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N° 4501

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne (n° 4021)

PAR Laurence VANCEUNEBROCK

Députée

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Voir le numéro : 4021

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS............................................ 5

Examen des articles de la proposition de loi

Chapitre Ier Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

Article 1er (article 225-4-13 [nouveau] du code pénal) Création d’une infraction relative aux « thérapies de conversion »

Article 2 (articles 132-77 et 222-13 du code pénal) Aggravation des peines pour les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

Chapitre II Interdiction des pratiques visant à modifier  l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé

Article 3 (article L. 4163-11 [nouveau] du code de la santé publique) Sanction des médecins procédant à des « thérapies de conversion »

Chapitre III (supprimé) Données relatives à ces pratiques, communication et suivi

Article 4 (supprimé) Demande de rapport

Compte rendu des débats

Personnes entendues par lA rapporteurE


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Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à interdire les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, plus communément appelées « thérapies de conversion ». Ces méthodes, importées des États-Unis, se développent dans le monde et les témoignages se multiplient pour les dénoncer dans notre pays. Il est temps qu’une prise de conscience sur la gravité et la dangerosité de ces comportements ait lieu.

Les personnes qui réalisent ces « thérapies de conversion » se basent sur le postulat que l’homosexualité et la transidentité seraient des maladies qu’il faudrait guérir. La France ayant retiré l’homosexualité et les troubles de l’identité de genre de la liste des affections psychiatriques, ces « thérapies » ne reposent sur aucun fondement médical.

Les témoignages recueillis au cours des auditions sont édifiants. Les « thérapies de conversion » peuvent prendre la forme d’entretiens, de retraites spirituelles, de séances d’exorcisme ou encore de traitements par électrochocs et d’injections d’hormones. Elles reposent généralement sur une manipulation mentale de la victime et une altération de son jugement pour lui faire croire qu’une modification de son orientation sexuelle ou de son identité de genre est possible.

Les effets sur la santé physique et mentale des personnes qui les subissent sont graves, parfois dramatiques, comme le démontrent les nombreux témoignages de dépressions et de tentatives de suicide transmis par les associations.

Ces pratiques sont le fait d’une minorité de « thérapeutes » autoproclamés et de certains représentants ou fidèles de cultes. Ce texte ne remet aucunement en cause les croyances, la foi ou les textes sacrés et les autorités religieuses, qui condamnent d’ailleurs fermement ces pratiques, nous soutiennent dans notre volonté d’agir fermement contre ceux qui utilisent de façon malveillante la religion.

Cette proposition de loi n’a pas davantage pour but de dévaloriser le travail de ceux qui viennent en aide de façon bienveillante aux jeunes concernés. Ces accompagnants, qu’ils soient religieux, professionnels de santé ou proches, font un travail formidable et savent se montrer à l’écoute. Il faut être reconnaissant envers les parents qui, même surpris et peut-être décontenancés dans un premier temps à l’annonce de l’orientation sexuelle de leur enfant ou aux doutes de celui-ci sur son identité de genre, lui apportent un soutien indéfectible dans ses choix de vie.

Témoignages transmis par le collectif « Rien à guérir »

Aaron vient d’une famille très pratiquante. Sa mère a découvert son attirance pour les garçons en fouillant dans son téléphone, elle le roue de coup, le rase et l’agresse sexuellement pour le punir de sa sexualité. Elle l’emmène de force dans des églises où se déroulaient des exorcismes, « pour lui enlever le démon de l’homosexualité ». C’était en 2017 en France, il avait 14 ans, il a fait une tentative de suicide. « Je me sentais détruit de l’intérieur, j’avais juste envie de ne plus exister, encore une fois ».

Yveline a vécu des accompagnements spirituels et des séjours de « guérisons » pendant plusieurs années. Des prêtres ont tout fait pour l’arracher à une relation amoureuse qu’elle avait avec une autre femme en l’exhortant avec force : « Tu ne la reverras plus jamais ». Ces séances ont été suivies par d’énormes angoisses et des tentatives de suicide : « J’étais un soir dans une chambre, en hauteur, et je me suis vraiment dit : là j’ouvre la fenêtre et je saute ». « Ils cherchent des coupables, dans la famille, dans le passé. Ils viennent justifier le mal-être avec le passé de la personne. J’étais persuadée que j’étais malade. J’étais dans l’incapacité d’aimer, de vivre pleinement ». Elle se plaint et leur dit qu’ils sont trop durs avec elle, ce à quoi on lui a répondu que cela faisait partie de la « thérapie ».

Anne-Marie : « J’ai vécu des pressions, j’ai vécu du chantage. Cela a été vraiment loin. C’était plus une torture psychologique mais je sais que, pour d’autres, c’était physique. Heureusement pour moi, ça n’a pas été plus loin, même si psychiquement c’était horrible, c’était l’enfer. »

Face à la multiplication des témoignages et à la libération de la parole des victimes, il est urgent pour le législateur d’intervenir pour mettre un terme aux « thérapies de conversion » sous toutes leurs formes. Dans le prolongement de la mission d’information flash menée en 2019 par M. Bastien Lachaud et votre Rapporteure, la présente proposition de loi crée un délit spécifique visant à punir les personnes qui modifient ou répriment l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

De nombreux pays européens sont également en train de légiférer en ce sens et cette prise de conscience, au niveau international, permettra de dissuader et de punir ceux qui envisageraient de porter profondément atteinte à la liberté de s’autodéterminer dans une identité.

L’article 1er de la proposition de loi crée donc un nouvel article dans le code pénal afin de sanctionner le fait de chercher à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne et d’altérer ainsi sa santé physique ou mentale.

Son article 2 prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu’une infraction est commise en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

Son article 3 crée un article dans le code de la santé publique pour sanctionner les médecins et prétendus médecins qui procèdent à des consultations ou prescrivent des traitements pour modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.


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   Examen des articles de la proposition de loi

Chapitre Ier
Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

Article 1er
(article 225-4-13 [nouveau] du code pénal)
Création d’une infraction relative aux « thérapies de conversion »

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article définit comme un nouveau délit autonome le fait de chercher à modifier ou de réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Il prévoit des sanctions aggravées et la possibilité de retirer l’autorité parentale lorsque cette infraction est commise sur un mineur.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre Rapporteure, la Commission a modifié le titre du chapitre Ier de la proposition de loi et a déplacé l’article du code pénal créé par le présent article dans une nouvelle section. Elle a également adopté un amendement de votre Rapporteure visant à supprimer les dispositions prévues aux alinéas 4 à 7, considérant qu’elles étaient satisfaites par le dispositif principal et le droit existant.

1.   L’état du droit

a.   Un phénomène ancien et mondial

Bien que l’on puisse retracer l’existence de « thérapies de conversion » dès le XIXème siècle, cette expression est née aux États-Unis au cours de la première moitié du XXème siècle. Ces thérapies sont la conséquence des théories qui assimilent l’homosexualité à une maladie curable par une intervention sur le corps (électrochocs, lobotomie, traitement hormonal, etc.) ou sur l’esprit (exorcisme, retraite religieuses, hypnose, etc.).

Selon un récent rapport de l’expert des Nations unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ces pratiques persistent aujourd’hui sur tous les continents ([1]).

Dès 2018, le Parlement européen a adopté une motion dans laquelle il « se félicit[ait] des initiatives interdisant les thérapies de conversion pour les personnes LGBTI et la pathologisation des identités transsexuelles [et] pri[ait] instamment tous les États membres d’adopter des mesures similaires qui respectent et défendent le droit à l’identité de genre et l’expression de genre » ([2]). Plusieurs États ont depuis engagé des réformes en ce sens (Malte, Allemagne, Belgique, Pays-Bas).

b.   Une appréhension imparfaite des « thérapies de conversion » par le droit français

Selon les rapporteurs de la mission d’information flash de l’Assemblée nationale sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle et l’identité de genre, les « thérapies de conversion » sont également un phénomène croissant en France. En conclusion de leurs travaux, votre Rapporteure et M. Bastien Lachaud ont indiqué que l’association Le Refuge avait estimé à 4,2 % la part des appels concernant directement les « thérapies de conversion » en 2019, « soit neuf à dix appels par mois, en forte hausse par rapport aux années précédentes » ([3]).

Compte tenu de leur caractère protéiforme – propos, pression psychologique, agression physique, séance d’exorcisme, retraite spirituelle, traitement hormonal, etc. –, les « thérapies de conversion » sont d’ores-et-déjà passibles de poursuites pénales. Elles peuvent notamment relever du harcèlement moral ou sexuel ([4]), de l’abus de faiblesse ([5]), de la violence ([6]) ou encore de l’exercice illégal de la médecine ([7]).

Cependant, il peut être difficile pour les victimes de démontrer la commission de l’une de ces infractions. Comme l’ont indiqué les rapporteurs de la mission d’information : « Cette multitude de recours souligne une difficulté concrète partagée par toutes les victimes auditionnées, à savoir l’illisibilité du droit français. En dépit de la multitude d’infractions rattachables aux " thérapies de conversion " qui peuvent déjà faire l’objet d’une sanction pénale, plusieurs victimes n’ont découvert que les " thérapies " qu’elles ont vécues étaient pénalement répréhensibles que longtemps après les faits et l’une d’elle l’a même appris grâce à l’attention médiatique récente sur ce sujet. Toutes ont estimé que la création d’un délit spécifique permettrait d’adresser un signe clair aux auteurs et aux victimes » ([8]).

En l’absence d’infraction spécifique, le dépôt de plainte est plus difficile et les magistrats, comme les forces de l’ordre, parviennent rarement à appréhender ces faits pour les condamner. Il en résulte une méconnaissance de l’ampleur de ces pratiques qui pèse sur les victimes, qui ne sont pas reconnues, et sur l’organisation de la réponse apportée par les autorités publiques.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

En premier lieu, le nouvel article 222-16-1 A du code pénal définit comme un délit autonome « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale ». Cette définition au niveau législatif des « thérapies de conversion », au sens large, permettra une meilleure identification des plaintes et la mesure objective de ce phénomène qui ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune statistique.

La rédaction choisie permet d’intégrer dans le champ de l’infraction tant les personnes qui incitent à la conversion que celles qui procèdent aux actes prétendant y parvenir. Ces pratiques ne sont pas restreintes au champ « thérapeutique » et peuvent également consister en des propos ou des comportements encourageant une personne à modifier son orientation sexuelle ou son identité de genre.

Ce délit sera puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. En raison de l’exposition des plus jeunes à ces pratiques, notamment dans la sphère familiale, la sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise envers un mineur.

En outre, dans le cas spécifique où l’auteur est une personne titulaire de l’autorité parentale, le juge devra statuer sur le retrait partiel ou total de l’autorité parentale ou de l’exercice de celle-ci dans les conditions prévues aux article 378 ([9])  et 379-1 du code civil. Le dispositif prévu dans le code civil est d’application générale mais il existe déjà plusieurs infractions pour lesquelles le législateur impose au juge de se prononcer sur la question du maintien de l’autorité parentale, notamment en cas d’agression sexuelle ou de harcèlement à l’encontre de son enfant ([10]). En application de l’article 131-5-1 du code pénal, le juge pourra également prescrire, à titre complémentaire, le suivi d’un stage de responsabilité parentale.

Enfin, le nouvel article 222-16-1 A du code pénal prévoit que cette infraction ne concerne pas les pratiques visant au changement de sexe ou au libre développement et à l’affirmation de son orientation sexuelle dès lors que celles-ci sont consenties par la personne concernée. Cette précision vise à éviter que des professionnels refusent d’accompagner une personne dans ces démarches sous prétexte qu’ils risqueraient des poursuites pénales. En effet, il s’agit bien, grâce à cette proposition de loi, de renforcer, et en aucun cas d’entraver, l’autodétermination de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

3.   Les modifications apportées par la Commission

Afin de retirer l’expression « thérapies de conversion » du texte de loi, la Commission a adopté un amendement CL87 de votre Rapporteure visant à choisir un nouvel intitulé au chapitre Ier dont la formulation devient : « Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».

La Commission a également adopté un amendement CL88 de votre Rapporteure pour déplacer le délit autonome créé par l’article 1er au sein du chapitre V du titre II du livre II du code pénal. Il crée également dans ce chapitre consacré aux atteintes à la dignité de la personne une nouvelle section relative aux « pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».

Par ailleurs, à l’initiative de votre Rapporteure, la Commission a supprimé les alinéas 4 à 7 de l’article 1er.

Les alinéas 4 à 6 prévoyaient d’exclure explicitement les pratiques, comportements ou propos visant à la libre affirmation de la personne ou aux démarches de changement de sexe. Il apparaît que la définition du délit telle qu’elle est rédigée à l’alinéa 2 exclut tout risque de confusion entre l’accompagnement des personnes qui en ressentent le besoin et la « thérapie de conversion » qui implique une altération de la santé physique ou mentale. Cette précision n’est pas nécessaire et pourrait même être utilisée par des défenseurs des « thérapies de conversion » qui pourraient prétendre agir en faveur de l’affirmation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de leurs victimes.

La suppression de l’alinéa 7 résulte du constat que l’article 378 du code civil prévoit déjà que le juge puisse retirer l’autorité parentale à toute personne qui commet un délit sur son enfant. Il n’est pas utile de l’inscrire car cela pourrait laisser à penser, a contrario, que cette possibilité n’existe pas lorsqu’elle n’est pas expressément prévue.

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Article 2
(articles 132-77 et 222-13 du code pénal)
Aggravation des peines pour les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu’une infraction est commise en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 3 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a aggravé la sanction prévue par l’article 222-13 du code pénal lorsque des violences sont commises sur un mineur par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur lui.

Les articles 11 et 13 de la même loi ont prévu que le harcèlement sexuel ou moral pouvait également être constaté lorsque plusieurs personnes participent à un harcèlement, même si leurs agissements individuels ne suffisent pas à constituer un harcèlement.

L’article 171 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a fait du caractère sexiste ou homophobe d’une infraction une circonstance aggravante générale. Ce même texte avait remplacé la notion « d’identité sexuelle » par celle « d’identité de genre ».

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de Mme Laëtitia Avia et de votre Rapporteure, la Commission a supprimé les alinéas 6 à 13 du présent article qui, sans apporter de garanties supplémentaires aux victimes, risquaient de nourrir une confusion entre le délit autonome nouvellement créé et les harcèlements sexuel et moral. Elle a également adopté un amendement de coordination visant à éviter l’aggravation systématique du délit créé par l’article 1er.

1.   L’état du droit

Il existe diverses catégories de circonstances aggravantes :

– celles liées aux conditions de l’infraction, notamment si elle est commise collectivement (réunion, bande organisée) ou sur plusieurs victimes (par exemple en matière de proxénétisme) ou si elle s’accompagne d’autres infractions concomitantes ;

– celles liées à la nature de l’infraction, notamment l’utilisation d’une arme ([11]) ou d’un moyen de cryptologie ([12]) ou le recours à l’effraction ([13]) ;

– celles liées à la personnalité de l’auteur de l’infraction, notamment s’il est en situation de récidive ([14]) ou s’il entretient un lien particulier avec la victime, en particulier une relation de couple ([15]) ou de parentalité ([16]) ;

– celles liées à la personnalité de la victime de l’infraction, notamment si celle-ci est dépositaire de l’ordre public, si elle est vulnérable ou si elle est mineure ([17]) ;

– celles liées à la motivation de l’infraction, notamment son caractère raciste, antisémite, sexiste ou homophobe ([18]), sa préméditation ([19]).

Les circonstances aggravantes s’appliquent aux infractions pour lesquelles la loi le prévoit spécifiquement ([20]). Toutefois, depuis 2017, le caractère raciste, antisémite, sexiste ou homophobe d’une infraction est une circonstance aggravante générale, c’est-à-dire qu’elle s’applique à toutes les infractions sauf exception prévue par la loi. L’article 132-77 fixe limitativement les infractions auxquelles l’aggravation de la peine ne s’applique pas. Il s’agit des infractions dont le caractère sexiste ou homophobe est un élément constitutif : violences aggravées, harcèlement sexuel, discriminations et délits de presse (injure, provocation, diffamation).

2.   Les dispositions de la proposition de loi

En complément de la définition d’une infraction autonome, prévue par l’article 1er, le présent article prévoit des sanctions aggravées pour les infractions commises en vue de procéder ou d’encourager à une « thérapie de conversion ». En intégrant les « thérapies de conversion » à l’ensemble, plus large, des infractions commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, les modifications du code pénal proposées permettront à la fois de sanctionner plus sévèrement ces pratiques et de collecter davantage d’informations sur ce phénomène qui n’est pas évalué par les pouvoirs publics à ce jour.

La modification de l’article 132-77 du code pénal assimile les « thérapies de conversion » aux infractions commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Le fait de commettre une infraction dans le but de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sera puni avec la même aggravation de peine que si elle l’avait été en raison de cette orientation sexuelle ou de cette identité de genre. Le choix de ne pas créer une nouvelle circonstance aggravante autonome, qui n’aurait concerné qu’un faible nombre d’infractions, permet de préserver la lisibilité du droit tout en reconnaissant la spécificité de ces situations qui pouvaient parfois échapper à une appréciation restrictive de l’article 132-77 du code pénal.

L’article 132-77 du code pénal ne s’appliquant pas aux infractions pour lesquelles le caractère homophobe ou sexiste est un élément constitutif de l’infraction, le présent article modifie les dispositions correspondantes pour qu’elles intègrent également les exigences relatives à la reconnaissance des « thérapies de conversion » comme un délit.

La modification de l’article 222-13 du code pénal précise que les violences commises dans le but de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sont assimilées aux violences aggravées commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Ces violences sont punies de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Cette sanction peut être portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise « sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ».

La modification des articles 222-33 et 222-33-2-2 du code pénal consiste d’une part à assimiler les « thérapies de conversion » à un harcèlement sexuel et d’autre part à aggraver les peines encourus en cas de harcèlement moral si celui-ci vise à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne ou à l’inciter à recourir à une thérapie de conversion. Dans les deux cas, la sanction encourue s’élève à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Cette sanction peut être portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende dans les cas les plus graves, notamment si elle est commise collectivement, sur une personne mineure ou vulnérable ou par une personne abusant de son autorité.

3.   Les modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre Rapporteure, la Commission a adopté un amendement de coordination CL90 pour inclure le nouvel article 225-4-13 du code pénal à la liste des infractions auxquelles ne s’appliquent pas la circonstance aggravante générale prévue à l’article 132-77 du même code. En effet, le fait que l’infraction prévue à l’article 225-4-13 ait été commise dans le but de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne est un élément constitutif de cette infraction. Si la circonstance aggravante prévue à l’article 132-77 devait également s’y appliquer, les peines prévues à l’article 225-4-13 seraient systématiquement doublées.

Par l’adoption de deux amendements identiques CL50 de Mme Laëtitia Avia et CL91 de votre Rapporteure, la Commission a supprimé les alinéas 6 à 13. Les alinéas 6 à 9 assimilaient les thérapies de conversion au harcèlement sexuel, ce qui pouvait nourrir une confusion dès lors qu’un délit particulier est créé par la proposition de loi. Les alinéas 10 à 13 aggravaient la peine encourue pour harcèlement moral lorsque celui-ci vise à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, ce qui n’était pas nécessaire dès lors que l’article 132-77 du code pénal prévoyait une circonstance aggravante générale en la matière qui se serait appliquée à l’article 222-33-2-2 du même code.

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Chapitre II
Interdiction des pratiques visant à modifier
l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé

Article 3
(article L. 4163-11 [nouveau] du code de la santé publique)
Sanction des médecins procédant à des « thérapies de conversion »

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la sanction des personnes qui prétendent procéder à des consultations ou des traitements médicaux pour modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre revendiquée d’une personne.

       Dernières modifications législatives intervenues

La liste des personnes pouvant effectuer certains actes médicaux sans être considérées comme exerçant illégalement la médecine a été étendu par l’article 32 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, l’article 32 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, l’article 59 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, l’article 2 de l’ordonnance   n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’article 119 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre Rapporteure, la Commission a modifié le titre du chapitre II et l’emplacement de l’article du code de la santé publique créé par l’article 3 afin d’éviter la confusion entre l’exercice illégal de la médecine et la sanction des pratiques illégales de certains médecins et non médecins.

Pour les mêmes raisons qu’à l’article 1er, la Commission a adopté les amendements de M. Raphaël Gérard et de votre Rapporteure visant à supprimer les dispositions prévues aux alinéas 3 à 5, considérant qu’elles étaient satisfaites par le dispositif principal et le droit existant.

À leur initiative, elle a également procédé à une harmonisation en remplaçant l’expression « orientation sexuelle ou identité de genre revendiquée » par la formule, habituellement reprise en droit français, « orientation sexuelle ou identité de genre, vraie ou supposée ».

1.   L’état du droit

a.   Le recours à certaines pratiques dans le cadre de « thérapies de conversion » peut être sanctionné au titre de l’exercice illégal de la médecine

Les articles L. 4161-1 et suivants du code de la santé publique sanctionnent l’exercice illégal de la médecine. En particulier, l’article L. 4161-1 interdit à toute personne de procéder à des consultations ou de prendre part aux traitements d’une maladie sans diplôme. Il insiste sur le fait que cette interdiction s’applique tant au traitement des maladies réelles que des maladies supposées, les promoteurs des « thérapies de conversion » assimilant souvent l’homosexualité à une pathologie.

À l’occasion d’une question écrite publiée en 2018 ([21]), la ministre de la justice avait indiqué qu’il « n’est pas exclu qu’une personne qui prétendrait pouvoir " soigner " l’orientation sexuelle d’une personne, au prétexte qu’il s’agirait d’une " maladie ", puisse être sanctionnée pénalement pour exercice illégal de la médecine ». Il existe en effet plusieurs condamnations pour exercice illégal de la médecine et de la pharmacie à l’encontre de personnes s’étant prétendue guérisseurs ou magnétiseurs ([22]). Cette réponse laisse toutefois planer une incertitude quant à l’applicabilité de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique à l’ensemble des « thérapies de conversion ».

b.   Le régime de sanction des médecins participant à des « thérapies de conversion » reste imprécis

Ainsi que l’a rappelé l’Ordre des médecins lors de son audition par votre Rapporteure, les médecins qui effectueraient des actes relevant d’une « thérapie de conversion » violeraient leurs obligations professionnelles et déontologiques ([23]), en particulier l’interdiction des discriminations et l’exigence de recueillir le consentement du patient, et encourraient des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la radiation ([24]).

Ils engagent également leur responsabilité civile dès lors qu’ils agissent en violation du consentement du patient. L’article 16-3 du code civil prévoit en effet qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».

Enfin, le médecin peut être poursuivi pénalement s’il commet une faute médicale et qu’il n’a pas obtenu préalablement le consentement du patient ([25]). L’engagement de cette responsabilité est conditionné à l’existence d’une atteinte à l’intégrité du patient, qui n’est pas toujours identifiable dans le cas des victimes de « thérapie de conversion ».

Par ailleurs, il existe des actes médicaux spécifiquement interdits par la loi, dont les « thérapies de conversion » ne font pas expressément partie. C’est le cas, par exemple, de l’assistance médicale à la procréation à d’autres fins que celles autorisées ([26]) ou des pratiques eugéniques tendant à l’organisation de la sélection des personnes ([27]). En effet, sans ces dispositions, ces actes pourraient être commis avec le consentement des personnes concernées et alors échapper à tout contrôle de la part du juge pénal.

Afin de sanctionner plus facilement les médecins et non-médecins qui effectuent des « thérapies de conversion », le présent article propose donc de reconnaître explicitement comme un délit les actes prétendument médicaux consistant à effectuer une « thérapie de conversion ».

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 de la présente proposition de loi crée un article L. 4161-1-1 dans le code de la santé publique qui précise les sanctions pénales encourues par les personnes qui réalisent des consultations ou des traitements pour modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, qu’elles soient des professionnels de santé ou non.

Deux catégories de sanctions sont prévues :

– d’une part, des sanctions pénales s’élevant à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;

– d’autre part, lorsque l’auteur est membre d’une profession médicale, une sanction professionnelle consistant à l’interdire d’exercer pour une période pouvant aller jusqu’à dix années ([28]).

Afin de ne pas alimenter une confusion entre « thérapie de conversion » et changement de sexe, le nouvel article L. 4161-1-1 exclut explicitement de son champ d’application les actes médicaux visant au libre développement ou à l’affirmation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ainsi que les thérapies visant à changer de sexe. En effet, celles-ci sont légales dès lors qu’elles sont effectuées avec le consentement de la personne concernée et dans le respect des règles encadrant l’exercice des professions médicales.

3.   Les modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre Rapporteure, la Commission a modifié le titre du chapitre II et l’emplacement de l’article du code de la santé publique créé par l’article 3. En effet, l’exercice illégal de la médecine désigne spécifiquement le fait d’effectuer des consultations, de prescrire des traitements ou de réaliser des actes médicaux sans disposer des diplômes requis. En l’occurrence, l’article 3 vise également les médecins diplômés qui légitimeraient par leur statut l’idée qu’il serait possible de « guérir » l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Pour cette raison, l’amendement CL92 a modifié l’intitulé du chapitre II qui devient « Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé » et l’amendement CL93 a déplacé le contenu de l’article 3 à l’article L. 4163-11 du code de la santé publique, parmi les dispositions pénales diverses relatives aux professions de santé.

La Commission a également adopté deux amendements identiques CL25 de M. Raphaël Gérard et CL94 de votre Rapporteure afin de remplacer l’expression « orientation sexuelle ou identité de genre revendiquée » par « orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée ». Cette formule, qui est d’usage en droit français de la lutte contre les discriminations ([29]), offre davantage de garanties aux victimes en permettant d’appréhender l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à laquelle s’identifie la victime mais aussi celle qui peut être perçue par autrui sans être nécessairement revendiquée.

Enfin, la Commission a adopté les amendements identiques CL28 de M. Raphaël Gérard et CL95 de votre Rapporteure visant à supprimer les dispositions prévues aux alinéas 3 à 5. Ces alinéas précisaient que l’accompagnement des personnes dans l’affirmation de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ou dans leur volonté de changer de sexe ne pouvait être considéré comme une « thérapie de conversion ». Comme à l’article 1er, la Commission a estimé que ces précisions étaient inutiles dès lors que ces situations ne relèvent en aucun cas de la définition de l’infraction définie à l’alinéa 2 qui désigne les consultations et traitements visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ([30]).

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Chapitre III (supprimé)
Données relatives à ces pratiques, communication et suivi

Article 4 (supprimé)
Demande de rapport

Supprimé par la Commission

Le présent article prévoit la remise au Parlement d’un rapport présentant un état des lieux sur les « thérapies de conversion ». Ce rapport devra décrire ce phénomène un an après la promulgation de la loi et indiquer les moyens mis en œuvre pour lutter contre celui-ci, notamment en ce qui concerne la formation des enseignants, des magistrats et des forces de l’ordre.

Le chapitre III et l’article 4 ont été supprimés par la Commission à l’initiative du Gouvernement, après avis de sagesse de votre Rapporteure. Elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une demande de rapport, rappelant qu’il revenait au Parlement d’assurer le suivi des lois qu’il vote et le contrôle de la mise en œuvre de celles-ci par le Gouvernement.


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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 29 septembre 2021, la Commission examine, en première lecture, la proposition de loi (n° 4021) interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne (Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure).

Lien vidéo : http://assnat.fr/DQjk0I

Mme Naïma Moutchou, présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi, déposée par notre collègue Laurence Vanceunebrock et les membres du groupe La République en Marche, a été inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée par le Gouvernement le mardi 5 octobre. Elle fait suite aux travaux menés par la commission des lois par Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud dans le cadre d’une mission flash qui avait rendu ses conclusions le 11 décembre 2019.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons examiner ce matin vise à interdire les pratiques prétendant pouvoir modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, autrement dit les « thérapies de conversion ». Ces pratiques moyenâgeuses ont encore cours dans notre pays et ont même tendance à se développer. Avec mes collègues du groupe La République en Marche, nous vous proposons de mettre fin à ce phénomène.

Les personnes qui réalisent ces « thérapies de conversion » se fondent sur le postulat que l’homosexualité et la transidentité seraient des maladies qu’il faudrait guérir, alors qu’il n’y a rien à guérir. La France ayant retiré l’homosexualité et les troubles de l’identité de genre de la liste des affections psychiatriques, ces « thérapies » ne reposent sur aucun fondement médical ou thérapeutique.

Les « thérapies de conversion » sont menées discrètement par des thérapeutes qui s’autoproclament experts de cette question, ou bien par certains représentants ou fidèles de cultes ou de croyances qui se proposent de « guérir » les homosexuels ou les personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au genre qui leur a été assigné à la naissance, sous couvert d’une lecture dévoyée de leurs religions ou de leurs croyances. Elles peuvent prendre la forme d’entretiens, de stages ou encore de traitements par électrochocs et d’injections d’hormones. Ces pratiques indignes peuvent altérer le jugement de la victime en lui faisant croire qu’une modification de son orientation sexuelle ou de son identité de genre est possible.

Généralement à destination d’un jeune public, les effets de ces pratiques – qualifiées de tortures par les Nations unies – sur la santé physique et mentale des personnes qui les subissent sont régulièrement mis en avant par les associations au contact des LGBTQ+ : dépression, isolement ou encore suicides.

Par ce texte, nous cherchons à condamner fermement ceux qui veulent contraindre une personne à renier son identité et qui utilisent pour cela des moyens souvent sournois qui se basent sur leur homophobie ou sur leur transphobie.

Il n’est évidemment pas question de remettre en cause le travail de ceux qui, au contraire, œuvrent de façon bienveillante au soutien des jeunes concernés. Aussi, je tiens à remercier le travail de ces accompagnants, qu’ils soient religieux, médecins, parents ou proches qui savent se montrer à l’écoute et cherchent à accompagner la personne concernée lorsqu’elle doute de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.

En revanche, nous ne pouvons supporter qu’une personne, quelle qu’elle soit, propose une « thérapie de conversion ». Le Parlement européen a d’ailleurs adopté le 1er mars 2018 une motion condamnant ces pratiques et appelant les États membres de l’Union européenne à légiférer pour les interdire.

Certains États ont depuis engagé des réformes en ce sens, comme Malte, l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas. La France doit désormais prendre sa place dans ce combat et je suis certaine que nos concitoyens, particulièrement ceux qui sont victimes de ces horreurs et qui suivent nos débats, seront soulagés d’avoir enfin une réponse ferme de notre assemblée.

En France, au cours de la mission menée par la commission il y a deux ans avec mon collègue Bastien Lachaud, nous avions relevé trois types de « thérapies de conversion » : celles dites religieuses, les médicales et les sociétales : la proposition de loi vise à les condamner toutes.

Je tiens à préciser que mes échanges de ces derniers mois avec les autorités religieuses ont été particulièrement enrichissants. Elles ont compris qu’il n’était pas question pour nous de rejeter les croyances, la foi ou même les textes sacrés et elles nous soutiennent dans notre volonté d’agir fermement contre ceux qui utilisent de façon malveillante la religion pour nier l’autre dans son identité, porter un jugement et utiliser des ressorts psychologiques, spirituels ou idéologiques pour placer leurs victimes sous emprise mentale et leur faire perdre pied. Les témoignages entendus au cours des auditions sont à cet égard glaçants.

Pour les thérapeutes, les médecins, les psychologues et les psychiatres, il ne s’agit évidemment pas de remettre en question le travail d’accompagnement du patient : celui-ci est bien souvent nécessaire. Mais un professionnel de santé, ou toute personne considérée comme « sachant », ne doit jamais rien imposer ni contraindre son patient en lui faisant penser qu’il peut modifier son orientation sexuelle ou son identité de genre. Ici aussi, le soutien apporté par le Conseil de l’Ordre des médecins à notre action est clair car les « thérapies de conversion » ne respectent en rien les règles déontologiques en matière de respect de la dignité de la personne.

Enfin, je remercie les parents, qui, même s’ils peuvent être surpris et peut-être décontenancés à l’annonce de l’orientation sexuelle de leur enfant ou des doutes de celui-ci sur son identité de genre, cherchent à l’accompagner et à lui apporter un soutien indéfectible dans la construction de son identité.

Ce texte doit aussi permettre, en lien avec les travaux du Gouvernement, et notamment du plan LGBT de Mme Élisabeth Moreno, que je remercie pour son soutien, d’informer les parents sur ces « thérapies de conversion ». Il faut qu’ils soient attentifs à ne pas amener, naïvement et malencontreusement, leur enfant à un bourreau pour enfin mettre un terme à ces pratiques abjectes.

Concrètement, la proposition de loi comprend quatre articles : l’article 1er crée un nouveau délit visant le fait de chercher à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Il prévoit des sanctions aggravées lorsque cette personne est mineure.

L’article 2 prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu’une infraction est commise en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Il assimile aux infractions commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre les infractions ayant pour finalité de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

L’article 3 crée un article dans le code de la santé publique pour sanctionner les personnes qui procèdent à des consultations ou à des traitements médicaux ou prétendument médicaux pour modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre revendiquée d’une personne.

Enfin, l’article 4 prévoit la remise au Parlement d’un rapport présentant un état des lieux des « thérapies de conversion » et les moyens mis en œuvre pour lutter contre celles-ci.

M. Maxime Minot. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission afin d’exprimer la position du groupe Les Républicaine sur ce sujet ô combien difficile et révoltant mais qui parle à l’intime d’une partie de la population.

S’accepter tels que nous sommes, tels que nous naissons, tels que nous nous construisons ne se fait pas, étonnamment, naturellement. S’accepter et accepter le regard des autres sur soi sont intrinsèquement liés. Si accepter son homosexualité, sa transidentité ou encore sa bisexualité est certes plus facile qu’avant, ce n’est toujours pas simple : les regards que porte notre famille, nos amis et la société nous touchent, nous influencent et nous façonnent.

Dois-je rappeler que les jeunes homosexuels connaissent un taux de suicide plus important que les jeunes hétérosexuels ? Ce fléau sera vaincu le jour où ils n’auront plus besoin de se battre pour être acceptés. Alors que notre société devient plus inclusive, on voit encore, en 2021, des groupes de personnes qui refusent cette différence.

Il n’est pas question ici de combattre des religions : on voit d’ailleurs qu’au sein de grandes religions monothéistes les lignes bougent. Certains prêtres donnent même une image plus moderne de la religion en s’exprimant en direction des jeunes sur des plateformes comme TikTok.

Pourtant, certains groupes extrémistes, que nous pouvons même qualifier de sectaires, considèrent qu’il est possible de changer la nature profonde des personnes homosexuelles, quitte à user de violence psychologique ou physique.

Ces thérapies de conversion sont nées au États-Unis et ont fait leur entrée sur notre territoire, bien que sous une forme moins violente. J’ai d’ailleurs une pensée pour les victimes de ces méthodes moyenâgeuses, révoltantes et insupportables. Le collectif Rien à guérir, mené par Benoît Berthe, s’est donné pour mission de lutter contre celles-ci : nous ne pouvons que leur témoigner notre respect et combattre à leurs côtés.

Concrètement, quelles formes prennent ces thérapies de conversion ? N’ayons pas peur des mots : il s'agit souvent d’exorcisme, d’électrochocs, de séances psychologiques humiliantes, de prières de guérison ou de prises d’hormones ; bref, de pratiques barbares et traumatisantes.

Je me dois cependant d’être honnête : j’ai peur que cette loi n’ait qu’une portée limitée. En effet, les pratiques les plus violentes sont d’ores et déjà interdites par notre droit. En revanche, les plus sournoises, utilisées notamment par des psychologues abusant de leur position dominante pour influer sur le travail psychologique des patients, ne seront pas visées.

Toutefois, si cette loi peut sauver ne serait-ce qu’une seule victime de ces pratiques, elle aura été utile.

Enfin, il est à l’honneur de notre parlement de légiférer sur ce sujet et de dire haut et fort que non, on ne peut pas modifier l’orientation sexuelle ou la transidentité d’une personne : il n’y a pas d’autre choix que d’accepter qui nous sommes ni d’autre choix que d’accepter l’autre tel qu’il est.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains, dans sa très grande majorité, votera pour cette proposition de loi.

Mme Caroline Abadie. C’est avec gravité, et avec beaucoup de fierté, que je prends la parole au nom du groupe La République en Marche pour dire tout le soutien que nous apportons à cette proposition de loi de notre collègue Laurence Vanceunebrock.

Avec gravité, parce qu’elle concerne des souffrances indicibles : les témoignages, que nous avons entendus de la bouche même des victimes, ou qui ont été relayés par les associations qui les soutiennent, sont édifiants.

Avec beaucoup de fierté car nous apportons ainsi une pierre supplémentaire à l’édifice de la lutte contre la haine et contre les discriminations anti-LGBT : je suis certaine que nous partageons toutes et tous ce sentiment.

Avec beaucoup de fierté également car c’est la France qui prend ainsi part à la mobilisation contre ces pratiques barbares après l’ONU en 2015, après le Parlement européen en 2018, après Malte, après l’Allemagne ou encore après la Belgique. Nous devons cette mobilisation française à la volonté sans faille de notre collègue rapporteure.

Une orientation sexuelle ou une identité de genre différente de celle de la majorité ne sont pas des déviances qu’il faudrait corriger ou des maladies qui devraient être soignées, que ce soit au nom de la religion, de la morale ou de la médecine. Il n’y a rien à soigner, et donc pas de thérapie.

Il ne s’agit pas non plus de conversion : ce ne sont pas des croyances que l’on pourrait abandonner grâce à tel ou tel argument ou à telle ou telle formule magique. Personne n’a à se conformer à une normalité dont chacun a sa propre conception.

En revanche, il ne serait pas normal qu’à notre époque, nous tolérions encore plus longtemps ces comportements qui visent à faire entrer des gens dans des cases et qui, au lieu de les libérer d’un prétendu mal, exercent à l’égard des victimes une véritable violence psychologique, car ils visent à les obliger à aller contre ce qu’elles sont, au plus profond d’elles-mêmes, et parfois physique, pouvant aller jusqu’à des coups, des électrochocs, des sévices sexuels et des mariages forcés.

Nous poursuivons avec ce texte un double objectif : d’une part, dire aux personnes ayant subi ces pratiques qu’elles sont bien des victimes, que la société n’accepte pas ce qu’elles ont enduré, que nous sommes avec elles pour les protéger, et d’autre part, faire savoir aux charlatans, aux exorcistes et aux pseudo-thérapeutes qui se livrent à ces pratiques qu’ils seront désormais poursuivis et sanctionnés tout autant que ceux qui y incitent, quelle que soit leur motivation.

Que le message soit clair : aujourd’hui, en France, on ne force pas quelqu’un à changer d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. Avec ce texte, nous donnons donc à la justice des outils supplémentaires pour réprimer ces agissements d’un autre âge. Nous comptons sur la mobilisation sans faille des forces de l’ordre et des magistrats pour qu’ils accueillent, écoutent et accompagnent celles et ceux qui auront eu le courage de briser le silence.

En outre, le vote de cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre plus large : celui du combat que nous menons depuis le début de ce mandat, avec cette majorité, contre les discriminations anti-LGBT et pour l’égalité. Nous l’avons par exemple concrétisé avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, par notre engagement sans relâche contre la haine en ligne et contre les mariages forcés, mais aussi grâce au renforcement des moyens de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) consacrés à ses missions d’éducation et de sensibilisation.

C’est donc avec une conviction sans faille, et en remerciant notre rapporteure pour l’énergie avec laquelle elle s’est depuis de nombreuses années engagée sur cette question, que le groupe La République en marche votera cette proposition de loi.

M. Erwan Balanant. Notre groupe tient à saluer le travail effectué par nos collègues Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud au cours de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Vous avez, chers collègues, mis en exergue la nécessité d’agir au travers de onze orientations principales dont découle cette proposition de loi.

S’il n’existe pas de statistiques précises sur le phénomène intolérable des thérapies de conversion, nous savons cependant qu’il est ancien et que l’on constate une augmentation inquiétante des signalements ces dernières années, ce qui tend à prouver qu’il prend de l’ampleur.

De l’hypnose à la lobotomie, en passant par les traitements hormonaux et par les électrochocs, les moyens déployés pour mettre en œuvre ces prétendues thérapies ne manquent pas de susciter l’effroi, la révulsion, l’indignation et la souffrance. Ces traitements laissent en effet des séquelles désastreuses à leurs victimes. Violents et discriminatoires, ces agissements au nom d’une pseudo-science ou d’une religion doivent être interdits sans la moindre ambiguïté : c’est pourquoi notre devoir et notre responsabilité nous imposent de faire évoluer notre cadre pénal.

Ce texte important, qui fait honneur à notre assemblé et qui est très attendu a enfin pu trouver une place dans l’agenda parlementaire. Certes, le droit français permet d’ores et déjà de réprimer un certain nombre de pratiques constitutives de ces thérapies de conversion, comme le harcèlement, les violences physiques ou les actes de torture. Notre législation actuelle demeure cependant incomplète. Cette proposition de loi prévoit donc la création d’une infraction nouvelle et autonome qui réprime spécifiquement les thérapies de conversion et ce qui s’y rapporte. Son champ nous paraît suffisamment large pour y inclure toutes les pratiques néfastes, y compris les simples propos ou attitudes qui pris individuellement semblent inoffensifs mais qui, ajoutés les uns aux autres, deviennent dangereux pour ceux qui les subissent.

La proposition de loi permet une aggravation des peines encourues pour certaines infractions existantes lorsque celles-ci sont commises en vue d’une prétendue conversion sexuelle ou de genre. Les motivations, mais aussi les conséquences de tels faits, comportent indéniablement une spécificité ainsi qu’une gravité qui appelle une sanction plus sévère.

Nous soutenons également la création d’un nouveau délit d’exercice illégal de la médecine spécifique à la délivrance de pseudo-thérapies. Cette nouvelle infraction, ainsi que le rapport gouvernemental qui est prévu, permettront de compléter le dispositif de lutte contre les thérapies de conversion.

J’insiste toutefois, Madame la rapporteure, sur l’importance qu’il y a à distinguer nettement ces dernières, qu’il faut réprimer, des pratiques qui permettent un soutien psychologique au regard d’une libre affirmation d’une identité de genre ou d’une orientation sexuelle. Vous avez déposé un amendement visant à supprimer cette disposition de votre proposition de loi, car elle pourrait avoir des effets de bord. Nous aimerions néanmoins que vous nous indiquiez concrètement comment cette distinction pourra objectivement être opérée dans la réalité.

Par ailleurs, nous souhaitons des précisions sur l’échelle des peines. La nouvelle infraction autonome punit les thérapies de conversion du même quantum que celui du harcèlement moral ou sexuel. Or cette nouvelle infraction réprime des faits bien plus graves.

Si nous comprenons que le caractère protéiforme des faits susceptibles d’entrer dans le champ de cette infraction rend le calibrage de la peine difficile, il est néanmoins peut-être possible de travailler en vue de la séance à un quantum de peine plus élevé et mieux adapté. Nous vous ferons des propositions dans ce sens et sommes ouverts à un travail avec vous, Madame la rapporteure.

J’appelle enfin votre attention sur la question des circonstances aggravantes, en l’état relativement limitées. Il pourrait être utile de les enrichir en incluant notamment le cas de l’abus d’autorité, de droit ou de fait, et en prenant en considération la particulière vulnérabilité de la personne ainsi que l’utilisation d’un support en ligne, comme c’est déjà le cas s’agissant du harcèlement sexuel par exemple.

Ces points de vigilance ou d’évolution vont dans le sens de l’objectif poursuivi par cette proposition de loi en faveur de laquelle, bien évidemment, nous voterons.

Mme Lamia El Aaraje. Nous entamons aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi très attendue : je salue donc son inscription à l’ordre du jour de nos travaux. Elle vise à interdire les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, c’est-à-dire les fameuses thérapies de conversion qui ne sont en aucun cas des thérapies et qui n’obtiennent aucune conversion. Il s’agit de maltraitances qui ne font que nourrir une vision inégalitaire et indigne, promouvoir la haine à l’égard des personnes LGBTI et qui s’attaquent aux plus fragiles, en particulier aux enfants et aux jeunes en questionnement et en quête de leur identité dans ce qu’elle a de plus intime.

Ces pratiques n’ont évidemment pas leur place dans notre République et nous devons absolument y mettre un terme.

Cette proposition de loi a déjà un historique chargé : la commission des lois a en effet confié en juillet 2019 à Laurence Vanceunebrock et à Bastien Lachaud une mission flash importante et transpartisane sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La mission a identifié onze orientations centrales en vue de faire évoluer notre législation et nos pratiques en la matière.

Malheureusement, le caractère consensuel de ce travail de qualité a quelque peu volé en éclats lorsqu’il a été décidé, en 2020, de faire fi de la complexité du dossier pour en reprendre à la découpe certains volets au sein du projet de loi « séparatisme », comme si le prisme religieux ou sectaire pouvait à lui seul couvrir l’ensemble des pratiques, allant ainsi à rebours des conclusions de la mission.

Devant le tollé ainsi suscité, il nous fut ensuite expliqué que le droit positif actuel suffisait, au mépris de l’évidence et du travail engagé avec tant d’associations et de victimes. Il ne devait pour autant pas suffire tant que cela puisque nous voici réunis aujourd’hui pour débattre – enfin – de la proposition de loi revue. Si je salue l’initiative et l’acharnement de notre collègue Laurence Vanceunebrock, je regrette, donc, la méthode.

Cette hésitation sur ce sujet, et la confusion entretenue par le fait qu’il a été déclaré tantôt qu’il s’agissait d’une urgence, et tantôt qu’il n’y avait pas lieu de légiférer, traduit bien le caractère vacillant de la volonté sous-jacente, ce que je déplore.

Nous allons pour notre part intégrer une partie de la proposition de loi déposée au Sénat par notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie sur ce sujet pour enrichir le texte au travers de nos amendements en séance publique.

Les victimes sont, elles, toujours plus nombreuses, et leur dignité appelle de notre part une action résolue. De prétendus exorcismes, plus ou moins violents en pratique et présentés comme psychothérapeutiques, voire des traitements médicamenteux doublés d’électrochocs : voilà ce que nous désignons sous l’appellation courante mais singulièrement trompeuse de thérapies de conversion. Elles recouvrent une réalité protéiforme. Il faudra donc intégrer un volet plus large du code de la santé publique pour inclure un plan plus important des professionnels de santé pouvant se trouver à leur origine. Les auditions menées lors de la mission flash, ainsi que le documentaire Dieu est amour, l’ont fort bien montré.

C’est d’ailleurs ce que répète sans faiblir le collectif « Rien à guérir » dont le travail remarquable rappelle à qui voudrait l’oublier que ces traitements déshumanisants aux conséquences toujours durables existent malheureusement aujourd’hui en France.

Si nous avons collectivement, comme Nation, voulu croire que ces pratiques ubuesques n’existaient pas chez nous et voulu les renvoyer à un ailleurs lointain, les victimes ont su briser le silence, prendre la parole et nous rappeler que de telles maltraitances exploitent un filon qui ne se porte, hélas, que trop bien : celui de la stigmatisation, de la haine au prétexte de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou des caractéristiques sexuées des personnes.

La réponse que nous apporterons au scandale permanent que constitue l’existence de telles pratiques ne doit pas oublier qu’elle s’inscrit dans un continuum auquel nous devons absolument mettre un terme, notamment en assumant une stratégie ambitieuse en matière d’égalité des droits et de lutte contre les discriminations.

Nous partageons bien évidemment nombre des constats établis tant par les Nations unies que par le Conseil de l’Europe. C’est un honneur pour nous que de pouvoir contribuer à faire droit aux victimes et à éviter qu’il y en ait de nouvelles. Nous userons de notre capacité d’amendement pour améliorer ce texte dont les petites incohérences de forme traduisent le destin un peu mouvementé – je pense à la coquille figurant à l’alinéa 12 de l’article 2.

Nous veillerons également particulièrement au respect des personnes, en particulier des enfants et des jeunes trans et intersexes, dans l’accompagnement respectueux de leur autonomie par des professionnels compétents soucieux des droits de l’homme.

Nous porterons un regard vigilant à la question des mutilations intersexes, malheureusement absente de ce texte et qu’il est pourtant nécessaire de traiter. Il en va du respect de l’enfant, de sa singularité, de son identité, de ce qu’il est, de ce qu’il sera ou de ce qu’il voudra ou pourra être.

Vous l’aurez compris, mon groupe soutiendra évidemment cette proposition de loi et entend reconnaître ces violences aujourd’hui faiblement saisissables par le droit comme par la science sociale, permettre qu’elles soient sanctionnées et les prévenir, ce qui suppose également que des moyens soient accordés aux services compétents de l’État pour agir.

M. Christophe Euzet. Je m’associe aux compliments adressés aux co-rapporteurs de la mission flash sur une thématique d’une gravité toute particulière : les pratiques prétendant modifier – ou réprimer – l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et qui tendent notamment à considérer l’homosexualité comme une maladie curable.

On connaît le cadre dans lequel ont lieu ces pseudo-thérapies de conversion, qui peut être familial, religieux ou prétendument médical, ainsi que leurs manifestations pratiques, qui vont du simple propos aux pressions psychologiques, parfois aux séances d’exorcisme et aux retraites spirituelles ou aux séances d’hypnose, et – plus préoccupant encore puisqu’ils constituent autant de traitements inhumains et dégradants – aux agressions physiques, au traitement hormonal et aux électrochocs.

Les conditions juridiques dans lesquelles se déploie désormais la réflexion à l’égard de ces thérapies de conversion ont été rappelées : un certain nombre de pays ont fait depuis quelques années un pas en avant. Une résolution du Parlement européen ainsi qu’un rapport réalisé dans le cadre des Nations unies tendent à les dénoncer de façon de plus en plus vigoureuse.

Il était temps de dépasser le cadre législatif existant. Si les dispositions de nature à sanctionner de telles pratiques existent dans notre droit positif, il y a toujours une grande difficulté à caractériser l’infraction au motif qu’il renvoie à des régimes relativement divers, tel que le harcèlement moral ou sexuel, l’abus de faiblesse, la violence, la discrimination ou l’exercice illégal de la médecine.

Nous considérons cette proposition de loi avec beaucoup de bienveillance parce qu’elle crée une infraction spécifique à la thérapie de conversion et qu’elle l’ajoute aux circonstances aggravantes des infractions relatives au harcèlement moral et sexuel et aux violences. Elle l’intègre en outre dans le champ de l’exercice illégal de la médecine.

Si cette proposition s’inscrit dans les priorités du groupe Agir ensemble qui cherche à sanctionner et à prohiber toutes les formes de discriminations, je m’associe à une réserve inhérente à la nature même du dispositif que nous mettons en place, qui a déjà été formulée : la question de la preuve reste toujours pendante. Dans la mesure cependant où elle a pour objectif de modifier les comportements, elle nous semble aller dans le bon sens : c’est la raison pour laquelle le groupe Agir ensemble la soutiendra.

M. Paul Molac. De telles pratiques visent à changer ce que sont les personnes, ce qui est insupportable – et cette volonté peut exister dans d’autres domaines. En la matière, en tout cas, nous revenons de loin : souvenons-nous que dans les années soixante, l’homosexualité pouvait être poursuivie pénalement en France, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays encore. Heureusement que nous avons fait quelque progrès !

Vouloir changer les individus est l’expression d’une suffisance absolue. C’était souvent le fait des autorités, de l’État ou des religions. Tel ne semble plus être le cas et c’est tant mieux parce que les souffrances, à la fois mentales et physiques, que l’on peut infliger aux personnes concernées sont insupportables. Une société ouverte et humaniste ne peut les tolérer.

C’est pour cette raison que nous soutiendrons, Madame la rapporteure, votre proposition de loi. Certes, certains juristes ont pointé du doigt des difficultés, mais il importe de faire savoir que ce genre de pratique est à proscrire dans nos sociétés. Les personnes doivent être prises comme elles sont, sans chercher à les changer dans ce qu’elles sont dans leur intimité et donc dans leur orientation sexuelle déterminée à la naissance, qu’il faut simplement accepter.

M. Bastien Lachaud. L’homosexualité n’est pas une maladie, pas plus que ne l’est la transidentité. Il n’y a en conséquence rien à guérir lorsque l’on est homosexuel, bisexuel ou trans. Il n’y a rien à faire à part laisser chacun et chacune vivre sa vie comme bon lui semble, et avec qui bon lui semble.

Aussi, je me réjouis particulièrement que le travail de longue haleine de notre rapporteure Laurence Vanceunebrock puisse enfin aboutir au travers d’une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée.

La mission d’information que la commission des lois nous avait confiée à tous les deux avait en effet conclu, après avoir écouté notamment les victimes, dont je salue l’engagement, qu’il était urgent de faire évoluer la loi et d’ouvrir un large débat public.

Il faut que tous les jeunes LGBT, particulièrement celles et ceux qui sont brimés, moqués et humiliés entendent qu’être homosexuel ou être trans n’est pas une maladie, et que les personnes qui tenteraient de le leur faire croire ou de les changer seront punies par la loi. Voilà le message solennel que nous adressons à la Nation !

Il faut interdire clairement ce que l’on appellera, pour résumer, les thérapies de conversion. Ces pratiques, qui prétendent modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, sont protéiformes, insidieuses et pernicieuses. Elles se présentent rarement à visage découvert et se cachent sous diverses appellations pour mieux tromper. Si elles présentent des degrés de gravité divers allant jusqu’à des actes de mutilation ou de torture qui ont parfois entraîné la mort, elles sont toujours destructrices, particulièrement lorsqu’il s’agit de jeunes en construction. Elles atteignent en effet directement l’identité de la personne dans son intimité et touchent durablement la confiance, l’estime de soi et la capacité à vivre une relation amoureuse.

Il existe trois grandes catégories de thérapies de conversion, la première regroupant les thérapies religieuses, les plus connues, qu’elles soient le fait de sectes à proprement parler ou qu’elles témoignent de dérives sectaires au sein de religions instituées.

La deuxième regroupe les thérapies d’ordre pseudo-médical, qu’elles soient pratiquées par des personnes diplômées sortant complètement du cadre autorisé par la loi ou par de purs charlatans.

Enfin, il existe des thérapies de conversion sociétales : l’entourage des victimes est si homophobe que les mariages hétérosexuels sont alors forcés ou quasi forcés, la victime pouvant développer elle-même l’idée de réprimer son orientation sexuelle.

Un mot sur la première catégorie : nous sommes dans un État laïc, qui ne se mêle pas du dogme des religions, qui est indifférent au contenu des rites et qui doit se borner à garantir la liberté de culte et la liberté de conscience.

En revanche, les religions doivent toutes respecter la loi, et aucun acte contraire à la loi ne peut être admis sous prétexte religieux. Si la loi interdit, c’est du point de vue de ce qu’elles font, jamais de ce qu’elles sont.

La loi est la même pour tous et vaut pareillement pour toutes les religions, et en termes de thérapies de conversion, la mission d’information que nous avons menée avec la rapporteure a bien établi qu’elles étaient toutes concernées par ces pratiques quoique les modalités diffèrent selon les dogmes.

Si cette proposition de loi est donc particulièrement bienvenue, nous pouvons aller plus loin car certaines pratiques qui portent directement atteinte à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre n’y sont pas encore présentes.

En ce qui concerne la transidentité, les pratiques sont d’autant plus pernicieuses que les avancées de la loi la concernant sont récentes. Je pense notamment à la loi de 2016 qui n’impose plus de preuve de stérilisation pour changer de sexe à l’état-civil.

Il existe encore beaucoup de choses qui visent à réprimer l’identité de genre d’une personne quand elle engage une transition, et notamment des protocoles contraignants, et parfois humiliants qui de fait répriment ou cherchent à empêcher cette transition qu’elle demande elle-même.

D’autre part, s’agissant des personnes intersexes, des opérations précoces non consenties sur des enfants très jeunes visent à modifier leur orientation sexuelle et leur identité de genre.

Les opérations qui visent à changer l’apparence du sexe de l’enfant pour déterminer le sexe le plus probable – quitte à se tromper – constituent bel et bien des pratiques qui visent à modifier l’identité de genre de la personne et les textes précisent qu’elles ont notamment pour but d’inscrire un sexe à l’état-civil, comme si faire rentrer les gens dans des petites cases était plus important que le principe fondamental de garantie de l’intégrité du corps humain. Ces actes particulièrement graves sont commis en l’absence d’urgence vitale et du consentement libre et éclairé de la personne concernée. Or ce sont de véritables mutilations que la loi relative à la bioéthique n’interdit pas.

Les vaginoplasties, destinées à permettre des rapports sexuels pénétrants, faites sur des enfants de moins de deux ans sont des pratiques visant à prédéterminer une orientation hétérosexuelle à un âge très éloigné de la majorité sexuelle et donc à modifier l’orientation sexuelle de la personne concernée.

Ces éléments ne figurent pas encore dans la loi : nous les proposerons donc par voie d’amendement.

Cette proposition de loi s’ancre dans le combat républicain pour la liberté, pour l’égalité et pour la fraternité indépendamment de son orientation sexuelle ou de son identité de genre : le groupe La France insoumise la soutiendra.

Mme Marie-George Buffet. Je salue également le travail de la rapporteure et celui de la mission flash sur cette question : il est à notre honneur d’aborder ces thérapies de conversion dans une République où chaque individu doit être respecté dans ses droits, tel qu’il est et tel qu’il veut vivre. Il est extrêmement important de le rappeler dans cette période.

Ces thérapies – même si le mot est toujours choquant pour qualifier de tels actes – constituent une pratique barbare qui met en cause le libre choix des individus et qui accompagne l’homophobie, qu’il faut combattre, au-delà de cette proposition de loi extrêmement importante, dans tous ses aspects quotidiens. On sait en effet que les comportements homophobes perdurent dans notre société et que certains, dans un esprit électoraliste, sont capables de les relancer, y compris au travers de discours politiques publics. D’où l’importance de mener ce combat.

Reconnaître que les personnes ayant subi des thérapies de conversion sont des victimes est également important. Je salue à cet égard la prise de parole des individus et des associations qui ont eu le courage de dénoncer ces pratiques et ces crimes – ce n’est pas toujours facile dans notre société.

Par rapport à ce combat, le texte permet de définir un nouveau délit : c’est la principale avancée. Cela signifie que la police et la justice vont devoir le prendre en compte. À cet égard, il faut que les forces de sécurité et la justice ne « mettent pas de côté » ces dossiers en raison d’autres urgences.

Je suis par exemple très choquée de constater que la loi du 13 avril 2016 abolissant la commercialisation du corps humain et luttant contre la prostitution est peu suivie d’effets en matière de répression des clients et de mise en place dans chaque département d’une commission ad hoc visant à aider les personnes victimes de la prostitution à en sortir. Depuis 2016, 500 personnes seulement ont bénéficié de ce dispositif. Il faut donc vraiment sensibiliser les forces de sécurité et la justice au fait que ces thérapies de conversion relèvent d’une violence barbare et que le sujet doit être traité en urgence.

L’article 4 prévoit une évaluation : il me paraît très important que l’on puisse mesurer l’étendue du phénomène et suivre la réaction à celui-ci.

Un mot, enfin, sur les Églises. Nous sommes une République laïque, où chacun a donc le droit de pratiquer son culte ; mais la laïcité ne veut pas dire que les religions seraient en dehors de la loi. Or certaines religions venues d’autres pays, notamment des États-Unis, et dotées d’importants moyens financiers ont recours aux thérapies de conversion. Il faut rappeler aux Églises, quelles qu’elles soient, qu’elles doivent respecter la loi et la dignité des individus.

M. Xavier Breton. Je m’exprime à titre personnel. Sur cette question de société, il faut faire attention à ce que nous disons eu égard aux parcours et aux souffrances qui sous-tendent le débat. En même temps, il faut légiférer : il est donc normal que nous disions les choses.

La proposition de loi aborde un vrai enjeu. Les méthodes qualifiées de thérapies de conversion sont inacceptables et ont entraîné de graves traumatismes. Le texte devrait donc s’attacher à les cibler et à renforcer les sanctions encourues par ceux qui les emploient. Mais sa rédaction pose deux problèmes. Le premier est son manque de solidité juridique, en raison des risques de conflit entre qualifications des infractions ou de l’échelle des peines prévue. Le second est l’introduction dans le texte du concept d’identité de genre, qui soulève beaucoup de questions, voire de problèmes, à la différence de la notion d’orientation sexuelle, qui, elle, est bien connue.

Mon avis personnel sur le texte dépendra des réponses qui seront apportées à ces questions lors de la discussion des amendements.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je remercie tous les groupes de soutenir une proposition de loi primordiale et indispensable à la protection des victimes.

Nous reparlerons en examinant les amendements des questions soulevées par M. Balanant et par M. Breton.

Chapitre Ier
Définition des « thérapies de conversion » et pénalisation de ces pratiques

Avant l’article 1er

Amendement CL87 de la rapporteure

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Cet amendement vise à modifier le titre du chapitre Ier pour y remplacer la notion de thérapies de conversion, qui ne correspond pas à la réalité, par une définition juridique. Je propose l’intitulé suivant : « Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».

M. Xavier Breton. Parce qu’il mentionne l’identité de genre, je ne voterai pas cet amendement.

La commission adopte l’amendement, l’intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.

Article 1er (article 226-16-1 A [nouveau] du code pénal) : Création d’une infraction relative aux « thérapies de conversion »

Amendements CL88 de la rapporteure et CL45 et CL46 de Mme Laetitia Avia (discussion commune)

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Mon amendement vise à déplacer la nouvelle infraction dans une nouvelle section du code pénal distincte de la partie portant sur les violences et rattachée au chapitre V, relatif aux atteintes à la dignité. Les amendements en discussion commune visent également à déplacer cette infraction au sein du code pénal ; il est vrai que son insertion dans la partie relative aux violences est inadéquate, bien que les pratiques visées soient très violentes, car les problèmes causés par les thérapies de conversion sont bien plus vastes.

Mme Laetitia Avia. Je salue chaleureusement le travail de la rapporteure et le débat essentiel qui nous réunit contre des pratiques odieuses. Je suis d’accord avec la rapporteure concernant l’emplacement initial du délit autonome créé par le texte. Je proposais donc deux autres emplacements possibles : dans la sous-section relative aux discriminations ou, au sein de la partie sur les violences, dans la sous-section relative aux violences constitutives d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne. Je retirerai mes amendements au profit de celui de la rapporteure, tout à fait judicieux.

M. Xavier Breton. On nous dit que le texte a été mûrement préparé, mais, au stade de l’examen en commission, on en est encore à en déplacer une partie au sein du code pénal, ce qui n’est pas rien. De plus, le Gouvernement est absent, alors qu’il serait important d’avoir l’avis de la Chancellerie sur le meilleur endroit où insérer le dispositif. J’imagine, Madame la rapporteure, que vous avez été en contact avec ses services : quelle est leur position à ce sujet ? Il est important que nous le sachions pour que notre décision soit éclairée.

Les amendements CL45 et CL46 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CL88.

Amendement CL47 de Mme Laetitia Avia

Mme Laetitia Avia. Il s’agit de réécrire l’alinéa 2, qui décrit le nouveau délit autonome.

Sont actuellement visées « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale ». Ainsi, deux paramètres forment l’élément matériel de l’infraction et on se demande lequel en est vraiment constitutif. Je propose de mettre l’accent sur le second aspect, l’altération de la santé physique ou mentale.

En outre, ma rédaction permet d’inclure les pratiques incitatives, notamment de la part de la famille, sur le modèle de ce que nous avons voté au sujet des certificats de virginité.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. La rédaction proposée est intéressante, mais la majorité des juristes que j’ai consultés au sein des associations préfère la rédaction initiale.

En outre, la vôtre n’apporte pas réellement de garanties supplémentaires : la notion de pressions et contraintes que vous proposez d’ajouter est très proche de celle de comportement, déjà utilisée pour définir le harcèlement. Sur ce point, l’amendement est donc satisfait.

Votre définition est également plus restrictive : elle sous-entend que l’infraction est caractérisée par l’altération de la santé physique ou mentale, alors que, dans la définition actuelle, l’altération de la santé est un élément constitutif de l’infraction, mais c’est bien le fait de vouloir changer l’orientation sexuelle qui en est le cœur et qui est en soi répréhensible.

Enfin, votre rédaction évoque le simple fait d’inciter à faire une thérapie de conversion, ce qui conduirait à condamner l’incitation de la même manière qu’une emprise mentale très intrusive, et risquerait de rendre plus difficile la démonstration de la commission de l’infraction.

Ma priorité est de créer une nouvelle infraction dont la définition soit utile à la justice et aux victimes. Je vous propose de le retirer.

Mme Caroline Abadie. Merci à notre collègue Avia – grande connaisseuse du code pénal – de sa proposition de réécriture. Toutefois, des deux éléments constitutifs de l’infraction, le texte d’origine place en premier celui qu’il est le plus essentiel de réprimer : le comportement des charlatans ou des proches de la victime – même s’il peut être démontré par des faits. C’est aussi ce qu’ont dit les associations. Pour ces raisons, après de longues interrogations sur cette rédaction, je suivrai la rapporteure.

Mme Emmanuelle Ménard. Si l’amendement de Mme Avia est adopté, cela en fera tomber plusieurs, dont le mien. Or il serait intéressant d’avoir une discussion commune à ce sujet, d’où mon intervention.

Quelle que soit la rédaction retenue, il me semble nécessaire de retirer du champ d’application de la nouvelle infraction les cas où la personne qui se questionne sur sa sexualité sollicite librement l’avis d’une autre personne.

M. Xavier Breton. S’agissant d’un sujet aussi important que la définition d’un délit autonome nouveau, il importe de bien soupeser chaque mot. Madame la rapporteure, ce ne sont pas les associations qui font le droit ! Je vous interroge à nouveau sur la position de la chancellerie.

Mme Laetitia Avia. Je vais retirer mon amendement, par attachement aux propositions de loi et à leurs rédacteurs et parce que les arguments de la rapporteure répondent à mon interrogation sur l’élément principalement constitutif du délit.

Je reste gênée par la question des pressions ; peut-être pouvons-nous travailler, d’ici à l’examen en séance, à mieux les appréhender, en nous inspirant de la rédaction d’autres textes existants.

Il y a aussi un problème rédactionnel : peut-être simplement à cause de la conjonction « et », le « et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale » donne l’impression que les pratiques ne sont pas répréhensibles si elles n’ont pas pour effet une altération de la santé. C’est un autre sujet auquel nous pourrons travailler d’ici à la séance.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Madame Ménard, si une personne va librement trouver un thérapeute ou un religieux, celui-ci devrait refuser la conversion. Nous allons en reparler à propos de votre amendement, puisque nous allons l’examiner, Mme Avia s’apprêtant à retirer le sien.

Monsieur Breton, la Chancellerie a évidemment été consultée à plusieurs reprises au cours de la longue période de préparation de la proposition de loi. Ce point ne pose donc pas de problème.

Madame Avia, je suis d’accord pour que nous retravaillions l’amendement en vue de la discussion dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Amendements CL18 de M. Xavier Breton et CL13 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune)

M. Xavier Breton. Comme l’a souligné lors de son audition la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, le terme de comportement est large et flou ; il ne permet pas de caractériser la nouvelle infraction dans le code pénal. Je vous propose donc de le supprimer.

Mme Emmanuelle Ménard. Madame la rapporteure, je parlais non du cas où une personne demande librement à suivre une thérapie de conversion, mais de celui où elle sollicite un avis, un conseil, auprès de quelqu’un qui pourra lui recommander de ne pas suivre la voie dans laquelle elle s’engage. Cette recommandation sera-t-elle assimilée à une thérapie de conversion ou à un comportement relevant pénalement de l’infraction ici visée ?

Les thérapeutes n’ont pas tous le même avis sur ces pratiques. Beaucoup de discussions ont lieu à ce sujet en ce moment. Certains pays, jusqu’alors très ouverts à la possibilité de changer de sexe, y compris pour les mineurs, modifient leur façon de faire, reviennent en arrière, se montrent plus prudents. On invoque de plus en plus le principe de précaution s’agissant des mineurs, notamment les plus jeunes – ceux dont nous parlons ont parfois moins de 14 ans.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Monsieur Breton, la notion de comportement est bien moins imprécise que vous ne le pensez. Notre droit l’utilise déjà, par exemple pour définir le harcèlement. Elle permet d’appréhender la diversité des modes opératoires employés par ceux qui pratiquent les « thérapies de conversion ». Ces comportements sont précisément définis : ils devront à la fois viser à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et avoir pour effet une altération de la santé physique ou mentale.

Madame Ménard, la définition du nouveau délit précise bien que l’on vise les pratiques, comportements ou propos ayant pour effet une altération de la santé physique ou mentale. Si la démarche est consentie et qu’elle ne cause aucune souffrance, il n’y aura donc pas de poursuites.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Erwan Balanant. Je suis surpris de l’amendement de Mme Ménard. Nous parlons de thérapies dont certaines sont qualifiées d’actes de torture, de sévices psychologiques et physiques : comment pourrait-on pardonner une chose pareille, même demandée par la personne concernée ? Il est possible que celle-ci ait formulé cette demande parce qu’elle était manipulée. Il faut être très prudent. Cet amendement est inacceptable. J’essaie de vous l’expliquer, Madame Ménard, car je ne vous crois pas de mauvaise foi à ce sujet.

M. Pacôme Rupin. Les personnes en question sont, dans la majorité des cas, des adolescents ou de jeunes adultes, sur lesquels leur famille exerce une pression pour qu’ils fassent quelque chose qui va les détruire. Vous êtes très loin du sujet, Madame Ménard. Vous me direz quels pays considèrent que les thérapies de conversion pourraient finalement être utiles. En tout cas, dans cette matière grave, il faut protéger l’adolescent de la volonté de ses parents de le guérir à son insu de ce qui n’est pas une maladie. C’est ce que nous faisons.

Monsieur Breton, il est très facile de reconnaître les comportements en question : les jeunes qui en sont victimes, parfois, hélas, de la part de leurs propres parents, vous le diront.

M. Xavier Breton. Je remercie ma collègue Ménard de soulever la question du libre choix. La réponse est à sens unique et ne tient pas compte de l’existence de zones grises – je ne parle pas des actes de torture ; notre droit est suffisamment clair pour permettre de les condamner. Il faudrait prendre en considération tous les éléments ; les questions touchant les transitions en matière d’identité de genre sont beaucoup plus nuancées qu’on ne veut bien le dire.

Quand un comportement est-il différent d’une pratique ou d’un propos ? Du point de vue juridique, ne suffirait-il pas de conserver ces deux dernières notions ? Nous ne voulons pas de lois bavardes ou floues. Donnez-moi un exemple de comportement qui ne soit ni une pratique ni un propos. Nous sommes là pour faire du droit, non des procès d’intention.

Mme Lamia El Aaraje. Je suis d’accord avec Pacôme Rupin. Madame la rapporteure, comment un mineur serait-il capable d’un consentement éclairé, libre de toute pression ? Peut-être faudrait-il être plus précis sur ce point, jusque dans la rédaction du texte. Un mineur est de fait soumis à l’autorité parentale, qui peut le conditionner, l’orienter, produire en lui une adhésion forcée.

Par ailleurs, on entend beaucoup le mot « thérapeutes » dans cette discussion. Soyons très vigilants et, là aussi, plus précis. Le code de la santé publique désigne clairement les psychologues cliniciens comme les bons interlocuteurs. Le terme de thérapeute renvoie, lui, à de nombreuses pratiques, que mettent en œuvre des personnes n’ayant pas le diplôme ni la formation qu’il faut : tout le monde peut se targuer d’être thérapeute à condition d’avoir suivi une formation très courte. Il importe d’encadrer l’usage de ce terme, notamment à propos des pratiques ici visées.

Mme Marie-George Buffet. On ne peut pas parler de liberté de choix à propos d’un mineur vivant dans le cadre familial, soumis à l’autorité parentale et à la pression quotidienne que ses parents peuvent exercer sur lui au nom de pratiques sectaires ou d’une morale dépassée. Pour un jeune majeur, la pression sociétale joue aussi : s’il a l’impression d’être repoussé par son entourage, il peut en venir à consulter l’un de ces fameux thérapeutes.

Mme Emmanuelle Ménard. Une mise au point à l’intention des collègues qui ne m’auraient pas bien écoutée. Je n’ai jamais dit que certains pays revenaient sur l’interdiction des thérapies de conversion. Celles-ci doivent être interdites, nous sommes d’accord. Mais, dans la vraie vie, tout n’est pas blanc ou noir : il y a des zones grises. Voilà pourquoi la loi doit être précise. Quant aux pays qui reviennent sur le fait de proposer des traitements, parfois de façon systématique, à ceux, notamment mineurs et quelquefois très jeunes, qui souhaitent changer de sexe, ils sont nombreux : la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni, le Canada.

Les enfants ou les jeunes adolescents qui se posent des questions sur leur genre et qui bénéficient d’une écoute bienveillante, neutre, objective et prudente peuvent se sentir finalement bien dans leur sexe d’origine une fois passé les perturbations de l’adolescence : ils sont 85 % dans ce cas. C’est à cela que je fais allusion, non aux thérapies de conversion violentes, aux actes de torture – personne n’est pour, je ne comprends même pas que nous ayons cette discussion. Simplement, prenons garde d’inclure dans le champ de l’infraction de telles attitudes d’écoute bienveillante de la part de personnes choisies par le jeune et, par un effet pervers de la loi ou par malveillance, de viser ainsi plus de monde que dans l’intention initiale.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Le texte ne concerne pas seulement les mineurs, mais l’ensemble de nos concitoyens.

Quant aux comportements, Monsieur Breton, il peut s’agir de la discrimination en famille ou à l’école, ou du simple fait d’emmener ses enfants consulter un religieux ou un thérapeute dans le but de modifier leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL3 de M. Xavier Breton

M. Xavier Breton. Cet amendement aborde la question de l’identité de genre. La rapporteure peut-elle nous en donner la définition ? En réalité, si la notion d’orientation sexuelle fait référence à la sexualité, aux sexualités, à des pratiques qui peuvent être recensées, celle d’identité de genre, elle, n’est pas définie. Sur Facebook, on vous propose quarante-sept ou quarante-huit possibilités ! Or nous sommes en train d’écrire le droit : il nous faut une définition juridiquement précise.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. L’identité de genre est celle que nous ressentons, l’expérience intime et personnelle de son genre, profondément vécue par chacun et chacune : je me sens homme, je me sens femme ou – dans le cas des non-binaires – je ne suis ni l’un ni l’autre. Cette identité de genre peut coïncider ou non avec le genre assigné à la naissance. Le genre est un concept juridiquement fondé ; sa définition n’est pas idéologique, mais scientifique. Le Conseil de l’Europe le définit par exemple comme « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes ».

Avis défavorable.

Mme Laetitia Avia. Monsieur Breton, nous avons eu cette discussion à de nombreuses reprises, à propos de nombreux textes. Cette notion d’identité de genre – cette réalité – vous trouble, nous le savons. Vous l’avez dit, vous avez besoin d’une approche juridique.

Figurez-vous que vous n’êtes pas le seul à vous être posé la question : des sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel en 2016 au motif que la notion d’identité de genre était imprécise. Or, dans sa décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, le Conseil constitutionnel indique : « Il résulte des travaux parlementaires qu’en ayant recours à la notion d’identité de genre, le législateur a entendu viser le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état-civil ou aux différentes expressions de l’appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin. Les termes “identité de genre”, qui figurent d’ailleurs à l’article 225-1 du code pénal dans sa version issue de la loi du 18 novembre 2016 mentionnée ci-dessus, sont également utilisés dans la convention du Conseil de l’Europe du 12 avril 2011 et dans la directive du 13 décembre 2011 mentionnées ci-dessus. Dans ces conditions, les termes d’“identité de genre” utilisés par le législateur sont suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité. » Je pense donc que le débat est clos.

M. Xavier Breton. Au risque de vous décevoir, chère collègue, il ne l’est pas. Que dit le Conseil constitutionnel ? Que le terme est dans la loi, donc qu’il le valide. Mais combien y a-t-il d’identités de genre et quelles sont-elles ? Voilà ce que je vous demande de me dire très précisément. Les orientations sexuelles, on peut en parler : elles incluent la sexualité entre personnes de sexe différent, entre personnes de même sexe, la bisexualité, etc. – des pratiques objectives. Ce n’est pas le cas de l’identité de genre, à moins de se contenter de renvoyer au Conseil constitutionnel qui renvoie lui-même à la loi. On introduit un concept né de la théorie du genre qui n’a été défini ni scientifiquement ni juridiquement et qui s’auto-alimente. Cela pose d’autres problèmes que nous verrons en examinant les amendements suivants.

Puisque vous savez définir l’identité de genre, dites-moi, Madame Avia – ou Madame la rapporteure : combien y en a-t-il et quelles sont-elles, pouvez-vous nous les énumérer ? La question est précise ! Mais la notion, elle, est confuse.

M. Pacôme Rupin. Je vais essayer d’être précis : il y a autant d’identités de genre que d’individus. Vous avez la vôtre, Monsieur Breton, j’ai la mienne, chacun a la sienne. L’identité de genre est complexe, elle n’est pas binaire. Chacun a des aspects féminins et masculins, et l’on vit avec. Dénombrer les identités de genre n’aurait pas de sens : il s’agit d’une identité personnelle et individuelle. Simplement, il faut que chacun puisse s’identifier comme il le veut vis-à-vis du genre : la loi doit garantir que ceux qui se définissent selon une identité de genre différente de la norme sociale puissent le faire sans être inquiétés ni discriminés. Voilà pourquoi il faut les protéger.

M. Bastien Lachaud. Monsieur Breton, nous avons ce débat sans cesse : vous le présentez sous l’angle tantôt juridique, tantôt lexical… Vous dites que l’orientation sexuelle est un élément objectif et que l’on peut donc dresser la liste des discriminations en raison de ce facteur : certes, mais elle serait longue ! Ainsi, que pensez-vous de la pansexualité, de la sapiosexualité, de l’asexualité ? On pourrait poursuivre à l’infini !

Voyez la liste des discriminations qui figure dans notre Constitution et dans les différents codes : voulez-vous que l’on énumère l’ensemble des origines qui pourraient donner lieu à discrimination ? Bien sûr que non ! Alors pourquoi demandez-vous une définition précise s’agissant de l’identité de genre, sinon parce que vous avez un problème avec cette question et avec la transphobie ? Soyez honnête avec nous, dites quel est votre problème au lieu de nous demander des choses qui n’existent pas ! Chaque personne a son identité de genre, ses origines, son orientation sexuelle : on ne va évidemment pas lui demander de les définir pour prouver qu’elle est victime de discrimination.

M. Erwan Balanant. M. Rupin et M. Lachaud ont bien parlé. Il y a autant d’identités de genre et de sensibilités qu’il y a de formes et de couleurs d’yeux sur cette planète ; chaque individu a ses spécificités et c’est ce qui fait la force de l’humanité. Le droit doit permettre à chacun et à chacune de vivre sereinement dans l’espace public et de faire société. C’est ce à quoi nous nous employons dans ce texte, en définissant des règles. Mme Avia l’a très bien rappelé : le Conseil constitutionnel a circonscrit et encadré le débat.

Je ne me permettrai pas de dire que vous avez un problème, Monsieur Breton : j’ai trop de respect pour vous et pour le reste de votre travail. Mais il est vrai que, sur cette question, je suis toujours gêné de vous entendre remettre sans cesse en cause ces notions. Admettez, cher collègue, que les orientations sexuelles et les perceptions par chacun de son genre et de la vie qu’il a envie de mener relèvent de la conscience individuelle et ne doivent pas être régies par des règles dogmatiques. D’où l’importance du texte, qui reconnaît différents dysfonctionnements de notre société s’agissant de l’identité de genre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL33 de M. Bastien Lachaud. 

M. Bastien Lachaud. Nous proposons de mieux prendre en compte la réalité des thérapies dites « de conversion » en ouvrant leur définition aux pratiques, comportements ou propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, non seulement d’une personne, mais d’un groupe de personnes.

La jurisprudence a reconnu que le harcèlement pouvait être constitué sans que la victime soit directement visée, lorsqu’elle subissait des provocations, des blagues obscènes ou vulgaires répétées. De même, il arrive que les violences visant à la conversion ou à la répression de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle ne ciblent pas une personne en particulier, mais un groupe, du fait de son identité. Or la récurrence de ces propos, leur omniprésence dans l’environnement des personnes concernées peut avoir des effets considérables sur leur santé physique ou mentale.

Cet amendement vise tout particulièrement les thérapies dites « sociétales », où les victimes ont un entourage tellement homophobe ou transphobe qu’elles n’osent même pas admettre leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Dans de tels cas, la thérapie de conversion cible le groupe, non la personne, mais celle-ci en est victime par ricochet. Avec la rédaction actuelle, les personnes qui sont victimes de ces thérapies sociétales risquent de passer entre les mailles du filet.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Votre amendement est doublement satisfait.

Vous souhaitez que le fait de pratiquer une thérapie de conversion sur un groupe de personnes soit lui aussi puni : c’est une évidence. Ce sont même des faits plus graves et chaque membre du groupe pourra porter plainte.

Vous précisez ensuite qu’on ne doit pas punir au titre du délit de thérapie de conversion des faits qui pourraient recevoir une qualification plus grave. Là encore, et fort heureusement, c’est déjà le cas.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Bastien Lachaud. L’un des enjeux essentiels de cette proposition de loi, c’est que les personnes qui ont subi une thérapie de conversion se reconnaissent elles-mêmes comme des victimes. C’est la raison pour laquelle nous créons un délit spécifique.

Nous aurions tort de ne pas prendre en compte les cas où ce sont des groupes qui sont visés car, bien souvent, lorsque les discriminations touchent un groupe, les personnes qui en font partie et qui sont soumises à cette forme de matraquage intellectuel n’ont pas forcément conscience d’être victimes.

M. Ludovic Mendes. J’ai l’impression que votre amendement concerne davantage les discriminations que les thérapies de conversion. Nous devons continuer de combattre toutes les discriminations, qu’elles soient racistes, homophobes ou transphobes, mais la notion de « thérapie sociétale », que vous utilisez, n’est pas forcément la plus opérante. La lutte contre les discriminations, quant à elle, est abordée dans une autre partie du code pénal.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL84 de la rapporteure.

Amendement CL34 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Je veux, à mon tour, saluer toutes celles et tous ceux qui se sont engagés pour que ce texte voie le jour : les personnes directement concernées, les associations, ainsi que notre collègue Bastien Lachaud et Mme la rapporteure.

Il nous semble important de réécrire l’alinéa 3 afin d’exclure du champ de la nouvelle infraction créée par l’article 1er les faits les plus graves qui peuvent être commis dans le cadre de thérapies dites « de conversion » : violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, une mutilation, une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Ces infractions faisant déjà l’objet de peines plus lourdes que celles prévues par l’article 1er, il convient de supprimer toute ambiguïté sur la qualification pénale qui devrait s’appliquer à de tels faits. Nous proposons de prévoir, parmi les circonstances aggravantes de ces violences, le fait qu’elles aient été commises dans le but d’une « conversion » de la personne, du fait de son identité de genre ou de son orientation sexuelle. Cela nous semble plus cohérent du point de vue de l’échelle des peines.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Si une personne est victime d’un viol dans le cadre de sa thérapie de conversion, l’auteur sera poursuivi pour ces deux infractions et, en priorité, pour la plus grave d’entre elles. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Je veux être certain d’avoir bien compris votre réponse. Notre crainte, c’est qu’il revienne au procureur ou au juge d’instruction de choisir l’incrimination, puisque nul ne peut être poursuivi pour le même acte sur la base de deux incriminations. Avons-nous la garantie que si une personne a été violée au cours d’une thérapie de conversion, l’incrimination choisie par le procureur ne sera pas la thérapie ? Le tribunal saisi ne serait pas le même, ni la peine encourue.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. C’est effectivement le juge qui décidera et c’est l’incrimination la plus forte qui l’emportera.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL89 de la rapporteure et CL27 de M. Raphaël Gérard (discussion commune).

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je propose de supprimer les alinéas 4 à 7 de l’article 1er.

Les exceptions prévues par les alinéas 4 à 6 ne sont pas nécessaires. Les auditions ont montré que le maintien de ces mentions pourrait même être utilisé par les auteurs de thérapies de conversion qui estiment agir pour le libre développement ou l’affirmation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre d’un individu, y compris si cela porte préjudice à sa santé physique ou mentale.

Mme Valérie Petit. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission et je tiens à saluer la rapporteure et notre collègue Bastien Lachaud pour leur travail.

Il ne faut jamais cesser de se battre pour la liberté d’être et de devenir qui l’on est et notre parlement s’honore, en examinant cette proposition de loi, de mettre ses pas dans celui du Parlement européen.

L’article 1er précise, comme le font plusieurs législations étrangères, à l’instar du Québec, de l’Allemagne, de Malte ou de plusieurs États américains, que l’infraction constitutive des thérapies de conversion ne comprend ni les démarches ayant pour objectif l’accompagnement et le soutien des personnes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ni les parcours de transition médicale des personnes transgenres.

Même si l’on comprend l’intention pédagogique qui a poussé à introduire ces précisions, on peut craindre qu’elles aient pour effet de restreindre le champ d’application du texte. À titre d’exemple, le discours tenu par les représentants de l’organisation évangélique Torrents de Vie illustre bien cette ambiguïté. Tout en disant qu’on ne guérit pas l’homosexualité, ils disent vouloir « guérir les blessures de l’âme qui font qu’on recherche chez une personne de même sexe un complément pour être véritablement un homme ». Parce qu’ils se prêtent aux interprétations les plus diverses, ces alinéas risquent en réalité de réduire le champ d’application de la loi.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je partage votre analyse et vous invite à retirer votre amendement au profit de celui que je viens de défendre.

Mme Valérie Petit. Je le retire.

Mme Caroline Abadie. Les alinéas que vous voulez supprimer avaient le mérite de préciser le champ d’application du texte, en excluant l’accompagnement bienveillant des personnes qui se posent des questions sur leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Dans la mesure où cela a été explicité, il reviendra au juge de caractériser l’intention du thérapeute : cherche-t-il à tout prix à ramener son patient dans la norme sociale, ou bien l’aide-t-il à se trouver et à vivre en adéquation avec ce qu’il ressent au plus profond de lui-même ? Les auditions ont effectivement montré que ces alinéas présentaient un danger, puisqu’ils auraient pu être utilisés par les charlatans pour se défendre. Dans la mesure où le sens du texte a bien été expliqué, je pense qu’on peut désormais les supprimer.

M. Ludovic Mendes. L’alinéa 7 concerne la protection du mineur et la possibilité, pour le juge, de prononcer le retrait total ou partiel de l’autorité parentale. Ne plus faire référence au retrait de l’autorité parentale, n’est-ce pas prendre le risque que le juge ne pense pas à prononcer cette peine ? Les parents sont souvent les premiers à tenir des propos homophobes ou transphobes et à se rendre coupables d’actes de maltraitance sur leurs enfants. Il semble utile de rappeler au juge qu’il peut, en cas de besoin, décider du retrait de l’autorité parentale.

Mme Laetitia Avia. L’amendement CL26 de notre collègue Raphaël Gérard risquant de tomber, j’aimerais en dire un mot. Il rappelle la granularité de la réponse judiciaire dans les cas où les titulaires de l’autorité parentale sont coupables d’infractions constitutives de thérapies de conversion sur un mineur.

Il semble important que le juge puisse apprécier la situation et prendre les bonnes mesures pour assurer la sécurité de l’enfant. Sans aller jusqu’au retrait partiel ou total de l’autorité parentale, il peut aussi décider de mesures éducatives s’il estime qu’il est possible d’aider les familles à sortir de leurs difficultés, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Lamia El Aaraje. Il me semble que l’alinéa 7 devrait figurer dans ce texte, car la protection des mineurs est une question éminemment importante. Nous déposerons un amendement en ce sens en vue de l’examen en séance.

M. Bastien Lachaud. Je ne reviendrai pas sur l’alinéa 7 : je partage ce qui a été dit au sujet de la protection des mineurs.

Dans la rédaction initiale, l’alinéa 6 visait à protéger les personnes trans qui souhaitent s’engager librement dans une transition. À l’époque, votre crainte était que l’interdiction des thérapies de conversion puisse compliquer ces processus de transition. À présent, vous proposez de supprimer cet alinéa, parce que les auditions vous auraient convaincue que c’est préférable. Pouvez-vous nous donner davantage d’arguments pour nous convaincre que cet alinéa n’est plus nécessaire ?

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je voulais surtout revenir sur l’alinéa 7 : je pense qu’il peut être supprimé, dans la mesure où il est déjà satisfait par l’article 378 du code civil, qui prévoit que les parents, lorsqu’ils sont les auteurs d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant, peuvent se voir retirer l’autorité parentale.

L’amendement CL27 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL89.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 4 à 7 tombent.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (articles 132-77, 222-13, 222-33 et 222-33-2-2 du code pénal) : Aggravation des peines pour les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

Amendement CL5 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’aimerais savoir pourquoi la notion d’ « identité de genre » a été introduite dans ce texte, relatif aux thérapies de conversion. Au cours des auditions auxquelles vous avez procédé, soit dans le cadre de la mission flash, soit pour préparer l’examen de ce texte, vous a-t-on dit combien de personnes ont porté plainte pour avoir subi une thérapie de conversion touchant à leur identité de genre ? Si les thérapies de conversion touchant à l’orientation sexuelle sont avérées et ont donné lieu à des témoignages, qu’en est-il de celles qui concernent l’identité de genre ?

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Nous avons déjà longuement parlé de l’identité de genre et je ne crois pas utile d’y revenir sans cesse : je rappellerai seulement que c’est le droit à l’autodétermination. Grâce à cette proposition de loi, ceux qui voudraient y contrevenir seront bientôt punis. Avis défavorable.

M. Xavier Breton. Vous n’avez pas répondu à ma question. Combien de témoignages avez-vous reçus de personnes ayant subi une thérapie de conversion concernant leur identité de genre ? Je vous demande des témoignages, des cas concrets, pas une réponse militante. Nous n’avons pas eu de témoignage en ce sens dans le cadre de la mission flash. En avez-vous recueilli depuis ?

Mme Caroline Abadie. Je suis un peu choquée par vos propos : au prétexte qu’une infraction ne serait pas commise, on ne devrait pas l’interdire ?

Du reste, lorsque nous avons auditionné les représentants de la MIVILUDES, ils nous ont dit qu’ils avaient été saisis le matin même d’un cas de thérapie de conversion touchant à l’identité de genre et qu’ils avaient déjà une petite dizaine de cas à traiter. Ces situations existent donc. Et, même si on n’en avait pas encore constaté, ce serait tout de même répréhensible.

Avec cette loi, nous créons une infraction spécifique pour que les personnes qui ont vécu ce genre de situation puissent porter plainte. Jusqu’ici, certaines victimes pouvaient ignorer que ce qu’elles avaient vécu était interdit, parce que tout le monde ne connaît pas l’abus de confiance et parce que ces actes pouvaient relever de plusieurs qualifications dans le code pénal. Grâce à cette loi, les personnes concernées pourront désormais se lever, briser le silence, dire que ce qu’elles ont vécu n’était pas normal et qu’elles sont des victimes. J’espère qu’elles ne seront pas trop nombreuses ; l’objet du texte est surtout de prévenir de futures infractions. Nous disons aux victimes qu’elles peuvent aller au commissariat et à la gendarmerie pour porter plainte. Nous verrons bientôt à combien de personnes nous aurons permis de s’élever contre l’emprise qu’exerçaient sur elles leur entourage ou des médecins malveillants.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement de coordination CL90 de la rapporteure.

Amendement CL6 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Pour poursuivre nos échanges sur le concept d’identité de genre, j’aimerais évoquer le phénomène des « détrans », qui est en train de prendre de l’ampleur. Certains jeunes, après avoir souffert d’une dysphorie de genre au cours de leur adolescence, reviennent en arrière : selon les études, cela concernerait 60 à 90 % d’entre eux. Or certains jeunes ont été incités à subir des interventions médicales pour assumer leur transition. S’ils viennent à le regretter, c’est trop tard.

Votre proposition de loi prend-elle en compte ces incitations à assumer une transition de genre, sachant qu’un adolescent est un être en construction ? Prend-elle en compte ce que l’on appelle aujourd’hui la « fluidité » et la possibilité de revenir en arrière ? Les pratiques qui, pour affirmer une identité de genre, vont jusqu’à la transformation physique, peuvent-elles être sanctionnées ? Il semble important de prendre en compte le phénomène des détrans, qui se développe dans certains pays, y compris en France. Il faut voir tous les aspects de la question et ne pas risquer de créer un phénomène de « détransphobie ».

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Vous parlez d’adolescents, c’est-à-dire de mineurs. Or le droit français interdit de pratiquer des actes chirurgicaux de transition sur les mineurs. Seuls quelques traitements inhibiteurs de la puberté peuvent être accordés. Quant à la détransition, elle ne touche que 4 % des personnes qui ont entrepris une transition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL91 de la rapporteure et CL50 de Mme Laetitia Avia.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Il s’agit de supprimer les dispositions spécifiques visant à inscrire les thérapies de conversion dans les définitions du harcèlement sexuel et moral. Je vais laisser à Laetitia Avia le soin d’expliquer le sens de cette disposition, puisque c’est elle qui en a eu l’idée.

Mme Laetitia Avia. L’objectif de ce texte étant de créer un délit autonome et de consolider la répression des thérapies dites « de conversion » autour du nouveau délit autonome, il m’a semblé judicieux de ne pas créer de confusion en intégrant ces pratiques dans la définition d’autres délits, tels que le harcèlement sexuel ou le harcèlement moral.

La suppression des alinéas 6 à 13 donnera plus de lisibilité au nouveau délit autonome que nous introduisons et garantira une meilleure répression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements relatifs aux alinéas 6 à 13 tombent.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements CL35, CL36 et CL37 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Dans le prolongement de notre amendement CL34, nous proposons de considérer l’intention de modifier ou de réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne ou d’un groupe de personnes comme une circonstance aggravante des infractions suivantes : violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de huit jours.

Il nous semble que la loi serait plus facilement applicable et que nous aiderions les juges en précisant ces points et en faisant en sorte que l’imposition de pratiques de conversion soit considérée comme une circonstance aggravante. Cela permettrait que la sanction soit à la hauteur du préjudice subi par ces personnes.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. L’article 2 crée une circonstance aggravante générale pour les faits commis en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Cette circonstance aggravante s’appliquera donc à l’ensemble des infractions, à l’exception de quelques-unes, qui sont listées à l’article 132-77 du code pénal. Vos amendements étant pleinement satisfaits, je vous invite à les retirer.

La commission rejette successivement les amendements.

Chapitre II
Exercice illégal de la médecine

Avant l’article 3

Amendements CL92 de la rapporteure et CL56 de Mme Laetitia Avia (discussion commune).

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je propose de modifier l’intitulé du chapitre II en le rédigeant de la manière suivante : « Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé ».

Mme Laetitia Avia. Mon amendement allant dans le même sens, je le retire au profit de celui de la rapporteure.

L’amendement CL56 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL92, l’intitulé du chapitre II est ainsi modifié.

Article 3 (article L. 4161-1-1 [nouveau] du code de la santé publique) : Sanction des médecins procédant à des « thérapies de conversion »

Amendements CL93 de la rapporteure et CL55 de Mme Laetitia Avia (discussion commune).

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. En cohérence avec la modification du titre, je vous propose de déplacer l’article un petit peu plus loin dans le code pénal. On reste dans le titre IV, qui concerne les dispositions pénales relatives aux professions médicales, mais on sort de l’exercice illégal de la médecine et de l’usurpation du titre de médecin.

Le contenu de l’article 3 me semble devoir être placé avec les dispositions pénales diverses qui rassemblent les sanctions pénales applicables aux professionnels de santé qui abusent de leur titre pour avoir des pratiques illégales.

Cet article facilitera l’engagement de poursuites pénales contre des professionnels qui promeuvent les thérapies de conversion car l’infraction est plus facile à démontrer et requiert moins d’éléments de preuve en raison de l’importance des responsabilités qui incombent à ces professionnels.

Mme Laetitia Avia. Mon amendement a le même objet. Je le retire au profit de celui de la rapporteure.

L’amendement CL55 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL93.

Amendement CL83 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je propose de supprimer l’alinéa 2, au nom de la liberté de prescription médicale. Les médecins peuvent être dans leur rôle quand ils agissent avec prudence et qu’ils accompagnent du mieux possible leurs patients en leur laissant le choix de la liberté, en leur donnant davantage de temps. Lorsqu’ils agiront ainsi, les médecins seront-ils condamnés ?

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Vous souhaitez supprimer la possibilité de sanctionner les médecins pratiquant les thérapies dites de conversion. Vous indiquez dans votre exposé sommaire que les médecins sont dans leur rôle quand ils entendent « modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre revendiquée d’une personne ». Vous ajoutez qu’ils agissent avec prudence et accompagnent ainsi du mieux possible leurs patients en leur laissant le choix de la liberté, en leur donnant davantage de temps.

Il me semble que vous faites ici une grave confusion : on ne parle pas dans ce texte des médecins qui feraient preuve de prudence et de pédagogie à l’égard des personnes qui ressentent le besoin d’un accompagnement par rapport à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre. Nous parlons des médecins qui donnent des consultations pour modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de leurs patients. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL9 de M. Xavier Breton, amendements identiques CL94 de la rapporteure et CL25 de M. Raphaël Gérard (discussion commune). 

M. Xavier Breton. Il faut faire preuve de la plus grande prudence face à certaines pratiques, notamment les traitements hormonaux, quand on sait que la dysphorie de genre peut n’être que temporaire. On considère qu’elle disparaît dans 60 à 90 % des cas au sortir de l’adolescence. Il faut pouvoir sanctionner les médecins qui prescrivent des traitements hormonaux à des mineurs, alors qu’ils sont dans une période de construction de leur identité.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. En cohérence avec l'ensemble du texte, l’expression « identité de genre, vraie ou supposée » semble préférable. Je laisse à ma collègue Valérie Petit le soin d’exposer le sens de cet amendement.

Mme Valérie Petit. Le présent amendement a le même objet que celui que nous avons adopté à l’article 1er : il vise à supprimer les deux clauses d’exception au principe d’interdiction de pratiquer les thérapies de conversion.

Certains mouvements conservateurs prétendent que nous voulons promouvoir les parcours de transition médicale ou les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle, en particulier chez les jeunes enfants, pour interroger cette notion de « changement de sexe », qui apparaît d’ailleurs dans la formulation de la seconde clause d’exclusion de l’article 3.

Je veux rappeler qu’il n’y a pas de transition type. Mon collègue Pacôme Rupin a très bien expliqué tout à l’heure que chaque parcours de transition est unique, car il répond aux besoins exprimés par chaque personne trans. Certaines peuvent souhaiter des modifications corporelles, d’autres non ; elles peuvent avoir recours à certains actes médicaux, comme les traitements hormonaux, sans aller jusqu’à l’étape de la chirurgie, et aucune étape n’est plus imposée depuis la loi de 2016. Je rappelle également que ces parcours ne sont pas linéaires et qu’il ne s’agit pas de passer d’un sexe à un autre. Les parcours sont une succession de phases, d’autodéterminations, de questionnements, d’actions, de pauses, d’attentes. Chaque personne trans est libre d’arrêter, de reprendre, de suivre son parcours à son rythme ou de s’arrêter en chemin.

Enfin, il ne doit y avoir aucune méprise sur l’objet de la prise en charge médicale des mineurs trans : il s’agit d’abord de favoriser le développement psychoaffectif global de l’enfant, de lui permettre d’explorer librement son identité de genre et de s’épanouir. La transition hormonale ou chirurgicale peut y contribuer, en diminuant le décalage entre le corps réel, l’image du corps et la dimension sociale, mais il ne s’agit pas à proprement parler de changer de sexe. L’interdiction des thérapies de conversion ne remet donc pas en cause les différentes approches d’accompagnement psychosocial de ces mineurs.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CL9, pour les raisons qui viennent d’être exposées par notre collègue et favorables aux amendements CL94 et CL25.

La commission rejette l’amendement CL9 et adopte les amendements identiques.

Amendement CL80 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Je salue la rapporteure pour son travail et son courage, ainsi que notre collègue Bastien Lachaud et toutes celles et ceux qui ont permis d’arriver enfin à l’examen de ce texte, malgré les vents contraires.

Je propose de porter à cinq ans d’emprisonnement la peine encourue par les médecins qui pratiquent ces thérapies de conversion.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. J’émettrai un avis défavorable, car votre amendement introduirait une confusion. On pourrait croire que c’est l’échec de la thérapie qui est sanctionné, et non la thérapie elle-même. Par ailleurs, vous proposez d’alourdir considérablement la peine encourue et nous préférons garder une cohérence avec le délit prévu à l’article 1er. Il ne faudrait qu’une peine trop lourde ait pour effet de dissuader les victimes d’engager des poursuites.

M. Matthieu Orphelin. Je retire mon amendement, car j’ai compris la confusion qu’il peut introduire, mais je trouve tout de même que la peine prévue est beaucoup trop légère et j’y reviendrai en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CL38 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’interdiction des thérapies dites « de conversion », qui est le cœur de cette proposition de loi, doit garantir à chaque personne le respect de son identité de genre et de son orientation sexuelle. Nul ne doit, sans son consentement libre et éclairé, faire l’objet de pratiques visant à modifier ou à réprimer cette identité ou cette orientation.

Nous demandons que ce droit fondamental soit garanti à toutes et tous, y compris aux personnes mineures qui présentent des variations du développement sexuel. Tout acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles d’une personne, hors cas d’urgence vitale, doit être différé tant qu’il ne peut être soumis au consentement libre et éclairé de la personne elle-même, qui doit l’avoir personnellement exprimé, après avoir reçu une information adaptée et avoir pu prendre pleinement conscience des conséquences d’une telle opération.

Cet amendement a donc pour but d’empêcher toute atteinte à l’intégrité du corps et à la libre disposition de soi. Le droit de décider pour son propre corps est un droit fondamental qui n’est pas respecté lors d’interventions précoces non urgentes, où le consentement de la personne n’est pas recherché. En principe, le dispositif existant devrait permettre – le Conseil d’État l’a rappelé – de contrôler l’appréciation de nécessité médicale opérée par le médecin. En effet, l’application du principe de proportionnalité, combinée à l’obligation faite au médecin de ne pratiquer aucune intervention mutilante sans motif médical très sérieux, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement, devrait suffire à interdire de telles opérations.

Force est de constater qu’il n’en est rien. L’État français a été rappelé à l’ordre par trois comités de l’ONU : le comité des droits de l’enfant, le comité contre la torture et le comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Or ces opérations ont toujours lieu et les personnes intersexes doivent vivre toute leur vie dans un corps dont les caractéristiques ont été modifiées, sans qu’elles aient pu donner leur avis, et alors qu’il n’y avait aucune urgence à intervenir. Parfois, ces personnes sont tenues dans l’ignorance d’opérations qu’elles ont subies très jeunes et n’apprennent la vérité que tardivement.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Je suis très sensible à la question des personnes intersexuées, c’est-à-dire celles dont les caractéristiques physiques, chromosomiques ou hormonales ne correspondent pas aux définitions binaires des corps mâles et femelles, ce qui représente 2 % des naissances. Mais, en l’occurrence, il ne me semble pas opportun de légiférer, a fortiori dans un texte qui ne porte pas sur ces situations très particulières.

D’une part, ces opérations de conformation sexuées sont déjà interdites. D’autre part, la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique comprend une disposition destinée à rendre cette interdiction véritablement opérationnelle. Ce sera une demande de retrait.

M. Pacôme Rupin. Il est nécessaire d’avancer très vite sur ce sujet. J’ai un petit désaccord avec la rapporteure, car je crois qu’il y a bien un lien avec la proposition de loi. Nous débattions précédemment de l’identité de genre et j’indiquais à cette occasion que chacun a la sienne, ce qui fait obstacle à une catégorisation.

Il en est de même pour les caractéristiques sexuelles que la nature nous a données à la naissance. Il est extrêmement violent que des médecins se permettent de les modifier, alors qu’un nourrisson n’a évidemment aucun moyen de donner son avis. C’est à lui que doit revenir la décision de transformer ses caractéristiques sexuelles, une fois adolescent ou adulte. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement à titre personnel.

Mme Lamia El Aaraje. Ce sujet éminemment important ne peut pas être considéré comme étant exclu du champ d’application de la proposition de loi.

Les enfants intersexués ne présentent pas à la naissance des caractéristiques sexuelles correspondant aux attendus normatifs de la société actuelle. Or nous avons tous des caractéristiques physiques qui nous appartiennent et qui font de nous ce que nous sommes.

Une violence inouïe est exercée sur ses enfants du fait des choix effectués par leurs parents ou par des professionnels de santé – j’insiste sur cette notion parce que je ne pense pas que seuls les médecins sont concernés. Les mutilations opérées, non consenties, peuvent ne pas correspondre à l’identité qui sera celle de ces enfants. J’ai donc du mal à comprendre la rapporteure lorsqu’elle considère que cela ne relève pas du texte que nous examinons.

Nous soutenons donc cet amendement et nous le déposerons de nouveau en séance publique s’il n’était pas adopté.

M. Bastien Lachaud. La rapporteure fait valoir que c’est déjà interdit, donc qu’il n’y a pas lieu de légiférer. L’argument ne tient pas : la plupart des actes liés aux thérapies de conversion sont aussi interdits, mais si nous légiférons en créant un délit spécifique c’est bien pour une raison particulière.

L’article 30 de la loi relative à la bioéthique a certes prévu pour les enfants présentant une variation du développement génital qu’une concertation établit le diagnostic ainsi que les propositions thérapeutiques possibles, y compris d’abstention thérapeutique. Elle n’interdit pas toutefois les actes visant à modifier les caractéristiques sexuelles d’une personne mineure, hors cas d’urgence vitale, sans l’expression de son consentement libre et éclairé personnellement exprimé. Il est bien mentionné que « Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. » Mais les actes qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre peuvent avoir lieu en l’absence de consentement, par exemple si l’opération est prévue à un âge où l’enfant ne peut pas encore parler.

En réalité, ces opérations sont des thérapies de conversion, puisque l’identité de genre d’une personne va être modifiée sans son consentement

L’amendement relève donc pleinement du champ de la proposition de loi. La présidence de la commission ne l’a d’ailleurs pas estimé irrecevable, alors que le filtre de l’irrecevabilité est très serré, voire parfois arbitraire. On peut ne pas être d’accord avec notre proposition, mais elle a toute sa place dans ce débat.

Nous avons pris des décisions fortes sur les thérapies de conversion, et cela honore cette assemblée, mais nous devons aller encore plus loin.

Mme Caroline Abadie. Bien entendu, on ne peut pas cautionner une chirurgie qui attribuerait un sexe à un bébé sans qu’il puisse exprimer son avis sur la question.

La loi relative à la bioéthique a fait l’objet de longs débats et d’un travail approfondi pendant deux ans. L’article 30 qui en résulte est de nature à améliorer la situation. Il vient à peine d’entrer en vigueur. Dès lors, il ne me semble pas opportun de défaire le travail réalisé par nos collègues au sein de la commission spéciale par un simple amendement et sans procéder à une seule audition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL95 de la rapporteure et CL28 de M. Raphaël Gérard.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles qui nous ont amenés à supprimer les exceptions prévues à l’article 1er, il ne semble pas nécessaire de conserver ces alinéas qui n’apportent pas de précisions utiles.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements identiques CL10 de M. Xavier Breton et CL73 de Mme Marie-France Lhoro ainsi que l’amendement CL49 de M. Fabien Di Filippo tombent.

L’amendement CL17 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL86 de la rapporteure.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CL24 de M. Raphaël Gérard.

Mme Valérie Petit. Cet amendement rejoint la préoccupation exprimée par notre collègue Laetitia Avia, qui soulignait les pressions dont font l’objet les victimes de thérapies de conversion, en particulier dans le milieu familial.

Il propose de compléter l’arsenal répressif en créant un délit spécifique permettant d’incriminer l’incitation ou la contrainte à se soumettre à une pratique constitutive de thérapies de conversion. L’amendement reprend le modèle du dispositif destiné à lutter contre les tests de virginité adopté dans la loi confortant le respect des principes de la République.

Ce faisant, il répond à une double préoccupation.

D’une part, il renforce la protection des victimes, en particulier mineures, en sanctionnant non seulement la réalisation de thérapies de conversion mais également le rôle d’intermédiation. Dans bien des cas, des responsables religieux ou des praticiens interviennent à la demande des parents. Il convient ainsi de pouvoir engager la responsabilité de ces derniers, car ils se rendent complices en exposant leurs enfants à des pratiques qui portent atteinte à la dignité humaine.

D’autre part, il s’agit de sanctionner les professionnels qui feraient la promotion des supposés bienfaits des thérapies de conversion ou des personnes qui, sciemment, pourraient provoquer cette infraction ou donner des instructions pour la commettre, notamment en direction des parents. Je pense ainsi aux praticiens qui proposeraient aux parents de punir l’enfant ou de l’exposer à des mauvais traitements en vue de corriger ses expressions de genre.

L’amendement s’inspire de plusieurs législations étrangères, notamment au Québec ou dans la communauté autonome de Madrid, dans lesquelles faire la promotion des thérapies de conversion ou proposer des services s’apparentant à de telles pratiques est sanctionné.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. J’avais également envisagé un amendement pour lutter spécifiquement contre les pressions visant à soumettre une personne à une thérapie de conversion.

Après réflexion, et surtout après les auditions menées la semaine dernière, je suis convaincue que ces pratiques seront couvertes par la notion de « comportements ou […] propos répétés » figurant à l’article 1er.

La peine proposée par votre amendement est en outre moindre, ce qui n’est pas judicieux car ces comportements font partie intégrante du processus des thérapies de conversion et doivent donc être punis avec la même sévérité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL42 de M. Bastien Lachaud.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à compléter l’article L. 1110-3 du code de la santé publique, qui énonce qu’« Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins », en précisant notamment que sont proscrites les tentatives « de dissuader ou d’empêcher des actes visant à un changement de sexe avec le consentement libre et éclairé de la personne ».

En effet, de nombreux témoignages de personnes trans dénoncent encore des discriminations, voire de la transphobie, dans l’accès aux soins. Il est nécessaire d’obtenir un diagnostic prouvant une « dysphorie de genre » pour obtenir une prise en charge par l’assurance maladie des actes liés au changement de sexe. Il faut ensuite passer devant une commission pluridisciplinaire composée d’un psychiatre, d’un endocrinologue et d’un chirurgien. Autant d’occasions malheureusement pour que, bien souvent, des médecins insuffisamment formés ou aux présupposés transphobes tentent de dissuader ou même de faire obstacle au changement de sexe.

Pour mettre fin à ces tentatives de « conversion », qui visent à empêcher des personnes de vivre librement leur identité de genre, il est indispensable de faire évoluer la loi pour signaler qu’aucune position, même médicale, ne peut justifier la transphobie et l’entrave aux libertés fondamentales des personnes trans. Elles ont le droit de disposer de leur corps et ne doivent subir aucune discrimination dans l’accès aux soins, conformément à l’esprit de l’article L. 1110-3 du code de la santé publique.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Comme vous le savez, je suis particulièrement attentive au sujet du changement de sexe. Je vous propose de retirer cet amendement afin de travailler ensemble pour présenter en séance publique un dispositif qui s’appuie sur une expertise plus profonde.

L’amendement est retiré.

Amendement CL23 de M. Raphaël Gérard.

Mme Laetitia Avia. Cet amendement propose d’ajouter le nouveau délit autonome que nous venons de voter dans le cadre de l’article 1er à la liste des infractions qui figurent dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Il est extrêmement important de mentionner ce délit, car des personnes font la promotion de ces thérapies de conversion sur de nombreux sites ou sur les réseaux sociaux, en se présentant comme des coaches réalisant des thérapies en ligne. Il faut donner aux fournisseurs d’accès les moyens de modérer ces contenus.

La proposition de rédaction repose sur l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, texte antérieur aux dispositions plus sévères votées dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République. C’est un moindre mal. L’amendement pourrait être retiré si la rapporteure souhaitait renforcer le dispositif, en prévoyant des mesures bien plus contraignantes pour les fournisseurs d’accès.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. L’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique impose aux fournisseurs d’accès de lutter contre différentes infractions, dont celles prévues au huitième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ce dernier porte notamment sur la provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. L’article 2 de la proposition de loi précise bien qu’il faut assimiler les infractions commises dans le but de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre aux infractions commises en raison de ces dernières.

Grâce à l’adoption de cette proposition de loi, qui crée un délit relatif aux thérapies de conversion, les fournisseurs d’accès devront lutter contre la promotion de ces pratiques. Votre amendement est satisfait et je vous propose donc de le retirer.

Mme Laetitia Avia. Ce n’est pas comme cela que pratiquent les fournisseurs d’accès. Ils ne modèrent que les délits limitativement énumérés par la loi pour la confiance dans l’économie numérique. C’est malheureusement un mode de fonctionnement très administratif, ce qui nous a conduit à voter des textes plus précis.

C’est aussi la démarche suivie par cette proposition de loi, avec la création d’un délit autonome pour mieux identifier et circonscrire des comportements. Il faut pour cela s’attaquer au versant médical et familial de la question, mais on ne peut pas oublier qu’internet et les réseaux sociaux constituent le quotidien de chacun. Or ces thérapies de conversion sont aussi proposées par l’intermédiaire des outils numériques. Une véritable réflexion s’impose donc sur ce point essentiel.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. J’entends vos arguments et je vous propose de travailler ensemble sur le sujet pour en discuter en séance publique.

L’amendement est retiré.

Chapitre III
Données relatives à ces pratiques, communication et suivi

Avant l’article 4

Amendement CL97 du Gouvernement.

Mme Naïma Moutchou, présidente. Le Gouvernement a déposé deux amendements, l’un avant l’article 4, l’autre à l’article 4, qui sont liés.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. L’amendement CL97 vise à supprimer la division et l’intitulé du chapitre III, par cohérence avec l’amendement CL96 de suppression de l’article 4. De manière générale, le Gouvernement est en effet réservé sur l’inscription de demandes de rapport dans la loi.

Avis de sagesse sur ces deux amendements, car il me semble que c’est aussi au Parlement de contrôler l’action du Gouvernement.

Mme Caroline Abadie. Les membres de la majorité ont très souvent voté contre les demandes de rapport de nos collègues.

En l’occurrence, le rapport demandé porte sur un domaine très vaste, allant jusqu’à la formation des personnels de l’éducation nationale. La proposition de loi créant un délit, il sera beaucoup plus intéressant d’auditionner le garde des sceaux dans le cadre de nos activités de contrôle. Il pourra apporter des informations précises sur le nombre d’infractions constatées et sur les sanctions prononcées.

Mme Marie-George Buffet. Je tiens à cet article 4, parce qu’il correspond au rôle de suivi de la loi par l’Assemblée nationale. La commission pourra bien entendu auditionner des ministres, dont celui de la justice, si elle veut disposer de renseignements précis. Mais le risque que courent les lois portant sur des problèmes sociétaux est de ne pas connaître l’application nécessaire une fois votées. Il faut donc donner à cette commission les moyens d’effectuer un travail efficace de suivi. Je ne vois pas en quoi demander un rapport constitue un problème.

M. Erwan Balanant. Les demandes de rapport posent la question de notre capacité à évaluer les dispositifs que nous votons.

Je comprends la volonté du Gouvernement de ne pas multiplier les rapports, mais nous manquons souvent de données statistiques et d’outils d’évaluation. En matière de harcèlement scolaire par exemple, sujet dont vous savez combien il m’intéresse, nous ne disposons pas de chiffres précis.

Il me paraît donc intéressant de demander un rapport sur les thérapies de genre et c’est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement du Gouvernement.

Mme Lamia El Aaraje. Je voterai aussi contre cet amendement, car ce type de rapport contribue à alimenter nos réflexions et nous aide à prendre des décisions.

Nous parlions précédemment des mutilations sur les personnes intersexuées. On est actuellement incapable de connaître le nombre d’interventions chirurgicales concernées, ce qui rend plus difficile le débat éclairé. S’agit-il de 500 interventions par an ou de 10 000 ? Sachant qu’une seule reste une de trop.

On doit considérer que la mission de contrôle de l’action du Gouvernement s’exerce, certes, par le biais d’auditions, mais qu’elle repose aussi sur un travail de fond plus poussé, s’appuyant sur des données statistiques qui permettent de connaître la réalité.

Mme Cécile Untermaier. J’ai effectivement contribué à cette jurisprudence qui consiste à refuser les demandes de rapport dans la loi, en suivant la philosophie selon laquelle les parlementaires sont libres de demander des informations à tout moment.

Mais lorsque l’on est dans l’opposition – et ce ne sont pas toujours les mêmes qui y sont –  on se rend compte de la difficulté à obtenir la création de missions d’information si la majorité n’est pas d’accord. Nous sommes soumis à son bon vouloir.

Il me paraît indispensable que, pour un texte aussi particulier que celui que nous examinons, le Gouvernement s’engage à fournir un rapport qui facilitera le travail d’évaluation.

Députée de l’opposition, je m’aperçois que rejeter toute demande de rapport est une réponse facile, qui favorise la majorité en place.

La commission adopte l’amendement, la division et l’intitulé du chapitre III sont ainsi supprimés.

Article 4 : Demande de rapport

La commission adopte l’amendement CL96 du Gouvernement et l’article 4 est supprimé.

En conséquence, tous les autres amendements portant sur l’article tombent.

Après l’article 4

Amendements CL40, CL39 et CL41 de M. Bastien Lachaud (discussion commune).

M. Bastien Lachaud. La méthode est un peu baroque, mais nous verrons comment rétablir l’article 4 en séance publique.

L’amendement CL40 vise à intégrer dans les objectifs des programmes scolaires le respect de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre de toutes et tous.

L’article L. 311-4 du code de l’éducation prévoit en effet déjà que les programmes scolaires intègrent les enjeux de respect de la diversité, des origines et de la laïcité. Les thérapies de conversion touchent particulièrement les enfants et adolescents d’âge scolaire, davantage vulnérables à de telles pratiques dans une période de construction et d’affirmation de leur identité.

L’école doit, dans tous ses enseignements, donner aux élèves les moyens de leur épanouissement propre et du respect des trajectoires et identités de chacune et chacun.

C’est le sens de cet amendement qui, s’il était adopté, permettrait à ces jeunes d’avoir connaissance de l’existence de ces pratiques de thérapies de conversion, de pouvoir se signaler comme victimes plus rapidement et d’empêcher que ces thérapies produisent les effets délétères que l’on connaît, poussant certains jeunes jusqu’au suicide.

Mme Danièle Obono. L’amendement CL39 vise à introduire de manière explicite le fait que l’éducation à la santé et à la sexualité, déjà prévue dans le code de l’éducation, doit intégrer une information consacrée au respect de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, avec la possibilité d’interventions d’associations de lutte contre l’homophobie et la transphobie.

Comme le souligne la communication de la mission d’information sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, menée par Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock, les thérapies de conversion touchent particulièrement les personnes mineures, davantage vulnérables dans une période de construction de leur identité. Lors des auditions de cette mission, il avait été révélé que dans certains établissements scolaires des propos à caractère LGBTphobe ont pu être tenus lors d’enseignements. La présence de manuels à caractère sexiste et LGBTphobe dans certains de ces établissements a pu également être dénoncée. C’est totalement contraire aux principes fondamentaux de la République.

Il ne pourra être réellement mis fin aux thérapies de conversion qu’en se donnant les moyens de l’éducation et de la sensibilisation à la diversité dès le plus jeune âge. Le législateur doit envoyer ce signal clairement : parmi ses objectifs, l’école prévoit l’éducation au respect de la personne en raison de son identité de genre ou de son orientation sexuelle, comme cela est déjà heureusement le cas pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les violences faites aux femmes ou encore la lutte contre les addictions.

M. Bastien Lachaud. L’amendement CL41 est un amendement de repli qui demande un rapport au Gouvernement. Mais comme ce dernier n’aime pas les demandes de rapport, j’imagine que cela va conduire la rapporteure à donner un avis favorable à l’amendement CL39 pour éviter que le Gouvernement subisse un rapport supplémentaire.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Le code de l’éducation prévoit déjà différentes modalités d’information des élèves sur les questions relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.

Deux de ses articles correspondent à vos attentes. L’article L. 312-16 prévoit une information et une éducation à la sexualité, notamment dans le but d’apprendre le respect dû au corps humain et de sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles. L’article L. 312-17-1 organise, quant à lui, une information consacrée à la lutte contre les préjugés sexistes.

Les grands principes des programmes scolaires figurent dans la loi, mais le détail de leur contenu relève du pouvoir réglementaire.

La ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a annoncé le 14 octobre 2020 un plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023. Parmi ses quarante-deux actions concrètes figure un guide pour les enseignants. Ce plan s’appuie sur l’ensemble des services de l’État mais aussi sur les collectivités territoriales, les associations et le secteur privé.

En la matière, la loi n’est pas un frein. Il faut surtout de la volonté politique.

Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Cette proposition de loi fait la quasi-unanimité dans notre assemblée car elle affirme avec clarté un certain nombre de principes fondamentaux sur le respect de droits humains.

Mais les auditions ont montré qu’il reste beaucoup à faire. Il est dommage de se priver de l’opportunité de s’assurer de l’évaluation du dispositif et du suivi de sa mise en œuvre par le Gouvernement. Il s’agit d’interpeller une nouvelle fois ce dernier sur ses responsabilités : aller plus loin que le strict respect de la loi au travers de politiques publiques actives de formation et d’éducation, pour assurer le changement dans la société.

Mme Marie-George Buffet. Je partage l’intention de ces amendements, mais il y a un problème de moyens humains. On ne peut pas demander aux enseignants de traiter de tous les sujets sans qu’ils bénéficient d’une formation initiale suffisante.

L’accompagnement des élèves par la médecine scolaire est également en cause. Elle est en très grande difficulté, faute d’effectifs. Le trop faible nombre d’infirmières et de médecins scolaires rend impossible la construction dans la durée d’un lien suivi avec tous les élèves.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL44 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement reprend une recommandation de la mission d’information sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, qui soulignait la nécessité de lutter contre les abus médicaux et préconisait un meilleur encadrement de l’activité des professionnels de santé en la matière.

La mission d’information proposait en effet de modifier l’article 7 du code de déontologie médicale concernant la non-discrimination des patients, aujourd’hui codifié à l’article R. 4127-7 du code de la santé publique, afin d’y introduire explicitement la non-discrimination liée à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre dans la prise en charge médicale.

Cette recommandation est d’abord issue du témoignage de plusieurs associations représentant des personnes trans faisant état de médecins pratiquant des thérapies de conversion en se parant de leur légitimité médicale. Ces pratiques entachent toute la profession et doivent être sévèrement réprimées.

Lors des auditions, Anne-Marie Trarieux, présidente de la section Éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins, avait préconisé l’évolution du code de déontologie médicale.

Une telle évolution relevant du pouvoir réglementaire, nous souhaitons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la lutte contre ces abus médicaux liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, afin de mieux encadrer la pratique des professionnels et prévenir ces dérives.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Il ne vous aura pas échappé que je ne fais pas partie du Gouvernement. Je vous invite donc à présenter cet amendement en séance publique et le Gouvernement y apportera certainement une réponse. Demande de retrait.

Mme Cécile Untermaier. La rapporteure peut avoir un avis. On n’est pas obligé d’attendre le Gouvernement pour obtenir des réponses.

Avec votre appui, on pourrait avoir en séance publique un engagement du Gouvernement à revoir ces dispositions du code de déontologie avec les professionnels concernés. Il n’y a là rien d’extraordinaire : les codes de déontologie sont faits pour évoluer. Une telle évolution fait partie des préconisations de la mission d’information que vous avez menée avec M. Lachaud et interroger le Gouvernement sur l’évolution de la réglementation fait partie de notre travail normal.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. Comme vous le relevez, les dispositions en question sont de nature réglementaire. Je vous invite donc à déposer l’amendement en séance publique pour en discuter avec le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Titre

Amendement CL12 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il s’agit de supprimer la notion d’identité de genre dans le titre. C’est donc un amendement de cohérence avec nos débats précédents.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure. On ne peut pas vous enlever votre cohérence en termes d’amendements. Je suis également cohérente en donnant un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi (n° 4021) interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


– 1 –

 

   Personnes entendues par lA rapporteurE

 Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH)

   Mme Sophie Élizéon, déléguée interministérielle

   M. Yohann Roszewitch, conseiller en charge de la lutte contre la haine et les discriminations anti-LGBT

   Mme Laurence Villette-Richard, conseillère justice et relations internationales

 Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)

   Mme Hanène Romdhane, cheffe du service

 Ordre des médecins

   Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique et déontologie

 M. Haïm Korsia, grand rabbin de France

 Conseil national des évangéliques de France - CNEF

   M. Christian Blanc, président

   Mme Nancy Lefevre, juriste au CNEF

   M. Thierry Le Gall, pasteur, directeur du service pastoral du CNEF auprès des parlementaires

 M. Anthony Favier, universitaire

 Association française des avocats LGBT

   Me Marielle Jéhannin, avocate

 Centre de lutte contre les manipulations mentales

   Mme Geneviève Peltier, membre du conseil d’administration et secrétaire du collectif des victimes et familles de victimes du psycho-spirituel 

   Mme Jeanine Dijoux, membre fondateur du collectif des victimes et familles de victimes du psycho-spirituel 

   Mme Annie Guibert, membre du bureau national

 Collectif « Rien à guérir »

   M. Benoit Berthe Siward, porte-parole

 Communion Béthanie

   M. Jean-Michel Dunand Roux, prieur

 David et Jonathan

   M. Cyrille de Compiègne, vice-président

 Devenir Un En Christ

   M. Timothée de Montgolfier, vice-président

 Psygay

   Mme Marie-Laure Peretti, présidente de l’association

 Shams France

   M. Yacine Djebelnouar, président


([1]) Pratique des thérapies dites « de conversion », rapport de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, mai 2020. Le rapport mentionne des témoignages venant d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Espagne, d’Italie, de Chine, de Corée du Sud, du Ghana, du Kenya, du Canada, de Bolivie et de Russie.

([2]) Résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016, point 65.

([3]) Communication de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle et l’identité de genre, Mme Laurence Vanceunebrock et M. Bastien Lachaud, 11 décembre 2019, p. 7.

([4])  Articles 222-33-2-2, 222-33 du code pénal.

([5])  Article 223-15-2 du même code.

([6])  Article 222-13 du même code.

([7]) Articles L. 4161-1 et suivants du code de la santé publique.

([8]) Communication de la mission flash, op. cit., p. 8.

([9]) L’article 378 du code civil prévoit que « peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale ou l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal les père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur enfant, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit sur la personne de l’autre parent ».

([10]) Articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal.

([11]) Article 132-75 du code pénal.

([12]) Article 132-79 du code pénal

([13]) Article 132-73 du code pénal.

([14]) Article 132-9 du code pénal.

([15]) Article 132-80 du code pénal.

([16])Voir par exemple l’article 222-13 du code pénal.

([17]) Voir par exemple l’aggravation des peines encourues pour violence telles qu’elles sont prévues à l’article 222-13 du code pénal.

([18]) Articles 132-76 et 132-77 du code pénal.

([19]) Article 132-72 du code pénal.

([20]) Voir par exemple, l’article 311-4 du code pénal.

([21]) Sénat, réponse de la ministre de la justice à la question écrite n° 04192 de Mme Nicole Bonnefoy, publiée dans le publiée dans le JO Sénat du 12/07/2018 - page 3481.

([22]) Voir par exemple : Cour cassation, chambre criminelle, 28 janvier 2004, n°  03-80.930.

([23]) Articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique.

([24]) Article L. 4124-6 du code de la santé publique.

([25]) Article 122-4 du code pénal.

([26]) Article 511-24 du code pénal.

([27]) Article 214-1 du code pénal.

([28]) Une telle sanction existe aujourd’hui à titre complémentaire, en application des articles 131-27 à 131-29 du code pénal.

([29]) Voir par exemple l’article 225-1 du code pénal.

([30]) Voir également le commentaire de l’article 1er.