N° 5029

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 février 2022.

 

RAPPORT

 

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LA PROPOSITION DE LOI, adoptée par le Sénat, visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation

 

PAR Mme Anne GENETET

Députée

——

 

 

 Voir les numéros :

   Sénat : 234, 315 et 316 (20212022).

Assemblée nationale : 4975

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

examen des articles

Article 1er A (nouveau)  (art. L. 452-6 du code de l’éducation) Participation d’un conseiller des Français de l’étranger  au conseil d’administration de l’AEFE

Article 1er  (art. L. 452-6 du code de l’éducation) Participation au conseil d’administration de l’AEFE

I. l’état du droit

II. les dispositions de l’article

III. les modifications introduites par le sénat

Article 2  (art. L. 452-6 du code de l’éducation) Composition du conseil d’administration

I.  l’état du droit

II. les dispositions de l’article

III. les modifications introduites par le sÉnat

Article 3 (art. L. 452-2 du code de l’éducation) Élargissement des missions de l’AEFE

I. l’état du droit

II. les DISPOSITIONS de l’article

III. les modifications introduites par le sénat

Article 4  (art. L. 452-3 du code de l’éducation) Création des instituts régionaux de formation

I. LES DISPOSITIONS DE L’article

II. les MODIFICATIONS introduites par le sÉnat

Article 5 (nouveau) (art. L. 452-8 du code de l’éducation) Modification du rapport annuel de gestion de l’AEFE

Article 6 (nouveau) Rapport sur la possibilité d’autoriser l’AEFE à recourir à l’emprunt  pour le financement des projets immobiliers

Article 7 (nouveau) Rapport sur le respect des principes de la République  et en particulier de la laïcité dans les établissements français à l’étranger

Article 8 (nouveau) Rapport sur la mixité sociale dans le réseau et l’accueil des enfants de fonctionnaires et militaires en poste à l’étranger

examen en commission

annexe  1 : Liste des contributions adressées à la rapporteure

 


—  1  —

 

    

   introduction

Pour comprendre les enjeux et la portée de la présente proposition de loi, il importe de la resituer dans le contexte du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, présenté en octobre 2019 et déclinant l’objectif de doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau d’établissements homologués fixé par le président de la République dans son discours de l’Institut le 20 mars 2018.

Ce plan comporte quatre axes stratégiques :

– accueillir plus d’élèves, en s’appuyant sur les atouts de l’enseignement français dans un contexte de concurrence accrue ;

– accompagner la croissance des établissements existants et la création de nouvelles écoles ;

– mieux associer les familles à la vie des établissements du réseau ;

– mieux accompagner le réseau grâce à une mobilisation accrue des ministères, de l’opérateur et des ambassades.

Dans le sillage de ce plan, un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) a été élaboré pour la période 2021-2023 ([1]), comportant également quatre axes stratégiques : accroître l’attractivité de l’enseignement français à l’étranger afin d’attirer de nouveaux publics, renforcer le rôle de l’Agence au service du développement du réseau, développer le rôle de l’Agence comme acteur de la coopération éducative et adapter le fonctionnement de l’Agence pour répondre aux défis du développement de l’enseignement français à l’étranger.

Il s’agit de confirmer et de poursuivre une tendance de croissance du réseau d’enseignement français à l’étranger, qui comptait à la rentrée 2021 543 établissements pour 375 000 élèves, contre 165 000 élèves lorsque l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a été créée par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990. Pour rappel, l’AEFE est placée sous la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJS) est représenté au conseil d’administration, mais n’exerce pas de cotutelle sur l’établissement.

La présente proposition de loi vise à modifier plusieurs dispositions du code de l’éducation, concernant les articles qui régissent l’AEFE (L. 452-1 à L. 452-10). Il s’agit de faire évoluer la gouvernance de l’opérateur et de répondre aux besoins de formation accrus que suscitent le développement du réseau et l’évolution des viviers de recrutement des enseignants, où la tendance va à l’accroissement des personnels de droit local.

Les deux premiers articles visent ainsi à modifier la composition du conseil d’administration de l’AEFE, afin d’y renforcer la représentation des représentants de parents d’élèves et d’y intégrer une représentation des anciens élèves et une représentation des associations de français langue maternelle (FLAM), dont la complémentarité vis-à-vis du réseau d’établissements homologués est soulignée par l’exposé des motifs.

L’article 3 vise à compléter la liste des missions de l’Agence afin de répondre aux nouveaux enjeux auxquels l’AEFE et le réseau font face, à commencer par le développement.

L’article 4 porte sur la création des futurs Instituts régionaux de formation (IRF), qui doivent permettre d’accompagner les besoins en formation suscités notamment par l’accroissement de la part des personnels de droit local dans les établissements du réseau et que la dynamique de développement engagée va augmenter. Les agents exerçant dans les établissements scolaires du réseau à l’étranger peuvent en effet être recrutés selon trois types de contrats différents : le contrat d’expatrié, le contrat de résident ou le contrat de droit local. En 2020, on recensait dans l’ensemble du réseau 903 expatriés, 5 011 résidents et un total de 30 000 personnels de droit local (toutes catégories de poste confondues).

Pour rappel, trois types d’établissements composent le réseau d’établissements d’enseignement français à l’étranger, qui ont en commun d’avoir reçu l’homologation du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. La procédure d’homologation, qui peut correspondre à une première homologation, à un renouvellement ou à une extension de l’homologation à d’autres niveaux scolaires, passe par une campagne annuelle de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du MENJS et repose sur plusieurs étapes ([2]) :

-         instruction par les postes diplomatiques locaux ;

-         transmission par les postes à la direction générale de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau (MEAE), afin d’évaluer l’opportunité diplomatique de l’homologation ;

-         réunion de la commission interministérielle de l’homologation (CIH), présidée par la DGESCO, afin d’évaluer le respect des critères d’homologation fixés par la DGESCO et de rendre un avis.

À la rentrée 2021, on comptait 545 établissements homologués dont 69 établissements en gestion directe (EGD), 152 établissements conventionnés et 324 établissements partenaires :

-         les établissements en gestion directe ou EGD, qui sont des composantes de l’opérateur public et dont le budget est agrégé à celui des services centraux de l’AEFE ;

-         les établissements conventionnés, gérés par des associations de droit privé local du pays de résidence – essentiellement des associations de parents d’élèves formant un comité de gestion – liés à l’AEFE par une convention administrative, financière et pédagogique, qui comporte notamment des principes généraux sur le recrutement et la rémunération des agents titulaires de l’Éducation nationale ;

-         les établissements partenaires, gérés par des associations de droit privé local du pays de résidence et liés à l’AEFE par un accord de partenariat qui porte uniquement sur les questions pédagogiques et de formation des enseignants. Ce sont les établissements qui bénéficient de la plus grande autonomie dans les domaines administratif et financier.

 

 


—  1  —

 

   examen des articles

Article 1er A (nouveau)
(art. L. 452-6 du code de l’éducation)
Participation d’un conseiller des Français de l’étranger
au conseil d’administration de l’AEFE

 

 

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de M. Ronan Le Gleut, sénateur (Les Républicains) représentant les Français établis hors de France, portant article additionnel et insérant un deuxième paragraphe dans l’article L. 452-6 du code de l’éducation afin d’ajouter au conseil d’administration de l’AEFE un conseiller des Français de l’étranger. Il s’agit de ne pas limiter la représentation des conseillers des Français de l’étranger à ceux qui sont également membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, dont la représentation est déjà prévue par le code de l’éducation. Pour rappel, cette Assemblée se compose de 90 conseillers élus parmi les 442 conseillers des Français de l’étranger.

Article 1er
(art. L. 452-6 du code de l’éducation)
Participation au conseil d’administration de l’AEFE

 

 

I.    l’état du droit

La composition du conseil d’administration de l’AEFE est déterminée par l’article L. 452-6 du code de l’éducation et précisée par décret. Aux termes de l’article L. 452-6, figurent ainsi :

-         un président nommé par décret ainsi que deux députés et deux sénateurs ;

-         des représentants des ministres chargés, notamment, des affaires étrangères, de la coopération, de l’éducation et des finances, en nombre au moins égal à la moitié des sièges du conseil d’administration ;

-         des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger, des organismes gestionnaires d’établissements, des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger, ainsi que des personnels affectés tant dans les établissements d’enseignement à l’étranger que dans les services centraux de l’agence.

En vertu de l’article D. 452-7 du code de l’éducation, une liste de participants au conseil d’administration avec voix consultative est également fixée et concerne le directeur, le directeur budgétaire et l’agent comptable de l’AEFE. En outre, le président du conseil d’administration peut choisir d’inviter toute personne dont il estimerait la présence utile à participer au conseil d’administration avec voix consultative.

II.    les dispositions de l’article

L’article 1er vise à élargir la possibilité d’intégrer des membres en qualité d’experts, qui serait désormais définie par la loi. La proposition de loi initiale élargit ainsi la composition du conseil d’administration à un représentant des associations d’anciens élèves et à un représentant des associations de français langue maternelle (FLAM), la commission des affaires étrangères et de la défense et des forces armées du Sénat ayant modifié cet article pour y ajouter une représentation de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (ANEFE).

Du côté des anciens élèves, il s’agirait de renforcer la contribution de l’association mondiale Union-ALFM (Anciens des lycées français du monde) à la gouvernance de l’AEFE. Cet organisme créé en 2010, qui a pour objectif de fédérer les anciens élèves du réseau, réunit aujourd’hui 148 associations locales. L’association s’est vue confier fin 2020 la gestion de la plateforme en ligne d’anciens élèves créée par l’AEFE en 2017, qui compte aujourd’hui environ 8 500 inscrits.

D’autre part, le nouveau conseil d’administration accueillera un représentant des associations français langue maternelle (FLAM). Créé en 2001, le programme FLAM a pour principal objectif de permettre à des enfants français habitant à l’étranger de conserver un contact régulier et construit avec la langue et la culture françaises dans le cadre d’activités extra-scolaires. Il peut également s’adresser à des familles d’autres nationalités dont les enfants ont une connaissance minimale de la langue française. Il s’agit d’un atout précieux pour des familles établies de manière pérenne à l’étranger dont les enfants ne sont pas scolarisés dans des établissements d’enseignement français mais dans des établissements locaux où ils suivent le programme local dans une langue autre que le français.

On compte aujourd’hui 173 associations FLAM en activité dans 39 pays[3] , dont 3 pays qui regroupent près de la moitié des associations : le Royaume-Uni (49), les États-Unis (22) et l’Allemagne (11).

Pour votre rapporteure, cette disposition de la proposition de la loi apparaît particulièrement pertinente pour saluer le rôle de ces associations dans notre diplomatie d’influence et action de promotion de la francophonie.

III.    les modifications introduites par le sénat

En commission, le Sénat a modifié l’article 1er dans le but d’assurer la représentation de l’ANEFE au sein du conseil d’administration de l’AEFE.

Créée en 1975, l’ANEFE a permis d’accorder une garantie de l’État à 160 projets portés par 110 établissements conventionnés ou partenaires de l’AEFE. En échange de cette garantie, l’ANEFE recevait une cotisation égale à 0,4 % des sommes non encore remboursées. Dans les faits, la garantie n’a jamais été activée. Ce dispositif a été suspendu par le décret n° 2019-1211 du 21 novembre 2019, qui a fait suite à un rapport du contrôle général économique et financier (CGEFI) réalisé sur demande du ministère de l’économie, des finances et de la relance et ayant pointé l’irrégularité du dispositif de garantie de prêts de l’ANEFE au regard de son statut juridique (association loi 1901), de l’absence d’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du non-respect des critères prudentiels de solvabilité (fonds propres à hauteur de 10,5 % des engagements financiers) et de contrôle interne pour ce type d’opérations.

Le Sénat a fait valoir l’absence d’effet rétroactif de la suppression du dispositif, en conséquence duquel l’ANEFE continuera à gérer l’encours de prêts déjà accordés, à hauteur de 221 millions d’euros au 31 décembre 2020 pour 53 dossiers, courant jusqu’en 2047.

La commission a également adopté un amendement visant à préciser que les membres siégeant au conseil d’administration en qualité d’experts ne disposent pas de voix délibérative.

Article 2
(art. L. 452-6 du code de l’éducation)
Composition du conseil d’administration

 

 

I.  l’état du droit

L’article 2 porte également sur la gouvernance de l’AEFE et sur les équilibres de représentation au sein du conseil d’administration, dans le but d’améliorer la représentation des fédérations d’associations de parents d’élèves.

Actuellement, et selon une composition déterminée par décret, le conseil d’administration de l’AEFE compte 28 membres :

-         un président, qui depuis 2021 est une personnalité extérieure et non plus le directeur général de la mondialisation du MEAE : M. Bruno Foucher, ancien ambassadeur de France au Tchad, en Iran et au Liban et ancien président du conseil d’administration de l’Institut français, a ainsi été nommé par un décret du président de la République en date du 8 février 2021 ;

-         deux députés (Mme Béatrice Piron et M. Frédéric Petit) et deux sénateurs (M. Ronan Le Gleut et Mme Hélène Conway-Mouret) ;

-         sept représentants du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ;

-         trois représentants du ministre chargé de l’Éducation nationale ;

-         un représentant du ministre chargé du budget ;

-         un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;

-         un représentant du ministre chargé du commerce extérieur ;

-         un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger ;

-         deux représentants d’organismes gestionnaires d’établissements conventionnés, désignés par le ministre des affaires étrangères ;

-         deux représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger désignés dans des conditions définies par arrêté du ministre des affaires étrangères.

Aujourd’hui, deux d’entre elles sont représentées au conseil d’administration : la Fédération des associations de parents d’élèves des établissements français à l’étranger (Fapee), qui représente près de 180 associations de parents d’élèves, et la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), première fédération de parents d’élèves en France, également présente dans de nombreux établissements du réseau. Toutes deux sont reconnues d’utilité publique ;

-         cinq représentants du personnel en service dans les établissements d’enseignement à l’étranger et dans les services centraux de l’AEFE, désignés par les organisations syndicales représentatives dans des conditions définies par arrêté du ministre des affaires étrangères.

Les organisations syndicales représentées aujourd’hui au conseil d’administration sont les suivantes : FSU-SNUipp, FSU-SNES, Sgen-CFDT, UNSA-Education.

II.    les dispositions de l’article

L’article 2 de la proposition de loi prévoit qu’au sein d’un collège formé également de représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger, un tiers au moins de l’effectif sera constitué de représentants des fédérations de parents d’élèves et un tiers au moins de représentants des personnels. Ainsi, le conseil d’administration comptera quatre représentants de ces fédérations au lieu de deux actuellement.

Pour rappel, les parents d’élèves financent désormais le fonctionnement de l’enseignement français à l’étranger à 81 % contre 19 % pour l’État, dont la part est limitée y compris pour le financement des établissements en gestion directe (36 %).

Si la place relative des représentants du personnel sera diminuée par la modification proposée, il s’agirait toutefois d’un changement modeste, avec un passage de 18 à 16 % du total (le conseil d’administration étant appelé à intégrer 31 membres au lieu de 28 actuellement).

III.    les modifications introduites par le sÉnat

En séance, le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que les fédérations de parents d’élèves représentées au conseil d’administration devront répondre être « les plus représentatives », les critères de désignation ayant vocation à être définis par arrêté ministériel. Il s’agit de veiller à ce que l’ajout de deux nouveaux représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves puisse concerner des acteurs ayant une légitimité suffisante, permettant d’assurer une représentation des parents d’élèves dans toute leur diversité sans pour autant donner un poids excessif à des intérêts locaux ou marginaux.

Article 3
(art. L. 452-2 du code de l’éducation)
Élargissement des missions de l’AEFE

 

 

I.    l’état du droit

En vertu de l’article L. 452-2 du code de l’éducation, modifié par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, l’AEFE s’est vue confier les missions suivantes :

-         assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l’éducation ;

-         contribuer au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers au bénéfice des élèves français et étrangers ;

-         contribuer, notamment par l’accueil d’élèves étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises ;

-         aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l’enseignement dans les classes maternelles et élémentaires, dans le second degré et dans le supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ;

-         accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d’enseignement français à l’étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l’éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération ;

-         veiller au respect des principes de l’école inclusive envers les élèves à besoins éducatifs particuliers.

II.    les DISPOSITIONS de l’article

L’article 3 vise à compléter la liste des missions de l’AEFE définie à l’article L. 452-2 du code de l’éducation afin de consolider son rôle en matière de formation et d’aide au développement du réseau. Il s’agit de répondre aux évolutions connues par le réseau depuis la création de l’Agence et de mieux répondre aux évolutions en cours et à venir, souhaitées dans le cadre du plan de développement présenté ci-dessus, en introduisant les trois missions suivantes :

-         contribution à la formation des personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans le réseau d’établissements homologués ou exerçant dans les systèmes éducatifs locaux, au titre de la coopération éducative ;

-         conseil auprès des promoteurs d’initiatives en vue de la création d’un établissement d’enseignement français pour fournir une aide sur le projet d’homologation ;

-         instruction des dossiers de demande de garantie de l’État pour des projets immobiliers, dans le cadre d’un dispositif créé par arrêté en avril 2021 (voir infra).

La première des trois nouvelles missions porte sur la formation des personnels et doit se lire en lien avec la création des instituts régionaux de formation, permise par l’article 4 de la présente proposition de loi.

Les deux autres missions introduites sont liées au développement du réseau, directement pour la première et de façon connexe pour la seconde.

La proposition de loi vise ainsi à confier à l’AEFE une mission de conseil des promoteurs d’initiatives en vue de la création d’un établissement d’enseignement français, dans la « conduite de leur projet d’homologation ».

Pour rappel, l’AEFE s’est dotée en 2019 d’un service d’appui et du développement du réseau, le SADR, intégré à une nouvelle direction, la direction du développement et de l’accompagnement du réseau.

Le SADR accompagne aujourd’hui 57 établissements vers l’homologation au moyen de 421 prestations mises en œuvre par des experts de l’AEFE, à Paris ou sur le terrain. Ces prestations doivent permettre une montée en compétence des établissements dans le cadre des critères de l’homologation. Le respect des critères est ensuite validé par le MENJS dans le cadre des missions d’audit diligentées sur place et au cours de la commission interministérielle d’homologation (CIH). Le plus fort pôle de développement actuel se situe en Afrique du nord (Tunisie, Maroc et Égypte avec une vingtaine d’établissements accompagnés), mais aussi en Côte d’Ivoire ou au Sénégal.

Ses priorités d’action sont les suivantes :

- poursuivre le développement par une évolution raisonnée du réseau dans le cadre des « plans éducation » des postes et avec tous les opérateurs éducatifs repérés ;

- intégrer tous les établissements existants dans l’EFE en favorisant la montée en homologation et en proposant aux écoles à programme français ou approchant de s’inscrire dans les critères de l’homologation ;

- augmenter la visibilité et l’appétence pour l’EFE en travaillant sur l’étude comparative avec la concurrence, en proposant une communication internationale plus « marketing » et contextualisée et en travaillant sur l’atteinte des cibles et des circuits de communication ;

- permettre à l’EFE d’intégrer partout le marché des écoles internationales en proposant une communication plus ciblée, plus informative et plus prospective pour les familles.

Le SADR travaille avec différents profils d’établissements ou de porteurs de projets. Il peut s’agir d’une part d’établissements déjà membres du réseau et souhaitant une extension de l’homologation et d’établissements existants souhaitant une première homologation ou d’établissements en création et d’autre part d’entreprises individuelles ou de groupes d’investissements à caractère éducatif (IEG, Odyssée, HOLGED), ou encore de groupes immobiliers ou de constructions (SODIC - Égypte, Madagascar). Le SADR accompagnait 15 % des établissements ayant obtenu l’homologation à la CIH 2020 et a accompagné 32 % des établissements en demande d’homologation à la CIH 2021 : sur 94 demandes déposées pour les deux CIH de 2021, 30 établissements sont accompagnés par le SADR (32 %), 8 par la MLF (8,5 %), 56 sont en autonomie (61,5 %). 10 établissements « SADR » sont passés à la première CIH de 2021 : 7 favorables (70 %). 17 établissements « SADR » sont en seconde CIH de 2021.

Les prestations réalisées par le SADR sont facturées aux établissements ou aux porteurs de projet selon les tarifs approuvés par le conseil d’administration de l’Agence (30 % à la signature de la convention, 70 % une fois les prestations effectuées). S’y ajoutent les remboursements des frais engagés (déplacement, hébergement). On note en moyenne 7 prestations et 11 500 euros de facture par établissement. Le montant total des prestations en devis établis par le SADR dans ses 57 conventions d’accompagnement s’établit, au 24 août 2021, à 606 825 €.

La troisième mission introduite par la proposition de loi est relative à la création d’un nouveau dispositif de garantie de l’État pour le financement des prêts immobiliers, en remplacement de l’ANEFE (voir supra). Les modalités de ce nouveau dispositif ont été précisées par un arrêté du 2 avril 2021 ([4]), pris en application de la loi de finances initiale pour 2021. Ce nouveau dispositif présente les conditions suivantes :

-         un niveau d’encours à hauteur de 350 M€ uniquement pour les nouveaux projets à partir de 2021 ;

-         une quotité de 80 % pour les établissements au sein de l’Union européenne et de 90 % pour les établissements hors Union européenne ;

-         un taux de la commission rémunérant la garantie fixé par le ministre chargé de l’économie après avis de la commission mentionnée à l’article 10 et compris entre 0,32 % et 1,8 % du capital restant dû à chaque échéance au titre du prêt garanti.

La proposition de loi vient inscrire au niveau législatif une mission d’instruction des dossiers soumis par les établissements d’enseignement déjà prévue par l’article 10 de l’arrêté.

Ce dispositif ne concerne que les établissements conventionnés et partenaires, les établissements en gestion directe (EGD), en tant que services déconcentrés de l’AEFE, ne pouvant bénéficier de ce dispositif de garantie de l’État.

III.    les modifications introduites par le sénat

Les modifications introduites en commission et en séance publique au Sénat ont consisté à ajouter plusieurs mentions visant à préciser et délimiter la mission de formation confiée à l’AEFE. Un accent a été mis sur le lien entre formation des personnels et futurs personnels du réseau et francophonie, en précisant que les formations dispensées à des personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers se font « dans le cadre de programmes de formation dispensés, sauf exception dûment motivée, en langue française ou portant sur le français ». Le dispositif retenu vise à favoriser la promotion de la francophonie mais doit permettre de répondre aux réalités du terrain. En effet, de nombreuses formations ont vocation à être dispensées dans une langue différente du français (langues vivantes, disciplines non linguistiques).

Le Sénat a également introduit avant la mention de la formation des personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans le réseau l’adverbe « prioritairement » afin d’insister sur le caractère premier de cet aspect de la formation, par rapport à la formation menée au titre de la coopération éducative, qui n’en demeure pas moins l’une des missions fondamentales de l’AEFE.

Enfin, l’ajout d’un alinéa à l’article 3 visant à introduire une nouvelle mission à l’article L. 452-2 du code de l’éducation a été voté lors de l’examen en séance publique. Est ainsi confiée à l’AEFE la mission « d’être un laboratoire d’innovation pédagogique pour l’Éducation nationale, en particulier dans le domaine de l’enseignement des langues. » L’AEFE, qui a organisé son premier forum de l’innovation pédagogique en janvier 2020 à Prague, occupe en effet une position privilégiée pour promouvoir et relayer des innovations pédagogiques et en faire bénéficier notre système d’enseignement national. Cela vaut pour les langues étrangères – le plan de développement du réseau présenté en 2019 fixant notamment un objectif de généralisation des sections internationales dans les établissements homologués d’ici à 2030 et l’on peut également citer d’autres outils comme le dispositif PARLE (parcours adapté et renforcé en langues étrangères) ([5]) conçu par le service pédagogique de l’AEFE en 2018 – mais aussi dans d’autres pans de l’innovation pédagogique, par exemple autour de l’usage du numérique. Cet ajout fait écho aux dispositions de l’article L. 401-1 du code de l’éducation, qui prévoit que les écoles et établissements peuvent intégrer à leur projet d’école des expérimentations d’ordre pédagogique.


Article 4
(art. L. 452-3 du code de l’éducation)
Création des instituts régionaux de formation

 

 

I.    LES DISPOSITIONS DE L’article

Le quatrième article de la proposition de loi vise à permettre la création des instituts régionaux de formation (IRF), qui constituent l’un des éléments phare du plan de développement du réseau de 2019 et dont la mise en œuvre a dû être reportée. Si l’article L. 452-3 du code de l’éducation prévoyait déjà la gestion directe par l’Agence d’établissements d’enseignement, une modification du code de l’éducation est en effet nécessaire pour rendre possible la création de ces nouveaux établissements.

Il est ainsi prévu de confier à ces IRF, qui seront gérés directement par l’AEFE et placés à l’étranger, une mission de formation des personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans le réseau ainsi que des personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers, au titre de la mission de coopération éducative de l’AEFE, selon des termes identiques à ceux employés à l’article 3 pour définir la nouvelle mission de formation de l’AEFE.

Au 1er janvier, les 16 IRF attendus, qui ont vocation à remplacer les établissements « mutualisateurs » ([6]), se trouvaient encore dans une forme intermédiaire. Pour l’Agence, l’objectif est de créer les IRF via des établissements en gestion directe spécialisés, pour la formation de tous les personnels. En matière de financement, des aides directes seront versées aux IRF pour compléter les financements des plans régionaux de formation pour un total de 2,50 M€, chaque IRF mutualisant par ailleurs les moyens des établissements de sa zone consacrés à la formation, soit en général 1 % des masses salariales. La gouvernance de chaque IRF sera assurée par une instance administrative et financière, le conseil des affaires administratives et financières, qui regroupera des personnels de l’IRF et de l’Agence, et par d’un conseil pédagogique et scientifique, le CPS, qui sera mobilisé pour élaborer des plans régionaux de formation (validés et mis en œuvre par le CAAF) et réaliser une évaluation des actions menées.

Il importe de souligner que des initiatives locales sont déjà venues apporter une réponse prometteuse au besoin de formation initiale et continue des enseignants recrutés localement (personnels de droit local). C’est le cas notamment au Liban (partenariat AEFE, Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture, Mission laïque française, Université de Clermont–Auvergne) et au Maroc (partenariat Université Internationale de Rabat et Université de Lorraine, Académie de Nancy-Metz).

II.    les MODIFICATIONS introduites par le sÉnat

En commission, le Sénat a modifié les termes de l’article 4 afin de faire de la formation des personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers une possibilité et non une obligation, dans le but de clarifier la mission des IRF et d’établir une priorité aux besoins de formation du réseau.

En séance, un alinéa a été ajouté afin de préciser que « l’instance pédagogique et scientifique des instituts régionaux de formation compte des représentants des enseignants parmi ses membres ». La présence de représentants des personnels était déjà prévue au niveau des conseils des affaires administratives et financières, le conseil pédagogique et scientifique devant compter des enseignants formateurs du premier et du second degré parmi ses membres.

Article 5 (nouveau)
(art. L. 452-8 du code de l’éducation)
Modification du rapport annuel de gestion de l’AEFE

 

 

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de M. Jean-Yves Leconte, sénateur (Socialiste, écologiste et républicain) représentant les Français établis hors de France, sous-amendé à l’initiative du rapporteur Bruno Sido.

Aux termes de l’article L. 452-8 du code de l’éducation, l’AEFE doit publier chaque année un rapport faisant le point sur ses activités et sa gestion, sur les concours et dotations budgétaires, les choix et affectations des agents titulaires et les répartitions géographiques de crédits, de frais de scolarité, du produit des frais de cession ainsi que sur les difficultés rencontrées. L’Agence doit aussi établir des prévisions sur les programmes d’avenir et sur les exigences de développement à l’étranger.

Le présent article additionnel vise à compléter cet article dans le but d’enrichir le rapport annuel d’une présentation de l’ensemble des composantes du barème des bourses et les propositions d’évolution des instructions de la prochaine campagne des bourses scolaires.

Article 6 (nouveau)
Rapport sur la possibilité d’autoriser l’AEFE à recourir à l’emprunt
pour le financement des projets immobiliers

 

 

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice (Socialiste, écologiste et républicain) représentant les Français établis hors de France, portant article additionnel prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 30 juin 2022, d’un rapport portant sur la possibilité d’autoriser l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger à recourir à l’emprunt pour le financement de ses projets immobiliers et sur l’évolution de ses capacités de financement.

Si l’arrêté pris en avril 2021 pour remplacer le dispositif de prêt garanti par l’État via l’ANEFE vise à répondre aux besoins de financement des établissements conventionnés et partenaires, il ne concerne pas les établissements en gestion directe de l’AEFE, qui sont pourtant également appelés à contribuer au développement du réseau. Pour rappel, l’AEFE ne dispose plus de la capacité d’emprunt depuis son inscription sur la liste des organismes divers d’administration centrale (ODAC), selon les modalités définies par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 et ce alors que l’article L. 452-7 du code de l’éducation avait admis la possibilité d’emprunt pour l’AEFE. En outre, le recours aux avances de l’Agence France Trésor pour le financement des projets immobiliers des EGD est aujourd’hui remis en cause. Un groupe de travail réunissant des représentants du MEAE et du ministère chargé des comptes publics a été réuni pour la première fois en décembre 2021 afin de réfléchir à l’élaboration d’un nouveau mécanisme, avec pour objectif d’explorer en priorité les deux pistes suivantes :

– la mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie, qui repose sur la constatation d’une trésorerie abondante au sein du réseau (237 M€ prévu au BR2 2021 dont 167 M€ dans les EGD) et des besoins en avance France Trésor relativement modestes (entre 5 et 10 M€). Il s’agirait d’une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau auprès des services centraux de l’AEFE (les EGD restant propriétaires de cette trésorerie), sans priver, à terme, de cette ressource d’investissement les établissements ayant accumulé des réserves en vue d’un futur projet ;

– le financement sur un fonds mutualisé à partir de contributions des établissements, qui consiste à ne plus faire reposer entièrement ou partiellement le financement de l’investissement immobilier par l’établissement qui en bénéficie, qui aurait toutefois l’inconvénient de relever les charges des établissements plutôt que d’utiliser des crédits déjà disponibles.

L’ajout de cet article fait écho aux interrogations suscitées par l’inscription de l’AEFE parmi les ODAC. Si l’INSEE a confirmé son analyse de fond sur le sujet en mai 2021, le critère d’un financement majoritaire par les « subventions de l’État » ([7]) est de moins en moins confirmé pour ce qui est de l’AEFE et du financement de l’immobilier. En outre, un rétablissement de la capacité d’emprunt de l’Agence permettrait d’éviter qu’une pression ne soit exercée sur les familles pour financer les projets immobiliers, via les droits de scolarité.

Article 7 (nouveau)
Rapport sur le respect des principes de la République
et en particulier de la laïcité dans les établissements français à l’étranger

 

 

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice (Socialiste, écologiste et républicain) représentant les Français établis hors de France, portant article additionnel prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 30 juin 2022, d’un rapport portant sur le respect des principes de la République, et en particulier de la laïcité, dans les établissements français à l’étranger. Il s’agit de fournir au Parlement un état des lieux global des situations souvent très diverses qui sont rencontrées dans le réseau, dans un contexte où l’AEFE a déjà pour mission de contribuer au rayonnement de la culture française et met déjà en œuvre des actions ayant trait aux valeurs républicaines (mise en place d’un réseau de seize correspondants « laïcité », instauration d’une équipe « valeurs de la République », etc.) qui pourraient être valorisées dans le rapport remis au Parlement. Il importera toutefois de rester vigilants sur la méthodologie d’un tel rapport, afin qu’il puisse examiner le plus rigoureusement possible les différentes situations existantes dans le réseau.

Article 8 (nouveau)
Rapport sur la mixité sociale dans le réseau et l’accueil des enfants de fonctionnaires et militaires en poste à l’étranger

 

 

Cet article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement de Mme Mélanie Vogel, sénatrice (Écologiste – Solidarité et Territoires) représentant les Français établis hors de France, sous-amendé par le rapporteur et portant article additionnel prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, d’un rapport évaluant l’état actuel de la mixité sociale dans le réseau d’enseignement français à l’étranger et ses perspectives d’évolution dans le cadre du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, qui aurait également vocation à faire un point sur l’accueil, dans les établissements français à l’étranger, des enfants des fonctionnaires et militaires en poste à l’étranger, en examinant en particulier l’adéquation des majorations et aides qu’ils perçoivent avec les montants de frais de scolarité.

Cela renvoie à la première mission de l’AEFE telle que définie par le code de l’éducation, à savoir, une mission de service public éducatif pour les enfants français établis hors de France. L’objectif de mixité sociale est notamment soutenu par les bourses octroyées chaque année aux familles éligibles, dans un contexte où le quotient maximum d’accès aux bourses scolaires a été assoupli, passant de 21 000 à 23 000 euros et où le montant total distribué a connu une tendance à la hausse, passant de 100,4 millions d’euros pour l’année scolaire 2019-2020 à 108 millions d’euros l’année suivante.

 

 


—  1  —

 

   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 9 février 2022 après-midi, la commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La proposition de loi, déposée au Sénat par Samantha Cazebonne, le 30 novembre dernier, comportait quatre articles. La commission des affaires étrangères et de la défense a adopté, le 5 janvier 2022, cinq amendements du rapporteur, Bruno Sido, et deux de Mme Cazebonne. En séance, le 27 janvier dernier, le Sénat a adopté douze amendements, qui ont notamment introduit cinq articles additionnels.

Notre rapporteure a eu moins de dix jours pour étudier le texte qui nous a été transmis. La proposition de loi sera examinée en séance publique mercredi 16 février.

Mme Anne Genetet, rapporteure. Il ne se passe pas un jour sans que nous, parlementaires des Français établis hors de France, soyons sollicités au sujet de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Notre commission a été saisie de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faire évoluer la gouvernance de l’AEFE et à créer les instituts régionaux de formation (IRF) de nos enseignants. Il s’agit d’un texte attendu, qui s’inscrit dans une séquence ouverte par le Président de la République, en mars 2018, lors de la présentation du plan pour la langue française et le plurilinguisme. C’est à cette occasion qu’a été fixé l’objectif de doublement du nombre d’élèves accueillis dans le réseau d’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030.

À l’automne 2019, un plan de développement de ce réseau a été présenté autour de quatre axes stratégiques : accueillir plus d’élèves ; accompagner la croissance des établissements existants et la création de nouvelles écoles ; mieux associer les familles à la vie des établissements ; mieux accompagner le réseau grâce à une mobilisation de l’AEFE, des ministères concernés et des ambassades. Dans le sillage ce plan, un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) a été élaboré pour la période 2021-2023. Il nous a été présenté, il y a un mois, par notre collègue Frédéric Petit, qui a rappelé, à cette occasion, qu’il fallait travailler à un nouveau COM avant l’achèvement de celui-ci.

La proposition de loi, qui modifie plusieurs articles du code de l’éducation, s’inscrit dans cette dynamique. Il s’agit de donner à l’AEFE les moyens de jouer son rôle de colonne vertébrale du réseau d’enseignement français à l’étranger. Pour rappel, le réseau comptait, à la rentrée 2021, 545 établissements et 375 000 élèves, contre 165 000 en 1990. L’objectif fixé par le Président de la République revient donc à doubler en douze ans, d’ici 2030, le nombre de ces élèves, alors que le précédent doublement avait été atteint en trente ans : tel est le défi à relever.

Dans le même temps, la proposition de loi vise à modifier la gouvernance de l’AEFE en modifiant la composition et les équilibres de son conseil d’administration. Il s’agit de mieux prendre en compte les évolutions engagées depuis la création de l’agence, en 1990, à commencer par la place croissante des familles dans le financement des établissements du réseau, auquel elles contribuent à hauteur de 81 %. Le nouvel équilibre instauré par la proposition de loi portera donc de deux à quatre le nombre de représentants de fédérations de parents d’élèves siégeant au conseil d’administration.

Ainsi, les premiers articles de la proposition de loi visent à renforcer la représentation des parents d’élèves au sein du conseil d’administration, et à y intégrer une représentation des anciens élèves – qui jouent un rôle clef dans la vie du réseau et dans notre diplomatie d’influence – ainsi que des associations de français langue maternelle (FLAM). Ce réseau a été créé en 2001 dans le but de permettre un contact régulier des enfants avec la langue et la culture françaises dans un cadre extrascolaire, notamment aux enfants qui ne sont pas situés à proximité de l’un de nos établissements ou qui sont binationaux et pratiquent donc une deuxième langue à la maison. Sa complémentarité avec le réseau d’enseignement homologué constitue un véritable atout.

Le Sénat a adopté deux modifications. La première porte sur l’octroi d’un siège à un conseiller des Français de l’étranger, qui vient s’ajouter au siège déjà dévolu à un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger. La deuxième porte sur la représentation de l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger (ANEFE), association chargée, entre 1975 et 2020, de garantir les prêts accordés à 110 établissements conventionnés ou partenaires de l’AEFE pour financer leur développement immobilier. Si le dispositif a été supprimé récemment, la logique qui a prévalu lors du vote a fait valoir le caractère non rétroactif de cette suppression. En conséquence, l’ANEFE devra continuer à gérer l’encours de prêts restants jusqu’en 2047.

Ces deux ajouts se situent à deux niveaux différents, le représentant de l’ANEFE ayant vocation à siéger en tant qu’expert, sans voix délibérative, au même titre que les représentants des associations FLAM et des anciens élèves, alors que le conseiller des Français de l’étranger disposera d’un siège avec voix délibérative, au même titre que les représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves.

Pour accompagner le développement du réseau, l’article 3 complète la liste des missions confiées par le législateur à l’AEFE. Celles-ci étaient jusqu’à présent au nombre de six, allant d’une mission de service public éducatif pour les enfants français établis hors de France à la coopération éducative, en passant par le rayonnement de la langue et de la culture françaises et les aides et bourses apportées aux familles, tout en veillant au respect des principes de l’école inclusive.

Deux des trois nouvelles missions– quatre en comptant l’ajout voté par le Sénat – sont étroitement liées au développement du réseau. La première confie à l’AEFE un rôle de conseil des promoteurs d’initiatives en vue de la création d’établissements afin de les aider à élaborer leur projet d’homologation. En effet, l’homologation n’est pas accordée par l’AEFE mais par le ministère de l’éducation nationale, sur la base d’une liste de critères préétablis et après une instruction préalable des dossiers par les postes diplomatiques locaux. Nos établissements à l’étranger sont soumis à deux procédures : l’homologation puis, le cas échéant, le conventionnement avec l’AEFE. Pour exercer cette nouvelle mission de conseil, l’AEFE pourra s’appuyer sur le service de l’appui et du développement du réseau (SADR), créé en 2019, qui accompagne déjà près de soixante établissements auxquels il fournit des prestations facturées.

La deuxième des nouvelles missions porte également sur le développement du réseau, quoique d’une manière moins directe : l’AEFE sera désormais chargée d’instruire les dossiers déposés dans le cadre du nouveau dispositif de garantie de l’État pour le financement des emprunts immobiliers des établissements conventionnés et partenaires, créé au printemps 2021. En effet, l’AEFE – et par-là même les établissements en gestion directe (EGD) – ne dispose plus de la capacité d’emprunt depuis son inscription sur la liste des organismes divers d’administration centrale (ODAC), selon les modalités définies par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014. Le recours par l’agence aux avances de l’Agence France Trésor (AFT) est également remis en cause, ce qui a suscité la création d’un groupe de travail ministériel appelé à formuler des propositions.

Les difficultés auxquelles l’agence est confrontée ont justifié l’adoption au Sénat d’un amendement en vue de la remise au Parlement d’un rapport sur la possibilité d’autoriser l’AEFE à recourir à l’emprunt pour le financement des projets immobiliers, sans lesquels nos établissements ne peuvent exister. C’est un sujet très important dans la mesure où les EGD sont appelés, eux aussi, à contribuer au développement du réseau et où les contraintes de l’Agence peuvent se répercuter sur les familles, au travers des frais de scolarité. Nous devons rester vigilants afin d’éviter qu’une forte pression ne soit exercée sur les familles.

La nouvelle mission introduite par le Sénat porte quant à elle sur l’innovation pédagogique, qui constitue déjà un des atouts du réseau d’établissements homologués, notamment dans le domaine des langues vivantes. Nous avons beaucoup à gagner en développant et en renforçant les liens et les synergies entre les établissements du réseau et nos écoles en France. Ainsi, concernant le développement de l’enseignement à distance, nos établissements à l’étranger ont parfois développé des modèles et des outils innovants en raison de la situation sanitaire – au Vietnam, les établissements viennent juste de rouvrir, après plus d’un an d’école à distance.

La quatrième mission revêt une importance particulière car elle porte sur la formation, en lien étroit avec l’article 4, qui vise à créer les IRF – ceux-ci, au nombre de seize, seront gérés directement par l’Agence. L’objectif est de répondre aux besoins croissants suscités par la dynamique de développement du réseau, dans lequel la part des personnels recrutés localement augmente. Pour rappel, les personnels employés dans le réseau peuvent avoir un statut d’expatrié, qui est en recul, de résident ou de droit local.

Renforcer notre action en matière de formation est une condition sine qua non pour garantir le maintien de la qualité de notre réseau. Le Sénat a introduit une modification visant à rapprocher la formation des personnels et la défense de la francophonie : si un tel lien est pertinent, ces formations devront aussi se faire en langues étrangères pour répondre à la réalité des besoins, en langues vivantes ou dans les disciplines non linguistiques – deux atouts de notre réseau.

Le Sénat a par ailleurs modifié la gouvernance des IRF : celle-ci s’appuiera sur un conseil administratif et financier, d’une part, et sur un conseil pédagogique et scientifique, d’autre part. Si ce dernier devait déjà compter des enseignants formateurs en son sein, une représentation des enseignants a été introduite en complément.

Enfin, la remise de deux autres rapports au Parlement a été votée par le Sénat. Le premier porte sur le respect des principes de la République, en particulier de la laïcité – principe important mais mal connu dans certains pays –, dans notre réseau. Il permettra de valoriser certaines actions déjà menées par l’agence, comme le réseau de correspondants laïcité, mais il faudra veiller à ce qu’il puisse examiner le plus rigoureusement possible la variété des situations existantes dans le réseau d’établissements homologués.

Le deuxième rapport porte sur la mixité sociale dans le réseau, ainsi que sur l’accueil des enfants de fonctionnaires et de militaires en poste à l’étranger. Il devra notamment examiner l’adéquation des majorations et des aides qu’ils perçoivent avec les montants des frais de scolarité. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de la première mission de l’AEFE, telle qu’elle est définie par le code de l’éducation : « Assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l’éducation ».

L’objectif de mixité sociale est soutenu par les bourses octroyées chaque année aux familles éligibles. Grande force de notre réseau, elles le singularisent. Leur enveloppe a augmenté, pour atteindre 108 millions d’euros en 2020-2021. Dans le cadre de la crise sanitaire, le Gouvernement a même alloué une rallonge de 50 millions d’euros. Cet effort exceptionnel a permis aux familles de compenser, le cas échéant, une perte d’emploi.

Sur ce sujet, le Sénat a également voté l’introduction dans le rapport annuel de gestion de l’AEFE d’une présentation de l’ensemble des composantes du barème des bourses et des propositions d’évolution des instructions de la prochaine campagne des bourses scolaires, dans un souci de transparence.

Mes chers collègues, à l’issue de cette présentation générale de la proposition de loi et des avancées qu’elle permettra de mettre en œuvre pour soutenir le réseau d’enseignement français à l’étranger, je vous invite à la voter sans modification. L’équilibre atteint lors de son examen au Sénat et la nécessité de son entrée en vigueur dans les meilleurs délais plaident pour une telle adoption. Je vous remercie par avance de votre soutien.

M. Jean-François Mbaye (LaREM). Madame la rapporteure, je salue votre implication en la matière, ainsi que celle de notre collègue Frédéric Petit et de notre collègue sénatrice Samantha Cazebonne. Ces élus des Français établis hors de France ont su démontrer la pertinence et l’importance de ce sujet, qui peut sembler un peu lointain.

En 2021, l’AEFE gère 543 établissements, qui accueillent 375 000 élèves, dont 60 % d’étrangers. Elle bénéficie de 520 millions d’euros de crédits budgétaires. La crise sanitaire a amené le Gouvernement à lui octroyer une rallonge. Il s’agit donc d’une masse importante.

La proposition de loi que nous examinons contribuera à accompagner la croissance du réseau d’enseignement français à l’étranger. L’ambition est de doubler les effectifs à l’horizon 2030, conformément au plan de développement du réseau, adopté en 2019 et décliné dans le contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023 en quatre axes stratégiques.

Nous avons reçu une lettre de l’Union des associations des parents d’élèves de l’étranger (UNAPE), qui se félicite de l’adoption de la présente proposition de loi par le Sénat, non sans regretter, mais sans en faire un point de blocage, que la réforme du conseil d’administration de l’AEFE ne l’ait pas aligné sur le modèle en vigueur dans les établissements de France.

J’aimerais poser deux questions.

En 2020, les frais de scolarité des écoles du réseau de l’AEFE ont augmenté, ce qui risque d’en exclure les élèves dont les parents ne peuvent pas suivre le rythme de cette augmentation. Grâce à la présente proposition de loi, les parents d’élèves seront consultés avant toute décision relative à une augmentation des frais d’inscription. J’aimerais savoir quelles sont les préconisations à ce sujet dans la perspective du doublement des effectifs à l’horizon 2030.

J’aimerais également savoir ce que vous pensez, en tant qu’élue des Français établis hors de France, de la différenciation tarifaire pratiquée par certaines écoles du réseau de l’AEFE. Certains élèves français sont inscrits en qualité de ressortissants du pays où ils se trouvent pour bénéficier de frais d’inscription plus avantageux. Cette pratique ne risque-t-elle pas d’affecter les ressources des établissements concernés ?

S’agissant de l’accès aux bourses scolaires, qui sont essentielles pour permettre à toutes et tous d’étudier compte tenu des coûts de scolarisation à l’étranger, certaines familles de la classe moyenne subissent un effet de seuil, qui autorise à s’interroger sur le bien-fondé des critères d’attribution de ces bourses.

Le groupe La République en Marche votera la proposition de loi avec enthousiasme.

M. Frédéric Petit (Dem). Nous attendions depuis longtemps cette proposition de loi assez technique. Je remercie Anne Genetet de son rapport.

En préambule, j’aimerais saluer Madeleine, élève de troisième d’un lycée français de ma circonscription, qui effectue son stage parmi nous et est hébergée par ses grands-parents. Comme chacun peut le voir, nous, Français établis à l’étranger, existons bel et bien ! Je suis ravi de l’accueillir dans notre commission.

J’aimerais formuler quatre observations.

Nous contribuons à l’action de la France à l’étranger en modifiant le code de l’éducation. Les rapports que j’ai rédigés démontrent que je suis attaché à la fonction de diplomate généraliste, selon les mots du Président de la République. Il n’en faut pas moins agir par métier, en l’espèce celui de l’éducation, exercé partout sur la planète. Il me semble que fixer dans la loi la langue utilisée par un organisme de formation, c’est aller un peu loin, mais je me réjouis que le texte adopté par le Sénat nous dispense d’y ajouter des garde-fous.

L’intégration des familles, des FLAM et des anciens élèves dans le conseil d’administration de l’AEFE est un combat que nous menons depuis quatre ans. L’action de la France désignée par l’expression « diplomatie d’influence », que je n’aime pas, est le fait des Français établis hors de France et pas uniquement des diplomates. Ces familles financent cette action. Elles sont parfois au front de la diplomatie : tenir une école française dans un pays un peu en crise, n’est pas simple. Elles sont exposées à l’application du droit local. Quant aux anciens élèves et aux FLAM, ils sont très présents dans les communautés françaises et francophiles à l’étranger.

La création des instituts régionaux de formation est fondamentale. Samantha Cazebonne a remis un rapport à ce sujet au début de la législature. Depuis lors, nous menons ce combat. Leur inscription dans le code de l’éducation est fondamentale. Elle permettra à l’AEFE de mieux accomplir sa tâche de coopération éducative avec les autorités locales, qu’elle a souvent délaissée depuis trente ans.

Comme le démontre la lettre que nous a adressée l’UNAPE, la présente proposition de loi est un modèle de concertation, laquelle a commencé dès la remise du rapport de Samantha Cazebonne. Depuis lors, nous construisons et nous réfléchissons au moyen le plus économe de faire évoluer le droit. La présente proposition de loi est le véhicule législatif ad hoc. Le groupe MODEM la votera.

M. Meyer Habib (UDI-I). J’ai l’honneur d’être le plus ancien, à défaut d’être le plus vieux, député des Français établis hors de France. Ceux-ci forment une magnifique population, en pleine expansion. Leur nombre a augmenté de 30 % au cours des dix dernières années, pour atteindre environ 2,5 millions de personnes, soit davantage que la population de Paris ou autant que celle de l’outre-mer. Je salue Madeleine, qui en fait partie. Mademoiselle, c’est un honneur et un bonheur de vous avoir parmi nous. Quant à ma circonscription, qui englobe l’Italie, la Turquie, la Grèce et Israël, j’oserai dire, avec tout le respect que je porte aux autres, qu’elle est la plus belle de celles qui se situent à l’étranger.

En sus des immenses opportunités qu’offre la francophonie en matière culturelle, économique, diplomatique et politique, il incombe à l’État de continuer à transmettre aux citoyens français établis hors de France la culture française. Telle est la mission de l’AEFE, créée en 1990 pour assurer la continuité de l’enseignement français, dont la qualité est reconnue dans le monde entier, et que les Français établis hors de France plébiscitent pour leurs enfants. Des élèves étrangers fréquentent aussi nos établissements, de sorte que l’AEFE contribue au rayonnement de notre langue, de notre culture et de nos valeurs grâce à leur accueil massif. Il s’agit d’un atout majeur pour la France. Le Gouvernement semble l’avoir compris en lui fixant des objectifs importants.

Toutefois, les moyens financiers et juridiques de l’AEFE me paraissent insuffisants. En 2017, l’annulation de crédits, à hauteur de 33 millions d’euros, a eu des conséquences négatives durables sur l’AEFE. Elle n’a pas été entièrement compensée par l’augmentation de 25 millions d’euros prévue par la loi de finances initiale pour 2020. La baisse des aides à la scolarité pour les élèves français et, surtout, le recul des effectifs constituent d’autres difficultés, en contradiction avec l’objectif de doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger.

L’une des entraves principales au développement de ce réseau réside dans l’interdiction faite à l’AEFE d’emprunter à moyen et à long terme. Placée sur la liste des ODAC, l’AEFE ne peut contracter un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois. Or le développement du réseau suppose des opérations immobilières pour amplifier les capacités d’accueil des établissements en gestion directe. Sur ce point, la présente proposition de loi va dans le bon sens. Elle assure notamment une meilleure représentation des parents d’élèves au conseil d’administration de l’AEFE, qui contribue à l’essentiel des frais de fonctionnement des établissements.

Il n’en est pas moins impératif d’augmenter significativement les ressources de l’AEFE et de l’autoriser à recourir à l’emprunt pour financer ses futurs projets de manière autonome et durable. Les amendements votés par le Sénat vont dans le bon sens.

Le groupe UDI-I votera le texte sans hésitation.

M. Pierre Cabaré. C’est un plaisir de voir une rapporteure aussi impliquée, qui a toujours su défendre sa circonscription de manière extrêmement humaine. Je la remercie pour son rapport, mais aussi d’avoir représenté effectivement les Français de l’étranger : ainsi, nous les connaissons mieux et nous les défendrons.

J’ai eu l’occasion de me rendre dans la capitale du Kazakhstan – alors Astana, désormais Noursoultan – et il est exact que sans l’aide de Total, il serait très difficile de faire vivre l’école française internationale qui y est installée.

Mme Anne Genetet, rapporteure. Le sujet de l’enseignement français à l’étranger peut paraître lointain, mais il est en fait beaucoup plus proche qu’on le pense parfois. Mes chers collègues, dans chacune de vos circonscriptions se trouvent des élèves qui ont étudié à l’étranger avant de revenir en France ou, au contraire, dont les parents partent s’y installer.

Les deux tiers des élèves de notre réseau sont étrangers, et l’on aimerait que beaucoup d’entre eux, si ce n’est la majorité, viennent étudier dans l’enseignement supérieur français. Je compte sur vous pour promouvoir la qualité de l’enseignement dispensé par le réseau d’enseignement à l’étranger et celle des élèves qui en sont issus auprès des responsables d’écoles et d’établissements que vous rencontrez. Ces élèves savent « penser en dehors de la boîte » : leur famille a pris des risques en allant s’établir à l’étranger et ils font preuve d’une créativité, d’une originalité et d’une capacité à comprendre les différences culturelles qui sont extrêmement enrichissantes. Je peux vous assurer que lorsque ces élèves rentrent en France, ils se sentent parfois un peu étrangers chez eux, parce qu’ils arrivent avec la richesse de venir d’ailleurs et de s’être ouvert à une autre culture.

J’en viens à la question posée par Jean François Mbaye sur les frais de scolarité. La proposition de loi vise à trouver des solutions pour accompagner le développement du réseau d’enseignement à l’étranger. Les modalités de prise en compte du financement de l’immobilier pèsent souvent lourd dans le calcul des frais d’écolage. Mais il faut rappeler qu’il existe un système d’octroi de bourses pour les élèves français qui est extrêmement important et qu’il convient de conserver.

Il y a trois ans, j’avais déposé un amendement au projet de loi de finances portant sur le calcul du plafond de revenus pour l’attribution de ces bourses. Je l’avais retiré à la demande du Gouvernement, qui a traité cette question par la suite par la voie réglementaire. Ce plafond a ainsi été légèrement rehaussé, mais je considère qu’il est encore trop bas.

En effet, une partie des classes moyennes n’a pas accès à ces aides. Surtout, la principale difficulté réside dans le fait qu’il existe deux catégories de familles. D’une part, celles qui cotisent au système de retraite par répartition, dont on peut estimer que les cotisations correspondent à une forme de constitution de capital mais qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du revenu disponible. D’autre part, les familles qui ne bénéficient pas de ce système et qui doivent constituer un capital retraite, sous la forme de liquidités, d’investissements ou d’un bien immobilier. Dans leur cas, ce capital est hélas pris en compte pour déterminer le revenu disponible, ce qui a de lourdes conséquences en matière d’accès aux bourses scolaires.

Je souhaite que l’on réfléchisse à la manière de comptabiliser un premier bien immobilier ou ce qui peut être considéré comme un capital retraite pour la détermination de la quotité de bourse octroyée aux élèves. Il faut rehausser le plafond de revenus et prendre en compte ce qui représente un capital retraite, pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité.

Je vous remercie par avance de soutenir la proposition de loi et l’ensemble du réseau d’enseignement français à l’étranger.

M. Frédéric Petit. Ce réseau n’est pas lointain, puisque l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et le ministre délégué Jean-Baptiste Lemoyne ont été formés dans des lycées français à l’étranger.

S’agissant de l’évolution des crédits, je ne peux pas laisser répéter certaines choses. On ne peut pas comparer les 33 millions d’euros de crédits de paiement annulés en une fois en 2017 avec les 25 millions d’euros de crédits supplémentaires ouverts par la loi de finances pour 2020 ; cela n’a aucun sens comptable. L’effort qui avait alors été demandé à l’AEFE représentait quinze jours de trésorerie, et l’agence s’était adaptée en anticipant de quelques semaines les remontées de recettes tirées de droits d’écolage. Je sais que l’on entre dans la période de campagne électorale, mais je maintiens que l’annulation portait sur des crédits de paiement et que les autorisations d’engagement n’ont jamais diminué.

Le problème posé par l’endettement des ODAC ne concerne que les établissements en gestion directe. Au cours de cette législature, nous avons ouvert une nouvelle ligne de garantie de prêts par l’État, laquelle ne relève plus de l’AEFE mais du ministère des finances. En facilitant l’emprunt, nous avons résolu les problèmes d’immobilier et d’investissement des établissements conventionnés et partenaires – soit 85 % des établissements d’enseignement français à l’étranger. La procédure que doit suivre un établissement en gestion directe pour financer par l’emprunt une extension ou une importante rénovation ressemble à une usine à gaz. Il faudra qu’un jour l’AEFE ne fasse plus partie de la catégorie des ODAC, ce qui serait tout à fait logique.

En ce qui concerne les frais de scolarité pour les familles, je rappelle également que l’on parle seulement des 15 % de lycées dont l’AEFE fixe les tarifs. Tous les autres sont des lycées de droit local, qui déterminent leurs tarifs comme ils l’entendent et sur lesquels nous n’avons pas d’influence – en général, ces tarifs ne sont pas contestés.

S’agissant du lien entre les lycées français à l’étranger et le système universitaire français, il a fallu que nous montions au créneau lors de cette législature car ces lycées avaient été oubliés par Parcoursup. Ce dernier est désormais adapté et nous n’avons plus de problèmes. Non seulement les bacheliers des lycées français à l’étranger peuvent facilement aller sur Parcoursup, mais la valeur particulière de leur cursus est reconnue par les établissements supérieurs.

M. Jean François Mbaye. Je ne voudrais pas que mes propos laissent croire que je considère que le réseau de l’enseignement français à l’étranger est un sujet lointain, pour la simple et bonne raison que j’en ai moi-même bénéficié. Je voulais dire que ce thème n’avait pas été suffisamment exploré, alors que son importance est primordiale. C’est désormais fait.

Je reconnais bien volontiers que l’AEFE ne fixe les tarifs que pour 15 % des établissements, mais certaines modalités peuvent susciter des interrogations. Des binationaux peuvent acquitter le tarif applicable à la population locale, alors que le niveau des revenus de leurs parents pourrait justifier l’application de la tarification retenue pour les Français expatriés.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On pourrait dire, comme Jacques Chirac, que l’enseignement français à l’étranger, c’est loin mais c’est beau.

Article 1er A (nouveau)

La commission adopte l’article 1er A non modifié.

Article 1er

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Article 4

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Article 5 (nouveau)

La commission adopte l’article 5 non modifié.

Article 6 (nouveau)

Amendement AE1 de M. Alain David.

M. Alain David. Cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés demande au Gouvernement un rapport qui étudie la possibilité pour l’AEFE de recourir à l’emprunt. Il s’agit de trouver des solutions adaptées à l’un des problèmes structurels les plus importants, susceptible d’affecter le développement futur du réseau d’enseignement français à l’étranger. L’AEFE ne peut emprunter qu’à très court terme – un an – auprès de l’Agence France Trésor, pour subvenir à des difficultés financières inattendues.

Face à la nécessité de développer le réseau de l’enseignement français à l’étranger pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de doubler les effectifs accueillis, il serait inconcevable de ne pas donner à l’AEFE les moyens de financer l’acquisition ou la construction indispensable de nouveaux locaux d’enseignement. Comme nous ne pouvons pas augmenter les crédits pour aider directement cette agence, nous souhaitons lui permettre d’emprunter dans des conditions différentes.

Mme Anne Genetet, rapporteure. Le moment venu, il faudra en effet se pencher sur les capacités d’emprunt à moyen et à long terme des établissements en gestion directe. Au nombre de soixante-neuf, ils constituent une minorité au sein du réseau et représentent de l’ordre de 15 % des établissements. Mais ils jouent bien entendu un rôle très important dans le développement de ce réseau et pour répondre à l’objectif de doublement du nombre d’élèves fixé par le Président de la République.

Je salue votre souhait de nourrir la réflexion, mais la rédaction du Sénat est tout à fait satisfaisante car elle aborde à la fois les capacités d’emprunt et celles de financement. De plus, elle introduit une date pour la remise du rapport – le 30 juin 2022 – plus proche que le délai d’un an après la promulgation de la loi prévu par votre amendement tout en étant réaliste Il faut en effet aller vite pour accompagner le développement du réseau. Un groupe de travail a en outre été créé par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et par celui chargé des comptes publics afin de formuler rapidement des propositions sur un mécanisme qui aura vocation à remplacer les avances de l’AFT et à répondre au besoin d’emprunt à moyen et à long terme. Demande de retrait.

M. Frédéric Petit. Ce sujet est très compliqué et la capacité d’emprunt de l’AEFE n’est pas le seul problème. En effet, faute de pouvoir emprunter, elle se tourne vers les familles. Je vous laisse imaginer la situation lorsque des familles financent pendant des années la construction d’un bâtiment qui ne voit pas le jour. Je l’ai vécu au Caire.

Nous devrons sortir l’AEFE de la catégorie des ODAC. Pour anticiper la concrétisation de certains projets, l’argent des familles est placé sur des comptes sur lesquels ces familles finissent par perdre toute visibilité. C’est une véritable bombe à retardement.

En revanche, Mme la rapporteure a raison, la rédaction de votre amendement est moins satisfaisante que celle de l’article 6.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 6 non modifié.

Article 7 (nouveau)

La commission adopte l’article 7 non modifié.

Article 8 (nouveau)

La commission adopte l’article 8 non modifié.

Puis, la commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

Mme Anne Genetet, rapporteure. Je vous remercie, chers collègues. Ce réseau doit se développer car il s’agit d’un outil d’influence exceptionnel. Les élèves d’aujourd’hui seront nos vecteurs d’influence dans vingt ou trente ans.

 

 

 


—  1  —

 

   annexe n° 1 :
Liste des contributions adressées à la rapporteure

 

 

 

 


([1]) La commission des affaires étrangères a rendu un avis positif sur ce COM : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b4869_rapport-information#

([2]) Parmi les critères d’homologation, qui ont récemment fait l’objet d’une simplification, on trouve la conformité de l’enseignement aux programmes du MENJ, la présence d’élèves français, l’enseignement dispensé en langue française ou encore le respect des principes de gouvernance et de gestion des établissements scolaires. Voir notamment https://www.aefe.fr/sites/default/files/asset/file/2021-2022-menjs-presentation-campagne-homologation.pdf

[3] Algérie, Allemagne, Arménie, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Croatie, Danemark, Émirats arabes unis, Espagne, Estonie, États-Unis, Grèce, Hongrie, Inde, Iran, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Liechtenstein, Malte, Mexique, Mongolie, Namibie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Taïwan, Tunisie, Uruguay.

([4]) Cet arrêté porte notamment sur les caractéristiques et les modalités d’appel de la garantie, ainsi que sur les critères à remplir par les établissements d’enseignement bénéficiaires de l’emprunt destiné à financer leurs opérations immobilières : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043339351

([5])  Les parcours PARLE (parcours adaptés et renforcés de langues étrangères) conçus par l’AEFE ont pour objectif de conforter qualitativement la formation linguistique des élèves, de renforcer la maîtrise d’une langue vivante étrangère autre que la langue du pays hôte. Ils peuvent être proposés en allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, italien, japonais, portugais, russe et vietnamien. Il s’agit de proposer aux élèves, en complément des horaires réglementaires de langues vivantes, un enseignement disciplinaire dans cette même langue, selon le principe de l’EMILE (enseignement d’une matière intégrée en langue étrangère) dans le premier degré ou d’une DNL (discipline non linguistique) dans le second degré.

([6]) Les établissements mutualisateurs ont été mis en place par l’AEFE afin de gérer des dispositifs déconcertés, à commencer par les Plans des formations des personnels, la gestion d’autres dispositifs ayant progressivement été mise en place

([7]) https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1451