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N° 4985

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 février 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LA PROPOSITION de loi, REJETÉE PAR LE SÉNAT, visant à renforcer le droit à l’avortement,

 

 

 

Par Mmes Albane GAILLOT et Marie-Noëlle BATTISTEL,

 

 

Députées.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1re lecture : 3292, 3383 et T.A. 488.

  2e lecture : 3793, 3879 et T.A. 719.

 Commission mixte paritaire : 4934.

  Nouvelle lecture : 4929.

Sénat : 1re lecture : 23, 263, 264 et T.A. 45 (2020-2021).

  2e lecture : 242, 342 et 343 et T.A. 74 (2021-2022).

 Commission mixte paritaire : 375 et 374 (2021-2022).

 


 

 

 

 


–  1  –

SOMMAIRE

___

 Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Allongement du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines de grossesse

Article 1er bis Extension de la compétence des sages-femmes à la méthode chirurgicale d’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la dixième semaine de grossesse

Article 1er ter A (supprimé) Systématisation de la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l’interruption volontaire de grossesse et protection du secret pour la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse

Article 1er ter Suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’interruption volontaire de grossesse en cas d’entretien psychosocial préalable

Article 2 Suppression de la clause de conscience spécifique relative à l’interruption volontaire de grossesse et création d’un répertoire recensant les professionnels de santé et les structures pratiquant l’interruption volontaire de grossesse

Article 2 bis Rapport du Gouvernement sur l’application de la législation relative au délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse

Article 2 ter Rapport du Gouvernement sur l’évaluation du dispositif d’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse

Article 3 Compensation financière

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen, en deuxieme lecture, de la proposition de loi VISANT À renforcer le droit à l’avortement

 


–  1  –

   Avant-propos

● Face à des difficultés structurelles affectant le parcours des femmes souhaitant recourir à un avortement, la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, déposée par Mme Albane Gaillot et plusieurs de ses collègues issus de huit différents groupes politiques, propose des mesures pragmatiques qui permettront d’améliorer concrètement l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans notre pays.

Issu de nombreuses rencontres avec des acteurs et actrices de terrain, aussi bien des professionnels et professionnelles de santé que des institutions spécialisées en droits des femmes ou encore des associations engagées et s’inscrivant dans la continuité des travaux conduits par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, présidée par Mme Marie-Pierre Rixain, ce texte s’inspire notamment du rapport d’information sur l’accès à l’IVG réalisé par Mmes Marie‑Noëlle Battistel et Cécile Muschotti ([1]). Il porte l’ambition de consolider ce droit fondamental des femmes qui constitue une composante impérative de leur droit de disposer librement de leur corps.

● Déposée en août 2020, cette proposition de loi a ensuite suivi un parcours législatif atypique. Inscrite en première lecture à l’Assemblée nationale dans le cadre de la journée réservée de l’ancien groupe Écologie Démocratie Solidarité, elle a été adoptée de manière transpartisane par l’Assemblée nationale le 8 octobre 2020.

Si son inscription en janvier 2021 à l’ordre du jour du Sénat au sein de l’espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a permis la poursuite de la navette parlementaire, le même esprit transpartisan n’a toutefois pas prévalu lors de ces débats. Ainsi, la commission des affaires sociales n’a pas adopté de texte et celui de l’Assemblée a ensuite été rejeté en séance par le biais d’une motion opposant la question préalable à la délibération de la proposition de loi.

● La deuxième lecture a par la suite été permise, dès le mois de février 2021, par l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi lors de la journée réservée au groupe Socialistes et apparentés. Dans ce cadre, Mme Marie‑Noëlle Battistel en est devenue la co‑rapporteure. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a de nouveau adopté le texte, mais son examen en séance publique n’a pas pu avoir lieu le 18 février en raison du dépôt, par certains députés, d’un trop grand nombres d’amendements dans une visée d’obstruction.

Plusieurs mois après, c’est finalement à l’initiative du groupe La République en Marche que la deuxième lecture de ce texte en séance publique a pu avoir lieu, au mois de novembre 2021. À cette occasion, malgré certaines dissensions au sujet de l’article 2, l’Assemblée nationale a, de nouveau de manière transpartisane, adopté la proposition de loi.

Le texte a ensuite été inscrit au Sénat en janvier 2022 par le Gouvernement et, comme en première lecture, la commission des affaires sociales n’a pas adopté de texte ; c’est donc le texte voté par l’Assemblée qui a été présenté et rejeté en séance publique par le biais d’une nouvelle motion opposant la question préalable à la délibération de la proposition de loi.

● Cette différence totale de positionnement entre les deux chambres empêchait de fait toute négociation lors de la commission mixte paritaire qui, réunie le 20 janvier dernier au Sénat, s’est donc soldée par un échec. Malgré l’engagement transpartisan, marqué notamment par l’inscription à l’ordre du jour de ce texte par trois groupes politiques, dont certains d’opposition, ainsi que par le Gouvernement, les deux chambres n’ont en effet pas pu trouver un accord sur ce sujet pourtant essentiel.

Près d’un an et demi après son adoption en première lecture, la proposition de loi est donc présentée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale dans la rédaction adoptée par celle-ci lors de la deuxième lecture. Ce texte, considérablement enrichi par les débats précédents, comprend aujourd’hui neuf articles, contre trois initialement. Plusieurs dispositifs ont ainsi été introduits, en particulier l’extension de la compétence des sages‑femmes en matière d’IVG à la méthode chirurgicale (article 1er bis).

Malgré la richesse des échanges et les compléments apportés au texte, les rapporteures regrettent profondément que les débats de deuxième lecture aient conduit à reculer sur la question de la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, vidant ainsi de sa substance l’article 2. Inscrite dans la rédaction initiale de la proposition de loi et traduisant la recommandation n° 17 du rapport précité de Mmes Muschotti et Battistel, cette reformulation de l’article L. 2212‑8 du code de la santé publique est pourtant une évolution importante. Celle‑ci permet en effet d’en finir avec une spécificité législative qui n’a plus lieu d’être en 2022 et d’aligner la rédaction avec celle prévue pour l’interruption médicale de grossesse (IMG) prévue à l’article L. 2213-4 du même code selon les termes retenus par notre Assemblée à l’occasion de l’adoption de la récente loi relative à la bioéthique ([2]).

Il est temps désormais de se montrer le plus clair possible sur le droit à l’IVG : il s’agit d’un droit fondamental des femmes et tout doit être mis en œuvre, dans la loi comme en matière réglementaire, pour leur permettre de recourir à un avortement lorsqu’elles le souhaitent. Les rapporteures abordent donc cette nouvelle lecture en espérant que l’Assemblée nationale saura revenir à une version plus complète et plus pertinente de la présente proposition de loi.

 


–  1  –

   Commentaire des articles

Article 1er
Allongement du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines de grossesse

Origine de l’article : proposition de loi initiale

Première lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures

1.   Les dispositions du texte initial

L’article 1er, dans sa rédaction initiale, prévoit la modification de l’article L. 2212-1 du code de la santé publique afin de fixer à quatorze semaines de grossesse (soit seize semaines d’aménorrhée) le délai autorisé pour avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG).

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques présentés par Mme Marie-Noëlle Battistel (groupe Socialistes et apparentés) et par Mme Marie-Pierre Rixain (groupe La République en Marche) et plusieurs députés membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ayant reçu un avis favorable de la rapporteure et un avis de sagesse du Gouvernement, ces amendements renforcent l’obligation d’information de toute personne sur les différentes méthodes abortives.

3.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

Aucune modification n’a été adoptée en commission et en séance publique.

4.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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*     *

 

Article 1er bis
Extension de la compétence des sages-femmes à la méthode chirurgicale d’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la dixième semaine de grossesse

Origine de l’article : amendements adoptés en première lecture en commission à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : adopté avec modifications

1.   Les dispositions introduites et complétées en première lecture

● Cet article résulte de l’adoption en commission de trois amendements identiques, auxquels la rapporteure avait donné un avis favorable, présentés par Mme Marie-Noëlle Battistel (groupe Socialistes et apparentés), par Mme Cécile Muschotti et les membres du groupe La République en Marche, ainsi que par Mme Marie-Pierre Rixain et plusieurs députés membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ils modifient l’article L. 2212‑2 du code de la santé publique afin d’autoriser les sages‑femmes à pratiquer les IVG chirurgicales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse (soit douze semaines d’aménorrhée).

● Lors de son examen en séance publique, cet article a été complété par un amendement de Mme Annie Vidal (groupe La République en Marche), ayant reçu un avis de sagesse de la rapporteure et un avis défavorable du Gouvernement. Cet amendement vise à apporter une clarification quant au statut des sages‑femmes en insistant sur la dimension médicale de leur profession.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

● En commission, trois amendements ont été adoptés avec avis favorable des rapporteures :

– un amendement des rapporteures pour pérenniser l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville de cinq à sept semaines de grossesse qui a été mis en place depuis le début de la crise sanitaire ;

– un amendement de Mme Perrine Goulet (apparentée au groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés) qui prévoit la publication d’un décret pour préciser notamment les modalités de mise en œuvre relatives à la formation et à la rémunération des sages-femmes dans le cadre de l’extension de leur compétence à l’IVG chirurgicale ;

– un amendement de Mme Perrine Goulet prévoyant la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement portant sur l’application des dispositions permettant aux sages‑femmes de réaliser des IVG chirurgicales.

● Lors de son examen en séance publique, quatre amendements ont été adoptés :

– un amendement déposé par Mme Annie Chapelier et plusieurs de ses collègues du groupe Agir ensemble supprimant la limitation à dix semaines de la compétence des sages‑femmes pour pratiquer les IVG chirurgicales (avis favorables des rapporteures et du Gouvernement) ;

– un amendement de Mme Cécile Muschotti et des membres du groupe La République en Marche précisant que, lorsqu’une sage‑femme réalise une IVG par voie chirurgicale, cette interruption ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé (avis favorables des rapporteures et du Gouvernement) ;

– un amendement des rapporteures précisant le contenu du décret portant sur la mise en œuvre de l’extension de la compétence des sages‑femmes aux IVG par voie chirurgicale (avis favorable du Gouvernement) ;

– un amendement des rapporteures précisant le contenu du rapport visant à évaluer l’extension de la compétence des sages‑femmes aux IVG par voie chirurgicale (avis favorable du Gouvernement).

3.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements avec avis favorable des rapporteures :

– un amendement rédactionnel des rapporteures ;

– un amendement de précision des rapporteures ajoutant au contenu du décret prévu la fixation des modalités d’organisation, dans les établissements de santé, de l’exercice de cette nouvelle compétence des sages-femmes ;

– un amendement présenté par Mme Cécile Muschotti et les membres du groupe La République en Marche qui prévoit que, lorsqu’une IVG est réalisée dans un établissement de santé, public ou privé, les consultations peuvent, le cas échéant, se faire à distance.

*

*     *

 

Article 1er ter A (supprimé)
Systématisation de la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l’interruption volontaire de grossesse et protection du secret pour la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : supprimé en commission

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la suppression de cet article, tel que votée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

1.   Les dispositions introduites en première lecture

Cet article résulte de l’adoption en séance publique d’un amendement, auquel la rapporteure avait donné un avis favorable tout comme le Gouvernement, présenté par Mme Cécile Muschotti et les membres du groupe La République en Marche. Le I prévoit l’extension du tiers payant intégral à toutes les assurées pour les frais relatifs à une IVG. Le II protège cette prise en charge du secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant, l’anonymat de l’intéressée.

2.   Un article supprimé en deuxième lecture par l’Assemblée nationale

Une disposition identique ayant été introduite par l’article 63 de la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, la commission a adopté un amendement des rapporteures supprimant cette disposition devenue inutile.

3.   La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

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*     *

Article 1er ter
Suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’interruption volontaire de grossesse en cas d’entretien psychosocial préalable

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture en commission à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures

1.   Les dispositions introduites en première lecture

Cet article résulte de l’adoption en commission d’un amendement, auquel la rapporteure avait donné un avis favorable, présenté par Mme Cécile Muschotti et les membres du groupe La République en Marche. Il prévoit, à l’article L. 2212‑5 du code de la santé publique, la suppression du délai de réflexion de deux jours imposé aux femmes ayant réalisé une consultation psychosociale préalable avant de pouvoir confirmer leur demande d’IVG.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

Aucune modification n’a été adoptée en deuxième lecture.

3.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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Article 2
Suppression de la clause de conscience spécifique relative à l’interruption volontaire de grossesse et création d’un répertoire recensant les professionnels de santé et les structures pratiquant l’interruption volontaire de grossesse

Origine de l’article : proposition de loi initiale

Première lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

1.   Les dispositions du texte initial

Outre une clause de conscience générale, valable pour tout acte de soin ([3]), les professionnels de santé qui pratiquent ou concourent à la réalisation d’une IVG jouissent en effet d’une clause supplémentaire et spécifique à cet acte. Aux termes de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, aucun médecin ou aucune sage‑femme n’est ainsi tenu de pratiquer une IVG, de même qu’aucune sage‑femme, aucun infirmier ou aucun auxiliaire médical n’est tenu d’y concourir. Cette clause de conscience spécifique à l’IVG est également reprise dans le code de déontologie médicale, codifié par voie réglementaire dans le code de la santé publique ([4]).

Cet article prévoit la suppression de la redondance au niveau législatif de la clause de conscience spécifique à l’IVG, tout en maintenant :

– d’une part, l’inscription de la clause spécifique au niveau réglementaire ;

– d’autre part, l’inscription de la clause générale au niveau réglementaire ;

– l’obligation de réorientation, non prévue pour la clause de conscience générale, contraignant le médecin ou la sage‑femme refusant de pratiquer une IVG d’en informer sans délai l’intéressée et de lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou sages‑femmes susceptibles de réaliser l’intervention.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

● En commission, un amendement de rédaction globale, présenté par Mme Cécile Muschotti et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, a été adopté. Cette nouvelle écriture de l’article vise à :

– reformuler l’obligation de réorientation de la patiente selon la rédaction de l’article L. 2213-4 du code de la santé publique introduit par la loi relative à la bioéthique ([5]) ;

– prévoir la publication par les agences régionales de santé d’un répertoire recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et les structures pratiquant l’IVG.

● Lors de l’examen en séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Cécile Muschotti et du groupe La République en Marche, avec avis favorables de la rapporteure et du Gouvernement, pour clarifier la disposition concernant la publication du répertoire susmentionné et l’insérer au sein de l’article L. 2212-3 du code de la santé publique, consacré à l’information des femmes quant aux modalités de l’IVG.

3.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

● En commission, a été adopté, avec avis favorable des rapporteures, un amendement de Mme Catherine Fabre (groupe La République en Marche) afin de garantir que l’accès au répertoire référençant les professionnels et établissement de santé pratiquant l’IVG sera effectivement libre d’accès.

● Lors de l’examen en séance publique, l’Assemblée nationale a adopté trois amendements identiques de M. Fabien Di Filippo, M. Patrick Hetzel et Mme Anne-Laure Blin (groupe Les Républicains) supprimant les quatre premiers alinéas de cet article. Ayant fait l’objet d’un avis défavorable des rapporteures et d’un avis de sagesse du Gouvernement, ces amendements ont retiré de l’article 2 la suppression de la clause de conscience de nature législative spécifique à l’IVG.

Opposées à un tel retrait de cette disposition, les rapporteures demeurent surprises du retournement opéré en deuxième lecture sur ce sujet. Issu d’une recommandation du rapport de Mmes Muschotti et Battistel, ce dispositif a été reformulé et complété à l’initiative du groupe La République en Marche en première comme en deuxième lectures. Pourtant, en séance publique, l’adoption d’amendements de suppression, provenant des parlementaires farouchement opposés au renforcement du droit à l’IVG et auteurs de nombre des amendements d’obstruction ayant tenté de bloquer l’examen de ce texte, a conduit les députés à reculer sur ce sujet. Les rapporteures souhaitent voir cette mesure majeure réintroduite par voie d’amendement lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. La portée symbolique et politique du maintien d’une clause spécifique à l’avortement leur semblerait être un signal éminemment négatif, continuant de faire du recours à l’IVG un acte à part.

4.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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Article 2 bis A
Garantie de la délivrance d’un contraceptif en urgence dans les conditions prévues par le code de la santé publique

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

1.   Les dispositions introduites en première lecture

Cet article résulte de l’adoption en séance publique d’un amendement présenté par Mme Aurore Bergé et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche. Ayant reçu un avis favorable de la rapporteure à titre personnel et un avis de sagesse du Gouvernement, cet amendement vise à clarifier l’obligation faite aux professionnels de santé de délivrer un moyen de contraception en urgence.

L’article modifie à cette fin :

– l’article L. 1110‑3 du code de la santé publique pour y préciser que l’interdiction de la discrimination dans l’accès à la prévention ou au soin concerne également l’accès à un moyen de contraception en urgence ;

– l’article L. 162‑1‑14‑1 du code de la sécurité sociale énumérant des cas de sanctions dont les professionnels de santé peuvent faire l’objet pour y préciser que peut être sanctionner une discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, y compris dans l’accès à un moyen de contraception en urgence.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

 En commission, un amendement rédactionnel des rapporteures a été adopté.

● Aucune modification n’a été adoptée en séance publique.

3.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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Article 2 bis
Rapport du Gouvernement sur l’application de la législation relative au délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse

Origine de l’article : amendements adoptés en première lecture en commission à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : adopté avec modifications

1.   Les dispositions introduites en première lecture

Cet article résulte de l’adoption de trois amendements identiques présentés par Mme Cécile Muschotti et les membres du groupe La République en Marche, par Mme Marie-Noëlle Battistel et plusieurs de ses collègues membres du groupe Socialistes et apparentés, ainsi que par Mme Marie-Pierre Rixain et plusieurs de ses collègues membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Ayant reçu un avis favorable de la rapporteure, cet article prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre de la législation relative au délit d’entrave à l’IVG, prévu par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, et identifiant, le cas échéant, des pistes d’amélioration du dispositif.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

 En commission, un amendement rédactionnel des rapporteures a été adopté.

● Aucune modification n’a été adoptée en séance publique.

3.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel des rapporteures.

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Article 2 ter
Rapport du Gouvernement sur l’évaluation du dispositif d’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté avec modifications

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

1.   Les dispositions introduites en première lecture

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement, présenté par Mme Agnès Firmin Le Bodo (groupe Agir ensemble) et ayant reçu un avis défavorable de la rapporteure comme du Gouvernement. Il prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement évaluant le dispositif d’accès à l’IVG. Le rapport sera remis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, dont les dispositions et leurs effets seront intégrés à son champ d’évaluation.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

 En commission, un amendement rédactionnel des rapporteures a été adopté.

● Aucune modification n’a été adoptée en séance publique.

3.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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Article 3
Compensation financière

Origine de l’article : proposition de loi initiale

Première lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Première lecture Sénat : rejeté

Deuxième lecture Assemblée nationale : adopté sans modification

Deuxième lecture Sénat : rejeté

Position de la commission : maintien de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures

1.   Les dispositions du texte initial

Cet article précise les modalités de compensation des charges et des moindres recettes engendrées, pour les organismes publics, par les dispositions de la proposition de loi. L’allongement du délai légal de recours à l’interruption volontaire de grossesse, qui est prise en charge en totalité par l’assurance maladie, aura un impact direct sur la charge pour les organismes de sécurité sociale. Le présent article pose le principe d’une compensation financière de la charge pour les organismes de sécurité sociale, qui repose sur la création, à due concurrence, d’une taxe additionnelle aux droits sur le tabac mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

Aucune modification n’a été adoptée en commission et en séance publique.

3.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture

Aucune modification n’a été adoptée en commission et en séance publique.

4.   La position de la commission

La commission n’a apporté aucune modification.

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–  1  –

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 2 février 2022, la commission a examiné, en nouvelle lecture, la proposition de loi, rejetée par le Sénat, visant à renforcer le droit à l’avortement (nº 4929) (Mmes Albane Gaillot et Marie Noëlle Battistel, rapporteures) ([6]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, réunie le 20 janvier au Sénat, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement n’est pas parvenue à un accord. Le Premier ministre a donc demandé à ce qu’il soit procédé à une nouvelle lecture, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique à partir de mercredi prochain.

Nous procédons ce matin à cette nouvelle lecture en commission, sur la base du texte adopté en deuxième lecture par notre assemblée, puisque le Sénat, comme il l’avait déjà fait en première lecture, a adopté une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte. Je précise par ailleurs qu’un seul amendement a été déclaré irrecevable en raison des règles habituelles, à savoir qu’aucune disposition nouvelle ne peut être introduite après la première lecture.

Article 1er : Allongement du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines de grossesse

Amendement AS15 de Mme Valérie Six.

Mme Valérie Six. Ma position est la même que lors des précédentes lectures et je tiens, pour illustrer mon propos, à citer les mots qu’a prononcés Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale : « je veux dire que si la loi est générale et donc abstraite, elle est faite pour s’appliquer à des situations individuelles souvent angoissantes ; que si elle n’interdit plus, elle ne crée aucun droit à l’avortement ». Alors que cette proposition de loi vise à « renforcer le droit à l’avortement », je préfère m’inscrire dans la droite ligne de Simone Veil, qui réfutait tout droit à l’avortement. Sur la délicate question de l’avortement, Simone Veil a su instaurer un subtil équilibre, dont vous vous émancipez.

Or je ne suis pas convaincue que l’allongement du délai légal de recours à l’avortement soit ce qu’attendent les femmes concernées. Sans revenir sur les arguments que j’ai déjà maintes fois développés, je rappellerai seulement que la pratique de l’avortement à quatorze semaines n’est pas la même qu’à douze semaines et qu’elle nécessite un acte médical totalement différent.

C’est d’ailleurs ce qui ressort des auditions organisées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le cadre de la mission d’information sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Permettez‑moi de citer un passage du rapport d’information : « Un certain nombre de problèmes pratiques liés à la mise en œuvre de l’allongement du délai légal ont d’ailleurs été soulevés lors des auditions de vos rapporteures. Le docteur Philippe Faucher, gynécologue-obstétricien et président du réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie (REVHO), explique qu’à partir de douze semaines de grossesse, la méthode d’avortement instrumentale n’est plus la même : cela nécessite une formation à d’autres gestes. Or, il semblerait que les praticiens ne soient actuellement pas formés à ce geste. »

Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 1er.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Nous avons déjà longuement débattu de cette question, puisque c’est la troisième fois que notre commission examine cette proposition de loi. Son parcours législatif est assez unique, puisque, au fil des différentes lectures, ses rapporteurs ont changé, le texte faisant l’objet d’un engagement transpartisan en faveur du droit des femmes.

Sur le plan des droits des femmes, d’abord, ce texte est né du constat que le droit à l’IVG n’est pas un droit effectif en France. Je vous renvoie au rapport d’information que j’ai réalisé avec Cécile Muschotti et au rapport d’Albane Gaillot. Plus de 3 000 femmes se rendent encore à l’étranger pour accéder à ce droit. Ce n’est pas acceptable et il faut agir. Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui vise à lever les obstacles que rencontrent les femmes dans leur parcours d’IVG. L’une de nos propositions est l’allongement du délai de recours légal à l’IVG.

Sur le plan scientifique, ensuite, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) indique qu’« il n’existe que peu, voire pas de différence, entre douze et quatorze semaines de grossesse » et qu’« il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».

Cet article lève un des obstacles auxquels se heurtent les femmes dans leur parcours d’IVG. J’émettrai donc un avis défavorable sur votre amendement.

Mme Michèle Victory. Le groupe Socialistes et apparentés s’opposera à cet amendement de suppression. Cette proposition de loi en faveur des femmes est l’aboutissement d’un long travail, d’un parcours législatif semé d’embûches.

Nombre de femmes fragiles, souvent des jeunes filles, sont encore forcées d’aller avorter à l’étranger. La rapporteure a rappelé les raisons pour lesquelles l’allongement du délai de recours à l’IVG est une mesure importante. Elle a également expliqué que cela ne crée pas de risques supplémentaires. Il est essentiel que ces jeunes femmes puissent faire sereinement les choix qui concernent leur grossesse. Nous voterons donc contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 1er bis : Extension de la compétence des sages-femmes à la méthode chirurgicale d’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la dixième semaine de grossesse

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS23 de Mme MarieNoëlle Battistel.

Amendement AS22 de Mme Cécile Muschotti.

Mme Cécile Muschotti. Durant la crise sanitaire, des innovations ont été introduites dans le parcours d’IVG médicamenteuse en ville, afin de faciliter l’accès des femmes à cette prise en charge. Un décret pérennisant ces innovations est en voie de finalisation. Il va permettre de réaliser par voie de téléconsultation l’ensemble des consultations correspondant au parcours d’IVG médicamenteuse en ville.

Cette possibilité, qui offre une souplesse supplémentaire aux femmes, n’est toutefois pas ouverte pour les parcours médicamenteux se déroulant à l’hôpital. Il importe donc d’apporter une modification législative, si nous ne voulons pas introduire une inégalité de traitement, selon le lieu de prise en charge de ces femmes.

Par cet amendement, nous proposons que le recours à la téléconsultation soit également possible lorsque l’IVG par voie médicamenteuse est effectuée dans le cadre d’un établissement de santé.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. Cet amendement facilite l’accès à l’avortement. Il va donc dans le sens de cette proposition de loi et nous y sommes favorables.

La commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure Albane Gaillot, la commission rejette l’amendement AS9 de M. Thibault Bazin.

Amendement AS24 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cet amendement vise à préciser que le décret devra également définir la manière dont sera organisé, dans les établissements de santé, l’exercice de cette nouvelle compétence des sages‑femmes.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er bis modifié.

Article 1er ter A (supprimé) : Systématisation de la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l’interruption volontaire de grossesse et protection du secret pour la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse

La commission maintient la suppression de l’article 1er ter A.

Article 1er ter : Suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’interruption volontaire de grossesse en cas d’entretien psychosocial préalable

Amendements identiques AS10 de M. Thibault Bazin et AS16 de Mme Valérie Six.

M. Thibault Bazin. Avec l’article 1er ter, vous supprimez le délai de quarante‑huit heures entre l’entretien psychosocial préalable et le recueil du consentement. Pour notre part, nous estimons qu’il est important de maintenir un temps de réflexion après l’entretien psychosocial. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. Nous avons déjà longuement débattu de cette question lors des précédentes lectures du texte.

Si nous supprimons ce délai, c’est parce que nous ne voulons pas infantiliser les femmes. Dès lors qu’elles ont pris leur décision, elles doivent pouvoir avorter. Nous ne les poussons pas à se précipiter, nous leur donnons le choix. Après cet examen psychosocial, si leur décision est prise, elles pourront avorter sans attendre. Mais celles qui souhaitent continuer d’y réfléchir pourront évidemment le faire. Nous voulons laisser aux femmes la possibilité de choisir ce qu’elles veulent faire.

Mme Valérie Six. Je souhaite également la suppression de l’article 1er ter. Je ne suis pas certaine qu’il faille à tout prix accélérer le recours à l’IVG. Une jeune fille mineure doit faire l’objet d’une attention toute particulière, aussi bien sur la question de l’IVG qu’en matière de prévention.

Avec cet article, vous confondez la procédure d’IVG prévue pour les jeunes filles mineures avec celle qui s’applique aux femmes majeures. Je pense que ce délai de réflexion est indispensable, car il importe de ne pas agir dans l’urgence. Ces deux jours de réflexion sont essentiels, notamment pour les jeunes filles.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Que les choses soient claires : les femmes, mineures ou majeures, pourront prendre le temps qu’elles souhaitent après leur entretien. Nous laissons le choix aux femmes. Nous supprimons, non pas ce délai de facto, mais simplement l’obligation pour celles qui sont totalement prêtes et qui veulent avorter le plus rapidement possible. Ce n’est ni à vous, ni à moi, de leur imposer ce temps de réflexion. Ce délai pourra perdurer pour toutes celles qui le souhaitent.

Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. Nous convenons tous que l’IVG n’est pas un geste anodin. Les femmes prennent leur décision après avoir mûrement réfléchi, et nous devons nous y tenir. Elles sont assez grandes pour choisir : elles n’ont pas besoin de la loi pour les aider à réfléchir.

M. Thibault Bazin. Il ne s’agit pas d’obliger les femmes à avoir un temps de réflexion, mais de préserver l’équilibre de la loi Veil, qui prévoit un certain nombre d’étapes avant la réalisation de l’IVG.

Mme Cécile Muschotti. L’équilibre trouvé dans le cadre de la loi Veil n’était qu’une première étape dans la conquête des droits des femmes. Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce que l’application de cette loi se heurte à des freins qu’il nous appartient de lever. On estime à plusieurs milliers le nombre de femmes obligées de partir à l’étranger pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Nous devons leur permettre de recourir à ce droit en France, en toute sécurité, et d’accéder à ce parcours de soins qui concerne aujourd’hui une femme sur trois.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Certaines jeunes mineures subissent des pressions pour les inciter à interrompre leur grossesse. Prévoir un délai, c’est aussi permettre à ces jeunes femmes de se poser et d’échanger avec des professionnels pour faire un choix personnel et libre.

Mme Perrine Goulet. Les médecins qui reçoivent une jeune femme, même mineure, sont capables d’évaluer si elle a besoin ou non d’un délai de réflexion. Même si elle n’en veut pas, ils peuvent tout simplement lui dire qu’ils n’ont pas de place pour pratiquer l’IVG le lendemain et l’inviter à revenir trois ou quatre jours plus tard. En revanche, lorsqu’une femme a vraiment pris sa décision, il lui est très compliqué de garder en elle un embryon ou un fœtus deux jours de plus. Levons donc les freins et laissons aux médecins et à leurs patientes le soin de juger de la nécessité d’un délai !

Mme Annie Chapelier. J’entends les craintes exprimées par nos collègues qui souhaitent le maintien du délai de réflexion, mais lorsqu’une femme ou une jeune fille, même mineure, vient consulter pour demander un avortement, ce dernier n’est jamais réalisé dans la foulée. Concrètement, le médecin ne dit pas : « Passez dans la pièce à côté, je vais vous aspirer. » Il y a toujours un délai. En cas d’IVG chirurgicale, la patiente doit consulter un anesthésiste et faire un bilan, ce qui prend plusieurs jours. En cas d’IVG médicamenteuse, un rendez-vous est pris pour l’administration du RU‑486 quelques jours plus tard. Le temps qui s’écoule dans ce processus médical laisse de facto un délai de réflexion à la patiente, qui peut changer d’avis, ce qui se produit d’ailleurs régulièrement.

M. Thibault Bazin. Mmes les rapporteures mettent en avant le frein que constituerait ce délai de réflexion pour l’accès à un droit. Or il ressort de notre débat que le parcours médical prévoit un certain nombre d’étapes et de procédures à respecter, si bien que, dans la pratique, ce délai est respecté de fait. Je ne vois donc pas l’utilité de le supprimer. Au fond, l’article 1er ter n’apporte pas grand-chose...

Mme Geneviève Levy. Effectivement, le médecin qu’une jeune femme ou une jeune fille vient consulter pour demander un avortement ne va pas inviter sa patiente à passer tout de suite dans la pièce voisine pour interrompre la grossesse. En revanche, il va immédiatement lui proposer des rendez‑vous avec l’anesthésiste et pour la suite des événements, sans pour autant avoir évalué l’état psychologique de la jeune femme. Voilà ce qui est dangereux !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. À ce stade, l’entretien psychologique a déjà été réalisé : le médecin perçoit donc l’état de sa patiente.

M. Bazin et Mme Chapelier ont souligné que l’organisation médicale impliquait un délai entre la consultation du médecin et la réalisation de l’acte. Si l’on y ajoute le délai de deux jours prévu à l’article L. 2212-5 du code de la santé publique, cela rallonge encore la prise en charge de la patiente !

Nous souhaitons que la décision soit prise par la femme, et par personne d’autre. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. Les pressions exercées sur les femmes peuvent être de plusieurs types : certaines personnes les pousseront à réfléchir pour garder l’enfant, tandis que d’autres les inciteront à avorter. Les femmes prennent leur décision après un entretien psychologique. Elles sont responsables, libres de leur choix. Laissons‑les décider si elles ont besoin d’un délai de réflexion ou non !

M. Thibault Bazin. Le fait que le choix revienne à la femme ne me pose pas de problème, et je ne vois pas en quoi l’existence d’un délai de réflexion va à l’encontre de ce principe. Vous considérez ce délai comme un frein, alors que je le tiens plutôt pour une protection. Dans d’autres domaines de la vie qui n’ont rien à voir avec la grossesse, le législateur a d’ailleurs eu tendance à instaurer des délais en vue de protéger, par exemple, le consommateur et de lui permettre de choisir librement.

Mme Michèle Victory. L’exigence d’un délai laisse entendre que les femmes n’auraient pas réfléchi avant et que, pendant ces quarante-huit heures, elles se mettraient soudainement à réfléchir. Quand une jeune femme se retrouve dans une situation aussi difficile voire chaotique, elle pense aux différentes options qui s’offrent à elle à partir du jour où elle apprend qu’elle est enceinte. Aussi le délai me paraît‑il totalement inutile.

Mme Valérie Six. Il revient bien sûr à la femme de prendre une telle décision, en son âme et conscience. C’est en tout cas ce que nous recherchons, tous et toutes.

Si nous ne maintenons pas ce délai dans la loi, même le corps médical ne prendra pas le temps de la réflexion. Dès que la femme aura terminé sa consultation, elle sera embarquée dans l’enchaînement des examens médicaux. Vous dites que ce n’est pas de la précipitation, mais je crains que nous ne laissions pas à des personnes déjà fragiles psychologiquement suffisamment de temps pour réfléchir avant de se lancer dans tout le processus médical.

M. Boris Vallaud. Je rejoins la position des rapporteures. L’IVG n’est pas un acte anodin, banal, mais le fruit d’une réflexion personnelle de la femme, d’un travail fait avec elle‑même dans des conditions souvent difficiles. J’entends dire que le corps médical ne prendra pas le temps de la réflexion ; or cette réflexion appartient exclusivement à la patiente qui, même aidée, doit prendre sa décision en toute liberté. Ce choix, toujours difficile, revient à la femme, et non à celles et ceux qui l’accompagnent, y compris sur le plan psychologique. Refuser le maintien du délai de réflexion, c’est une façon de dire cela avec force.

M. Jean-Louis Touraine. En effet, l’IVG est exclusivement le choix de la femme, à qui nous devons impérativement faire confiance plutôt que de l’infantiliser. Si un délai de réflexion a été introduit par Mme Veil, c’est parce que l’acceptation de l’IVG était alors bien moindre qu’aujourd’hui et qu’il fallait y ajouter un certain nombre de limitations pour faire adopter cette avancée par les députés de l’époque. Dorénavant, l’immense majorité des parlementaires, sur tous les bancs, sont favorables à l’IVG : il n’y a donc plus guère de sens à prolonger une réflexion qui a déjà eu lieu avant de prendre rendez‑vous chez le médecin. Le délai avant d’obtenir un rendez-vous est malheureusement souvent bien long ; aussi le temps de la réflexion initiale est-il parfois accru par l’impossibilité de décrocher un rendez‑vous le lendemain. Je ne vois pas pourquoi on voudrait maintenir des délais qui s’ajoutent à des délais, et qui ne font que pénaliser et infantiliser les femmes concernées. Si la femme n’a pas pris sa décision avant de demander un rendez-vous, elle sollicite une consultation pour discuter, mais ce n’est pas la même chose qu’un rendez-vous d’IVG.

Mme Annie Chapelier. La proposition de loi vise notamment à améliorer l’accès à l’IVG. Même si le délai de réflexion est court, il impose cependant de prendre deux rendez‑vous avec des professionnels de santé, alors que, dans le contexte actuel, le secteur de la gynécologie-obstétrique n’est pas facilement accessible. Ce délai existe de facto. Inutile de rendre obligatoire la prise d’un second rendez‑vous, qui ne fera que complexifier le parcours de soins, sans constituer une étape supplémentaire permettant à la femme de mûrir sa décision, puisqu’elle réfléchit à ce qu’elle souhaite faire dès l’instant où elle apprend qu’elle est enceinte. Cela la conduit, in fine, à faire un choix, qui n’appartient qu’à elle.

Mme Jeanine Dubié. Ce texte a pour objet de faciliter le recours à l’IVG, qui n’est pas une décision facile à prendre. Lorsqu’une femme prend un rendez‑vous, elle a déjà beaucoup réfléchi. Elle a probablement mené sa réflexion seule, peut-être aussi avec son compagnon. C’est une décision importante dans la vie d’une femme, qui peut avoir parfois des conséquences et qui ne se prend pas de manière inconsidérée. Respectons ce choix. Vouloir toujours allonger les délais est une façon de dire qu’on n’est pas tout à fait d’accord avec ces principes. Lorsque le texte sera promulgué, une bonne partie des difficultés qu’affrontent les femmes pour accéder à l’IVG sera réglée.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Le délai de réflexion n’est pas le facteur qui explique la longueur des démarches. C’est un temps nécessaire, compte tenu de la difficulté de la décision et du fait que la femme est parfois soumise à des pressions de la famille – je le sais pour y avoir été confrontée. Avoir un interlocuteur professionnel, dans le cadre d’une période de réflexion, offre la possibilité à la jeune fille ou à la jeune femme d’échapper à cette pression et de s’interroger sur son désir profond. La loi le garantit en fixant ce délai.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er ter non modifié.

Article 2 : Suppression de la clause de conscience spécifique relative à l’interruption volontaire de grossesse et création d’un répertoire recensant les professionnels de santé et les structures pratiquant l’interruption volontaire de grossesse

Amendements identiques AS21 de Mme Michèle Victory, AS18 de Mme Annie Chapelier et AS20 de Mme Delphine Bagarry.

Mme Michèle Victory. Nous proposons de rétablir la suppression de la double clause de conscience, car celle-ci n’apporte aux professionnels aucune protection supplémentaire par rapport à celle que leur procure la clause de conscience générale. Par ailleurs, cette seconde clause entretient une stigmatisation de l’IVG, en le posant comme un acte culpabilisant. Cela revient à dire qu’il faut décider une seconde fois en son âme et conscience. Cette clause n’a aucune utilité.

Mme Annie Chapelier. L’amendement propose de rétablir la rédaction initiale, qui supprime la double clause de conscience. Les médecins opposés à cette suppression prétendent redouter de devoir effectuer des avortements contre leur gré. Or, avec la clause de conscience générale, qui s’applique à tout acte médical, les médecins peuvent refuser, en toute légalité, de pratiquer une IVG. La double clause s’applique non seulement à l’avortement, mais aussi à la recherche sur l’embryon et les cellules-souches, ainsi qu’à la stérilisation à visée contraceptive, tous domaines dans lesquels la réflexion éthique est très profonde. Cependant, l’avortement étant devenu un droit, en France – ce qui est heureux –, la double clause n’a finalement qu’un effet stigmatisant.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. J’ai cosigné l’amendement AS20 de Delphine Bagarry. Dans son texte originel, la proposition de loi supprimait la clause de conscience spécifique, qui fait de l’IVG un acte à part et continue de stigmatiser les femmes. Cette disposition, utilisée de manière insidieuse, fait partie des freins à un accès entier des femmes à l’avortement. Je souhaite donc sa suppression.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La double clause de conscience ne sert qu’à stigmatiser l’IVG. Nous avions proposé de la supprimer dans le texte d’origine, en reprenant une préconisation du rapport de la délégation aux droits des femmes. Nous maintenons notre position et émettons un avis favorable sur les amendements.

M. Thibault Bazin. Il me semblait que ce débat avait été tranché dans l’hémicycle en deuxième lecture. J’ai le souvenir que plusieurs collègues ainsi que le Gouvernement avaient été très prudents s’agissant de la clause de conscience spécifique. L’Ordre national des médecins a rappelé que la loi Veil avait reconnu une certaine spécificité à l’IVG et instauré un équilibre, qui repose en partie sur la clause de conscience. Celle-ci ne constitue pas un doublon de la clause de conscience générale et apporte une protection juridique supérieure puisqu’elle est de niveau, non pas réglementaire, mais législatif. En contrepartie et pour assurer précisément cet équilibre, Simone Veil avait prévu qu’en cas de recours à cette clause de conscience spécifique, le médecin avait l’obligation d’informer et d’orienter la patiente vers un autre praticien. Il n’y a là rien de stigmatisant. Je ne comprends pas que vous reveniez sur cette clause, mesure importante, notamment pour les médecins, qui y sont très attachés. Je vous invite à voter contre l’amendement.

M. Jean-Louis Touraine. Le code de déontologie médicale dispose que les médecins ne sont jamais obligés de prodiguer des soins à un malade, sauf dans les cas d’urgence. Et, n’en déplaise à M. Bazin, cela n’est pas près de changer, car les soins ne peuvent être délivrés que dans un climat de confiance entre le patient et son médecin. Si ce dernier estime que cette condition, indispensable à l’exercice médical, n’est pas remplie, il doit adresser son patient à un confrère, pour que les soins soient effectués dans le cadre de cette relation de confiance. Prévoir une clause de conscience spécifique est néfaste, car celle‑ci est interprétée de façon abusive. D’une part, cela ne laisse pas suffisamment entendre l’obligation faite au médecin d’orienter immédiatement la personne vers un confrère. D’autre part, des établissements de santé privés en ont parfois conclu qu’elle pouvait s’appliquer à l’ensemble de l’institution, ce qui est abusif et intolérable. Cette clause ne peut être invoquée qu’individuellement, par chaque médecin, en son âme et conscience. Aucun établissement ne devrait être autorisé à décider qu’il ne pratiquerait jamais d’IVG. Je suis évidemment favorable à la suppression de la seconde clause de conscience.

Mme Cécile Muschotti. Lorsque nous avons commencé nos travaux, nous ne disposions pas encore de l’avis du CCNE. Nous avions trouvé un équilibre au moment du vote. Depuis, l’avis du CCNE a été publié. Il a conforté notre volonté de porter le délai légal de l’IVG de douze à quatorze semaines. S’agissant de la suppression de la double clause de conscience, nous suivrons également, par cohérence, l’avis du comité. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les médecins demandent que la double clause soit maintenue. Ils souhaitent que l’on reconnaisse ainsi que cet acte n’est pas anodin. Il ne s’agit pas de traiter une maladie. Il faut leur apporter la sécurité qu’ils réclament. La prise en compte de leur demande aidera certains d’entre eux à pratiquer les actes d’IVG.

Par ailleurs, combien de femmes connaissent l’existence de la double clause de conscience et en pâtissent ? A-t-on des chiffres ? Je ne suis pas sûr que l’enjeu soit là. Je crois au contraire que la double clause de conscience ne peut que favoriser l’accès des femmes à la procédure médicale de l’IVG.

Mme Marie-Pierre Rixain. Nous avons beaucoup débattu de cette question au sein de la délégation aux droits des femmes, dont le rapport, je crois, fera date, chacun reconnaissant la qualité de ces travaux.

Rappelons l’historique, nous savons aujourd’hui que la double clause de conscience était une concession faite par Simone Veil à une partie de l’hémicycle pour que le droit à l’IVG soit adopté. Par ailleurs, il est important de replacer le droit à l’IVG dans la perspective des droits des femmes. À l’échelle européenne, ces droits sont devenus totémiques, dans le cadre de nos sociétés progressistes. Il ne faut donc pas se placer dans une perspective éthique mais du point de vue de la possibilité pour les femmes de disposer pleinement de leur corps.

Enfin, la clause de conscience générale constitue déjà une sécurité juridique pour les médecins puisqu’elle leur permet de ne pas pratiquer une IVG. La double clause de conscience fait de l’IVG un acte médical spécifique. Or, en 2022, un tiers des femmes ont déjà eu recours à l’IVG. Près de cinquante ans après le vote de loi Veil, il est temps d’adopter une vision un peu plus moderniste du doit à l’avortement. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement.

Mme Geneviève Levy. Il y a une ambiguïté voire une contradiction dans ce qui vient d’être dit. Chacun en convient, l’IVG n’est pas un acte anodin, il est particulièrement marquant pour la femme qui le subit. Or l’amendement fait de l’IVG un acte médical comme les autres pour lequel la clause de conscience générale suffit. J’ai du mal à comprendre pourquoi vous tenez à supprimer la double clause qui reconnaît la spécificité de cet acte traumatisant.

Mme Annie Chapelier. Je souhaite retirer mon amendement. À l’issue du débat, il me semble qu’il n’est pas de nature à améliorer l’accès à l’IVG. La double clause a surtout une portée symbolique.

Mme Michèle Victory. J’approuve entièrement les propos de Mme Rixain. Nous pouvons faire confiance à la délégation et endosser ses conclusions qui sont le fruit d’un travail transpartisan.

Quant à la référence à la loi Veil, le texte a quasiment cinquante ans. Les contreparties qu’il comporte tiennent au contexte, bien plus compliqué alors. Pour que la loi soit adoptée, des concessions étaient nécessaires dans une société qui n’était sans doute pas tout à fait prête. Nous n’en sommes plus là. Les pays d’Europe qui reviennent sur les droits des femmes s’attaquent aussi à d’autres droits. C’est un chemin dangereux. En défendant les droits des femmes, nous défendons aussi une certaine vision de la démocratie et de la société.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. Le droit à l’avortement, c’est le droit des femmes à disposer de leur corps ; ce n’est pas le droit des médecins à disposer du corps des femmes et à décider du moment auquel ils pratiquent l’IVG.

Est-ce un acte traumatisant ? Une grossesse non désirée est traumatisante, un avortement bien pris en charge ne l’est pas forcément – je peux en témoigner, d’autres femmes exprimeront sans doute un avis différent. Le traumatisme provient souvent d’un accompagnement défaillant du médecin qui fait naître un sentiment de danger et de fragilité. Nous devons réfléchir aux meilleurs moyens d’accompagner les femmes dans l’exercice de leur droit à l’avortement.

La clause de conscience générale s’applique. Comme l’a rappelé M. Touraine, le patient et le médecin sont liés par une relation de confiance. Il n’est pas question d’obliger un médecin à pratiquer un acte. Il pourra toujours invoquer la clause de conscience.

Afin d’améliorer l’effectivité du droit à l’avortement, il est indispensable de réintroduire la suppression de la double clause, laquelle constitue aujourd’hui un frein à l’accès à l’avortement en France.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. En outre, la rédaction proposée est alignée sur celle que notre assemblée a adoptée sur l’interruption médicale de grossesse. Il serait incohérent d’en choisir une autre.

L’amendement AS18 ayant été retiré, la commission rejette les deux autres amendements identiques.

Amendement AS11 rectifié de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La rédaction de l’article 2 adoptée par l’Assemblée nationale avait pour effet de supprimer les dispositions de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique aux termes desquelles « un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux. Mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom d’établissements susceptibles de réaliser cette intervention. »

Or il est nécessaire de maintenir ces dispositions qui figuraient déjà dans la loi Veil – j’ai fait de l’archéologie législative pour m’en assurer.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Les dispositions que vous mentionnez n’ont pas été modifiées. L’article 2 complète l’article L. 2212-3 du code de la santé publique en les reprenant. Rien n’a été supprimé. Votre amendement est donc satisfait.

M. Thibault Bazin. Je maintiens l’amendement en attendant de vérifier.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.

Article 2 bis A : Garantie de la délivrance d’un contraceptif en urgence dans les conditions prévues par le code de la santé publique

Amendement AS12 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La contraception d’urgence désigne les méthodes contraceptives qu’une femme peut utiliser pour prévenir la survenue d’une grossesse non prévue après un rapport sexuel non ou mal protégé. Il en existe deux : la contraception d’urgence hormonale, méthode de rattrapage qui n’a pas vocation à être utilisée de façon régulière notamment en raison du risque d’échec plus élevé que les méthodes de contraception régulières ; le dispositif intra‑utérin au cuivre, méthode de loin la plus efficace jusqu’à cinq jours après la date présumée de l’ovulation et point de départ possible d’une contraception régulière, mais plus difficile à utiliser puisqu’elle requiert l’intervention des praticiens.

Quelle que soit la méthode utilisée, tant la Haute Autorité de santé, dans sa recommandation de bonnes pratiques du 17 septembre 2019, que l’assurance maladie, dans une note du 24 février 2020, considèrent qu’il « n’est pas recommandé d’utiliser la pilule du lendemain deux fois dans le même cycle, c’estàdire entre deux périodes de règles ».

Dans un souci de sécurité, la délivrance de la contraception d’urgence doit donc être contrôlée. Il convient donc de supprimer l’article 2 bis A.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’article 2 bis A précise que l’interdiction de discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins concerne également l’accès à un moyen de contraception en urgence ; il énumère les cas dans lesquels les professionnels de santé peuvent être sanctionnés pour une discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, y compris dans l’accès à un moyen de contraception en urgence.

Il ne s’agit nullement de renoncer à contrôler la délivrance de la contraception d’urgence.

Avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 bis A non modifié.

Article 2 bis : Rapport du Gouvernement sur l’application de la législation relative au délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS25 de Mmes MarieNoëlle Battistel.

Puis elle adopte l’article 2 bis modifié.

Article 2 ter : Rapport du Gouvernement sur l’évaluation du dispositif d’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse

Amendement AS14 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’ajouter dans le rapport, afin qu’il soit le plus complet possible, une évaluation de l’accompagnement des femmes qui souhaiteraient, après réflexion, poursuivre leur grossesse.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. L’article 2 ter est issu d’un amendement de Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le rapport a un autre objet que ce que vous demandez.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS17 de Mme Valérie Six

Mme Valérie Six. L’évaluation du dispositif d’accès des femmes à l’IVG est indispensable. Il est néanmoins proposé d’inclure dans le rapport un volet relatif à la prévention.

L’exemple des Pays‑Bas est à cet égard instructif. C’est l’un des pays d’Europe où l’on recourt le moins à l’IVG car la prévention et l’éducation à la sexualité y sont très performantes.

Assurer le droit des femmes à disposer de leur corps, c’est d’abord éviter la survenance d’une grossesse non désirée.

Mme Albane Gaillot, rapporteure. L’évaluation prévue par l’article 2 ter est indispensable.

Je suis heureuse que vous vous intéressiez à la prévention. Vous savez que j’y prête une grande attention depuis le début de mon mandat. La délégation aux droits des femmes a également formulé de nombreuses recommandations en la matière. Enfin, l’éducation à la sexualité est aussi une préoccupation de Jean-Michel Blanquer – je sais qu’une circulaire a été prise. C’est un sujet à part entière. Toutefois, ce n’est pas l’objet du rapport.

M. Thibault Bazin. Je soutiens pleinement l’amendement. Il faut éviter aux jeunes de se retrouver dans des situations qui peuvent être parfois très compliquées. L’éducation est essentielle. C’est un sujet qui doit concerner tous les parents.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les grossesses non désirées mettent en lumière la nécessité de mener une véritable politique de prévention, pas seulement dans le milieu scolaire ou auprès des jeunes, mais aussi, plus généralement, en direction des femmes. Elles doivent être éclairées notamment sur les différents types de contraception. Un travail de fond doit être engagé. Il serait intéressant que le rapport intègre cette dimension.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 ter non modifié.

Article 3 : Compensation financière

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

La commission des affaires sociales a adopté en nouvelle lecture la proposition de loi, modifiée.

En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4985_texte-adopte-commission#).

 

 

 


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   Annexe :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen, en deuxieme lecture, de la proposition de loi VISANT À renforcer le droit à l’avortement

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1ER

Code de la santé publique

L. 2212-1

1ER bis

Code de la santé publique

L. 2212-2

1ER ter

Code de la santé publique

L. 2212-5

2

Code de la santé publique

L. 2212-3

2 bis A

Code de la santé publique

L. 1110-3

2 bis A

Code de la sécurité sociale

L. 162-1-14-1

 

 

 


([1]) Rapport d’information n° 3343 de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), 16 septembre 2020.

([2]) Article 29 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

([3]) Article R. 4127-47 du code de la santé publique pour les médecins et article R. 4127-328 du même code pour les sages-femmes.

([4]) Article R. 4127-18 pour les médecins et article R. 4127-324 pour les sages-femmes.

([5]) Article 29 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

([6]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11816040_61fa3f402518b.commission-des-affaires-sociales--renforcer-le-droit-a-l-avortement-nouvelle-lecture-2-fevrier-2022