédié à la prévention et à la lutte contre la maltraitance.

I.   MalgrÉ le travail des acteurs, la maltraitance demeure encore trop importante dans les Établissements et services mÉdico-sociaux

A.   Un enjeu majeur pour la protection de l’enfance

1.   Les droits de l’enfant confié sont juridiquement garantis

De nombreux textes et dispositions protègent en principe les droits des enfants de toute forme de violence :

– la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 stipule notamment à son article 19 que les États parties prennent toutes les mesures pour protéger l’enfant contre « toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle » ;

– le code pénal réprime l’ensemble des violences physiques et psychologiques, sexuelles et les situations de mise en péril des mineurs ; les peines sont aggravées lorsque ces violences sont commises sur des mineurs de moins de 15 ans ;

– le code de l’action sociale et des familles consacre un chapitre entier à la protection des mineurs maltraités qui comprend notamment :

Les établissements et services de la protection de l’enfance sont par ailleurs soumis comme tout le secteur social et médico-social (cfinfra) à des règles visant à prévenir toute forme de violence, y compris la maltraitance « institutionnelle », c’est-à-dire celle qui peut être produite par la structure directement ou venant des personnels.

Le jeune est donc en principe protégé par et, le cas échéant, de l’aide sociale à l’enfance, ce qui n’empêche pas la survenance de graves dysfonctionnements.

2.   Un phénomène de maltraitance qui demeure néanmoins, y compris dans le cadre de la prise en charge

Si les études conduites, notamment autour des appels au service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED), permettent de quantifier les signalements vers la protection de l’enfance ([45]), il n’existe pas de statistiques sur les violences propres à l’accueil au sein de celle-ci. De nombreux faits et témoignages recueillis aussi bien dans un cadre institutionnel ([46]) que médiatique ont montré, en pratique, les limites des politiques de prévention et de lutte contre la maltraitance.

S’il n’est en aucune façon question ici pour la rapporteure Bénédicte Pételle de leur prêter un caractère général, ces dysfonctionnements n’en sont pas moins à chaque fois qu’ils se manifestent de lourds échecs, souvent collectifs, révélant des lacunes dans la détection, la prévention et parfois la répression d’actes d’autant plus inacceptables qu’en ont été victimes des mineurs dits « protégés ».

B.   Un enjeu qui dÉpasse le seul secteur de l’enfance

Cet écart, parfois grand dans certaines situations, entre les textes et la réalité n’est pas propre au secteur de l’enfance.

Le législateur a posé des principes généraux relatifs aux droits des usagers des établissements et services médico-sociaux :

– l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit qu’est assuré pour la personne accueillie « le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité » ;

– l’article L. 311-4 du même code prévoit qu’en vue de « prévenir tout risque de maltraitance », la personne accueillie se voit remettre une « charte des droits et libertés » ainsi que le règlement de l’établissement ou du service concerné ;

– l’article L. 331-8-1, enfin, fixe l’obligation pour les ESSMS d’informer « sans délai » les autorités administratives « de tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées » ; il faut bien sûr compter parmi ces dysfonctionnements les situations de maltraitance à l’égard des personnes accueillies ainsi que les comportements violents entre usagers ([47]) ; les dispositions réglementaires précisent que l’information peut être orale à condition d’être confirmée par écrit dans les 48 heures et qu’un formulaire est à disposition (article R. 331-8).

Enfin, le législateur a créé une instance dédiée, la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, organisme rattaché conjointement au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et au Comité national consultatif des personnes handicapées.

● Malgré ces « outils », les difficultés n’en demeurent pas moins bien réelles : en mai dernier, le Défenseur des droits rappelait qu’il avait été saisi de 900 réclamations ces six dernières années dans le champ social et médico-social et que 80 % des dossiers concernaient un établissement d’hébergement pour personnes âgées ([48]).

Le numéro national unique pour les victimes dans le secteur du handicap et de l’autonomie (39 77) a enregistré en 2020 7 212 signalements, dont 25 % étaient liés à l’accueil en ESSMS et 17 % à des professionnels exerçant en leur sein.

Ces chiffres, probablement très sous-estimés en raison des difficultés bien connues de la détection des violences et de la maltraitance, illustrent bien le chemin qui reste à parcourir.

II.   L’article 5 inscrit dans le projet d’Établissement un volet relatif À la pRÉvention et À la lutte contre la maltraitance dans l’ensemble du champ mÉdico-social

Au regard de cette situation insatisfaisante, l’article 5 fait le pari d’une approche à la fois locale et organisée des enjeux liés à la maltraitance, en impliquant à la fois les établissements et services, d’une part, et les autorités administratives, d’autre part, dans une prise en compte plus globale et plus systématique.

● Le ajoute de nouvelles dispositions au sein de l’article L. 311-8 du code de l’action sociale et des familles, qui définit actuellement le contenu du projet d’établissement ou de service social ou médico-social établi tous les cinq ans.

Ce projet contient, en l’état du droit, des éléments essentiellement techniques :

– des « objectifs en matière de coordination, de coopération et d’évaluation des activités et de la qualité des prestations » ;

– les modalités d’organisation et de fonctionnement ;

– « le cas échéant », la dispensation de soins palliatifs ;

– « le cas échéant » les mesures prises en application de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

S’y ajouterait désormais « la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance » notamment au regard de la « gestion du personnel », de la « formation » et du « contrôle ». La combinaison de ces trois éléments est décisive pour développer une véritable culture de la prévention dans tous les services et établissements qui n’en auraient pas encore.

Un « contenu minimal » doit être fixé par décret simple. Il pourrait notamment s’agir, comme l’a précisé le Gouvernement à la rapporteure Bénédicte Pételle, de la mise en place d’un protocole de repérage, d’alerte et de traitement des risques et situations de maltraitance ainsi que de formations des professionnels, décisives en cette matière. Le vocabulaire partagé de la maltraitance, élaboré dans le cadre de la démarche de consensus pilotée par la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, pourrait faire partie du contenu de ces formations, qui seraient en tout état de cause soumises à un cahier des charges défini par voie réglementaire.

● Le intègre cette dimension au sein du schéma départemental d’organisation « enfance » prévu à l’article L. 312-4 ([49]).

Le schéma applicable doit ainsi définir une « stratégie de maîtrise des risques de maltraitance » intégrant des « recommandations sur l’identification des risques de maltraitance, la prévention et le traitement des situations de maltraitance et les modalités de contrôle de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement par ces établissements et services ».

Il reviendrait ainsi aux conseils départementaux et aux préfets de compléter ces documents stratégiques en ce sens. La mesure s’appliquerait aux 2 320 établissements de ce secteur autour de trois axes, précisés par le Gouvernement à la rapporteure :

– « une identification des risques de maltraitance, qui doit s’effectuer au regard du vocabulaire partagé de la maltraitance et transversal aux publics mineurs et majeurs ;

« – un protocole de réponse adaptée incluant un traitement systématique des faits de maltraitance ;

« – une politique de prévention des risques. » ([50])

Une instruction sur les circuits de signalement des événements indésirables graves pourrait également conduire à préciser et actualiser les circulaires actuelles. Enfin, un référentiel d’évaluation de la qualité de l’accompagnement des établissements et services médico-sociaux, intégrant des indicateurs relatifs à la prévention et la lutte contre la maltraitance, devrait voir le jour en 2022.

Des moyens seront également mis en œuvre par l’État pour financer via la contractualisation une partie des contrôles des établissements et services ainsi qu’un module de formation des professionnels assuré par l’École des hautes études en santé publique (EHESP).

Si cette disposition ne concerne pas tout le champ médico-social à ce stade, le Gouvernement a précisé qu’une mesure similaire était en préparation dans le périmètre de l’autonomie.

● En l’absence de dispositions spécifiques, la mesure pourrait entrer en vigueur au lendemain de la publication de la loi, sous réserve de la publication du décret fixant le contenu minimal du volet « prévention et lutte contre la maltraitance » du projet d’établissement et de service. L’intégration de ces éléments suivra par ailleurs le cycle de renouvellement des projets et des schémas (tous les cinq ans), étant entendu que certains établissements et services ont déjà adopté des dispositions proches de ces nouvelles exigences ([51]).

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article, moyennant deux amendements :

– un premier, adopté à l’initiative de Mme Annie Vidal et des membres du groupe La République en Marche, après avoir recueilli l’avis favorable de la rapporteure Bénédicte Pételle et du Gouvernement, vise à ce que le projet d’établissement ou de service dans son nouveau volet « maltraitance » soit réalisé « au regard du vocabulaire partagé établi par la Commission nationale pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance » ;

– deux amendements identiques de la rapporteure Bénédicte Pételle ainsi que de Mme Perrine Goulet et des membres du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et apparentés, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement, qui prévoient que le décret identifie une autorité extérieure et indépendante du service ou de l’établissement qui pourrait devenir un véritable référent pour les jeunes concernés en cas de maltraitance et définit les modalités de diffusion de l’information disponible dans les établissements.

*

*     *

 


Article 6
Référentiel national pour le traitement des situations de dangers

Adopté sans modification

L’article 6 prévoit l’utilisation d’un référentiel national fixé par voie réglementaire après avis de la Haute Autorité de santé en matière d’évaluation des informations préoccupantes.

I.   Un traitement des informations prÉoccupantes fondamentalement dÉpartementalisÉ

1.   Le traitement des informations préoccupantes, compétence départementale

a.   Le principe

Ainsi que le rappelle Sylvie Bernigaud, spécialiste du droit de la famille, « l’exercice des missions dévolues aux présidents des conseils départementaux [en matière de protection des mineurs] a pour point de départ les informations préoccupantes » ([52]). De fait, le conseil départemental, depuis la décentralisation et de manière encore plus nette depuis la loi du 5 mars 2007 ([53]), est en principe la « tour de contrôle » des informations relatives aux mineurs en danger : d’une part, l’ensemble des professionnels concernés ont l’obligation de prévenir le président du conseil départemental « sans délai » (article L. 221-6 du code de l’action sociale et des familles), d’autre part, il lui revient d’organiser le recueil, l’évaluation et la répercussion de ces informations (articles L. 221-1 et L. 226-3 du même code).

b.   La méthode

Si l’origine de l’information peut être diverse (institutions, numéro 119 géré par le SNATED, professionnels, parquet, services...), la loi prévoit son évaluation avant toute intervention.

Cette question de l’évaluation a été fortement débattue et précisée dans le sillage de la loi du 14 mars 2016 ([54]), qui a conduit à formaliser à l’article L. 226-3 précité que l’évaluation devait être faite par « une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet ». Le pouvoir réglementaire a précisé que l’équipe doit comprendre au moins deux professionnels travaillant dans les domaines « de l’action socio-éducative, de l’action sociale, de la santé ou de la psychologie ». Les membres de l’équipe doivent en principe être formés « aux méthodes de l’évaluation des situations individuelles » et s’appuyer sur des « outils et cadres de référence définis et partagés au sein du conseil départemental et au niveau national » (article D. 226-2-5 du code de l’action sociale et des familles).

Outre cette précision sur le personnel qui doit être mobilisé par le conseil départemental, le pouvoir réglementaire a donné une définition de l’information préoccupante dès 2013 : est préoccupante l’information sur un mineur qui peut « laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être » (article R. 226-2-2).

L’évaluation de cette information vise quant à elle à « apprécier le danger ou le risque de danger au regard des besoins et des droits fondamentaux, de l’état de santé, des conditions d’éducation, du développement, du bien-être et des signes de souffrance éventuels du mineur ». Elle n’a en revanche « pas pour objet de déterminer la véracité des faits allégués », qui est l’objet de l’évaluation réalisée par les services de l’ASE ou du juge, s’il est saisi (II de l’article D. 226-2-3).

La cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CRIP) ([55]) doit ainsi raisonner en trois temps (dispositions du III du même article) :

1°Y a-t-il un danger ou un risque de danger ?

2°Les parents ou autres titulaires de l’autorité parentale peuvent-ils y répondre ?

3°Les aides et soutiens de la famille sont-ils suffisants ?

Répondre à ses questions suppose d’interroger le mineur et ses parents (IV du même article). Si cette rencontre n’est pas possible, la saisine du juge est « automatique ».

c.   Le résultat

Même si l’évaluation ne peut durer plus de trois mois, l’évaluation de l’information se fait sans préjudice d’une éventuelle saisine parallèle du juge si la situation le justifie (article D. 226-2-4).

Un rapport est établi à l’issue de l’évaluation avec une conclusion univoque sur l’existence d’un danger et les solutions possibles (classement sans suite, propositions d’action, saisine de l’autorité judiciaire), même s’il peut faire apparaître les éventuelles divergences entre professionnels (article D. 226-2-7).

2.   Des pratiques excessivement hétérogènes alors qu’un référentiel scientifique existe

a.   Des réalités et pratiques hétérogènes

● Malgré le niveau de précision – peu commun s’agissant d’une politique décentralisée – dans lequel est entré le pouvoir réglementaire depuis 2016, l’hétérogénéité semble demeurer la règle, comme en témoignent les chiffres cités dans le très riche rapport public thématique de la Cour des comptes ([56]) consacré à la protection de l’enfance :

– les moyens humains demeurent extrêmement variables d’un département à l’autre (douze agents à Paris, un agent dans l’Indre) ;

– la progression du nombre d’informations préoccupantes est très différente sans que l’on comprenne toujours pourquoi (+ 2,5 % dans la Nièvre, + 40 % dans les Hautes-Alpes et la Seine-Maritime depuis 2016) ;

– dans certains départements, les informations sont principalement d’origine interne (Maine-et-Loire, Nièvre, Val-d’Oise), dans d’autres externe et liée à une institution en particulier (l’éducation nationale par exemple dans les Bouches-du-Rhône, la Loire-Atlantique et la Nièvre, les signalements anonymes dans l’Aisne, les signalements par la famille ou le mineur lui-même comme en Haute-Garonne) ; dans les Bouches-du-Rhône, les signalements du parquet sont 12 points au-dessus de la moyenne nationale :

– le taux de classement sans suite est également très variable, de 11 % dans la Nièvre à 40 % dans le Tarn-et-Garonne ;

– le délai de trois mois est inégalement respecté, certains départements le respectant systématiquement (Charente, Haute-Vienne, Landes, Loire-Atlantique), quand d’autres le dépassent soit de manière fréquente (Bouches-du-Rhône) soit de manière très marquée (plus de 200 jours dans le Val‑d’Oise et quatre à huit mois de délai dans les Deux-Sèvres).

● Si toutes ces hétérogénéités s’expliquent probablement par divers facteurs (moyens fournis, implantation et notoriété des CRIP...), la question des méthodes employées se pose également au-delà de la méthodologie définie par le pouvoir réglementaire.

Interrogée sur ces pratiques départementales, l’administration a précisé à la rapporteure qu’il n’y avait « pas de recensement exhaustif sur les outils déployés en matière d’évaluation des situations de danger » et pointé que si « certains départements se sont dotés d’outils (référentiel "ESOPPE", méthode "ALFOLDI", protocoles développés en interne...) et y ont formé leurs professionnels », cette pratique n’était toujours pas la norme, ce qui constitue un premier facteur de disparité. Par ailleurs, même lorsque le référentiel existe dans un département, il est lui-même un facteur de variation entre territoires dès lors qu’il n’est pas le même d’un département à l’autre.

Dans son avis 8‑2017, le Conseil national de la protection de l’enfance proposait déjà d’harmoniser au niveau national l’évaluation des informations préoccupantes, en s’appuyant sur les départements qui avaient déjà développé un référentiel.

b.   La recommandation de la Haute Autorité de la santé

● L’attente d’un référentiel national a été comblée par la publication des recommandations de bonnes pratiques Évaluation de la situation des enfants en danger ou risque de danger : cadre national de référence le 20 janvier 2021 ([57]), qui faisait suite à une demande du secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Prenant acte de l’hétérogénéité des pratiques pouvant conduire à une inégalité de traitement des enfants et adolescents, ce cadre de référence poursuit un double objectif :

– l’amélioration de « la qualité de l’évaluation des informations préoccupantes pour faciliter la prise de décision sur les suites à donner » ;

– l’harmonisation « [d]es pratiques sur l’ensemble du territoire pour permettre une équité de traitement pour les enfants/adolescents et leurs familles sur le territoire national ».

Ce cadre s’adresse prioritairement aux professionnels des CRIP, ainsi qu’à « tous les professionnels et institutions qui contribuent au dispositif de recueil et de traitement des informations préoccupantes » afin qu’ils disposent d’outils communs.

Le cadre de référence se décline en trois volets :

– la gouvernance globale du dispositif de recueil de traitement des informations préoccupantes à l’échelle d’un département (livret 1) ;

– le circuit de recueil et de traitement des informations préoccupantes (livret 2) ;

– le guide d’accompagnement à l’évaluation (livret 3).

Le cadre de référence est enfin complété par une « boîte à outils », présentant notamment des conseils pour les entretiens, des courriers d’information à destination des parents...

● Le livret 1 formalise l’organisation du dispositif départemental consacré aux informations préoccupantes, en lien avec les partenaires du territoire et les autres conseils départementaux. Il est ainsi recommandé de :

– formaliser les rôles et la formation de professionnels au sein du conseil départemental ; la Haute Autorité de santé (HAS) insiste sur l’importance de la formation et de l’accompagnement, notamment par la sollicitation des personnes ressources, des nouveaux professionnels de la CRIP et de l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation ;

– développer des relations avec les partenaires du territoire, ce qui comprend notamment leur identification et l’élaboration d’outils de communication afin de faire connaître ce dispositif au grand public ;

– instituer la gouvernance globale du dispositif via des rencontres a minima annuelles entre les acteurs y participant et une évaluation tous les cinq ans ;

– construire des relations entre conseils départementaux à travers des rencontres annuelles entre professionnels exerçant sur divers territoires ou une systématisation du contact lorsque les deux parents vivent dans un département différent.

● Le livret 2 prévoit le circuit de recueil et de traitement des informations préoccupantes.

Il s’agit d’harmoniser le circuit de recueil et de traitement des informations préoccupantes. La HAS identifie deux étapes déterminantes :

– en premier lieu, le recueil de l’information préoccupante et la première analyse ; il apparaît essentiel de mettre en place un outil unique de recueil, ainsi qu’un outil de suivi, des informations préoccupantes ; la HAS préconise l’analyse des situations à partir d’une même grille d’analyse, qu’elle détaille (faits, origine et nature des informations, facteurs de risques identifiés, ressources repérées au sein de la famille et de l’entourage) ;

– en second lieu, l’évaluation de la situation, sa caractérisation en termes de danger et les préconisations ; la HAS insiste particulièrement sur l’aspect participatif de la procédure et rappelle l’importance de l’échange et de la première rencontre. Il est ainsi recommandé d’interroger et de formaliser le point de vue des parents et de l’enfant et de rencontrer ce dernier seul sous réserve de son accord. Au cours de l’évaluation, contacter les personnes ressources identifiées dans l’entourage de l’enfant et effectuer des visites à domicile, « autant que nécessaire », figurent également dans les préconisations de la HAS.

● Le livret 3, enfin, prévoit le guide d’accompagnement à l’évaluation.

Cette « base méthodologique d’intervention commune, centrée sur les besoins fondamentaux de l’enfant/adolescent » vise à soutenir les évaluateurs en leur permettant de structurer la démarche de réflexion et en leur apportant des repères sur les éléments à interroger. Il détaille ainsi des facteurs de risque et des signes d’alerte (alimentation, comportement, fugues...).

II.   L’article 6 gÉnÉralise l’emploi du rÉfÉrentiel national en matiÈre d’informations prÉoccupantes

● Le I précise à l’article L. 226-3 précité relatif aux informations préoccupantes que l’évaluation de celles-ci se fait non seulement par une équipe pluridisciplinaire formée mais selon un référentiel national « défini par décret après avis de la Haute Autorité de santé ».

Si juridiquement, c’est bien le pouvoir réglementaire qui sera in fine responsable via le décret, il s’agit à l’évidence, au moins dans un premier temps, de rendre applicable sur l’ensemble du territoire le référentiel réalisé par la HAS.

Cette nouvelle obligation conduira à harmoniser les pratiques dans l’ensemble des territoires autour d’une référence scientifique, le référentiel ayant bien vocation à être préparé matériellement par la HAS.

Il s’agirait bien entendu dans un premier temps du référentiel déjà disponible depuis janvier 2021, au niveau de la HAS. Dans un souci de cohérence, le II ajoute ce nouvel avis aux seize missions de la Haute Autorité ([58]) prévues à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale.

● Aucune mesure spécifique d’entrée en vigueur n’étant prévue, cette nouvelle obligation entrerait en vigueur au lendemain de la publication de la loi, conformément à l’article 1er du code civil.

● Interrogée sur les conséquences d’une inapplication de ce référentiel, la direction générale de la cohésion sociale a précisé qu’aucune sanction n’était encourue, si ce n’est une perte d’harmonisation des évaluations. Un comité de suivi piloté par la Haute Autorité devrait en revanche évaluer en continu la mise en œuvre de la mesure dans les départements, ce qui devrait permettre d’identifier d’éventuels blocages.

Convaincue de la qualité intrinsèque du travail de la Haute Autorité, la rapporteure s’en remet donc au travail de diffusion, de formation et à la qualité intrinsèque du référentiel pour que celui-ci prenne sa pleine mesure.

Elle souhaite insister sur l’importance de la formation des professionnels, qui pourrait passer par un webinaire en préparation avec l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ). Ces formations doivent être répercutées aussi largement que possible avec l’aide du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour faire du référentiel l’outil privilégié de tous les acteurs.

*

*     *


   TITRE III
AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Article 7
Recours à la collégialité en matière d’assistance éducative

Adopté avec modifications

Le présent article vise à permettre au juge des enfants qui le souhaite de mettre en œuvre un renvoi à une formation collégiale, renvoi justifié par la complexité particulière de l’affaire qui lui est soumise.

I.   Le droit en vigueur : la compétence du juge des enfants en matière de mesures de protection de l’enfance

A.   Un ordre de juridiction spécifique...

Inscrit au cœur de la compétence du tribunal des enfants telle que définie par l’article L. 2511 du code de l’organisation judiciaire, le juge des enfants est le président du tribunal et dispose, pour l’assister dans son office, de plusieurs assesseurs.

Ceux-ci, nommés par le garde des sceaux pour quatre ans, doivent être des personnes âgées « de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l’intérêt qu’elles portent aux questions de l’enfance et par leurs compétences » ([59]).

Le champ de compétence du juge des enfants relève, quant à lui, du code civil. Il est ainsi :

– compétent pour tout ce qui concerne l’assistance éducative ([60]) ;

– susceptible de mettre en œuvre toute mesure d’assistance éducative à sa main dans le sens de l’intérêt de l’enfant. Ces mesures relèvent notamment d’un « accueil » auprès d’un autre membre de la famille, d’un tiers digne de confiance, au service départemental de l’aide sociale à l’enfance ou encore à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ([61]).

Compte tenu de la sensibilité particulière des mesures que le juge des enfants est susceptible de prendre, particulièrement au regard de la complexité singulière de certaines affaires qu’il doit traiter, il est particulièrement handicapant qu’aucune disposition légale ne lui permette de renvoyer, en fonction de sa seule appréciation, ce type d’affaires à une formation collégiale.

B.   ... Auquel répond une organisation prévoyant l’unicité du juge

À la différence d’autres ordres de juridiction, dont notamment le tribunal judiciaire, le juge des enfants constitue une formation à juge unique. En cela, il se rapproche du juge des affaires familiales, mais ce dernier, en application de l’article L. 213‑4 du code de l’organisation judiciaire, à la possibilité de renvoyer une affaire à la formation collégiale du tribunal, notamment en matière de divorce ou de séparation de corps.

S’agissant des mesures d’assistance éducative, le code de procédure civile, dans ses articles 1182 à 1187, sépare l’action du juge en deux phases :

– l’instruction du dossier, pendant laquelle le juge procède à l’audition des parties (père, mère, gardien, enfant capable de discernement) et ordonne si nécessaire des mesures d’investigation et/ou un accueil provisoire de l’enfant pour une durée de six mois pouvant être renouvelée une fois. En cas d’accueil provisoire en vertu d’une urgence particulière et dûment motivée, le juge peut prendre des mesures de protection ou d’investigation sans audition préalable, sous réserve de l’organisation d’une audience dans les quinze jours qui suivent la mesure d’accueil provisoire ;

– après transmission du dossier pour avis au procureur de la République s’ouvre la phase d’audience et de jugement, au cours de laquelle, le plus souvent, un jugement sur le fond est rendu à l’issue des auditions des parties.

Selon Laurent Gebler, et même si cela n’est pas précisé au stade du présent article, la possibilité de renvoi à une formation collégiale devrait intervenir de manière privilégiée au moment des audiences sur le fond, qu’elles interviennent à l’issue des mesures provisoires ou à l’occasion de la reconduction d’un jugement antérieur ([62]).

II.   Le droit proposé : une ouverture procédurale dans le sens d’une meilleure administration de la justice

A.   Une « bonne pratique »

Le du présent article prévoit l’ouverture au juge des enfants de la faculté, en matière d’assistance éducative, soit le cœur de son office, d’ordonner le renvoi de l’affaire à une formation collégiale du tribunal judiciaire. Celle-ci :

– statue comme juge des enfants ;

– est présidée par le juge saisi de l’affaire.

Concrètement, la rédaction retenue, qui crée un nouvel article L. 252‑6 dans le code de l’organisation judiciaire, ne limite pas la composition de la collégialité en assistance éducative à trois juges des enfants et permet une formation composée par d’autres magistrats.

Annoncée dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, cette mesure vise avant tout l’amélioration de l’administration de la justice dans des matières parfois particulièrement sensibles.

Cette nouvelle disposition permettra en outre d’éviter les pratiques de collégialité actuellement développées sur une base juridique peu sûre. Les auditions ont permis ainsi de mettre en valeur le développement par le tribunal de Bordeaux de pratiques collégiales entre les juges des enfants ayant produit des effets vertueux dans l’office des juges concernés.

S’agissant de l’amélioration du droit des justiciables, le temps consacré à la mise en œuvre du délibéré permet de garantir à ces derniers des décisions dotées d’une plus grande autorité, alors que les juges uniques n’y consacrent souvent qu’une période restreinte, selon l’étude d’impact.

B.   Une attention À apporter aux modalités pratiques

1.   Permettre la mise en œuvre de la collégialité y compris dans les petites juridictions

La pratique de la collégialité suppose que le juge concerné puisse mobiliser ses collègues dans un délai compatible avec l’urgence qui peut parfois s’attacher aux sujets complexes.

En particulier, il existe, toujours selon l’étude d’impact, vingt‑quatre tribunaux judiciaires ne comportant qu’un seul juge des enfants, pour lesquels la convocation d’une formation collégiale pourrait se heurter à des considérations pratiques fortes et priver les justiciables d’une pratique harmonisée de gestion des affaires complexes sur l’ensemble du territoire.

À ce titre, la rédaction retenue présente plusieurs avantages :

 elle permet au président du tribunal, en fonction des ressources disponibles et de la disponibilité des magistrats, de désigner comme assesseurs soit deux autres juges des enfants (pour les juridictions ayant plusieurs juges des enfants), soit deux autres magistrats du tribunal (pour les juridictions de petite ou moyenne taille). À ce titre, la rapporteure a pu constater au cours de ses auditions qu’un certain nombre de magistrats, anciens juges des enfants, pourraient utilement intégrer la formation collégiale. Par ailleurs, les attributions des juges aux affaires familiales, ainsi que leurs relations régulières avec les juges des enfants, doivent également permettre la bonne mise en œuvre de la faculté ouverte ici au juge des enfants ;

– elle permet également d’« aligner » la formation collégiale du juge des enfants statuant en matière civile sur les modèles déjà existants dans le code de l’organisation judiciaire, notamment pour le juge aux affaires familiales.

Ces possibilités éloignent d’autant le risque d’un contentieux accru du fait de l’impossibilité pour les juges des enfants dans les petites juridictions de pouvoir recourir à des formations collégiales.

Pour autant, selon votre rapporteure, imposer cette collégialité n’aurait pas de sens non plus. Source de complexité excessive et de lourdeur, elle risquerait de maintenir les justiciables pendant une durée indéterminée dans l’attente de la décision du juge des enfants.

À cet égard, la rédaction retenue par le présent article est donc équilibrée.

2.   Concilier collégialité et urgence

La rapporteure tient de ses échanges avec le Gouvernement que les modalités du recours à la collégialité, la fixation d’un délai de renvoi à la formation collégiale, ainsi que le stade de la procédure où la décision de renvoi intervient seront définis par décret en Conseil d’État.

Ces précisions réglementaires doivent permettre de concilier les situations d’urgence, qui vont souvent de pair avec la « particulière complexité » d’une affaire auquel renvoie le présent article, et l’amélioration de la décision par les échanges entre magistrats.

En vertu de l’actuel article 1184 du code de procédure civile, le traitement des mineurs en urgence, en matière d’assistance éducative, suppose une audience dans les quinze jours suivant l’ordonnance d’accueil provisoire, lorsque le juge a dû recourir à cette mesure. Il conviendra donc, dans ces cas précis, de prévoir la convocation de la formation collégiale dans un délai plus court.

S’agissant enfin de la caractérisation de la particulière complexité de l’affaire, cette notion renvoie à des pratiques existantes en matière de procédure pénale ([63]).

C.   Une consÉquence rédactionnelle

En cohérence, le du présent article prévoit la distinction, au sein du code de l’organisation judiciaire, entre une première section comprenant les articles L. 252‑1 à L. 252‑5, relative à l’institution et à la compétence du tribunal des enfants, tandis qu’une seconde section, uniquement composée du nouvel article L. 252‑6, est intitulée « Organisation et fonctionnement ».

III.   Les modifications apportÉes par la commission

À l’initiative de M. Didier Martin et des membres du groupe La République en Marche, la commission a adopté, avec avis favorable de la rapporteure Bénédicte Pételle et avis de sagesse du Gouvernement, un amendement précisant que le recours à une formation collégiale pouvait intervenir à tout moment de la procédure.

 

*

*     *

Article 8
Renforcement de l’information du juge

Adopté avec modifications

Le présent article vise à améliorer les modalités d’information du juge en cas de modification du lieu de placement d’un mineur par l’autorité administrative.

I.   Le droit en vigueur : une information du juge contrainte par deux exceptions

A.   L’obligation d’information du juge

L’inscription d’une obligation d’information du juge à l’article L. 223-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF) est issue de la loi de 2016 ([64]), dernière grande loi en date au sujet de la protection des enfants.

L’ambition de l’auteure de la proposition de loi initiale, la sénatrice Michelle Meunier, était « d’éviter les ruptures injustifiées de prise en charge des enfants protégés » ([65]), en conditionnant initialement la modification du lieu d’accueil d’un enfant confié depuis plus de trois ans à la même famille ou au même établissement d’accueil, lorsqu’elle est envisagée unilatéralement par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), à l’avis du juge qui est à l’origine de la mesure de placement.

Il s’agissait de limiter les possibilités de changement du lieu d’accueil, parfois motivées par des considérations extérieures à l’intérêt supérieur de l’enfant.

En effet, en dépit des conséquences qu’une décision de modification du lieu de placement peut avoir sur le développement de l’enfant accueilli, la stricte application du principe de subsidiarité commande la pleine souveraineté des services départementaux dans ce choix. C’est dans cette perspective que le Sénat avait modifié la rédaction initiale de la proposition de loi, substituant une obligation d’information à une obligation de consultation.

B.   Des exceptions qui paraissent peu justifiées

L’article L. 223-3 tel qu’issu de la loi de 2016 précitée prévoit donc aujourd’hui, dans son second alinéa, une procédure d’information du juge par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance quand il envisage de modifier le lieu de placement de l’enfant.

Cette information doit intervenir a priori, à savoir dans un délai d’un mois avant la mise en œuvre de la décision.

Cette obligation d’information connaît toutefois aujourd’hui deux exceptions :

– l’urgence ;

– la modification du lieu de placement d’un enfant de plus de 2 ans, lorsque ce dernier a été confié pendant moins de deux ans à une même personne ou à un même établissement, dès lors que cette modification a été prévue dans le projet pour l’enfant.

Ces exceptions, adoptées au cours du débat parlementaire qui avait déjà permis d’étendre largement les obligations d’information au fil des lectures successives, avaient été prévues notamment pour éviter que l’obligation d’information ne bloque excessivement le fonctionnement des services de l’ASE. Cette prévention n’a plus lieu d’être aujourd’hui.

II.   Le droit proposé : un renforcement de l’information du juge

En conséquence, le présent article prévoit de supprimer les exceptions au régime d’information du juge, auquel il substitue uniquement la suppression de la condition de prévenance du juge au moins un mois avant la mise en œuvre de la mesure, en cas d’urgence.

Cette modification entraîne certes une contrainte supplémentaire pour les services départementaux, qui devront désormais prévenir le juge en toute hypothèse, y compris dans les cas complexes qui justifient une modification en urgence du lieu de placement.

Pour autant, la transmission de cette information n’est soumise à aucun formalisme et pourra donc intervenir par courriel ou par téléphone par exemple.

Il en ressort que la généralisation de l’information du juge des enfants prévue à cet article ne rendra pas plus difficile la modification du lieu de placement.

III.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative de Mme Perrine Goulet et plusieurs de ses collègues, la commission a adopté un amendement visant à instituer une limite au délai d’information du juge en cas de modification du lieu de placement en urgence par les services départementaux.

En outre, l’amendement prévoit que le service justifie toute modification du lieu de placement et que, en cas de séparation d’une fratrie due à une telle modification, le service le justifie et fait part de cette justification au juge, là encore dans un délai de quarante-huit heures.

 

 


   TITRE IV
AMÉLIORER L’EXERCICE DU MÉTIER D’ASSISTANT FAMILIAL

Articles 9, 10 et 11
Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

Adoptés avec modifications

Les articles 9 à 11 visent à moderniser les conditions d’exercice du métier d’assistant familial.

L’article 9 sécurise le métier d’assistant familial en le rendant financièrement moins précaire, grâce notamment à l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC mensuel.

Il rend également cette rémunération moins aléatoire, en fixant l’indemnité en cas de suspension de l’agrément au niveau du salaire, et en créant une nouvelle indemnité en cas d’accueil d’un nombre d’enfant inférieur à celui prévu par le contrat de travail.

Enfin, il précise les conditions du cumul d’employeurs par un même assistant familial.

L’article 10 modernise la gestion des agréments des assistants familiaux, afin de garantir la sécurité de l’accueil. Il crée notamment un fichier national réunissant ces agréments.

L’article 11, dans sa version initiale, permet aux assistants familiaux de différer leur départ en retraite afin d’accompagner jusqu’à sa majorité un enfant accueilli. La commission a remplacé cette référence à la majorité de l’enfant par une référence à ses vingt-et-un ans.

Les articles 9, 10 et 11 visent à moderniser le métier d’assistant familial, alors que les dispositions législatives qui le régissent n’ont pas évolué depuis 2005.

Ces trois articles constituent une traduction concrète de l’un des objectifs majeurs de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance pour 2020-2022  Moderniser et soutenir les conditions de travail et d’exercice des assistants familiaux et des lieux de vie et d’accueil »). Ils sont en grande partie issus des réflexions du groupe de travail sur l’amélioration du statut des assistants familiaux, piloté par le Gouvernement, qui a réuni les représentants des employeurs et des assistants familiaux. Lors des auditions conduites par la rapporteure, l’insuffisante présence des représentants des départements lors de ces discussions a été regrettée.

Les assistants familiaux, plus communément appelés « famille d’accueil », sont un pilier du fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance dans notre pays. Ils accueillent aujourd’hui près de la moitié des enfants placés (et 63 % des enfants de moins de 10 ans). Pourtant, cette profession peine aujourd’hui à recruter, tant elle est difficile et insuffisamment valorisée.

Ces trois articles répondent à plusieurs objectifs :

– tout d’abord, sécuriser le métier d’assistant familial et le rendre davantage attractif, en apportant de nouvelles garanties relatives aux rémunérations (article 9) ;

– ensuite, renforcer encore la sécurité de l’accueil, en modernisant la politique de gestion des agréments (article 10) ;

– enfin, faire prévaloir l’intérêt de l’enfant et éviter les ruptures de prise en charge, en permettant aux assistants familiaux de différer leur départ en retraite afin d’accompagner un enfant accueilli jusqu’à sa majorité (article 11).

I.   Un métier insuffisamment valorisé

Les assistants familiaux sont soit directement embauchés par le département soit employés par l’intermédiaire d’associations habilitées à cet effet. Selon les informations communiquées par la DREES, s’il n’existe pas d’estimations précises du nombre d’assistants familiaux employés par les services associatifs habilités, ils représenteraient entre 10 % et 15 % des effectifs totaux d’assistants familiaux.

La loi distingue ainsi expressément le statut des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public et celui des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé, tout en précisant que les assistants familiaux employés par le département ou par un établissement public sont des agents non titulaires de la fonction publique (articles L. 422-6 et L. 422-7 du code de l’action sociale et des familles).

Selon les chiffres transmis par le Gouvernement à la rapporteure Bénédicte Pételle, plus récents que ceux de l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, au 31 décembre 2019, 52 000 agréments d’assistants familiaux sont en cours de validité en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (y compris Mayotte), dont environ 1 500 agréments mixtes, c’est-à-dire cumulant agrément d’assistant maternel et agrément d’assistant familial.

Le nombre d’enfants pouvant être accueilli est de l’ordre de 2,1 par agrément en moyenne (2,1 pour les agréments d’assistant familial seul et 1,5 pour les agréments mixtes), soit une capacité théorique d’accueil comprise entre 109 000 et 110 000 jeunes. Cette capacité reste toutefois théorique, puisqu’un agrément en cours de validité ne signifie pas que l’assistant familial concerné est encore en activité ni qu’il accueille autant d’enfants que son agrément le lui permet.

A.   Une professionnalisation engagée avec la loi du 27 juin 2005

Longtemps pratiquée sans aucun encadrement juridique, la fonction de famille d’accueil pour enfants en difficulté a été organisée par une première loi (n° 77‑505) du 17 mai 1977 relative aux assistantes maternelles puis par la loi n° 92‑642 du 12 juillet 1992 relative aux assistants maternels et assistantes maternelles et modifiant le code de la famille et de l’aide sociale.

S’ils étaient jusqu’alors désignés par la loi comme des « assistants maternels permanents » et relevaient du même cadre juridique que les assistants maternels, la loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux a clairement différencié ce métier de la garde d’enfant ponctuelle.

L’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) définit désormais l’assistant familial comme la personne qui, moyennant rémunération, accueille « habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile ». Il précise que l’assistant familial constitue, avec l’ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d’accueil. Son activité s’insère dans un dispositif de protection de l’enfance, un dispositif médico-social ou un service d’accueil familial thérapeutique.

1.   L’agrément

La loi définit les modalités d’agrément et de formation des assistants familiaux, afin de professionnaliser l’accueil des enfants et d’en garantir la sécurité et la qualité.

Elle dispose ainsi que les conditions d’accueil doivent garantir la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, « en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne » (article L. 421-3 du CASF).

L’agrément de l’assistant familial, accordé par le président du conseil départemental, précise le nombre d’enfants qu’il est autorisé à accueillir : le nombre des mineurs accueillis à titre permanent et de façon continue ne peut être supérieur à trois, y compris les jeunes majeurs. Toutefois, le président du conseil départemental peut, si les conditions d’accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l’accueil de plus de trois enfants pour répondre à des besoins spécifiques (article L. 421-5 du CASF).

La décision d’agrément du président du conseil départemental est notifiée dans un délai de quatre mois à compter de la demande. À défaut de notification d’une décision dans ce délai – qui peut être prolongé de deux mois – l’agrément est réputé acquis. En revanche, si les conditions de l’agrément cessent d’être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d’une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l’agrément ou procéder à son retrait. En cas d’urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l’agrément. Tant que l’agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié à l’assistant familial. Si ce dernier n’est pas salarié du département, le président du conseil départemental doit informer son employeur du retrait, de la suspension ou de la modification du contenu de l’agrément (article L. 421-6 du CASF).

2.   La formation

La loi de 2005 précitée et le décret n° 2005-1772 du 30 décembre 2005 relatif à la formation des assistants familiaux et instituant le diplôme d’État d’assistant familial ont considérablement renforcé les obligations de formation des assistants familiaux, en imposant :

– un stage de soixante heures en amont de l’accueil du premier enfant confié à un assistant familial ;

– une formation de deux cent quarante heures qui doit être suivie dans un délai de trois ans après le premier contrat de travail suivant l’agrément. Cette formation peut déboucher sur un diplôme d’État, bien que cela ne soit pas une condition de l’agrément.

3.   Le contrat d’accueil

Un contrat d’accueil distinct du contrat de travail et annexé à celui-ci doit être conclu entre l’assistant familial et son employeur pour chaque mineur accueilli. Son rôle a été renforcé par la loi de 2005, afin, notamment, de renforcer le rôle éducatif du responsable de la famille d’accueil.

Ce document constitue le support d’une forme de projet pédagogique. Il recense donc toutes les informations connues sur l’enfant et précise les objectifs du placement (conditions d’arrivée et de départ de l’enfant, soutien éducatif, modalités d’information de l’assistant familial sur la situation de l’enfant, modalités selon lesquelles l’assistant familial participe à la mise en œuvre et au suivi du projet individualisé pour l’enfant, exercice des actes usuels de l’autorité parentale, modalités de remplacement temporaire à domicile de l’assistant familial).

Le contrat précise notamment si l’accueil du mineur est :

– continu, c’est-à-dire pour une durée supérieure à quinze jours consécutifs, y compris les jours d’accueil en internat scolaire ou dans un établissement ou service médico-social ou de formation professionnelle, ou pour une durée supérieure à un mois lorsque l’enfant n’est pas confié les samedis et dimanches ;

– ou, au contraire, intermittent.

4.   Un rapprochement avec le droit commun du travail

La loi de 2005 précitée a permis un rapprochement du statut juridique des assistants familiaux du droit commun du code du travail sur quelques aspects.

Elle a notamment :

– introduit une obligation d’établir un contrat de travail écrit ;

– redéfini les modalités de fin de contrat de travail ;

– mieux encadré la durée du travail ;

– introduit un droit à congés.

Les droits à congés des assistants familiaux

Aux termes des articles L. 423-33 et D. 423-26 du CASF, les assistants familiaux ne peuvent se séparer des enfants qui leur sont confiés pendant les repos hebdomadaires, jours fériés, congés annuels, congés d’adoption, de formation ou pour événements familiaux sans l’accord préalable de leur employeur.

La décision de l’employeur est fondée sur la situation de chaque enfant, en fonction, notamment, de ses besoins psychologiques et affectifs et des possibilités de remise à sa famille naturelle.

Toutefois, sous réserve de l’intérêt de l’enfant, l’employeur doit autoriser l’assistant familial qui en a effectué la demande écrite à se séparer simultanément de tous les enfants accueillis pendant au moins vingt et un jours dont au minimum douze jours consécutifs. La demande de l’assistant familial doit parvenir à son employeur au plus tard trois mois avant le premier jour de congé sollicité.

L’employeur doit alors organiser les modalités de placement de ces enfants.

B.   Une fonction en perte d’attractivitÉ

Le recrutement d’assistants familiaux est de plus en plus difficile, en raison des freins inhérents à ce métier et en particulier de son impact pour l’ensemble du cercle familial et, plus généralement, pour la vie privée de la personne.

Le rapport d’évaluation de la loi de 2005 réalisé par le Gouvernement en août 2012 ([66]) constatait d’ailleurs que cet accueil est jugé de plus en plus difficile par les professionnels concernés : « les enfants "placés" sont aussi jugés "de plus en plus difficiles", la gestion des relations avec les parents apparaît plus lourde qu’auparavant, dans le contexte des lois récentes encourageant le maintien de liens avec les parents et la recherche du retour de l’enfant dans sa famille ». Les personnes auditionnées par la rapporteure Bénédicte Pételle ont fait état du même constat quant à l’évolution du profil des enfants accueillis, facteur d’une charge de travail croissante.

Alors que la loi de 2005 visait à enrayer la baisse d’attractivité de cette profession, la situation n’a fait qu’empirer de ce point de vue.

Ainsi, d’après les données transmises par le Gouvernement à la rapporteure, en cinq ans, le nombre total d’agréments d’assistant familial a diminué de 5 % (– 3 % pour les agréments d’assistant familial exclusivement et – 43 % pour les agréments mixtes) en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, hors Mayotte. Cette évolution varie selon les départements mais elle est négative dans six collectivités sur dix.

Le « flux » d’assistants familiaux évolue également négativement : ainsi, en 2019, les collectivités ont accordé environ 7 600 agréments d’assistant familial, contre 8 100 en 2018 et 8 300 en 2017.

Il en résulte que le dispositif d’accueil familial est aujourd’hui en forte tension démographique. Comme le souligne la Cour des comptes dans un récent rapport ([67]) : « le nombre d’assistants familiaux diminue tendanciellement depuis plusieurs années et la pyramide des âges de cette profession fait peser, à court terme, un important risque sur sa pérennité en raison des difficultés de remplacement des départs en retraite. La situation devrait encore s’aggraver au plan national, l’âge moyen des assistants familiaux étant supérieur à 50 ans. En parallèle, les recrutements sont stables mais ne suffisent pas à remplacer les départs. À titre d’exemple, les effectifs d’assistants familiaux ont diminué d’un tiers entre 2005 et 2017 dans le Puy-de-Dôme. »

Pyramide des Âges des assistants familiaux employÉs par un conseil dÉpartemental en 2010 et 2016

Source : DREES, données transmises à la rapporteure.

Les assistants familiaux de moins de 45 ans ne constituent en effet que 16 % des effectifs, tandis que ceux de 60 ans ou plus constituent seulement 24 % de ces effectifs.

Toujours selon la Cour des comptes, les départements comme les opérateurs constatent par ailleurs une inadaptation de plus en plus importante des candidats à ce profil, que leur candidature soit le fruit d’une initiative individuelle ou de l’orientation par le service public de l’emploi.

Le recrutement est également rendu difficile par la répartition territoriale des assistants familiaux, qui ne correspond pas forcément aux besoins (avec une forte présence en milieu semi-rural et une pénurie d’assistants familiaux en milieu urbain ou très rural). Le rapport du Gouvernement précité formule l’hypothèse selon laquelle la réforme de la protection de l’enfance de 2007, qui préconise une proximité entre le lieu de vie de l’enfant et la résidence des parents, a davantage complexifié cette adéquation entre l’offre et la demande d’accueil familial.

Pourtant, l’offre d’accueil familial répond à un vrai besoin, notamment pour les enfants les plus jeunes.

Pour compenser la réduction des effectifs d’assistants familiaux, les départements ont donc de plus en plus tendance à augmenter le nombre d’enfants accueillis dans chaque famille, comme l’ont fait notamment l’Aisne et le Tarn‑et‑Garonne. Cette solution, nécessairement limitée, risque, à terme, d’amoindrir la qualité de l’accueil des enfants.

Il est donc urgent de renforcer l’attractivité de ce métier.

II.   Le droit proposÉ

Les articles 9, 10 et 11 proposent de moderniser la profession d’assistant familial.

Ils concernent respectivement la rémunération des assistants familiaux, leur agrément et leur départ en retraite, et entendent renforcer l’attractivité de cette profession tout en répondant au besoin de sécurité et de stabilité des enfants accueillis.

A.   L’article 9 : amÉliorer la rémunÉration des assistants familiaux

1.   Une rémunération qui reste faible

Les dispositions relatives au mode de rémunération ont été redéfinies en 2005 afin que cette rémunération ne soit plus strictement liée au nombre d’enfants accueillis.

Cette rémunération conjugue donc aujourd’hui :

– un forfait correspondant à la « fonction globale d’accueil », indépendant du nombre de jours de présence des enfants confiés, à hauteur de cinquante heures de SMIC (512,50 euros) ;

 une part modulable de soixante heures de SMIC par enfant (717,50 euros).

Un assistant suivant un seul enfant reçoit donc a minima 1 230 euros bruts par mois au 1er janvier 2021.

Cette rémunération est soumise à cotisations sociales. Elle peut faire l’objet de majorations dues aux soins particuliers ou à l’éducation spéciale entraînés par l’état de santé de l’enfant, ainsi que d’indemnités supplémentaires pour une attente entre accueils ou une suspension d’agrément dans le cadre d’une procédure de signalement.

Cette rémunération est évidemment distincte des indemnités et fournitures destinées à l’entretien de l’enfant, qui couvrent les frais engagés par l’assistant familial pour la nourriture, l’hébergement, l’hygiène corporelle, les loisirs familiaux et les déplacements de proximité liés à la vie quotidienne de l’enfant.

Si elle reste faible, cette rémunération reste par ailleurs très variable :

– dans le temps, notamment en cas de suspension d’agrément et en fonction du nombre d’enfants proposés à l’accueil ;

– en fonction de l’employeur (public ou associatif notamment) ;

– en fonction des départements.

2.   Des rémunérations garanties

a.   Un revenu minimal garanti

Le 3° du I de l’article 9 modifie les dispositions de l’article L. 423‑30 du CASF relative à la rémunération garantie aux assistants familiaux.

Plusieurs dispositions ne sont pas modifiées. Ainsi, comme aujourd’hui, cette rémunération :

– correspond à la durée mentionnée dans le contrat d’accueil ;

– est déterminée par décret en référence au SMIC ;

– varie selon que l’accueil est continu ou intermittent et en fonction du nombre d’enfants accueillis ;

– cesse d’être versée lorsque l’enfant accueilli quitte définitivement le domicile de l’assistant familial.

En revanche, le dispositif prévoit deux avancées majeures :

D’une part, les deux minima de rémunération aujourd’hui prévus par cet article (part « socle » et part « variable » en fonction du nombre d’enfants accueillis) sont remplacés par une garantie unique, qui ne peut être inférieure au SMIC mensuel, au prorata de la durée de prise en charge du ou des enfants. Une rémunération égale au SMIC mensuel est donc garantie dès le premier enfant confié. Le présent article permet donc une augmentation de plus de 300 euros mensuels par rapport au minimum légal actuel.

Le décret précisant l’application de ces dispositions devra notamment préciser les seuils de rémunération associés aux deuxième et troisième enfants accueillis.

D’autre part, le présent article instaure une indemnité nouvelle et spécifique versée à l’assistant familial pour les accueils non réalisés, lorsque le nombre d’enfants qui lui sont confiés est inférieur du fait de l’employeur aux prévisions du contrat. Cette indemnité, versée par l’employeur, ne pourra être inférieure à 80 % de la rémunération prévue par le contrat. Elle permettra de limiter le caractère aléatoire des revenus des assistants familiaux.

Cette garantie se substitue à l’indemnité d’attente qui existe actuellement lorsque l’employeur n’a plus d’enfant à confier à un assistant familial. Cette indemnité d’attente est prévue par l’article L. 423-31 du CASF et ne peut être inférieure, par jour, à 2,8 fois le SMIC horaire (article D. 423-25 du CASF).

Ces dispositions ne sont pas applicables pour les accueils urgents et de courte durée mentionnés à l’article L. 422-4, qui font l’objet d’une compensation indemnitaire spécifique (article D. 422-6 du CASF).

L’impact budgétaire de ces deux dispositions pour les départements est difficilement évaluable, car nombre d’entre eux offrent une rémunération plus attractive que le minimum légal aux assistants familiaux. Un tiers d’entre eux offriraient en réalité d’ores et déjà une rémunération de l’ordre de celle proposée par le présent article.

Au terme d’une enquête réalisée par la direction générale de la cohésion sociale auprès des départements et mentionnée dans l’étude d’impact, le coût de la garantie mensuelle serait en moyenne de 473 010 euros par an par département.

b.   Une indemnité de suspension égale à la rémunération

En cas de suspicion de dangers pour la sécurité ou la santé de l’enfant, ce dernier est systématiquement retiré de la famille d’accueil. À l’issue d’un délai de quatre mois maximum, l’assistant familial est soit licencié, soit réintégré dans ses fonctions.

Ce principe de précaution, qui consacre heureusement celui de l’intérêt supérieur de l’enfant, a évidemment des conséquences pour les assistants familiaux. À la difficulté morale liée à une telle suspicion peut en effet s’ajouter une difficulté financière.

Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « malgré les garanties prévues par la loi pour respecter la présomption d’innocence, cette situation engendre nécessairement une crainte des professionnels, durant le temps des enquêtes, de subir un retrait d’agrément ou une perte de salaire pour l’assistant familial, ce qui peut être particulièrement difficile à accepter lorsque les faits ne sont pas avérés ».

L’article L. 423-8 du CASF prévoit qu’en cas de suspension d’agrément, les assistants familiaux comme les assistants maternels bénéficient une indemnité compensatrice dont le seuil minimal est fixé par décret. Ce seuil est aujourd’hui fixé par l’article D. 423-3 à cinquante heures de SMIC par mois, comme pour la part « socle » de la rémunération des assistants familiaux.

Le 2° du I modifie ces dispositions. Il prévoit que durant cette période de suspension, l’assistant familial bénéficie du maintien de la totalité de sa rémunération, hors indemnités d’entretien et de fournitures.

Comme le souligne le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi, le maintien de la rémunération en cas de suspension de l’agrément s’inspire d’une disposition réglementaire actuellement applicable aux agents contractuels de l’État ([68]). Pour s’appliquer aux assistants familiaux employés par des personnes de droit privé et à des agents de collectivités territoriales, une disposition législative est en revanche nécessaire.

Sur la base de 140 suspensions recensées en 2017 au niveau national, le coût total de cette mesure au niveau national est évalué par l’étude d’impact à 217 641 euros en cas d’accueil d’un seul enfant, contre 119 105 euros à droit constant.

c.   Une indemnité de disponibilité augmentée

Le 1° du I modifie l’article L. 422-4, relatif à l’indemnité de disponibilité dont bénéficient les assistants familiaux accueillant des enfants pour des séjours urgents et de courte durée.

En effet, afin de pouvoir assurer sans délai des accueils urgents et de courte durée, les employeurs publics peuvent aujourd’hui spécialiser dans cette forme d’accueil certains des assistants familiaux qu’ils emploient. Ces assistants s’engagent à recevoir immédiatement les enfants présentés par le service dans la limite d’un nombre maximum convenu avec lui, et en échange d’une indemnité de disponibilité, aujourd’hui fixée par voie réglementaire à 2,25 SMIC horaires par jour (article D. 422-6 du CASF).

Le présent article prévoit que cette indemnité ne peut être inférieure à l’indemnité nouvellement créée à l’article L. 423-30, et donc à 80 % de la rémunération prévue par le contrat.

3.   Une clarification des règles de non-cumul

Le 4° du I précise les règles de cumul d’employeurs applicables aux assistants familiaux. Cette question du cumul d’employeurs doit être distinguée de celle du cumul de la fonction d’assistant familial avec une autre activité professionnelle, évoquée notamment à l’article L. 423-34 du CASF.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’objectif de cette limitation du cumul est « de renforcer l’intégration de l’assistant familial au sein de l’équipe éducative et de renforcer la cohérence des accueils ».

Le rapport d’évaluation de la loi de 2005 précité soulignait en effet que le cumul d’employeurs s’avère problématique pour les départements sur le terrain : « certains départements refusent [...] à leurs assistants familiaux de passer des contrats d’accueil avec des services de placement privés. Ils invoquent les difficultés que ce cumul d’employeurs entraine en matière de rémunération [...] ou de prise des congés. De plus, ce cumul peut impliquer le fait qu’un même assistant familial soit rémunéré pour le même travail selon deux grilles différentes, en fonction de la qualité de ses employeurs [...]. Pourtant, du point de vue des assistants familiaux, ce cumul des contrats permet de se voir confier autant d’enfants que l’agrément le prévoit et limite réellement le risque de précarité salariale. »

Ont également été évoquées parmi les contraintes liées au cumul des employeurs la nécessité d’une importante coordination entre les différents acteurs et la difficulté d’intégration des assistants familiaux dans plusieurs équipes dont l’organisation et la culture sont différentes.

Au vu des garanties de rémunération prévues par le présent article, et en particulier de l’indemnité instaurée en cas de nombre d’enfants accueillis inférieur à celui prévu par le contrat de travail, le présent article prévoit logiquement la possibilité de limiter ce cumul.

Ainsi, il réécrit entièrement l’article L. 423-31 du CASF, aujourd’hui relatif à l’indemnité d’attente, englobé dans la nouvelle indemnité prévue à l’article L. 423-30.

Cet article prévoit désormais que le contrat de travail passé entre l’assistant familial et son employeur précise le nombre de mineurs ou de jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans susceptibles de lui être confiés dans les limites prévues par son agrément. Cette disposition permettra l’application de la nouvelle indemnité.

Ce contrat de travail pourra désormais inclure une clause d’exclusivité ou prévoir des restrictions aux possibilités de cumul des employeurs.

Cette clause ne pourra s’appliquer au détriment de l’assistant familial, car elle ne sera possible que si l’employeur est en capacité :

– soit de lui confier autant d’enfants que le nombre fixé par l’agrément détenu par l’assistant familial (1°) ;

– soit de compenser ces restrictions par un salaire égal à celui dont l’assistant familial aurait bénéficié s’il avait effectivement accueilli autant d’enfants que son agrément le permet (2°).

Ces dispositions ne sont pas applicables aux accueils d’urgence mentionnés à l’article L. 422-4 du CASF.

Il pourra être dérogé à cette exclusivité, avec l’accord de l’employeur, en cas de situation « exceptionnelle et imprévisible ». Le Gouvernement, interrogé à ce sujet, a indiqué que cela correspondrait notamment à des situations où l’employeur doit en urgence confier un enfant à l’assistant familial en surnombre par rapport à ce que prévoit son agrément.

4.   Application

Ces dispositions, à l’exception de celle prévue à l’article L. 422-4 (indemnité de disponibilité dans le cas de l’accueil d’urgence et de courte durée), s’appliqueront aux assistants familiaux employés par des gestionnaires publics comme privés.

En effet, aux termes de l’article L. 422-1 du CASF, les dispositions des articles L. 423-8, L. 423-30 et L. 423-31, qui appartiennent à une sous-section dédiée aux contrats de droit privé, s’appliquent également aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public.

Le II précise qu’elles entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard sept mois après la publication de la loi.

B.   L’article 10 modifie les rÈgles de gestion des agrÉments, pour plus de sÉcurité des enfants accueillis

1.   Création d’un fichier national des agréments des assistants familiaux

Le rapport précité de notre collègue députée Perrine Goulet sur l’aide sociale à l’enfance soulignait en 2019 qu’en l’absence de fichier national de l’accueil familial, un assistant familial qui se verrait retirer son agrément par un conseil départemental pour des faits potentiellement graves pourrait tout à fait postuler à un agrément dans un autre conseil départemental, qui n’aurait pas connaissance de ces antécédents.

En effet, comme le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi, si une condamnation pour des faits de violences physiques ou sexuelles sur un mineur confié a été prononcée à l’encontre de la personne sollicitant l’agrément ou de l’adulte vivant à son domicile, le conseil départemental peut en avoir connaissance via la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et, pour les seuls assistants familiaux, du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.

En revanche, « en l’absence de condamnation, le conseil départemental peut ne pas avoir connaissance de l’existence d’un retrait ni de ses motifs. Les motifs de retrait peuvent être variés : refus de suivre la formation, manquement grave dont suspicion de maltraitance, dépassement du nombre d’enfants mentionné dans l’agrément, incompatibilité du bâti à l’accueil d’enfant... Face à la diversité des motifs pouvant justifier un retrait, la situation de la personne peut, au même titre qu’à l’occasion d’un refus, évoluer et ne plus faire obstacle à l’obtention d’un nouvel agrément. Toutefois, la connaissance de cette situation peut être un élément de contexte à prendre en compte dans l’évaluation [...]. »

La mission d’information de l’Assemblée nationale proposait donc la création d’un fichier des agréments des assistants familiaux au niveau national, afin de garantir le contrôle et la sécurité de ce mode d’accueil.

L’article 10 s’inscrit directement dans la continuité de cette proposition.

Son créé un nouvel article L. 421‑7‑1 au sein du CASF, qui prévoit la création d’une base nationale recensant à la fois les agréments délivrés par les présidents de conseils départementaux pour l’exercice de la profession d’assistant familial et les suspensions et retraits d’agrément. Il prévoit que le groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles, créé par l’article 13 du présent projet de loi, sera en charge de la mise en œuvre de cette base nationale.

Les informations constitutives de ces agréments, suspensions et retraits feront l’objet d’un traitement automatisé de données afin de permettre aux employeurs de s’assurer de la validité de l’agrément de la personne qu’ils emploient et pour permettre l’opposabilité des retraits d’agrément en cas de changement de département.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), précisera l’application de ces dispositions, et notamment :

– les données enregistrées ;

– leur durée de conservation ;

– les conditions de leur mise à jour ;

– les catégories de personnes pouvant y accéder ou en être destinataires.

L’étude d’impact estime le coût de la mise en œuvre de cette base de données entre 200 000 et 250 000 euros.

2.   Durée du retrait d’agrément

Le 1° de l’article 10 modifie l’article L. 421-6 du CASF, relatif au retrait d’agrément.

Il prévoit que tout retrait d’agrément demeure valable pendant une durée qui sera définie par décret, afin notamment d’éviter d’agréer un assistant familial dans un département alors que son agrément aurait été retiré dans un autre.

En ce qui concerne la durée qui sera ainsi définie par décret, le Gouvernement a indiqué à la rapporteure que le groupe de travail n’a pas formulé de préconisations en la matière. Sa détermination devra donc être concertée dans les mois à venir avec les conseils départementaux et les représentants des assistants familiaux.

3.   Agrément en cas de déménagement dans un autre département

L’agrément des assistants familiaux a une validité nationale, il n’est donc pas remis en cause lorsque l’assistant familial déménage, sous réserve qu’il en ait fait la déclaration au préalable. L’assistant familial doit ainsi informer par lettre avec accusé de réception, au moins quinze jours avant son emménagement, le président du conseil départemental du département dans lequel il s’installe. Le président du conseil départemental d’origine doit ensuite transmettre le dossier de l’assistant familial au président du conseil départemental du nouveau département de résidence.

Le modifie l’article L. 421-7 du CASF, relatif au changement de département de résidence. Il prévoit ainsi qu’en cas de déménagement dans un nouveau département, l’agrément reste valable, sous réserve pour le conseil départemental de s’assurer que les nouvelles conditions de logement sont adéquates. Cette condition de logement adéquate ne s’applique aujourd’hui qu’aux assistants maternels. Elle doit bien évidemment également concerner les assistants familiaux, ce que permet le présent article.

C.   L’article 11 permet À l’assistant familial de diffÉrer son dÉpart en retraite

Aux termes de l’article 6‑1 de la loi n° 84‑834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, la limite d’âge des agents contractuels employés par les collectivités territoriales est fixée à 67 ans.

Comme l’a souligné le Défenseur des droits ([69]), lorsque des assistants familiaux employés par un département atteignent cette limite d’âge durant la prise en charge de l’enfant, « la question du départ en retraite est alors brutale et complexe tant pour l’enfant que pour l’assistant familial ».

Il est bien sûr nécessaire, avant toute chose, que les services de placement familial et les services éducatifs, au moment de confier un enfant à un assistant familial, prennent mieux en compte leurs âges respectifs.

L’article 11 apporte toutefois une souplesse bienvenue.

Il introduit en effet un nouvel article L. 422-5-1 dans le CASF. Cet article dispose qu’après avis du médecin de prévention, l’assistant familial employé par une collectivité publique peut être autorisé à travailler au-delà de la limite d’âge, afin d’accompagner le mineur qu’il accueille au plus tard jusqu’à sa majorité. Cette autorisation sera délivrée pour un an, et renouvelable selon les mêmes conditions après avis du médecin de prévention.

Cette dérogation ne pourra excéder trois ans au total, ni bien évidemment être imposée à l’assistant familial.

Puisque les assistants familiaux peuvent désormais accueillir des jeunes majeurs jusqu’à leurs 21 ans, la rapporteure s’interroge toutefois sur la pertinence de la borne de 18 ans mentionnée par la loi.

III.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a adopté l’article 9 modifié par cinq amendements rédactionnels de la rapporteure Bénédicte Pételle.

● Elle a adopté l’article 10 sans modification.

● À l’article 11, elle a adopté avec l’avis favorable du Gouvernement deux amendements identiques de la rapporteure Bénédicte Pételle ainsi que de M. Didier Martin et des membres du groupe La République en Marche, visant à permettre à un assistant familial employé par un département de poursuivre son activité au-delà de 67 ans, afin d’accompagner l’enfant qu’il accueille jusqu’à ses 21 ans, âge jusqu’auquel l’accueil d’un jeune peut être poursuivi – et non plus jusqu’à sa majorité comme prévu par le texte initial.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure Bénédicte Pételle.


   TITRE V
MIEUX PILOTER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DE L’ENFANCE

Article 12
Gouvernance de la protection maternelle et infantile

Adopté avec modifications

Le présent article vise à renforcer l’effort public en faveur de la protection maternelle et infantile (PMI), par plusieurs biais :

– l’inscription de l’action des services départementaux de PMI dans le cadre de la stratégie nationale de santé ;

– la précision et l’adjonction de nouvelles missions à ces mêmes services de PMI ;

– la levée d’obstacles au remboursement à bon droit des actions mises en œuvre par les professionnels de santé de la PMI, concernant en particulier les bilans de santé en école maternelle ;

– le passage de normes minimales à des objectifs de santé publique, à décliner dans chaque département.

I.   Le droit en vigueur : Malgré un rôle crucial pour la santé publique, la PMI est progressivement marginalisée

A.   La PMI d’aujourd’hui est l’héritière d’un intérêt précoce pour la santé de la mère et de l’enfant

La protection maternelle et infantile est née dans le contexte de l’après‑guerre, afin de lutter contre le fléau de la mortalité infantile, par l’ordonnance du 2 novembre 1945 ([70]). Après un succès réel dans la contribution à la diminution de cette mortalité, les PMI ont progressivement diversifié leurs activités dans les années 1970, vers des activités liées à la prématurité, à la planification et à l’éducation familiale, ainsi qu’à l’agrément et au suivi des modes de garde formels que sont les crèches, les garderies et les assistantes maternelles.

La loi du 18 décembre 1989 relative à la promotion de la santé de la famille et de l’enfance ([71]) permet de basculer progressivement du seul soin et accompagnement vers la promotion de la prévention, tandis que le chef-de-filat de cette compétence avait été confié aux départements par les grandes lois de décentralisation ([72]).

Cette politique décentralisée, dont la définition s’est encore précisée en 2007 ([73]), traduit l’attachement de la Nation à la santé de ses citoyens dès le premier âge de la vie.

B.   La PMI : un investissement dans la prévention dès les premiers âges de la vie

1.   Un intérêt largement reconnu par la littérature scientifique

La mission menée par la rapporteure Michèle Peyron ([74]) avait démontré, à partir d’une compilation des travaux scientifiques menés dans ce domaine, les « retours sur investissement » sociaux et sanitaires que rendaient possibles les actions menées par les PMI.

L’Université de Chicago, à partir d’études longitudinales et « randomisées » menées depuis les années 1970 sur des cohortes suivies pendant trente ans, avait ainsi estimé que les actions menées en matière de nutrition, d’accès au soin et d’éducation des très jeunes enfants, notamment parmi les familles défavorisées, aboutissaient à un ratio bénéfice/coût pour la communauté de 7,3 ([75]). Ce type de données est évidemment difficilement transposable dans le contexte français dans son ensemble, compte tenu notamment de la prise en charge par l’assurance maladie d’un panier de soins autrement plus large. Ce type d’études internationales a toutefois le mérite d’établir un constat, partagé notamment par la commission dite des « 1 000 premiers jours ». Son rapport, mené notamment sous la direction de Boris Cyrulnik ([76]), insiste sur les effets à long terme d’un apprentissage précoce du langage chez les jeunes enfants, d’accompagnement des parents pour lutter contre les tensions préalables ou postérieures à la naissance, ainsi que les dépressions post‑partum.

L’action préventive des services de PMI a été reconnue à l’échelle nationale par l’actuelle stratégie nationale de santé (SNS) pour la période 2018-2022. Ainsi, au sein des priorités spécifiques à la politique de santé de l’enfant, de l’adolescent et du jeune, la SNS prévoit de :

– renforcer le réseau de la protection maternelle et infantile ;

– agir dès la grossesse, à l’accouchement et durant la période néonatale sur les facteurs qui peuvent affecter la santé et le développement psychomoteur des enfants, et/ou favoriser la survenue de maladies chroniques à l’âge adulte ;

– améliorer la coordination des acteurs intervenant auprès des familles et susceptibles d’accompagner les parents quant à la santé de l’enfant, qu’ils relèvent du champ sanitaire, éducatif ou social.

2.   Une compétence sanitaire décentralisée, inscrite dans une politique nationale

En dépit du caractère décentralisé de la PMI depuis 1983, l’article L. 2111‑1 du code de la santé publique dispose que cette compétence est partagée par trois acteurs : l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. S’il s’agit, pour reprendre les termes de la mission que le Gouvernement a confiée à la rapporteure ([77]), de la « seule compétence sanitaire décentralisée » aujourd’hui, la politique de chaque département s’inscrit dans une démarche d’ensemble destinée à assurer l’égal accès à la PMI sur l’ensemble du territoire.

Cet équilibre a été réaffirmé par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui a inscrit dans la politique de la santé nationale inscrite à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique « l’animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile » et associé les services de la PMI à la politique nationale de santé. Pour décliner cette mission d’animation, la même loi a intégré les services départementaux de PMI dans le conseil territorial de santé constitué par le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) ([78]), afin de renforcer la coordination entre l’État déconcentré et l’action des départements dans la matière.

La loi de 2019 relative à notre système de santé ([79]) a respecté cet équilibre, en ajoutant simplement au système national des données de santé (SNDS) les données recueillies par les PMI, afin de renforcer la possibilité d’exploiter ces données de manière transversale avec les autres politiques de santé publique, tout en conservant le caractère pseudonymisé des données et donc leur caractère non identifiant.

Les modalités de fonctionnement hybride de la PMI entre les différents échelons de l’action publique se retrouvent dans ses modalités de financement. Alors que le schéma de financement était auparavant en grande partie opaque, discrétionnaire et peu responsabilisant, la loi du 22 juillet 1983 ([80]) a prévu une logique de transfert de blocs de compétence de l’État aux départements et une simplification du mode de financement par l’attribution aux départements de nouvelles recettes fiscales ([81]). Le « reste à charge » des départements, comme pour l’exercice des autres compétences, était alors couvert par la dotation de l’État aux collectivités territoriales.

Estimée à 1,36 milliard de francs en 1983, la dépense globale de la PMI, estimée aujourd’hui à 500 millions d’euros, est encore prise en charge en partie de manière hybride. En effet, au titre de l’article L. 2112-7 du code de la santé publique, les frais afférents aux examens prénuptiaux, prénataux, postnataux, celui du futur père, ainsi que – sauf les contraintes mentionnées ci-dessous – les bilans de santé en école maternelle « sont remboursés au département par les organismes d’assurance maladie dont relèvent les intéressés selon le mode de tarification prévu à l’article L. 162-32 du code de la sécurité sociale ». Sont ainsi remboursés les actes inscrits dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). À titre d’exemple, selon la nomenclature actuelle, une séance de suivi postnatal réalisée par une sage-femme est « cotée » à 18,55 euros, intégralement pris en charge par l’assurance maladie.

À ce titre, la rapporteure regrette que, depuis la fin de sa mission, aucun travail de négociation conventionnelle n’ait été lancé afin d’inscrire à la NGAP les actes et consultations d’infirmières puéricultrices.

Le même article L. 2112-7 prévoit la possibilité pour l’assurance maladie de flécher, par voie de convention, ses fonds d’action sanitaire et sociale vers le soutien d’actions de PMI, mais cette action reste largement à l’état de potentialité.

Ce financement, pour hybride qu’il soit, demeure néanmoins très majoritairement à la charge des départements, puisque l’assurance maladie n’a remboursé ces derniers en 2017 qu’à hauteur de 35 millions d’euros, soit 7 % de l’ensemble des dépenses engagées.

3.   Le fonctionnement des services de PMI au sein des services départementaux

Tout comme le service de l’aide sociale à l’enfance, le service de PMI constitue un service non personnalisé exercé sous l’autorité du président du conseil départemental et dirigé par un médecin. Ses missions, définies aux articles L. 2112‑2 et suivants du code de la santé publique, relèvent d’actions de prévention et de consultation, d’accompagnement et d’information, résumées dans le tableau ci‑dessous :

Missions des services dÉpartementaux de PMI

 

Catégorie de mission

Description de l’action mise en œuvre par les services de la PMI

Prévention et consultation

Consultations prénuptiales, prénatales, postnatales

Prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de 6 ans

Établissement d’un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans, principalement au sein des écoles maternelles

Accompagnement

Activités de planification familiale et d’éducation familiale ainsi que pratique d’interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse

Entretien psychosocial systématique au 4e mois de grossesse

Entretien à la demande ou avec l’accord des intéressés avec les enfants de moins de 6 ans nécessitant une attention particulière

Entretien à la demande ou avec l’accord des intéressés avec les parents dans les jours qui suivent la naissance ou lors de consultations postnatales

Information

Recueil et traitement d’informations en épidémiologie et en santé publique

Édition et diffusion de supports d’information destinés aux futurs conjoints, ainsi que le carnet de grossesse, le carnet de santé, le cas échéant et le certificat de santé pour les enfants de moins de 6 ans, à l’occasion de leur examen obligatoire

Information sur la profession d’assistant maternel et sur les actions de formation initiale à destination des personnes intéressées par ce métier

Source : commission des affaires sociales.

Une grande partie de ces missions, comme les consultations obligatoires, peuvent également être exercées au sein des établissements de santé ou par les professionnels de santé en secteur libéral.

Outre ces missions, les PMI sont également engagées dans le suivi et l’agrément des modes d’accueil formels des petits enfants. Au titre de l’article L. 2324‑2 du code de la santé publique, le médecin responsable de la PMI vérifie que les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) respectent des conditions portant notamment sur la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et majeurs de moins de 21 ans accueillis ([82]).

C.   Une politique de moins en moins axée sur la prévention maternelle et infantile

Le détournement des services de PMI de leurs missions premières, déploré par les personnes auditionnées par vos rapporteures comme une attraction « gravitationnelle vers la protection de l’enfance », tient à plusieurs facteurs :

– une grande difficulté d’attractivité des personnels médicaux, là-aussi abondamment soulignée au cours des auditions. La démographie médicale en PMI en est largement victime, puisque, selon les données les plus récentes de la DREES, le taux d’évolution moyen des médecins est de – 2,3 %, soit une diminution globale de 13,1 % entre 2010 et 2016. Les psychologues connaissent une évolution encore plus défavorable, alors même que leur apport est largement reconnu dans le cadre du soutien aux parents comme de développement de l’enfant. Ces difficultés tiennent autant aux problématiques partagées avec les autres professions médicales que l’absence de connaissance des étudiants dans les universités de médecine sur cette profession, sans oublier que les médecins de PMI débutent leurs carrières à un niveau de rémunération sensiblement inférieur à celui de leurs collègues. La pyramide des âges des médecins de PMI est donc particulièrement déséquilibrée ;

 

Source : données du Gouvernement transmises à la rapporteure.

– la part de l’activité relative à la supervision des modes de garde a pris, au cours des décennies, une place croissante, en raison d’une politique volontariste de développement des EAJE et, surtout, du soutien à l’activité des assistants maternels.

Ce dernier mode de garde est devenu celui auquel les parents ont majoritairement recours. Or, au titre de l’article L. 2111-2 du code de la santé publique, « l’agrément, le contrôle, la formation mentionnée à l’article L. 421-14 du code de l’action sociale et des familles et la surveillance des assistants maternels » relèvent de la compétence des PMI.

Les obligations en matière de suivi des assistants maternels

S’agissant du suivi des assistants maternels, les obligations des professionnels de la PMI en la matière sont les suivantes :

– l’organisation de la formation mentionnée à l’article L. 421-14 du code de l’action sociale et des familles (CASF), comprenant notamment une initiation aux gestes de secourisme, à la prévention des violences éducatives ordinaires ainsi qu’aux spécificités de l’organisation de l’accueil collectif des mineurs ;

– la validation d’une demande d’agrément, après une instruction de la demande qui ne peut durer plus de trois mois, ainsi que l’instruction des demandes de renouvellement de l’agrément (articles R. 421-3 et suivants du CASF). Cet agrément suppose notamment le respect des conditions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 421-3 du CASF ;

– le suivi et l’accompagnement des assistants maternels, en application de l’article L. 421‑17‑1 du CASF. Ainsi, outre l’ensemble des informations qu’il tient à disposition du président du conseil départemental, il est expressément prévu que « l’assistant maternel tient à la disposition des services de protection maternelle et infantile des documents relatifs à son activité prévisionnelle, ainsi qu’à son activité effective, mentionnant les jours et horaires d’accueil des enfants qui lui sont confiés ». Ce suivi s’exerce bien sûr également s’agissant des modes d’accueil collectifs, comme les EAJE ou encore les pouponnières à caractère social ([83]).

Si la compétence de surveillance échoit normalement au médecin de PMI, celui-ci peut déléguer en pratique cette compétence à des infirmiers puériculteurs diplômés d’État formés à cette fin. Il demeure toutefois que l’augmentation continue des différents modes de garde entraîne aujourd’hui une mobilisation de 20 à 30 % du temps disponible des personnels de PMI, réduisant d’autant la part de leur activité consacrée à la prévention sanitaire et au suivi des familles proprement dites.

– la sollicitation des services de l’ASE ou de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) pour mener des visites à domicile susceptibles d’étayer les soupçons issus du recueil d’une information préoccupante (IP). Selon les retours collectés par la mission de la rapporteure, les infirmières puéricultrices consacraient en moyenne 10 % de leurs temps de travail à l’instruction et au suivi d’une IP. Outre l’aspect chronophage de cette activité, il peut parfois exister une confusion regrettée par les professionnels entre ces deux activités distinctes menées par les départements.

Ces différents facteurs, cumulés avec une réduction du budget des PMI elles-mêmes, aboutissent à une réduction en moyenne des activités relatives aux enfants, cachant parfois des disparités plus inquiétantes encore. Ainsi, en 1995, près de 900 000 enfants avaient été vus en consultation de PMI, représentant 2,7 millions d’examens ; en 2016, l’activité ne s’élève plus qu’à 550 000 consultants (1 490 000 examens), soit une baisse de 45 %, et se concentre sur la tranche des 0-2 ans alors que la PMI est compétente jusqu’à 6 ans. Par ailleurs, les visites à domicile infantiles par des infirmières puéricultrices ont vu leur nombre presque divisé par 2 en vingt‑cinq ans (1 million en 1991, 580 000 en 2016). Enfin, les visites à domicile maternelles par des sages-femmes de PMI ont également baissé (264 000 en 1995, 188 000 en 2016).

D.   Un accÈs inégal à la PMI en fonction des territoires

1.   Un financement fortement disparate

Le rapport de la mission de la rapporteure Michèle Peyron comprend les données les plus récentes au sujet des différences entre département en matière de financement de la PMI. Soulignés avec force par nos collègues Cyril Isaac-Sibille et Ericka Bareigts ([84]), les écarts entre les dépenses des départements rapportées à la population des enfants de 0 à 6 ans sur le territoire départemental pouvait aller de 344 à 10 euros. Derrière la moyenne d’une dépense de 33 euros par enfant se cachent donc des différences budgétaires traduisant des priorités politiques, la composition démographique des départements, mais aussi, parfois, une déficience dans la culture de la prévention au sein des départements concernés.

2.   Des relations parfois déficientes avec l’assurance maladie

La mission de la rapporteure avait permis, par le biais de questionnaires adressés à l’ensemble des services de PMI, de noter les difficultés que rencontrent certains services dans leurs relations avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), notamment dans les départements dans lesquels le délai d’obtention de la protection universelle maladie (PUMA) ou de l’aide médicale de l’État (AME), sont particulièrement longs. Au-delà des seules difficultés de coordination de l’action sur le terrain, la mission avait également relevé des dysfonctionnements en matière de prise en charge de certains actes effectués par la PMI. À cet égard, 20 % des départements n’avaient pas encore signé, au moment de la rédaction du rapport, de convention avec les CPAM permettant le remboursement des actes et des vaccins.

S’agissant du bilan de santé en école maternelle, celui-ci est encore très inégalement appliqué, puisque la mission de la rapporteure soulignait que seuls 30 % des enfants de Seine-Saint-Denis y avaient accès, contre 97 % dans le département des Yvelines. L’étude menée par le Dr Corinne Bois, pour le compte de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l’Institut national d’études démographiques (INED), a permis une approche fine de cette question, puisqu’elle portait sur une cohorte de plus de 260 000 enfants correspondant à 30 % des naissances de l’année 2011. Cette étude a révélé l’hétérogénéité du contenu et de la méthodologie employée sur les bilans de santé, sans justification liée à la démographie médicale ou autres.

3.   Des normes minimales d’activité parfois obsolètes

L’existence de ces normes est ancienne, puisqu’elle a été consacrée par décret en 1992 ([85]), dans la lignée de la loi de 1989 relative à la protection maternelle et infantile.

Désormais inscrites aux articles R. 2112-5 et suivants du code de la santé publique, ces normes minimales sont les suivantes :

– organisation hebdomadaire d’au moins seize demi-journées de consultations prénatales et de planification ou éducation familiale pour 100 000 habitants âgés de 15 à 50 ans résidant dans le département, dont au moins quatre demi-journées de consultations prénatales (article R. 2112-5) ;

– organisation hebdomadaire pour les enfants de moins de 6 ans d’une demi-journée de consultation pour 200 enfants nés vivants au cours de l’année civile précédente, de parents résidant dans le département (article R. 2112‑6) ;

– mise à disposition au sein du service départemental :

. – d’une sage-femme à plein temps ou son équivalent pour 1 500 enfants nés vivants au cours de l’année civile précédente, de parents résidant dans le département ;

– d’une puéricultrice à plein temps ou son équivalent pour 250 enfants nés vivants au cours de l’année civile précédente, de parents résidant dans le département.

Selon le rapport de la mission, même si le socle minimal correspondait à un taux de couverture de 10 % des besoins des personnes en situation de vulnérabilité, en 2016, 66 % des départements ne respectaient pas la première norme et 40 % ne respectaient pas la deuxième.

S’agissant des normes minimales d’effectif, si elles sont globalement atteintes, des écarts entre les départements ont continué de persister depuis la mise en application de ce décret.

Ainsi que l’exprimait déjà la rapporteure dans le cadre de sa mission ([86]), « il est frappant de constater que, 27 ans après le décret de 1992, de nombreux départements se situent encore aujourd’hui en deçà de normes réglementaires qui étaient plutôt conçues comme un socle minimal. [...] les dispositions réglementaires de 1992 se sont [...] avérées faiblement efficaces comme outil de pilotage de l’offre de service PMI et n’ont pas suffi à garantir sur l’ensemble du territoire une accessibilité minimale aux consultations maternelles et infantiles. »

Le respect des normes se déclinait, selon la DREES, de la façon suivante :

II.   Le droit proposé : un renforcement des activités de pmi

1.   L’inscription de la PMI dans la stratégie nationale de santé

Outre le passage d’une logique de normes statiques à l’inscription de l’action des services de PMI dans une logique d’objectifs de santé publique, telle que décrite infra, le a du du présent article prévoit que des priorités pluriannuelles d’actions en matière de protection et de promotion maternelle et infantile seront identifiées par le ministre chargé de la santé, en concertation avec les représentants des départements.

Cette disposition vise à identifier, de façon concertée, des thématiques de santé publique identifiées comme prioritaires, telles que la lutte contre l’obésité ou la promotion de la santé mentale, que les départements seront invités à mettre en œuvre de façon pluriannuelle dans le cadre de leurs missions habituelles.

Il s’agit ainsi de mieux articuler les priorités de santé publique identifiées au niveau national comme principaux déterminants de la santé des enfants, avec les activités déployées par les services de PMI.

Cette logique partenariale ne remet évidemment en rien en cause le caractère décentralisé de la prévention maternelle et infantile.

2.   L’adjonction de nouvelles missions pour les services de PMI

En cohérence avec la nécessité de renforcer le rôle des services de PMI dans la prévention des risques sanitaires comme de l’accompagnement, le c du et le modifient la définition d’une partie des activités de PMI telles que définies actuellement à l’article L. 2111‑1 du code de la santé publique.

Au premier chef, le c précité prévoit que les actions de soutien à la parentalité ne concernent pas seulement les jeunes mères, mais les jeunes parents dans leur ensemble. Au moment où l’extension du congé de paternité va entrer en vigueur ([87]), il est naturel que les services départementaux prennent en compte les deux parents dans la phase, souvent délicate, qui suit la naissance. La rapporteure y souscrit sans difficulté.

En second lieu, le précité précise le champ des actions que mènent les services de PMI, sous l’autorité du président du conseil départemental, à l’occasion des consultations et actions de prévention médico-sociale qu’ils pratiquent. Les troubles de l’apprentissage y sont toujours intégrés, mais sont englobés dans le périmètre plus large des troubles du neurodéveloppement (TND), qui comprennent, selon la Haute Autorité de santé ([88]) :

– les handicaps intellectuels (trouble du développement intellectuel) ;

– les troubles de la communication ;

– le trouble du spectre de l’autisme ;

– le trouble spécifique des apprentissages (lecture, expression écrite et déficit du calcul) ;

– les troubles moteurs (trouble développemental de la coordination, mouvements stéréotypés, tics) ;

– le déficit de l’attention/hyperactivité ;

– les autres TND, spécifiés (par exemple TND associé à une exposition prénatale à l’alcool), ou non.

3.   Le remboursement à bon droit des actions des services de PMI

La rapporteure souhaite souligner les progrès continus en matière de couverture territoriale de ce dispositif, qui atteint 70 % aujourd’hui. Par ailleurs, la pertinence de ce bilan n’est plus à démontrer. Selon les données collectées par la cohorte ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance), traitées par l’INED et l’INSERM sur la période 2016-2017 :

– 10 % des enfants sont dépistés comme étant en situation d’obésité infantile ;

– 7,3 % des enfants ont des caries non soignées ;

– 33 % des enfants ne sont pas à jour de leurs obligations vaccinales.

Compte tenu de l’impact de cette disposition en matière d’égalité sanitaire comme de dépistage précoce des carences sanitaires, cette disparité est évidemment inacceptable. Elle ne saurait s’expliquer plus longtemps par une interprétation différenciée d’une norme que le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, considère comme « dépourvue de toute ambiguïté ».

Pour assurer toutefois une pratique homogène du remboursement sur l’ensemble du territoire national, et éviter que certaines CPAM n’usent indûment du critère de lieu de la consultation par les services de PMI, le du I du présent article prévoit que la prise en charge des frais engagés par les PMI à l’occasion de leurs actes médicaux sont pris en charge dès qu’ils sont effectués par les professionnels de santé. Ce remboursement s’applique aux actes suivants :

ACTES REMBOURSÉS EN VERTU Du PRÉSENT ARTICLE

Article du code de la santé publique

Type d’actes

2e alinéa de l’article L. 2122-1

Les examens médicaux prénataux ou postnataux pratiqués ou prescrits par un médecin ou une sage-femme, ainsi que l’entretien prénatal précoce obligatoire

Article L. 2122-3

L’examen médical du père, concomitamment à celui de la mère, si l’examen de celle-ci ou des antécédents familiaux le rendent nécessaire

2e alinéa de l’article L. 2132-2 et décret n° 2019-137 du 26 février 2019 relatif aux examens médicaux obligatoires de l’enfant et au contrôle de la vaccination obligatoire

Les vingt examens obligatoires au cours des dix-huit premières années de l’enfant, effectués par un médecin de PMI

Source : commission des affaires sociales.

Afin de remédier à cette situation, le du présent article reprend l’une des principales propositions de la rapporteure lors de sa mission ([89]) , à savoir de « passer des normes réglementaires actuelles, exprimées en termes d’effectifs et d’activité, à des taux de couverture cible de la population ».

Plusieurs personnes auditionnées se sont interrogées sur le passage d’une obligation de moyens, fondée notamment sur un nombre minimal de personnels membres de la PMI, à une obligation de résultats, qui doivent encore être définis par la voie réglementaire.

La rédaction choisie par le Gouvernement à ce sujet est de nature à les rassurer, puisque, à la suite de l’avis du Conseil d’État, la disposition prévoit que les activités de PMI devront « garantir un niveau minimal de réponse » aux besoins sanitaires et sociaux de la population. Cette disposition introduit ainsi une contrainte supplémentaire quant aux résultats atteints par les PMI dans le service rendu à la population du département.

La rapporteure sera attentive à ce que les objectifs fixés par la voie réglementaire soient respectueux des principes exposés ci-dessus, à savoir :

– une universalité proportionnée, soit un ensemble de services proposé à l’ensemble de la population du département, indifférente au niveau de ressources des personnes qui en bénéficient, mais une attention particulière à l’égard des personnes en situation de vulnérabilité ;

– une action de proximité et de sollicitation des bénéficiaires de la PMI qui souvent l’ignorent, sur le modèle développé par l’Agence des nouvelles interventions sociales et de santé (ANISS) pour, par exemple, déployer un dispositif de contact prénatal universel « Ariane ».

III.   LeS modifications apportées par la commission

La commission a adopté, avant l’article 13, un amendement de la rapporteure Michèle Peyron ainsi que de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche, instituant une nouvelle division dans le projet de loi, dont le titre est la suivant : « Renforcer la politique de protection maternelle et infantile », afin d’identifier ce qui relève de la PMI dans le projet de loi.

Elle a également adopté un amendement de la rapporteure Michèle Peyron visant à supprimer la mention d’examens prénuptiaux au sein des missions de PMI, désormais obsolète et décorrélée de tout enjeu de santé publique.

*

 *     *


Article 12 bis (nouveau)
Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile

Introduit par la commission

Le présent article porte diverses mesures destinées à moderniser la protection maternelle et infantile (PMI) tout en lui donnant les moyens de mener à bien ses missions. Il vise ainsi à :

– inscrire les équipes des services départementaux de PMI au sein d’équipes pluridisciplinaires ;

– changer la dénomination des centres de planification et d’éducation familiale en « centres de santé sexuelle et reproductive » ;

– permettre la direction de ces mêmes centres par une sage-femme ;

– autoriser les infirmières puéricultrices à prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement.

 

Le présent article est issu de l’adoption de plusieurs amendements de la rapporteure Michèle Peyron.

En premier lieu, la commission a adopté un amendement, avec avis favorable du Gouvernement, visant à modifier l’article L. 2122‑1 du code de la santé publique afin de mentionner explicitement l’inscription des équipes des services de PMI dans une démarche pluridisciplinaire. Ces professionnels, qui comprennent un médecin et des personnels qualifiés dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique doivent en effet travailler de concert pour développer une vision globale de la prévention.

La commission a également adopté un amendement, contre l’avis du Gouvernement, visant à modifier la dénomination des actuels centres de planification et d’éducation familiale. Dans la lignée de l’une des propositions de son rapport remis au Gouvernement sur la protection maternelle et infantile précité ([90]), la rapporteure Michèle Peyron estimait en effet que la faible connaissance de ces centres au sein de la population tenait notamment à la dénomination peu compréhensible et relativement infantilisante de ces centres. Le changement de leur dénomination n’entraîne toutefois aucune modification de leurs missions.

La commission a ensuite adopté un amendement avec avis favorable du Gouvernement, permettant, en modifiant l’article L. 2311‑5 du code de la santé publique, de déléguer aux sages‑femmes, de manière alternative aux médecins, la direction de ces centres, en cohérence notamment avec la reconnaissance de la grande part des actes gynécologiques qu’elles pratiquent désormais.

La commission a enfin adopté un amendement avec avis défavorable du Gouvernement, visant à permettre aux infirmières puéricultrices diplômées d’État de prescrire des dispositifs de soutien à l’allaitement. Cette possibilité, qui demeure soumise à une éventuelle indication contraire du médecin, est cohérente avec les recommandations de la Haute Autorité de santé comme avec la part que prennent ces infirmières dans les actes relatifs à la périnatalité et à la PMI.

 

*

*     *

 


Article 12 ter (nouveau)
Rapport relatif à mise en œuvre de négociations conventionnelles en vue du remboursement des actes des infirmières puéricultrices

Introduit par la commission

Le présent article vise à demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport, six mois après la promulgation de la loi, relatif à la mise en œuvre des négociations conventionnelles en vue de la prise en charge par l’assurance maladie d’un certain nombre d’actes actuellement effectués par les infirmières puéricultrices diplômées d’État (IPDE), actuellement pris en charge par les départements.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure Michèle Peyron, avec avis favorable du Gouvernement, introduisant le présent article, qui prévoit la remise d’un rapport six mois après la promulgation de la présente loi.

Ce rapport doit informer la représentation nationale sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles destinées à « coter » les actes des IPDE, à savoir les inscrire au sein de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et à permettre, dès lors, leur prise en charge par l’assurance maladie.

Appuyée sur le constat fait par le rapport que la rapporteure a remis au Gouvernement ([91]), selon lequel la moitié des actes des services de PMI, tels que les visites à domicile, les bilans de santé à l’école maternelle ou encore les examens périnataux, n’étaient pas remboursés dès lors qu’ils étaient pratiqués par une IPDE, cette demande de rapport vise à remédier à cette situation inéquitable, qui implique que 50 % des actes de PMI ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie, alors même que les bienfaits de la prévention précoce en matière de santé maternelle et infantile sont reconnus par une littérature scientifique unanime à ce sujet.

 

*

*     *

 


Article 13
Substituer aux principales structures nationales spécialisées dans la protection de l’enfance un groupement d’intérêt public national compétent pour l’ensemble du secteur, cofinancé à parité par l’État et les départements

Adopté avec modifications

Le présent article vise à modifier la gouvernance actuelle de la protection de l’enfance, en vue de la clarifier et de l’unifier. Pour ce faire, il prévoit :

– la création d’un nouveau groupement d’intérêt public (GIP) comprenant le GIP « Enfance en danger », l’Agence française de l’adoption et le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP). Ce GIP, dont les départements et l’État seront membres de droit, exercera des missions d’appui auprès des acteurs de la protection de l’enfance, mais aussi un certain nombre de missions supplémentaires par rapport à celles qui étaient menées auparavant par les instances regroupées. À ce titre, il supervisera notamment les modalités de l’adoption d’enfants sur le territoire national et gérera un centre de ressources à destination de tous les intervenants dans le domaine de la protection de l’enfance ;

– le transfert de la collecte de données et d’informations de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) vers la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), sous la tutelle des ministères sanitaires et sociaux, afin de permettre notamment le croisement de ces données avec les autres politiques publiques sociales et de les fiabiliser ;

– une évolution du positionnement et des missions du Conseil national de la protection de l’enfance, afin de le recentrer sur l’avis consultatif quant aux projets de texte relatifs à la protection de l’enfance.

I.   Le droit en vigueur : Un ensemble foisonnant d’institutions, une gouvernance défaillante

A.   L’évolution des missions menées en matière de protection de l’enfance justifie une Attention particuliÈre À sa gouvernance

Le domaine de la protection de l’enfance, s’il continue d’être envisagé à périmètre constant, se caractérise par une inflation des personnes concernées. Le rapport de l’IGAS de préfiguration du groupement d’intérêt public dont le présent article porte création ([92]) recensait 308 400 mineurs concernés par des mesures de protection de l’enfance, soit 2,1 % des mineurs en France.

Si l’on ne se penche que sur l’évolution des mesures judiciaires, l’augmentation régulière et sensible de celles-ci depuis les années 1990 est frappante. Depuis 1996, le nombre de ces mesures a augmenté de 2,2 % par an en moyenne, ce qui aboutit à une augmentation globale de 57 % entre 1996 et 2019. La période récente, entre 2013 et 2017, a même connu une réelle accélération de cette tendance, avec une hausse de 17 %, soit un peu moins de 20 000 enfants supplémentaires concernés, principalement des mineurs non accompagnés.

L’accroissement des personnes concernées par l’ensemble des mesures de protection justifie l’attention que porte le présent article à la gouvernance des institutions en charge de mener la politique publique de la protection de l’enfance.

Or, l’ensemble des travaux récents sur le sujet, qu’ils soient issus des corps d’inspection ou de notre Assemblée, pointent le caractère foisonnant, difficilement compréhensible, voire parfois incohérent, de la gouvernance d’une politique pourtant cruciale.

B.   Une Gouvernance actuellement foisonnante, sans cohérence d’ensemble

Les institutions intervenant dans le champ de la protection de l’enfance sont nombreuses et issues d’une sédimentation progressive, au regard de laquelle les lois récentes n’ont pas permis de donner une réelle lisibilité. Alors que certaines d’entre elles partagent un périmètre d’action avec d’autres institutions de l’État, d’autres connaissent un déclin rapide de leur activité.

Enfin, et surtout, le fonctionnement en silos de ces groupements d’intérêt public, conseils et établissements aboutissent à une déperdition de compétence, alors même qu’ils s’adressent au même public et qu’ils échangent avec des interlocuteurs similaires, à savoir, principalement, les conseils départementaux.

Ce constat est largement partagé par les travaux récents menés au sein de l’Assemblée nationale. Ainsi, notre collègue Alain Ramadier, président de la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance dont la rapporteure était Perrine Goulet ([93]), rappelait à ce sujet que, au cours des auditions qui avaient été menées, « certains ont exposé tous les mécanismes mis en place ou le foisonnement de structures et d’instances chargées de collecter l’information ou de coordonner les actions en faveur des enfants sans véritablement donner le sentiment de prendre conscience des difficultés existantes sur le terrain, d’autres auditions en revanche ont bien permis aux membres de la mission de mesurer les limites de la décentralisation en matière d’aide sociale à l’enfance et de poser plus globalement la question de la gouvernance ».

Le champ de la protection de l’enfance et de l’adoption comprend les institutions suivantes, qui ont vocation à intégrer le nouveau GIP.

1.   Le GIP « Enfance en danger » (GIPED)

Le groupement d’intérêt public « Enfance en danger », créé en 1989 ([94]) , est largement reconnu aujourd’hui pour son rôle dans le signalement et le transfert des informations préoccupantes issues de faits de violence ou de maltraitance familiale. Ce groupement « biface » comprend à la fois le service opérationnel de traitement des appels téléphoniques signalant des enfants en danger et la fourniture de ressources aux acteurs de la protection de l’enfance, par le biais de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE).

Le budget de l’ensemble du GIPED, selon le rapport de l’IGAS de juin 2020 ([95]), est légèrement supérieur à 5 millions d’euros en 2020, selon un financement :

– partagé également entre l’État et les départements ;

– pour ces derniers, réparti au prorata de leur population, aboutissant donc à une même dépense par habitant sur l’ensemble du territoire.

a.   Le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger

Le service, en premier lieu, a « gagné » un numéro d’appel simplifié à trois chiffres en 1997, et le 119, géré par le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED) notamment grâce aux actions de communication à large échelle menées en parallèle de sa mise en place, est aujourd’hui un repère pour l’enfance en danger.

Il mène aujourd’hui deux actions principales : l’assistance immédiate aux appelants et la transmission, le cas échéant, d’informations préoccupantes (IP) aux cellules de recueil de ces informations (CRIP), gérées par les conseils départementaux, selon le schéma suivant :

Source : Rapport de préfiguration du nouvel organisme national dans le champ de la protection de l’enfance, instruit par l’Inspection générale des affaires sociales (juin 2020).

En 2018, selon le GIPED, 236 877 appels ont donné lieu à un contact. Parmi ceux-ci, 34 031 appels se sont traduits par 17 013 aides immédiates et 17 018 IP. 231 situations ont entraîné la saisine des services de première urgence et 32 à un signalement direct au procureur de la République.

Toutefois, ainsi que le Gouvernement l’a mentionné dans les données appuyant sa stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020‑2022, 75 % des appels aujourd’hui se traduisent par une invitation à rappeler. Face à ces déficiences, et dans le cadre de la crise sanitaire de la covid-19, le Gouvernement a renforcé les moyens de la plateforme.

Le SNATED face aux conséquences du confinement

En 2020, notamment dans la crise de la covid-19, la plateforme a été renforcée par trois équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, pour cinq écoutants. Or, les campagnes de communication lancées pour faire face au risque d’augmentation des violences familiales pendant le confinement ont entraîné, selon la Cour des comptes ([96]), une hausse de 56,2 % des appels par rapport à la même période en 2019 et de 6 % du taux d’appels ayant donné lieu à des informations préoccupantes, sans que pour autant ces données ne traduisent nécessairement une augmentation inquiétante des dangers concernant les enfants.

 

b.   L’Observatoire national de la protection de l’enfance

Au titre de l’article L. 226-6 du code de l’action sociale et des familles, l’ONPE, exerce de larges missions destinées à collecter des données, à les traiter et à les fournir aux acteurs de la protection de l’enfance ainsi qu’au public au sens large. Pour ce faire, il :

– contribue au recueil et à l’analyse des données et des études concernant la protection de l’enfance, en provenance de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations œuvrant en ce domaine ;

– contribue à la mise en cohérence des différentes données et informations, à l’amélioration de la connaissance des phénomènes de mise en danger des mineurs ;

– recense les pratiques de prévention ainsi que de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire des mineurs en danger, dont les résultats évalués ont été jugés concluants, afin d’en assurer la promotion auprès de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations œuvrant dans ce domaine ;

– présente au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel rendu public.

Il dispose d’un conseil scientifique, qui organise la sélection des parcours de recherche et participe à l’accompagnement des recherches en cours, ainsi qu’à l’évaluation des travaux terminés. Les travaux récents ont toutefois souligné les moyens limités à sa disposition pour mener à bien ses missions, à l’instar du Conseil national de protection de l’enfance.

2.   L’Agence française de l’adoption : le défi de la diminution rapide du nombre d’adoptions internationales

a.   Une diminution constante, rapide et prolongé du nombre d’adoptions internationales

Créée sous l’impulsion de la convention internationale de La Haye de 1993 ([97]), qui consacre le principe de subsidiarité en matière d’adoption internationale, l’Agence française de l’adoption a été instituée sous la forme d’un groupement d’intérêt public par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption, dans un contexte de croissance des adoptions internationales ([98]).

Au titre de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, ce groupement, dont l’État et les départements sont membres constitutifs, a vocation à informer, conseiller et servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers de moins de 15 ans.

L’Agence est, à ce titre, à la fois :

– autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans l’ensemble des départements ;

– habilitée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les États parties à la convention de La Haye susmentionnée, en s’appuyant sur un réseau de correspondants.

Convention de La Haye du 29 mai 1993

Cent deux États sont parties contractantes à la convention, qui poursuit trois objets principaux :

– établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant et dans le respect des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international ;

– instaurer un système de coopération entre les États contractants pour assurer le respect de ces garanties et prévenir ainsi l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants ;

– assurer la reconnaissance réciproque, dans l’ensemble des États contractants, des adoptions réalisées selon la convention.

L’article 12 de cette convention prévoit que, pour agir dans le cadre d’une adoption dans l’État d’origine d’un enfant, un organisme agréé d’un État d’accueil doit y être expressément autorisé par les autorités compétentes des deux États concernés.

Déclinant cette obligation, la convention est accompagnée d’un guide de bonnes pratiques sur sa mise en œuvre et son fonctionnement. En pratique, la responsabilité conjointe de l’État d’origine et de l’État d’accueil se traduisent de la manière suivante :

– l’État d’origine peut soumettre cette autorisation à ses propres conditions ou critères ;

– dès lors que l’organisme agréé ne respecte pas les règles éthiques fixées par la convention ou les conditions d’autorisation, chacun des deux États peut retirer l’agrément.

Les modalités de respect de ces conventions impliquent notamment le suivi post-adoption mobilisant nécessairement un ensemble d’acteurs, parmi lesquels les services de l’AFA et ceux des conseils départementaux. À ce titre, selon les données collectées par l’IGAS, l’AFA a estimé que seize pays présentaient un risque incertain et neuf pays un risque élevé.

Les activités de l’Agence sont donc intrinsèquement liées au flux d’adoptions internationales qui sont conclues au bénéfice de Français. Or, le nombre d’adoptions effectives a été divisé par dix depuis la création de l’Agence. En 2019, dans un contexte de pré-crise sanitaire, n’ont été recensées que 117 adoptions internationales.

Cette baisse, qui est principalement due à un mouvement de fond, tient à la hausse du niveau de vie dans les pays d’origine, qui se traduit par une baisse du nombre d’orphelins et un plus grand budget consacré à la gestion des orphelins par les pouvoirs publics nationaux. La diffusion de la contraception et de l’interruption volontaire de grossesse participe également de cette baisse des adoptions.

Cela a conduit l’AFA à adapter ses méthodes, selon l’IGAS. En particulier, l’AFA a diversifié les modules proposés aux futures familles, afin de prendre en compte les enfants « à besoin spécifique » ([99]) ou encore en renforçant ses actions post-adoption, afin d’éviter, dans un contexte de rareté accrue, les échecs postérieurs à une adoption.

S’agissant du budget de l’AFA, sa construction, inscrite à l’article L. 225‑16 du code de l’action sociale et des familles, prévoit une participation des conseils départementaux sous la forme d’une valorisation en équivalence salariale des correspondants de l’AFA au sein des conseils départementaux. Selon les données fournies par le Gouvernement, le budget initial 2020 adopté par le conseil d’administration s’établit à 2,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2,8 millions d’euros en crédits de paiement. Si elle n’apparaît pas clairement dans les comptes, en application de la nouvelle réglementation relative à la gestion budgétaire et comptable publique des organismes et des opérateurs de l’État, la contribution des conseils départementaux est estimée à 823 657 euros.

b.   Une très faible connaissance du nombre d’adoptions « domestiques »

S’agissant de l’adoption des enfants en France, le rapport de l’IGAS précité déplorait qu’il n’y ait « aucune connaissance exhaustive à l’échelle nationale ni des enfants faisant l’objet d’un projet d’adoption, ni même des agréments délivrés aux familles candidates à l’adoption ». Ce constat a amené la mission à considérer que le « champ de l’adoption est lui traité dans un cadre trop exclusivement départemental, y compris parce que les relations inter-départementales ne sont pas suffisamment organisées et encouragées » ([100]).

Compte tenu du nombre potentiel de personnes engagées dans une démarche d’adoption et du poids émotionnel qu’une telle démarche peut engager, la rapporteure partage également l’étonnement de la mission de l’IGAS et souhaite que les interactions au sein du nouveau groupement entre le centre de ressources et les activités relatives à l’adoption d’enfants en France y remédient.

3.   Le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP)

Ce conseil est né de la grande loi de 2002 relative au droit d’accès des personnes nées dans le secret à leurs origines ([101]). La réaffirmation du droit des femmes qui le souhaitent à accoucher sous le sceau du secret a été accompagnée par la création de cette instance chargée autant de les accompagner que de permettre aux enfants issus de cet accouchement d’accéder, lorsque c’est possible, à leurs origines.

Défini au chapitre VII du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles, le Conseil, « placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, est chargé de faciliter, en liaison avec les départements et les collectivités d’outre-mer, l’accès aux origines personnelles ».

Pour mener à bien sa mission, le CNAOP dispose de deux cent cinquante correspondants départementaux qui interviennent à l’alpha et à l’oméga de la procédure : au moment de l’accouchement, afin d’expliquer l’ensemble des dispositions juridiques applicables à la mère et au moment de la recherche de ses origines par l’enfant. Ces correspondants, majoritairement des personnes travaillant dans les services de l’ASE, bénéficient de formations destinées à leur permettre d’exercer leurs missions dans le respect de l’équilibre entre le droit au secret et le droit à l’accès à ses origines. La mission des correspondants dûment mandatés peut ainsi aller jusqu’à accompagner les demandeurs ou les personnes recherchées qui sont dans une situation de fragilité en raison de leur âge, notamment.

Le CNAOP dispose d’un budget annuel de 200 000 euros, hors dépenses de personnel. Il dépend entièrement de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour ses ressources.

S’agissant de la recherche des origines, la mission de préfiguration de l’IGAS relevait là aussi les difficultés liées à l’existence de plusieurs organismes concurrents du Conseil, entraînant des difficultés pour l’enfant concerné d’identifier l’interlocuteur susceptible de satisfaire leur demande de connaissance de leur origine. En premier lieu, l’organisme compétent peut varier en fonction de leur situation personnelle. En second lieu, surtout, chaque organisme suit un mode opératoire ad hoc, sans prérogative juridique spécifique, à la notable exception du CNAOP ([102]).

4.   Le Conseil national de protection de l’enfance

Extérieur au nouveau groupement dans l’architecture prévue par le présent projet de loi, le Conseil national de protection de l’enfance (CNPE) est un ajout récent aux instances de réflexion relatives à la protection de l’enfance.

Ce Conseil est issu du constat effectué par le législateur, déjà, en 2016, du manque de pilotage unifié de la politique de protection de l’enfance. Introduit à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, il vise à rapprocher les pratiques des départements dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales et formule des avis sur l’ensemble des questions et des textes se rapportant à la protection de l’enfance.

Ce Conseil comprend quatre‑vingt‑deux membres, représentant les collectivités et les institutions compétentes, les associations des enfants comme des professionnels ainsi que des personnalités qualifiées. S’il a produit de nombreux avis depuis sa création, la mission de préfiguration de l’IGAS ([103]) soulignait que son existence demeure relativement confidentielle au regard des professionnels du secteur, en raison notamment du manque de moyens dont il dispose, déjà relevé par notre collègue Perrine Goulet dans son rapport ([104]), puisque seule une secrétaire générale est employée à plein temps pour assurer la permanence de l’activité du CNPE.

Ce Conseil demeure en sus difficilement positionné dans le champ des organismes consultés par le Gouvernement en matière de politique de l’enfance. À cet égard, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), institué par voie réglementaire ([105]) , dispose d’un collège relatif à l’enfance, qui a déjà produit un certain nombre de rapports et d’avis sur le sujet, y compris s’agissant du présent projet de loi.

Cela a conduit à une difficulté particulière du CNPE de mener à bien ses missions. Ainsi, selon la Cour des comptes, il « n’est pas parvenu à remédier aux défaillances de la gouvernance nationale, les aggravant même parfois » ([106]).

C.   L’ensemble des rapports récents appellent à une unification de la gouvernance et À une réforme de la collecte des données

1.   De nombreux travaux plaident pour une gouvernance unifiée

L’unanimité des travaux au sujet de la gouvernance ne peut qu’interpeller. À ce titre, la Cour des comptes, l’IGAS mais aussi l’Assemblée nationale, fortes du constat qu’elles ont fait de la difficile lisibilité de l’ensemble ainsi que du caractère de doublon que présentent certaines institutions, plaident pour une clarification du pilotage.

Les propositions convergent ainsi dans le sens d’un rassemblement des instances susmentionnées sous un chapeau unique. C’est l’objet de la première proposition de notre collègue Perrine Goulet, dans son rapport précité, qui souhaitait « faire évoluer la gouvernance de la protection de l’enfance, en réunissant l’ensemble des organismes impliqués dans la protection de l’enfance (CNPE, ONPE, AFA, ODAS et HCFEA pour leurs sections consacrées à l’enfance) en une unique Agence nationale de protection de l’enfance, co-pilotée par l’État et les départements, afin d’assurer une application homogène de cette politique sur le territoire déclinant au niveau départemental le modèle de l’Agence nationale, copilotée par le président du conseil départemental et le référent "protection de l’enfance" du préfet, qui réunirait toutes les parties prenantes associatives et institutionnelles (justice, éducation nationale, santé), et comprenant obligatoirement une association d’anciens enfants placés » ([107]).

La mission de l’IGAS précitée rappelle également utilement que le rapprochement de ces instances constitue un projet au long cours.

Un ensemble de rapports plaident de longue date pour le rapprochement entre le GIPED et l’AFA :

– une première mission de l’IGAS et de l’Inspection générale des affaires étrangères en 2016 préconisait déjà le rapprochement entre les deux organismes, en insistant notamment sur la nécessité d’élargir la compétence de l’AFA à l’adoption nationale ;

– dans son rapport sur le GIPED de juin 2019, l’IGAS plaidait pour un même rapprochement, afin d’aboutir à une institution plus large à la gouvernance partagée.

Par ailleurs, de nombreuses initiatives parlementaires ont également recommandé d’avancer dans le sens d’une intégration des autres agences dans le même ensemble. Il en est allé ainsi notamment du rapport de notre collègue Monique Limon et de la sénatrice Corinne Imbert ([108]).

2.   Le changement des modalités de collecte des données

Issu d’une certaine unanimité, là aussi, des travaux préparatoires, le projet de loi s’appuie sur le constat selon lequel la collecte des données relatives à la protection de l’enfance est perfectible, notamment dans la perspective du croisement de données avec celles qui servent aux autres politiques publiques en la matière.

En particulier, selon la mission de préfiguration précitée ([109]), « les difficultés rencontrées pour la collecte des statistiques par l’ONPE, en particulier via Olinpe, ainsi que la cohérence souhaitable en matière de recueil des statistiques dans le champ sanitaire, médico-social et social » » justifient de confier à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) le soin de « remonter » des informations identifiantes afin de « permettre l’appariement de ces données à d’autres panels ».

La Cour des comptes rejoint ce constat, puisque, selon son rapport remis en novembre 2020, il conviendrait « pour renforcer la connaissance et l’évaluation des politiques de protection de l’enfance, [de] confier la mission exclusive de production de données statistiques sur la protection de l’enfance à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et développer l’évaluation par le biais d’études qualitatives et longitudinales sur le devenir des enfants protégés » ([110]).

La rapporteure estime toutefois que les modifications apportées concurremment à l’ONPE par le présent projet de loi, comme il sera vu infra, doivent néanmoins lui permettre de poursuivre ses missions.

Malgré les divers échecs récents dans les tentatives d’acter la fusion législative entre l’AFA et le GIPED, un protocole d’accord a été conclu en 2017, afin de procéder à « la mutualisation et la continuité des travaux communs » pendant une durée de deux ans, en vue d’un rapprochement final.

II.   Le droit proposé : la rénovation de la gouvernance en faveur d’une politique de protection de l’enfance plus lisible et plus efficace

A.   Une nouvelle gouvernance unifiée et simplifiée

1.   Le maintien de l’autonomie du CNPE

Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, le CNPE poursuit enfin un grand nombre de missions. Alors que l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles lui confère déjà le rôle de « proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de la protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en œuvre », et de promouvoir « la convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales », l’article D. 148‑1 du même code prévoit en outre qu’il « formule des recommandations dans le champ de la formation initiale et continue des professionnels de la protection de l’enfance », puisse « se saisir de toute question relative à la protection de l’enfance » ou encore « contribue à orienter les études stratégiques, les travaux de prospective et d’évaluation menés dans le champ de la protection de l’enfance ».

Le Gouvernement a choisi la troisième solution, permettant de maintenir une forme d’autonomie au conseil sous réserve, ainsi que l’ont reflété les auditions, de l’attribution de moyens susceptibles de permettre à ce conseil d’exercer ses missions en pleine autonomie.

C’est dans cette perspective que le e du crée une nouvelle section au sein du chapitre VII du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et de la famille consacrée au nouveau « Conseil national de la protection de l’enfance ».

Il rehausse au niveau législatif la composition de ce nouveau Conseil, qui réunira :

– deux députés ;

– deux sénateurs ;

– des représentants des services de l’État ;

– des magistrats ;

– des représentants des conseils départementaux ;

– des représentants des professionnels ;

– des représentants des associations gestionnaires d’établissements ou services de l’aide sociale à l’enfance et d’associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants ;

– des représentants d’associations de personnes accompagnées ;

– des personnalités qualifiées.

Ce conseil conserve toutefois uniquement, à des fins de lisibilité, la compétence d’avis et de propositions utiles relatives à la protection de l’enfance, par le biais de sa consultation « sur les projets de textes législatifs et réglementaires portant à titre principal sur la protection de l’enfance ».

2.   Un groupement unifié avec des missions rénovées et élargies

La création du groupement repose notamment sur un constat partagé par de nombreuses personnes auditionnées par la rapporteure : les acteurs de terrain de la protection de l’enfance manquent cruellement d’appuis. Les interlocuteurs mentionnent ainsi assez largement le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dans les domaines du handicap et du grand âge comme un modèle pour l’animation. Les personnes auditionnées ont également souligné la validité de cette référence, notamment au regard du rôle de la Caisse pendant la crise sanitaire.

a.   L’inscription de l’action du groupement dans une politique cohérente de l’État

Le du I du présent article réaffirme le rôle de l’État comme garant d’une politique cohérente de la protection de l’enfance, de nature à assurer un droit égal sur l’ensemble du territoire tout en respectant le caractère décentralisé de cette politique.

Il lui revient en particulier de veiller à ce que la politique de protection de l’enfance soit cohérente avec celles que mènent les ministères de l’éducation nationale, de la santé et de la famille, ainsi que leurs administrations déconcentrées. Pour rappel, peuvent être recensés parmi les administrations et services de l’État intervenant dans le champ de la protection sociale :

– l’autorité judiciaire ;

– les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), au titre de leur mission de tutelle des pupilles de l’État, par délégation du préfet, même si cette compétence pourrait évoluer en vertu du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale ;

– les services départementaux de l’éducation nationale ;

– le préfet, même si son intervention se concentre principalement sur la gestion des mineurs non accompagnés ;

– le ministère des affaires étrangères, qui complète l’action de l’AFA, via la mission pour l’adoption internationale.

Ce nouvel article L. 121‑10 du code de l’action sociale et des familles est cohérent avec la programmation pluriannuelle de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance qui a mobilisé, pour l’année 2021 :

– 33 millions d’euros par le fonds d’investissement régional (FIR) ;

– 15 millions d’euros au sein de l’ONDAM médico-social ;

– 57 millions d’euros au titre du programme 304 du budget de l’État.

b.   Un nouveau groupement aux missions élargies

Au titre de la nouvelle section 4 insérée après la section 3 susmentionnée consacrée au « Groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles », est créé un nouveau GIP.

Outre les missions d’appui évoquées infra, ce nouveau groupement, en application du nouvel article L. 147-14 du code de l’action sociale et des familles, devra contribuer à l’animation, à la coordination et à la cohérence des pratiques relatives à la protection de l’enfance sur l’ensemble du territoire. À ce titre, il reprendra les missions des instances qu’il comprend, à savoir :

– le secrétariat général du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, du Conseil national de l’adoption et du Conseil national de la protection de l’enfance ;

– les missions de l’AFA relatives à l’adoption internationale ;

– la mise en œuvre du SNATED et de l’ONPE.

Le groupement exercera toutefois de nouvelles missions, parmi lesquelles :

– la mise en œuvre et la gestion de la nouvelle base nationale des agréments des assistants familiaux ([111]) ;

– la constitution d’un centre national de ressources ;

– la promotion de la recherche et de l’évaluation sur les sujets relevant de sa compétence ;

– enfin, la gestion de l’adoption nationale, confiée aux services qui géraient anciennement l’AFA.

Cette extension des compétences de l’AFA à l’adoption nationale doit permettre de remédier en partie au défaut d’information que regrettait le rapport de l’IGAS. Au-delà de la création d’une base nationale de données des agréments en vue d’adoption prévue par la proposition de loi de notre collègue Monique Limon ([112]), l’AFA va engager une expérimentation avec des départements volontaires visant, sur sollicitation des tuteurs et conseils de familles concernés, à rechercher parmi les familles ouvertes à l’adoption d’enfants à besoins spécifiques que l’Agence accompagne, celles d’entre elles qui seraient ouvertes à l’adoption d’un pupille présentant un tel profil. L’extension de la compétence de l’AFA au sein de ce nouveau GIP en matière d’adoption nationale vise notamment à répondre à cet objectif de développer cet appui dans la recherche de familles adoptives. Les compétences du GIP en matière de centre de ressources exercées par l’ONPE permettront par ailleurs d’outiller les services départementaux en référentiels, modules de sensibilisation etc. en matière d’adoption nationale.

Ce nouveau groupement, qui devra présenter au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel public destiné à éclairer l’État et la représentation nationale en matière de protection de l’enfance, sera constitué d’un personnel soumis à des obligations comparables à celles qui lui sont applicables aujourd’hui dans les GIP « Enfance en danger » et l’AFA, à savoir, en application du nouvel article L. 147‑16 du code de l’action sociale et des familles :

– un régime juridique de droit public fixé par décret en Conseil d’État ;

– une obligation de respect du secret professionnel, sous les peines habituelles prévues par le code pénal, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession.

c.   La « réactivation » du Conseil supérieur de l’adoption

Le présent article, aux c et d du , doit permettre au Conseil supérieur de l’adoption, qui devient Conseil national de l’adoption, de supprimer l’obstacle d’ordre réglementaire qui l’empêche de se réunir.

3.   Les manques persistants à la nouvelle gouvernance

Si la rapporteure se félicite de l’ensemble que forme ce nouveau groupement, elle regrette néanmoins que n’aient pas été reprises une partie des propositions de la mission préfiguratrice dans ce nouvel organisme. C’est notamment le cas pour :

– l’existence d’un véritable conseil scientifique, à l’instar de la CNSA. Si le groupement se devra de promouvoir la recherche et l’évaluation sur les sujets, il n’est pas doté d’un véritable conseil scientifique chargé du conseil dans la définition des orientations et la conduite de ses actions, comme il est prévu dans le champ de l’autonomie ([113]) ;

– surtout, l’existence d’un collège des enfants. Elle ne peut que faire sien le constat de la mission selon laquelle « l’utilité d’écouter les personnes directement concernées et de les faire participer aux instances les concernant est avérée. Elle fait aussi partie d’obligations liées à des conventions internationales que la France a signées, comme la convention internationale des droits de l’enfant et celle des personnes handicapées. » L’exemple de la commission « enfance et adolescence » du HCFEA en est un exemple particulièrement inspirant.

B.   La nÉcessité du renforcement de la mise en place locale

1.   Les départements ont toute leur place dans le nouveau groupement

Le nouveau groupement comprend naturellement les conseils départementaux, par plusieurs biais.

Ils sont en premier lieu les destinataires naturels des missions d’appui mentionnées au nouvel article L. 147‑14 du code de l’action sociale et des familles.

Le nouvel article L. 147‑15 prévoit ensuite que l’État et les départements sont membres de droit de ce groupement. Seront également membres des personnes morales de droit public ou privé, dont la liste sera fixée par la convention constitutive ([114]).

Les modalités de financement du groupement, également mentionnées au nouvel article L. 147‑15, prévoient aussi un financement conjoint par les départements et l’État. Si l’étude d’impact mentionne une répartition du financement à hauteur d’un tiers pour les départements et de deux tiers pour l’État, cette répartition ressort du seul calcul de l’agrégation des structures actuelles, l’État assurant seul le financement du GIP AFA et du secrétariat général du CNAOP.

Cette répartition emporte naturellement des enjeux forts puisqu’un financement à parité entraînerait le rehaussement de la contribution totale des départements à hauteur de 1 million d’euros, soit, là encore selon l’étude d’impact, un coût supplémentaire de 20 000 euros par an et par département.

La rapporteure sera attentive au résultat des discussions actuellement menées, qui ne doivent pas se traduire, ainsi que le Gouvernement s’y est engagé, par un pouvoir de blocage ou de décision unilatérale dans les décisions prises par les instances de gouvernance du nouveau GIP.

2.   Une coordination locale à renforcer

La création de ce nouveau groupement, malgré la pleine participation des conseils départementaux, pose la question de l’interaction avec la gouvernance locale. La mission de préfiguration précitée insistait également sur ce point : « Aujourd’hui, il apparaît important à la mission de considérer la protection de l’enfance dans sa globalité et non sur la seule base des organismes pré-existants. Le champ de la protection de l’enfance, s’il doit être doté d’un organisme national, doit d’abord se nourrir des interactions entre l’échelon national et l’échelon local. La légitimité et l’efficience de cet organisme en dépendront largement. Ceci permettra notamment à cet organisme de bénéficier de l’expertise des territoires et d’apporter son plein soutien aux services en charge de la protection de l’enfance à l’échelon local. » ([115])

À ce titre, la rapporteure relève que les observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE), demeurent des instances particulièrement précieuses pour mener à bien les interactions entre les départements chefs de file et les directions déconcentrées de l’État. Cependant, en date de mai 2021, selon les informations qui lui ont été transmises par le Gouvernement, quatorze départements ne sont pas encore dotés de cet observatoire. La rapporteure se réjouit de leur mise en place dans quatre‑vingt‑trois départements et de leur installation dans dix autres à brève échéance. Il demeure qu’il existe une marge de progression en la matière, à deux échelles :

– la couverture dans l’ensemble du territoire de ces observatoires ;

– le fonctionnement effectif de ces derniers, qui jouent à la fois un rôle de collecte de l’information et d’échanges entre acteurs avec uniquement 1,4 personne en moyenne dans tous les départements, soit 0,8 ETP.

Plus largement, les personnes auditionnées ont souligné la nécessité de renforcer la territorialisation du groupement en renforçant notamment l’appui qu’il est susceptible d’apporter aux conseils départementaux.

C.   Renforcer la collecte de l’information en matière de protection de l’enfance

En cohérence avec les propositions de l’IGAS comme de la Cour des comptes précédemment rappelées, le présent article prévoit, en premier lieu, au 5° du nouvel article L. 147‑14, de confier au nouveau groupement la gestion d’un centre de ressources pour favoriser le partage de connaissances, de bonnes pratiques et les diffuser de manière harmonisée. Cette création correspond à un vœu clairement exprimé par la mission de préfiguration, qui notait que, « outre les discussions autour de la légitimité des outils proposés, souvent en fonction de leurs auteurs (ONPE, DGCS, etc.), l’absence d’un centre de ressources vers lequel les professionnels du secteur pourraient se tourner pèse sur l’évolution des pratiques professionnelles en lien avec les modifications législatives ou les bouleversements inhérents aux publics accueillis » ([116]).

Le d du du I transfère quant à lui le recueil des informations relatives aux diverses mesures mises en œuvre en matière de protection de l’enfance, parmi lesquelles sont recensées les actions de protection judiciaire ou administratives.

Les échanges de la rapporteure avec le Gouvernement laissent entendre que l’intention de ce transfert est le suivant : les données collectées par la DREES seront mises à disposition des différents acteurs (ONPE, ODPE, chercheurs...), permettant à l’ONPE de dégager des marges de manœuvre pour l’animation et le pilotage d’études.

Les liens étroits existants entre l’ONPE et la DREES seront consolidés par un cadre conventionnel permettant d’assurer la transition dans des conditions garantissant l’intégrité des données déjà collectées et la poursuite de la dynamique de projet avec les ODPE et les départements. Le transfert de la collecte des données OLINPE ne remet en question ni l’ONPE, ni les ODPE, ni l’animation par l’ONPE du réseau des ODPE.

Les données d’identification seront détenues uniquement par la DREES, sur des supports informatiques protégés et séparés des informations sur les mesures d’ASE. Elles seront détruites après leur utilisation. Aucune des bases destinées aux études statistiques ne contiendra de données identifiantes, que ce soit en interne à la DREES ou dans les bases mises à disposition des chercheurs ou chargés d’études.

À ce titre, la substitution du caractère « anonyme » de ces données à leur caractère « pseudonymisé », prévue aux c et d du du I, n’emporte aucune conséquence, puisqu’il s’agit d’une mise en cohérence avec le droit existant en matière de collecte de données. Cette procédure apporte donc les mêmes protections issues tant de la loi « Informatique et libertés » de 1978 ([117]) que du règlement général de protection des données ([118]), que celles qui sont déjà employées dans le champ de l’insertion ou de l’autonomie.

L’ONPE gardera la compétence en matière de mise en cohérence des données et de recensement des bonnes pratiques sur le champ de la protection de l’enfance. Ces compétences seront étendues à l’adoption et à l’accès aux origines personnelles.

L’ensemble de ces éléments sont de nature à assurer la pérennité des fonctions de l’ONPE. La rapporteure sera toutefois attentive à ce que cet aspect puisse être renforcé ou clarifié au cours des débats parlementaires.

D.   RÉussir la transition des instances actuelles vers le groupement

Le III du présent article comprend les dispositions transitoires destinées à faciliter l’intégration des instances et de leurs personnels dans le nouveau groupement, tout en assurant la pérennité des missions qu’elles assument aujourd’hui.

1.   Préciser les conditions d’établissement du nouveau groupement

En cohérence avec les modalités habituelles de création d’un groupement d’intérêt public entre plusieurs personnes morales de droit public et de droit privé, le III susmentionné prévoit la mise en œuvre d’une convention constitutive. Celle‑ci doit être :

– signée par l’ensemble de ses membres, dans un délai contraint de six mois, à l’expiration duquel il revient à l’État d’arrêter le contenu de cette convention ;

– approuvée par l’État selon les procédures prévues pour les groupements d’intérêt public à l’article 100 de la loi n° 2011‑525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Le II du même article procède à la coordination de cette procédure à l’article 121 de la loi n° 2011‑525 du 17 mai 2011 précitée.

2.   Intégrer l’ensemble des personnels dans le nouveau groupement

Question sensible abordée par les personnes auditionnées, la reprise du personnel des instances regroupées par le nouveau GIP concernera, selon le même III, l’ensemble des ETP des instances regroupées. Le nouvel organisme a donc vocation à reprendre l’ensemble des ETP des trois organismes, dont l’étude d’impact rappelle la distribution suivante :

– 53,7 ETP pour le GIPED ;

– 34 ETP pour l’AFA ;

– 8 ETP pour le secrétariat du CNAOP.

Dans sa mission, l’IGAS conditionnait la réussite de la mise en place du nouveau groupement à une taille critique fixée, en cohérence avec la circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, à environ 100 ETP, afin notamment de se servir de l’expérience et des compétences de chacun pour assurer le fonctionnement du futur groupement. Cette ambition est donc respectée par le présent projet de loi.

La rapporteure partage toutefois les points d’attention soulevés par la mission de préfiguration du nouveau GIP, notamment lorsque celle-ci estime que « le calibrage en effectifs requis pour ces nouvelles missions devra être effectué. Il pourra l’être en prenant en compte les effets de la mutualisation de certaines fonctions (direction, fonctions support et d’assistants, évolution des profils de poste par exemple). Mais des créations de postes seront nécessaires en particulier pour le pilotage des tâches d’animation de réseaux de compétences territorialisées, en matière d’appui, de référentiels, de formation, de contrôle et d’évaluation. » ([119]). Les personnes auditionnées à ce sujet ont souligné le fait que le bon fonctionnement du nouveau groupement supposait à ce titre que la gestion des ressources humaines devrait respecter la logique « métier » de chacun des organes et qu’elle devrait également refléter l’adjonction de nouvelles missions par rapport à celles qu’exerçaient jusqu’ici les organes concernés.

3.   Assurer la transition dans le respect des dossiers actuellement instruits par l’AFA

Ainsi que l’ont identifié les travaux préparatoires, le rapprochement des instances sous un seul groupement s’est heurté notamment à la problématique d’assurer la pérennité des dossiers déjà engagés par l’AFA dans sa forme actuelle. Dans sa mission de préfiguration, l’IGAS estimait que deux scénarios étaient envisageables :

– « l’AFA peut conserver transitoirement une mission d’intermédiation pour l’adoption dans les États qui n’auraient pas encore accrédité le nouvel organisme, afin de mener à terme les adoptions internationales en cours. » Cette solution implique notamment que le législateur précise la répartition des compétences entre les deux organismes ;

– à l’inverse, l’AFA pourrait prévoir, « par délégation du conseil d’administration, la mise en œuvre de la mission d’intermédiation au nouvel organisme s’agissant des pays ne l’ayant pas encore accrédité. L’AFA resterait garante de la qualité des prestations fournies par le nouvel organisme et cesserait dès lors que le nouvel organisme aurait obtenu l’ensemble des accréditations. Pendant la phase transitoire, l’organisme national interviendrait dans les pays pour lesquels il aurait obtenu une accréditation et, sur délégation de l’AFA, dans les pays ne l’ayant pas encore accrédité. »

Le troisième alinéa du III retient cette seconde solution, en prévoyant que l’AFA conserve pour une durée de vingt-quatre mois la personnalité morale qui lui est nécessaire pour continuer d’exercer sa mission d’intermédiaire auprès des États partie à la convention de La Haye.

Ce délai, qui a été progressivement étendu au fil de la préparation du présent projet de loi, doit permettre au nouveau groupement d’être habilité dans les États dans lesquels exerce actuellement l’AFA. C’est pourquoi il met à disposition de l’Agence actuelle l’ensemble des moyens nécessaires à l’exercice de cette mission. Si les personnes auditionnées ont alerté la rapporteure au sujet des risques relatifs à l’absence d’accréditation à l’issue de ce délai dans des États stratégiques du point de vue de l’adoption, ils lui ont également mentionné l’existence d’une solution transitoire également au point 114 du deuxième guide de bonnes pratiques d’application de la convention de La Haye, prévoyant la possibilité le cas échéant pour l’autorité centrale de reprendre les dossiers.

E.   Des conséquences rédactionnelles

Le présent article comporte un certain nombre de conséquences codifiées issues du regroupement dans une section unique du nouveau groupement. Ainsi,

– le du I prend acte de l’inscription du CNPE dans un nouvel article L. 147‑13 ;

– le du I procède, outre à la création des dispositions relatives au Conseil national de l’adoption, à une nouvelle codification des références aux organismes réunis sous l’égide du nouveau groupement ;

– le a du du I tire également les conséquences de l’intégration de l’AFA dans le nouveau groupement ;

– les e, f, g et h du même tirent les conséquences de l’intégration du SNATED dans le même groupement.

III.   Les modifications apportées par la commission

Outre les deux amendements de précision, les trois amendements rédactionnels et l’amendement de coordination de la rapporteure Michèle Peyron, la commission a adopté :

– un amendement de M. Alain Ramadier et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, visant à préciser que les missions d’animation de la politique de protection de l’enfance par l’État devaient intégrer les représentants du ministère de la justice, compte tenu du rôle à la fois de la protection judiciaire de la jeunesse et de celui des juges des enfants ;

– un amendement à l’initiative de la rapporteure, mais aussi de M. Paul Christophe et de deux de ses collègues du groupe Agir ensemble, de Mme Florence Provendier et de plusieurs de ses collègues ainsi que de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en Marche, avec avis favorable du Gouvernement. Cet amendement permet d’intégrer au sein du CNPE un « collège des enfants », sur le modèle de la commission « enfance et adolescence » du HCFEA ;

– un amendement à l’initiative de Mme Perrine Goulet et de plusieurs de ses collègues, avec avis favorable de la rapporteure et de sagesse du Gouvernement, permettant de préciser que les missions du CNPE s’étendaient non pas seulement à la protection de l’enfance, mais également à la prévention ;

– un sous-amendement de M. Raphaël Gérard à un des amendements de précision de la rapporteure, avec avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, permettant de préciser que les acteurs de l’adoption internationale faisaient bien partie des destinataires des documents issus du centre de ressources du nouveau GIP ;

– un amendement de la rapporteure, avec avis favorable du Gouvernement, visant à réformer la gouvernance territoriale de la protection de l’enfance autour de l’ODPE. L’amendement ajoute ainsi une mission à l’observatoire défini à l’article L. 226-3-1 du code de l’action sociale et des familles. Il revient donc à l’ODPE, présidé par le président du conseil départemental, de renforcer la gouvernance locale en s’appuyant sur l’ensemble des administrations déconcentrées de l’État (rectorat, tribunaux judiciaires, agence régionale de santé) autour du préfet. En cohérence avec ses missions actuelles d’échange d’informations entre acteurs de la protection de l’enfance, il revient à l’OPDE d’orienter l’ensemble de ces acteurs vers la prévention, le repérage des situations dangereuses ainsi que la lutte contre les ruptures de parcours ou de prise en charge.

*

*     *


   TITRE VI
MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

Article 14
Modifier la clé de répartition entre départements des mineurs non accompagnés

Adopté avec modifications

Depuis 2016, la loi prévoit une répartition des mineurs non accompagnés (MNA) entre départements, afin d’éviter que cette prise en charge ne pèse de façon trop disproportionnée sur certains d’entre eux.

Le présent article introduit deux nouveaux critères devant être pris en compte dans le calcul de cette clé de répartition, aujourd’hui limité à des critères démographiques : (1) d’une part, la situation socio-économique du département ; (2) d’autre part, le nombre de MNA devenus majeurs bénéficiant d’un accompagnement de l’aide sociale à l’enfance en tant que jeunes majeurs.

Il supprime également le renvoi à un décret de la définition des conditions d’évaluation de la situation des MNA, en cohérence avec l’article 15 du présent projet de loi.

I.   Le droit en vigueur

1.   La prise en charge des MNA par l’ASE

Un mineur est considéré comme non accompagné (MNA) « lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent » ([120]).

Toutefois, la notion de « mineur non accompagné » – auparavant appelé « mineur étranger isolé » – ne correspond pas à une catégorie juridique en tant que telle.

En tant qu’enfants en situation de danger, les mineurs auxquels cette appellation renvoie entrent pleinement dans le champ des missions de la protection de l’enfance. Ces missions sont définies à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF), qui dispose depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance que la protection de l’enfance a notamment pour but « de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge », sans faire aucune distinction de nationalité.

Les MNA sont donc pris en charge par les départements dans le cadre du droit commun de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Cette prise en charge résulte notamment des dispositions de l’article L. 223–2 du CASF, aux termes duquel le service d’ASE du département peut prendre en charge un mineur en danger pour une durée maximale de cinq jours « en cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord ». Au terme de ces cinq jours, si la minorité et le caractère « isolé » de l’enfant sont reconnus, ce service d’ASE doit saisir l’autorité judiciaire. Le juge des enfants ou le procureur de la République peuvent alors, sur le fondement de l’article 375-5 du code civil, prendre une ordonnance provisoire de placement. Le mineur peut par la suite être confié, notamment à un service d’aide sociale à l’enfance, sur le fondement de l’article 373-3 du code civil.

La procédure d’évaluation de la minorité et de l’isolement

C:\Users\Mmuscat\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\326F8B7D.tmp

« NB : lorsque le mineur est considéré comme MNA, la cellule nationale d’appui à l’orientation de la mission MNA de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, au ministère de la justice, est saisie et se prononce, soit pour un maintien du jeune dans les structures du département où son évaluation a été diligentée, soit pour une réorientation dans un autre département. Cette décision est prise en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et selon une clé de répartition fixée annuellement à partir des données démographiques relatives à la population générale de chaque département et au nombre de MNA toujours pris en charge au 31 décembre de l’année précédente. »

Source : ministère de la justice.

2.   Un coût important pour les départements

L’évolution du nombre de MNA ([121]) a mis sous forte tension les services départementaux de l’ASE. Elle explique un tiers de l’augmentation du nombre d’enfants pris en charge dans ce cadre entre 2009 et 2018.

Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), les MNA représentent aujourd’hui entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge au titre de l’ASE.

Pour la seule année 2019, ce sont ainsi près de 17 000 jeunes reconnus mineurs qui ont été orientés vers ces services en vue d’une prise en charge. Au total, ce sont plus de 30 000 MNA qui étaient, la même année, pris en charge par les départements dans le cadre de l’ASE.

Dans ce contexte de forte hausse du nombre de MNA, l’État assure désormais une participation financière à la politique d’accueil et d’orientation des MNA, relevant des crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. En loi de finances pour 2021, ces crédits s’élèvent à 115 millions d’euros, répartis entre deux financements :

– en ce qui concerne la phase de mise à l’abri et d’accompagnement, depuis le 1er janvier 2019 et conformément au décret n° 2019-670 du 27 juin 2019 et à l’arrêté du 28 juin 2019 pris pour son application, la participation forfaitaire financière de l’État est fixée à 500 euros par jeune auxquels s’ajoutent 90 euros par jour pendant quatorze jours maximum puis 20 euros par jour pendant neuf jours maximum pour chaque jeune effectivement mis à l’abri, sous réserve, depuis janvier 2021, de la signature d’une convention avec le préfet ;

– en ce qui concerne la phase d’ASE à proprement parler, la participation de l’État a été fixée à 6 000 euros par jeune pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge par l’ASE par rapport à l’année précédente.

B.   Une meilleure rÉpartition du nombre de MNA entre départements depuis 2016

Le nombre de MNA arrivant sur le territoire est très inégal selon les départements, les arrivées se concentrant sur certains départements (notamment les Bouches-du-Rhône, le Nord, la Seine-Saint-Denis et Paris).

Pour remédier à ces disparités, un dispositif national de répartition a été mis en place par une circulaire du 31 mai 2013, afin de mettre en place une solidarité interdépartementale.

Cette circulaire du 31 mai 2013 ayant été annulée par une décision du Conseil d’État du 30 janvier 2015, la loi du 14 mars 2016 a conféré une base législative à ce mécanisme de répartition géographique des MNA.

Ce mécanisme résulte ainsi désormais de l’articulation de l’article L. 221‑2‑2 du CASF et de l’article 375-5 du code civil :

– l’article L. 221‑2‑2 du CASF impose aux présidents de conseils départementaux de transmettre au ministre de la justice les informations dont ils disposent sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans leur département. Le ministre de la justice est quant à lui chargé de fixer les objectifs de « répartition proportionnée » des accueils de ces mineurs entre les départements « en fonction de critères démographiques et d’éloignement géographique » ;

– l’article 375-5 du code civil, relatif au placement provisoire des mineurs en danger, oblige désormais le magistrat amené à prendre une décision de placement d’un jeune « privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille » à demander au ministère de la justice « de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné ». Le procureur de la République ou le juge des enfants prend ensuite sa décision « en stricte considération de l’intérêt de l’enfant », qu’il apprécie notamment au regard des informations qui lui sont transmises par le ministère de la justice.

Aux termes des articles R. 221‑13 et R. 221‑14 du CASF, créés par un décret du 24 juin 2016 ([122]), les présidents de conseils départementaux sont tenus de transmettre au ministère de la justice au plus tard le 31 mars de l’année en cours les informations relatives au nombre de mineurs pris en charge au 31 décembre de l’année précédente. À défaut de transmission dans les délais, le nombre retenu est fixé à zéro.

La clé de répartition, calculée sur la base de ces informations, est rendue publique au plus tard le 15 avril de chaque année.

Elle prend en compte à la fois la population du département et l’écart observé au 31 décembre de l’année précédente entre le nombre de mineurs effectivement confiés au département et le nombre qui aurait résulté d’une répartition purement proportionnelle en fonction de la population totale du département – et non plus de la population des moins de 19 ans comme avant décembre 2019 ([123]).

Calcul de la clé de répartition

La clé de répartition, appelée K3, est calculée ainsi :

K3 = K1 + (0,2*K2)

Avec :

– K1 (clé de répartition démographique) = population totale dans le département/population totale dans l’ensemble des départements de métropole ;

– K2 (taux de variation relatif) = (stock théorique du département/stock réel du département) /stock réel total des départements de métropole ;

– Le stock réel correspond au nombre de mineurs effectivement pris en charge en application d’une décision judiciaire, au 31 décembre de l’année précédente ;

– Le stock théorique correspond au stock qui aurait résulté d’une répartition strictement proportionnelle et est égal à (K1 * stock réel total des départements de métropole).

Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 28 juin 2016 pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, seuls les départements métropolitains participent à ce mécanisme de répartition.

En 2019, ce sont près de 45 % des jeunes évalués mineurs qui ont ainsi été orientés vers un autre département que celui dans lequel ils se sont manifestés et qui avait procédé à leur évaluation.

II.   Le droit proposé : une clé de répartition plus juste

La clé de répartition mise en place par le législateur en 2016, qui ne peut prendre en compte que des critères démographiques et d’éloignement géographique, apparaît aujourd’hui trop restrictive.

En particulier, comme le soulignait notre collègue Perrine Goulet dans son rapport précité, « cette clef de répartition ne prend aujourd’hui pas en compte le comportement vertueux des départements qui accompagnent les ex-MNA à leur majorité avec des contrats jeunes majeurs, ce qui constitue une "prime" aux départements qui délaissent les jeunes dès leurs 18 ans ».

L’article 14 vise donc à faire évoluer cette clé de répartition. Il modifie à cette fin l’article L. 221‑2‑2 du CASF.

Le prévoit que deux nouveaux critères doivent être pris en compte dans le calcul de cette clé de répartition :

– le nombre de majeurs de moins de 21 ans privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (ex-MNA) pris en charge par le département au titre de l’aide sociale à l’enfance (a) ;

– les caractéristiques socio-économiques du département (b). Selon les informations transmises par le Gouvernement à la rapporteure, le critère socio‑économique à retenir (taux de bénéficiaires de minima sociaux, taux de chômage...) doit encore faire l’objet de discussions.

Pour permettre l’application de cette disposition, le modifie l’article L. 221‑2‑2 du CASF afin de préciser que le président du conseil départemental transmet également au ministre de la justice les informations relatives au nombre de majeurs de moins de 21 ans privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille pris en charge par le département.

L’Assemblée des départements de France (ADF), auditionnée par la rapporteure, s’est vivement félicitée de cette mesure attendue de longue date.

L’article R. 221-13 du CASF devra être modifié afin de préciser l’indicateur socio-économique retenu pour le calcul de la clé. Il devrait également préciser que la répartition tient compte du nombre de MNA devenus majeurs bénéficiant d’un accompagnement après la majorité et toujours pris en charge au 31 décembre de l’année N-1.

Le supprime le renvoi au pouvoir réglementaire des conditions d’évaluation de la situation des MNA aujourd’hui prévu par ce même article L. 221‑2‑2 du CASF, en cohérence avec l’article 15 du présent projet de loi.

Parallèlement, la rapporteure souhaite qu’un mineur ainsi réorienté par le juge ne puisse faire l’objet d’une nouvelle évaluation par le président du conseil départemental, alors que ces pratiques sont aujourd’hui courantes (cf. commentaire de l’article 15).

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article dans sa rédaction initiale, à l’exception d’un amendement rédactionnel de la rapporteure Bénédicte Pételle.

*

*     *


Article 14 bis (nouveau)
Interdiction de réexamen de la situation d’un mineur non accompagné

Introduit par la commission

Cet article interdit au département dans lequel un enfant est orienté après avoir été reconnu mineur non accompagné dans un autre département de procéder à un rééxamen de sa situation d’isolement ou de sa minorité.

Cet article est issu d’amendements identiques déposés par la rapporteure Bénédicte Pételle ainsi que par Mme Florence Provendier et plusieurs de ses collègues, adoptés avec l’avis favorable du Gouvernement.

Il vise à interdire les pratiques de réévaluation de la minorité par certains départements dans lesquels les enfants sont orientés par l’autorité judiciaire après avoir été reconnus mineurs dans un autre département dans lequel ils ont formulé leur demande initiale.

En effet, comme le remarque la Cour des comptes dans un récent rapport ([124]) (cf. commentaire de l’article 15), et comme l’ont souligné plusieurs associations auditionnées par la rapporteure, au premier rang desquelles France Terre d’Asile, de nombreux départements émettent de fortes réserves sur la manière dont sont conduites les évaluations dans d’autres territoires et donc sur la minorité réelle des jeunes qui leur sont adressés par la mission MNA. Ils procèdent alors à leur réévaluation de manière quasi systématique.

Cette situation a un coût, non seulement pour les départements, mais également pour l’État, qui y contribue à hauteur de 500 euros par évaluation.

Surtout, la rapporteure tient à souligner l’impact psychologique majeur de ces réévaluations pour les mineurs concernés.

Le présent article créé donc un nouvel article L. 221‑2‑5 au sein du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que la reconnaissance d’une personne comme MNA par le département qui a procédé à son évaluation sociale s’applique à tout le territoire national. En conséquence, le département vers lequel est orienté un MNA pour sa prise en charge par l’ASE dans le cadre de la répartition nationale ne peut procéder à une réévaluation de la minorité et de l’isolement de cette personne.

*

*     *


Article 15
Recours obligatoire au traitement automatisé d’appui à l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant non accompagnées

Adopté avec modifications

L’article 15 rend obligatoire, pour les départements, la présentation d’une personne se déclarant isolée et mineure – mais dont la minorité n’est pas manifeste – aux services de l’État, afin notamment d’avoir recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité, dit « AEM ».

Il prévoit une sanction financière pour les départements ne se pliant pas à cette obligation.

L’article 15 rend obligatoire, alors que ce n’est aujourd’hui qu’une faculté ouverte aux départements, la présentation d’une personne se déclarant isolée et mineure – mais dont la minorité n’est pas « manifeste » – aux services de l’État, afin notamment d’avoir recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité dit « AEM ».

En préambule, la rapporteure ne peut que signaler et regretter que cet article soit quasiment identique à l’article 39 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, actuellement en cours d’examen au Sénat. Une attention particulière devra être apportée à l’évolution parallèle de ces articles au cours des deux navettes parlementaires.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’évaluation de la minorité par les conseils départementaux

La question de la distinction entre les mineurs et les jeunes majeurs, et donc de l’évaluation de la minorité, est au cœur des problématiques que pose aujourd’hui la question des mineurs étrangers non accompagnés (MNA) aux départements.

En effet, comme tous les mineurs, les MNA peuvent être pris en charge par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) s’ils sont privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (cf. commentaire de l’article 14).

L’évaluation de la minorité en vue d’une éventuelle prise en charge par les services d’ASE dont ils ont la charge est donc aujourd’hui une prérogative des départements.

L’article R. 221‑11 du code de l’action sociale et des familles (CASF) ([125]) prévoit ainsi qu’une procédure d’évaluation de la minorité et de l’isolement de ce mineur, dont dépendra ensuite l’accès à un dispositif de protection de l’enfance, est diligentée par le président du conseil départemental.

Le même article prévoit que pendant cette phase d’évaluation, le président du conseil départemental procède ou fait procéder, par une association habilitée, à la mise à l’abri des mineurs concernés, pour un délai de cinq jours.

Les modalités d’évaluation de la minorité, en particulier, sont précisées dans un arrêté du 20 novembre 2019 ([126]), qui met en place un référentiel national précisant les domaines devant faire l’objet d’une évaluation sociale ([127]), ainsi que les qualifications exigées des acteurs chargés de l’évaluation, celle-ci n’étant pas toujours assurée directement pas les services départementaux de l’ASE mais pouvant également être assurée par « tout organisme du secteur public ou du secteur associatif auquel la mission d’évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental ». ([128])

L’article 2 de cet arrêté précise ainsi que « l’évaluation s’appuie sur un faisceau d’indices », qui peut inclure plusieurs informations :

– l’évaluation sociale, reposant sur des entretiens ;

– les informations que le président du conseil départemental peut demander au préfet ;

– la réalisation d’examens complémentaires prévus à l’article 388 du code civil, à savoir un examen radiologique osseux.

L’article 3 du même arrêté précise les modalités de partage d’information entre le président du conseil départemental et la préfecture. Dans ce cadre, la préfecture peut consulter le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (cf. infra) et procéder à un croisement d’informations avec d’autres fichiers, au premier rang desquels les fichiers VISABIO ([129]) et AGDREF ([130]).

B.   Le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité, dit « AEM »

1.   Un fichier mis en place depuis 2019

Comme le souligne la Cour des comptes dans un récent rapport ([131]), « si l’on constate partout une baisse du taux de reconnaissance de minorité (nombre de jeunes reconnus mineurs/nombre de jeunes demandeurs), ce dernier varie fortement d’un département à l’autre, alors même que le public évalué présente des caractéristiques similaires ».

Le même rapport souligne que cette hétérogénéité, tant dans la réalisation des évaluations de minorité et d’isolement que dans les résultats de ces évaluations, a deux conséquences :

« – d’une part, certains jeunes évalués majeurs dans un département peuvent se rendre dans un autre territoire pour tenter d’obtenir une reconnaissance de minorité, sans qu’il soit possible pour l’instant de mesurer l’ampleur de ce phénomène ;

«  d’autre part, de nombreux départements émettent de fortes réserves sur la manière dont sont conduites les évaluations dans d’autres territoires et donc sur la minorité réelle des jeunes qui leur sont adressés par la mission MNA. Ils procèdent alors à leur réévaluation de manière quasi-systématique (Côte-d’Or, Maine-et-Loire, par exemple). Cette situation a un coût, non seulement pour les départements, mais également pour l’État, qui contribue à hauteur de 500 euros par évaluation. Pour autant, aucune donnée ni sur le nombre de réévaluations ni sur les résultats obtenus n’ont été produites par ces départements. » La rapporteure tient également à souligner l’impact psychologique de ces réévaluations pour les mineurs concernés.

Pour limiter cette hétérogénéité, le Gouvernement a développé un fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), créé par un décret du 30 janvier 2019 ([132]).

Ce décret a été pris sur le fondement de l’article L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, désormais repris par l’article L. 142-3 du même code ([133]).

Article L. 142-3 du CESEDA

« Afin de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.

« Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle. »

Le fichier AEM, qui facilite l’évaluation de la minorité, répertorie les personnes étrangères ayant fait l’objet d’une demande de prise en charge auprès d’un département. Il a notamment pour objectif, comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, de « dissuader le détournement du dispositif de protection de l’enfance par de faux mineurs et [de] lutter contre le nomadisme entre départements (réitération par des personnes majeures de demandes de protection qui ont déjà donné lieu à une décision de refus en tant que majeur) ».

L’article R. 221-15-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que ce fichier a pour finalités « de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France et, à cet effet :

«  D’identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ainsi de lutter contre la fraude documentaire et la fraude à l’identité ;

«  De permettre une meilleure coordination des services de l’État et des services compétents en matière d’accueil et d’évaluation de la situation des personnes mentionnées au 1° ;

«  D’améliorer la fiabilité de l’évaluation et d’en raccourcir les délais ;

«  D’accélérer la prise en charge des personnes évaluées mineures ;

«  De prévenir le détournement du dispositif de protection de l’enfance par des personnes majeures ou des personnes se présentant successivement dans plusieurs départements. »

Tenu et mis à jour par le réseau des préfectures depuis mars 2019, le fichier AEM est un outil qui se veut au service des présidents des conseils départementaux, qui ont la possibilité, s’ils le souhaitent, de solliciter la préfecture de leur département afin de vérifier si l’individu qui demande une prise en charge dans le cadre de l’ASE a déjà fait l’objet d’une évaluation dans un autre département.

Il ne s’agit aujourd’hui que d’une faculté ouverte au président du conseil départemental : il lui est donc possible de procéder à des évaluations de minorité sans avoir recours à l’appui du préfet et au traitement AEM.

Ce nouvel outil a permis de contribuer à fluidifier et à fiabiliser la procédure d’évaluation des personnes se présentant comme MNA.

2.   Un élément parmi d’autres du « faisceau d’indices » permettant d’évaluer la minorité

Plusieurs associations ont contesté la création de ce nouveau fichier national.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé ce fichier conforme à la Constitution, dans la mesure où sa consultation et son résultat ne demeurent qu’un élément du faisceau d’indices en matière d’évaluation de la minorité. Il a ainsi rappelé que « la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci » ([134]). Il a également souligné que les dispositions prévues par la loi n’ont « ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée ».

Le Conseil d’État, statuant au contentieux, a quant à lui estimé que le décret du 30 janvier 2019 n’est pas contraire à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, pourvu que le résultat de cette consultation ne détermine pas à lui seul la minorité ou la majorité de l’individu, qu’elle ne s’oppose pas à la mise à l’abri ni n’interrompe le processus d’évaluation, et que les données collectées soient conservées pendant une durée strictement nécessaire, sans pouvoir faire l’objet d’un traitement par reconnaissance faciale ([135]).

3.   Un fichier facultatif que l’ensemble des départements n’utilisent pas encore, malgré les mesures prises récemment par le Gouvernement

Selon l’étude d’impact, depuis sa mise en œuvre effective, « la présentation en préfecture des personnes se disant mineurs non accompagnés aux fins d’enregistrement dans le traitement AEM a été mise en place dans 78 collectivités (77 départements et la métropole de Lyon) et le sera prochainement dans trois autres départements ».

Le Gouvernement a récemment pris des mesures financières pour inciter les conseils départementaux à recourir au fichier AEM.

Un décret du 23 juin 2020 ([136]) prévoit ainsi, à partir de l’année 2021, que le montant du financement de l’État à destination des départements au titre de la mise à l’abri et de l’évaluation des MNA (cf. commentaire de l’article 14) peut être modulé dès lors que ces départements n’ont pas signé de convention avec l’État visant à l’utilisation de ce fichier dans le cadre de l’évaluation de la minorité et de l’isolement du demandeur.

L’arrêté du 23 octobre 2020 pris en application de ce décret ([137]) instaure une minoration de la participation de l’État de 400 euros par mineur, le montant de la participation forfaitaire de l’État s’établissant à 100 euros par personne évaluée au lieu de 500 euros.

Malgré ces dispositions, quinze départements ne souhaitent pas organiser cette présentation, au motif que le dispositif AEM contribue à la lutte contre l’immigration irrégulière ([138]). Or, parmi ces départements, certains d’entre eux, notamment en région d’Île‑de‑France, accueillent un nombre important de MNA : de ce fait, près de 40 % des personnes se prétendant MNA ne seraient pas enregistrées dans le traitement.

Or, l’absence de déploiement de ce dispositif sur l’ensemble du territoire métropolitain constitue un obstacle majeur à son efficacité.

II.   Le droit proposÉ

A.   Le recours dÉsormais obligatoire au fichier « AEM »

L’article 15 rend obligatoire le recours par les départements au fichier AEM.

Ce recours permettra à un département de vérifier si la personne qui se déclare mineure a déjà fait l’objet d’une évaluation dans un autre département, et, le cas échéant, ce qu’il a été conclu de cette évaluation.

L’article 72 de la Constitution disposant que « dans les conditions prévues par la loi », les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences », une telle obligation reposant sur les départements ne peut être prévue que par la loi.

Le présent article crée donc un nouvel article L. 221‑2‑3 au sein du CASF, qui reprend en grande partie des dispositions existant déjà au niveau réglementaire.

Le I reprend ainsi les dispositions du I de l’article R. 221‑11 du CASF.

Il prévoit que le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence.

Alors que l’article R. 221‑11 fixe aujourd’hui une durée de cinq jours pour cet accueil provisoire, ce nouvel article législatif ne fixe pas le délai durant lequel devront être réalisées l’évaluation et la mise à l’abri. Selon les informations transmises par le Gouvernement à la rapporteure, ce délai sera défini au niveau réglementaire mais il n’y a pas eu, à ce stade, de négociations spécifiques sur cette question.

Dans la pratique, cette durée de cinq jours pour l’évaluation n’est quasiment jamais respectée. La durée moyenne de mise à l’abri diffère donc aujourd’hui considérablement selon les départements. À titre d’exemple, si elle est en moyenne de 15,9 jours en 2019 au niveau national, elle est de 4,7 jours dans le Val‑de‑Marne, de 11 jours à Paris et de 47 jours dans les Bouches‑du‑Rhône.

Le II prévoit, comme le fait aujourd’hui le II de l’article R. 221‑11 du CASF, que le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de la personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, au regard notamment de ses déclarations relatives à :

– son identité ;

– son âge ;

– sa famille d’origine ;

– sa nationalité ;

– son état d’isolement.

Il prévoit que le président du conseil départemental, en lien avec le représentant de l’État dans le département, organise systématiquement la présentation de la personne concernée auprès des services de l’État afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement, par les agents spécialement habilités à cet effet, du fichier AEM.

Seule dérogation à cette obligation, le président ne sera pas tenu d’organiser cette présentation si la minorité de la personne est manifeste. L’étude d’impact annexée au présent projet de loi indique que « la minorité est manifeste quand elle ne fait aucun doute du fait de l’âge du mineur qui se présente » et que « en 2019, parmi les 16 760 mineurs non accompagnés placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance, moins de 10 % des mineurs placés avaient moins de 14 ans ». Si ce terme permet de garantir le caractère proportionné et strictement nécessaire du recours à ce fichier, on peut toutefois s’interroger sur sa précision, sa subjectivité et sur ses conséquences dans l’application pratique du dispositif.

Le représentant de l’État communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne.

Comme ce qui est prévu actuellement par l’article R. 221‑11 du CASF, le président du conseil départemental peut en outre :

– solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne ([139]) ;

– demander à l’autorité judiciaire la réalisation d’examens complémentaires prévus à l’article 388 du code civil, à savoir un examen radiologique osseux.

Les tests osseux

« Les tests osseux consistent en une radiographie du poignet et de la main gauches de l’individu, ensuite comparée à un atlas de référence. Ils reposent sur le processus d’ossification du cartilage de croissance, qui prend fin vers 18 ans. La main et le poignet sont privilégiés du fait de leur grand nombre de points d’ossification, permettant de juger de la maturité du squelette, et par la présence de l’os sésamoïde qui apparaît vers 11 ans chez les filles et 13 ans chez les garçons. Cette méthode a été établie par Greulich et Pyle en 1959 pour déceler des retards de croissance chez les enfants, et donc pour estimer un éventuel retard de l’âge osseux par rapport à un âge chronologique connu.

« Si les examens osseux permettent une approximation de l’âge d’un individu, ils présentent une importante marge d’erreur, particulièrement forte entre 16 et 18 ans. Chez certains individus, le phénomène physiologique permettant d’attester de la majorité était observé dès 15 ou 16 ans tandis qu’il n’apparaissait qu’à partir de 20 ou 21 ans chez d’autres. Des marges d’erreur similaires existent pour l’âge d’apparition de l’os sésamoïde. L’existence de différences de maturation osseuse selon l’origine ethnique ou géographique, l’état physiologique ou nutritionnel de l’individu, est également débattue. Ces raisons ont conduit le Royaume‑Uni à renoncer à y recourir.

« En France, l’article 388 du code civil autorise les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, sur seule décision de l’autorité judiciaire et avec l’accord de l’intéressé.

« Le Conseil constitutionnel, par une décision du 21 mars 2019 ([140]), a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, tout en insistant sur les garanties qu’elles prévoient, et notamment le recueil du consentement de l’intéressé dans une langue qu’il comprend, la mention de la marge d’erreur dans les résultats de ces examens et l’impossibilité de déduire l’âge d’une personne sur cet unique fondement. Le Conseil constitutionnel a également précisé que la majorité de l’intéressé ne peut être déduite du seul refus de se soumettre aux examens osseux et qu’il appartient à l’autorité judiciaire de prendre en compte d’autres éléments tels que l’évaluation sociale et les entretiens réalisés par l’ASE. Si les tests osseux entrent en contradiction avec les autres éléments d’appréciation, le doute doit bénéficier au mineur. »

 

Source : Rapport de Jean-François Eliaou et Antoine Savignat, déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, en conclusion des travaux sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, 10 mars 2021.

Le dernier alinéa du II précise que le président du conseil départemental statue sur la minorité et l’isolement de la personne en s’appuyant sur :

– les entretiens réalisés avec elle ;

 les informations transmises par le représentant de l’État dans le département ;

– « tout autre élément susceptible de l’éclairer ». Cette dernière mention n’existe pas aujourd’hui au niveau réglementaire. Le Gouvernement, interrogé à ce sujet par la rapporteure, a indiqué qu’elle pourra utilement permettre aux évaluateurs « de recueillir des informations relevant du quotidien de la personne auprès des services qui assurent sa mise à l’abri » ou, « avec l’accord de la personne, de recueillir des informations utiles auprès des personnes ou professionnels ayant été en contact avec la personne en amont de leur accueil ».

Les informations transmises par le représentant de l’État, notamment dans le cadre du recours au fichier AEM, constituent donc seulement un élément parmi d’autres de l’évaluation de la minorité, et ne préjugent pas de la décision finale du président du conseil départemental.

B.   L’impact financier du non‑recours au fichier AEM

Le III impose au président du conseil départemental de transmettre chaque mois au représentant de l’État dans le département la date et le sens des décisions individuelles (admission à l’ASE ou non) prises à l’issue de l’évaluation.

Le IV élève au niveau législatif la contribution forfaitaire aujourd’hui prévue à l’article R. 221‑12 du CASF, versée pour l’évaluation des personnes se déclarant mineures.

Il prévoit que la contribution – ou au moins une partie – peut ne pas être versée lorsque le président du conseil départemental :

– n’organise pas la présentation de la personne aux services de l’État ;

– ne transmet pas, chaque mois, les données afférentes aux évaluations, tel que prévu au III.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, a considéré que l’absence de versement de cette contribution aux départements « ne serait pas de nature à restreindre excessivement leurs ressources et à entraver leur libre administration », le montant de cette contribution forfaitaire représentant 0,14 % des recettes réelles de fonctionnement des départements.

C.   application

Aux termes du V, les modalités d’application de l’article 15, et notamment celles relatives à la contribution forfaitaire, seront fixées par décret en Conseil d’État.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, deux amendements de la rapporteure Bénédicte Pételle visant à garantir des dispositions qui sont aujourd’hui de niveau réglementaire :

– le premier prévoit que la contribution forfaitaire aujourd’hui versée aux départements est bien relative à l’évaluation mais également à la mise à l’abri des personnes se déclarant MNA ;

– le second garantit quant à lui que le délai durant lequel devra être réalisé l’évaluation et la mise à l’abri sera précisé par voie réglementaire.

La commission a également adopté, avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement de M. Jean-Michel Clément et de plusieurs de ses collègues du groupe Libertés et Territoires, consacrant dans la loi la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel selon laquelle la majorité d’une personne se présentant comme mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ne saurait être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans le fichier AEM.

Enfin, avec un avis de sagesse de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a également adopté un amendement de M. Didier Martin et des membres du groupe La République en Marche demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dressant un bilan de la généralisation du recours au fichier AEM.

Elle a en outre adopté quatre amendements rédactionnels de la rapporteure.

*

*     *


   TITRE VII
DISPOSITIONS OUTREMER

Article 16
Habilitation relative à l’application outre-mer

Adopté sans modification

L’article 16 propose d’habiliter le Gouvernement à prendre les mesures d’adaptation ou d’extension nécessaires dans les territoires d’outre-mer.

L’article 16 propose, par un procédé usuel, d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures d’adaptation ou d’extension nécessaires pour l’application de la loi dans les collectivités ultramarines.

Le délai de cette habilitation est fixé à douze mois à compter de la promulgation de la loi.

Conformément au deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution, il est prévu qu’un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai fixé à trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. À défaut d’un tel dépôt, ces ordonnances deviendraient caduques.

1.   Une application de plein droit dans les départements et région d’outre‑mer ainsi qu’à Saint‑Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon

Pour mémoire, les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, La Réunion, Martinique, Guyane et Mayotte) sont régis par l’article 73 de la Constitution, c’est-à-dire par le principe d’identité législative. Ainsi, dans ces collectivités, les lois sont applicables de plein droit. Des aménagements sont toutefois possibles : la loi peut notamment les autoriser à adapter les règles nationales aux caractéristiques et contraintes locales.

Les collectivités d’outre-mer (Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint‑Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna) sont quant à elles régies par l’article 74 de la Constitution, c’est-à-dire par le principe de spécialité législative. Leur statut, défini par une loi organique, fixe notamment leurs compétences et les conditions dans lesquelles les lois et règlements sont applicables dans la collectivité.

S’agissant de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, les sujets traités par les articles du présent projet de loi n’entrent pas dans les compétences de ces collectivités. Ils y sont donc également applicables de plein droit, à l’exception de l’article 14, qui ne concerne que les départements métropolitains.

L’étude d’impact précise que des adaptations peuvent être envisagées pour les collectivités de l’article 73 de la Constitution – notamment pour l’application du code de l’action sociale et des familles à Mayotte – ainsi que pour Saint‑Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’article 16 permet donc l’adaptation par voie d’ordonnance des dispositions de la présente loi dans ces collectivités.

2.   L’application de la loi à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

Wallis-et-Futuna, la Polynésie F=française et la Nouvelle-Calédonie sont compétentes en matière d’aide sociale à l’enfance (ASE). Les dispositions du présent projet de loi relatives à l’ASE n’y sont donc pas applicables.

De même, ces collectivités étant compétentes en matière de santé publique, l’article 2, relatif à la protection maternelle et infantile (PMI), n’y est pas applicable non plus.

En revanche :

– en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, l’État est compétent sur la capacité des personnes et donc sur l’autorité parentale : les articles 1er et 2 du projet de loi y sont donc applicables de plein droit. Ce n’est pas le cas en Nouvelle‑Calédonie, où ces deux articles ne seront pas applicables ;

– les dispositions relatives au juge des enfants ont été étendues dans ces trois territoires par les articles L. 532-25, L. 552-19 et L. 562-35 du code de l’organisation judiciaire. L’article 7 doit donc être rendu applicable au sein de ces collectivités par une mention expresse d’applicabilité ;

– comme le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi, la réforme de la gouvernance prévue à l’article 13 concerne l’ensemble des conseils départementaux, y compris ultramarins, qui sont aujourd’hui membres de droit du groupement d’intérêt public (GIP) Enfance en danger et de l’Agence française de l’adoption. Les collectivités territoriales à statut particulier compétentes en matière de protection de l’enfance, d’adoption et d’accès aux origines personnelles pourront également être membres du nouveau GIP si elles en font la demande. Selon l’étude d’impact, « une habilitation est donc nécessaire pour étendre cette disposition en Polynésie-française, à Wallis-et-Futuna et, le cas échéant, sous réserve d’une analyse plus approfondie, en Nouvelle-Calédonie ».

L’article 16 permet donc l’extension et l’adaptation des dispositions des articles 7 et 13 du projet de loi dans ces collectivités.

*

*     *

 


—  1  —

   examen en commission

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 9 heures 30

Au cours de sa première réunion du mercredi 30 juin 2021, la commission commence l’examen du projet de loi ([141]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous abordons l’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants. Je me réjouis de cette discussion sur ce beau texte, attendu et sur lequel nombre de collègues travaillent depuis longtemps. Nous sommes tous animés par un objectif commun : renforcer la protection des enfants et lutter davantage contre les violences qu’ils subissent. C’est une préoccupation majeure pour beaucoup de nos concitoyens. Compte tenu de ces enjeux, je ne doute pas que seront étudiées avec toute la sérénité requise les questions les plus sensibles abordées par ce projet de loi.

Avant de débuter la discussion générale, je souhaite préciser comment ont été appliquées les dispositions constitutionnelles relatives à la recevabilité des amendements. L’article 37 de la Constitution exclut les amendements modifiant des dispositions de nature réglementaire. C’est notamment le cas des dispositions du code de procédure civile, qui ne peut être modifié par la loi. L’article 40 exclut les amendements qui auraient pour effet d’accroître une charge publique. Plusieurs amendements déposés ont été déclarés irrecevables à ce titre, à la suite des avis rendus par le président de la commission finances. Enfin, l’article 45 exige que les amendements aient un lien, même indirect, avec le projet de loi. Il convient de rappeler que pour l’appréciation de ce lien, le Conseil constitutionnel précise très clairement qu’il ne faut pas se fonder sur l’intitulé du texte ou de ses parties mais bien sur le contenu des différents articles. Au total, quatre-vingt-onze amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40, vingt-trois en vertu de l’article 45 et treize en application de l’article 37 ; 345 amendements demeurent en discussion.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Avant tout, je veux m’excuser pour les délais assez courts dans lesquels vous avez dû travailler. Mais vous voudrez bien me donner acte de ma volonté d’avoir souhaité au maximum associer les parlementaires à l’élaboration du projet de loi. Nous avons ainsi eu l’occasion de nous rencontrer à de nombreuses reprises. J’ai consulté les présidents des différents groupes politiques, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour échanger sur les grandes lignes du texte, ainsi que les différents groupes d’études qui travaillent sur ces questions. C’est donc un esprit de concertation sereine qui a présidé à l’élaboration du projet de loi, qui perdurera sans doute lors de nos discussions.

Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour les premiers apports qui apparaissent dans les amendements déposés. Tous ne pourront pas faire l’objet d’un avis favorable du Gouvernement, mais nous avons veillé à le faire pour le plus possible d’amendements enrichissant le projet de loi, qu’ils proviennent de la majorité ou de l’opposition.

La concertation a également eu lieu avec les associations, rencontrées régulièrement depuis trois ans et plus encore à l’occasion de la rédaction du projet de loi. Vous les avez également auditionnées, et certains amendements reprennent des propositions qu’elles défendent.

Les instances de protection de l’enfance ont été consultées. C’est le cas du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), dont je salue le travail, et du Haut Conseil de de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). Outre ces consultations à caractère obligatoire, j’ai également tenu à saisir le Conseil national consultatif des personnes handicapées, car l’aide sociale à l’enfance protège des enfants qui, pour nombre d’entre eux, sont en situation de handicap reconnu par les maisons départementales des personnes handicapées. La question du handicap a donc été prise en considération, même si elle n’est pas encore suffisamment abordée dans ce projet de loi ; j’attends bien du débat parlementaire qu’elle le soit davantage.

La concertation a été la méthode qui a permis d’élaborer la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, dont nous examinons le volet législatif.

J’en viens au deuxième point de mon intervention liminaire, qui consiste à replacer ce projet de loi dans la perspective plus large de la dynamique lancée lors de la création de ce secrétariat d’État, à la protection de l’enfance à l’époque, et qui est désormais un secrétariat d’État à l’enfance et aux familles. Dès ma nomination, j’avais parlé d’un pacte pour l’enfance reposant sur trois grands piliers.

Le premier pilier concerne la prévention pure. J’ai toujours lié la prévention et la protection, et je pense qu’en cette matière comme dans d’autres nous devons bien plus investir. Ce pilier prend essentiellement forme par le projet des 1 000 premiers jours de l’enfant. Juste avant de vous rejoindre, j’étais à Clamart, au service de néonatologie de l’hôpital Antoine-Béclère, pour rencontrer des parents de nouveau-nés, les pères allant figurer parmi les premiers bénéficiaires du doublement du congé paternité qui entrera en vigueur à partir de demain.

Le deuxième pilier de ce pacte pour l’enfance, c’est la lutte contre les violences faites aux enfants. Cela a toujours été un axe fort de la politique que j’ai menée, sous la forme d’un plan de lutte contre les violences faites aux enfants présenté le 20 novembre 2019, à l’occasion du trentième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. Comprenant vingt-deux mesures pour lutter contre les violences de toute nature faites aux enfants, ce plan a depuis lors été complété par un durcissement de la loi pénale, avec l’adoption définitive de la proposition de loi du Sénat visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

Ce plan va être complété, car le Président de la République a demandé que soit instauré un repérage systématique des violences qu’auraient pu subir les enfants à l’école primaire puis au collège. Des annonces seront prochainement faites à ce sujet, pour une mise en œuvre dès la rentrée prochaine.

Le Président de la République a également souhaité une prise en charge systématique en soins psychologiques des enfants victimes de violences sexuelles. Nous y travaillons et aboutirons très prochainement.

Enfin pour être complet sur cet aspect, je recevrai très bientôt le rapport que j’ai demandé sur la prostitution infantile, fléau en forte progression – il concernerait 10 000 enfants – contre lequel nous devons agir le plus précocement possible.

Le troisième pilier de ce pacte pour l’enfance, c’est ce qui nous occupe aujourd’hui : l’amélioration du système institutionnel de protection des enfants, l’aide sociale à l’enfance (ASE). Dès mars 2019, deux mois après ma nomination, j’ai lancé une grande concertation avec l’ensemble des acteurs pour réfléchir à l’amélioration de ce que j’ai toujours considéré comme une compétence, non pas décentralisée, mais partagée entre les départements et l’État. Les départements demeurent chefs de file, bien entendu, mais la vie d’un enfant ne se déroule pas en fonction de l’organisation administrative. Il ne se dit pas en se levant le matin, dans un foyer de l’enfance, qu’il dépend du conseil départemental puis, quand il va à l’école, du ministre de l’éducation nationale, et de votre serviteur lorsqu’il se rend chez le médecin. C’est donc véritablement une compétence partagée, et ce d’autant plus que l’on sait que la santé des enfants relevant de l’ASE est moins bonne que celle de ceux de leur classe d’âge, ou encore que près de deux tiers d’entre eux ont déjà un an de retard scolaire quand ils arrivent en sixième.

Il y a donc un enjeu de réinvestissement de cette politique par l’État, non pas pour remettre sous tutelle ou reprendre des compétences qui ne seraient pas les siennes, mais au contraire pour être au rendez-vous de ses propres compétences et responsabilités. Les défaillances constatées dans l’ASE sont parfois le fait des départements, mais aussi beaucoup celui de l’État. Ce discours de vérité peut être entendu et accepté par tous.

Nous avons engagé la concertation en avril 2019, avec les sept ministères concernés, les départements et l’Assemblée des départements de France (ADF), au travers de six groupes de travail, qui étaient tous coprésidés par un président de conseil départemental. Les associations, de protection de l’enfance et d’anciens enfants protégés, ont été consultées. Cela a représenté plusieurs mois de travail et a permis l’élaboration en commun d’une stratégie de prévention et de protection de l’enfance, qui a été présenté en septembre 2019. De manière schématique, elle s’est déployée depuis deux ans autour de deux axes principaux.

Elle se matérialise tout d’abord au travers d’une méthode de contractualisation entre l’État et les départements, sur le modèle retenu pour la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, en trois temps – trente départements prioritaires, puis quarante, puis les trente derniers. Cette stratégie de contractualisation représente pour l’État un investissement de 600 millions d’euros en trois ans, dont 100 millions au titre de la protection maternelle et infantile (PMI). Le rapport de Michèle Peyron, parlementaire en mission sur ce sujet, avait permis de constater que les crédits de la PMI avaient baissé de 100 millions d’euros au cours des dix dernières années ; nous avons décidé de consacrer 100 millions en trois ans à cette noble et utile institution, qui est au cœur de la stratégie des 1 000 jours que j’évoquais précédemment – nous essayons de faire les choses de manière cohérente.

Des projets pouvaient être soumis par les départements dans le cadre de la contractualisation avec l’État, sachant qu’il était impératif de réinvestir dans la PMI, d’une part, et de proposer la création de dispositifs innovants pour les enfants en situation de handicap, d’autre part.

Le deuxième axe de cette stratégie comprend l’accompagnement à l’autonomie et à la sortie de l’ASE. Nous allons en débattre et je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait.

Nous avions déjà eu l’occasion d’en discuter il y a maintenant deux ans, à l’occasion de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, déposée par Brigitte Bourguignon. Depuis, nous avons mis en œuvre un certain nombre de mesures très concrètes. Dès la stratégie de lutte et de prévention contre la pauvreté, des moyens ont été alloués au financement d’un accompagnement après la majorité, avec le maintien d’un lien pour les enfants de l’ASE. Nous avons, par ailleurs, rendu automatique l’accès aux bourses universitaires, à l’échelon le plus élevé, pour les enfants de l’ASE qui font des études supérieures, de même qu’un accès privilégié aux logements étudiants. Si seulement 6 % d’entre eux suivent de telles études, ce qui est trop peu, du moins ont‑ils automatiquement accès à l’échelon de bourse le plus élevé, soit 680 euros par mois. Ce sont 2 000 enfants de l’ASE faisant des études supérieures qui ont pu bénéficier de ce dispositif lors de la rentrée scolaire précédente.

Nous avons passé un accord avec l’Union nationale des missions locales et avec la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) pour que les missions locales se dotent d’un référent chargé de la protection de l’enfance et accompagnent vers les dispositifs de droit commun d’insertion professionnelle les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance qui ne sont ni dans un parcours d’insertion professionnelle, ni dans un parcours universitaire. Depuis février dernier, ces jeunes ont un accès automatique à la garantie jeunes, c’est-à-dire un accompagnement professionnel et social renforcé et une allocation de 500 euros par mois.

Nous aurons l’occasion d’y revenir et je vous fournirai quelques chiffres actualisés, notamment sur ce qui a été mis en place dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté ; mais je voulais d’ores et déjà en faire état.

J’aborde une question qui n’a pas trait à la seule aide sociale à l’enfance, mais concerne plus largement tous les enfants : la pédopsychiatrie. Cette spécialité est en grande souffrance et, depuis 2018, beaucoup d’investissements ont été réalisés par l’État pour essayer de la remettre à flot, en répondant à l’urgence et en préparant l’avenir – en agissant notamment au niveau des formations et en créant des postes d’assistant chef de clinique. C’est un point au sujet duquel nous sommes souvent interpellés à raison par les associations et les départements.

Le projet de loi s’inscrit donc dans cette dynamique engagée depuis deux ans et demi, et il constitue l’étape et l’étage législatifs de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance.

Il comprend un certain nombre de dispositions qui sont issues de travaux lancés il y a plus d’un an. Celles concernant les assistants familiaux sont le fruit de concertations organisées avec les syndicats, les associations d’assistants familiaux et les employeurs, qu’ils soient publics ou privés. Un certain nombre de leurs points d’accord relèvent du domaine législatif, d’autres du domaine réglementaire, mais je vous ferai part des mesures prévues par voie réglementaire lors des débats, en commission et en séance. Comme vous pouvez l’imaginer, l’article 13, qui réorganise la gouvernance de la protection de l’enfance au travers d’un groupement d’intérêt public (GIP), est l’aboutissement d’un long travail avec les parties prenantes, pour trouver l’organisation la plus efficace possible pour la protection de l’enfance.

Certaines dispositions du projet de loi trouvent également leur source dans les nombreux rapports publiés ces dernières années par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Cour des comptes, ou réalisés par des parlementaires – je pense notamment au rapport de la mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance, présidée par Alain Ramadier et dont Perrine Goulet était la rapporteure. L’ensemble de ces travaux a nourri la réflexion et ils ont trouvé leur traduction dans ce projet de loi.

Celui-ci comprend schématiquement cinq volets.

Le premier volet fait de la sécurité physique des enfants une priorité absolue, avec une mesure phare à l’article 3 : le principe d’interdiction des enfants seuls à l’hôtel. Un rapport de l’IGAS que j’avais commandé évalue entre 7 000 et 10 000 le nombre d’enfants vivant dans cette situation, qui n’est pas acceptable et à laquelle nous devons mettre un terme, sans dogmatisme. Par ailleurs, nous allons renforcer la sécurité des enfants dans les foyers ou dans les familles d’accueil. Pour les foyers, cela suppose que les associations intègrent des plans de lutte contre la maltraitance dans leur projet d’établissement. Le projet initial fixait dans la loi un certain nombre de normes, puisqu’à l’heure actuelle il n’en existe pas. Le Conseil d’État ayant estimé que cela relevait du domaine réglementaire, celles-ci ne figurent plus dans le texte. J’ai cru comprendre que certains ici avaient l’intention de proposer que certaines normes soient bien définies par la loi ; à titre personnel je n’y suis pas opposé, mais les amendements sur ce point n’ont, semble-t-il, pas été jugés recevables. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors des débats, que j’aborde de manière très ouverte.

Nous allons créer une base nationale des agréments pour les assistants familiaux. Il a pu arriver, et il peut encore arriver, qu’une assistante familiale dont l’agrément a été retiré en raison d’actes de maltraitance puisse en obtenir un nouveau dans un autre département. Ces situations ne sont plus acceptables, et le renforcement de la sécurité physique des enfants passe aussi par un meilleur contrôle des antécédents judiciaires des assistants familiaux.

Le deuxième volet du plan porte sur la sécurité affective des enfants et leur quotidien.

L’article 1er impose aux services éducatifs d’étudier systématiquement, avant la décision de placement par le juge, l’option de l’accueil de l’enfant par un membre de sa famille ou d’un tiers de confiance. C’est probablement la mesure ayant le plus fort potentiel de transformation du système de protection de l’enfance.

Deuxième disposition importante pour le quotidien de ces enfants, qui attendent de nous d’être traités autant que possible comme les autres : la clarification des règles de délégation de l’autorité parentale, avec la question des actes usuels et non usuels.

Tous les départements rencontrent des difficultés pour recruter des assistantes familiales, alors que la moitié des enfants sont accueillis au sein de familles d’accueil. C’est un beau métier, difficile, dont les assistantes familiales nous disent qu’il a changé parce que les enfants ont changé. C’est un métier qui mérite d’être revalorisé, financièrement mais aussi symboliquement. Ce projet de loi comprend un certain nombre de choses à cet égard, notamment l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC.

Le quatrième volet est consacré à la réforme de la gouvernance nationale, dans la lignée de différents rapports, dont celui de Perrine Goulet à l’issue de la mission d’information de l’Assemblée nationale présidée par Alain Ramadier, ainsi que ceux de la Cour des comptes ou de l’IGAS. Le projet de loi ne contient que le volet national de cette réforme de la gouvernance, mais nous sommes tous convaincus que la gouvernance territoriale a également un rôle majeur à jouer pour améliorer le fonctionnement de la politique de protection de l’enfance. J’attends beaucoup de nos débats sur l’article 13, à l’Assemblée mais aussi au Sénat.

Enfin, le dernier volet du projet de loi porte sur les mineurs non accompagnés (MNA) et comprend deux dispositions. La première est relative à la clé de répartition, qui se veut plus équitable pour les territoires ; la seconde concerne le fichier d’appui à l’évaluation à la minorité (AEM), que nous souhaitons généraliser.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis très heureuse que nous évoquions ce sujet cher à de nombreux membres de la commission, la protection de l’enfance. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, du dépôt de ce projet de loi, extrêmement attendu par les parlementaires. Si le Gouvernement s’est régulièrement emparé du sujet au cours des dernières années, c’est aussi le cas du Parlement. Ainsi, j’étais membre de la très riche mission d’information rapportée par Perrine Goulet et présidée par Alain Ramadier, qui a rendu ses conclusions il y a deux ans.

Le projet de loi est donc l’aboutissement de nombreux travaux préparatoires auxquels ont participé les acteurs de terrain ainsi que les parlementaires. Je vous remercie de m’y avoir associée. Il est évidemment l’un des volets importants – mais pas le seul – de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, à l’œuvre depuis 2019.

Plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la dernière grande loi sur le sujet, celle du 14 mars 2016, il apparaît en effet nécessaire de consolider l’édifice législatif de la protection de l’enfance, et d’aller plus loin. Ce nouvel élan législatif s’inscrira, non pas dans la rupture, mais dans la continuité de la loi de 2016, qui avait explicitement consacré l’intérêt supérieur de l’enfant, en rupture avec des normes et pratiques antérieures.

C’est aussi un exercice qui tire toutes les conclusions de l’insuffisante application des lois de 2016 et de 2007 : la loi n’est appliquée que lorsqu’elle est pensée en termes d’efficacité sur le terrain. C’est pourquoi les dispositions proposées sont placées sous le sceau d’un grand pragmatisme. Il faut inciter, créer, parfois obliger lorsque nous sommes sûrs que cela améliorera concrètement la situation, sans céder à la tentation de la surenchère législative.

Il faut aussi légiférer chaque fois que c’est nécessaire pour déverrouiller une situation bloquée, ouvrir de nouvelles facultés d’agir aux acteurs et rappeler les principes qui doivent guider l’action de terrain. C’est cet objectif équilibré que poursuit le projet de loi, et c’est aussi dans cet esprit que j’ai rédigé mes amendements et préparé mes avis sur les amendements de mes collègues.

L’intérêt supérieur de l’enfant doit être notre boussole, et c’est celle qui a présidé à la définition de la stratégie du Gouvernement. C’est à l’intérêt supérieur des plus de 340 000 enfants pris en charge par les services départementaux de l’ASE que nous devons penser.

Les titres Ier et II favorisent l’approche pragmatique que j’évoquais pour la vie quotidienne des enfants. En évaluant systématiquement la possibilité de confier l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers de confiance avant que le juge envisage un placement, l’article 1er rappelle une évidence : un enfant se sentira toujours plus en sécurité, et rassuré, dans un environnement familier. Il faut que les services explorent cette solution au préalable, afin d’éclairer le juge. Notre attention a été appelée sur la nécessité d’accompagner le membre de famille ou le tiers de confiance dans certaines situations : y seriez‑vous favorable sur le principe ?

L’article 2 autorise de manière plus claire la délégation ponctuelle de l’autorité parentale au gardien de l’enfant, lorsque ses parents sont dans une démarche d’obstruction ou tout simplement absents. Cela ne remplacera pas les solutions plus pérennes créées en 2016 en cas de délaissement parental, mais répondra à des difficultés réelles sur le terrain et permettra aux enfants de l’ASE de vivre au quotidien comme les autres enfants.

L’article 3 interdit le recours pérenne à des structures d’hébergement non autorisées pour accueillir des mineurs protégés. Le principe sera beaucoup plus clairement affirmé qu’aujourd’hui même si, par réalisme, il aménage une dérogation dans des conditions définies par décret. Pouvez-vous nous rappeler ce que seront ces conditions ? Seriez-vous favorable à ce que le législateur les définisse de manière plus précise ?

L’article 4 a pour objet un meilleur contrôle des professionnels du secteur social et médico-social, plus particulièrement dans le domaine de la protection de l’enfance. Outre la possibilité de vérifier les antécédents judiciaires à tout moment, il s’agit de disposer de moyens humains et techniques permettant de faciliter et de systématiser la consultation du casier judiciaire et du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Quels moyens l’État entend-il déployer pour cette mission, indispensable afin de prévenir les violences ?

L’article 5 entend mieux structurer les politiques de prévention de la maltraitance dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, à la fois à l’échelon ultralocal, avec un nouveau volet dédié au sein du projet d’établissement ou de service, et à l’échelon départemental. Pourrait‑on envisager un référent extérieur pour les mineurs ?

L’article 6 encadre l’évaluation des informations préoccupantes par un référentiel national, attendu depuis longtemps. Ce sera celui de la Haute Autorité de santé (HAS), avec tout le sérieux qui s’attache à ce travail de nature scientifique. Quels moyens seront alloués à la formation des professionnels à ce référentiel ? Pouvez-vous nous assurer qu’il évoluera régulièrement pour prendre en compte le dernier état des connaissances ?

Le projet de loi vise également à améliorer le suivi des mineurs par la justice, en faisant progresser ses pratiques comme ses modalités d’information. L’article 7 ménage la possibilité pour le juge des enfants, à l’instar de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales, de recourir à une formation collégiale si l’affaire qui lui est soumise est particulièrement complexe. L’article 8 renforce les obligations d’information du juge au moment où le service envisage de modifier le lieu de placement du mineur.

Beaucoup de collègues – j’en fais partie – souhaitaient mieux protéger les mineurs en les dotant d’un avocat nommé d’office, mais nos amendements ont été déclarés irrecevables. J’ai compris des auditions qu’il s’agit d’une demande unanime des associations de magistrats, comme des enfants placés, et j’y suis très sensible. Seriez-vous favorable à l’extension de cette protection aux mineurs, si celle-ci est proportionnée et laissée à la main du juge des enfants, dans la seule perspective de l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Le titre IV est consacré à la modernisation du métier d’assistant familial, dont les dispositions législatives qui le régissent n’ont pas évolué depuis 2005. En fait d’assistant familial, je pourrais parler d’assistantes familiales, puisqu’il s’agit à plus de 90 % de femmes. Prendre soin de ces assistantes familiales, reconnaître l’importance, mais aussi la difficulté, de ce qu’elles font au quotidien, vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, c’est aussi prendre soin des enfants. L’article 9 est fondamental, car il sécurise leur métier en le rendant financièrement moins précaire, grâce notamment à l’instauration d’une garantie de salaire minimum, fixée au niveau du SMIC mensuel pour l’accueil d’un seul enfant. Il rend également leur rémunération moins aléatoire, en fixant l’indemnité au niveau de leur salaire en cas de suspension de l’agrément, et en créant une nouvelle indemnité en cas d’accueil d’un nombre d’enfants inférieur à celui prévu par le contrat de travail.

La concertation avec les assistants familiaux a permis de faire émerger d’autres sujets, au premier rang desquels les nécessaires évolutions de leur formation. Quelles sont les mesures envisagées qui ne relèvent pas du projet de loi ?

Le titre VI porte sur les mineurs non accompagnés, et vise à aider les départements dans leur évaluation et leur prise en charge par les services de protection de l’enfance. L’article 14 permettra d’introduire de nouveaux critères pour la répartition de ces mineurs sur le territoire, comme les spécificités socio-économiques des départements et la valorisation de ceux qui accompagnent les MNA à leur majorité. L’article 15 simplifiera les démarches de détermination de la minorité en généralisant l’utilisation du fichier AEM. Certains acteurs, dont France Terre d’Asile, plaident pour que les départements ne puissent plus réexaminer un mineur déjà déclaré mineur dans un autre département et réorienté par le juge. Plusieurs amendements vont dans le même sens. Quelle est votre position sur ce sujet important ?

Pour conclure, je souhaite que le projet de loi soit aussi l’occasion d’une nouvelle étape : si elle veut atteindre les ambitieux objectifs qu’elle s’est fixés, la protection de l’enfance doit certes faire évoluer son cadre légal et réglementaire, mais aussi sa culture et ses pratiques. Ce texte, après celui de 2016, trace un chemin dont il nous appartiendra collectivement – État, parlementaires, départements, professionnels – de nous assurer qu’il est suivi.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je suis rapporteure pour l’article 12, relatif à la protection maternelle et infantile, et l’article 13 qui tend à rendre la gouvernance nationale de la protection de l’enfance plus efficiente.

En 2018, 2 % des mineurs étaient concernés par 314 000 mesures prises dans toute la France, selon les données recueillies par notre collègue Perrine Goulet dans son rapport sur l’aide sociale à l’enfance, dont certaines propositions ont largement irrigué le projet de loi. Ces mineurs, qui sont-ils ? La moitié, à peu près, a moins de 11 ans ; près d’un cinquième est porteur d’un handicap physique ; surtout, 25 % des personnes de moins de 25 ans sans domicile fixe sont des enfants de l’ASE au sens large.

Les départements dépensent 8 milliards d’euros et l’État, 400 millions, pour la protection de l’enfance, et la dépense n’a cessé de croître depuis les années 1990. Pour protéger les mineurs, souvent victimes de violence ou de délaissement parental, la puissance publique s’engage résolument. Pourtant, chacun a en tête les reportages récents qui ont jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements des services de l’ASE ; chacun ici peut attester des différences qu’il a constatées dans la manière dont les enfants sont accueillis selon les territoires.

Faut-il pour autant recentraliser cette politique, comme certains amendements nous y invitent ? Je ne le crois pas. Il y a quarante ans, le législateur a fait le choix de confier la protection de l’enfance aux départements parce qu’il s’agit d’une politique de proximité, intimement liée à la fonction de chef de file social des départements. Depuis, les services départementaux ont largement gagné en compétences, et malgré les dysfonctionnements mentionnés, aucun rapport récent ne propose de confier cette politique à l’État.

Cependant, aux termes de la convention internationale des droits de l’enfant, qui garantit l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est l’État qui est responsable de la protection des enfants résidant sur son territoire. Le projet de loi apporte une première réponse, concrète et globale, à ce paradoxe dans son article 13. Comme l’ont constaté nos collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier, et comme le remarquent également les rapports récents des corps d’inspection et de la Cour des comptes, la gouvernance de la protection de l’enfance est difficilement lisible, voire incohérente. Alors qu’il s’agit d’une compétence décentralisée, la multiplication des agences compétentes ne permet pas d’y voir plus clair à l’échelle nationale.

En 2016, le législateur avait déjà apporté une forme de réponse par la création du CNPE, chargé de veiller aux questions nationales entrant dans son champ d’expertise. Cinq ans après, le bilan est mitigé. Bien que le CNPE ait produit de nombreux avis et se soit saisi de questions cruciales, bien que le projet de loi soit en partie alimenté par ses propositions, le Conseil peine à se distinguer d’autres instances, comme le HCFEA, qui traite de tous les sujets ayant trait à l’enfance. Il s’agit donc de le réformer pour recentrer ses missions et en faire la vigie nationale de la protection de l’enfance.

Plusieurs instances plus opérationnelles fonctionnent également de manière autonome, alors qu’elles interagissent toutes avec le conseil départemental et qu’elles pourraient être sollicitées par le biais d’un guichet unique : le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, l’Agence française de l’adoption (AFA), le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) ou encore l’Observatoire national de la protection de l’enfance ; leurs actions doivent s’inscrire dans une démarche commune et des compétences partagées.

Ainsi, en matière d’adoption, par exemple, il existe une faille dans le recueil des données et l’harmonisation des pratiques relatives à l’adoption sur le sol français. L’extension des compétences de l’AFA à ces adoptions, en plus de ses missions internationales, répond donc à un vrai besoin. En outre, elle pourra s’associer au CNAOP pour orienter les demandes de personnes adoptées à l’issue d’un accouchement sous le secret.

Le GIP ainsi créé emploiera les personnes travaillant actuellement dans les instances qui vont être regroupées, mais ses missions vont être étendues. Il disposera notamment d’une expertise s’agissant des ressources à mettre à la disposition des acteurs de la protection de l’enfance. Certains collègues ont déposé des amendements concernant la création et la gestion de référentiels par ce nouveau GIP. S’il ne faut pas restreindre les marges de manœuvre de celui-ci par la multiplication des missions, ces amendements soulignent l’importance d’améliorer la fiabilité des données à disposition des professionnels comme des enfants accueillis.

Enfin, le dispositif proposé par le Gouvernement répond aux craintes exprimées par de nombreuses familles ayant déposé une demande d’adoption internationale, inquiètes de la disparition de l’AFA au profit du nouveau GIP. En tant que personnalité morale, l’AFA bénéficiera d’une prolongation de deux ans de sa « durée de vie », ce qui permettra au nouveau GIP d’être accrédité auprès des États signataires de la convention de La Haye et d’être reconnu comme l’autorité française en charge des dossiers d’adoption internationale.

J’ai toutefois noté des lacunes dans la gouvernance envisagée, auxquelles je proposerai, comme mes collègues, de remédier à travers des amendements. J’estime, en particulier, que les premiers concernés – les enfants – devraient être intégrés au CNPE au sein d’un collège spécifique.

Soucieuse d’éveiller les consciences sur le risque d’extinction progressive des activités de PMI dans les départements, j’avais donné à mon rapport sur le sujet un titre choc : « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! ». Vous comprendrez donc aisément mon attachement particulier à l’article 12.

Cet article est l’une des pierres sur lesquelles nous nous appuyons pour reconstruire les services de PMI, en plus de la contractualisation avec les départements. Nous proposons d’inscrire l’action des PMI dans des objectifs nationaux de santé publique. Là encore, et sans nier la compétence départementale en la matière, il s’agit d’ancrer résolument la PMI dans une démarche de prévention sanitaire, en cohérence avec la littérature scientifique unanime sur les bienfaits de la prévention précoce. Ce faisant, nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie des 1 000 premiers jours, qui définit un continuum de politiques publiques à destination des nourrissons.

Les actions de PMI étant pleinement sanitaires, l’article prend le soin de préciser et d’adjoindre de nouvelles missions aux services départementaux, notamment en matière de dépistage des troubles du neurodéveloppement. Surtout, le texte lève un obstacle juridique à une pratique homogène du remboursement sur tout le territoire des bilans de santé en école maternelle. Des inégalités persistent entre départements – moins de la moitié des enfants de Seine‑Saint‑Denis ont accès à ces bilans malgré les efforts du département pour les développer – et il est inacceptable que les caisses primaires d’assurance maladie ne prennent pas en charge ces actions absolument indispensables pour le dépistage précoce de carences qui, sans bilan, peuvent prendre une ampleur parfois irréparable par la suite.

J’ai souhaité que ces dispositions soient inscrites au sein d’un titre spécifique. En outre, elles sont appelées à s’enrichir au cours de nos débats. C’est pourquoi j’ai déposé des amendements afin que les PMI soient au cœur de la politique de prévention précoce et de soutien à la parentalité, dans l’ensemble des départements, qu’il s’agisse de la transformation des centres de planification et d’éducation familiale en centres de santé sexuelle et reproductive, potentiellement dirigés par des sages-femmes, de l’expérimentation de nouvelles formes de gouvernance, de relations avec la santé scolaire ou de la reconnaissance du caractère pluridisciplinaire des équipes de PMI. Ne pas agir rapidement, et dès les premières étapes de la vie, c’est un gâchis budgétaire pour l’assurance maladie, mais surtout un gâchis sanitaire pour tous nos concitoyens.

Les personnels de PMI développent des compétences actuellement trop peu reconnues. Je pense en particulier aux infirmières puéricultrices diplômées d’État, dont je proposerai qu’elles puissent prescrire des dispositifs de soutien à l’allaitement. Alors que la mise en œuvre des bilans de santé en école maternelle, des visites à domicile ou du suivi postnatal est remboursée dès lors qu’elle est effectuée par un médecin ou une sage-femme, la charge revient aux départements dès lors que ce sont les puéricultrices qui pratiquent ces actes. Elles représentent pourtant parfois quatre cinquièmes des activités d’un service de PMI.

Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous prévu des négociations avec l’assurance maladie en vue de prendre en compte les actes des puéricultrices dans la nomenclature générale des actes professionnels ? Envisagez-vous et, si oui, à quelle échéance, de permettre le remboursement par la solidarité nationale des actes des puéricultrices, qui permettent d’éviter tant de futures dépenses de santé par leurs actions préventives ?

J’espère que la pierre que nous posons avec ce texte en faveur d’une renaissance de la PMI constituera les prémices d’un chemin vers le développement d’une culture de prévention, au cœur de laquelle ces services départementaux ont toute leur place.

Mme Monique Limon. Dès la fin 2019, vous avez, monsieur le secrétaire d’État, présenté la stratégie nationale 2020-2022 de prévention et de protection de l’enfance, enjeu politique majeur du quinquennat d’Emmanuel Macron. Celle-ci s’est déployée dans les territoires par contractualisation entre l’État et les départements, avec des objectifs partagés et des moyens financiers dédiés de près de 600 millions d’euros sur trois ans. Le projet de loi est l’occasion de mettre en perspective et de traduire de manière législative les avancées contenues dans la stratégie nationale.

La protection de l’enfance est un sujet fondamental : plus de cinq ans après la promulgation de la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant, nous devons nous réinterroger pour améliorer le quotidien des enfants, lutter contre les violences commises contre eux, inscrire la stratégie de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile au sein de la politique globale de santé, améliorer les conditions de travail des assistants familiaux, mieux piloter la politique de prévention et de protection de l’enfance en rénovant sa gouvernance et mieux protéger les MNA en améliorant leur prise en charge.

Tels sont les objectifs du projet de loi. Il est une étape complémentaire pour garantir aux enfants un cadre de vie sécurisant et, aux professionnels, un exercice amélioré de leurs missions. Un changement de paradigme est nécessaire pour renforcer l’action publique sur les enjeux de prévention et rénover le pilotage de cette politique afin d’en améliorer la cohérence et l’efficacité.

Ce projet de loi constitue un progrès, en faveur d’une meilleure protection des enfants, et je ne doute pas que nos débats permettront encore d’améliorer les dispositions. Le groupe La République en Marche votera pour ce projet de loi.

M. Alain Ramadier. Il y a deux ans, la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance, que j’ai eu le plaisir de présider, a dressé un constat accablant : malgré les lois de 2007 et 2016, la protection de l’enfance souffre de nombreux dysfonctionnements, voire de manquements graves. Alors qu’avec mes collègues de la mission, nous avions fait des propositions pragmatiques pour les enfants, le présent projet de loi arrive beaucoup trop tard et son examen est beaucoup trop rapide. Un sujet aussi important que la protection des enfants aurait mérité plus : plus d’ambition, plus de volonté d’agir.

Si ce projet de loi est le volet législatif de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, s’il répond à des problématiques importantes, à l’instar des placements à l’hôtel ou de la rémunération des assistants familiaux, il occulte totalement le plus important : l’intérêt supérieur de l’enfant. Rien sur le suivi psychologique des enfants qui doivent attendre, comme en Seine‑Saint‑Denis, six mois – quand ils ont de la chance – pour obtenir un rendez-vous ; rien sur le projet pour l’enfant (PPE), pourtant obligatoire ; rien non plus sur les mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) non appliquées faute d’éducateurs spécialisés. Plus triste encore, l’article que l’on nous annonçait, qui viendrait déterminer le taux d’encadrement dans les foyers, a tout bonnement disparu.

Les enfants suivis par l’ASE méritent bien plus. Je défendrai plusieurs amendements. Je vous proposerai aussi d’aller plus loin dans la réflexion que nous devons absolument mener au sujet de la pénurie d’assistants familiaux qui s’annonce. Un assouplissement des règles semble indispensable et il faudrait permettre aux familles dont les parents travaillent d’accueillir un enfant.

Les députés Les Républicains seront particulièrement attentifs à l’évolution des dispositions du texte et espèrent que les amendements défendant l’intérêt supérieur de l’enfant trouveront écho.

Mme Perrine Goulet. Pour la première, et la seule, fois au cours de la législature, nous allons légiférer sur la protection de l’enfance. Cette unique opportunité nous oblige, en termes d’efficacité et de méthode.

Nous légiférons dans un temps particulièrement contraint, ce dont tous les participants conviennent, et nous en subissons les conséquences pratiques : nous n’avons pas pu rencontrer, individuellement ou collectivement, suffisamment d’acteurs nationaux ou territoriaux, et échanger avec eux. Nous avons donc l’obligation de nous appuyer sur la littérature récente : le rapport de l’IGAS, rendu en 2020, dont la technicité et la gouvernance ressortent dans le projet de loi ; le rapport de la Cour des comptes de novembre 2020, de très grande qualité, chiffré, argumenté et détaillant les évolutions nécessaires en plaçant l’intérêt de l’enfant au centre ; le rapport de 2019 de la mission d’information de l’Assemblée nationale relative à l’ASE, présidée par notre collègue Alain Ramadier et que j’ai eu l’honneur de rapporter, le premier de cette série récente de travaux. Vous êtes nombreux, ici, à avoir été membre de la mission et, tous, vous avez adopté ses propositions. Ce vote, comme tous nos votes, nous oblige et nous engage. J’espère qu’il se traduira dans le projet de loi.

Je souhaite exprimer mon agacement quant à l’interprétation de la recevabilité de nos amendements – 25 % ont été déclarés irrecevables en première lecture en commission. Si j’entends parfaitement l’interprétation très, voire trop, stricte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, j’observe que l’article 40, qui a également fauché de nombreux amendements, souligne le caractère particulièrement interministériel, coûteux et imbriqué de la politique de la protection de l’enfance. Un seul exemple : un tiers digne de confiance coûte moins cher qu’un placement. Les faire monter en puissance pourrait diminuer le coût des placements et permettrait de réinvestir l’argent gagné. Pour autant, il ne nous est pas possible d’accompagner les tiers par un soutien, la Constitution ne nous le permettant pas.

Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés proposera des avancées visant à assurer les droits des enfants, avec la systématisation de l’avocat pour un mineur en procédure d’assistance éducative, l’application locale d’une meilleure coordination entre l’État et les collectivités et l’amélioration des conditions d’encadrement des enfants dans les foyers.

Mme Isabelle Santiago. Depuis le début de mon mandat, en septembre dernier, la protection de l’enfance, sujet qui suscite toujours beaucoup d’attentes, me tient à cœur – je l’ai pilotée pendant dix ans.

Plus de 350 000 enfants, dont 30 % souffrent d’un handicap, bénéficient aujourd’hui d’une mesure d’aide sociale à l’enfance. Les dispositifs de l’ASE peinent à accompagner les jeunes dans un parcours de vie marqué par les difficultés. Un quart des personnes sans‑abri nées en France sont d’ailleurs d’anciens enfants placés. Je m’offusque donc, comme beaucoup de collègues ayant déposé des amendements, que beaucoup d’entre eux aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, car l’analyse des dépenses supplémentaires doit prendre en compte le coût pour la société du délaissement des jeunes majeurs. Il est temps que nous puissions parler de cette problématique ; or elle ne figure pas dans le texte. J’y reviendrai donc au cours des débats pour formuler des propositions.

Le groupe Socialistes et apparentés s’inscrit, bien évidemment, dans le débat collectif et sera favorable à de nombreux amendements, car, s’il comporte des avancées, ce texte doit être amélioré.

M. Paul Christoph. Ce projet de loi très attendu vise à améliorer la situation des enfants placés auprès de l’ASE, à revaloriser le métier d’assistant familial et à moderniser la gouvernance de la protection de l’enfance. Il est le fruit d’une large concertation à laquelle vous nous avez associés, monsieur le secrétaire d’État. Je salue cette méthode.

Le groupe Agir ensemble se réjouit donc de son inscription à l’ordre du jour, car il permettra de replacer l’intérêt de l’enfant au cœur de la politique de la protection de l’enfance, principe notamment clarifié par l’obligation établie à l’article 1er pour les services éducatifs de rechercher si le mineur concerné peut être confié à un membre de sa famille ou à un tiers digne de confiance en cas de danger. Si le placement institutionnel est parfois incontournable, le maintien dans un environnement sécurisant et familier doit être privilégié sans ambiguïté pour le bien-être de l’enfant.

Petit regret, le texte n’aborde pas la question des jeunes majeurs sortant de l’ASE qui, le jour de leur dix-huitième anniversaire, quittent leur foyer et se retrouvent livrés à eux‑mêmes. Alors que, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques un jeune quitte en moyenne le foyer familial au milieu de sa vingt-troisième année, il semble paradoxal d’admettre que ces jeunes en difficulté puissent être autonomes dès l’âge de 18 ans.

Nous avons déposé plusieurs amendements pour tenter d’atténuer ce phénomène de sortie « sèche ». En tant que conseiller départemental du Nord, j’ai mené une mission d’information et d’évaluation de la politique départementale de l’enfance – je vous en ai d’ailleurs remis le rapport, monsieur le secrétaire d’État. Dans ce département, le dispositif « Entrée dans la vie active » (EVA) propose une démarche d’accompagnement adaptée aux besoins du jeune afin de l’aider à devenir autonome de sa majorité jusqu’à l’âge de 21 ans. Ce même rapport souligne l’importance d’un entretien avec chaque jeune avant sa majorité afin de repérer précocement les difficultés, ainsi que la nécessité d’un suivi après la sortie de l’ASE. Plusieurs départements proposant déjà, avec succès, de tels dispositifs, nous souhaitions les inscrire dans la loi afin de mettre fin aux inégalités territoriales de prise en charge. Nous regrettons donc que cette idée de suivi n’ait pas pu franchir la barre de la recevabilité, tant l’iniquité est manifeste et les besoins pressants.

Mme Valérie Six. Il est des enfants, dans notre pays, dont les parcours de vie sont particulièrement difficiles, pour ne pas dire chaotiques. Notre responsabilité en tant que législateurs est de créer les conditions de la protection des personnes vulnérables, de leur donner les clés de leur émancipation et de donner sa chance à chacun.

Nous sommes tous conscients de la nécessité d’améliorer le quotidien des enfants placés, d’agir pour améliorer la rémunération des assistants familiaux et de lutter contre le dévoiement des dispositifs dont bénéficient les mineurs isolés : nous soutiendrons donc les mesures allant dans ce sens.

J’appelle toutefois votre attention sur la nécessité de compenser à l’euro près le coût de ce projet de loi pour les départements puisqu’il n’entraînera de nouvelles contraintes quasiment que pour ces derniers. Pour ceux du Nord, ce coût serait de l’ordre de 10 à 30 millions d’euros. Si l’État n’abonde pas d’autant leurs budgets, cette réforme se fera au détriment d’autres politiques publiques.

Par ailleurs, la politique de la protection de l’enfance est par nature complexe, interministérielle et décentralisée. Il faudrait donc agir sur de nombreux autres leviers tels que l’accès aux soins, notamment en psychiatrie, le suivi de la réussite scolaire, les actions de prévention ou l’organisation des services de police et de justice afin de lutter contre les réseaux de traite des mineurs.

Après ce projet de loi, les enfants placés ressentiront-ils une amélioration substantielle de leur quotidien ? Les assistants familiaux verront-ils leurs conditions de travail concrètement améliorées ? La prise en charge de chacun des MNA sera‑t‑elle digne ? Nous en doutons : dans l’attente du débat, notre groupe réservera donc son vote jusqu’à son examen en séance publique.

Mme Jeanine Dubié. J’émets tout d’abord le vœu que nous cessions d’employer le terme péjoratif de « placement » de l’enfant pour lui préférer celui d’« accueil ».

Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi présente un intérêt à plusieurs titres. S’il s’appuie sur l’excellent rapport de nos collègues Alain Ramadier et Perrine Goulet, j’aurais souhaité que vous vous en inspiriez davantage. L’accueil par un membre de la famille, l’interdiction du placement des mineurs dans des hôtels, la possible délégation de plusieurs actes relevant de l’autorité parentale à un tiers de confiance, formant le titre Ier, vont dans le bon sens. Il n’en reste pas moins que ce texte manque d’ambition. Je regrette, en particulier, que la PMI ne soit pas davantage abordée sur le plan social, que l’on s’en tienne à une vision strictement sanitaire et qu’il n’y ait pas une meilleure articulation avec la médecine scolaire.

Concernant les assistants familiaux, revoir leur rémunération, c’est bien mais insuffisant. D’autres travailleurs sociaux du même champ sont complètement oubliés alors qu’ils sont épuisés. Il y a besoin de formation, de promotion du métier, de droit au répit, de logement : tout cela aurait dû être davantage abordé.

Enfin, je regrette que l’accompagnement des jeunes majeurs ne soit vu qu’à travers l’évaluation de la minorité. Je rappelle que ce sont avant tout, et avant d’être des personnes étrangères, des enfants, et je rejoins les propositions faites par nos collègues à leur sujet.

Le groupe Libertés et Territoires réservera son vote après la séance publique.

M. François Ruffin. J’ai lu, ce week-end, le rapport de mes collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier sur l’ASE : c’est devenu ma bible pour l’examen de ce projet de loi, car il confirme les discussions que j’ai pu avoir avec les enfants passant par l’ASE, avec les éducateurs et les assistantes familiales.

Ce rapport dit, d’abord, qu’on fait plein de belles lois – sur l’entretien à 17 ans, sur le projet pour l’enfant, sur la commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, sur des observatoires –, mais qu’elles se traduisent très peu dans la réalité. Il y a un énorme fossé entre les unes et l’autre, ce que confirment les gens qui travaillent là-dedans : ils disent que le problème est de mettre les moyens pour qu’elles soient appliquées. Or avec un projet à zéro euro, sans moyen et qui ne prévoit même pas un taux d’encadrement dans les foyers, ça ne peut pas coller.

Ensuite, le projet de loi pose trois problèmes majeurs, le premier étant la décentralisation. Le rapport nous dit que la logique est à bout de souffle, qu’il faut réinterroger sans tabou la gouvernance et se demander si l’ASE doit rester une politique décentralisée. Or ce point n’est pas abordé.

Deuxième problème, l’autorité parentale, qui fait que les gamins peuvent se retrouver de l’âge de 6 mois à 18 ans dans une espèce de no man’s land, baladés entre la famille et les foyers. Le rapport indique que les parcours de vie des enfants connaissent des ruptures quand prévaut la préservation d’une autorité parentale chancelante. Cette question centrale n’est pas non plus abordée.

Troisième problème : le saucissonnage ou plutôt le jonglage pour les gamins avec des référents et des foyers qui changent en raison du manque de places et du passage d’une institution à l’autre.

Le projet de loi ne répond absolument pas à ces problèmes. Nous avons là un texte bâclé et bricolé, quand l’ASE nécessitait une plus grande ambition. Nos amendements essaieront d’en relever le niveau. S’agissant de notre vote, nous sommes, pour l’instant, très réservés.

M. Pierre Dharréville. Je regrette, à mon tour, les conditions d’examen de ce projet de loi ainsi que la limitation de plus en plus forte du droit d’amendement, qui empêche un véritable débat, même si j’ai entendu, madame la présidente, vos explications.

Sont abordés divers sujets touchant à la protection de l’enfance, cette période pendant laquelle se joue une part essentielle du devenir humain. Les propositions faites comportent des améliorations, mais l’ensemble manque singulièrement d’ampleur et d’ambition. En particulier, l’ASE se trouve en grande difficulté et les différents acteurs la jugent sinistrée.

Le texte pèche tant par ses silences – par exemple, sur les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures, comme la collégialité –, que par ses carences : sur le recours au placement à l’hôtel, qui est, en réalité, avalisé comme une possibilité, sur les normes d’encadrement et sur les conseils d’avocats dispensés aux enfants de l’ASE.

Concernant les assistantes et les assistants familiaux, en dépit d’une amélioration, la question de leur départ en retraite demeure. Vous en profitez – vous êtes incorrigibles – pour prolonger la durée de leur carrière, or ce n’est pas une solution pour faire face aux difficultés rencontrées.

Enfin, nous ne sommes pas du tout au rendez-vous concernant les mineurs non accompagnés. La mesure de fichage est extrêmement problématique, alors que nous devrions plutôt nous orienter vers des mesures de plus grande protection. Les différents départements rencontrent des problèmes manifestes. Il faut y faire face beaucoup mieux, ce qui pose également la question des jeunes majeurs, de même que celle des tests osseux, jugés inadaptés, inefficaces et indignes par la Défenseure des droits, et qui mériterait aussi de figurer dans ce texte.

Mme Agnès Thill. Ce projet de loi comporte certes des mesures appréciables, mais, à l’évidence, il ne va pas assez loin dans certaines problématiques essentielles de la protection de l’enfant, voire en oublie.

Si le titre II prévoit la mise en œuvre de dispositifs visant à prévenir les violences au sein des établissements de l’ASE, ceux-ci ne sont pas suffisants pour garantir la sécurité des enfants. Contrôler les antécédents judiciaires de l’ensemble du personnel des établissements accueillants est une chose, mais lutter contre les violences infligées aux enfants par leurs camarades en leur sein en est une autre. Règlements de compte, trafics de drogue et même viols entre mineurs, les centres d’accueil de l’ASE sont le théâtre de nombreux dysfonctionnements et l’objet de nombreux scandales. Questionnons-nous alors sur leur légitimité : sont‑ils réellement bénéfiques pour les enfants placés ?

Un autre sujet, pourtant fondamental dans la lutte contre les violences subies par les enfants, n’est pas non plus pris en compte par ce projet de loi : l’accès des mineurs aux images violentes et à la pornographie. Selon un sondage IFOP, plus de 50 % des adolescents âgés de 15 à 17 ans sont tombés sur des images pornographiques sans les avoir cherchées et 8 % des enfants âgés de 11 ans en sont déjà dépendants. Il est urgent de mettre en œuvre des mesures concrètes afin de lutter contre les dangers de la pornographie pour les mineurs.

J’appelle enfin votre attention sur un phénomène qu’il convient de garder l’esprit en matière de protection de l’enfance : l’infanticide. Le projet de loi ne prévoit pas de mesures de lutte contre les crimes familiaux, alors même que le rapport glaçant de l’IGAS d’avril 2019 explique qu’en France, tous les cinq jours, un enfant est tué par l’un de ses parents. Il est de notre devoir de réfléchir et d’adopter des lois visant à endiguer ces crimes.

M. Stéphane Viry. Je ne reviens pas sur les conditions d’examen de ce projet de loi, ni sur l’irrecevabilité de certains amendements, mais je les déplore.

La protection des enfants, de l’enfance en général, est probablement l’une des politiques publiques les plus importantes. Les amendements vont permettre de débattre d’ajustements et d’améliorations à apporter au texte. Je souhaite, en particulier, que nous abordions la question de la parentalité, qui doit être au cœur de nos réflexions, et que nous évitions d’adopter des dispositions entraînant un formalisme trop conséquent et une bureaucratie de nature à retarder la prise de mesures urgentes et utiles à l’intérêt des enfants. Il faut également défendre la parole de l’enfant, au travers d’un mécanisme d’administrateur ad hoc ou de la présence d’un avocat. Les questions de représentation sont essentielles.

Les accueillants familiaux et tout ce qui concerne la PMI doivent effectivement être renforcés, et la carrière de ces hommes et de ces femmes doit être accompagnée. Le projet de loi donne un certain nombre d’indications à ce sujet, mais nous avons des lacunes à combler sur l’accompagnement en général.

Manifestement, le cadre de l’hébergement hôtelier est à préciser et probablement à restreindre.

Enfin, le juge des enfants doit être renforcé dans son rôle de garant des libertés fondamentales.

M. Bernard Perrut. Le projet de loi traduit des avancées significatives en matière de protection de l’enfance. Nous sommes tous attachés à la protection contre la maltraitance et contre les violences.

S’il est bon de réglementer l’exercice du service public de la protection de l’enfance, notamment en mettant un terme à la pratique de l’accueil dans des hôtels – une prise en charge tout à fait inadaptée pour un public particulièrement vulnérable –, le délai rapide d’application de la mesure ne sera pas sans conséquence pour les départements. Ceux-ci font déjà face à des coûts croissants du fait de l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés, de la précarité et des besoins sociaux, et auraient bien besoin d’un soutien financier. Il est difficile d’imaginer qu’ils seront à même de dégager en si peu de temps les marges financières nécessaires sans un engagement très clair de l’État.

Ma remarque vaut également pour le dispositif de revalorisation des rémunérations des accueillants familiaux, car, contrairement à ce qui est affirmé dans l’étude d’impact, il n’est pas envisageable de seulement revoir leur budget à la hausse pour le financer. Il reste toutefois le bienvenu, même si son financement mérite donc des éclaircissements.

S’agissant toujours des départements, je regrette que le projet de loi n’aille pas plus loin dans la coordination des acteurs. Comment insuffler dans les territoires l’obligation d’une meilleure articulation entre les différents acteurs intervenant dans la vie de l’enfant – services d’accueil, conseil départemental, éducation nationale, secteur médical, notamment en pédopsychiatrie –, afin de garantir une plus grande effectivité de ses droits ?

Il est nécessaire d’avoir, y compris à l’échelon territorial, une approche globale de l’enfant et de sortir d’une logique de silos pour le remettre au cœur des politiques publiques. Allez-vous, comme nous le souhaitons, enrichir le texte sur ce sujet ?

M. Ugo Bernalicis. Ayant suivi le débat sur le code de la justice pénale des mineurs, je souhaite redemander ici : bon sang, pourquoi ne travaillons-nous pas à un code de l’enfance intégrant la totalité des mesures pénales et civiles ? À l’époque, le secrétaire d’État ici présent m’avait dit : « Ne vous inquiétez pas, on y réfléchira et d’autres textes feront le pendant civil du code de la justice pénale des mineurs. »

Or, à l’approche de la fin de la législature, qu’avons-nous ? Un texte de bonnes intentions, très clairement au rabais, qui ne traite pas les sujets fondamentaux. Voulons-nous en élever le niveau que nous nous heurtons aux traditionnelles irrecevabilités tirées des articles 40 ou 45, au choix, de la Constitution. En ont fait les frais notamment la présence obligatoire de l’avocat afin d’accompagner l’enfant à chaque étape ou l’accès au revenu de solidarité active dès 18 ans pour les jeunes issus de l’ASE, toutes choses concrètes qui auraient pu faire de ce texte un point d’appui utile et efficace pour les enfants de ce pays.

Je le répète, le moment venu, nous ferons le code de l’enfance puisque, finalement, l’ambition a plutôt penché du côté répressif que du côté protecteur. On voit bien que la prédominance de l’éducatif sur le répressif a trouvé ici ses limites, avec ce texte qui n’est pas à la hauteur.

M. Guillaume Chiche. Ce texte nous donne l’occasion, enfin, d’apporter une solution aux situations absolument dramatiques vécues par les enfants mis sous protection de la République dans le cadre de l’ASE et au traitement inhumain réservé aux mineurs non accompagnés. Il est cependant insuffisant, souffre d’oublis majeurs, comme le dit la Défenseure des droits, Claire Hédon, et aggrave la situation.

Parmi les oublis, je relève en particulier l’accompagnement de l’enfant – et de sa parole – par un professionnel, en l’occurrence par un avocat. Je présenterai des amendements visant à rendre systématiquement possible la présence d’un avocat auprès des enfants.

À vous entendre, le texte interdirait formellement le placement de nos enfants dans des hôtels, dont on sait les situations catastrophiques qu’il entraîne. Or j’y trouve trois exceptions : les vacances scolaires, les congés, professionnels ou de loisir, et – tenez-vous bien – les situations d’urgence. Je crois qu’il faut l’interdire strictement, dans leur intérêt, et qu’en la matière les demi-mesures sont inacceptables. L’exposé des motifs prévoit de limiter la durée d’un tel placement à deux mois, mais cette limitation ne se retrouve pas dans le corps du projet de loi. Il faut l’interdire tout bonnement !

Enfin, l’article 15 crée un droit spécifique pour les mineurs non accompagnés, les faisant sortir du champ de la protection de l’enfance et imposant aux travailleurs sociaux et aux départements de les remettre, y compris avec le concours des forces de l’ordre, aux autorités préfectorales. Il est indigne de vouloir traiter les enfants de cette manière !

M. Thibault Bazin. De très nombreux étrangers qui toquent à la porte des départements afin de bénéficier des services de l’ASE, on le sait, ne sont pas mineurs : certains ont même plus de 30 ans ! Ce détournement aux fins d’immigration illégale conduit à l’embolie de nos structures de protection de l’enfance et à la dégradation des conditions d’accueil des vrais mineurs que nous devons protéger.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté de généraliser le recours au fichier national d’appui à l’évaluation de la minorité. C’est une très bonne orientation, car certains départements, comme la Meurthe‑et‑Moselle, sont encore réticents à l’utiliser. Dans quel délai une telle généralisation sera-t-elle effective ? Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour lutter contre ces fraudes, et quelles sanctions prévoyez‑vous si le recours à ce fichier n’était pas effectif ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. La prévention dès le plus jeune âge est, pour nous, essentielle. Elle nécessite d’accompagner les parents, notamment les plus fragiles, et de favoriser les bons comportements. Nous connaissons, monsieur le secrétaire d’État, le travail que vous accomplissez depuis plusieurs années pour accompagner les services de PMI, la prévention étant une priorité du Gouvernement et de notre assemblée, alors que nous savons tous que les services de prévention en santé, qu’il s’agisse de la PMI, de la médecine scolaire ou de la médecine du travail, se trouvent en difficulté.

Nous nous réjouissons donc de l’article 12 du projet de loi, rapporté par notre collègue Michèle Peyron. Nous défendrons deux amendements, essentiels à nos yeux, visant à permettre et aux conseils départementaux et au Gouvernement de rendre compte de leur action en faveur de ces services essentiels que sont les PMI.

M. Raphaël Gérard. La réforme de la gouvernance nationale de la protection de l’enfance et de l’adoption prévoit la création d’un GIP qui regrouperait les compétences de l’AFA, du GIP « Enfance en danger » (GIPED), des secrétariats généraux du Conseil national de l’adoption, du CNPE et du Conseil supérieur de l’adoption. Très attendue par l’ensemble des acteurs en ce qu’elle renforcerait les fonctions de pilotage et d’appui au niveau national, notamment par la création d’un opérateur compétent dans le champ de l’adoption nationale, cette réforme suscite dans le même temps beaucoup d’inquiétude, en particulier au sein des associations spécialisées dans le domaine de l’adoption internationale, ce qui explique que la création d’un tel organisme a, par le passé, échoué à plusieurs reprises. Afin de rassurer les familles, je souhaiterais quelques éclaircissements sur deux points.

En premier lieu, quelle est la feuille de route du Gouvernement en matière d’adoption internationale dans les années qui viennent ?

Dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Monique Limon, le Gouvernement a soutenu l’interdiction des adoptions à titre individuel à l’étranger au motif de lutter contre les trafics d’enfants. Il a également soutenu le renforcement des contrôles exercés sur les organismes autorisés pour l’adoption au moyen d’une procédure d’agrément bornée dans le temps. Dans le même temps, vous prévoyez d’intégrer l’AFA au sein de ce GIP, ce qui soulève des interrogations sur le maintien de sa capacité d’action à l’international, d’autant que le renouvellement des accréditations du futur organisme dans sa mission d’intermédiation dans les pays signataires de la convention de La Haye devra s’accompagner d’un plan de communication et d’organisation, en lien avec la Mission de l’adoption internationale (MAI), qui semble avoir été, jusqu’à présent, peu associée à l’élaboration du texte. Ces différentes mesures alimentent la crainte d’un désinvestissement de la France dans le domaine de l’adoption internationale sous couvert d’une baisse tendancielle du nombre d’enfants adoptables.

En second lieu, pourriez-vous nous confirmer que l’élargissement des missions confiées à l’AFA, notamment dans le domaine de l’adoption nationale, ne se fera pas au détriment de sa fonction d’intermédiation en matière d’adoption internationale ? Pouvons‑nous avoir l’assurance que cette même AFA, puis le GIP, disposera des moyens adaptés afin d’accompagner les familles dans leur projet d’adoption dans les pays d’origine ?

Mme Josiane Corneloup. Une société moderne se juge à sa capacité à protéger les plus vulnérables, notamment, les enfants en danger. Prévenir les situations dans lesquelles un parent ne parvient plus à offrir à son enfant les garanties nécessaires à sa sécurité et à son bon développement est l’affaire de tous. L’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être notre priorité, commande une attention de tous les instants pour sécuriser celui-ci au sein de sa famille.

L’article 1er vise à placer prioritairement l’enfant auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers digne de confiance. Je suis tout à fait favorable à l’idée d’explorer systématiquement la possibilité de maintenir l’enfant dans un cadre connu plutôt que de le placer auprès d’un service de l’ASE. Toutefois, je regrette que cet article ne comprenne aucune mesure en matière d’AEMO, laquelle concerne des familles dont les parents sont confrontés à des difficultés dans l’exercice de leur mission et vise à les accompagner tout en assurant la protection de l’enfant. L’AEMO peut, par exemple, favoriser l’insertion sociale à l’école, lors des loisirs, au sein d’associations ou dans des lieux de soins. Elle est essentielle et il convient d’y recourir plus fréquemment.

M. le secrétaire d’État. Contrairement à ce que prétendent un certain nombre d’entre vous, ce texte ne manque pas d’ambition. J’assume que tout ne soit pas dans la loi, tout simplement parce que des actions ont déjà été menées ou sont en cours. La pédopsychiatrie est en effet un domaine essentiel. Or, depuis deux ans et demi, je n’ai cessé d’en parler à chacun de mes déplacements. Il en est de même s’agissant des délais d’attente dans les centres médico-psychologiques (CMP). Il est faux de dire que rien n’est fait !

Je vous rappelle que 80 millions d’euros ont été débloqués en faveur de la pédopsychiatrie dans le cadre de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie de 2018, que le fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie a été doté de 15 millions pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et qu’il a été reconduit de 2019 à 2021, que dix postes d’assistants chefs de clinique en pédopsychiatrie ont été créés depuis 2019 et que, dans le cadre du Ségur de la santé, 160 postes de psychologues ont été créés afin de réduire les délais d’attente dans les CMP. La pédopsychiatrie sera également l’un des axes fondamentaux des assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui auront lieu en septembre prochain.

Le Gouvernement agit également contre l’accès massif et précoce des enfants à la pornographie et la prostitution infantile – à ce sujet, nous annoncerons d’ailleurs un certain nombre de mesures à la rentrée, à la suite du rapport que me remettra Mme Champrenault, procureure générale près la cour d’appel de Paris.

Le rapport d’avril 2019 sur la mort inattendue des nourrissons est le premier à avoir été déposé sur mon bureau dès après ma nomination. Le référentiel de la HAS, dont cette loi généralisera l’utilisation, y figurait, de même que la collégialité des juges lorsque les situations sont complexes.

J’aurai l’occasion de vous dire lors des débats à quoi servira l’argent de l’État dans le cadre de la contractualisation : créations de postes dans les PMI de vos départements, d’équipes mobiles en pédopsychiatrie, de places dans les villages d’enfants afin d’éviter la séparation des fratries. C’est du tangible, du concret !

La loi ne peut pas tout, en effet. Nous savons fort bien que des dispositifs datant de la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance – projets pour l’enfant, observatoires départementaux de la protection de l’enfance – ne sont pas mis en œuvre et que ce n’est pas normal. À mes yeux, c’est un véritable enjeu des pratiques professionnelles.

Des documentaires, des reportages font état des maltraitances qui existent au sein des foyers – nous débattrons de dispositions qui, je l’espère, permettront d’y mettre fin –, mais je tiens également à saluer le professionnalisme des travailleurs sociaux de la protection de l’enfance.

Ce texte comprend des dispositions concernant le seul métier d’assistant familial mais nous réfléchissons aux moyens d’améliorer la qualité de vie au travail de l’ensemble des travailleurs sociaux.

Certains d’entre vous se sont étonnés que les mesures relatives aux normes et aux taux d’encadrement ne figurent pas dans ce texte. J’ai saisi le CNPE afin qu’il rende un avis à ce propos mais le Conseil d’État a considéré que cela ne relève pas de la loi et un certain nombre d’amendements à ce sujet ont été jugés irrecevables. Je m’engage toutefois à ce que nous puissions en discuter ensemble et que le Gouvernement réfléchisse à ce qu’il sera possible de faire en séance publique sur un certain nombre de thèmes, notamment, le financement du GIP.

J’attends également que le débat parlementaire permette de remédier à certaines lacunes du texte, notamment en ce qui concerne l’AEMO. Nous reviendrons sur la question des délais d’exécution des mesures de justice – je pense à la tribune qu’avaient publiée les juges des enfants de Bobigny en 2018 – et je suis tout à fait disposé à entendre des propositions de votre part. L’AEMO est en effet mal connue et mal utilisée puisqu’elle ne concerne que 18 % des mesures sociales à l’enfance. Il y a deux ans, j’ai demandé à l’inspectrice générale des affaires sociales Geneviève Gueydan un rapport sur la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance ; il contient un certain nombre de propositions. La question, maintenant, est de savoir comment mieux les appliquer.

Un certain nombre d’amendements visant à renforcer l’accompagnement avant et après de la sortie de l’ASE ont été déclarés irrecevables, mais le Gouvernement est plutôt favorable à l’idée de travailler dans ce sens. Là encore, nous en parlerons.

J’attends également beaucoup de nos débats, au Sénat et à l’Assemblée nationale, à propos de la gouvernance territoriale et de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, qui doit en être l’épicentre. J’attends donc l’installation des nouveaux conseils départementaux et du nouveau bureau de l’ADF afin que les parlementaires puissent nous dire comment renforcer cette organisation territoriale.

La MAI a été très étroitement associée à nos travaux et l’AFA poursuivra sa mission de haute autorité juridique pour qu’il n’y ait pas le moindre risque de remise en cause des agréments à l’étranger. Elle continuera à mener des actions internationales, d’autant plus qu’avec la crise sanitaire, de nombreux organismes autorisés pour l’adoption connaissent de grandes difficultés.

Avec la nouvelle gouvernance, l’idée est que l’AFA puisse mettre ses compétences à disposition des départements en matière d’adoption nationale, une expérimentation concluante étant en cours dans vingt-cinq d’entre eux. Des moyens seront consacrés à la formation et permettront l’accomplissement de ces deux missions. Je me suis également engagé auprès des organisations syndicales pour que le cadre d’emploi le plus favorable soit appliqué à l’ensemble des organisations qui rejoindront ce nouveau GIP. Cela dit, nous proposons moins une réforme « de moyens » qu’une réforme « de sens », comme en témoigne également le rapprochement du CNAOP avec l’AFA.

La proposition de loi de Mme Limon avait été, en effet, l’occasion d’évoquer la protection de l’enfance. Nous nous rejoignons également sur la nécessité de l’accompagnement et nous pourrons y travailler ensemble.

Depuis trois ans, le choix a été fait de ne pas recentraliser, même si je n’ai pas voulu que l’on entre dans des débats institutionnels et de compétences. J’ai le sentiment que, sur ces questions, il faut faire preuve d’humilité. Je ne crois pas que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ou la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel soient toujours d’heureuse mémoire. En tout cas, je ne peux laisser dire que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en compte dans ce texte alors qu’il est, au contraire, central.

L’enjeu essentiel est d’éviter les ruptures et il n’est pas admissible que le système en génère lui-même. C’est pourquoi nous permettons aux assistantes familiales de poursuivre leur activité au-delà de la retraite – je vous renvoie au très beau documentaire sur Yanie, Itinéraire d’un enfant placé.

Ce sont 8 milliards d’euros qui sont consacrés à la protection de l’enfance mais ne faisons pas de la question des moyens un préalable : nous pouvons tous mieux faire. Des moyens supplémentaires, de plus, ont été accordés à la justice qui ont permis de créer soixante‑dix postes de juges des enfants et cent postes de greffiers pour les tribunaux pour enfants.

Je ne suis pas contre l’élaboration d’un code de l’enfance mais je ne suis pas celui qui, au banc, à l’occasion du débat sur la cellule de veille jeunes majeurs, a affirmé que deux textes devaient voir le jour !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous avons bien compris que vous êtes ouvert à l’enrichissement de ce texte, dont nous commençons donc l’examen.

 

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE IER
AMÉLIORER LE QUOTIDIEN DES ENFANTS PROTÉGÉS

Article 1er : Recherche préalable d’un membre de la famille ou d’un tiers de confiance avant tout placement

La commission est saisie de l’amendement AS417 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. L’amendement soulève la question de la pluralité des tiers dignes de confiance pour aborder celle des parrainages.

Le parrainage concerne des personnes qui ont un lien ou non avec l’enfant, qui ne peuvent pas l’accueillir en permanence chez eux mais qui souhaitent pour autant jouer un rôle, par exemple en l’accueillant certains week-ends ou pendant les vacances scolaires en s’engageant ainsi sur le long terme.

L’ancien secrétaire d’État Mounir Mahjoubi, engagé dans cette démarche, m’a fait part de son bien-fondé pour l’enfant. Il importe donc de sécuriser juridiquement ces parrainages en donnant un statut aux parrains. Dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à ce qu’il y ait 10 000 parrainages d’ici à 2022.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre amendement propose de pouvoir confier l’enfant à plusieurs tiers dignes de confiance, évoquant en filigrane les parrainages pratiqués avec succès par plusieurs associations. La rédaction proposée ouvre cependant la possibilité, qui n’est pas permise par le droit actuel ni souhaitable, de « diluer » la responsabilité en confiant l’enfant à plusieurs gardiens, ce qui pourrait soulever des problèmes.

Reste, bien sûr, la notion plus souple de parrainage, sans qu’il s’agisse nécessairement de confier l’enfant au parrain, mais nous aurons l’occasion de l’aborder avec plusieurs amendements après l’article 3.

Craignant qu’une telle possibilité offerte au juge insécurise l’enfant, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Cet article, très important, permet de rechercher systématiquement l’existence d’un tiers de confiance – parent, voisin avec lequel l’enfant a noué des liens – plutôt que d’envisager un placement. Bien entendu, une telle démarche s’inscrit dans la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant, unique motivation du juge. Un tiers des courriers que je reçois concerne cette question : des grands‑mères, des cousins me font part du placement d’un enfant alors qu’ils auraient pu s’en occuper. L’accompagnement est impératif et l’exception d’urgence, me semble-t-il, a été mal comprise.

En 2019, sur 138 462 placements, 68 000 enfants ont été confiés à l’ASE, 4 382 à un tiers digne de confiance et 1 526 à un membre de leur famille. En Allemagne, quasiment deux fois moins d’enfants sont placés en institution. La « désinstitutionalisation » fait son chemin pour le handicap et la dépendance. Nous devons l’envisager pour l’ASE Cet article peut avoir un effet de levier sur l’organisation de notre système.

Avis défavorable ou demande de retrait pour cet amendement qui, en effet, « dilue » un peu les responsabilités. Le parrainage demeure néanmoins un élément important de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance à travers la contractualisation : 10 000 places de parrains sont financées ou en voie de l’être. Je vous donnerai le nombre de contrats signés et leur localisation.

Les tiers bénévoles bénéficient d’un statut mais ces derniers ne peuvent intervenir dès que le juge prononce une mesure d’AEMO, ce qui est souvent nécessaire et qui soulève à nouveau la question de l’accompagnement par le tiers digne de confiance.

Mme Perrine Goulet. La mention d’un parrain dans un jugement sécuriserait, au contraire, l’enfant qui serait ainsi accompagné sur le long terme.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS484 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, qui fait l’objet du sousamendement AS500 de Mme Perrine Goulet.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Au moment de confier l’enfant à un membre de famille ou un tiers digne de confiance, le juge doit examiner systématiquement l’opportunité d’appliquer l’une des mesures qu’il peut déjà ordonner en application du code – AEMO, soutien d’un professionnel, conditions de prise en charge sanitaire ou scolaire pour que l’enfant soit placé – afin d’accompagner l’accueillant, qui a parfois besoin d’un soutien pour pouvoir assurer son rôle.

L’apport serait donc une décision explicite du juge des enfants sur cette question, qu’il devrait motiver dans sa décision et calibrer aux besoins spécifiques du membre de famille et du tiers de confiance.

Cette réflexion rejoint un autre amendement du groupe La République en marche que nous examinerons un peu plus loin sur l’accompagnement par un référent. La rédaction n’est peut-être pas totalement aboutie, d’autant qu’elle pourrait se rapprocher de celle de mes collègues, mais je souhaiterais avoir le sentiment du Gouvernement sur cette piste de travail, qui me paraît intéressante.

Mme Perrine Goulet. Je suis très étonnée que cet amendement ait été jugé recevable – tout comme celui, dont nous discuterons, de Mme Limon – et pas celui du groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés disposant, lui aussi, que des mesures d’accompagnement doivent être prévues. D’où mon sous-amendement.

Devenir tiers de confiance entraîne un bouleversement pour l’enfant et pour celui qui l’accueille. Un accompagnement est donc nécessaire mais pas seulement à travers l’AEMO : il faut un accompagnement global, social. Peut-être le tiers de confiance aura-t-il besoin d’un petit soutien financier faute de revenus suffisants ou d’être accompagné par un travailleur social pour trouver des psychologues, un encadrement sanitaire.

Ce n’est donc pas tant d’opportunité qu’il doit être question mais d’une obligation.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Selon les associations – notamment Retis, basée en Haute‑Savoie et spécialisée dans l’accompagnement des tiers dignes de confiance –, même si un accompagnement peut être nécessaire pendant plusieurs mois ou années, un accompagnement systématique n’est pas requis et pourrait être jugé intrusif.

C’est sur ce point que nous divergeons, et c’est précisément parce que mon amendement parle d’« opportunité », écartant ainsi la systématicité, qu’il a été déclaré recevable, à la différence du vôtre.

M. le secrétaire d’État. Sans vouloir m’immiscer dans les débats sur la recevabilité, je pense en effet que le caractère systématique ou non du dispositif a été le critère en la matière.

Sur le fond, et en anticipant sur l’amendement à venir de Mme Limon, nous sommes tous d’accord quant à l’opportunité d’un accompagnement du tiers digne de confiance, voire, parfois, sa nécessité, à cause des bouleversements que la situation peut provoquer dans la vie d’une famille. C’est d’ailleurs l’avis de nombre d’associations, à commencer par la CNAPE.

Je ne suis pas défavorable à une AEMO systématique, mais l’AEMO est prononcée dans la plupart des cas lorsqu’un tiers digne de confiance est désigné ; il faut sans doute laisser la décision à la libre appréciation du juge. Je suis plutôt favorable au principe d’un accompagnement – social, global, c’est à définir. Reste à déterminer qui l’assure. Pour cela, il nous faut réfléchir et consulter les associations spécialisées.

Ce pourrait être un référent de l’ASE, comme le proposera Mme Limon dans son amendement. Mme Goulet a parlé d’un travailleur social : serait-il du département, auquel cas il risquerait peut-être d’être juge et partie ? La question mérite d’être précisée.

Pour ces raisons, je demanderai le retrait de tous les amendements portant sur le sujet afin que nous puissions retravailler d’ici à la séance, ensemble et avec les spécialistes, à une rédaction recevable et pertinente.

Mme Monique Limon. Je conviens tout à fait qu’il faille travailler le sujet pour déterminer qui est le mieux placé pour accompagner le tiers digne de confiance.

Quant au fond, je suis d’accord avec Perrine Goulet. Ordonner de confier un enfant à un tiers digne de confiance ne fait pas encore partie des pratiques habituelles, et si l’on veut que la mesure ne fasse pas seulement bel effet dans le texte de loi, mais soit mise en œuvre de façon efficace, pérenne et à grande échelle, il faut rassurer tout le monde – le juge, l’éducateur, le tiers digne de confiance, la famille et l’enfant lui-même – en réfléchissant à un accompagnement.

M. François Ruffin. Il y a un consensus pour développer les possibilités d’accueil par un tiers digne de confiance – c’est‑à‑dire, en clair, par un membre de la famille. Mais je crains qu’on ne le fasse par souci d’économie : cette solution est moins chère que le placement en foyer ou chez une assistante familiale. Une dérive fonctionnaliste est donc possible.

Il nous paraît, par conséquent, nécessaire d’instaurer au moins un accompagnement des tiers dignes de confiance. L’arrivée de l’enfant peut bouleverser la vie de la famille, dites‑vous, monsieur le secrétaire d’État ; elle la bouleverse de toute façon ! Se pose donc, une fois de plus, la question des moyens mis au service de la loi. Voilà pourquoi je suis favorable à un accompagnement.

M. le secrétaire d’État. C’est le juge qui décide du placement éventuel chez un tiers digne de confiance, et ce n’est pas lui qui paye, mais le département. D’ailleurs, les départements reprochent souvent au système de protection de l’enfance le fait que le décideur ne soit pas le payeur. Votre inquiétude n’est donc pas fondée, monsieur Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Il n’empêche que les magistrats ne prononcent pas une mesure quand ils savent que les moyens permettant de la rendre effective ne sont pas au rendez-vous, d’autant qu’ayant énormément de dossiers à traiter, ils sont tentés d’avancer à l’économie pour pouvoir passer à des cas plus complexes. Cela nous ramène à la question des moyens. Dans les textes, c’est le juge qui décide ; dans le monde réel, les choses sont un peu plus compliquées.

Cela vaut des mineurs comme des majeurs. Combien de magistrats s’abstiennent de prononcer des alternatives à l’incarcération parce qu’ils ne savent pas où ira la personne, ni qui la prendra en charge, et que l’incarcération est plus simple ? Pourtant, ce sont des juges indépendants ; mais ils ne sont pas en dehors de la société, exempts de contradictions ni de contraintes budgétaires.

L’obligation de motiver la décision n’est pas sans intérêt, mais si les juges ne prononcent pas ce type de mesures alors que cela semblerait nécessaire, c’est aussi pour aller plus vite.

Mme Isabelle Santiago. Je suis d’accord avec Mme Goulet au sujet de l’accompagnement global. D’expérience, les tiers dignes de confiance désignés par le juge sont souvent les grands frères ou grandes sœurs, des jeunes de 24 ou 25 ans sans revenu, ayant eux-mêmes eu un parcours au sein du dispositif de protection de l’enfance, très fragiles et entièrement démunis lorsqu’il s’agit d’accompagner un cadet ou une cadette de 17 ans également en grande difficulté. Il est donc important d’accompagner les tiers dignes de confiance en tenant compte de la situation réelle des personnes.

Mme Perrine Goulet. Absolument. J’avais à l’esprit tous ces frères, toutes ces sœurs qui, pour accueillir leur cadet ou leur cadette, ont besoin d’un accompagnement plus global que ce que permet une AEMO. Vous dites, madame la rapporteure, que l’accompagnement peut être jugé intrusif par la famille ; je m’en fiche, ce qui m’importe, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Un enfant qui bénéficie d’une mesure de protection a nécessairement des difficultés, donc besoin d’un accompagnement.

Nous verrons lequel avec M. le secrétaire d’État, que je remercie de nous tendre la main pour que nous trouvions une solution d’ici à la semaine prochaine. Il faut en tout cas le rendre obligatoire, quitte à en limiter la durée, le temps de voir comment se noue la relation entre l’enfant et le tiers digne de confiance. Ce ne serait pas une solution que de placer l’enfant chez un tiers puis, faute d’accompagnement, de devoir lui trouver un nouveau moyen de protection parce que les choses se sont mal passées.

M. François Ruffin. C’est le juge qui décide, monsieur le secrétaire d’État, mais il le fait à partir des éléments fournis par le département, notamment par les services de l’ASE, qui évaluent la pertinence du placement de l’enfant auprès d’un tiers. Évidemment, ce n’est pas le juge qui mène l’enquête sociale. Je persiste donc à craindre un glissement vers l’économicisme.

M. le secrétaire d’État. Je fais confiance aux travailleurs sociaux et aux juges. Nous reparlerons de la systématisation d’ici à la séance, mais on peut aussi laisser le juge apprécier l’opportunité et la durée de la mesure.

Madame Goulet, une allocation à la main des départements est prévue pour les tiers dignes de confiance, d’un montant de 350 à 450 euros, afin de leur permettre de subvenir aux besoins matériels essentiels de l’enfant. Elle a fait l’objet, en 2017, d’une décision du Conseil d’État, qui a rappelé qu’elle devait être versée au tiers digne de confiance au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Rappelons l’importance de l’évaluation préalable au placement. Il faut faire confiance au juge, qui s’appuie sur elle pour prendre sa décision.

Madame Goulet, je défends, moi aussi, l’intérêt supérieur de l’enfant, mais il serait dangereux de tout systématiser. C’est au juge de décider d’un éventuel accompagnement. Nous sommes tous favorables à ce que l’on se pose la question de cet accompagnement, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Je retire mon amendement pour que nous puissions travailler à une solution commune.

L’amendement est retiré.

En conséquence, le sous-amendement tombe.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS55 de M. Guillaume Chiche et AS375 de Mme Florence Provendier, des amendements identiques AS110 de M. François Ruffin et AS247 de Mme Isabelle Santiago ainsi que des amendements AS111 de M. Ugo Bernalicis et AS33 de M. Alain Ramadier.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons de remplacer la notion d’urgence par celle d’intérêt supérieur de l’enfant. Sous-tendant l’ensemble du texte, cette dernière devrait en effet figurer à l’article 1er. La notion d’urgence, en revanche, est particulièrement difficile à interpréter et pourrait jouer ici ou là contre l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Florence Provendier. Je remercie tout d’abord M. le secrétaire d’État de nous permettre d’examiner un sujet aussi sensible et essentiel que celui des 350 000 enfants confiés à l’ASE. Si j’ai demandé à rejoindre votre commission aujourd’hui, c’est parce qu’avant d’être parlementaire, j’étais dans l’humanitaire, et que, depuis mon entrée à l’Assemblée, je n’ai eu de cesse de travailler sur les droits de l’enfant, dans le cadre de la mission d’information rapportée par Perrine Goulet sur l’ASE, présidée par Alain Ramadier, comme du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ou de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Les droits de l’enfant sont un sujet transversal qui concerne toutes nos commissions, la vôtre, mais aussi les commissions des affaires culturelles et de l’éducation, des lois, de la défense, des affaires étrangères et du développement durable.

J’en viens à mon amendement. En 2019, il y a eu 68 057 placements à l’ASE, 4 392 auprès d’un tiers digne de confiance et 1 526 chez un membre de la famille. L’article va dans le bon sens en donnant la priorité au placement chez un tiers digne de confiance – sauf en cas d’urgence ; or la notion d’urgence risque d’être difficile à interpréter. Voilà pourquoi nous proposons de la remplacer par celle d’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis défavorable à tous les amendements en discussion. La norme est la recherche d’une solution permettant à l’enfant de rester dans un environnement familier ; l’exception est une situation d’urgence constatée ou suspectée, généralement à cause de violences, qui doit permettre un placement rapide. Parfois, le placement d’urgence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Pardonnez-moi, j’aurais dû donner d’abord la parole aux défenseurs des autres amendements en discussion, et d’abord à M. Ruffin – veuillez m’excuser, monsieur le député.

M. François Ruffin. J’ai la chance de savoir que mon amendement va être rejeté avant même de l’avoir présenté : c’est original !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Vous pouvez tout de même le défendre !

M. François Ruffin. Oh, merci de me le permettre !

La recherche d’un tiers digne de confiance doit, dit-on, devenir la norme. Et tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un lapsus en parlant de systématiser « la recherche » d’un tiers digne de confiance au lieu de dire « le recours ».

Je le répète, je crains donc un glissement vers des mesures d’économie. Je veux bien faire toute la confiance que vous voulez aux juges des enfants et aux éducateurs, mais nous parlons de services qui sont sous l’eau ! Tous les rapports sur le sujet, toutes les auditions en témoignent. De sorte que l’évaluation, comme l’entretien à 17 ans ou le projet pour l’enfant, n’aura pas lieu dans beaucoup de départements. Il y a là un fossé entre la loi et la réalité. Voilà pourquoi il faut du systématique.

La mention de l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous proposons ici, sera néanmoins insuffisante, car ce n’est qu’une garantie verbale.

Mme Isabelle Santiago. Les professionnels sont favorables à l’article 1er, mais ils craignent l’interprétation pouvant être faite de la notion d’urgence. La notion d’intérêt supérieur de l’enfant, présente dans le droit, permet aussi de faire face à l’urgence sans que ce soit au détriment de l’enfant.

M. Ugo Bernalicis. Faites confiance au juge ! La mention de l’intérêt supérieur de l’enfant, notion plus large que celle d’urgence, permet aussi au juge d’apprécier celle-ci. Dans la rédaction actuelle de l’article, l’urgence est le préalable, sur lequel il faut statuer avant d’envisager le reste. L’objectif est pourtant de rappeler le primat de l’intérêt supérieur de l’enfant, déjà garanti par la loi et par des normes plus élevées. Laissons au magistrat toute la latitude nécessaire pour apprécier la situation au nom des objectifs soulignés dans le reste de l’alinéa et auxquels nous souscrivons.

M. Thibault Bazin. Nous partageons le souhait de confier le mineur à un membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, mais nous nous interrogeons sur le caractère systématique de l’évaluation, qui pourrait fonder un recours excessif de la part de la famille si celle-ci n’est pas d’accord avec la décision. En ce sens, l’intérêt supérieur de l’enfant justifierait que l’on assouplisse le dispositif.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous voulez transformer l’obligation d’évaluation en faculté, mais je ne partage pas votre point de vue sur la lourdeur de la procédure. Si nous ne rendons pas obligatoire cette évaluation – déjà envisageable aujourd’hui, comme l’ont rappelé les magistrats auditionnés –, nous continuerons à passer à côté de solutions alternatives au placement. N’en faire qu’une faculté reviendrait à ne rien changer à la situation existante, que chacun estime peu satisfaisante. Cela a été dit, pour 68 057 enfants placés par décision du juge auprès des services de l’ASE, seuls 4 392 l’ont été auprès d’un tiers de confiance et 1 526 auprès d’un membre de la famille : c’est vraiment peu. Dans ce contexte, les associations auditionnées ont insisté sur l’importance de l’évaluation.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

L’amendement qui vient d’être défendu revient à vider l’article de sa substance puisqu’il tend à maintenir le droit existant.

Quant aux autres amendements, je fais tellement confiance au juge, monsieur Bernalicis, de même que les législateurs qui vous ont précédé, que l’article 375‑1 du code civil dispose que le juge des enfants doit « se prononcer en stricte considération de l’intérêt de l’enfant ». Pas d’inquiétude, donc : il n’est nul besoin de le répéter.

La mention de l’urgence au début de l’article est mal comprise par ceux d’entre vous qui ont déposé des amendements à ce sujet et par l’association qui les leur a suggérés. Ce n’est pas le juge qui décide de l’urgence. Que se passe-t-il très concrètement si, un vendredi à minuit, un enfant se fait frapper par un membre de sa famille ? Va-t-on commencer par chercher un tiers digne de confiance ? Non : le département, par une décision administrative, enlève l’enfant à sa famille pour le protéger et le place, tout en saisissant le parquet pour que le juge puisse prononcer une ordonnance de placement provisoire. C’est de cette urgence-là que l’on parle. Dans un contexte comme celui-là, l’évaluation de la possibilité de l’accueil par un tiers digne de confiance aura lieu dans un second temps, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le texte est au plus près de la réalité du terrain, de ce que vivent les services sociaux et les juridictions.

M. Guillaume Chiche. À défaut d’avis du Gouvernement sur le mien, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. M. le secrétaire d’État vous a répondu.

Mme Florence Provendier. Dans une situation telle que celle que vous décrivez, monsieur le secrétaire d’État, les parties prenantes auront l’intelligence de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de le mettre à l’abri. Le fait d’insister sur l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt que sur l’urgence vise à éviter les placements intempestifs à l’hôtel qui pourraient avoir lieu dans certains cas. Je maintiens mon amendement.

M. François Ruffin. Moi aussi, bien sûr. Je rappelle que la Défenseure des droits nous alerte sur « le défaut d’encadrement de ces dispositions qui pourraient avoir comme conséquence de maintenir l’enfant dans sa famille en attendant l’évaluation des services compétents, sans que ces derniers soient clairement identifiés ». En gros, il existe un risque que l’évaluation traîne et que, en attendant, le statu quo soit maintenu. D’autant que les services impliqués, je le répète, sont à peu près tous sous l’eau – et c’est ce problème qu’il faudrait résoudre, ce que ne fera pas le projet de loi.

Mme Isabelle Santiago. Je maintiens, moi aussi, mon amendement.

M. Ugo Bernalicis. De même. La mention « sauf urgence » oblige le magistrat à analyser la situation du point de vue de l’urgence avant de prendre sa décision. La rédaction actuelle l’enserre dans ce cadre alors qu’une formule générale sur l’intérêt supérieur de l’enfant lui permettrait, après enquête sociale, de favoriser l’accueil par un tiers digne de confiance, mais aussi, s’il y a urgence, de prendre les mesures que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d’État. La question n’est pas l’urgence, mais l’intérêt supérieur de l’enfant.

M. Alain Ramadier. Compte tenu de l’intervention de M. le secrétaire d’État, qui apaise nos inquiétudes, nous retirons notre amendement.

Mme Monique Limon. À la lumière de mon expérience professionnelle de plusieurs années dans ce domaine, il me semble plutôt rassurant que l’on tienne compte de l’urgence pour ne pas prendre le risque de placer l’enfant ou de le laisser dans sa famille sans évaluation globale de la situation. D’abord, on protège ; ensuite, on évalue, et, si besoin, on place chez un tiers digne de confiance, en établissement ou en famille d’accueil.

M. Guillaume Chiche. Avec mes excuses, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais revenir sur vos éléments de réponse à l’ensemble des amendements. Je maintiens le mien, car il faut supprimer la notion d’urgence, particulièrement floue, au profit de celle d’intérêt supérieur de l’enfant.

Il importe de supprimer également la tournure négative – « le juge ne peut ordonner un placement [...] qu’après évaluation », etc. –, qui limitera drastiquement la marge de manœuvre du magistrat, y compris lorsque les services de l’ASE n’auront pu mener les investigations recommandées ou nécessaires. Voilà pourquoi je proposais également dans mon amendement de supprimer les mots « ne » et « qu’ », pour que le juge soit entièrement libre de sa décision.

L’amendement AS33 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS55 et AS375, AS110 et AS247 ainsi qu’AS111.

Elle en vient à l’amendement AS178 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je propose, à l’alinéa 2, de remplacer le mot « placement » par le mot « accueil », car parler du placement d’un enfant est stigmatisant. Je suis un vieux travailleur social et j’ai vu la réglementation évoluer, en même temps que la terminologie. Autrefois, on parlait de familles d’accueil, puis on s’est mis à parler d’assistant familial, pour souligner la professionnalisation, mais c’est toujours au sein d’une famille que l’enfant est accueilli. Il faut donc préférer le mot « accueil » au terme « placement ».

J’ai mené le même combat à propos des personnes âgées, pour lesquelles on parlait autrefois de « placement » pour arriver, petit à petit, à l’envisager comme un « accueil » en établissement ou en maison de retraite. Du reste, le verbe « confier » serait déjà préférable à celui de « placer ».

Même si mon amendement n’est pas adopté, j’aimerais vraiment, monsieur le secrétaire d’État, qu’on n’utilise plus ce terme dans vos administrations. Le CNPE a d’ailleurs exprimé une réserve à ce sujet dans son avis du 31 mai 2021, relatif au présent projet de loi.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je ne peux qu’approuver votre souhait. L’association Repairs! nous a, elle aussi, demandé de remplacer tous les acronymes par des mots plus humains.

Si je l’entends, votre demande serait difficile à satisfaire sur le plan législatif, puisque le terme « placement » figure dans tous les codes et fait allusion à un mode d’accueil particulier en établissement ou dans des familles d’accueil. Le remplacer dans ce seul article ne règlerait pas tout le problème de sémantique que vous évoquez.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Sur le fond, vous avez évidemment raison et je m’évertue, dans mes prises de parole, à éviter le mot « placement » et à parler d’enfants protégés plutôt que d’enfants placés. Du reste, la protection de l’enfance ne se limite pas au « placement » d’enfants dans des foyers ou des familles d’accueil, puisque la moitié des enfants qui bénéficient de la protection de l’ASE sont dans leur famille, où ils bénéficient de mesures d’aide éducative en milieu ouvert ou d’un placement à domicile.

Le mot « placement » figure dans trois ou quatre autres codes ; c’est un terme consacré dans notre droit actuel. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas changer le droit – qui ne définit pas seulement des normes mais produit aussi des symboles. Mais si nous supprimons le mot « placement » ici, alors qu’il continue d’être utilisé dans les autres codes, nous allons créer un problème de coordination et d’articulation juridique.

Le code de l’enfance que souhaite promouvoir M. Bernalicis pourrait être l’occasion de nettoyer un peu tous les codes existants. À ce stade, il me semble compliqué de ne modifier que ce texte.

Mme Jeanine Dubié. Il faut bien commencer quelque part, sinon, on ne fera jamais rien. Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que vous seriez en mesure de changer les choses au niveau de votre ministère. On pourrait au moins remplacer le mot « placement » par le mot « accueil » dans le code de la famille et de l’aide sociale, sinon dans le code civil. Un juge place un coupable en détention. L’enfant, lui, n’a rien fait ; il n’a pas à être placé. Nous pourrions faire un pas en avant dans cet article 1er avant de modifier les autres textes.

Mme Isabelle Santiago. En vue de la séance, peut-être pourrions-nous écrire un amendement de coordination au moins sur l’ensemble de ce texte, à défaut de tous les codes, puisque nous sommes nombreux à être d’accord sur ce point ?

M. François Ruffin. Chacun sait qu’on ne va pas changer une réalité tragique avec des mots, ni même en promulguant cette loi, quand on voit le nombre de lois relatives à la protection de l’enfance qui ont été votées et qui ne sont pas appliquées. Reste que si nous sommes tous d’accord pour remplacer le mot « placement » par le terme « accueil », il est facile de le faire. Vous nous dites que le mot « placement » figure dans tous les textes. Pourquoi ne pas profiter de ce nouveau texte pour rappeler que nous parlons d’êtres humains que l’on accueille et non d’objets que l’on déplace ? Il ne s’agit que d’un aménagement à la marge, bien peu satisfaisant, mais c’est toujours quelque chose.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Au-delà du symbole, ces questions de terminologie ont une vraie importance. Elles nous rappellent que l’intérêt de l’enfant se heurte à des contraintes administratives et légistiques qui font qu’il n’est pas toujours prioritaire. Même si cet amendement présente des difficultés, il vaut la peine d’être voté. Quand des enfants vivent ce genre de rupture familiale, que leurs copains, à l’école ou au collège, leur demandent où ils habitent et qu’on leur a mis dans la tête le mot « placement », cela peut avoir des conséquences psychologiques. Il faut éviter d’ajouter du traumatisme au traumatisme, pour aider ces enfants à se construire.

Mme Isabelle Valentin. Employer le terme « placement », à propos d’un enfant, me paraît effectivement violent et je crois, moi aussi, qu’il faudrait lui préférer le mot « accueil ». Même si cela pose des difficultés sur le plan législatif, il faudra bien commencer un jour. Pourquoi pas avec ce texte ?

Mme Jeanine Dubié. Je signale que cet amendement porte sur l’article 375‑3 du code civil, où il n’est pas question de « placer » l’enfant, mais de le « confier » à quelqu’un. On peut donc faire un pas de plus et parler d’accueil.

M. le secrétaire d’État. Dans l’article 375‑3 du code civil, qui est l’article de référence, il est effectivement question de « confier » les enfants à quelqu’un.

Le terme « placement » apparaît notamment dans le code de procédure civile, qui relève du domaine réglementaire – c’est d’ailleurs ce qui a justifié qu’un certain nombre d’amendements soient jugés irrecevables. Un amendement visant à coordonner les différents codes n’est donc pas envisageable, d’autant plus que cette question concerne aussi d’autres ministères. Je m’engage, en tout cas, à examiner la question et à voir comment on peut faire évoluer les choses. Je ne peux pas vous donner de garantie mais je vous rejoins tous sur le fond.

M. Didier Martin. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire à nouveau si vous êtes favorable ou défavorable à cet amendement ? Dans la mesure où nous nous accordons sur cette évolution, nous pourrions l’adopter, mais nous pourrions aussi vous faire confiance et prendre acte de votre engagement.

M. le secrétaire d’État. Je vous ai dit clairement quelle était ma position sur le fond et ce que je m’engageais à faire – je vais notamment voir s’il est possible de faire évoluer le code de procédure civile. Mais c’est aussi ma responsabilité que de prendre en compte les conséquences d’une telle disposition, et je ne les maîtrise pas totalement. À ce stade, je ne peux pas aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

M. le secrétaire d’État. En dépit du sort qu’a connu cet amendement, je réitère mon engagement à essayer d’avancer avec vous sur cette question d’ici à l’examen du texte en séance, même si je ne peux rien promettre.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je ne veux pas vous affoler, et je reconnais que le débat est très riche, mais nous avons n’avons examiné que neuf amendements en une heure.

La commission est saisie de l’amendement AS422 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’il importait de faire une évaluation des tiers dignes de confiance. Je propose, pour ce faire, la création d’un référentiel d’évaluation, qui serait confiée au GIP que nous allons créer tout à l’heure.

Ce projet de loi crée un référentiel unique pour évaluer les informations préoccupantes : c’est une nécessité, puisqu’on constate des différences de traitement d’un département à l’autre. J’ai peur que nous ayons le même problème avec les tiers dignes de confiance si nous ne faisons rien.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Pour moi, le GIP doit garder la main sur ses référentiels sans se voir contraint, dès sa création, à produire trop de documents obligatoires, incompatibles avec son autonomie et ses capacités d’initiative.

Par ailleurs, la création d’un tel référentiel est incompatible avec le calendrier : cette mesure doit entrer en vigueur au lendemain de la publication de la loi et le référentiel ne sera pas prêt à ce moment-là. Il me semble important de laisser au GIP la liberté de définir son référentiel.

M. le secrétaire d’État. Je n’avais pas noté cette question de calendrier, mais c’est un vrai argument. Par ailleurs, j’aurais, moi aussi, tendance à laisser au GIP le soin d’organiser ses travaux comme il l’entend. La définition d’un référentiel pourrait effectivement être une piste de travail à lui suggérer, toutefois, je vous invite à retirer votre amendement, car il ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.

Mme Perrine Goulet. L’esprit de mon amendement est de laisser au GIP le soin de définir lui-même ce référentiel, mais il me semble important qu’il le fasse de sorte que le juge puisse s’appuyer sur des évaluations construites sur les mêmes critères partout sur le territoire. Je ne voudrais pas, alors que nous accomplissons une avancée au sujet des informations préoccupantes, que les évaluations introduisent une nouvelle distorsion.

Il faudrait, a minima, inscrire dans la loi le principe selon lequel les tiers dignes de confiance sont évalués sur la base d’un référentiel unique pour garantir l’égalité de traitement de ces tiers, et donc des enfants. Toute la difficulté de cette politique, c’est que les départements ne mènent pas la même politique. Que le GIP soit autonome n’empêche pas qu’on lui confie certaines missions.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements AS245 de Mme Isabelle Santiago et AS376 de Mme Florence Provendier.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit de prendre en compte le projet pour l’enfant au moment de la décision de placement – ou plutôt d’accueil, pour prolonger le débat que nous venons d’avoir sur ce terme.

Mme Florence Provendier. L’idée de cet amendement, travaillé avec l’association ATD Quart Monde, est de toujours s’assurer que les mesures prises s’adaptent aux besoins propres à chaque enfant. Il subordonne donc la mesure de placement auprès d’un tiers digne de confiance à l’établissement d’un PPE qui, complétant l’évaluation par les services, permet une consultation étendue de toutes les personnes œuvrant pour l’éducation de l’enfant, en particulier les parents, afin de déterminer, avec le plus de précision possible, son intérêt supérieur.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’évaluation soit réalisée en cohérence avec le PPE, encore faut-il qu’il existe. Or ce n’est pas le cas au moment d’un premier placement. C’est pourquoi je préfère la rédaction de Mme Santiago, qui ne présuppose pas l’existence de ce projet.

M. le secrétaire d’État. Dans la mesure où le PPE n’est pas toujours élaboré au moment du premier placement, il semble effectivement préférable de retenir la rédaction de Mme Santiago. Ces deux amendements ont, en tout cas, le mérite de rappeler l’importance du PPE, qui est insuffisamment mis en œuvre dans les territoires, et dont l’élaboration associe insuffisamment les professionnels qui devraient l’être – les assistantes familiales ne le sont pas toujours.

Avis favorable sur l’amendement AS245 et demande de retrait de l’amendement AS376.

Mme Florence Provendier. Compte tenu de cet état d’esprit constructif, je retire mon amendement.

M. François Ruffin. Comme reporter, j’ai toujours du mal à me retrouver dans ces débats de juristes. Le PPE, on en parle comme s’il existait. Il existe dans le texte de loi, mais un éducateur que j’ai interrogé m’a dit qu’en six années passées au centre départemental de l’enfance, il n’avait fait que trois de ces projets et que, sur les quinze enfants qui s’y trouvent actuellement, un seul a eu un PPE, qui n’a même pas été défini par tous les acteurs concernés. Quant aux référents de l’ASE, dans mon département, ils disent avoir cessé d’en faire.

Dans leur rapport d’information, Perrine Goulet et Alain Ramadier ont écrit que « les travaux de la mission conduisent la rapporteure à douter de la traduction réelle et uniforme de ces louables intentions juridiques sur le terrain » et que « cette disjonction entre les progrès du droit et la réalité tangible pour les enfants placés procède sans conteste des difficultés de gouvernance », c’est-à-dire de la départementalisation. Le rapport contient aussi des statistiques qui montrent que ces projets pour l’enfant sont à peu près inexistants dans de nombreux départements. Qu’est ce qui, dans votre projet de loi, va permettre que les dispositions contenues dans les lois existantes aient enfin une traduction dans la réalité ? Quels moyens sont mis en œuvre ? Qu’est-ce qui va changer dans la gouvernance pour que le projet pour l’enfant soit enfin une réalité ? Pour l’instant, je ne vois rien qui aille dans ce sens...

M. le secrétaire d’État. Je vous dirai, d’abord, sans aucune provocation, que c’est votre boulot, non seulement de reporter, mais de député – et vous le faites très bien – que d’identifier, dans votre circonscription, les cas où les lois ne sont pas appliquées par les collectivités locales, et de les dénoncer.

La gouvernance locale est l’un des lieux où les acteurs pourront faire le point sur ce qui va et ce qui ne va pas, sur ce qui est fait et ce qui devrait être fait, et la manière d’y arriver. Nous reviendrons sur ces questions au moment où nous examinerons l’article 13.

L’amendement AS376 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS245.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS428 de M. Didier Martin et AS226 de Mme Delphine Bagarry.

M. Didier Martin. Cet amendement du groupe La République en Marche réaffirme un principe que nous avons déjà tous rappelé ce matin, à savoir qu’il est indispensable de replacer l’enfant au cœur de la procédure et de trouver la solution qui correspond le mieux à ses besoins, tels qu’il peut les exprimer quand, bien sûr, son équilibre et son discernement le permettent. Le code civil, rappelons-le, dispose que « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Nous proposons donc de compléter l’alinéa 2 par les mots : « et après recueil de l’avis de l’enfant lorsque ce dernier est capable de discernement ».

Mme Delphine Bagarry. L’article 1er constitue une belle avancée, puisque l’accueil d’un enfant par un membre de sa famille ou un tiers digne de confiance, avant son placement, peut constituer la prise en charge la plus adaptée pour le mineur concerné. Cela dit, il paraît indispensable que l’avis de l’enfant puisse être recueilli avant la décision du juge. L’amendement de notre collègue Didier Martin mentionne le discernement de l’enfant, mais il me semble que le discernement de l’adulte qui l’écoute est tout aussi important.

Cet amendement nous semble cohérent avec les droits de l’enfant, qui nous sont chers à tous, mais aussi avec la loi de 2016, qui plaçait le recueil de l’avis de l’enfant au premier plan. Je ne sais pas s’il est nécessaire de faire référence au discernement de l’enfant : pour ma part, j’ai préféré me référer à l’avis de l’enfant tout court.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’avis de l’enfant soit recueilli avant son placement. Ce sont les magistrats que nous avons auditionnés qui nous ont dit qu’il importait d’ajouter la mention « capable de discernement ». J’ai une préférence pour l’amendement AS428, qui concerne potentiellement tous les enfants sans donner l’impression qu’il s’agirait d’une décision qu’il aurait déjà à prendre.

M. le secrétaire d’État. Nous sommes d’accord : le recueil de la parole de l’enfant, en matière d’assistance éducative – mais aussi plus globalement – est évidemment crucial. Toutefois, vos amendements me semblent déjà satisfaits par les textes. Les mesures d’assistance éducative, y compris le placement auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers digne de confiance, sont toujours prises, sauf urgence, à l’issue d’une audience, et l’article 1189 du code de procédure civile dispose qu’« à l’audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l’enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l’audition lui paraît utile ». L’enfant peut donc donner son avis sur la mesure de protection.

Je suis très attaché, comme vous, au recueil de la parole de l’enfant. Mais il faut bien veiller à ce que cette disposition n’ait pas pour conséquence de faire peser sur les épaules de l’enfant un poids trop important. C’est toute la difficulté, toute la complexité de ces matières, puisque le placement auprès d’un tiers digne de confiance peut aussi placer l’enfant dans un conflit de loyauté entre différents membres de sa famille. Les juges le savent bien et en tiennent compte.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement de M. Didier Martin et invite Mme Bagarry à retirer le sien.

Mme Perrine Goulet. Je me permets de signaler que mon amendement AS419, qui sera examiné un peu plus loin, porte exactement sur le même sujet. Il vise à compléter l’article 1er par l’alinéa suivant : « Le juge s’assure de rechercher le consentement de l’enfant dans le cadre d’un accueil par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance. » Je ne sais pas pourquoi cet amendement ne fait pas l’objet d’une discussion commune avec ceux que nous examinons, dans la mesure où il vise également à favoriser l’écoute de la parole de l’enfant. Je pense qu’il est vital d’écouter l’enfant si l’on veut que l’accueil par un tiers digne de confiance soit une réussite : il faut qu’il y ait une rencontre et un désir de part et d’autre, y compris du côté de l’enfant. Les amendements que nous examinons mettent l’accent sur l’écoute ; le mien parle du consentement, mais il me semble qu’ils sont assez proches.

M. Ugo Bernalicis. Je soutiens plutôt l’amendement de Mme Bagarry. L’avis de l’enfant doit être recueilli qu’il soit capable de discernement ou non.

Dans la rédaction du code civil et du code de procédure civile, on voit souvent se profiler l’idée qu’on peut se passer de rencontrer l’enfant. Or je pense que c’est une étape déterminante pour pouvoir identifier des conflits de loyauté. Cela n’engage pas le juge, qui reste libre de sa décision finale – à la différence de l’amendement de Mme Goulet qui vient d’être évoqué, qui vise, lui, à recueillir le consentement de l’enfant : c’est peut-être ce qu’on rechercherait dans un monde idéal, mais ce n’est quand même pas du tout la même chose.

À l’heure actuelle donc, vous l’avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d’État, le juge peut entendre l’enfant, mais n’y est pas du tout obligé. Beaucoup de magistrats le font, fort heureusement, mais si l’on considère vraiment que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer, peut-être qu’échanger avec lui, qu’il soit discernant ou non, serait un minimum à rendre obligatoire dans la procédure.

M. Guillaume Chiche. Je suis, moi aussi, plutôt favorable à l’amendement de Mme Bagarry. D’abord, lorsque la mission d’information menée par Mme Goulet a entendu des personnes passées par le dispositif de l’ASE, toutes ont souligné leur incompréhension quant au fait que leur parole ait été prise en compte relativement tardivement dans leur parcours. J’ai la conviction qu’il faut donner à tous les enfants, discernants ou non, la possibilité de s’exprimer, d’autant qu’en l’occurrence, il ne s’agit que d’un simple avis : le juge reste pleinement décisionnaire, l’enfant ne porte pas le poids du choix.

Par ailleurs, je pense qu’il serait un peu prématuré d’organiser à ce stade du processus une sorte de tri entre les enfants faisant preuve de discernement ou non. De manière générale, il faut se donner l’occasion de recueillir leur ressenti le plus tôt possible, objectif ou subjectif : c’est bien de leur vie, de leur placement qu’il est question.

La commission adopte l’amendement AS428.

En conséquence, l’amendement AS226 tombe.

La commission en vient à l’amendement AS396 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. L’article 1er prévoit que le juge statue sur la possibilité d’être tiers digne de confiance sur la base d’une évaluation faite par le « service compétent », à savoir l’ASE dans la plupart des cas, ou des associations diligentées par elle.

À l’heure actuelle règne dans la tête des justiciables le soupçon de la partialité de la justice – c’est pour cela que le Gouvernement élabore un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Sans aucunement vouloir dire si cette appréhension est fondée ou pas, je vous propose par cet amendement de prévoir une possibilité de recours contre l’évaluation faite en première intention. Ce recours serait réalisé par un service indépendant, une autre association, un autre organisme qui ne rencontrerait pas d’intérêt dans l’affaire, contrairement aux services de l’ASE, qui sont chargés ensuite du suivi de l’enfant.

Il est important de permettre au tiers d’obtenir une seconde évaluation s’il estime que la première n’est pas conforme à la réalité. Il est important que notre pays garantisse des possibilités d’appel et un exercice à charge et à décharge. Il est important pour moi de donner cette solution au tiers qui aurait été débouté dans un premier temps sur la base de l’évaluation des services de l’aide sociale à l’enfance.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le juge tient compte de l’évaluation dans sa décision, mais n’est pas tenu par celle-ci. Il peut l’enrichir de pièces complémentaires apportées par la famille ou le tiers digne de confiance. Par ailleurs, vous parlez d’une seconde évaluation « réalisée par un service compétent indépendant », ce qui est une notion assez floue.

Pour ces deux raisons, je vous demande de retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Le juge a déjà la faculté de demander une seconde évaluation, notamment si le tiers digne de confiance estime que la première n’est pas conforme à la réalité. Il n’est pas nécessaire de le répéter ici. Par ailleurs, vous avez parlé du tiers digne de confiance, mais la rédaction de l’amendement vise également les membres de la famille, ce qui pourrait conduire à leur donner une possibilité de s’opposer au placement.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Perrine Goulet. Effectivement, c’est bien ma volonté que des parents qui auraient été évalués défavorablement par l’aide sociale à l’enfance puissent produire une seconde évaluation. Dans d’autres types de procédure, au pénal par exemple, on peut demander une contre‑expertise. Cette mesure ferait donc entrer le droit de la protection de l’enfance dans un cadre commun avec le reste de la justice en France. Dans un contexte de défiance croissante à l’encontre de la justice, et alors que de plus en plus de parents se disent victimes de placements abusifs – ce qui n’est pas le cas dans la quasi-totalité des dossiers, il faut le rappeler –, elle permettrait aussi de calmer un certain nombre de difficultés.

M. le secrétaire d’État. La protection de l’enfance est déjà dans le droit commun : une famille qui refuse une décision de placement a la possibilité à la fois de demander une seconde évaluation au juge et de faire appel de ladite décision de placement. Par ailleurs, introduire une nouvelle possibilité, mais attachée spécifiquement à l’article 1er créerait un régime distinct pour les tiers dignes de confiance et membres de la famille face à toutes les autres possibilités de protection. Cela ne me semble pas pertinent.

Mme Perrine Goulet. J’entends que mon amendement n’est pas placé au bon endroit : je le retire, mais en vue de la discussion en séance publique, je le redéposerai à un endroit plus approprié. Je pense qu’il faut vraiment mettre un peu plus de contradictoire dans cette procédure largement fondée sur les rapports faits par l’ASE, qui se retrouve juge et partie.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS113 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. C’est pour les raisons qui viennent d’être évoquées, je le dis au passage, qu’il serait bon que l’enfant soit accompagné systématiquement d’un avocat : ce dernier pourrait faire valoir son intérêt supérieur, contester les pièces et les types de placement, introduire davantage de contradictoire dans la procédure...

Notre amendement veut proscrire le « placement à domicile », qui est tout de même une notion assez étrange. Cela a déjà été dit, si l’on avait pu mettre sur la table l’intégralité des mesures que peuvent prononcer les magistrats et mener une réflexion globale sur l’assistance éducative, on aurait pu éviter de recourir à ce genre de bizarrerie. Je comprends bien l’intérêt d’éviter la rupture familiale par exemple, mais le choix des mots eux-mêmes, « placement à domicile », crée la perplexité. Soit on est accueilli ailleurs, soit on reste dans sa famille avec un accompagnement. L’intermédiaire me semble dénué de sens.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Pour avoir rencontré beaucoup d’associations, je sais que l’ASE fait véritablement de la dentelle. Elle doit disposer de nombreuses possibilités, parce que chaque situation est complexe. Il ne me paraît pas fondé d’interdire totalement le placement à domicile.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je vous accorde que la formulation est pour le moins étonnante, mais le placement à domicile n’est pas une mesure qui tombe d’en haut : elle fait partie de la pratique des professionnels, car la gradation dans l’accompagnement des enfants est une nécessité réelle.

Je rappelle que les enfants suivis par l’ASE ne sont pas tous des victimes d’inceste ou de violences, par exemple : il y a aussi beaucoup de cas de carence éducative, de parents qui sont juste dans l’incapacité, pour une raison ou une autre, d’éduquer leur enfant. L’idée est d’appuyer les parents, de les remettre à flot, afin d’éviter de placer l’enfant ; d’où toute la palette d’outils qui a été mise au point, comme les mesures en milieu ouvert, le placement à domicile, l’AEMO renforcée...

Il y a probablement des choses à améliorer, et je suis ouvert à l’idée d’en parler d’ici à la séance. Replongez-vous dans le rapport de la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance à domicile conduite par Geneviève Gueydan : il contient des propositions. En tout cas, le placement à domicile, au-delà de son nom, est un outil utile.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. C’est bien pour cela qu’il est dommage de ne pas avoir un débat d’ensemble sur l’assistance éducative. Puisqu’on n’en discute que petit bout par petit bout, lorsque je propose de supprimer le placement à domicile, vous me répondez qu’il est utile, qu’il faut pouvoir faire du sur-mesure dans l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est vrai en grande partie, mais il n’empêche, le placement à domicile n’a pas de sens profond. Soit l’enfant reste avec ses parents, avec une assistance éducative qui vient pallier leurs carences, soit il est dans une situation de détresse et a besoin d’être protégé, auquel cas il doit être sorti de son cercle familial.

On voit bien les effets de bord qui peuvent se produire : on doit placer un enfant, mais comme on ne trouve de place ni en famille ni en foyer, on le place à domicile – sur le papier, il y aura eu un placement... Il ne faut pas tomber dans cet écueil. Il me semble que c’est le bon moment pour clarifier les choses.

Mme Isabelle Santiago. Le placement à domicile est évidemment une ineptie. Un enfant qui rencontre des difficultés avec sa famille a peu de chances de comprendre quand on lui explique qu’il va être placé chez lui. Tous les pédopsychiatres ont dit que le terme devait être absolument modifié.

Il faut absolument veiller à répondre au cas par cas à l’attente des enfants et à leurs problèmes spécifiques. Proscrire complètement le placement à domicile est donc difficile, puisqu’on a besoin de tout une palette d’outils. D’un autre côté, il pose problème : sur le terrain, on voit bien que certains départements ont décidé d’utiliser le placement à domicile pour réduire leurs coûts budgétaires. Rien que cela justifierait d’adopter l’amendement. En tout état de cause, j’insiste sur la nécessité de répondre spécifiquement à chaque enfant.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS18 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Mon amendement rend automatique le versement des prestations relatives aux frais d’entretien et d’éducation de l’enfant à la personne qui en prend la charge en urgence, dans l’attente de la décision de justice.

J’ai été alerté par des habitants de ma circonscription : deux grands‑parents extraordinaires ont recueilli leurs petits‑enfants après le décès de leur fils et ont tout assumé financièrement sans recevoir aucune prestation sociale pendant plus d’un an en attendant la décision de justice. Il me paraît donc indispensable que ces personnes soient accompagnées, aidées et soutenues par nos administrations.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous faites référence à un cas délicat et complexe, celui des mesures d’urgence, peut-être provisoires.

Le principe est de continuer à verser les prestations notamment familiales aux parents qui gardent un lien avec l’enfant, les caisses pouvant procéder elles-mêmes à un transfert si elles se rendent compte que ce lien n’existe plus du tout. L’allocation de rentrée scolaire, elle, depuis la loi de 2016, est placée sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la majorité de l’enfant.

Priver les familles des prestations peut avoir des conséquences lourdes qu’il faut évaluer à deux fois. La question que vous soulevez, celle des ressources des familles d’accueil, est importante, mais je vous demande tout de même de retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Je pense que cet amendement est satisfait, et que le problème se trouve dans la façon dont les administrations ont réagi dans ce cas particulier. L’article L. 513‑1 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations familiales, sous réserve de certaines qui suivent des règles spécifiques, sont en général dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. Le membre de la famille ou tiers digne de confiance qui accueille l’enfant percevra donc, en principe, les prestations familiales sans qu’il soit besoin d’une décision de justice.

Nous pourrons étudier ensemble le cas particulier que vous dépeignez, mais sans vouloir parler trop vite, il est possible que les organismes aient mis un peu de temps à transférer les dossiers.

M. Alain Ramadier. Je retire mon amendement, mais je me rapprocherai de vous pour régler ce cas : le papa est décédé, la maman n’est pas en capacité d’élever les enfants, les grands‑parents les ont recueillis et il n’y a toujours pas de décision de justice. Je sais qu’il y a eu des efforts en Seine‑Saint‑Denis pour doter le tribunal en personnel, mais il faut aussi bien comprendre qu’un an sans absolument aucune aide, c’est long.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS419 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. C’est celui que j’ai évoqué tout à l’heure. J’aimerais avoir l’avis de la rapporteure et du Gouvernement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Comme cela a été dit, il ne s’agit plus d’écouter la parole de l’enfant, comme dans l’amendement de M. Martin tout à l’heure, mais d’obtenir son consentement. Nous avons opté pour la première solution.

Demande de retrait.

M. le secrétaire d’État. Cela pourrait avoir pour effet de faire un peu trop peser sur les épaules de l’enfant la décision qui sera prise in fine. Tel que l’amendement est formulé, on peut penser que le consentement de l’enfant conditionne la décision du juge. Si le but était simplement de demander son avis, alors il est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS429 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Parfois, quand un enfant est confié à une personne de la famille ou à un tiers digne de confiance, il se peut que les relations avec le reste de la famille soient compliquées. On ne souhaiterait pas que la situation finisse par devenir si mauvaise qu’il faille placer l’enfant ailleurs à cause de conflits d’adultes.

Si c’est encore possible, les visites peuvent bien sûr se dérouler au domicile du tiers digne de confiance. Sinon, pour permettre, si c’est la décision du juge, à l’enfant de garder des liens avec ses parents, je propose que le tiers digne de confiance puisse demander à ce que les rencontres se fassent dans le cadre des visites médiatisées, c’est-à-dire avec un tiers et dans des lieux spécifiques, qui existent déjà.

Le fil conducteur, c’est de faire prendre l’idée du tiers digne de confiance dans la tête de tous les professionnels. Pour cela, il faut garantir son exécution. Les visites médiatisées existent, le juge peut les ordonner, mais je n’ai pas connaissance qu’un tiers digne de confiance puisse de lui-même les demander s’il estime en avoir besoin.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous avons rencontré les associations qui accompagnent les tiers dignes de confiance : c’est une forte demande de leur part.

Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. L’article 375‑7 du code civil permet au juge d’imposer que le droit de visite du ou des parents ne puisse être exercé qu’en présence d’un tiers, et cela peut être une demande du tiers digne de confiance ou du membre de la famille qui accueille l’enfant. Par ailleurs, selon l’article 375‑5 du même code, le juge des enfants prend toujours sa décision en stricte considération de l’intérêt de l’enfant, et est donc amené à évaluer la nature des relations entre les membres de la famille. Il me semble que cette faculté et cette liberté d’appréciation font que l’amendement est satisfait.

Mais j’entends qu’il s’agit d’une demande d’un certain nombre d’acteurs. Elle n’était pas remontée jusqu’à moi et il serait préférable que vous me l’exposiez en détail, car l’amendement soulève quelques soucis de formulation juridique. Sans fermer la porte, je vous propose donc de le retirer afin que nous le retravaillions ensemble pour la séance.

Mme Monique Limon. Je veux bien le retirer, pour trouver avec vous une rédaction qui garantisse que cette faculté puisse s’exercer dans les faits.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de ‘amendement AS427 de Mme Monique Limon, qui fait l’objet du sous-amendement AS502 de Mme Perrine Goulet.

Mme Monique Limon. Cet amendement aurait pu être discuté avec le précédent. Il s’agit de l’accompagnement du tiers digne de confiance. Bien qu’étant à la retraite, j’ai gardé le réflexe de me tourner directement vers l’ASE : je propose donc que le tiers digne de confiance ou le membre de la famille ait systématiquement un référent de l’aide sociale à l’enfance. Je suis ouverte à d’autres propositions, l’idée étant, là encore, de faire en sorte qu’ils ne se trouvent pas seuls face à la situation de l’enfant.

Mme Perrine Goulet. Dans la suite des discussions de tout à l’heure, je suis en phase avec Mme Limon sur ce sujet, à ceci près que je ne pense pas qu’il faille se restreindre aux référents de l’ASE. Je propose donc de remplacer « référent de l’aide sociale à l’enfance » par « travailleur social », afin de bien aboutir à une prise en charge globale de la nouvelle famille.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous en avons longuement discuté. Je suis très sensible à la question de l’accompagnement du membre de la famille ou du tiers digne de confiance pour faciliter l’accueil de l’enfant, mais il me semble que la rédaction est un tout petit peu trop directive, puisque la mesure pourrait prendre une forme d’automaticité.

Je vous demande donc de retirer l’amendement pour réfléchir à une autre rédaction.

M. le secrétaire d’État. Comme tout à l’heure, je suis d’accord sur le principe ; essayons donc de voir ensemble et avec les acteurs concernés quel serait le meilleur dispositif.

Demande de retrait.

Mme Monique Limon. Devant ces assurances, je veux bien retirer mon amendement, mais je ne lâcherai pas. Il est vraiment essentiel que le tiers digne de confiance soit accompagné, quitte à prévoir un dispositif systématique : s’il n’en a pas besoin, le dispositif ne s’appliquera presque pas, mais s’il en a besoin, nous serons sûrs qu’il sera aidé.

Mme Perrine Goulet. Je remercie le secrétaire d’État, mais j’insiste, moi aussi, pour que cet accompagnement soit systématique. Les modalités en seront ensuite définies par le travailleur social : tous les mois, tous les quinze jours, tous les trois mois, selon les besoins. Mais qu’un travailleur social intervienne à côté de la famille et du tiers digne de confiance doit être obligatoire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 15 heures

Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 30 juin 2021, la commission poursuit l’examen du projet de loi ([142]).

Article 2 : Simplification des conditions de délégation des attributs de l’autorité parentale au gardien de l’enfant

La commission est saisie de l’amendement AS118 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. L’amendement vise à ajouter que les décisions doivent être prises systématiquement après examen par la commission d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC). Cela permettrait non seulement de renforcer les missions de cette commission, mais aussi d’éviter que les informations reçues par les parents à propos de leur enfant ne soient trop limitées, ce qui risque de distendre les liens. Il faut à la fois protéger l’enfant et conserver la perspective d’une amélioration de ses relations avec ses parents.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La saisine de la CESSEC à chaque demande d’autorisation pour plusieurs actes non usuels irait à l’encontre de l’objectif visé, à savoir faciliter la vie des enfants. Cela alourdirait le processus et risquerait même d’entraîner des blocages. Je vous accorde, en revanche, que la question de la saisine de la CESSEC peut se poser si la situation perdure et que les demandes d’actes se généralisent, mais nous en rediscuterons à propos des amendements suivants.

Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. L’article 2 est important car il assouplit les conditions dans lesquelles le juge peut déléguer une partie des attributs de l’autorité parentale au gardien de l’enfant, lorsque leur exercice n’est pas conciliable avec la mise en œuvre d’une mesure d’assistance éducative.

Lorsqu’un enfant est protégé, il y a une répartition des compétences entre les détenteurs de l’autorité parentale et le service ou le tiers à qui l’enfant est confié, autour de la distinction entre actes usuels et actes non usuels. Certains parents ne sont pas en mesure d’exercer l’autorité parentale. D’autres s’opposent avec force au placement et refusent donc tout acte et toute demande d’acte qui ne relève pas de la catégorie des actes usuels. Ces situations empêchent certains enfants de mener la même vie que les autres enfants de leur âge. Or nous devons, autant que possible, faire en sorte que ce soient des enfants comme les autres.

Le 4 juillet 2019, dans le cadre des assises de la protection de l’enfance, Nicole Belloubet avait pris l’engagement d’assouplir les conditions dans lesquelles les actes non usuels pouvaient être réalisés par le service gardien. Nous nous réjouissons de tenir cette promesse avec l’article 2. Le juge pourra, dans une même décision, prévoir la délégation de plusieurs actes. Il s’agit d’une mesure importante qui facilitera le quotidien des enfants. Elle permettra ainsi, très concrètement, d’empêcher qu’un enfant ne puisse pas partir en vacances à l’étranger, par exemple dans le cadre d’un voyage scolaire. Elle facilitera également l’accompagnement quotidien des mineurs non accompagnés (MNA), que ce soit pour l’ouverture d’un compte en banque ou l’accès aux soins. Il ne s’agit pas ici de modifier la répartition entre actes usuels et actes non usuels – question sur laquelle nous reviendrons, car Paul Christophe a déposé un amendement en ce sens.

Je suis défavorable à l’amendement de M. Bernalicis, qui prévoit une consultation préalable systématique de la CESSEC. Cela conduirait à allonger les délais de procédure, alors que l’intérêt du mineur exige parfois, au contraire, que des autorisations rapides soient accordées au service gardien. Par ailleurs, cette procédure ne se justifie pas forcément : le juge est tout à fait apte à apprécier certaines situations, conformément à l’intérêt de l’enfant.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS409 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Il s’agit, d’une part, d’ouvrir la possibilité pour les parents qui se verraient déchus de leur autorité parentale d’interjeter appel et, d’autre part, de faire en sorte que le service gardien, à qui l’on a en quelque sorte donné les pleins pouvoirs, justifie l’usage qu’il en a fait.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’appel est déjà possible dans le droit actuel s’agissant des actes non usuels. C’est d’ailleurs une cour d’appel, celle d’Aix‑en‑Provence, qui a donné en 2011 la définition de référence des actes non usuels.

La justification a posteriori me semble inutilement compliquée, dans la mesure où le gardien a déjà dû apporter la preuve de la nécessité de la mesure au juge avant que celui-ci ne prenne la décision. En effet, le gardien doit faire la preuve, d’une part, que la mesure est bien un acte non usuel qu’il ne peut pas prendre et, d’autre part, que les parents se refusent à prendre la mesure en question ou refusent de réagir.

Par ailleurs, il s’agira toujours, comme le précise l’article 2, d’« actes déterminés », et non d’une délégation générale et permanente de l’autorité parentale. La nécessité de l’autorisation sera donc vérifiée à chaque fois.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Madame Goulet, vous soulevez des enjeux importants, mais vos demandes sont déjà satisfaites. Je vous invite donc à retirer l’amendement. La décision du juge des enfants d’autoriser un tiers à effectuer des actes non usuels est déjà susceptible d’appel et, dans la pratique, les services éducatifs en charge du suivi du mineur rendent compte régulièrement de leur action au juge, ce qui est important aussi vis-à-vis des parents. Un certain nombre de craintes ont été exprimées à cet égard, notamment par les associations familiales. Quand il est possible de reconstruire le lien avec la famille, il n’est pas question d’entraver ce travail.

Mme Perrine Goulet. En ce qui concerne l’appel, je prends note des éléments que vous m’apportez. Pour le reste, il se peut que ma demande soit satisfaite dans la pratique, mais cela n’a pas la même valeur qu’une obligation posée par la loi. Or il est important que le service gardien fasse un compte rendu au juge de l’utilisation qu’il a faite de l’autorité parentale déléguée. Je retire mon amendement mais j’en déposerai un autre, en vue de la séance, relatif à la justification des actes.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS56 de M. Guillaume Chiche et AS122 de M. François Ruffin ainsi que de l’amendement AS377 de Mme Florence Provendier.

M. Guillaume Chiche. Mon amendement, qui résulte d’un travail avec l’association Repairs!, vise à rendre obligatoire la présence d’un avocat afin de garantir le respect des droits et de l’intérêt des enfants faisant l’objet d’une assistance éducative.

Si l’article 2 va dans le bon sens, il accorde des droits plus importants aux départements. Il serait donc bon de trouver un équilibre entre les contraintes de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous proposons que l’assistance d’un avocat soit systématique.

Par ailleurs, quand plusieurs autorisations d’actes relevant de l’autorité parentale sont demandées, il importe que la CESSEC examine l’opportunité d’un changement de statut de l’enfant, afin de lui apporter de la sécurité.

M. Ugo Bernalicis. Je comprends que le fait de prévoir un avis systématique de la CESSEC puisse paraître lourd. En vérité, cela dépend tout simplement des moyens dont dispose cette commission : la procédure pourrait être rapide.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous me disiez qu’il était parfois nécessaire d’avoir des réponses rapides pour certains actes non usuels, et que le fait de demander systématiquement son avis à la commission ralentirait la procédure. Or l’article vise les situations dans lesquelles plusieurs autorisations sont demandées simultanément. Il ne s’agit donc pas de répondre à des besoins ponctuels et urgents.

Je n’insiste pas sur la nécessité de la présence de l’avocat : comme l’avis de la CESSEC, il convient de la systématiser. Je suppose que l’association Repairs! vous a proposé directement cet amendement ; j’attends donc avec impatience vos réponses.

Mme Florence Provendier. Mon amendement vise à questionner l’engagement des parents auprès de l’enfant dès lors que plusieurs autorisations de délégation de l’autorité parentale sont demandées. En effet, à partir du moment où il y a une répétition de la dérogation, il est légitime de se demander, dans l’intérêt supérieur de l’enfance, si le détenteur de l’autorité parentale est encore apte à l’exercer. En cas de risque ou de suspicion de délaissement, il faut sécuriser le statut de l’enfant et prévoir la possibilité que celui-ci soit réexaminé par la CESSEC.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Ces amendements proposent une sorte de « bouclage » entre, d’une part, le rôle du juge des enfants, qui autorise les actes non usuels, et, d’autre part, celui de la CESSEC, qui peut rendre un avis pour établir l’existence d’un risque de délaissement parental. Or ce « bouclage » est déjà impliqué par le fait que le juge des enfants réexamine la situation tous les ans.

L’amendement de Mme Provendier a le mérite de se concentrer sur la question de la multiplication des autorisations d’actes, qui traduit l’évolution vers le délaissement. C’est un enjeu important, mais le dispositif ne me semble pas opérer correctement le « bouclage » en laissant une incertitude, potentiellement lourde de conséquences, s’agissant des frontières entre les autorisations multiples et le délaissement parental.

Les amendements identiques de M. Chiche et M. Ruffin, quant à eux, mélangent cette question avec celle de la présence systématique d’un avocat. Celle‑ci ne me paraît pas pertinente. Il s’agit en effet de décisions prises dans l’intérêt de l’enfant par le juge, lequel examine avec exigence les demandes formulées par le gardien. Qui plus est, la situation est réexaminée tous les ans.

M. le secrétaire d’État. S’agissant de l’examen de la situation par la CESSEC, celui-ci peut se révéler pertinent, mais il ne doit pas être systématique. Des critères sont prévus à l’article L. 223‑1 du code de l’action sociale et des familles ; le dispositif nous paraît suffisant. Le fondement de cet examen doit rester la protection de l’enfant. On ne saurait s’appuyer sur le fait que des autorisations concernant plusieurs actes relevant de l’autorité parentale ont été délivrées. Je suis donc défavorable à votre amendement, madame Provendier.

En ce qui concerne la présence systématique d’un avocat, j’aborderai plutôt la question lors de l’examen des articles 7 et 8, qui renforcent les garanties procédurales. Plusieurs amendements avaient été déposés sur cette partie du texte ; même s’ils ont été déclarés irrecevables et ne seront donc pas examinés, je reviendrai sur le fond du sujet.

M. Ugo Bernalicis. Nous avons clairement un désaccord sur ce que doit pouvoir faire la CESSEC. On peut comprendre l’intérêt de donner de telles prérogatives au département, par souci d’efficacité et de pragmatisme, et pour faciliter la vie quotidienne de l’enfant. Toutefois, la famille de l’enfant ne peut pas être laissée complètement de côté. Il faut trouver un équilibre – ce que permettrait un examen par la commission, à savoir une instance un tant soit peu objective, qui ne prendrait pas une décision purement administrative.

En écoutant votre intervention, madame la rapporteure, on pourrait croire que le juge se suffit à lui-même, qu’il prend toujours les bonnes décisions et que l’œuvre de justice, en définitive, c’est la décision du juge. Or l’œuvre de justice résulte de l’interaction entre plusieurs éléments : c’est un débat contradictoire, comme à l’Assemblée nationale, et l’avocat nourrirait ce débat. Dans bien des cas, l’avocat apportera des éléments visant non pas forcément à s’opposer au juge, mais à suggérer à celui-ci de prononcer telle ou telle mesure dans l’intérêt de l’enfant. Cette interaction permettrait de prendre la meilleure décision possible.

M. Guillaume Chiche. Un grand nombre d’amendements visant à instituer le concours obligatoire d’un avocat dans l’ensemble des procédures de placement ont été déclarés irrecevables. Vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État, que la question soit abordée plus loin dans le texte. Or, ce sera précisément à l’endroit où ces amendements ont été déclarés irrecevables. Nous avons l’occasion de nous prononcer dès maintenant par un vote : je maintiens mon amendement.

Mme Florence Provendier. Madame la rapporteure, vous m’avez indiqué que le juge réexaminait systématiquement les conditions de placement de l’enfant tous les ans. Or cela dépend de l’ordonnance de placement : celle-ci peut courir sur deux ans – ce qui est extrêmement long dans la vie d’un enfant. Dans le cas d’une absence de réponse à répétition de la part des parents concernant des actes non usuels, il paraît pertinent de saisir la CESSEC, qui peut prendre les dispositions nécessaires dans l’intérêt supérieur de l’enfant. En l’état actuel des informations dont je dispose, je maintiens donc mon amendement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Monsieur Bernalicis, je n’ai pas dit que le juge prenait seul les décisions. Au préalable, il reçoit l’enfant, l’éducateur et un membre de la famille.

Madame Provendier, je maintiens mes propos concernant le rôle du juge. Qui plus est, l’évaluation par la CESSEC risquerait d’alourdir la procédure.

M. Pierre Dharréville. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) avait lui aussi déposé un amendement pour permettre l’intervention d’un avocat ; je me permets donc d’insister à mon tour sur cette dimension. Il serait d’autant plus regrettable que nous n’ayons pas l’occasion de débattre de la question que nous sommes nombreux, visiblement, à vouloir avancer.

Personne ne conteste le fait que la décision appartienne au juge des enfants. Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause le rôle qui est habituellement celui de ce juge, à savoir d’accompagner les enfants. Mais, précisément, prévoir que l’enfant soit aidé et accompagné par un avocat dans ce qui constitue un moment difficile, pouvant provoquer une fragilité supplémentaire, permettra au juge de se concentrer davantage sur son rôle du juge.

Mme Isabelle Santiago. Il est essentiel de trancher la question de la présence de l’avocat, que la loi de 2016 n’a pas rendue obligatoire. Ce texte nous offre l’occasion d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des enfants. Il est essentiel, compte tenu de la présence d’un certain nombre d’acteurs autour d’eux, que les enfants soient conseillés par des professionnels spécialisés. À titre d’exemple, le schéma départemental de prévention et de protection de l’enfance du Val‑de‑Marne, qui a été adossé à la loi de 2016, mentionne le rôle des avocats. Nous avons invité les avocats à travailler sur cette question. Le Conseil national des barreaux (CNB) souhaite que nous avancions sur ce point. Tout le monde est prêt à faire évoluer la loi. Nous pourrions accomplir un pas ici ou en séance.

Mme Monique Limon. Nous nous accordons tous sur le fait que l’enfant a besoin de connaître ses droits et d’être défendu. Ma position personnelle a évolué. J’avais pour habitude, en tant que travailleur social, de faire confiance au juge des enfants, qui occupe une place particulière au sein de la magistrature. Il me paraît nécessaire, aujourd’hui, que, dans certaines situations complexes et conflictuelles, l’avocat soit présent. Le groupe La République en Marche estime qu’il faut permettre la présence de l’avocat auprès de l’enfant lorsqu’elle se révèle nécessaire.

Mme Agnès Thill. Je suis également favorable à la présence d’un avocat – j’avais déposé des amendements en ce sens – auprès de l’enfant confronté à des manquements, à des carences éducatives. Il se sent rarement défendu, soutenu. Il a besoin que quelqu’un soit présent uniquement pour lui. Cela ne remettrait nullement en cause le rôle du juge des enfants, mais constituerait un plus pour des enfants qui ont déjà beaucoup moins.

Mme Perrine Goulet. Les députés du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés (Dem) avaient déposé plusieurs amendements visant à rendre obligatoire la présence de l’avocat dans tous les compartiments de la procédure impliquant l’enfant. Les amendements que nous examinons ont pour objet de nous faire franchir un premier pas. Compte tenu de l’irrecevabilité qui a été opposée à nos initiatives, la question est de savoir si l’on va, tout au long du texte, essayer d’introduire la présence de l’avocat ou si l’on se penche dès maintenant sur la généralisation de son rôle dans la procédure. Monsieur le secrétaire d’État, j’en appelle à vous ; je crains qu’avec la rapporteure, vous ne soyez battus sur cette question.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Madame Goulet, nous ne sommes pas là pour battre le secrétaire d’État ou la rapporteure, mais pour faire avancer les choses. C’est pourquoi nous prenons le temps du débat.

M. Paul Christophe. Je partage le point de vue de Perrine Goulet, avec qui j’avais travaillé dans le cadre de la mission d’information sur l’ASE. Nos travaux avaient mis en lumière la nécessité de la présence d’un avocat tout au long des procédures engagées au titre du placement, et pas seulement à un stade de ces procédures. Je crains qu’en votant l’un de ces amendements, on fasse plus de mal que de bien : on entrouvrirait la porte, mais on contrarierait toutes les autres procédures. Si ces amendements ne constituent pas la solution, ils doivent toutefois nous interpeller. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes en attente d’une proposition concrète qui ferait prospérer cette idée.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. J’avais moi aussi déposé un amendement sur ce sujet. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la systématisation de la présence de l’avocat, mais il me paraît souhaitable que le juge des enfants puisse la demander à tout moment.

M. le secrétaire d’État. Je rappelle que nous parlons du juge « des » enfants et non « pour » enfants – la sémantique a son importance. Il n’exerce pas le même office que les autres juges : il n’est pas là pour trancher un contentieux, mais pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi l’office d’avocat n’occupe pas la même place que dans d’autres procédures. Il est important de rappeler que le juge est du côté de l’enfant ; c’est le premier garant de son intérêt. Il y a là une garantie tutélaire, qui peut être mise en regard des garanties formelles, processuelles existant dans d’autres procédures.

Le barreau aimerait, fort logiquement, qu’il y ait des avocats partout – je le dis sans aucune volonté de provocation – mais vous avez probablement auditionné, également, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, présidée par Laurent Gebler, qui n’est pas favorable à l’intervention systématique de l’avocat. La présence de l’avocat pourrait prendre plusieurs formes. La solution proposée par M. Chiche et M. Ruffin n’est pas adaptée, car elle ne porterait que sur une petite partie de la procédure. On pourrait envisager de renforcer l’information. Certains d’entre vous souhaitent aller jusqu’à la systématisation de la présence de l’avocat. Une voie intermédiaire pourrait consister à conférer au juge la possibilité formelle de désigner un avocat lorsque, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, il estime nécessaire que celui-ci soit représenté.

La question mérite réflexion, car la présence de l’avocat peut introduire de la conflictualité là où il n’y en a pas. La protection de l’enfance implique, dans la moitié des cas, des décisions d’assistance éducative à domicile, s’agissant de familles en souffrance présentant des carences éducatives. L’accompagnement social a pour objet d’aider les parents durant un certain laps de temps. Quelle utilité présenterait l’avocat dans ce cas de figure, où tout le monde, parents, enfant, juge, essaie de sortir des difficultés par le haut ?

Je ne veux pas adopter de position définitive sur le sujet mais simplement vous alerter sur les implications qu’aurait la systématisation de la présence de l’avocat. Nous sommes tous mus par l’intérêt supérieur de l’enfant, à commencer par le juge. Je vous propose que nous continuions à en discuter d’ici à la séance, tout en vous invitant à la prudence, pour éviter les effets contreproductifs.

Mme Perrine Goulet. En l’absence de contentieux, le département peut instituer l’action éducative à domicile sans passer devant le juge. Si l’on est en présence du juge, cela signifie que les parents n’ont pas accepté la proposition du département, et qu’il y a une conflictualité latente. Il nous paraît donc essentiel que l’avocat soit présent au cours de la procédure. Je ne partage donc pas votre argument, monsieur le secrétaire d’État.

Les juges des enfants ont pour rôle de défendre ces derniers. Je ne mets pas en cause leur travail. Cela étant, un certain nombre de leurs représentants, que nous avons auditionnés – notamment des membres du Syndicat de la magistrature – demandent la présence d’un avocat. Le fait que l’enfant ait été préparé, que le dossier ait été étudié avant le jugement constituerait, à leurs yeux, un apport.

Par ailleurs, un juge des enfants change d’affectation tous les trois à cinq ans. Les éducateurs référents connaissent également une mobilité régulière. Personne ne suit donc l’enfant tout au long de son parcours. Un avocat, en revanche, ne change pas de barreau tous les quatre matins.

Il est essentiel que l’enfant dispose des mêmes droits que tout citoyen français et puisse bénéficier du concours d’un avocat. Les juges, les avocats, les parlementaires, les associations le demandent.

M. Guillaume Chiche. Il faut considérer les enfants pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des sujets de droit. Le juge des enfants n’est évidemment pas là pour s’opposer à ces derniers, pas plus que l’avocat qui représenterait l’enfant ne serait opposé au juge. Dans le cadre de la procédure, les parents ont bien le droit à un avocat. Les parents comme les enfants sont engagés dans des procédures dites contradictoires. Comment peut-on imaginer qu’un enfant ne puisse pas bénéficier automatiquement de l’assistance d’un avocat ? Au pénal, la présence de l’avocat est systématique ; pourquoi ne le serait-elle pas au civil ? À l’instar d’un certain nombre de parlementaires, le CNB, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Conseil national de la protection de l’enfance, ou encore le Syndicat de la magistrature souhaitent également cette mesure. La Défenseure des droits, quant à elle, dans l’avis qu’elle a transmis à la commission, estime que le texte doit être l’occasion d’arrêter une position sur la présence mécanique de l’avocat ou, au minimum, sur la possibilité accordée au juge de désigner d’office un avocat pour assister un mineur, même non discernant. L’absence d’une telle disposition est peut-être le fruit d’un oubli qu’il faudra corriger. Pour remédier à l’irrecevabilité qui nous a été opposée, nous avons déposé des amendements sur de nombreux alinéas. Perrine Goulet propose par exemple d’instituer une expérimentation pendant trois ans.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Comment s’assurer que la parole de l’enfant est portée ? Si le juge des enfants est là pour statuer sur la protection de l’enfant, il a aussi pour rôle de se prononcer sur la situation de la famille et les conditions de son accompagnement. Il ne me paraît pas si évident que le juge doive être le porteur de la parole enfantine. Tel pourrait être le rôle de l’avocat.

Je voudrais invoquer un second argument, en m’appuyant sur un exemple. Il y a quelques années, j’avais communiqué au juge des informations détaillées, préoccupantes, au sujet d’une famille présentant des carences éducatives très importantes. J’étais extrêmement inquiète, au même titre que les assistants sociaux. La philosophie de ce juge des enfants était d’accorder la priorité à la préservation du lien entre les enfants et leur famille. Certes, il avait pris une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), mais ce n’était pas suffisant au regard du comportement des enfants, qui se mettaient véritablement en danger. Nous avons eu très peur. Le juge n’entendait pas les nombreuses alertes que nous lui adressions. Lorsqu’un magistrat estime que le maintien du lien familial prévaut sur tout, on peut se demander si la présence d’un avocat n’est pas nécessaire.

M. le secrétaire d’État. Aucune porte n’est fermée. Le débat va prospérer jusqu’à l’examen en séance.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS199 de Mme Claire Pitollat.

Mme Claire Pitollat. Cet amendement vise à ce que les actes non usuels accomplis par le gardien d’un mineur non accompagné, sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale, ne soient possibles que durant le temps nécessaire à l’ouverture d’une mesure de tutelle ou de délégation de l’autorité parentale. En effet, le juge des enfants pourrait utiliser assez largement, par exemple en cas de surcharge d’activité, la faculté qui lui est donnée de déléguer au gardien la réalisation d’actes multiples, alors que cette possibilité revêt un caractère exceptionnel ; ce faisant, il renoncerait à ordonner au service gardien de saisir le juge des tutelles, quand bien même cette mesure serait plus adaptée.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre amendement met en lumière certains dysfonctionnements de l’ASE. Il rappelle le principe selon lequel les mineurs doivent avoir un représentant légal qui, à défaut, est l’ASE. Même si, dans les faits, des difficultés peuvent se poser, il me paraît satisfait.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. La pratique montre que le juge des enfants privilégie toujours la saisine du juge aux affaires familiales aux fins d’ouverture de la tutelle et de son défèrement à la collectivité publique compétente. L’ajout que vous proposez n’est pas nécessaire. L’autorisation accordée par le juge des enfants d’accomplir des actes non usuels sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale est toujours provisoire, dans l’attente de l’ouverture de la tutelle départementale. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer. Je rappelle que l’article 2 facilitera le quotidien des enfants non accompagnés qui ont été reconnus mineurs sur notre territoire, s’agissant par exemple de l’accès aux soins ou de l’ouverture de comptes en banque.

L’amendement est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS341 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. La distinction entre actes usuels et non usuels est trop souvent source de situations discriminantes dans le quotidien des enfants. Je salue l’assouplissement, opéré par l’article 2, des conditions dans lesquelles le juge peut déléguer une partie des attributs de l’autorité parentale au gardien d’un enfant. Il prévoit notamment la possibilité d’autoriser le gardien à accomplir, à titre exceptionnel, plusieurs actes non usuels sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale. Cela étant, les auditions ont mis en évidence de nombreux exemples de zones grises. À l’heure actuelle, on est en effet conduit à interpréter le guide de recommandation de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Je propose de clarifier la distinction entre les actes usuels et non usuels par voie de décret.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. C’est un sujet qui est revenu très souvent dans le cadre des auditions et des ateliers. Si l’on établit par décret une liste des actes non usuels, celle-ci sera figée et il en résultera une rigidité face aux évolutions de la jeunesse et de la société. Il me semblerait plus raisonnable de s’en remettre au guide de la DGCS.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Le fait qu’un acte est usuel ou non ne dépend pas uniquement de sa nature, mais aussi des circonstances, comme l’historique de la famille et l’entente ou la mésentente en son sein. Ce qui concerne la scolarisation relève normalement des actes non usuels mais, par exemple, si un enfant a été scolarisé dans le privé pendant des années, cela sera considéré comme un acte usuel, selon un arrêt rendu en 2018 par le Conseil d’État.

Un décret figerait un peu la situation. Il vaut mieux se fonder sur le guide d’évaluation que vous avez évoqué et qui, sauf erreur de ma part, est en cours d’actualisation. Il permet d’aider les professionnels à déterminer de quelle catégorie les actes relèvent. Dresser une liste stricte n’aurait pas de sens : la qualification peut varier d’une situation à l’autre. Je vous demande donc de retirer cet amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Paul Christophe. C’est sur la fragilité du dispositif actuel que je voulais vous interpeller par le biais de cet amendement : on doit statuer à partir d’un guide de recommandations. Je comprends bien qu’un décret risquerait de nous enfermer dans une liste, mais je ne suis pas sûr qu’on ait apporté toutes les solutions aux problèmes qui se posent dans le quotidien de ces enfants.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 sans modification.

 

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement AS364 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Cet amendement tend à modifier l’article 378‑2 du code civil, qui prévoit la suspension de tout ou partie de l’autorité parentale en cas de crime commis par un conjoint sur l’autre. Les actes de violence dans le cadre conjugal sont directement des actes de violence à l’égard des enfants, sur le plan psychologique. Des études ont établi que leurs effets s’apparentent au syndrome de stress post‑traumatique, c’est-à-dire aux violences psychologiques subies par des enfants en zone de guerre. Cela montre bien l’impact sur les enfants des violences intraconjugales.

Or le message qui est envoyé est souvent paradoxal : le conjoint agresseur, qui est l’auteur des violences, reste fréquemment détenteur de l’autorité parentale. Il garde ainsi une emprise sur l’enfant, dont il est aussi l’agresseur, puisque ses actes violents l’agressent directement, et sur le conjoint victime. Il nous semble nécessaire de suspendre, peut-être temporairement, tout ou partie de l’autorité parentale du conjoint agresseur lorsque les faits ont été établis, par exemple en cas de coups et blessures ayant occasionné des incapacités totales de travail (ITT) de plus de huit jours – ce qui signifie qu’il y a des preuves. Nous laisserons néanmoins au juge des enfants la liberté de redonner au parent concerné, s’il le juge nécessaire, le plein exercice de son autorité parentale.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. C’est un sujet très délicat. Le nouvel article 378-‑2 du code civil, introduit en 2019 à l’issue d’une commission mixte paritaire (CMP), prévoit qu’en cas de crime commis par un parent sur l’autre, l’autorité parentale du premier est automatiquement suspendue jusqu’à une décision définitive du juge aux affaires familiales.

Votre amendement propose d’appliquer le même régime s’il y a eu des coups et blessures ayant provoqué une ITT de plus de huit jours, ce seuil étant celui à partir duquel de telles violences constituent un délit et sont passibles d’une peine de prison. Cette mesure avait été envisagée lors de la CMP sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, déposée par notre collègue Aurélien Pradié, mais elle avait été finalement écartée après des débats très intenses.

Il est difficile de ne pas être sensible à cette question, mais ce qui est évident s’agissant d’un crime l’est‑il pour un délit ? C’est d’autant plus compliqué que le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de cet article du code et qu’un délit tel que les coups et blessures fait l’objet d’une simple enquête sous la conduite du procureur alors que les poursuites sont décidées par un juge d’instruction en cas de crime.

Dans l’attente d’éléments complémentaires, j’émets un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Vous avez eu, en effet, l’occasion d’échanger sur ce sujet dans le cadre des débats qui ont précédé l’adoption de la loi du 28 décembre 2019. La suspension de l’autorité parentale est désormais prévue en cas de crime sur la personne de l’autre parent, d’une façon automatique, qu’il y ait ou non une condamnation, c’est-à-dire y compris pendant la procédure, ce qui est une très bonne chose.

Il existe par ailleurs une procédure permettant de confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale au parent non violent, sur saisine du juge aux affaires familiales. C’est, me semble-t-il, l’objectif que vous cherchez à atteindre par cet amendement.

Un équilibre général a été trouvé, et le présent texte n’a pas nécessairement pour objet de le remettre en cause. Je crois que nous couvrons déjà l’ensemble des situations. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. C’est une demande des associations qui travaillent sur les violences conjugales. Il serait intéressant de réaliser un état des lieux. Il y a plus de 170 000 enfants exposés à des violences conjugales, mais les suspensions de l’autorité parentale sont très peu nombreuses – environ 1 500.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS342 de Mme Caroline Janvier.

M. Didier Martin. L’amendement souligne que l’interprétation de la notion d’empêchement parental, qu’il faut distinguer de celle de délaissement, ne saurait aller à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant. Un rapport de Perrine Goulet a notamment mis l’accent sur les maladies psychiatriques, qui peuvent conduire à une situation d’empêchement parental.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Cet amendement vise à neutraliser toute interprétation de la notion d’empêchement par le juge lorsqu’il doit examiner la difficile question de l’autorité parentale.

Historiquement, la notion d’empêchement a été introduite en 2016 pour remplacer celle de « désintérêt manifeste », qui était déjà interprétée d’une manière restrictive par certains juges.

La neutralisation de l’interprétation que vous proposez ne serait pas nécessairement aussi opérationnelle que vous le souhaitez. Outre qu’elle constituerait un signe fort de défiance vis-à-vis du juge, elle pourrait elle-même être soumise à interprétation.

J’ai peur qu’en la matière, les ajouts aux ajouts à la loi ne soient pas efficaces. Il existe désormais un critère – un an sans relation avec les parents – et une exception, qu’il convient d’interpréter d’une façon restrictive, à savoir les situations dans lesquelles ces derniers ont été empêchés. N’ajoutons pas de la complexité.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. En matière de délaissement parental comme en toute matière, le tribunal statue toujours en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. Je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS121 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous demandons un rapport permettant d’évaluer la possibilité d’un assouplissement de la délégation de l’autorité parentale, sans rupture de la filiation. En effet, ce n’est pas toujours tout noir ou tout blanc, et les besoins sont divers.

De nombreux enfants se retrouvent avec des parents ne pouvant pas assurer leur autorité parentale à cause de diverses situations, par exemple un handicap. On doit donc faciliter la délégation à un tiers de l’autorité parentale, notion juridique qu’il convient de distinguer de la filiation.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Nous avons eu l’occasion d’en discuter, de mémoire, lors de l’examen de la proposition de loi, déposée par Monique Limon, visant à réformer l’adoption.

Depuis 2016, la notion de délaissement parental a remplacé celle de l’abandon. On s’est demandé si, en pratique, cela permettait à davantage d’enfants d’être adoptables, pour leur donner une famille. Je n’ai plus le chiffre exact en tête, mais le nombre de cas de délaissement parental est en augmentation. Il semblerait donc que le changement introduit par la loi de 2016 soit en train de produire des effets.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Encadrement des établissements et structures pouvant accueillir les mineurs de la protection de l’enfance

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS71 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Cet amendement, comme les suivants, concerne le placement d’enfants dans des hôtels. Nous demandons la suppression de l’article 3, qui nous exposerait à de nombreux écueils : il mérite d’être réécrit d’ici à la séance.

Je crois que l’objectif est partagé par tous. Vous l’avez expliqué à l’Assemblée et dans divers médias, monsieur le secrétaire d’État : il faut interdire le placement d’enfants dans des hôtels. Ce sont des situations absolument inhumaines qui conduisent à des drames. Placer des enfants isolés dans des chambres d’hôtel est une honte pour notre République.

Vous prévoyez trois exceptions, liées aux périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs et à des situations d’urgence. Inscrire dans la loi que l’on peut placer des enfants à l’hôtel en raison de congés, de vacances ou de situations d’urgence ne permettra en rien de régler le problème. Rendre légale une pratique actuellement trop répandue reviendrait, au contraire, à nous déshonorer et à mettre un danger des enfants.

De plus, comme je l’ai dit précédemment, aucune limite de temps n’est prévue dans ce texte pour les placements à l’hôtel. L’exposé des motifs évoque une durée maximale de deux mois, mais l’article 3 ne comporte aucune mention d’une telle limite – je vous présenterai d’ailleurs des amendements de repli sur ce point.

Nous devons nous appuyer sur les travaux de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’ensemble des acteurs associatifs, mais aussi sur l’action des enfants qui ont décidé d’ester en justice pour contester leur placement à l’hôtel, notamment pour mise en danger, ce qui pourrait permettre de dégager une jurisprudence interdisant ces situations. Il faut mettre un terme, dans la loi, à cette pratique absolument inacceptable.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je crois que nous serons tous d’accord pour condamner le placement d’enfants dans des hôtels – je suis allée en voir deux qui se trouvent près de chez moi – mais il y a, malheureusement, un principe de réalité. Nous avons, dans mon département, six cents enfants placés dans des hôtels. Nous sommes obligés de le faire dans des cas d’extrême urgence.

Il est vrai que le texte ne prévoit pas de durée maximale pour de tels placements, à titre exceptionnel, mais l’amendement de Perrine Goulet le fera. L’article 3 permet de trouver un équilibre reposant sur une interdiction et la possibilité de mesures exceptionnelles afin d’éviter que des enfants ne soient mis à la rue. En demandant la suppression de cet article, vous allez les désavantager.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Vous faites preuve d’une incompréhension totale, monsieur Chiche, de ce que vous présentez comme des exceptions concernant les vacances et les loisirs – vous allez simplement empêcher des enfants de prendre des vacances... La seule véritable exception est relative aux situations d’urgence.

L’IGAS a parlé pour la première fois d’enfants seuls dans des hôtels en 2013. Je n’ai pas le souvenir qu’il y ait eu quoi que ce soit à ce sujet dans la loi de 2016 et que quiconque, parmi ceux qui font la leçon aujourd’hui, m’ait parlé de cette situation lors des consultations que j’ai lancées en avril 2019.

J’ai demandé à l’IGAS en janvier de l’année dernière de me présenter un rapport sur les enfants dans les hôtels. Comme souvent lorsqu’il est question de la protection de l’enfance, on parle de situations dont on est, en réalité, incapable de connaître l’ampleur. Si vous demandiez à certains départements combien d’enfants se trouvent dans des hôtels, ils ne seraient pas en mesure de vous répondre. La première vertu du rapport élaboré par l’IGAS, sous la conduite de l’ancienne secrétaire d’État Fadela Amara, a été d’objectiver un peu la situation.

On considère qu’il y a entre 7 500 et 10 000 enfants dans des hôtels. Dans 95 % des cas, il s’agit de mineurs non accompagnés. Les autres, qu’il ne faut pas oublier, sont des enfants dont on dit qu’ils sont dans des « situations complexes », qui ont fugué une, cinq, dix ou quinze fois, qu’on n’arrive pas à retenir dans des foyers plus classiques ou des familles d’accueil, et qui peuvent notamment souffrir de problèmes psychiatriques.

C’est une question de dignité, je vous rejoins sur ce point, monsieur Chiche : il faut établir le principe, fort et clair, d’une interdiction des enfants seuls dans les hôtels. C’est ce que fait cet article du projet de loi, quoi qu’on en dise. Dans ce domaine, néanmoins, comme dans tous ceux que nous évoquons, il ne faut pas faire montre de dogmatisme. Si des enfants venus de l’étranger arrivaient demain en plus grand nombre dans notre pays et qu’ils se retrouvaient à la rue, nous serions tous perdants. C’est la raison pour laquelle nous prévoyons une exception liée à l’urgence, qui doit être strictement encadrée, je vous rejoins également sur ce point. C’est ce qui est prévu dans l’exposé des motifs et c’est ce que faisait initialement le texte lui-même, me semble-t-il, mais cette question a été renvoyée au pouvoir réglementaire.

La position du Gouvernement – cela vaudra pour les amendements, notamment ceux déposés par le groupe Dem – est que les exceptions doivent être limitées dans le temps. Un délai de deux mois, ce qui recouvre globalement la phase d’évaluation de la minorité, est ainsi prévu, de même qu’un encadrement éducatif renforcé. Il faut également travailler – mais c’est plus difficile à écrire dans la loi, et il faudra peut-être vous autoriser à faire un renvoi au pouvoir réglementaire – sur une objectivation du type d’hôtels mobilisables dans ce cadre, pour qu’on ne se retrouve pas avec des établissements miteux au fin fond de zones industrielles. Il me semble également important qu’il n’y ait pas d’adultes dans ces hôtels. Dans la plupart d’entre eux, on trouve un mélange entre des enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance et d’autres pris en charge par le 115 : je ne suis pas sûr que ce soit toujours une bonne idée. Je ne sais pas comment on peut l’inscrire dans la loi, mais il faudra réfléchir à cette question d’ici à la séance : il me semble que c’est un autre élément nécessaire en matière d’encadrement.

Des discussions portent sur le délai de mise en œuvre, qui vise à laisser aux départements le temps de s’adapter, certains voulant le raccourcir et d’autres l’allonger, probablement selon leurs positions politiques. Un délai d’un an à la suite de la publication du texte est actuellement prévu. Je m’engage, par ailleurs, à ce qu’une petite équipe d’ingénierie soit mise sur pied, avec peut-être aussi quelques moyens, pour que nous puissions agir avec les départements qui souhaiteraient commencer plus tôt à avancer sur le chemin qui permettra de faire sortir les enfants des hôtels. Je ne veux pas parler à sa place, mais je crois que le président du conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, Stéphane Troussel, s’est d’ores et déjà dit intéressé par cette démarche.

Certains d’entre vous évoqueront peut-être la question des moyens financiers et du moyen terme. Les 600 millions d’euros dégagés par l’État dans le cadre de la contractualisation avec les départements ont notamment pour objectif de créer des places pour accueillir les mineurs qui étaient jusque‑là à l’hôtel.

S’agissant des 5 % d’enfants restants, qui sont souvent en situation de handicap, nous menons aussi des actions dans le cadre de la contractualisation et plus directement avec certaines associations – et la secrétaire d’État Sophie Cluzel – pour essayer de trouver des solutions afin de bien les accompagner, ce que globalement nous n’arrivons pas à faire aujourd’hui, parce que ces enfants sont au croisement du social et du médico-social. C’est un défi auquel nous faisons face.

Mme Martine Wonner. Je voudrais revenir sur les 5 % d’enfants évoqués par M. le secrétaire d’État. Je ne vous parlerai pas du versant handicap, mais d’une petite association alsacienne qui accompagne, depuis dix ans, des adolescents ayant absolument tout mis en échec – les familles d’accueil et toutes les institutions possibles.

L’accompagnement individuel assuré par cette association, dont le projet est tout à fait remarquable, consiste à suivre chaque adolescent placé dans un hôtel, dans le cadre d’un véritable contrat élaboré avec ce dernier. Les jeunes sont suivis vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, individuellement, par des psychologues qui peuvent aussi bien intervenir à seize heures qu’à minuit ou à six heures du matin.

Dans ce cas de figure, que je connais très bien, l’hôtel est devenu un outil, un partenaire, sans lequel les jeunes concernés seraient dans une situation complètement catastrophique, à l’abandon et refusant tout. Ils ne sont pas deux cents, mais une petite quinzaine chaque année. L’hôtel est un outil fondamental, grâce à un projet qui est accepté et global, mais ne correspond pas aux trois exceptions citées tout à l’heure.

Mme Monique Limon. Le groupe La République en Marche salue la décision d’interdire le placement de mineurs dans des hôtels. Cependant, pour cette disposition comme pour la plupart de celles que contient ce texte, il ne faut pas être trop directif ou rigide. Il ne sert à rien d’interdire purement et simplement l’hôtel si l’on sait pertinemment que cette interdiction ne pourra pas être effective du jour au lendemain. Je salue donc la proposition de M. le secrétaire d’État, qui nous invite à réfléchir à la façon dont nous pouvons mieux accompagner les MNA ou les mineurs que l’on qualifie de « cas complexes ». L’objectif est évidemment de leur offrir une prise en charge ailleurs qu’à l’hôtel. Nous y parviendrons, à condition d’y mettre les moyens et de faire preuve de bonne volonté.

Mme Agnès Thill. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Chiche. Je ne peux pas laisser dire que ce projet de loi interdira le placement de jeunes à l’hôtel : en effet, l’alinéa 4 prévoit explicitement des dérogations « à titre exceptionnel, pour répondre à des situations d’urgence ou assurer la mise à l’abri des mineurs ». Aucun délai n’est spécifié : ces dérogations peuvent donc être comprises dans un sens très large. J’entends bien ce que vous dites, monsieur le secrétaire d’État, mais pour ma part, je souhaite qu’aucun mineur ne soit placé à l’hôtel et qu’il n’existe aucune dérogation possible, même dans des situations d’urgence. À nous d’y mettre les moyens. Un mineur, quel qu’il soit, ne peut pas être livré à lui-même, dans la solitude d’un hôtel, avec toutes les dérives que cela implique – les réseaux, la traite d’enfants, la prostitution.

Vous dites que vous ne voulez pas que des adultes soient présents dans ces hôtels. Je m’en réjouis, d’autant que j’ai défendu cette mesure dans le cadre d’une proposition de loi que j’avais déposée. Mais quid de la fraude à l’identité ? Vous savez très bien qu’on déplore 60 % à 90 % de fraudes à l’identité et que les hôtels accueillent des MNA de 30 ans. C’est ce qui se passe dans l’Oise, où le département a dépensé, en 2019, 20 millions d’euros pour l’hébergement de ces mineurs dans les hôtels. Il est effrayant de savoir que des adultes y vivent aux côtés de jeunes filles de 16 ans ou d’autres mineurs. Je le répète, aucun enfant ayant déjà connu un parcours de vie difficile, traumatisant, ne doit être livré à la solitude de l’hôtel.

M. Pierre Dharréville. L’article 3 pose une vraie fausse interdiction. Il s’agit d’un trompe‑l’œil, d’un faux-semblant, puisque des dérogations sont immédiatement prévues. Vous risquez, monsieur le secrétaire d’État, de donner au placement des mineurs à l’hôtel une base légale qui n’existe pas aujourd’hui. Autrement dit, cette disposition pourrait légitimer un certain nombre de situations qui, en l’état actuel, échappent au cadre de la loi. Ce n’est donc pas une bonne solution, d’autant que les situations d’urgence pouvant justifier une dérogation sont fréquentes. Je ne dis pas que la question peut être réglée facilement, d’un coup de baguette magique, mais l’article 3 pose problème au groupe GDR, dans la mesure où il risque d’être contre-productif.

Mme Isabelle Santiago. M. le secrétaire d’État a dit tout à l’heure, à juste titre, que la question des hôtels n’avait encore jamais été posée. C’est l’action des lanceurs d’alerte et la diffusion de documentaires effroyables qui nous ont poussés à examiner cette situation.

L’article 3 vise à répondre à un scandale : le département des Hauts‑de‑Seine, qui connaît un excédent budgétaire de 600 millions d’euros, se permet de placer six cents enfants dans des hôtels, sans aucun accompagnement. Dans la majorité des départements français, la question du placement de mineurs à l’hôtel est très marginale. Dans le Val‑de‑Marne, par exemple, aucun enfant ne se trouve à l’hôtel ; vingt places existent, avec du personnel, pour des situations bien précises et urgentes.

Nous devons considérer que le placement de mineurs à l’hôtel est interdit. Cependant, pour avoir été vice-présidente d’un département, je sais qu’une interdiction stricte serait difficile à respecter dans les faits : de manière très pragmatique, j’approuve donc la proposition du Gouvernement. Pour autant, si cette disposition entre en vigueur au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la loi, l’État devra user de toute sa puissance pour que les départements comme les Hauts‑de‑Seine l’appliquent réellement : pour sortir six cents enfants des hôtels dans un délai d’un an, il faudrait que les agents de l’ASE commencent dès aujourd’hui à téléphoner aux associations pour monter des dispositifs d’accueil.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS211 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Nous avons commencé à évoquer la question de l’hébergement hôtelier pour les mineurs. Quelle est la réalité de ces hôtels ? Il y a d’abord le contenant : ce sont souvent des lieux glauques, insalubres, où les odeurs vous prennent à la gorge, où l’on mange froid ce que l’industrie agroalimentaire produit de moins cher et où certains se font de l’argent sur la misère humaine en proposant des prix de journée défiant toute concurrence – 20 ou 30 euros pour s’occuper d’enfants à temps plein, toute la journée. Il y a aussi le contenu, souvent lacunaire : peu ou pas d’accompagnateurs, peu ou pas d’encadrement, au mieux un gardien qui veille à ce que les jeunes qui fument ne mettent pas le feu à leur chambre. Voilà la réalité de ces hôtels où nous plaçons des mineurs, en France.

L’étude d’impact nous apprend que les mineurs confiés à l’ASE et hébergés à l’hôtel sont au nombre de 10 500, et que 95 % d’entre eux – soit 9 975 enfants – sont des MNA. Les 5 % restants sont des enfants à situation complexe dits « incasables », dont plus personne ne veut car on ne prend pas le temps d’essayer de les comprendre et d’analyser ce dont ils auraient besoin. Ce sont plus de 500 enfants qui ont désespérément besoin d’accompagnement et qu’on laisse livrés à eux-mêmes. Il existe pourtant des lieux pour ces enfants, ainsi que des porteurs de projets qui veulent créer de tels lieux. Nous ne pourrons pas imposer la création de ces lieux d’accueil si nous n’interdisons pas réellement l’hébergement hôtelier des mineurs.

L’amendement AS211, déposé par les députés du groupe Dem, propose une solution imparfaite à une situation qui l’est tout autant. Nous demandons que l’hébergement hôtelier soit limité au seul temps nécessaire pour déterminer la minorité réelle ou supposée des MNA ; charge aux départements de prendre leurs responsabilités et de trouver une solution pour les « incasables ». Ce temps est déjà trop long, mais nous devons tenir compte du principe de réalité : lorsqu’un MNA supposé frappe à la porte d’un département, il faut pouvoir le mettre à l’abri. Mes amendements suivants ne proposent que des solutions de repli, très imparfaites : aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande d’examiner avec attention cet amendement AS211, qui permettrait de répondre à 95 % des situations.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de réserver dès maintenant ces hôtels à l’établissement de la minorité des MNA. Je préfère m’en tenir à l’équilibre actuel de l’article 3, qui pourra être modifié par l’un de vos amendements visant à instaurer une durée maximale de recours aux structures d’hébergement hôtelier ainsi que par mon amendement prévoyant un niveau minimal d’encadrement.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je suis moi aussi un peu gêné par l’idée de traiter différemment les MNA et les autres. Nous devons, au contraire, préserver l’unicité de la protection de l’enfance. Par ailleurs, Mme Wonner a évoqué tout à l’heure des situations où le placement en hôtel était tout à fait justifié. Ce n’est pas tant le contenant qui compte que le contenu, à savoir l’accompagnement mis en place. Je donne donc un avis défavorable à l’amendement AS211, mais je soutiendrai un peu plus tard votre amendement AS210 visant à fixer un délai maximal de deux mois pour l’hébergement d’un mineur à l’hôtel.

Mme Perrine Goulet. Je ne crée pas deux catégories de mineurs. Mon amendement vise à réserver l’hébergement en hôtel à la période pendant laquelle on essaie de déterminer si le mineur accueilli est réellement mineur ou s’il est majeur. Nous répondons ainsi au problème des départements confrontés à l’arrivée d’un grand nombre de jeunes qui se présentent comme mineurs et qu’il convient de mettre à l’abri avant d’évaluer leur âge réel. À partir du moment où un jeune aura été reconnu comme mineur, il devra être pris en charge comme n’importe quel mineur né sur le territoire français, et le département aura l’obligation de le sortir de l’hôtel. C’est, au contraire, la situation actuelle qui est discriminatoire : trop souvent, les MNA reconnus comme mineurs sont placés à l’hôtel tandis que les mineurs nés en France sont placés dans des foyers, avec des prix de journée différents. Voilà ce que je veux combattre. En interdisant le placement à l’hôtel, afin de concrétiser dans la loi l’annonce faite par le Gouvernement en début d’année, tout en laissant aux départements la possibilité d’y héberger des mineurs uniquement pendant la période d’évaluation de leur âge réel, en cas d’arrivée massive de MNA, pour tenir compte du principe de réalité, nous pensons atteindre un équilibre.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS74 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Cet amendement vise à supprimer les trois exceptions prévues au début de l’alinéa 3 ainsi que la dérogation accordée aux départements lorsqu’il s’agit de répondre à des situations d’urgence. Comme nous l’avons déjà dit, les 7 500 à 10 000 enfants placés à l’hôtel l’ont tous été pour répondre à des situations d’urgence. Aussi, l’article 3 ne change rien : il ne sert qu’à afficher une ambition qui sera rendue inatteignable. Il risque même d’aggraver la situation car, aujourd’hui, les placements à l’hôtel ne se font pas dans un cadre défini par la loi ; ils donnent donc lieu à des recours, et j’espère qu’au cours des prochaines semaines, une jurisprudence viendra interdire les placements à l’hôtel, y compris dans une situation d’urgence. Or adopter ce texte en l’état reviendrait à donner un encadrement légal à la pratique actuelle.

J’aimerais également revenir sur la question des délais. On ne peut pas refuser de différencier les droits des MNA et ceux d’autres enfants et, en même temps, expliquer qu’une limitation à deux mois des placements à l’hôtel permettrait de laisser à notre administration le temps de caractériser la minorité ou la majorité d’un jeune. Je ne peux pas accepter que les MNA, qui représentent 90 % des enfants placés à l’hôtel, restent dans ce type d’hébergement le temps que l’on détermine s’ils sont mineurs ou majeurs. Aucun enfant ne doit être placé à l’hôtel : il faut mettre un coup d’arrêt formel à cette pratique. Par ailleurs, la présomption de minorité doit s’appliquer dans tous les cas, comme le préconise l’Organisation des Nations Unies.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Chiche, vous mélangez des choses différentes. Vous prétendez que l’article 3 permettrait de donner aux placements à l’hôtel une base légale qui contreviendrait à une jurisprudence que vous appelez de vos vœux. Or, aujourd’hui, les départements qui placent directement des jeunes sans passer par des associations gestionnaires ne sont pas soumis aux règles d’habilitation qui s’appliquent à ces mêmes associations. Cette base légale existe donc déjà : c’est la raison pour laquelle nous voulons poser un principe général d’interdiction tout en prévoyant des dérogations encadrées. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement, mais j’ai déjà dit que j’en accepterai d’autres visant à remettre au niveau de la loi, comme vous le souhaitez, les règles encadrant ces exceptions.

M. Ugo Bernalicis. Je m’inquiète d’entendre dire que 95 % des jeunes placés à l’hôtel ne posent pas de problème puisqu’il s’agit de MNA qui ne sont, à vrai dire, pas vraiment des mineurs – en attendant de savoir s’ils sont mineurs ou majeurs, on fera comme s’ils étaient majeurs, et il n’y a donc aucune difficulté à les maintenir à l’hôtel. Cette conception me paraît très étrange : quel que soit le statut de ces jeunes, ils sont mineurs, ce sont des enfants, et ils n’ont rien à faire à l’hôtel. Ce n’est pas plus compliqué que cela !

Pour faire face à des situations d’urgence dans lesquelles il est nécessaire de placer des mineurs non accompagnés, il suffit de construire des hébergements d’urgence adaptés à l’accueil de ces enfants. Arrêtez de vous reposer sur le système hôtelier et d’espérer que ces établissements ne seront pas trop moches ou que quelqu’un pourra aller voir si tout va bien... Dans ce cas, autant nationaliser ces hôtels, cela ira plus vite ! Si c’est ce que vous proposez, je suis d’accord : en cinq minutes, nous pourrions créer un établissement public qui gérerait ces hôtels transformés en structures d’accueil de l’enfance, avec des éducateurs spécialisés ayant le statut de fonctionnaires.

Si l’article 388 du code civil relatif à l’examen de minorité n’instaure pas une présomption de minorité, il prévoit néanmoins qu’après la réalisation de certains examens, le doute profite à l’intéressé. Il doit en être de même lorsque des MNA se présentent aux services de l’ASE : quand il est impossible de déterminer s’ils sont mineurs ou majeurs, le doute doit profiter aux intéressés. Je n’accepte pas d’entendre que l’hébergement à l’hôtel pose un problème dans 5 % des cas, tandis que dans les 95 % de cas restants, qui concernent des MNA, le placement à l’hôtel peut se justifier par une situation d’urgence.

M. le secrétaire d’État. Vos propos sont inacceptables, monsieur Bernalicis. Vous me faites dire ce que je n’ai jamais dit. Il y a un principe de réalité. Aujourd’hui, 7 500 à 10 000 enfants confiés à l’ASE sont hébergés dans des hôtels.

M. Ugo Bernalicis. Nationalisez-les !

M. le secrétaire d’État. Pourquoi cette logique purement institutionnelle ? La protection des enfants ne consiste pas seulement à élever des murs. Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit, nous aidons financièrement les départements pour qu’ils construisent des centres d’hébergement ou créent des dispositifs d’accueil dédiés à ces jeunes, qu’ils soient ou non des mineurs non accompagnés. Je n’ai pas dit que le problème ne se posait que pour 5 % d’entre eux.

Lors de l’examen de l’article 15 relatif au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité, nous reviendrons sur les propos que vous avez tenus à ce sujet. Quand la minorité d’un jeune est manifeste, ce n’est pas le doute qui profite à l’intéressé : ce dernier est tout simplement considéré comme mineur et rentre à ce titre dans le système de la protection de l’enfance.

Aujourd’hui, les 7 500 à 10 000 enfants dont nous parlons restent à l’hôtel pendant six mois à un an, dans la plupart des cas sans aucun accompagnement : c’est à cette situation que nous entendons mettre fin.

M. Guillaume Chiche. Lorsque les départements organisent le placement d’enfants à l’hôtel, ils prennent des actes administratifs susceptibles de recours, y compris devant les juridictions. C’est ce qui arrive aujourd’hui, et c’est la raison pour laquelle j’appelle de mes vœux une jurisprudence qui remettrait en cause ces actes administratifs. Si nous adoptons l’article 3 en l’état, les départements pourront expliquer qu’ils ont placé des mineurs dans des hôtels pour faire face à une situation d’urgence : les juridictions n’auront alors plus aucune marge d’interprétation, puisqu’elles devront statuer sur une pratique parfaitement encadrée par la loi. C’est pourquoi j’affirme que la rédaction actuelle de l’article 3 viendrait aggraver la situation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS75 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Cet amendement s’inscrit dans l’échange engagé entre M. Bernalicis et M. le secrétaire d’État au sujet de la création d’une catégorie de mineurs d’exception composée de MNA.

Vous avez expliqué, monsieur le secrétaire d’État, qu’il était nécessaire d’instituer une durée maximale d’hébergement à l’hôtel de deux mois, parce que c’était le temps nécessaire, en moyenne, pour déterminer si un jeune était mineur ou majeur. Pour ma part, j’entends très simplement que nous allons permettre le placement d’enfants présumés dans des hôtels. C’est tout à fait limpide. C’est en tout cas ce que vous nous avez expliqué il y a une vingtaine de minutes – mais vous avez tout loisir de revenir sur vos propos.

Dans cet amendement AS75, qui est un amendement de repli, je propose que les placements d’enfants dans des chambres d’hôtel, en situation d’urgence exclusivement, soient limités à vingt-quatre heures. Je veux bien entendre qu’au beau milieu du jour ou de la nuit, il faille placer un mineur sous la protection de la République et qu’il soit nécessaire de l’héberger temporairement à l’hôtel. Certes, ce ne serait pas à notre honneur de le placer à l’hôtel en première intention, ne serait-ce que pour une durée de vingt-quatre heures. Mais nous devons surtout nous donner les moyens de lui proposer, au bout de ces vingt-quatre heures, une solution différente.

J’entends, monsieur le secrétaire d’État, votre discours volontariste : vous souhaitez notamment trouver de bons hôtels – même si je n’en connais pas vraiment pas les critères et si je ne suis pas persuadé qu’ils existent – et garantir la présence de gardiens ou de veilleurs de nuit. Le problème, c’est que je ne vois pas ces mesures dans votre texte. Je n’y vois pas non plus les nouveaux moyens alloués aux départements pour créer des places d’hébergement, ni les dispositifs visant à sanctionner les départements qui ne participeraient pas, par exemple, à un plan de construction de places d’accueil pour enfants, sur le modèle des mesures prévues à l’article 15 pénalisant les collectivités qui ne transmettraient pas au préfet des informations personnelles relatives aux MNA.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La suppression des mots « Hors période de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs » risque de limiter l’accès des enfants aux centres de loisirs et aux colonies de vacances. Par ailleurs, l’application d’un délai de vingt‑quatre heures aux situations d’urgence ou de mise à l’abri ne me semble pas opérationnelle.

Vous avez dit que l’article 3, tel qu’il est rédigé, aura pour effet d’aggraver la situation. Je vous rappelle que le recours aux hôtels, à l’heure actuelle, ne s’inscrit dans aucun cadre. Dans mon département, certains enfants y passent parfois plus d’un an. Dire que l’article 3 aura pour effet d’aggraver la situation n’est pas acceptable.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Je suis heureux, et un peu surpris, d’apprendre que les 7 500 à 10 000 enfants placés à l’hôtel sont en vacances ! Entendre de tels propos dans la bouche du secrétaire d’État et de la rapporteure est risible. Soyons sérieux et gardons raison : de grâce, ne donnons pas à penser que les enfants placés à l’hôtel sont en vacances !

M. le secrétaire d’État. Personne n’a rien dit de tel !

M. Guillaume Chiche. Madame la rapporteure, vous objectez à mon amendement que son adoption les empêchera de bénéficier d’un accueil en centre de loisirs ou en colonie de vacances. Il ne s’agit absolument pas du sujet dont nous parlons.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS72 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. L’amendement vise à prolonger la prise en charge des personnes mineures ou âgées de moins de 25 ans, et à réduire le nombre d’exceptions introduites par le présent projet de loi en matière de placement à l’hôtel.

Suivant l’avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS73 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. L’amendement vise à supprimer les exceptions à l’interdiction de placement des mineurs à l’hôtel. Dès lors que l’on affirme et affiche clairement un objectif, il faut aller au bout de la logique et l’inscrire dans notre loi.

Depuis de nombreuses années, nous sommes alertés, dans nos territoires respectifs, par des associations représentées à l’échelle nationale, par des personnalités, par des citoyennes et des citoyens, singulièrement celles et ceux qui viennent en aide aux MNA, sur l’état catastrophique dans lequel sont accueillis nos jeunes, et sur les conséquences induites par la mauvaise qualité de leur alimentation. J’ai observé, dans mon département et dans les départements limitrophes, la façon dont on les nourrit lorsqu’ils sont placés à l’hôtel. On leur donne des tickets‑repas, en général d’une valeur de 5, 6 ou 7 euros, valables dans le cadre d’un conventionnement avec un établissement de restauration rapide, qui le plus souvent vend des kebabs – je n’ai rien contre, j’adore en manger. On demande aux jeunes de s’y nourrir midi et soir.

Ils vivent à l’hôtel, kebab à midi, kebab le soir, et on se dit qu’ils sont placés sous la protection de la République ! Je trouve cela absolument indigne ! Même dans une situation d’urgence, même pour deux mois, je trouve cela profondément inhumain et inacceptable ! Personne ici n’oserait infliger cela à ses propres enfants ! Je considère qu’il faut supprimer les exceptions introduites par le texte en matière de placement à l’hôtel, et suivre l’orientation et l’affichage proposés en interdisant purement et simplement cette pratique.

Suivant l’avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS263 de Mme Elsa Faucillon.

M. Pierre Dharréville. Je confirme que nous sommes favorables à l’interdiction du placement à l’hôtel, pour de vrai et complètement. Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 4.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes en désaccord à ce sujet. Je maintiens que le présent texte donnera une base légale au placement à l’hôtel, qui est une pratique massivement répandue. Entre 7 500 et 10 000 enfants sont dans cette situation, ce qui est profondément inacceptable. C’est une question de volonté politique, y compris – pour que nous nous comprenions bien – à l’échelon local. Il faut prendre des décisions fermes à ce sujet. Nous ne pouvons pas nous en tenir aux dispositions du texte. Il faut aller au bout de la décision dont elles procèdent.

S’agissant de la situation des MNA, des choses inacceptables, au premier rang desquelles les démarches de vérification de minorité entreprises pour éviter de leur offrir une protection, se produisent dans certains départements. On ne peut pas laisser faire.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Monsieur Dharréville, il est évident qu’il s’agit d’une question de volonté politique et que nous devons envoyer des signaux forts. Je vous assure que le présent texte en est un, et que les départements le prennent comme tel. Certaines associations, que nul ne peut suspecter de vouloir encourager le placement à l’hôtel, appellent néanmoins l’attention sur la nécessité de le conserver dans la palette des solutions, comme le rappelait Mme Wonner.

Dans le département des Hauts‑de‑Seine, que je connais bien – nous pourrions aussi prendre pour exemple celui des Bouches‑du‑Rhône, où vous êtes élu –, six cents enfants sont placés à l’hôtel, sur les 7 500 que compte notre pays – madame Santiago, le texte ne concerne pas que le département des Hauts‑de‑Seine. Sans vouloir prendre la défense du conseil départemental, où siège votre collègue Elsa Faucillon, je rappelle qu’il a ouvert plusieurs centaines de places d’hébergement, avec le concours des Apprentis d’Auteuil, depuis la publication, par l’IGAS, du rapport sur le contrôle de l’ASE du département. Mmes Pételle et Provendier, élues du département, peuvent en parler.

Le Gouvernement fait aussi preuve de volonté politique, et même de volontarisme, en accompagnant les départements pour qu’ils agissent plus vite et plus tôt. Dès le mois de septembre, une équipe d’ingénierie, dotée de moyens, accompagnera les départements volontaires pour sortir plus vite de la situation dans laquelle ils se trouvent. Nous devons rester vigilants sur ce point, mais le signal est clair. Lorsque cinq cents ou six cents jeunes arrivent dans un département, cela pose des problèmes très concrets. Il faut faire montre de pragmatisme, en encadrant strictement leur hébergement, et ce dès l’examen du présent texte de loi, par le biais des amendements que vous proposerez, mesdames et messieurs les députés.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendement AS124 de M. François Ruffin, des amendements identiques AS57 de M. Guillaume Chiche et AS125 de M. Ugo Bernalicis, ainsi que des amendements AS123 de Mme Danièle Obono et AS227 de Mme Delphine Bagarry.

M. Ugo Bernalicis. M. le secrétaire d’État disait tout à l’heure qu’il ne s’agit pas uniquement de murs, et qu’il faut aussi des personnels dedans. C’est précisément la raison pour laquelle nous sommes contre le placement à l’hôtel ! Il n’est pas question uniquement de murs, de gardiens de nuit et de concierges à l’entrée. Il faut des structures. Cela commence certes par des murs, car on ne laisse pas les gens dehors, et surtout pas les enfants, mais il faut aussi engager des professionnels.

Nous devons être en mesure d’accueillir des jeunes en urgence dans des structures publiques dotées de professionnels. Si cela vous semble impossible en 2021, en France, sixième puissance économique mondiale, il faut laisser la place à d’autres, monsieur le secrétaire d’État ! J’ignore si j’en serai chargé le moment venu, nous aurons fort à faire dans divers domaines, et il faut partager le travail ! Plus sérieusement, il n’est pas possible de continuer à placer des enfants à l’hôtel, même pour deux mois.

D’ailleurs, on nous a servi le même argumentaire à propos du placement des enfants en centre de rétention administrative : au lieu de l’interdire, on l’a limité à huit jours, soit le délai nécessaire pour les expulser avec leurs familles ! Eh bien, il y a des gens, à l’Assemblée nationale, pour lesquels certains principes, intangibles, doivent être déclinés concrètement dans la loi, et avec lesquels on ne fait pas de compromis par des « sauf si », des « au cas où » et des « on ne sait jamais ». L’objet de l’amendement AS124 est clair : aucun hébergement d’enfants dans le système hôtelier.

Mme Monique Limon. Il n’y a pas de baguette magique !

M. Guillaume Chiche. Mon amendement a également été travaillé avec l’association Repairs!. Il vise à interdire strictement le placement d’enfants à l’hôtel. Par ailleurs, étant donné que le texte, dans sa version actuelle, prévoit des exceptions, il vise à ramener la durée de la transition de douze à six mois.

M. Ugo Bernalicis. Les amendements AS125 et AS123 sont des amendements de repli, qui ne prévoient – contrairement à l’amendement AS124 – aucune sanction pour les conseils départementaux ne respectant pas les exigences fixées par la loi. Nous offrons une palette de solutions pour faire en sorte qu’aucun enfant ne soit placé dans un hôtel.

M. Guillaume Chiche. L’amendement AS227 vise à réécrire l’alinéa 4 comme suit : « Cette prise en charge est interdite dans d’autres structures d’hébergement. »

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

L’article 3 permet de mettre un terme à l’hébergement de milliers de mineurs et de jeunes dans des hôtels ou des structures inadaptées, dans des conditions incompatibles avec un accompagnement de qualité.

Nous sommes tous opposés à l’hébergement de mineurs dans des hôtels. Nous avons prévu une dérogation pour les mises à l’abri, qui ont notamment cours dans les départements où arrivent un grand nombre de MNA, dont la répartition entre les départements est inégale. Cette exception sera encadrée par un décret, dont le Gouvernement nous a informés qu’il comporterait, conformément au rapport de l’IGAS précité, des dispositions précises en matière de conditions qualitatives de recours à ces structures, relatives notamment aux publics susceptibles d’être accueillis à l’hôtel, à l’existence d’un accompagnement socio-éducatif, aux critères de sélection des hôtels et à la formalisation des relations entre les conseils départementaux et les établissements.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Monsieur Bernalicis, savez-vous combien de jeunes se déclarant mineurs sont arrivés en France en 2018, année présentant le nombre d’arrivées le plus élevé ? Entre 40 000 et 50 000. Seuls 18 000 d’entre eux ont finalement été reconnus mineurs, mais là n’est pas le sujet. Il faudrait donc, si l’on vous suit, créer 50 000 places d’accueil, qui resteraient la plupart du temps inoccupées. Voilà, concrètement, ce dont nous parlons !

Par ailleurs, inutile d’attendre de prendre ma place pour trouver des solutions puisque, au conseil départemental de la SeineSaintDenis, votre formation politique fait partie de la majorité – tel était du moins le cas jusqu’à dimanche dernier, et nous verrons ce qu’il en sera à partir de demain. Je salue à nouveau Stéphane Troussel, qui est volontaire pour sortir le département de la situation dans laquelle il se trouve. Ainsi, votre parti a les moyens d’agir à l’échelle locale.

M. Ugo Bernalicis. Voilà pourquoi François Ruffin a ouvert en préambule le débat sur la recentralisation et la renationalisation de cette politique. Les départements, même gérés par la gauche, fût-ce avec le soutien de nos amis, ont un problème : ils n’ont pas d’argent pour construire des places d’accueil.

Mme Monique Limon. Je croyais qu’il fallait faire preuve de volonté politique !

M. Ugo Bernalicis. Évidemment !

Ces décisions doivent être prises par le pouvoir central, à l’échelle nationale. L’État doit avoir la volonté politique de consentir des investissements dans ce domaine.

Monsieur le secrétaire d’État, si 50 000 enfants arrivent dans notre pays, il faut trouver une solution concrète, avec des moyens techniques et opérationnels. À défaut, que se passe-t-il ? Au nom du pragmatisme, dont vous nous rebattez les oreilles depuis ce matin, ainsi que la majorité depuis quatre ans, on introduit des exceptions dans la loi. Au demeurant, la procédure législative accélérée, censée être extraordinaire, est devenue habituelle. Je pourrais citer des dizaines d’exemples démontrant que l’exception est devenue la règle. Eh bien, parfois, il faut savoir dire non ! Même sous le régime de l’exception, nous refusons le placement à l’hôtel.

Si encore vous nous aviez annoncé que vous étiez prêt à interdire cette pratique, et d’accord pour mettre de l’argent sur la table pour construire les murs et trouver les professionnels, mais qu’il faudrait attendre un an ou un an et demi pour que notre pays ne compte aucun enfant placé à l’hôtel, nous aurions mégoté sur les délais, considérant qu’ils étaient trop longs, mais, à la fin, nous aurions vu le bout de cette histoire. En l’occurrence, tel n’est pas le cas.

Lisez donc le rapport que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat vient de publier : les mouvements migratoires provoqués par le changement climatique sont devant nous. Si nous ne sommes pas prêts à accueillir des enfants, nous courons à la catastrophe.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS378 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Nous sommes tous d’accord : la place d’un enfant seul n’est pas à l’hôtel. Pourtant, on en dénombre 7 500, peut-être 10 000, qui y sont placés, pour des durées indéterminées. Dans le département des Hauts‑de‑Seine, on en compte six cents. Certains s’y trouvent depuis plus de quatre ans. Pourtant, l’excédent budgétaire du département s’élève à 1,5 milliard d’euros pour les trois dernières années. Par souci de concision, je ne reviendrai pas sur les recommandations du rapport Goulet ni sur celles du rapport de l’IGAS précité, et défendrai simultanément les amendements AS378, AS453 et AS454, qui tous visent à encadrer l’exceptionnalité du placement de jeunes à l’hôtel.

L’amendement AS378 vise à l’interdire pour les jeunes âgés de moins de 16 ans, même pour faire face à une situation d’urgence ou assurer la mise à l’abri d’un mineur. Ainsi, aucun enfant âgé de moins de 16 ans ne sera placé à l’hôtel. L’amendement AS453 vise à limiter à un mois, au lieu de deux, la durée du placement d’un mineur à l’hôtel. L’amendement AS454 vise à assurer le respect des taux d’encadrement prévus en famille d’accueil et en foyer en cas de placement à l’hôtel. Mais nous reviendrons ultérieurement sur ces deux derniers amendements.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis favorable sur le principe à l’interdiction du placement à hôtel des mineurs de moins de 16 ans. Mais celle-ci sera difficile à mettre en œuvre car nous allons limiter ce placement à deux ans, pour des situations d’exception et de mise à l’abri et qu’il s’agit souvent de MNA, dont l’âge n’aura pas encore été évalué.

Avis défavorable à l’amendement AS378.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable également.

Mme Florence Provendier. Il me semble que nous sommes pourtant tous d’accord. J’entends bien que le cas des MNA pose problème. Toutefois, nous pouvons partir du principe qu’il est possible d’évaluer l’âge d’un enfant. Il s’agit de mise à l’abri. L’âge de 16 ans est en outre utilisé dans plusieurs dispositions de notre droit.

Mme Perrine Goulet. Placer des enfants de 13, 14 ou 15 ans à l’hôtel est impensable. Le groupe Dem votera l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS343 de Mme Caroline Janvier et AS210 et AS416 de Mme Perrine Goulet.

Mme Caroline Janvier. Mon amendement vise à limiter dans le temps la dérogation prévue à l’interdiction de placement des mineurs dans les hôtels. Censée s’appliquer aux situations d’urgence, elle ne doit pas servir d’échappatoire pour contourner les dispositions de l’article 3. L’amendement prévoit une période de transition de trois ans pour permettre aux départements de réfléchir à des solutions alternatives et leur donner le temps de les mettre en œuvre.

Mme Perrine Goulet. Mes amendements sont des amendements d’extrême repli. À défaut d’approuver les dispositions de l’article, dont toute évolution semble exclue, je souhaite les encadrer un tant soit peu.

L’amendement AS210 vise à limiter à deux mois l’hébergement des jeunes dans une structure non autorisée ; l’amendement AS416 vise à le limiter à un mois. J’ai rencontré des jeunes qui vivent à l’hôtel depuis deux ans : c’est inconcevable. L’interdiction de telles pratiques est indispensable.

La question de la possibilité de la rendre opposable aux départements demeure. Il serait intéressant de réfléchir, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à des pénalités ou à des amendes pour les départements ne respectant pas cette interdiction, dont le produit pourrait être utilisé au profit des enfants concernés. Dès lors que l’on préfère la dérogation à l’interdiction, il faut prévoir des dispositions contraignantes, afin que l’esprit de la loi devienne bel et bien une réalité.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Madame Janvier, je partage l’objectif d’éviter l’institutionnalisation d’un régime dérogatoire. Toutefois, les dispositions que vous proposez me semblent difficiles à mettre en œuvre, compte tenu des arrivées aussi massives qu’irrégulières, donc imprévisibles, de mineurs. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement AS343, ainsi qu’à l’amendement AS416. En revanche, j’émets un avis favorable à l’amendement AS210.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable aux amendements AS343 et AS416, mais favorable à la limitation à deux mois proposée dans l’amendement AS210.

Madame Goulet, vous semblez minorer l’importance de cet amendement. Il est pourtant important, et je vous en remercie. Puisque votre groupe n’a pas déposé d’amendement de suppression de l’article 3, je déduis qu’il y est favorable, sous réserve de l’encadrement que vous proposez par cet amendement.

Mme Agnès Thill. Il est question des arrivées massives. Dans les cas d’urgence, nous devons savoir comment faire face à l’arrivée de six cents personnes. Le problème est là, et c’était l’objet de ma proposition de loi. Allons-nous accueillir des personnes sans avoir les moyens de le faire ? Si nous considérons que tous sont mineurs, même s’ils portent la barbe ou ont des cheveux blancs, ils doivent bénéficier de la protection due aux mineurs. Peu importe leur situation, il ne faut en aucun cas les laisser seuls à l’hôtel, sans accompagnement, alors qu’ils arrivent déjà dans des conditions difficiles, dans un pays étranger dont ils ne parlent pas la langue. C’est aux conditions de l’accueil que nous devons réfléchir : devons‑nous accueillir quand nous n’avons pas les moyens pour le faire ?

M. Paul Christophe. Nous soutenons l’amendement qui porte le délai à deux mois, puisque nous avons déposé le même à une virgule près. Si nous fixons un délai de deux mois et qu’un département était défaillant, il pourrait être condamné à une astreinte journalière, il n’est pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique.

Mme Perrine Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne minore pas l’importance de cet amendement, mais je suis déçue de ne pas avoir pu obtenir mieux, ce délai de deux mois représentant le maximum acceptable.

Bien entendu, notre groupe n’a pas déposé d’amendement visant à supprimer l’article 3, car sa suppression nous ramènerait à la situation actuelle, plus défavorable encore. Nous soutiendrons donc cette avancée, même si nous estimons qu’elle est insuffisante.

La commission rejette l’amendement AS343, puis adopte l’amendement AS210.

En conséquence, l’amendement AS416 tombe, de même que les amendements AS2 de M. Jean-François Eliaou, AS344 de M. Paul Christophe, AS180 de M. Jean-Michel Clément et AS298 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

La commission examine l’amendement AS453 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. J’estime qu’un délai de deux mois est trop long : je propose donc de le réduire à un mois.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Qui va contrôler que ces délais ne seront pas dépassés ? Nous avons prévu des instances de contrôle des foyers de l’aide sociale à l’enfance distinctes de l’autorité qui les finance. Le rapport de Mme Goulet et de M. Ramadier fait apparaître une confusion entre financement et contrôle, et l’absence des services de l’État chargés du contrôle.

Si nous refusons de recentraliser, alors qu’il y a autant de politiques de l’enfance que de départements, il faut au moins qu’une instance de contrôle nationale puisse imposer une homogénéisation des politiques sociales de l’enfance.

Mme Valérie Six. Les préfets ont la liste des enfants placés à l’hôtel, il est très facile de leur demander de vérifier.

M. François Ruffin. Cette réponse ne me satisfait pas. J’imagine mal, en effet, le préfet se rendre dans les hôtels ou envoyer son directeur de cabinet faire la tournée des foyers de l’enfance. Soit des services en préfecture reçoivent la mission d’effectuer ces contrôles, soit ils ne seront pas réalisés. Tel est le cas aujourd’hui.

M. le secrétaire d’État. Il s’agit avant tout de la responsabilité de la préfecture. Nous aurons l’occasion de revenir sur le contrôle aux articles 5 et 6, avec toutes les procédures prévues pour renforcer la sécurité des enfants. Il est prévu de désigner un référent pour la protection de l’enfance au sein des préfectures, mais ce n’est pas une mesure d’ordre législatif.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements AS1 et AS3 de M. Jean-François Eliaou.

Mme Delphine Bagarry. L’amendement AS1 vise à exclure, sans dérogation possible, l’hébergement de mineurs protégés dans des hôtels. L’amendement AS3 exclut l’hébergement dans les résidences hôtelières à vocation sociale, qui ne sont pas adaptées aux besoins des mineurs.

Suivant l’avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS345 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Nous proposons de renforcer l’accompagnement des jeunes accueillis dans ces structures. Un récent rapport de l’IGAS indique que 16 % des jeunes placés à l’hôtel ne bénéficient d’aucune forme de suivi éducatif, avec d’importantes disparités entre départements. L’absence d’accompagnement éducatif compromet pourtant fortement le parcours et les perspectives d’insertion des jeunes concernés.

Le recours dérogatoire à l’hébergement hôtelier doit impérativement s’accompagner d’un encadrement socio-éducatif. C’est pourquoi nous souhaitons garantir l’accompagnement des mineurs placés à l’hôtel en imposant la désignation d’un éducateur référent, chargé de leur suivi éducatif et de la mise en œuvre du projet pour l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je propose le retrait de cet amendement au profit d’un autre, que je vous présenterai, qui porte aussi sur l’encadrement des mineurs placés à l’hôtel.

M. le secrétaire d’État. Nous partageons totalement votre démarche. Mme Thill parlait des enfants isolés : il est hors de question de laisser perdurer de telles situations, que ce soit dans des hôtels ou dans d’autres dispositifs qui prévoient une semi‑autonomie que certains départements mettent en place, comme la Moselle ou le Nord. Il faut toujours prévoir un accompagnement éducatif, quelles que soient les modalités d’hébergement.

Nous sommes d’accord pour inscrire l’impératif d’encadrement renforcé dans la loi. Je demande toutefois le retrait de cet amendement au profit de celui de la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS454 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Il a le même objet que l’amendement précédent. Puisque la rapporteure nous dit proposer une meilleure rédaction, je lui fais confiance et retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS228 de Mme Delphine Bagarry et AS430 de M. Didier Martin.

Mme Delphine Bagarry. Nous proposons de contraindre les départements à mettre en œuvre sans délai les mesures de protection pour les mineurs pris en charge hors des établissements et services sociaux et médico-sociaux, afin de nous assurer que des enfants ne seront pas laissés seuls et sans protection dans des hôtels.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’article 3 ne prévoit le recours à ces structures que dans deux hypothèses exceptionnelles : les situations d’urgence et la mise à l’abri. Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. Didier Martin. Le rapport de l’IGAS fait état de l’exposition à des risques et des dangers pour les mineurs protégés placés à titre dérogatoire et temporairement dans les hôtels. Le groupe La République en Marche propose donc d’imposer un accompagnement adapté à la situation du mineur.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Cet amendement complète celui que j’ai déposé ; avis favorable.

M. le secrétaire d’État. L’IGAS mentionne en effet une perte de chances résultant du défaut d’accompagnement. Je préconise le retrait de cet amendement au profit de celui de la rapporteure.

M. Didier Martin. Pourtant la rapporteure estime qu’il complète utilement le sien...

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je vous prie de m’excuser, il s’agit d’une erreur de ma part. Je vous invite aussi à retirer cet amendement.

L’amendement AS430 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS228.

Puis elle examine l’amendement AS303 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il s’agit de réserver la prise en charge dans des structures non autorisées aux mineurs de plus de 16 ans, ou se déclarant comme tels, ainsi que le proposait précédemment Mme Provendier.

Le rapport de l’IGAS, que je n’ai eu malheureusement le temps que de survoler, ne me semble pas contenir d’éléments sur l’âge des enfants hébergés dans des hôtels. Pourrions‑nous disposer d’informations complémentaires en la matière ? Certes, les situations peuvent être complexes, mais il est évident qu’en dessous d’un certain âge, un tel hébergement est inacceptable. L’âge de 16 ans n’est peut-être pas en adéquation avec la réalité de ces situations. Je souhaite en tout cas que nous fixions un âge minimal.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis complètement d’accord avec vos propos, mais cette mesure d’exception concernera en majorité des enfants en cours d’évaluation. Il ne sera donc pas possible de mettre en œuvre une interdiction fondée sur l’âge.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Nous allons vérifier si le rapport de l’IGAS contient des données sur l’âge. Un certain nombre d’enfants présents dans les hôtels ont déjà été évalués et sont considérés comme mineurs. Mais la plupart d’entre eux sont encore en cours d’évaluation, phase que nous souhaitons limiter. Si je vous rejoins sur le principe, la fixation d’un seuil d’âge ne sera pas opérante.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’entends qu’une limite d’âge à 16 ans ne sera pas applicable. Mais je souhaite qu’en fonction des éléments complémentaires dont nous disposerons, nous puissions fixer un âge en dessous duquel la minorité de l’enfant ne fera aucun doute et qui interdira, de ce fait, leur hébergement dans des hôtels.

Je retire cet amendement dans l’attente d’informations complémentaires d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques AS81 de M. Thibault Bazin, AS165 de Mme Nicole Sanquer et AS244 de M. Bernard Perrut.

M. Thibault Bazin. Ce projet de loi a l’ambition de parvenir à définir les conditions strictes du recours aux solutions hôtelières. Pourquoi renvoyer ces conditions à un décret ? Ce choix ne nous semble pas pertinent. Nous proposons donc de supprimer le renvoi au décret pour que le législateur définisse les conditions d’application des exceptions au principe posé par cet article.

Mme Valérie Six. Notre amendement AS165 répond en outre à une forte demande de l’Assemblée des départements de France (ADF).

M. Bernard Perrut. L’ADF a en effet beaucoup travaillé sur le sujet et souhaiterait davantage de clarté. Le projet de loi a la grande ambition de parvenir à définir des conditions d’utilisation strictes de l’exception qu’il faut bien maintenir. Pourquoi les parlementaires ne pourraient-ils définir les règles ? Si le critère opérant est à ce point évident pour vous, pourquoi ne pas l’écrire dans la loi ? Nous pourrions nous retrouver autour d’un texte précis et clair.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

L’alinéa 4 prévoit le décret qui définira plus précisément les conditions dans lesquelles il sera possible de recourir à ces structures, au-delà de la notion d’urgence, et fixera les conditions qualitatives de recours à ces structures : existence d’un accompagnement socio‑éducatif, public susceptible d’être accueilli, critères de sélection des hôtels.

M. le secrétaire d’État. Ces amendements sont sur le point d’être satisfaits. En effet, un premier amendement portant sur le délai a été adopté, et un second le sera peut-être s’agissant de l’accompagnement éducatif. Comme le souhaite l’ADF, ces dispositions seront donc inscrites dans la loi. Elles y figuraient initialement, mais le Conseil d’État a estimé qu’elles étaient de nature réglementaire. C’est pourquoi elles ont été supprimées du texte présenté en Conseil des ministres. Mais pour la clarté des débats parlementaires, le Gouvernement ne s’oppose pas à leur inscription dans la loi.

Gardons-nous cependant la possibilité de recourir au pouvoir réglementaire pour préciser un certain nombre d’aspects que nous n’avons pas envisagés, ou qu’il est difficile de fixer dans la loi. Je parlais de la typologie des hôtels, je ne sais pas si c’est un critère opérant, et je ne sais pas comment le transcrire dans le texte. De même, sur la question des normes et des taux d’encadrement, nous aurons besoin de travailler avec les acteurs de terrain, telle l’ADF. Je m’engage à les associer, eux aussi, et comme je le fais depuis deux ans et demi, à l’élaboration des textes réglementaires venant préciser les dispositions que vous allez adopter. Je demande donc le retrait des amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AS495 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, qui fait l’objet du sousamendement AS501 de Mme Perrine Goulet.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le pouvoir réglementaire devra prévoir un « niveau minimal d’encadrement et de suivi » pour accompagner les mineurs en cas d’hébergement par dérogation à l’hôtel, comme le demandent les associations et les éducateurs.

Mme Perrine Goulet. Je précise tout d’abord que notre amendement AS219, qui allait dans le même sens pour l’ensemble des établissements, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 alors que ce n’est pas le cas lorsque seuls les hôtels sont concernés.

Cela dit, le nombre n’est pas le seul élément essentiel pour encadrer les enfants, il y faut également la qualité. La formation des personnels constitue donc un élément décisif.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les personnels sont des éducateurs et ils sont donc formés – mais je suis allée sur le terrain et je sais combien les situations peuvent être variables. Je formule donc un avis de sagesse sur ce sous-amendement qui, si les départements font bien leur travail, est satisfait.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement. Le sous-amendement, me semble superfétatoire en ce qu’il est couvert par la notion de « niveau minimal d’encadrement », mais je ne suis pas opposé à son adoption.

M. Paul Christophe. La précision apportée par Mme Goulet est importante. J’ai moi-même défendu à l’amendement AS345 un « accompagnement éducatif des mineurs », ce qui implique une qualification, comme c’est le cas pour les encadrants dans les centres de loisir, qui doivent être titulaires des diplômes afférents à leur fonction.

Mme Martine Wonner. Je suis d’accord. La quantité est certes importante mais la qualité l’est tout autant. Tant que la qualité de la formation ne sera pas au rendez-vous, des inquiétudes demeureront.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les personnels doivent être évidemment formés et diplômés, ce que sous-entend la notion de niveau d’encadrement. Cela sera bien sûr précisé par voie réglementaire.

Mme Perrine Goulet. Moi aussi, madame la rapporteure, je me suis rendue sur le terrain où, très souvent, les encadrants ne sont pas des éducateurs diplômés. Vous prétendez que l’état du droit est suffisant mais la précision que je propose me paraît plus sûre.

M. François Ruffin. Croire que les mots suffisent à transformer la réalité relève de la magie, d’autant plus lorsque les politiques diffèrent d’un département à l’autre. Selon le rapport de nos collègues Ramadier et Goulet, « le constat de la forte disparité des moyens accordés à la formation des professionnels de l’ASE par les conseils départementaux qui vont du simple au décuple laisse entrevoir l’immense marge d’amélioration sur ces enjeux ». D’un à dix ! Si l’État ne travaille pas à une homogénéisation et à l’élaboration de standards minimaux, ce fossé se creusera encore !

M. le secrétaire d’État. La formation doit en effet être homogénéisée. Ce sera d’ailleurs l’une des missions qui sera confiée au nouveau groupement d’intérêt public (GIP) prévu à l’article 13.

J’ajoute qu’un plan de formation des travailleurs sociaux a été lancé en décembre 2020, que plus de 30 millions ont été versés aux départements et aux opérateurs de compétences et que l’ingénierie des diplômes des travailleurs sociaux a été revue en 2018 afin d’améliorer la formation initiale et continue, même si de nombreux chantiers demeurent dans le domaine du travail social – nous y reviendrons lorsque nous évoquerons les assistants familiaux.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS379 de Mme Florence Provendier, AS174 de Mme Nicole Sanquer, AS179 de M. JeanMichel Clément et AS34 de M. Alain Ramadier.

Mme Florence Provendier. Il convient de réduire d’un an à six mois la période de mise en application des dispositions visées par cet article. Dans l’intérêt des enfants, elle devrait même être immédiate.

Mme Valérie Six. Cet amendement d’appel AS174 vise à ce que les rapporteurs éclairent le législateur sur le choix ayant présidé à la détermination d’un tel délai.

L’article 3 encadre strictement l’hébergement des personnes mineures et des majeurs de moins de 21 ans dans les hôtels et les structures bénéficiant d’un agrément « Sport » ou « Jeunesse et éducation populaire » mais le Conseil d’État, dans son avis, s’interroge « sur la brièveté du délai prévu par le Gouvernement pour la mise en œuvre de cette disposition et invite le Gouvernement à apporter, au cours des travaux parlementaires, les informations qui permettront d’éclairer le législateur sur le choix du délai à retenir pour que la disposition remplisse l’objectif d’amélioration des conditions de prise en charge des enfants ».

Mme Martine Wonner. Par l’amendement AS179, le groupe Libertés et Territoires propose de repousser le délai d’application à dix-huit mois compte tenu du manque de places et de structures – ce qui n’est guère satisfaisant.

Dans son avis, le Conseil d’État s’interroge sur la brièveté du délai pour l’application de cette disposition, d’autant plus que cela aura pour effet d’augmenter les charges des départements dans la mesure où le coût journalier de l’hébergement hôtelier d’un mineur est largement inférieur à celui d’un hébergement en structure dédiée.

M. Alain Ramadier. Le groupe Les Républicains considère qu’il importe en effet de laisser du temps aux départements, même si des conventions ont été signées et des budgets définis. Nous proposons de porter ce délai à vingt-quatre mois.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le délai de douze mois nous semble équilibré ; avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Ce délai nous semble en effet répondre à cet impératif qu’est de mettre un terme à ce type d’hébergement tout en laissant le temps aux départements de trouver d’autres solutions. Il est équilibré, pragmatique, réaliste.

J’ajoute que nous avons proposé à certains départements de réfléchir aux moyens de les accompagner en ce sens dès le mois de septembre, sans attendre l’application de la loi et de ce délai.

Avis défavorable.

Mme Florence Provendier. Pourquoi pas ce délai d’un an, mais à condition qu’à son terme le dispositif soit effectivement appliqué ! Le délai de six mois que je proposais aurait peut-être permis de faire un état des lieux. Je vous alerte sur le fait que, de toute façon, il ne faudra pas attendre un an pour procéder à des vérifications.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

La commission examine l’amendement AS402 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Lors de la mission que nous avons menée il y a maintenant plus de deux ans, nous nous sommes rendu compte que le suivi de certains enfants pâtissait du défaut de transmission d’informations entre les différents acteurs.

Un petit garçon a ainsi défenestré une petite fille dans une école, ce qu’il avait déjà fait précédemment, mais personne ne connaissait ses antécédents. Souvent, on m’oppose que cela pourrait entraîner une stigmatisation. Je ne suis pas du tout d’accord. Au contraire, si tout le monde connaît les difficultés et les limites de ces enfants, ils pourront être mieux aidés. Une assistante familiale m’a également expliqué qu’un enfant s’était mis à hurler pendant qu’elle le lavait : personne ne lui avait dit qu’il avait été agressé sexuellement.

Je propose donc de préciser la notion de « secret partagé » et de l’étendre aux services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous abordez un sujet très délicat. Un enfant peut en effet être pénalisé du fait d’un défaut d’informations, mais il peut l’être également par un excès puisque c’est aussi de son intimité dont il est question. Nous sommes sur une ligne de crête et sans doute convient-il d’avancer avec beaucoup de prudence.

L’article L. 121‑6‑2 du code de l’action sociale et des familles ayant une portée assez générale, je vous propose de retirer votre amendement et de réfléchir ensemble à des dispositions plus souples.

M. le secrétaire d’État. De surcroît, la définition d’une liste présenterait le risque d’oublier des professionnels.

J’ajoute qu’une récente décision de la Cour de cassation réaffirme et renforce le secret partagé.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler en vue de la séance publique en poursuivant votre objectif, que nous partageons, mais en proposant une rédaction plus souple.

Mme Perrine Goulet. L’article L. 121‑6‑2 dispose que « le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale ». Il n’est donc pas question de tout partager. Nous disons simplement qu’aujourd’hui, le partage est déjà problématique entre l’ASE et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il convient donc d’encadrer cette possibilité du « secret partagé » afin que les conditions les meilleures soient réunies au bénéfice de l’enfant.

Je suis prête à retirer cet amendement en vue de la séance mais il faut mettre un terme à ces blocages. Nous ne ferions pas notre travail si, demain, un autre enfant meurt parce que l’ASE n’a pas communiqué à l’éducation nationale une information et qu’il n’a donc pas été possible d’aménager les conditions de son accueil.

Mme Agnès Thill. Je me réjouis d’une éventuelle nouvelle rédaction, car les enseignants se plaignent régulièrement d’être mis à l’écart. On leur oppose toujours le secret médical ou un autre et l’on se retrouve ensuite avec des situations dramatiques. On peut avoir confiance dans l’institution scolaire !

M. François Ruffin. Il y aura manifestement du boulot d’ici à la séance ! Les collaborateurs du secrétaire d’État n’auront pas de week-end ! Nous terminerons l’examen de ce texte tard dans la nuit et tout devra être bouclé lundi soir ! L’architecture de la protection de l’enfance se dessine à tout le moins dans la précipitation !

Les accompagnants d’enfants en situation de handicap récupèrent les gamins sans savoir de quoi ils souffrent, et il en est de même pour les assistantes familiales. L’une d’entre elle est sortie pour fumer une clope et elle n’a pas compris que le gamin ait pété un câble parce qu’il avait été victime de brûlures de cigarettes ! Des informations doivent donc être partagées.

Mme Monique Limon. La question du secret partagé est débattue depuis longtemps. Il me semble qu’une formation partagée, précisément, serait utile : les principaux intervenants – éducateurs de l’ASE ou de l’action sociale, les puéricultrices dans les PMI, les enseignants, les assistants familiaux... – doivent être mieux formés à ce que contient cette notion de secret partagé. Nombre de travailleurs sociaux, en effet, le mettent en avant pour expliquer leur mutisme tout en diffusant des informations dans des lieux qui ne sont pas adaptés. Ce qui doit être dit doit l’être au bon endroit et aux bonnes personnes, et pas n’importe comment.

Mme Isabelle Santiago. Sur le principe, je suis d’accord avec cet amendement.

Dans le Val‑de‑Marne, nous avons créé des comités locaux d’évaluation grâce auxquels il est possible de tenir informé l’ensemble des acteurs, en secret partagé. Je donne cet exemple parce que le secret partagé est quelque chose de très complexe.

Par ailleurs, dans le cas des placements d’urgence, l’ordonnance de placement ne comporte parfois aucune indication sur ce que l’enfant a vécu. Même au cours de l’évaluation précédant son orientation vers un dispositif de plus long terme, il arrive de ne pas être informé qu’un enfant a été victime par exemple d’agression sexuelle, ce qui ne sera découvert que par la suite, l’ordonnance ne mentionnant que la carence éducative. Nous devons donc y travailler avec la justice.

Mme Véronique Hammerer. Le secret partagé est une évolution du secret professionnel, et la notion de partage représente une révolution culturelle dans le travail social. Dans beaucoup de situations, le partage ne s’applique pas du tout, ce qui empêche d’avancer. François Ruffin a tout à fait raison : lorsqu’une accompagnante d’élève en situation de handicap prend en charge un gamin, elle ne connaît pas son handicap. Comment voulez-vous qu’elle l’accompagne et qu’elle fasse du bon boulot ?

Il en va de même s’agissant de l’accueillant familial, parce que l’on ne reconnaît pas non plus cette profession. Notre pays a du mal avec la notion de transversalité et avec le respect de la pluridisciplinarité. Si, comme l’a dit Monique Limon, il faut effectivement s’y former, il faut surtout révolutionner la manière de travailler dans le social, quelle que soit la fonction. Et cela ne passera par la loi. Tous les professionnels concernés doivent bien comprendre que travailler ensemble est important et qu’il n’existe pas de pré carré dans l’accompagnement : le partage doit y devenir effectif.

Mme Annie Vidal. Cette question de partage du secret a été très largement abordée au sein du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et particulièrement dans le cadre de la commission de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Il est ressorti des discussions que les différents professionnels concernés auraient intérêt à travailler à la définition des modalités permettant de lever le secret et de le partager, de façon à pouvoir interagir au bénéfice de la personne concernée.

Mme Perrine Goulet. Le sujet existe bel et bien mais l’amendement est peut-être mal rédigé. Je compte sur vous pour que nous le travaillions avant l’expiration du délai de dépôt des amendements en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS436 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. La condition des enfants en situation de handicap pris en charge par l’ASE est particulièrement difficile, car elle implique la multiplication significative des dispositifs et acteurs appelés à intervenir auprès d’eux. Dans un rapport de 2015 qui leur est consacré, le Défenseur des droits constate que leur fragilisation extrême, ainsi que celle de leur famille, les expose tout particulièrement à des dénis de leurs droits, que ce soit à la santé, à la scolarité, à une vie en famille ou à la protection contre la violence sous toutes ses formes. Ces enfants particulièrement vulnérables semblent invisibles aux yeux des politiques de protection de l’enfance comme des politiques du handicap, car oubliés des systèmes d’information existants, et donc peu identifiés. Le même rapport indique que 70 000 enfants confiés à l’ASE seraient concernés, avec une sensible surreprésentation par rapport à la population générale.

Signe de cette cécité, l’article L. 221‑1 du code de l’action sociale et des familles, qui détaille les missions du service de l’ASE, reste silencieux sur la question de l’accès aux soins et de la continuité des soins pour les enfants pris en charge par celui-ci.

L’amendement vise à combler cette lacune, en précisant que ce service a également pour mission de veiller à l’accès aux soins et à la continuité des soins des enfants faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, en particulier lorsqu’ils sont en situation de handicap, et d’assurer la coordination avec les professionnels des établissements et les services de santé et médico-sociaux chargés de la prise en charge et du suivi de ces enfants.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’amendement propose de confier à l’ASE une nouvelle mission consistant à veiller à l’accès aux soins des mineurs en situation de handicap, ce qui concerne effectivement 70 000 enfants, 17 % des enfants de l’ASE souffrant de handicap. S’il s’agit d’un sujet majeur que nous devons prendre en considération, j’ai peur que votre proposition reste trop large. Je vous propose donc de retirer l’amendement.

M. le secrétaire d’État. Nous nous rejoignons s’agissant du constat, mais je ne sais pas si insérer un nouvel alinéa à l’article définissant les missions de l’ASE changerait fondamentalement les choses. Je vous propose donc de retravailler l’amendement en vue de la séance publique.

La prise en charge des enfants de l’ASE en situation de handicap est un vrai sujet de fond, car ils sont au croisement du social et du médico‑social ; notre système étant construit en silos, cela n’implique ni les mêmes financeurs, ni les mêmes compétences, ni les mêmes professionnels. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’agir à travers la contractualisation, celle des départements avec l’État étant conditionnée au fait qu’ils proposent une prise en charge des enfants de l’ASE en situation de handicap, avec à la clé des financements complètement croisés et décloisonnés.

Les soixante‑dix départements avec lesquels nous sommes en train de contractualiser, en attendant les trente derniers, nous ont tous fait remonter des propositions utiles et importantes. Il y a des solutions – places en institut thérapeutique, éducatif et pédagogique ou en hôpital de jour, équipes mobiles – pour accompagner ces enfants quand ils sont chez des assistants familiaux ou dans des maisons d’enfants à caractère social. J’espérais toutefois qu’un département nous propose la solution innovante pour l’accompagnement de ces enfants, mais nous sommes toujours à la recherche du modèle idoine.

Avec Sophie Cluzel, nous avons réuni quelques associations très innovantes, afin qu’elles trouvent des solutions pour l’accompagnement d’enfants à besoins spécifiques. Nous avons essayé d’inverser l’approche en leur demandant d’exprimer leurs besoins pour que ces enfants de l’ASE en situation de handicap soient bien pris en charge, sans se préoccuper des financements, des compétences des uns et des autres et du coût induit. Nous attendons des retours sur un modèle qui pourrait être expérimenté à la rentrée.

Par ailleurs, des parcours de soins coordonnés sont également expérimentés dans trois départements dans le cadre de l’article 51, et ils vont être étendus. C’est plus par ce biais très opérationnel que l’on arrivera à trouver des solutions plutôt qu’en inscrivant une mission dans la loi, même si ce n’est peut-être pas inutile.

Je suis donc plutôt en faveur du retrait de l’amendement.

Mme Monique Limon. J’accepte de le retirer, mais je ne voudrais pas qu’on en reste à d’énièmes expérimentations et que des solutions ne soient offertes que dans les départements où la volonté existe et où les professionnels s’engagent. Il faut que tous les enfants de l’ASE porteurs de handicap puissent en trouver une et que leur parcours soit fluide, c’est-à-dire qu’on puisse au moins s’entendre sur les âges limites et sur les types de handicap.

M. François Ruffin. Je suis d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État : il ne faut pas croire que parce que l’on insère quelques lignes dans la loi, elles deviennent réalité. C’est toute la limite de l’exercice que nous faisons depuis des heures et que nous allons continuer encore pendant des heures. Les éducateurs des centres départementaux enfants et familles ou les services de l’ASE le disent bien, la continuité des soins, pour les handicapés et pour ceux qui ne le sont pas, n’existe pas, pas plus que le suivi psychologique, faute de moyens. C’est ça, la réalité, aujourd’hui.

Si l’on ne met pas derrière tout cela des moyens, notre exercice sera vain. Même d’un point de vue presque économique, c’est mortifère, puisque les questions que l’on ne traite pas chez les mômes s’aggravent et deviennent des problèmes pour la société dans les décennies qui suivent. C’est toujours une question de moyens.

M. le secrétaire d’État. Je ne suis pas d’accord avec vous, ce que nous sommes en train de faire est utile. Des moyens sont mis par ailleurs, notamment sur la question du handicap.

J’observe, du reste, que la question de savoir pourquoi 20 % à 25 % des enfants de l’ASE sont en situation de handicap n’est jamais posée. Pourquoi y en a‑t‑il autant et comment faire en sorte qu’il y en ait moins ? La réponse passe par la prévention, par le repérage précoce et par l’accompagnement à la parentalité à la fois des parents ayant des enfants en situation de handicap et des parents handicapés ayant des enfants. Il faut davantage agir et investir sur l’ensemble de ces sujets : nous le faisons notamment au travers du projet des 1 000 premiers jours.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS78 de M. Guillaume Chiche.

Mme Delphine Bagarry. L’équilibre alimentaire fait complètement partie des soins aux enfants mineurs dépendant de l’ASE, comme leur éducation et leur santé. Certains d’entre eux ne s’alimentent pas correctement, le département doit mettre en place des mesures de nature à assurer cet équilibre alimentaire.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’amendement concerne l’organisation des établissements mandatés par l’État : il me semble compliqué de l’insérer dans la loi. Dans les établissements dans lesquels je me suis rendue, on veille à l’équilibre alimentaire avec l’aide de diététiciens, même si tout n’est pas parfait.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 bis (nouveau) : Recours à un infirmier en pratique avancée pour la coordination des équipes de l’aide sociale à l’enfance

La commission examine l’amendement AS404 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Au cours de la mission que nous avions menée avec Alain Ramadier, nous nous étions aperçus que le poste de médecin référent « protection de l’enfance » n’était pas pourvu dans certains départements en raison de la pénurie de médecins. Plutôt que de laisser ce poste vacant, je propose qu’une infirmière ou un infirmier en pratique avancée (IPA) puisse l’occuper en attendant de trouver un médecin. Même si cette solution n’est pas la plus satisfaisante, mieux vaut une IPA que rien du tout.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. On manque effectivement de médecins pour assumer ces tâches. Néanmoins, un tel changement mériterait une concertation avec les professionnels de santé et les conseils départementaux.

Demande de retrait.

M. le secrétaire d’État. J’ai bien conscience de la situation, mais la nomination d’un médecin référent était l’une des avancées majeures de la loi de 2016 et je suis assez défavorable à ce que l’on revienne dessus.

Mme Perrine Goulet. Il ne s’agit pas de revenir dessus. Il s’agit simplement, si l’on ne trouve pas de médecin, d’ouvrir la possibilité à un IPA d’occuper la fonction. Loin de moi l’idée de revenir sur la loi de 2016, mais il vaut parfois mieux avoir quelque chose d’applicable que d’inappliqué. L’essentiel, pour moi, est l’intérêt supérieur de l’enfant qui commande qu’un référent surveille son parcours de santé.

M. Alain Ramadier. Je soutiens tout à fait ce que vient de dire Perrine Goulet. On voit bien dans nos quartiers et dans nos villes le manque criant de médecins. Il faut trouver et tester des solutions.

Mme Agnès Thill. Je me rallie également à cette proposition, compte tenu du manque de médecins. Il ne s’agit pas de faire sans, mais au cas où, de pouvoir les suppléer auprès des jeunes.

Mme Isabelle Santiago. Le médecin référent introduit par la loi de 2016 n’est pas celui qui voit, par exemple, les 5 000 enfants placés dans le Val‑de‑Marne : il travaille avec les équipes au sein de l’ASE. En revanche, le fait d’ouvrir, comme le propose Perrine Goulet, aux IPA dans les endroits où il n’y a pas de médecin n’est pas inintéressant.

M. le secrétaire d’État. On ouvre sans ouvrir puisqu’en réalité, en application de l’article R. 4301‑1 du code de la santé publique, qui est cité à juste titre dans l’amendement, l’IPA intervient sous la responsabilité d’un médecin. Il ne peut donc pas lui être substitué mais pas agir non plus.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 3

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS126 de M. François Ruffin et AS223 de Mme Perrine Goulet.

M. François Ruffin. Je lis un extrait du rapport d’Alain Ramadier et Perrine Goulet, qui a été voté à l’unanimité par la commission des affaires sociales : « La rapporteure constate avec regret qu’il a parfois été difficile aux membres de la mission d’être accueillis par les conseils départementaux ou de se rendre dans des foyers d’accueil. Ce manque de transparence peut laisser interrogatif. » L’une de ses propositions est donc « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance ».

Dans ce type d’établissement, un regard, non pas suspicieux mais simplement extérieur, est toujours bienvenu, a fortiori en l’absence d’instance de contrôle indépendante du financeur. De même que les parlementaires ont le droit de visiter des lieux fermés, le leur accorder pour visiter des foyers de l’enfance serait un apport positif, même s’ils n’auraient sans doute pas le temps de l’exercer tous les quatre matins.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis favorable à la première partie des amendements, relative au droit de visite des parlementaires. En revanche, je trouverais problématique la présence des journalistes – qui ont un droit de visite en compagnie des parlementaires dans les prisons, mais non dans les hôpitaux psychiatriques, en conséquence d’un choix sage fait par le législateur en 2015. Il faut protéger le droit à l’image des enfants. Une jeune fille qui avait témoigné à propos de l’assassinat d’un jeune homme dans le récent documentaire sur les enfants de l’ASE a été renvoyée de son hôtel des Hauts‑de‑Seine le lendemain de la diffusion.

Mme Perrine Goulet. Récemment, j’ai voulu me rendre dans un hôtel où résident des enfants placés : j’y ai trouvé porte close – la carte prouvant notre qualité de parlementaire ne nous permet pas nécessairement d’y accéder – et je vous passe les détails de ce que j’y ai vu quand j’ai finalement pu entrer. Il est donc important que nous puissions avoir accès à ces lieux grâce à notre badge, comme dans les prisons.

Si la seconde partie de mon amendement vous gêne, madame la rapporteure, je vous invite à déposer dès à présent un sous-amendement tendant à la supprimer. Il sera ainsi possible de voter le volet relatif au droit de visite des députés et sénateurs.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je préfère que l’on réécrive tranquillement l’amendement d’ici à la séance publique pour en supprimer la référence aux journalistes et y viser les établissements et services mentionnés au 1° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.

M. le secrétaire d’État. Les amendements soulèvent plusieurs questions, que je souhaite exposer sans en tirer de conclusions.

D’abord, ils ne visent que les établissements, et non les assistantes familiales : les enfants résidant chez ces dernières, c’est-à-dire la moitié de ceux qui sont placés auprès de l’ASE, n’auraient donc pas droit à cette visite et à cette marque d’attention. Cela mérite réflexion.

Ensuite, et même si je ne suis pas opposé au principe du droit de visite parlementaire dans les établissements de l’ASE, vous créez ici un précédent : pourquoi pas les crèches ensuite ? En l’état du droit, on ne vous ouvrira pas nécessairement les portes d’une crèche municipale ; on n’a d’ailleurs pas à le faire. La situation est différente dans le cas des MDPH, dans la mesure où l’État siège au conseil d’administration du GIP.

Enfin, s’agissant de la présence des journalistes, il a été fait référence à leur droit de visite dans les lieux de privation de liberté, mais les établissements de l’ASE ne relèvent pas de ces lieux et nous ne devons pas laisser entendre qu’ils en font partie. En outre, si le dispositif devait être étendu aux assistantes familiales, vous conviendrez avec moi que l’on vous imagine mal arriver chez ces dernières avec un journaliste et sa caméra.

Pour ces raisons, et même si je ne suis pas opposé à la possibilité de visite par les députés, avis défavorable à ce stade.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Les amendements sont-ils maintenus ?

Je note que M. Ruffin souhaite maintenir le sien, et je me porte garante du fait qu’il sera mis aux voix même si son auteur doit s’absenter.

Mme Perrine Goulet. Pour rédiger mon amendement, je me suis inspirée de l’article 719 du code de procédure pénale, qui autorise la visite des centres éducatifs fermés. J’entends votre alerte, monsieur le secrétaire d’État, concernant les journalistes.

En revanche, s’agissant du choix des établissements, les récents rapports, notamment du Défenseur des droits, mentionnent plutôt les violences en institution que chez les assistants familiaux. Je ne dis pas qu’il n’en existe pas chez ces derniers, mais il est plus difficile pour un député de se rendre dans un domicile privé. Peut-être faudrait-il donc prévoir, pour couvrir ce cas de figure, un second étage de la fusée : les députés seraient autorisés à procéder aux contrôles avec les services du département, ce qui leur permettrait d’entrer chez les assistants familiaux. Je vais y réfléchir avec Mme Limon. Pour que vous ne puissiez nous opposer la même objection la semaine prochaine, je vais donc retirer mon amendement, le temps de le retravailler avec la rapporteure et le groupe La République en Marche.

Mme Isabelle Santiago. J’étais très surprise de cet amendement. D’une part, la visite de journalistes n’est pas envisageable dans la mesure où une partie des enfants sont placés au secret sans qu’on le sache par avance. D’autre part, pendant les dix ans où j’ai été vice-présidente du Val‑de‑Marne chargée de la protection de l’enfance, je n’ai pas vu un seul député alors que ma porte leur était toujours ouverte ; une seule personne s’est manifestée depuis 2017 pour venir faire une visite, ce qui est pourtant le droit de chaque député de la nation. Je suis tout à fait favorable à ces visites, aujourd’hui comme hier, et j’invite les parlementaires à contacter les départements pour les mener.

Cela dit, la situation varie considérablement selon les départements et certains n’accueillent pas volontiers les parlementaires. En ce sens, la précision apportée par l’amendement était bienvenue.

L’amendement AS223 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS126.

Puis elle en vient à l’amendement AS76 de M. Guillaume Chiche

Mme Delphine Bagarry. L’amendement tend à revenir sur la condition de durée minimale de prise en charge par l’ASE dont dépend l’obtention d’un contrat jeune majeur, condition imposée au moment de l’examen de la proposition de loi de Mme Bourguignon visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie. Il s’agit de permettre à tous les jeunes placés sous la protection du département d’avoir accès à ce contrat.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Sur le fond, je suis bien sûr favorable à ce que tous les enfants de l’ASE bénéficient d’un contrat jeune majeur, mais la décision relève du président du conseil départemental. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Delphine Bagarry. Votre objection signale précisément l’écueil que nous cherchons à éviter : il s’agit de tendre vers l’harmonisation entre les départements.

M. Didier Martin. J’avais déposé un amendement allant dans le même sens, afin d’éviter les sorties dites « sèches » de l’ASE, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable. Mme Bourguignon avait soulevé le problème dans sa proposition de loi et entendait y apporter une solution de ce type. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce quasi‑abandon des jeunes majeurs.

M. le secrétaire d’État. On ne peut pas dire ça !

M. Didier Martin. Ce n’est pas à 18 ans, surtout après un tel parcours, que l’on est armé pour construire sa vie. L’accompagnement peut donc être prolongé, comme cela se pratique parfois chez les assistants familiaux. Lorsque le jeune est sans ressources financières, que son isolement est avéré, qu’il est privé du soutien matériel et moral de sa famille et qu’il n’a ni logement ni hébergement, il faut envisager ce type de mesure.

Mme Isabelle Santiago. Mes amendements ont, eux aussi, été jugés irrecevables, mais je ne peux pas ne pas intervenir puisque l’amendement cite le Val‑de‑Marne. J’en ai parlé avec M. le secrétaire d’État : on ne peut pas passer ainsi nos amendements à la trappe. Il est heureux que la discussion nous donne une occasion de nous exprimer sur le sujet. Ce sera également le cas en séance et lors de la navette.

Il faut, en tout cas, trouver une sortie par le haut. Après l’Australie, après le Québec, la France doit progresser dans la prise en charge des jeunes de 18 à 25 ans. Comment penser de manière transversale et en termes de droit commun l’accompagnement des jeunes sortant de l’ASE, au lieu de toujours le concevoir du point de vue budgétaire ? Son coût est réel, mais que dire du coût social de l’absence d’accompagnement – qui a été calculé au Canada – alors que l’on a investi pour ces jeunes, dont certains ont été placés dès le plus jeune âge, des millions d’euros depuis leur enfance ?

Certains départements les mettent à la rue quand ils atteignent 18 ans – nous ne l’avons jamais fait dans le Val‑de‑Marne. Il est de la responsabilité du Gouvernement de dire à l’ADF : « Stop, c’est fini, on ne veut plus ! » Cela peut passer par l’amendement en discussion comme par d’autres voies. Je fais confiance au Gouvernement pour mettre fin à cette situation.

J’ai déposé, pour ma part, une proposition de loi tendant à prolonger jusqu’à l’âge de 25 ans la prise en charge des enfants placés. Nous sommes tous parents ; qui dit à son enfant de 15 ou 16 ans de se préparer à être dehors à 18 ans ? En moyenne, c’est à 23 ans que l’on quitte le domicile parental. Il ne s’agit pas que les jeunes soient nécessairement accompagnés jusqu’à 25 ans, mais ne pensons pas toujours finances, pensons avenir et insertion. Dans le Val‑de‑Marne, si un jeune veut poursuivre des études, qu’il s’agisse de Sciences Po, de médecine ou d’un apprentissage en pâtisserie, il est libre de le faire et il est accompagné.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Une convention a été signée dernièrement entre l’Union nationale des missions locales (UNML), l’ADF et l’État pour faire le lien entre la sortie de l’ASE et l’accompagnement ultérieur. En effet, les ruptures de parcours étaient fréquentes et les jeunes n’étaient pas toujours orientés vers les missions locales.

La convention est en vigueur, mais elle est récente : il faut lui laisser le temps de s’appliquer. Tous les acteurs doivent s’asseoir autour de la table. Le service public de l’insertion et de l’emploi, qui est en train de se déployer, est un levier possible pour cela.

M. le secrétaire d’État. Merci de me donner l’occasion, par vos interventions, de parler de ce sujet qu’il était indispensable d’aborder aujourd’hui.

On ne peut pas dire que nous avons abandonné ces jeunes, monsieur Martin. Depuis 2018 et le lancement de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté, nous avons pris des mesures que je vais rappeler avant de donner quelques perspectives. Cela me permettra de faire le point devant la représentation nationale sur ce qui a été mis en œuvre.

Dans le cadre du plan pauvreté, un référentiel a été élaboré pour l’accès à l’autonomie et la sortie du dispositif de l’ASE. Les données macroéconomiques ne sont pas très parlantes, mais 10 millions d’euros ont été délégués dans ce cadre en 2019, en 2020 et en 2021 au titre de la contractualisation. Généralement, les départements ont investi le même montant de leur côté, en vertu du principe « 1 euro pour 1 euro ».

En ce qui concerne la mise en œuvre de ce référentiel ainsi que les contrats jeune majeur, j’aurai en juillet les chiffres consolidés pour la totalité des départements et je vous les communiquerai. D’après les données déjà fournies par certains départements, 80 % des jeunes devenus majeurs en 2020 ont fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre du référentiel, contre 60 % l’année dernière, et la proportion de jeunes majeurs disposant d’un logement stable connaît, elle aussi, une progression encourageante, de 61 % en 2019 à 85 % en 2020.

Toujours dans le cadre de la stratégie pauvreté, il avait été décidé de désigner des référents ASE dans tous les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour garantir le logement des jeunes en résidence universitaire. Je vous l’ai dit, les jeunes issus de l’ASE qui font des études supérieures bénéficient d’un accès prioritaire au logement étudiant et d’un accès automatique à l’échelon 7 des bourses universitaires – même s’ils ne sont que 6 % à 7 % du total des enfants de l’ASE. En outre, l’accès des jeunes à la CMU-C est rendu automatique juste avant l’âge de 18 ans, afin de mettre fin aux ruptures de parcours de soins auparavant constatées.

Enfin, la stratégie pauvreté inclut un dispositif de subvention instauré en partenariat avec l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ) et destiné à expérimenter des modes de solvabilisation de ceux qui logent en foyer de jeunes travailleurs.

J’ajoute qu’une somme de 1,7 million d’euros est consacrée à des projets régionaux à la main des commissaires à la lutte contre la pauvreté et ciblant la question de l’autonomie. La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance inclut les bourses dont j’ai déjà parlé pour l’enseignement supérieur – 680 euros par mois. Quant à l’accord-cadre que vient d’évoquer Christine Cloarec‑Le Nabour, il associe l’UNHAJ, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant, l’ADF et l’UNML, pour un accompagnement personnalisé dès 17 ans, grâce à des référents ASE au sein des missions locales, selon une démarche d’« aller vers », car les missions locales ne connaissent pas assez bien les jeunes de l’ASE.

Depuis, nous sommes allés encore plus loin en automatisant une allocation de 500 euros et l’accompagnement social et professionnel renforcé pour tous les jeunes qui ne suivent pas de parcours professionnel ni universitaire. En somme, les jeunes de l’ASE bénéficient d’un accès automatique à la garantie jeunes.

Nous avons eu des débats, il y a deux ans, lors de l’examen de la proposition de loi Bourguignon, et nous en avons eu d’autres depuis. Une option consiste à repousser de 18 à 21 ans, voire à 25 ans, l’âge limite de prise en charge – étant entendu, madame Santiago, que, sauf erreur, au Québec, le report à 25 ans est une recommandation de la commission Laurent non encore validée par le gouvernement. Une autre option est l’instauration de différents dispositifs permettant de couvrir l’ensemble des situations. Dans ce cadre, nous pouvons aller encore plus loin pour améliorer l’accompagnement avant la sortie et après. Plusieurs amendements en ce sens, émanant notamment de vous, madame Santiago, suscitent notre intérêt et pourront recueillir notre accord.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Voilà environ sept heures trente que nous débattons et nous avons examiné moins de quatre-vingts amendements. À ce rythme, il nous faudrait encore à peu près vingt heures pour finir l’examen du texte. Il va donc falloir accélérer !

Article 3 ter (nouveau) : Information sur les droits lors de l’entretien réalisé à un an de la majorité

La commission est saisie, en discussion commune, des amendement AS321 de Mme Sandrine Mörch, des amendements identiques AS61 de M. Guillaume Chiche et AS320 de M. Paul Christophe ainsi que de l’amendement AS380 de Mme Florence Provendier.

Mme Sandrine Mörch. Mon amendement reprend l’article 5 ter de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon, adoptée le 7 mai 2019 à l’Assemblée nationale. Le calendrier législatif étant surchargé, je vous propose de profiter du présent projet de loi, constructif, concret et pragmatique, pour reprendre ces dispositions que nous avions adoptées de manière consensuelle.

Tous les acteurs de l’ASE insistent sur la nécessité d’avancer l’entretien de préparation à l’autonomie, actuellement prévu un an avant la majorité. Cet entretien, trop tardif, est souvent perçu par le jeune mineur comme un ultimatum de sortie du dispositif, alors qu’il faudrait instaurer une véritable dynamique de construction du parcours afin de lui permettre de se projeter plus facilement et de manière moins angoissante hors du dispositif de l’ASE. L’entretien doit ainsi servir à informer le jeune de l’ensemble de ses droits et des dispositifs dont il peut bénéficier, notamment en matière d’insertion, de logement ou encore de santé.

Mme Delphine Bagarry. Aux termes de l’amendement AS61, l’entretien permet non seulement d’envisager les conditions de l’accompagnement vers l’autonomie, mais aussi d’informer le jeune des mesures qui seront prises pour le soutenir jusqu’à ses 25 ans. Cet amendement nous a été proposé par l’association Repairs!. Il s’agit d’informer le jeune majeur de toutes les possibilités qui s’offrent à lui en matière de logement, d’études et d’aide financière, afin de le rassurer.

M. Paul Christophe. Il s’agit d’organiser un entretien avec le mineur accueilli, un an avant sa majorité, afin de réaliser un bilan de son parcours et de l’informer des mesures d’accompagnement qui pourront être prises pour le soutenir après ses 18 ans. Cela permettra de l’accompagner avant son départ de l’ASE et d’aider à son autonomisation.

Mme Florence Provendier. Ne pas savoir où l’on va est profondément anxiogène, a fortiori pour les jeunes confiés à l’ASE, qui n’ont pas forcément connaissance des droits dont ils jouiront après 18 ans. J’ai travaillé à mon amendement avec plusieurs associations qui souhaitent donc que l’on inscrive dans la loi l’organisation d’un entretien pour informer les mineurs, au moins un an avant leur majorité, des aides dont ils pourront bénéficier jusqu’à leurs 21 ans et envisager les conditions de leur accompagnement vers l’autonomie.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable aux amendements AS320 et AS61, qui prévoient une prise en charge jusqu’à 25 ans alors que le droit ne permet pour l’instant un accompagnement que jusqu’à 21 ans.

Avis également défavorable à l’amendement AS380, dont la rédaction laisse entendre que les possibilités de soutien jusqu’à 21 ans sont automatiques, alors qu’elles sont subordonnées à la conclusion d’un contrat jeune majeur.

Je suis, en revanche, favorable à l’amendement AS321, qui propose d’ajouter l’information sur les droits aux thèmes de l’entretien à réaliser un an avant la majorité du jeune. Cette proposition me semble cohérente avec l’objet de l’entretien et répondrait à un vrai besoin de ces jeunes de connaître leurs droits.

M. le secrétaire d’État. Je ne vois pas bien comment on peut informer un jeune, avant ses 17 ans, des droits dont il bénéficiera sept ou huit ans plus tard. Je suis donc plutôt défavorable aux amendements qui poussent l’accompagnement jusqu’à l’âge de 25 ans, et plutôt favorable à celui de Mme Mörch.

Dans les faits, cet entretien a souvent lieu avant que le jeune ait 17 ans – les départements ont plutôt tendance à l’anticiper. Mais il ne faut pas l’anticiper trop, pour que les jeunes ne subissent pas une pression excessive. En tout cas, améliorer l’accès aux droits est vraiment un enjeu important, et tout ce que nous faisons depuis trois ans va dans ce sens.

Mme Florence Provendier. Je ne comprends pas ce qui est problématique dans ma rédaction. J’ai indiqué que l’entretien un an avant sa majorité doit permettre de faire le bilan de son parcours, d’envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie et de l’informer des mesures qui pourront être prises pour le soutenir jusqu’à ses 21 ans.

Mme Delphine Bagarry. Être informé est une chose, mais avoir la capacité de se projeter, savoir dans quelle direction aller, en est une autre, et ce n’est pas évident quand on ne connaît pas ses droits. Les éducateurs, pris dans le quotidien, n’arrivent pas toujours à aider les jeunes à faire le point et à se projeter.

L’intérêt de ces amendements est de donner de la visibilité aux jeunes, au moins jusqu’à 21 ans pour l’amendement de Mme Provendier. Avoir un peu de visibilité est essentiel pour chacun de nos jeunes, qu’ils soient accompagnés par l’ASE ou par leurs parents.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Madame Provendier, votre amendement sera largement satisfait par l’adoption de celui de Mme Mörch. Ce qui m’ennuie, dans votre rédaction, c’est que vous parlez des mesures qui « seront prises » pour soutenir le jeune.

Mme Florence Provendier. En réalité, dans l’amendement que j’ai déposé, j’avais écrit : « les mesures qui pourront être prises ». Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Je voterai l’amendement de ma collègue.

La commission adopte l’amendement AS321.

En conséquence, les amendements AS61, AS320 et AS380 tombent.

Article 3 quater (nouveau) : Désignation d’une personne de confiance

La commission examine les amendements identiques AS249 de Mme Isabelle Santiago, AS317 de Mme Sandrine Mörch et AS441 de Mme Monique Limon.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit de donner la possibilité aux mineurs pris en charge de désigner une personne de confiance qui pourra les accompagner dans leurs démarches et leur parcours vers l’autonomie.

Cette disposition est dans l’esprit de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, lancée en 2018 et à laquelle j’ai participé, qui prévoyait la désignation d’un référent de parcours. Elle figure également dans la proposition de loi renforçant la protection des mineurs que j’ai déposée. C’est tout le travail que fait l’association départementale d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance Repairs!. Il est absolument nécessaire que ces jeunes puissent eux‑mêmes désigner une personne de confiance ou un parrainage par ces grandes associations, qui sont d’utilité publique.

Mme Sandrine Mörch. Cet amendement reprend l’article 4 de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, qui a été adoptée le 7 mai 2019 par l’Assemblée nationale. Il prévoit la possibilité pour le jeune d’être accompagné dans son parcours vers l’autonomie par une personne de confiance, qu’il aurait lui-même choisie et qui ne serait pas nécessairement un professionnel de la protection de l’enfance.

Cette personne de confiance permettrait au jeune d’établir des liens avec un adulte, alors qu’il peut se trouver en situation de rejet ou de rupture vis‑à‑vis d’une aide plus institutionnalisée, perçue comme obligatoire et imposée par les services de l’aide sociale à l’enfance. La désignation d’une personne de confiance ne serait pas obligatoire et celle-ci serait librement choisie par le mineur. Cette personne serait également susceptible d’entretenir des liens avec le jeune après sa sortie du service de l’ASE, ce qui contribuerait à atténuer la situation de rupture ou d’isolement dans laquelle il pourrait se trouver en l’absence de prise en charge par un autre dispositif.

Mme Monique Limon. Il s’agit de donner la possibilité au jeune de se faire accompagner par une personne de son choix.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. C’est une très bonne disposition : avis très favorable.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 3

La commission en vient à l’amendement AS444 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Il s’agit d’accorder une aide à domicile aux jeunes majeurs qui en feraient la demande. Même si cette disposition figure déjà dans la loi, cette aide est le plus souvent accordée aux familles, et non aux jeunes vivant seuls. L’action éducative à domicile permet alors d’éviter le placement des enfants et aide la famille à surmonter ses difficultés.

Il serait également intéressant d’accompagner les jeunes majeurs lorsqu’ils viennent de quitter l’ASE et qu’ils ne s’en sortent pas tous seuls. Ils n’ont pas forcément envie de retrouver les interlocuteurs de l’aide sociale à l’enfance, une fois qu’ils en sont sortis, mais on peut imaginer un accompagnement par des conseillers en économie sociale et familiale, qui les aideraient à gérer leur budget, leur logement et leurs affaires courantes. Ils les aideraient aussi à profiter des autres formes d’accompagnement que sont la garantie jeunes ou la mission locale, pour l’aide à la formation ou la recherche d’emploi.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Il me semble utile que le président du conseil départemental informe le jeune des prestations dont il a la charge et auxquelles celui-ci aurait droit. Même si le droit le prévoit déjà, j’émettrai un avis favorable sur votre amendement.

M. le secrétaire d’État. Vous l’avez dit vous-même, les textes prévoient déjà cette disposition, même s’il est vrai qu’elle n’est certainement pas assez appliquée. Demande de retrait.

Mme Monique Limon. Je sais bien que cette disposition figure déjà dans la loi mais, dans ma pratique professionnelle, je ne l’ai jamais vue s’appliquer. Il serait utile que les acteurs sachent qu’ils peuvent fournir une aide à domicile à un jeune majeur pour l’aider à faire ce bout de chemin vers l’autonomie qu’il n’arrive pas à faire tout seul. Je veux bien retirer mon amendement mais il faudrait trouver un moyen pour que cette disposition soit vraiment mise en pratique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS401 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Il y a quelque temps, une juge m’a dit qu’un enfant, même s’il avait été victime d’inceste, devait garder des liens avec son parent, parce que c’était son parent et qu’il fallait qu’il se construise auprès de lui tout au long de sa vie. Cette juge exerce toujours ; je n’invente rien. Au nom du sacro‑saint lien de filiation, qui est prédominant dans la culture française, on en arrive à cette aberration que l’on maintient des contacts entre un enfant et un parent, alors même que l’enfant a été violenté par ce parent.

Je propose de ne pas remettre un enfant en contact avec le parent qui l’a violenté, tant que l’enfant n’y est pas prêt. Il est très important d’entendre l’enfant, de lui laisser le temps de se réparer et de s’assurer que c’est bien son choix que de revoir ce parent.

Pour ce faire, je propose de compléter le quatrième alinéa de l’article 375 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’enfant a été victime reconnue ou suspectée de violences commises par l’un ou l’autre de ses parents, il doit expressément consentir à être remis en présence, temporaire ou permanente, de ses parents. » Y compris pour les visites médiatisées, il faut que l’enfant soit d’accord.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les termes « expressément » et « suspectée » me semblent problématiques.

Si le principe énoncé ne pose aucune difficulté, c’est son articulation avec le droit actuel qui pose question. Toute menace à la santé d’un mineur doit faire l’objet d’une mesure de protection : c’est le principe même de la mesure judiciaire d’assistance éducative posée à l’article 375 du code civil. Les mesures sont décidées par le juge, qui doit proposer au mineur d’être entendu et assisté par un avocat, en vertu de l’article 338‑1 du code de procédure civile.

Ce que changerait votre amendement, en droit, c’est qu’il donnerait, en cas de violence, un droit de veto à l’enfant contre la décision du juge. Je vous accorde que la parole de l’enfant doit être beaucoup mieux entendue, mais je vous propose de retirer votre amendement, au profit de meilleures garanties de représentation dont nous discuterons dans quelques instants, notamment s’agissant du rôle de l’avocat.

M. le secrétaire d’État. Les propos que vous rapportez sont évidemment hallucinants mais je ne suis pas sûr que répéter dans la loi des choses qui y figurent déjà ferait changer les choses. C’est probablement par la formation, initiale et continue, des juges sur ces questions que nous arriverons à faire évoluer les pratiques.

La question de la parole de l’enfant victime de violences, notamment sexuelles, de la part de ses parents, est d’une grande complexité. Je ne suis pas sûr que tout doive se passer dans le cabinet du juge. Il faut surtout agir en amont, dans les unités d’accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED), qui sont des lieux de recueil de la parole de l’enfant. Chacun sait que la qualité du recueil de la parole de l’enfant victime conditionne son parcours dans notre système judiciaire et de protection, mais aussi sa reconstruction. Nous devons investir dans ces unités et nous le faisons : d’ici à 2022, il y aura une centaine d’UAPED sur le territoire, et au moins une par département. C’est par ce biais-là que nous permettrons à la parole de l’enfant de se libérer. Un enfant victime de violences n’exprimera pas forcément son refus de retourner chez ses parents. C’est d’ailleurs toute la difficulté de ce genre de situation, car l’enfant est pris dans un conflit de loyauté.

Je vous invite à retirer votre amendement, d’abord parce qu’il me semble satisfait et, ensuite, parce que je crois qu’il faut surtout faire un effort de formation et améliorer la qualité du recueil de la parole de l’enfant.

Mme Perrine Goulet. Je le maintiens parce qu’il ne concerne pas ce qui se passe en amont, au moment du recueil de la parole, mais ce qui se passe en aval, au moment où il est avéré que l’enfant a été victime de violences. J’ai déjà défendu cet amendement à l’occasion de l’examen d’un autre texte : si c’est le juge qui choisit, m’a‑t‑on répondu, cela permet à l’enfant de dédiaboliser sa parole vis-à-vis de ses parents. Or certains enfants disent clairement qu’ils ne veulent pas revoir leurs parents. Mais on leur dit que c’est mieux pour eux, que les adultes savent mieux ce qui est bon pour eux, qu’ils n’ont pas le discernement nécessaire pour savoir ce qui leur convient.

Bien souvent, on oblige l’enfant, qui vit dans une famille d’accueil, à voir ses parents lors d’une visite médiatisée. Il en revient complètement détruit et c’est reparti pour un nouveau cycle, jusqu’à la prochaine fois. Ce n’est pas seulement une question de formation. Il faut dire au juge que la parole de l’enfant est sacrée : lorsqu’un enfant qui a été reconnu comme victime de violence dit ne pas vouloir revoir son parent, on doit attendre qu’il y soit prêt. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Mme Isabelle Santiago. Pour conforter l’analyse de Mme Goulet, on peut s’adosser à une réalité factuelle. Il a été démontré qu’au moment du confinement, les enfants qui n’ont pas eu à entrer directement en relation avec leur famille, par exemple le week-end, se sont apaisés. C’est une réalité qui a été constatée au niveau national. Il ne s’agit évidemment pas de généraliser mais, dans certains cas, lorsque l’enfant dit clairement qu’il ne veut pas revoir l’un de ses parents, il faut l’entendre.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Même si je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fond, je mettrai quand même un bémol. Dans certaines situations où les parents sont en conflit, l’un d’eux peut parfois exercer une forme d’emprise sur l’enfant. Dans de tels cas, la question du consentement de l’enfant devient encore plus complexe.

M. le secrétaire d’État. Nous sommes tous très attachés à la parole de l’enfant et à l’intérêt supérieur de l’enfant. Veillons toutefois à ce que la sacralisation de sa parole ne conduise pas à faire peser sur les épaules de l’enfant une responsabilité trop lourde pour son âge et son état. Si votre amendement est adopté, le juge va explicitement demander à des enfants de 7 ou 8 ans s’ils sont vraiment décidés à ne pas retourner chez leurs parents ! Je suis évidemment d’accord avec vous sur le fond, mais il faut voir aussi la violence que représenterait le fait de mettre un enfant devant une telle décision. Imaginez le conflit de loyauté dans lequel il va se trouver ! Laissons peut-être au juge le soin d’apprécier la situation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS313 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit de mieux prendre en compte l’état pédopsychiatrique de l’enfant tout au long de son parcours au sein de l’ASE en incluant, dans le rapport annuel sur la situation de l’enfant qui sera transmis au juge, un bilan sur sa situation médicale, psychologique et sociale.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

Nous avons déjà voté, dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2020, un bilan de santé complet à l’entrée de l’ASE. S’agissant du volet plus social, c’est tout l’enjeu de l’évaluation, puis du projet pour l’enfant, au cours du suivi.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS252 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Je propose de préciser et de renforcer le dispositif de l’action éducative en milieu ouvert, en quelque sorte de créer une AEMO renforcée en la soumettant, non plus à une simple observation, mais à une vraie évaluation. Il s’agit de s’assurer qu’elle est vraiment utile à l’enfant. On voit souvent des enfants qui font l’objet d’une AEMO pendant plusieurs années consécutives sans en tirer de bénéfice, et on demande ensuite à l’ASE de faire des miracles avec des enfants de 12, 13 ou 14 ans qui sont déjà très abîmés.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous proposez de redéfinir l’AEMO de manière à mieux rendre compte du caractère très actif de la prise en charge sous ce format. J’ai quelques doutes sur l’effet réel de cette redéfinition, même si j’en comprends l’esprit global.

Je ne suis pas favorable à cet amendement très technique. Nous modifions beaucoup le droit dans ce domaine ; or je crois qu’il faut le faire avec parcimonie et lorsqu’on est certain que « le réel » va suivre.

M. le secrétaire d’État. Vous soulevez une vraie question. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur la pertinence de mesures d’AEMO reconduites pendant cinq, six, ou sept ans sans évolution à la clé. Il y a probablement des choses à améliorer mais il me semble que votre amendement est déjà partiellement satisfait par le droit existant.

Par ailleurs, je ne perçois pas forcément toutes les implications qu’il pourrait avoir. J’aimerais laisser le temps à mes services d’examiner tout cela en détail. Pour l’heure, j’émettrai un avis défavorable, mais je vous propose que nous en rediscutions, car je vois que vous avez beaucoup travaillé la question, sans doute en lien avec les services de l’AEMO eux‑mêmes.

Mme Isabelle Santiago. J’accepte de retirer mon amendement pour pouvoir échanger avec vous sur ce sujet, et je vous communiquerai les éléments relatifs au dispositif d’AEMO renforcé que nous avons instauré.

Je vous parle de jeunes victimes de prostitution dans le cadre de la protection de l’enfance, de vingt dossiers d’AEMO sans cesse reconduite alors que ce type de prise en charge n’était vraiment pas adaptée à la situation. Ces jeunes, très carencés, avec des problématiques familiales, ont subi des psychotraumas graves et se retrouvent dans des parcours d’addiction grave ou de prostitution. J’insiste, il faut modifier l’AEMO.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS324 de Mme Sandrine Mörch et AS251 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Sandrine Mörch. L’amendement, qui reprend l’article 8 de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon, vise à permettre aux jeunes majeurs sortant du dispositif de protection de l’enfance de bénéficier de manière prioritaire d’un logement social ou d’une place en résidence universitaire lorsqu’ils poursuivent des études supérieures.

Mme Isabelle Santiago. Il est important d’inscrire dans la loi tous ces dispositifs innovants en faveur des jeunes majeurs, et de bien les flécher pour qu’ils puissent bénéficier d’un hébergement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’amendement de Mme Mörch concernant l’accès aux résidences universitaires des anciens de l’ASE est satisfait par les annonces du secrétaire d’État. Mme Santiago y ajoute le parc HLM : sur le fond, j’y suis favorable, mais l’attribution d’un HLM se fait sur critères de revenus.

Mme Isabelle Santiago. Tous les dossiers que nous soumettons pour ces jeunes sont acceptés puisqu’ils sont dans des dispositifs spécifiques – garantie jeunes, formation, bourse, etc. De ce fait, tous les dossiers passent.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement AS324, sous réserve d’en retirer la partie relative aux résidences universitaires. Celle-ci est déjà satisfaite par l’accès aux derniers échelons des bourses universitaires pour les jeunes de l’ASE depuis septembre 2020 – près de 2 000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif. Les jeunes de l’ASE font déjà partie des publics prioritaires pour les logements des CROUS. De plus, beaucoup d’entre eux remplissent déjà les critères, compte tenu de leur situation personnelle ou professionnelle, leur permettant d’accéder à des logements sociaux.

Mme Sandrine Mörch. Je suis l’avis du ministre : nous retravaillerons cet amendement pour la séance.

Mme Isabelle Santiago. Le principal est que cette disposition soit adoptée en séance.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Le ministre a été très clair : nous en rediscuterons !

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement AS107 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Sandrine Mörch. L’amendement est défendu.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous ne sommes pas très favorables aux demandes de rapport, d’autant que celui de la commission d’enquête sur les conséquences de la crise sanitaire sur les jeunes a été publié. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. J’ai le souvenir d’avoir été auditionné sur ces questions par la commission d’enquête que vous présidiez. Je m’étonne donc de cette nouvelle demande de rapport, d’autant que d’autres études ont été publiées qui peuvent satisfaire votre amendement – bilan établi par le groupement d’intérêt public Enfance en danger sur le fonctionnement du 119 pendant le confinement, ou encore rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques sur les établissements et services de l’ASE durant le confinement. Je reste à votre disposition si nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS363 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Même si l’article 371‑5 du code civil dispose que l’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs, il s’avère que c’est souvent le cas, l’enfant et la fratrie, plutôt que les institutions, servant de variables d’ajustement. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement l’ASE. La faisabilité prévaut trop sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Une fratrie en a récemment fait les frais. Bien qu’ayant exprimé le désir de ne pas être séparés, les trois enfants, dont un bébé de 2 ans et un jeune de 14 ans, ont été placés dans trois familles différentes.

Le présent amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant un état des lieux relatif aux situations de fratries séparées, afin d’y remédier.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, en débloquant six cents places d’hébergement, contribue à protéger les fratries. Le droit prévoit déjà de séparer le moins possible les fratries.

Avis défavorable à cette demande de rapport.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable également, car il n’est déjà plus possible, en droit, de séparer les fratries – nous sommes en train de vérifier ce qu’il en est réellement. La stratégie de prévention et de protection de l’enfance finance effectivement six cents places au niveau national pour éviter les séparations – des villages, notamment, permettent d’accueillir des fratries.

Demande de retrait.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Il ressort de nos discussions avec l’association SOS Villages d’enfants que nous ne disposons pas d’un état des lieux : on ne sait pas exactement ce qu’il se passe avec les fratries. Quand bien même la volonté est d’investir pour éviter les séparations, à quel niveau faut-il le faire et comment ? Pourquoi ce problème est-il récurrent ? Il ne s’agit pas de demander un énième rapport : c’est un vrai sujet, dont nous devons prendre toute la mesure.

La commission rejette l’amendement.

TITRE II
MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES VIOLENCES

Avant l’article 4

La commission est saisie de l’amendement AS423 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal. Il s’agit d’intégrer dans le titre II la protection des enfants contre les maltraitances. Les maltraitances que peut subir un enfant recouvrent des réalités complexes. Au-delà des violences physiques et visibles, un geste, une parole, une action ou un défaut d’action de la part d’un proche ou d’un professionnel peuvent compromettre ou porter atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux. Il convient donc de caractériser cette situation de maltraitance. Le présent amendement vise à donner de la visibilité à la lutte contre la maltraitance, dont la variété des formes doit être prise en considération pour mieux accompagner et protéger les enfants.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La maltraitance est une forme de violence. Nous préférons donc conserver le mot « violences », qui nous semble plus approprié.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Mme Annie Vidal. Je ne suis pas d’accord. La maltraitance et la violence sont des choses très différentes. Nous sommes nombreux à souhaiter développer une culture de la bientraitance dans notre pays en mettant, chaque fois que cela est possible, l’accent sur la question de la lutte contre la maltraitance. J’espère être entendue sur ce sujet fondamental, et je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements AS424 et AS425 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal. Depuis 2018, la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance travaille sur un vocabulaire partagé de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, transversal et inclusif. Il concerne les enfants, les personnes malades, âgées ou handicapées, qui sont parfois dans des situations de fragilité les rendant vulnérables aux maltraitances. L’amendement AS424 vise à inscrire ce travail de définition dans le code de l’action sociale et des familles, de manière à mieux assurer le respect des droits fondamentaux et à protéger les enfants contre toutes les formes de violence et de maltraitance.

L’amendement AS425 est un amendement de repli.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je propose d’en rester à la définition actuelle, quitte à préciser un peu plus le champ de l’article 5.

M. le secrétaire d’État. Je salue votre implication et votre travail sur ces sujets depuis trois ans, madame Vidal. Nous sommes favorables à ce que le vocabulaire partagé soit intégré dans ce projet de loi. Vous allez défendre à l’article 5 un amendement visant à faire entrer le vocabulaire partagé dans les établissements et services accueillant des enfants. Cet emplacement étant plus pertinent, je demande le retrait des deux amendements que vous venez de défendre à son profit. Celui-ci répond d’ailleurs à une demande exprimée par le Conseil national consultatif des personnes handicapées dans son avis sur le texte.

Les amendements sont retirés.

Article 4 : Contrôle renforcé des personnels exerçant dans le secteur social et médicosocial

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS496 et AS497 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement AS35 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet amendement du groupe Les Républicains vise à s’assurer du concours des services de l’État pour procéder à la vérification du respect des interdictions prévues par cet article. On dénombre 1 100 000 personnes, professionnelles et bénévoles, intervenant dans la protection de l’enfance pour les seuls services de l’ASE.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous proposez que la vérification des incapacités des personnels se fasse « avec le concours » de l’État. L’imprécision d’une telle disposition dans la loi n’est pas opportune. Je vous confirme cependant que les moyens de l’État seront renforcés, avec un nouveau logiciel se fondant sur une extension du système d’information Honorabilité, déjà déployée dans le secteur jeunesse et sport, et dix équivalents temps plein (ETP) recrutés au niveau national pour assurer les réponses aux demandes et renforcer la fluidité des contrôles au niveau déconcentré. Mon avis est défavorable sur la forme, même si nous partageons l’objectif sur le fond.

M. le secrétaire d’État. Le contrôle des antécédents judiciaires est un sujet important. Il est effectué depuis 2019 ; c’est la mesure n° 10 du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, du 20 novembre 2019. Le Président de la République a explicitement demandé d’étendre ce contrôle à toute personne travaillant au contact des enfants, au travers du fameux fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Vous avez d’ailleurs renforcé les conditions d’inscription à ce fichier puisque, désormais, les personnes qui consultent des sites pédopornographiques y sont automatiquement inscrites et ne peuvent donc pas travailler auprès d’enfants – avant le vote de la loi, cela ne concernait qu’un cas sur deux, soit cinq cents personnes par an. Ce contrôle est effectué non seulement dans les services de protection de l’enfance, mais aussi dans tous les établissements où des adultes sont en contact avec des enfants, ou encore les ministères et les collectivités locales, notamment pour les crèches.

Trois questions se posent : les administrations ont‑elles connaissance de la loi ? L’appliquent‑elles ? Est‑ce effectif ? Ce troisième point est évidemment fondamental. Nous avons tous reçu des témoignages disant que lorsqu’on a besoin d’un éducateur, il faut passer par la préfecture pour consulter le fichier – ce sont des données sensibles, n’importe qui ne peut pas consulter ce fichier – mais que cela prend six mois pour obtenir la réponse. Entre‑temps, on avait besoin de l’éducateur ; on l’a donc embauché en espérant que tout se passe bien.

Nous avons lancé un audit sur ces questions auprès de toutes les administrations ainsi que de l’ADF et de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). L’idée est d’adopter un système automatisé, sur le modèle de ce qui existe depuis des années à l’éducation nationale et à jeunesse et sports, qui passent chaque année au crible des millions d’enseignants et d’animateurs. C’est tout le sens de cet article. Nous sommes en train de créer ce système d’information pour les établissements de protection de l’enfance et des ETP seront dégagés mais, plus largement, toutes les structures où des adultes sont en contact avec des enfants seront concernées. J’en profite pour saluer le travail volontariste et exemplaire de la ministre des sports sur ce sujet, notamment en ce qui concerne les bénévoles.

Avis défavorable, donc, à cet amendement, car les services de l’État sont déjà mis à contribution et le seront encore plus demain, même s’il faut viser l’automatisation compte tenu du nombre de personnes concernées.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS274 de Mme Christine CloarecLe Nabour, AS346 de M. Paul Christophe, AS381 de Mme Florence Provendier, AS212 de Mme Perrine Goulet et AS365 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Il s’agit de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes en contact avec des enfants au sein des établissements, en obligeant à un renouvellement du contrôle à chaque changement d’établissement, de service ou lieu de vie et d’accueil. L’amendement précise également la temporalité des réexamens, à savoir un contrôle tous les trois ans. C’est une demande de l’association SOS Villages d’enfants.

M. Paul Christophe. Mon amendement vise à préciser la temporalité du réexamen des antécédents judiciaires pour mieux protéger les enfants. Il introduit une vérification à intervalle de temps régulier, dont la périodicité devra être précisée par décret. Dans le monde du sport, la vérification pour les éducateurs est faite chaque année, en début de saison sportive.

Mme Florence Provendier. Dans le même esprit, il s’agit de préciser la temporalité des réexamens des antécédents judiciaires de toutes les personnes impliquées dans le parcours de l’enfant, dans l’intérêt de l’enfant. Sans précision de ce cadre temporel, je crains une application différente selon les départements et une protection qui ne serait ni harmonisée ni égale pour tous les enfants.

Mme Perrine Goulet. Nous proposons, pour notre part, que le réexamen de l’honorabilité des personnes exerçant auprès des enfants ait lieu au moins tous les trois ans. L’article 4 est un bon article, monsieur le secrétaire d’État, mais il mérite une précision temporelle pour être opérationnel.

Mme Florence Provendier. Dans le même esprit, l’amendement de Mme Tamarelle-Verhaeghe propose une révision au moins tous les deux ans.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’article 4 élargit le contrôle à tous les bénévoles et à tout moment de la pratique. Auparavant, c’était seulement pour les salariés et au moment de l’embauche. Le total pourrait passer à environ 2 millions de contrôles. D’ici à envisager cela tous les trois ans... Laissons déjà le FIJAIS s’organiser : à être trop exigeant, on prendrait le risque de ne pas être réaliste. À titre de comparaison, dans l’éducation nationale, ce contrôle est réalisé tous les six ans pour les contractuels. De surcroît, ce type de disposition relève plus naturellement du pouvoir réglementaire.

Pour ces raisons, je donne un avis favorable à l’amendement AS346, qui évoque des contrôles à intervalle régulier : c’est celui qui laisse le plus de souplesse au dispositif. Lorsque tout se sera mis en place, il sera toujours temps d’accélérer les contrôles.

Avis défavorable aux autres amendements.

M. le secrétaire d’État. Étant donné le volume des contrôles, qui ne concerneront pas que la protection de l’enfance mais aussi d’autres secteurs, il faut que le casier judiciaire national ait la capacité de délivrer les documents demandés. J’admets que l’idée d’une régularité doit être inscrite dans la loi, mais il me semble que la fréquence précise relève du niveau réglementaire. Elle doit, par ailleurs, être en concordance avec ce qui se passe dans d’autres champs, par exemple pour la petite enfance ou les éducateurs sportifs.

Je demande donc le retrait de tous les amendements qui veulent préciser la fréquence des contrôles dans la loi au profit de celui de M. Christophe, qui établit le principe de délais réguliers et renvoie au réglementaire pour les détails. Cela assurera la cohérence d’ensemble et permettra au casier judiciaire de s’organiser.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Je retire mon amendement, mais il faudra être très vigilant aux cas où la personne change d’établissement ou surtout de département.

Mme Florence Provendier. Je maintiens le mien, car la notion d’intervalle régulier n’est pas assez précise. Il me semble qu’un délai de trois ans est raisonnable.

L’amendement AS274 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS346.

En conséquence, les amendements AS381, AS212 et AS365 tombent.

La commission adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social

La commission examine l’amendement AS431 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal. C’est l’amendement que nous évoquions tout à l’heure, qui prévoit que les établissements et les services accueillant des enfants s’appuient sur le vocabulaire partagé de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance pour définir leur politique en la matière.

Ce vocabulaire partagé a été établi en concertation, et sur la base de l’expertise des acteurs et parties prenantes concernés. Ces travaux conduits depuis 2018 font aujourd’hui référence pour poser des mots sur les phénomènes de maltraitance, aussi bien auprès des professionnels que des personnes accompagnées. Ils méritent d’être utilisés plus largement pour faire face collectivement à ce défi qu’est la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Comme je l’ai dit tout à l’heure, avis très favorable.

M. le secrétaire d’État. Avis très favorable également.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient aux amendements identiques AS181 de M. Jean-Michel Clément et AS347 de M. Paul Christophe.

Mme Martine Wonner. Afin d’améliorer la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance dans les établissements de l’ASE et de la protection judiciaire de la jeunesse, il est nécessaire de préciser que le projet d’établissement ou de service prévoit la possibilité de saisir un référent extérieur.

Il est prévu dans l’étude d’impact que le cadre réglementaire comprendra l’identification d’une autorité tierce ou d’une personne‑ressource extérieure à la structure et indépendante, vers laquelle les enfants et les jeunes pourront se tourner en cas de difficulté. Compte tenu du caractère indispensable de ce référent, l’amendement AS181 estime pertinent de faire mention des mécanismes de saisine d’un référent indépendant extérieur à l’établissement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je souhaite aller dans le même sens que vous, mais préfère la rédaction de l’amendement de Mme Goulet qui viendra un peu plus tard et du mien identique, qui est un peu plus précise. Je vous propose donc un retrait.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Mme Martine Wonner. Je vous fais confiance et je retire mon amendement.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement AS302 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Elle examine ensuite l’amendement AS348 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. L’amendement vise à renforcer la lutte contre les violences dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse, en prévoyant l’établissement d’un référentiel commun à suivre. L’adoption de ce référentiel commun permettrait de garantir que les mesures de prévention et de lutte contre la maltraitance dans ces établissements se fondent sur les exigences de la convention internationale des droits de l’enfant.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Même si la notion de référentiel nous tient à cœur, il ne nous semble pas pertinent ici de remplacer les termes « contenu minimal » de la rédaction initiale, car c’est bien d’un contenu minimal, avec des items précis fixés par le pouvoir réglementaire, que nous avons besoin.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.


Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 21 heures

Au cours de sa troisième réunion du mercredi 30 juin 2021, la commission achève l’examen du projet de loi ([143]).

 

Article 5 (suite) : Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social

La commission examine les amendements identiques AS82 de M. Thibault Bazin et AS408 de Mme Perrine Goulet.

M. Alain Ramadier. L’amendement AS82 est défendu.

Mme Perrine Goulet. Mon amendement, qui reprend une proposition des représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF), que le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés (Dem) a auditionnés, vise à associer les personnels des services et établissements de l’aide sociale à l’enfance (ASE) à l’élaboration du projet de prévention et de lutte contre la maltraitance dans les établissements. Ainsi, on permettrait à ces personnes de mieux comprendre le projet, le partager et le déployer.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La lutte contre la maltraitance est l’affaire de tous les professionnels. Toutefois, le contenu du projet doit être harmonisé par le pouvoir réglementaire. Il est donc difficile d’associer le personnel propre à chaque établissement si les normes existantes ne confèrent pas de réelles marges de manœuvre, au moins sur le cœur du volet relatif à la maltraitance.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. L’élaboration des projets d’établissement ou de service est déjà fondée sur la participation de l’ensemble des parties prenantes : professionnels, usagers ou leurs représentants légaux. C’est du moins une bonne pratique qui figurait dans les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) en 2009. Le projet doit également faire l’objet d’une consultation du conseil de la vie sociale, où les usagers sont représentés. L’amendement, dont l’intérêt est réel, est donc satisfait. Je vous suggère de le retirer. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Perrine Goulet. Je suis un peu perdue : d’un côté, Mme la rapporteure évoque un référentiel descendant que nous n’aurions quasiment pas le droit de modifier et auquel les personnels ne devraient pas être associés ; de l’autre, M. le secrétaire d’État nous dit que ces derniers sont de fait intégrés au projet. S’il s’agit d’un projet, il doit être coconstruit ; dès lors, il serait tout de même intéressant d’associer à son élaboration les personnels qui l’appliqueront.

Nous pourrions adopter l’amendement, quitte à revenir dessus en séance. Peut-être la participation des personnels est-elle déjà prévue, mais cela va parfois mieux en le disant. En tout état de cause, les associer à l’élaboration de ce schéma important pour la lutte contre la maltraitance est une reconnaissance.

M. le secrétaire d’État. Encore une fois, s’il est bien question du projet d’établissement, les différentes parties prenantes, dont les professionnels, sont déjà associées à son élaboration.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques AS498 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS213 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Il me paraît nécessaire que les enfants puissent avoir un interlocuteur, indépendant de l’association qui gère le foyer ou du département, lorsqu’ils sont victimes de maltraitance ou rencontrent des difficultés dans leur établissement.

Mon amendement vise ainsi à identifier dans le projet d’établissement une autorité tierce, extérieure à la structure et indépendante du département, vers laquelle les enfants pourraient se tourner en cas de difficulté, et à renforcer les modalités d’affichage, pour une meilleure information.

Une telle mission pourrait être confiée aux représentants du Défenseur des droits dans les territoires, autorité indépendante qui aurait une meilleure vision des problèmes qui se posent dans les foyers. Eu égard au dernier rapport de la Défenseure des droits, qui relève la violence extrême qui peut y régner, il serait intéressant que les enfants puissent faire appel à une autorité indépendante de leur entourage pour exprimer leurs difficultés.

M. le secrétaire d’État. Avis très favorable.

C’est une des volontés du Gouvernement d’avoir un référent, tiers indépendant, que les enfants, notamment, pourront saisir. La disposition ne figurait pas dans la rédaction initiale du projet de loi car elle est de nature réglementaire, mais nous acceptons qu’elle soit intégrée dans la loi, qui renverra la désignation de ce tiers au pouvoir réglementaire.

Quant à confier la tâche au Défenseur des droits, qui a effectivement cinq cents correspondants dans les territoires, j’ai eu l’occasion de soumettre l’idée tant à Jacques Toubon qu’à Claire Hédon. Son rôle est bien de faire respecter les droits, ce qui donne lieu à des rapports annuels. Cela pourrait être envisagé, mais il lui revient d’en décider, en tant qu’autorité indépendante.

Par ailleurs – et c’est une seconde piste qui doit être explorée sérieusement –, un tel dispositif existe déjà dans le champ du handicap et concerne a priori l’intégralité des établissements sociaux et médico-sociaux. Le préfet désigne en effet une personnalité qualifiée que les usagers de chaque établissement peuvent saisir. Il n’est pas impossible que ce soit la solution.

Sur le principe, nous sommes favorables à ces amendements.

Mme Martine Wonner. Je suis très heureuse que les amendements puissent être adoptés. J’ai eu raison de vous faire confiance cet après‑midi et de retirer l’amendement AS181 présenté par le groupe Libertés et Territoires.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS63 de M. Guillaume Chiche et AS415 de Mme Perrine Goulet.

M. Guillaume Chiche. Mon amendement vise à renforcer le contrôle des établissements et services en charge de la protection de l’enfance par le département et les services de l’État. Il prévoit ainsi l’organisation d’un entretien annuel entre un tiers et chaque enfant placé en établissement, afin de faciliter les confidences sur d’éventuels mauvais traitements subis au sein de l’établissement. En effet, la plupart du temps, les enfants n’osent pas se confier aux salariés de l’établissement incriminé.

Mme Perrine Goulet. Mon amendement étant similaire à l’amendement AS213, qui a été adopté, je propose de le retirer. Cependant, l’idée d’un rapport annuel sur la gestion des établissements est intéressante, et mérite d’être présentée ultérieurement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je donne un avis défavorable à ces amendements, qui conduiraient à multiplier les interlocuteurs. Les éducateurs et les personnes investies dans la protection de l’enfance insistent sur le fait que les enfants en ont déjà beaucoup. En ajouter un pourrait être contre-productif.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Il ne s’agit pas de multiplier les acteurs mais d’offrir la possibilité aux enfants de s’entretenir avec une tierce personne.

L’amendement AS415 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS63.

Puis elle est saisie de l’amendement AS426 de Mme Annie Vidal.

M. Didier Martin. L’amendement précise que la maltraitance peut être « d’origine individuelle, collective ou institutionnelle, au sens du vocabulaire partagé établi par la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance ». Il semble utile d’ajouter une telle précision au texte.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable, compte tenu de l’adoption cet après‑midi de l’amendement AS431 de Mme Vidal.

M. le secrétaire d’État. L’amendement est en effet satisfait par l’adoption de l’amendement AS431.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AS383 de Mme Florence Provendier et AS253 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Perrine Goulet. L’amendement AS383 est défendu.

Mme Isabelle Santiago. Mon amendement précise que la stratégie de maîtrise des risques de maltraitance comprend l’organisation d’entretiens du jeune placé avec un tiers, à un rythme au moins annuel. Parfois, les jeunes n’ont pas de bonnes relations avec les éducateurs. Il importe donc qu’une tierce personne puisse échanger avec eux. En tout cas, je partage cette idée innovante présentée par l’association Repairs!.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées précédemment.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Le schéma d’organisation sociale et médico-sociale est un document-cadre stratégique dans lequel la mesure proposée ne trouve pas vraiment sa place. Par ailleurs, nous avons adopté les amendements AS498 et AS213, relatifs à l’identification d’une autorité tierce extérieure à la structure et indépendante du département, qui offre une possibilité supplémentaire pour les enfants d’avoir un interlocuteur.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement AS254 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. L’amendement, également proposé par l’association Repairs!, prévoit que le président du conseil départemental présente un rapport annuel sur la gestion des établissements, qui recense notamment les événements indésirables graves. Une telle transparence est importante, compte tenu des difficultés rencontrées dans les départements en l’absence d’une politique volontariste. Il s’agit là d’améliorer les politiques publiques pour l’accueil des enfants.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable car nous aurons un référent en matière de violences.

M. le secrétaire d’État. Les établissements et services sociaux et médico‑sociaux ont déjà l’obligation de signaler les événements indésirables graves à leur autorité administrative de tutelle, en vertu des articles L. 331-8-1 et R. 331-8 du code de l’action sociale et des familles.

Par ailleurs, j’ai demandé aux préfets de veiller, d’une part, à ce que chaque département soit bien doté d’un plan d’évaluation et de contrôle des établissements et, d’autre part, qu’il existe bien une procédure de remontée des incidents graves et préoccupants.

En 2019, la moitié des préfets ont eu connaissance de la mise en œuvre d’une procédure de signalement par le conseil départemental. Trois cent soixante-huit événements ont été signalés par les départements aux préfets – il existe des disparités entre les départements. Les suites données par les conseils départementaux à ces incidents sont principalement des inspections et des contrôles, notamment des contrôles conjoints des conseils départementaux et des préfets ou de l’agence régionale de santé (ARS), des retraits d’agrément ou des licenciements de personnel, des fermetures provisoires ou définitives des établissements ou des signalements au procureur de la République. Dans 35 % des cas, le préfet a estimé que la réponse n’était pas satisfaisante et a été plus loin que les mesures prises par le conseil départemental. Lorsque les départements disposent de plans de contrôle, ceux‑ci prévoient, dans trois quarts des cas, des visites inopinées dans les établissements.

La demande a été réitérée chaque année. J’attends les remontées des préfets pour l’année 2020, car les préfectures étaient un peu débordées du fait de la crise sanitaire.

Mme Isabelle Santiago. Entre ce qui est demandé par l’État et la réalité sur le terrain, l’écart est important. Je ne pense pas au Val‑de‑Marne, où la question ne se pose pas car nous avons tout ce qu’il faut pour travailler correctement. Mais les inégalités entre départements sont telles que l’on se demande s’il ne conviendrait pas de légiférer pour renforcer la colonne vertébrale de la politique de protection de l’enfance au niveau de l’État et pousser ainsi les départements dans leurs retranchements, car les défaillances y sont nombreuses.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques AS352 de M. Paul Christophe et AS420 de Mme Perrine Goulet.

M. Paul Christophe. L’amendement vise à faire du non‑respect de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance inscrite dans le projet d’établissement un motif de retrait de l’agrément permettant de recevoir des bénéficiaires de l’ASE.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les amendements sont satisfaits car l’article L. 313‑9 du code de l’action sociale et des familles permet déjà de retirer son agrément à un établissement dans lequel des événements graves et contraires à ses engagements se seraient déroulés.

M. le secrétaire d’État. Les amendements sont en effet satisfaits. D’ailleurs, certains établissements se sont déjà vu retirer leur agrément. Ce pouvoir appartient au président du conseil départemental ainsi qu’au préfet.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 5 modifié.

 

Après l’article 5

La commission examine l’amendement AS413 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. On constate au quotidien un manque criant de contrôles dans les établissements chargés de la protection de l’enfance. Avec M. Ramadier, nous l’avons signalé dans notre rapport relatif à l’ASE. Or les choses évoluent peu. Dès lors, il apparaît essentiel que l’État et les départements contrôlent conjointement l’ensemble de ces établissements au moins tous les trois ans – vous venez de dire, monsieur le secrétaire d’État, que l’État exerçait de nouveau son rôle en matière de protection de l’enfance ; il faut qu’il continue dans cette voie. Il me paraît invraisemblable que l’exigence de contrôle ne soit pas aussi élevée pour un foyer de l’enfance que pour un centre de vacances.

La Cour des comptes et la Défenseure des droits préconisent une telle avancée. Cette proposition figure d’ailleurs à la page 21 de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, que vous avez-vous‑même présentée, monsieur le secrétaire d’État. J’espère donc un avis favorable de votre part. Il faut que l’État et les départements réalisent des contrôles conjoints.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les établissements sont déjà contrôlés tous les cinq ans, lors du renouvellement de leur autorisation. Je crains que les contrôles ne soient pas réalisables si l’on raccourcit ce délai. J’émets donc un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Sauf erreur, madame Goulet, il n’est pas question, dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, de la périodicité des contrôles réalisés conjointement par l’État et les départements.

Le dispositif que nous bâtissons avec l’article 5, modifié par les amendements identiques que vous avez adoptés, constitue un socle suffisant. Il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi le rythme triennal que vous proposez. Grâce aux différents articles du projet de loi, nous nous doterons d’une véritable stratégie de maîtrise des risques et d’un schéma d’organisation. Il doit y avoir une culture commune, et chacun – l’État, les départements, les établissements – doit prendre ses responsabilités à son niveau et exercer davantage ses fonctions en matière de prévention, de maîtrise des risques et de contrôle. Le ministre de l’intérieur et moi-même avons demandé aux préfets de se réinvestir en la matière.

Mme Perrine Goulet. Je peux comprendre que la périodicité prévue vous ennuie. En revanche, j’aimerais connaître votre avis sur le principe de contrôles conjoints de l’État et du département.

Les services de l’État peuvent effectuer des contrôles dans les centres aérés et les centres de vacances, mais non dans les établissements chargés de la protection de l’enfance, car cela ne relève pas de leur compétence. Il importe de réintroduire l’État dans ces contrôles.

Mme Isabelle Santiago. Je regrette que notre amendement AS257 ait été déclaré irrecevable. Il visait à un partage de la responsabilité entre le département et les associations qui gèrent les établissements, en cas de fermeture consécutive à un contrôle.

Les départements contrôlent les établissements, même si peu d’entre eux vérifient aussi leur qualité. Les contrôles sont une bonne chose, mais lorsqu’un département décide la fermeture d’un établissement le temps que des travaux soient réalisés, il doit en assumer seul la responsabilité : il lui revient de tout financer, y compris les éventuels problèmes de gestion du personnel, ce qui représente une lourde charge et implique un budget supplémentaire. Ainsi, la fermeture pour six mois d’un établissement a coûté 1 million d’euros à mon département. Je souhaitais la fermeture définitive de l’établissement, mais les services m’ont fait valoir qu’elle aurait coûté 3 millions d’euros et que le département aurait dû en outre reclasser le personnel.

J’ai beaucoup de respect pour tous les acteurs, mais il est arrivé que de grandes associations gestionnaires, qui reçoivent de l’argent public, ne travaillent pas correctement. Or elles ne sont jamais mises à contribution. On n’a pas trouvé de solution à ce problème ; on tourne en rond. Je me permets de signaler notre proposition, car le Gouvernement peut présenter plus facilement des amendements.

M. le secrétaire d’État. Madame Goulet, les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités peuvent déjà effectuer, à la demande du préfet, des contrôles dans les structures, conjointement avec les départements.

Madame Santiago, nous avions évoqué ensemble la question que vous soulevez. J’ignorais que votre amendement avait été déclaré irrecevable. Je suis prêt à en discuter de nouveau avec vous ; je ne suis pas insensible à vos arguments.

L’amendement est retiré.

Article 6 : Référentiel national pour le traitement des situations de danger

La commission examine l’amendement AS398 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Nous l’avons relevé à plusieurs reprises aujourd’hui, la protection de l’enfance est une politique interministérielle. Il faut donc que l’ensemble des professionnels susceptibles d’être en contact avec les enfants soient formés au recueil des informations préoccupantes. C’est ce que je vous propose par cet amendement, qui prévoit la délivrance de formations ad hoc non seulement aux travailleurs sociaux – il importe que ceux‑ci soient de nouveau formés, puisqu’un nouveau référentiel sera adopté –, mais aussi aux enseignants et aux médecins. Les modalités seraient précisées par arrêté. Nous avons déjà évoqué la nécessité d’une formation ; il me semble indispensable de la réaffirmer.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Sur le fond, je suis tout à fait favorable à votre proposition : en tant qu’enseignante, j’aurais aimé recevoir une formation relative aux informations préoccupantes. Toutefois, votre demande sera partiellement satisfaite par le travail engagé autour du référentiel de la HAS ; un webinaire sera organisé et des modules seront bientôt disponibles. En outre, le droit prévoit déjà une formation des professionnels qui composent les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Certes, le champ de votre amendement est plus large. Enfin, celui-ci laisse planer un doute quant aux responsabilités respectives dans cette formation.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. le secrétaire d’État. J’émets moi aussi un avis défavorable. La question de la formation ne relève pas nécessairement du domaine de la loi. Par ailleurs, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) incluront dès 2021, dans leurs catalogues de formations respectifs, des actions de formation portant sur la mise en œuvre du référentiel. L’École nationale de la magistrature (ENM), quant à elle, a déjà produit des modules de formation à ce sujet.

L’éducation nationale avance elle aussi, non seulement sur les formations, mais aussi sur la question du recueil des informations préoccupantes. Vous le savez, l’école est un lieu important pour le recueil de ces informations, lesquelles remontent néanmoins de manière quelque peu hétérogène sur le territoire. Le ministre de l’éducation nationale a donc engagé un travail d’harmonisation pour que les remontées se fassent selon une même procédure.

Le groupement d’intérêt public (GIP) prévu à l’article 13 sera responsable de la formation de tous les professionnels de la protection de l’enfance, notamment des travailleurs sociaux. Les formations porteront sur le référentiel de la HAS, qui fait l’objet de l’article 6, mais pourront aussi concerner d’autres sujets, selon la manière dont le GIP souhaitera s’organiser.

Mme Perrine Goulet. Vous venez de le dire, monsieur le secrétaire d’État, chacun – le CNFPT, l’ENPJJ... – aura son propre référentiel. Or il importe désormais de créer des outils communs. Dans la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, vous aviez vous‑même souligné la nécessité de créer des outils communs pour les CRIP, les centres de ressources autisme, les centres de référence des troubles du langage et des apprentissages et les maisons départementales des personnes handicapées, afin que la situation de l’enfant soit envisagée dans sa globalité. Mon amendement vise précisément à ce que tous les acteurs aient une manière commune de considérer les enfants, d’analyser et de traiter les problèmes et de développer une approche ethnoclinique des personnes qu’ils ont en face d’eux, afin d’éviter les erreurs d’évaluation.

Certes, il y aura le référentiel de la HAS, et le webinaire sera utile, mais une formation permettant un partage des pratiques serait plus intéressante. Je trouve dommage que vous n’en conveniez pas, car nous disposions là d’un levier réel pour faire évoluer les choses, dans l’intérêt des enfants. Je vous avoue que je suis un peu déçue.

M. le secrétaire d’État. Ne soyez pas déçue, madame Goulet. La démarche que vous préconisez est précisément celle qui est engagée, notamment avec le référentiel national d’évaluation des situations de risque.

Celui-ci trouve son origine, je le rappelle, dans le rapport inter-inspections relatif aux morts inattendues de nourrissons. C’est dans ce rapport que figurait cette statistique terrible : tous les cinq jours, un enfant meurt sous les coups de ses parents. Selon ce rapport, la mort de certains nourrissons aurait pu être évitée si les différentes personnes qui les entouraient et avaient repéré des signaux faibles s’étaient parlé et s’étaient coordonnées ; additionnés, ces signaux faibles seraient devenus un signal fort. Le constat est assez sévère.

Le rapport recommandait précisément le développement d’une culture commune et l’élaboration d’un référentiel, travail qu’Agnès Buzyn et moi‑même avons confié à la HAS. Ce référentiel s’adressera à tous : aux professionnels des CRIP, aux acteurs de la petite enfance et des secteurs sanitaire, social et médico-social, à ceux du secteur des loisirs, à la police et à la gendarmerie, à la justice. Tous sont en train de s’en emparer. L’ENM, je l’ai dit, propose déjà des formations à ce sujet.

La question du handicap et celle de l’autisme ont bien été intégrées dans le référentiel. Les CRIP doivent comprendre une personne spécialisée en matière de handicap ou faire appel à des ressources spécialisées lorsque l’enfant ou ses parents souffrent d’un handicap ou d’un trouble du spectre autistique (TSA). Pour quelqu’un qui n’est pas formé, certains symptômes du TSA peuvent s’apparenter à un délaissement parental, ce qui a pu donner lieu à des placements injustifiés, sinon abusifs.

Il est très important que vous inscriviez ce référentiel dans la loi. Toutes les associations compétentes en matière de handicap et d’autisme le saluent. Il s’agira de trois gros livrets et d’une boîte à outils comprenant huit documents. C’est un travail tout à fait sérieux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS183 de Mme JeanMichel Clément.

Mme Martine Wonner. L’amendement vise à dispenser les départements ayant déjà construit et adopté un référentiel d’utiliser celui de la HAS. Je comprends votre intention d’harmoniser, mais il me paraît un peu excessif d’adopter un référentiel unique, sans tenir compte des outils dont les acteurs se servent déjà sur le terrain.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le référentiel de la HAS s’inspire de celui du centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui était largement utilisé par les départements. Vous comprendrez que je ne puisse pas donner un avis favorable, puisque nous entendons précisément harmoniser les pratiques à l’échelle nationale.

M. le secrétaire d’État. Ce référentiel était effectivement utilisé par une soixantaine de départements. Le CREAI de la région Auvergne-Rhône-Alpes est en train de cesser son activité et les formations relatives à ce référentiel ne sont plus dispensées, ce qui inquiète certains départements. Le référentiel de la HAS n’est pas du tout contradictoire avec celui du CREAI. La HAS a associé les parties prenantes, notamment de nombreux départements, à son évaluation. La transition vers ce nouveau référentiel se fera sans difficulté.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS301 de Mme Michèle de Vaucouleurs et AS275 de Mme Christine CloarecLe Nabour.

Mme Michèle de Vaucouleurs. S’il est opportun de faire valider tout référentiel par un avis de la HAS afin de s’assurer de l’existence d’un socle commun et d’un niveau d’exigence élevé, il convient de prévoir la fixation par décret de plusieurs référentiels d’évaluation des situations de risque. Une telle souplesse permettrait d’introduire ultérieurement d’autres référentiels qui démontreraient leur pertinence, qu’ils émanent ou non de la HAS, et sans qu’il soit nécessaire de modifier la loi.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Il ressort des auditions que les médecins ont émis des critiques sur le référentiel de la HAS : ils jugent qu’il n’est pas assez empirique, qu’il ne tient pas suffisamment compte des évolutions du secteur, des remontées du terrain, des bonnes pratiques et des spécificités des territoires. Il convient de s’assurer que les innovations et les spécificités des territoires seront bien prises en considération.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Ces deux amendements tendent à exclure la HAS de la procédure. Je rappelle que celle-ci est saisie pour avis, mais que c’est bien le Gouvernement qui fixe le référentiel par décret. Par ailleurs, il semble particulièrement rassurant qu’une autorité scientifique soit saisie sur cette question, car les pratiques de terrain divergent beaucoup, ainsi que l’ont relevé de nombreux rapports. J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, ainsi que sur les amendements similaires qui suivent.

M. le secrétaire d’État. Je suis moi aussi défavorable à tous les amendements qui visent à exclure la HAS de la procédure. On ne peut pas dire que son référentiel ne part pas des réalités du terrain ! Elle y travaille depuis deux ans, et toutes les parties prenantes sont consultées. Une première version du référentiel a été soumise au débat public ; chacun peut apporter sa contribution. Les procédures suivies par la HAS sont solides.

Certains amendements prévoient la création d’un comité de suivi. Or les procédures de révision et d’actualisation du référentiel de la HAS sont déjà prévues. Évitons des doublons qui risqueraient d’affaiblir la force scientifique de ce référentiel.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’ai bien compris l’intérêt d’un référentiel unique, mais pourquoi se priver de la possibilité d’en retenir d’autres, que la HAS pourrait être amenée à valider ultérieurement ? Il faut se laisser la souplesse nécessaire pour pouvoir basculer, le cas échéant, d’ici trois ou cinq ans, sur un autre référentiel sans qu’il soit nécessaire de passer par la loi.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Je vais retirer l’amendement, mais je voulais m’assurer que la HAS déterminait le référentiel en fonction des bonnes pratiques des acteurs de la protection de l’enfance.

M. le secrétaire d’État. C’est le cas, madame Cloarec-Le Nabour.

L’ensemble du secteur, notamment le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), réclame un référentiel unique depuis très longtemps. Jusqu’à tout récemment, un enfant n’était pas considéré en danger de la même façon selon qu’il vivait à Lille ou à Marseille. Il est donc important, je l’affirme haut et fort, de disposer d’un tel référentiel. Par ailleurs, celui‑ci sera fixé par décret après avis de la HAS. Mais je ne pense pas que nous devions retenir des référentiels qui concurrenceraient celui que nous avons mis tant de temps à établir.

L’amendement AS275 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS301.

Elle en vient à l’amendement AS351 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Je partage l’objectif de fixer un référentiel commun, tant attendu dans nos territoires, mais je reconnais m’être aussi demandé pourquoi la HAS serait la seule entité consultée. Cependant, suite aux explications du secrétaire d’État, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS214 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Nous proposons que le référentiel de la HAS, une fois stabilisé, soit transféré, à partir de 2025 par exemple, au GIP pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles. D’ici cette date, le GIP aura en effet renforcé ses compétences et pourra utilement faire évoluer le référentiel.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable. Nous devons laisser au GIP le choix des sujets sur lesquels il souhaite travailler.

M. le secrétaire d’État. Le GIP sera responsable de la formation liée au référentiel. Je ne comprends pas : celui-ci a été élaboré selon les procédures les plus strictes, celles de la HAS. Pourquoi nous priverions-nous de la force scientifique de cette méthode éprouvée ? Le GIP travaillera sans doute sur beaucoup d’autres référentiels ; en l’espèce, préservons la force du label de la HAS.

Mme Perrine Goulet. Il n’est pas question de remettre en cause la portée du référentiel établi par la HAS. Mais si l’on crée un GIP dédié aux politiques de l’enfance, il serait logique de lui confier la gestion de l’ensemble des référentiels. Au demeurant, rien ne l’empêcherait de s’appuyer sur la HAS ; nous aurions tout à gagner à fédérer l’ensemble des acteurs autour de ce référentiel. Que l’on ait besoin de quelques années pour le consolider, soit. Mais à terme, d’autres acteurs pourraient intervenir dans ce domaine, d’autant que la HAS a sans doute une moindre connaissance des besoins des enfants concernés. Ce serait une force de rassembler tout le monde autour de la table. Je ne partage pas vos réticences.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS133 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. L’amendement tend à ce que les personnels soient régulièrement formés au référentiel national d’évaluation des situations à risque pour la protection de l’enfance.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Même si je suis très favorable à la formation, avis défavorable pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

M. le secrétaire d’État. L’amendement est satisfait. Le projet d’établissement ou de service comportera un volet formation qui s’appuiera sur le référentiel de la HAS. Je vous invite donc à retirer l’amendement ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AS499 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, AS434 de Mme Florence Provendier et AS135 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. J’avais déposé cet amendement d’appel pour insister sur la nécessité de former les professionnels à ce référentiel particulièrement volumineux. Compte tenu de ce qui a été dit à ce sujet, je le retire.

Mme Florence Provendier. Les lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 ont structuré en profondeur le dispositif de réception et de traitement des informations préoccupantes en imposant notamment qu’une évaluation soit réalisée de manière pluridisciplinaire dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’information. Toutefois, ces dispositions sont appliquées de façon hétérogène. Ainsi, si 77 % des départements indiquent réaliser l’évaluation dans le délai de trois mois, de nombreux acteurs soulignent que le délai peut être largement supérieur, notamment pour les cas les plus complexes. Les données relatives aux situations liées à une information préoccupante et évaluées semblent également très lacunaires alors qu’elles représentent l’un des principales sources de connaissance des besoins en prévention et protection de l’enfance.

Le nouveau référentiel de la HAS, qui résulte de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, constitue le premier cadre national de référence pour l’évaluation globale de la situation des enfants en danger ou en risque de danger. Il s’adresse à de nombreux acteurs de la protection de l’enfance, notamment aux professionnels des CRIP et des équipes pluridisciplinaires d’évaluation. L’application de ce référentiel nécessitant une appropriation par ces différents acteurs, l’amendement prévoit que sa prise en compte soit évaluée un an après l’entrée en vigueur de la loi.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons que le Parlement contrôle le contenu du référentiel dont l’objectif doit être la protection de l’enfance. Il ne doit pas être un outil de contrôle social et répressif. C’est pourquoi nous proposons que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le contenu de la formation et son appropriation par les équipes pluridisciplinaires de professionnels.

M. le secrétaire d’État. Il est déjà prévu qu’un rapport soit élaboré, dans un délai de six mois, en lien étroit avec le comité de suivi du déploiement du référentiel, piloté par la HAS. Il associera le ministère de la justice, celui des solidarités, l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé, l’ADF et l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE). Les amendements sont donc satisfaits.

M. Guillaume Chiche. Je profite de cette discussion pour évoquer un autre amendement, relatif au référentiel national de la HAS, qui a été déclaré irrecevable. Dans la mesure où ce référentiel n’a jamais été expérimenté, il aurait été souhaitable d’installer un comité de suivi regroupant notamment les associations d’anciens enfants placés ou victimes, afin d’en évaluer l’efficacité au bout d’un an.

Les amendements AS499 et AS434 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS135.

 

Enfin, elle adopte l’article 6 sans modification.

TITRE III 
AMÉLIORER LES GARANTIES PROCÉDURALES EN MATIÈRE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

 

Article 7 : Recours à la collégialité en matière d’assistance éducative

La commission examine l’amendement AS433 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. L’amendement tend à préciser que le renvoi à la formation collégiale peut se faire à tout moment de la procédure.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis très favorable à cette précision utile.

M. le secrétaire d’État. Il était prévu de prendre cette disposition par décret ; je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS138 de M. François Ruffin, AS432, AS97 et AS95 de M. Didier Martin, AS216 de Mme Perrine Goulet et AS36 de M. Alain Ramadier.

Mme Danièle Obono. L’amendement AS138 vise à préserver l’esprit de l’ordonnance de 1945 en son principe de spécialisation de la justice des mineurs. Si le recours à la collégialité est toujours une garantie supplémentaire pour les justiciables, en particulier pour les enfants, la collégialité doit respecter le principe de la spécialisation de la justice des enfants. Aussi le collège devrait-il être composé exclusivement de juges des enfants.

M. Didier Martin. Afin de garantir que la formation collégiale sera composée, dans la mesure du possible, de magistrats spécialisés, l’amendement AS432 tend à indiquer qu’elle sera composée en priorité de juges du tribunal judiciaire exerçant ou ayant exercé précédemment les fonctions de juge des enfants en matière civile et pénale ou de juge aux affaires familiales.

L’amendement AS97 vise à rendre possible le recours à des juges provenant de juridictions limitrophes pour garantir la collégialité lorsque les juges spécialisés sont en nombre insuffisant dans une juridiction ainsi qu’à fixer la composition de la formation collégiale.

Quant à l’amendement AS95, il tend simplement à ce qu’en cas de nombre insuffisant de juges spécialisés au sein de la juridiction, la collégialité soit garantie par le recours à des juges provenant de juridictions limitrophes.

Mme Perrine Goulet. Si une juridiction comporte moins de deux juges des enfants, il est important de pouvoir faire appel aux magistrats des juridictions limitrophes pour former le collège précédemment mentionné.

J’en profite pour signaler que nous avions déposé un amendement visant à rendre obligatoire la présence d’un avocat en cas d’intervention de la formation collégiale, en raison de la complexité supposée de l’affaire. Hélas, il a été déclaré irrecevable.

M. Alain Ramadier. Mon amendement vise à garantir la présence d’un autre juge des enfants dans la formation collégiale prévue à l’article 7. En effet, le juge des enfants est un magistrat spécialisé et le fait de recourir à d’autres magistrats sans garantie que ceux-ci soient compétents en la matière pourrait nuire à l’intérêt de la mesure.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. S’agissant des amendements visant à restreindre la collégialité aux seuls juges des enfants ou aux juges des enfants et aux juges aux affaires familiales, je me suis également posé la question du sort réservé aux petits tribunaux judiciaires, dont vingt‑quatre ne comptent qu’un seul juge des enfants. Les échanges que j’ai eus avec les personnes auditionnées m’ont rassurée. En effet, certains tribunaux, comme celui de Bordeaux, font appel, en cas de besoin, aux juges des enfants ou aux magistrats des tribunaux judiciaires, dont certains ont précédemment exercé la fonction de juge des enfants.

M. le secrétaire d’État. En effet, le code de l’organisation judiciaire laisse à l’appréciation du tribunal, notamment de son président, l’organisation de ces formations collégiales, qui trouvent leur origine dans une recommandation du rapport conjoint des inspections générales sur les morts violentes au sein des familles, remis en avril 2019. Il est évident que les juges des enfants et les juges aux affaires familiales seront mobilisés en priorité.

Certaines juridictions procèdent déjà ainsi pour les dossiers complexes, le plus souvent à la demande des juges eux-mêmes. Ceux-ci peuvent se sentir isolés et avoir besoin d’un regard croisé. Nous proposons d’institutionnaliser cette pratique.

Dans la mesure où vingt-quatre tribunaux judiciaires comptent un seul juge des enfants, il faut laisser la faculté, madame Obono, de recourir à d’autres juges, en priorité ceux aux affaires familiales. Monsieur Martin, madame Goulet, faire appel à des juges de juridictions limitrophes contreviendrait à un principe de l’organisation judiciaire, lequel ne souffre que quelques dérogations, strictement encadrées. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements.

Les amendements AS432, AS97, AS95 et AS216 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements AS138 et AS36.

Enfin, elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La commission examine l’amendement AS217 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Je propose que, dans le cadre du projet pour l’enfant (PPE), on prenne en compte les relations que celui-ci entretient avec ses parents et que la compétence des parents soit évaluée en fonction d’un référentiel national, fixé par décret.

Il ne s’agit pas là de faire preuve de défiance à l’égard de la capacité des parents, mais de tenir compte de la situation d’enfants qui passent dix-huit ans dans les foyers de l’enfance ou dans les familles d’accueil, sans aucune autre solution et sans perspective de retour chez leurs parents.

La notion de compétence parentale figurait dans le rapport d’information sur l’ASE que nous avons remis, avec Alain Ramadier, il y a deux ans et nous l’avons évoquée lors de l’examen de la proposition de loi de Monique Limon sur la réforme de l’adoption. J’ai bien compris qu’elle ne pouvait servir à déterminer une adoption éventuelle, mais il est important que cette notion figure dans le PPE. Ainsi, si l’on conclut à une capacité parentale, un accompagnement pourra être mis en place auprès des parents pour les faire évoluer et envisager un retour de l’enfant dans sa famille.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Est-ce parce que vous craignez que le nouveau GIP s’ennuie que vous lui confiez la rédaction d’un nouveau référentiel ? Il me semble que votre intention est satisfaite par celui de la HAS. Je vous renvoie à cet égard à la recommandation de bonne pratique qu’elle a publiée le 20 janvier. Le cadre national de référence pour l’évaluation globale de la situation des enfants en danger ou risque de danger comprend notamment un guide d’accompagnement à l’évaluation, destiné aux professionnels chargés d’évaluer la situation d’un enfant ou d’un adolescent à la suite d’une information préoccupante, qui prévoit une analyse globale de la situation partagée avec la famille.

De plus, le PPE comporte déjà des dispositions relatives aux relations avec les parents. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Le projet pour l’enfant tient compte de cette évaluation : il s’agit d’identifier les difficultés mais aussi les leviers qui peuvent exister auprès des parents pour définir les mesures d’accompagnement des titulaires de l’autorité parentale. L’objectif est bien que l’enfant puisse revenir dans sa famille, lorsque c’est possible et dans son intérêt. L’amendement est donc satisfait.

Mme Perrine Goulet. Non, madame la rapporteure, je ne crains pas que le GIP s’ennuie, mais son objet n’est-il pas d’être le garant des référentiels, donc de l’égalité de traitement des enfants sur l’ensemble du territoire ?

Par ailleurs, vous évoquez le référentiel de la HAS mais il s’agit, ici, des enfants déjà placés sous la protection du département et pour lesquels il convient d’établir un projet. Il est important qu’un chapitre de ce PPE soit consacré à l’enfant. On y évalue certes ses relations avec ses parents, mais pas la capacité de ces derniers à élever un enfant.

Monsieur le secrétaire d’État, vous expliquez que l’amendement est satisfait. Pourquoi donc ne pas inscrire la compétence parentale dans le PPE ? Une fois encore, celle-ci serait évaluée selon un référentiel national, garant de l’égalité de traitement des enfants sur le territoire.

Mme Isabelle Santiago. La réalité, c’est qu’il existe des enfants qui, pour diverses raisons, notamment liées à la santé mentale d’un parent, ne retourneront jamais dans leur famille. Pourtant, ils doivent repasser chaque année devant le juge et s’entendre dire que le retour auprès de leurs parents est impossible. Il convient de leur donner un cadre sécurisant pour leur permettre de se construire un avenir. C’est l’objet de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AS410 de Mme Perrine Goulet, AS117 de Mme Danièle Obono ainsi qu’AS142 et AS143 de M. Erwan Balanant.

Mme Perrine Goulet. Nous avons déjà évoqué tout l’intérêt qu’aurait l’attribution d’un avocat aux mineurs concernés par une mesure d’assistance éducative. En effet, il défendrait les intérêts propres de l’enfant, non ceux des parents ou de l’ASE ; il est un tiers stable quand le juge des enfants ou les éducateurs changent de poste ou d’attribution ; il recueille la parole du mineur dans un lieu sûr et est en mesure de distinguer si celui‑ci est victime de crimes ou de délits ; il peut comprendre les mécanismes familiaux et exprimer les souhaits de l’enfant pour son avenir.

En outre, j’en ai discuté avec certains juges, la présence d’un avocat permet de sortir le magistrat de son isolement et d’alléger le poids de la décision. Enfin, généraliser à terme l’attribution d’un conseil aux mineurs entraînerait une spécialisation des avocats : cela ferait émerger une filière, elle-même génératrice de nouveaux droits pour les enfants.

Pour éviter l’irrecevabilité d’une telle proposition, je propose une expérimentation d’une durée de trois ans. Elle se déroulerait dans les juridictions où le taux de placement est supérieur ou égal à 1,5 jeune accueilli pour 100 jeunes de moins de 21 ans, notamment celles dont l’emprise porte sur les départements de la Nièvre, de l’Yonne, du Nord, du Pas-de-Calais ou de la Martinique.

Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) le montrent : le taux de placement peut être quatre fois supérieur d’un département à l’autre ! Comment l’expliquer ? Il est nécessaire qu’un tiers puisse s’interposer entre l’enfant, l’ASE et le juge et vérifier ce qui se passe. Étudier les conséquences d’une telle mesure sur le taux de placement dans ces départements permettrait précisément d’objectiver la généralisation de la présence d’un avocat auprès des mineurs concernés.

Mme Danièle Obono. Quelle que soit la forme qu’on donne à l’amendement pour permettre sa recevabilité – nous proposons pour notre part un rapport –, il nous semble important d’avancer dans cette voie, l’avocat étant le plus à même de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette représentation existe, mais elle est soumise, en l’état actuel du droit, à deux conditions : l’enfant doit en faire la demande et être capable de discernement.

À l’instar du Conseil national des barreaux et du CNPE, nous pensons que la présence systématique d’un conseil auprès du mineur entrant dans un parcours d’assistance éducative est nécessaire pour assurer une égalité de traitement, épauler l’enfant dans ses démarches et le soutenir dans l’expression de sa parole et de ses besoins fondamentaux.

M. Erwan Balanant. Je m’étonne que plusieurs de mes amendements aient été déclarés irrecevables. Je m’explique mal en particulier le sort qui a été réservé à l’un d’eux, qui n’avait rien de réglementaire puisqu’il visait à modifier le code civil – mais sans doute le commissaire aux lois que je suis a‑t‑il du mal à saisir les subtilités de la commission des affaires sociales. Par ces amendements, de repli donc, je propose des rapports.

La présence d’un avocat est très importante puisqu’elle permet à l’enfant placé dans une situation difficile, qui peut craindre de s’exprimer seul face au juge, d’expliquer son vécu et de dire ses préoccupations. Ce tiers, qui aura recueilli la parole du mineur, pourra la restituer lors d’une nouvelle rencontre dans le bureau du juge. Il conservera en quelque sorte l’histoire de l’enfant et sera en mesure de résumer la situation et d’établir plus facilement le lien avec le magistrat.

Les avocats de l’enfant n’existent pas dans notre pays. Comme l’a expliqué Perrine Goulet, la généralisation de la présence d’un conseil auprès des mineurs concernés par une mesure d’assistance éducative entraînera une spécialisation, ce qui est une bonne chose.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je partage votre préoccupation. La présence d’un avocat doit‑elle être systématique ? La question mérite d’être discutée. Je crois, pour ma part, qu’elle devrait être laissée à l’initiative du juge et non plus demandée par l’enfant, car les mineurs ignorent trop souvent ce droit. Un certain nombre d’amendements allant en ce sens, vous l’avez dit, avaient été déposés, dont l’un par le groupe La République en Marche.

Je souhaiterais donc travailler, d’ici à la séance, avec le secrétaire d’État sur un dispositif national. Dans cette perspective, vos amendements me semblent moins‑disants. Je vous suggère donc de les retirer.

M. le secrétaire d’État. Nous avons déjà eu ce débat. Ici, monsieur Balanant, le rôle du juge est différent de ce qu’il est dans d’autres matières : il est de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, et de le protéger, et non de régler un conflit entre deux parties.

La formation des avocats aux questions liées aux mineurs est un sujet important. Jusqu’à présent, elle était assez aléatoire, liée aux sessions de formation continue proposées aux avocats. Elle est désormais intégrée à la formation initiale. Ainsi, madame Goulet, la filière que vous appelez de vos vœux va pouvoir se développer.

Vous soulevez par ailleurs une question intéressante : quel repère, ou quelle norme, prendre en compte pour déterminer les juridictions où doit être menée l’expérimentation que vous proposez ? Je doute que la proportion plus ou moins élevée de placements dans certains départements soit liée à la présence ou non d’un avocat ou à la manière dont le juge prend en considération l’intérêt de l’enfant. Même si ce n’est pas politiquement correct de le dire, j’estime que, dans certains départements – vous avez cité l’outre‑mer –, des facteurs sociologiques poussent à placer davantage. Dans d’autres départements, les politiques mises en œuvre afin que les familles adhèrent davantage au dispositif, notamment à travers des mesures en milieu ouvert, permettent d’éviter le placement. C’est le cas de la Moselle, qui a réussi à déjudiciariser le système.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements, mais nous allons travailler d’ici à la séance et nous en débattrons donc à nouveau.

Mme Perrine Goulet. Vous estimez, madame la rapporteure, qu’une expérimentation serait moins‑disante par rapport à un dispositif qui s’appliquerait sur l’ensemble du territoire. Mais vous avez évoqué à plusieurs reprises un amendement qui permettrait au juge de nommer un avocat. Où est‑il ? Nous n’en disposons pas. Au reste, l’un n’empêche pas l’autre : une telle mesure serait parfaitement compatible avec une expérimentation menée dans les départements qui ont les plus hauts taux de placement.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, pour l’heure, nous ne savons pas si la présence d’un avocat influencerait, ou pas, le taux de placement. Mais, sans expérimentation, nous ne le saurons jamais ! Tous les groupes ont déposé des amendements à ce sujet. C’est donc une préoccupation commune à l’ensemble des courants politiques. On ne peut pas ne pas répondre à cette demande de la société et du Parlement.

Je vous invite à envisager cette expérimentation comme un laboratoire de recherche, afin de déterminer lequel d’entre nous a raison. Un taux élevé de placements est-il dû à un biais dans certaines juridictions ou, comme vous l’affirmez, à la configuration sociopolitique du département ? Ni vous ni moi n’avons la réponse à ce jour, mais si nous menons l’expérimentation, nous saurons, dans trois ans, s’il faut, ou non, généraliser la présence de l’avocat auprès de l’enfant. Réfléchissez à mon amendement : il pourrait être un compromis intéressant.

M. Erwan Balanant. Comment procédons-nous habituellement quand nous voulons créer un nouveau dispositif judiciaire ou réformer le fonctionnement d’une juridiction ? Nous proposons une expérimentation dans certains départements. C’est ce que nous avons fait pour la cour criminelle départementale et, à la suite du rapport d’évaluation de la mission « flash » de MM. Savignat et Mazars, nous avons jugé judicieux de pérenniser le dispositif car il est efficace. Nous devons y réfléchir tous ensemble d’ici à la séance. Ce qui a emporté ma conviction, c’est le fait qu’un tribunal, celui de Bobigny, a systématisé la présence de l’avocat auprès de l’enfant.

Enfin, l’impact financier d’une telle disposition étant relativement faible, il ne constitue pas un obstacle.

Mme Perrine Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, vous semblez étonné. Je vous le confirme : un barreau – il s’agit de celui de Nanterre et non de celui de Bobigny – nous a bien indiqué qu’un avocat était systématiquement désigné, et financé par la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. Nanterre est un barreau riche, qui peut se le permettre. Il est dommage qu’un tel dispositif soit réservé aux barreaux qui en ont les moyens, d’où notre plaidoyer en faveur de l’expérimentation. Je vous remercie, monsieur Balanant, de m’avoir rappelé cet excellent argument.

M. Guillaume Chiche. Je soutiens l’amendement de notre collègue Goulet. Certes, le débat concernant l’attribution systématique d’un avocat aux enfants a eu lieu un peu plus tôt dans la journée, mais il est loin d’être épuisé. L’enfant est un sujet de droit et, à ce titre, il doit pouvoir être assisté de manière systématique d’un avocat.

De nombreux députés, membres de différents groupes, ont déposé des amendements en ce sens ; ils ont été jugés irrecevables. Restaient deux possibilités : proposer une expérimentation, comme le fait notre collègue, ou intégrer ici et là, dans diverses dispositions, le recours systématique à l’avocat.

Le Gouvernement compte‑t‑il nous proposer un dispositif d’ici à la séance publique afin que le juge ait la possibilité de désigner un avocat ou que le recours à l’avocat soit systématique pour tous les enfants ? Nous souhaitons savoir sur quel pied danser. En tout état de cause, il serait bon d’adopter la proposition d’expérimentation : si, d’ici à la séance publique, le Gouvernement ou la rapporteure nous soumet un dispositif plus pérenne, nous pourrons revenir sur cet amendement.

M. le secrétaire d’État. Vous avez raison, monsieur Chiche, le débat est loin d’être terminé. Le Gouvernement n’est pas fermé à toute mesure en la matière ; il est défavorable à la systématisation, pour les raisons précédemment exposées, que j’exposerai à nouveau en séance. La présence d’un avocat n’est pas pertinente dans toutes les situations.

Je suis effectivement étonné que ce soit systématique à Nanterre, même pour les mesures d’action éducative en milieu ouvert. Je me renseignerai.

Monsieur Balanant, vous estimez qu’il n’y a pas de problème financier, mais il s’agirait tout de même d’un doublement du montant national de l’aide juridictionnelle.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 8 : Renforcement de l’information du juge

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS15 de M. Alain Ramadier et AS397 de Mme Perrine Goulet.

M. Alain Ramadier. L’article 8 tend à renforcer l’information du juge en cas de modification du lieu de placement de l’enfant afin de mieux sécuriser les procédures. Néanmoins, pour permettre un placement approprié à chaque enfant dépendant de l’ASE, il est nécessaire que cette information soit réalisée dans un délai strict qui n’excède pas un mois et non « dans les meilleurs délais », comme le prévoit le projet de loi. C’est l’objet de notre amendement.

Mme Perrine Goulet. Comme M. Ramadier, j’estime que la rédaction de l’article est trop imprécise mais je souhaite que le délai soit de quarante-huit heures, c’est‑à‑dire beaucoup plus court que celui qu’il propose. En effet, si le juge délègue ses prérogatives de placement à l’ASE, il reste responsable de l’enfant. Il doit donc savoir rapidement où celui‑ci est placé et si le placement est toujours adapté. Il est tout à fait possible de lui adresser un courriel pour lui expliquer que l’enfant a été déplacé dans l’urgence, et lui indiquer où il a été placé. De même, si des frères et sœurs sont séparés alors que le juge avait demandé qu’ils restent ensemble, il est important qu’il en soit informé rapidement et que les services de l’ASE justifient leur choix.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je propose à M. Ramadier de retirer son amendement, au profit de celui de Mme Goulet, qui va dans le sens d’une meilleure information du juge, y compris en cas d’urgence.

M. le secrétaire d’État. Je suis également favorable à l’amendement de Perrine Goulet. Il est en effet nécessaire que l’ASE motive ses décisions. Je suis en revanche opposé au délai de quarante-huit heures qui est proposé : il faut éviter d’imposer une contrainte trop forte qui pourrait s’avérer inopérante. Je suggère donc que cette précision soit supprimée, mais je ne sais pas si Mme Goulet sera d’accord.

Mme Perrine Goulet. Puisque la rapporteure y est favorable, je propose que nous adoptions l’amendement et que M. le secrétaire d’État dépose un amendement en séance publique pour porter le délai à soixante‑douze ou quatre‑vingt‑seize heures. Je maintiens donc l’amendement.

L’amendement AS15 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS397.

Puis elle en vient à l’amendement AS67 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons que la décision de changement de lieu de placement fasse l’objet d’un arrêté du conseil départemental qui en précise les motivations. Dans le cadre de cette procédure, l’enfant bénéficiera de l’accompagnement d’un avocat. Aucun délai n’étant prévu, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous serez favorable à cet amendement.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

Il faut privilégier l’information du juge, en resserrant les délais, comme nous venons de le faire. Demander aux départements de prendre un arrêté à chaque modification du lieu de placement me semble moins opérationnel.

M. le secrétaire d’État. La rédaction d’un arrêté me semble contraignante et risque d’alourdir les procédures. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS140 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’une proposition de l’association Repairs! visant à permettre l’application du droit administratif, notamment en matière de référé‑suspension ou de référé‑liberté, si la situation de l’enfant l’exige. La modification du lieu de placement de l’enfant peut avoir des conséquences extrêmement lourdes car elle l’arrache au tissu affectif et social qu’il a pu créer. Il est donc nécessaire de prévoir qu’une telle décision peut faire l’objet d’un recours. C’est pourquoi nous souhaitons préciser que toute décision de modification du lieu de placement est réputée prise sous l’autorité du président ou de la présidente du conseil départemental.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le service départemental d’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département, comme le précise l’article L. 221‑1 du code de l’action sociale et des familles. Il est placé sous l’autorité du président du conseil départemental en vertu de l’article L. 221‑2 du même code, qui engage sa responsabilité au titre de l’article L. 221‑1‑2. Votre amendement me semble donc satisfait ; je vous invite à le retirer. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons. Les modifications de lieu de placement font désormais systématiquement l’objet d’une information du juge des enfants. Cette nouvelle rigidité administrative n’est donc pas utile.

M. Guillaume Chiche. Je soutiens l’amendement. Une collectivité territoriale sait parfaitement prendre des arrêtés et formaliser des actes administratifs : cela n’alourdira pas le travail des services départementaux. En revanche, cela garantira la possibilité d’un recours contre les décisions de déplacement de ces enfants.

Lors des auditions de la mission d’information sur l’ASE, des personnes, placées lorsqu’elles étaient mineures, nous ont expliqué la violence de ces déplacements d’un département à un autre, voire d’une région à une autre. Même lorsqu’il existe des dispositifs d’accompagnement, de telles ruptures sont particulièrement douloureuses. Il est donc normal de disposer d’un recours contre ces décisions mais, pour être contestable, la décision doit être formalisée.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS19 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. La disposition de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant instaurant le PPE est encore trop rarement respectée. Pourtant, ce projet permet de replacer l’enfant au cœur de son parcours. Afin que le juge puisse statuer au mieux sur le placement d’un enfant, l’amendement précise que le PPE lui est transmis de manière automatique et obligatoire.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’article L. 223‑1‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit la transmission du PPE au juge lorsqu’il est saisi. Dès lors, votre amendement est satisfait et j’en demande donc le retrait. Mais je suis consciente que, malheureusement, la loi n’est pas appliquée dans les départements et que le PPE n’est pas toujours élaboré.

M. le secrétaire d’État. Même avis pour les mêmes raisons, et en faisant le même constat.

M. Alain Ramadier. Je retire l’amendement, mais il faut absolument que la loi soit appliquée s’agissant du PPE.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 8 modifié.

 

Après l’article 8

La commission examine l’amendement AS139 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons renforcer l’obligation qu’a le président du conseil départemental d’informer le juge des enfants. En effet, faute de moyens, les services départementaux ne communiquent que très rarement ou très tardivement leurs informations au juge. Nous proposons donc que cette communication soit assurée de manière régulière.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Cet amendement pose deux problèmes. Tout d’abord, il part du principe que l’enfant dispose nécessairement d’un conseil, ce qui n’est pas nécessairement le cas, comme nous venons de le voir. Ensuite, les modalités d’information du juge par le conseil départemental sont déjà garanties, notamment par le biais de la communication du PPE lors de sa saisine. En l’état, votre amendement me paraît trop large lorsqu’il prévoit la communication par le conseil départemental de toute information, indépendamment de la pertinence du moment de cette transmission. Cela me paraît difficilement réalisable.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

TITRE IV
AMÉLIORER L’EXERCICE DU MÉTIER D’ASSISTANT FAMILIAL

 

Avant l’article 9

La commission est saisie des amendements identiques AS68 de M. Guillaume Chiche, AS144 de Mme Danièle Obono et AS386 de Mme Florence Provendier.

M. Guillaume Chiche. Cet amendement, qui a été travaillé avec l’association Repairs!, prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la pénurie de familles d’accueil. Vous l’aurez compris, cette rédaction avait pour objectif d’échapper aux fourches caudines de la recevabilité financière. Il s’agit d’inciter le Gouvernement à identifier les solutions pour remédier au problème urgent de la pénurie de familles d’accueil.

À titre d’exemple, il serait souhaitable de favoriser les passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, d’une part, et le métier d’assistant familial, d’autre part. En effet, un éducateur de l’ASE qui souhaiterait devenir famille d’accueil doit soit se mettre en disponibilité, soit démissionner, car il ne peut pas cumuler le statut de fonctionnaire avec celui de contractuel de la fonction publique. Or il peut être intéressant que des personnels déjà formés à la protection de l’enfance puissent s’orienter en cours de carrière vers le métier de famille d’accueil.

Mme Danièle Obono. Il nous semble nécessaire d’appeler l’attention du Gouvernement sur cette situation de pénurie, dont il a connaissance. Il faut désormais y apporter des solutions. Rappelons que, depuis 2012, le nombre de familles d’accueil est passé de 50 000 à 45 000. Cette situation est d’autant plus problématique que la fin de l’hébergement des enfants seuls dans des hôtels rend encore urgente la nécessité de disposer d’autres structures d’accueil. C’est la raison pour laquelle nous proposons qu’un rapport au Parlement fasse le point sur la pénurie de familles d’accueil.

Mme Florence Provendier. Comme vous le savez, en dix ans, le nombre de familles d’accueil est passé de 50 000 à 45 000, alors que, dans le même temps, le nombre d’enfants confiés à l’ASE a augmenté de 50 %. Cela soulève deux questions : comment encourager les familles à accueillir des enfants, malgré les évolutions sociétales ? Comment bien accueillir le nombre croissant des enfants confiés à l’ASE ? Compte tenu de l’importance de ces enjeux, il est extrêmement important de disposer d’un constat clair.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous disposons déjà de nombreuses données sur la pénurie de familles d’accueil. Un rapport de la Cour des comptes a été publié en novembre 2020 et, dans le cadre de ses travaux d’analyse sur les professions sociales, la DREES réalise actuellement une grande enquête statistique sur les assistants familiaux, dont les résultats exhaustifs seront publiés en 2022. Nous avons besoin d’assistants familiaux ; il faut donc donner envie à des personnes de s’engager dans cette profession : c’est l’objet de l’article 9 du projet de loi.

M. le secrétaire d’État. Je vais essayer d’être bref et synthétique.

Je vous rassure, monsieur Chiche : le Gouvernement a bien conscience de la pénurie d’assistantes familiales. C’était d’ailleurs le thème d’un des groupes de travail installés dans le cadre de la concertation lancée dès mars 2019, qui a abouti à la stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Ce groupe avait conclu qu’il fallait continuer à travailler à la revalorisation de ce métier et à l’amélioration de son attractivité. Tous les départements sont confrontés à ces difficultés, liées à une pyramide des âges défavorable et à un recrutement insuffisant.

Des concertations ont été menées pendant un an avec les associations et les syndicats d’assistantes familiales ainsi qu’avec les employeurs, publics comme privés – comme vous le savez, un certain nombre de départements délèguent à des associations gestionnaires l’embauche et l’emploi de ces assistantes familiales.

Les dispositions des articles 9 à 11 que nous allons examiner sont le fruit de ces concertations. Elles sont importantes et sont, je crois, bien accueillies par les professionnels concernés. D’autres dispositions ne relevant pas de la loi sont aussi prévues pour revaloriser ce métier ; je donnerai davantage de précisions à leur sujet en séance.

Comme la rapporteure l’a indiqué, la DREES a entamé un travail statistique. Je dispose déjà de certains de ses résultats. En 2019, 52 000 agréments d’assistantes familiales sont en cours de validité, dont 1 500 agréments mixtes – on peut en effet être à la fois assistant familial et assistant maternel. En cinq ans, le nombre total d’agréments d’assistantes familiales a diminué de 5 %, et de 3 % si l’on considère les assistantes familiales à titre exclusif. Cette évolution varie selon les départements, mais on constate une baisse dans six collectivités sur dix.

En 2019, les collectivités ont accordé environ 7 600 agréments d’assistant familial, contre 8 100 en 2018 et 8 300 en 2017. Dans 39 % des cas, il s’agit d’un premier agrément et dans 61 % des cas d’un renouvellement. Par ailleurs, plus de 300 agréments ont été retirés et 200 ont été suspendus.

Au 31 décembre 2019, 36 600 assistants familiaux étaient employés directement par les conseils départementaux et 12 % d’entre eux exerçaient dans un département différent de leur département de résidence. Entre 4 000 et 6 000 assistants familiaux sont employés par les services associatifs habilités, donc par un employeur privé.

En 2016, la moyenne d’âge des assistants familiaux était de 53 ans ; dans 91 % des cas, il s’agit de femmes. Les moins de 45 ans ne constituent que 16 % des effectifs, tandis que les plus de 60 ans en représentent 24 %. On observe une tendance au vieillissement mais aussi à la masculinisation, même si les assistantes familiales restent très largement majoritaires.

Dernier point, très important : entre 2007 et 2019, 21 900 assistants familiaux ont été diplômés. Ils passent de plus en plus le diplôme d’État d’assistant familial. Il convient de se réjouir de cette tendance croissante, qui concourt à la professionnalisation du métier.

La commission rejette les amendements.

 

Article 9 : Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

La commission est saisie de l’amendement AS152 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à prendre davantage en compte et à valoriser le rôle des assistantes familiales, en leur permettant notamment d’accéder à des informations figurant dans le dossier des enfants qui ont été victimes de violences. Ces personnes côtoient ces enfants tous les jours, peuvent parler de leur évolution, de leur récit et de leur rapport aux autres, enfants ou adultes. Or elles ne sont jamais entendues pour évoquer les fragilités ou les progrès des enfants dont elles ont la charge.

Il y a pourtant là une mine d’informations qu’il faudrait utiliser et valoriser. C’est la raison pour laquelle nous proposons par cet amendement que l’assistant familial participe à l’accompagnement de l’enfant mineur et du jeune majeur en s’appuyant sur ses antécédents et qu’il contribue à éclairer le corps médical et l’autorité judiciaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant et du jeune majeur.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La question délicate du secret partagé, qui a été abordée par les représentants des syndicats d’assistants familiaux lors de leur audition, a été longuement évoquée cet après-midi. À qui doit-on transmettre les informations concernant les enfants ? Je vous rappelle que le PPE, tel qu’il est défini par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, doit faire l’objet d’une construction commune par les titulaires de l’autorité parentale, l’enfant et le tiers impliqué dans sa vie. Cela inclut donc les assistants familiaux, le cas échéant. Hélas, je vous l’accorde, le PPE n’est pas souvent mis en place. Par ailleurs, le contrat des assistants familiaux doit stipuler les modalités de transmission des informations concernant l’enfant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS400 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Nous convenons tous du fait qu’il existe une pénurie d’assistants familiaux. Je vous propose une solution pour tenter modestement d’y remédier.

En effet, tous les enfants qui sont placés sous protection n’ont pas besoin d’avoir un assistant familial à temps plein à leur côté. Nombre d’entre eux peuvent aller seuls à l’école, à la cantine, voire en garderie, comme n’importe quel autre enfant, même s’il ne s’agit pas de la majorité des cas. Dès lors, nous pourrions, comme nous l’avions proposé avec Alain Ramadier dans le rapport de la mission d’information sur l’ASE, offrir la possibilité de devenir assistant familial à des professionnels qui n’ont pas forcément un emploi à temps plein ou qui disposent de possibilités d’aménagement de leur temps de travail.

Je pense bien entendu aux enseignants, dont les horaires correspondent souvent au rythme de vie des enfants. Or, actuellement, si un enseignant veut être assistant familial, il ne le peut pas car le statut général de la fonction publique interdit le cumul d’activités. Je propose donc qu’il soit possible d’y déroger, de manière que ces fonctionnaires puissent devenir familles d’accueil pour un certain nombre d’enfants qui n’ont pas de difficultés particulières, voire des familles relais ou des familles de répit. Ainsi les assistants familiaux qui accueillent les enfants continuellement chez eux pourraient se reposer sur des personnes susceptibles de prendre le relais pendant le week-end ou les vacances. Compte tenu de la pénurie actuelle, il ne faut pas s’interdire certaines possibilités.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. En tant qu’ancienne enseignante, je souscris pleinement à l’esprit de cet amendement. La possibilité de cumuler des activités est, de manière générale, peu utilisée en pratique. Dans la fonction publique, elle se heurte aux textes encadrant ce cumul. C’est pourtant une piste intéressante pour favoriser le recrutement d’assistants familiaux. J’émets donc, malgré tout, un avis favorable.

M. le secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable.

Pour les salariés du secteur privé, le cumul est possible, sous réserve de l’accord du premier employeur ; dans la pratique, cela concerne très peu de personnes. Il est intéressant de réfléchir à une utilisation accrue de cette faculté, mais cela soulève beaucoup de questions. Cela reviendrait à créer un statut dans le statut de l’assistant familial, en quelque sorte. Seratil possible d’accueillir le même nombre d’enfants ? L’agrément sera-t-il du même type ? Quelles seront les obligations de formation ? La rémunération seratelle calculée de la même manière que celle des assistants familiaux dont c’est le métier à titre exclusif ?

Il faut y réfléchir, notamment avec les principaux intéressés. Je dois avouer que cette possibilité faisait partie de mes premières intuitions il y a trois ans, lorsque nous avons commencé à réfléchir à ces sujets. Toutefois, alors que cette piste avait été évoquée au cours de la concertation lancée en 2019, les acteurs ne s’en sont pas emparés.

Pour la fonction publique, la question est plus délicate, car autoriser le cumul d’activités impliquerait de toucher au statut, avec un risque de l’affaiblir, en quelque sorte. En outre, la jurisprudence du Conseil d’État interdit qu’un fonctionnaire puisse être également contractuel de droit public.

Mme Monique Limon. Nous n’avons pas pour habitude d’aller à l’encontre de l’avis de la rapporteure, mais les arguments de M. le secrétaire d’État, en particulier ses mises en garde quant au fait que le dispositif ne soit pas entièrement calé, sont convaincants. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la proposition. Nous serions même plutôt favorables à l’idée d’encourager l’embauche d’assistants familiaux au vu de la pénurie qui existe déjà et qui va s’aggraver, car beaucoup vont partir à la retraite, mais il vaut mieux s’assurer de rester dans les clous. Il faut aussi éviter de faire croire qu’il suffirait de voter une telle disposition pour régler instantanément le problème.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Ce qui est proposé existe déjà dans certains départements, notamment pour des familles d’accueil relais.

Mme Perrine Goulet. Il reste sûrement des choses à caler, monsieur le secrétaire d’État, mais je propose tout simplement d’inscrire dans le texte le principe selon lequel les fonctionnaires qui le souhaitent peuvent demander un agrément, ce qui est interdit par la loi Le Pors. Le reste relève de toute façon du domaine réglementaire.

L’idée avait déjà été évoquée il y a deux ans. Nous ne l’avions pas sortie de notre chapeau, d’ailleurs : un certain nombre de personnes avaient soulevé le problème. Moi‑même, j’avais été confrontée au cas d’une enseignante dont le mari était assistant familial, qui voulait le devenir elle aussi tout en gardant son métier – qu’elle aimait –, mais cela n’avait pas été possible. Compte tenu de la pénurie d’assistants familiaux et de la désaffection dont souffre ce métier, il ne faut pas s’interdire de telles possibilités.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS457, AS458, AS459, AS460 et AS461 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Elle passe ensuite à l’amendement AS471 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’amendement vise à préciser qu’il est possible de déroger à la clause d’exclusivité prévue par l’employeur pour garantir la continuité de la prise en charge d’un enfant accueilli, par exemple si un enfant change de département ou de structure de prise en charge mais pas d’assistant familial.

M. le secrétaire d’État. L’amendement me semble satisfait : j’en demande le retrait.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS230 de Mme Delphine Bagarry.

M. Guillaume Chiche. Il s’agit d’ouvrir la possibilité de cumuler un contrat d’assistant familial avec un emploi. Cela contribuerait à développer l’attractivité de ce métier, de manière à remédier à la pénurie. Par ailleurs, cette proposition répond à la volonté exprimée par les représentants des personnes concernées.

Enfin, conformément à l’objectif d’intégrer les mineurs faisant l’objet d’une mesure de protection judiciaire, ce cumul participerait à la normalisation de leur prise en charge, car ils seraient ainsi placés dans un milieu familial ordinaire.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat ; demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Enfin, elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement AS20 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. L’amendement vise à ouvrir la possibilité aux personnes ayant un travail d’accueillir un enfant de l’ASE, selon des conditions très strictes. Cela permettrait de faire face à la pénurie de personnes prêtes à accueillir ces enfants.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. L’amendement est satisfait : l’article L. 423‑34 du code de l’action sociale et des familles prévoit que, dans le privé, le cumul d’activité peut être autorisé par l’employeur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS146 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Nous demandons la remise d’un rapport sur la possibilité d’exercer un emploi tout en accueillant des enfants dont la situation éducative et affective le permet. Nous voudrions également que soient envisagés des dispositifs de défraiement des familles d’accueil, sur la base des frais réellement engagés pour l’enfant qui leur est confié.

Les assistants familiaux sont souvent confrontés à une surcharge, ce qui rend leurs conditions de travail délétères. Cela s’explique par le manque de familles d’accueil, mais aussi par le fait que les revenus de ces familles ne sont pas toujours satisfaisants, ce qui pousse certaines d’entre elles à prendre autant d’enfants que possible – c’est‑à‑dire trop.

Les assistants familiaux demandent de plus en plus à pouvoir travailler en parallèle de l’accueil de l’enfant, comme le font les personnes ayant des enfants. De fait, leur ouvrir cette possibilité rendrait cette activité plus attractive.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. C’est toujours le même débat, que nous poursuivrons d’ailleurs en séance. À ce stade, je vous demande de retirer votre amendement.

M. le secrétaire d’État. La DREES mène actuellement une vaste enquête nationale statistique sur le métier d’assistant familial. Elle vise à mieux connaître ces professionnels et devrait répondre à vos interrogations.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS149 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet amendement porte sur la question du handicap, qui est centrale dans l’ASE. Certains troubles du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité, ainsi que des TSA peuvent être ignorés dans le parcours de l’enfant. À la suite d’une mauvaise appréciation de leur situation, certains enfants peuvent ainsi être placés auprès des services d’aide à l’enfance. De même, les assistants familiaux qui accueillent ces enfants se retrouvent débordés par les conséquences de troubles affectant leur comportement.

Nous proposons d’expérimenter, dans un ressort maximal de deux régions et six départements volontaires, des formations initiales ou ponctuelles destinées aux assistants familiaux pour les aider à prendre en charge ces troubles ainsi que les autres formes de handicap.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre proposition me semble très intéressante. Elle reflète d’ailleurs une demande entendue lors des auditions. Toutefois, le contenu de la formation des assistants familiaux ne relève pas du domaine de la loi.

Avis défavorable.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de la formation des assistants familiaux : pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui est prévu dans ce domaine concernant le handicap ?

M. le secrétaire d’État. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Effectivement, la formation des assistants familiaux relève du règlement. Je ne développerai ce point que la semaine prochaine en séance, car certains éléments doivent encore être arrêtés, mais je puis d’ores et déjà vous dire que la nouvelle maquette du diplôme inclura des modules relatifs aux troubles du déficit de l’attention, aux TSA et aux autres formes de handicap. Les assistants familiaux accueillent souvent des enfants en situation de handicap : il est nécessaire de les former.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS150 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. L’amendement vise à expérimenter une coordination entre les assistants familiaux d’un même secteur. Il s’agira également de rendre régulièrement visite à ces personnes, d’échanger avec elles sur les problèmes qu’elles rencontrent et d’organiser des groupes de parole réguliers. La question de l’isolement des assistants familiaux est revenue souvent lors des auditions et des rencontres : ces professionnels se retrouvent seuls avec des enfants au parcours difficile, sans relais ni lieux d’échange. Il leur est également très difficile de prendre des congés.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre proposition relève de l’organisation interne des départements et non du domaine de la loi : avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. L’intégration des assistants familiaux, notamment dans les équipes éducatives, est une vraie question. La crise sanitaire a aggravé le problème dans certains cas, même si elle a parfois été l’occasion de le régler. Les situations sont très disparates : dans certains endroits, tout ce que vous proposez existe déjà, mais dans d’autres des progrès restent à faire. Le Gouvernement formulera des propositions à cet égard en séance.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendement AS147 de M. François Ruffin et AS148 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous demandons la remise de rapports afin de créer des passerelles entre le métier d’éducateur spécialisé et celui d’assistant familial. Il faudrait permettre à tous ceux qui travaillent en foyer de devenir assistants familiaux. Actuellement, celles qui font ce choix doivent présenter leur démission ou se mettre en disponibilité. Il convient de faciliter le passage d’un métier à l’autre, car ils sont extrêmement proches, et faciliter la reconversion.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Il s’agit, selon moi, d’amendements d’appel. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS154 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Il s’agit, une fois encore, de travailler sur les conditions et la charge de travail des assistants familiaux en foyer. Les objectifs du rapport que nous demandons seraient notamment d’établir le nombre de personnes nécessaires par enfant et les moyens de remédier à un éventuel manque de personnel.

Le nombre d’assistants familiaux diminue chaque année. Selon la Fédération nationale des assistants familiaux (FNAF), en 2019, il y en avait 38 000 pour 110 000 enfants, soit trois enfants par assistant. Ce n’est d’ailleurs qu’une moyenne : le ratio est bien plus mauvais dans certains endroits. De manière générale, toutes les associations considèrent que le nombre d’assistants est insuffisant. Le rapport que nous demandons permettrait d’y voir un peu plus clair sur les manques et les besoins dans chaque département et aiderait à établir un plan d’action et de recrutement pour compenser ces carences.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis : je vous renvoie de nouveau à l’enquête de la DREES.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 10 : Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

La commission est saisie de l’amendement AS145 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Une enquête devrait être organisée avant le retrait de l’agrément, et il faut qu’elle soit aussi rapide que possible. Certains témoignages que nous avons recueillis montrent qu’il existe des situations difficiles, tant pour les enfants que pour les familles d’accueil. Il convient donc de s’assurer de la nécessité de retirer l’agrément et de mesurer les conséquences de cette décision.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Ce sujet est revenu régulièrement lors des auditions. Toutefois, l’article L. 421‑6 du code de l’action sociale et des familles prévoit déjà que l’agrément ne peut être suspendu qu’en cas d’urgence. Votre amendement est donc satisfait. Il s’agit bien souvent de cas dans lesquels on suspecte des actes de maltraitance ; l’enfant doit alors être retiré avant le déroulement de l’enquête. Comment faire autrement, compte tenu du principe de précaution ? L’article 9 marque une avancée, puisqu’il garantit le maintien de la rémunération de l’assistant familial pendant la suspension de son agrément. Cette garantie financière est essentielle. Je ne peux donc qu’être défavorable à votre proposition.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le conseil départemental et la commission départementale de l’accueil du jeune enfant peuvent s’exprimer dans le cadre des enquêtes menées, qui relèvent parfois de la procédure pénale. L’équilibre entre la protection de l’enfant, qui encourt parfois un danger imminent, et le respect de la présomption d’innocence est un sujet complexe.

Je voudrais insister sur le fait que les articles 9, 10 et 11 entraîneront des avancées majeures pour les assistants familiaux. Ces derniers bénéficieront du SMIC dès le premier enfant accueilli, se verront garantir le versement de 80 % de leur salaire s’ils prennent en charge un nombre d’enfants inférieur à ce que prévoyait l’agrément et leur rémunération sera maintenue pendant quatre mois en cas de suspicion de maltraitance. Nous allons en outre discuter de la possibilité de prolonger leur activité au‑delà de l’âge de la retraite pour éviter les ruptures dans les parcours des enfants.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS155 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à renforcer les contrôles de l’activité des assistantes familiales. Plusieurs d’entre elles nous ont expliqué que les personnes devant être contrôlées étaient prévenues, parfois plusieurs semaines à l’avance. Selon une étude de la FNAF, on recense environ 18 % de familles d’accueil maltraitantes. Il faut agir de manière ferme et déterminée pour faire cesser ces situations. Pour cela, il est nécessaire d’effectuer des contrôles réguliers et inopinés.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Votre amendement me paraît satisfait par l’article L. 221‑1 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que « le service [de l’aide sociale à l’enfance] contrôle les personnes physiques ou morales à qui il a confié des mineurs, en vue de s’assurer des conditions matérielles et morales de leur placement ». Le conseil départemental peut donc tout à fait réaliser des visites de contrôle régulières et inopinées. Il doit par ailleurs effectuer un contrôle au moment du renouvellement de l’agrément.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 sans modification.

Article 11 : Améliorer l’exercice du métier d’assistant familial

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS464 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Puis elle est saisie des amendements identiques AS463 de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS446 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. L’article 11 vise à permettre aux assistants familiaux employés par une personne morale de droit public de poursuivre leur activité au-delà de 67 ans afin d’accompagner les enfants qu’ils accueillent. Nous vous proposons, logiquement, de repousser à 21 ans la limite d’âge de prise en charge pour les jeunes.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

C’est un amendement important. Il n’agit pas de faire travailler les gens plus longtemps et de réaliser une réforme des retraites qui ne dirait pas son nom, mais d’éviter les ruptures dans la prise en charge des enfants. J’évoquais le documentaire Itinéraire d’un enfant placé, où l’on voit le petit Yanie, placé depuis l’âge de 2 ans dans sa famille d’accueil, être contraint de la quitter à 14 ans parce que l’assistant familial prend sa retraite. Le dispositif proposé est encadré ; une visite médicale annuelle est notamment prévue.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Pour avoir été témoin de ces situations sur le terrain, j’approuve les avis favorables qui viennent d’être exprimés.

La commission adopte les amendements.

La commission examine ensuite l’amendement AS156 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons compléter l’article pour que l’âge de départ à la retraite des assistantes familiales soit régi par l’article L. 351‑8 du code de la sécurité sociale. Rien ne justifierait, en effet, que les assistantes familiales soient amenées à travailler au-delà de 67 ans. L’article L. 422-7 du code des communes ne devrait pas s’appliquer à ces personnes, qui effectuent un travail difficile, que l’article 11 pourrait les amener à faire plus longtemps. Le report de l’âge de départ à la retraite des assistantes familiales est une mauvaise manière de pallier les insuffisances constatées dans les foyers et les familles d’accueil. Les assistantes familiales doivent pouvoir partir à la retraite comme le reste de la population, à 62 ans – même si l’âge légal devrait être, selon nous, abaissé.

Par ailleurs, nous proposons que les assistantes familiales puissent poursuivre leur activité uniquement pour terminer un contrat déjà entamé, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’enfant ait 18 ans. Ce serait une mesure de bon sens pour l’enfant et qui contribuerait à prévenir les situations de maltraitance.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Les droits à la retraite des assistants familiaux employés par le secteur privé sont les mêmes que ceux des autres salariés du privé. L’article 11, quant à lui, porte sur les assistants familiaux employés par les départements. Il leur offre la possibilité de différer d’un, deux ou trois ans leur départ à la retraite, avec l’accord du médecin de prévention, pour accompagner un jeune jusqu’au bout, ce à quoi je suis personnellement favorable. Introduire l’alinéa que vous proposez équivaudrait à leur demander de revenir sur leur accord.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

 

Après l’article 11

La commission est saisie de l’amendement AS218 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. La loi « travail » de 2016 prévoyait qu’un décret serait pris pour définir les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés dans les lieux de vie et d’accueil, tels que les centres aérés, les colonies de vacances et les foyers de l’enfance. Voilà cinq ans que l’on attend ce décret. J’avais proposé, dans un amendement qui a été frappé d’irrecevabilité, de reprendre la rédaction du CNPE, qui définissait des taux d’encadrement et des critères relatifs à la qualité des encadrants. Par le présent amendement, je suggère que ces éléments soient définis par un décret en Conseil d’État.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable à cet amendement d’appel.

M. le secrétaire d’État. Le décret est attendu non seulement par les parlementaires mais aussi par les responsables des lieux de vie, qui souhaitent une clarification, en particulier concernant le calcul des horaires de travail et du temps de travail. Je vous invite à retirer votre amendement, puisqu’on m’a indiqué que le Premier ministre avait signé le décret ce soir.

Mme Perrine Goulet. J’aimerais en avoir connaissance d’ici à la séance. Merci, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir fait en sorte que l’on aboutisse enfin sur ce sujet ! J’aimerais croire que le lobbying mené par plusieurs collègues, dont moi-même, depuis des mois y a contribué.

M. le secrétaire d’État. Le décret a été travaillé avec tous les acteurs, parmi lesquels la Fédération nationale des lieux de vie et d’accueil.

L’amendement est retiré.

 

TITRE V
MIEUX PILOTER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DE L’ENFANCE

 

Avant l’article 12

La commission examine les amendements identiques AS475 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, et AS447 de Mme Monique Limon.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’amendement a pour objet de modifier l’intitulé du titre V afin de prendre en considération la protection maternelle et infantile (PMI). Il vise à distinguer la PMI de la gouvernance générale de la protection de l’enfance. Si les services de PMI contribuent directement à cette politique, leur action dépasse ce seul champ pour embrasser, selon le principe d’universalité proportionnée, toutes les actions destinées à soutenir les parents, notamment les plus défavorisés, ou encore à participer au dépistage des troubles précoces du développement.

Mme Monique Limon. L’amendement a pour objet de consacrer l’existence de la PMI dans le projet de loi. Bien qu’elle participe amplement à la prévention et à la protection de l’enfance, la PMI exerce de nombreuses autres missions de prévention, de soutien à la parentalité et d’accompagnement des modes de garde.

La commission adopte les amendements.

 

Article 12 : Gouvernance de la protection maternelle et infantile

Suivant l’avis de de Mme Michèle Peyron, rapporteure, la commission rejette l’amendement AS368 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Puis elle examine l’amendement AS312 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Cet amendement vise à ce que l’élaboration des objectifs socles assignés à la PMI soit le fruit d’un dialogue équilibré entre l’État et les départements.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je partage cet objectif. Le département exerce pleinement sa compétence en matière de PMI. Parallèlement, la définition de la stratégie nationale de santé dans laquelle s’inscrivent les priorités pluriannuelles définies à l’article 12 est une prérogative du Gouvernement. Elle a pour objet d’assurer une harmonisation à l’échelle nationale. Par ailleurs, l’article L. 2112‑1 du code de la santé publique prévoit la participation de l’État à la définition d’une politique de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile. Cela n’empiète en rien sur les compétences du conseil départemental, définies à l’article L. 2112-2 du même code.

Défavorable.

M. le secrétaire d’État. Le sujet mérite d’être clarifié. Des présidents de département nouvellement élus ou sur le point de l’être m’ont d’ailleurs fait part d’interrogations qui rejoignent les questions soulevées dans l’amendement.

Le texte contient en fait deux dispositions d’inégale portée, qui ont un objet commun, celui de redynamiser la PMI, dans la lignée de ce que nous réalisons dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance.

L’article 12 identifie des priorités pluriannuelles d’action en matière de PMI, sur lesquelles porte votre amendement. Je rappelle sur ce point que la loi confie à l’État la politique de santé, laquelle comprend notamment l’animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile. Les dispositions de l’article s’inscrivent dans le cadre d’une gouvernance nationale rénovée de la PMI, en vue de renforcer la cohérence entre les politiques nationales et les enjeux territoriaux. C’est une démarche qui doit nécessairement se faire en concertation avec les représentants des départements : les choses sont très claires à cet égard.

Cela étant, la détermination des priorités nationales de santé, notamment en matière de protection maternelle et infantile, est de la responsabilité de l’État, en particulier du ministre chargé de la santé, ce qui explique la rédaction de l’alinéa 4. Il s’agira de définir de façon concertée des thématiques de santé publique identifiées comme prioritaires, par exemple la lutte contre l’obésité ou l’action en faveur de la santé mentale, que les départements seront invités à appliquer à un rythme pluriannuel dans le cadre de leurs missions habituelles et de manière adaptée aux caractéristiques de leur territoire. L’objectif est de mieux articuler les priorités de santé publique identifiées à l’échelon national comme étant les principaux déterminants de la santé des enfants avec les activités déployées par les services de la PMI. Un décret précisera la durée d’application de ces priorités, qui devrait être a priori de trois ans, pour que les actions aient le temps de se déployer.

Ces dispositions ne remettent évidemment pas en cause la compétence des départements à l’égard de la PMI, mais visent à inscrire dans le code de la santé publique les normes minimales d’activité et de personnel. Si celles-ci s’imposent en principe aux départements, le rapport de Mme Peyron a souligné qu’elles n’atteignent plus leur objet. Le texte les remplace donc par des objectifs nationaux de santé publique fixés par voie réglementaire et visant à garantir un niveau minimal de réponse aux besoins de la population.

Je citerai, à titre d’exemple, l’action que nous menons dans le cadre des « 1 000 premiers jours », notamment la généralisation de l’entretien prénatal précoce au quatrième mois de grossesse, qui marque l’entrée dans ce parcours. Les PMI jouent un rôle essentiel en la matière. Ces dispositions permettront d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, afin que, dès que possible, l’ensemble des femmes puissent bénéficier de cet entretien prénatal.

Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. Paul Christophe. Les précisions apportées par la rapporteure et le secrétaire d’État, notamment en ce qui concerne la concertation, m’ont convaincu.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS37 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet amendement du groupe Les Républicains vise à garantir que les priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile seront identifiées conjointement par le ministre et les départements. En effet, la protection de la santé maternelle et infantile est une compétence des départements. S’il incombe au ministère de la santé de définir la stratégie nationale de santé en général, il est donc normal que la définition des priorités sur ce sujet précis fasse l’objet d’un travail conjoint, et non simplement d’une concertation.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Même argumentaire que pour l’amendement précédent. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS437 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Cet amendement d’appel vise à créer au niveau local un dispositif miroir de celui existant au niveau national. En effet, si nous devons lutter contre l’hétérogénéité des pratiques de PMI, qui sont source d’iniquité entre les départements, nous ne devons pas oublier que chaque territoire présente des spécificités, tant démographiques que géographiques, qui peuvent concerner la santé publique. Un territoire peut avoir un fort taux d’obésité infantile quand un autre peut présenter un taux de vaccination infantile plus faible. Ainsi, la réunion annuelle permettrait aux trois acteurs concernés – le directeur général de l’ARS, le directeur général de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et le président du conseil départemental – d’organiser des actions ciblées afin d’agir précisément sur les problématiques repérées.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Voilà qui illustre les difficultés inhérentes à l’exercice différencié d’une compétence décentralisée en matière de PMI. En témoignent le taux d’enfants bénéficiant d’un bilan de santé en école maternelle, le suivi des femmes enceintes ou encore le nombre de visites à domicile.

Votre amendement conduirait sans doute à trop empiéter sur les compétences des conseils départementaux. Si les explications du Gouvernement, à qui s’adresse cette question sur le besoin d’harmonisation des actions de PMI, vous conviennent, je vous proposerai de le retirer.

M. le secrétaire d’État. La gouvernance renouvelée vise à identifier, dans une logique de partenariat et de dialogue renforcés, des thématiques de santé publique considérées comme prioritaires sur le plan national, et appliquées de façon pluriannuelle avec les départements. La stratégie de prévention et de protection de l’enfance, dans son volet de contractualisation, relève déjà de cette logique. Elle a permis, sur le terrain, une relance du dialogue entre les conseils départementaux, les ARS et les préfets, en particulier dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé maternelle et infantile. Je partage votre souhait de maintenir cette dynamique en lien avec l’assurance maladie, laquelle participe activement à la promotion de la santé maternelle et infantile au moyen de conventions de financement conclues entre les CPAM et les départements.

Cependant, il nous semble peu adapté, voire contre-productif, de figer dans la loi un modèle local unique qui serait le miroir du dispositif national, même si je comprends votre intention. Je pense au contraire qu’il est important que le cadre de ce dialogue soit le plus souple possible afin de préserver le caractère directement opérationnel de la démarche et les spécificités du territoire, tant du point de vue de la situation médicale que des relations entre les différents acteurs.

Les partenaires locaux pourront également, si nécessaire, s’appuyer sur des instances existantes, à savoir les commissions de coordination des politiques publiques de santé. Prévues à l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, elles associent les services de l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les organismes de sécurité sociale. Elles ont pour mission d’assurer la cohérence et la complémentarité des actions conduites par leurs membres dans le domaine de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail ou encore de la PMI.

Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS493 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’amendement vise à supprimer les examens prénuptiaux effectués par les services de PMI. Le constat à ce sujet est largement partagé par les professionnels du secteur : il s’agit d’une compétence obsolète, qui ne correspond en outre à aucun enjeu de santé publique, contrairement aux examens prénataux et postnataux.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS14 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Il y a deux ans, lors de la première audition de la mission d’information sur l’ASE, nous avons entendu des témoignages forts d’anciens enfants placés, qui nous ont guidés tout au long de nos travaux. J’avais alors été particulièrement surpris de constater que seule une personne, sur l’ensemble ces jeunes, avait bénéficié d’un suivi psychologique ; elle était d’ailleurs la seule dont le témoignage était positif.

Les enfants suivis par l’ASE ont des parcours de vie particulièrement difficiles. Un suivi psychologique leur est absolument indispensable. Or les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) sont surchargés et les délais d’attente vont de trois à dix mois : c’est beaucoup trop. Le présent amendement vise ainsi à permettre le remboursement à 100 % des consultations chez les psychiatres et psychologues libéraux pour les enfants suivis par l’ASE. C’était la proposition n° 5 de la rapporteure de la mission d’information, Perrine Goulet.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait par le dispositif que nous avons adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Celui-ci permet déjà d’orienter, sur décision du conseil départemental, des jeunes entrant dans l’ASE vers des généralistes ou des pédiatres pour des consultations prises en charge par l’assurance maladie. Une éventuelle précision apportée à ce dispositif relèverait sans doute plutôt de la voie réglementaire. Je souhaite donc le retrait de votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. le secrétaire d’État. Nous nous efforçons de répondre à cette question de plusieurs façons. Tout d’abord, dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons renforcé l’offre de soutien psychologique destinée à la population, notamment juvénile – si cela ne concerne pas uniquement les enfants de l’ASE, cela leur bénéficie évidemment –, grâce au recrutement de cent soixante psychologues supplémentaires dans les CMPP. Par ailleurs, nous avons financé deux cents équivalents temps plein (ETP) pour faciliter l’accès à des consultations de psychologues en ambulatoire dans des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé. Enfin, les assises de la santé mentale, qui se tiendront à l’automne, comporteront un volet substantiel dédié à la pédopsychiatrie, dans le cadre duquel la question des moyens se reposera, notamment s’agissant des CMPP.

Les études en pédopsychiatrie ne constituent pas une filière : c’est une option que les étudiants doivent choisir en fin de deuxième année, ce qui pose la question de la valorisation de ce métier. Il ne reste plus que cinq cent cinquante pédopsychiatres dans notre pays. Nous avons beau avoir créé des postes d’assistant chef de clinique depuis trois ans – dix postes chaque année –, un travail de fond doit encore être accompli. Dans ce cadre, une réflexion spécifique sera menée sur les enfants de l’ASE ; nous travaillons avec un pédopsychiatre du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims sur ce sujet.

Je rappelle que nous avons lancé, le 15 juin dernier, un dispositif de prise en charge à 100 % par l’assurance maladie de dix séances de soutien psychologique pour les enfants et les adolescents. Ce « forfait psy » est destiné à l’ensemble des enfants, dont on sait que la santé mentale s’est dégradée pendant la crise.

Enfin, je rappelle qu’une expérimentation dans le cadre de l’article 51 est en cours s’agissant spécifiquement de la prise en charge des jeunes de l’ASE et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle a été lancée en novembre 2019 par le docteur Nathalie Vabres, médecin coordinateur de l’unité d’accueil pédiatrique enfants en danger du CHU de Nantes. Celui-ci est pionnier en la matière et fait référence pour tout ce que nous instaurons dans l’ensemble du territoire. Ce dispositif fait actuellement l’objet d’une évaluation par une équipe de recherche, qui se terminera fin 2022 et vise à étudier la possibilité de le généraliser.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS299 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La santé ne me paraît pas suffisamment évoquée dans ce projet de loi, si ce n’est à travers la question de la maltraitance. Le présent amendement vise à ce que le PPE, qui est central dans sa construction, soit mis à jour une fois par an, ou tous les six mois pour les enfants les plus jeunes, par une équipe pluridisciplinaire, pour tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative. Le PPE peut comporter un volet santé permettant d’engager des démarches et de garantir que tout est fait pour améliorer la santé de l’enfant.

Pour assurer la construction et le respect du PPE, il est proposé de contraindre les services de la protection de l’enfance à remettre le rapport auquel ils sont normalement tenus, donc de désigner, par décret en Conseil d’État, une autorité chargée de contrôler l’effectivité de la révision annuelle obligatoire du projet pour l’enfant.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je partage votre inquiétude concernant la bonne mise en œuvre des projets pour l’enfant par les départements. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 74 % des départements reconnaissent ne pas systématiquement en établir un pour chaque enfant bénéficiant d’une mesure de protection.

Cela étant, je ne pense pas que la solution soit la mise sous tutelle des départements pour vérifier qu’ils exercent de manière diligente les compétences dont ils sont dotés, car ce serait une forme de recentralisation rampante. Il convient plutôt de travailler de manière partenariale avec les conseils départementaux, dans le cadre de la gouvernance territoriale, et de vérifier que leurs actions sont compatibles avec la stratégie nationale de santé publique.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Votre amendement est satisfait : vous avez évoqué vous‑même la disposition législative de référence, même si, dans les faits, on constate des difficultés.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il est satisfait sans l’être puisque cette disposition n’est pas suivie d’effet. Il faudrait trouver le moyen d’y remédier. J’espère que le dialogue portera ses fruits à cet égard. Le PPE est l’un des moyens clés d’accompagner correctement l’enfant et de protéger sa santé ; il faut donc vraiment se donner les moyens de contrôler son application. Je retire l’amendement, mais j’insiste sur le fait qu’il faut absolument avancer sur cette question.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 12 modifié.

Article 12 bis (nouveau) : Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile

La commission est saisie de l’amendement AS485 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je souhaite ancrer dans la loi ce qui correspond déjà à la pratique dans un grand nombre de services départementaux de PMI, à savoir l’interdisciplinarité. L’article L. 2112‑1 du code de la santé publique précise que « ce service est dirigé par un médecin et comprend des personnels qualifiés notamment dans les domaines médical, paramédical, social et psychologique ». Les services de PMI doivent s’investir fortement dans le champ de la santé mentale. Il convient de préciser que l’action de leurs professionnels s’inscrit dans une démarche profondément pluridisciplinaire, par laquelle se développe une véritable vision globale de la prévention.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable à cette précision rédactionnelle qui permet de rappeler le caractère nécessairement pluridisciplinaire des équipes de PMI. Médecins, sages‑femmes, puéricultrices, psychologues, auxiliaires de puériculture sont autant de compétences réunies au sein de la PMI et dont nous saluons l’engagement et l’importance.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS494 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Il s’agit de rebaptiser les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) du nom de « centres de santé sexuelle et reproductive ». En effet, la notion de planification et d’éducation familiale paraît infantilisante, alors que les personnes qui y ont recours sont en pleine possession de leurs moyens et peuvent faire des projets familiaux en étant parfaitement informés. La notion de santé sexuelle et reproductive correspond davantage à l’activité de ces centres. Il s’agit en outre de la dénomination retenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

M. le secrétaire d’État. Si je partage votre avis concernant l’appellation actuelle, un peu datée, cette proposition me paraît prématurée. Elle doit être précédée d’un travail de mise à plat des missions des CPEF et d’une articulation avec les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles, qui se présentent comme des centres de santé sexuelle et reproductive. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions y travailler et le rendre acceptable par tous.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 12

La commission examine l’amendement AS205 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je fais remarquer que la commission a ouvert depuis un peu plus de dix minutes la session extraordinaire.

L’amendement vise à demander aux conseils départementaux d’établir un rapport annuel d’activité et financier sur leurs services de PMI, ce qui est essentiel et d’ailleurs préconisé par le rapport d’information que j’ai eu la chance de présenter avec Ericka Bareigts. En effet, d’un département à l’autre, les disparités entre les services de PMI peuvent être criantes. Certaines missions qui leur sont pourtant confiées par la loi ne pas forcément menées à bien.

Il est important, dans le respect du principe de libre administration des collectivités, que les départements puissent remettre un tel rapport tous les ans afin de rendre compte de leur activité et des sommes qu’ils y consacrent – il est très difficile de trouver ces chiffres par an et par enfant de moins de 3 ans, qui varient entre 20 euros et 600 euros, soit un rapport de un à trente : pour mon rapport, je suis allé les chercher au ministère de l’intérieur.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. J’ajoute, cher collègue, que certains départements n’y consacrent que 1 euro par enfant et par an... Votre proposition est effectivement issue du rapport que vous avez consacré à la PMI. Il est vrai que de trop nombreuses données nous échappent : on ne sait pas, par exemple, si certains objectifs de santé publique sont atteints ou non.

Pour ce qui concerne les données liées à l’activité et au budget consacré à la PMI, je vous renvoie aux rapports financiers et d’activité que publient les conseils départementaux sur toutes les activités des départements, dont les services de la PMI. Une telle publication est une obligation fixée par l’article L. 3313‑1 du code général des collectivités territoriales.

S’agissant de la présentation détaillée des données relatives à la PMI, les dispositions réglementaires applicables prévoient déjà leur transmission au préfet ainsi qu’aux acteurs déconcentrés de l’État. La lecture combinée de ces dispositions me paraît satisfaire votre amendement bien que je comprenne qu’il s’agit, plus largement, d’une demande d’homogénéisation des pratiques des départements en matière de financement de la PMI.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons. Un certain nombre de dispositions, d’instances et de documents, partagés avec les acteurs déconcentrés, les différents acteurs territoriaux de la santé de la mère et de l’enfant et de la prévention, les établissements de santé, les libéraux et les organismes associés, existent. L’inégalité territoriale en termes d’investissement par enfant entre départements avait été objectivée par Mme la rapporteure dans son rapport. Il faut y voir l’une des raisons pour lesquelles nous avions fait de l’investissement dans la PMI une condition de la contractualisation des départements avec l’État.

Je rappelle qu’en trois ans, l’État aura remis 100 millions d’euros dans la PMI, soit l’enveloppe qu’elle avait perdue ces dix dernières années : cela permet aux départements de recruter des personnels et de mettre en place des équipes mobiles pour mieux articuler les différents acteurs de santé sur leur territoire. Cela a un effet de levier très concret, même si les écarts sont parfois, effectivement, assez importants.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il est assez bizarre qu’au niveau national, on souhaite mener une politique de santé publique sans pouvoir l’évaluer. L’État fixe des objectifs et confie des missions, mais ensuite il n’y a pas de retour. Je pense qu’il faut consolider l’effort qui est fait : sans ces bilans et sans ces chiffres, comment voulez-vous définir, contrôler et évaluer une politique nationale ? Tant pour la lisibilité que pour la mise en valeur des départements qui remplissent un tel rôle défini dans un cadre national, cela me paraît essentiel. Je maintiens donc l’amendement.

La commission rejette l’amendement.


Article 12 bis (nouveau) : Dispositions relatives à la rénovation de la protection maternelle et infantile

La commission en vient à l’amendement AS489 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Il s’agit de permettre aux sages‑femmes d’être responsables de centres de santé sexuelle et reproductive. L’amendement fait suite à une des recommandations de mon rapport rendu en juin 2019.

Les sages‑femmes sont les professionnels de santé dédiés au corps et à la santé de la femme qui accomplissent désormais la majorité des actes gynécologiques. Aussi, au vu de toutes leurs compétences, il me semble cohérent de leur permettre de diriger des centres de santé sexuelle et reproductive, ce qui est aujourd’hui uniquement réservé aux médecins.

M. le secrétaire d’État. Si je suis favorable à ce que les sages‑femmes puissent diriger ce qui s’appelle encore – la loi n’étant pas promulguée – des CPEF, je ne suis pas favorable à ce que l’on aille au‑delà car le ministre des solidarités et de la santé est engagé dans des négociations avec elles et un rapport sur leur métier est attendu. J’émets donc un avis favorable, sans aller au‑delà afin de ne pas interférer avec celles-ci.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS490 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’amendement va dans le sens du développement de la protection de la santé maternelle et infantile et tient compte des avantages sanitaires qui s’attachent à l’allaitement maternel. Ce sujet avait déjà été discuté lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation territoriale de notre système de santé : il faut permettre aux infirmières puéricultrices d’exercer les compétences pour lesquelles elles ont été formées.

Dans son avis du 15 janvier 2019, la HAS a indiqué qu’une extension de la prescription des tire‑lait aux infirmières puéricultrices pouvait être envisagée du fait de leur participation à l’accompagnement à l’allaitement. Alors que celles-ci disposent de compétences reconnues par le code de la santé publique en matière d’alimentation du nourrisson, seules les sages‑femmes peuvent les prescrire. L’amendement vise donc à étendre cette faculté de prescription aux infirmières puéricultrices.

M. le secrétaire d’État. En plus d’avoir marqué notre entrée dans la session extraordinaire, les douze coups de minuit ont également sonné le doublement de la durée du congé de paternité.

L’allaitement est un sujet de santé publique à la fois sensible et complexe, dont nous nous avons beaucoup discuté autour des 1 000 premiers jours de l’enfant, projet qui nous a également permis de travailler avec Santé publique France à certains messages de santé publique – dans la lignée de la commission présidée par Boris Cyrulnik – qui porteront notamment sur celui-ci.

L’allaitement n’est pas un sujet facile pour toutes les femmes : il faut être très vigilant à ne pas verser dans l’injonction et dans la culpabilisation. Sur le fond, l’évolution des missions proposée à travers l’amendement relève plus d’un arrêté ministériel que de la loi et a vocation à s’inscrire dans un chantier plus vaste de refonte globale du socle des compétences des infirmiers. Des négociations vont débuter à la rentrée prochaine sur ce sujet, au cours desquelles sera traitée la question des modalités du cadre de la prescription par les infirmiers. Elles concerneront l’ensemble de la profession, pas uniquement les infirmiers puériculteurs et les infirmières puéricultrices.

Il nous semble donc quelque peu prématuré d’ouvrir par le truchement de l’amendement une prescription de manière isolée. Je propose donc qu’il soit retiré dans l’attente desdites négociations. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Sur le fond, l’amendement ne vise pas à imposer l’allaitement, mais bien au contraire à laisser le libre choix aux mamans d’allaiter ou pas. Malgré votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, et malgré les discussions en cours, je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 12

La commission est saisie de l’amendement AS486 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Cet amendement est fidèle à l’esprit d’interdisciplinarité dans lequel fonctionnent aujourd’hui les services de PMI. Il ne s’agit bien évidemment pas de remettre en cause leur direction par des médecins, qui relève à la fois des dispositions législatives actuelles et d’une nécessité afin de coordonner l’action de l’ensemble des professionnels de santé agissant en leur sein.

Cependant, ainsi que je le précise dans mon rapport, il serait vain de nier que la démographie des médecins de PMI est en chute rapide, de 8 % entre 2010 et 2015. Leur pyramide des âges est par ailleurs très défavorable. C’est pourquoi je propose que les conseils départementaux puissent, uniquement sur la base du volontariat, expérimenter la direction de services de PMI par des sages‑femmes ou par des puéricultrices.

Une telle expérimentation permettrait de faire fonctionner des services actuellement privés de direction et d’établir la pertinence d’une telle direction en cas de besoin impérieux.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je maintiens l’amendement.

Mme Monique Limon. Dans le département de l’Isère, j’avais obtenu l’autorisation de l’ordre des médecins de faire diriger un service de PMI territorial par une sage‑femme et un service de PMI d’une direction centrale par une personne possédant des diplômes de niveau élevé en santé publique mais qui n’était pas soignante. Après des discussions quelque peu houleuses et l’accord de l’ordre, cela avait été acté : elle est toujours en poste et cela se passe très bien.

Je vous ai bien entendu dire, monsieur le secrétaire d’État, que c’était plutôt à Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, qu’il fallait s’adresser pour faire diriger un service de PMI par une sage‑femme.

M. le secrétaire d’État. Ce n’est pas cela : des négociations sont en cours.

Mme Monique Limon. Il faudra néanmoins, à mon avis, arriver à ouvrir et à permettre à d’autres personnes que des médecins, ou même que des sages‑femmes, de diriger des services de PMI.

M. le secrétaire d’État. Il ne s’agit pas de savoir s’il faut s’adresser au ministre ou à son secrétaire d’État : des négociations conventionnelles sont en cours avec les différentes professions – et plus précisément entre le ministère de la santé et les organisations syndicales –, et des interactions existent entre les uns et les autres. Or nous sommes en train d’interférer avec celles-ci en prenant des décisions. Je vous l’ai déjà dit en donnant mon avis sur l’amendement précédent, mais vous ne m’avez pas écouté.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. J’entends bien, monsieur le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État. Non.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Cependant, toutes les organisations syndicales des professions concernées sont au courant de cet amendement.

Mme Monique Limon. Je demande une suspension de séance.

Suspendue à minuit trente, la réunion est reprise à minuit trente-cinq.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je retire l’amendement. Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez compléter en séance publique les propos que vous avez tenus avant la suspension de la réunion. Je me réserve la possibilité de déposer à nouveau l’amendement, en fonction du travail que nous réaliserons ensemble.

M. le secrétaire d’État. Madame la rapporteure, vous pourrez déposer l’amendement en vue de l’examen du texte en séance publique, et je vous fournirai des indications complétant les propos que j’ai tenus tout à l’heure. D’ici là, nous en reparlerons.

L’amendement est retiré.

 

Article 12 ter (nouveau) : Rapport relatif à mise en œuvre de négociations conventionnelles en vue du remboursement des actes des infirmières puéricultrices

La commission examine l’amendement AS491 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je l’ai dit à de nombreuses reprises, notamment dans mon propos liminaire, il me semble incohérent de prévoir le remboursement des actes de PMI aux départements s’ils sont pratiqués par des sages‑femmes ou des médecins, et pas s’ils le sont par des puéricultrices, qui en pratiquent parfois la plupart. Je demande à nouveau que le Gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet.

Il faut avancer vers le remboursement des soins prodigués par les puéricultrices, par le biais de l’inscription des actes concernés dans la nomenclature générale des actes professionnels. À l’heure actuelle, la moitié des actes de PMI ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie. Pourtant, l’importance des actes réalisés par les puéricultrices, notamment dans le cadre de la stratégie des 1 000 premiers jours, a été démontrée.

M. le secrétaire d’État. Madame la rapporteure, ma réponse s’inscrira dans la continuité des propos que j’ai tenus sur vos précédents amendements.

Vous souhaitez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de négociations conventionnelles visant à inscrire les actes et examens effectués par les infirmières puéricultrices, dans les services départementaux de PMI ou en libéral, parmi les actes pris en charge par l’assurance maladie. Les infirmiers puériculteurs ont suivi une formation supplémentaire de deux ans, qui leur permet de dispenser en priorité les soins destinés aux enfants, de la naissance à l’adolescence. À ce jour, la nomenclature des actes réalisés par les infirmiers libéraux ne les distingue pas en fonction de la formation de ces derniers, car la plupart des spécialités infirmières sont pratiquées dans un cadre hospitalier. Les actes concernés peuvent être réalisés par les infirmiers libéraux ; partant, certains actes propres aux infirmiers puériculteurs réalisés par les services de PMI ne peuvent pas faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie, dès lors qu’ils ne sont pas facturés par les infirmiers libéraux.

La cotation des soins en libéral et la définition des règles afférentes résultent de négociations menées – ainsi fonctionne notre système de santé – entre l’assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de la profession infirmière. La création d’actes spécifiques à la puériculture relève donc du champ conventionnel, après avis de la HAS, et ne nécessite aucune modification législative.

Des travaux sont en cours sur ce sujet. Nous avons tous deux eu l’occasion de l’aborder devant l’Association nationale des puéricultrices diplômées d’État. Des travaux sont également menés sur la profession de sage‑femme, qui évolue, et dont l’importance n’est pas moindre dans les politiques que nous souhaitons mener, notamment celle prévue par la stratégie des 1 000 premiers jours. Au demeurant, il y a des relations et des interactions entre ces deux professions. De mémoire, certains de ces travaux ont la rentrée pour échéance. Sans préjuger des décisions que nous prendrons, je puis d’ores et déjà affirmer que vous obtiendrez alors des réponses à vos préoccupations, que je partage sur le fond, et dont je reconnais la légitimité.

Il est rare qu’une demande de rapport recueille un avis favorable. Toutefois, si vous considérez que le rapport prévu par l’amendement peut vous éclairer sur les négociations conventionnelles en cours, je ne m’y oppose pas, tout en estimant que vous aurez obtenu les éclaircissements souhaités avant sa remise.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 12

La commission est saisie de l’amendement AS237 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’amendement prévoit la remise par le Gouvernement, au plus tard le 1er janvier 2023, d’un rapport dressant le bilan de son action dans le cadre de la politique dite des « 1 000 premiers jours ». Quelles sont les réalisations concrètes ? Où en sommes-nous des actions prévues ? Quels sont les financements, notamment des actes de prévention ?

Ces financements ont plusieurs origines. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé tout à l’heure l’effort consenti par l’État en faveur des services de PMI. Les ARS financent, par le biais des fonds d’intervention régionaux (FIR), les actions de prévention menées par les associations. Madame la rapporteure a rappelé que certains financements proviennent de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), par le biais des remboursements d’actes réalisés par les professionnels de santé de la PMI. Disposer, d’ici dix‑huit mois, d’un rapport sur ces politiques permettrait d’en avoir une vision claire.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Cher collègue, je pense comme vous qu’il faut renforcer notre information sur les politiques publiques menées dans le cadre de la stratégie des 1 000 premiers jours. Les auteurs du rapport de la commission des 1 000 premiers jours y sont favorables. Ils souhaitent développer, sous la responsabilité de l’Agence nationale de la recherche, la recherche‑action, qui associe chercheurs et professionnels de la périnatalité ainsi que de la PMI.

À un rapport à ce sujet, dont au demeurant nous pouvons parfaitement nous charger, je préfère la mise en application des préconisations de la commission des 1 000 premiers jours, ainsi que leur suivi, par le biais des instruments qui sont à notre disposition, pour évaluer l’effort du Gouvernement, comme nous le faisons dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale grâce aux programmes de qualité et d’efficience annexés.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Isaac‑Sibille, je pourrais faire un point d’étape, d’autant qu’un comité de pilotage élargi de la commission des 1 000 premiers jours se réunit très régulièrement. Il réunit les membres de la commission et les acteurs concernés, notamment les administrations et les opérateurs mobilisés dans le cadre du déploiement de la stratégie des 1 000 premiers jours, qui ne se réduit pas, tant s’en faut, à l’allongement du congé depaternité. Toutefois, cela pourrait nous mener au petit matin, tant nos réalisations sont nombreuses, et tant le sujet me passionne. Je vous épargnerai cela.

Comme rien ne garantit que je conserverai mes fonctions jusqu’au 1er janvier 2023, je vous propose, ainsi qu’à Mme la présidente, de présenter devant la commission des affaires sociales la politique des 1 000 premiers jours. Nous fêterons bientôt le premier anniversaire de la remise du rapport de la commission Cyrulnik. Je suis tout disposé à vous dire quel est, un an après son lancement, l’état d’avancement de cette politique, dont je suis assez fier.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes toujours le bienvenu dans notre commission !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette proposition. Nous vous recevrons avec plaisir.

Le problème, auquel nous nous sommes heurtés lors de l’examen de mon précédent amendement, ce sont les chiffres. Vous pourriez parler de la politique des 1 000 premiers jours pendant des heures, dites-vous. Deux chiffres nous suffiront. Connaissez-vous le montant consolidé que les ARS consacrent, par le biais des FIR, à la politique périnatale ? Si oui, nous sommes preneurs, et cela ne nous mènera pas à 2 heures du matin. De même, connaissez-vous le montant des remboursements effectués par la CNAM au titre de la PMI ? Ces chiffres sont très difficiles à obtenir. Un rapport à ce sujet présente donc un intérêt, sauf si vous pouvez les donner ce soir, tout comme votre audition sur la politique très ambitieuse que vous menez, et que nous soutenons.

M. le secrétaire d’État. Je n’ai pas sous les yeux les chiffres consolidés que vous me demandez, mais je suis en mesure de vous les donner.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’engagement de M. le secrétaire d’État de nous présenter ces chiffres et la politique des 1 000 premiers jours m’incite à retirer mon amendement. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous attendons de pied ferme !

L’amendement est retiré.

 

Avant l’article 13

La commission examine les amendements identiques AS476 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, et AS438 de Mme Monique Limon.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Ces amendements tirent les conséquences de la création d’un nouveau titre, où figure le seul article 13. Il inséré un nouveau titre, intitulé « Mieux piloter la politique de protection de l’enfance », numéroté V bis et consacré à la gouvernance de la protection de l’enfance.

La commission adopte les amendements.

 

Article 13 : Substituer aux principales structures nationales spécialisées dans la protection de l’enfance un groupement d’intérêt public national compétent pour l’ensemble du secteur, cofinancé à parité par l’État et les départements

La commission est saisie de l’amendement AS16 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. L’amendement vise à insérer, à la première phrase de l’alinéa 4, après le mot « éducation », les mots « , de justice ». L’accès à la justice, au même titre que l’accès à l’éducation, doit être garanti aux enfants relevant de l’ASE.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’amendement introduit une précision utile. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici le rôle fondamental joué par la direction de la PJJ et par le juge des enfants dans la protection de l’enfance. Rappeler le rôle de la justice au sein de cet article principiel est un symbole fort.

Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable. La justice est un service de l’État qui concourt à la protection de l’enfance.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS220 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. L’amendement vise à compléter l’alinéa 4 par les mots « , notamment par l’intermédiaire des représentants de l’État dans le département ». Je souhaite que la coordination entre l’État et collectivités territoriales, en matière de défense de l’intérêt supérieur de l’enfant, soit claire et efficace. La précision permettra de rétablir le préfet dans son obligation de coordonner les politiques d’État dans les départements au service de la protection de l’enfance, en relation directe avec le président du conseil départemental, auquel il peut apporter les soutiens nécessaires en la matière.

Le choix du préfet s’explique par plusieurs raisons. En tant que représentant de l’État dans les territoires, il est seul capable d’y assurer la coordination des services de l’État. Il peut notamment coordonner les politiques interministérielles et les divers acteurs concernés : les services sociaux, qui sont le premier pilier de la protection de l’enfance ; la justice, garante de l’intérêt supérieur de l’enfant ; les services de santé, nécessaires à la détection de la maltraitance ; l’éducation nationale, qui est au cœur du développement et de l’émancipation de l’enfant. Par ailleurs, du point de vue du protocole, il est pertinent que le président du conseil départemental ait un interlocuteur de rang équivalent.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Chère collègue, nos intentions concordent, comme le démontrera l’examen de l’amendement AS492 relatif au rôle des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) dans la gouvernance territoriale de la protection de l’enfance. Il convient de s’assurer de l’animation territoriale des politiques publiques de l’État.

Il me semble que votre amendement est satisfait : il est implicite que la coopération avec les organismes concernés par cette politique a lieu à l’échelle déconcentrée, par le biais du préfet, compte tenu du caractère décentralisé de la compétence. Je suggère donc le retrait de votre amendement au profit du mien, et émets à défaut un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. J’aimerais rappeler le cadre général de cet article important, qui vise à renforcer la gouvernance de la protection de l’enfance, notamment à l’échelle nationale. Il s’agit d’une réforme de sens et non d’économie, visant à pallier l’émiettement des organismes chargés de cette politique, afin d’en renforcer la cohérence et l’efficacité. L’idée est de bâtir un GIP réunissant les acteurs de la protection de l’enfance que sont, outre les départements, l’État, qui souhaite la réinvestir, les associations et les enfants protégés.

Il en résultera le rapprochement de plusieurs organismes, au premier rang desquels les deux principaux GIP que sont Enfance en danger (GIPED), qui gère le 119, ainsi que l’ONPE, et l’Agence française de l’adoption (AFA). Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) est également concerné par ce rapprochement. Comme je l’indiquais tout à l’heure à Raphaël Gérard, ses compétences en matière d’adoption auprès des départements seront renforcées, grâce à la généralisation de l’expérimentation menée dans vingt‑cinq départements, sans incidence sur les actions réalisées à l’échelle internationale.

Le deuxième volet de la réforme vise à renforcer la connaissance de la protection de l’enfance à l’échelon national. Cette politique souffre du manque de données consolidées, que vous cherchez souvent à obtenir. Pour faire bref, les remontées de terrain ne sont pas satisfaisantes. Même si l’ONPE réalise un travail de qualité, notamment grâce au dispositif d’observation longitudinale individuelle et nationale en protection de l’enfance (OLINPE), permettant aux départements de communiquer leurs données en la matière, il demeure difficile d’obtenir des données consolidées sur les parcours longitudinaux et la vie des enfants relevant de l’ASE. Le renforcement de notre connaissance de la protection de l’enfance consistera aussi à associer plus étroitement la DREES à l’ONPE, qui bénéficiera ainsi de ses compétences. À terme, la DREES gérera le dispositif OLINPE. Elle a l’habitude de travailler avec les départements, notamment dans le champ de la dépendance et de la perte d’autonomie.

La réforme est également l’occasion de donner – certains diront que cette mesure est d’ordre symbolique – davantage d’indépendance au CNPE, que je préside, alors même qu’il est censé me conseiller et formuler des avis sur les mesures prises par le Gouvernement. Nous mettons un terme à cette petite incongruité. Dorénavant, la présidence du CNPE, dont le rôle demeure inchangé, ne sera plus assurée par un membre du Gouvernement, mais par une personnalité qualifiée.

Telles sont les mesures prévues en matière de gouvernance nationale de la protection de l’enfance, étant entendu que plusieurs dispositions fondamentales ne figurent pas dans le projet de loi parce qu’elles ne relèvent pas de la loi.

Dans l’esprit qui a présidé à sa conception, le nouveau GIP est le lieu de la co‑élaboration de cette politique publique par les diverses parties prenantes, un peu sur le modèle – j’ai souvent fait cette comparaison, non sans en indiquer les limites – de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie dans le champ du handicap.

La répartition de la représentation des parties prenantes, notamment l’État et les départements, au sein du conseil d’administration du GIP, est une question qui n’est pas sans conséquences. Les départements, vous l’imaginez bien, y sont très attentifs, à raison. M. Bazin avait déposé un amendement, déclaré irrecevable sur le fondement de l’article 40 de la Constitution, prévoyant un financement à parité par l’État et les régions, semblable à celui du GIPED.

Plusieurs dispositions importantes figurent dans la convention constitutive. Je m’étais engagé auprès de vous, à l’occasion d’auditions diverses et variées, ainsi qu’auprès des différents organismes et des départements, à présenter, lors de l’examen du présent projet de loi, l’état de l’art de sa rédaction, ainsi que les décisions prises au sujet des aspects que j’évoquais à l’instant et sur d’autres. Je serai en mesure de le faire lors de l’examen du texte en séance publique. Sachez que, depuis un an, un petit groupe de travail, composé des directrices générales des quatre organismes concernés – CNPE, AFA, GIPED ET CNAOP – et du directeur général de l’ADF travaille à la rédaction de cette convention constitutive. Nous sommes parvenus à un texte que je vous présenterai la semaine prochaine, en séance publique, afin de préciser certains points.

À ce stade, ce texte ne comprend pas d’éléments sur la gouvernance territoriale, que votre amendement aborde en partie.

La gouvernance territoriale porte sur deux aspects. Tout d’abord, elle organise la façon dont le département et les différents acteurs s’organisent dans le territoire. Il me semble que l’ODPE doit être le lieu où s’élabore la stratégie de protection de l’enfance à l’échelle du territoire et où est menée de façon opérationnelle la politique de protection de l’enfance. C’est déjà le cas dans certains départements, comme dans les Côtes-d’Armor où j’étais il y a un mois.

La gouvernance territoriale implique également l’État, comme le souligne Mme Goulet. Les élections départementales se sont déroulées il y a deux jours, les nouveaux exécutifs vont être mis en place dans quelques heures, un nouveau bureau de l’ADF va être désigné à la fin du mois de juillet. Nous n’avons pas voulu avancer trop vite dans le texte qui vous est présenté pour que vous et les sénateurs, qui représentent les collectivités territoriales, puissiez enrichir le texte au cours au sujet de la gouvernance territoriale, dont nous reconnaissons l’importance cruciale.

Nous partageons la nécessité de désigner un chef de file pour la protection de l’enfance qui représenterait l’État dans les départements, puisque cette politique implique le préfet, mais aussi l’académie, les ARS et la justice. Mais la désignation d’un responsable de la protection de l’enfance au sein d’une préfecture ne relève pas de la loi, ni même d’un décret ou d’un arrêté, mais d’une instruction, car il s’agit de l’organisation des services de l’État. C’est pourquoi nous sommes défavorables à ce que cette disposition figure dans la loi, mais nous nous engageons à ce que l’instruction ministérielle crée dans les préfectures un référent sur la protection de l’enfance pour jouer le rôle de chef de file et d’interlocuteur des acteurs territoriaux qui se plaignent parfois de ne pas avoir d’interlocuteur identifié sur cette politique.

Mme Perrine Goulet. Madame la rapporteure, votre réponse fait référence à votre amendement AS492, qui prévoit d’organiser une nouvelle mission pour l’ODPE, en coordination avec le préfet.

Ma proposition est plus vaste. Mon amendement porte sur l’article en préambule de la section consacrée au GIP et concerne la gouvernance au niveau national. Je ne propose pas de placer cette disposition au même endroit, il serait préférable que le préfet ne soit pas mentionné que dans les dispositions qui concernent l’ODPE.

Dans l’amendement AS492, le préfet, l’ARS, le rectorat et l’autorité judiciaire sont placés au même niveau. Par conséquent, le président du département n’a pas d’interlocuteur unique. Or l’ADF et les représentants des départements de France souhaitent un tel interlocuteur, chargé de piloter les différentes politiques interministérielles.

Je ne suis pas convaincue par la proposition du secrétaire d’État de créer un référent au sein des services de l’État. Je ne dévalue pas le travail que pourrait faire cette personne, mais un président de conseil départemental doit avoir pour interlocuteur le représentant de l’État dans le département, pas une personne d’un niveau hiérarchique inférieur au sous‑préfet.

C’est pourquoi je pense que mon amendement sur le rôle du préfet est bien placé dans le texte, il est en lien avec les conclusions de la mission d’information que nous avions menée il y a deux ans. Il faut réaffirmer la place de l’État aux côtés des départements pour les aider : qui de mieux pour le faire que le préfet ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS482 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS157 et AS160 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Ces deux amendements portent sur la composition du CNPE. Nous souhaitons renforcer son indépendance et la place des avocats en son sein, qui n’est pas institutionnellement garantie. Les avocats représentent la défense des droits de l’enfant.

Les enfants doivent également être représentés au sein de cette institution censée défendre leurs intérêts ; c’est l’objet de l’amendement AS160.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Ces amendements ouvrent la liste de ceux qui proposent d’ajouter des membres au CNPE, dont chacun se fait une idée assez précise de la composition.

Votre proposition me semble potentiellement satisfaite par les précisions qu’apportera le pouvoir réglementaire sur la composition du futur CNPE. Vous avez raison de souligner que des avocats spécialisés dans la protection des enfants étaient déjà membres de l’actuel CNPE : votre souhait sera donc couvert par la bonne pratique que ne manquera pas de suivre à nouveau le Gouvernement.

Je proposerai par la suite la création d’un collège permettant de renforcer la représentation des enfants. L’amendement AS160 sera donc satisfait ; je vous propose de le retirer.

M. le secrétaire d’État. Ces mesures relèvent du pouvoir réglementaire : la composition du CNPE sera fixée par décret. Mais je peux vous confirmer que d’anciens enfants protégés en sont actuellement membres, ainsi que des avocats, notamment Dominique Attias, dont je vous garantis la présence et l’implication.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS483 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement AS399 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Je souhaite associer les enfants actuellement placés à l’ASE à la gouvernance. Nous pourrions en profiter pour développer l’apprentissage de la vie démocratique. Il existe des conseils de vie sociale dans les établissements, et nous avons vu dans d’autres organismes qu’il était simple de mettre en place une forme d’élection pour que des représentants issus de ces conseils de vie sociale interviennent auprès du CNPE.

Je propose de nommer les représentants au CNPE parmi les membres des conseils de vie sociale des établissements. Ces instances seront valorisées, et cette élection constituera un apprentissage de la démocratie pour ces enfants.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Il faut laisser une certaine marge de manœuvre au pouvoir réglementaire et ne pas prévoir dans la loi un niveau de détail qui risquerait de nous faire oublier des acteurs. Il reviendra au Gouvernement de déterminer par voie réglementaire la façon de représenter les enfants accueillis de la meilleure des manières au sein du CNPE.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Mme Perrine Goulet. Je maintiens cet amendement, car je pense qu’il est important de passer par ce système.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS405 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. La composition du CNPE est fixée par une liste qui comprend les magistrats, les représentants des conseils départementaux et les représentants des associations. Il me semble que deux catégories de membres manquent : les représentants des avocats et les représentants du Défenseur des droits. Il serait très intéressant qu’ils participent à cette institution.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Vous poursuivez la liste des catégories de membres du CNPE. Votre proposition sera satisfaite par les dispositions réglementaires et la pratique du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Même avis : le Défenseur des droits est déjà représenté au sein du CNPE.

Mme Perrine Goulet. Le texte prévoit une liste, mais si nous ne pouvons pas la compléter quand nous estimons qu’il y a des manques, tournons les choses autrement. La liste comprend déjà des représentants des services de l’État, des magistrats, des représentants des conseils départementaux, des représentants des professionnels, des représentants des associations gestionnaires d’établissements ou de services de l’ASE et d’associations œuvrant dans le champ de la protection des droits des enfants. Pourquoi mentionner les magistrats mais pas les avocats ? Pourquoi certaines catégories de membres seraient‑elles prévues dans la loi tandis que d’autres relèveraient du pouvoir réglementaire ?

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie des amendements identiques AS477 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, AS357 de M. Paul Christophe, AS389 de Mme Florence Provendier et AS439 de Mme Monique Limon.

M. Paul Christophe. L’amendement vise à créer un collège des enfants au sein du CNPE, comme le prévoyait le préprojet de loi. La création de ce collège permettrait de garantir la représentation des bénéficiaires de l’ASE dans les instances de gouvernance du CNPE.

Les modalités de fonctionnement et d’organisation, les moyens et l’indépendance du collège devront être traités dans le décret prévu à l’alinéa 18.

Mme Florence Provendier. La convention internationale des droits de l’enfant consacre le droit à la participation des enfants et des jeunes aux décisions qui les concernent. Il est fondamental que dans les instances de gouvernance de l’ASE – le CNPE –, le collège des enfants et des jeunes protégés trouve sa place afin que les enfants puissent donner leur avis sur les décisions qui les concernent.

Mme Monique Limon. Nous proposons de remédier à un manque dans la composition actuelle du CNPE. Alors que la mission de préfiguration de l’IGAS conseillait l’intégration de représentants des premières personnes concernées, à savoir les enfants, le présent projet de loi ne prévoit pas leur représentation.

Cet amendement vise à remédier à cette situation en suivant l’exemple donné par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), qui a installé un collège des enfants rattaché à sa commission « enfance et adolescence ».

M. le secrétaire d’État. Cette précision ne figure pas dans le texte car elle est plutôt de nature réglementaire, mais au regard de l’importance majeure que doit prendre la parole de l’enfant, je suis favorable à ces amendements.

Vous citez le collège des enfants institué par le HCFEA : il faudra réfléchir à son articulation avec le CNPE.

Les amendements sont adoptés.

La commission examine l’amendement AS69 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons que la présidence du CNPE soit assurée par un membre du collège des personnalités qualifiées.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Votre amendement relève du pouvoir réglementaire, puisque le CNPE a vocation à éclairer le Gouvernement. Les modalités de détermination de sa présidence relèvent donc plutôt du décret.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. La composition, le mode de fonctionnement et la désignation du président du CNPE relèvent du domaine réglementaire. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, tout en réitèrant l’engagement que le CNPE ne sera plus présidé par le ministre, mais par une personnalité qualifiée.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS411 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Je propose de préciser que le CNPE formule également des recommandations quant à la prévention en matière de protection de l’enfance. Il est primordial de ne pas perdre de vue la prévention et de ne pas nous cantonner aux aspects curatifs et à la protection.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je suis favorable à votre précision ; la protection de l’enfance comprend une dimension de prévention qu’il convient de ne pas laisser de côté.

M. le secrétaire d’État. La stratégie que je défends repose sur la prévention et la protection de l’enfance, et j’ai toujours soutenu la nécessité de mieux articuler les deux. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS451 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons que la présidence du CNPE soit indépendante et objective à l’égard des départements, compte tenu de la place prise par les collectivités dans ce domaine.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Les modalités de fonctionnement du CNPE seront déterminées par décret. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’mendement AS106 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Il s’agit de préciser que la composition du CNPE concourt, dans la mesure du possible, à la parité entre les femmes et les hommes.

À l’heure actuelle, chaque collège est composé de telle sorte que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne soit pas supérieur à un. Il me semble approprié de conserver ce principe et de l’inscrire dans la loi, comme nous avons pu le faire s’agissant de la composition du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ou de l’Office français de la biodiversité. C’est une manière de manifester notre attachement constant à la parité.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je ne pense pas qu’il faille demander aux associations de veiller à ce que la représentation dans les collèges soit équilibrée ; il suffira de reprendre les modalités de fonctionnement déterminées aujourd’hui par la voie réglementaire.

Elles prévoient déjà que « chaque collège est composé de telle sorte que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne soit pas supérieur à un » et que « chaque autorité amenée à désigner un nombre pair de membres désigne autant de femmes que d’hommes », en application de l’article D. 148‑2 du code de l’action sociale et des familles.

Je propose donc le retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Merci, monsieur le député, de réaffirmer notre attachement aux règles de parité et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cet amendement est satisfait puisque les dispositions relatives à la parité au sein des instances consultatives, issues de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, s’appliquent au CNPE.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS356 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. L’amendement vise à soulever la question de la neutralité et de l’indépendance de la présidence du GIP.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Comme le proposent un certain nombre de vos collègues, je privilégie pour des raisons symboliques et pratiques la possibilité d’une présidence par un représentant des élus des conseils départementaux. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Demande de retrait, de tels principes relevant de la convention constitutive et du règlement intérieur du GIP plus que de la loi. De plus, ils s’imposent à tous les membres du GIP et non à son seul président.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS38 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Il convient de nommer auprès de chaque préfet un référent « protection de l’enfance » afin d’assurer l’animation, la coordination et de la cohérence des pratiques sur le plan local.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je ne crois pas que la place des préfets soit au sein du GIP. Leur rôle consiste plutôt implicitement à animer l’action des administrations déconcentrées de l’État à l’article L. 121-10 du code de l’action sociale et des familles.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je ne suis pas certain, en effet, que cette coordination entre le GIP et les préfectures soit la bonne façon de procéder. Pour autant, nous souhaitons désigner des référents de l’État mais cela relève plus de l’instruction ministérielle que de la loi.

Avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. S’il s’agit bien de nommer un référent auprès des préfets sur le modèle des délégués départementaux aux droits des femmes afin de veiller aux différentes coordinations, alors, je voterai en faveur de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS203 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Je défendrai également l’amendement AS204, qui sera appelé un peu plus tard, les deux étant liés.

Il est regrettable que l’éclatement des dispositions législatives relatives à la gouvernance nationale de la protection de l’enfance et de l’adoption nuisent à la lisibilité de cette réforme ambitieuse.

L’amendement AS204 propose de transposer les dispositions relatives à la création d’une base nationale recensant les demandes d’agréments en vue d’adoption que nous avions adoptées, faute de véhicule législatif adapté, dans le cadre de la proposition de loi de Mme Limon réformant l’adoption.

L’amendement de repli AS203 dispose qu’une coordination juridique est nécessaire en précisant que le futur organisme aura pour mission de créer cette base nationale, notamment afin de promouvoir une plus grande interdépartementalité au sein des politiques nationales de l’adoption et d’identifier les familles adoptantes susceptibles de répondre aux besoins spécifiques de l’enfant lorsqu’une famille du département ne semble pas convenir.

Outre le décalage des deux calendriers, la proposition de loi de Mme Limon n’est à ma connaissance toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Faute d’adopter l’un de ces amendements, nous serons confrontés à un problème de coordination.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je comprends que votre amendement AS203 se réfère à l’article L. 225‑7 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il sera sans doute modifié par la proposition de loi de Mme Limon. Néanmoins, à ce stade, la base légale n’existant pas, son inscription parmi les missions du GIP – opérationnel en 2022 – est prématurée.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Pour la même raison, même avis sur l’amendement AS204.

M. le secrétaire d’État. Vous avez raison à propos du décalage et des deux véhicules législatifs concernant deux sujets très proches. Pour ma part, j’ai d’ailleurs toujours considéré que l’adoption faisait partie intégrante de la protection de l’enfance. Nous avons fait notre possible pour faire avancer ces dossiers importants aux moments opportuns.

Le Gouvernement, à travers le garde des sceaux, s’est engagé à ce que la proposition de loi de Mme Limon soit inscrite à l’ordre du jour du Sénat au mois de septembre. Je vous propose donc d’en rester au cadre actuel. Nous sommes très vigilants, tout comme l’AFA, pour qu’il n’y ait pas d’incohérences. Je n’envisage pas que la discussion du texte de Mme Limon n’aille pas à son terme mais, même dans ce cas-là, nous ferions en sorte d’inclure la disposition relative aux demandes d’agréments dans ce projet.

M. Raphaël Gérard. J’entends les engagements renouvelés du secrétaire d’État et je retire l’amendement AS203. D’ici l’examen du texte en séance publique, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement pourra s’assurer de l’ordre du jour du Sénat ! Il n’en reste pas moins qu’il convient de remédier aux incohérences entre la proposition de loi de Mme Limon, la loi de bioéthique et ce texte.

L’amendement AS203 est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS224 de Mme Laurence Vanceunebrock.

M. Raphaël Gérard. Il convient d’inclure les associations qui représentent la diversité des familles pour l’élaboration des ressources, outils et référentiels du centre national de ressources constitué par le GIP. Ces associations sont des acteurs de terrain essentiels, qui disposent d’une connaissance approfondie, d’un savoir‑faire et d’une expertise sur les modèles familiaux de notre pays. Elles pourront ainsi mettre leurs compétences à la disposition du centre national de ressources. Il est indispensable de les intégrer afin de garantir l’intérêt supérieur de tous les enfants dans l’application de ces politiques publiques.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Nous aurons l’occasion de revenir sur la question des personnes morales de droit public ou privé membres de droit du GIP et, donc, des associations. Votre amendement ne figure pas au bon endroit puisqu’il donnerait aux associations représentant la diversité des familles une forme de monopole sur la constitution du centre de ressources alors qu’il a plutôt vocation à collecter des données issues de l’ensemble des acteurs et des institutions de la protection de l’enfance. Je vous invite à le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Les modalités de travail du centre de ressources relèvent plutôt de l’organisation interne du GIP. La présence d’associations au sein des instances dirigeantes permettra de veiller à la mobilisation de l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés dans les travaux menés par ce nouveau groupement d’intérêt public.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS478 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, qui fait l’objet du sous-amendement AS504 de M. Raphaël Gérard.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Il précise les personnes destinataires des référentiels du centre national de ressources.

M. Raphaël Gérard. Mon sous‑amendement, qui vise à contourner l’article 45, concerne l’accès aux origines personnelles des enfants issus de l’adoption internationale, obligation prévue par l’article 30 de la convention de La Haye sur la coopération et la protection des enfants en matière d’adoption internationale, que la France a ratifiée mais qui n’est pas pour autant respectée par notre pays.

Le CNAOP s’occupe en effet exclusivement de l’accompagnement des demandes des personnes nées sous le secret en France – ou à l’étranger, le cas échéant – en s’appuyant sur des informations recueillies par la Mission de l’adoption internationale (MAI). L’AFA, quant à elle, propose seulement un accompagnement aux enfants adoptés par son intermédiaire en facilitant l’accès à leur dossier, ce qui implique une inégalité entre les enfants concernant l’effectivité de leur droit d’accès aux origines en fonction de leur mode d’entrée dans les familles.

Compte tenu de la composition du futur GIP, nous aurions pu penser que cette question serait traitée dans le cadre de ce projet. Je sais qu’elle fait l’objet de discussions entre les différents acteurs – MAI, AFA, CNAOP – mais il me paraît nécessaire de préciser que le GIP, en tant que centre national de ressources, doit concourir à la promotion des expériences probantes, au développement de la connaissance et favoriser le développement des outils permettant d’accéder aux origines quels que soient les modes d’adoption, nationale et internationale.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. J’entends votre préoccupation mais je souhaite aussi entendre le point de vue du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Le champ d’intervention de ce nouveau GIP doit être en effet assez large. L’AFA, qui aura des compétences internationales, en fera partie. À ce stade, je n’ai donc pas d’opposition de principe à votre sous‑amendement.

Par ailleurs, il faut laisser à l’AFA et au CNAOP le temps de s’organiser sur ces questions complexes, sur lesquelles ils ont prévu de travailler.

Avis favorable à l’amendement.

La commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement sousamendé.

Elle en vient à l’amendement AS355 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Il convient de confier au GIP la mission de suivi et d’évaluation du référentiel national d’évaluation des situations de risque pour la protection de l’enfance introduit par l’article 6.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je crains que votre amendement ne contredise ce qui a été voté à l’article 6, notamment la gestion commune par la HAS et le Gouvernement du nouveau référentiel. Je vous propose de le retirer afin de laisser le référentiel entrer pleinement en vigueur, avant une éventuelle modification de sa gouvernance.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Un comité de suivi est prévu, auquel l’ONPE sera étroitement associé. Le GIP sera donc associé au suivi du référentiel.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe ensuite à l’amendement AS388 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. L’amendement vise à intégrer dans les missions du GIP la promotion et le suivi de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance. À ce titre, il encourage l’organisation de partenariats avec des associations œuvrant dans le champ de la lutte contre les violences faites aux enfants, comme c’est le cas de l’association Les Papillons.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je comprends votre intention mais je crains que les compétences du Gouvernement ne soient ainsi préemptées alors que c’est à lui d’assurer le suivi de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance.

Il reviendra en revanche au GIP de reprendre les missions du Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger en matière de prévention et de transmission des informations préoccupantes.

M. le secrétaire d’État. Je confirme que cela doit demeurer de la compétence du Gouvernement.

Mme Florence Provendier. Je retire mon amendement mais j’appelle votre attention : il ne faut jamais laisser de côté les associations, qui peuvent être des partenaires de choix.

M. le secrétaire d’État. Elles seront représentées au conseil d’administration du GIP.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS225 de Mme Laurence Vanceunebrock.

M. Raphaël Gérard. Cet amendement d’appel vise à s’assurer que les associations représentant la diversité des familles soient incluses parmi les membres de droit du GIP. Il est en effet impératif que ce dernier tienne compte de l’évolution des modèles familiaux et des réalités vécues par toutes les familles, sans exception.

Depuis la promulgation de la loi de 2013 autorisant les couples homosexuels à adopter des enfants et compte tenu de l’adoption prochaine de la proposition de loi de Mme Limon mettant fin à l’obligation matrimoniale pour adopter, il est nécessaire de tenir compte de l’évolution du modèle familial, de s’assurer que toutes les familles soient traitées également et que le GIP ne soit en rien discriminant.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Ce n’est pas à la loi d’inventorier les associations qui seront membres de droit du GIP mais à la convention constitutive, qui interviendra peu après le vote de cette loi. Aujourd’hui, dix‑huit associations représentant l’ensemble des modèles familiaux interviennent dans les instances qui seront regroupées dans le GIP.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Cela relève en effet de la convention constitutive.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS390 de Mme Florence Provendier, qui fait l’objet du sous-amendement AS503 de M. Raphaël Gérard.

Mme Florence Provendier. Dans la même veine que l’amendement AS389, l’amendement AS390 vise à souligner la place des enfants protégés dans la gouvernance du GIP.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Comme je viens de l’expliquer à M. Gérard, je ne pense pas que la loi doive comporter un inventaire des associations membres de droit du GIP. Cette liste relève plutôt de la convention constitutive, qui sera élaborée peu après le vote de la loi.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement et le sous-amendement sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques AS192 de M. JeanMichel Clément et AS406 de Mme Perrine Goulet.

Mme Martine Wonner. Par l’amendement AS192, nous proposons de confier la présidence du nouveau GIP à un représentant élu des conseils départementaux.

Mme Perrine Goulet. Cette précision serait susceptible de rassurer les départements.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je comprends votre intention. Il me paraît également pertinent que la présidence du GIP soit exercée par un représentant des conseils départementaux, et ce pour deux raisons. D’un point de vue symbolique, nous réaffirmerions ainsi notre attachement à ce que la protection de l’enfance demeure une compétence décentralisée. D’un point de vue pratique, nul ne me semble mieux placé pour exercer la présidence du GIP qu’un représentant des conseils départementaux, qui a été confronté à la question de la coordination locale de l’action de la protection de l’enfance avec les missions de la justice et des administrations déconcentrées de l’État. Il jouerait, en quelque sorte, un rôle de vigie en s’assurant de la cohérence des actions menées par les différentes instances du groupement. Je pense cependant que la composition et les modalités de fonctionnement du GIP devront plutôt être définies dans sa convention constitutive, comme le laisse entendre le projet de loi. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. le secrétaire d’État. Cette question relève effectivement de la convention constitutive : c’est pourquoi je demande le retrait des amendements. Je préciserai les choses mardi en séance, comme je vous l’ai promis tout à l’heure, mais je peux d’ores et déjà vous annoncer que la présidence du GIP sera confiée à un président de département.

M. Guillaume Chiche. Je suis quelque peu abasourdi. Depuis tout à l’heure, on nous explique que la composition du GIP ne relève pas du domaine de la loi et qu’elle sera déterminée par décret. Mme la rapporteure vient de déclarer qu’elle était plutôt favorable à ce que la présidence du GIP soit assurée par un président de conseil départemental, comme elle l’avait déjà laissé entendre tout à l’heure, et M. le secrétaire d’État a confirmé la volonté du Gouvernement d’aller dans ce sens. Même si la demande de l’ADF peut sembler légitime, j’y suis, pour ma part, formellement opposé. Une telle décision ne me paraît pas cohérente avec notre volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu tout à l’heure un amendement AS69 visant à confier la présidence du GIP à un membre du collège des personnalités qualifiées. La présidence devrait même revenir à un membre d’association de personnes anciennement accompagnées par l’ASE.

Pouvez-vous m’apporter quelques éclaircissements, tant sur le véhicule employé – voie réglementaire ou voie législative – que sur les différents avis exprimés ? L’avis donné par Mme la rapporteure sur ces deux amendements identiques dénote par rapport aux avis exprimés sur les amendements précédents.

M. le secrétaire d’État. Nous sommes tout à fait cohérents : j’ai demandé à Mme Wonner et à Mme Goulet de retirer leurs amendements. Cette question ne relève même pas du domaine réglementaire : elle sera tranchée dans le cadre de la convention constitutive du futur GIP. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, la présidence de l’actuel GIPED est déjà assurée par un président de département.

Les amendements sont retirés.

Compte tenu de l’avis défavorable de Mme Michèle Peyron, rapporteure, l’amendement AS204 de M. Raphaël Gérard est retiré.

La commission examine l’amendement AS492 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je propose d’ajouter aux missions des ODPE celle « d’organiser une gouvernance territoriale renforcée, en coordination avec les services de l’État, dont le représentant de l’État dans le département, l’agence régionale de santé, le rectorat, et l’autorité judiciaire dont le procureur de la République du ressort et le président du tribunal judiciaire du même ressort ».

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Perrine Goulet. Je ne comprends pas pourquoi le département n’est pas mentionné dans cet amendement. La gouvernance territoriale de la protection de l’enfance concernerait-elle uniquement les services de l’État ?

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’ODPE est présidé par un membre de l’exécutif départemental.

Mme Perrine Goulet. Votre amendement ne me paraît pas très lisible. Pouvez‑vous m’expliquer en quoi il modifiera la gouvernance de la protection de l’enfance ? Les différents acteurs que vous citez viennent‑ils s’ajouter à ce qui existe déjà ?

M. le secrétaire d’État. L’amendement de la rapporteure vise à insérer un 6° à l’article L. 226‑3‑1 du code de l’action sociale et des familles, qui définit les missions de l’ODPE. C’est bien dans le cadre de l’ODPE, donc du département, que la gouvernance territoriale sera renforcée, « en coordination » avec les autres acteurs.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination AS479 de Mme Michèle Peyron, rapporteure, ainsi que les amendements rédactionnels AS480 et AS481 de Mme Michèle Peyron, rapporteure.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS279 de M. Raphaël Gérard.

M. Raphaël Gérard. Cet amendement d’appel vise à souligner le fait que l’article 13 ne répond pas complètement aux inquiétudes des familles candidates à une adoption à l’étranger via l’AFA.

Pour mener ses activités, l’AFA est accréditée par les autorités des États signataires de la convention de La Haye. Afin de rassurer les familles, l’article 13 prévoit une période transitoire de vingt‑quatre mois, pendant laquelle l’AFA pourra continuer d’agir, le temps que le nouvel opérateur unique obtienne les accréditations nécessaires. Cela étant, nous avons déjà identifié certains pays qui, en raison de lenteurs administratives ou de pressions diplomatiques, pourraient tarder à délivrer au futur GIP l’agrément dont il a besoin. Que deviendront les dossiers d’adoption au terme de cette période de vingt‑quatre mois ? Leur gestion sera‑t‑elle transférée à l’autorité centrale, c’est-à-dire à la MAI, dont le métier est pourtant différent de celui de l’AFA ? Sera-t-elle transférée d’autorité vers des organismes autorisés pour l’adoption, ce qui aurait fatalement des conséquences pour les familles concernées, le passage d’un opérateur public à un opérateur privé ayant forcément un coût ? Tout cela n’est pas très clair.

Il existe des solutions simples qui, de mon point de vue, ne passeraient pas par la loi. Nous pourrions par exemple acter le fait que le GIP ou l’AFA mettront à disposition de la MAI des ressources permettant à cette dernière de traiter les dossiers non clos. Derrière ces dossiers se trouvent des familles, qui se sont souvent engagées dans des processus très longs. Pour elles, un arrêt brutal du parcours d’adoption au motif que l’opérateur auquel elles ont fait appel a perdu son agrément ne serait pas sans conséquences.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Votre amendement me semble satisfait. Je préfère cependant laisser M. le secrétaire d’État vous apporter toutes les précisions utiles.

M. le secrétaire d’État. Je tiens à vous rassurer, monsieur Gérard, ainsi que les associations de parents avec lesquelles nous sommes en contact. Avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, nous veillons à garantir une continuité de service, si je puis dire – c’est en tout cas l’engagement que je prends aujourd’hui. Il s’agit d’un sujet sensible, sur lequel nous nous devions d’être prudents : c’est pourquoi nous avons prévu la période de transition de vingt‑quatre mois que vous avez évoquée. Tout sera mis en œuvre pour que les agréments soient renouvelés dans ce délai. Nous ferons en sorte que les dossiers continuent d’être traités et que les familles engagées dans des parcours d’adoption internationale ne rencontrent pas le moindre souci.

M. Raphaël Gérard. Je retire mon amendement. Nous devons anticiper ces difficultés dès maintenant car vingt‑quatre mois, dans un temps administratif et diplomatique, c’est très court ! Nous ne savons pas aujourd’hui combien de dossiers l’AFA gérera dans deux ans : l’agence pourrait enregistrer un grand nombre de demandes dans cet intervalle, notamment parce que certains opérateurs privés cessent leur activité du fait de la crise sanitaire.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS159 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous voulons nous assurer que des moyens suffisants seront accordés aux instances dont nous parlons, qui ne doivent pas être des coquilles vides. Aussi demandons-nous au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport précis « sur le budget dédié au Conseil national de la protection de l’enfance, ainsi qu’au groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles ». Ce rapport devra détailler « le nombre d’équivalents temps plein (ETP) de fonctionnaires ainsi que le budget de fonctionnement précis confié à ces institutions pour qu’elles puissent remplir leurs missions ».

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Sur la forme, la promulgation de la loi ne fera pas tout : avant que le GIP ne commence à travailler, il faudra que sa convention constitutive soit signée par l’ensemble des parties prenantes. Sur le fond, je comprends vos inquiétudes, mais – je parle sous le contrôle du Gouvernement – il est prévu de reprendre l’ensemble des ETP dont disposent actuellement les instances qui seront regroupées. Certes, le GIP va assurer des missions supplémentaires. Cela suppose au minimum le maintien du personnel existant et sa formation à de nouveaux enjeux, et si possible des recrutements au fur et à mesure de la montée en charge des nouvelles missions. Je ne peux donc donner un avis favorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Enfin, elle adopte l’article 13 modifié.

 

Après l’article 13

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS294 et AS293 de M. Bertrand Pancher.

Mme Martine Wonner. L’amendement AS294 vise à compléter l’article L. 22251 du code de l’action sociale et des familles en précisant que les mineurs suivis par l’ASE sont informés, lors de leur entretien de préparation à l’autonomie, des actions menées par les associations départementales d’entraide des pupilles et anciens pupilles de l’État mentionnées à l’article L. 22411 du même code. Ces associations, dont la plupart des jeunes ignorent jusqu’à l’existence, effectuent en effet un travail considérable à destination des anciens de l’ASE.

L’amendement AS293 vise à rendre ces mêmes associations plus visibles et mieux identifiées par les départements et l’État, grâce à la création d’un référentiel, régulièrement mis à jour, indiquant leurs besoins en ressources.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’amendement AS294 me semble satisfait tant par le droit existant, puisque l’article L. 22251 du code de l’action sociale et des familles prévoit déjà que le président du conseil départemental associe à l’entretien organisé avec le mineur un an avant sa majorité « les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources », que par la pratique. Je vous demande donc de le retirer.

L’amendement AS293 me semble également en partie satisfait, puisque le protocole mentionné à l’article L. 222‑5‑2 du code de l’action sociale et des familles prévoit déjà un « partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de 16 à 21 ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources ». Ces acteurs comprennent bien les associations que vous visez. En revanche, je ne vois pas l’intérêt de mentionner dans un tel protocole les besoins en financement de ces associations.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle passe ensuite à l’amendement AS315 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. Cet amendement ne vise pas à priver les présidents de conseils départementaux de leur autorité sur les ODPE, mais plutôt à les mettre face à leurs responsabilités en leur faisant partager la tutelle sur ces institutions avec les préfets. Ces derniers pourront ainsi créer un ODPE lorsque le département en est dépourvu ou, le cas échéant, animer cet observatoire lorsqu’il ne l’est pas.

Le bilan des ODPE est loin d’être satisfaisant. Nous ne disposons pas d’éléments chiffrés, fiables et complets relatifs aux politiques de protection de l’enfance. Si la loi de 2016 a marqué un progrès en étendant le périmètre d’observation des ODPE à l’enfance délinquante et aux jeunes majeurs de moins de 21 ans, ces institutions peinent à centraliser les données utiles et ne remplissent qu’imparfaitement leurs missions. Dans certains départements, les observatoires n’ont pas été mis en place. Il est parfois impossible d’obtenir des ODPE les chiffres qui permettraient de réaliser une estimation budgétaire des dépenses ou un suivi plus fin des cohortes de jeunes. Ainsi, il n’existe pas d’estimation du nombre de jeunes faisant l’objet d’une double voire d’une triple prise en charge au titre de l’ASE, de la PJJ et du secteur médico-social. Le nombre de jeunes sortis de l’ASE en situation de handicap n’est pas non plus connu : il ne fait l’objet que d’une estimation réalisée par la DREES. Ce chiffre permettrait pourtant de mettre en œuvre un accompagnement renforcé et de préorienter les jeunes vers un établissement et service d’aide par le travail, le cas échéant dès l’âge de 16 ans. Enfin, les données nécessaires à la mise en place d’un pilotage fin sont, dans l’ensemble, parcellaires et ne font l’objet d’une collecte globale ponctuelle qu’à l’occasion d’enquêtes statistiques, d’études de recherche ou de missions d’inspection.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je ne pense pas qu’il faille placer les ODPE sous la double tutelle des départements et de l’État. Dans la mesure où la protection de l’enfance est principalement une compétence des départements, il me semble logique que ces observatoires départementaux, qui comprennent évidemment des représentants de l’ensemble des administrations déconcentrées de l’État, demeurent présidés par les seuls exécutifs départementaux.

M. le secrétaire d’État. Votre amendement pose un problème juridique : l’ODPE étant un organe départemental, vous ne pouvez pas le placer sous l’autorité du préfet.

Pour autant, l’ODPE me paraît le bon lieu pour mener les activités que vous évoquez, et même aller un peu plus loin. C’est, me semble-t-il, le sens de l’amendement AS492 que la commission a adopté tout à l’heure. Plus que de simples observatoires chargés de faire remonter des chiffres, ces institutions pourraient être de véritables lieux d’élaboration et de pilotage de la politique de la protection de l’enfance. Nous redébattrons de ce sujet dans les jours à venir.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS221 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Alors que les ODPE doivent jouer un rôle majeur dans la protection de l’enfance à l’échelon territorial, ils sont très peu présents dans ce projet de loi. Il paraît nécessaire de consacrer leur existence au niveau législatif, afin de s’assurer de leur efficacité. Je propose aussi, pour renforcer leur rôle, de les réorganiser.

Je vous propose, premièrement, d’intégrer effectivement les enfants accueillis et les anciens enfants placés au sein de la gouvernance des ODPE, afin d’améliorer leur représentativité. Cela contribuera à l’apprentissage de la démocratie. L’abstention des jeunes lors des dernières élections régionales et départementales a montré, une fois de plus, combien il est crucial de faire comprendre aux plus jeunes l’importance du vote. Je propose que siègent également dans les ODPE les représentants des assistants familiaux et des éducateurs, ainsi que le directeur de la cohésion sociale du territoire.

Il convient par ailleurs de rendre les ODPE plus opérationnels et efficaces, en instaurant un rythme de rencontre imposé de type biannuel, afin d’être sûrs qu’ils se réunissent de manière régulière.

Pour garantir un traitement équitable partout et dans tous les cas particuliers, l’introduction d’une formation restreinte est envisagée. Son modus operandi doit permettre une montée en puissance des ODPE.

Enfin, je souhaite réaffirmer l’importance des ODPE en consacrant leur existence dans la loi et en les faisant ainsi passer du statut réglementaire au statut législatif.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Vous proposez de rehausser dans la loi la composition des ODPE tout en modifiant à la marge leur composition pour y intégrer les enfants de l’ASE. Il me semble toutefois que l’amendement que je vous ai proposé et que nous avons adopté à l’article 13 satisfait votre ambition d’une coordination territoriale rénovée autour de l’ODPE. Je vous suggérerai donc le retrait de votre amendement.

M. le secrétaire d’État. J’émettrai un avis défavorable à ce stade, même si je partage en partie votre analyse. Ces questions relèvent effectivement du domaine réglementaire, même si l’ODPE est déjà mentionné dans la loi – vous en avez d’ailleurs renforcé les missions. Cela dit, je ne suis pas sûr qu’il faille entrer dans ce niveau de détail ici. Je suis d’accord avec vous au sujet de la régularité des rencontres : il faudrait qu’elles soient plus régulières, si nous voulons que les ODPE soient un vrai outil de pilotage.

Mme Perrine Goulet. Mon objectif est effectivement de faire passer l’ODPE du niveau réglementaire au niveau législatif, comme nous le ferons à l’article 15 pour le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM).

Mon amendement ne se limite pas à faire entrer les enfants au sein de la gouvernance de l’ODPE : je propose aussi d’y faire entrer les assistants familiaux et les éducateurs, qui en sont absents. Si nous voulons faire des ODPE de vrais outils de pilotage, en lien avec le GIP, il importe vraiment de réorganiser leur gouvernance.

Je retire mon amendement mais c’est pour mieux le représenter en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS120 de M. François Ruffin et AS127 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Ces deux amendements concernent un enjeu important, à savoir la nécessaire nationalisation de l’ASE et de la protection de l’enfance.

Le premier propose que soit expérimentée, dans les départements et régions volontaires, pour un ressort maximal de deux régions et de six départements, la nationalisation de la compétence de l’ASE.

Le second demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport concernant le transfert du pilotage de la protection sociale de l’enfance à l’État et ses effets en matière d’homogénéisation des pratiques dans l’intérêt supérieur des enfants. Cette demande est formulée par plusieurs acteurs et actrices du champ de l’aide sociale. Le rapport de notre collègue Perrine Goulet posait déjà la question de la pertinence d’avoir fait de l’aide sociale une politique décentralisée. Je rappelle également que, d’après la convention internationale des droits de l’enfant, c’est à l’État que revient la responsabilité de cette protection.

Le CESE, dans son avis intitulé « Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance », explique que la complexité du système actuel peut nuire à l’efficacité de la protection de l’enfance. Il indique encore : « Elle ne doit pas occasionner de différences de traitement, selon les départements, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des parents et des enfants. » Or on constate une très forte hétérogénéité dans un certain nombre de domaines. Prenons l’exemple des contrats jeune majeur : selon les départements, le nombre de bénéficiaires peut varier de 20 % à 60 %. L’investissement, quant à lui, peut varier du simple au triple selon les endroits. Dernier exemple : si le prix moyen d’une journée en famille d’accueil est de 100 euros en France, il est de 48 euros dans les Alpes‑Maritimes. Tout cela nous semble nécessiter la remise en cause du système actuel de départementalisation de l’ASE. Il est temps que l’État assume enfin pleinement sa mission et ses engagements.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, je reconnais qu’il importe d’harmoniser les pratiques entre les départements, mais une expérimentation de renationalisation dans une région n’aurait pas grand sens.

S’agissant de votre demande de rapport, sur le fond, les articles 12 et 13, que nous avons adoptés, me semblent aller dans le sens que vous souhaitez, celui d’une plus grande cohérence de la gouvernance.

Avis défavorable à ces deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements AS120 et AS127.

Puis elle examine l’amendement AS295 de M. Bertrand Pancher.

Mme Martine Wonner. Nous proposons par l’amendement AS295 que des départements volontaires expérimentent, pour une durée de trois ans, un financement des actions de protection de l’enfance à partir de contrats d’objectifs et de moyens, à la place de l’actuelle tarification à la journée.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. L’expérimentation que vous proposez ne me paraît pas pertinente, puisque l’article L. 313‑11‑1 du code de l’action sociale et des familles permet déjà la mise en œuvre de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les départements. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Votre amendement est effectivement satisfait mais il me donne l’occasion de dire que je suis très favorable à l’outil que constituent les CPOM. Il ne faut évidemment pas qu’ils soient une occasion, pour les départements, de négocier à la baisse les prestations délivrées par les associations, comme on a pu le voir parfois dans le domaine médico-social, mais je crois que le passage d’une tarification à la journée à une logique pluriannuelle, avec des objectifs, des moyens, et une évaluation régulière, est vraiment une bonne façon de faire. Cela permettrait en outre d’aligner le médico-social et le social, ce qui serait plus simple pour tout le monde. Certains départements sont déjà engagés dans cette voie : je pense notamment à la Moselle.

Mme Martine Wonner. J’étais au courant pour la Moselle, mais je ne savais pas ce qu’il en était au plan national. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS440 de Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Mon amendement est un peu décalé par rapport à ceux que nous venons de voter. Il vise à impulser et à consolider les dynamiques territoriales permettant de renforcer la gouvernance partenariale de la protection de l’enfance, afin notamment d’améliorer la prévention et le repérage des situations de danger ou de risques de danger ainsi que la qualité et la continuité des parcours des enfants protégés. Ainsi, il autorise le président du conseil départemental à expérimenter la mise en place d’instances locales de coordination, qui peuvent notamment prendre la forme d’un renforcement de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Là encore, je pense que votre amendement est largement satisfait par celui que nous avons adopté à l’article 13. Je vous invite donc à le retirer.

M. le secrétaire d’État. Votre amendement étant satisfait, je vous invite également à le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS119 de M. François Ruffin.

Mme Danièle Obono. Cet amendement de repli vise, une fois encore, à pallier le manque d’homogénéité de la politique d’ASE au niveau national. Ce problème structurel nuit à son bon fonctionnement. Peut-être aurons‑nous, lors du débat en séance, davantage d’explications de la part du ministre ?

Il est révoltant que les enfants ne soient pas protégés de la même manière selon le département où ils vivent. Les propositions que vous faites dans ce texte pour homogénéiser les choses ne sont pas suffisantes. C’est à l’État de prendre en charge cette politique : elle a un coût, c’est vrai, mais il est dérisoire, par rapport aux dégâts que causent ces disparités territoriales. Il faut vraiment réfléchir à une renationalisation de l’aide sociale : ce sera un enjeu majeur dans les années à venir.

Mme Michèle Peyron, rapporteure. Je vous ferai la même réponse qu’à propos de votre précédente demande de rapport. Sur le fond, les articles 12 et 13 que nous avons adoptés me semblent aller dans le sens que vous souhaitez.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.


TITRE VI
MIEUX PROTÉGER LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS

 

Article 14 : Modifier la clé de répartition entre départements des mineurs non accompagnés

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS472 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS194 de M. JeanMichel Clément et AS326 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Martine Wonner. L’amendement AS194 propose d’ajouter un autre critère de répartition des mineurs non accompagnés (MNA) au sein des départements.

En plus des critères démographiques et d’éloignement géographique, l’article 14 tient compte de critères socio‑économiques. Nous proposons de tenir compte également des capacités d’accueil des départements, afin de garantir un hébergement digne et adapté à ces enfants.

Mme Sandrine Mörch. Il s’agit de clarifier les critères de répartition des MNA entre départements en prenant en compte l’investissement des collectivités dans l’accompagnement effectif des MNA qui deviennent jeunes majeurs.

Se limiter au critère « socio‑économique » reviendrait à ne prendre en compte que la richesse du département. Le critère du nombre de MNA devenus majeurs pourrait par ailleurs inciter les départements aisés à multiplier les accompagnements précaires de courte durée et donc être contre‑productif dans le processus d’intégration du jeune. Il faut donc encourager les départements à privilégier la qualité de l’accompagnement dont bénéficie le jeune majeur étranger au-delà de ses 18 ans.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Madame Wonner, cette clé de répartition est calculée en fonction de critères démographiques et en fonction du nombre de MNA déjà pris en charge par l’ASE dans chaque département. Nous souhaitons y ajouter deux critères : un critère socio‑économique, d’abord, et le nombre d’ex‑MNA devenus jeunes majeurs et pris en charge par l’ASE. Ajouter la capacité d’accueil de chaque département me semble très déresponsabilisant et pourrait avoir des effets pervers : il suffira à un département de ne pas améliorer ses capacités d’accueil pour ne pas prendre sa part. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Madame Mörch, votre amendement est satisfait.

M. le secrétaire d’État. J’émettrai un avis défavorable ou formulerai une demande de retrait sur tous les amendements portant sur cet article, dont je vais vous rappeler brièvement la genèse.

Lorsque j’ai été nommé secrétaire d’État, j’ai tout de suite été alerté par M. Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, sur le caractère inéquitable de la clé de répartition. Dans la loi, elle était fondée sur un critère seulement démographique et, du point de vue réglementaire, on prenait en compte le nombre de jeunes présents dans chaque département. Il m’a expliqué qu’en Seine‑Saint‑Denis, il avait déjà beaucoup de jeunes et qu’il en recevait encore plus. J’avais pris l’engagement devant lui de remédier à cette situation qui me semblait effectivement inéquitable. Nous avons pu le faire tout de suite sur le plan réglementaire, en passant du critère de la population jeune à la population générale, ce qui a permis de rééquilibrer un peu les choses.

Pour aller plus loin, il fallait passer par la loi : c’est ce que vous allez faire en votant cet article. Nous intégrons des critères socio‑économiques pour prendre en considération la richesse des départements. C’est par la voie réglementaire que nous déciderons s’il faut retenir le taux de pauvreté, le potentiel fiscal, ou un autre critère.

J’avais également été saisi par un autre président de conseil départemental, M. Jean‑Luc Gleyze, en Gironde, qui m’avait dit qu’il accompagnait de nombreux MNA après 18 ans, via des contrats jeune majeur et qu’ils n’étaient pas pris en compte dans le calcul de la clé de répartition : cela ne lui semblait pas juste. Je m’étais également engagé auprès de lui à remédier à cette injustice. C’est ce que nous faisons avec cet article 14, qui me semble équilibré en l’état : il part des besoins du terrain et va dans le sens d’une plus grande équité.

L’amendement AS326 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS194.

La commission en vient à l’amendement AS43 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Il est retiré.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 14 modifié.

Article 14 bis (nouveau) : Interdiction de réexamen de la situation d’un mineur non accompagné

La commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement AS373 de Mme Sandrine Mörch ainsi que des amendements identiques AS473 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, et AS391 de Mme Florence Provendier.

Mme Sandrine Mörch. Dans son rapport de novembre 2020 intitulé « La protection de l’enfance : une politique inadaptée au temps de l’enfant », la Cour des comptes a noté que « de nombreux départements émettent de fortes réserves sur la manière dont sont conduites les évaluations dans d’autres territoires et donc sur la minorité réelle des jeunes qui leur sont adressés par la mission MNA. Ils procèdent alors à leur réévaluation de manière quasi systématique [...]. Cette situation a un coût, non seulement pour les départements, mais également pour l’État, qui contribue à hauteur de 500 euros par évaluation. Pour autant, aucune donnée, ni sur le nombre de réévaluations ni sur les résultats obtenus, n’a été produite par ces départements. »

Ce phénomène concourt à la multiplication des évaluations et constitue une charge importante pour le budget de l’État et ceux des départements, comme l’ont souligné non seulement la Cour des comptes mais aussi la Défenseure des droits et le groupe de travail pluri‑partenarial constitué par les ministères de la justice, de l’intérieur, des solidarités et de la santé ainsi que de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Les jeunes sont soumis à de multiples évaluations, ce qui leur porte préjudice et porte atteinte à leurs droits fondamentaux. Il est primordial de lutter contre ces pratiques en inscrivant dans la loi l’interdiction de conduire une réévaluation de la minorité et de l’isolement d’un MNA qui a été orienté par le ministère de la justice dans le cadre de la répartition nationale.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Dans le même esprit, mon amendement vise à interdire les réévaluations.

Mme Florence Provendier. Mon amendement, sur lequel j’ai travaillé avec l’association France Terre d’Asile, vise également à inscrire dans la loi l’interdiction de conduire une réévaluation de la minorité et de l’isolement d’un MNA qui a été orienté par le ministère de la justice dans le cadre de la répartition nationale.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je vous propose, madame Mörch, de retirer votre amendement au profit du mien et de celui de Mme Provendier, dont la rédaction est quasiment identique.

M. le secrétaire d’État. Je suis très favorable à ces amendements, étant entendu que je préfère ceux de la rapporteure et de Mme Provendier, pour des questions de rédaction.

J’ai souvent eu l’occasion de dire que le fichier AEM était aussi un outil de protection pour les enfants évalués mineurs. Il n’est pas normal que des réévaluations soient pratiquées dans certains départements : une fois qu’on est inscrit dans le fichier et qu’on a fait l’objet d’une évaluation, on ne doit pas être réévalué. Il est bon de réaffirmer ce principe.

Elsa Faucillon, qui est l’auteure d’une proposition de loi sur ce sujet et qui copréside le groupe d’études sur les MNA, avec Agnès Firmin Le Bodo, avait également déposé un amendement. Je salue son travail.

L’amendement AS373 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques AS473 et AS391.

 

Article 15 : Recours obligatoire au traitement automatisé d’appui à l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant non accompagnées

La commission est saisie des amendements de suppression AS79 de M. Guillaume Chiche et AS161 de M. François Ruffin.

M. Guillaume Chiche. Je ne comprends pas bien la présence dans ce texte de l’article 15, qui concerne spécifiquement les MNA. Il est impensable de porter atteinte aux principes d’universalité et de non‑discrimination posés par la convention internationale des droits de l’enfant en organisant une différence entre ceux dits MNA et les autres.

Cet article traite des flux migratoires et en rien de la protection des MNA. Il vise à inscrire des mineurs dans le fichier AEM, ce qui les relègue à leur statut de réfugiés ou de migrants, au lieu de reconnaître leur statut d’enfants. Par ailleurs, l’obligation pour le département d’organiser la présentation de ces jeunes aux services de l’État pour assurer la communication de toutes les informations et de tous les renseignements utiles supprime la possibilité pour le jeune de refuser ce processus et fait des travailleurs sociaux relevant des services du département des supplétifs des forces de l’ordre. Ils devront trouver les moyens, y compris en conventionnant avec ces dernières, d’organiser la présentation des enfants aux services de l’État.

La collaboration obligatoire entre le préfet et le président du conseil départemental contraindra les travailleurs sociaux à rompre le secret professionnel les liant aux jeunes. On leur demandera de divulguer toute information ou tout renseignement utile pour l’appréciation de l’âge. Il n’y aura donc plus aucun lien de confiance : c’est une dénaturation du métier de travailleur social.

J’ai le sentiment, monsieur le secrétaire d’État, que cet article correspond à une volonté du ministère de l’intérieur plutôt que de celui des solidarités et de la santé – il relève encore moins du portefeuille qui est le vôtre. Je ne comprends pas pourquoi nous traitons de la régulation des flux migratoires dans ce texte en organisant une division entre les enfants que vous êtes chargé de protéger.

Mme Danièle Obono. Par l’amendement AS161, nous demandons également la suppression de cet article qui va à l’encontre du titre et de l’objet du projet de loi, relatif à la protection des enfants. Ce que vous proposez ne les protégera pas, alors qu’il existe d’immenses marges de progrès en ce qui concerne la protection et l’accueil des MNA : vous allez les fragiliser, les vulnérabiliser, les précariser encore davantage.

Le recours systématique au fichier AEM fera du passage en préfecture un préalable à toute mesure de protection. Or depuis 2019, l’utilisation de ce fichier est très problématique dans de nombreux départements : des mineurs sont laissés à la rue dans l’attente de leur passage en préfecture, on observe des refus de mise à l’abri et d’évaluation à l’issue de la consultation des données, et des mesures d’éloignement sont prononcées contre celles et ceux qui ont été déclarés majeurs, ce qui les prive de leur droit de saisir un juge, alors que des recours ont abouti. Tous ces obstacles placent les mineurs et les jeunes majeurs dans des situations de plus grande vulnérabilité.

L’article 15 aura un impact dans l’ensemble du champ concerné, y compris sur les personnels engagés dans la protection de l’enfance. Ils seront mis dans une situation très problématique, et la confiance que les jeunes devraient avoir en eux sera sapée. Vous allez annihiler la protection que notre droit est censé apporter. C’est pourquoi nous devons supprimer cet article.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le fichier AEM permet d’alléger la charge de travail des départements pour ce qui est de l’évaluation des personnes demandant à être reconnues comme MNA. Son utilisation évite que certains jeunes évalués majeurs dans un département se rendent dans un autre territoire pour tenter d’obtenir une reconnaissance de minorité, phénomène dont nous savons désormais qu’il est courant. Le recours au fichier permet aussi de raccourcir les délais. Enfin, l’amendement que nous avons adopté évitera une deuxième évaluation dans un autre département, ce qui est une source de stress et une perte de temps pour les jeunes.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Le fichier AEM n’est pas nouveau, puisque sa création date du 30 janvier 2019. Son objet est d’aider à évaluer la situation de jeunes qui se présentent comme mineurs mais aussi de lutter contre ce qu’on appelle – le terme n’est pas très joli – le « nomadisme administratif ». Il y a bien un rapport avec la protection de l’enfance, car cela permet d’offrir une protection à ceux qui, en tant que mineurs, y ont effectivement droit et de faire en sorte que le bon fonctionnement du système ne soit pas compromis par des majeurs prétendant être mineurs.

Le présent article vise à rendre le recours au fichier obligatoire. Il est actuellement utilisé par quatre‑vingts départements : une quinzaine d’entre eux ne l’emploient donc pas à ce stade – le fichier ne concerne pas les outre-mer. Il doit être un outil, un faisceau d’indices, parmi d’autres – il y a aussi un entretien d’évaluation sociale, souvent mené par les travailleurs sociaux ou par les associations – même s’il faut reconnaître que ce n’est pas toujours le cas dans la pratique. Sauf erreur de ma part, le groupe Libertés et Territoires défendra un amendement tendant à réaffirmer ce principe, auquel j’émettrai un avis favorable. Je suis, en revanche, défavorable aux amendements de suppression de l’article 15.

M. Guillaume Chiche. Il ne s’agit pas uniquement de l’existence et du caractère opérationnel d’un fichier auquel je suis par ailleurs opposé. Nous sommes en train d’examiner un projet de loi relatif à la protection des enfants. Cet article organise une procédure de régulation des flux migratoires, ce qui n’a absolument rien à voir avec l’ambition affichée par le texte.

Par ailleurs, c’est toute l’organisation des services des départements chargés de la protection de l’enfance qui sera mise à mal car leur mission principale, s’agissant des MNA, sera dorénavant de concourir directement à l’inscription des personnes dans le fichier pour servir un objectif de gestion des flux. On est très loin de la protection des enfants.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient aux amendements AS234 de Mme Delphine Bagarry ainsi qu’AS31 et AS32 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

M. Guillaume Chiche. L’amendement AS234 est défendu.

Mme Florence Provendier. Les amendements AS31 et AS32 sont défendus.

Suivant l’avis de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS465 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, de amendements AS195 de M. JeanMichel Clément et AS39 de M. Alain Ramadier.

Mme Martine Wonner. L’amendement AS195 prévoit que la présentation des MNA aux services de la préfecture et le recours au fichier AEM n’ont lieu qu’en cas de doute et non plus sauf lorsque la minorité est manifeste. La rédaction actuelle est imprécise et contrevient au principe du bénéfice du doute.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement AS39.

Quant à l’amendement AS195, qui me paraît avant tout sémantique mais me conviendrait mieux, sagesse.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable aux deux. L’amendement défendu par Mme Wonner n’est pas simplement sémantique. Il pourrait même être moins protecteur pour les enfants que la rédaction actuelle.

Celle-ci vise à éviter que soient enrôlés dans le fichier AEM des personnes dont la minorité est manifeste ou qui sont trop jeunes pour que leurs empreintes digitales soient fiables. Je rappelle qu’en raison du risque de mutation de leurs empreintes digitales jusqu’à leur majorité, les enfants âgés de moins de 12 ans ne sont pas soumis à l’obligation de les faire relever à l’occasion de l’établissement de leur passeport, de par un règlement européen.

La rédaction que vous proposez aboutirait en cas de doute à ce que toute personne se déclarant MNA voie ses empreintes digitales enrôlées dans l’AEM à la discrétion du président du conseil départemental. La rédaction de l’article 15 est préférable car elle permet au préfet de refuser d’enrôler un enfant dans l’AEM lorsque sa minorité est manifeste. Il ne sera ainsi pas soumis à des opérations comme la prise d’empreintes et de photographies ni à des questions sur son état civil, sa filiation, ses coordonnées ou sa date d’entrée en France par exemple – questions qui, si elles poursuivent une finalité légitime, peuvent être impressionnantes pour un jeune enfant, a fortiori non accompagné par ses parents.

Mme Martine Wonner. À cette heure, M. le secrétaire d’État gagne par KO : je retire mon amendement...

L’amendement AS195 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS39.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS466 de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS336 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. La plus haute juridiction française et gardienne des libertés individuelles réaffirme constamment qu’un juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui sont contradictoirement discutées devant lui par les parties. Il est impensable dans notre code de procédure civile qu’une expertise puisse fonder une décision sans avoir été communiquée par la partie adverse et avoir fait l’objet d’un débat contradictoire. Ce principe est un impératif de notre vie démocratique. Et pourtant nous devrions accepter qu’un adolescent puisse se voir refuser l’accès au dispositif de protection de l’enfance sans avoir pu prendre connaissance des informations recueillies et formulé ses observations ! Comment pourrait-il le faire s’il n’a pas accès dans les délais impartis aux informations recueillies par le représentant de l’État ? Enfin, la présence d’un tiers de confiance est essentielle pour l’accompagner auprès des services de l’État. C’est le sens de mes amendements qui garantissent la protection des droits du mineur dans cette procédure d’évaluation de la minorité.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Sur un point, votre amendement est satisfait : le droit prévoit déjà que lorsque la personne n’est pas reconnue comme MNA, le président du conseil départemental lui notifie une décision motivée de refus de prise en charge mentionnant les voies et délais de recours applicables.

En revanche, la notion de tiers de confiance qu’il utilise me paraît floue. Par qui ce tiers serait-il nommé ? À quel moment ? Il me semble qu’une confusion est possible avec le tiers de confiance que peut désigner le juge après qu’un mineur est désigné comme MNA.

Il faudrait préciser votre idée mais à ce stade, je donne un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

Mme Sandrine Mörch. Je le retravaillerai pour la séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS456 de Mme Sandrine Mörch

Mme Sandrine Mörch. Dans le cadre du recours à l’appui du préfet et au fichier AEM, le projet de loi précise que le représentant de l’État communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à déterminer l’identité ou la situation de la personne. Il me semble opportun de préciser qu’il ne peut pas trier les informations à communiquer et doit transmettre l’ensemble de celles qu’il a recueillies, y compris celles dont on pourrait douter de la véracité ou de l’authenticité. Ce n’est pas une lapalissade : il est bon d’être clair sur ce point.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Le texte prévoit que le préfet « communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne ». Vous souhaitez remplacer « les informations » par « l’ensemble des informations recueillies ». Je ne suis pas sûre de bien comprendre.

Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. C’est déjà ce que prévoit le projet de loi. Avis défavorable.

Mme Sandrine Mörch. Il s’agit juste d’une précision, sachant qu’on peut se trouver face à de nombreuses informations semblant douteuses. Toutes doivent être transmises. Si l’amendement est satisfait, je le retire. Au besoin je le retravaillerai.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS48 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Il est défendu.

Suivant l’avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS300 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Si les examens prévus à l’article 388 du code civil ne donnent pas une certitude absolue sur la minorité de l’enfant, ils permettent en l’absence de documents authentiques de réduire l’arbitraire en matière d’évaluation de la minorité, la marge d’erreur devant par ailleurs bénéficier à l’enfant. La sollicitation obligatoire de l’autorité judiciaire en cas d’absence de documents authentiques est de nature à renforcer la protection des enfants et elle doit concourir à une décision la plus étayée possible.

L’amendement vise à faire en sorte que la demande de mise en œuvre de ces examens, faite par le président du conseil départemental à l’autorité judiciaire, ne soit pas une faculté mais une obligation en l’absence de documents authentiques.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Vous souhaitez rendre systématique la demande au juge de recourir aux tests osseux, dont l’encadrement est prévu par l’article 43 de la loi de 2016 et inscrit à l’article 388 du code civil, qui définit l’âge de la majorité. Les tests osseux ne peuvent être utilisés aux fins de détermination de l’âge d’un individu qu’en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Ils ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens doivent préciser la marge d’erreur et ne peuvent permettre à elles seules de déterminer si un individu est mineur. Enfin, le doute doit profiter à l’intéressé.

Il ne s’agit donc que d’un outil parmi d’autres. Ces tests doivent rester très encadrés et utilisés uniquement en dernier recours. Je ne suis pas favorable à ce que cette méthode soit rendue plus systématique.

M. le secrétaire d’État. Je n’ai pas bien compris. Si vous voulez systématiser la saisine de l’autorité judiciaire, elle l’est déjà : le test osseux n’est possible que sur décision judiciaire. Si vous souhaitez systématiser le recours au test osseux, j’y suis défavorable, car il ne doit être utilisé qu’en dernier ressort. C’est un acte très encadré par le Conseil constitutionnel et par la loi, et l’état du droit me semble convenir.

Avis défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Madame la rapporteure, je n’enlève pas un mot à vos propos. Je propose simplement un moyen supplémentaire pour le jeune de faire établir sa minorité lorsqu’il ne dispose pas de documents authentiques, qui vient abonder le dossier et réduire l’arbitraire. Ma rédaction est peut‑être perfectible, mais je vois cet amendement comme une chance supplémentaire pour asseoir la protection de l’enfant et je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS467 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

La commission en vient ensuite à l’amendement AS47 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Il est défendu.

Suivant l’avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement AS46 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Il est retiré.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS338 de Mme Sandrine Mörch

Mme Sandrine Mörch. Dans la même ligne que les précédents, il vise à garantir les droits du mineur dans la procédure d’évaluation, en encadrant le recueil d’informations cette fois‑ci par le président du conseil départemental. La personne doit se voir communiquer l’ensemble des informations recueillies, pouvoir formuler ses observations et être accompagnée d’un tiers de confiance.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que tout à l’heure.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS102 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Il arrive que certains départements d’accueil soumettent le mineur à nouvelle évaluation de la minorité alors même qu’un autre conseil départemental et un parquet avaient reconnu ce statut de mineur. Cet amendement vise à y mettre fin.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. J’y suis si favorable que j’avais déposé un amendement en ce sens après l’article 14, qui a été adopté. Demande de retrait.

M. le secrétaire d’État. Effectivement, cet amendement aurait dû être placé plus haut.

M. Didier Martin. Je le retire en toute confiance !

L’amendement est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS448 de Mme Sandrine Mörch et AS196 de M. JeanMichel Clément.

Mme Sandrine Mörch. Mon amendement vise à inscrire dans la loi la réserve du Conseil constitutionnel s’agissant des conclusions tirées par les conseils départementaux de la procédure en préfecture et de ses résultats. Dans une décision du 26 juillet 2019, le Conseil a en effet expressément rappelé que la majorité d’une personne se présentant comme MNA ne saurait être déduite ni de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans les fichiers AEM, VISABIO ou AGDREF 2.

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, l’évaluation de minorité résulte d’un faisceau d’indices qui reposent sur les entretiens d’évaluation et d’autres informations recueillies au cours du processus, dont le traitement AEM, qui ne peut à lui seul fonder une décision d’évaluation comme majeur.

Mme Martine Wonner. L’amendement AS196 est quasiment identique. On ne doit pas déduire du refus de la personne que l’on recueille ses empreintes qu’elle est présumée majeure.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Cette préoccupation est satisfaite par la décision du Conseil constitutionnel, mais il me semble bon de le rappeler expressément dans la loi. Nous préférons la rédaction du second amendement, madame Mörch, mais le fond y est.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

La différence est à la fin : l’amendement AS196 ne liste pas les fichiers, mais fait référence au « traitement automatisé mentionné au présent II ». Je vous demande de retirer le vôtre, madame Mörch, à son profit. Cette disposition remettra le fichier à sa juste place, c’est‑à‑dire un outil d’aide à l’évaluation parmi tous ceux qui sont à la disposition du président du conseil départemental.

L’amendement AS448 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS196.

La commission en vient ensuite aux amendements AS44, AS45 et AS49 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Ils sont défendus.

Suivant l’avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS222 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Il tend à renforcer en l’inscrivant dans la loi l’arrêté du 20 novembre 2019 que vous avez signé, monsieur le secrétaire d’État, s’agissant de la continuité des parcours des MNA. Certaines préfectures, sur votre instruction donc, ont commencé à tenir des rendez‑vous avec les MNA lorsqu’ils atteignent l’âge de 17 ans, pour faire un point et s’assurer qu’ils pourront poursuivre leur parcours et leur scolarité à leur majorité sans drame et sans encombre. Cela permet d’évaluer leur situation et de préparer leur régularisation ou leurs papiers en fonction de leurs droits.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Il me semble que votre amendement ne fait pas référence au bon texte. Ce qu’il propose, c’est qu’un an avant sa majorité, le MNA soit réévalué, ce qui pourrait remettre en cause son statut de mineur, son isolement ou son identité alors qu’il aura déjà été évalué et admis à l’ASE. Je n’ai pas l’impression que cela corresponde à votre souhait, et en tout cas pas à votre exposé des motifs. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

M. le secrétaire d’État. Je pense en effet que vous vous êtes trompée de texte de référence : il s’agit d’une instruction du 21 septembre 2020 du ministre de l’intérieur aux préfets, qui leur recommande de commencer à faire le point sur la situation du jeune un an avant sa majorité. En l’occurrence, votre amendement remet en cause l’évaluation faite.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS42 de Mme Cathy Racon-Bouzon.

Mme Florence Provendier. Il est défendu.

Suivant l’avis de de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS468 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. La contribution forfaitaire versée aux départements doit servir non seulement à l’évaluation de la situation des personnes se déclarant MNA, mais également à leur mise à l’abri. Cet aspect ne doit pas être oublié.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel AS469 et l’amendement de cohérence AS470 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

Elle aborde ensuite l’amendement AS443 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Nous souhaitons que dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, il soit fait un bilan de la généralisation du fichier AEM.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. S’agissant d’une demande de rapport, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. le secrétaire d’État. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : les cellules MNA devraient être capables de fournir les données relatives à l’utilisation du fichier AEM.

La commission adopte l’amendement.

Enfin, elle adopte l’article 15 modifié.

 

Après l’article 15

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS80 de M. Guillaume Chiche et AS162 de M. Ugo Bernalicis.

M. Guillaume Chiche. Nous proposons de supprimer la possibilité d’effectuer des tests osseux pour déterminer si une personne est mineure ou majeure. Cette démarche ne repose sur aucun fondement scientifique. Rappelons que les tests osseux ont été créés non pas pour déterminer l’âge d’une personne, mais pour suivre la croissance des enfants en se référant à des planches comparatives établies en 1930. La cheffe du service de radiologie pédiatrique de l’hôpital Bicêtre indique en outre que ces tests sont peu fiables, et qu’ils le sont encore moins s’agissant d’adolescents proches de la majorité.

Mettons‑nous à la place de ces jeunes en situation de grande vulnérabilité. On les soumet déjà à une procédure d’évaluation extrêmement éprouvante. Les obliger à se présenter en sus dans un centre de radiologie afin d’observer la constitution et le développement de leur ossature est indigne. Bannissons de notre pays cette pratique dégradante.

Mme Danièle Obono. La pratique des tests osseux va en effet à l’encontre de l’impératif de protection des enfants. Répétons‑le : elle vise en réalité, sur le fondement d’un outil non scientifique et qui pose de multiples problèmes, à dénier le statut de mineur à un certain nombre d’enfants afin qu’ils ne bénéficient pas de la protection à laquelle ils devraient avoir droit.

Dans son rapport de 2014, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) indiquait que la maturation d’un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique, son état nutritionnel ou son statut économique et soulignait qu’il n’est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer ou interpréter un test qui n’est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n’est pas mis en œuvre dans l’intérêt thérapeutique de la personne. La Commission nationale consultative des droits de l’homme notait en 2013 que l’Académie nationale de médecine, le HCSP et la communauté médicale avaient relevé que le test osseux comportait des possibilités d’erreur et ne permettait pas de poser une distinction nette entre 16 et 18 ans. En 2014, elle recommandait qu’il soit mis fin à la pratique consistant à ordonner des expertises médico‑légales de détermination de l’âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger, l’évaluation de l’âge à partir d’un examen osseux, des parties génitales, du système pileux ou de la dentition devant être interdite.

Nous appuyant sur ces différents éléments, nous demandons la fin de cette pratique, qui tend à la gestion, à la régulation et à la répression des flux migratoires, plutôt qu’à la protection des enfants concernés.

Mme Bénédicte Pételle, rapporteure. Avis défavorable.

J’ai déjà indiqué le cadre juridique dans lequel ces tests sont pratiqués. On ne les utilise qu’en dernier recours et de manière strictement encadrée par la loi, à savoir sur la réquisition de l’autorité judiciaire et à l’intérieur d’un faisceau d’indices.

M. le secrétaire d’État. En complément, je dirai que dans sa décision de 2019, le Conseil constitutionnel a estimé que cette pratique n’était pas attentatoire à la dignité humaine et a rappelé les conditions encadrant son usage. Il s’agit d’une méthode d’évaluation parmi d’autres.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les tests osseux sont pour l’heure considérés comme une aide à la décision et je les vois aussi comme une ressource pour l’enfant qui souhaiterait faire lever les doutes sur sa minorité. Tout ce qui peut contribuer à établir celle‑ci doit pouvoir être mis en œuvre. N’étant pas médecin, je ne puis juger de la fiabilité des tests mais il me semble que dès lors qu’il y a un doute, il doit profiter à l’enfant. C’est en tout cas à creuser.

M. Didier Martin. Ces atlas ont été établis en Amérique du Nord au début du XXe siècle. Ils portaient sur une population plutôt blanche et leur objectif était davantage de détecter un retard de maturation osseuse, notamment à des fins de dépistage du rachitisme par carence vitaminique, plutôt que d’évaluer l’âge de l’individu. Appliqués à un autre objet et concernant une population très différente – les MNA proviennent surtout d’Afrique de l’Ouest – ces tests n’ont pas une très grande valeur scientifique. Je souscris aux propos de la cheffe de service de l’hôpital Bicêtre : même en dernier recours, leur usage ne devrait pas pouvoir apporter une certitude au juge. Je voterai pour les amendements.

M. le secrétaire d’État. Il ne s’agit aucunement d’apporter une certitude, monsieur Martin : ce n’est qu’un indice parmi d’autres, à considérer comme tel.

La commission rejette successivement les amendements.


TITRE VII
DISPOSITIONS OUTRE‑MER

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS474 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

 

Article 16 : Habilitation relative à l’application outre-mer

La commission adopte l’article 16 sans modification.

 

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

*

*     *

 

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4307_texte-adopte-commission#

    


—  1  —

   annexes

  annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurES

(Par ordre chronologique)

     Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) – M. Laurent Gebler, président

     Association nationale des placements familiaux (ANPF) – Mme Bénédicte Aubert, directrice générale

     Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) (*) – Mme Josiane Bigot, présidente, et Mme Fabienne Quiriau, directrice générale

     Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et M. Éric Delemar, adjoint de la Défenseure des droits, Défenseur des enfants

     Union syndicale des magistrats (USM) – Mme Cécile Mamelin, vice‑présidente, et Mme Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier, secrétaire générale adjointe

     Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Patrick Doutreligne, président, et M. Jérôme Voiturier, directeur général

     Assemblée des départements de France (ADF) – M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué Politiques sociales

     Ministère de la justice – Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) – Mme Charlotte Caubel, directrice

     Ville de Paris – Mme Dominique Versini, adjointe en charge des solidarités, de la lutte contre l’exclusion, de l’accueil des réfugiés et de la protection de l’enfance

     Observatoire national de l’action sociale (ODAS) – M. Didier Lesueur, directeur général

     Unité magistrats – M. Hicham Melhem, délégué général adjoint, vice‑président au tribunal judiciaire de Nice

     Table ronde :

– Plateforme « Assurer l’avenir de la PMI » – Dr Pierre Suesser, président du Syndicat national des médecins de la protection maternelle et infantile (SNMPMI), Mmes Peggy Alonso, Cécile Garrigues, Valérie Ledour, Brigitte Prévost-Mélet et Chantal de Vitry

 Association nationale des puéricultrices/teurs (ANPDE) – Mme Brigitte PrévostMeslet, présidente

– Conseil national des puéricultrices – M. Charles Eury, président

     Table ronde :

 Agence des nouvelles interventions sociales et de santé (ANISS) – Mme Julie Bodard, directrice, et M. Thomas Saïas, directeur scientifique

 Santé publique France – M. Thierry Cardoso, responsable de l’unité Périnatalité petite enfance

     Table ronde :

– Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) (*) – M. Corentin Bailleul, chargé de plaidoyer, et Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoir publics

– France Terre d’Asile – Mme Delphine Rouilleault, directrice générale, et M. Serge Durand, directeur de la protection des mineurs isolés étrangers

– CroixRouge Française (*) – M. Thierry Couvert Leroy, délégué national Enfants & familles et délégué national Lutte contre les exclusions

     Table ronde :

SOS Village d’enfants (*) – M. Hervé Laud, directeur Prospectives et plaidoyer, et Mme Isabelle Moret, directrice générale

Apprentis d’Auteuil (*) – M. Baptiste Cohen, directeur du pôle Protection de l’enfance, et Mme Emilie Casin, plaidoyer et relations extérieures

Enfance et partage – Me Agathe Moral, avocate

La Voix de l’enfant – Mme Martine Brousse, présidente

     Table ronde :

 Collectif Cause majeur – Mme Sophie Diehl, représentante de Citoyens et Justice, M. Jonathan Tetas, représentant des Apprentis Auteuil, et Mme Florine Pruchon, coordinatrice du collectif et représentante de SOS Villages d’enfants

 Repairs! et Association départementale d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) de ParisM. Léo Mathey, président

     Table ronde :

 Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (UFNAFAAM) – Mme Martine Orlak, présidente

– Fédération nationale des assistants familiaux (FNAF) – Mme Annick Moine, présidente, et Mme Patricia Benoît, trésorière

 Association nationale des assistants maternels assistants & accueillants familiaux (ANAMAAF) et Confédération associative syndicale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (CASAMAAF) – Mme Marie Noëlle Petitgas, présidente de l’ANAMAAF, et M. Bruno Roy, secrétaire général de la CASAMAAF

 Syndicat professionnel des assistants familiaux (SAF-Solidaires) – Mme Sandrine Carme, présidente

     Table ronde :

– Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) – M. Georges Labazée, vice-président, et Mme Emmanuelle Latour, secrétaire générale

– Agence française de l’adoption (AFA) – Mme Joëlle Voisin, présidente, et Mme Charlotte Girault, directrice générale

– Groupement d’intérêt public « Enfance en danger » (GIPED) – Mme Michèle Berthy, présidente, et M. Jérôme Vicente, directeur général par intérim

– Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) – Mme Huguette Mauss, présidente

     Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) – Mme Sylviane Giampino, présidente

     Syndicat de la magistrature – Mme Sophie Legrand, secrétaire générale, et Mme Lucille Rouet, secrétaire nationale

     Table ronde des acteurs de la détection et de la prise en charge médicale des enfants en situation de vulnérabilité :

– Mme Martine Balençon, présidente de la Société française de pédiatrie médico-légale

– Dr Martin Pavelka, membre du conseil d’administration de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API)

 Dr Marie-Paule Martin-Blachais, directrice de l’École de protection de l’enfance, membre expert de la Haute Autorité de santé (HAS)

 Mme Mélanie Dupont, psychologue pour les mineurs à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel‑Dieu et présidente de l’association Centre de victimologie pour mineurs

 Syndicat national des médecins de la protection maternelle infantile (SNMPMI)Dr Ophélie Berger, Dr Maryse Bonnefoy et Dr Pierre Suesser, co‑présidents

– Dr Nathalie Vabres, pédiatre-coordonnatrice Unité d’accueil des enfants en danger, centre hospitalier universitaire de Nantes

     Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé (ANDASS) – Mme Anne Troadec, présidente, et M. Pierre Stecker, référent Politiques de l’enfance

     Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Jérôme Jumel, adjoint à la directrice générale, et M. Sylvain Bottineau, sous-directeur de l’enfance et de la famille

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


—  1  —

   Annexe n° 2 :
TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code civil

375‑3

2

Code civil

375-7

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 221-2-3 [nouveau]

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 312‑1

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 321‑1

3 bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 221-2

3 ter

Code de l’action sociale et des familles

L. 222-5-1

3 quater

Code de l’action sociale et des familles

L. 222-5-1

3 quater

Code de l’action sociale et des familles

L. 223-1-1

3 quater

Code de l’action sociale et des familles

L. 223-1-3

4

Code de l’action sociale et des familles

L. 133-6

5

Code de l’action sociale et des familles

L. 311‑8

5

Code de l’action sociale et des familles

L. 312‑4

6

Code de l’action sociale et des familles

L. 226‑3

6

Code de la sécurité sociale

L. 161-37

7

Code de l’organisation judiciaire

Sections 1 et 2 du chapitre II du titre V du livre II de la partie législative

7

Code de l’organisation judiciaire

L. 252‑6

8

Code de l’action sociale et des familles

L. 223‑3

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 422-4

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 423-8

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 423-30

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 423-31

10

Code de l’action sociale et des familles

L. 421‑6

10

Code de l’action sociale et des familles

L. 421‑7

10

Code de l’action sociale et des familles

L. 421‑7‑1 [nouveau]

11

Code de l’action sociale et des familles

L. 422‑5‑1 [nouveau]

12

Code de la santé publique

L. 2111‑1 

12

Code de la santé publique

L. 2112‑2

12

Code de la santé publique

L. 2112‑4

12

Code de la santé publique

L. 2112-7

12 bis

Code de la santé publique

L. 2112-1

12 bis

Code de la santé publique

L. 2112-2

12 bis

Code de la santé publique

L. 2311-1

12 bis

Code de la santé publique

L. 2311-2, L. 2311-3, L. 2311-4, L. 2311-5 et L. 2311-6

12 bis

Code de la santé publique

L. 2311-2

12 bis

Code de la santé publique

L. 2311-5

12 bis

Code de la santé publique

L. 4311-1

13

Code de l’action sociale et des familles

L. 112‑3

13

Code de l’action sociale et des familles

L. 121‑10 [rétabli]

13

Code de l’action sociale et des familles

Sections 1 et 2 du chapitre VII du titre IV du livre Ier

13

Code de l’action sociale et des familles

L. 147-12

13

Code de l’action sociale et des familles

Sections 3, 4, 5 du chapitre VII du titre IV du livre Ier [nouvelles]

13

Code de l’action sociale et des familles

L. 226-3-1

13

Code de l’action sociale et des familles

L. 523-2

14

Code de l’action sociale et des familles

L. 221‑2‑2

14 bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 221-2-5 [nouveau]

15

Code de l’action sociale et des familles

L. 221‑2‑3 [nouveau]

 


([1]) La question de l’utilisation du mot « placement » a été débattue en commission, à l’initiative d’un amendement de Mme Jeanine Dubié et la rapporteure s’associe à la nécessité d’utiliser autant que possible le mot « accueil ». Le terme n’est donc utilisé dans le cadre du présent commentaire que lorsqu’il cite des textes de loi, réglementaires ou jurisprudentiels. En l’occurrence, la formule est celle du projet de loi, et désigne l’accueil « institutionnel » en foyer ou en famille d’accueil par opposition à un accueil plus familial.

([2]) Sur cette balance des intérêts inhérente à notre droit de la protection de l’enfance, dans un arrêt Vautier c./ France du 26 novembre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme, confrontée à une mère contestant le placement de son fils, sur le fondement du droit à une vie familiale normale, estimait qu’« un juste équilibre doit être ménagé entre les intérêts de l’enfant à demeurer placé et ceux du parent à vivre avec lui » tout en relevant « une importance particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent ». C’est cette recherche d’équilibre juridique et pratique qui fonde la possibilité nécessairement subsidiaire de l’accueil en foyer ou chez des assistants familiaux.

([3]) Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale.

([4]) Voir par exemple Cour de cassation, Civ. 1re, janvier 1981, n° 79-80.032.

([5]) Cette liste relativement ancienne – remontant à la loi du 4 juin 1970 – a été complétée en 2007 pour intégrer l’action éducative en milieu ouvert (AEMO), qui figure ainsi au 4°.

([6]) Même si le « temporaire » peut parfois durer longtemps, la pérennisation se pose en effet dans un autre cadre : celui du retrait de l’autorité parentale et/ou celui de l’adoption (cf. commentaire de l’article 2).

([7]) Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([8]) Défenseur des droits, décision MDE 2014-134 publiée le 29 septembre 2014 et disponible ici : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=10862

([9]) Le Défenseur des droits estimait à l’époque, sur la base d’un questionnaire envoyé aux conseils « généraux », que la proportion se limitait à 6 % des accueils.

([10]) On peut également retrouver cette définition par exemple à l’article 375 du code civil, qui définit l’assistance éducative : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. »

([11]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([12]) Avis du Défenseur des droits n° 21-08 du 25 juin 2021.

([13]) « L’enfant confié à un tiers : de l’autorité parentale à l’autorité familiale » – Anne-Marie Leroyer – RTD civ. 1998. 587.

([14]) Le terme d’autorité parentale a remplacé celui de « puissance paternelle » dans la loi du 4 juin 1970 déjà citée dans le rapport.

([15]) Cour d’appel d’Aix-en-Provence, arrêt 2011/325, 28 octobre 2011.

([16]) Les distinctions entre la circoncision médicale (usuelle) et rituelle (non usuelle) issues de la jurisprudence sont souvent citées en exemple.

([17]) Décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

([18]) Le retrait est alors définitif, à moins qu’une demande en restitution soit acceptée par un autre juge, cette demande ne pouvant intervenir qu’à partir d’un an après le jugement de retrait.

([19]) Loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([20]) Rapport d’information (n° 2110) fait au nom de la mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance par Mme Perrine Goulet, rapporteure (enregistré le 3 juillet 2019).

([21]) La simple enquête pénale sans poursuites n’est donc pas concernée. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que la mesure n’appelle « aucune objection au regard [...] du principe de la présomption d’innocence ». L’article 40-1 du code de procédure pénale prévoit que des « poursuites » sont engagées lorsque le procureur de la République estime que les faits dont il a connaissance sont constitutifs d’une infraction. Ces éléments à charge paraissent justifier une restriction de l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant.

([22]) Inspection générale des affaires sociales, « L’accueil de mineurs protégés dans des structures non autorisées ou habilitées au titre de l’aide sociale à l’enfance », novembre 2020, p. 16.

([23]) Loi n° 71-1050 du 24 décembre 1971 modifiant les titres II et V du code de la famille et de l’aide sociale et relative au régime des établissements recevant des mineurs, des personnes âgées, des infirmes, des indigents valides et des personnes accueillies en vue de leur réadaptation sociale.

([24]) Loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement créant l’article L. 631-11 du code de la construction et de l’habitat.

([25]) IGAS, op. cit., p. 25.

([26]) Le chiffre de 7 500 mineurs a été estimé à partir du nombre total de mineurs confiés aux services de l’ASE fin 2018 (148 361 mineurs selon l’étude annuelle de la DREES) et du taux moyen de recours à l’hôtel : 5 % des mineurs confiés aux services de l’ASE, d’après l’exploitation des réponses de vingtneuf départements au questionnaire de l’IGAS. Le chiffre de 10 500 mineurs a été estimé à partir du « taux de placement » distingué en fonction de la catégorie de mineurs (MNA ou non MNA) dans le cadre du questionnaire présenté par l’IGAS.

([27]) IGAS, op. cit., pp. 27 et 29.

([28]) Comme l’ont rappelé de nombreuses personnes auditionnées, il s’agirait notamment d’enfants en conflit très fort avec leur ancienne structure d’accueil, parfois victimes de handicap ou de troubles psychiques et psychologiques sans pouvoir être pris en charge dans un établissement adapté.

([29]) IGAS, op. cit., p. 57.

([30]) Ibid., p. 55.

([31]) Ibid., p. 58.

([32]) Ibid.

([33]) Rapport d’information n° 2110 présenté par Mme Perrine Goulet, op. cit., p. 93.

([34]) La formule est issue des réponses du Gouvernement au questionnaire de la rapporteure.

([35]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi relatif à la protection des enfants, 10 juin 2021, p. 3.

([36]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([37]) Formule utilisée dans le rapport législatif de Mme Brigiette Bourguignon, disponible ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b1150_rapport-fond#_Toc256000027

([38]) C’est de ce même entretien qu’il est question à l’article 3 ter.

([39]) Ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux procédures d’admission à l’aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux.

([40])  L’article 43 bis A du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre séparatisme, adopté au Sénat en première lecture et par la commission spéciale en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, prévoit d’y ajouter les actes de terrorisme. Il a finalement été supprimé en séance publique car considéré comme sans lien direct avec la partie du texte où il avait été ajouté.

([41]) Le bulletin n° 2 inverse en quelque sorte le principe du bulletin n° 3 : il comprend toutes les décisions sauf celles que notre droit considère comme relativement plus mineures (les décisions à l’encontre des mineurs, les contraventions, les condamnations assorties de dispense de peine, la déchéance de l’autorité parentale, les condamnations avec sursis, les arrêtés d’expulsion, les compositions pénales...). Pour rappel, le bulletin n° 1 comprend toutes les condamnations et décisions de justice, dès la minorité. Il n’est ouvert qu’aux magistrats et établissements pénitentiaires.

([42]) Réponses écrites à son questionnaire.

([43]) Bien que l’article ne modifie pas la mention du « recrutement » à l’article 776 du code de procédure pénale, solution légistique qui n’est totalement évidente sur un plan rédactionnel pour votre rapporteure, l’intention est bien de changer la portée de cet article, la consultation pouvant avoir lieu à tout moment.

([44]) Ils devraient être affectés au sein des nouvelles directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

([45]) La dernière étude disponible conduite par l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) pour l’année 2019 est consultable ici : https://www.oned.gouv.fr/actualite/sortie-letude-relative-aux-appels-119-pour-lannee-2019. L’étude permet notamment de mieux connaître les caractéristiques des appelants et des dangers encourus au moment de l’appel.

([46]) On peut par exemple se référer au compte rendu de l’audition particulièrement poignante de plusieurs anciens enfants accueillis par l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre de la mission d’information de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance présidée par M. Alain Ramadier et rapportée par Mme Perrine Goulet, disponible ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/miaidenf/l15miaidenf1819002_compte-rendu. L’IGAS souligne aussi, dans son rapport de contrôle sur l’aide sociale à l’enfance du département des Hauts‑de‑Seine, l’importance de cette violence en hôtels, d’où la nécessité par ailleurs de poser l’interdit prévu à l’article 3 du projet de loi (IGAS, décembre 2020, disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2020-007r1-tome_1_rapport.pdf).

([47]) C’est ce que rappelle l’arrêté du 28 décembre 2016 relatif à l’obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales.

([48]) Défenseur des droits, « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », mai 2021, disponible ici : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rap-ehpad-num-29.04.21.pdf.

([49]) L’article prévoit des « schémas d’organisation sociale et médico-sociale » mais en pratique les conseils départementaux en font plusieurs par champ (personnes âgées, handicap et enfance).

([50]) Réponses au questionnaire de la rapporteure.

([51]) C’est ce que la CNAPE a indiqué à la rapporteure lors de son audition s’agissant de son (vaste) réseau.

([52]) Sylvie Bernigaud, Dalloz Action Droit de la famille, Chapitre 241, § 271, Action sociale en faveur de l’enfance, 2020-20.

([53]) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

([54]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([55]) D’après la Cour des comptes, il en existerait bien une par département désormais, conformément à ce que prévoit la loi. Cour des comptes, « La protection de l’enfance – Une politique inadaptée au temps de l’enfant », rapport public thématique, novembre 2020, p. 31.

([56]) Ibid., pp. 89-92.

([57]) Les documents sont disponibles ici : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3120418/fr/evaluation-globale-de-la-situation-des-enfants-en-danger-ou-risque-de-danger-cadre-national-de-reference

([58]) Ces missions seraient en réalité au nombre de dix-huit après l’entrée en vigueur de l’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui prévoit une nouvelle mission de la Haute Autorité en matière d’autorisations d’accès précoce des médicaments et de l’article 13 du projet de loi relatif à la bioéthique, qui prévoit un nouvel avis sur les actes et méthodes visant à modifier l’activité cérébrale. Il s’agirait donc dans le présent projet de loi d’une dix-neuvième mission prévue à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale.

([59]) Article L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire.

([60]) Article 375-1 du code civil.

([61]) Article 375-3 du code civil.

([62]) Laurent Gebler, « La collégialité en assistance éducative... et autres considérations sur la procédure devant le juge des enfants », AJ Famille. 2020. 449.

([63]) Article 83-1 du code de procédure pénale.

([64]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([65])  Rapport (n° 146, 2014-2015) de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 décembre 2014.

([66]) Source :

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/eva_meo_loi_27_juin_2005_ralative_assistans_maternels.pdf.

([67]) Cour des comptes, La protection de l’enfance, une politique inadaptée au temps de l’enfant, rapport public thématique, novembre 2020.

([68]) Article 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([69]) Décision MDE-2015-290 du 3 novembre 2015 relative à la limite d’âge d’emploi dans la fonction publique des assistants familiaux et l’intérêt de l’enfant.

([70]) Ordonnance n° 45-2720 du 2 novembre 1945 sur la protection maternelle et infantile.

([71]) Loi n° 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l’enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé.

([72]) Notamment la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

([73]) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

([74]) Michèle Peyron, « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », mars 2019.

([75]) Pour 1 dollar investi dans ce type de programmes, 7,3 dollars étaient économisés à terme.

([76]) Rapport de la commission des 1 000 premiers jours, septembre 2020.

([77]) Michèle Peyron, op. cit.

([78]) Article L. 1434-10 du code de la santé publique.

([79]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([80]) Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

([81]) Droits sur la mutation des biens immobiliers, pour ce qui est de la recette la plus dynamique.

([82]) Article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles.

([83]) Il est ainsi prévu à l’article D. 312-151 du code de l’action sociale et des familles que la personne responsable de la pouponnière tient l’ensemble des documents administratifs et d’ordre médical à la disposition des médecins de PMI.

([84]) Rapport d’information (n° 1234) du 12 septembre 2018 en conclusion des travaux de la mission relative à la prévention santé en faveur de la jeunesse.

([85])  Décret n° 92-785 du 6 août 1992 relatif à la protection maternelle et infantile.

([86]) Michèle Peyron, op.cit.

([87]) 1er juillet 2021, date d’entrée en vigueur prévue par l’article 73 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([88]) « Troubles du neurodéveloppement - Repérage et orientation des enfants à risque, Recommandation de bonne pratique », HAS, mis en ligne le 17 mars 2020.

([89]) Id.

([90]) Michèle Peyron, op.cit.

([91])  Michèle Peyron, op.cit.

([92]) Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « Création d’un organisme national dans le champ de la protection de l’enfance », juin 2020.

([93])  Rapport d’information (n° 2110) déposé par la mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance et présenté par M. Alain Ramadier, président, et Mme Perrine Goulet, rapporteure (3 juillet 2019).

([94]) Loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance.

([95]) Rapport « Création d’un organisme national dans le champ de la protection de l’enfance » précité.

([96]) Cour des comptes, « La protection de l’enfance. Une politique inadaptée au temps de l’enfant » Rapport public thématique, novembre 2020.

([97]) Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

([98]) L’année d’adoption du projet de loi, la France enregistrait 4 136 adoptions, toutes modalités confondues.

([99]) Derrière cette expression globalisante se cachent des situations disparates comprenant notamment les enfants en situation de handicap, affectés par une maladie ou encore les enfants dotés d’une fratrie.

([100]) Rapport de l’IGAS précité.

([101]) Loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État.

([102]) Rapport de l’IGAS précité.

([103])  Id.

([104]) Rapport d’information (n° 2110) précité.

([105]) Décret n° 2016-1441 du 25 octobre 2016 relatif à la composition et au fonctionnement du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.

([106]) Cour des comptes, op. cit.

([107]) Rapport d’information (n° 2110) précité.

([108]) Monique Limon et Corinne Imbert, « Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant », octobre 2019.

([109]) Rapport de l’IGAS précité.

([110]) Cour des comptes, op. cit.

([111]) Au sujet de cette plateforme, le lecteur pourra utilement se référer au commentaire de l’article 10 du présent projet de loi.

([112]) Proposition de loi visant à réformer l’adoption, actuellement déposée sur le bureau du Sénat.

([113]) Article L. 14-10-3 du code de l’action sociale et des familles.

([114]) Pour mémoire, font actuellement partie de l’une ou l’autre des institutions regroupées par le présent article dix‑huit associations intervenant dans le champ de la protection de l’enfance.

([115]) Rapport de l’IGAS précité.

([116]) Rapport de l’IGAS précité.

([117]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([118]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([119]) Rapport de l’IGAS précité.

([120]) Article 1er de l’arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221‑11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([121]) Après une augmentation de 85 % du nombre de MNA déclarés en 2017 et de 14 % en 2018, une légère baisse de 1,5 % de ce nombre a été constatée en 2019, et devrait également être constatée en 2020 du fait de l’impact de la crise sanitaire sur les flux migratoires.

([122]) Décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l’article L. 221‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([123]) Décret n° 2019‑1410 du 19 décembre 2019 relatif au calcul de la clé de répartition entre les départements des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et arrêté du 19 décembre 2019 pris en application de l’article R. 221‑13 du code de l’action sociale et des familles et modifiant l’arrêté du 28 juin 2016 pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de calcul de la clé de répartition des orientations des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([124]) Cour des comptes, La protection de l’enfance, une politique inadaptée au temps de l’enfant, rapport public thématique, novembre 2020.

([125]) Issu du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([126]) Arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([127]) L’article 8 prévoit ainsi que l’évaluation sociale réalisée par le département porte a minima sur six points : l’état civil, la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine, l’exposé des motifs de départ du pays d’origine et présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français, les conditions de vie depuis l’arrivée en France et le projet de la personne.

([128]) Dans les deux tiers des cas, ces évaluations restent effectuées directement par les services départementaux.

([129]) VISABIO est un traitement de données à caractère personnel relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’intérieur, dont la finalité est de « mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d’identité » et de « permettre l’instruction des demandes de visas en procédant notamment à l’échange d’informations, d’une part, avec des autorités nationales, d’autre part, avec les autorités des États Schengen au travers du système d’information sur les visas (VIS) pour les données biométriques se rapportant aux visas pour un séjour d’une durée inférieure à trois mois délivrés par les autorités françaises » (article R. 611-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

([130]) AGDREF est un traitement de données à caractère personnel relevant du ministre de l’intérieur, mentionné à l’article R. 611-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il permet notamment aux services concernés du ministère d’assurer l’instruction des demandes des titres de séjour des ressortissants étrangers ainsi que la gestion de leurs dossiers respectifs. L’article R. 611-7 prévoit spécifiquement qu’il peut être utilisé afin « d’aider à déterminer et de permettre de vérifier l’identité d’un étranger qui se déclare mineur et privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ».

([131]) Cour des comptes, La protection de l’enfance, une politique inadaptée au temps de l’enfant, rapport public thématique, novembre 2020.

([132]) Décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes.

([133]) Ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([134]) Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, Unicef France et autres.

([135]) Décision n° 428478, 1re et 4e chambres réunies, 5 février 2020.

([136]) Décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 modifiant les modalités de la contribution forfaitaire de l’État à la mise à l’abri et à l’évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille.

([137]) Arrêté du 23 octobre 2020 modifiant l’arrêté du 28 juin 2019 pris en application de l’article R. 221‑12 du code de l’action sociale et des familles et relatif à la participation forfaitaire de l’État à la phase de mise à l’abri et d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([138]) Meurthe-et-Moselle, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Paris, Lot-etGaronne, Ariège, Tarn, Lozère, PyrénéesOrientales, HauteGaronne, HautesPyrénées, LoireAtlantique, Corse, Puy-de-Dôme, PasdeCalais.

([139]) Selon les informations transmises par le Gouvernement à la rapporteure, « Le contrôle de l’authenticité des documents détenus par la personne est assuré par le référent fraude en préfecture et le bureau de la fraude documentaire de la police aux frontières. À l’échelle déconcentrée, cette mission est exercée par des personnes ressources en fraude documentaire formées et agréées par le bureau susmentionné. Il appartient à ces services de rappeler les éléments de nature à faire douter de l’authenticité d’un acte d’état civil étranger présumé valable jusqu’à preuve du contraire. Ces éléments sont les suivants : apparence frauduleuse, existence d’incohérences internes à l’acte, différences manifestes de l’acte présenté et des informations qu’il contient. L’expertise documentaire porte sur l’authenticité matérielle et la conformité du document présenté aux formes utilisées dans le pays d’origine sans préjuger de son rattachement effectif à la personne qui le présente. ».

([140]) Décision n° 2018-768 QPC précitée.

([141]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11009370_60dc1afea60c4.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-relatif-a-l-enfance-30-juin-2021

([142]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11016654_60dc6890dc89b.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-relatif-a-l-enfance-suite-30-juin-2021

([143]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11021295_60dcbd285d1dd.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-relatif-a-l-enfance-suite-30-juin-2021