N° 4858

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 décembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, SUR LE PROJET DE LOI
 

renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire
et modifiant le code de la santé publique (n° 4857)

 

 

PAR M. Jean-Pierre PONT
Député
 

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Voir le numéro :  4857.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS.................................................... 5

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er (art. 1er, 3 et 4 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021  relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire) Mesures de gestion de la crise sanitaire

Article 1er bis (nouveau) (art. 61 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021) Prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations

Article 1er ter (nouveau) (art. 32 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relatives à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne) Prolongation des mesures d’adaptation de la composition des cours d’assises

Article 1er quater (nouveau) (art. 1er ter de l’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée  par l’épidémie de covid19) Prolongation de l’application de l’aide aux médecins conventionnés  affectés par les déprogrammations de soins

Article 1er quinquies (nouveau) (art. 6 et 8 de l’ordonnance n° 20201694 du 24 décembre 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid19) Prorogation des mesures d’adaptation  en matière d’examens et concours de la fonction publique

Article 1er sexies (nouveau) Prolongation de la base légale de la garantie de financement  des établissements de santé

Article 1er septies (nouveau) Habilitation à adapter par ordonnance le fonctionnement  des assemblées générales de copropriété

Article 2 (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) Évolution des systèmes d’information mis en œuvre aux fins  de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Article 3 (art. L. 321112, L. 3211122, L. 3211124, L. 322251, L. 38441 et L. 38442  du code de la santé publique) Contrôle des mesures d’isolement et de contention

compte rendu des débats

Première réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 14 heures 30

Seconde réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 21 heures

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Mesdames, Messieurs,

La fulgurance d’une nouvelle vague épidémique, portée par la contagiosité du variant Omicron, exige la mobilisation exceptionnelle de la Nation et l’examen, dans des délais particulièrement contraints, de ce projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire.

Notre pays résiste néanmoins, grâce à une mobilisation sans faille, mais éprouvante, des personnels soignants, et grâce à un taux de couverture vaccinal parmi les plus hauts du monde : 91 % de la population éligible est vaccinée. On ne cessera de le répéter : il y a neuf fois moins d’entrées en soins critiques et neuf fois moins de décès parmi les personnes qui sont vaccinées par rapport à celles qui ne le sont pas. Sans la vaccination, les conséquences de la conjonction de la double vague Delta-Omicron eurent été catastrophiques.

La vaccination est donc l’outil collectif adapté, efficace et incontournable pour faire face, aujourd’hui et dans la durée, à un virus qui ne cesse d’évoluer. La remobilisation sans délai des capacités logistiques et le meilleur séquençage de la campagne de rappel, d’ores-et-déjà mis en place, ont constitué un premier levier d’action pour faire face à l’urgence de la situation sanitaire.

Pour prolonger cet effort, il s’avère aujourd’hui nécessaire de faire évoluer le passe sanitaire en passe vaccinal. Le passe sanitaire a fait ses preuves au cours de l’été 2021 afin de permettre la reprise puis le maintien des activités dans le contexte de la quatrième vague et pour créer l’élan décisif en faveur de la vaccination. Il est opportun qu’il devienne, dès le 15 janvier prochain, plus restrictif : il n’est en effet pas anormal que la liberté préservée des personnes non vaccinées soit assortie de contreparties puisque ce sont elles qui font peser une contrainte excessive sur les capacités hospitalières. Il n’est donc pas disproportionné de limiter, uniquement dans la sphère publique et sans empêcher l’accès aux biens et services publics ou de première nécessité ou urgents, leurs interactions sociales dont on sait qu’elles favorisent la propagation du virus.

Le présent projet de loi contient d’autres dispositions rendues nécessaires par l’évolution de la situation sanitaire – et en particulier un renforcement des moyens de lutte contre la fraude – et trois articles à son dépôt, dont un sur les modalités de contrôle des mesures d’isolement et de contention en matière psychiatrique, sans lien avec le contexte sanitaire mais rendu nécessaire par une récente censure du Conseil constitutionnel pour un motif de procédure. Il s’agit du douzième texte du genre déposé par le Gouvernement en moins de deux ans. Le Parlement continue, quant à lui, d’être en première ligne pour autoriser et pour contrôler les mesures de gestion de cette crise.

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   EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er
(art. 1er, 3 et 4 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021
relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire)
Mesures de gestion de la crise sanitaire

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article porte sur quatre mesures de gestion de la crise sanitaire :

– il fait évoluer le dispositif du passe sanitaire en passe vaccinal pour l’ensemble des activités et des personnes auxquelles il était applicable, sauf en ce qui concerne les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ;

– il renforce les modalités de contrôle des passes, notamment par un alourdissement des sanctions encourues par les exploitants d’établissements en cas de défaut de contrôle et par la possibilité, pour les personnes chargées de contrôler ces passes, de vérifier l’identité de leur détenteur en cas de doute sur les documents produits ;

– il durcit les sanctions contre la fraude sanitaire, en relevant les amendes prévues en cas d’utilisation d’un passe appartenant à autrui ou de transmission à des fins frauduleuses d’un passe authentique, d’une part, et en étendant à la détention d’un faux passe les peines délictuelles prévues pour l’usage ou la procuration d’un faux passe, d’autre part ;

– tout en déclarant l’état d’urgence sanitaire à La Réunion jusqu’au 31 mars 2022, il prévoit que si ce régime est décrété dans une autre collectivité d’outre-mer avant le 1er mars 2022, il sera également applicable jusqu’à la même échéance.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire a prorogé :

– jusqu’au 31 juillet 2022, la date de caducité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire ainsi que son application en Guyane et en Martinique jusqu’au 31 décembre 2021 ;

– jusqu’au 31 juillet 2022, le régime de gestion de la crise sanitaire, dont le passe sanitaire, issu de la loi du 31 mai 2021 modifiée par la loi du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire.

Cette loi a également sanctionné d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende l’établissement, l’usage ou la procuration d’un faux passe sanitaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par des amendements de M. Sacha Houlié, de Mme Caroline Abadie, de votre rapporteur, de M. Guillaume Larrivé, de Mme Justine Bénin, de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et du Gouvernement.

1.   L’état du droit

a.   Le régime de la loi du 31 mai 2021 s’applique sur la quasi-totalité du territoire national

Le 2 juin 2021, le reflux de la troisième vague de l’épidémie de Covid-19 a permis la sortie de l’état d’urgence sanitaire, en vigueur, pour la seconde fois depuis son introduction par la loi du 23 mars 2020, depuis le 17 octobre 2020 ([1]).

La loi du 31 mai 2021 a défini un régime adapté et proportionné à l’évolution de la situation sanitaire afin de favoriser la reprise des activités, protégée par la mise en œuvre du passe sanitaire, tout en maintenant les mesures nécessaires à la lutte contre le virus. Son dispositif, en vigueur initialement jusqu’au 30 septembre 2021, a été commenté par votre rapporteur dans son rapport sur ledit projet de loi ([2]).

Face à la menace de la quatrième vague, la loi du 5 août 2021 a prorogé jusqu’au 15 novembre 2021 l’application de ce régime tout en étendant le dispositif du passe sanitaire selon des modalités également précédemment commentées ([3]).

Enfin, à l’aune de la cinquième vague, la loi du 10 novembre 2021 a prorogé, jusqu’au 31 juillet 2022, l’application de ce régime tout en adaptant certaines modalités d’application du passe sanitaire en ce qui concerne la lutte contre la fraude et les modalités de contrôle du certificat médical de contre-indication à la vaccination. Votre rapporteur renvoie, là aussi, à son précédent commentaire ([4]), tout en observant que le passe – qu’il soit sanitaire, vaccinal ou les deux à la fois – est désormais applicable dans la quasi-totalité des pays européens.

application des passes sanitaire et vaccinal en europe

Source : touteleurope.eu

b.   L’état d’urgence sanitaire reste utilisé de manière circonstanciée, notamment dans les collectivités d’outre-mer

Pour faire face à une situation épidémique qui demeurait défavorable en Guyane, la loi du 31 mai 2021 avait prorogé l’état d’urgence sanitaire ([5]) sur ce territoire, applicable depuis le 17 octobre 2020, jusqu’au 30 septembre 2021.

Tout au long de l’été, la diffusion du variant Delta et de la quatrième vague dans des territoires où la population reste faiblement vaccinée a entraîné la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et la prise de mesures d’interdiction de sortie du domicile à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. En application de la loi du 11 septembre 2021, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 15 novembre 2021 dans ces huit territoires.

La loi du 10 novembre 2021 a enfin procédé à une double prorogation :

– jusqu’au 31 juillet 2022, de la clause de caducité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire qui devait intervenir le 31 décembre 2021 ([6]) ;

– jusqu’au 31 décembre 2021, de l’application de ce régime en Guyane et en Martinique.

Compte tenu de l’état de catastrophe sanitaire actuellement constaté à La Réunion et en Martinique ([7]), le décret du 27 décembre 2021 ([8]) a déclaré l’état d’urgence sanitaire à La Réunion à compter du 28 décembre 2021 et en Martinique à compter du 1er janvier 2022.

c.   La lutte contre la fraude sanitaire : les modalités de contrôle et les sanctions prévues

i.   Les modalités de contrôle

● En application du dernier alinéa du B du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée, la présentation des documents requis pour justifier de la détention valable du passe sanitaire est réalisée sous une forme qui ne permet pas de connaître la nature exacte du document – c’est-à-dire s’il s’agit d’un test négatif, d’un justificatif de statut vaccinal ou d’un certificat de rétablissement.

Par ailleurs, aux termes du même B, la présentation de documents officiels d’identité n’est requise que si elle est exigée par des agents des forces de l’ordre.

● Lorsqu’un exploitant d’un site dont l’accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire ne contrôle pas la détention dudit passe, une procédure graduée est prévue au troisième alinéa du D du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée :

– l’exploitant est mis en demeure par l’autorité administrative de se conformer à ses obligations ;

– si cette mise en demeure est infructueuse et que le manquement persiste, la fermeture administrative de l’établissement peut être ordonnée pour une durée maximale de sept jours ;

– si le manquement est constaté à plus de trois reprises dans une période de quarante-cinq jours, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende ([9]).

Précisons enfin qu’aux termes du deuxième alinéa du même D, le défaut de contrôle du passe sanitaire par l’exploitant d’un service de transport est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ; si le manquement est verbalisé plus de trois fois dans une période de trente jours, les peines encourues sont d’un an d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende.

ii.   Les sanctions en cas de fraude sanitaire

Dans le cadre du passe sanitaire, la fraude fait l’objet de sanctions graduées en fonction de la nature du manquement et de sa fréquence ; elles sont prévues aux trois derniers alinéas du D du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée.

● La présentation d’un document appartenant à autrui (test de dépistage négatif, justificatif de statut vaccinal ou certificat de rétablissement) est punie de l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe (soit 750 euros au plus) ; la procédure de l’amende forfaitaire étant applicable, cette amende est de 135 euros.

Si l’infraction est constatée une nouvelle fois dans un délai de quinze jours, l’amende encourue est celle prévue pour les contraventions de cinquième classe (soit 1 500 euros au plus, et 200 euros si l’amende est forfaitaire). En cas de réitération du manquement à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, la sanction est portée à six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

Ces sanctions résultent du renvoi aux sanctions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 3136‑1 du code de la santé publique, qui répriment le fait pour toute personne de se rendre dans un établissement recevant du public en méconnaissance d’une mesure sanitaire (fermeture ou réglementation d’accès).

Est punie des mêmes peines la transmission, en vue de son utilisation frauduleuse, d’un passe sanitaire authentique.

● Le faux, lui, est plus lourdement sanctionné : aux termes du dernier alinéa du D du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée, l’établissement d’un faux passe sanitaire, de même que l’usage, la procuration ou la proposition de procuration d’un tel faux est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Ces peines résultent de la loi du 10 novembre 2021 précitée, et sont justifiées par la nécessité de lutter contre la fraude sanitaire.

Pour mémoire, dans le cadre de l’obligation vaccinale prévue à l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée, l’usage d’un faux document en vue de se soustraire à cette obligation est puni des mêmes peines, en application du VI de l’article 13 de cette même loi dans sa rédaction issue de la loi du 10 novembre 2021.

2.   Le dispositif proposé

a.   L’évolution du passe sanitaire en passe vaccinal

Face à l’installation dans la durée de l’épidémie, la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal poursuit l’ambition de favoriser la vaccination et donc l’objectif de préservation de la santé publique. En effet, le vaccin constitue l’outil sanitaire le plus efficace pour limiter les conséquences du virus sur le système de santé.

Alors que le premier alinéa du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 dispose que le passe sanitaire a pour finalité de lutter contre la propagation de l’épidémie, le présent article prévoit que le passe vaccinal aura un objet plus large qui n’est pas limité à la seule propagation du virus mais à la lutte contre l’épidémie dans son ensemble (alinéa 4).

Le passe vaccinal se substituera, au 15 janvier 2022 (alinéa 44), au passe sanitaire pour l’accès des personnes de douze ans et plus aux lieux, établissements, services ou évènements où il s’applique actuellement – activités de loisir, activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, foires, séminaires et salons professionnels, déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux et grands magasins et centres commerciaux – (alinéa 6), exception faite des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui restent soumis au passe sanitaire selon les mêmes conditions que celles applicables depuis l’adoption de la loi du 5 août 2021 (alinéas 7 et 10).

Les exceptions et les conditions prévues par la même loi pour ces lieux, établissements, services ou évènements initialement soumis au passe sanitaire sont inchangés, à l’exception des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ([10]) pour lesquels il est prévu de pouvoir présenter, sauf urgence, le résultat d’un test de dépistage virologique en cas de motif impérieux d’ordre familial ou de santé (alinéa 8).

Par cohérence sanitaire, les personnes intervenant dans les lieux, établissements, services ou évènements où s’appliquera le passe vaccinal – et qui se voient d’ores et déjà opposée la présentation du passe sanitaire – seront soumises au même régime que le public qui y accède dans la mesure où la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie (alinéa 11). Le Conseil d’État relève que « le fait d’imposer un passe vaccinal à certains professionnels ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles et conventionnelles » qu’il soulève dans son avis sur le présent projet de loi ([11]). Un dispositif dérogatoire et transitoire sera néanmoins introduit par décret pour les salariés engagés dans un schéma vaccinal pour le temps nécessaire à son achèvement (alinéa 13).

Si le passe vaccinal est fondé, par définition, sur le seul certificat de vaccination (alinéa 6), deux adaptations seront néanmoins prévues par décret (alinéa 12) :

– le certificat de rétablissement pourra continuer de se substituer au justificatif de statut vaccinal ;

– si l’intérêt de la santé publique le justifie, la présentation du résultat d’un test de dépistage virologique pourra être prévue en plus du certificat de vaccination. Il s’agit d’une mesure de précaution sanitaire adaptée pour les lieux qui présentent le plus de risque de propagation de l’épidémie.

Les dispositions concernant les modalités selon lesquelles un certificat de contre-indication peut se substituer à un justificatif vaccinal sont quant à elles inchangées.

Enfin, les alinéas 16 à 19, 21, 26 à 36 et 40 à 43 procèdent à des modifications de coordination.

b.   Le renforcement de la lutte contre la fraude sanitaire

La fraude sanitaire fragilise le combat collectif contre la pandémie et la mise en œuvre des mesures pour y faire face. Ainsi qu’il ressort de l’étude d’impact du présent projet de loi, au 16 décembre, près de 183 000 passes sanitaires frauduleux avaient été constatés – la relative ancienneté de ces chiffres et, surtout, le fait qu’il s’agisse des cas de fraude dûment constatés, laissent supposer un nombre réel de faux largement supérieur.

Compte tenu de la nécessité impérieuse de lutter contre cette fraude sanitaire, le présent article prévoit de renforcer les modalités existantes, tant en matière de contrôle que de sanctions.

i.   Le renforcement des modalités de contrôle

● En premier lieu, dans le cadre du contrôle des documents valant passe sanitaire ou vaccinal, les personnes chargées de ce contrôle pourront exiger la présentation d’un document officiel d’identité en cas de doute sur les documents – en l’état du droit, cette présentation n’est possible que si elle est exigée par des agents des forces de l’ordre. Cette mesure résulte du b du 1° du I du présent article, qui modifie à cet effet le dernier alinéa du B du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée.

Cette vérification d’identité vise à s’assurer de la concordance entre la preuve sanitaire produite et l’identité de la personne. Elle ne constitue pas un contrôle d’identité au sens des articles 781 et suivants du code de procédure pénale.

Ce dispositif se justifie par la nécessité d’assurer aux mesures sanitaires une mise en œuvre pleinement effective et, pour ce faire, de lutter efficacement contre la fraude sanitaire. Sans la base légale de vérification d’identité prévue par le dispositif proposé, il serait en pratique quasiment impossible de vérifier la concordance entre le passe et l’identité de son détenteur.

Au demeurant, il n’est pas inutile de rappeler que la loi prévoit déjà de nombreuses hypothèses dans lesquelles une vérification d’identité peut être réalisée par des personnes n’appartenant pas aux forces de l’ordre : tel est notamment le cas lors d’un paiement par chèque dans un supermarché, pour entrer dans un casino, pour pénétrer dans un établissement scolaire en qualité de personne extérieure, pour récupérer un colis à La Poste, pour embarquer dans un avion civil ou encore pour acheter des cigarettes ou de l’alcool ou récupérer un gain de jeux de hasard à partir d’un certain montant.

Ces exemples ne prétendent pas à l’exhaustivité ; ils illustrent en revanche bien le fait que permettre aux personnes en charge de contrôler les passes sanitaires et vaccinaux de vérifier l’identité des clients ou usagers s’inscrit dans un cadre juridique préexistant bien établi. Or, si ce cadre ne fait pas débat s’agissant de la protection des mineurs ou la vérification d’identité dans les supermarchés, il devrait a fortiori en aller de même s’agissant d’une mesure répondant à des impératifs de sécurité sanitaire collective, qui passe notamment par une lutte accrue contre la fraude sanitaire.

Notons à cet égard que, dans son avis sur le projet de loi, et après avoir rappelé l’existence de certaines des hypothèses précédemment mentionnées, le Conseil d’État a considéré la vérification de l’identité prévue par le présent article comme nécessaire et justifiée par un objectif de santé publique, aucun principe constitutionnel ou conventionnel n’y faisant obstacle.

Les vérifications d’identité par des personnes
n’appartenant pas aux forces de l’ordre

De nombreuses hypothèses prévoient d’ores et déjà la possibilité, pour des personnes qui ne sont pas membres des forces de l’ordre, de vérifier l’identité d’autres personnes sans que cela ne soit assimilé à un contrôle d’identité au sens du code de procédure pénale.

En cas de paiement par chèque, la personne doit justifier de son identité en présentant un document officiel portant sa photographie, ainsi que l’impose l’article L. 131‑15 du code monétaire et financier (CMF). C’est sur le fondement de ces dispositions que, par exemple, les agents de caisse des commerces alimentaires peuvent exiger la présentation d’une pièce d’identité par un client.

Dans le cadre des jeux de hasard et d’argent, les opérateurs sont légalement tenus de faire obstacle à la participation des mineurs, ainsi que le prévoit l’article L. 320‑8 du code de la sécurité intérieure. S’agissant des casinos en particulier, « Toute personne désirant accéder aux salles de jeux est tenue de justifier de son identité », aux termes de l’article R. 321‑17 du même code, chaque casino devant mettre en place un dispositif de contrôle systématique à cet effet.

Par ailleurs, les opérateurs de jeux ou de paris sont tenus de vérifier l’identité des personnes dont le montant des gains ou des mises est égal ou supérieur à 2 000 euros en application des articles L. 561‑13 et R. 561‑10 du CMF.

La vente de produits de tabac étant interdite aux mineurs en application de l’article L. 3512‑12 du code de la santé publique, les buralistes exigent de leurs clients qu’ils établissent la preuve de leur majorité ainsi que le prévoit le second alinéa de cet article. Il en va de même s’agissant de la vente d’alcool, les exploitants de débits de boissons ou de commerces vendant de l’alcool pouvant exiger d’un client une preuve de sa majorité sur le fondement de l’article L. 3342‑1 du même code.

Des vérifications d’identité peuvent également être réalisées par le personnel d’établissements scolaires pour accéder à ceux-ci – en particulier dans le cadre du « plan Vigipirate » – et l’accès peut être refusé à toute personne ne justifiant pas de son identité au titre des articles R. 421‑10 et R. 421‑12 du code de l’éducation. La vérification de l’identité d’une personne venant récupérer un enfant à la sortie de l’établissement peut également être faite par le personnel de l’établissement (il est rappelé que les élèves sont remis à leurs parents ou aux personnes que ces derniers ont désignées à cet effet, par écrit).

Les compagnies aériennes sont tenues de vérifier la concordane documentaire entre l’identité figurant sur une carte d’embarquement et un document officiel d’identité du passager, ainsi qu’il ressort de l’article 4‑0‑1 I‑T de l’annexe à l’arreté du 11 septembre 2013 relatif aux mesures de sûreté de l’aviation civile.

Enfin, le retrait de colis dans un bureau de poste suppose de justifier de son identité auprès des agents des services postaux.

● En deuxième lieu, le dernier alinéa du d du même 1° autorise les agents habilités à constater les infractions aux passes sanitaire et vaccinal à accéder, pendant leurs horaires d’ouverture, aux sites soumis à de tels passes, afin de vérifier le respect des obligations sanitaires – en contrôlant la détention, par les personnes se trouvant dans ces sites, des documents requis, et le respect, par les exploitants et professionnels soumis à une obligation de contrôle, de la satisfaction de cette obligation.

Ainsi que le relève dans son avis le Conseil d’État, cet ajout permet de sécuriser juridiquement les conditions d’intervention des forces de l’ordre dans les sites soumis à passe sanitaire ou vaccinal, dans le cadre de leurs contrôles.

● En troisième lieu, le régime de sanction du défaut de contrôle des passes, par un exploitant d’un établissement auquel l’accès est subordonné à la production d’un tel document, est rendu plus dissuasif.

D’une part, dès le premier manquement constaté, sera encourue l’amende prévue pour une contravention de cinquième classe.

D’autre part, si le manquement est constaté à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les peines encourues seront de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Ces sanctions sont définies par référence à celles prévues à l’article L. 3136‑1 du code de la santé publique en cas de violation des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement ; elles se substituent à celles en vigueur qui punissent d’un an d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende la constatation du manquement à plus de trois reprises dans un délai de quarante‑cinq jours.

Le renvoi aux sanctions prévues en cas de violation d’une quarantaine ou d’un isolement a pour effet, à droit réglementaire constant, de porter le montant de l’amende forfaitaire à 1 000 euros – et non à 200 euros, montant de droit commun de l’amende forfaitaire pour les contraventions de cinquième classe –, en application de l’article 2 du décret du 22 avril 2021 ([12]).

Cette modification est prévue au quatrième alinéa du d du 1° du I du présent article, qui ne revient pas sur la procédure de mise en demeure susceptible de conduire à une fermeture administrative temporaire de l’établissement.

ii.   Le renforcement des sanctions contre la fraude

Parallèlement au renforcement des contrôles, les sanctions encourues en cas de fraude sanitaire sont relevées, dans la continuité de la loi du 10 novembre 2021 précitée.

● D’une part, la présentation d’un document appartenant à autrui et la transmission, en vue de son utilisation frauduleuse, d’un document authentique seront punies de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (le droit en vigueur prévoyant l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe). L’amende maximale encourue sera donc de 1 500 euros et, si la procédure de l’amende forfaitaire est mise en œuvre, le renvoi à l’amende prévue en cas de violation des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement a pour effet de porter le montant de l’amende forfaitaire à 1 000 euros, en application du décret du 22 avril 2021 précité.

En cas de récidive dans les quinze jours, les mêmes sanctions seront encourues et, en cas de manquement constaté plus de trois fois dans les trente jours, les peines seront portées à six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

Ce durcissement résulte du sixième alinéa du d du 1° du I du présent article.

● D’autre part, la sanction de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende prévue en cas de faux document est étendue à la détention d’un tel faux – qui s’ajoute à son établissement, son usage, sa procuration ou la proposition de sa procuration.

Cette extension est prévue au septième alinéa du même d.

● Le tableau suivant présente de façon synthétique les modifications prévues au régime de sanctions.

syNthèse des modifications prévues en matière de sanctions

Manquement

Sanctions actuelles

Sanctions proposées

Fondement
(d du1° du I)

Défaut de contrôle du passe par l’exploitant d’un ERP

Mise en demeure avec possibilité de fermeture administrative





1 an d’emprisonnement et 9 000 euros si plus de trois manquements constatés en 45 jours

Mise en demeure avec possibilité de fermeture administrative

Amende contravention 5e classe dès le premier manquement
(1 000 euros pour l’amende forfaitaire)

6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros si plus de trois manquements constatés en 30 jours

4e alinéa

Présentation d’un document appartenant à autrui
(hors récidive)

Amende contravention 4e classe (135 euros pour l’amende forfaitaire)

Amende contravention 5e classe (1 000 euros pour l’amende forfaitaire)

6e alinéa

Transmission d’un document authentique en vue d’une utilisation frauduleuse
(hors récidive)

Amende contravention 4e classe (135 euros pour l’amende forfaitaire)

Amende contravention 5e classe (1 000 euros pour l’amende forfaitaire)

6e alinéa

Faux, usage de faux, procuration ou proposition de procuration de faux

5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros

Pas de changement

Détention de faux

5 ans d’emprisonnement
et 75 000 euros

7e alinéa

Source : commission des Lois.

c.   L’état d’urgence sanitaire outre-mer

Le du présent article est relatif à l’application de l’état d’urgence sanitaire à La Réunion où ce régime est en vigueur depuis le 28 décembre 2021 ([13]). L’île connaît une dégradation très brutale de la situation sanitaire : le taux d’incidence était de 577 cas pour 100 000 habitants au 22 décembre 2021. Il est prévu que l’état d’urgence sanitaire s’y applique jusqu’au 31 mars 2022.

Le même 2° contient également une disposition de portée générale qui prévoit que si l’état d’urgence sanitaire est décrété dans une autre collectivité d’outre-mer avant le 1er mars 2022, il y sera applicable jusqu’à la même échéance. Cette disposition, qui avait été une première fois introduite par la loi du 5 août 2021 pour Mayotte et Wallis-et-Futuna, modifie de manière adaptée et temporaire la durée de déclenchement initial de l’état d’urgence sanitaire ([14]) pour tenir compte de l’importante vulnérabilité des territoires ultramarins face à l’épidémie, notamment en raison du faible taux de couverture vaccinale de la population.

Pourcentage de la population disposant d’un schéma vaccinal complet
en outre-mer

Source : Outre-mer La 1ère

3.   La position de la Commission

Outre divers amendements rédactionnels, de coordination ou de précision de votre rapporteur, la Commission a adopté six modifications à cet article.

● Un amendement de M. Sacha Houlié porte sur la réglementation applicable aux établissements recevant du public sur le fondement de la loi du 31 mai 2021. Celle-ci devra être proportionnelle à leur capacité d’accueil, notamment en ce qui concerne les jauges maximales qui leur sont imposées pour freiner la circulation de l’épidémie.

● Un amendement de Mme Caroline Abadie a exclu les sorties scolaires de l’application du passe vaccinal, qui ne sera pas applicable aux activités effectuées dans le cadre d’une sortie scolaire : c’est le passe sanitaire qui sera exigé dans ce cadre.

● Sur proposition du rapporteur, la Commission a clarifié la rédaction du dispositif relatif à la vérification de l’identité du détenteur d’un passe sanitaire :

– en retenant la formulation de « vérification de concordance d’identité », déjà prévue dans le cadre du contrôle opéré lors de l’embarquement dans un avion par l’arrêté du 11 septembre 2013 relatif aux mesures de sûreté de l’aviation civile ;

– et en faisant référence à un document officiel sur lequel se trouve la photographie de la personne – à l’image de ce que prévoit l’article L. 131‑15 du code monétaire et financier.

La référence à l’existence d’un doute pour que cette faculté de vérification s’exerce a été supprimée – non pour systématiser cette vérification, mais en raison des risques liés à l’imprécision des doutes prévus par le dispositif.

● La Commission, en adoptant un amendement de M. Guillaume Larrivé sous-amendé par le rapporteur, a ouvert la possibilité à l’organisateur d’une réunion politique de subordonner l’accès à cette réunion à la présentation d’un passe sanitaire afin de garantir la sécurité collective de ses participants. Cette possibilité, qui déroge au F du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée, tend à sécuriser juridiquement la possibilité d’exiger le passe sanitaire pour de telles réunions ­ une lecture littérale des dispositions actuelles pouvant conduire à sanctionner pénalement une telle pratique (les peines encourues étant d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende).

● Pour tenir compte de la situation spécifique de certains territoires d’outre-mer où la population est moins vaccinée, notamment pour ouvrir la possibilité d’une application différée de l’introduction du passe vaccinal, des amendements de Mme Justine Bénin et de Mme Hélène Vainqueur-Christophe prévoient que le préfet peut être habilité, lorsque les circonstances l’exigent, à adapter les mesures prises sur le fondement de la loi du 31 mai 2021.

● Enfin, un amendement du Gouvernement a tiré les conséquences de la publication du décret du 27 décembre 2021 précité sur l’application de l’état d'urgence sanitaire à La Réunion et en Martinique, qui sera en vigueur jusqu’au 31 mars 2022.

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Article 1er bis (nouveau)
(art. 61 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020
de financement de la sécurité sociale pour 2021)
Prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption, par la Commission, de l’amendement CL277 du Gouvernement ayant fait l’objet d’un avis favorable du Rapporteur.

● L’ordonnance du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de COVID-19 ([15]) a mis en place, dès le début de la crise sanitaire, la prise en charge intégrale des actes réalisés en téléconsultation pour l’ensemble des assurés. Cette prise en charge intégrale a ensuite été prolongée jusqu’au 31 décembre 2020 par l’ordonnance du 17 juin 2020 modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire ([16]).

Les téléconsultations ont constitué non seulement une mesure de lutte contre la propagation de la pandémie (permettant un accès continu à la médecine de ville, y compris en période de confinement généralisé et dans les zones médicales sous-denses), mais aussi une mesure de simplification (facturation et paiement simplifiés) en permettant au médecin de réaliser une consultation même en l’absence de solution de paiement à distance pour ses patients. Les actes réalisés en téléconsultation ont ainsi connu une expansion sans précédent, passant de 10 000 à un million par semaine au plus fort de la crise, alors que les déplacements étaient fortement contraints.

● Pour accompagner l’essor de cette pratique, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 ([17]) a prolongé la prise en charge intégrale des téléconsultations jusqu’au 31 décembre 2021, permettant aux partenaires conventionnels de redéfinir les conditions de recours à cette pratique et aux professionnels de santé de s’équiper des outils et solutions techniques requis. En septembre 2021, des négociations ont abouti à la conclusion de l’avenant n° 9 à la convention médicale, qui permet d’assouplir les conditions conventionnelles de recours à la consultation.

Compte tenu du contexte de reprise épidémique, la prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations apparaît nécessaire, afin de faciliter le recours aux soins, sans reste à charge pour les assurés, tout en permettant aux professionnels de santé de continuer à développer cette pratique sans complexité de gestion excessive pour eux, liée au recouvrement de la participation des assurés.

● Le présent article, qui modifie à cet effet l’article 61 de la LFS pour 2021, prolonge ainsi cette mesure en fixant son terme à une date déterminée par décret qui ne pourra aller au-delà du 31 juillet 2022.

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Article 1er ter (nouveau)
(art. 32 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relatives à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne)
Prolongation des mesures d’adaptation de la composition des cours d’assises

Introduit par la Commission

Le présent article est le fruit de l’adoption de l’amendement CL275 du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable du Rapporteur.

● Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la composition des cours d’assises avait fait l’objet de mesures d’adaptation par la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ([18]). Ont ainsi été prévus :

– l’assouplissement du calendrier des opérations de tirage au sort des jurés ;

– la possibilité d’un tirage au sort d’un nombre plus important de jurés pour prendre en compte le fait que certains risqueraient de ne pas être en mesure de se déplacer ;

– ou encore, si cela se révélait nécessaire, le transfert de contentieux de certaines cours d’assises dont le fonctionnement serait empêché à d’autres cours d’assises.

Ces mesures revêtaient un caractère technique et ne portaient nullement atteinte aux droits et libertés des justiciables. Initialement prévue jusqu’à la fin de l’année 2020, leur application a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2021 par l’ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale ([19]).

● Dans le contexte sanitaire actuel marqué notamment par la diffusion très importante de la covid‑19 résultant du caractère extrêmement contagieux du variant Omicron, et eu égard aux dispositions du présent projet de loi substituant au passe sanitaire le passe vaccinal, il paraît impératif de maintenir ces mesures.

En conséquence, le présent article prolonge jusqu’à la fin de l’année 2022 les adaptations précédemment mentionnées relatives aux cours d’assises.

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Article 1er quater (nouveau)
(art. 1er ter de l’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020
instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée
par l’épidémie de covid19)
Prolongation de l’application de l’aide aux médecins conventionnés
affectés par les déprogrammations de soins

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption par la Commission, en suivant l’avis favorable du Rapporteur, de l’amendement CL278 déposé par le Gouvernement.

● Afin de tirer les conséquences de l’impact de la crise sanitaire sur l’activité des professionnels de santé conventionnés, le Gouvernement, par une ordonnance du 2 mai 2020 ([20]), a prévu que la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) gère un fonds d’aide à destination de ceux de ces professionnels dont l’activité s’est trouvée particulièrement affectée par la pandémie. L’objet de cette aide est de garantir le bon fonctionnement du système de soins et de préserver la viabilité de ces professionnels, en leur permettant de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité.

La période couverte par ce dispositif courait du 12 mars 2020 au 31 décembre 2020.

Le bénéfice de cette aide a été ouvert, sur leur demande, aux médecins exerçant une activité libérale en établissement de santé dès lors qu’ils avaient constaté une baisse d’activité sur une période courant initialement du 15 octobre 2020 jusqu’au 30 juin 2021 au plus tard, en raison des déprogrammations de soins non urgents – ce dispositif résultant de l’ordonnance du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de covid‑19 ([21]).

Cette aide peut également bénéficier aux professionnels de santé libéraux installés dans des zones de montagne ayant constaté une baisse d'activité pendant une période allant du 1er décembre 2020 jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard, ainsi que le prévoit l’article 1er ter de l’ordonnance du 2 mai 2020 précitée qu’a introduit la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 ([22]).

Enfin, la LFSS pour 2022 a également institué une aide versée par la CNAM à destination des médecins libéraux conventionnés affectés par la répétition des déprogrammations sur une période courant du 1er juillet 2021 au 31 décembre 2021 au plus tard – ce dispositif étant prévu au II de l’article 1 ter de l’ordonnance du 2 mai 2020 précitée.

Dans le contexte sanitaire actuel, certains établissements de santé privés ont été contraints de déprogrammer certains soins, et risquent d’être encore mobilisés en 2022 pour la prise en charge de patients dans le cadre de la pandémie.

● Afin de poursuivre l’accompagnement de la mobilisation de tous les établissements de santé privés situés dans des régions fortement impactées par une remontée des taux d’incidence de la covid‑19, le présent article prolonge la période d’application de l’aide prévue au II de l’article 1er ter de l’ordonnance du 2 mai 2020 précitée jusqu’au 30 juin 2022 au plus tard – le terme devant être fixé par décret.

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Article 1er quinquies (nouveau)
(art. 6 et 8 de l’ordonnance n° 20201694 du 24 décembre 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid19)
Prorogation des mesures d’adaptation
en matière d’examens et concours de la fonction publique

Introduit par la Commission

Le présent article résulte de l’adoption par la Commission de l’amendement CL273 du Gouvernement qui a fait l’objet d’un avis favorable du Rapporteur.

● Pour garantir la continuité de l’accès à la fonction publique dans le contexte de la crise sanitaire, plusieurs ordonnances et des dispositions réglementaires ont prévu des modalités et adaptations particulières – en particulier l’ordonnance du 27 mars 2020 ([23]) et celle du 24 décembre 2020 ([24]).

Les effets de cette seconde ordonnance ont cessé le 1er novembre 2021 s’agissant de la fonction publique. Ils ont en revanche été prorogés jusqu’au 31 octobre 2022 par la loi du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire ([25]) pour les examens et concours relevant de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, notamment à l’aune de la situation dans les outre-mer.

Eu égard au contexte sanitaire, il apparaît nécessaire de proroger les effets de l’ordonnance du 24 décembre 2020 précitée pour les examens et concours de la fonction publique, afin de prendre les mesures d’adaptation qui se révèleraient nécessaires – étant entendu que les candidats seront informés dans un délai raisonnable avant le début des épreuves.

● Le présent article procède à cette prorogation, jusqu’au 31 octobre 2022, en modifiant à cet effet les articles 6 et 8 de l’ordonnance du 24 décembre 2020 précitée.

Tout le dispositif n’est pas concerné par cette prorogation : le recul de la date à laquelle les candidats doivent remplir les conditions pour concourir à la date des résultats d’admission, prévu au second alinéa du II de l’article 8 de cette ordonnance.

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Article 1er sexies (nouveau)
Prolongation de la base légale de la garantie de financement
des établissements de santé

Introduit par la Commission

Cet article a été introduit par la Commission en adoptant l’amendement CL279 du Gouvernement ayant recueilli l’avis favorable du Gouvernement.

● Dès le début de la crise sanitaire, pour soutenir les acteurs des secteurs sanitaire, social et médico‑social et sur le fondement de la loi du 23 mars d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19 ([26]), le Gouvernement, à travers l’ordonnance n° 2020‑309 du 25 mars 2020 ([27]) modifiée par l’ordonnance n° 2020‑1553 du 9 décembre 2020 ([28]), a mis en place une garantie de financement pour les établissements de santé qui est actuellement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

Cette garantie vise à éviter à ces établissements une rupture de trésorerie à court terme, à sécuriser leurs financements et leur donner une visibilité budgétaire, afin de leur permettre de se consacrer pleinement à la prise en charge des patients qu’ils accueillent.

● Compte tenu de l’évolution du contexte sanitaire, il semble nécessaire de prolonger la base légale de cette garantie de financement ; c’est ce à quoi procède le présent article.

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Article 1er septies (nouveau)
Habilitation à adapter par ordonnance le fonctionnement
des assemblées générales de copropriété

Introduit par la Commission

Cet article résulte de l’adoption par la Commission de l’amendement CL274 du Gouvernement qui a fait l’objet d’un avis favorable du Rapporteur.

● Dès le début de la crise sanitaire, le fonctionnement des assemblées générales de copropriété a fait l’objet d’aménagements, prévus par les articles 22‑1 à 22‑5 de l’ordonnance de l’ordonnance n° 2020‑304 du 25 mars 2020 ([29]), permettant notamment de tenir les assemblées à distance, par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique sécurisé, et assouplissant les délégations de vote pour qu’un mandataire puisse recevoir plus de trois délégations sans que le total des voix dont ce mandataire dispose ne puisse excéder 15 % des voix.

Ces aménagements se sont appliqués jusqu’au 30 septembre 2021, ayant été prorogés par la loi du 31 mai 2021 ([30]).

● Eu égard au contexte sanitaire et aux mesures prévues pour faire face à la crise, qui pourraient rendre plus difficiles, voire impossible, la tenue des assemblées générales de copropriété, des aménagements semblent nécessaires.

Cet article habilite donc le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le droit de la copropriété pour tenir compte de ces difficultés ou impossibilités.

L’habilitation ainsi prévue court pour une durée de six mois ; le Gouvernement devra déposer un projet de loi de ratification de cette ordonnance dans les trois mois suivants la publication de cette dernière.

Ce dispositif, bienvenu, est similaire à celui adopté par le Parlement à l’article 14 de la loi du 10 novembre 2021 ([31]), mais qui a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel pour un motif procédural ([32]).

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Article 2
(art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020
prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions)
Évolution des systèmes d’information mis en œuvre aux fins
de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article adapte les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19 pour permettre le contrôle du respect de l’obligation de dépistage imposée aux personnes faisant l’objet de mesures de quarantaine ou d’isolement. 

       Dernières modifications législatives intervenues

Les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid‑19 ont été introduits par la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Ils ont été prorogés, jusqu’au 31 juillet 2022, par loi du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.

La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a clarifié le régime applicable aux mesures de quarantaine et d’isolement.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

1.   L’état du droit

a.   Les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

L’article 11 de la loi du 11 mai 2020 précitée a autorisé, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) ([33]) et sous certaines conditions, la mise en œuvre temporaire de deux outils informatiques :

– le système d’information national de dépistage (SI-DEP), pour centraliser l’ensemble des résultats des tests effectués 

– « Contact Covid », élaboré par l’Assurance Maladie, pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts.

À quoi sert SI-DEP ?

Ce système permet à la fois d’informer le patient et le professionnel de santé prescripteur sur les résultats du test et de regrouper l’ensemble des résultats obtenus pour les mettre à la disposition des autorités et personnels participant à la lutte contre l’épidémie (données individuelles) ou chargées du suivi épidémiologique et de la recherche sur le virus (données agrégées).

Les données ainsi collectées peuvent être utilisées, le cas échéant sans le consentement des personnes concernées, en vue de servir cinq finalités ([34]) :

– l’identification des personnes infectées par le dépistage et la collecte des résultats des tests ;

– l’identification des personnes présentant un risque d’infection, et notamment des cas contacts ;

– l’orientation de ces personnes vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, ainsi que leur suivi médical ;

– la surveillance de l’épidémie et la recherche sur le virus. Dans ce cas, les données doivent être pseudonymisées et leur traitement est conditionné au consentement des personnes concernées ;

– l’accompagnement social des personnes infectées et des personnes susceptibles de l’être pendant et après la fin des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, sous réserve du recueil préalable de leur consentement.

Ces dispositions ont été décrites dans les rapports de nos collègues Marie Guévenoux ([35]) et Alice Thourot ([36]).

La durée de conservation maximale des données collectées est de trois mois après leur collecte. À l’issue de ce délai, elles sont supprimées. Toutefois, la loi du 14 novembre 2020 précitée a prolongé la durée de conservation des données nécessaires à la surveillance épidémiologique et à la recherche sur le virus jusqu’au 1er avril 2021. La loi du 15 février 2021 avait prorogé cette date, ainsi que l’échéance des systèmes d’information eux-mêmes, jusqu’au 31 décembre 2021. Face à la persistance de l’épidémie et au caractère indispensable de ces systèmes pour la combattre, la loi du 10 novembre 2021 a repoussé cette échéance au 31 juillet 2022. Enfin, la loi du 31 mai 2021 a permis le versement, sous forme pseudonymisée, des données recueillies par les systèmes d’information au sein du système national des données de santé aux fins d’améliorer la connaissance sur la covid-19.

Les autres systèmes d’information pour faire face à l’épidémie de Covid-19

Le décret n° 2020-650 du 29 mai 2020 relatif au traitement de données dénommé « StopCovid » a permis de mettre en œuvre l’application « StopCovid », devenue « TousAntiCovid » le 22 octobre 2020. Elle constitue un outil complémentaire dans le traçage des contacts des patients atteints par la maladie et qui ont volontairement téléchargé l’application. Cette application peut également servir de support, via TousAntiCovid-Carnet, au passe sanitaire.

Le décret n° 2020-1690 du 25 décembre 2020 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19 a mis en place le système d’information « Vaccin Covid » pour assurer le suivi de la campagne de vaccination. Celui‑ci a pour finalités principales l’organisation de la vaccination, l’approvisionnement en vaccins, l’information des personnes vaccinées, la recherche et le suivi de pharmacovigilance.

b.   L’obligation de dépistage imposée aux personnes faisant l’objet de mesures de quarantaine ou d’isolement

La clarification du régime applicable aux mesures de quarantaine et d’isolement a été commentée dans le rapport sur la loi du 5 août 2021 ([37]).

Le premier alinéa du II de l’article L. 3131-15 prévoit que la mesure d’isolement peut concerner toute personne dont la contamination est constatée, notamment par un examen de dépistage, alors que la mise en quarantaine ne peut s’appliquer qu’aux personnes susceptibles d’être affectées par le virus lorsqu’elles entrent sur le territoire hexagonal ou arrivent en Corse ou dans un territoire d’outre-mer après avoir séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’épidémie. L’arrêté du 7 juin 2021 identifiant les zones de circulation de l’infection du virus SARS-CoV-2 précise que constitue une telle zone l’ensemble des pays du monde, à l’exception, pour la France, des collectivités d’outre-mer autres que la Guyane.

Il en résulte que les mesures individuelles de quarantaine et d’isolement contraignantes ([38]) prononcées en application du II de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique ([39]) concernent à ce jour soit les arrivées sur le territoire national, soit les déplacements depuis le territoire métropolitain vers les outre-mer. L’obligation d’effectuer un test de dépistage à l’issue de la période de quarantaine ou d’isolement figure, le cas échéant, sur l’arrêté préfectoral qui fonde la mesure.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article introduit un dispositif similaire, bien que de portée plus restreinte par rapport à celui qui figurait à l’article 3 du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, devenu loi du 5 août 2021, et déclaré contraire à la Constitution par le Conseil Constitutionnel en conséquence de la censure de l’article 9 qui introduisait une mesure de placement en isolement applicable de plein droit aux personnes faisant l’objet d’un test de dépistage positif à la covid-19 ([40]).

Le dispositif proposé concerne en effet le seul contrôle des obligations de dépistage auxquelles sont astreintes les personnes qui font l’objet d’une mesure individuelle de quarantaine ou d’isolement.

À cette fin, le ajoute une nouvelle finalité aux systèmes d’informations créés par la loi du 11 mai 2021 afin de permettre ce contrôle.

Votre rapporteur rappelle qu’en application de la même loi du 11 mai 2020, les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l’égard du virus ainsi qu’à des éléments probants de diagnostic clinique et d’imagerie médicale.

Les données à caractère personnel concernées par cette nouvelle finalité ne sont pas celles dont la durée de conservation aux fins de surveillance épidémiologique et de recherche a été étendue par la loi du 14 novembre 2020. Les données en question ne pourront être conservées à l’issue d’une durée de trois mois après leur collecte.

Le organise la transmission des données strictement nécessaires à l’exercice de leurs missions de contrôle aux services préfectoraux. Ils n’auront pas accès directement à SI-DEP mais recevront communication de ces données, selon une procédure sécurisée soumise au respect du RGPD. Le Conseil d’État rappelle « qu’en application du iv) de l’article 5 du RGPD, les données auxquelles les services préfectoraux [auront] ainsi accès ne pourront être conservées que pour la durée strictement nécessaire à l’exercice de leur mission de contrôle » ([41]).

Dans sa décision du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a relevé, de manière générale, que l’ensemble des agents « sont soumis aux exigences du secret professionnel et ne peuvent donc, sous peine du délit prévu à l’article 22613 du code pénal ([42]), divulguer à des tiers les informations dont ils ont connaissance par le biais du dispositif instauré » ([43]).

In fine, le Conseil d’État estime que « le contrôle administratif [du] dépistage peut justifier l’accès des services préfectoraux qui en sont chargés, à certaines données figurant dans le système d’information SI-DEP » et « que l’ajout de cette nouvelle finalité au système d’information ainsi que la possibilité pour les agents habilités des services préfectoraux d’accéder aux données strictement nécessaires pour leurs missions de suivi et de contrôle ne méconnaît aucune des exigences de la Constitution et du droit de l’Union européenne » ([44]).

3.   La position de la Commission

La Commission a validé cet article modifié par trois amendements rédactionnels présentés par votre rapporteur.

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Article 3
(art. L. 321112, L. 3211122, L. 3211124, L. 322251, L. 38441 et L. 38442
du code de la santé publique)
Contrôle des mesures d’isolement et de contention

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Tirant les conséquences de la censure, par le Conseil constitutionnel, de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 au motif qu’il s’agissait d’un « cavalier social », le présent article reprend le dispositif que prévoyait cet article 41 sur le contrôle des mesures d’isolement et de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement, pour instaurer un mécanisme de saisine systématique du juge judiciaire.

Sans lien avec la situation sanitaire liée à la pandémie de covid‑19, cet article vise à assurer la sécurité juridique nécessaire au bon fonctionnement des établissements qui pratiquent des soins sans consentement en comblant le vide juridique né de la censure constitutionnelle, et en rétablissant le dispositif adopté par le Parlement en décembre 2021.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 41 de la LFSS pour 2022 prévoyait, dans le cadre du contrôle des mesures d’isolement et de contention, une intervention systématique du juge des libertés et de la détention pour tirer les conséquences de la censure, pour ce motif, du dispositif qu’avait introduit l’article 84 de la LFSS pour 2021.

Cet article 41 a été censuré pour un motif de procédure par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021‑832 DC du 16 décembre 2021.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement du rapporteur clarifiant les modalités d’informations des proches du patient par le médecin.

Le présent article inscrit dans le présent projet de loi le dispositif prévu à l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 (article 28 du projet de loi) censuré par le Conseil constitutionnel pour un motif de procédure. Pour une présentation complète du dispositif et du cadre juridique dans lequel il s’inscrit, il est renvoyé aux commentaires de première et nouvelle lectures de l’article 28 du PLFSS pour 2022 ([45]) ; seuls les principaux éléments seront mentionnés dans le présent commentaire.

1.   L’état du droit

La mise à l’isolement et la contention, prévues à l’article L. 3222‑5‑1 du code de la santé publique (CSP), sont des mesures constitutives d’une privation de liberté soumises, dès lors, à l’encadrement consacré à l’article 66 de la Constitution ([46]). Pour mémoire, l’isolement est le fait de placer une personne hospitalisée dans une chambre fermée, et la contention consiste à immobiliser cette personne (contention manuelle, mécanique ou chimique, cette dernière reposant sur la prise de médicaments).

a.   La censure en 2020 des modalités d’isolement et de contention prévues par la loi du 26 janvier 2016

Dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ([47]), l’article L. 3222‑5‑1 du CSP prévoyait que ces mesures, qui sont des pratiques de dernier recours dans les établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement, visent à prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, et ne peuvent être mises en œuvre que de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, après évaluation du patient.

Dans une décision rendue le 19 juin 2020 ([48]), le Conseil constitutionnel a censuré l’article L. 3222‑5‑1 du CSP aux motifs :

– qu’aucune durée maximale d’isolement ou de contention n’était prévue par la loi ;

– que le contrôle par le juge judiciaire (en l’occurrence, le juge des libertés et de la détention – JLD) n’était pas pleinement assuré.

Les effets de cette censure ont été différés au 31 décembre 2020.

b.   La censure du dispositif prévu par la LFSS pour 2021

● À la suite de cette censure, le législateur est intervenu pour modifier l’article L. 3222‑5‑1 du CSP à travers l’article 84 de la LFSS pour 2021 ([49]).

Aux termes du II de cet article L. 3222‑5‑1, la mesure d’isolement ou de contention ne pouvait être prise par un médecin psychiatre que pour une durée limitée susceptible d’être renouvelée, dans la limite respective de quarante‑huit et vingt‑quatre heures.

Dans des cas exceptionnels, la mesure pouvait être prolongée, à charge pour le médecin d’en informer, notamment, le JLD qui pouvait se saisir d’office pour mettre un terme à la mesure.

● Ces dispositions ont, elles aussi, été censurées par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 4 juin 2021 ([50]), en raison de l’absence d’intervention systématique du juge judiciaire, et ce malgré l’information de ce dernier et la faculté d’autosaisine lui étant reconnue.

c.   Le nouveau dispositif prévu par la LFSS pour 2022 et sa censure pour motif procédural

● Tirant les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel, le PLFSS pour 2022, par son article 28, a prévu un dispositif en deux temps :

– au delà de quarante‑huit heures pour la mise à l’isolement et de vingt‑quatre heures pour la contention, les mesures peuvent être renouvelées sous réserve d’en informer le JLD ;

– au delà de soixante-douze heures pour la mise à l’isolement et de quarante‑huit heures pour la contention, le JLD doit systématiquement intervenir, en étant saisi par le directeur de l’établissement avant l’expiration de cette période. Par ailleurs, au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de ce dernier doit être informé, par le médecin, du renouvellement des mesures, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Des modalités particulières ont été prévues pour renforcer l’encadrement de ces mesures, notamment s’agissant de leur cumul dans le temps, tandis que des aménagements ont été introduits aux articles L. 3211‑12 et L. 3211‑12‑2 s’agissant de la procédure judiciaire.

Il est renvoyé au commentaire de première lecture du PLFSS pour 2022 pour une présentation détaillée de ce dispositif ([51]).

● L’article 28 du PLFSS pour 2022, devenu article 41 de la loi définitivement adoptée par le Parlement, a lui aussi été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 décembre 2021 relative au PLFSS pour 2022 ([52]).

Cependant, à la différence des précédentes censures, celle-ci ne reposait pas sur des considérations de fond mais sur des motifs de procédure : le dispositif proposé a été jugé comme constituant un « cavalier social » n’ayant pas sa place dans une LFSS.

Cette nature cavalière avait au demeurant été relevée tant par le Rapporteur général de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale que par la Rapporteure générale de celle du Sénat, qui avait d’ailleurs supprimé pour ce motif l’article. Ce dernier avait été rétabli en nouvelle lecture par l’Assemblée, en raison de l’urgence attachée à l’adoption des dispositions proposées.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article se borne à reprendre le dispositif adopté par le Parlement en décembre 2021 et prévu à l’article 41 de la LFSS pour 2022, eu égard à l’impérieuse nécessité de disposer d’un cadre juridique clair et constitutionnellement robuste en matière d’isolement et de contention, prévoyant ainsi, notamment, l’intervention systématique du JLD dans la lignée de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2021.

Il ne s’écarte de l’article 41 précité que sur un point, relatif aux personnes que le médecin doit informer du renouvellement des mesures d’isolement ou de contention, en ajoutant l’information à titre prioritaire du conjoint ou du concubin du patient ou de la personne avec laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité (cette personne, quand elle existe, étant en principe la plus proche du patient). Pour mémoire, et ainsi qu’il a été vu, l’article 41 de la LFSS pour 2022, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale et adoptée par le Parlement, prévoyait que le médecin devait informer au moins un membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient, dès lors qu’une telle personne est identifiée, et précisait que cette information doit s’inscrire dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. L’ajout prévu par le dispositif proposé fait écho aux préconisations formulées par le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans autre modification qu’une clarification proposée par le rapporteur s’agissant de l’information par le médecin des proches du patient, afin de mieux articuler la priorité d’information du conjoint, concubin ou partenaire, et le respect de la volonté du patient lorsque ce dernier souhaite qu’une autre personne soit informée.

 

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   compte rendu des débats

Lors de ses réunions du mercredi 29 décembre 2021, la Commission auditionne M. Olivier Véran, ministre de Solidarités et de la santé, et examine les articles du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (n° 4857) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

Première réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 14 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/qAwKrl

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinons le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Présenté en conseil des ministres le lundi 27 décembre, ce texte sera examiné en séance publique lundi 3 janvier.

Avant d’entendre le ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran, de poursuivre par la discussion générale et l’examen des 250 amendements, je veux vous faire part de certains faits. Vous avez tous reçu des mails ou des lettres de menace, indiquant que votre vote pourrait entraîner des conséquences gravissimes. Je vous lis quelques lignes qui m’ont été adressées aujourd’hui : « Votre vie de collaborateur marionnette est menacée par d’autres personnes. Cependant, il faut que je vous avertisse de cette information. Si vous ne votez pas non au texte, toute la France se souviendra de l’Assemblée nationale comme d’un gigantesque bain de sang où ″ giseront ″ les corps qui pensaient nous gouverner. Ma menace est sérieuse car les actes suivront avec les outils. »

Le garage de l’un de nos collègues a été incendié cette nuit. Des murs ont été taggués : « Votez non, ça va péter ! ».

Je voudrais que nous dénoncions ensemble ces agissements. Nous sommes la représentation nationale et nous avons été élus par les Français. Nous sommes là pour débattre, exprimer des opinions parfois très opposées mais dans le respect de chacun. Ces menaces et ces intimidations n’ont pas leur place dans notre République. Les opinions s’expriment librement dans une démocratie.

M. Jean-Pierre Pont sera notre rapporteur pour ce texte et M. Philippe Gosselin sera rapporteur d’application pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Nous devons en effet condamner toute forme de menace qui pourrait s’exercer verbalement ou physiquement à l’encontre des représentants de la nation. Vous imaginez bien qu’en tant que ministre, je ne suis pas épargné mais je sais pourquoi je suis là, vous aussi. Les intimidations n’ont pas de prise sur nous car nous servons l’intérêt général, à notre manière. Nos opinions peuvent converger ou diverger mais au fond, c’est ce qui nous mobilise, nous fait nous lever le matin et nous rend fiers de nos journées quand le moment de nous reposer est enfin arrivé.

Me voilà à nouveau devant vous puisque ce texte est le douzième qui traite de la gestion de la crise sanitaire. Ce nombre signifie d’abord que la démocratie française est l’une des plus vivantes car aucun pays autour de nous n’a eu à solliciter douze fois ses instances représentatives pour trouver un consensus républicain. C’est un choix que nous avons fait très tôt en France. Nous aurions pu fonctionner grâce à des arrêtés successifs ou des signatures ministérielles, mais nous avons préféré nous en référer à l’avis de la représentation nationale, à celui du Conseil d’État et du Conseil Constitutionnel, parce que les mesures contenues dans ces textes sont inhabituelles, voire inédites. Elles nous permettent en effet de faire face à une menace elle-même inhabituelle et inédite.

Lors de ma précédente audition, le 15 décembre, je vous avais présenté en détail les mesures prises depuis octobre pour répondre à l’évolution de l’épidémie ainsi que la forte progression de la campagne de vaccination, notamment celle de rappel. Je vous avais également fait part de mes inquiétudes quant à l’évolution de la situation sanitaire. Malheureusement, ces inquiétudes se sont révélées fondées : la circulation du virus s’est accélérée et le variant omicron s’est diffusé très rapidement. Lors de l’examen du précédent texte, nous avons débattu de l’opportunité de maintenir ou non la capacité pour le Gouvernement de prendre toute mesure utile pour gérer la crise sanitaire au-delà de février. Nous sommes désormais très loin de ces débats. Je n’y reviendrai pas.

Nous faisons face à deux ennemis. Le premier, le variant delta, que nous connaissons bien, est à l’origine d’une vague importante qui est montée à plusieurs dizaines de milliers de cas dans notre pays et dont les conséquences sanitaires – hospitalisations et admissions en réanimation – continuent à s’aggraver. Ce variant n’a pas dit son dernier mot. Il diminue dans certaines régions mais il continue à augmenter légèrement dans d’autres ou à se stabiliser à un niveau élevé. On en parle moins, sans doute parce que l’on s’y habitue, mais nous devons continuer à le combattre, le plus efficacement possible.

Notre deuxième ennemi est le variant omicron, à propos duquel je ne parle même pas de vague : j’ai pu évoquer une lame de fond, quand l’accumulation de plusieurs vagues finit par donner naissance à une seule, beaucoup plus forte, mais les chiffres que nous enregistrons depuis quelques jours font plutôt penser à un raz-de-marée. Ceux que publiera ce soir Santé publique France donnent le vertige. Ils montrent la hausse continue du nombre de contaminations dans notre pays : 208 000 Français ont été diagnostiqués positifs au covid au cours des vingt-quatre dernières heures. Cela signifie que vingt-quatre heures sur vingt-quatre, jour et nuit, toutes les secondes, plus de deux Français sont diagnostiqués positifs au coronavirus. Nous n’avons jamais connu une telle situation. Il y en a partout, dans tous les territoires, dans tous les milieux. Le virus circule très rapidement.

Nous devrions dénombrer, ce soir, un million de Français diagnostiqués positifs au coronavirus, auxquels il faut ajouter les personnes asymptomatiques qui ne sont pas testées. Si l’on compte entre trois et cinq cas contacts par personne, 10 % de la population française est cas contact en ce moment. Cela atteste de la vitesse de circulation de ce variant, qui est beaucoup plus contagieux. Mes homologues européens dressent le même constat : le nombre de cas double tous les deux ou trois jours. Les risques de recontamination sont accrus. Les chiffres en témoignent : plus de 10 000 personnes positives au covid l’avaient déjà été à une autre version de ce virus. Chaque jour, plusieurs dizaines de milliers de Français contractent une nouvelle forme, plus ou moins sévère, de covid. Il touche toutes les classes d’âge même s’il est plus répandu chez les moins de 60 ans, du fait des liens sociaux plus importants. Cependant, le vaccin est efficace après trois doses. Quand on est à jour de son rappel, le risque de développer une forme grave diminue de plus de 90 %, y compris face à omicron.

L’impact hospitalier est la donnée que nous observons tous. Nous avons peu de recul car le variant est récent. Les données les plus fiables dont nous disposons proviennent de l’Angleterre qui a entre huit et dix jours d’avance sur nous par rapport à l’épidémie. Ceux publiés hier soir révèlent que les hospitalisations ont augmenté de 49 % en une semaine. La situation s’accélère mais sans corrélation avec l’augmentation de la circulation du virus. Nous aurions pu nous attendre, en raison du nombre de cas enregistrés en Angleterre, à une hausse beaucoup plus forte des hospitalisations, ce qui aurait sans doute été le cas avec le variant delta. Cela étant, le chiffre n’est pas anodin pour des hôpitaux déjà fatigués et qui font face au début d’une épidémie de grippe, probablement forte cette année. Plus de 10 millions de doses de vaccin contre la grippe sont encore en stock, ce qui signifie qu’un grand nombre de Français, bien qu’appelés à se faire vacciner contre la grippe, ne l’ont pas été. Cette situation aura des conséquences pour l’hôpital. Ainsi, l’épidémie de bronchiolite a été particulièrement virulente cette année.

L’impact hospitalier de l’omicron n’est pas encore visible en France mais il ne saurait tarder et ce facteur sera déterminant. Mes homologues européens observent de très près, eux aussi, la courbe des hospitalisations. Plus de 100 000 cas par jour sont à déplorer en Espagne. L’Italie, épargnée par le variant delta, connaît près de 100 000 nouveaux cas par jour. Le nombre des nouvelles contaminations est affolant en Angleterre. Les données les plus solides sont, là encore, publiées par les Anglais. Le nombre d’hospitalisations baisserait de 50 à 70 % avec le variant omicron. Elles seraient plus courtes, les besoins en oxygénothérapie moins importants, les situations nécessitant une intubation orotrachéale en réanimation avec plongée dans le coma, moins nombreuses. C’est bien, mais si le variant est beaucoup plus contagieux, les conséquences s’en feront tout de même ressentir pour l’hôpital.

Je m’adresse à ceux qui nous regardent et qui ne seraient pas vaccinés. Je ne vous le dis pas comme une menace car je suis ministre mais aussi médecin et j’ai de l’empathie pour toutes les personnes, que je traite de la même manière, sans distinction : il y a peu de chances pour que vous passiez, cette fois, entre les gouttes. La circulation du virus est trop forte et les personnes les plus enclines à attraper le virus, à développer des formes symptomatiques et graves, sont celles qui ne sont pas vaccinées. Je le dis avec solennité, aux personnes qui ne sont pas vaccinées mais aussi à celles fragilisées par leur âge ou leur état de santé, qui n’auraient pas encore bénéficié du rappel : protégez-vous durant cette période, ne prenez pas de risque, évitez les contacts sociaux trop rapprochés et trop nombreux. Le virus circule beaucoup.

Aurons-nous un raz-de-marée massif et rapide ? Nous verrons. Les premiers signes de ralentissement de la croissance épidémique apparaissent du côté londonien où le temps de doublement du nombre de cas est passé de tous les deux jours à tous les quatre ou cinq jours. Cette information est cependant encore trop fragile pour que nous émettions une hypothèse de pic. Personne n’en sait rien.

La situation hospitalière, du fait de la vague delta, est préoccupante et met sous tension de nombreuses régions qui ont déclenché les plans blancs. Les hôpitaux franciliens ont lancé une déprogrammation massive à l’issue de l’admission de plusieurs malades cette nuit. Je tiens à votre disposition les chiffres des proportions de patients vaccinés et non vaccinés dans les hôpitaux parisiens de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) : 70 % des patients en réanimation dans les hôpitaux parisiens ne sont pas vaccinés. Sur ceux qui développent des formes graves, malgré les trois doses de vaccin, 80 % sont immunodéprimés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas sensibles, ou du moins pas suffisamment, aux vaccins. Ces chiffres attestent de l’efficacité d’une vaccination à jour, notamment d’une troisième dose. Si l’administration de votre deuxième dose date d’un certain temps, les statistiques montrent que vous n’êtes plus suffisamment protégés, y compris contre le variant omicron. Au contraire, si vous êtes à jour de la troisième dose, le risque est énormément réduit.

Il reste 5 millions de Français non vaccinés, dont 4 millions d’adultes que l’on peut répartir en trois catégories. Certains sont loin de tout, de l’information, du système de santé, assignés à résidence. Nous allons les chercher, par du porte-à-porte, en faisant appel aux médecins, aux pharmaciens, aux infirmiers à domicile, aux CCAS (centres communaux d’action sociale), aux collectivités. Nous nous rendons chez eux pour les convaincre de se protéger. Ce sont des personnes qui, quand on leur parle du vaccin, ne sont ni pour ni contre mais elles n’ont pas les clés de lecture et de compréhension.

D’autres se méfient. Parmi eux, certains nient l’existence même du covid, craignent que le vaccin ne les tue, qu’en tout cas il ne soit pas efficace. C’est un magma de gens qui se sont progressivement enfermés dans une forme de contestation, qui pourrait s’apparenter à du délire. Ils considèrent qu’on leur veut du mal. Des réanimateurs m’ont expliqué que des patients refusaient parfois les soins, arrachaient les masques alors qu’ils étouffaient et avaient besoin d’oxygène. Quand ils sortent des services de réanimation, après avoir échappé de peu à la mort, ils racontent qu’on leur a faussement diagnostiqué un covid pour faire croire à l’existence d’une maladie. Ce sont souvent les mêmes qui vous menacent. Ces personnes-là, ni un passe sanitaire, ni un passe vaccinal, ni une obligation vaccinale, ne les fera changer d’avis.

Enfin, la dernière catégorie de personnes regroupe ceux qui sont plus ou moins indifférents au vaccin. Ce sont souvent des personnes jeunes, qui ne se sentent pas menacées. Beaucoup de leurs proches ont été malades, sans développer de forme grave. Ils ne se sentent pas concernés, veulent continuer à vivre leur vie, n’ont pas le temps, estiment qu’ils n’ont pas suffisamment d’interactions sociales pour risquer de l’attraper. Ils ne veulent pas qu’on les embête avec le vaccin mais si on insiste, ils pourraient l’accepter. Beaucoup d’entre eux se sont adaptés au passe sanitaire, parfois en prenant celui du voisin ou d’un ami, en faisant un test. La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal s’adresse à eux. Désormais, ils doivent comprendre qu’ils ne peuvent rester en dehors de la crise. Les mailles doivent se resserrer pour garantir que les lieux qui reçoivent du public sont indemnes de gens potentiellement contagieux. Il faut à présent se faire vacciner sinon nous ne nous en sortirons pas.

J’en viens aux dispositions du projet de loi. Il a pour objectif de renforcer les outils existants de gestion de la crise sanitaire tout en préservant nos libertés et en garantissant la continuité de la vie du pays contre le risque d’une nouvelle désorganisation de la société. Ce texte répond ainsi à la reprise épidémique d’une manière efficace et graduée, et fait le choix de la science, de la responsabilité, comme nous le faisons depuis le début de la crise sanitaire.

D’autres pays autour de nous, notamment au nord de l’Europe, ont fait d’autres choix, et on me les a maintes fois cités en exemple en m’expliquant qu’ils ne faisaient rien et que tout se passait très bien. Or ce sont des pays qui, désormais, ont fermé les bars et les restaurants, les cinémas, les lieux de culture, et ont limité les déplacements. J’imagine que les parlementaires qui se faisaient un malin plaisir de me rappeler que tel ou tel pays n’avait jamais pris de mesures et s’en sortait très bien ne m’en parleront pas aujourd’hui, mais les Français peuvent regarder ce qui se passe autour d’eux. En France, nous avons des outils solides – le passe sanitaire, un très haut niveau de vaccination – qui nous ont permis jusqu’ici de ne pas rogner les libertés collectives, notamment celles des personnes qui ont fait le choix de se vacciner et de se protéger, elles et les personnes qui les entourent.

En premier lieu, ce texte propose un approfondissement des mesures de protection et transforme le passe sanitaire en passe vaccinal.

Concrètement, à compter du 15 janvier prochain, il sera nécessaire, dès l’âge de 12 ans, de présenter un justificatif vaccinal pour accéder aux activités de loisirs, aux restaurants, aux débits de boissons, aux foires, aux séminaires, aux salons professionnels et aux transports interrégionaux. Pour les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, et sauf en cas d’urgence, nous faisons le choix de maintenir le dispositif actuel du passe sanitaire s’agissant des patients accueillis pour les soins programmés, des accompagnants et des visiteurs. On n’aura donc pas besoin d’un passe vaccinal pour se rendre dans un hôpital ou un EHPAD. Autrement dit, nous n’envisageons évidemment pas d’empêcher l’accès aux soins des personnes non-vaccinées, même si de plus en plus de Français s’interrogent sur ce que la collectivité doit consentir à celles et ceux qui refusent le vaccin.

Par ailleurs, le projet de loi déclare l’état d’urgence sanitaire à La Réunion, dont la situation préoccupante justifie le maintien de mesures de freinage renforcées. Par un décret paru hier, nous avons dès à présent déclaré l’état d’urgence sanitaire dans ce territoire, ainsi qu’en Martinique. Le projet de loi permettra de prendre le relais de ces deux déclarations faites par voie réglementaire.

En second lieu, le texte renforce encore les mesures permettant de lutter contre la fraude. Nous savons combien la pratique des faux passes est non seulement irresponsable mais surtout dangereuse, voire dramatique : certains l’ont malheureusement payé de leur vie. Toute personne habilitée à demander la présentation d’un passe pourra exiger celle d’une pièce d’identité, comme c’était le cas à l’origine, en juin dernier. Les sanctions encourues par un gestionnaire d’établissement pour manquement à l’obligation de contrôle du passe seront également renforcées, de même qu’en cas de fraude.

S’agissant des mesures de quarantaine et d’isolement, objets de l’article 2, nous devons renforcer notre capacité de suivi, parce que l’isolement n’est pas seulement une contrainte, mais aussi la condition de la maîtrise des chaînes de transmission du virus. Les services préfectoraux pourront connaître des données strictement nécessaires à leur mission de contrôle des mesures de quarantaine et d’isolement pour vérifier, en particulier, la réalisation du test demandé à chaque personne concernée en fin de période. Il existe par ailleurs – je l’ai dit en conférence de presse – des travaux d’adaptation de la doctrine d’isolement pour les cas contacts et les cas positifs. Un avis du Haut Conseil de la santé publique sera rendu d’ici au 31 décembre, et j’aurai l’occasion de communiquer à ce sujet à la suite de la publication de cet avis. Avec 10 % de Français cas contacts, vous aurez bien compris qu’on ne peut pas priver notre pays de la continuité du fonctionnement des services publics et privés. Nous avons d’autres moyens de garantir un haut niveau de protection de la population, sans entraîner une paralysie du pays.

Enfin, et c’est un sujet bien distinct de celui de la crise sanitaire, le projet de loi reprend des dispositions que vous aviez votées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la réforme du régime d’isolement et de contention en psychiatrie, pour renforcer l’intervention du juge des libertés et de la détention. Nous tirons les conséquences d’une censure du Conseil constitutionnel, qui ne portait pas sur le fond mais sur la forme : c’était un dispositif qui n’avait rien à faire dans un texte financier, alors qu’il a sa place dans ce projet de loi. Je salue, à cette occasion, l’engagement des professionnels de la santé mentale et de la psychiatrie. Je sais combien ces dispositions, très attendues, sont indispensables pour offrir un cadre juridique solide et stable à des situations très particulières.

Nous aurons l’occasion de revenir d’une manière approfondie sur les différentes mesures que comporte le projet de loi. Ma conviction est que c’est un texte équilibré, proportionné à l’enjeu d’une cinquième vague qui voit partout dans le monde, y compris chez nos voisins, les gouvernements faire le choix de la vigilance, de la prudence et de la protection. Nous suivons une approche graduée, raisonnable, qui fait le pari, pour que la vie continue, qu’il ne faut pas qu’elle s’arrête.

Le Gouvernement a déposé, dès l’examen en commission, quelques amendements que je vais me permettre, par respect pour les parlementaires, de présenter brièvement.

D’abord, nous souhaitons prolonger au-delà du 31 décembre trois dispositifs qui font l’objet de très fortes attentes, notamment la possibilité d’accorder une garantie de financement aux établissements de santé afin d’éviter toute rupture de trésorerie et de sécuriser les financements à l’heure où nous demandons des déprogrammations de soins. Nous voulons également prolonger le dispositif d’indemnisation des pertes d’activité pour les médecins exerçant dans les établissements de santé privés, alors que nous leur demandons de venir prêter main-forte et d’être pleinement mobilisés dans la lutte contre le covid. Il s’agit aussi de prolonger la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie de tous les actes de téléconsultation, qui ont montré leur efficacité – je rappelle que nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine, notamment grâce à la prise en charge à 100 %, qui rend les choses simples.

Nous tirerons aussi, par un amendement de cohérence, les conséquences de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en Martinique, hier, par décret.

Enfin, trois amendements viseront à proroger certaines adaptations techniques et consensuelles adoptées lors des étapes précédentes de la crise sanitaire, notamment en ce qui concerne les règles de réunion des assemblées générales de copropriétaires, afin de tenir compte des conséquences de l’épidémie, qui peuvent faire obstacle à la tenue des réunions. Nous adapterons aussi les règles relatives à la constitution des cours d’assises pour assurer la continuité d’exercice de ces juridictions, et nous prolongerons les conditions d’organisation des examens et des concours de la fonction publique, par parallélisme avec des adaptations déjà prorogées concernant des examens dans l’enseignement supérieur.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ainsi que vient de le rappeler M. le ministre, nous faisons face à une nouvelle vague épidémique d’une rare fulgurance, qui exige la mobilisation de toute la Nation. Cette situation nous impose d’examiner dans des délais contraints ce projet de loi, entre Noël et le jour de l’an.

Je tiens à saluer une nouvelle fois, en cette période particulière, la mobilisation sans faille de nos personnels soignants, qui sont tellement éprouvés depuis le début de la crise mais dont l’engagement demeure total. Grâce à eux et à une campagne de vaccination efficace permettant d’atteindre un taux de couverture vaccinal parmi les plus élevés au monde, notre pays résiste.

Je l’ai déjà dit, et le ministre aussi, mais il faut le répéter encore et encore : il y a neuf fois moins d’entrées en réanimation et neuf fois moins de décès parmi les personnes vaccinées que chez celles qui ne le sont pas. Sans la campagne de vaccination mise en œuvre par le Gouvernement, les conséquences de la double vague des variants delta et omicron auraient été absolument catastrophiques. La vaccination est un outil collectif incontournable pour faire face à un virus qui évolue. Elle doit être combinée avec les autres mesures, en particulier le respect impératif des gestes barrières.

Depuis deux ans, nous utilisons les instruments à notre disposition pour calibrer le mieux possible notre action collective. Face aux virus, aux variants qui se succèdent, notre réponse doit s’adapter en permanence. Il était impossible de prédire en décembre 2019 la situation dans laquelle nous nous trouvons deux années plus tard. La réactivité des pouvoirs publics, la mobilisation collective de la population, qui est exceptionnelle, et naturellement le vaccin et la campagne de rappel en cours nous permettent de tenir. Depuis deux ans, le Parlement légifère, contrôle et évalue l’action du Gouvernement.

Nous devons prolonger nos efforts en faisant évoluer le passe sanitaire en passe vaccinal. Tel est l’objet principal de l’article 1er. Le passe sanitaire a fait ses preuves cet été. Il a permis la reprise, puis le maintien des activités dans le contexte de la quatrième vague. Il a également suscité un élan décisif en faveur de la vaccination. Désormais, sa transformation en passe vaccinal est nécessaire. Il me paraît normal que la liberté préservée des personnes non vaccinées soit assortie de contreparties. J’ai déjà donné des chiffres : ce sont des personnes non vaccinées qui font peser une contrainte excessive sur les capacités hospitalières. En conséquence, il apparaît proportionné de limiter pour ces personnes, dans la sphère publique et sans empêcher l’accès aux biens et services de première nécessité ou urgents, les interactions sociales qui favorisent la propagation du virus.

C’est dans le même esprit de renforcement de nos outils contre le virus que le projet de loi prévoit de modifier les modalités de contrôle des documents sanitaires et de durcir les sanctions en cas de fraude.

S’agissant des contrôles, je sais que certains s’émeuvent de la difficulté de réaliser ce qui pourrait constituer une vérification d’identité. Je rappellerai simplement qu’une telle vérification existe déjà quand il s’agit de payer par chèque, d’entrer dans un casino de jeux, d’embarquer dans un avion ou encore d’acheter des cigarettes ou de l’alcool. Par ailleurs, cette vérification ne constitue nullement un contrôle d’identité au sens strict du code de procédure pénale.

S’agissant des sanctions, la fraude sanitaire doit être plus durement réprimée. Utiliser un passe appartenant à autrui ou transmettre un passe authentique à des fins frauduleuses sera désormais puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, soit 1 500 euros ou 1 000 euros si l’amende est forfaitisée, contre 135 euros aujourd’hui. Par ailleurs, la détention d’un faux passe sera punie comme son usage ou sa procuration, c’est-à-dire de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

J’en viens, brièvement, à l’article 2, qui adapte les systèmes d’information mis en œuvre pour permettre le contrôle du respect de l’obligation de dépistage imposée aux personnes faisant l’objet de mesures de quarantaine ou d’isolement. Il s’agit d’une mesure très circonstanciée et encadrée qui vise notamment à s’assurer que les personnes en provenance d’un pays à risque effectuent bien un test de dépistage à l’issue de leur quarantaine.

Enfin, le projet de loi inclut un article 3 qui n’est pas lié à la crise sanitaire. Il reprend un dispositif qui figurait à l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, adopté il y a quelques semaines par le Parlement mais censuré par le Conseil constitutionnel pour un motif de procédure. Je salue l’initiative du Gouvernement de reprendre ce dispositif, car il est nécessaire à la sécurité juridique des isolements et contentions.

Pour assurer l’adhésion de nos concitoyens aux mesures prévues et pour garantir leur respect, il faut qu’elles soient parfaitement lisibles et compréhensibles. Or, compte tenu de l’évolution du virus, les dispositions juridiques deviennent de plus en plus complexes. Monsieur le ministre, est-il prévu d’élaborer une communication claire, simple et complète pour permettre à tous nos concitoyens d’adhérer à ces nouvelles mesures qui sont indispensables ?

M. Guillaume Gouffier-Cha (LaREM). Mon groupe s’associe, madame la présidente, à votre intervention liminaire. Nous condamnons l’ensemble des actes et des menaces contre les élus et tout particulièrement contre la représentation nationale, dans cette période importante.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler notre soutien à l’ensemble de celles et ceux qui sont engagés en première ligne dans la gestion de la crise, en particulier les personnels soignants, depuis près de deux ans. Nous connaissons leurs efforts et leur engagement pour réussir à surmonter cette crise sanitaire qui dure.

Celle-ci nous amène, une nouvelle fois – une douzième fois –, à nous réussir pour échanger sur les réalités épidémiques, pour débattre et prendre des décisions, en les construisant ensemble, et avec le Gouvernement, pour faire les choix nécessaires afin de tenir un double engagement : protéger l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens, et permettre le maintien du retour à la vie que nous connaissons depuis plusieurs mois. En effet, les mesures qui ont été annoncées dernièrement ne sont en rien un retour à ce que nous avons connu au début de la crise : il n’est pas question de confinement, de couvre-feu, mais d’actions qui doivent nous permettre d’amplifier la campagne vaccinale et de préserver la vie quotidienne de toutes et tous, en renforçant l’ensemble des gestes barrières.

Nous tenons à saluer les décisions qui ont été annoncées, en particulier la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, qui doit nous permettre d’amplifier la campagne vaccinale, à laquelle les Françaises et les Français répondent très largement présents – plus de 91 % des personnes actuellement éligibles à la vaccination sont vaccinées. Il nous reste encore à convaincre un certain nombre de concitoyens, et nous sommes certains que le travail sera fait.

La vaccination ne suffira pas à elle seule. Il faut renforcer les gestes barrières, les outils qui nous permettent de limiter les interactions. À cet égard, les mesures qui ne relèvent pas du cadre législatif mais qui ont été annoncées lundi soir vont dans le bon sens, notamment le renforcement et l’obligation du télétravail, trois à quatre jours par semaine, dans les milieux professionnels. Il faudra aussi renforcer les contrôles et les sanctions envers celles et ceux qui fraudent ou qui produisent les faux permettant à certains de frauder. Sur ce point, nous soutiendrons bien entendu les décisions annoncées lundi.

J’en viens aux questions que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, à la suite des propos que vous avez tenus et afin d’éclairer nos travaux.

Il a été question ces derniers jours d’un élargissement du passe sanitaire au monde de l’entreprise, mais cette décision n’a pas été prise. Pouvez-vous nous expliquer les raisons ? Je rappelle que, dans ces conditions, le télétravail sera rendu obligatoire.

S’agissant des mineurs âgés de 12 à 17 ans, pouvez-vous nous dire comment les règles prévues s’appliqueront et quelles mesures d’accompagnement seront prises ?

Au sujet des outre-mer, il ne faut pas perdre de vue la décision de rétablir l’état d’urgence sanitaire en Martinique et à La Réunion. C’est une mesure lourde qui concerne des territoires où le taux de vaccination est particulièrement bas, beaucoup trop bas : il est d’environ 30 %. Au-delà de la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, quelles sont les mesures prises pour travailler avec nos concitoyennes et nos concitoyens au renforcement de la campagne de vaccination ?

Certains ne sont pas convaincus, actuellement, pour différentes raisons, parce qu’ils sont opposés à la vaccination ou parce qu’ils n’ont pas forcément les informations nécessaires. Quelles sont les mesures qui seront prises pour aller à la rencontre de ces publics et les convaincre de se faire vacciner ?

Je terminerai par des remerciements pour l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale et pour nos collaborateurs en cette période de fêtes de fin d’année.

M. Ian Boucard (LR). Nous sommes réunis une fois encore afin d’examiner un texte traitant de l’état d’urgence sanitaire. Par ce projet de loi, le Gouvernement souhaite renforcer les outils existant déjà pour la gestion de la crise, en substituant au passe sanitaire, en vigueur depuis le mois d’août, un passe vaccinal. Celui-ci exclurait de facto la possibilité pour les non-vaccinés de se faire tester afin d’accéder aux activités dites de loisirs. Le texte entend également renforcer les mesures permettant de lutter contre la fraude.

Cet arsenal de mesures est pris, selon vos mots, pour protéger la population sans devoir recourir à des mesures de restriction généralisées, dans un contexte où la vaccination est l’outil permettant de lutter durablement contre le virus. Nous partageons avec vous la nécessité de tout faire pour éviter un nouveau confinement et un nouveau couvre-feu.

Vous le savez, monsieur le ministre, ce texte et sa mesure phare, le passe vaccinal, ne sont pas sans poser quelques questions à nombre de nos concitoyens. Il y a tout d’abord les antivaccins, que vous n’arriverez pas, que nous n’arriverons pas, à convaincre. Ceux qui sont radicalement opposés au vaccin ne seront pas plus convaincus par le passe vaccinal qu’ils ne l’étaient par le passe sanitaire. Mais il y a aussi beaucoup de Français, vaccinés, qui se posent des questions sur l’accumulation des mesures prises par le Gouvernement et sur les contraintes qui s’ajoutent les unes aux autres.

Il faut dire qu’il y a beaucoup à redire sur la gestion de la crise par le Gouvernement. Chacune et chacun a en tête votre échec concernant les masques au début de l’épidémie et la communication ridicule de la porte-parole de cette époque. Chacun a aussi en tête le retard du Gouvernement pour les tests et pour la campagne de vaccination au début de cette année. Chaque fois, les problèmes ont été réglés par la forte mobilisation de nos collectivités territoriales, qu’il s’agisse des régions, des départements ou des communes, et des services déconcentrés de l’État, en particulier les préfets. Quant à la vaccination, il faut reconnaître que le retard a été rattrapé et que l’organisation mise en place a désormais trouvé, avec efficacité, sa vitesse de croisière.

Chacun a également en tête vos grandes opérations de communication, qui ne mènent à rien, et vos grandes déclarations, qui ne débouchent sur rien. Le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé à de multiples reprises des augmentations du nombre de lits de réanimation qui ne sont pas intervenues alors qu’elles sont nécessaires. Encore cette semaine, vous avez péché par excès de communication : après avoir tenu les Français en haleine tout le week-end de Noël, après avoir laissé filtrer la possibilité d’un couvre-feu pour la Saint-Sylvestre, après avoir évoqué un passe vaccinal renforcé par des tests pour certains événements, après avoir réuni un Conseil de défense et un Conseil des ministres extraordinaire, le Premier ministre a finalement pris la parole lundi soir. Toute cette mise en scène, toute cette tension dramatique que vous avez vous-mêmes entretenue, a donc débouché sur l’interdiction de manger un sandwich dans le train, de consommer du pop-corn au cinéma et de boire son café debout : tout ça pour ça…

Si on ajoute le retour des fameuses jauges, qui ne sont pas proportionnées à la taille des enceintes, ces nouvelles mesures sont perçues à juste titre par les Français comme, au mieux, non adaptées à la situation ou, au pire, comme des annonces ridicules qui auraient pu faire l’objet d’un simple communiqué de presse. Cet excès de communication est votre péché mignon. Cela pourrait relever de l’anecdote si cela n’entravait pas la bonne gestion de la crise sanitaire et si cela ne jetait pas le doute sur l’efficacité de l’action publique et sur la nécessité d’appliquer les mesures de distanciation sociale et de poursuivre l’effort vaccinal.

Mais après avoir fait le bilan de cette gestion, il faut nous prononcer sur le contenu de ce projet de loi et sur sa capacité à mieux protéger les Français et à aider les soignants à lutter contre l’épidémie. La tentation est grande de transformer le vote qui aura lieu lundi en référendum sur votre gestion de crise – et le choix serait alors facile. Mais nous ne le ferons pas, car la situation sanitaire exige de la responsabilité.

Les membres du groupe Les Républicains sont de fervents défenseurs de la vaccination. Nous vous demandions dès 2020 de grands efforts de recherche pour trouver le vaccin. Dès son arrivée, nous revendiquions un déploiement massif des doses pour protéger le plus rapidement possible d’abord les publics à risque, puis l’ensemble des Français – ce qui a été fait. Contrairement à ce qui peut être sous-entendu par certains, la vaccination fonctionne. Certes, elle n’empêche pas totalement d’être contaminé ou de transmettre le virus, mais elle réduit considérablement le risque d’être hospitalisé, d’être admis en réanimation ou de mourir du covid. C’est déjà un bilan extrêmement positif, même s’il faut reconnaître que nous espérions tous pouvoir reprendre immédiatement une vie normale. Nous considérons donc que la vaccination est le meilleur outil pour lutter contre cette épidémie.

En conséquence, nous ne nous opposerons pas au passe vaccinal, qui a vocation à faire avancer la couverture vaccinale, notamment grâce aux doses de rappel. Nous souhaitons cependant que sa mise en place soit jalonnée dans le temps. N’imaginez pas pouvoir maintenir à long terme ces mesures restrictives de liberté.

Je présenterai au nom du groupe LR un certain nombre d’amendements, et j’espère qu’ils seront étudiés avec sérieux par la majorité car la gravité de la crise sanitaire exige d’écouter les propositions de chacun. Nous proposerons de limiter le passe vaccinal aux majeurs, pour ne pas faire peser sur les adolescents des choix qui ne relèvent pas forcément d’eux et qui risquent d’accroître leur isolement – lequel est aussi une question de santé publique. Nous proposerons que le certificat de rétablissement constitue un élément validant de facto le statut vaccinal, la rédaction proposée sur ce point ne semblant pas très précise. Nous sommes opposés à ce qu’un commerçant puisse vérifier l’identité d’un client présentant un passe vaccinal, car ce contrôle relève des forces de l’ordre ; il ne doit pas peser sur les commerçants. Enfin, nous proposons d’expérimenter la vaccination obligatoire des publics risquant le plus de développer une forme grave du covid.

Pour conclure, nous ne nous opposerons pas à la création du passe vaccinal s’il est assorti de clauses de revoyure régulière. Nous souhaitons accompagner sa mise en place par des garde-fous figurant dans des propositions concrètes, dont nous espérons qu’elles seront entendues.

Mme Laurence Vichnievsky (Dem). Je me félicite de l’essentiel des propos qui viennent d’être tenus, qui montrent que nos collègues LR ne s’opposent pas au passe vaccinal. Il faudra discuter de leurs amendements.

Depuis le mois de décembre, nous assistons à une recrudescence soudaine de l’épidémie de covid-19, avec l’arrivée du nouveau variant dont la diffusion est beaucoup plus rapide. La stratégie du Gouvernement est principalement fondée, depuis désormais plus d’un an, sur la vaccination massive de la population. J’insiste sur ce caractère massif pour deux raisons. Tout d’abord, la vaccination s’est révélée très efficace pour protéger de la contamination et, en cas de contamination, pour protéger des formes les plus graves de la maladie. Mais elle ne procure toutefois pas de protection absolue. Il est donc de l’intérêt sanitaire de chacun que tous soient vaccinés. Ensuite, l’ensemble des statistiques concernant les contaminations, les hospitalisations et les décès indiquent que le nombre des vaccinés affectés par le virus est proportionnellement très inférieur à celui des non vaccinés. Plus particulièrement, la vaccination apparaît comme l’outil le plus efficace pour éviter un engorgement des hôpitaux dont les conséquences seraient terribles. Le MODEM soutient pleinement cette stratégie vaccinale.

Pour respecter les libertés individuelles, le Gouvernement a choisi de ne pas imposer l’obligation vaccinale, sauf pour les personnels soignants. Il peut compter sur l’entier soutien de notre parti, qui ne fait toutefois pas de cette question une affaire de principe. La persuasion est préférable à la contrainte ; elle est aussi plus efficace. Mais si la contrainte devait s’avérer nécessaire dans des circonstances de crise aggravée, il faudrait sans doute y réfléchir pour le bien commun.

Le projet de loi contient trois articles. Le premier est le plus important : il transforme le passe sanitaire en passe vaccinal. Ce document permet à chaque personne d’apporter la preuve d’un parcours vaccinal complet pour accéder à l’ensemble des activités qui étaient soumises à la présentation du passe sanitaire. Une exception est toutefois prévue, puisque les accompagnateurs et les visiteurs des personnes hébergées dans les établissements de soins pourront continuer à y accéder en présentant un test négatif – et c’est une bonne chose. Ces dispositions ont un objectif assumé d’incitation à la vaccination. Le taux de vaccination est déjà important ; il doit l’être plus encore.

Cet article renforce par ailleurs la lutte contre la fraude sanitaire, en relevant l’échelle des sanctions applicables et en permettant aux personnes chargées de contrôler la présentation du passe vaccinal de vérifier l’identité de son détenteur, en cas de doute. Je ne partage pas l’appréciation de mes collègues LR : il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité, mais d’une vérification – et la différence est grande quand on sait les effets qui s’attachent au contrôle d’identité. On peut effectuer un parallèle avec la vérification d’identité effectuée pour empêcher la vente d’alcool aux mineurs. Le contrôle de l’authenticité des justificatifs est un enjeu de santé publique et on ne peut reprocher à cette disposition d’être disproportionnée.

L’article 2, plus technique, étend les finalités des systèmes d’information mis en œuvre pour suivre l’épidémie de covid-19 au suivi et au contrôle des mesures de quarantaine et de placement à l’isolement. Il était susceptible de nous inquiéter a priori, puisqu’il permet aux services préfectoraux de recevoir également ces informations – il est vrai dans la limite de ce qui est strictement nécessaire. Mais, compte tenu de la précision apportée par le projet de loi à la suite de l’avis du Conseil d’État – avec désormais la référence au contrôle du respect de l’obligation de dépistage imposée aux personnes faisant l’objet de mesures d’isolement et de quarantaine –, ces dispositions n’appellent pas d’observation particulière de la part de notre groupe, qui les soutient.

Le dernier article ne concerne pas la gestion de la crise sanitaire. Nous devons nous féliciter qu’il prévoie un contrôle systématique par le JLD de la prolongation des mesures d’isolement et de contrainte, au-delà d’une certaine durée déterminée par la loi.

Le MODEM apportera son plein et entier soutien à ce projet de loi, donnant acte au Gouvernement de sa gestion à la fois efficace, pragmatique et proportionnée d’une épidémie évolutive et à bien des égards inédite dans l’histoire de la santé publique.

Monsieur le ministre, avez-vous dès maintenant préparé des procédures particulières pour que les élections d’avril et de juin 2022 puissent se tenir aux dates prévues sans risque majeur pour les Français en cas de vague de l’épidémie à ce moment ?

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’article 3 modifie le code de la santé publique, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il conforte le rôle du JLD dans les mesures de contention et d’isolement dans les hôpitaux psychiatriques. Il ne s’agit donc pas seulement de tenir compte d’une censure par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure parlementaire, mais bien de répondre à une exigence sur le rôle du juge. En cela, cet article est important.

S’agissant des autres dispositions, nous ferons plusieurs observations.

Près de 90 % de la population éligible à la vaccination dispose d’un schéma vaccinal complet. Ce taux cache d’importantes disparités territoriales. Il reste 10 % de personnes qui ne s’inscrivent pas dans un chemin vaccinal, soit cinq millions de Français, dont quatre millions d’adultes. La frilosité envers les vaccins à ARN messager est toujours là. On n’a pas constaté une augmentation significative des primo-vaccinés à la suite de la dernière intervention du Président de la République, malgré la déferlante du variant omicron. Cette résistance se cristallise autour d’arguments qui méritent d’être davantage discutés, et le projet de loi ne traite pas de cette fracture dont nous ne voulons pas dans notre société. Les non vaccinés ne sont pas nos ennemis.

Les neuf millions de personnes qui n’ont plus de médecin référent et qui renoncent aux soins s’inscrivent très certainement pour partie dans cette frange de la population rétive à un vaccin : le professionnel de santé n’est plus là pour donner en confiance les motifs scientifiques qui peuvent emporter l’adhésion. Beaucoup attendent le vaccin Novavax ou Valneva, distinct du vaccin à ARN. Que pouvez-vous nous en dire, monsieur le ministre ? Que pouvez-vous nous dire aussi des campagnes de rappel qui confortent le doute de certains sur l’efficacité des vaccins actuels, avec un rappel tous les trois mois ?

Pour mon groupe, le vaccin reste un outil essentiel de lutte contre cette pandémie. Nous l’avons toujours défendu pour des motifs scientifiques – sans trouver de raison de le mettre en doute. Son efficacité pour limiter la contagion et la gravité de l’état de santé des personnes contaminées est vérifiée par les scientifiques – trois doses de vaccin protégeraient de l’infection à 75 % contre les formes sévères. C’est aussi une question de solidarité envers les malades souffrant d’un cancer, victimes d’un infarctus ou d’un accident. Il s’agit de morale individuelle mais aussi d’un devoir moral pour les pouvoirs publics, lesquels doivent préserver l’accès aux soins des plus fragiles. Le vaccin aide à gérer les flux dans les hôpitaux, au bénéfice des malades et des professionnels de santé – et ce, quelle que soit l’analyse critique que nous pouvons faire de la politique de santé publique hospitalière. Il apparaît par ailleurs que les personnes non vaccinées constituent une petite minorité des cas graves hospitalisés. Le vaccin permet aussi de limiter les risques d’apparition de nouveaux variants.

L’instauration du passe vaccinal doit toutefois s’accompagner d’un travail d’explication. L’imposition de nouvelles règles sera contre-productive si elle n’est pas complétée par un respect accru des gestes barrières, et nous regrettons que le projet de loi ne le dise pas de manière plus claire.

Le nombre de passes sanitaires reposant sur un test négatif est introuvable sur internet. Pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, la part de la population – qui n’a pas envie de s’isoler de toute vie sociale mais qui ne s’est pas encore engagée pas dans une démarche vaccinale – qui va perdre son passe sanitaire à partir du 15 janvier ?

La lutte contre la fraude relève des pouvoirs publics et l’arsenal pénal doit être à la hauteur. Selon nous, il existe déjà. Les restaurateurs, les organisateurs de foires et l’ensemble des professionnels concernés ont suffisamment à faire en se faisant présenter le passe vaccinal par leurs clients. Nous nous opposerons à la mesure qui leur impose de se substituer aux forces de l’ordre et de contrôler l’identité en cas de doute. Outre le fait que cette notion de doute est difficile à appliquer, ce n’est pas leur rôle. Faire face aux litiges potentiels requiert une formation – c’est celle dont disposent les officiers de police judiciaire.

Deux remarques en conclusion.

Premièrement, si les mesures en faveur de la vaccination vont dans le bon sens, elles sont tardives et on peut craindre qu’elles soient insuffisantes. L’instauration d’un couvre-feu le 31 décembre méritait par exemple d’être envisagée plus sérieusement, lorsqu’on sait qu’un jeune sur trente à Paris est testé positif, soit un taux d’incidence de 3 000 pour 100 000.

Deuxièmement, la pandémie exige une réponse mondiale qui passe par la levée des brevets et par l’accès facilité au vaccin pour l’ensemble de la population. Le Président de la République a fait part de sa volonté d’y travailler aux côtés de Joe Biden, il y a plus d’un an. Cela suppose aussi un volet européen, avec l’action des États en faveur de la vaccination la plus large possible au niveau mondial, qui constitue notre salut commun.

Mme Alexandra Louis (Agir ens). Nous devons faire face à deux vagues qui se télescopent : la cinquième vague avec le variant delta et la nouvelle vague avec le variant omicron. La vitesse de propagation du virus est inédite. Le seuil symbolique des 100 000 cas quotidiens a été franchi le 24 décembre, soit un niveau jamais atteint depuis le début de la pandémie. Les chiffres sont édifiants : le taux d’incidence à l’échelle nationale est au plus haut, avec presque 730 cas pour 100 000 habitants. Les personnes actuellement hospitalisées ou atteintes de formes graves sont en majeure partie non vaccinées. Les malades vaccinés développant des formes graves sont rares et, lorsque c’est le cas, sont également atteints de comorbidité. À Marseille les cas de variant delta s’accumulent dans les services de réanimation et les premiers cas du variant omicron arrivent, au point que les soignants ont été contraints de procéder à des évacuations sanitaires et à l’ouverture de nouveaux services. À leur grand désespoir, les médecins témoignent que la majeure partie des patients ne dispose pas d’un schéma vaccinal complet, particulièrement lorsqu’il s’agit du variant delta. La meilleure des armes contre la pandémie reste évidemment la vaccination.

Aussi la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal doit-elle permettre de limiter la propagation de l’épidémie et d’en amoindrir les conséquences, dans un cadre légal dont nous allons discuter. Ce projet de loi durcit également les sanctions contre la fraude sanitaire. Le groupe Agir ensemble soutient bien entendu cette démarche. Après deux ans de crise sanitaire, il n’est pas acceptable que la majorité de la population fasse des efforts, tandis que d’autres se jouent de l’intérêt général, et surtout de la santé publique. En tant que citoyens, nous avons des droits et des libertés, mais également le devoir de protéger les autres – et a minima de respecter les règles.

Avec l’article 2, le Gouvernement propose d’ajouter aux missions du système d’information national de dépistage populationnel pour le covid-19, le SI-DEP, le suivi et le contrôle du respect du placement en quarantaine ou à l’isolement. Les services préfectoraux pourront ainsi recevoir les données nécessaires à l’exercice de leurs missions en la matière. Lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions sanitaires, en octobre dernier, le groupe Agir ensemble avait fait adopter un amendement permettant de renforcer le niveau de sécurité de ce système d’information. Grâce à cette disposition, le respect de mesures de sécurité de haut niveau et le recours aux seuls prestataires les garantissant ont été rendus obligatoires pour les laboratoires et les officines alimentant automatiquement le SI-DEP, sous peine de sanctions. Les systèmes d’information ont un rôle central dans la construction d’une stratégie efficace de lutte contre l’épidémie.

Enfin, sur un tout autre sujet, l’article 3 tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 juin 2021 relative au contrôle des mesures d’isolement et de contention, dans le cas de soins psychiatriques sans consentement. C’est évidemment un progrès. L’instauration d’un mécanisme de saisine systématique du juge judiciaire est nécessaire. L’étude d’impact, souligne que la mise en œuvre de cette mesure engendrera un certain nombre de charges nouvelles sur les personnels des services judiciaires, susceptible de se traduire au niveau national par des besoins en effectifs globaux, s’agissant notamment des magistrats.

Je termine par trois questions.

Le projet de loi prévoit que, par dérogation, la présentation d’un certificat de rétablissement pourrait être acceptée dans le cadre du nouveau passe vaccinal. Les modalités seraient déterminées par un décret du Premier ministre. Pourriez-vous expliquer comment le Gouvernement compte organiser la mise en place de cette dérogation ?

Il est également prévu la possibilité de recourir à un « super passe », cumulant passe vaccinal et résultat négatif d’un test. Dans quelles situations pourrait-il être exigé ?

Le projet de loi resserre les critères permettant de s’exempter d’un passe, avec des conditions beaucoup plus restrictives. Pouvez-vous préciser comment cela va se traduire en pratique, et nous rassurer quant au fait qu’il n’y aura pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ?

En tout état de cause, le groupe Agir ensemble votera pour ce texte avec responsabilité.

M. Michel Zumkeller (UDI-I). En introduction, je souhaite rappeler qu’avec mes collègues du groupe UDI et indépendants nous avons toujours fait de la sécurité sanitaire de nos concitoyens une priorité. C’est pour cette raison que nous avons été les premiers à interroger le Gouvernement, en janvier 2020, sur la gravité de ce virus qui venait de Chine. Nous avons été les premiers, en juin 2020, à vous parler de vaccination massive. Les premiers, en septembre 2020, à donner l’alerte sur les conséquences du covid long et les premiers, en décembre 2020, à proposer la mise en place d’un passe sanitaire.

Nous souhaitons vous interroger sur quelques points précis de ce texte, afin d’être certains que ce qu’il propose va dans le bon sens.

La contagiosité du variant omicron est connue. Vous l’avez répété et avez même parlé de raz-de-marée, ce qui n’est pas rien. Mais différentes études sud-africaines, danoises ou anglaises font état d’un virus dont les symptômes seraient peu graves – en tout cas, on le souhaite. Avez-vous davantage de précisions à ce sujet ?

Ensuite, s’agissant de la méthode choisie pour l’évaluation des effets du virus, nous ne sommes pas persuadés que le taux d’incidence pour 100 000 habitants soit la seule bonne référence. Il peut en effet varier en fonction du nombre de tests réalisés quotidiennement. Nous souhaitons donc que soit prise en compte la positivité des tests parmi les critères de suivi. Où en sommes-nous de ce point de vue ? J’imagine que l’on se situe entre 5 et 10 %, voire au-dessus de 10 %.

La vaccination a été ouverte aux moins de 12 ans, et c’est très bien, et les plus de 18 ans sont éligibles à la troisième dose. Mais de nombreux parents s’interrogent au sujet des 12-17 ans. Doivent-ils recevoir une troisième dose de rappel ?

À ce stade de la pandémie, la question de la stratégie du tout vaccinal est également posée. Nous sommes favorables à la vaccination, mais il ne s’agit plus de savoir s’il faut convaincre la majorité de la population de recourir au vaccin. Elle est très largement convaincue et le succès de la troisième dose le montre. Mais cela n’est manifestement pas suffisant et nous ne pouvons pas faire l’économie d’un véritable débat sur l’équipement des espaces collectifs – avec par exemple les capteurs de CO2 – et sur les moyens mis en œuvre pour trouver un traitement. Ce dernier sujet a complètement disparu de votre communication. Nous aimerions en savoir plus, car comme l’a très justement rappelé cette semaine le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aucun pays ne pourra se sortir de la pandémie seulement à coup de doses de rappel.

Nous sommes également très dubitatifs en ce qui concerne la possibilité pour les professionnels de la restauration ou de la culture de pouvoir contrôler l’identité des détenteurs de passe vaccinal. Ce contrôle d’un citoyen par un autre citoyen est assez inédit, tant par ses modalités de mise en œuvre que par ses conséquences potentielles.

Une autre mesure requiert particulièrement notre attention : la possibilité de cumuler deux justificatifs. En l’espèce, tout est problématique. D’abord, les lieux concernés seront déterminés par décret. Surtout, la mesure est contraire à l’esprit du Gouvernement : alors que celui-ci nous indique ne pas vouloir mettre le pays à l’arrêt, elle rendra impossible l’accès à de nombreux lieux pour une bonne partie de nos concitoyens. Par exemple, comment faire un test chaque jour pour aller prendre son café ?

À ce stade, ce texte suscite nombre de questions et, surtout, d’incompréhensions. Si le variant omicron est si contagieux, voire dangereux, pourquoi refusez-vous de reporter la rentrée scolaire ? Pourquoi envisagez-vous en parallèle de réduire le délai d’isolement pour les cas contacts et les personnes touchées par le virus ?

Vous restez donc dans une forme de « en même temps » et dans un discours ambigu, ce qui rend assez difficile, à notre sens, l’établissement de la confiance dont nous avons tant besoin pour mener ensemble le combat contre l’épidémie.

M. Paul Molac (LT). Cette crise dure désormais depuis deux ans, et nous ignorons comment elle évoluera. Cela nous incite à faire preuve d’une certaine humilité et à nous méfier des solutions toutes faites, par exemple de celle de la vaccination, que nous aurions pu espérer plus efficace.

J’ai une pensée pour l’ensemble des acteurs, en particulier les soignants. Je m’inquiète des fermetures de lits dans les hôpitaux, dues à un manque de personnel ; nous avons là un problème structurel. Je salue aussi les personnels administratifs et ceux qui sont chargés de préserver l’hygiène dans les lieux collectifs : ils se sont mobilisés pour assurer la continuité du service au profit de la population.

Je souhaite également souligner le civisme des Français, qui acceptent les contraintes et les mesures qui leur sont imposées pour lutter contre la pandémie. Ce sont non pas des « Gaulois réfractaires », mais des gens responsables.

Nous considérons que la stratégie du tout-vaccinal ne peut constituer la seule réponse, et nous craignons que l’on ne coure à l’échec. La promesse formulée par le Président de la République de ne pas forcer les citoyens à la vaccination fait aujourd’hui place à l’obligation vaccinale. Le consentement éclairé du patient cède devant la contrainte étatique, exercée avec un certain manque de transparence, les décisions étant prises en Conseil de défense sanitaire.

D’après les dernières études de Santé publique France, 81,4 % des Français de plus de 12 ans ont reçu au moins une dose de vaccin. Pourtant, la circulation du virus continue, et même s’accélère avec le variant omicron.

Le présent projet de loi vise à forcer les derniers non-vaccinés irréductibles à se vacciner. Je ne suis pas convaincu que cela réglera le problème. La vaccination n’empêche aucunement la circulation du virus, pas plus que les infections. Cela provoque chez nos concitoyens une certaine lassitude, voire une certaine inquiétude. D’aucuns me disent qu’ils ne recevront pas de troisième dose.

Il s’agit dès lors de trouver une forme de proportionnalité entre le but recherché, à savoir la protection de la population, et les moyens à mettre à mettre en œuvre : campagnes de vaccination, gestes barrières, tests, jauges, fermeture de certains lieux, télétravail, aération des salles de classe, report de la rentrée scolaire… Par ailleurs, où en sommes-nous des médicaments contre le covid ? Peut-on espérer une mise sur le marché relativement rapide ?

Une collègue du groupe LaREM a affirmé ce matin que le passe vaccinal était une nécessité absolue. En est-on à penser que le virus aura totalement disparu dès lors que 100 % de la population sera vaccinée ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) critique les pays occidentaux, qui veulent survacciner leur population au moyen de rappels réguliers. Or ce virus ne connaît pas les frontières, et les variants se développent précisément dans les endroits du monde où la population est très faiblement vaccinée ou n’a pas accès aux vaccins : le variant delta s’est formé en Inde ; le variant omicron, en Afrique du Sud. Pour les pays occidentaux, le meilleur moyen de sortir au plus vite de la crise est non pas de vacciner leur population une troisième ou une quatrième fois, mais de mettre les vaccins à la disposition des milliards de personnes qui n’ont pas même reçu une seule dose. C’est en étant solidaires, et non pas égoïstes, que nous parviendrons à éradiquer le virus. Cela passe notamment par la levée des brevets.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a adressé au Gouvernement plusieurs demandes concernant l’efficacité du passe sanitaire. Le Gouvernement entend-il y répondre ?

Prenons garde de ne pas stigmatiser une partie de la population. Je vous appelle à prendre de la hauteur, à prendre conscience que la contrainte étatique est une illusion. Nous l’avons constaté depuis deux ans, la contrainte n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité. Je ne cherche pas à cet égard de responsable, mais je crois que l’humilité s’impose.

Mme Mathilde Panot (FI). Nous voilà donc convoqués un 29 décembre, entre la bûche de Noël et les vœux du nouvel an, pour avaliser en un temps record votre décision de créer deux catégories de citoyens : d’une part, les Français vaccinés ; d’autre part, les non-vaccinés et les « sans schéma vaccinal complet ». Ces derniers ne pourront plus aller ni au restaurant, ni au cinéma, ni au théâtre, ni au café, ni au club de sport associatif, ou perdront leur travail, purement et simplement. Nous aurions dû y penser en mars 2020, lorsque le président Macron nous avait seriné « nous sommes en guerre ». En effet, pas de guerre sans ennemi, et l’ennemi est tout trouvé : il faut « faire peser la contrainte sur les non-vaccinés », ainsi que l’a répété le Premier ministre. Alors, à bas les non vaccinés !

L’hôpital public est à bout de souffle. Cela n’a bien sûr rien à voir avec la fermeture de 17 900 lits au cours de votre quinquennat, dont 5 700 en 2020, en pleine pandémie ! Cela n’a rien à voir avec les 4 milliards d’euros retirés à l’hôpital public, ni avec les 14 milliards d’économies faites sur le dos de la sécurité sociale, ni avec la souffrance des soignants – ignorés alors qu’ils avaient manifesté, un an avant l’épidémie, pour des moyens humains et financiers ! Non ! Si 20 % de lits supplémentaires – ou 6 %, si vous préférez – ont été fermés faute de soignants, et si, dans le cinquième pays le plus riche au monde, des enfants en situation d’urgence vitale ne peuvent pas être accueillis en service pédiatrique, ce n’est pas la faute du Gouvernement : à bas les non-vaccinés !

Dans les pays à bas revenus, seules 3,9 % des personnes ont reçu une première dose de vaccin. Au total, c’est le cas de moins de 50 % de la population mondiale, ce qui laisse le virus circuler et favorise l’émergence de nouveaux variants. Cela n’a rien à voir avec le fait que Pfizer-BioNTech et Moderna accumulent, chaque seconde, 1 000 dollars de profits. Cela n’a rien à voir avec votre refus, signifié par deux fois, de lever les brevets sur les vaccins. Non : à bas les non-vaccinés !

Les gestes barrières comme le lavage des mains ne peuvent pas être respectés à Mayotte et en Guadeloupe, car l’eau n’arrive pas au robinet. On ne peut plus savoir si l’on est contaminé, car les tests sont payants. Il y a une pénurie généralisée d’autotests. Qu’importe ! À bas les non-vaccinés !

Nous retrouvons la méthode macroniste : l’ennemi, c’est le citoyen, pas l’épidémie. Cette politique est délétère, car vous faites semblant de ne pas voir la différence entre vaccination et passe sanitaire ou vaccinal. La vaccination est un moyen sûr de lutter contre l’épidémie, nous en sommes convaincus. En revanche, les passes n’ont rien de scientifique ; ils sont une manière spécifique de gouverner le pays, en faisant du vaccin un critère d’accès à certains lieux du quotidien. Vous confondez à dessein l’un et l’autre, pour mieux taxer d’obscurantisme toute critique de votre politique. Il importe peu que l’OMS se prononce contre l’obligation vaccinale et nous alerte sur le risque de prolongation de la pandémie du fait de programmes de rappel développés sans discernement, que le conseil scientifique s’interroge sur l’efficacité du passe sanitaire, que la CNIL et la Défenseure des droits demandent des garanties en matière de respect des libertés publiques. Pour La République en marche, science sans contrainte ne serait que ruine de l’âme !

Cette politique est délétère et inefficace, puisque 13 % des plus de 80 ans n’ont pas encore reçu de première dose de vaccin, ce qui place la France dans les derniers pays d’Europe. Il s’agit là non pas de pourfendeurs du vaccin, mais de personnes âgées, dépourvues d’accès à internet et habitant en zone rurale, dans des déserts médicaux. Non, monsieur le ministre, ViteMaDose et Doctolib ne constituent pas des politiques de santé publique !

Délétère et inefficace, puisque les détenteurs de passes en tout genre peuvent se croire, à tort, protégés contre toute contamination, et que les classes et les métros sont bondés.

Délétère et inefficace, puisqu’aux Antilles, vous imaginez vous passer de 30 % des soignants dans des hôpitaux déjà exsangues.

Si vous voulez à tout prix faire respecter la loi, monsieur le ministre, commencez par faire respecter le taux de sucre dans les aliments, dont le dépassement est à l’origine des comorbidités, ou par garantir le droit à l’eau et à l’assainissement.

Voici venu le règne de la santé à court terme. Les soignants sont à bout de souffle. Les déprogrammations d’opérations continuent. Le nombre de tentatives de suicide chez les très jeunes explose. Le nombre de licenciés de sport chute, tout comme la santé mentale de nos concitoyens se dégrade.

Délétère, enfin, parce que vous pervertissez l’État de droit. Vous décidez seuls, à l’abri de votre Conseil de défense sanitaire. Le Parlement, piétiné, photocopie les projets de loi à l’identique. Les comités d’entreprise et les syndicats ne sont pas écoutés. Avec ce texte relatif au passe vaccinal, vous permettrez même à des personnes non habilitées de procéder à des vérifications d’identité. Cette surveillance d’une partie de la société sur l’autre brise la solidarité, au moment où celle-ci n’a jamais été aussi nécessaire.

Depuis près de quarante ans, nous savons que la contrainte est contre-productive en matière de santé publique et qu’il faut mener des politiques reposant sur la conviction, l’aller vers et l’association des personnes concernées. En matière de santé, le maître mot est la confiance. Or votre politique la détruit méthodiquement. Vous préférez la discrimination à d’autres mesures utiles pour endiguer l’épidémie : moratoire sur les fermetures de lits, généralisation des purificateurs d’air, instauration d’une société de roulement, création d’un pôle public du médicament, gratuité des tests et des masques, politique d’aller vers et, surtout, levée des brevets sur les vaccins. Monsieur le ministre, nous ne céderons pas à votre chantage qui consiste à opposer, en toutes circonstances, la protection de la santé et la sauvegarde des libertés.

M. Sébastien Jumel (GDR). Pour que les choses soient claires et que ce débat parfois passionné et souvent irrationnel ne souffre d’aucune caricature, je précise que le groupe GDR partage depuis le début de cette crise la conviction que la vaccination est tout à la fois un bienfait pour chacun de nous et un acte de protection collective. Cette conviction nous a d’ailleurs conduits, dans nos territoires respectifs, à revendiquer des moyens pour les soignants et pour la médecine scolaire ainsi que des dispositifs de vaccination de proximité, notamment à demander la multiplication des initiatives pour aller vers les plus fragiles et les plus inquiets, qui sont souvent les plus éloignés de la République.

Depuis le début, si nous convenons de l’impérieuse nécessité de renforcer la campagne vaccinale, nous sommes défavorables à tout acte d’autorité, voire d’autoritarisme, de nature à fracturer la société française, à la cliver chaque jour un peu plus. Nous ne nous résignons pas à l’idée que les 5 millions de Français qui ne sont pas encore vaccinés seraient tous d’affreux complotistes ou des antivax – vous avez d’ailleurs reconnu tout à l’heure qu’il y a parmi eux des personnes éloignées de tout et des indifférents, qu’il faut convaincre.

Il est souvent impossible de vous suivre, car vous durcissez à chaque étape, au risque de vous contredire, les atteintes aux libertés individuelles fondamentales, sans jamais d’ailleurs dresser le bilan de leur efficacité dans la lutte contre le virus et les variants. L’article 2 de la loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, onzième texte adopté en la matière, il y a deux mois à peine, ne prévoyait-il pas que le Gouvernement « présente au Parlement, […] au plus tard le 15 février 2022, un rapport exposant les mesures prises […] et précisant leur impact sur les indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation de lits de réanimation » ? Qu’en est-il de ce bilan ?

Avec vous, il y a rarement de la concertation, et il n’y a jamais de bilan avant de modifier les règles. Vous pensez que décider seul change tout ; nous pensons au contraire qu’une véritable démocratie dans la gestion de la crise aurait permis de gagner en efficacité tout en préservant nos libertés fondamentales. C’est pourquoi il vaut mieux ne pas stigmatiser, ne pas prendre de haut et, surtout, ne pas mépriser. Il faut, d’une certaine manière, rester humble.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec ces différents textes – celui-ci est le douzième, avez-vous dit –, vous avez entretenu la confusion, en vous contredisant à chaque étape. Que l’on se souvienne des consignes contradictoires sur les masques ou sur l’obligation faite aux soignants atteints mais asymptomatiques d’aller travailler et, plus récemment, des arguments que vous avez avancés pour justifier le passe sanitaire et sa constitutionnalité. Vous aviez affirmé qu’il ne serait jamais question pour vous d’instaurer une obligation vaccinale. Or ce texte en instaure une de fait, sans que vous l’assumiez. En outre, celle-ci repose uniquement sur les citoyens, que vous prenez le risque de mettre totalement au ban de la société. Vous n’établissez pour l’État aucune obligation de faire, alors que celui-ci aurait été bien inspiré de se fixer des obligations de moyens et de résultat, afin d’aller vers et de prendre soin de tous.

Au lieu de prendre le parti des gens, vous prenez trop souvent celui de l’argent, ce qui s’est traduit par la fin du remboursement des tests le 15 octobre dernier et par le raccourcissement du délai de leur validité, et se traduira, le 1er janvier prochain, par la fin de la gratuité de l’accueil aux urgences. C’est grave, car cette gratuité était consubstantielle à l’idée que nous nous faisons de l’hôpital public, à son identité, dans une République qui prend soin.

Vous peinez à convaincre de l’efficacité de ces mesures, qui justifierait que nous nous réunissions entre Noël et le jour de l’an. Qui plus est, vous franchissez avec ce texte une étape supplémentaire dans l’état d’exception permanent, dans le renoncement à ce qui fait, d’une certaine manière, la République, l’État de droit. Je fais évidemment référence au contrôle de l’identité en même temps que celui du passe, que vous souhaitez confier, sans l’assumer, à des personnes non dépositaires d’une mission d’ordre public. Votre texte précise que la présentation d’un document officiel d’identité pourra être exigée « en cas de doute », notion très floue s’il en est. Outre que ce sera ingérable pour les acteurs concernés, on ne peut pas considérer que vous assurez en l’espèce une conciliation équilibrée avec les exigences constitutionnelles.

N’oublions pas tout ce qui ne figure pas dans ce texte, ces lacunes posant elles aussi problème. Vous restez sourds aux cris d’alarme lancés depuis longtemps et de manière récurrente par les soignants, épuisés devant la dégradation de l’hôpital public. Vous restez muets devant les propos forts du directeur général de l’OMS, qui nous invite une nouvelle fois à vacciner l’humanité, notamment en levant les brevets. Selon lui, aucun pays ne pourra se sortir de la pandémie à coups de doses de rappel. Rien non plus sur la généralisation des masques FFP2 pour les soignants. Rien sur le rétablissement, pourtant urgent, de la gratuité des tests, ni sur le renforcement de leur utilisation. Rien sur l’organisation du travail et des transports pour prendre soin. Vous ne prévoyez pas non plus de moyens financiers pour équiper les écoles et les classes en purificateurs d’air. Tout cela justifie notre opposition au texte.

Je partage l’idée qu’en démocratie, il n’y a pas de place pour les menaces, et je fais miens les propos qui les condamnent ; le seul moyen de sanctionner, c’est le vote. Néanmoins, je pense qu’en démocratie, la moindre des choses lorsque l’on doute, c’est de l’assumer avec humilité, afin d’emporter la conviction que nous pouvons nous fédérer pour faire face à la crise.

M. Olivier Véran, ministre. S’agissant du passe vaccinal, le Gouvernement sera favorable à un amendement de Mme Justine Benin tendant à éviter un effet couperet le 15 janvier prochain dans certains territoires ultramarins. Nous entendons laisser la place à la discussion avec les acteurs locaux. Nous voulons éviter que le conflit social ne s’enflamme de nouveau dans ces territoires.

Je confirme que les règles relatives au passe vaccinal s’appliqueront aux 12-17 ans, de même que les règles relatives au passe sanitaire se sont appliquées à eux. La couverture vaccinale des 12-17 ans atteint d’ailleurs un niveau très élevé ; elle est similaire à celle des adultes. Les choses se déroulent bien en la matière.

La question du passe sanitaire au travail a effectivement été évoquée ; j’ai d’ailleurs fait part de mon sentiment personnel à ce sujet. Néanmoins, les négociations avec les partenaires sociaux n’ont pas permis d’aboutir à un consensus. Il y a même plutôt eu un consensus pour s’opposer au principe du passe sanitaire au travail. Or l’application d’une telle mesure serait évidemment difficile sans le concours des partenaires sociaux. Par ailleurs, si l’on instaure le passe sanitaire pour ceux qui travaillent dans les commerces, la question de son extension aux clients se posera nécessairement. C’est une question très complexe, notamment du point de vue juridique. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas inscrire cette mesure dans le texte.

Je confirme que le certificat de rétablissement – délivré aux personnes qui ont été atteintes du covid et ne sont pas encore éligibles à la vaccination – donnera accès au passe vaccinal, dans les mêmes conditions qu’il donnait accès au passe sanitaire. La rédaction figurant dans le présent projet de loi est un peu différente de celle qui se rapportait au passe sanitaire, ce qui a peut-être motivé vos interventions, mais je vous garantis que la prise en compte du certificat de rétablissement est bel est bien prévue dans le texte.

Si l’on était au pied du mur, pour éviter la fermeture de certains établissements recevant du public, faudrait-il aller plus loin en demandant la présentation d’un test négatif en plus de la vaccination, comme le font les Allemands avec le passe « 2G+ » ? La question est légitime, s’agissant notamment des lieux les plus à risque – j’ai à cet égard une pensée pour les acteurs du monde de la nuit, qui vivent une situation difficile, les discothèques demeurant fermées. Si une telle mesure devenait nécessaire, nous pourrons la prendre par décret, car elle ne nécessitera alors pas de base législative supplémentaire. C’est pourquoi la question n’est pas tranchée dans le projet de loi.

Le ministre de l’intérieur, chargé de l’organisation des élections, a engagé une concertation avec les parties prenantes, de manière à garantir le bon déroulement de la vie démocratique et la tenue des élections en temps et en heure, dans les meilleures conditions pour nos concitoyens.

Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a été interrogé sur les modalités d’application du passe sanitaire, notamment pour l’accès aux rassemblements, a considéré que la loi ne concernait que les activités dites de loisir et que le passe sanitaire ne pouvait donc être imposé pour les activités politiques et cultuelles. C’est pourquoi nous ne prévoyons pas non plus de passe vaccinal pour les meetings politiques. La question n’a pas été posée, mais j’ai souhaité l’aborder au vu de certains des amendements qui ont été déposés, notamment l’amendement CL115 de Guillaume Larrivé.

Les rassemblements en intérieur sont limités à 2 000 personnes, à l’exception de ceux qui sont de nature politique. Cette décision a soulevé une vague de contestation assez forte, notamment sur les réseaux sociaux. Certains artistes se sont également mobilisés. Je le comprends. Les gens nous reprochent qu’il ne soit plus possible de se réunir en grand nombre pour un concert, mais qu’on puisse le faire pour des meetings politiques. Le Gouvernement n’entend pas faire deux poids, deux mesures selon qu’il s’agit d’activités politiques ou d’activités de loisir : l’enjeu est d’ordre constitutionnel. Il nous semble donc difficile de ne pas en tenir compte. Néanmoins, l’amendement CL115 vise à permettre aux organisateurs de réunions à but politique d’imposer le passe sanitaire à l’entrée. Sous réserve de la conformité du dispositif à la Constitution – et tout en sachant que le Conseil constitutionnel aura certainement l’occasion de se prononcer sur l’ensemble du texte –, le Gouvernement n’y sera pas défavorable. Du reste, cette position est en cohérence avec celle exprimée par les groupes politiques de la majorité, lesquels ont immédiatement déclaré qu’ils appliqueraient pour leurs meetings les mêmes règles que celles imposées aux Français pour les rassemblements de loisir.

Des traitements contre le covid sont sur le point d’arriver. L’un d’entre eux notamment, commercialisé par le laboratoire Pfizer, sera réservé aux personnes présentant des risques élevés de développer des formes graves en raison de leur immunité fragile. Même vaccinées, les personnes immunodéprimées peuvent faire un covid sévère. C’est le cas de la quasi-totalité des personnes vaccinées qui sont en réanimation. Le traitement en question, préventif, devrait permettre de protéger ces personnes à risque, ce qui est une bonne nouvelle.

Par ailleurs, des vaccins à ARN messager dits « boosters », c’est-à-dire adaptés aux variants, notamment à la souche omicron, sont en cours de développement. Nous suivons cela de très près, au cas où il y aurait lieu, pour nous protéger dans la durée, de proposer ultérieurement de nouvelles campagnes de vaccination.

Dans le contexte difficile que nous connaissons, marqué par de fortes tensions sur les ressources humaines, nous avons augmenté de 700 le nombre de lits fixes de réanimation. Avec le Ségur de la santé, nous soutenons la communauté soignante dans les hôpitaux et continuerons à le faire. Le plan d’investissement concerne aussi les EHPAD. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé hier aux infirmières de réanimation une bonification de 100 euros nets par mois, qui vient s’ajouter aux 300 euros déjà prévus par le Ségur. En outre, nous continuons et continuerons à former plus de médecins, d’infirmiers et d’aides-soignants. Les temps sont durs à l’hôpital ; les personnels ont besoin de votre soutien.

Enfin, j’ai bien entendu vos remarques, madame Panot. Je vous remercie, une fois de plus, de vos propositions à la fois adaptées et cohérentes pour nous permettre de lutter contre la circulation du virus. Il est vrai que, depuis le premier projet de loi relatif à la crise que nous avons présenté, vous avez voté contre toutes les mesures proposées. Vous êtes donc cohérente avec vous-même.

Selon vous, le passe rogne les libertés des Français. Mais regardons ce qui se passe à l’étranger : aux Pays-Bas, confinement ; en Autriche, confinement ; en Belgique, fermeture des bars, des restaurants, des cinémas et des salles de spectacles ; au Portugal, dès le 2 janvier, fermeture des bars et des restaurants ; au Danemark – pays souvent pris en exemple par votre groupe –, fermeture des bars et des restaurants et limitation des concerts à cinquante personnes ; en Norvège, plus de rassemblements privés au-delà de dix personnes, jauges dans les bars et les restaurants ; en Suède, jauges dans les commerces et dans les lieux de culture ; en Finlande, fermeture anticipée de tous les bars et restaurants ; en Allemagne, huis clos pour tous les événements sportifs, passe sanitaire et passe vaccinal, voire 2G+, et jauges dans certains Länder ; en Roumanie, en Pologne et en République tchèque, couvre-feu pour les bars et les restaurants. L’Italie, quant à elle, suit notre piste : passe sanitaire transformé en passe vaccinal et maintien de la liberté de circulation et d’ouverture des établissements recevant du public.

Vous nous reprochez un déni de démocratie, alors que c’est le douzième projet de loi que je viens défendre devant la représentation nationale. Citez-moi un autre pays où l’exécutif aurait fait autant de démarches devant les parlementaires. Quant au procès en cloisonnement et en fermeture du pays, quand on se compare, on se console.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Depuis le début de l’épidémie, le principe du tester, alerter et protéger a été appliqué sur le territoire. Pour ce faire, les professionnels de santé ont été mis à contribution. Ils ont tous répondu avec efficacité, ce dont on peut les remercier. Médecins, infirmières, sages-femmes et pharmaciens se sont mobilisés pour réaliser des tests, en semaine et le week-end, dans tous les secteurs possibles. La conjugaison des variants delta et omicron démultiplie les besoins de tests en période de fêtes, avant les retrouvailles familiales ou amicales. Les pharmaciens arrivent à saturation. En outre, il y a un risque de rupture de stock pour les autotests.

Michel-Édouard Leclerc, représentant les grandes surfaces, réclamait depuis plusieurs mois la possibilité pour ces magasins de vendre des autotests, comme cela se pratique dans d’autres pays d’Europe. Vous avez signé, le 27 décembre, un arrêté autorisant la vente des autotests de détection antigénique du virus SARS-COV2 dans ces établissements commerciaux. À partir du 1er janvier, ces dispositifs y seront proposés à prix coûtant, ce qui contraindra les pharmaciens à revoir leurs tarifs à la baisse. Ces professionnels marquent d’ailleurs leur inquiétude et leur désaccord. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a motivé votre décision d’autoriser cette diversification des points de vente, pour une durée limitée – la mesure sera en vigueur jusqu’au 31 janvier –, au moment où l’épidémie flambe ?

M. Philippe Gosselin. Vous l’avez reconnu vous-même, le passe vaccinal est quasiment une obligation déguisée. Dès lors, pourquoi ne pas attacher des conséquences juridiques à cette obligation, par exemple en permettant à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de prendre en charge les indemnisations qui pourraient découler de cette vaccination obligatoire qui ne dit pas son nom ? Une telle disposition engagerait la responsabilité de l’État.

Vous semblez, comme certains collègues, balayer d’un revers de main la question des contrôles d’identité qui seront opérés notamment dans les bars et les restaurants, alors que les policiers municipaux, par exemple, ne sont pas habilités à le faire. Quelle distinction faites-vous entre la vérification et le contrôle d’identité ? Sur le plan juridique, une telle distinction est assez ténue.

Enfin, le texte ne prévoit pas de date limite : jusqu’à quand comptez-vous le faire appliquer 

M. Philippe Latombe. Selon vous, quelle est la différence entre le cachet électronique visible en norme 101 et celui en norme 105 ? La réponse est en rapport avec une partie de l’article 1er du projet de loi, qui prévoit des vérifications d’identité par des personnes qui, habituellement, ne sont pas habilitées à effectuer des contrôles d’identité.

La norme 101 est rigide. Le QR code n’est pas évolutif. Il n’est ni révocable ni modifiable, contrairement à la norme 105, qui permet d’intégrer la photo d’identité, par exemple. Votre administration avait d’ailleurs retenu cette norme pour la carte Vitale, après la découverte de fraudes. Or, depuis l’instauration du passe, et malgré des alertes de ma part comme d’autres parlementaires et spécialistes, c’est la norme 101 qui a été retenue, et non la norme 105. Ainsi, ce sont les recommandations de l’Imprimerie nationale qui ont été suivies. Le passe a même été qualifié d’infalsifiable. Toutefois, l’Imprimerie nationale n’est pas au fait de l’état de l’art en matière de cachets électroniques visibles, elle ne maîtrise pas la norme 105 et a voulu impérativement utiliser la norme 101, car cela lui permettait de faire plus de marge, au détriment de l’État et de nos concitoyens – et ce n’est pas la première fois que cela se produit.

Êtes-vous d’accord pour demander immédiatement à l’Imprimerie nationale d’adopter la norme 105 et d’intégrer la photo d’identité ? Pourriez-vous déclencher une inspection conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) relative aux choix ayant conduit à l’utilisation de la norme 101 par l’Imprimerie nationale ?

Mme Marietta Karamanli. Une mission flash de notre commission, conduite par Sacha Houlié et Philippe Gosselin, a proposé des mesures visant à renforcer la place et le rôle du Parlement. Or celles-ci n’ont pas été mises en œuvre. C’est d’autant plus regrettable qu’elles étaient pour partie de nature à conforter la confiance de nos concitoyens envers la décision publique. Vous paraît-il envisageable d’intégrer certaines d’entre elles ?

Le fait que la vaccination soit généralisée sans pour autant être rendue obligatoire pose de nombreuses questions. Nous aurons l’occasion d’en débattre. Plus nous attendrons pour envoyer des vaccins, des tests et des traitements dans tous les pays, plus vite le virus prendra le dessus, avec l’émergence de nombreux variants. Il faut éclairer l’opinion sur ce point et non se contenter de renforcer les mesures. À quelques jours du début de la présidence française de l’Union européenne, ne pensez-vous pas que l’accès aux vaccins dans tous les pays, au-delà de l’Europe, est une priorité ?

Mme Valérie Six. L’épidémie n’est pas derrière nous ; l’apparition de nouveaux variants continue de nous le démontrer. Avec le vaccin et l’ensemble des gestes barrières, les tests demeureront indispensables pour endiguer les phases de contagion. Pouvez-vous me confirmer que nous n’aurons aucune pénurie dans ce domaine sur le long terme ? Envisagez-vous que les autotests prennent une place plus importante dans notre quotidien ? En effet, il paraît beaucoup plus efficace que chacun se teste chez soi. Les autotests pourraient également constituer une solution alternative pour les enfants : avec un plus grand nombre de tests, il pourrait y avoir moins de cas contacts et de fermetures de classes, notamment.

Par ailleurs, vous retenez dans le projet de loi la possibilité d’un cumul de justificatifs, c’est-à-dire la nécessité de présenter un test négatif en plus du passe vaccinal pour certaines activités. Pensez-vous donc revenir à la gratuité des tests – car l’un ne va pas sans l’autre ?

Mme Danièle Obono. Avez-vous pour objectif d’atteindre 100 % de la population vaccinée ? On peut se poser la question étant donné le niveau déjà très important de la couverture vaccinale, et dans la mesure où la vaccination semble être votre seule stratégie, en tout cas au niveau national. Quelles seront les conséquences en ce qui concerne les rappels : combien en faudra-t-il et jusqu’à quand cela continuera-t-il ?

Avez-vous évalué l’impact, notamment sanitaire, de la suppression de la gratuité des tests pour les personnes non vaccinées ?

De nombreux professionnels, notamment dans l’éducation nationale, ont insisté sur la nécessité de disposer de masques de meilleure qualité, en particulier des FFP2. À quelques jours de la rentrée scolaire, le Gouvernement envisage-t-il d’en fournir aux personnels ? Ces derniers notent d’ailleurs le manque de dispositifs de prévention dans les écoles, comme les capteurs de CO2 et les purificateurs d’air, dont la fourniture est laissée aux soins des collectivités territoriales, alors que celles-ci n’en ont pas les moyens.

M. Raphaël Gauvain. Le projet de loi est le reflet de la stratégie vaccinale du Gouvernement, qui est fondée sur une quasi-obligation de se vacciner pour la totalité de la population, y compris les personnes présentant un risque quasi nul de faire une forme grave – je veux parler des enfants et des adolescents. Or la question de la vaccination quasi obligatoire des enfants et des adolescents suscite de nombreux débats et des inquiétudes. Nous le constatons dans nos permanences, à la lecture des mails que nous recevons, lorsque les gens nous arrêtent dans la rue ou sur les marchés. Nous en avons également fait l’expérience lors des dîners en famille que nous avons partagés à Noël.

Certains épidémiologistes ainsi que des pédiatres défendent une autre approche, qui consiste à arrêter de stresser les enfants et les adolescents – et surtout leurs parents –, à laisser les enfants se faire vacciner s’ils le souhaitent, étant entendu que, de toute façon, le risque pour eux de développer une forme grave est quasiment nul. En revanche, ces spécialistes préconisent de protéger l’hôpital en soumettant les personnes à risque à une véritable obligation vaccinale, voire à des mesures de contrainte ou d’isolement partiel. Que pensez-vous de cette autre politique, qui prend en compte non pas uniquement les domaines médical et sanitaire mais aussi l’état de stress et d’inquiétude du pays ?

M. Éric Diard. Dans la droite ligne des propos de Ian Boucard, ainsi que de Raphaël Gauvain, je confirme notre ferme opposition à l’obligation d’un passe vaccinal pour les 12-17 ans. D’abord, la vaccination n’est ouverte pour cette tranche d’âge que depuis le 15 juin. Ensuite, il me paraît choquant d’empêcher des enfants de faire du sport, et ce d’autant plus que le sport prévient l’obésité, qui est un facteur de comorbidité.

Nous garantissez-vous, monsieur le ministre, que vous ne déposerez pas des amendements de dernière minute, notamment pour étendre le passe sanitaire aux entreprises ?

En ce qui concerne le « super passe », c’est-à-dire les trois doses de vaccin plus le test, vous avez indiqué que cette mesure ne figurait pas dans le texte car il était possible de la prendre par décret. Cela aussi me paraît choquant : une telle disposition mérite d’être discutée au Parlement.

Mme Aude Luquet. Ma question concerne les cas particuliers pour lesquels l’accès au passe sanitaire paraît impossible pour raisons médicales. Le passe sanitaire n’est accessible qu’après une vaccination, une rémission ou un test négatif de moins de soixante-douze heures. Il existe aussi, depuis un décret du 8 août 2021, de très rares exceptions médicales à la vaccination permettant de bénéficier d’un certificat de contre-indication et de se voir exempté de passe sanitaire. Or certains de nos concitoyens souffrent de multiples pathologies non répertoriées dans le décret, mais pour lesquelles les spécialistes s’accordent à contre-indiquer la vaccination en raison de leur accumulation et des nombreux effets secondaires déclarés lors des différents traitements médicaux. Aucune réponse satisfaisante n’a été apportée à ces personnes. Que peut-on faire pour qu’elles jouissent des mêmes droits que les autres ?

Mme Emmanuelle Ménard. Nous l’avons souvent fait observer lors de l’examen des projets de loi précédents, les jauges ne sont pas proportionnées aux enceintes visées. C’est un vrai problème, notamment pour les activités sportives. Allons-nous enfin être entendus sur ce point ?

Par ailleurs, une fois encore, il n’y a pas suffisamment d’éléments dans ce texte concernant la territorialisation. Pourrait-on inscrire noir sur blanc que, lorsque le virus circule peu, ou quand il circulera moins, les préfets peuvent prendre des mesures différentes selon les territoires pour diminuer les contraintes qui pèsent sur la liberté des uns et des autres ?

Je souhaitais également vous interroger à propos des personnes autorisées à effectuer des contrôles, mais comme d’autres l’ont fait avant moi, je suppose que nous aurons une réponse.

Comme l’a fait observer Éric Diard, il y a des incohérences en ce qui concerne les mineurs de 12 à 17 ans : un adolescent non vacciné pourra pratiquer le foot à l’école mais pas dans un club sportif.

Enfin, les stocks d’autotests ont visiblement été trustés par les grandes surfaces, aux dépens des pharmacies. Qu’en est-il ?

Mme Laetitia Avia. Je souhaite relayer deux interrogations du secteur du spectacle vivant : quels enseignements ont été tirés du concert test organisé à Bercy le 29 mai avec des personnes debout ? Le « super passe » que vous envisagez d’instaurer a-t-il vocation à s’appliquer aux salles de spectacle ?

M. Sébastien Huyghe. Il semble qu’une troisième dose ne soit pas prévue pour les moins de 18 ans. Quand comptez-vous l’autoriser ?

Je l’ai constaté dans ma région, entre 92 % et 95 % des personnes en réanimation ne sont pas vaccinées, les autres étant immunodéprimées. Certains établissements sont contraints de faire un tri qui ne dit pas son nom ; certaines personnes perdent donc des chances de survivre faute de place en réanimation. Le vaccin est gratuit. Avez-vous envisagé une incitation à la vaccination par le porte-monnaie en vertu de laquelle les non-vaccinés devraient acquitter des franchises pour les soins liés au covid-19 ?

M. Jean-Paul Mattei. Plutôt que de laisser le contrôle d’identité à l’appréciation du responsable de l’établissement concerné, n’aurait-il pas été plus simple d’exiger la présentation d’un titre d’identité concomitamment à celle du passe vaccinal, comme cela est le cas pour accéder à un bureau de vote ou un avion ?

Mme Caroline Fiat. Monsieur le ministre, je ne suis pas loin de vous complimenter pour la prime de 100 euros allouée aux infirmières de réanimation. Si on l’ajoute aux 183 euros d’augmentation octroyée par le Ségur, nous sommes proches des 300 euros réclamés.

Mais pourquoi les seules infirmières de réanimation et pas les agents de service hospitaliers (ASH) ou les aides-soignantes de réanimation – vous le savez, les équipes sont pluridisciplinaires – et pourquoi une prime alors qu’une revalorisation aurait été tellement sympathique ?

M. Jean-François Eliaou. Quid de l’application du texte aux jeunes de 12 à 18 ans dont le schéma vaccinal n’est pas toujours complet et qui ne portent pas toujours sur eux un titre d’identité ?

M. Olivier Marleix. En passant du passe sanitaire au passe vaccinal, vous ôtez leur validité aux tests qui sont pourtant le seul moyen de garantir la non-contagiosité d’une personne. Je ne comprends pas votre choix.

Lors de son audition le 1er décembre, le professeur Delfraissy a indiqué que, selon les premiers éléments disponibles, le variant omicron était plus contagieux mais pas forcément plus létal. Or pour apprécier la proportionnalité des mesures proposées – ce que ne manquera pas de faire le Conseil constitutionnel –, nous devons en savoir plus sur la létalité ainsi que sur le profil des personnes admises en réanimation – souffrent-elles de pathologies particulières ? – , ce qui pourrait justifier une autre stratégie reposant sur une obligation vaccinale limitée aux seules personnes à risque.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Pour la première fois depuis le début de l’épidémie, la France a franchi le cap des 200 000 cas quotidiens ; chaque seconde, deux Français sont testés positifs ; plus d’un million de Français sont sans doute contaminés. Plus de 70 % des personnes en réanimation à Paris ne sont pas vaccinées.

Pourtant, certains partis politiques – La France insoumise et le Rassemblement national, pour ne pas les citer – refusent d’appliquer les jauges dans les meetings politiques qu’ils viendraient à organiser. Si la vie démocratique doit être préservée, le sort de la vie politique ne peut pas être séparée de celui du pays. Monsieur le ministre, que vous inspire ce choix qui fait fi des risques épidémiques ?

M. Alain Tourret. Le Président de la République, qui deviendra le 1er janvier le principal responsable européen, a-t-il l’intention de plaider pour l’adoption d’un socle commun de mesures pour lutter contre la pandémie et de susciter une initiative européenne en faveur des pays les plus pauvres ?

M. Jean-Hugues Ratenon. À La Réunion, pour un taux d’incidence de 740 cas pour 100 000 habitants, l’état d’urgence sanitaire est déclaré alors qu’il ne l’est pas dans l’Hexagone, malgré des taux d’incidence plus élevés : 1 235 en Île-de-France, 1 057 dans les Bouches-du-Rhône, 1 183 en Savoie et 1 118 en Haute-Savoie. Pourquoi une telle différence de traitement ? Y a-t-il une explication scientifique ou considérez-vous que les gens en outre-mer sont moins responsables que partout ailleurs en France ?

Ne pensez-vous pas avoir une responsabilité dans la situation actuelle et la privation des libertés qui s’ensuit ? Alors que nous avions fait beaucoup d’efforts et que la dernière vague avait reflué, vous avez autorisé les touristes à venir à La Réunion sans avoir à présenter de test négatif.

Mme Valérie Oppelt. En matière de traitement contre le covid, où en sont les entreprises de biotechnologie françaises qui ont bénéficié du soutien du plan France relance ? L’entreprise Xenothera – je me fais ici le relais de sa présidente, Odile Duvaux – dispose de 25 000 doses qui ne demandent qu’à être utilisées contre le variant omicron mais elle n’a pas encore reçu l’aval de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Comment accélérer la délivrance des autorisations ?

M. Xavier Breton. Si l’objectif recherché est sanitaire, pourquoi écarter du passe les personnes testées négatives qui présentent plus de garanties que celles qui ne le sont pas ?

Comment articulez-vous la stratégie de vaccination et le processus d’immunité naturelle ? Peuvent-ils être complémentaires ?

Mme Naïma Moutchou. Les jauges fixées à 2 000 personnes en intérieur et 5 000 à l’extérieur sont-elles bien adaptées ? Les jauges devraient être proportionnées à la capacité réelle : 5 000 personnes dans un stade de 5 000 places ou de 70 000, cela n’a rien à voir. Il s’agit d’une question importante qui affecte le modèle économique des secteurs du sport et de la culture

M. Stéphane Mazars. Je plaide également pour la proportionnalité en matière de jauge. La jauge ne peut évidemment pas être appréciée de la même manière pour le stade de football de Rodez et pour le Parc des princes.

Où en sont les traitements contre le covid ?

Mme Coralie Dubost. Vous avez évoqué devant les commissions des lois et des affaires sociales réunies la possibilité d’un « repentir » dont pourraient bénéficier les détenteurs d’un faux passe sanitaire qui changeraient d’avis. Je pense en particulier à ceux qui auraient reçu, en toute illégalité, un passe de médecins antivax et qui, à mes yeux, sont victimes d’un abus de confiance de la part d’une personne détentrice d’une certaine autorité. Quel dispositif envisagez-vous pour permettre à ces personnes qui prennent conscience de la nécessité de la vaccination d’échapper aux poursuites ?

M. Olivier Véran, ministre. Je tiens à saluer l’extraordinaire mobilisation des laboratoires de biologie médicale et des pharmacies qui réalisent les tests.

Plus d’un million de tests antigéniques et PCR par jour ont été faits dans la semaine écoulée – 7,3 millions de tests au total dont 6,8 millions ont été pris en charge à 100 %. Seuls 500 000 tests n’ont pas été remboursés, car ils concernaient des personnes non vaccinées, qui n’étaient pas cas contact ou qui n’avaient pas d’ordonnance. Au vu de ces chiffres, le débat sur la gratuité des tests n’a pas lieu d’être. Dans les jours qui ont précédé Noël, 1,2 million d’autotests en moyenne ont été effectués chaque jour, soit 6 millions au total. Ce sont donc plus de 13 millions de tests qui ont été pratiqués par les Français au cours de la semaine précédente.

Des autotests sont encore disponibles mais certaines pharmacies nous ont signalé qu’elles étaient en rupture de stock puisqu’elles ont été « dévalisées ». Parallèlement des acteurs de la grande distribution, qui avaient acheté des autotests – je ne sais pas en quelle quantité –, ont indiqué pouvoir les mettre sur le marché. En acceptant leur proposition, nous faisons une entorse au monopole de l’industrie pharmaceutique sur la distribution d’un dispositif médical, une règle qui m’est chère – nous le faisons par arrêté et non par la loi afin que la mesure soit applicable pour le réveillon et les jours qui suivront. Cette dérogation prendra fin au plus tard le 31 janvier, il est hors de question de la laisser perdurer.

S’agissant du bien public mondial, le Président de la République a été à l’initiative aux niveaux européen et mondial de la démarche consistant à mettre des vaccins à disposition de pays qui n’ont pas pu en acheter suffisamment faute de liens privilégiés avec les industriels comme les Européens ont la chance d’en avoir. La France est le troisième donateur mondial de vaccins aux pays pauvres. Chaque Français a déjà donné l’équivalent d’une dose et bientôt de deux. La vaccination dans les pays pauvres est un impératif absolu ; variant après variant, nous le constatons, tant que nous n’aurons pas aidé les pays les plus pauvres à vacciner leur population, nous serons à la merci de nouveaux variants, notamment en provenance de pays dans lesquels la prévalence de maladies provoquant de l’immunodépression est forte.

J’ai saisi le Haut Conseil de la santé publique au sujet de l’obligation de port de masques FFP2 pour les soignants afin de protéger certains services essentiels face à la très forte circulation du variant omicron. J’attends sa réponse.

Quant au passe 2G+, nous l’envisageons par exemple pour les discothèques. Si l’on demande aux gérants s’ils préfèrent être fermés ou voir leurs clients soumis au passe 2G+, je connais la réponse et vous aussi : ils ont envie de travailler ; les jeunes ont envie de se retrouver, de décompresser et de faire la fête. Le projet de loi prévoit qu’un décret peut instaurer un tel passe sous conditions et dans certains établissements.

Une contre-indication à la vaccination avérée et attestée par certificat médical spécial est prise en considération pour le passe vaccinal comme elle l’était pour le passe sanitaire.

Quant à la distinction entre vérification et contrôle d’identité, Laurence Vichnievsky l’a parfaitement expliquée.

Le rappel pour les moins de 18 ans ne fait pas l’objet de recommandations de la part de la HAS. Si celles-ci devaient évoluer, nous les suivrons, comme nous l’avons toujours fait.

Il existe un important travail de coordination européenne, que ce soit par le biais de groupes WhatsApp, de visioconférences informelles ou de réunions à Bruxelles. Nous discutons beaucoup et nous cherchons à renforcer les moyens de partager les informations. Nous suivons avec une attention d’horloger suisse la courbe des hospitalisations et des admissions en réanimation au Royaume-Uni puisque cela préfigure ce qui nous attend : si elle ne montait pas trop fort, ce serait un bon signe ; à l’inverse, nous serions peut-être conduits à réviser nos positions. Le partage d’informations en temps réel dépasse le cadre de l’Union européenne et nous permet d’être très réactifs.

Mes collègues espagnol, portugais, anglais, allemand, italien et moi avons envisagé une communication commune sur la vaccination puisque nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés avec une partie de la population. En France et en Italie, la proportion de gens qui refusent de se faire vacciner est faible mais un peu plus à l’Est, en Slovénie par exemple, elle atteint 40 % et encore plus à l’Est plus de 50 %.

Au-delà du travail de coordination, la solidarité européenne vis-à-vis des pays pauvres est très forte. L’Europe est le premier producteur et le premier exportateur de vaccins.

La situation de La Réunion est spécifique en raison de son insularité et de capacités hospitalières restreintes. Avec un taux d’occupation des places de réanimation de 95 %, des mesures supplémentaires s’imposent, dont l’état d’urgence sanitaire.

Xénothera, entreprise « biotech » française, a déposé un dossier d’habilitation de son traitement à l’ANSM et à la HAS. Je ne peux que me féliciter d’un éventuel aboutissement, qui plus est pour un traitement découvert et produit en France. Néanmoins, l’ANSM, la HAS et la Direction générale de la santé (DGS) – que j’ai saisie – attendent les retours des derniers résultats des études cliniques réalisées notamment avec le CHU de Nantes et ceux dont nous disposons ne permettent pas de donner le feu vert. Comme je l’ai fait depuis le début de la crise avec l’ensemble des vaccins et des traitements, je respecterai les règles et les timings – tout en réduisant ceux-ci si nécessaire – mais je ne prendrai aucun risque avec la santé des Français. Ceux qui, parmi eux, désapprouvent les mesures que nous prenons reconnaîtront que j’ai parfois eu raison de tenir bon face à certains traitements dont plus personne ne parle aujourd’hui.

La question des jauges proportionnelles se pose, effectivement, mais il faut éviter d’y répondre en fabriquant des usines à gaz. L’application du passe dans les centres commerciaux, proportionnelle à la surface, impliquait de compter les mètres carrés, mais lesquels ? Les mètres carrés exploitables, circulables, sous toitures ? En l’état, nous ne sommes pas prêts.

Avec le ministre de la justice, nous travaillons à un amendement – qui sera probablement déposé en séance publique – permettant de répondre juridiquement à la situation des personnes détentrices d’un faux passe sanitaire, l’enjeu étant que nul ne soit privé de vaccin, même après avoir fait un mauvais choix initial. Les producteurs de faux passes, en revanche, n’échapperont pas à leurs responsabilités.

Mon premier mot était destiné aux parlementaires victimes de menaces. Le dernier le sera à la communauté scientifique, qui se mobilise avec rigueur et sérieux, qui ne fait pas le buzz sur les plateaux, qui diffuse des messages de prévention et de prudence. Elle aussi est victime d’injures, de menaces physiques, d’attaques, y compris de la part de certains médecins. Je l’assure de mon total soutien. Nous combattons ensemble le virus depuis deux ans et c’est ensemble que nous le vaincrons.

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Article 1er (art. 1er, 3 et 4 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire) : Mesures de gestion de la crise sanitaire

Amendements de suppression CL43 de Mme Mathilde Panot, CL44 de M. Ugo Bernalicis, CL45 de Mme Caroline Fiat, CL46 de Mme Danièle Obono, CL131 de M. Olivier Marleix et CL193 de M. Pacôme Rupin.

Mme Mathilde Panot. Notre opposition au passe vaccinal est cohérente avec notre opposition au passe sanitaire, mais nous l’accompagnons d’un certain nombre de propositions, que nous ne pourrons pas présenter puisque nombre d’entre elles ont été jugées irrecevables.

Irrecevables la levée des brevets, l’inscription dans la loi de la politique de l’« aller vers », un moratoire sur la fermeture des lits dans les hôpitaux, la création d’un pôle public du médicament, un plan d’urgence pour les hôpitaux, la gratuité des tests, la mise en place de capteurs de CO2 et de purificateurs d’air dans tous les établissements scolaires, dans les lieux de réunion ou les salles de spectacle…

Non seulement le passe sanitaire ou vaccinal est inefficace mais il est dangereux, leurs détenteurs ayant une fausse impression de sécurité. Les résultats des tests, en revanche, sont sans appel. Nous sommes certes tous favorables à la vaccination qui, si elle empêche les formes graves de la maladie, n’empêche pas toutefois d’être contaminé et de contaminer. Nous prônons une politique inverse à la vôtre, celle de l’« aller vers », de la persuasion, des moyens offerts à l’hôpital public, dont la saturation s’explique par un nombre de lits moins important qu’avant la crise sanitaire. Il faut mettre un terme à cette politique d’infantilisation et de peur !

M. Ugo Bernalicis. Le ministre vient de dire que les personnes non vaccinées ne sont pas ses ennemies, qu’il éprouve de l’empathie à leur endroit et il les a solennellement invitées à se faire vacciner tant il leur sera difficile d’échapper au variant omicron. Le passe vaccinal tel qu’il est conçu les fera-t-il cependant changer d’avis alors qu’elles ont déjà refusé de se soumettre au passe sanitaire, avec les conséquences que l’on sait sur leur vie quotidienne, mais aussi sur leur vie professionnelle puisque certaines d’entre elles ont été suspendues, et pas seulement dans le monde médical ? Avec la brutalité de votre politique, vous les avez au contraire radicalisées ! En fait, vous ne cherchez pas à les faire changer d’avis. Vous menez une politique d’affichage en transformant le passe sanitaire en passe vaccinal, en expliquant qu’ici on contamine et pas là selon que l’on est assis ou debout ! C’est extraordinaire ! Qu’en est-il des personnes de grande taille qui sont plus grandes assises que certaines personnes plus petites mais debout ? C’est le cas de le dire : cela ne tient pas debout.

Mme Caroline Fiat. J’entends des collègues nous demander de les aider pour favoriser la vaccination mais c’est ce que nous avons fait. Les membres du groupe La France insoumise sont vaccinés, nous n’avons pas cessé de dire qu’il convenait de convaincre plutôt que de contraindre et j’ai moi-même été l’une des premières à me faire vacciner, le 5 janvier, alors que beaucoup, y compris ici-même, se posaient la question de savoir s’ils le feraient ou non. Cela m’a valu un certain nombre de problèmes pour l’avoir dit mais, pour autant, je n’ai reçu aucun message de soutien de la part des collègues – que nous soutenons tous, par ailleurs, lorsqu’il le faut.

Comme souvent avec vous, vous avez eu une fausse bonne idée. Outre que les personnes qui ont joué le jeu considèrent qu’elles peuvent s’embrasser, enlever leur masque et que les protocoles sanitaires ne s’appliquent pas à elles, vous instaurez un passe vaccinal et, « en même temps », vous diminuez le nombre de jours d’isolement pour que le pays puisse continuer à tourner alors que seul le respect des gestes barrières et des protocoles sanitaires permet de protéger nos concitoyens.

Mme Danièle Obono. Il semble qu’un nouveau pas soit franchi dans la remise en cause de libertés et de droits fondamentaux sans que la protection sanitaire soit pour autant renforcée.

Quel est donc le bilan du passe sanitaire ? Vous renforcez encore ce dispositif malgré l’absence de toute étude d’impact. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a pourtant demandé à quatre reprises que le Gouvernement fournisse un certain nombre d’éléments sur son efficacité, ce à quoi il n’a jamais consenti. Quelle est donc la raison d’être scientifique du passe sanitaire ? À ce jour, il n’en pas, si l’on excepte l’obligation vaccinale, non dite comme telle. Proposez-là donc et nous en débattrons ! De tels procédés favorisent moins la confiance que la discorde.

Le Premier ministre, de façon irresponsable, a ciblé les personnes non vaccinées et en a fait les boucs émissaires de l’échec de sa politique. Si nous en sommes là, c’est parce que les mesures que vous avez prises ont échoué.

M. Olivier Marleix. Je m’interroge sur la proportionnalité des mesures prévues par ce texte, qui portent gravement atteintes aux libertés individuelles. Elles peuvent être certes justifiées mais à condition de disposer d’un certain nombre de données que le Gouvernement ne nous fournit pas, en particulier s’agissant du profil des personnes souffrant de formes graves de la maladie. Le ministre, étrangement, a expliqué qu’elles ne sont pas vaccinées mais n’est-ce pas plutôt les personnes souffrant de graves comorbidités ? Encore faudrait-il que nous disposions de tels éléments pour partager la stratégie du Gouvernement !

La situation des mineurs, quant à elle, est spécifique puisqu’ils ne sont pas nécessairement associés au choix de se soumettre ou non au passe vaccinal.

Enfin, je ne comprends pas que des sanctions aussi lourdes que cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende soient appliquées, y compris à l’encontre de mineurs. Sans doute conviendrait-il de sanctionner plus durement les véritables trafiquants de faux passes et non le gamin qui en utilise un pour aller chez McDonald’s.

M. Pacôme Rupin. Le passe sanitaire visait d’abord à inciter à la vaccination, comme nous avons pu le constater l’été dernier. Je m’y suis opposé, car je craignais une accoutumance à la restriction de nombreuses libertés et, avec les millions de contrôles quotidiens qui ont été effectués, le non-respect de la vie privée et des données personnelles. Le contrôleur, toutefois, ne pouvait pas savoir si la personne contrôlée était ou non vaccinée puisque celle-ci pouvait disposer d’un test négatif. Or ce ne sera plus le cas avec le passe vaccinal alors que, voilà encore quelques mois, nous étions tous vigilants pour maintenir une telle possibilité.

Je ne comprends pas la nécessité de voter en urgence l’instauration d’un passe vaccinal qui ne changera en rien la vie des personnes non vaccinées lesquelles, jusqu’ici, ont résisté à toutes les contraintes, en particulier depuis que les tests sont payants. Quel est donc son intérêt ? De plus, sur le plan sanitaire, toutes les études montrent que le variant omicron circule beaucoup parmi les personnes vaccinées et que les contaminations sont nombreuses.

De ce point de vue, le passe sanitaire a été peu efficace puisque le nombre de contaminations est à peu près semblable dans les pays où il est en vigueur et dans ceux où il ne l’est pas. Un tel dispositif est donc inutile s’il n’incite pas davantage à la vaccination et s’il ne protège pas des vagues épidémiques.

Peut-être conviendrait-il donc de changer de stratégie, de cesser de se focaliser sur les personnes qui ne feront pas de formes graves de la maladie et de concentrer les efforts sur celles qui ont plus de 60 ans, qui ne sont pas vaccinées, ainsi que sur les personnes fragiles, par exemple en les invitant à porter des masques FFP2, en leur permettant de procéder à des tests gratuits et réguliers afin de pouvoir bénéficier à temps des nouveaux traitements et d’éviter d’aller en réanimation.

Une telle politique, plus pragmatique, permettrait de s’adapter aux besoins de citoyens qui refusent absolument la vaccination. La contrainte, à mon avis, ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Des personnes vaccinées peuvent certes attraper le covid, mais elles sont beaucoup moins nombreuses et contaminantes. Parmi elles, très peu sont en réanimation, où se trouvent en grande partie des personnes non vaccinées. Il est donc nécessaire qu’un maximum de gens soit vacciné. Parmi les cinq à six millions de personnes qui ne le sont pas, il y a certes des irréductibles, mais nous pouvons encore augmenter la proportion de vaccinés et, donc, la protection de la population.

Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Le parti pris de l’argent semble guider le texte, quand c’est le parti pris des gens qui devrait animer la lutte contre la crise sanitaire.

Quid du remboursement des tests ? Quid de l’urgence qu’il y a à réarmer des dispositifs permettant de convaincre les indifférents ou les éloignés de la République dont parlait le ministre, ceux qui risquent de ne pas passer à travers les gouttes ? Quid des dispositifs pris dès la rentrée – puisque vous avez refusé de la différer – pour réarmer la médecine scolaire et rétablir une relation de confiance entre les infirmiers et médecins scolaires, la communauté éducative et les mômes, pour convaincre leurs parents qu’il est nécessaire de se vacciner ? Et, pour certaines professions exposées, quid de ceux qui disent que les masques FFP2 seraient de nature à nous empêcher de basculer dans l’abîme qu’omicron nous promet ?

Le refus de répondre à ces questions me conforte dans l’idée que, notamment en réduisant les délais d’isolement, vous avez acté le parti pris de l’argent plutôt que celui des gens.

M. Ugo Bernalicis. Nous sommes d’accord que se vacciner permet d’être moins contaminé et contaminant, mais pas à 100 % – on ne sait d’ailleurs pas à combien, surtout avec omicron. On le savait déjà en juillet, alors même que le ministre au banc fanfaronnait parfois, prétendant que, si tous les Français se vaccinaient, le passe sanitaire ne serait plus nécessaire et qu’ils pourraient retrouver leurs libertés – en matière de retours en arrière, la comptabilité n’est pas toujours en votre faveur.

Il vaudrait donc mieux que l’on puisse convaincre tous ceux qui ne veulent pas se faire vacciner, pour des raisons qui ne sont pas si bonnes. Pensez-vous vraiment qu’avec votre texte, en transformant le passe sanitaire en passe vaccinal, vous réussirez à convaincre les réticents ? Au contraire, vous augmenterez le clivage. Comme l’explique Le Canard enchaîné, le chef de l’État n’a pour seule boussole que de s’attaquer aux non-vaccinés. C’est une mauvaise politique et une mauvaise gestion de la crise épidémique.

Je fais miennes les questions qui vous ont été posées précédemment sur les masques FFP2, les autotests qui ont manqué, les purificateurs d’air qui ne sont toujours pas installés, la levée des brevets, devenue un sujet secondaire, et les chaînes de production de FFP2 ou de vaccins. On ne parle plus de tous ces sujets. En revanche, il est urgent d’interdire la danse dans les bars et les restaurants, mais pas dans les clubs de danse. Vous m’expliquerez pourquoi…

M. Olivier Marleix. Je ne comprends pas le choix de ne pas se satisfaire du test, alors qu’il est la seule garantie de non-contagiosité. Je veux être certain qu’après la pénurie de masques et autres incuries de la part du Gouvernement, nous ne votons pas un tel texte car nous serions à la veille d’une pénurie de tests en France – comme avant Noël où les pharmacies étaient au bord de la rupture.

J’entends que les lits de réanimation ne seraient occupés que par des personnes non vaccinées. Mais « irréductible » n’est pas une maladie. Pour mesurer la proportionnalité des mesures prises, je souhaiterais connaître le profil de ces personnes, vaccinées ou non. Quelle part d’entre elles souffre de comorbidités ? De la réponse à cette question dépend la stratégie à adopter. Si ces personnes sont en majorité, il faut prendre des mesures pour protéger celles qui sont les plus à risque de souffrir de ces formes graves. Là est notre responsabilité, plutôt que de nous occuper de gamins de 12, 13 ou 14 ans, dont on sait qu’ils ne risquent rien.

M. Ian Boucard. L’impréparation du Gouvernement est grande s’agissant des tests. À l’occasion des fêtes de Noël, il en a appelé à la responsabilité de nos concitoyens, notamment à se faire tester avant de réveillonner en famille. Or nombre d’entre eux n’ont pas pu se faire tester ou acheter des autotests – ou alors, à des prix prohibitifs, notamment en pharmacie.

À quarante-huit heures du réveillon de la Saint-Sylvestre, après l’échec, la semaine dernière, de la stratégie de dépistage du Gouvernement, celui-ci a-t-il fait le nécessaire pour que les Français, notamment les jeunes, puissent se faire tester avant le 31 décembre et fêter le réveillon en toute sécurité ?

M. Xavier Breton. Pourquoi écarter les personnes testées, qui sont statistiquement les plus sûres sur le plan sanitaire ? Comment le Gouvernement compte-t-il articuler la stratégie de vaccination et un processus d’immunité naturelle ?

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je n’ai pas entendu parler d’une pénurie de tests. Un test négatif protège les autres, mais celui qui est testé peut attraper la maladie, et développer une forme grave, qui nécessite une hospitalisation, d’où la nécessité de se vacciner. Je préfère donc être vacciné plutôt que de me promener avec un test négatif.

Je ne dispose pas de chiffres concernant la proportion de comorbidités parmi les personnes hospitalisées en réanimation pour des formes graves, mais elle est vraisemblablement élevée. Nous sommes allés chercher ces personnes, puisque les premières vaccinations ont été ouvertes aux plus de 65 ans présentant des comorbidités. Une action importante a donc été menée vers elles. Malheureusement, certaines refusent d’être vaccinées.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL48 de Mme Mathilde Panot.

Mme Danièle Obono. Il faut savoir sur quoi nous nous fondons pour voter un texte à ce point attentatoire aux libertés. Nous partageons tous la volonté de défendre l’intérêt général et de protéger la population, mais quelles données permettraient d’avoir une discussion sur l’efficacité sanitaire de ces mesures ? Sans ces éléments, vous reconnaîtrez vous-même que votre stratégie sanitaire n’a aucune base.

Le Gouvernement fait du tout-vaccinal sa stratégie. Le ministre indiquait avoir des réunions régulières avec ses collègues européens. A-t-il devisé d’une prise de position publique des ministres de la santé européens sur la levée des brevets ? Au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union européenne fait partie des pays qui s’y opposent. Dans une situation de pandémie, il serait contradictoire de considérer qu’il faut vacciner jusqu’à 100 % de la population en France, et de se satisfaire que moins de 50 % de la population mondiale soit vaccinée.

C’est donc que l’on considère que la situation perdurera : tant que les inégalités vaccinales existeront, on ne mettra pas un terme à la pandémie. La position du Gouvernement et du ministre de la santé sur cette question doit être claire.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le passe sanitaire a fait ses preuves cet été, lors de la quatrième vague, pour la reprise et le maintien de certaines activités. Il a de plus fourni un élan pour la vaccination. Avec ce texte, le passe sanitaire disparaît, sauf pour les établissements de santé, au profit du passe vaccinal. Sa suppression pour partie va vous satisfaire.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Dans cette crise sanitaire, vous n’entendrez aucun de mes collègues dire que le vaccin ne sert à rien. Au contraire, nous ne faisons que conseiller à chacun de se faire vacciner.

Est-il cohérent de réduire le nombre de jours d’isolement, alors que les personnes sont toujours porteuses du virus et peuvent en contaminer d’autres, dans une période où le taux d’incidence est élevé et où l’on souhaite protéger nos concitoyens, en instaurant le passe vaccinal ?

Est-il logique qu’il n’y ait toujours aucune éducation sanitaire de la population – les personnes isolées n’apprennent pas à faire tremper leur vaisselle pour protéger leurs proches, par exemple – ou que le tracing ait été arrêté ? De nombreuses personnes positives témoignent que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ne les a pas appelées pour établir et prévenir la liste des cas contacts, afin qu’ils aillent se faire tester.

Aujourd’hui, vous nous demandez de voter un passe vaccinal, prétendument pour protéger la population. Mais, on ne le répétera jamais assez, ce qui protège, ce sont les gestes barrières et les protocoles sanitaires.

M. Sébastien Jumel. Le ministre a tenu des propos forts, voire inquiétants : deux Français attrapent le covid toutes les secondes – dans le même temps, les laboratoires font 1 000 euros de bénéfice. En repensant aux paroles du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) selon lesquelles il est illusoire de considérer qu’on pourra protéger les pays riches à coups de doses de rappel si l’on ne vaccine pas l’humanité, je reste sur ma faim. Je n’ai pas d’élément probant démontrant que l’on est sur-mobilisé pour vacciner l’humanité et éviter qu’un nouveau variant n’apparaisse pas tous les quatre mois.

À Dieppe, les gens sont très majoritairement vaccinés. Nous avons mis le paquet : l’hôpital s’est mobilisé, les soignants ont fait le boulot, des vaccino-bus circulent, notamment dans les campagnes ; nous avons mobilisé les centres communaux d’action sociale (CCAS) ; nous sommes allés avec des associations en direction des publics les plus fragiles. Tous se demandent combien de doses seront nécessaires. Pour que cela s’arrête, il faut vacciner l’humanité. À part des incantations, que fait-on pour vacciner l’humanité, pour lever les brevets des vaccins et faire en sorte que l’on se débarrasse de ce satané virus, pas seulement chez nous, provisoirement, mais définitivement ? Voilà une proposition concrète, et une absence de réponse, qui nous fait peur.

M. Jean-Paul Mattei. Nous disposons d’une étude d’impact, dont plus de la moitié est relative à l’article 1er : elle montre qu’il est bon de passer du passe sanitaire au passe vaccinal. L’avis du Conseil d’État donne aussi des éléments montrant qu’un tel passage est nécessaire.

Nous ne sommes pas omniscients : chacun à sa façon essaie de se forger une conviction et défend légitimement ses positions. En fonction des éléments dont nous disposons et de ceux que le Conseil scientifique nous donne, nous pensons qu’il est bon de passer du passe sanitaire au passe vaccinal. Nous essayons de nourrir notre réflexion et d’avancer sur un texte qui semble nécessaire, en l’état de l’épidémie.

M. Ugo Bernalicis. Le ministre Véran a terminé son intervention sur la question internationale en validant ce que nous disons : tant que nous ne vaccinerons pas l’humanité, nos chances de voir se résorber l’épidémie sont très minces. La France, pays riche qui se classe au cinquième ou sixième rang mondial selon les années, n’a pas de chaîne de production de masse de vaccins et de masques FFP2, ni pour elle-même ni pour l’humanité.

Au cours d’un déplacement en Sicile, il y a neuf mois, j’ai constaté que 100 % des Italiens dans la rue portaient des masques FFP2. J’ai même demandé s’ils étaient obligatoires, car, en bon Français, je n’avais prévu que des masques chirurgicaux. Les Italiens ont mis le paquet sur ces masques qui, on le sait depuis le début, sont plus protecteurs. D’ailleurs, dans les rayons bricolage, ce ne sont pas des masques chirurgicaux que l’on vous vend pour utiliser votre ponceuse, même si le virus n’a pas la même taille que les poussières de chantier.

Tant que vous ne répondrez pas à ces questions, un passe vaccinal et de la contrainte seront nécessaires. Si les gens se vaccinent parce qu’ils sont conscients que la vaccination est utile, le passe vaccinal ne changera rien pour eux. Ils continueront de se faire vacciner, et d’effectuer leurs rappels. Quid de ceux que l’on doit convaincre ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL227 et CL228 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Ils visent à revenir sur la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, et à fixer une clause de revoyure au 28 février 2022. Puisque le Gouvernement nous convoque entre Noël et le 31 décembre, il ne peut pas s’opposer à ce qu’un régime d’exception, dangereux pour nos libertés, ne soit pas revu après un certain temps. Il serait possible d’en rediscuter durant le mois de février voire de mars, puisque nous sommes élus jusqu’au mois de juin. Cela semble être une question de démocratie tout à fait primaire.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable. En vous écoutant, on pourrait se demander ce qu’on fait ici aujourd’hui. Nous sommes précisément en train de débattre de l’action du Gouvernement. En tout état de cause, je pense que nous nous reverrons d’ici au 28 février.

M. Ian Boucard. Nous soutenons ces amendements, car il est important de limiter la durée d’application du dispositif. La réponse du rapporteur ne rassurera pas ceux qui déplorent déjà une accumulation de mesures attentatoires aux libertés. Le ministre nous a dit que le passe vaccinal permettrait d’améliorer la gestion de la crise. Vous nous indiquez, de votre côté, que nous aurons besoin de nous revoir d’ici au 28 février, peut-être pour prendre de nouvelles dispositions… Il faut prendre garde aux annonces que l’on fait sur des sujets aussi sensibles.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le ministre de la santé s’est engagé à ce qu’un débat ait lieu dans l’hémicycle à la mi-février : voilà une première clause de revoyure.

M. Ugo Bernalicis. Merci mon bon seigneur ! Mais on se contentera de débattre, il n’y aura pas de vote sur la poursuite de ce régime juridique. Par ailleurs, lors de la première lecture du projet de loi créant le passe sanitaire, le ministre avait expliqué qu’il fallait venir en discuter urgemment à la fin du mois de juillet, mais que ce serait la dernière fois parce qu’ensuite, le Gouvernement disposerait de tous les outils pour faire face à la crise. Manque de chance, nous voilà à nouveau réunis, qui plus est un 29 décembre !

J’adjure donc le ministre et nos collègues de la majorité de faire preuve d’un minimum d’humilité. Avec vos formules péremptoires, vos contradictions et votre refus de reconnaître que vous avez commis des erreurs, que vous avez sous-évalué la crise et que vous n’avez pas vu venir certaines choses, vous alimentez la défiance d’une partie de la population envers le Gouvernement, la gestion de la crise, le vaccin et le reste. Vous n’aidez pas à résoudre le problème des millions de personnes qui refusent de se faire vacciner : au contraire, c’est votre politique qui conduit à cela ! À tout le moins, le débat sur cette question est de nature à améliorer la cohésion dans le pays et l’adhésion à une politique décidée collectivement. Il faudra, en tout état de cause, s’opposer à ce texte.

Mme Cécile Untermaier. Les membres du groupe Socialistes et apparentés soutiendront ces amendements. Nous considérons qu’un débat, pour utile qu’il soit, ne remplace pas la possibilité de réviser le dispositif. Même si l’on peut approuver celui qui a été instauré, il n’en reste pas moins très attentatoire aux libertés. Nous devons donc être très précautionneux. Le fait de pouvoir le réexaminer le 28 février, dans deux mois, susciterait peut-être plus d’adhésion et apaiserait les craintes qu’il peut susciter quant aux libertés.

Nous devrions tous voter ces amendements constructifs et fédérateurs. Nous sommes dans notre rôle de parlementaires lorsque nous nous interrogeons sur les effets de ce dispositif. Nous avions déposé des amendements, qui ont été déclarés irrecevables, demandant l’établissement de rapports sur les effets des mesures qui vont être prises. La clause de revoyure est le moyen de garantir aux électeurs qui nous font confiance que nous ne lâchons pas prise et que, quel que soit le vote que nous émettrons sur ce texte, nous demeurerons vigilants sur ses implications.

Mme Coralie Dubost. M. Bernalicis crie depuis plusieurs mois au manque de débat démocratique, à l’atteinte au pluralisme, voire à la tyrannie. Mais combien de fois avons-nous siégé sur ces questions ! La dernière fois, il est allé se répandre partout sur le fait que nous n’aurions plus de débat démocratique, que la crise se gérait sans discussion parlementaire… Et nous voilà aujourd’hui ! La réalité est qu’à chaque fois que se pose une question importante pour les Français, le Parlement joue son rôle. Je salue à cet égard l’action de la présidente de la commission, qui nous a permis, avant même l’examen de ce projet de loi, d’auditionner le ministre de la santé et tous les acteurs et experts dans ce domaine et ainsi de contrôler les actes du Gouvernement. Vos procès d’intention sont dépourvus de fondement.

Par ailleurs, on ne fait pas des procès en humilité pour regretter juste après d’avoir été rappelé un 29 décembre. Si nous avons été collectivement rappelés, c’est pour les Français, parce que le virus avance. C’est une affaire sérieuse, qui ne devrait pas donner lieu à de la petite politique politicienne.

M. Sébastien Jumel. Le ministre a dit tout à l’heure que le Gouvernement aurait très bien pu se contenter de prendre douze décrets, et que nous pourrions le remercier d’avoir déposé douze projets de loi. Madame la présidente, vous me corrigerez si je me trompe, mais il me semble que le Gouvernement ne pouvait pas se passer du Parlement pour l’adoption d’une série de mesures qui relèvent du domaine de la loi. Ce n’est donc pas le fait du prince, ni le bon vouloir du ministre, qui nous offre l’occasion de voter un douzième texte : c’est la Constitution qui contraint le Gouvernement à venir devant le Parlement.

Dans une tribune passionnante, Emmanuel Hirsch explique que l’appropriation démocratique de la gestion de la crise est consubstantielle à l’efficacité de cette politique. Il déclare que « l’acceptabilité » – sujet essentiel pour les 5 millions de personnes non vaccinées – est « conditionnée par la faculté de s’approprier des repères et une capacité personnelle d’initiative », conditions sine qua non pour permettre véritablement la responsabilisation de la société dans son ensemble. C’est ce que nous disons depuis plusieurs mois : décider ensemble change tout, si l’on veut emporter l’adhésion des plus inquiets, des plus indifférents ou même des plus récalcitrants. Notre rôle d’opposants n’est pas d’être des empêcheurs de tourner en rond, mais de porter la voix des habitants, avec la liberté, l’indépendance et l’esprit critique consubstantiels à l’opposition dans une démocratie. Nous formulons un grand nombre de propositions pour gérer efficacement la crise, mais elles essuient toutes le même refus.

Mme Émilie Chalas. Certaines contre-vérités deviennent pénibles. M. Bernalicis, avec l’humilité requise, a affirmé qu’on ne produisait pas de masques ni de vaccins en France. C’est faux. À titre d’exemple, on produit des doses de vaccin à Amiens – objectif : 67 millions d’ici à 2023. Et, depuis avril 2020, le Gouvernement a lancé un appel d’offres pour la production de masques – objectif : 50 millions de masques chirurgicaux et FFP2. Ne m’interrompez pas, monsieur Bernalicis, je ne le fais pas quand vous dévidez vos litanies de bêtises ! Voilà le mur de la réalité. Pas de contre-vérités dans cette commission, restons sérieux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL118 de M. Sacha Houlié.

Mme Nicole Dubré-Chirat. L’amendement vise à proportionner strictement les mesures d’encadrement des conditions d’accès et de présence dans une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public en fonction de leur capacité d’accueil. Il paraît préférable d’appliquer, dans les stades et les salles, des jauges définies au prorata de la capacité d’accueil plutôt qu’en valeur absolue.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le ministre a déjà donné une partie de la réponse. Cela me rappelle la discussion que nous avions eue au sujet de la fermeture des magasins non essentiels : certains soutenaient qu’elle n’était pas nécessaire, car on pouvait, par exemple, pratiquer la distanciation sociale – sauf que le fait de maintenir ces commerces ouverts augmentait les déplacements, et donc la circulation du virus. Si l’on fait passer la jauge d’un stade de 5 000 à 20 000 personnes, on multiplie par quatre les déplacements, et donc les risques de transmission de ce virus très contagieux. Mieux vaut conserver ces jauges pour l’instant, quitte à les adapter plus tard. Avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. Les organisateurs d’événements se heurtent à une accumulation de contraintes. Pourtant, contrairement à l’année dernière, une grande majorité de la population est vaccinée. Tout le monde porte le masque lors de ces rassemblements, qui se tiennent pour la plupart en extérieur où, on le sait, il y a moins de contaminations – sachant qu’il existe aussi une jauge pour les événements en intérieur. Surtout, les spectateurs disposeront du passe vaccinal. Les termes du débat ont donc changé depuis 2020, ce qui rend possible l’institution de jauges proportionnelles à la capacité des établissements.

M. Ugo Bernalicis. J’abonde dans ce sens. L’entrée dans ces lieux est déjà subordonnée à la présentation du passe sanitaire, ce qui signifie que les gens sont vaccinés ou détenteurs d’un test négatif. Il peut paraître plutôt intelligent d’instituer des jauges proportionnelles. Sinon, la même jauge maximale de 5 000 personnes en extérieur s’appliquera pour une enceinte de 5 000 places, où les gens seront donc aussi proches que d’habitude, et pour un stade de 80 000 places ! Il est vrai qu’au début de la première vague, on a réussi à placer les 5 000 spectateurs en question dans une seule tribune : de quoi susciter bien des interrogations, même s’il y a sans doute des explications…

Certes, M. le rapporteur nous explique qu’il faut limiter les déplacements. Mais alors, que fait-on pour ce qui concerne les transports en commun aux heures de pointe ? Ne se contamine-t-on pas dans le métro et le train ? Et qu’en est-il des salles de classe bondées, qui ne sont toujours pas dédoublées ? Votre cohérence s’arrête là. Or nous ne vous demandons pas de réguler l’accès aux transports en commun, juste d’instituer, pour les salles de spectacle et les stades, des jauges proportionnelles à la capacité d’accueil. C’est justifié scientifiquement.

M. Ian Boucard. Effectivement, il faut veiller à l’intelligibilité des mesures. Admettre 5 000 personnes dans le stade Serzian de Belfort, qui ne peut en accueillir davantage, ce n’est pas comme les faire entrer au stade de France ! Et nous avons tous été choqués par les images de la finale de la coupe de France, l’année dernière, quand les 5 000 spectateurs étaient tous les uns sur les autres dans la tribune centrale. Ces aspects peuvent vous paraître anecdotiques, monsieur le rapporteur, mais ils ont marqué les Français, qui ne comprennent pas très bien où l’on va. Il faut des jauges proportionnelles. On nous dit que ce serait trop compliqué ? Si vous avez besoin d’un coup de main pour faire la règle de trois, nous pouvons vous le donner.

M. Sébastien Jumel. Le débat peut paraître anecdotique, mais il faut garder à l’esprit l’impérieuse nécessité de reconstruire la solidité de la parole publique. Le bon sens populaire est parfois plein d’intelligence. L’an dernier, sur le littoral normand, on envoyait gendarmes et policiers contrôler les deux ou trois personnes qui respiraient l’air de la mer, et leur rappeler qu’elles n’avaient pas le droit de s’asseoir. Cela n’a eu aucune incidence sur le niveau de la pandémie – on connaît, chez moi, un des taux les plus faibles de circulation du virus et un des taux de vaccination les plus élevés. Bref, lorsqu’on applique les règles bêtement, on finit par décrédibiliser la parole publique. Avec des règles technocratiques, inadaptées, qui font fi du bon sens, vous renforcez le doute à l’égard de la politique publique. Écoutez-nous, écoutez la voix du peuple ! Une jauge de 5 000 personnes dans une enceinte comme le stade Bollaert-Delelis, pour le Lens-Lille de mardi prochain, n’a aucun sens.

M. Philippe Latombe. Monsieur le rapporteur, pourquoi ne pourrions-nous pas adopter des jauges proportionnelles, alors que nous l’avons fait dans de précédents textes ? On pourrait admettre qu’elles soient plus réduites qu’avant, compte tenu de la vitesse de circulation du virus – même s’il faut prendre en considération d’autres changements, comme l’ampleur de la vaccination et l’institution du passe vaccinal. Mais cette mesure n’avait soulevé, en son temps, aucune difficulté constitutionnelle, alors qu’en instituant des jauges fixes, au début de la pandémie, le Gouvernement s’était fait taper sur les doigts par le Conseil d’État. Prévoyons dans la loi des jauges proportionnelles, qui seront déclinées ensuite par décret en fonction de la situation sanitaire. Le fait que la jauge soit liée à l’espace disponible serait plus intelligible pour nos concitoyens.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL226 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Nous proposons de préciser dans la loi qu’il est impossible d’interdire la consommation de boissons et de nourriture personnelles lors de voyages de longue distance en transports en commun. Une telle interdiction, annoncée par le Gouvernement, nous paraît disproportionnée ; certains trajets sont très longs, certaines personnes malades peuvent avoir besoin de boire un verre d’eau pour prendre leur traitement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous sommes là dans le domaine réglementaire. Nous ne connaissons pas encore les modalités d’application de cette disposition. Une fois qu’elles seront connues, ceux à qui elles ne conviennent pas pourront s’adresser au Conseil d’État.

M. Philippe Latombe. Pardon, monsieur le rapporteur, mais, sur la forme, nous avons, en tant que parlementaires, l’obligation constitutionnelle d’entrer, autant que possible, dans le détail de la loi. Nous ne pouvons pas tout renvoyer à des décrets en attendant que le Conseil d’État les valide, ou alors nous ne servons plus à rien !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL59 de Mme Danièle Obono.

Mme Mathilde Panot. Il vise à supprimer les alinéas 2 à 36 de l’article 1er et s’inscrit dans le droit fil de notre opposition au passe vaccinal.

Tout à l’heure, Mme Dubost a indiqué que, depuis le début de la crise, nous avions pu, grâce à Mme la présidente, auditionner les ministres concernés. Nous nous sommes réunis à douze reprises pour examiner les différents textes sanitaires. Le problème, c’est que toutes les décisions sont prises en conseil de défense sanitaire puis annoncées à la télévision par le Premier ministre ou le Président de la République, les parlementaires devant se contenter d’appuyer sur un bouton pour les approuver.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de la première vague ? Premièrement, que l’hôpital a tenu parce que les soignants se sont auto-organisés dans les services. Deuxièmement, que les entreprises qui se sont le mieux adaptées et ont été le plus utiles à l’intérêt général sont les coopératives – le rappeler n’a rien d’idéologique, des études sociologiques l’ont montré. De fait, c’est parce qu’ils détiennent leur outil de production que leurs salariés ont pu rapidement s’adapter à la production des biens dont la nation avait besoin, qu’il s’agisse de gel hydroalcoolique ou de masques.

Aujourd’hui, des syndicats d’enseignants demandent l’adoption de nouvelles règles – installation de purificateurs d’air, roulements… – à même de protéger ceux qui sont en classe. Or celles et ceux qui savent le mieux comment se protéger et empêcher les contaminations, ce sont d’abord les salariés, du public comme du privé. Nous avons besoin de démocratie sanitaire, pas de nous en remettre à une personne qui choisit selon son humeur ce que doivent faire les Français.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous commençons l’examen d’une série d’amendements qui saucissonnent l’article 1er en visant à supprimer successivement ses différents alinéas. Or je me suis déjà exprimé sur les amendements de suppression.

Le passe sanitaire est une mesure importante, dont on a pu mesurer les conséquences sur la vie de nos concitoyens. La personne qui fait le choix de ne pas se faire vacciner prend le risque – que j’estime exorbitant – de propager l’épidémie. Néanmoins, in fine, sa liberté est respectée. Pourquoi devrait-on accepter que celle-ci soit inconditionnelle et puisse s’exercer au détriment de celle des autres, c’est-à-dire de la santé des Français qui jouent le jeu, sont solidaires et ont accepté de se faire vacciner ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL64 de Mme Mathilde Panot.

Mme Danièle Obono. Monsieur le rapporteur, si nous avons effectivement choisi de proposer, en sus de la suppression de l’article 1er, celle de ses différents alinéas, c’est pour pouvoir présenter de nouveau nos propositions et obtenir des réponses, sur la levée des brevets par exemple. Des questions très concrètes se posent : l’objet n’est pas de chercher la petite bête, mais de comprendre. Nous sommes censés faire œuvre d’intelligence collective afin que ce projet de loi soit utile. Car il n’y a pas lieu de se féliciter que nous nous réunissions pour la douzième fois : cela signifie que les mesures prises depuis un an et demi ne sont pas efficaces.

Selon une étude de l’Institut Pasteur parue en novembre, on observe une surcontamination dans les transports en commun. Que répondez-vous sur ce point ? Quant aux jauges, je me réjouis que nous ayons adopté un amendement visant à les rendre proportionnelles, mais c’est insuffisant. Nous proposons, très concrètement, d’équiper tous les lieux recevant du public de purificateurs d’air et de capteurs de CO2. À l’occasion des vacances, des voyageurs ont utilisé leurs propres capteurs pour mesurer la qualité de l’air dans les trains, et l’on a pu constater que les conditions sanitaires n’étaient pas réunies. Pourquoi ne nous répondez-vous pas ? Ce n’est pas une question piège.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Mme Obono va dans mon sens : plus il y aura de voyageurs dans les trains, plus les risques seront importants. Or, si l’on augmente les jauges, les voyageurs seront beaucoup plus nombreux.

Mme Laurence Vichnievsky. J’aime le débat, car il nous enrichit, mais certains arguments ne sont pas recevables. Madame Obono, comment pouvez-vous affirmer que si nous nous sommes déjà réunis douze fois, c’est parce que le Gouvernement n’a pas trouvé les bonnes réponses à la crise ? Les données évoluent sans cesse, le Gouvernement doit s’y adapter, et il le fait avec nous. Et comment croire que la suppression des alinéas 3 à 13 de l’article 1er permettra de résoudre les problèmes auxquels nous faisons face ? Moi aussi, je voudrais des réponses !

Mme Coralie Dubost. Madame Panot, madame Obono, ce qui différencie fondamentalement vos propositions des nôtres, c’est qu’elles visent uniquement à déconstruire des dispositifs opérationnels. Vos amendements ne proposent que de supprimer des bouts de texte, et dans vos interventions, qui au passage n’y correspondent en rien, vous invectivez les Français et les divisez, en opposant, par exemple, les entreprises aux coopératives. C’est absurde ! Certes, des coopératives ont très bien réagi, mais c’est également le cas d’entreprises, grandes et petites, qui ont su s’adapter immédiatement. Cessez de mettre les gens en concurrence. Bien sûr, les soignants ont été formidables, mais il n’y a pas lieu de les opposer en cela au Gouvernement ou à d’autres corps de métiers. Si nous nous en sortons – et mieux, actuellement, que certains pays voisins – c’est parce que beaucoup de Français ont fait des efforts. Plutôt que de les diviser, saluons-les et poursuivons dans cette direction !

Quant à l’installation de purificateurs d’air dans les établissements scolaires, elle relève, madame Obono, et cela a déjà été précisé, non pas du seul Gouvernement, mais aussi des collectivités territoriales compétentes. Arrêtez de dire n’importe quoi. Continuons à travailler pour l’ensemble des Français, qui, eux, jouent le jeu.

Mme Danièle Obono. Madame Vichnievsky, pardonnez-moi, mais je n’ai fait que dresser un constat objectif : si nous faisons face à une cinquième vague et avons atteint un niveau de contamination parmi les plus élevés d’Europe, c’est que nous ne sommes pas parvenus – cela est vrai aussi, vous avez raison, pour le reste de l’Europe et pour les États-Unis – à éteindre la pandémie.

Par ailleurs, si mon argumentaire ne correspond pas à l’amendement, c’est parce que tous nos amendements contenant des propositions ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Nous usons donc du stratagème consistant à déposer des amendements de suppression des alinéas pour pouvoir les défendre. En l’espèce, je vous demandais quelles mesures sont prises pour éviter la surcontamination observée dans les transports en commun. Des jauges sont-elles prévues ? Non. Des purificateurs d’air sont-ils installés dans les wagons ? Non. Aucune mesure de protection collective n’a été prise. Ces mesures sont pourtant nécessaires, non seulement dans les établissements scolaires, mais aussi, madame Dubost, dans tous les autres lieux recevant du public. Et, si, le Gouvernement a bien le pouvoir d’édicter des normes sanitaires de protection pour l’ensemble des établissements d’enseignement et de financer leur mise en œuvre.

Mme Émilie Chalas. Je veux réagir aux excès de nos collègues de La France insoumise. L’exemple des coopératives, qui vient comme un cheveu sur la soupe, est en fait un détour politique anticapitaliste dont le biais partisan est évident. La réalité est que de très grandes entreprises se sont très bien adaptées : Siemens, Décathlon et Danone, notamment, ont été reconnues à ce titre. Par ailleurs, si l’on tient à l’approche scientifique des choses, selon quels critères juge-t-on de l’adaptabilité d’une entreprise ? La qualité de vie au travail ? Le taux d’absentéisme ? Le chiffre d’affaires ? Le carnet de commandes ? De petites structures se sont également très bien adaptées – je pense en particulier aux commerçants, aux restaurateurs – et l’ensemble des Français ont fait preuve d’adaptation.

Ces discours opportunistes qui n’ont d’autre fin que de vous permettre de dérouler votre ligne anticapitaliste et nihiliste sont insupportables, et vous me trouverez toujours sur votre chemin pour les dénoncer.

M. Bruno Millienne. Le coût d’un purificateur d’air neuf se situe entre 500 et 1 000 euros. Toutes les régions sans exception ont commencé à en installer dans les lycées. La région Île-de-France a même offert une aide aux commerçants – Valérie Pécresse a beau être une opposante politique, je reconnais quand elle agit. Contrairement à ce que vous dites, madame Obono, ce n’est pas à l’État d’installer des purificateurs d’air dans les établissements d’enseignement, mais aux collectivités territoriales ; celles-ci peuvent, si besoin est, solliciter l’aide de l’État. Je tenais à vous rappeler la manière dont l’État fonctionne en France.

M. Guillaume Larrivé. J’écoute avec beaucoup d’intérêt nos débats sur les mérites comparés des sovkhozes, des kolkhozes et de l’économie libérale, mais je pense que nous aurions intérêt à revenir au texte…

Mme Caroline Fiat. Vous nous demandez depuis le début de la réunion des preuves scientifiques. Je ne fais que vous parler de protocoles sanitaires et d’éducation. Les anticapitalistes que nous sommes sont prêts à voir l’État dépenser beaucoup d’argent pour que les gens aient de quoi désinfecter leur intérieur en cas de contamination intrafamiliale. Mais quoi qu’il en coûte vous ne le faites pas, alors que la protection des gens passe par leur domicile et pas seulement par les bars et restaurants.

Cher collègue Millienne, dès qu’il s’agit des départements et des régions, le Gouvernement met le paquet sur les protocoles, mais dès que l’on demande à l’État de les aider à équiper les établissements scolaires en purificateurs d’air, c’est une autre affaire.

J’invite donc toutes les collectivités qui n’ont pas reçu leur chèque à cet effet à le réclamer dès demain à Emmanuel Macron.

Mme Cécile Untermaier. Le débat dérive de manière assez malheureuse. Le texte concerne le passe vaccinal, et il est essentiel de discuter des arguments et contre-arguments : les échappées des uns et des autres ne nous conviennent pas. Franchement, j’ai le sentiment d’être intellectuellement prise en otage.

Revenons au texte. Nous sommes là pour ça, pas pour faire le tour de la politique menée depuis cinq ans, même si les socialistes ont eux aussi des désaccords. Nous devons apporter les éclaircissements indispensables. Oui, les purificateurs sont importants, et je pense à cet égard que l’État doit être garant de l’égalité territoriale, mais pour autant ce ne sont pas ces questions qui nous aideront à trancher sur ce texte.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie pour cette intervention salutaire. Je prendrai dorénavant moins d’intervenants par amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL230 et 229 de M. Paul Molac.

Amendement CL89 de Mme Mathilde Panot.

Mme Danièle Obono. Merci pour les leçons de morale, mais nous faisons notre travail de parlementaires. Il faut parler des purificateurs d’air, car faire de l’obligation vaccinale le seul axe de la politique sanitaire est une erreur : c’est nécessaire, mais pas suffisant. Alors je demande des chiffres. L’État a débloqué des moyens pour que les collectivités installent des purificateurs d’air : au bout de deux ans, combien y en a-t-il dans les classes des écoles, des lycées et des universités de France ? Comment peut-on évaluer l’impact d’une politique sanitaire sans disposer de tels chiffres ?

Nous sommes au cœur du texte. Le passe sanitaire permet-il de réduire efficacement la circulation du virus ? Non, aucun élément ne permet de le dire. Par contre, les mesures de prévention, comme l’installation de purificateurs dans chaque salle de classe ou de capteurs de gaz carbonique dans les wagons des trains, sont efficaces.

Nous demandons donc à disposer d’éléments d’évaluation scientifique et financière – et cela, c’est du ressort de l’État – afin que tous les établissements scolaires, de la maternelle à l’université, soient équipés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous n’avez pas du tout présenté l’amendement, qui vise à supprimer les alinéas 4 à 8.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Le piège tendu par ce texte, car c’en est un, est de ne discuter que de votre fichu passe vaccinal, supposé être la seule solution à cette épidémie. Souffrez qu’au travers d’amendements de suppression nous proposions des alternatives à votre politique fondée uniquement sur le passe sanitaire et désormais le passe vaccinal.

« Je souhaite plaider la cause des purificateurs d’air, non par filtres, car ceux-ci doivent être manipulés et entretenus, mais par rayonnement ultraviolet C. Des purificateurs de ce type sont utilisés quotidiennement dans beaucoup de secteurs médicaux, en particulier pour la stérilisation des blocs opératoires. Leur efficacité n’est plus à démontrer, mais scientifiquement certifiée. Or nous savons à présent, d’une part, que nous devrons vivre avec le covid-19 et ses variants, voire avec d’autres virus du même ordre ; d’autre part, quels sont les lieux de contamination. Je plaide donc pour que les écoles, transports en commun, lieux de travail et de divertissement, et peut-être bientôt bureaux de vote, pour le bon fonctionnement de notre démocratie, soient rapidement équipés de ces appareils qui allient sécurité, efficacité et simplicité. »

Ces paroles qu’on dirait insoumises ont été prononcées par Cyrille Isaac-Sibille, député MODEM, lors d’une récente séance de questions au Gouvernement, alors que je venais de dire que le passe sanitaire ne protège de rien, puisque vous avez d’abord fermé les boîtes de nuit qui avaient été les premières à l’appliquer.

L’État pourrait aider les départements, les régions et surtout les communes, qui sont les plus en difficulté, avec les écoles primaires : ce n’est pas fait, et nous voulons que cela le soit.

M. Sébastien Jumel. Je suis pour un débat serein. La question fondamentale est de savoir si pour lutter efficacement contre ce satané virus on ne fait reposer les obligations que sur le citoyen, ou si l’État s’en fixe à lui-même. Les socialistes ont posé le débat, en demandant le vaccin obligatoire – je ne suis pas d’accord. Mais vous, vous rendez le vaccin obligatoire en exonérant l’État de ses propres obligations de moyens, de résultats et de mise en œuvre. La loi aurait très bien pu imposer l’équipement des lieux publics en purificateurs d’air, avec les moyens d’accompagnement nécessaires, surtout pour les communes.

Nous, députés, travaillons avec les outils à notre disposition, qui sont très limités en raison notamment des articles 40 et 45. En proposant de supprimer la seule réponse du texte, l’obligation vaccinale, nous souhaitons remettre dans le débat les obligations qui relèvent de l’État, comme le réarmement de l’hôpital et de la médecine scolaire ou le remboursement des tests.

Les Français ont fait des efforts colossaux : ils attendent de l’État qu’il fasse de même.

Mme Laurence Vichnievsky. Cher collègue, ces arguments correspondent à une discussion générale, pas du tout à l’amendement dont nous discutons. En quoi la suppression de tel ou tel alinéa répond-elle aux questions que vous posez ? Vous ne proposez pas d’alternative, alors que plusieurs techniques parlementaires vous permettent de le faire ! Nous nous sentons effectivement un peu instrumentalisés.

M. Ian Boucard. Il est vrai que depuis le début de la législature, les propositions des députés de l’opposition sont retoquées au motif des articles 40 et 45, qui entravent fortement la capacité des parlementaires à modifier la loi. Il faudra en discuter lors d’une prochaine réforme du règlement de l’Assemblée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Il s’agit d’articles de la Constitution que nous ne saurions modifier par notre règlement, et qui ne datent d’ailleurs pas d’hier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL194 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Il s’agit d’un amendement important.

L’alinéa 4 de l’article 1er supprime une disposition qui avait été proposée par les députés du groupe LaREM et votée dans le dernier texte sur la crise sanitaire. Nous avions en effet souhaité limiter l’utilisation du passe aux périodes de propagation de l’épidémie afin d’éviter son utilisation disproportionnée lorsqu’il n’y a pas de vague épidémique.

Comme nous ignorons ce qu’il en sera de l’épidémie dans les six prochains mois et que l’échéance pour l’état d'urgence sanitaire est fixée au 31 juillet 2022, nous devrions voter cet amendement qui vise à supprimer cet alinéa 4.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. J’y suis défavorable : nous prenons des décisions en fonction de ce que nous connaissons à un moment donné. Nous l’avons fait à chaque fois, et je ne pense pas que nous ayons pris de mauvaises décisions depuis deux ans. Nous ne savons pas du tout comment va évoluer ce virus extrêmement contagieux. Le virus mute, comme notre stratégie.

M. Ugo Bernalicis. Je soutiens l’amendement – ce qui revient à défendre ce que la majorité avait voté la dernière fois… – car la jurisprudence du Conseil d’État a établi qu’en droit, le passe sanitaire était valide parce que corrélé à une situation épidémique particulière et qu’il ne valait pas obligation vaccinale. Cela nous évite de voir des pouvoirs exorbitants mis entre les mains de l’exécutif et de nous satisfaire d’une situation dans laquelle l’entrave aux libertés puisse devenir la norme.

Il faut continuer de défendre cette petite garantie, car elle est logique : si le virus ne circule plus, alors il n’y a plus de raison de maintenir le passe sanitaire ou le passe vaccinal.

Par ailleurs, il est possible de se dire, a posteriori, qu’on n’a pas pris les bonnes décisions à un moment : cela s’appelle des retours d’expérience, qui permettent de mesurer ce qui a été bien ou mal fait, ce qui a été efficace ou inefficace. Cela permet de faire grandir le niveau de conscience collective, d’avancer et de rendre légitimes l’action et le discours publics. Or comme vous êtes incapables de dire « Nous nous sommes trompés », vous ne pouvez pas faire autrement que poursuivre dans la voie de l’autoritarisme.

M. Pacôme Rupin. Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous conservions cet outil, qui va à l’encontre d’un grand nombre de libertés, si le virus ne circule pas ou très peu. Nous convenions d’ailleurs tous de ce principe il y a quelques mois – de même que nous étions tous d’avis qu’il ne fallait pas élargir le passe ; or texte après texte, nous allons de plus en plus loin. Pour ma part, j’ai toujours été opposé à ce dispositif.

Par ailleurs, il conviendrait d’adapter le passe au variant omicron, qui pose de nouveaux problèmes puisqu’il s’est adapté à l’immunité des personnes vaccinées, ce qui lui permet de circuler largement parmi ces dernières. Par chance, comme M. le ministre l’a fait remarquer tout à l’heure, nous commençons à avoir un peu de recul et les premières données remontant d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni semblent montrer que les personnes atteintes par ce variant sont beaucoup moins nombreuses à être hospitalisées ou à développer une forme grave de la maladie.

Est-il donc opportun de conserver un tel outil alors que les épidémies seront très différentes de celles que nous avons connues jusqu’à présent ? Évitons en tout cas d’imposer partout des passes lorsqu’il n’y aura plus d’épidémie, comme nous le proposons dans cet amendement.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cet amendement. La légitimité des mesures que nous votons tient en effet à la multiplication inquiétante des infections et au caractère fulgurant de l’épidémie, non à la seule existence de cette dernière. Le terme « propagation », supprimé à l’alinéa 4, me semblait d’ailleurs tout à fait approprié.

Dans l’amendement CL244 qui viendra tout à l’heure, je propose de préciser, dans un souci de vérité et de transparence, que le Premier ministre peut aussi prendre par décret des mesures visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 en raison de « ses effets induits sur le système de soins », comme le suggère le Conseil d’État.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe La République en marche votera contre cet amendement.

Je vous rassure, monsieur Rupin, la mise en place du passe vaccinal est bien liée à la lutte contre l’épidémie : ce dispositif ne sera plus applicable lorsque l’épidémie de covid-19 sera terminée. Si nous avons supprimé le mot « propagation », c’est parce que ce terme pose un problème sémantique – une fois passé le pic épidémique, la propagation s’arrête – qui aurait pu susciter des contentieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL49 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Dans le cadre de ce que certains appellent le « travail parlementaire », qui me semble tout de même très restrictif, nous avons déposé cet amendement de repli visant à ajouter, au début du premier alinéa du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, les mots : « Dans les départements où une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence supérieur ou égal à 50 pour 100 000 habitants sur une durée continue d’au moins sept jours ». Autrement dit, en deçà d’un taux d’incidence de 50 pour 100 000 habitants, nous pourrions nous passer des mesures contraignantes prévues dans le présent projet de loi.

Je m’inscris en faux contre les arguments de M. Gouffier-Cha, qui prétexte une incertitude juridique pour justifier la suppression du terme « propagation ». Ne vous inquiétez pas : le Conseil d’État, saisi du texte que nous avons voté précédemment, est allé dans le sens du Gouvernement, faisant valoir que des informations venant de pays étrangers montraient la possibilité d’une reprise épidémique justifiant le maintien en vigueur du passe sanitaire. Les magistrats administratifs ou judiciaires se prononcent en fonction de l’esprit de la loi : ils relisent nos débats parlementaires et tiennent compte de l’intention du législateur dans les décisions qu’ils prennent. Ainsi, au moment où l’épidémie était la plus faible, le passe sanitaire a continué de s’appliquer dans l’ensemble du territoire national. C’est d’ailleurs pour cela qu’à l’époque, avec certains députés de la majorité, nous avions déposé des amendements visant à prévoir un seuil objectif en deçà duquel les mesures contraignantes cesseraient de s’appliquer – l’un de ces amendements avait même été adopté en commission.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Alors que le virus circule partout en France, il me paraît un peu léger de fixer un seuil au niveau du département. Du reste, le taux d’incidence n’est pas toujours l’indicateur le plus approprié, même s’il reste une référence utile. Enfin, je ne peux accepter d’attendre sept jours avant de prendre des mesures face à un virus qui va continuer de nous surprendre : nous devons rester très réactifs. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Estimez-vous ce délai de sept jours trop court ou trop long ? Vous nous avez expliqué tout à l’heure qu’une personne considérée comme cas contact n’avait plus besoin d’attendre sept jours pour retourner au boulot ! Sur quoi fondez-vous vos décisions : sur la science ? Sur des estimations au doigt mouillé ? Sur le Conseil de défense ? Sur la nécessité de faire tourner l’économie ? Quelle est votre boussole, comme dirait notre monarque présidentiel dans sa grande sagesse ? Pour notre part, nous voulons fixer des critères objectifs, basés notamment sur les recommandations du Conseil scientifique, qui soulignait dans son avis du 16 décembre que 30 % des résidents des EHPAD n’avaient toujours pas reçu leur dose de rappel : il faudrait peut-être accélérer un peu ! Si nous nous donnions des obligations de moyens et de résultats, comme le proposait tout à l’heure M. Jumel, nous n’aurions peut-être pas besoin de prendre de nouvelles mesures contraignantes. Tout cela relève du bon sens. Il convient de se rattacher à des critères objectifs, pas de s’en tenir à des « cela me semble trop court » ou « cela me semble trop long ».

M. Olivier Marleix. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas que vous rejetiez une mesure fondée sur le taux d’incidence alors que l’ensemble du texte proposé par le Gouvernement se justifie par l’augmentation de ce taux et la circulation plus active du virus.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Pas uniquement !

M. Olivier Marleix. Pour vous, le taux d’incidence est l’alpha et l’oméga. Le Conseil d’État lui-même a changé d’avis par rapport au précédent texte parce que le taux d’incidence a évolué. J’aimerais que nous tenions aussi compte d’autres critères, tels que la létalité du virus – a priori, le variant omicron serait moins dangereux que ne l’est le variant delta –, ou encore la situation des personnes hospitalisées en soins intensifs, qui peuvent présenter des comorbidités. Ces chiffres, nous ne les avons pas : la seule donnée derrière laquelle vous vous rangez, c’est le taux d’incidence. L’amendement de M. Bernalicis, qui propose d’adopter une approche départementale, est loin d’être aberrant. Il vous faudra retravailler vos arguments d’ici à la séance de lundi !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL244 et CL238 de Mme Cécile Untermaier.

Amendements identiques CL50 de Mme Caroline Fiat et CL231 de M. Paul Molac.

Mme Caroline Fiat. Il s’agit de supprimer les alinéas 5 et 6, qui présentent une incohérence. Vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le rapporteur : est-il logique d’imposer un passe vaccinal tout en diminuant le nombre de jours d’isolement des personnes positives à la covid-19, qui pourront donc contaminer leurs collègues de travail et les usagers des transports en commun ? Est-il logique d’imposer un passe vaccinal en faisant l’impasse sur l’éducation sanitaire, toujours inexistante dans notre pays, et sur la prévention sanitaire, qui passe par un maintien des gestes barrières, même par les personnes vaccinées, ainsi que par la stratégie tester-tracer-isoler ? J’ai déploré tout à l’heure une dégradation du tracing. Nous connaissons tous des personnes positives qui attendent toujours le coup de fil de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour déclarer leurs cas contacts – heureusement, elles sont nombreuses à appeler leurs amis pour les prévenir, mais ce n’est pas le cas de toutes.

Seuls des protocoles sanitaires stricts permettront de protéger nos concitoyens. Le 15 décembre, lors d’une audition de M. Véran, j’ai exposé ma situation personnelle : alors que mon fils était positif au covid, aucune mesure ne m’a été proposée. Lorsque j’ai eu l’agent de la CPAM au téléphone, j’ai dû lui rappeler moi-même les règles d’isolement – il ne savait pas qu’un enfant de 8 ans ne pouvait être retenu dans sa chambre contre son gré sans que l’aide sociale à l’enfance débarque à la maison deux jours plus tard ! Mais il faut quand même aller travailler pour faire vivre notre pays…

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que nous sortions de l’isolement des gens positifs et contagieux ? Si le délai d’isolement a été raccourci, c’est qu’il est vraisemblable que les personnes concernées puissent sortir sans être contagieuses. Nous progressons peu à peu dans la connaissance de ce virus, et nous savons désormais que le délai d’isolement, initialement fixé à sept ou dix jours, peut être réduit à cinq jours car les personnes testées positives et asymptomatiques ne présentent alors plus de contagiosité importante. Avis défavorable.

M. Paul Molac. Ces amendements visent à maintenir le passe sanitaire. Une personne vaccinée comme moi, qui détient un passe sanitaire et obtiendra bientôt un passe vaccinal, peut très bien être infectée en restant asymptomatique, et donc propager la maladie sans même le savoir, d’autant que le variant omicron ne semble pas entraîner de perte du goût ni de l’odorat. À moins d’être bien malade, qu’est-ce qui permet de différencier un petit covid d’un rhume que l’on traîne pendant tout l’hiver ? En revanche, une personne non vaccinée cherchant à obtenir un passe sanitaire doit subir un test dont la durée de validité n’excède pas vingt-quatre heures : finalement, elle est bien plus sûre que moi de ne pas transmettre la maladie. Ainsi, le passe vaccinal aura les effets inverses de ceux que vous recherchez : la maladie se propagera davantage.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le rapporteur, quel est le texte qui fixe la durée de dix, sept ou cinq jours que vous évoquez ? S’agit-il d’une loi, d’un décret, d’un arrêté, d’une recommandation ?

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ce sont des données scientifiques : on peut réduire la durée d’isolement de dix à cinq jours.

M. Guillaume Larrivé. J’entends bien, mais nous sommes en train de faire la loi. Existe-t-il un texte officiel, une norme juridique, qui fixe la durée de l’isolement ?

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Non, il n’y a pas de texte. Il s’agit d’une doctrine élaborée sur le fondement des préconisations scientifiques.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dès lors que l’isolement n’est pas obligatoire mais se limite à une recommandation des autorités scientifiques et du Gouvernement, il n’existe pas de norme juridique qui fixe ce délai.

Mme Caroline Fiat. L’isolement n’est donc pas obligatoire, et aucune action d’éducation ou de prévention sanitaire n’est menée auprès de nos concitoyens ; mais vous vous obstinez à vouloir mettre en place le passe vaccinal ! Je sais qu’un médecin est plus intelligent qu’une aide-soignante, mais pensez-vous vraiment, monsieur le rapporteur, que vous me convaincrez en me disant qu’« il semblerait que la contagiosité soit moins importante » ? Si tel est vraiment le cas, pourquoi demande-t-on toujours au personnel soignant entrant dans les unités de réanimation covid de mettre charlotte, lunettes, masques FFP2, surblouse et surchaussures, et de désinfecter tout ce qui est entré dans les chambres pour éviter de s’infecter eux-mêmes et d’infecter les autres patients. Pourquoi n’apprend-on pas à nos concitoyens à vivre avec ce fichu virus ? Certes, il est important de se vacciner, mais plutôt que d’instaurer un passe vaccinal, ne vaudrait-il pas mieux inculquer aux Français les règles sanitaires qui leur permettront de vaincre le virus ?

M. Ludovic Mendes. Vous prétendez, madame Fiat, que nous ne faisons rien au sujet des gestes barrières. Je vois pourtant de la communication partout : à la télévision, à la radio, dans les magazines, à l’école, dans tous les lieux où nous nous rendons… Vous ne pouvez pas dire cela. Le Gouvernement mène des actions de prévention, et les Français ne sont pas plus bêtes que d’autres ! En outre, dans les trains et les avions, l’air est renouvelé toutes les trois à six minutes. Mais tout cela ne suffit pas ; c’est pourquoi nous sommes obligés de prendre de nouvelles mesures. Parce que vous voulez bloquer le débat, vous nous éloignez du sujet et vous nous faites perdre du temps en discutant de choses tout à fait inutiles.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Les Français appliquent les gestes barrières, ils comprennent parfaitement les messages qui leur sont envoyés et savent que nous devons aller plus loin avec d’autres mesures, tel le passe vaccinal, que, du reste, ils attendent.

Nous en apprenons chaque jour un peu plus sur cette épidémie, ce qui nécessite que nous nous adaptions au fur et à mesure. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé au Conseil scientifique une nouvelle recommandation sur les délais d’isolement ; il faudra attendre la fin de la semaine pour la connaître.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL 196 de M. Pacôme Rupin. 

M. Pacôme Rupin. Il est essentiel que les législateurs puissent mettre une limite à l’utilisation du passe vaccinal. C’est ce que nous avions fait, ici, en octobre, en proposant de circonscrire l’utilisation du passe sanitaire en fonction de l’évolution de l’épidémie. Il faut croire que cette disposition, qui proposait que le recours au passe sanitaire soit territorialisé et qu’il ne puisse être mis en œuvre qu’au regard du nombre de contaminations, était imparfaite – elle a été finalement rejetée.

On voit bien qu’avec le variant omicron, ce dernier critère n’est plus pertinent : les premiers chiffres qui proviennent d’Afrique du Sud ou du Royaume-Un montrent que le fort taux d’incidence ne signifie pas que les services de réanimation seront submergés. Je propose donc de limiter l’utilisation du passe vaccinal en cas de circulation active du virus de nature à déstabiliser le système hospitalier, mesurée par un taux d’occupation des lits de réanimation dans les hôpitaux supérieur à 50 %.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Les seuils fixes sont totalement inadaptés à un virus qui ne regarde pas les chiffres. Avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. Certes, le virus ne regarde pas les chiffres, mais nous, nous pouvons en tenir compte. Le passe avait un intérêt, celui d’inciter les gens à se faire vacciner ; on en voit désormais les limites, puisqu’il interdit à un nombre assez important de nos concitoyens, bien que très minoritaires, d’exercer certaines activités quotidiennes. Il convient d’utiliser le passe avec parcimonie et de ne pas s’habituer à cet outil. Le seuil que je propose n’est peut-être pas le bon, je suis ouvert à la discussion, mais il convient de circonscrire l’utilisation du passe, sans quoi nous ne cesserons jamais d’y avoir recours. Ce n’était pas notre souhait, il y a encore quelques mois.

M. Ugo Bernalicis. Le virus ne regarde pas les chiffres, il ne regarde pas davantage qui détient un passe et qui n’en a pas. Cet amendement est légitime, raisonnable et logique. Toute l’argumentation du ministre et du Président de la République consiste à dire que, compte tenu de la tension hospitalière et des risques de défaut de prise en charge, il faut limiter les contaminations. En toute cohérence, s’il y avait un indicateur à retenir, ce serait bien celui du taux d’occupation des lits de réanimation.

Au passage, il faudrait tenir compte de tous ceux que votre politique d’austérité budgétaire vous a conduits à fermer. Et, pourquoi pas, imaginer que, pour réduire à nouveau les tensions hospitalières, vous imposiez le passe vaccinal lors d’une épidémie de grippe… le 5 janvier, par exemple, une fois ce texte adopté !

Au-delà des alternatives que nous vous proposons, et qui n’ont pas l’air de vous atteindre, cet amendement pose la question de la société dans laquelle nous voulons vivre.

Mme Cécile Untermaier. La tension du système hospitalier, qui met en péril l’accès aux soins des personnes souffrant d’autres pathologies que la covid-19, et la fulgurance de l’épidémie sont les deux paramètres de cette crise. Je trouve dommage qu’ils ne trouvent pas leur expression dans ce texte. C’est pourtant leur alliance qui nous oblige à aller à l’encontre de nos libertés fondamentales. Je soutiendrai cet amendement.

Mme Émilie Chalas. L’épidémie est multifactorielle, dans son analyse, dans son approche et dans la façon dont on la combat. Outre le taux d’occupation des lits de réanimation, il faut tenir compte d’autres critères pour jauger son évolution, tels que la contagiosité du variant, son incidence et le taux de mortalité.

Par ailleurs, cela fait des mois que les commerçants, les restaurateurs, les entreprises, les services publics s’organisent pour mettre en œuvre le passe sanitaire, recrutent des vigiles, mettent à disposition des agents. S’il faut changer les règles toutes les trois semaines en fonction de l’évolution de l’épidémie, on ôte au contrôle son caractère systématique. Il me paraît pourtant indispensable de le maintenir tant que nous ne serons pas sortis de cette crise.

Ce moment n’est pas venu : il ne vous aura pas échappé que nous faisons face à un raz-de-marée des contaminations par le variant omicron et que nous sommes en plein pic. La question de la fin de ce dispositif, par quels moyens et selon quels critères, n’est pas du tout à l’ordre du jour.

M. Sébastien Jumel. Si l’on s’était donné les moyens de réarmer les services de réanimation il y a deux ans, nous n’en serions sûrement pas là. Mais il est vrai que le taux d’occupation des lits n’est pas le seul critère ; il y a aussi la progression du variant omicron. Or Guillaume Rozier, de CovidTracker, nous informe sur Twitter de l’arrêt du suivi d’omicron sur son site : « La France a cassé les seules données publiques nous permettant de bien suivre la progression du variant. » Voilà une information qui vaut son pesant de cacahuètes ! Il explique que la France ne s’est pas donné les moyens d’une politique de séquençage efficace et que, faute d’analyse, cet outil ne peut être utilisé pour suivre la progression des variants. Vous constaterez que même les personnes les plus irréprochables – Guillaume Rozier a été décoré par Emmanuel Macron – nous fournissent des arguments pour affirmer que les mesures prises ne sont pas à la mesure de la crise et que tout l’arsenal n’a pas été mis en œuvre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL4 de M. Ian Boucard, CL130 de M. Olivier Marleix, amendements identiques CL232 de M. Charles de Courson et CL239 de Mme Cécile Untermaier, amendements CL264 de M. Charles de Courson, CL234 de M. Paul Molac et CL240 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune.)

M. Ian Boucard. Il serait préjudiciable aux mineurs de leur demander de justifier d’un statut vaccinal complet dans la mesure où la HAS a recommandé que seuls les jeunes de 12 à 17 ans immunodéprimés, présentant une pathologie à haut risque ou une comorbidité – une minorité, fort heureusement, de cette classe d’âge – reçoivent une dose de rappel. Par ailleurs, les personnes actuellement contaminées n’auront pas la troisième dose avant deux mois. Le ministre nous a rassurés en expliquant que le certificat de rétablissement serait pris en compte mais il est préférable de le préciser dans la loi.

M. Olivier Marleix. Le Conseil d’État a considéré que le fait de ne retenir que le passe vaccinal introduisait une forme de rigidité. Pour plus de souplesse, nous proposons que, en fonction des circonstances épidémiologiques, il soit possible de produire seulement un passe sanitaire.

M. Paul Molac. Nous proposons d’inscrire explicitement dans la loi que le certificat de rétablissement est intégré au passe vaccinal afin de prendre en compte les personnes ne pouvant accéder à la vaccination du fait de leur contamination récente.

Mme Cécile Untermaier. Le ministre a expliqué que le décret prévoirait les conditions dans lesquelles un certificat de rétablissement peut se substituer au justificatif de statut vaccinal mais il me semble que c’est au législateur de prévoir, dans un souci de clarté et de transparence vis-à-vis des citoyens, cette alternative au schéma vaccinal.

De la même manière, il nous revient de préciser dans la loi qu’un certificat médical justifiant d’une contre-indication à la vaccination contre le covid-19 vaut passe vaccinal.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Premièrement, la loi du 5 août avait reporté au 30 septembre l’application du passe sanitaire pour les mineurs de 12 à 17 ans car ils étaient entrés beaucoup plus tardivement dans la vaccination – aujourd’hui 81 % d’entre eux ont reçu au moins une dose. La même loi, dans un but de simplification, exigeait l’accord d’un seul des deux parents pour la vaccination des mineurs âgés de 12 à 15 ans et la vaccination sans l’accord des parents pour les mineurs âgés de 16 à 17 ans. Par ailleurs, la désactivation, au 15 janvier, des passes des personnes n’ayant pas reçu une dose de rappel sept mois après la deuxième dose ne concerne que les personnes majeures.

Deuxièmement, pour maintenir un dispositif clair et lisible, les conditions dans lesquelles un certificat de rétablissement pourra se substituer au justificatif de statut vaccinal sont renvoyées à un décret. Le passe vaccinal, c’est un certificat de vaccination valide.

Avis défavorable.

M. Paul Molac. Il convient de prévoir, dans la loi, le cas des personnes présentant des contre-indications à la vaccination. Le ministre ne m’a pas rassuré en disant que les contre-indications étaient très peu nombreuses. Seul le médecin, qui connaît son patient, est apte à juger de l’existence d’une contre-indication. Il me paraît compliqué de renvoyer une telle disposition au décret. Cela revient, en quelque sorte, à déposséder le médecin de sa faculté.

M. Ian Boucard. Nous avions prévu dans la loi que le certificat de rétablissement donne accès au passe sanitaire, sans attendre qu’un décret le précise. Pour éviter toute confusion, il conviendrait de le prévoir pour le passe vaccinal ; l’amendement CL234 de M. de Courson, qui ne porte, contrairement à mon amendement CL4, que sur le certificat de rétablissement, permettrait peut-être de trouver une ouverture.

S’agissant de la dose de rappel que pourraient recevoir les mineurs, sait-on si des études ont été commandées ? Attend-on une décision de la HAS ? La position sanitaire qui prévaut aujourd’hui est-elle appelée à évoluer ?

M. Ludovic Mendes. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la HAS ont donné quelques contre-indications, qui concernent une partie infime de la population – moins de 100 000 personnes –, et rappelé que les vaccins ne présentaient pas de risque particulier. Malgré tout, beaucoup de médecins traitants refusent encore de vacciner certains de leurs patients. Je rappelle que les personnes éventuellement concernées peuvent se rendre dans un centre de vaccination, où elles seront reçues par un médecin.

Comme le passe sanitaire, le passe vaccinal s’adaptera au schéma vaccinal, dont le nombre de doses varie en fonction de l’existence d’une contamination. La même logique s’appliquera aux mineurs, dont le parcours vaccinal est décalé dans le temps.

 

Mme Cécile Untermaier. Merci pour ces explications, mais l’objectif des amendements déposés par M. de Courson et moi-même n’est pas de répondre à cette question – qui doit être analysée ainsi que vous le dites –, simplement de rendre la loi, laquelle n’est pas réservée à l’usage des parlementaires, intelligible et claire pour toute personne qui la lira. Chacun doit pouvoir comprendre que le passe vaccinal s’obtient soit par un parcours vaccinal classique, soit par un certificat de rétablissement – et où l’apprendra-t-on ? Dans un décret ? –, cas auxquels s’ajoute celui, précédemment évoqué, des contre-indications.

Le législateur est là pour clarifier la situation et apaiser l’angoisse des personnes qui pourraient se croire écartées du dispositif. Il ne s’agit pas d’une révolution, mais d’éléments entendus par tous et qu’il faut spécifier au niveau législatif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL233 de M. Paul Molac

M. Paul Molac. Il s’agit d’insérer à l’alinéa 6 les mots « seulement dans les départements connaissant un taux de personnes disposant d’un schéma vaccinal complet contre la covid-19 inferieur ou égal à 90 % de la population éligible aux vaccins ».

En effet, la forte restriction des libertés qu’implique l’imposition d’un passe vaccinal ne se justifie plus à partir du moment où la quasi-totalité́ de la population éligible aux vaccins est vaccinée, ce qui fait décroitre très fortement la possibilité́ de transmission du virus – ou, en tout cas, la possibilité de contracter les formes les plus graves de la maladie, puisque l’on s’aperçoit que le vaccin ne protège pas totalement et n’empêche pas les contaminations.

Va-t-on continuer à vacciner les gens avec une dose, deux doses, trois, quatre, ou considère-t-on qu’à ce stade on a atteint ce que l’on pouvait faire par la vaccination et que l’on s’arrête là sans embêter ceux qui ne veulent pas être vaccinés ?

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je suis pour embêter ceux qui ne veulent pas se faire vacciner. Les non-vaccinés représentent 10 % de la population française, soit 6 millions de personnes : nous n’allons pas arrêter pour eux tout ce que nous sommes en train de décider. Avis défavorable.

M. Paul Molac. Je me souviens qu’on nous a dit qu’arrivés à 60 %, nous aurions l’immunité collective, puis cela a été 70 %, 80 %, 90 %... Jusqu’à quand va-t-on continuer comme cela ? Il faudra se piquer tous les trois mois ? À un moment, il faut peut-être réfléchir !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL142 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendements CL195 de M. Pacôme Rupin, CL242 de Mme Cécile Untermaier, CL3 de M. Ian Boucard, amendements identiques CL134 de M. Olivier Marleix et CL51 de Mme Danièle Obono (discussion commune)

M. Pacôme Rupin. Il faut absolument éviter que les mineurs aient à présenter un passe vaccinal.

D’abord, c’est les habituer à une société dont, je crois, nous ne voulons pas, même si nous la subissons à cause de l’épidémie. Il n’est pas bon que des jeunes de 12 ou 13 ans s’accoutument à cette procédure pour accéder à des activités sportives ou culturelles.

Ensuite, cela rendrait la vaccination en quelque sorte obligatoire pour eux, alors qu’on les sait très peu touchés pour l’instant par les formes graves de la maladie, si bien que le rapport bénéfice-risque n’est pas favorable.

En outre, un nombre non négligeable de familles sont divisées, les enfants voulant poursuivre leurs activités alors que les parents sont contre le vaccin : cela crée des situations difficiles.

De nombreux députés de tous bords sont sensibles à cette question.

Mme Cécile Untermaier. Notre objectif et nos arguments sont les mêmes.

M. Ian Boucard. Il s’agit en effet toujours des mêmes arguments, déjà développés au cours de la discussion générale.

Le passe vaccinal pour les mineurs est un sujet clivant. Il pose un vrai problème à beaucoup de personnes majeures qui y sont pourtant favorables pour elles-mêmes.

Comme l’a rappelé notre collègue Rupin, un mineur ne décide pas : il est tributaire de la décision de ses parents. Il pourrait donc se trouver sans passe vaccinal non par choix, mais du fait de celui de ses parents.

S’y ajoute un véritable enjeu de santé physique et mentale pour des mineurs privés dès 12 ans d’activités sportives et culturelles, en partie désocialisés faute de pouvoir aller jouer au foot ou faire du théâtre avec leurs copains. Depuis deux ans, les jeunes subissent les conséquences du covid sans avoir les mêmes moyens que nous, adultes, d’y faire face ; les contraintes qui pèsent sur eux s’alourdissent de mois en mois. Quelle génération sommes-nous en train de créer ?

Voilà pourquoi nous proposons de réserver le passe vaccinal aux majeurs.

M. Olivier Marleix. Je propose moi aussi que les adolescents soient soustraits à la règle du passe vaccinal, par lequel le Gouvernement crée une quasi-obligation vaccinale.

Dans son avis du 3 juin dernier, la HAS juge que cette population joue un rôle plus faible dans la transmission du virus. De plus, estimant que le bénéfice individuel de la vaccination, s’il existe pour elle, est moins évident que pour les adultes, la HAS justifie surtout sa vaccination par le risque de désocialisation des adolescents qu’impliqueraient les mesures alternatives de fermeture de classes. Les dispositions du texte vont atténuer ce bénéfice individuel en entraînant l’exclusion d’un certain nombre de jeunes de leurs activités sportives et culturelles.

En outre, cela vient d’être dit, ce pseudo-choix est imposé à des mineurs qui ne décident pas par eux-mêmes, mais ont besoin de l’accord d’un de leurs deux parents pour recevoir le vaccin. Certains parents s’y opposeront. Soumettre les mineurs à cette situation me paraît éminemment contestable.

Mme Danièle Obono. Nous sommes nous aussi opposés à l’instauration d’un passe vaccinal pour les mineurs, comme nous l’étions s’agissant du passe sanitaire. Si, vous l’avez compris, nous sommes contre le passe vaccinal en général, nous le sommes encore plus lorsqu’il concerne les mineurs ; notre amendement est donc de repli.

Le 20 juillet 2021, la Défenseure des droits sonnait déjà l’alerte s’agissant des « risques considérables d’atteinte aux droits de l’enfant » : « la Défenseure des droits relève que la situation spécifique des mineurs n’est pas prise en compte. Le texte [de l’époque] prévoit, faute de “passe sanitaireˮ, des restrictions pour l’exercice de droits essentiels pour la jeunesse. La Défenseure des droits rappelle à cet égard que l’accès aux loisirs et à la culture est un droit proclamé par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Il ne s’agit pas d’un droit accessoire mais bel et bien d’un droit fondamental pour le bon développement de l’enfant » – ce dernier argument n’est-il pas l’un de ceux qui a été mis en avant pour justifier que les écoles, bien que non sécurisées, restent ouvertes ?

La Défenseure des droits poursuivait ainsi : « Le respect, par les nouvelles dispositions, des exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité des nouvelles mesures envisagées ne peut s’apprécier qu’en considération, notamment, de l’âge des personnes auxquelles la loi s’applique. » C’est encore plus vrai du passe vaccinal.

« Dans la mesure », ajoutait-elle, « où l’élève ne pourra pas participer aux activités de loisirs ou de culture organisées à l’extérieur de l’école, le risque est grand d’une stigmatisation de l’élève non vacciné au sein de son établissement scolaire ou internat scolaire. Le “passe sanitaireˮ rendrait en outre nécessaire la transmission par l’élève à son établissement scolaire d’informations relatives à sa santé, entamant d’autant le respect de sa vie privée ». Là encore, cela vaut à plus forte raison du passe vaccinal. « Cette différence de traitement », concluait la Défenseure des droits, « pourrait impacter d’autant plus les populations éloignées habituellement de l’accès aux soins », rendant les enfants concernés encore plus vulnérables.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le variant omicron touche beaucoup plus les jeunes que précédemment. Il faut donc absolument les vacciner.

Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Sébastien Jumel. Cela a été dit, le débat, pour ne pas être unilatéral, implique parfois l’approbation. Mais, sur le fond, la question est de savoir si la mesure comporte plus d’inconvénients que d’avantages, si le rapport bénéfice-risque est équilibré.

On a dit aussi à quel point la jeunesse avait été fragilisée ; c’est un élément qu’il faut prendre en compte. J’ajouterai que, selon l’âge de l’enfant, son consentement à la vaccination n’est pas nécessairement requis, alors que c’est bien à lui que s’appliquera la mesure résultant du fait qu’il est ou non vacciné. Ainsi, si les parents refusent le passe vaccinal pour l’enfant, c’est la double peine : il sera pénalisé dans sa vie sociale, dans sa vie tout court, car mis sous cloche, avec les risques que cela comporte.

Enfin, le rapporteur nous dit que les jeunes sont plus concernés que les autres par le variant omicron. Pourtant, je le répète, nous n’avons pas les moyens de tracer la progression de ce variant, ni même de procéder à un séquençage permettant d’identifier avec certitude les publics qu’il touche le plus. Ce n’est pas du complotisme que de dire cela : c’est ce qu’expliquent les gens qui travaillent sur le sujet ; du reste, le ministre lui-même a déclaré tout à l’heure que le variant touchait tout le monde de la même façon, sans faire de différence selon l’âge ni la région. C’est le rapporteur qui devrait être ministre, s’il sait tout cela mieux que tout le monde !

Bref, nous proposons de préserver les mômes d’un acte d’autoritarisme dont l’efficacité est douteuse.

M. Ugo Bernalicis. En effet, Sébastien Jumel l’a rappelé, on ne fait plus de séquençage du résultat des tests et M. Rozier, qui diffuse ses chiffres sur le site CovidTracker, ne peut indiquer la progression du variant omicron faute de disposer des données nécessaires. Comment faites-vous donc, monsieur le rapporteur, à moins d’avoir un super CovidTracker intégré ?

En revanche, il y a d’autres données dont nous disposons. Quand bien même les jeunes attraperaient davantage ce variant, on sait depuis le début de l’épidémie qu’ils développent moins de formes sévères que les plus âgés. De plus, le vaccin n’empêche pas la transmission, à moins d’en administrer des doses très régulièrement, et encore : il n’est même pas sûr qu’une périodicité de trois mois suffise, puisque les études montrent que la protection efficace contre la contamination et la retransmission dure deux mois. Or la non-transmission serait le seul intérêt de la vaccination des plus jeunes, étant donné qu’ils ne développent pas de formes graves. La balance n’est donc pas favorable.

C’est à plus forte raison le cas quand, en dézoomant un peu, on prend conscience de la proportion de non-vaccinés parmi les résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – 30 % au 17 décembre – ou des problèmes d’accès aux vaccins dans le monde. Plutôt que de vacciner les plus jeunes et de leur imposer le passe vaccinal, utilisons nos doses à bon escient !

M. Ian Boucard. Je souhaite moi aussi des précisions sur ce qui vient d’être dit par le rapporteur. Dispose-t-on d’éléments émanant du Conseil scientifique à propos de la contamination des mineurs par le variant omicron ? Cela intéresserait la commission des lois, vu les décisions qu’elle a à prendre. J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé ce genre d’informations… De plus, il me semble à moi aussi que le ministre de la santé a dit à peu près l’inverse tout à l’heure, alors que, s’il avait eu ce renseignement, j’imagine qu’il nous l’aurait donné.

On l’a beaucoup dit, l’intérêt de la vaccination est d’empêcher de développer une forme grave et de terminer en réanimation. Or, d’après les informations dont nous disposons, les mineurs ne sont pas concernés par ces deux risques à moins d’être atteints de comorbidités, et il ne semble pas qu’omicron y change grand-chose. Sur ce point également, avez-vous des éléments contraires, monsieur le rapporteur ? Ce serait intéressant – et il serait surprenant que nous n’en ayons pas été prévenus. Sinon, il paraît préjudiciable d’imposer aux mineurs exactement les mêmes règles qu’aux adultes.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Ce débat est légitime, tant est difficile la décision de mettre en œuvre le passe sanitaire et, demain, le passe vaccinal, surtout s’agissant des mineurs, notamment les 12-17 ans. Si nous l’instaurons pour eux, c’est parce que ce public est lui aussi touché, et particulièrement, par le virus – la semaine dernière, le taux d’incidence chez les 10-19 ans était de 835 cas pour 100 000 habitants, contre 759 dans l’ensemble de la population –, et qu’il le véhicule. Il importe donc de lui appliquer les mêmes mesures qu’aux adultes pour combattre et freiner la propagation du virus.

Notre collègue Caroline Abadie défendra ultérieurement un amendement visant à exempter les mineurs du passe vaccinal pour les sorties scolaires.

Nous voterons contre l’ensemble des amendements en discussion.

M. Olivier Marleix. Comme l’indique la fiche de synthèse n° 35 publiée sur le site de l’Assemblée, « la commission nomme en son sein un rapporteur chargé d’éclairer ses travaux ». La réponse de M. le rapporteur sur l’inclusion des mineurs dans le passe vaccinal est un peu sommaire et mériterait d’être étayée.

Y a-t-il un avis du Conseil scientifique à ce sujet ? Le 1er décembre, à l’initiative de Mme la présidente, nous avons auditionné le professeur Delfraissy, qui a indiqué que les enfants semblent plus fréquemment atteints par le variant Omicron, sans que l’on en connaisse encore les effets. La HAS a-t-elle émis à ce sujet un avis complétant celui publié en juin dernier ? Monsieur le rapporteur, vous avez sans doute mené des auditions. Si vous avez des informations, nous aimerions que vous les partagiez.

Deuxièmement, j’aimerais que l’on envisage, pour les mineurs, une solution un peu plus modérée, en conservant la possibilité de présenter un test négatif. Faut-il demander au mineur participant à une unique sortie dans un parc d’attractions d’être vacciné ? Un test négatif n’est-il pas suffisant ?

Troisièmement, il faut, en matière de sanctions, faire preuve d’un peu de discernement. Le texte prévoit de punir l’achat ou la vente d’un faux passe d’une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. M. le ministre des solidarités et de la santé m’a répondu, lorsque je l’ai interrogé sur ce point, que personne n’enverra un enfant en prison, compte tenu notamment de l’excuse atténuante de minorité. Certes, mais écrire la loi est chose sérieuse. Lorsque l’on prévoit qu’une telle peine peut s’appliquer à des adolescents, il faut avoir conscience des responsabilités que l’on prend.

Monsieur le rapporteur, pourriez-vous faire œuvre utile et remettre un peu de discernement dans tout cela, en distinguant davantage la situation des mineurs de celle des majeurs et, en matière de sanctions, celle des trafiquants qui produisent des faux passes et des faux QR codes, ce qui leur rapporte beaucoup d’argent, de celle du gamin qui fait une simple photocopie pour pouvoir accompagner ses copains dans un parc d’attractions ou un établissement de restauration rapide ?

Mme Laurence Vichnievsky. Même sans envisager un oui sans réserve, on peut être sensible à certains arguments. Nous sommes plusieurs, au sein de notre groupe, à nous interroger sur la disposition du projet de loi visant à imposer un passe vaccinal aux mineurs âgés de 12 à 18 ans.

Ce qui est sûr, c’est que leur vaccination requiert l’accord des parents. La situation du mineur est donc complètement différente de celle du majeur. Ne serait-ce que pour cette raison, il me semble qu’elles doivent être traitées différemment. Par ailleurs, je souscris à la demande d’information formulée par notre collègue Marleix. Nous en avons besoin pour nous déterminer.

Nous sommes sensibles à la rédaction de l’amendement présenté par Cécile Untermaier, qui conserve la nécessité du passe sanitaire pour les mineurs âgés de 12 à 17 ans. Cette voie me semble la plus raisonnable en l’état actuel de nos connaissances, compte tenu de la distinction très nette entre mineurs et majeurs au regard de l’obligation vaccinale.

M. Pacôme Rupin. S’agissant d’une question de principe, je n’entrerai pas dans une querelle de chiffres. La nécessité, pour les mineurs, d’obtenir l’accord de leurs parents pour se faire vacciner crée des divisions au sein même des familles, par exemple s’ils veulent continuer à pratiquer telle ou telle activité.

Toutefois, si l’on consulte le dernier rapport des autorités sanitaires britanniques, qui ont un peu d’avance sur nous au sujet du variant Omicron, on constate que celui-ci touche en moyenne 12 % des 10-19 ans, contre 20 % pour le variant Delta, et ce sur dix-huit jours d’étude. On ne peut donc pas dire que le nouveau variant touche les mineurs davantage que les précédents. On peut plutôt dire le contraire, tout en demeurant très vigilant sur les chiffres. Peut-être manquons-nous de recul sur le variant Omicron. En tout état de cause, les premiers signes ne corroborent pas les arguments qui ont été avancés pour rejeter les amendements.

Mme Caroline Fiat. De nombreux chiffres sont cités. Cher collègue Gouffier-Cha, vous en avez donnés à propos des 18-19 ans. Les chiffres ont leur importance, en effet, mais je rappelle que nous parlons ici des mineurs. En voici un, donné par Olivier Véran lors de son audition du 15 décembre : les soixante enfants hospitalisés souffraient de comorbidité. Or l’une des premières comorbidités menant à l’hospitalisation des enfants, dans notre pays, est l’obésité. Quelle en est la cause ? Rester sur la banquette et ne pas faire de sport. Et que proposez-vous par le biais du passe vaccinal ? Interdire le sport aux enfants, donc devenir obèses et probablement développer une forme grave du covid !

Mme Cendra Motin. On ne devient pas obèse en trois semaines !

Mme Caroline Fiat. Cela fait deux ans que nos gamins vont de confinement en interdiction de pratique sportive et restent sur leurs banquettes à jouer à la console ! Pour les parents, ce n’est pas chose simple. Quand vous avez la chance d’avoir des enfants qui n’ont pas de comorbidité, c’est tout juste si le covid ne décuple pas leur énergie sans augmenter leur température d’un dixième de degré. Mais pour ceux dont l’obésité est la première des comorbidités, interdire le sport, c’est marcher sur la tête.

M. Guillaume Larrivé. Je fais miennes les interrogations d’Olivier Marleix et de Laurence Vichnievsky. Il convient d’avoir, avant l’examen du texte en séance publique, les idées plus claires au sujet de l’échelle des sanctions pénales. Sur ce point, le travail du rapporteur et de son équipe a toute son importance.

Nous avons besoin d’avoir sous les yeux un tableau présentant clairement les sanctions pénales – peines de prison et amendes – prévues par ce projet de loi et par les textes consolidés s’agissant des obligations afférentes au passe vaccinal. Il serait même utile, madame la présidente, que le garde des sceaux vienne ici nous exposer le sens de tout cela. Pour l’instant, nous avons l’approche sanitaire, qui est tout à fait intéressante, développée par M. le ministre des solidarités et de la santé, mais, en réalité, nous examinons un texte de nature pénale. Sommes-nous absolument certains de voter des dispositions proportionnées ? J’ai des doutes.

Je rappelle, sous le contrôle de Laurence Vichnievsky, que le législateur n’est pas tenu, lorsqu’il fixe une obligation, de prévoir systématiquement une peine d’emprisonnement. Une obligation fixée par la loi n’est pas nécessairement sanctionnée par une peine d’emprisonnement. Elle est aussi un appel à la responsabilité personnelle, civique et civile, au nom de laquelle quiconque cause un dommage doit réparation. D’autant que ces peines d’emprisonnement ne seront pas appliquées, ce qui est heureux.

Je suis plutôt favorable au passe vaccinal, y compris pour les mineurs, et je n’ai cosigné aucun amendement de suppression de l’article 1er. Toutefois, une incarcération me semble disproportionnée. En dépit des délais auxquels nous sommes soumis, prenons le temps, avant l’examen du texte en séance publique, d’entendre le garde des sceaux et d’ajuster le texte pour revenir à une forme d’équilibre et de modération.

Mme Caroline Abadie. Peut-être Mme Fiat n’a-t-elle pas bien entendu notre collègue Gouffier-Cha, qui a parlé, non pas des 18-19 ans, mais des 10-19 ans, parmi lesquels le taux d’incidence est de 835.

Comme nous le constatons depuis le mois de juin, les jeunes se sentent d’ores et déjà concernés par la vaccination, puisque plus de 81 % d’entre eux sont vaccinés. Ne l'oublions pas, la vaccination n’a pas pour unique objet de fournir une protection individuelle, au demeurant efficace : elle protège la société tout entière. La plupart des 12-18 ans l’ont compris.

En outre, ces amendements ne sont pas cohérents avec la majorité vaccinale à 16 ans que nous avons instaurée cet été.

M. Philippe Latombe. Je m’interroge sur l’éventuelle modification des protocoles sanitaires en vigueur dans les établissements scolaires, qu’ils s’appliquent aux cours ou aux activités sportives. Si les mineurs sont soumis à l’obligation du passe vaccinal et subissent en plus des restrictions dictées par les résultats des tests, ils seront soumis, avant même certains majeurs, à la règle 2G+. Le passe vaccinal est-il l’alpha et l’oméga pour éviter que les mineurs ne soient soumis à la règle 2G+ dans le cadre scolaire et extrascolaire, notamment sportif ? Fait-il au contraire partie intégrante d’un fonctionnement normal au sein de cette règle, comme pour les majeurs ? Il s’agirait alors d’une double peine.

Cette question mérite d’être soulevée, d’autant que certains mineurs vivent sous contrainte depuis deux ans, ce qui pèse sur leur moral. Exiger des tests en sus du passe vaccinal pour l’accès à des activités sportives aurait pour effet d’en exclure d’office certains mineurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL129 de Mme Caroline Abadie.

Mme Caroline Abadie. Chacun aura compris que je souscris à l’institution du passe vaccinal, compte tenu de la force du variant Delta, dont nous subissons toujours les effets, et des incertitudes entourant la vague de contaminations au variant Omicron. Toutefois, comme l’a montré l’examen des amendements précédents, certains d’entre nous s’inquiètent de son application aux collégiens et aux lycéens dans le cadre de sorties scolaires et de sorties en bibliothèque. Dès lors que 81 % des 12-17 ans sont vaccinés, un calcul rapide démontre qu’un peu plus de cinq enfants par classe seraient mis à l’écart de ces sorties et potentiellement stigmatisés.

Le présent amendement vise à nous assurer que les activités de loisirs subordonnées à la présentation d’un passe vaccinal excluent expressément les sorties scolaires.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Sensible au problème soulevé et à la solution proposée, j’émets un avis favorable.

M. Bruno Millienne. À prévoir des exceptions un peu partout, on trouble les esprits. Nous avons voté cet été la possibilité, pour les mineurs de plus de 16 ans, d’avoir accès à la vaccination sans tenir compte de l’avis de leurs parents. Peut-être faut-il réécrire ces dispositions en tenant compte de l’introduction du passe vaccinal, qu’il est possible de leur imposer partout dès lors qu’ils sont en mesure de décider de se faire vacciner. Le cas des mineurs âgés de 12 à 16 ans est en revanche plus complexe, comme l’a rappelé notre collègue Guillaume Larrivé.

Mme Danièle Obono. J’aimerais savoir pourquoi l’amendement ne concerne que les sorties scolaires, surtout dans une période où leur nombre, déjà faible en temps normal, se réduit comme peau de chagrin, pour de bonnes raisons au demeurant. Cet amendement, que je peine à qualifier, ne sert pas à grand-chose, sinon à déculpabiliser en partie les tenants de l’application du passe vaccinal aux mineurs, dont les arguments ne tiennent pas et qui essaient de se rattraper par la bande.

À partir de lundi prochain, 12 millions de jeunes, de la maternelle à l’université, rentreront dans leurs classes, qui, dans leur grande majorité, n’ont pas été sécurisées. Qu’est ce qui est fait à cet égard ? Certains collègues considèrent que ce n’est pas du ressort de l’État, et que nous n’avons donc pas à en discuter. Or, comme l’a encore démontré le débat précédent, nous sommes d’accord pour considérer que la protection des mineurs est un enjeu.

Comment les protéger ? En imposant des règles contraignantes sans effet, selon nous, en matière de protection sanitaire ? Ou en prévoyant des moyens de protection réelle, comme le demandent les associations de parents, les syndicats d’enseignants et de nombreux spécialistes, dont les études préconisent d’aménager les espaces où les enfants passeront l’essentiel de leur temps et où ils auront, ainsi que les adultes, davantage de chances de se contaminer entre eux et de transporter le virus chez eux ? Telle est la discussion que nous devrions avoir, au lieu d’examiner de pauvres amendements qui ne servent à rien sinon à se faire plaisir.

M. Sébastien Jumel. Il est rare que je ne sois pas d’accord avec Danièle Obono, mais, en l'occurrence, je considère que tout ce qui peut être arraché pour les mômes doit l’être. Certes, il s’agit d’un amendement de bonne conscience. Si le virus se propage à la vitesse que l’on nous annonce, aucune sortie scolaire n’aura lieu, et il sera inopérant. Toutefois, il y a un principe fondamental : l’école, pas touche !

On ne peut pas opposer un obstacle, de quelque nature qu’il soit, à la scolarisation d’un enfant. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a heureusement renoncé à imposer le passe vaccinal pour l’accès à l’école, ce qui aurait été une bombe. Il arrive cependant que le blasphème d’hier soit la vérité d’aujourd’hui, ce qui impose de toujours « se méfiter », comme on dit chez moi. Les sorties scolaires ne sont pas de simples balades. Elles sont au cœur du projet pédagogique. Il faut en garantir l’existence pour la nuit des temps et les graver dans le marbre. Cela étant, nous ne sommes dupes de rien : en repoussant les amendements exonérant les enfants du passe vaccinal, la majorité en stigmatise certains.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL197 de M. Pacôme Rupin, CL241 et Mme Cécile Untermaier et CL235 de M. Charles de Courson (discussion commune).

M. Pacôme Rupin. Cet amendement me tient à cœur car je suis choqué que l’on impose un passe pour prendre le train. Ce moyen de transport permet de se déplacer à l’autre bout du pays en cas d’urgence, par exemple pour se rendre auprès d’un proche mourant. Jusque-là, les personnes non vaccinées pouvaient encore payer un test avant de monter dans le train, même à la dernière minute. Avec le passe vaccinal, cela ne sera plus possible. Laissons une chance à nos concitoyens de pouvoir prendre le train avec un test négatif lorsqu’ils connaissent une urgence.

Mme Cécile Untermaier. L’objet de l’amendement est de dispenser les transports publics interrégionaux de l’obligation de posséder un passe vaccinal. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi : nous proposons de préciser que cela sera subordonné à la présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination, d’un justificatif de statut vaccinal ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination. Ne nous contentons pas des conditions définies dans le projet de loi car elles ne tiennent pas compte de la réalité du quotidien des personnes qui utilisent les transports interrégionaux pour aller travailler.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à maintenir le passe sanitaire pour les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sur le modèle de la dérogation déjà prévue pour l’accès aux établissements de santé, en produisant un test prouvant que l’on n’est pas malade du covid. À défaut, une personne non vaccinée ne pourrait se rendre en train ou en avion à l’enterrement d’un proche.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Pour les déplacements interrégionaux, deux dérogations importantes à la présentation du passe vaccinal sont prévues : un test PCR suffira en cas de motif impérieux et, en cas d’urgence, la disposition ne s’appliquera pas. Ce dispositif me paraît donc équilibré. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Comment cela fonctionnera-t-il concrètement ? Que dois-je faire si j’ai un motif impérieux pour me déplacer, par exemple pour me rendre auprès d’un proche sur son lit de mort, alors que je ne suis pas à jour de mes doses ? Pourrai-je présenter un QR code de substitution pour motif impérieux aux personnes chargées de contrôler les passes avant la montée dans le train ? Comment comptez-vous rendre ce dispositif opérant ?

M. Philippe Latombe. Pour une personne habitant à Rennes et travaillant à Nantes, le train interrégional est un transport du quotidien. Le projet de loi vise les longues distances mais certaines personnes traversent quotidiennement la frontière régionale en TER. Comment fonctionne votre dispositif en pareil cas ?

Mme Cécile Untermaier. Je ne peux pas me satisfaire de votre réponse, monsieur le rapporteur. Il faut savoir faire bouger les lignes et prendre en considération ce que l’on demande. Nous ne sommes pas là pour enquiquiner les Français : s’ils veulent prendre un train interrégional, ce n’est pas par plaisir, et c’est sans doute pour d’autres raisons que des motifs impérieux ou d’urgence. Quand on habite en limite d’une autre région, on prend le train interrégional de manière tout à fait régulière ; c’est pourquoi il nous paraît indispensable de lever l’obligation de passe vaccinal. J’espère que vous examinerez cette proposition en vue de la séance car elle rassemble beaucoup de personnes.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement CL143 rédactionnel de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendement CL53 de Mme Caroline Fiat.

Mme Mathilde Panot. Il s’agit d’indiquer que la pratique sportive ne sera limitée ni par le passe sanitaire ni par le passe vaccinal. Il serait absurde d’autoriser les enfants à faire du sport dans le gymnase de l’école mais de leur interdire l’accès au même gymnase, trois ou quatre heures plus tard, lorsqu’ils s’y rendent avec leur club associatif habituel.

La pratique sportive est extrêmement importante pour les jeunes. S’ils ne prennent pas cette habitude relativement tôt, ils auront du mal à maintenir une activité sportive par la suite. Cela favorisera les comorbidités, qui rendent la contamination par le coronavirus dangereuse.

Le sport est bon pour la santé non seulement physique, mais aussi mentale. Les chiffres publiés par l’hôpital Robert Debré doivent nous alerter : entre juillet 2019 et mars 2021, les tentatives de suicide chez les jeunes de moins de 15 ans ont augmenté de 299 %. À Rouen, les entrées aux urgences consécutives à des tentatives de suicide ont quadruplé entre 2019 et 2020. À Nancy, l’on enregistre également une augmentation très sensible des crises suicidaires chez les jeunes et les adolescents. Nous devons donc impérativement inscrire dans la loi que le passe vaccinal ne s’appliquera pas à la pratique sportive au sein d’un club ou d’une association.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le sport est important, en effet, mais la santé aussi. Il faut que les jeunes se vaccinent et fassent du sport. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Sport et santé sont complémentaires ; c’est un fait établi. Il faut convaincre plutôt que contraindre, surtout les plus jeunes, dont on sait qu’ils ne développent pas les formes graves de la maladie, ou très rarement, lorsqu’ils souffrent de comorbidités comme l’obésité.

Toutefois, un fait m’échappe. Parmi les mesures qui viennent d’être annoncées figure l’interdiction de danser dans les bars et les restaurants – mais pas dans les clubs de danse, sans doute parce qu’il est important de maintenir une activité sportive. Pour ma part, je ne vois pas la différence : la danse serait-elle moins physique quand elle est pratiquée dans les bars et les restaurants ? Je ne comprends pas pourquoi on l’interdit dans un cas et pas dans l’autre. L’essentiel est de faire du sport : c’est cela qu’il faut promouvoir, et non le passe vaccinal. Vous avez déjà suffisamment imposé de contraintes à la société : inutile d’en rajouter.

M. Pacôme Rupin. Certains jeunes, doués pour le sport, peuvent espérer mener une carrière professionnelle. Cependant, si l’un d’eux ne peut se faire vacciner en raison du refus de ses parents, l’obligation de présenter un passe vaccinal le contraindra à renoncer à pratiquer son sport, alors que le passe sanitaire lui laissait la possibilité de continuer en produisant un test. Une telle disposition aurait donc des conséquences importantes sur la vie des jeunes. Il est impératif de se demander si l’on n’est pas en train de faire une bêtise.

M. Ian Boucard. Il faut se rendre compte des conséquences qu’aurait l’interdiction faite à certains jeunes d’accéder au sport. Je rappelle qu’à 13 ans, on ne choisit pas de se faire vacciner ou pas : ce sont les parents qui décident. Ces jeunes qui ne pourront plus s’entraîner dans leur club de foot iront dans des « city stades » ou des « five », où ils ne seront pas nécessairement soumis au passe vaccinal, où les contraintes sanitaires et éducatives ne sont pas les mêmes, où les valeurs inculquées sont différentes. Ces gamins découvriront ainsi que l’on peut faire du foot sans les contraintes, sans être embêté par l’entraîneur qui donne des consignes, juste pour le loisir. Or un jeune de 13 ans qui ne fait pas de sport dans une association ne conservera pas l’habitude de faire du sport par la suite. Du point de vue de la santé publique, c’est donc une question importante. De plus, vous ne réglerez aucun problème parce que ces jeunes non vaccinés contamineront peut-être les autres quand ils iront au « city stade ».

Mme Mathilde Panot. Le manque d’activité physique de toute une partie de la jeunesse est une bombe à retardement en matière de santé publique. Avoir des loisirs, et notamment faire du sport, est un droit garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que l’a rappelé la Défenseure des droits.

C’est en outre un désastre pour le tissu associatif du pays. Je suis sûre que les associations et les clubs sportifs de vos circonscriptions vous ont parlé de l’énorme chute de licenciés qu’ils subissent, contraignant certains à la fermeture. Le choix de très court terme que vous faites est dévastateur pour l’ensemble du pays.

La commission rejette l’amendement.

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Seconde réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 21 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/eceVfr

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous poursuivons l’examen du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Il reste 178 amendements en discussion.

Article 1er (suite) (art. 1er, 3 et 4 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire) : Mesures de gestion de la crise sanitaire

Amendement CL68 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’un amendement de repli : nous proposons que la présentation d’un test négatif fait le jour même permette de ne pas avoir à présenter d’attestation vaccinale.

Si l’on veut réellement limiter la diffusion du virus, il semble logique de s’appuyer sur les tests négatifs. Ils sont beaucoup plus valables et protecteurs que l’attestation vaccinale, puisque la vaccination n’empêche ni de transmettre le virus, ni de le contracter. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) explique depuis le début de la pandémie que les tests doivent être l’un des piliers de notre stratégie de lutte contre le virus. Nous demandons la gratuité de ces tests pour tous et toutes, y compris pour les personnes non vaccinées, parce qu’ils sont beaucoup plus efficaces que le passe sanitaire, qui n’a de sanitaire que le nom. C’est une mesure de bon sens.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Une personne qui a un test négatif ne peut pas transmettre le virus, mais elle peut être contaminée et faire une forme grave de la maladie. Elle a donc tout intérêt, non seulement à avoir un test négatif, mais à être vaccinée. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Vous dites qu’une personne qui a fait un test négatif risque d’être contaminée. Elle risque de l’être par une personne vaccinée. Objectivement, une personne qui vient de faire un test négatif ne risque pas de contaminer les autres, alors qu’une personne vaccinée qui n’a pas fait de test peut transmettre le virus. Produire un test négatif est beaucoup plus sécurisant et je ne vois pas quel argument vous pouvez opposer à cela.

M. Ugo Bernalicis. Si je vous comprends bien, monsieur le rapporteur, la personne qui peut être dangereuse est celle qui a un passe vaccinal et qui n’a pas fait de test. C’est elle qui risque de contaminer la personne qui a fait un test négatif. Cette argumentation est un peu troublante.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. C’est un raccourci. J’estime qu’une personne qui se présente dans un lieu public avec un test négatif, alors qu’elle n’est pas vaccinée, prend un risque : celui d’être contaminée, y compris par des gens vaccinés. Elle n’est pas protégée du tout. Elle ne risque pas de contaminer les autres, mais elle risque elle-même d’être contaminée, donc de faire une forme grave de la maladie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL57 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous demandons la suppression des alinéas 9 à 13, qui introduisent le passe vaccinal, selon des modalités diverses. Dans certains cas, un passe vaccinal est nécessaire ; dans d’autres, un test suffit, par exemple pour rendre visite à un proche dans un établissement médico-social ou un EHPAD ; dans d’autres situations encore, il faut à la fois un passe vaccinal et un test.

Se fonder sur le test, plutôt que sur le vaccin, serait plus utile et efficace, à un double titre. D’abord, les personnes vaccinées se feraient quand même tester, ce qui leur permettrait de savoir si elles risquent, ou non, de transmettre le virus. Cela nous donnerait ensuite des informations sur l’évolution de l’épidémie : seuls les tests – et non la vaccination – nous permettent d’avoir des indications sur les mutations du virus et le niveau des contaminations dans le pays.

On peut se réjouir qu’en cette période de fêtes, des gens fassent preuve de civisme et se débrouillent pour aller se faire tester. Le fait que de nombreuses personnes aient fait des tests sur une courte période nous a permis de voir objectivement où en était la situation. A contrario, le passe vaccinal, qui est décliné de différentes manières selon les alinéas du texte, nous prive d’informations sur l’évolution de l’épidémie et nous donne, comme le passe sanitaire, une illusion de protection. Vous ne convaincrez personne de se faire vacciner avec ce genre de mesure.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Vous considérez le vaccin comme un socle, comme une protection de base, comme le minimum syndical. Nous, nous pensons que pour convaincre ceux qui ne veulent pas se faire vacciner de le faire, il faut que la vaccination ne soit pas obligatoire. Votre stratégie vise seulement à donner l’illusion que vous êtes dans l’action face à l’épidémie. Or, pour être dans l’action, il faudrait faire des campagnes massives et régulières de tests dans tout le pays et développer le séquençage – comme l’indiquait tout à l’heure Guillaume Rozier sur Twitter. Nous saurions ainsi où en est la propagation du variant omicron, mais aussi du variant delta – car c’est lui qui, jusqu’à preuve du contraire, reste le plus dangereux et le plus meurtrier. Au lieu de mettre le paquet sur le dépistage et le séquençage et d’aider les gens contaminés à s’isoler, vous mettez le paquet sur le contrôle de masse, la bureaucratie et la technocratie.

M. Guillaume Gouffier-Cha. À plusieurs reprises, notre collègue Ugo Bernalicis a laissé entendre que la stratégie vaccinale ne serait peut-être pas la bonne, qu’elle ne fonctionnerait pas en France. Nous en sommes à 90 % de primo-vaccinés : c’est que cela doit marcher. La France est l’un des pays où la campagne de vaccination marche le mieux. Il est vrai qu’une partie de la population reste à convaincre : il s’agit essentiellement de personnes qui n’ont pas accès à l’information, mais aussi de personnes qui sont contre le vaccin, des complotistes. Pour l’instant, nous pensons qu’il faut essayer de les convaincre, plutôt que d’aller vers l’obligation vaccinale – que nous n’excluons pas, à terme, si c’est la seule solution. Pour l’heure, les outils que nous privilégions nous permettent de faire avancer la campagne vaccinale qui, je le répète, fonctionne bien.

Mme Mathilde Panot.  Vous dites que 90 % de la population a reçu une première injection. Mais à quel prix a-t-on obtenu ce résultat ? Il est certain que le passe sanitaire a poussé des gens à se faire vacciner, parce qu’ils avaient peur de ne plus accéder à certaines activités du quotidien. Mais vous avez renforcé la méfiance chez des gens qui étaient déjà méfiants vis-à-vis du vaccin. Aux Antilles, les soignants et les pompiers disent qu’ils étaient prêts à parler de l’opportunité de la vaccination. Mais, maintenant qu’on leur a envoyé le GIGN et le RAID et qu’on les a gazés à l’hôpital, comme c’est arrivé en Martinique, c’est fini. Vous avez braqué des gens et poursuivre les contrôles de masse de façon arbitraire n’est pas une solution.

Ce que nous vous reprochons, ce n’est pas de faire du vaccin un outil de la lutte contre l’épidémie : nous pensons que c’est un outil efficace et important. Mais ce n’est pas par la contrainte qu’on amènera les gens qui ne veulent pas se faire vacciner à le faire – l’OMS l’a dit. Surtout, vous avez écarté tous les autres outils qui auraient dû être utilisés : installation de purificateurs d’air, ouverture de lits à l’hôpital – ou, a minima, instauration d’un moratoire sur les fermetures de lits – levée des brevets, etc. En décembre 2021, nous avons moins de lits qu’au début de l’épidémie. C’est absolument scandaleux et c’est cela que nous vous reprochons. C’est ce que vous reprochent aussi un certain nombre de nos concitoyens, qui ne veulent pas se plier à une politique autoritaire de santé et qui ne s’y plieront pas si vous continuez dans le même esprit.

M. Sébastien Jumel. Il est vrai que la vaccination fonctionne plutôt bien en France. D’ailleurs, on doit surtout ce succès aux acteurs locaux et aux soignants, qui sont sur le terrain ; ni les marcheurs qui siègent ici, ni nous-mêmes n’y sommes pour grand-chose. La vaccination a marché, c’est un fait, mais le problème, c’est que la situation est toujours critique. Les variants qui se succèdent font courir au pays un risque de paralysie ; le taux d’incidence, à Paris, serait de 2 000 cas pour 100 000 habitants ; les contaminations explosent ; le ministre a tenu des propos très anxiogènes et on dit même que le Premier ministre envisagerait de faire une conférence de presse lundi pour annoncer de nouvelles mesures...

Je vous invite à beaucoup d’humilité. Le vaccin fonctionne, mais il ne suffit pas pour endiguer la pandémie. Il faut vacciner l’humanité, généraliser le remboursement des tests, développer la prise en charge des masques FFP2 pour les métiers les plus exposés, réarmer l’hôpital et la médecine scolaire. Arrêtons de dire que ça marche : si ça marchait, nous ne serions pas là un 29 décembre, à nous gratter la tête pour essayer de trouver une solution. Si nous trouvons une solution à plusieurs, elle aura peut-être plus de chances d’être acceptée par nos concitoyens. Le problème, c’est que le Président de la République se gratte la tête tout seul, en Conseil de défense.

M. Guillaume Vuilletet. Pour par part, je serai plutôt moins sévère que certains de mes collègues : je ne trouve pas anormal qu’au cours d’un débat aussi important que celui-ci, certains collègues exposent leur programme pour les élections présidentielles : c’est normal et cela ne me choque pas. Mais cela ne veut pas dire qu’on peut affirmer tout et n’importe quoi. Oui, nous avons une filière de production de vaccins en France. Oui, nous menons une campagne de communication au sujet des gestes barrières. Et non, il n’y a pas une explosion de la défiance vis-à-vis du vaccin dans ce pays.

Ce qui est vrai, c’est que ce virus qui mute de façon irrégulière et fréquente nous impose de redéfinir constamment notre stratégie, laquelle repose en grande partie sur le vaccin, mais pas seulement. Nous parlions des transports : on ne peut pas garantir qu’il n’y a pas de contaminations dans les transports, mais on peut garantir que le pays s’arrêtera s’il n’y a plus de transports. Nous cherchons un équilibre : pour que le pays continue de fonctionner, il faut aménager les choses en prenant un certain nombre de risques.

L’essentiel, c’est de préserver notre système de santé. Il me paraît donc paradoxal de nous priver d’un outil qui accroît la pression sur les personnes non vaccinées, qui représentent 70 % des malades en réanimation. Nous avons une population qui, globalement, est favorable à l’obligation vaccinale et au vaccin et il importe de maintenir la pression sur ceux qui ne sont pas vaccinés, pour permettre au système de santé de tenir. On pourra le renforcer, le réarmer, faire tout ce que vous voulez plus tard. Mais si les lits ne sont pas équipés aujourd’hui, c’est parce que les personnels soignants sont épuisés. Faisons en sorte que le nombre de personnes en réanimation diminue : pour cela, il faut que les gens se vaccinent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL54 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous proposons de supprimer l’alinéa 10, car nous estimons que le passe vaccinal n’est pas le meilleur moyen de protéger la population.

Les tests ne sont plus remboursés pour les personnes non vaccinées depuis le 15 octobre 2021. Cette mesure a-t-elle eu un effet positif sur le niveau de circulation du virus ? A-t-elle fait baisser le nombre de contaminations ? En quoi le fait de rendre les tests payants pour les personnes non vaccinées a-t-il apporté un élément de protection supplémentaire ?

On nous dit que cela en a obligé une grande partie à se faire vacciner : soit, et nous avons le plus fort taux de primo-vaccinés. Mais nous avons aussi le plus fort taux de contaminations en Europe. Cela montre qu’on ne peut pas compter que sur le vaccin. L’essentiel, c’est de faire baisser le nombre de contaminations, et ce sont les tests qui permettent de le faire. Le passe vaccinal est insuffisant, et même contre-productif. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa et la gratuité des tests pour tous et toutes.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ce n’est pas suffisant, mais nécessaire. Il faut protéger ceux qui sont dans les établissements de santé.

Je n’ai pas les chiffres, mais il est évident que le fait de rendre les tests payants a permis un certain nombre de vaccinations.

Vous dites que nous avons le plus fort taux de positivité, mais notre situation est différente de celle des pays qui ont confiné, qui ont fermé des activités. Le meilleur moyen de stopper une épidémie est de confiner, c’est-à-dire que les gens restent chez eux, qu’il n’y ait de circulation ni des personnes ni du virus. Nous avons toujours cherché à préserver le travail et l’éducation, ce qui a permis d’obtenir des résultats très positifs, même s’il y a un petit effet collatéral en matière de contaminations. Mais je pense qu’avec ce que nous faisons et continuerons à faire sur le plan de la vaccination, nous pourrons endiguer la progression.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. Je voudrais refaire le point sur les créations et suppressions de lits, car on entend des choses inexactes à ce sujet.

En 2020, il y avait 390 000 lits en France, et leur nombre s’est réduit de 1,5 %. Il baisse, c’est exact, depuis les années 1970, de façon constante. Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir que la médecine s’est nettement améliorée. La chirurgie ambulatoire, par exemple, s’est beaucoup développée. Quand on avait une appendicite il y a quinze ans, on passait plusieurs jours à l’hôpital, alors qu’on est désormais traité en ambulatoire. Sachez, sur ce point, que les lits en ambulatoire ont augmenté de 10 %. La baisse ne concerne donc pas tous les lits.

S’agissant de la crise du covid, entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2020, les créations de lits ont été de 3,6 % en réanimation. Cela représente 700 lits supplémentaires, sans compter les réorganisations internes dans les centres hospitaliers. Il faut également savoir que la France est classée au dixième rang par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour ce qui est du nombre de lits.

Il faut savoir raison garder concernant les chiffres : on ne peut pas dire que le nombre de lits a été spectaculairement réduit en France. On ne l’a fait ni plus ni moins qu’ailleurs, et on a nettement renforcé les places en réanimation. Or c’est ce qui compte actuellement.

Mme Mathilde Panot. Vous dites qu’il n’y a pas eu plus de suppressions de lits qu’ailleurs. Il n’a échappé à personne qu’il existe effectivement des politiques d’austérité en matière de santé un peu partout, notamment en Europe. Ces politiques ont été dénoncées maintes fois par notre groupe mais aussi par des soignants, qui demandent depuis des années des moyens humains et financiers et l’arrêt des flux tendus.

Je pourrai vous envoyer un article de Checknews, ne provenant donc pas de La France insoumise, qui explique qu’en quatre ans, pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron, 17 900 lits ont été fermés. En cas d’épidémie de bronchiolite, comme récemment, ou de grippe, dont le ministre a parlé, on se retrouve avec un problème d’accueil. Je pourrai aussi vous envoyer un article dans lequel un professeur du service d’urgences pédiatriques de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre rapporte qu’en France, cinquième puissance économique mondiale, on a refusé le mois dernier cinq enfants en situation d’urgence vitale parce qu’il n’y avait pas de lits ouverts, faute de soignants.

Nous proposons depuis deux ans de demander aux 18 000 infirmiers et infirmières qui sont partis, alors qu’ils avaient été formés, à quelles conditions ils accepteraient de revenir exercer à l’hôpital public. Nous aurions pu faire bien mieux que fermer des lits.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL144 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendement CL198 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Nous devons répondre à un problème concret que vivent certains de nos concitoyens. Il peut arriver qu’en raison du passe sanitaire, en l’absence de test ou si on est positif, on ne puisse pas accompagner un proche sur le point de mourir. S’il faut tout faire pour préserver la vie, on doit aussi respecter la solennité et, d’une certaine manière, la sacralité qui s’attachent à cette situation. Il est important d’être aux côtés de la personne qui part, aussi bien pour elle que pour ses proches. Il faut qu’aucune barrière n’empêche d’accéder au lit d’un mourant.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Si quelqu’un est en train de mourir, il s’agit d’un cas d’urgence, selon moi, et celui qui va voir cette personne n’a donc pas besoin de passe sanitaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’amendement serait donc satisfait.

M. Pacôme Rupin. J’ai quand même un doute. Il me semble que cela concerne la personne qui se trouve elle-même dans une situation d’urgence, et non ceux qui vont lui rendre visite. Il y a des témoignages de gens à qui on a refusé, peut-être abusivement, parce qu’on n’avait pas forcément compris le cadre en vigueur, d’accéder au lit d’une personne mourante. Si cet amendement est satisfait, il faut vraiment clarifier la situation pour les personnels qui gèrent les établissements.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il est vrai que le texte est vague : il est écrit « sauf en cas d’urgence ». Pour moi, aller voir une personne sur le point de décéder est un cas d’urgence.

M. Sébastien Jumel. La question mérite d’être approfondie en séance publique. L’urgence concerne le patient mais aussi celui qui veut accéder à l’hôpital pour le voir.

La notion d’urgence est, en elle-même, susceptible d’être restrictive en matière d’accès. Comme Pierre Dharréville l’a souligné à propos du précédent texte concernant le passe sanitaire, cette condition prive des personnes en difficulté psychiatrique ou psychologique d’un accès aux structures de soins, comme les centres médico-psychologiques et les centres d’accueil thérapeutique à temps partiel, alors que leur prise en charge relève de l’urgence et que la crise, on le sait, a aggravé la détresse psychologique, notamment chez les plus jeunes.

M. Ugo Bernalicis. Dans un système aussi bureaucratique, ne laissant aucune marge d’appréciation, que celui des QR code et des applications qu’on utilise actuellement, tous ces cas de figure qui nous paraissent justes ne sont pas pris en compte, et il n’y a pas de circuit pour qu’ils le soient. S’il vous faut prendre le train pour aller voir une personne mourante, vous serez d’abord confronté à une personne qui vous demandera un QR code, et il faudra discuter, négocier, puis avec un vigile, d’une société de sécurité privée, à l’entrée de l’établissement de soins.

Toute cette bureaucratie, cette technocratie du passe sanitaire et du passe vaccinal n’aide pas à lutter contre l’épidémie – le vaccin, oui, mais pas le passe vaccinal. Il en résulte plus de souffrances et de restrictions des libertés qui ne sont ni nécessaires ni, surtout, souhaitables.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. On en appelle souvent au bon sens des gens. Celui du vigile et du contrôleur de train jouera en la matière. En tout cas, la volonté du législateur est claire, et nous verrons en séance si celle du Gouvernement va dans le même sens. Il faudra s’assurer que l’amendement est bien satisfait par les cas d’urgence déjà prévus ou alors intégrer ce que vous proposez dans le texte. Notre volonté, à tous, est de ne pas empêcher les proches d’accéder à une personne mourante.

L’amendement est retiré.

Amendement CL243 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement est inspiré par l’avis du Conseil d’État. Le choix fait par le Gouvernement se traduit par une forme de rigidité. Si l’évolution de la situation est positive, nous n’aurons que l’alternative suivante : soit maintenir le passe vaccinal, soit supprimer toute condition d’accès à certaines activités. Il faudrait permettre de repasser du passe vaccinal au passe sanitaire.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ou bien nous continuons avec le passe vaccinal, ou bien il y aura un retour à la normale, sans passer par l’intermédiaire du passe sanitaire.

Mme Cécile Untermaier. C’est pourquoi, en cas d’évolution favorable de la situation, on pourrait imaginer un retour au passe sanitaire. Il serait légitime d’envisager une gradation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL109 de M. Olivier Serva.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement demande que les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent pas en Guadeloupe tant que le taux de couverture vaccinale n’y est pas équivalent à celui relevé dans l’Hexagone. Dans ce territoire, le taux de vaccination est d’environ 35 %, selon les chiffres de la sécurité sociale, alors qu’il atteint 77 % dans l’Hexagone. Cette inégalité de fait rend les mesures prévues disproportionnées par rapport à l’importance de l’atteinte aux libertés. Je rappelle ce qu’a dit le Conseil d’État : la décision doit être prise « à la lumière notamment de la situation épidémiologique et de la couverture vaccinale de la population ».

Si on met en place le passe vaccinal en Guadeloupe, cela reviendra à rendre la vie impossible pour deux tiers de la population et à tuer complètement l’économie insulaire. J’ajoute que les gestes barrières ne peuvent pas être respectés en Guadeloupe à cause du problème d’accès à l’eau, que le système de santé est à bout de souffle, à tel point qu’un professeur de Tours, qui était venu aider, a parlé de maltraitance sanitaire en Martinique et en Guadeloupe, que les taux de comorbidité sont extrêmement forts, notamment du fait des fléaux que sont l’obésité, le diabète et le non-respect de la loi relative au taux de sucre dans les aliments, et qu’il existe une méfiance extrêmement forte et des pathologies très importantes en lien avec le scandale du chlordécone, qui empoisonne les corps, les eaux et les terres pour 600 ou 700 ans.

On n’aurait jamais imposé un passe vaccinal aux Français vivant dans l’Hexagone si la couverture vaccinale était de seulement 35 ou 40 %. Alors, ne le faisons pas en Guadeloupe.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il est vrai que la question est particulièrement sensible. En Guadeloupe, près de 44 % de la population éligible a reçu au moins une dose de vaccin. Le taux augmente lentement, trop lentement, alors que la campagne de vaccination se déploie selon tous les canaux possibles depuis de longs mois. Cette donnée fait que l’archipel demeure particulièrement vulnérable face au risque de reprise de l’épidémie, et les conséquences catastrophiques de la quatrième vague, cet été, restent dans les esprits. La vaccination est la meilleure arme pour éviter qu’un tel drame se reproduise en Guadeloupe. Sous prétexte qu’une courte majorité d’habitants n’est pas vaccinée, faudrait-il attendre, potentiellement indéfiniment ? Que ferait-on d’ici là ?

Le passe vaccinal doit pouvoir s’appliquer en Guadeloupe, comme dans l’ensemble du territoire de la République, parce qu’il y va de la protection de la santé de la population. Cela n’empêche pas que tout soit fait, en parallèle, pour que l’archipel rattrape son retard. Peut-être faudrait-il prévoir un délai ou des modalités dérogatoires, mais je crois que nous y reviendrons lors de l’examen d’un autre amendement. Avis défavorable à celui-ci.

M. Guillaume Larrivé. Il me semble que cet amendement prend le problème à l’envers. Nos compatriotes de Guadeloupe ont le droit d’être protégés contre la covid-19, ni plus ni moins que ceux de la Seine-Saint-Denis, de l’Yonne ou du Territoire de Belfort. Notre devoir, en tant qu’élus de la nation est, par conséquent, de voter des dispositions applicables dans les mêmes conditions à tous nos compatriotes.

Peut-être faut-il envisager, en effet, un délai réaliste permettant de tenir compte de la situation de fait – je regrette beaucoup que le taux de vaccination, pour de multiples raisons, soit si bas en Guadeloupe – mais une suspension sine die, comme le propose l’amendement, reviendrait non seulement à envoyer un signal extrêmement négatif mais aussi, pardon de le dire, à ne pas respecter nos compatriotes de Guadeloupe, en considérant qu’ils n’auraient pas le droit d’être protégés autant que nous le sommes en métropole par ce vaccin, dont il est démontré qu’il a sauvé, qu’il sauve et qu’il sauvera des vies.

M. Guillaume Vuilletet. Notre collègue Mathilde Panot arrive, avec sa maîtrise considérable de la dialectique, à dire en même temps qu’il faudrait comprendre la situation en Guadeloupe et faire en sorte qu’il y ait une tolérance, avec l’absence de passe vaccinal ou d’autres dispositifs. Or cela serait contre-productif. Plus on dit qu’il suffit d’attendre que les choses ne se passent pas pour appliquer les mesures qui peuvent aider à la vaccination, plus on est sûr que les plus rétifs le resteront – et on a vu les violences qui ont vu le jour : les barrages, le développement, parfois, d’un semi-grand-banditisme pour bloquer, et les menaces contre les soignants. Ce que vous proposez serait contre-productif, à rebours de ce qui est nécessaire. Attendre pour mettre en œuvre les mesures qui peuvent favoriser la vaccination serait un encouragement adressé aux plus rétifs. Et nous avons vu la forme très violente que pouvait prendre leur action : barrages et menaces sur les soignants pour empêcher la vaccination, certains comportements relevant plus ou moins du grand banditisme.

En réalité, sur ce territoire de la République, il est nécessaire d’adapter les mesures. Il sera possible de le faire grâce à un amendement de Justine Benin que nous examinerons ultérieurement.

Certains s’expriment de manière contournée, avec des sous-entendus. Dire que le passe vaccinal n’aurait pas été mis en œuvre sur le territoire national si seule 35 % de la population y avait été vaccinée, c’est faire un procès d’intention assez odieux. Ainsi, nous devrions adopter une attitude différente parce qu’il s’agit de territoires lointains qui, pour diverses raisons, mériteraient un traitement différencié ? Dans l’Hexagone, il y a eu un traitement différencié selon les territoires – souvenez-vous des zones vertes, oranges et rouges – , mais les circonstances étaient différentes puisque, du fait de la continuité territoriale, les gens pouvaient se déplacer facilement d’une région à l’autre. Gardons-nous de tout mauvais procès.

Il est nécessaire de maintenir une pression, la pédagogie, les mesures d’aller vers, de telle sorte que nos compatriotes d’outre-mer se vaccinent davantage. Le message ne doit surtout pas être que l’on va attendre que tout aille bien pour que cela aille mieux !

Mme Mathilde Panot. Monsieur le rapporteur, c’est non pas une courte majorité, mais deux tiers des Guadeloupéens qui ne pourront plus aller au restaurant, dans un bar ou au cinéma, si le passe vaccinal est appliqué le 15 janvier prochain.

Selon vous, monsieur Larrivé, l’adoption de cet amendement serait un mauvais signal adressé à nos concitoyens de Guadeloupe, qui ont tout autant le droit d’être protégés que ceux de l’Hexagone. Or le mauvais signal leur a déjà été envoyé : depuis des années, et cela s’est encore aggravé avec la crise sanitaire, ils vivent sous un régime de tours d’eau, c’est-à-dire qu’il y a de l’eau au robinet seulement à certaines heures de la journée. Certaines femmes m’ont écrit qu’elles n’avaient de l’eau que le dimanche, alors que leur facture d’eau s’élevait à 1 000, 2 000 ou 3 000 euros. Malgré les amendements que nous avions présentés, on refuse de déclencher le plan ORSEC eau potable, qui permettrait aux gens d’avoir accès à l’eau. Faut-il rappeler que le lavage des mains est l’un des premiers gestes barrières ?

Il en va de même sur la question du chlordécone. Celui-ci a été interdit en 1990 seulement et une dérogation a été accordée pour les Antilles jusqu’en 1993, alors que tout le monde en connaissait les dangers depuis 1967 au moins. Il en résulte des cas d’infertilité féminine, des cancers, des malformations. Certes, ce n’est pas nous qui avons créé cette situation, mais nous ne pouvons pas faire comme si elle n’existait pas.

Je ne me réjouis pas du fait que 35 % seulement de la population soit vaccinée en Guadeloupe. Mais là n’est pas la question ; on est en train de créer un chaos. J’ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, monsieur Vuilletet : le préfet pourra prendre des dispositions sur le fondement de l’amendement de Mme Benin. Pour sa part, Olivier Serva propose d’inscrire dans la loi un critère à partir duquel le passe vaccinal – auquel je suis opposée – pourrait s’appliquer. Cela me semble conforme à notre rôle de législateur. Nous devons aussi répondre à une angoisse très forte des Guadeloupéens, qui se demandent comment leur économie va tenir et comment ils vont vivre. Nous leur apporterions une réponse à la hauteur de notre République.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL110 de M. Olivier Serva.

Mme Mathilde Panot. Il a également trait à la Guadeloupe, mais porte sur une question différente.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, le taux de couverture vaccinale des soignants se situerait autour de 85 %, ce qui est assez rassurant. Cependant, ce chiffre peu précis ne permet pas de savoir quelles catégories de soignants sont vaccinées ou ne le sont pas, ce qui rend impossible d’appréhender l’impact des mesures prévues sur l’offre locale de soins et sur l’accès de tous aux professionnels de santé spécialisés. Par ailleurs, les retours de terrain font état de soignants épuisés, appelés à réaliser des heures supplémentaires pour compenser l’absence de leurs collègues.

Dans ce territoire, où les facteurs de comorbidité sont beaucoup plus importants que dans l’Hexagone, la population est privée d’une offre de soins adaptée : l’hôpital et les services de santé sont exsangues ; certaines zones sont des déserts sanitaires. À son retour de Guadeloupe, je l’ai dit précédemment, un professeur de Tours qui y avait été appelé en renfort a parlé de « maltraitance sanitaire ».

Si, dans ce contexte, on en vient à suspendre des soignants ou des pompiers, on mettra la population en très grave danger. La situation est d’ailleurs incompréhensible pour les pompiers : ceux qui ne sont pas vaccinés sont suspendus, mais, lorsqu’ils sont réquisitionnés, ils font leur travail, qu’ils soient vaccinés ou non – et ils le font aussi bien qu’ils le peuvent.

Dans ce moment d’urgence, il est nécessaire de mobiliser tous les professionnels pour assurer la continuité des soins et protéger la population. Olivier Serva et nous demandons de ne pas appliquer le passe vaccinal et de ne pas suspendre les soignants ni les pompiers, d’autant que la région et le département ont accepté de leur payer des tests toutes les quarante-huit heures.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Sur la forme, vous évoquez le passe vaccinal en visant les professionnels soumis à l’obligation vaccinale. Or ceux-ci sont concernés par d’autres dispositions, celles de l’article 14 de la loi du 5 août 2021. Je crains donc que l’amendement ne soit inopérant.

Sur le fond, je rappelle que l’obligation vaccinale des soignants doit s’appliquer partout. C’est une nécessité sanitaire et cela correspond à un devoir déontologique pour ces personnes, ce que leurs ordres professionnels reconnaissent. D’ailleurs, le taux de couverture vaccinale des soignants ultramarins se situe autour de 90 % – je veux bien accepter le chiffre de 85 %, déjà excellent.

De nombreuses mesures ont été prises pour tenir compte des spécificités des outre-mer, en particulier en Guadeloupe et en Martinique. Elles visent à accompagner les professionnels mais aussi à assurer la bonne organisation des soins et des services. En d’autres termes, le Gouvernement répond à la spécificité de la situation par des mesures adaptées. Tout est fait pour assurer le bon fonctionnement des services de soins et des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). J’émets donc un avis défavorable.

Mme Mathilde Panot. Que l’on retienne le chiffre de 85 % ou de 90 %, nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver de 15 % ou de 10 % des soignants en Guadeloupe, d’autant moins que l’on a sous-investi dans le système de santé de ce territoire pendant des années. C’est ce qu’explique l’exposé sommaire de cet amendement, que je défends pour Olivier Serva.

Face à la colère, le Gouvernement a décidé que les soignants suspendus, qui ne perçoivent donc plus aucun revenu, auraient droit à une rupture conventionnelle. Autrement dit, ce gouvernement et cette majorité assument de créer un chaos en se privant de gens formés à même de soigner la population.

M. Vuilletet a dit qu’il fallait privilégier l’aller vers. Comme réponse à la colère des Guadeloupéens, il y a mieux que d’envoyer sur place le GIGN et le RAID, à savoir des forces spécialisées dans la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. On ne s’y prendrait pas autrement pour leur signifier qu’ils sont des ennemis de la République !

Je ne comprends pas pourquoi vous n’acceptez pas cet amendement, qui vise à garantir la continuité des soins, afin de ne pas mettre les patients en danger, sachant que la région et le département sont d’accord pour garder les soignants en question et leur payer des tests toutes les quarante-huit heures – cela ne coûterait donc rien à l’État.

M. Guillaume Vuilletet. La difficulté est que l’on doit répondre à la fois à l’amendement de M. Serva et aux interventions de Mme Panot, mais c’est l’exercice qui le veut.

Il serait tout à fait paradoxal de dire à nos compatriotes ultramarins qu’il est très important de se faire vacciner tout en exonérant des soignants de la vaccination. En revanche, il convenait de reconnaître le retard des outre-mer en matière d’équipements de santé et de voter, dans chacun des deux derniers budgets, plusieurs dizaines de millions d’euros en faveur de leur système de santé et de leurs hôpitaux. Rappelons en outre que 8 500 membres de la réserve sanitaire ont été envoyés pour soutenir ce système de santé et que 170 évacuations sanitaires ont été réalisées depuis ces territoires.

Pour le reste, évitons de dire n’importe quoi ! Le fait de vider un chargeur de pistolet-mitrailleur dans la porte d’une voiture de police n’est pas tout à fait un message pacifique, et le GIGN n’a été envoyé en Guadeloupe que pour cette raison. Ce qui importe, c’est que le dialogue avec les élus locaux permet d’avancer et que 590 personnes participent aux instances d’écoute et de dialogue qui visent à convaincre les soignants de se faire vacciner.

Pour ma part, je disposais des chiffres suivants concernant la couverture vaccinale des soignants : 92 % à Pointe-à-Pitre, 90 % dans le secteur hospitalier, 89 % dans le secteur libéral. Cela montre que la pression a une certaine efficacité. La vaccination progresse et sera précisément le moyen de restaurer la confiance de la population.

Mme Caroline Fiat. Vous nous appelez à la cohérence. Or nous tenons des propos très clairs : au troisième trimestre 2021, les hôpitaux de l’Hexagone n’étaient pas confrontés à une vague d’hospitalisations et ont pu envoyer des renforts dans les territoires ultramarins ; en ce quatrième trimestre, plus aucun territoire de l’Hexagone ou des outre-mer ne peut se permettre de dépêcher du personnel pour aider un autre territoire.

En ma qualité d’aide-soignante membre de la réserve sanitaire, j’ai reçu, pour la première fois, trois alertes successives m’invitant à partir en renfort outre-mer. J’ai interrogé mon groupe politique à ce sujet, et mes collègues ont estimé qu’il valait mieux que je continue à exercer mes fonctions de députée.

En Guadeloupe, il serait préférable que les 10 % de soignants non vaccinés soient à leur poste, sachant que la région et le département sont prêts à leur payer des tests toutes les quarante-huit heures pour s’assurer qu’ils sont négatifs. Leurs collègues vaccinés sauront peut-être les convaincre de se faire vacciner. C’est sans doute la meilleure des solutions. En ce moment, monsieur Vuilletet, il n’est plus possible d’envoyer des soignants ou des réservistes de l’Hexagone en renfort dans les territoires ultramarins.

M. Guillaume Vuilletet. Nous interrogerons le ministre à ce sujet en séance publique.

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente Mathilde Panot, chers collègues du groupe La France insoumise, la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon ne peut pas justifier toutes les outrances. De mon point de vue, vous n’avez pas le droit, amendement après amendement, d’inciter nos compatriotes de Guadeloupe à s’exonérer de l’effort national de vaccination. Je le dis très directement comme je le pense.

La solution, pour les départements de métropole comme pour les territoires et départements ultramarins, consiste à intensifier l’effort de vaccination. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un consensus assez raisonnable. En réalité, en multipliant les amendements tendant à suspendre ceci ou à exonérer de cela, vous ne rendez pas service à nos compatriotes ultramarins, qui sont parmi les plus fragiles. Au contraire, vous les entretenez dans l’illusion que, pour des motifs historiques au demeurant très controversés, ils vivraient dans une sorte de bulle et qu’il faudrait tout accepter, notamment une exception en matière de vaccination. Pardonnez-moi de vous le dire avec un peu de vigueur, ce n’est pas supportable !

Vous avez naturellement le droit, comme tous les députés, de présenter les amendements que vous souhaitez, mais nous avons le devoir de les combattre, car il ne faudrait pas que la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon soit payée au prix fort par nos compatriotes de Guadeloupe ou d’ailleurs. (Quelques membres de la commission applaudissent.)

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Malgré votre demande, madame Panot, je ne vous donne pas la parole, votre groupe s’étant déjà exprimé trois fois sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL55 de M. Ugo Bernalicis et CL236 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. L’amendement CL236 vise à supprimer l’alinéa 12, qui permet de soumettre l’accès de certains établissements recevant du public à la présentation de deux documents : un certificat de vaccination et un test négatif. Nous nous interrogeons sur la pertinence d’un tel cumul, qui sera très contraignant pour les citoyens ayant accompli l’ensemble de leur parcours vaccinal. Surtout, cette mesure mettra à mal les efforts pédagogiques déployés pour convaincre les personnes réticentes de se faire vacciner, puisqu’elle montre les limites de la stratégie du tout-vaccinal.

Mme Danièle Obono. L’amendement CL55 tend, de même, à supprimer l’alinéa 12. S’il faut présenter dans certains cas un test négatif en plus du passe vaccinal, comme vous le prévoyez ici, cela signifie que le passe vaccinal est inefficace. En réalité, l’outil crucial, c’est le test, non le passe vaccinal, dont vous reconnaissez vous-même l’inanité.

La précédente intervention de M. Larrivé, qui fait campagne pour Mme Pécresse, était complètement hors de propos, puisque le débat portait sur un amendement déposé par Olivier Serva, membre du groupe La République en marche, et très bien défendu par Mathilde Panot.

Je trouve très infantilisant de considérer que les Antillais, notamment les Guadeloupéens, se seraient fait retourner la tête par Jean-Luc Mélenchon et auraient attendu sa parole pour émettre des revendications ! Cela fait des années que ces revendications sont soutenues par les organisations syndicales et les collectifs d’habitants. Cela fait des années que les députés des outre-mer et nous-mêmes évoquons cette situation.

Je suis choquée par les interventions de ce genre, qui laissent penser que nos concitoyens d’outre-mer, considérés comme les plus perméables à la parole mélenchonienne car les plus fragiles psychologiquement, n’auraient pas la légitimité pour défendre eux-mêmes leur santé et à avoir un autre point de vue que le vôtre, qui est celui de Mme Pécresse.

Il serait bon d’éviter de telles interventions, car nous allons passer encore une partie de la soirée ensemble. Par ailleurs, mon groupe défend certains de ces amendements depuis deux ans. Considérez-vous que nous sommes en campagne depuis deux ans ? Du reste, il n’y a rien d’illégitime à défendre son point de vue.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La présentation du résultat d’un test de dépistage virologique pourra effectivement être prévue en plus de celle du certificat de vaccination, si et seulement si l’intérêt de la santé publique le justifie. Il s’agit d’une mesure de précaution sanitaire adaptée pour les lieux qui présentent le plus de risque de propagation de l’épidémie. Elle pourrait permettre la réouverture des discothèques. À défaut, celles-ci risquent de rester fermées pendant toute la durée de l’épidémie. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Sébastien Jumel. On peut donner toutes les leçons que l’on veut ; il n’en reste pas moins que le poids de l’histoire et de la responsabilité de la France à l’égard des outre-mer est une des explications objectives de la situation. On ne saurait sous-estimer l’importance de cette déchirure, qui contribue à la difficulté de crédibiliser la parole publique.

Quant aux débats que nous avons ce soir, j’ai le sentiment qu’on nous « trimbale » – je le dis avec tout le respect que j’ai pour le Parlement. Le rapporteur fait ce qu’il peut. Il nous dit que les boîtes de nuit rouvriront peut-être. Or Jean-Baptiste Lemoyne vient d’annoncer que ce ne serait pas le cas. Les décisions sont prises de manière solitaire par le Président de la République, et pendant ce temps-là on clive, on fracture, on parlemente, on fait semblant.

Il est certain que le nombre de contaminations va exploser la semaine prochaine. Or les mesures concrètes qui permettraient de prendre soin des gens ne sont pas prises. Je redis, au risque de vous lasser, qu’on ne parviendra pas à endiguer le virus si l’on n’ajoute pas aux dispositions coercitives que vous proposez d’autres mesures telles que la vaccination de l’ensemble de l’humanité, la généralisation des masques FFP2, le réarmement de l’hôpital et de la médecine scolaire, ou encore le remboursement des tests.

On apprend à l’instant que le préfet de police vient de généraliser le port du masque à Paris. M. le rapporteur devrait créer une boucle WhatsApp avec le Gouvernement pour être informé des décisions !

Mme Caroline Fiat. Depuis tout à l’heure, j’essaie de vous convaincre que les protocoles sanitaires sont les meilleurs instruments pour protéger nos concitoyens, mais je parle dans le vide. M. le rapporteur réussira peut-être à vous persuader. Or c’est lui-même qui a dit que le passe vaccinal seul ne fonctionnait pas : il faut l’associer à un test. C’est d’ailleurs le sens de l’alinéa 12. Le passe vaccinal tout seul ne sert à rien, si ce n’est à donner à certaines personnes l’impression que, dès lors qu’elles sont vaccinées, elles ne risquent rien et peuvent faire la bise à tout le monde. Avec cette disposition, le taux d’incidence va donc augmenter. Nous ne cessons de vous alerter : vous allez ouvrir la boîte de Pandore.

Mme Émilie Chalas. Je n’ai entendu dans aucun des propos tenus la volonté d’infantiliser les outre-mer. En revanche, plusieurs intervenants ont dénoncé, à juste titre, l’opportunisme visant à alimenter la campagne de Jean-Luc Mélenchon.

Vous avez été les premiers à défendre bec et ongles le statut de la fonction publique hospitalière, comme je l’ai fait moi-même. Or un statut suppose l’application d’une même règle pour tous les Français concernés. À ce titre, je ne vois pas pourquoi on exonérerait le personnel de santé de Guadeloupe du respect de l’obligation vaccinale mais pas celui de l’Isère, par exemple, alors que l’hôpital de Voiron n’a pas assez de gens pour accueillir les urgences. C’est faire deux poids, deux mesures. Au regard des exigences du statut de la fonction publique et du fonctionnement du service public, cela ne me satisfait pas.

L’article vise effectivement à permettre le cumul en fonction du risque de contamination : on pourra cumuler le passe sanitaire, les tests et les gestes barrières, et à cela s’ajoutera un plafond limitant les regroupements. Si vous ne l’avez pas compris, cela explique que vous n’ayez voté aucun des onze textes précédents : vous êtes complètement à côté de la plaque !

M. Paul Molac. Ce n’est pas la peine de s’énerver à propos de l’élection présidentielle : il ne s’agit pas là de la campagne de Mélenchon ou de Pécresse. Le problème tient au fait que le peuple n’a plus confiance dans ses élites. Vous aurez beau dire aux Guadeloupéens qu’ils peuvent se faire vacciner, ils ont intégré que, de toute façon, on ne leur dit que ce qu’on veut bien leur dire et que les recommandations ne correspondent pas forcément à leur intérêt. Il faut dire que, dans un certain nombre d’occasions, on s’est moqué des gens. Je pourrais citer le nuage de Tchernobyl, censé n’avoir jamais franchi le Rhin, mais je m’en tiendrai à un exemple plus contemporain : celui des masques. Un jour, on nous disait qu’il ne fallait pas en porter, et le lendemain c’était le contraire car il y en avait à nouveau…

Je comprends que l’establishment tienne un discours rassurant, à l’image de ce que vient de faire M. Larrivé. Mais la question qui se pose est celle de l’exemplarité, car les gens savent bien que, souvent, ce qui est présenté comme étant l’intérêt général n’est en réalité que l’intérêt particulier de ceux qui parlent. Je milite donc pour que les choses soient claires et qu’on ne raconte pas n’importe quoi dans le seul but d’avoir un peu moins de buzz dans les journaux : il faut dire la vérité.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL145, CL146 et CL147 de M. Jean-Pierre Pont.

 

Amendement CL270 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de valider le passe vaccinal, pour les personnes travaillant dans les secteurs qui y sont soumis, non pas à la première dose mais lorsque le schéma vaccinal est complet. Tel que le projet de loi est rédigé, un individu pourrait disposer du passe vaccinal aussitôt après la première dose, sans avoir à démontrer par la suite qu’il a reçu la seconde. Si vous croyez au schéma vaccinal, celui-ci doit être complet. Qui plus est, il paraît difficile de réserver un dispositif particulier au personnel censé accueillir des personnes elles-mêmes soumises à un schéma vaccinal complet.

Nous comprenons bien la difficulté : le 15 janvier, certaines personnes n’auront pas un schéma vaccinal complet. Nous vous proposons donc, par cohérence, de repousser la date d’entrée en vigueur du passe vaccinal au 1er mars 2022. Cela nous paraît préférable aux demi-mesures ou aux accommodements qui fragilisent en réalité le passe vaccinal et mettent en cause la sécurité sanitaire qu’il induit.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je comprends vos craintes, mais il reviendra au décret prévu à l’alinéa 13 de préciser les conditions d’application de la disposition. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier. Nous demandons précisément la suppression de l’alinéa 13, qui permet de créer un schéma vaccinal différent pour les personnes travaillant dans les secteurs soumis au passe vaccinal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL237 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Mon argumentation sera similaire à celle de Mme Untermaier. Normalement, quand on se fait vacciner, on doit recevoir deux doses. Or les personnes visées par l’alinéa 13 bénéficieront du passe vaccinal dès la première. L’objectif est évidemment de permettre à ces gens de continuer à aller au travail, et ainsi de faire tourner l’économie et les services publics. C’est aussi une manière de faire un pas dans leur direction : le passe vaccinal leur est accordé en attendant qu’ils reçoivent la seconde dose. Toutefois, le dispositif doit être davantage encadré.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La disposition visée est transitoire. Elle a pour objet d’accompagner les débuts de l’application du passe vaccinal pour les salariés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL148 de M. Jean-Pierre Pont.

Amendement CL250 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement, qui traite des jauges, me semble mieux écrit que celui de Sacha Houlié que vous avez retenu tout à l’heure… Quoi qu’il en soit, il est satisfait : je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL199 de M. Pacôme Rupin, CL245 de Mme Cécile Untermaier et CL74 de Mme Mathilde Panot. Amendements identiques CL5 de M. Ian Boucard et CL258 de M. Paul Molac. Amendement CL281 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur, amendement CL185 de M. Olivier Marleix et amendement CL107 de Mme Laetitia Avia (discussion commune).

M. Pacôme Rupin. Nous en arrivons à la question de la vérification de l’identité. Voilà un autre principe auquel nous étions attachés qui risque d’être violé. Nombre d’entre nous avions milité pour que la vérification du passe sanitaire ne s’accompagne pas d’une vérification d’identité. Certes, la disposition vise à lutter contre les fraudes, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit efficace : certaines personnes réussissent à faire figurer leur nom sur le faux passe qu’elles présentent. Il y a également d’autres moyens de frauder.

Non seulement la disposition risque de ne pas être opérationnelle, mais elle contrevient à un principe que nous défendons en dehors de la question de l’urgence sanitaire, à savoir que l’on ne saurait autoriser des personnes n’appartenant pas aux forces de l’ordre à demander aux gens de présenter des papiers d’identité. Mon amendement vise donc à supprimer les alinéas 14 et 15. Qui plus est, l’alinéa 15 n’est pas pertinent, car il prévoit que la « présentation des documents […] est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d’en connaître la nature ». Or, il s’agit de contrôler si quelqu’un est vacciné ou non : la personne procédant à la vérification saura nécessairement de quoi il retourne.

Mme Cécile Untermaier. Les restaurateurs évoquent cette mesure avec beaucoup d’inquiétude ; un grand nombre d’entre eux la rejette même. Ils s’acquittent avec beaucoup d’efficacité et de délicatesse de la mission qui leur a été confiée, alors même que celle-ci n’est pas facile, car il s’agit de faire barrage aux clients avant qu’ils ne s’installent à une table. Je tiens donc à rendre hommage à tous ces commerçants. Je puis d’ailleurs en témoigner : quand je vais au restaurant, on me demande systématiquement de présenter le passe sanitaire. Doit-on leur en demander plus ? Certainement pas. Les restaurateurs sont là pour accueillir les clients, pas pour les fouiller ou regarder leur pièce d’identité. D’ailleurs, ce contrôle d’identité va poser des problèmes, par exemple en cas de fraude avérée.

En outre, force est de reconnaître que l’alinéa 15 est mal rédigé. La première phrase est incompréhensible, et dans la seconde, il est écrit que la présentation d’un document officiel d’identité « peut être » exigée « en cas de doute » sur le passe présenté. Qu’est-ce que cela veut dire ? Imagine-t-on vraiment un restaurateur dire à l’un de ses clients qu’il a un doute et lui demander sa carte d’identité ? Cela ne fonctionnera pas. L’intention est peut-être louable, mais c’est aux forces de l’ordre qu’il revient de faire ce travail et de régler les litiges qui peuvent survenir. Les restaurateurs ne sont pas formés pour cela. Leur demander de procéder à cette vérification peut même les mettre en danger.

Mme Danièle Obono. Nous sommes nous aussi favorables à la suppression des alinéas 14 et 15, relatifs à l’extension du contrôle d’identité. Cette mesure est un pas de plus vers une société du contrôle permanent, que nous dénonçons depuis le début des discussions au Parlement autour de ces textes. Une partie de la population va en contrôler une autre, ce qui risque également de faire perdre toute légitimité aux représentants des forces de l’ordre habilités à procéder à ces contrôles.

Le contrôle d’identité est une disposition très encadrée. Il doit être effectué par des agents formés. Y compris dans ce cadre, les contrôles d’identité donnent déjà lieu à des contestations débouchant sur des procédures pour outrage à agent ou, à l’inverse, pour violences policières. Je sais qu’un certain nombre d’entre vous considère que cela n’existe pas, mais c’est la réalité. Quoi qu’il en soit, le fait de demander à quelqu’un de justifier son identité ne va pas de soi ; ce n’est pas un acte anodin. Or on s’apprête à privatiser cette fonction. Dans un contexte marqué par une forte tension, cela ne peut que créer des situations de conflit, voire mettre en danger certaines personnes qui ne sont pas formées pour cette mission et ne souhaitent pas l’exercer.

Plutôt que de procéder par la conviction et de créer des outils de protection collective, vous choisissez la voie qui vous semble la plus facile, mais qui en vérité suscitera plus de problèmes qu’elle n’en réglera, car la disposition créera des tensions dont nous n’avons pas besoin.

M. Ian Boucard. L’amendement CL5 du groupe Les Républicains vise à restreindre aux forces de l’ordre et aux agents assermentés la prérogative d’effectuer un contrôle d’identité.

Il nous paraît très compliqué de confier cette tâche à un serveur ou à un restaurateur pour deux raisons : sa responsabilité est susceptible d’être engagée si la personne contrôlée présente de faux documents et cela risque de créer des difficultés d’organisation.

Les commerçants ont déjà fait d’importants efforts pour s’adapter aux règles édictées par le législateur –  je tiens à les en remercier. J’ai pu constater dans les restaurants du territoire de Belfort que ces règles étaient consciencieusement appliquées ; les contrôles se passent très bien globalement. Dès lors, pourquoi une telle disposition ? Il semble que dans certaines métropoles, les forces de l’ordre ne soient pas en mesure de procéder à des contrôles fréquents dans les établissements, contrairement à la province où elles vérifient les passes sanitaires et l’identité de leur titulaire, ce que les clients acceptent de manière remarquable. Je ne suis pas sûr qu’il en irait de même s’ils étaient contrôlés par les serveurs, d’autant que ceux-ci n’en ont ni le temps ni la mission. Ce n’est pas leur métier, ils ne sont pas assermentés.

Il appartient aux forces de l’ordre de contrôler l’identité des citoyens dans notre pays et à elles seules. Laissons-les faire leur métier et ne mélangeons pas les rôles : le serveur contrôle le passe sanitaire, ou le passe vaccinal à partir du 15 janvier, et les forces de l’ordre, l’identité.

M. Paul Molac. Je prise assez peu l’idée selon laquelle un citoyen lambda peut contrôler un autre citoyen lambda. L’histoire a déjà connu de tels épisodes au cours de périodes qui n’étaient guère sympathiques. Je n’adhère pas à ce genre de société.

Il faut s’en tenir aux forces de l’ordre pour procéder aux contrôles d’identité pour lesquels elles sont habilitées.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Dans un souci de clarification, l’amendement CL281 vise à introduire la notion de vérification de concordance documentaire, distincte du contrôle d'identité au sens du code de procédure pénale.

Cette notion figure dans l'arrêté du 11 septembre 2013 relatif aux mesures de sûreté de l'aviation civile. Les termes « document officiel avec sa photographie » sont mentionnés dans le code monétaire et financier s'agissant de la vérification lors du paiement par chèque.

La rédaction que je vous propose lève ainsi tout doute sur la portée de la mesure : pas de contrôle d'identité, pas de lien avec une infraction, mais une simple vérification de concordance comme notre droit en prévoit déjà souvent.

M. Olivier Marleix. Depuis une dizaine d’années, Guillaume Larrivé et moi avons essayé dans plusieurs textes relatifs au terrorisme d’octroyer aux policiers municipaux la possibilité d’effectuer des contrôles d’identité. À chaque fois, cette majorité et la précédente se sont offusquées de notre proposition. Aujourd’hui vous acceptez de confier ces contrôles à toute une série de gens…

Conscients de la difficulté, vous trouvez un autre nom, « vérification de concordance documentaire », pour qualifier une mesure qui pose de nombreux problèmes de droit. Quels documents d’identité peuvent être présentés ? Selon le ministère de l’intérieur, outre la carte d’identité, le passeport ou le permis de conduire, il est possible d’attester de son identité au moyen d’une carte Vitale, d’un livret de famille ou d’un acte de naissance. Sera-ce le cas, monsieur le rapporteur ?

Dans un avis qui n’est sans doute pas le plus glorieux de son histoire, le Conseil d’État argue dans un grand amalgame de ce que le législateur a déjà autorisé de tels contrôles : il n’hésite pas à mélanger les contrôles liés à l’espace Schengen, qui sont pourtant inscrits dans le code de procédure pénale et le code de l’entrée et du séjour des étrangers, et ceux relatifs au paiement par chèque qui relève pourtant d’une relation contractuelle et qui n’est pas obligatoire.

Vous créez un précédent qui porte atteinte de manière évidente aux libertés.

Mme Coralie Dubost. L’amendement CL107 de Mme Avia, cosigné par plusieurs membres du groupe La République en marche, vise à supprimer les mots : « en cas de doute sur ces documents » afin de dissiper la confusion sur les modalités de la vérification des documents d’identité par les responsables d’établissement.

Après avoir entendu le rapporteur, l’expression « concordance documentaire », qui recouvre une notion juridique bien établie, nous paraît pertinente. Nous retirons donc notre amendement au profit de celui du rapporteur.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il ne s'agit en aucun cas de déléguer ou de confier à des restaurateurs ou des professionnels les prérogatives des forces de l'ordre : la vérification d'identité prévue ne constitue absolument pas un contrôle d'identité au sens du code de procédure pénale, et ne débouchera pas sur la constatation éventuelle d'une infraction pénale.

Il s'agit uniquement de permettre la vérification de la concordance entre le passe et l'identité de la personne qui le présente – rien de plus –, sans suites pénales, et à des fins de sécurité sanitaire collective, comme l'a relevé le Conseil d'État.

Le dispositif est donc exactement le même que ceux qui existent déjà, par exemple dans les supermarchés, où les caissiers vérifient l'identité des clients qui paient par chèque ; dans les bars ; dans les casinos ; à la sortie des écoles, quand les enfants sont récupérés par des personnes qui ne sont pas les parents ; ou encore lorsque vous embarquez dans un avion. Ce n'est pas un contrôle d'identité effectué par les forces de l'ordre.

Il serait assez surprenant de permettre à un patron de bar de vérifier l'identité d'un client pour s'assurer qu'il est majeur, mais pas de contrôler si le passe présenté est bien celui du client dans le cadre de la lutte contre une pandémie mortelle.

Bref, je le répète, nous ne confions en aucun cas aux professionnels des prérogatives qui relèvent et demeurent du seul ressort des forces de l'ordre. Nous transposons au passe une mesure qui existe déjà dans de très nombreux cas. J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements, à l’exception du CL281 que j’ai présenté.

M. Sébastien Jumel. Vous ne vous êtes pas interrogés sur le caractère opérationnel de ce que vous proposez. Ceux qui auront à appliquer la mesure – les patrons de bars et de restaurants – disent que c’est ingérable.

C’est un sketch ! Vous connaissez celui de Coluche dans lequel il parle du « mec patibulaire mais presque ». Mais où êtes-vous allés chercher la notion de doute ? Et maintenant vous inventez la vérification de concordance documentaire pour nous faire croire qu’il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité.

Le contrôle d’identité constitue une fonction régalienne de l’État. Il ne peut pas être délégué sans créer de sérieux problèmes juridiques. M. Gosselin nous manque ce soir, il a déjà eu l’occasion de rappeler une décision du Conseil constitutionnel de 1993 selon laquelle la généralisation des contrôles d’identité de manière discrétionnaire n’est pas conforme à la Constitution.

Vous faites du Raymond Devos pour essayer de camoufler le fait que vous transférez à des personnes qui ne sont pas dépositaires de l’autorité publique la possibilité d’effectuer un contrôle d’identité. Vous franchissez ce qui constitue à nos yeux une ligne rouge, une de plus. C’est un signe supplémentaire du fait que vous renoncez à défendre les libertés fondamentales dans la gestion de la crise sanitaire. Vous n’échapperez pas aux fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Mme Laurence Vichnievsky. L’amendement du rapporteur nous satisfait pleinement. Il répond aux modestes observations que j’avais présentées dans la discussion générale.

Une vérification d’identité n’a évidemment rien à voir avec un contrôle d’identité. Vous devez vous souvenir de l’époque où, âgé de 15 ou 16 ans, vous n’aviez qu’une idée en tête : aller voir un film interdit aux moins de 18 ans. Comme pour l’accès au casino ou au sex shop, vous sollicitez une prestation et l’exploitant est tenu de vérifier s’il est en mesure d’y répondre.

Cela diffère d’un contrôle d’identité, effectué proprio motu par les forces de l’ordre, qui peut déboucher sur une interpellation, éventuellement une garde à vue et la constatation d’une infraction. La vérification d’identité n’a pas d’autre suite que le défaut de délivrance de la prestation attendue si celle-ci s’avère négative.

Vous faites un mauvais procès, d’autant que l’amendement du rapporteur lève les interrogations que pouvait susciter la notion de doute. Le groupe MODEM le votera.

Mme Coralie Dubost. Monsieur Jumel, d’après vous, la mesure serait ingérable et pas opérationnelle, mais vous nous l’avez dit à chaque étape de la crise sanitaire : pour le confinement ; pour le couvre-feu ; pour la réouverture des bars et des restaurants ; pour les jauges dans les musées ; pour la stratégie de vaccination ; pour l’instauration du passe sanitaire. Et pourtant, les mesures ont été opérationnelles, grâce à l’implication des Français et des élus locaux. Depuis deux ans, lorsque toutes les parties concernées, publiques mais aussi privées, participent à leur mise en œuvre, les mesures fonctionnent. Ce sera encore le cas pour celle-ci.

Monsieur Molac, il est tard, vous voulez faire une blague mais lorsque vous dites « je n’adhère pas à ce genre de société », vous surfez sur une ambiguïté dangereuse. La présidente a rappelé les violences dont certains collègues ont été victimes. Les élus subissent des menaces verbales ou écrites, sur les réseaux sociaux mais tous ne voient pas leur maison brûler et couverte d’insultes évoquant un « passe de la honte ». Attention lorsque vous manifestez une telle défiance. La commission des lois prend des décisions qui concernent tous les Français. Sur ces sujets, la mise en doute n’est pas permise.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement du rapporteur ne répond pas complètement aux difficultés de mise en œuvre du dispositif.

La mention des termes « il peut être procédé » risque de poser problème au restaurateur. Si ce dernier décide de ne pas procéder alors qu’il aurait dû, sa responsabilité sera-t-elle engagée ? S’il procède et qu’un litige advient, que se passera-t-il ? Devra-t-il appeler les forces de l’ordre ? De toute façon, il perdra un client.

La mesure, si l’on passe outre les réserves que j’ai émises, cache un transfert de charges. Vous imposez au restaurateur, qui a déjà beaucoup à faire, une vérification – ce n’est pas rien pour lui !

Enfin, l’administration aurait dû se préoccuper des fraudes aux passes sanitaires, quitte à y inclure une photographie.

M. Ugo Bernalicis. Après les propositions disruptives, voici les innovations de rupture, avec la vérification de la concordance documentaire au lieu du contrôle ou de la vérification d’identité.

La loi dispose que la vérification d’identité est obligatoire pour un paiement par chèque mais, à la différence du passe vaccinal, des alternatives existent avec le paiement par carte bleue ou en espèces, où la vérification d’identité ne s’impose pas. Peut-être devriez-vous donc maintenir une alternative au passe vaccinal – un test négatif, par exemple.

De la même manière, le commerçant qui ne procède pas aux vérifications du passe sanitaire est en infraction, mais il ne le sera pas s’il ne procède pas à la vérification de la concordance d’identité puisqu’elle est facultative. Ne pourrait-il, tout de même, être considéré comme complice d’une éventuelle fraude ? Mais n’entrons donc pas dans ces discussions-fictions, qui nous mèneraient beaucoup trop loin !

La fraude au passe sanitaire ou vaccinal est une infraction délictuelle et le fraudeur encourt une peine de prison. Or l’article 73 du code de procédure pénale dispose que « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ». S’appliquera-t-il également dans ces situations ? Vous avez tout de même utilisé d’étranges formules en évoquant des « ennemis de la République » et des « complices » d’une dégradation de la situation sanitaire qui mettraient la vie d’autrui en danger. Est-ce donc cette société-là que vous voulez ?

Mme Alexandra Louis. Il convient de bien distinguer le contrôle d’identité et la vérification d’une concordance documentaire. Ne pas présenter une pièce d’identité à un policier peut entraîner une rétention de plusieurs heures aux fins de vérification. Se refuser à la vérification d’une concordance documentaire implique simplement de repartir chez soi.

Le paiement par chèque suppose de présenter une pièce d’identité, de même que celle-ci peut être demandée à une personne qui souhaite acheter de l’alcool. Dans les deux cas, la sanction consiste à ne pas pouvoir faire d’achat.

Je rappelle, en outre, qu’il ne s’agit pas d’une obligation mais d’une faculté et que la contrainte est donc limitée pour les professionnels.

Ne perdons pas de vue cet objectif qu’est la lutte contre la fraude. La présentation d’une pièce d’identité en cas de paiement par chèque a permis de la limiter et ce sera également le cas avec la vérification de la concordance documentaire.

L’amendement du rapporteur apporte une précision nécessaire qui permet d’inclure cette disposition parmi celles que l’on connaît déjà dans notre droit et qui sont respectueuses des droits et des libertés.

M. Pacôme Rupin. Il faut rendre justice à l’amendement de notre rapporteur.

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité mais de la vérification d’un passe vaccinal à partir d’un document officiel présentant une photographie, ce qui suppose de pouvoir utiliser d’autres documents qu’une carte d’identité comme une carte Vitale ou une carte de transport, ce qui sera moins contraignant.

Cette mesure, certes, ne m’agrée pas puisqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un passe vaccinal mais une vérification d’identité me choque beaucoup moins que le contrôle de données personnelles de santé. Je retire mon amendement.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je salue le travail de notre collègue Laetitia Avia, qui a permis de lever certains doutes sur la première rédaction relative à ce prétendu « contrôle d’identité » et je remercie notre rapporteur de se référer à la notion de « concordance documentaire », laquelle existe déjà dans notre droit et s’applique lors de paiements par chèque, lorsque l’on prend l’avion ou que l’on achète ou consomme de l’alcool. Nous pourrons ainsi mieux lutter contre les comportements frauduleux et l’épidémie. Le groupe La République en marche votera bien entendu l’amendement du rapporteur.

M. Guillaume Larrivé. J’ai bien compris que vous ne voulez pas d’un contrôle d’identité au sens du code de procédure pénale. Je rappelle néanmoins que, dans la loi de mai 2021, vous avez précisé que la présentation de documents officiels d’identité ne pouvait être exigée que par les forces de l’ordre, ce qui prouve bien qu’une question se posait déjà.

L’avis du Conseil d’État est assez sommaire sur ce point mais on comprend qu’il tenait à ce que la vérification de ces documents ait lieu seulement « en cas de doute » afin de prévenir la fraude. Sur un plan juridique, la suppression de cette formule fragilisera la rédaction du texte même si elle en facilitera l’application.

Enfin, sur un plan rédactionnel, à quoi l’adjectif possessif « sa » renvoie-il dans l’amendement du rapporteur ?

Mme Caroline Fiat. Si cet amendement vise à retirer du circuit tous les faux passes, il ne sera d’aucune utilité. Si je présente un faux passe dans un restaurant et que l’on me demande un document d’identité, pensez-vous que je vais attendre l’arrivée des forces de l’ordre ? Soit je rentre chez moi, soit je tente d’aller dans le restaurant d’à côté. Si je fais partie d’un groupe de vingt personnes, pensez-vous qu’un restaurateur prendra le risque de rater vingt couverts en procédant à toutes les vérifications ?

La mission visant à retirer du circuit les faux passes est régalienne et ceux qui en sont chargés doivent avoir plus de moyens.

Mme Danièle Obono. Selon Mme Dubost, toutes les mesures de ce type peuvent être appliquées. En effet : parce qu’elles ne sont pas sanitaires mais sécuritaires. Rien n’est plus simple que d’appliquer des mesures de surveillance et de contrôle, ne serait-ce que parce que la grande majorité des gens ne s’y soustrait pas. Or elles mettent en jeu la nature même des rapports sociaux et de l’ensemble de la société. Avec leur généralisation, on finit par oublier qu’il fut un temps où elles n’existaient pas ; on finit par oublier la liberté elle-même. Dès lors que l’opérationnalité sécuritaire – et non sanitaire – est effective, pourquoi revenir en arrière ? Avec les textes relatifs à l’état d’urgence sanitaire, nous sommes confrontés au même effet cliquet qu’avec les lois visant à lutter contre le terrorisme. L’État de droit est en danger.

M. Olivier Marleix. Je souhaite que le rapporteur nous indique ce qu’il entend par « un document officiel portant photographie », dont la vérification compliquera d’ailleurs la vie quotidienne des serveurs dans les bistrots.

Selon le ministère de l’intérieur, le site service-public.fr et le site du Gouvernement, il est possible de justifier de son identité et de la contrôler, sur un plan judiciaire et administratif, par tout moyen : titre d’identité – passeport, carte d’identité, permis de conduire –, autres documents – livret de famille, carte d’électeur, carte Vitale – ou simple témoignage de quelqu’un qui nous accompagne, ce que confirme d’ailleurs la jurisprudence.

Sur le site légifrance.gouv.fr, la liste qui figure à l’article R. 113-5 du code des relations entre le public et l’administration est plus restrictive en faisant état de cinq catégories de documents : livret de famille, carte nationale d’identité, passeport, carte d’ancien combattant, extrait d’acte de naissance.

Maintenant, le rapporteur propose une nouvelle catégorie juridique : un document officiel portant photographie. Or, en France, la carte d’identité n’est pas obligatoire, a fortiori pour un mineur. Comment ce dernier fera-t-il s’il n’a ni carte d’identité, ni passeport, ni, évidemment, de permis de conduire ? C’est invraisemblable ! Une telle disposition sera très difficilement applicable. C’est pourquoi le Conseil d’État considère qu’elle ne doit s’appliquer qu’« en cas de doute ».

M. Paul Molac. Je maintiens, quant à moi, mon amendement, car ce type de contrôle doit relever des prérogatives de l’État.

Lorsque j’évoque un certain type de société, je ne fais pas référence à des actes délictueux – dont j’espère que les auteurs répondront devant la justice – mais à des pratiques qui me font penser à des heures sombres de notre histoire.

Lors du premier confinement, certains contrôlaient l’heure de sortie de leurs voisins et appelaient la gendarmerie lorsqu’elle était dépassée. Les gendarmes, chez nous, étaient si écœurés qu’ils n’ont pas tenu compte des très nombreux appels. C’est de ce type de société que je ne veux pas !

M. Ugo Bernalicis. La vérification documentaire pour embarquer, notamment, dans un avion, n’est pas possible pour les mineurs de moins de 13 ans. Or, votre passe vaccinal étant obligatoire à partir de douze ans, que faites-vous de cette année de « transition » ?

M. Bruno Millienne. Je crains que d’absurdes théories du complot se fassent jour. Mme Obono redoute que de telles mesures soient pérennisées, or elles ne s’appliquent qu’en raison de la pandémie. Lorsqu’elle aura disparu, la vérification de votre passe vaccinal avec une pièce d’identité n’aura plus lieu d’être. Ne préjugez pas de l’après ! Il est dommage de consacrer tant d’intelligence au côté négatif de la situation !

Enfin, il y a dix ans, lorsque j’allais retirer mon passe pour faire du ski, je devais présenter ma carte d’identité pour bénéficier d’une réduction familiale. Il en est d’ailleurs de même pour acheter des billets à la SNCF.

Je rappelle, enfin, que cette vérification n’est pas obligatoire.

Contrairement à vous, nous pensons que l’inscription d’une telle possibilité dans la loi incitera moins de gens à frauder.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’amendement CL281 est ainsi rectifié : « Il peut être procédé à la vérification de concordance documentaire entre l’identité mentionnée sur le document prévu au premier alinéa du présent B et un document officiel avec photographie. »

Les amendements CL199 et CL107 sont retirés.

Successivement, la commission rejette les amendements CL245, CL74, CL5 et CL258, et adopte l’amendement CL281 rectifié.

En conséquence, l’amendement CL185 tombe.

Amendement CL69 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Vous voulez renforcer les sanctions en cas de fraude. Or elles existent déjà et sont substantielles : l’absence de contrôle du passe sanitaire expose l’exploitant à un an de prison et 9 000 euros d’amende.

Je retiens de la lecture du Canard enchaîné que le mode d’attribution des passes et la validité de l’ensemble du dispositif nécessitaient quelques réglages. Certains vrais faux passes permettent à leurs utilisateurs de les justifier avec leur vraie carte d’identité – mais c’est un autre sujet. Un médecin, frère du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a vu son compte utilisé des dizaines de milliers de fois pour réaliser de tels passes. Les délinquants sont plein de ressources !

Donner un peu plus de moyens à la police judiciaire permettrait de réduire la fraude. Cette police compte 7 000 agents, policiers et personnels administratif, technique et scientifique, contre 7 500 dans les brigades anticriminalité ou 15 000 pour la police aux frontières. Il est vrai que, sans passe sanitaire ou vaccinal, il n’y aurait pas de fraude au passe…

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le durcissement des sanctions est nécessaire pour rendre le dispositif effectif et dissuasif, tout en restant proportionné – le Conseil d’État l’a souligné dans son avis.

En sanctionnant d’une amende contraventionnelle le défaut de contrôle, on assure son effectivité, qui est nécessaire d’un point de vue sanitaire. Il ne semble pas excessif de sanctionner de l’amende prévue pour une contravention de cinquième classe les fraudes sanitaires telles que l’utilisation du passe d’une autre personne ou la transmission d’un passe authentique à des fins frauduleuses.

De la même manière, il paraît normal de réprimer la détention d’un faux. Cela permettra de bien cibler les faussaires. Les personnes ignorant la nature frauduleuse du passe ne seront pas concernées. Les fraudes sanitaires compromettent l’efficacité des mesures et notre combat collectif. Ces peines sont donc bien proportionnelles à la gravité des manquements qu’elles sanctionnent ainsi qu’aux objectifs poursuivis. Je vous renvoie, là encore, à l’avis du Conseil d’État.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas parce que le Conseil d’État écrit que l’on peut faire quelque chose qu’il faut absolument le faire. C’est une appréciation politique, pas juridique.

Nous l’avons dit pour de nombreux textes, introduire une sanction pose un interdit, qui produit un effet mesurable, même si ce n’est pas toujours celui escompté. Qu’il s’agisse d’une amende ou d’une peine de prison, comme dans le cas du non-contrôle du passe, lorsque vous augmentez le niveau de sanction, assez vite, cela ne produit plus d’effet préventif mais un effet répressif, une fois que l’infraction est commise.

Comme je l’ai dit lors de la discussion sur les refus d’obtempérer dans le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, en augmentant l’échelle des peines et le nombre d’années de prison encourus, vous n’obtiendrez pas moins de refus d’obtempérer dans le pays : les gens ne commettent pas l’infraction après avoir regardé dans le code pénal le nombre d’années de prison ou la peine encourus.

À propos de prison, alors que l’épidémie, notamment avec le variant omicron, bat son plein, on est revenu à 70 000 détenus. Est-ce qu’un jour, quelqu’un prendra une décision pour mettre fin à la surpopulation carcérale ?

Mme Laurence Vichnievsky. On passe de contraventions de quatrième classe à des contraventions de cinquième classe : l’échelle de peine n’est pas très importante. Certes, l’amende augmente, mais toucher au porte-monnaie peut être la meilleure solution.

Quant à la peine de prison que vous évoquez, elle ne vise que les cas de réitération de la part du professionnel exploitant, lorsqu’il a été constaté à plusieurs reprises qu’il n’a pas effectué son contrôle. Là, il pourra encourir 9 000 euros d’amende et un an de prison, mais ce n’est pas à la première constatation. Aujourd’hui, il faut plus de trois défauts de contrôle pour sanctionner.

Compte tenu des objectifs de santé publique que nous visons, les motivations du Conseil d’État ne peuvent être exclusivement caractérisées comme politiques. Elles sont juridiques : les sanctions ne sont pas disproportionnées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL70 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Je ne dis pas que vous ne pourrez pas appliquer vos amendes, ni qu’elles ne s’appliqueront pas : vous aurez bien des gens à poursuivre. Seulement, les amendes ne produiront pas les effets escomptés – combattre l’épidémie, l’objectif premier, et diminuer la fraude. Comme vous ne savez pas comment gérer la crise sanitaire et les dispositifs que vous instaurez, il ne vous reste que les sanctions et les infractions. Depuis le début de la législature, il n’y a pas eu un seul texte examiné en commission des lois ou dans les autres commissions – par exemple, la loi de programmation de la recherche – dans lequel vous n’avez été tentés de créer de nouvelles infractions et de nouveaux délits. À chaque fois, cela ne produit pas les effets escomptés. Si vous me faisiez la démonstration du contraire, je m’inclinerais ; je continuerais de ne pas être d’accord, mais j’aurais moins d’arguments. Mais ce n’est pas le cas.

On nous oppose qu’il faut une réitération. On nous a déjà fait le coup pendant le premier confinement : il fallait être contrôlé trois fois sans masque ou attestation pour aller en prison. Vous disiez que cela n’arriverait jamais, car les amendes suffiraient. Or des personnes ont été déférées devant la justice. À Lille, les compositions pénales ont permis d’éviter des peines de prison, mais ailleurs, certaines ont été prononcées – en plus, il s’agissait de courtes peines, dont on sait qu’elles sont inefficaces, y compris pour prévenir la récidive.

Je suis désolé, votre truc ne fonctionne pas ! Vous pouvez vous rassurer en disant en conférence de presse que vous augmentez l’échelle des peines et les sanctions, que vous lancez un grand signal. À la fin, les gens qui ne voudront pas se soumettre au passe vaccinal se mettront encore plus dans l’illégalité et s’exposeront à davantage de sanctions. Ça, c’est certain.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, le durcissement des sanctions est nécessaire pour rendre le dispositif effectif et dissuasif, tout en restant proportionné – le Conseil d’État l’a souligné dans son avis. En sanctionnant d’une amende contraventionnelle le défaut de contrôle, on assure son effectivité, qui est nécessaire d’un point de vue sanitaire.

Le défaut de contrôle par un exploitant de service de transport fait déjà l’objet, dès le premier manquement, de l’amende qu’il est proposé d’appliquer aux autres personnes chargées de contrôler le passe. Cette peine, comme les autres prévues à l’article, sont donc bien proportionnées à la gravité des manquements qu’elles sanctionnent et aux objectifs poursuivis.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL247 de Mme Cécile Untermaier.

La commission adopte l’amendement de précision CL153 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendements CL72 de Mme Danièle Obono, CL71 de Mme Mathilde Panot et CL260 de M. Paul Molac (discussion commune).

Mme Danièle Obono. L’amendement CL72 vise à supprimer les alinéas 21 à 23, qui concernent le renforcement des sanctions. Celui-ci n’est pas effectif d’un point de vue sanitaire. Jusqu’à présent, vous n’avez pas apporté la preuve que le passe a un effet sur la circulation du virus. Vous choisissez des biais pour obliger à la vaccination, sans la rendre obligatoire. Vous mettez donc dans l’illégalité et menacez de sanctions des personnes qui, en ne se vaccinant pas, n’ont pas commis d’acte illégal.

C’est votre logique sécuritaire et autoritaire : à partir d’un acte qui n’est pas illégal, puisqu’il n’y a pas d’obligation vaccinale – c’est l’angle mort de votre texte –, vous placez des personnes en position de délinquantes, devant subir des amendes de plus en plus élevées. C’est cette logique purement sécuritaire et autoritaire, que nous contestons. Elle ne fera que produire du contentieux – ni la police, ni la justice n’en ont besoin – et n’a pas d’effet sanitaire.

M. Paul Molac. L’amendement CL260 vise à supprimer l’alinéa 23, qui expose la détention d’un faux passe sanitaire à 75 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement. Ce n’est même pas son usage qui est sanctionné, ce que je pouvais comprendre, mais le fait de détenir un faux passe – ce qui sera d’ailleurs difficile à caractériser.

La falsification de documents officiels est déjà punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Je ne vois pas l’intérêt d’ajouter une sanction, qui paraît disproportionnée.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je le redis, le durcissement des sanctions est nécessaire pour rendre le dispositif effectif et dissuasif, tout en restant proportionné – le Conseil d’État l’a souligné dans son avis.

Il paraît normal de réprimer la détention d’un faux de la même manière que son usage : cela permettra de bien cibler les faussaires. Les infractions en matière de faux sont intentionnelles. Il faudra donc une intention frauduleuse pour que l’infraction soit constituée. Les personnes ignorant la notion frauduleuse du passe ne seront pas concernées. Il s’agit là de fraudes sanitaires, qui compromettent l’efficacité des mesures et notre combat collectif.

Avis défavorable

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL246 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il vise à préciser que la détention doit être frauduleuse, en écho à l’avis du Conseil d’État invitant le Gouvernement à apporter cette précision dans le projet de loi.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Votre proposition me semble à la fois satisfaite et inopportune.

Elle est satisfaite, car toutes les infractions relatives aux faux sont intentionnelles. Il faut donc avoir conscience du caractère frauduleux pour que la détention d’un faux soit sanctionnable. Inversement, une personne qui n’a pas connaissance du caractère frauduleux ne sera pas sanctionnée : l’erreur de fait, la bonne foi ne sont pas punissables.

La précision pourrait, en outre, être inopportune, en introduisant un a contrario dans l’alinéa : seule la détention serait frauduleuse, mais pas l’usage ou la procuration.

Votre objectif est bien atteint. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier. La précision semble en effet mal placée : il faut aussi poser la question de l’usage. Il importe que la loi précise le caractère frauduleux, sans qu’une expertise soit menée au niveau pénal. Tout le monde ne connaît pas la loi aussi bien que vous, monsieur le rapporteur.

L’amendement est retiré.

Amendement CL73 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Mathilde Panot. Il supprime les alinéas 24 et 25, qui modifient le dispositif de manière substantielle, en autorisant les agents habilités à constater l’infraction de non-présentation du passe sanitaire à « accéder, pendant les heures d’ouverture au public, aux lieux, établissements ou événements concernés » afin de contrôler la détention du document pour les personnes qui s’y trouvent.

Il y a là le même glissement vers une société du contrôle permanent, que nous signalions précédemment. Il ne s’agit pas d’une mesure sanitaire, et nous devrions mettre notre énergie dans autre chose que le contrôle massif des passes sanitaires ou vaccinaux dans les lieux, établissements ou événements qui accueillent du public.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable. La disposition permet aux agents des forces de l’ordre, en entrant dans les sites soumis au passe, d’en contrôler la détention et de vérifier le bon respect de l’obligation de contrôle pour les exploitants et les professionnels.

Mme Caroline Fiat. Un cinéma a fait le choix de fermer après avoir fait l’objet, plusieurs fois de suite, de contrôles des forces de l’ordre pendant la diffusion d’un film, ce qui paraît aberrant.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision CL154 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendement CL61 de Mme Mathilde Panot.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 26 à 36. On vient de voir approuver un ensemble de mesures de coercition et de sanction. En revanche, toutes les propositions qui ont été faites dans le domaine sanitaire – nous avons suggéré, en particulier, la fourniture de masques gratuits et l’augmentation de la production de masques FFP2 – ont été balayées d’un revers de la main. Contrairement à ce qui a été dit, la production de masques FFP2 a diminué de 90 % par rapport à 2020, alors que ce sont des outils de protection bien plus efficaces. Avec ces mesures ayant pour objet la sanction et la répression, vous perdez de vue ce que vous prétendez vouloir atteindre, à savoir la protection sanitaire.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Cet amendement, comme certains autres qui suivent, vise à supprimer les coordinations qui résultent de la création du passe vaccinal. Comme nous n’avons pas adopté les amendements proposant sa suppression, mon avis sera, par cohérence, défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL62 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Lorsque nous faisons des propositions concrètes s’inscrivant dans une politique sanitaire globale, vous n’émettez aucun avis sur le fond : c’est le passe sanitaire ou vaccinal, et rien d’autre. Nous aimerions entendre vos arguments. Vous pourriez nous dire, par exemple, qu’on n’a pas besoin de masques FFP2 parce que les Français et les Françaises ne savent pas les mettre – on a déjà entendu cet argument, au demeurant complètement erroné. Cela nous permettrait de comprendre pourquoi le Gouvernement n’annonce aucune de ces mesures et balaye d’un revers de main nos propositions, en invoquant leur coût. Il me paraît problématique qu’au douzième texte, on en soit encore à considérer que ce sont des mesures de peu d’importance, alors que toutes les études montrent qu’il s’agit d’éléments complémentaires indispensables à une politique sanitaire globale, que vous refusez. Vous faites le choix de la répression et de la sanction, plutôt que de la santé et de la protection.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL115 de M. Guillaume Larrivé et sous-amendement CL282 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

M. Guillaume Larrivé. Avec cet amendement, je propose de régler une difficulté que pose le droit actuel. Si on appliquait strictement la loi, un candidat à l’élection présidentielle ou législative, un responsable de parti politique qui choisirait de soumettre l’entrée dans un meeting à la présentation d’un passe vaccinal pourrait faire l’objet de poursuites pénales et d’une condamnation allant jusqu’à un an de prison. En effet, la loi prévoit qu’une telle répression s’applique à celui qui exige un passe dans un cas autre que ceux définis par la loi. C’est problématique, puisque nous sommes un certain nombre – c’est le cas des Républicains – à envisager que des meetings se tiennent dans des conditions sanitaires raisonnables, qui impliquent la présentation d’un passe.

Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé de manière absolue – c’est du moins comme cela que je lis ses décisions – qu’une réunion politique ne pouvait faire l’objet d’une organisation permettant de prendre en compte les exigences sanitaires. Il a estimé qu’il fallait concilier, d’une part, les exigences sanitaires, et, d’autre part, le respect et la sauvegarde d’une liberté fondamentale : la liberté politique. C’est pourquoi je propose d’écrire que la personne responsable de l’organisation d’une réunion politique peut en subordonner l’accès à la présentation d’un passe sanitaire.

Il serait également utile de préciser qu’un responsable politique peut définir le nombre maximal de personnes pouvant accéder à une réunion.

Ce sera un exercice de vérité : des personnes déraisonnables considéreront que la seule expression de leur parole politique constitue une sorte de bulle sanitaire et que, par l’effet d’on ne sait quelle grâce, elles peuvent tenir des réunions sans aucune restriction ; d’autres, comme les Républicains, tiendront ces réunions dans le respect de certaines conditions sanitaires.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Aujourd’hui, les activités politiques, comme celles d’ordre syndical et cultuel, sont exclues du champ du passe sanitaire. Je reconnais, comme vous, l’importance de garantir la sécurité sanitaire des réunions politiques, mais exiger à cette fin la présentation d’un passe pourrait emporter, en l’état actuel du droit, des conséquences assez lourdes pénalement. Votre proposition me semble donc bienvenue.

En revanche, je suis plus réservé sur la possibilité d’instituer des jauges. Cela pourrait se révéler utile, mais il me semble préférable d’attendre l’issue de la concertation entre le ministère de l’intérieur et les formations politiques. J’émets donc un avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui écarte le volet des jauges.

M. Ugo Bernalicis. Je vois bien la manœuvre. Les responsables politiques que nous sommes, en particulier les membres de notre formation, ont toujours mis un point d’honneur à appliquer l’ensemble des règles sanitaires, exception faite du contrôle du passe sanitaire – puisqu’il n’était ni possible, ni, à mon sens, souhaitable, de le faire. Nous n’avons jamais été opposés aux gestes barrières. Lors de tous nos événements politiques, il est demandé d’appliquer du gel hydroalcoolique et de porter le masque. Du point de vue de l’exemplarité, nous n’avons de leçon à recevoir de personne, surtout pas des Républicains et encore moins de la majorité. Nous avions organisé un meeting, en septembre dernier, à Lille. Le même soir, lors d’une réunion publique de La République en marche, à laquelle participait un certain Christophe Castaner, personne ne portait le masque, ni sur la tribune, ni dans la salle !

M. Pacôme Rupin. Je comprends les raisons qui ont conduit M. Larrivé à présenter cet amendement. Lors de réunions organisées par différentes organisations politiques, le passe sanitaire a été demandé, alors que cette exigence ne remplit pas, à proprement parler, les conditions posées par la loi. Je voterai néanmoins contre l’amendement. De manière générale, je suis opposé au passe sanitaire et, en l’occurrence, il me paraît dangereux de faire entrer ce dispositif dans un univers qui lui était jusqu’à présent étranger, à savoir la sphère politique et le débat démocratique. Un meeting, même s’il rassemble essentiellement les soutiens à une personne, est aussi, particulièrement en période de campagne présidentielle, un lieu où se rendent des gens pour écouter un candidat, s’informer et se forger une opinion.

M. Sébastien Jumel. Les principes fondamentaux sur lesquels repose la démocratie sont universels, intemporels et ne doivent souffrir aucune atteinte. Parmi ces libertés fondamentales figure, par exemple, la liberté de culte : on ne peut pas, en démocratie, s’arranger avec cette liberté. On ne peut pas davantage – encore moins en période d’élection présidentielle – restreindre la liberté de se réunir pour participer à un débat démocratique. Indépendamment de la crise que nous traversons, ce sont des principes essentiels qui ne peuvent pas souffrir d’adaptation. Imagine-t-on exiger un passe sanitaire à l’entrée d’un lieu de culte, mettant en cause, par là même, la liberté individuelle de prier ? Doit-on imposer à celui qui veut s’informer du débat démocratique et qui, impromptu, se rend à un meeting, les règles que l’organisateur a fixées pour les militants ? Sur quelle planète vivez-vous ? Vous êtes en train de vous habituer à renoncer à ce qui fait la démocratie, aux principes fondamentaux de l’État de droit. Il est vrai que certains, par exemple chez les Marcheurs, ne prennent pas de risque, car, tenant leurs meetings par visioconférence, ils n’auront jamais besoin de jauge.

Mme Danièle Obono. Cette proposition ne nous étonne pas de la part d’un collègue qui nous a accusés d’instrumentalisation électorale, alors que nous présentons des amendements depuis fort longtemps sur un ensemble de sujets. En l’occurrence, monsieur Larrivé, par cet amendement, qui fait le jeu de la majorité, vous entendez réglementer par la petite porte les conditions du débat démocratique relatif à la plus importante élection de notre pays. On connaît déjà la position de la majorité, puisque vous avez eu l’assentiment de M. Véran. Il y a là une accointance entre LR et LREM, qui a été annoncée dans les médias. Si ce n’est pas de la manipulation politicienne et électoraliste, je ne sais pas comment il faut la nommer. D’ailleurs, personne ne s’y trompera. Cette mesure permettrait de disqualifier les candidats et les candidates qui s’opposent au passe sanitaire et au passe vaccinal, alors que leur effet sur le plan sanitaire n’est absolument pas avéré.

Nous proposons depuis longtemps que soient installés, dans les lieux rassemblant du public – pas seulement pour des rassemblements politiques –, des purificateurs d’air, qui assureraient une bien meilleure protection que le passe sanitaire ou le passe vaccinal. Malheureusement, vous n’engagez aucun moyen en ce sens.

Je partage le point de vue qui vient d’être exprimé : vous n’adopteriez pas du tout la même mesure si, dans les mois qui viennent, devaient se tenir de très grands rassemblements de jeunesse religieux. Cela met en lumière votre stratégie électorale. C’est faire peu de cas de l’intelligence collective des parlementaires et des citoyens. C’est une bien piètre manœuvre de votre part, monsieur Larrivé, qui aimez tant donner des leçons de républicanisme.

M. Jean-Paul Mattei. Je comprends que M. Larrivé veuille sécuriser juridiquement la possibilité d’exiger la présentation d’un passe sanitaire, mais j’entends aussi les arguments de M. Jumel : accepter des dérogations revient, d’une certaine manière, à créer un précédent, qui pourrait justifier, par la suite, un certain nombre de choses. Cela soulève des interrogations, et le débat mériterait d’être reposé dans l’hémicycle. Dans le contexte particulier de crise sanitaire que nous traversons, dont on espère qu’il ne durera pas, nous cherchons une ligne de crête.

M. Bruno Millienne. Je souscris également à l’amendement de Guillaume Larrivé, pour une raison simple : je me vois difficilement ne pas m’imposer à moi-même ce que j’impose aux Français. Nous sommes soumis à un devoir d’exemplarité. Néanmoins, une telle mesure me gêne, et j’entends la position de Sébastien Jumel : c’est un pied dans la porte. Mais la pandémie galope et la situation s’aggrave – et l’on espère ne pas avoir besoin de recourir à de telles restrictions lors des élections suivantes.

En tout état de cause, l’amendement permet de garantir la sécurité juridique des décisions que les organisateurs de réunions politiques peuvent être amenés à prendre tout en témoignant de respect à l’endroit de nos concitoyens, à qui l’on va imposer des jauges dans les stades ou les salles de spectacles. Je voterai donc pour, conscient de mes responsabilités.

Quant à votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, il me gêne. Dès lors que des discussions sont en cours entre le ministère de l’intérieur et les organisations politiques, peut-être est-il préférable d’adopter l’amendement seul, quitte à le modifier une fois que l’on connaîtra les résultats de ces discussions.

M. Xavier Breton. Je remercie M. Larrivé d’avoir déposé cet amendement, car il nous permet de réfléchir à ce que sont la démocratie et la liberté politique. La comparaison établie par M. Jumel avec la liberté religieuse me semble éclairante, à cet égard. Comme cette dernière, la liberté politique souffre certes des exceptions, mais on ne doit y toucher qu’en prenant beaucoup de précautions. J’ajoute qu’il ne s’agit pas, ici, de nous défendre nous-mêmes : la politique appartient à tout le monde ! Les contraintes qui pourraient limiter l’accès au débat politique doivent être envisagées avec une grande prudence : on sait comment cela commence, mais on ne sait pas où cela finit. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

M. Guillaume Vuilletet. Nous voterons et le sous-amendement du rapporteur et l’amendement de M. Larrivé.

Il y a toujours eu des limites à la liberté de tenir une réunion publique : c’est le respect de l’ordre public. Ainsi, on ne peut pas autoriser des meetings où l’on apporte des armes, ou où l’on tient des propos racistes. Il en va de même pour la liberté religieuse ; nous en avons débattu récemment lors de l’examen du projet de loi « séparatisme », et les positions des uns et des autres n’étaient pas, me semble-t-il, tout à fait les mêmes qu’aujourd’hui.

Nous devons être cohérents, d’autant plus que ce n’est pas la première fois que la possibilité d’assister à des réunions politiques est limitée. Cet amendement, qui permet de sécuriser les décisions de l’organisateur, me paraît bienvenu.

M. Stéphane Mazars. L’amendement de M. Larrivé permet de sécuriser juridiquement l’organisation de réunions publiques. Il est arrivé que l’on me demande, à l’occasion d’une réunion de ce type, de présenter mon passe sanitaire. Or j’apprends aujourd’hui que ce n’était pas très fondé au plan juridique. Il importe de clarifier la situation pour les semaines qui viennent.

Et puis, il est évident que cette mesure soulève la question démocratique de l’accès de nos concitoyens à un meeting politique, mais n’oublions pas non plus ceux qui souhaitent justement participer à ces grands moments d’expression démocratique en toute sécurité sanitaire. Il est de la responsabilité des mouvements politiques de leur offrir un cadre d’expression garantissant autant que faire se peut cette sécurité.

Il nous est possible de concilier la sécurité juridique de l’organisateur et l’expression démocratique de nos concitoyens dans un cadre acceptable sur le plan sanitaire.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL63 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Caroline Fiat. Il s’agit de supprimer les alinéas 33 à 36 de l’article 1er.

Comme j’ai constaté, durant la suspension, que je prenais cher – pardonnez-moi l’expression – sur les réseaux sociaux, je rappelle que je faisais référence dans mes interventions précédentes à des protocoles sanitaires. Certes, les gestes barrières font l’objet de clips diffusés régulièrement, mais lequel d’entre vous sait-il qu’après dix utilisations d’une solution hydroalcoolique, il faut se laver les mains à l’eau savonneuse ? C’est un geste barrière qui n’est pas présenté dans les clips vidéo ! Autre exemple, à propos de l’isolement : pour en réaliser un dans une maison de santé, une aide-soignante doit avoir suivi le module de formation n° 6, intitulé « Hygiène », dont la validation est nécessaire à l’acquisition du diplôme d’État. Mais dans quel clip est-il expliqué comment l’on doit s’isoler chez soi si l’on est positif ? Faisons de l’éducation sanitaire et de la prévention : une fois que nous serons tous correctement informés, vous constaterez que, bizarrement, le taux d’incidence diminuera.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL166 de Mme Justine Benin et CL224 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

M. Jean-Paul Mattei. Plusieurs territoires ultramarins connaissent un taux de vaccination significativement plus faible que dans l’Hexagone, de sorte que l’application du passe vaccinal au 15 janvier pourrait provoquer d’importantes difficultés. C’est pourquoi l’amendement tend à préciser que le Premier ministre a la faculté d’habiliter le représentant de l’État à adapter, lorsque les circonstances locales l’exigent, les conditions de mise en œuvre des règles fixées au niveau national, notamment leur date d’entrée en vigueur.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit en effet de tenir compte des spécificités des territoires ultramarins pour l’application des dispositions relatives au passe vaccinal. Le ministre avait laissé entendre qu’il donnerait une suite favorable à cette demande.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La précision apportée par ces amendements est en effet utile et bienvenue. Avis favorable.

M. Guillaume Vuilletet. Nous sommes très favorables à ces amendements qui sont dans la ligne du dialogue entamé à la suite du déplacement de M. Lecornu outre-mer.

M. Sébastien Jumel. Je le dis posément : je ne décolère pas. Du reste, ces amendements illustrent bien le fait que l’on est davantage préoccupé, ici, et je pèse mes mots, par la tambouille politicienne que par la volonté de prendre soin des gens.

Les libertés publiques ont pour objet de nous prémunir contre le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif. Comment peut-on accepter de porter une atteinte, aussi minime soit-elle, à une liberté aussi fondamentale que celle de se réunir, singulièrement en période électorale ? C’est un truc de fou ! Songez qu’il a été un temps envisagé, au cours de cette période d’exception, de permettre qu’un parlementaire puisse être empêché de siéger. Bien entendu, on s’est rapidement aperçu que c’était inconstitutionnel : personne ne peut interdire à un parlementaire de délibérer ou de voter, sauf à être dans un régime qui n’est pas la démocratie. Rappelez-vous : j’ai été l’un des premiers à dire que l’application de demi-jauges à l’Assemblée nationale n’était pas constitutionnelle. Comment les députés du MODEM, les démocrates présents dans cette salle peuvent-ils accepter qu’on limite la liberté de se réunir en période électorale ? Je vous invite à y réfléchir.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Et sur les outre-mer, avez-vous une opinion ?

M. Sébastien Jumel. Je l’ai dit : je suis favorable à une adaptation aux spécificités locales, mais je dénonce la turpitude politicienne de la manœuvre.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL75 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il s’agit de supprimer l’alinéa 38. Nous nous opposons en effet à la prolongation jusqu’au 31 mars 2022 de l’état d’urgence sanitaire à La Réunion, qui permettrait à l’exécutif – et je rejoins ici M. Jumel – d’instaurer confinements et couvre-feux en pleine période d’élection présidentielle.

Il s’agit ici d’une application de la dernière loi relative à la crise sanitaire, celle du 10 novembre 2021, qui a prolongé la possibilité pour le Gouvernement d’utiliser le régime d’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022. Certes, il est précisé qu’une telle mesure ne peut être prise que si la situation l’exige. Mais on entérine le fait que, sur le territoire de la République française, la liberté des citoyens d’aller et venir, de se réunir, de participer à un choix fondamental, sera circonscrite ! Et on s’attend à ce que cela se fasse sans remous !

Une telle mesure, introduite de manière subreptice, relève d’un pouvoir que nous jugeons exorbitant ; il existe, nous l’avons toujours dit, d’autres solutions, moins problématiques sur le plan des droits et des libertés fondamentales. Nous sommes en train d’intégrer le fait que la période de la campagne présidentielle sera soumise à l’arbitraire. C’est le cas aujourd’hui à La Réunion, ce sera peut-être le cas, demain, dans d’autres territoires ultramarins, voire dans l’Hexagone… Si nous devons discuter de cette question, discutons-en franchement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La situation sanitaire se dégrade fortement à La Réunion. À la date du 22 décembre, le taux d’incidence était de 577 cas pour 100 000 habitants, soit une hausse de 46,6 % sur sept jours glissants. Une telle augmentation de la circulation virale entraîne malheureusement une hausse rapide des hospitalisations, alors que 63 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin. L’état d’urgence sanitaire permettra de prendre toutes les mesures utiles pour faire face à cette dégradation brutale de la situation – elles ne seront prises que si elles sont nécessaires. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Je me rappelle nos discussions sur l’organisation des dernières élections départementales et régionales. Dès l’introduction du rapport qui lui avait été commandé sur le sujet, Jean-Louis Debré indiquait qu’il n’était pas souhaitable qu’une élection se déroule dans le cadre de l’état d’urgence, qui pouvait mettre en cause le caractère démocratique et sincère du scrutin. Bien entendu, cet avertissement n’a pas été entendu puisque vous avez adopté la loi permettant d’instaurer l’état d’urgence et que ces élections ont tout de même eu lieu. Je ne ferai pas aux députés de La République en marche l’offense de rappeler les scores de leur parti, mais permettez-moi d’évoquer le taux de participation à ces élections. Ce n’est pas une petite question : l’architecture entière d’une démocratie dépend essentiellement de la participation aux élections, qui sont la source de légitimité du pouvoir. Ceux qui se moquaient des députés Insoumis au motif qu’ils avaient été élus avec un taux de participation de 40 % font moins les malins, maintenant qu’ils ont été élus maires ou présidents de région avec un taux à 30 % !

En l’espèce, nous nous interrogeons sur la situation à La Réunion, puisqu’il est possible d’y instaurer l’état d’urgence en période électorale, précisément durant la campagne présidentielle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL276 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le ministre a présenté cet amendement lors de son audition. Avis favorable.

Mme Caroline Fiat. L’état d’urgence sanitaire est prévu pour La Réunion, où l’on compte 700 cas positifs pour 100 000 personnes. Ce chiffre atteint 800 pour 100 000 en Île-de-France : pourquoi n’y déclare-t-on pas l’état d’urgence ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lors de la discussion générale, le ministre a expliqué, en réponse notamment à M. Ratenon, qu’il y avait des spécificités locales à La Réunion, avec un taux élevé d’occupation des lits d’hôpitaux. Les situations des deux régions ne sont pas comparables.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL126 de M. Philippe Naillet tombe.

Amendement CL76 de Mme Mathilde Panot.

Mme Caroline Fiat. Regardons les chiffres : les hôpitaux d’Île-de-France arrivent à saturation. Le plan blanc y a été déclenché, des déprogrammations d’opérations ont lieu, on manque de personnel soignant, des patients sont transférés faute de places dans les services de réanimation, et le taux d’incidence est supérieur à celui observé à La Réunion. C’est peut-être mon côté pragmatique, mais je ne vois pas en quoi cette situation est meilleure que celle de La Réunion.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. On ne nous répond pas. Le ministre parle de spécificités, sans préciser de quoi il s’agit. Certes, les taux de vaccination sont différents dans les deux régions, mais, sans refaire le débat, cela montre que la vaccination n’est pas suffisante, puisqu’elle n’empêche pas une situation d’extrême urgence en Île-de-France. Le taux de vaccination ne constitue donc pas un critère qui justifie la différence de traitement.

L’alinéa dont nous proposons la suppression permet d’étendre l’état d’urgence sanitaire à d’autres territoires ultramarins, y compris pendant la période électorale. Si cette extension est fondée sur des critères objectifs tels que le taux d’incidence ou le taux d’occupation des hôpitaux, cela ouvre la possibilité d’appliquer cet état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain – ce qui remet en cause la bonne organisation de la campagne électorale présidentielle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL67 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement manifeste de nouveau notre opposition au passe vaccinal, et en l’occurrence à son application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Nous sommes le 29 décembre, il est minuit et nous discutons de dispositions cruciales pour l’élection la plus importante du pays, celle qui décide de la politique qui va être menée lors des cinq prochaines années. M. Jumel avait raison de ne pas décolérer tout à l’heure : nous sommes en train de porter atteinte à des libertés fondamentales, avec des mesures qui ne sont pas sanitaires et qui remettent en question les fondements mêmes de notre démocratie.

Nous parlions précédemment de la Martinique, où la situation sanitaire est effectivement très grave. L’hôpital, sous-doté, est engorgé par les cas de covid, avec un taux d’occupation atteignant 180 % des lits disponibles. Je ne parle même pas du fait que 30 % des soignants pourraient être suspendus à partir du 1er janvier, ce qui dégraderait encore davantage l’accès aux soins des Martiniquais. Or, entre confinements et couvre-feux, la Martinique vit sous des régimes d’exception depuis pratiquement un an, lesquels n’ont en rien amélioré la situation sanitaire.

Nous avons raison de souligner que ce qui est en jeu, c’est la manière dont va se dérouler la campagne électorale pour l’élection présidentielle. Comment les gens vont-ils pouvoir se faire un avis sur les programmes politiques s’ils ne peuvent pas participer à des meetings politiques parce qu’ils ne sont pas vaccinés ? Lors des dernières élections régionales, 85 % des jeunes se sont abstenus. Si nous ne voulons pas que cela se reproduise, n’adoptons pas ces mesures qui sont tout sauf sanitaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte les amendements de coordination CL149 et CL156 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendement CL66 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa qui prévoit l’entrée en vigueur du passe vaccinal le 15 janvier.

Cela me rappelle une autre histoire. Après un conseil de défense sanitaire, le Président de la République avait annoncé par voie de presse l’entrée en vigueur du passe sanitaire pour le 31 juillet 2021 – c’était moins une promesse qu’un ordre. Il avait simplement oublié qu’en démocratie, outre le fait qu’il faut passer par la case Parlement – ce qui est déjà pénible pour la majorité, car il faut respecter plusieurs étapes imposées par la procédure – il faut aussi, petit détail, que le Conseil constitutionnel statue, un délai étant prévu pour cela.

L’histoire se répète. Vous nous appelez le 29 décembre, et nous discuterons le texte en séance le 3 janvier. Le Sénat le récupérera ensuite : soyez sympas, laissez-leur vingt-quatre heures pour l’amender ! Puis il y aura le passage en commission, en séance publique puis au Conseil constitutionnel. Tout cela nous amène au-delà du 15 janvier. Il est donc un peu cavalier d’affirmer un 29 décembre que le projet de loi s’appliquera à cette date. C’est adresser une injonction au Conseil constitutionnel ; cela n’est pas démocratique et ne respecte pas l’État de droit.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. L’amendement aurait pour effet de rendre le dispositif applicable dès la publication de la loi, ce qui pourrait intervenir avant le 15 janvier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL251 de Mme Cécile Untermaier et CL261 de M. Charles de Courson (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier. Mon amendement vise à repousser la date d’entrée en vigueur du passe vaccinal au 1er mars 2022, afin de laisser du temps aux personnes pour s’engager dans une démarche vaccinale.

M. Paul Molac. L’amendement CL261 propose de fixer l’entrée en vigueur deux jours après la promulgation de la loi : de la sorte, on ne risque pas de se tromper de date !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL252 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Le taux de vaccination est très différent selon les départements, et pas seulement outre-mer. En Seine-Saint-Denis, par exemple, il est en deçà de 70 %. Imposer un passe vaccinal à la date prévue par le projet de loi pose donc un problème, car cela limite les loisirs et activités accessibles. Cela aurait également un effet économique.

Il est souhaitable de reporter l’application de ce passe à mars 2022 dans les départements où le taux de vaccination est inférieur à 70 % de la population éligible. Je reconnais que le sujet est complexe, mais il faut envisager des dispositifs dérogatoires pour les départements où ce taux est très inférieur à la moyenne nationale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendements CL255 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement d’appel résulte des difficultés rencontrées s’agissant de l’accueil en urgence des personnes sans abri. À plusieurs reprises, certaines d’entre elles n’ont pas pu être accueillies dans des logements d’urgence parce que les bénévoles ont considéré, de bonne foi, que c’était impossible si elles n’étaient pas vaccinées ou ne pouvaient pas présenter un résultat de test négatif. Or la loi prévoit un accueil d’urgence quelle que soit la situation sanitaire dans laquelle se trouve la personne devant être hébergée, en respectant bien sûr les gestes barrières.

Nous avons interrogé le préfet en lui demandant comment il entendait faire respecter la loi. Nous souhaiterions que le Gouvernement réponde à cette question, afin de voir quelles mesures coercitives pourraient être envisagées envers les collectivités territoriales pour que l’accueil en urgence soit garanti.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Les dispositifs d’hébergement d’urgence ne sont pas des lieux soumis à l’application du passe vaccinal. La liste prévue par la loi du 31 mai 2021 est restrictive et ces hébergements n’y figurent pas. Demande de retrait.

Mme Cécile Untermaier. Je partage votre analyse juridique, mais c’est une situation de fait qui existe et qui est intolérable.

L’amendement est retiré.

Amendements CL24 de Mme Mathilde Panot et CL25 de M. Ugo Bernalicis (discussion commune).

Mme Danièle Obono. L’amendement CL24 fait partie de l’ensemble des propositions que nous formulons pour lutter contre l’épidémie depuis un an et demi. C’est un des rares qui a échappé à l’irrecevabilité. Il porte sur les transports en commun, dont les études ont montré qu’ils constituent un lieu de contamination, voire de surcontamination. Or les mesures prises pour assurer la protection des usagers sont largement insuffisantes. Elles ne permettent pas de faire baisser les contaminations tout en maintenant la possibilité de se déplacer.

Nous proposons que la société mette en place une organisation en forme de roulement dans les transports. Cela éviterait l’engorgement aux heures de pointe, qui rend impossible le respect des gestes barrières. C’est notamment souhaitable pour les grandes agglomérations, dont la région parisienne, où la situation est particulièrement critique.

Nous serons attentifs aux arguments qui seront avancés à ce sujet, y compris pour améliorer notre idée.

L’amendement CL25 propose d’appliquer ce même principe de roulement aux écoles, collèges, lycées et universités, dont on sait – malgré les dénis répétés du ministre Blanquer – qu’ils sont aussi un lieu de brassage et de circulation du virus. Il faut permettre aux élèves et personnels d’accéder à ces lieux dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Outre les mesures techniques que nous défendons pour cela, comme l’installation de capteurs de CO2 et de purificateurs d’air ou la distribution de masques FFP2, plus performants, ce roulement ferait baisser la densité dans les établissements d’enseignement. Une expérience de ce type a eu lieu à Mayotte en quelque sorte par défaut, du fait du manque de moyens.

Cette proposition s’ajoute à celles que nous faisons de recruter davantage de personnels et de mieux les protéger. Cela permettrait d’accompagner les professionnels durant cette période extrêmement difficile. Nous espérons des réponses concrètes.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous avons déjà discuté de ces propositions et elles ont été rejetées. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Je ne vois pas quand nous en avons vraiment débattu. Quels arguments avez-vous donnés pour expliquer que cela ne marcherait pas ?

Il faut savoir ce que vous voulez ! Vous nous reprochez de ne pas faire de propositions – nous en faisons pourtant beaucoup – et lorsque l’une d’entre elles se trouve recevable, vous l’écartez sans argumenter. Peut-être nous trompons-nous, mais dans ce cas, expliquez pourquoi la société du roulement ne pourrait pas fonctionner et ne protégerait pas les gens. Vous ne donnez aucune réponse sur le fond, monsieur le rapporteur. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que nous avons déjà présenté nos propositions si vous n’y répondez jamais.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le rapporteur est maître de la réponse qu’il vous fait, madame Obono. Il est exact que ces amendements ont été déposés et discutés à de multiples reprises lors de l’examen des différents textes liés à la crise sanitaire.

Mme Danièle Obono. Nous avons été suffisamment accusés de ne rien proposer pour insister pour avoir une réponse. C’est le minimum de respect que nous sommes en droit d’attendre pour notre travail.

En vérité, cela montre que vous êtes incapables d’envisager autre chose que le tout vaccinal, qui nous a amenés à cette cinquième vague et nous conduira aux suivantes. C’est extrêmement grave.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL35 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Cet amendement vise à abroger, dans le code de la santé publique, les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire. Vous vous entêtez à suivre une stratégie que nous jugeons inefficace, contre-productive, et que dénonçons comme étant un glissement de l’État de droit auquel nous sommes en train de nous habituer. Nous savons que les régimes d’exception et les états d’urgence, dont on ne dresse jamais aucun bilan, sont transposés par la suite dans le droit commun ; aussi craignons-nous que les dispositions dont nous discutons ce soir soient, là encore, bientôt intégrées au droit commun. Ce serait une erreur de continuer d’instaurer des régimes d’exception qui remettent en cause nos libertés fondamentales. Nous avons établi des plans, rédigé des propositions de loi et déposé de nombreux amendements traduisant des propositions dont nous avons déjà discuté à maintes reprises mais que vous repoussez à chaque fois sans aucune argumentation. Après presque deux ans de pandémie, il nous semblerait intéressant que la commission réfléchisse un peu à ces propositions sérieuses que nous mettons sur la table et qui montrent une autre voie. Elles méritent une réponse.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous reviendrons sur cette question mercredi prochain à l’occasion de la discussion, en commission des lois, de votre proposition de loi visant à restaurer l’État de droit par l’abrogation des régimes d’exception créés pendant la crise sanitaire. Alors que 180 000 cas de covid ont été détectés hier dans notre pays, je tiens à vous faire part de mon incompréhension la plus totale quant à votre souhait de mettre fin aux régimes de gestion de la crise sanitaire et à toutes les mesures de protection qu’ils emportent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte successivement les amendements CL277 et CL275 du Gouvernement.

Amendement CL6 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard. Cet amendement vise à rendre obligatoire la vaccination des personnes atteintes d’une affection de longue durée, qui sont les plus susceptibles de développer une forme grave de la covid-19, de se retrouver en réanimation et d’en décéder. Il n’est évidemment pas question de leur faire payer leur vaccin : il appartiendra donc au Gouvernement de lever le gage que nous avons dû introduire, afin qu’elles bénéficient du vaccin gratuitement, comme tout citoyen. Le passe vaccinal que vous voulez mettre en place s’apparentant, en quelque sorte, à une obligation vaccinale, nous entendons ainsi rendre vos intentions plus claires et plus lisibles.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Sur le fond, je rappelle que la logique de la vaccination obligatoire, dans le cadre de la covid comme dans les autres situations qui existent déjà, repose sur la nature des activités exercées. Au demeurant, pourquoi cibler les seules personnes atteintes d’une affection de longue durée, et non toutes les personnes vulnérables, y compris les personnes âgées ou présentant des comorbidités ? En revanche, je vous rejoins quant à l’utilité pour ces personnes de se faire vacciner- – le Gouvernement a d’ailleurs pris tout une série de dispositifs d’accompagnement et d’« aller vers » pour les y inciter.

Sur la forme, comme vous le notez vous-même, votre amendement ne peut être adopté. Il laisse le vaccin à la charge des personnes, et cela ne peut pas être levé aussi facilement qu’un « gage tabac » par le Gouvernement. En outre, il exclut ces personnes vulnérables de la réparation des éventuels préjudices par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) : là encore, cela s’explique par des raisons de recevabilité financière, mais cela n’est pas souhaitable.

Demande de retrait.

M. Guillaume Larrivé. Le groupe Les Républicains souhaitera rouvrir ce débat dans l’hémicycle, car cet amendement est très important pour nous. Nous aimerions que, de manière tout à fait transparente et dans le cadre d’un appel à la responsabilité de nos concitoyens, la vaccination obligatoire des personnes les plus vulnérables soit envisagée. Nous avons noté que le ministre des solidarités et de la santé a présenté publiquement le passe vaccinal comme une incitation puissante à généraliser la vaccination, et que le Conseil d’État a décrit ainsi les choses dans son avis. Compte tenu des contraintes posées par l’article 40 de la Constitution, la rédaction de notre amendement est évidemment imparfaite ; une telle évolution ne pourrait être envisagée que si le Gouvernement l’acceptait et la reprenait à son compte. En séance, chacun devra prendre position sur cette question, car nous ne sortirons durablement de la crise que si nous parlons le plus clairement possible à nos concitoyens. Pour notre part, nous sommes favorables à la vaccination, et nous souhaitons désormais que le législateur prévoie expressis verbis une obligation de vaccination des personnes vulnérables.

M. Ian Boucard. Si vous êtes d’accord avec notre proposition, monsieur le rapporteur, vous pouvez déposer un sous-amendement pour lever le gage et rendre l’amendement recevable !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Seul un membre du Gouvernement le pourrait, ce qui n’est pas encore le cas de notre rapporteur !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL37 de Mme Danièle Obono.

Mme Caroline Fiat. L’article 40 de la Constitution nous a contraints à limiter cet amendement à une abrogation de la disposition prévoyant la suspension du contrat de travail des soignants non vaccinés. Nous aurions aimé proposer en même temps que ces personnels puissent être testés lors de leur prise de poste.

En juillet dernier, vous avez décidé de suspendre le contrat de travail des soignants non vaccinés, considérant qu’une privation de salaire les « forcerait » tous à remplir cette obligation. Pourtant, quelques-uns ne l’ont pas fait. Aujourd’hui, nous manquons cruellement de soignants : au vu du « raz-de-marée » – terme utilisé par Olivier Véran lui-même – que nous subissons, et dont vous ne devez pas être fiers, la solution consiste à aller les chercher là où ils sont, en proposant à ceux qui refusent de se faire vacciner de se faire tester.

Par ailleurs, lorsqu’on remercie les soignants, on oublie toujours de saluer les laborantins hospitaliers, dont le nombre n’a pas augmenté depuis mars 2020 alors qu’ils assurent toujours autant d’analyses sanguines, et les tests covid en plus. Je suis sûre que vous voudrez féliciter avec moi ces personnels dont on ne parle jamais et que vous revaloriserez leur traitement !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Notre commission a déjà rejeté cet amendement en octobre, et je demeure défavorable à la suppression de l’un des piliers du dispositif d’obligation vaccinale. Non seulement ces dispositions incitent à la vaccination des soignants, mais elles sont cohérentes avec l’objectif de protection des plus vulnérables, auxquels elles évitent tout contact avec des personnes non vaccinées. Je rappelle aussi que la vaccination est un devoir déontologique pour les soignants, comme l’ont rappelé toutes les fédérations et associations professionnelles concernées. Enfin, les soignants étaient déjà soumis, avant la pandémie de covid, à des obligations vaccinales assorties de sanctions – la Cour de cassation a d’ailleurs confirmé, en 2012, la possibilité de licencier les professionnels de santé qui ne les respecteraient pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL38 de Mme Danièle Obono.

Mme Caroline Fiat. Il s’agit toujours de supprimer la suspension du contrat de travail des soignants non vaccinés, mais dans les outre-mer.

Monsieur le rapporteur, on dit que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Si vous vous rendez dans un établissement de santé, la première chose dont vous parlera le directeur est le manque cruel de soignants auquel il se trouve confronté : il faut donc aussi tenir compte de cette réalité. Nous proposons que les personnels suspendus retrouvent leur poste en subissant des tests pour s’assurer qu’ils sont négatifs. Ils peuvent aussi s’habiller en conséquence, c’est-à-dire porter des gants, des surblouses et des masques FFP2, pour protéger les patients ou les résidents d’une éventuelle contamination. Vous n’arrêtez pas de nous dire que nous sommes en situation d’urgence sanitaire : il faut aussi savoir prendre des décisions permettant aux hôpitaux de respirer un peu, avec toutes les précautions d’usage.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ce sujet en octobre, et nous en avons rediscuté tout à l’heure à propos des amendements de M. Serva. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL41 de Mme Mathilde Panot.

M. Ugo Bernalicis. Alors que Mme Panot doit défendre devant notre commission, mercredi prochain, l’abrogation de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, vous nous avez grillé la priorité avec ce texte dont nous discutons un 29 décembre – pour notre part, nous n’avions pas la possibilité de vous convoquer à cette date, et nous n’aurions pas eu une idée aussi saugrenue…

Nous voulons donc abroger les dispositifs que vous avez mis en œuvre jusqu’à présent, et qui n’empêchent pas l’arrivée d’une cinquième vague, ou plutôt d’un « raz-de-marée », pour reprendre l’expression ministérielle. Ces états d’urgence et ces dispositions d’exception ont été inefficaces et contre-productifs. Ils vous empêchent de voir les autres solutions que vous auriez dû et que vous pourriez encore appliquer. Nous vous en présentons certaines dans quelques amendements, mais nous ne pouvons pas défendre ceux qui ont été déclarés irrecevables au titre des articles 40 et 45 de la Constitution – je pense par exemple à la nationalisation de Sanofi, dans le but de constituer un véritable outil de production de masse, qui permettrait à notre pays d’être totalement souverain en matière de fabrication de vaccins et même d’exporter, au lieu d’annoncer pour 2023 la production de quelques millions de doses qui ne seront même pas suffisantes pour assurer vos quatre injections annuelles. Donnons-nous les moyens d’agir en sortant de ces états d’urgence à répétition !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte successivement les amendements CL278 et CL273 du Gouvernement.

Amendements CL113 et CL114 de M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je retire l’amendement CL113. Le CL114 prévoit la désactivation du passe vaccinal pendant la période d’isolement des personnes testées positives.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Vous connaissez ma position : j’aurais préféré une mesure générale d’obligation d’isolement, telle que celle contenue dans le projet de loi de l’été dernier. Votre proposition n’est pas inintéressante mais je m’interroge sur son interprétation : certains pourraient-ils en déduire que les lieux non soumis au passe vaccinal sont accessibles aux personnes positives ? À défaut d’un dispositif normatif, je préfère un dispositif lisible : une personne positive doit rester chez elle. Avis défavorable.

M. Guillaume Larrivé. Je ne propose pas d’établir un régime d’isolement – et je me félicite que le Conseil constitutionnel ait censuré le dispositif prévu l’été dernier, considérant qu’il était trop strict, trop général, trop impérieux et ne tenait pas suffisamment compte des situations individuelles. La difficulté, c’est que cet isolement ou ce retrait des personnes positives ne repose aujourd’hui sur aucune base juridique, légale ou réglementaire : il s’agit d’une simple recommandation émanant des autorités scientifiques et du Premier ministre. Tout cela est un peu gazeux. D’un point de vue pratique, l’idée qu’un passe vaccinal puisse être détenu par une personne positive me gêne : j’aurais aimé que l’on arrive à désactiver ce passe pendant quelques jours. Je souhaiterais avoir l’avis du Gouvernement sur cette question, tant sur le plan juridique que technique.

L’amendement CL113 ayant été retiré, la commission rejette l’amendement CL114.

Amendements CL28, CL29, CL30 et CL31 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. C’est peut-être la dixième fois que je présente ces amendements : en période d’épidémie, il est scandaleux que le droit à l’eau soit bafoué à Mayotte comme en Guadeloupe. Et cela fait dix fois qu’on répond à côté !

Les trente membres de la commission d’enquête que j’ai présidée et dont notre collègue Olivier Serva était rapporteur ont, il y a six mois, souhaité à l’unanimité que le plan ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile) eau potable, qui permet de donner des bouteilles d’eau en plastique aux personnes privées de droit à l’eau, soit déclenché.

Depuis, quatre rapporteurs spéciaux – sur le droit à l’eau et à l’assainissement, sur l’éducation, sur les obligations liées aux droits humains, sur l’extrême pauvreté – de l’ONU ont écrit au président Macron pour demander quelles mesures allaient être prises face aux violations du droit à l’eau en Guadeloupe.

Comme l’ont rappelé les rapporteurs, les tours d’eau, qui prévoient l’accès à l’eau à certaines heures de la journée et qui ne sont même pas respectés, constituent d’ores et déjà une violation du droit humain à l’eau.

Madame la présidente, à la suite de votre déplacement en Guadeloupe, vous avez rédigé une note qui montre que le plan ORSEC eau potable peut être déclenché pas seulement en cas de catastrophe naturelle – une note interministérielle de 2017 le précise d’ailleurs. Dans sa dernière réponse, le ministre a indiqué qu’un tel déclenchement allait prendre des années. Or il n’est pas possible, en période d’épidémie, d’empêcher les personnes de se laver les mains tant en Guadeloupe qu’à Mayotte. C’est le premier des gestes barrière ! Un de nos collègues qui n’est pas de mon bord, Mansour Kamardine, avait soutenu les amendements allant dans ce sens, confessant que lorsqu’il séjournait à Mayotte, il ne pouvait se doucher qu’un jour sur deux en raison du manque d’eau.

La distribution de bouteilles d’eau en plastique, réclamée depuis des années par plusieurs collectifs, constitue la solution d’urgence en attendant que les réseaux soient rénovés et que des solutions pérennes soient trouvées pour garantir le droit à l’eau et à l’assainissement. Il est d’autant plus intolérable que 400 000 Guadeloupéens et un tiers de la population de Mayotte soient privés d’eau potable en période d’épidémie que les systèmes de santé y souffrent de sous-investissement. Cela fait courir des risques extrêmement grands à une population déjà extrêmement fragilisée.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Le problème est réel. L’État agit, par exemple à Mayotte où il a, depuis le début de la crise en 2020, financé 130 rampes d’eau, fabriquées et posées dans les communes avec l’appui des maires. Dans le cadre d’une feuille de route élaborée avec le syndicat et le conseil départemental, 13 millions d’euros provenant du plan d’urgence et 15 millions provenant du département sont mobilisés pour financer des investissements d’urgence pour l’accès à l’eau potable.

En Guadeloupe, 150 millions d’euros sont investis par an, et 50 millions supplémentaires au titre du plan de relance. Pendant la crise, une opération coup de poing a été mise en œuvre et 4 000 fuites ont été réparées.

Un certain nombre de mesures ont d’ores et déjà été prises : avis défavorable, donc.

Mme Mathilde Panot. Vous me faites la même réponse à chaque fois. En Guadeloupe, 1 à 2 milliards sont nécessaires pour refaire les réseaux d’eau et d’assainissement ! L’état des tuyaux est tellement catastrophique que le réseau fuit d’absolument partout : réparer des fuites revient à poser des rustines.

Je veux bien admettre que l’État a fait des choses. Mais la question reste entière : acceptons-nous que des gens restent sans eau ? Que, de ce fait, des enfants ne puissent pas aller à l’école ? Que nos concitoyens ne puissent pas se laver les mains ?

Le rapporteur spécial de l’ONU a d’ailleurs noté que la crise de l’eau a été encore aggravée pendant la pandémie alors que l’accès à l’eau permet de ne pas se contaminer. Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui la distribution de bouteilles d’eau aux gens le temps que les réseaux soient réparés ? Ce n’est qu’un petit problème financier face à une question essentielle de dignité. Peu importe si cela ne passe pas par le déclenchement du plan ORSEC mais trouvez une solution !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La commission des lois a adopté une proposition de loi présentée par notre collègue Justine Benin qui vise à créer un syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement pour réunir tous les syndicats existants, que nous avons rencontrés sur place, au mois de septembre, avec Stéphane Mazars et Philippe Gosselin.

Nos interlocuteurs se désolaient eux-mêmes du fait que des années seraient nécessaires pour la mise à niveau du réseau. Ils ne peuvent pas en un claquement de doigts réparer des carences des collectivités.

Les incantations ne suffisent pas. Nous, nous avons agi. En outre, l’eau est une compétence des collectivités locales, non de l’État. Les choses se mettent en place et le sujet est traité par la préfecture, par les élus locaux et par la loi.

Nous considérons que le plan ORSEC ne permettra pas de résoudre de façon pérenne le problème, contrairement aux solutions que nous mettons en œuvre.

M. Bruno Questel. C’est du clientélisme poujadiste.

Mme Danièle Obono. Quel poujadisme ? Pourquoi les Antillais n’ont-ils pas droit à l’eau ? Parce que ce sont tous des Noirs ? (Protestations sur divers bancs.)

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mais qu’est-ce que vous racontez, madame Obono ? C’est n’importe quoi !

M. Guillaume Vuilletet. C’est insultant !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL39 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de mettre fin au motif impérieux exigé pour voyager en provenance ou à destination des territoires d’outre-mer, méprisés et oubliés par la République. Quand il s’agit de permettre aux touristes de se rendre à La Réunion, cela vous pose moins de problèmes, même s’ils contaminent toute l’île avec le variant omicron.

Mon collègue Jean-Hugues Ratenon défendra cet amendement en séance car je ne doute pas que vous le rejetiez maintenant.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable : les motifs impérieux ne s’appliquent pas aux personnes vaccinées.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements CL279 et CL274 du Gouvernement.

Amendement CL253 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. L’article 40 ne nous permettant pas de faire des propositions plus concrètes, il s’agit de demander un rapport sur l’opportunité et la faisabilité de la mise en place d’une obligation vaccinale de l’ensemble de la population éligible au vaccin contre le covid-19.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous avons eu ce débat régulièrement depuis au moins le mois de juillet, et toutes les données disponibles sont publiées et accessibles. Le Gouvernement nous fournit déjà ce que nous lui demandons.

Notre choix est d’avoir ciblé l’obligation vaccinale sur les professionnels de santé et médico-sociaux, population déjà concernée par d’autres obligations vaccinales. Pour les autres personnes existent le passe sanitaire et le passe vaccinal qui incitent à la vaccination sans y contraindre.

Je ne crois pas qu'un rapport supplémentaire soit nécessaire : avis défavorable, donc.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise que je souhaite organiser dans le courant du mois de janvier une audition du professeur Alain Fischer sur les stratégies vaccinales.

Mme Cécile Untermaier. On n’a pas encore tracé les lignes de l’opportunité et de la faisabilité opérationnelle de la vaccination obligatoire de l’ensemble de la population.

La vaccination des plus de 60 ans et des personnes pour lesquelles elle est indispensable a été proposée il y a quelques heures par mon collègue Raphaël Gauvain : cela me paraît un dispositif intéressant à expertiser parce que les stratégies vaccinales ont besoin d’être affinées et d’évoluer.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) : Évolution des systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Amendement de suppression CL78 de M. Ugo Bernalicis et CL81 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Le système d'information national de dépistage populationnel pour le covid-19 (SI-DEP) est sans doute nécessaire à l’application du passe sanitaire et demain à celle du passe vaccinal.

Sans revenir sur les failles de sécurité permettant aux faussaires de fabriquer des faux passes pointées par Le Canard enchaîné, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a fait part au Gouvernement, à quatre reprises, de certaines interrogations.

J’ai moi-même posé une question au Gouvernement le mardi 7 décembre dernier afin que soient communiqués des éléments sur l’analyse de la collecte de toutes ces informations et du passe sanitaire quant aux objectifs poursuivis notamment en matière épidémique, mais aussi de libertés fondamentales.

Il est inquiétant que le Gouvernement ne veuille pas répondre à la CNIL, d’autant plus que l’on étend le dispositif, qu’on vérifiera demain la concordance d’identité et que peut-être on y ajoutera une photo ! C’est tout de même assez étrange : vous déployez des dispositifs de ce type sans même esquisser les enjeux corrélés et la proportionnalité des objectifs poursuivis.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme Danièle Obono. Il y a un problème de fond dans la démarche de ces débats : alors que le Gouvernement et Emmanuel Macron prétendent n’être guidés que par la science, qui dirait une vérité à laquelle le politique se plierait, nous n’obtenons pas les éléments scientifiques que nous réclamons.

L’idée sous-jacente est que toutes ces mesures sont très rationnelles. Or, Monsieur le rapporteur, nous ne disposons que de vagues références ! Quand c’est la CNIL elle-même qui le pointe, c’est carrément silence radio ! On nous explique pourtant à chaque fois que les droits et libertés informatiques sont encadrés et garantis pour nous rassurer. On est censé vous croire sur parole, alors que le propre du Parlement est d’obtenir d’autres garanties que celles données par la majorité ou le dirigeant. Une fois encore, sur cette question des données personnelles, nous n’avons pas la garantie que les droits et libertés seront préservés.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je suis toujours aussi surpris que, deux ans après, les systèmes d’information puissent encore inspirer de telles postures alors qu’ils sont indispensables pour suivre la pandémie et en minimiser les effets !

Il s’agit ici de permettre le contrôle des obligations de dépistage auxquelles sont astreintes les personnes faisant l’objet d’une mesure de quarantaine ou d’isolement – lorsqu’elles retournent d’un pays à risque, par exemple. Le Conseil d’État a estimé que l’ajout de cette finalité au système d’information ainsi que la possibilité pour les agents habilités des services préfectoraux d’accéder aux données strictement nécessaires pour leur mission de suivi et de contrôle ne méconnaît aucune des exigences de la Constitution et du droit de l’Union européenne. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Excusez du peu, monsieur le rapporteur, mais il semble que la CNIL soit elle-même surprise que le Gouvernement n’ait pas fourni les éléments dont vous semblez croire qu’ils sont suffisants pour garantir les droits et libertés ! Il y a un problème, et il n’est ni du fait de la CNIL ni de nos amendements. Ce n’est pas surprenant, mais inquiétant.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL82 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Vous nous expliquez qu’il faut instaurer dans SI-DEP un suivi des gens placés en quarantaine : soyez cohérents et commencez par le début du commencement, en faisant en sorte qu’une personne positive n’entre pas en contact avec son entourage ! Cela fait des mois que nous répétons que les gens s’isolent non parce qu’ils ont reçu une injonction ou sont tracés mais parce qu’ils sont accompagnés, éduqués, et qu’ils en ont les moyens matériels. Il faut, entre autres, que ceux qui ne peuvent pas s’isoler soient pris en charge dans des chambres d’hôtels réquisitionnées. Or on s’aperçoit, avec la cinquième vague et l’arrivée d’omicron, que les personnes positives ne sont même plus appelées par la CPAM – et je ne parle pas des cas contacts. Il ne faut pas contraindre, mais aider et accompagner les personnes afin que l’isolement devienne évident et souhaitable ; je ne crois pas que les gens veuillent spontanément mettre en danger leur famille et leurs voisins !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de précision CL150, CL151 et CL152 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

Amendement CL152 de Mme Cécile Untermaier.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL272 de M. Paul Molac et CL83 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous demandons la suppression de l’alinéa 4 qui donne aux services préfectoraux la possibilité de recevoir les données relatives à l’exercice de leurs missions de suivi et de contrôle du placement en quarantaine ou à l’isolement. Une nouvelle fois, pourquoi mettre la charrue avant les bœufs, sans prévoir les moyens concrets qui permettent aux personnes de s’isoler ? Cet instrument met en péril la protection des données personnelles pour un résultat sanitaire nul.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Préparez, monsieur le rapporteur, des arguments complémentaires pour la séance, car nous ne manquerons pas de vous questionner ! Dans quel but les préfectures pourront-elles disposer de ces données ? Envoyer la police constater sur place que les gens respectent la quarantaine ? Ou faire en sorte, mais je ne crois pas que ce soit la voie que vous empruntiez, qu’un agent de l’ARS se rende au domicile de la personne afin de lui proposer un accompagnement ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CL256 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Comme le recommande le Conseil d’État, il convient de préciser que l’accès des données du SI-DEP est donné aux agents des services préfectoraux qui ont la nécessité d’en connaître et non à l’ensemble des services préfectoraux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL262 de M. Charles de Courson.

M. Paul Molac. Par cette demande de rapport, nous souhaitons que le Gouvernement fasse la lumière sur les failles de sécurité survenues sur la plateforme SI-DEP. Il a été révélé au mois d’août que plus de 700 000 résultats de tests et données personnelles des patients ont été exposés dans une base de données non sécurisée.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je vous renvoie à l’avis trimestriel rendu par la CNIL sur les systèmes d’information mis en œuvre sur le fondement de la loi du 11 mai 2020. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL265 de M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Dans les hôpitaux de ma circonscription, 92 à 95 % des patients en réanimation ne sont pas vaccinés ; les autres sont immunodéprimés. Dans les services qui sont saturés, il apparaît qu’un tri, qui ne dit pas son nom, s’opère : les personnes particulièrement faibles, âgées ou souffrant d’une maladie incurable, ne bénéficient pas d’une chance de survie que pourrait leur apporter la réanimation.

Compte tenu de cette situation et du fait qu’un vaccin, permettant d’éviter les formes graves de la maladie, voire la mort, est mis à disposition gratuitement, le Gouvernement a fait le choix de fermer la vie sociale aux personnes ne détenant pas le passe vaccinal. On s’aperçoit parfois que l’incitation par le porte-monnaie est plus forte, c’est pourquoi je propose d’explorer une autre possibilité : que les frais de maladie liés au coronavirus soient remboursés selon un système de franchises pour les personnes qui ont choisi de ne pas se faire vacciner.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je suis un fervent partisan de la vaccination. Cependant, je ne crois pas souhaitable de dérembourser les frais de santé des personnes non vaccinées, d’autant que cela pourrait être très délicat sur le plan juridique. Avis défavorable.

M. Sébastien Huyghe. Il ne s’agit pas de dérembourser ces frais mais d’appliquer des franchises, ce qui existe déjà !

La commission rejette l’amendement.

Article 3 (art. L. 3211‑12, L. 3211‑12‑2, L. 3211‑12‑4, L. 3222‑5‑1, L. 3844‑1 et L. 3844‑2 du code de la santé publique) : Contrôle des mesures d’isolement et de contention

Amendement CL155 de M. Jean-Pierre Pont, rapporteur.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Amendement de clarification, qui conserve la priorité d’information du conjoint, partenaire ou concubin, tout en permettant de respecter la volonté du patient, s’il souhaite qu’une autre personne soit informée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL85 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Comme l’a déclaré Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, l’isolement et la contention sont la pire atteinte à la liberté individuelle. Par cet amendement, que j’avais défendu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, je propose que ces dispositions ne soient applicables que durant douze mois, dans l’attente de la loi pour rebâtir la santé mentale au XXIe siècle – dont j’espère qu’elle ne connaîtra pas le même sort que l’autre grande loi pour laquelle j’ai rendu un rapport, la loi sur le grand âge et l’autonomie.

Je ne propose pas de supprimer cet article car je reconnais que vous vous occupez d’une conséquence de l’isolement et de la contention, en judiciarisant la mesure. Mais il conviendrait de s’attaquer à la cause : je ne désespère pas qu’avec un tel amendement, nous débattions dans les douze prochains mois d’une grande loi sur la psychiatrie.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Un amendement semblable a été rejeté lors de l’examen du PLFSS pour 2022. Ne refaisons pas le match : le présent article figure dans le projet de loi parce que ses dispositions ont été censurées pour un motif procédural et qu’il faut éviter un vide juridique.

Sur le fond, l’article précise les modalités d’intervention du juge en cas d’isolement ou de contention mais l’objectif est bien d’abandonner ces pratiques au profit d’alternatives thérapeutiques. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Je me suis rendu dans une clinique psychiatrique publique de Lille qui évite les contentions physiques et chimiques, grâce à une formation spécifique. Pour peu qu’on s’en donne les moyens, il est possible d’éviter ces pratiques.

Cet article judiciarise le placement en isolement ou en contention, fort bien. Mais permettez-moi de lancer un cri d’alerte : s’il y a bien un domaine où le garde des sceaux ne peut pas dire qu’on a atteint le fameux « effectif cible », c’est bien celui du juge des libertés et de la détention. M. Dupond-Moretti l’a dit lui-même lors de la conférence de presse qu’il a donnée à la veille de la manifestation du 14 décembre : 15 % des postes sont vacants ! Il est urgent que l’institution judiciaire obtienne les moyens de traiter dignement nos compatriotes, qu’ils soient souffrants ou non.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL84 de Mme Caroline Fiat

Mme Caroline Fiat. J’ai peut-être plus de chance de convaincre les commissaires aux lois d’adopter cet amendement, attachés qu’ils sont aux droits et libertés fondamentaux.

Cet amendement vise à préciser que, parmi les droits et libertés individuels garantis à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux, figure celui de n’être soumise à aucune contention.

Il est devenu fréquent que les personnes âgées soient habillées avec des combinaisons sanitaires fermées dans le dos, afin d’éviter qu’elles ôtent leur protection ou qu’elles déambulent nues dans les couloirs de l’hôpital. Ce pyjama est une forme de contention. De la même manière, les portes sont souvent fermées à clé, des barrières sont installées. Ce n’est pas par plaisir, mais faute de personnel suffisant, que les établissements sont contraints de mettre en place des dispositifs contraires aux droits et libertés fondamentaux. Il faut supprimer cette habitude qu’ont prise les médecins de recommander ces mesures. Elles ne doivent être prises que dans le cadre d’une décision collégiale.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Cet amendement a déjà été rejeté lors de l’examen du PLFSS pour 2022.

Je rappelle que l’objet de cet article 3 est de sécuriser les hôpitaux et de combler un vide juridique dommageable.

Sur le fond, comme cela vous avait été indiqué lors de l’examen du PLFSS pour 2022, la loi ne permet l’isolement et la contention que dans les établissements psychiatriques pratiquant des soins sans consentement ; le premier alinéa de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique fixe ainsi un cadre très précis et strict à ces mesures.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CL86 de Mme Caroline Fiat

M. Ugo Bernalicis. Dans la même veine que précédemment, il s’agit de préciser que les soins psychiatriques énoncés dans l’article 3 ont une visée strictement thérapeutique, car les droits fondamentaux des gens ne peuvent être la variable d’ajustement de l’organisation du service pour cause de manque de moyens.

Les droits fondamentaux sont au sommet de l’échelle des valeurs : on ne peut ni ne doit y toucher. Je me souviens d’une intervention ici même dans laquelle Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, avait rappelé à l’ordre quelques-uns de nos collègues, dont certains sont d’ailleurs présents, leur expliquant que les droits fondamentaux ne se négocient pas, ne se modifient pas, sinon ce ne sont plus des droits fondamentaux. C’est précisément dans les périodes de tension et de crise qu’il faut pouvoir s’y raccrocher, qu’il est essentiel de les faire respecter. C’est ce que veut dire « fondamentaux » !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je ne crois pas opportun d’écrire cela dans la loi : ce serait stigmatisant pour les personnels concernés, et il faudrait le faire non seulement pour les soins psychiatriques, mais pour tous les autres.

Nous avons par ailleurs adopté des crédits pour financer les recrutements, renforcer les permanences médicales, mettre en œuvre les nouvelles obligations de surveillance clinique, les binômes médecin-infirmier « référents isolement contention », former les personnels et aménager les salons d’apaisement.

Enfin, vous le savez, la contention, tout comme l’isolement, est strictement encadrée, et l’article 3 renforce cet encadrement en systématisant l’intervention du juge judiciaire.

La loi actuelle prévoit en effet que le recours à ces mesures est uniquement possible pour « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical ».

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat. Je vous rassure, monsieur le rapporteur : il s’agit d’une demande des professionnels ; ils ne nous en voudront donc pas de cet amendement.

Deux éléments pour éclaircir ses enjeux. Un patient atteint de troubles psychiques a besoin d’être seul à certains moments de la journée, d’aller se promener dehors ou de se rendre en salle Snoezelen pour respirer et être au calme avant de retrouver un espace avec du monde. Par manque de personnel, ce patient va être privé de tels moments et se retrouver en cellule d’isolement. C’est le sens de l’amendement : on ne devrait pas pouvoir placer une personne à l’isolement faute d’être en mesure de lui prodiguer des soins.

Second élément : dès lors qu’un patient est placé en cellule d’isolement, il n’est plus intégré à la comptabilité des lits. C’est un gros problème administratif. De ce fait, son lit est donné à une autre personne. C’est ainsi que des patients qui avaient besoin de passer quatre heures en isolement y restent plusieurs jours en attendant qu’un autre lit soit libéré, alors qu’il n’y a plus de raison thérapeutique de les y maintenir.

Ne me dites pas que ce n’est pas un amendement de bon sens !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (n° 4857) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

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([1]) Décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire.

([2]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4141_rapport-fond

([3]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4389_rapport-fond

([4]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4574_rapport-fond

([5]) Ce régime a été commenté par notre collègue Marie Guévenoux dans ses rapports sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, devenu la loi du 23 mars 2020, et sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, devenu la loi du 11 mai 2020.

([6]) Initialement fixée au 1er avril 2021 par la loi du 23 mars 2020, l’échéance de ce régime avait une première fois été repoussée au 31 décembre 2021 par la loi du 15 février 2021.

([7]) Alors que l’état d’urgence sanitaire est en vigueur depuis le 14 juillet 2021 en Martinique, le taux d’occupation des lits de réanimation est toujours de 120 % des capacités initiales. À La Réunion, le taux d’incidence est de 577 cas pour 100 000 habitants au 22 décembre 2021.

([8]) Décret n° 2020-1828 du 27 décembre 2021 déclarant l’état d’urgence sanitaire dans certains territoires de la République.  

([9]) Le montant de l’amende est porté à 45 000 euros pour les personnes morales, en application de l’article 131‑38 du code pénal.

([10]) Les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’un territoire d’outre-mer relèvent du dispositif du passeport sanitaire prévu par le 1° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021.

([11]) Avis n° 404676 du 26 décembre 2021, par. 18.

([12]) Décret n° 2021‑490 du 22 avril 2021 modifiant la contravention réprimant la violation des mesures de mise en quarantaine et de placement et de maintien en isolement édictées sur le fondement des 3° et 4° du I de l’article L. 3131‑15 ou du troisième alinéa de l’article L. 3131‑1 du code de la santé publique.

([13]) Décret n° 2021-1824 du 27 décembre 2021 précité.

([14]) L’article L. 3131-13 du code de la santé publique dispose que l’état d’urgence sanitaire ne peut être prorogé au-delà d’un mois que par la loi.

([15]) Ordonnance n° 2020‑428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de COVID-19, article 3.

([16])  Ordonnance n° 2020‑737 du 17 juin 2020 modifiant les délais applicables à diverses procédures en matière sociale et sanitaire, article 5.

([17]) Loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, article 61.

([18])  Loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, article 32.

([19]) Ordonnance n° 2020‑1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale, article 10.

([20]) Ordonnance n° 2020‑505 du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid‑19.

([21]) Ordonnance n° 2020‑1553 du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de covid‑19.

([22]) Loi n° 2021‑1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, article 4.

([23]) Ordonnance n° 2020‑351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid‑19.

([24]) Ordonnance n° 2020‑1694 du 24 décembre 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid‑19.

([25]) Loi n° 2021‑1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, article 11.

([26]) Loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19.

([27]) Ordonnance n° 2020‑309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale, article 1er.

([28]) Ordonnance n° 2020‑1553 du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de covid‑19, article 1er.

([29]) Ordonnance n° 2020‑304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

([30]) Loi n° 2021‑689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, article 8, I, 1°.

([31]) Loi n° 2021 1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, article 14, III.

([32]) Décision  2021828 DC du 9 novembre 2021, § 50 et 51.

([33]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([34]) Les acteurs pouvant accéder à ces données, dans la mesure où elles sont nécessaires à leur intervention, sont notamment les services du ministère de la santé, Santé publique France, l’Assurance-maladie, les agences régionales de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements et centres de santé, les médecins prenant en charge les personnes concernées, les pharmaciens et les laboratoires autorisés à réaliser les examens de dépistage.

([35]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3092_rapport-fond

([36]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3355_rapport-fond

([37]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4389_rapport-fond

([38]) Le décret du 1er juin 2021 prévoit des cas d’isolement prophylactique volontaires de sept jours qui ne relèvent pas du régime des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 du code de la santé publique.

([39]) Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l'État dans le département sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé.

([40]) Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021.

([41]) Avis précité, par. 30.

([42]) La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

([43]) Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, cons. 72.

([44]) Ibid.

([45]) Thomas Mesnier, Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022  tome II, Assemblée nationale, XVe législature,  4568, 14 octobre 2021, pages 264 à 270 ; Thomas Mesnier, Rapport en nouvelle lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, Assemblée nationale, XVe législature,  4701, 18 novembre 2021, pages 80 et 81.

([46]) Conseil constitutionnel, décision  2020844 QPC du 19 juin 2020, M. Éric G. [Contrôle des mesures d’isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement], § 4.

([47]) Loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([48]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020‑844 QPC du 19 juin 2020 précitée.

([49]) Loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([50]) Conseil constitutionnel, décision  2021912/913/914 QPC du 4 juin 2021, M. Pablo A. [Contrôle des mesures d’isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement II].

([51]) Thomas Mesnier, rapport n° 4568 précité, pages 267 à 269.

([52]) Conseil constitutionnel, décision  2021832 DC du 16 décembre 2021, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, § 25 et 26.