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N° 147

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances rectificative pour 2022
(n° 17),

PAR M. Jean-René CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

exposÉ gÉnÉral

I. de nouvelles incertitudes macroÉconomiques

A. Une croissance revue À la baisse

B. Le redressement et la diffusion de l’inflation

II. Les finances publiques restent mobilisÉes pour soutenir l’Économie et le pouvoir d’achat

A. Le dÉficit public reste stable grÂce À la hausse des recettes publiques

1. Le déficit des administrations publiques

2. Le solde de l’État

B. La hausse du rendement des recettes publiques

1. Les prélèvements obligatoires des administrations publiques

2. Les recettes de l’État

a. L’impôt sur le revenu

b. L’impôt sur les sociétés

c. La taxe sur la valeur ajoutée

d. La taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE)

e. Les autres recettes fiscales nettes

f. Les recettes non fiscales

C. Le maintien d’un niveau ÉlevÉ de dÉpenses publiques

1. Le niveau de dépenses publiques est revu à la hausse

a. La croissance des dépenses publiques

b. Sur le périmètre de l’État, les crédits placés dans la norme de dépenses pilotables augmentent significativement

2. Des ouvertures de crédits en réponse à la dégradation du contexte macroéconomique

D. L’Évolution du ratio de dette publique

1. L’amélioration du ratio d’endettement public

2. La question de la soutenabilité de notre dette

III. D’importants mouvements rÉglementaires

A. Un niveau de reports de crÉdits Exceptionnel

B. La prise d’un dÉcret d’avance pour la deuxiÈme fois en deux ans

travaux de la commission

auditions de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Audition de M. Pierre Moscovici, Premier prÉsident de la Cour des comptes et prÉsident du Haut Conseil des finances publiques

examen des articles

Article liminaire Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2022

PREMIÈRE PARTIE CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Avant l’article 1er

Article additionnel avant l’article 1er Plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

Avant l’article 1er

Article additionnel avant l’article 1er Détermination des frais de transport personnel des bénévoles éligibles à la réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par des particuliers

Avant l’article 1er

Article additionnel avant l’article 1er  Création d’un crédit d’impôt pour frais de déplacements journaliers de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail

Avant l’article 1er

Article 1er  Réforme du financement de l’audiovisuel public et suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Après l’article 1er

Article 2 Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise sur le gazole non routier

Après l’article 2

Article 3 Généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction

Après l’article 3

TITRE II RATIFICATION D’UN DÉCRET RELATIF À LA RÉMUNÉRATION DE SERVICES RENDUS

Article 4 Ratification du décret n° 2022-472 du 1er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l’obtention de la capacité professionnelle exigée pour l’exercice des professions du transport

TITRE II bis ressources affectées

Article additionnel après l’article 4 Création d’un prélèvement sur recettes pour compenser pour les collectivités territoriales la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique territoriale

Article additionnel après l’article 4 Création d’un prélèvement sur recettes pour compenser pour les départements la revalorisation du revenu de solidarité active

TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 5 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

SECONDE PARTIE MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2022 - CRÉDITS DES MISSIONS

Article 6 et état B Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Article 7 et état C Budgets annexes : ouvertures de crédits

Article 8 et état D Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

TITRE II DISPOSITIONS PERMANENTES

I. – MESURES BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES

Article additionnel avant l’article 9 Rétablissement en seconde partie de l’article 2 reportant la suppression du tarif d’accise du gazole non routier

Avant l’article 9

Article 9 Prolongation de l’octroi de la garantie de l’État au titre des prêts garantis par l’État, en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et modification relative aux conditions de cessions de PGE

Après l’article 9

Article 10 Octroi de la garantie de l’État pour deux prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) au titre du soutien à l’Ukraine

Article additionnel après l’article 10 Rétablissement en seconde partie de l’article 3 relatif à la facturation électronique

Après l’article 10

II. – AUTRES MESURES

CCF prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 11 Élargissement de la section 4 du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés aux prêts à taux bonifiés à destination des entreprises affectées par le conflit en Ukraine

Mission Écologie, développement et mobilité durables

Article 12 Extension temporaire des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg)

Article 13 Déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération

Mission Relations avec les collectivités territoriales

Article 14  Majoration exceptionnelle en 2022 de la dotation pour les titres sécurisés

Missions Cohésion des territoires, Immigration, asile et intégration, Justice, Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 15 Attribution d’un complément de traitement indiciaire aux soignants et personnels socio-éducatifs de la fonction publique exerçant en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Après l’article 15

titre III ratification d’un décret d’avance

Article 16 Ratification d’un décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance


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   introduction

Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, dont la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire est saisie, porte l’ambition de protéger le pouvoir d’achat des Français face à l’inflation.

La situation de notre pays au regard de l’inflation s’est profondément modifiée depuis quelques mois. À la surchauffe de l’économie mondiale constatée à partir de 2021, qui faisait suite à la sortie de la crise sanitaire, se sont en effet ajoutées les conséquences, notamment sur les prix de l’énergie et de certains intrants et produits agricoles, de la guerre menée par la Russie en Ukraine depuis février 2022. Aussi, le présent PLFR revoit-il la prévision en moyenne annuelle en matière d’inflation qui figurait dans la loi de finances initiale (1,5 %) pour la porter à 5 %, alors que l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit une inflation à 5,5 % en moyenne sur l’année et que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère la prévision du Gouvernement comme légèrement sous-estimée.

Par comparaison avec ses principaux partenaires, la France apparaît néanmoins relativement moins touchée par cette vague inflationniste : la hausse des prix est, en particulier, bien plus élevée chez nos voisins européens et aux États-Unis.

Il faut reconnaître que les pouvoirs publics ont pris des mesures fortes dès les premières manifestations de cette poussée inflationniste, avec le gel des tarifs du gaz à leur niveau constaté à la fin du mois d’octobre 2021, le plafonnement à 4 % de l’évolution des prix de l’électricité en 2022 et le versement d’une indemnité inflation de 100 euros en faveur de 38 millions de ménages à la fin de l’année dernière. Le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance a en outre permis le financement d’une « remise à la pompe » de 15 centimes par litre hors taxe à compter de la fin du mois de mars 2022, d’une aide exceptionnelle en faveur des entreprises particulièrement affectées par la hausse des coûts d'approvisionnement du gaz naturel et de l'électricité due aux conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine et, enfin, de mesures sectorielles en faveur notamment de l’agriculture, la pêche, les transports et les travaux publics.

Ces dispositifs ont contribué à préserver le pouvoir d’achat des ménages et la situation financière des entreprises et, s’agissant plus particulièrement des actions sur les prix du gaz, de l’électricité et des carburants, de directement modérer la hausse des prix. Sans les mesures formant le bouclier tarifaire, les Français auraient supporté une hausse de 50 % de leur facture de gaz et de 35 % de celle d’électricité !

Il est néanmoins temps de traiter de façon plus approfondie et précise les conséquences de cette nouvelle donne économique qu’est le retour d’un niveau plus élevé d’inflation, en prenant en faveur des particuliers et des entreprises une nouvelle série de mesures. Tel est l’objet du « paquet législatif » formé par le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et le présent PLFR. L’essentiel de ces mesures – le prolongement des boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, les mesures relatives aux carburant – concernent tous les Français, notamment les classes moyennes !

Le Gouvernement propose de revaloriser de 4 % l’ensemble des prestations sociales, de manière anticipée pour celles dont les règles de revalorisation n’auraient produit leurs effets qu’à une date plus lointaine, en 2023, laissant dans l’intervalle leurs bénéficiaires soumis à la forte hausse des prix constatée actuellement.

Cet effort considérable concerne les pensions des 18 millions de retraités pour 4,9 milliards d’euros, les allocations familiales (de base, mais aussi l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé par exemple), les dispositifs d’aide en faveur des plus fragiles et démunis parmi nos concitoyens (notamment l’allocation adulte handicapé – AAH –, le revenu de solidarité active – RSA –, l’allocation de solidarité spécifique – ASS –, ainsi que les minimums vieillesse), les dispositifs en faveur des jeunes dont la situation est précaire (notamment les bourses scolaires et étudiantes, l’allocation du contrat d’engagement jeune, l’allocation des jeunes en établissement pour l’insertion dans l’emploi – EPIDE) et les aides au logement (revalorisées à hauteur de 3,5 %).

Ces mesures sont complétées par le versement prévu en septembre 2022 d’une aide exceptionnelle de rentrée de 100 euros, auxquels s’ajoutent 50 euros par enfant, en faveur de 8 millions de foyers couvrant 14 millions de personnes, soit les ménages bénéficiant des minima sociaux ou des aides au logement et les étudiants boursiers.

Il est par ailleurs proposé que la puissance publique agisse sur les éléments de rémunération pour lesquels elle dispose d’une marge de manœuvre. C’est le sens de la revalorisation de 3,5 %, sans précédent depuis presque 40 ans, du point d’indice de la fonction publique dès le mois de juillet 2022, pour un montant de 7,5 milliards d’euros, couvrant 5,7 millions d’agents publics. Cet effort s’ajoute aux revalorisations catégorielles et tendancielles dont ces agents bénéficient en 2022 à hauteur de 1,5 %. En outre, la prime d’activité versée à 4,5 millions de salariés du secteur privé est revalorisée de 4 %. Comme l’a rappelé le Gouvernement, il importe que cet effort public en faveur de la rémunération des Français soit relayé sans délai par toutes les entreprises qui le peuvent, au-delà des revalorisations successives du salaire minimum qui ont eu et auront lieu les 1er janvier, mai et août 2022 pour une hausse au total à ce stade de 5,2 % sur l’année.

L’attention portée au pouvoir d’achat pourrait se manifester en outre par la mise en place à compter d’octobre 2022 d’une « indemnité carburant », destinée aux plus de 11 millions de travailleurs relevant des cinq premiers déciles de revenus. Le montant de cette indemnité s’élèverait à 200 euros pour les travailleurs des trois premiers déciles et 100 euros pour ceux des quatrième et cinquième déciles, avec une majoration de 50 % de ces montants pour les personnes résidant à plus de 30 kilomètres de leur travail ou effectuant plus de 12 000 kilomètres par an à titre professionnel. Il pourrait être opportun d’élargir le nombre des travailleurs des classes moyennes bénéficiant de ce dispositif, dont le coût est estimé à 2 milliards d’euros dans sa configuration couvrant les cinq premiers déciles. En attendant sa mise en place sur une base déclarative, dont il importe qu’elle soit simple et rapide, la remise à la pompe de 15 centimes hors taxe en vigueur depuis fin mars 2022 serait prolongée jusqu’au mois de septembre pour un montant de 2,6 milliards d’euros.

Enfin, il est proposé de supprimer dès 2022 la contribution à l’audiovisuel public (CAP), impôt injuste s’il en est puisque son tarif est établi par foyer fiscal, sans considération des capacités contributives si ce n’est dans le cadre d’un système d’exonérations particulièrement complexe. Cette mesure, qui permet un gain de pouvoir d’achat de 138 euros pour chaque foyer redevable, s’accompagne d’une réforme du mode de financement de l’audiovisuel public à même de garantir sa visibilité et de le préserver des mesures de régulation budgétaire.

Le coût de l’ensemble de ces mesures avoisine les 20 milliards d’euros. Ce montant s’ajoute aux plus de 12 milliards d’euros qu’il est proposé d’ouvrir pour des opérations en capital, notamment l’achat par l’État de la fraction du capital d’EDF qu’il ne détient pas. Il s’ajoute également au montant de près de 12 milliards d’euros qu’il est nécessaire d’ouvrir au titre du financement de la charge de la dette, dont l’augmentation très lourde est associée aux emprunts publics indexés sur l’inflation et, de façon plus marginale mais croissante, aux autres emprunts de moyen et long terme pour lesquels est constaté un relèvement substantiel des taux d’intérêt consentis à la France. Nous sommes ainsi confrontés au réel du coût de la dette, loin des discours de circonstance selon lesquels s’endetter indéfiniment est possible et ne coûte rien !

Au total, il en résulte une dégradation du déficit de budget de l’État, dont l’estimation passerait de 153,8 milliards d’euros à 177,6 milliards d’euros. Il est heureux de constater que les prévisions de recettes publiques dans leur ensemble, prélèvements sociaux compris, conduisent le Gouvernement à maintenir la prévision de solde public à ­ 5 % du PIB – cela illustre la réussite de la politique menée depuis 2017 en matière d’emploi. On note néanmoins que le HCFP considère cette prévision de solde public affectée de risques défavorables, en partie parce qu’il estime que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2022, pourtant ramenée de 4 % à 2,5 %, demeure un peu élevée. L’importance des ouvertures de crédits au titre de la charge de la dette, presque 12 milliards d’euros, montre s’il en était besoin la persistance de la question du financement durable de notre modèle social, dont l’inflation ne permettra pas de faire l’économie du traitement.


Au total, si l’effort public ponctuel, massif et équilibré proposé par le Gouvernement en faveur des Français est justifié et doit être soutenu pour les protéger des effets de l’inflation, il n’en demeure pas moins nécessaire de prévoir, dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques, une trajectoire soutenable et sérieuse, qui permette à tout le moins que l’endettement public rapporté au PIB ne s’envole pas à court terme et commence à baisser à moyen terme.

 


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   exposÉ gÉnÉral

I.   de nouvelles incertitudes macroÉconomiques

A.   Une croissance revue À la baisse

● Le Gouvernement est tenu d’actualiser le scénario macroéconomique pour l’année 2022 à l’occasion du dépôt du présent projet de loi de finances rectificative (PLFR). Il abaisse ainsi la prévision de croissance sur l’année 2022, la portant de + 4,0 % à + 2,5 %, compte tenu de la dégradation du contexte macroéconomique en France et dans le monde.

Alors que des prévisions de croissance publiées au mois d’avril et de mai 2022 l’établissaient autour de + 3,0 %, de nouvelles projections publiées au moins de juin prévoient une croissance plus basse. De la sorte, la prévision de croissance du Gouvernement associée au présent PLFR apparaît désormais en ligne, bien que légèrement supérieure, avec ces publications récentes.

PrÉvisions de croissance du PIB en volume

(en %)

Organisme

Prévision 2022

Fonds monétaire international (avril 2022)

2,9

Commission européenne (mai 2022)

3,1

OCDE (juin 2022)

2,4

Banque de France (juin 2022)

2,3

Rexecode (juin 2022)

2,1

OFCE (juin 2022)

2,4

Insee (juin 2022)

2,3

Consensus Forecast (juin 2022)

2,5

PLFR 2022

2,5

Source : commission des finances.

Après avoir retrouvé son niveau d’avant-crise dès le troisième trimestre 2021, l’activité a connu une légère contraction au premier trimestre 2022, en lien avec les restrictions liées à la vague Omicron et aux premiers effets de la guerre en Ukraine. Le reste de l’année 2022 serait cependant plus favorable avec un PIB atteignant un niveau supérieur de 1,2 % à son niveau d’avant-crise au dernier trimestre.

Évolution de l’activitÉ par trimestre

(en %)

Année

2021

2022

Trimestre

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

Variation trimestrielle

– 0,2

1,0

3,2

0,4

– 0,2

0,2

0,3

0,3

Écart au niveau d’avant-crise (T4 2019)

– 4,0

– 3,0

0,1

0,5

0,3

0,5

0,8

1,2

Source : Insee, Note de conjoncture du 24 juin 2022.

Selon les nouvelles hypothèses présentées par le Gouvernement, la contribution à la croissance du PIB viendrait pour 1,9 point de la demande intérieure privée et de 0,6 point de la demande publique. Par rapport au dernier scénario macroéconomique présenté au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, la contribution de la demande privée est abaissée de 2,9 points, alors que la contribution de la demande publique est rehaussée de 0,9 point. De même, l’investissement total, en plus d’être revu à la baisse, serait moins porté par le secteur privé et plus par les administrations publiques. Dans le même temps, la contribution du commerce extérieur, initialement prévue à – 0,4 point, serait finalement nulle.

La nouvelle prévision de croissance, abaissée par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, reposerait donc plus sur la demande publique et moins sur celle des ménages et des entreprises.

La croissance de l’activité en 2022 serait portée, selon les données de l’Insee, par trois secteurs d’activité principaux : les services marchands, la construction et l’agriculture, sylviculture et pêche. À l’inverse, les secteurs industriels apparaissent moins dynamiques.

Plus précisément, si l’activité de l’hébergement-restauration augmente de façon marquée en 2022, elle reste à un niveau encore inférieur à celui d’avant-crise (– 10,7 % par rapport au niveau du quatrième trimestre 2019). La fabrication de matériels de transports reste à la fois peu dynamique en 2022 – après une contraction marquée de – 4,3 % au T1 2022 – et nettement en-deçà de son niveau de fin 2019 (– 37,9 %).

Classification des secteurs d’activité au T1 2022

 

Activité supérieure au niveau d’avant-crise

Activité inférieure ou égale
au niveau d’avant-crise

Croissance positive

Services principalement non marchands

Cokéfaction et raffinage

Transport et entreposage

Information et communication

Activités financières et d’assurance

Activités immobilières

Construction

Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines

Fabrication d’autres produits industriels

Croissance nulle ou négative

Agriculture, sylviculture et pêche

Services principalement marchands

Activités scientifiques ou techniques ; services administratifs et de soutien

Industrie

Fabrication de matériels de transport

Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution

Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles

Hébergement et restauration

Autres activités de service

NB : La croissance est appréciée au regard de la variation trimestrielle de l’activité au T1 2022. Les secteurs en gras représentent les cinq grandes branches d’activités classifiées par l’Insee ; le reste étant les sous-secteurs des branches « Industrie » et « Services principalement marchands ».

Source : Insee, Note de conjoncture du 24 juin 2022.

● Bien que la prévision de croissance soit revue à la baisse, le Gouvernement prévoit une amélioration de la situation du marché du travail par rapport à la prévision initiale. Ainsi, la croissance de la masse salariale en 2022 serait non plus de 5,9 % mais de 8,5 %. Dans le même temps, l’augmentation moyenne de l’emploi total sur l’année serait le double de celle jusqu’ici anticipée, pour atteindre 1,6 %.

Ces prévisions rejoignent celles publiées par l’Insee fin juin, selon lesquels l’emploi continuerait de progresser et le taux de chômage de diminuer – pour s’établir à 7,0 % en fin d’année 2022, contre 7,4 % au dernier trimestre 2021.

● La situation financière des entreprises est moins favorable, avec une révision à la baisse de leur taux de marge de 33,2 % à 31,5 % par rapport à la prévision initiale. Le dynamisme de l’emploi pèse sur la productivité du travail, dans la mesure où la valeur ajoutée des entreprises ne progresse pas aussi vite, comprimant ainsi les marges des entreprises.

Deux facteurs principaux joueraient sur les marges des entreprises en 2022 : la poursuite de la sortie des aides d’urgence et la dégradation des termes de l’échange. En effet, sur ce second point, l’inflation observée au niveau mondial sur le prix des intrants tend à comprimer les marges – l’accélération de l’inflation restant, pour le moment du moins, majoritairement importée. En revanche, les nouvelles aides mises en œuvre dans le cadre du Plan de résilience économique et sociale contribueraient à conforter les marges.

La prévision de taux d’épargne des entreprises est également revue à la baisse de 0,3 point, à 23,8 %. Le taux d’investissement, en revanche, est légèrement revu à la hausse (+ 0,1 point) et atteindrait 25,6 %.

● Le scénario macroéconomique initial associé à la loi de finances pour 2022 prévoyait une contribution négative de 0,4 point du commerce extérieur à la croissance du PIB sur l’année. Au terme de la révision associée au présent PLFR, cette contribution serait finalement nulle, grâce à une demande mondiale adressée à la France qui augmente plus vite que prévu (+ 5,2 % contre + 4,9 % initialement prévus en 2022).

La hausse des prix de l’énergie se traduit néanmoins dans les hypothèses présentées. L’évaluation du prix moyen du baril de Brent en moyenne sur l’exercice passe ainsi de 69 dollars à 110 dollars.

La balance commerciale française connaîtrait enfin une dégradation spectaculaire par rapport à la dernière prévision, en partie liée à la hausse du coût de l’énergie, et passe de – 96 milliards à – 150 milliards d’euros.

Actualisation des prÉvisions Économiques

(en %)

Composante

LFI 2022

PLFR 2022

Croissance du PIB en volume

4,0

2,5

Consommation des ménages

7,0

2,8

Consommation des administrations publiques

– 1,5

1,4

Formation brute de capital fixe

4,7

2,9

dont entreprises non financières

5,1

2,0

Contribution des stocks

0

0

Contribution du commerce extérieur

– 0,4

0,0

Inflation (IPC)

1,5

5,0

Déflateur du PIB

1,4

2,3

Source : commission des finances

B.   Le redressement et la diffusion de l’inflation

● La dynamique des prix s’est fortement accélérée ces derniers mois. L’Insee constate ainsi un glissement annuel des prix à la consommation de 5,2 % en mai 2022, avec une diffusion progressive de l’inflation aux différents postes de consommation.

Évolution des prix sur les postes de consommation

(en %)

Poste

Moyenne annuelle

Glissement annuel

2021

2022

Mai 2022

GA

CGA

Alimentation

0,6

5,4

4,3

0,7

Tabac

0,0

– 0,1

– 0,1

0,0

Produits manufacturés

0,3

3,1

3,0

0,7

Énergie

10,5

25,7

27,8

2,2

Services

1,2

3,7

3,2

1,5

Total

1,6

5,5

5,2

5,2

Inflation sous-jacente

1,1

3,6

3,7

2,2

NB : ga = glissement annuel et cga = contribution au glissement annuel.

Source : Insee, Note de conjoncture du 24 juin 2022.

Ainsi, si l’énergie reste le principal poste contribuant à la hausse des prix en glissement annuel (2,2 points), la contribution du secteur des services serait également marquée (1,5 point). Les prix de l’alimentation et des produits manufacturés présenteraient une contribution moindre de 0,7 point, sans être négligeable.

La diffusion de l’inflation se poursuivrait en fin d’année. Ainsi, l’accélération serait plus forte encore en glissement annuel au mois de décembre : + 8,2 % sur l’alimentation, + 4,6 % sur les produits manufacturés et + 4,7 % sur les services. En revanche, après un pic en juin à + 31,3 %, l’évolution des prix de l’énergie en glissement annuel décéléreraient en décembre (+ 23,9 %).

L’inflation totale atteindrait 5,5 % en moyenne sur l’année selon l’Insee. Au titre du présent PLFR, le Gouvernement revoit sa prévision d’inflation pour 2022 de 1,5 % à 5,0 %.

● La dynamique des prix en France reste toutefois moins importante qu’au sein des autres pays occidentaux et européens. La Banque centrale européenne envisage ainsi une inflation en zone euro, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), de 6,8 % sur 2022 ([1]). L’OCDE l’évalue pour sa part à 7,0 % ([2]) et la Commission européenne à 6,1 % ([3]).

De fait, nos principaux partenaires connaîtraient une inflation plus marquée qu’en France.

PrÉvision d’inflation pour les grands pays europÉens

(en moyenne annuelle, en %)

Pays

Inflation

Allemagne

6,5

Espagne

6,3

France

4,9

Italie

5,9

Royaume-Uni

7,0

Source : Commission européenne, Prévisions économiques de printemps, mai 2022.

L’Insee a évalué que les différentes mesures destinées à contenir les prix de l’énergie (bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, remise à la pompe) avaient contribué à abaisser l’inflation de 2,0 points en mai en glissement annuel : sans ces mesures, l’inflation aurait atteint plus de 7 % sur un an, contre 5,2 % observés ([4]).

II.   Les finances publiques restent mobilisÉes pour soutenir l’Économie et le pouvoir d’achat

Bien que la croissance ralentisse et que le présent PLFR prévoit de nouvelles dépenses, le solde public resterait stable grâce à un surcroît de rendement des prélèvements obligatoires.

A.   Le dÉficit public reste stable grÂce À la hausse des recettes publiques

Le déficit public couvrant l’ensemble des administrations publiques, il doit être distingué du déficit de l’État, qui n’en constitue qu’une partie. Les projets de loi de finances portent, dans leur dispositif, uniquement sur le budget de l’État – à l’exception de l’article liminaire retraçant l’ensemble du solde public.

Le déficit budgétaire de l’État est calculé selon la comptabilité budgétaire, qui est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

Le déficit public est calculé selon la comptabilité nationale qui s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques, et notamment celui relatif à leur besoin de financement (déficit), jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

1.   Le déficit des administrations publiques

Le présent PLFR ne prévoit pas de dégradation du solde public par rapport à la LFI (– 5,0 %), grâce à un surcroît de recettes compensant les dépenses nouvelles. Le déficit structurel serait revu à la baisse, contrepartie de l’aggravation du solde conjoncturel.

Évolution des prÉvisions de solde pour 2022

(en %)

Soldes

LFI 2022

Présent PLFR

Solde structurel (1)

– 4,0

– 3,6

Solde conjoncturel (2)

– 0,8

– 1,3

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,1

Solde public (4 = 1 + 2 + 3)

 5,0

 5,0

En raison d’effets d’arrondis, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : LFI pour 2022 et présent PLFR.

2.   Le solde de l’État

Le déficit budgétaire de l’État s’établirait à – 177,6 milliards d’euros. Il fait l’objet d’une analyse détaillée dans le commentaire de l’article 5 du présent PLFR relatif à l’équilibre général du budget.

dÉcomposition du nouveau solde budgÉtaire de l’État pour 2022

(en milliards d’euros)

Source

Montants

LFI 2022

153,8

Reports 2021 vers 2022

9,1

PLFR

14,6

Total

177,6*

* effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances.

Le solde de l’État se décomposerait en un déficit de 168,4 milliards d’euros sur le budget général, auxquels s’ajoutent 9,1 milliards d’euros de reports de crédits de 2021 vers 2022. On observe que ce montant est nettement moins élevé que celui des reports effectivement effectués sur l’exercice 2022 (soit 29,3 milliards d’euros pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux, y compris les fonds de concours). L’anticipation du schéma de fin de gestion, y compris les reports qui pourraient être anticipés de 2022 vers 2023, justifierait à titre principal cette différence entre le montant des reports vers 2022 pris en compte pour ce calcul et le montant effectif des reports.

Formation du solde budgÉtaire de l’État pour 2022

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

514,8

Recettes (II)

338,9

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

436,1

Recettes fiscales nettes

315,2

PSR au profit de l’Union européenne

26,4

Recettes non fiscales

23,7

PSR au profit des collectivités territoriales

43,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 1,7

Reports de crédits

9,1

Déficit à financer

(I  II  III)

 177,6

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

B.   La hausse du rendement des recettes publiques

1.   Les prélèvements obligatoires des administrations publiques

La stabilité du solde public en dépit de la dégradation de la croissance et de la hausse des dépenses résulte d’un rebond des prélèvements obligatoires (PO) bénéficiant à l’ensemble des administrations publiques.

Les PO seraient ainsi plus élevés de 50 milliards d’euros par rapport à la LFI grâce à deux effets principaux : une réévaluation à la hausse de la base 2021, à la suite de recettes plus élevées que prévu, et une augmentation de l’élasticité des PO de 1 à 1,5.

La réévaluation à la hausse de l’élasticité au PIB des prélèvements obligatoires peut se justifier, selon le Haut Conseil des finances publiques, par plusieurs effets : une croissance de la masse salariale supérieure à celle du PIB, une croissance des prix à la consommation, déterminante pour les recettes de TVA, également plus élevée que celle de l’activité et l’effet du très fort rebond du bénéfice imposable des entreprises en 2021, qui se traduit sur le solde d’IS versé en 2022 ([5]).

La croissance spontanée des prélèvements obligatoires (7,4 %) serait ainsi bien supérieure à celle du PIB en valeur (+ 4,9 %).

L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 2 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 102 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

2.   Les recettes de l’État

Les recettes de l’État sont composées des recettes fiscales, composante des prélèvements obligatoires, et des recettes non fiscales.

Les recettes fiscales en 2022 s’élèveraient à 315,2 milliards d’euros, soit une hausse de 27,6 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. En 2021, ces recettes fiscales avaient atteint 295,7 milliards d’euros.

Les prévisions associées au présent PLFR indiquent que certains impôts seraient particulièrement dynamiques.

Évolution des recettes fiscales en 2022

(en milliards d’euros)

Recette

Exécution 2021

LFI 2022

Présent
PLFR

Écart à la LFI

Écart à 2020

Impôt sur le revenu

78,7

82,4

85,3

2,9

6,6

Impôt sur les sociétés

46,3

40

56,8

16,8

10,5

TICPE

18

18,2

18,1

-0,1

0,1

Taxe sur la valeur ajoutée (part État)

95,5

98,4

104,8

6,4

9,3

Autres recettes fiscales nettes

56,9

48,6

50,2

1,5

-6,7

Recettes fiscales nettes

295,7

287,6

315,2

27,6

19,5

Recettes non fiscales

21,3

20,2

23,7

3,6

2,4

Total

317

307,7

338,9

31,2

21,9

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le résultat de la somme peut différer de l’addition de ses termes.

Source : présent PLFR.

a.   L’impôt sur le revenu

L’amélioration des hypothèses sur la masse salariale et l’emploi global permettrait un surcroît d’impôt sur le revenu (IR) de 3 milliards d’euros par rapport à la prévision associée à la LFI.

Le rendement de l’IR continuerait ainsi de progresser en 2022, conformément à sa tendance sur la dernière décennie.

Évolution du rendement net de l’IR

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

51,2

46,7

47,4

51,5

59,8

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

Rendement net

71,7

74

78,7

85,3

 

 

 

 

 

 

 

Source : commission des finances.

b.   L’impôt sur les sociétés

Le produit de l’impôt sur les sociétés augmenterait de 16,8 milliards d’euros pour atteindre 56,8 milliards d’euros, à la suite de la révision à la hausse des hypothèses de profitabilité des entreprises en 2021, qui doit se traduire dans le solde d’IS versé en mai 2022. Cette nouvelle prévision entraînerait une forte hausse de 10,5 milliards d’euros des recettes 2022 de l’IS par rapport aux recettes 2021, soit + 23 %.

Après une baisse marquée de son rendement entre 2013 et 2019, le rendement de l’IS atteindrait ainsi un niveau inédit en 2022, alors que son taux a baissé durant la législature précédente.

Rendement net de l’IS depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

49,3

20,9

32,9

39,1

40,8

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

Rendement net

33,5

36,3

46,3

56,8

 

 

 

 

 

 

 

Source : commission des finances.

c.   La taxe sur la valeur ajoutée

Le dynamisme de la consommation permettrait une hausse des recettes de TVA affectée à l’État de 6,4 milliards d’euros par rapport à la prévision de LFI, pour atteindre 104,8 milliards d’euros.

Le présent PLFR ne présente pas d’actualisation des prévisions de TVA affectées aux administrations de sécurité sociale (ASSO) et aux administrations publiques locales (APUL) pour 2022. Aussi, le tableau ci-dessous rappelle les chiffres de cette répartition jusqu’à l’exécution 2021.

Rendement net de la TVA depuis 2011

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

État

131,9

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

ASSO

10,1

10,6

9,2

12,7

11,8

11,2

11,5

10,3

41,5

45,4

53,8

APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

Total

142,0

144,0

145,5

151,0

153,6

155,6

163,9

171,2

174,7

163,2

186,7

Source : commission des finances.

d.   La taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE)

Les recettes de TICPE sont légèrement revues à la baisse par rapport à la prévision initiale pour 2022, de – 0,1 milliard d’euros. Elles atteindraient ainsi 18,1 milliards d’euros, un montant presque stable par rapport à 2021.

e.   Les autres recettes fiscales nettes

Enfin, le rendement des autres recettes fiscales nettes augmenterait de 1,5 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale, dont 1,2 milliard pour le prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine.

f.   Les recettes non fiscales

Les recettes non fiscales sont quant à elles rehaussées de 3,6 milliards d’euros pour atteindre 23,7 milliards d’euros, grâce notamment à un complément de dividende de la Banque de France (+ 1,1 milliard d’euros) et du dividende versé par la Caisse des dépôts et consignations (+ 800 millions d’euros).

Par ailleurs, le report en 2022 d’une partie des remboursements de prêts garantis par l’État (PGE) conduit à prévoir l’augmentation des recettes tirées de la rémunération de cette garantie par les emprunteurs de 0,7 milliard d’euros.

Enfin, un troisième effet est lié à la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public de 0,5 milliard d’euros et à la hausse des amendes prononcées par les autorités indépendantes (+ 0,2 milliard).

C.   Le maintien d’un niveau ÉlevÉ de dÉpenses publiques

Le début de l’année 2022 est ainsi marqué par une accélération spectaculaire de l’inflation dans le contexte de la guerre en Ukraine qui affecte de façon marquée l’économie française. Afin de tenir compte de l’évolution de cet environnement macroéconomique, soutenir le pouvoir d’achat des Français et aider nos entreprises, le présent projet de loi de finances rectificatives corrige à la hausse les prévisions de dépenses pour l’année tandis que d’importants mouvements réglementaires sont déjà intervenus.

1.   Le niveau de dépenses publiques est revu à la hausse

Le présent projet de loi de finances rectificative acte une augmentation des dépenses publiques par rapport à la prévision initiale de 2022. Les ouvertures de crédits sont massives (53,8 milliards d’euros en AE et 47,6 milliards d’euros en CP) et ne sont pas compensées par une annulation marginale de crédits de 9 millions d’euros.

a.   La croissance des dépenses publiques

Après avoir atteint son plus haut niveau en 2020 à 60,6 % du PIB, le ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôt, a diminué légèrement en 2021 pour atteindre 58,4 % du PIB. En 2022, la prévision initiale anticipait un ratio de 55,6 % du PIB, soit – 2,8 points par rapport à 2021.

Le contexte macroéconomique conduit à réviser ce scénario du fait d’une augmentation des dépenses publiques associée au présent PLFR et de la baisse des prévisions de croissance. Le ratio dépenses publiques rapporté au PIB s’établirait à 57,3 % en 2022, ce qui représente une hausse significative par rapport à la prévision (+ 1,7 point).

Évolution du ratio de dÉpenses publiques hors crédits d’impôts

(en % du PIB)

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation, rapport économique, social et financier 2022, loi de finance initiale pour 2022 et présent PLFR.

b.   Sur le périmètre de l’État, les crédits placés dans la norme de dépenses pilotables augmentent significativement

L’exercice 2022 est le quatrième exercice d’application des deux normes de dépenses définies par l’article 9 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([6]).

● Conformément à l’article 9 de la LPFP précitée, la norme de dépenses pilotables de l’État comprend :

– les dépenses du budget général et des budgets annexes, hors mission Remboursements et dégrèvements et Investissements d’avenir, hors charge de la dette et hors contributions au compte d’affectation spéciale Pensions ;

– les plafonds des taxes affectées aux organismes visés à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 ;

– les dépenses des comptes d’affectation spéciale (hors comptes d’affectation spéciale Pensions, Participations financières de l’État et hors programmes de désendettement, ou portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers) ;

– les dépenses du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit, par rapport à la LFI 2022, une forte augmentation du niveau des dépenses pilotables, à hauteur de 19,6 milliards d’euros (+ 6 %) par rapport à la LFI.

Ouvertures et annulations de crÉdits proposÉes par le prÉsent PLFR
et comptabilisÉes dans la norme de dÉpense

(en millions d’euros)

 

Crédits ouverts

Crédits annulés

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l’État

52,0

52,0

+ 52,0

+ 52,0

Administration générale et territoriale de l’État

176,9

38,9

+ 176,9

+ 38,9

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

480,3

480,3

+ 480,3

+ 480,3

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

50,9

50,9

+ 50,9

+ 50,9

Audiovisuel public

1 525,2

1 525,2

+ 1 525,2

+ 1 525,2

Cohésion des territoires

229,5

214,5

+ 229,5

+ 214,5

Conseil et contrôle de l’État

15,4

15,4

+ 15,4

+ 15,4

Crédits non répartis

4 000,0

4 000,0

 –

+ 4 000,0

+ 4 000,0

Culture

53,4

53,4

+ 53,4

+ 53,4

Défense

300,3

300,3

 

 

+ 300,3

+ 300,3

Direction de l’action du Gouvernement

11,2

11,2

11,2

11,2

Écologie, développement et mobilité durables

6 863,2

5 167,1

9,0

9,0

+ 6 854,2

+ 5 158,1

Économie

2 356,2

2 356,2

 

 

+ 2 356,2

+ 2 356,2

Engagements financiers de l’État

3,7

8,1

 

 

+ 3,7

+ 8,1

Enseignement scolaire

103,3

103,3

+ 103,3

+ 103,3

Gestion des finances publiques

30,9

30,9

+ 30,1

+ 30,1

Immigration, asile et intégration

37,4

37,4

+ 37,4

+ 37,4

Justice

119,3

119,3

9

9

+ 119,3

+ 119,3

Médias, livre et industries culturelles

12,8

12,8

+ 12,8

+ 12,8

Outre-mer

53,9

53,9

+ 53,9

+ 53,9

Régimes sociaux et de retraite

177,6

177,6

+ 177,6

+ 177,6

Recherche et enseignement supérieur

234,7

234,7

+ 234,7

+ 234,7

Santé

29,7

29,7

+ 29,7

+ 29,7

Sécurités

74,2

74,2

+ 74,2

+ 74,2

Solidarité, insertion et égalité des chances

1 627,3

1 618,8

 

 

+ 1 627,3

+ 1 618,8

Sport, jeunesse et vie associative

50,5

50,5

+ 50,5

+ 50,5

Transformation et fonction publiques

24,9

20,5

+ 24,9

+ 20,5

Travail et emploi

7 135,4

2 744,9

+ 7 135,4

+ 2 744,9

Total

25 830,1

19 582,0

–9,0

–9,0

+ 25 821,1

+ 19 573,0

Source : commission des finances d’après le présent projet de loi de finances rectificative.

● L’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) est la seconde norme fixée par l’article 9 de la LPFP.

Outre l’agrégat précédent, il comprend : les dépenses d’investissements d’avenir et la charge de la dette, les crédits des missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Plan de relance, les prélèvements sur recettes à destination de l’Union européenne et des collectivités territoriales, ainsi que la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane, le CAS Pensions et les programmes des comptes spéciaux portant à titre principal des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers.

Le reste des ouvertures et annulations prévues par le présent PLFR, hors mission Remboursements et dégrèvements, affectent l’ODETE.

Ouvertures et annulations de crÉdits proposÉes par le prÉsent PLFR,
non comptabilisÉes dans la norme de dÉpenses pilotables
mais affectant l’ODETE

(en millions d’euros)

 

Crédits ouverts

Crédits annulés

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Économie

12 732,0

12 732,0

 

 

+ 12 732,0

+ 12 732,0

Engagements financiers de l’État

11 886,0

11 886,0

 

 

+ 11 886,0

+ 11 886,0

Total

24 618,0

24 618,0

 

 

+ 24 618,0

+ 24 618,0

* hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : commission des finances d’après le présent projet de loi de finances rectificative.

Le détail des ouvertures et annulations de crédits prévues par le présent PLFR est présenté dans le commentaire de l’article 6 du présent rapport.

2.   Des ouvertures de crédits en réponse à la dégradation du contexte macroéconomique

Le présent projet de loi de finances rectificative pour 2022 conduit à une augmentation des dépenses du budget général ([7]) de 2,2 % en crédits de paiement par rapport à l’exécution 2021. La loi de finances initiale pour 2022 avait prévu un recul de – 8,2 % des dépenses du budget général par rapport à l’exécution 2021.

Évolution des dÉpenses* du budget gÉnÉral

(en millions d’euros et crédits de paiement)

 

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

LFI 2022

PLFR

Total 2022

Budget général

336 069

389 678

426 732

391 906

44 206

436 112

* hors mission Remboursements et dégrèvements et hors crédits reportés (23,2 milliards d’euros) pour le total 2022.

Source : commission des finances d’après les projets de loi de règlement pour les années 2017 à 2021, la loi de finance initiale pour 2022 et le présent projet de loi de finances rectificative.

L’augmentation des crédits (hors mission Remboursements et dégrèvements) proposée par le présent projet de loi de finances rectificative est principalement due à trois principales catégories de mesures rendues nécessaires par la dégradation du contexte macroéconomique :

– les mesures de soutien aux entreprises (15,4 milliards d’euros) dont 12,7 milliards d’euros pour les opérations de soutien aux entreprises stratégiques, notamment la montée au capital d’EDF ; 2,3 milliards d’euros pour reconstituer des montants versés en 2022 à titre résiduel aux entreprises en difficulté en raison de la crise sanitaire (dispositifs coûts fixes) et financer l’aide aux entreprises énergo-intensives ; et 480 millions pour soutenir la filière agricole ;

– les mesures de soutien du pouvoir d’achat des ménages (10,7 milliards d’euros) dont 5 milliards d’euros pour la prolongation du dispositif de remise à la pompe et sa transformation en aide ciblée ; 2 milliards d’euros pour la revalorisation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique ; 1,5 milliard d’euros pour l’indemnité exceptionnelle de rentrée à 100 euros et la revalorisation de certains minimas sociaux (prime d’activité, allocation adulte handicapé) et 1,5 milliard d’euros pour la subvention qui serait désormais allouée par le budget général aux sociétés de l’audiovisuel public, en contrepartie d’une suppression de la contribution à l’audiovisuel public ([8]) ;

– les crédits alloués à la hausse de la charge de la dette en raison de l’accélération de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt (11,9 milliards d’euros).

D’autres ouvertures sont réalisées, notamment sur la mission Travail et Emploi (2,6 milliards d’euros) pour le versement d’une subvention exceptionnelle à France compétences et sur la mission Crédits non répartis pour les dépenses accidentelles et imprévisibles (2 milliards d’euros). Enfin, 1,6 milliard d’euros sont ouverts sur 28 missions du budget général pour compenser, conformément à l’engagement pris le Gouvernement au printemps, les annulations des réserves de précaution prises dans le décret d’avance du 7 avril 2022.


ouvertures de crÉdits par catÉgories de mesures
(y compris mission Remboursements et dÉgrÈvements)

(En millions d’euros)

Mission

Mesure

AE

CP

Soutien aux entreprises

Économie

Soutien aux entreprises stratégiques françaises, notamment montée au capital d’EDF

12 732

12 732

Économie

Aides à destination des entreprises, notamment énergo-intensives

2 326

2 326

Agriculture

Soutien à la filière agricole dans un contexte de crises

480

480

Sous total

 

15 538

15 538

Soutien au pouvoir d’achat des ménages

Écologie

Remise à la pompe et aide ciblée (4,6 milliards), 400 millions pour MaPrimeRénov uniquement en AE, 400 millions pour le bonus automobile

5 400

5 000

Crédits non répartis

Financement de la hausse du point d’indice des fonctionnaires

2 000

2 000

Solidarité

Indemnité exceptionnelle de rentrée à 100 euros (1 milliard d’euros), revalorisation anticipée de la prime d’activité et de l’allocation adultes handicapés (+4 %), revalorisation des travailleurs de la filière socioéducative post-Ségur

1 610

1 610

Audiovisuel public

Subvention nouvelle pour l’audiovisuel public à la suite de la suppression de la CAP

1 525

1 525

Cohésion des territoires

Revalorisation des travailleurs sociaux post-Ségur, surcoût des mises à l’abri, reconduction des dispositifs « quartiers d’été » et « quartiers solidaires »

144

144

Régimes spéciaux de retraite

Revalorisation anticipée des pensions / impact sur les régimes spéciaux

33

33

Justice

Revalorisation des travailleurs sociaux post-Ségur

28

28

Immigration, asile et intégration

Revalorisation des travailleurs sociaux post-Ségur

26

26

Conseil et contrôle de l’État

Revalorisation indemnitaire des magistrats

13

13

Sous total

 

10 779

10 379

Autres politiques publiques

Engagements financiers de l’État

Hausse de la charge de la dette (inflation et taux d’intérêt)

11 886

11 886

Remboursement et dégrèvements

Le dynamisme des recettes fiscales de l’État se traduit par la hausse des dégrèvements qui y sont associés.

3 371

3 371

Travail et emploi

Prolongation des primes versées aux employeurs d’alternants et versement d’une subvention exceptionnelle à France Compétences

7 135

2 745

Crédits non répartis

Dotation pour faire face aux dépenses imprévues résultant des incertitudes qui pèsent sur la gestion 2022

2 000

2 000

28 missions

Compensation des annulations prises dans le décret d’avance du 7 avril pour compenser les ouvertures

1 597

1 598

Relations avec les collectivités territoriales

Plan urgence délivrance passeport

10

10

Administration générale de l’État, Cohésion des territoires, Écologie, Solidarité

Diverses ouvertures : Financement bail immobilier, renouveau bassin minier, convention décennale pour les trains d’équilibre, bail immobilier

1 520

59 

Sous-Total

 

27 518

21 670

Total

 

53 835

47 587

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances rectificative.

D.   L’Évolution du ratio de dette publique

1.   L’amélioration du ratio d’endettement public

Malgré la dégradation du déficit budgétaire, le PLFR prévoit une nette amélioration du ratio de dette publique en 2022 par rapport à la prévision initiale. Ce ratio s’établirait ainsi à 111,9 % du PIB contre 113,5 % prévu dans le PLF 2022.

Cette amélioration découle, par « effet base », de celle constatée sur le ratio de dette publique en 2021 qui s’est établi à 112,5 % du PIB, en amélioration de 2,8 points par rapport à la prévision révisée pour l’année 2021 utilisée pour établir les hypothèses pour 2022.

Cette amélioration ne se répercute cependant pas entièrement sur le ratio de dette publique qui diminue de 1,6 point par rapport à la prévision initiale. L’écart, soit 1,2 point, s’explique par la révision à la baisse des prévisions de croissance (2,5 % contre 4 % prévus dans la LFI 2022), ce qui a un impact sur le dénominateur de ce ratio.

évolution du ratio de dette publique

(en % du PIB)

Année

2021

2022

Écart

(en points de PIB)

PLF 2022

115,3

113,5

2,8

PLFR

112,5

111,9

1,6

Source : commission des finances d’après le PLFR.

Ce ratio d’endettement est également en diminution par rapport à 2021, conformément à la trajectoire de ratio de dette publique fixée par le Gouvernement.

2.   La question de la soutenabilité de notre dette

Dans un contexte d’accélération de l’inflation et de hausse des taux d’intérêt avec la normalisation progressive de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, la charge de la dette de l’État augmente très fortement par rapport à la prévision initiale (+ 17,8 milliards d’euros en comptabilité nationale). Le PLFR procède, en comptabilité budgétaire, à l’ouverture de 11,9 milliards d’euros sur la mission Engagements financiers de l’État pour financer cette charge supplémentaire ([9]).

Ce changement de contexte macroéconomique appelle à une vigilance encore accrue concernant la soutenabilité à moyen terme de nos finances publiques.

III.   D’importants mouvements rÉglementaires

Depuis 2020, la gestion budgétaire a été largement percutée par la crise sanitaire et la mise en œuvre des mesures d’urgence. En 2020, le vote de quatre lois de finances rectificatives avait permis de maintenir intacts les acquis de bonne gestion budgétaires adoptés depuis 2017. En 2021, dans le contexte de la prolongation de la crise sanitaire, les mouvements réglementaires ont été plus nombreux et sont surtout caractérisés par un niveau exceptionnel de reports de crédits.

En 2022, les effets de la crise sanitaires sont résiduels mais le contexte géopolitique avec la guerre en Ukraine a eu un impact important sur l’environnement macroéconomique, conduisant le Gouvernement à user de nouveau de marges de manœuvre réglementaires en gestion.

A.   Un niveau de reports de crÉdits Exceptionnel

Les reports de crédits sont prévus par l’article 15 de la LOLF. Pris par arrêtés, ils constituent un aménagement au principe d’annualité en permettant d’assouplir le cadre temporel de la gestion encadré par un plafond de 3 % (par programme hors titre 2).

La loi de finances peut néanmoins déroger à ce plafond, ce qui a été autorisé pour 46 programmes par l’article 65 de la loi de finances initiale pour 2022.

Le montant des reports de la gestion 2021 vers la gestion 2022 atteint ainsi un niveau toujours exceptionnellement élevé, à hauteur de 23,2 milliards d’euros de CP sur le budget général en incluant les fonds de concours (5,2 milliards d’euros). Ce niveau est cependant en recul par rapport à l’année 2021 (36,6 milliards d’euros de CP).

évolution des reports de crédits de paiement
(y compris fonds de concours)

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après les projets de lois de règlement.

Les reports du budget général se concentrent, en montant, à 57 % sur les missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire (6,6 milliards d’euros de reports, en majeure partie annulés dans le cadre du décret d’avance pris en 2021 – cf. infra) et Plan de relance (6,2 milliards d’euros de reports).

Ces reports portent également sur 28 autres missions à hauteur de 5,2 milliards d’euros (hors fonds de concours), contre 1,6 milliard d’euros l’année précédente toujours sur ce périmètre hors urgence et relance. Ce montant élevé de reports s’explique principalement par la non-consommation de crédits ouverts sur des dispositifs exceptionnels ouverts en cours d’année et dont le décaissement a été décalé en 2022 (par exemple, la majoration du chèque énergie et l’indemnité d’inflation).

B.   La prise d’un dÉcret d’avance pour la deuxiÈme fois en deux ans

La prise de décrets d’avance, malgré leur caractère dérogatoire, faisait partie de la pratique budgétaire habituelle jusqu’en 2017. Cette procédure prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([10]) consiste à ouvrir des crédits en cours de gestion pour majorer certains des plafonds de crédits propres à chaque programme, tout en annulant à due concurrence d’autres crédits.

Pour la première fois depuis 1985, aucun décret d’avance n’avait été pris lors de l’exercice 2018. Cette bonne pratique a été reconduite en 2019 et même en 2020 malgré la survenue de la crise sanitaire.

l’Évolution des crÉDITS OUVERTS PAR DÉCRET D’AVANCE

(en millions d’euros pour l’échelle de gauche)

DA = décrets d’avance

Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et d’après le site Légifrance.

En 2021, face à la prolongation de la crise sanitaire, dont tous les effets n’avaient pas été anticipés par la loi de finances initiale pour 2021, le Gouvernement a pris un décret d’avance qui a donné lieu à une réallocation des crédits au sein de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire à hauteur de 7,2 milliards d’euros.

En 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine et à l’approche des échéances électorales nationales, le Gouvernement a de nouveau pris un décret d’avance pour soutenir les ménages et les entreprises les plus exposés face à la hausse des prix de l’énergie et pour financer l’accueil des réfugiés. Ce décret d’avance a procédé à une ouverture nette (et donc également à une annulation nette) de 5,9 milliards d’euros. Sur les dix dernières années, il s’agit du deuxième montant le plus important, après celui ouvert en 2021.

Ce décret fait l’objet d’une proposition de ratification par l’article 16 du présent projet de loi de finances rectificative et d’un commentaire associé à cet article dans le présent rapport.

 

*

*     *

 


—  1  —

   travaux de la commission

   auditions de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Lors de sa réunion du jeudi 7 juillet après-midi, la Commission a auditionné M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022.

M. le président Éric Coquerel. Je souhaite la bienvenue à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, que j’ai eu l’occasion d’entendre dans cette commission à de nombreuses reprises, mais pas à cette place, ainsi qu’à Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, que nous avons déjà reçu ce matin. Ils viennent tous les deux nous présenter le projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui a été déposé en cette fin d’après-midi sur le bureau de l’Assemblée nationale, à la sortie du Conseil des ministres.

La discussion en séance publique de ce projet de loi aura lieu le mercredi 20 et le jeudi 21 juillet. Nous sommes donc contraints de l’examiner en commission dès la semaine prochaine, mardi 12 et mercredi 13 juillet, ce qui fait que nous disposerons d’un temps restreint pour déposer des amendements sur ce texte, comme d’ailleurs sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, à savoir jusqu’à samedi 9 juillet à dix-sept heures. Nous l’avons vu tout à l’heure lors de la réunion du bureau : c’était la seule façon pour que l’administration puisse traiter les amendements dans le délai imparti, et encore en travaillant tout le week-end.

Je vous propose, comme ce matin, d’organiser l’audition de la façon suivante : après les ministres, le président et le rapporteur général interviendront, puis nous entendrons les orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun. MM. les ministres répondront à ces orateurs et, en fonction du temps qu’ils pourront nous accorder, nous prendrons une seconde série de questions, à raison d’une minute par orateur.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Tout d’abord, j’adresse mes félicitations au président Coquerel pour son élection à la tête de la commission des finances. J’adresse également mes félicitations à toutes les députées et à tous les députés qui ont été élus et qui siègent dans cette prestigieuse commission.

Avec le ministre délégué chargé des comptes publics, nous avons présenté le projet de loi de finances rectificative pour 2022 et le projet de loi relatif au pouvoir d’achat il y a quelques instants en Conseil des ministres. Avant d’en venir plus spécifiquement au PLFR, qui nous occupe aujourd’hui, vous me permettrez de rappeler la stratégie globale que le Gouvernement a adoptée depuis plusieurs mois pour lutter contre l’inflation.

Première remarque, cette situation d’inflation est exceptionnelle : c’est la première fois depuis de nombreuses années que l’Europe est confrontée à une augmentation aussi forte et aussi rapide des prix à la consommation.

Nous sommes le premier État en Europe à avoir pris les mesures nécessaires pour contenir ce choc inflationniste. Dès l’automne 2021, nous avons gelé les prix du gaz. Sans cette disposition, ils auraient augmenté de 50 %. Nous avons plafonné la hausse du prix de l’électricité à 4 %, faute de quoi celui-ci aurait augmenté de 35 %. Nous avons complété ces mesures par une remise sur les carburants de 18 centimes par litre, par une revalorisation de 10 % du barème kilométrique de l’impôt sur le revenu et par un chèque énergie exceptionnel d’un montant de 100 euros, versé à près de 6 millions de Français. Pourquoi ces mesures ? Tout simplement parce que 60 % de l’inflation que nous subissons sur le territoire français est importée et liée au prix de l’énergie. Mettre en place un bouclier énergétique, c’est donc combattre l’inflation. La preuve en est que, même si le niveau de l’inflation est toujours trop élevé, nous avons le taux le plus faible de tous les pays de la zone euro : il se situe aux alentours de 5 %, alors qu’il approche voire dépasse les 10 % ailleurs dans la zone et que dans d’autres pays d’Europe, notamment les États baltes, il se situe entre 15 % et 20 %.

Nous sommes désormais au cœur du pic inflationniste – je le dis même s’il convient de garder beaucoup d’humilité face à ce qui peut se passer dans les mois à venir. Par ailleurs, il importe de bien comprendre à la fois le mécanisme qui est en jeu et le point où nous en sommes.

L’inflation a été amorcée par la vigueur de la reprise économique au lendemain du covid-19. Toutes les entreprises, que ce soit aux États-Unis, en Chine ou en Europe, ont demandé des matières premières, de l’énergie, du gaz, du pétrole, des semi-conducteurs – bref, les moyens de fonctionner pour répondre à une forte demande.

La deuxième raison de l’inflation est évidemment la crise en Ukraine, qui a commencé au début de l’année, et dont l’acteur principal est l’un des plus grands producteurs d’énergie au monde : la Russie.

S’ajoutent à cela les difficultés sur le marché chinois et la relocalisation des chaînes de valeur – que je revendique, mais qui coûte plus cher : produire des batteries électriques en France, par exemple, est plus coûteux que de les importer de Chine.

Tous ces éléments nous ont amenés à une inflation de l’ordre de 5 %. J’ai toujours dit que le plus dur était devant nous : désormais, nous y sommes. Le pic inflationniste, c’est maintenant ; c’est donc maintenant qu’il faut régler le problème et apporter des réponses complémentaires à celles que nous avions déjà apportées avec le Président de la République à l’automne dernier.

Ce que nous anticipons – mais je le dis avec beaucoup de prudence –, c’est que le choc inflationniste pourrait décroître à partir de l’année 2023, avec une incertitude majeure que je tiens à souligner et qui tient aux décisions que prendra Vladimir Poutine en matière de gaz.

Quelle est ensuite la philosophie de ce paquet visant à soutenir le pouvoir d’achat ? Trois principes politiques sont au cœur des décisions que nous avons prises.

Le premier est l’efficacité. C’est la raison pour laquelle il vous est proposé de maintenir l’intégralité du bouclier énergétique jusqu’à la fin de l’année 2022. Nous serions ainsi le seul État de la zone euro à geler intégralement le prix du gaz, alors même que nous faisons face à son explosion, et à plafonner à 4 % l’augmentation des tarifs de l’électricité, alors même que nous sommes aussi confrontés à une flambée de ces derniers. Je confirme, pour rassurer ceux qui ont exprimé des craintes à ce propos, qu’il n’y aura aucun rattrapage pour le consommateur début 2023, même si les prix continuaient à augmenter dans les semaines qui viennent.

Le deuxième principe est la justice. Cela consiste à protéger ceux qui n’ont absolument aucune arme pour se défendre contre l’inflation. C’est le cas des retraités, par exemple : si vous ne revalorisez pas les pensions de retraite, chaque point d’inflation supplémentaire est autant de pouvoir d’achat perdu. Nous revalorisons donc les pensions de 4 %, après une revalorisation de 1,1 % au début de l’année 2022. C’est la même chose pour les fonctionnaires, ce qui explique que nous revalorisions le point d’indice. Il en va de même pour les familles : d’où la revalorisation des prestations familiales – car il est évident que lorsque l’on a deux, trois ou quatre enfants, le coût de l’alimentation est d’autant plus pénalisant pour la vie quotidienne.

Le troisième principe est la préservation des finances publiques. Nous ne voulons pas financer ce paquet par la dette. Nous souhaitons donc qu’il le soit par les rentrées fiscales de l’année 2022. Grâce aux mesures de relance que nous avons prises, l’activité a été forte en 2021, notre économie résiste et donc les recettes d’impôt sur les sociétés sont bonnes. Les cotisations sociales sont elles aussi plus élevées, parce que nous avons créé des emplois. Ces recettes permettent de financer le paquet en faveur du pouvoir d’achat sans alourdir le déficit ni la dette publique. C’est le cœur de notre politique : pour redistribuer des richesses, il faut d’abord en créer.

Quelles sont ensuite les grandes lignes de ce paquet ? Je rappelle que nous avons déjà engagé 23 milliards d’euros en 2021 et 2022 pour protéger nos compatriotes, notamment à travers le bouclier énergétique. Nous ajoutons, avec ce paquet, 20 milliards d’euros de mesures nouvelles, dont 10 milliards figurent dans le projet de loi de finances rectificative qui vous est présenté.

Ce sont d’abord les mesures d’indexation dont j’ai parlé : indexation des retraites et revalorisation du point d’indice pour 3,7 milliards d’euros, revalorisation des allocations et des prestations sociales pour 2 milliards d’euros.

Ce sont ensuite des aides ciblées spécifiques qui visent les postes de dépenses quotidiennes les plus lourds pour nos compatriotes.

Le premier de ces postes est le loyer. Après une longue consultation de l’ensemble des acteurs concernés, nous avons décidé de plafonner à 3,5 % l’indice de revalorisation des loyers, faute de quoi la revalorisation aurait été de l’ordre de 6 %. Entre le 1er octobre 2022 et le 1er octobre 2023, les loyers ne pourront donc pas augmenter de plus de 3,5 % ; chez nos voisins européens, la hausse sera de près de 10 %. Cette mesure procure donc une protection massive et efficace.

Le deuxième poste de dépenses, dont vous avez évidemment tous entendu parler dans vos circonscriptions, ce sont les carburants. La hausse des prix des carburants pénalise principalement tous ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur voiture pour aller travailler, qu’il s’agisse de salariés, d’agents publics ou de travailleurs indépendants, sans oublier les aides-soignants et les infirmiers à domicile. Tous ces gens nous disent qu’ils ne peuvent plus aller travailler, que cela leur coûte trop cher. C’est inacceptable.

Nous avions engagé une remise de 18 centimes d’euros par litre, qui avait le mérite d’être massive mais qui couvrait tout le monde indifféremment. Nous vous proposons de la supprimer progressivement : elle pourrait passer à 12 centimes en octobre, 6 centimes en novembre avant de s’éteindre définitivement en décembre. À la place, dès le 1er octobre, nous ouvririons un guichet à la direction générale des finances publiques où pourrait venir s’inscrire, sur une base déclarative – par souci de simplification – toute personne utilisant sa voiture pour aller travailler, y compris les alternants.

Nous proposons d’aller jusqu’au cinquième décile – mais je suppose que des discussions auront lieu à ce propos –, ce qui permettrait de couvrir 11 millions de foyers, soit la moitié des travailleurs salariés utilisant leur véhicule. Cette mesure toucherait donc les catégories populaires et les classes moyennes. L’indemnisation serait de 200 euros pour les premier, deuxième et troisième déciles et de 100 euros pour les quatrième et cinquième déciles, là aussi dans un souci de justice. Nous prévoyons une majoration de 50 % pour tous ceux dont le lieu de travail est situé à plus de 30 kilomètres du lieu d’habitation et qui ont donc des dépenses encore plus importantes.

Le troisième poste de dépenses majeur est l’alimentation. Nous proposons un chèque alimentaire de 100 euros par foyer et de 50 euros par enfant, qui concernera les 9 millions de foyers les plus modestes.

La troisième grande ligne du paquet consiste à protéger tous ceux qui travaillent : revalorisation de 4 % de la prime d’activité ; baisse des cotisations sociales pour les indépendants, qui touchera 2 millions de personnes ; triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), défiscalisée, qui sera portée à 6 000 euros ; simplification de l’intéressement et de la participation, de façon à inciter les entreprises à utiliser davantage ces mécanismes de répartition de la valeur et de rémunération des salariés.

Je souhaite insister sur deux principes qui me paraissent importants. Le premier est la préservation des finances publiques. Nous avons atteint la cote d’alerte car les conditions de financement ne sont plus les mêmes. Par conséquent, chaque euro compte. Nous voulons tenir la trajectoire qui nous permettra de revenir en dessous des 3 % de déficit en 2027, contre 6,5 % en 2021 et 5 % en 2022.

Le second principe est que le fardeau doit être partagé équitablement. Les entreprises doivent en prendre leur part. Certaines le font par des augmentations de salaire. Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires. Par ailleurs, toutes celles qui bénéficient de la situation actuelle parce qu’elles sont dans des secteurs porteurs, tels que celui des hydrocarbures et celui du transport, doivent redistribuer une partie de leurs profits à nos compatriotes. Nous ferons les comptes d’ici à la fin de l’année pour nous assurer que les entreprises ont bien fait le nécessaire.

Pour finir, je dirai quelques mots du PLFR lui-même, pour que chacun mesure bien la répartition des crédits. Ce projet de loi de finances rectificative autorise l’ouverture de 44 milliards d’euros de nouveaux crédits. Il se décompose en quatre volets.

Le premier concerne la lutte contre l’inflation – je ne reviens pas sur les mesures que je viens de présenter : la moitié d’entre elles environ figurent dans ce texte, pour un montant total de 9,3 milliards d’euros.

Deuxième volet majeur : le PLFR prévoit des crédits pour la nationalisation d’EDF et pour toute autre opération qui pourrait s’avérer nécessaire dans le contexte économique très particulier où nous sommes. Nous avons donc décidé d’inscrire 12,7 milliards d’euros au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Troisième volet : le texte prévoit des ouvertures de crédits pour diverses mesures de soutien à l’économie – concernant notamment l’alternance et l’emploi –, pour près de 10 milliards d’euros.

Enfin, le PLFR matérialise de manière très claire que nous avons atteint la cote d’alerte pour les finances publiques, puisque nous sommes obligés d’ouvrir 12 milliards d’euros de crédits pour faire face à l’augmentation de la charge de la dette liée à l’inflation en France et dans la zone euro. On ne saurait mieux dire la nécessité de compter chaque euro.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Si nous présentons plusieurs textes pour mettre en œuvre le paquet pouvoir d’achat, c’est pour respecter la spécificité du domaine des lois de finances, défini par la Constitution, mais il s’agit bien d’un seul et même ensemble, qui dépasse d’ailleurs les deux textes transmis au Parlement puisque certaines mesures sont d’ordre réglementaire. Nous avons ainsi adopté tout à l’heure en Conseil des ministres le décret permettant la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique de 3,5 %, les crédits correspondants étant quant à eux inscrits dans le PLFR. Pour la fonction publique d’État, la mesure s’appliquera dès la feuille de paye du mois de juillet ; pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, ce sera sur celle du mois d’août, avec évidemment effet rétroactif pour le mois de juillet.

Ces textes possèdent une logique et une cohérence, à savoir la poursuite de la lutte contre l’inflation, avec des mesures que l’on pourrait résumer en disant qu’il s’agit de dépenser moins et de gagner plus. Bruno Le Maire a évoqué la plupart d’entre elles. Je mentionnerai simplement la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, contenue dans le PLFR. La disparition de cet impôt, payé par 23 millions de Français, permettra à ces derniers de gagner 138 euros dès l’automne prochain. Là où certains voudraient augmenter les impôts, nous les baissons ; là où certains voudraient en créer, nous en supprimons, comme nous l’avons fait avec la taxe d’habitation, qui a été supprimée pour 80 % des Français – pour les 20 % qui la payent encore, elle a d’ores et déjà baissé d’un tiers et diminuera encore d’un tiers cette année, avant d’être intégralement supprimée l’an prochain.

Un certain nombre d’ouvertures de crédits prévues dans le PLFR correspondent à des mesures que nous avons prises dans le cadre du plan de relance ou du plan de résilience économique et sociale.

Il s’agit notamment de poursuivre notre politique en faveur de l’apprentissage, qui constitue un formidable succès partout sur le territoire : les chefs d’entreprise, en particulier les artisans, nous disent à quel point les mesures prises dans ce domaine leur sont utiles. Désormais, 700 000 jeunes sont en apprentissage, contre moins de 300 000 en 2017.

Nous continuons également à soutenir les Français qui souhaitent acquérir un véhicule hybride ou électrique, à travers le financement du bonus écologique qui est prévu dans le texte.

Nous poursuivons aussi les mesures destinées à aider les entreprises particulièrement affectées par l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. À cet égard, l’aide aux entreprises énergo-intensives a démarré cette semaine. Elle concerne les entreprises dont plus de 3 % du chiffre d’affaires est consacré à des dépenses d’électricité ou de gaz et qui ont vu leur facture doubler sur la période de référence par rapport à 2021. Cette aide très concrète leur permettra de résister.

La cohérence vaut également, comme vient de le rappeler Bruno Le Maire, en ce qui concerne la maîtrise des comptes publics, à travers une trajectoire que nous entendons poursuivre : 8,9 % de déficit en 2020, 6,4 % en 2021, 5 % en 2022 en intégrant ce paquet et 3 % en 2027. Il y va, là aussi, du pouvoir d’achat des Français, car la dette que nous accumulerions aujourd’hui serait un impôt que les Français paieraient demain ou après-demain. Il y va également de l’indépendance de notre pays, car un pays qui ne tient pas ses comptes n’est pas un pays libre. Nous défendons l’indépendance et la souveraineté de notre pays sur le plan énergétique, sur le plan alimentaire et sur le plan sanitaire, mais aussi sur le plan financier.

M. le président Éric Coquerel. Mes questions et mes observations ne surprendront pas Bruno Le Maire : je les faisais précédemment au fond de la salle.

Tout d’abord, selon votre analyse macroéconomique, nous sommes au sommet du pic inflationniste et il y a toutes les raisons de penser que la courbe va décroître à partir de 2023. Sur quoi fondez-vous cette analyse ? Si vous considérez que l’inflation provient principalement de la guerre en Ukraine – même si ce n’est pas ce que vous avez dit –, j’infirme pour ma part cette idée : des logiques spéculatives sont à l’œuvre, qui profitent de la guerre mais sont indépendantes de celle-ci.

Si je vous interroge sur ce point, c’est parce que l’augmentation des prix est forte et qu’elle continue : elle a atteint 5,9 % en juin et devrait approcher les 7 % en septembre. En moyenne annuelle, elle serait ainsi de 5,5 % en 2022, alors que les salaires n’augmenteront que de 3,6 % en moyenne – et cette moyenne cache de fortes disparités. Pour remédier à cette situation, vous demandez aux chefs d’entreprise d’augmenter les salaires et vous dites que le bilan sera fait à la fin de l’année. Nous ne sommes pas sûrs que les salaires vont augmenter, mais entre-temps les aides auront été attribuées aux entreprises, sans contrepartie. Vous savez que cette méthode a constitué, à mes yeux, l’un des problèmes majeurs des cinq dernières années. C’est la raison pour laquelle je préconise plutôt, avec les groupes qui ont proposé mon élection à la tête de cette commission, de porter le SMIC à 1 500 euros net et d’organiser une conférence annuelle du travail cadrée, rassemblant les partenaires sociaux et permettant d’augmenter les salaires.

Comment pensez-vous, concrètement, faire en sorte que les salaires augmentent, qu’il s’agisse aussi bien de leur part nette que de leur part socialisée ?

Le pouvoir d’achat des Français a diminué de 1,5 % au premier trimestre. Or, comme à chaque fois, les mesures que vous proposez ne sont que des coups de pouce ponctuels au pouvoir d’achat, à l’image du chèque énergie et de l’indemnité inflation. Ce ne sont pas des dispositions permettant d’améliorer structurellement le partage des richesses.

Avec ce plan d’urgence sociale, 55 milliards d’euros environ sont mis sur la table. Je regrette que, plutôt que de continuer à appauvrir l’État en diminuant de 10 milliards les impôts de production, on n’en ait pas profité pour récupérer de l’argent, notamment auprès de tous ceux qui ont largement profité de la crise. Vous le savez aussi bien que moi : alors que tous les groupes du CAC40 ont reçu des aides publiques en 2021, les deux tiers d’entre eux ont battu des records en matière de profits et leurs actionnaires vont recevoir sous forme de dividendes et de rachats d’actions plus de 80 milliards d’euros au titre de l’année 2021. Il y aurait donc eu matière à créer une taxe pérenne – c’est ce que nous souhaitions – ou, à tout le moins, exceptionnelle.

Par ailleurs, la plupart des mesures que vous proposez ne permettent pas de compenser l’inflation. J’en veux pour preuve les aides sociales et l’aide personnalisée au logement (APL). C’est vrai également pour les fonctionnaires : certes le point d’indice va augmenter, mais comme il avait été gelé pendant des années, cette hausse sera de toute façon inférieure à l’inflation, et les fonctionnaires continueront à perdre du pouvoir d’achat.

Vous nous dites que l’augmentation des loyers va être bloquée à 3,5 %. La lecture que je fais de cette mesure est tout autre : votre proposition signifie concrètement que les loyers pourront connaître jusqu’à 3,5 % d’augmentation, tandis que la hausse de l’APL – que tout le monde ne touche pas, d’ailleurs – sera bien inférieure, ce qui se traduira par une perte de quasiment 200 euros. Le logement est pourtant considéré, dans la plupart des foyers modestes, comme le problème numéro un.

Pour ces raisons, il y a donc une disparité entre, d’un côté, ce que vous laissez augmenter ou ne freinez pas suffisamment et, de l’autre, les aides sociales que vous mettez sur la table.

Il en va de même en ce qui concerne le carburant et l’énergie – je m’en tiendrai au premier pour ne pas aborder l’ensemble des questions. Pourquoi, monsieur le ministre, ne bloquez-vous pas le prix du carburant, dès lors que la remise de quelques centimes au litre consentie par l’État – dont vous avez dit, d’ailleurs, que vous alliez progressivement la flécher d’une autre manière – est avalée par la hausse ? Qui plus est, les raffineurs, comme TotalEnergies, continuent à s’enrichir sans qu’il leur soit demandé de contribuer à l’effort national.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je salue ce paquet destiné à lutter contre les effets de l’inflation, pour trois raisons en particulier – mais il y en aurait beaucoup d’autres.

Premièrement, il procurera un soutien massif, à hauteur de 20 milliards d’euros, et bénéficiera à l’ensemble des Français : personne ne sera laissé sur le bord de la route.

Deuxièmement, il ciblera plus spécifiquement ceux qui sont le plus affectés, qu’il s’agisse des gros rouleurs ou des personnes ayant les revenus les plus faibles. Il est de bonne gestion de passer de dispositifs très généraux à des dispositifs aussi ciblés que possible.

Troisièmement, il traduit notre volonté partagée de maintenir à 5 % le déficit en 2022. La hausse des taux va nous coûter 12 milliards d’euros, ce qui rappelle à la réalité tous ceux ici qui pensaient que la dette n’avait pas de conséquences et qu’on pouvait continuer à l’augmenter indéfiniment. Nous avons l’obligation économique, mais aussi morale, vis-à-vis des générations futures, de tenir la trajectoire de rétablissement des finances publiques.

Je souhaite vous poser quatre questions.

Vous annoncez que ces mesures, qui représentent 3 points de PIB, permettront de maintenir voire d’augmenter légèrement le pouvoir d’achat des Français en 2022, après une hausse assez significative en 2021. Pouvez-vous être un peu plus précis ?

Vous n’avez pas modifié votre prévision de solde public effectif pour 2022, qui demeure à – 5 % du PIB depuis la loi de finances initiale, estimant que la révision à la hausse du niveau des recettes compensait grosso modo l’augmentation des dépenses. Pourtant, le présent PLFR prévoit une augmentation de 14,6 milliards d’euros du déficit de l’État et, dans le même temps, une révision à la baisse de la croissance. Comment expliquez-vous ces différents éléments ? Par ailleurs, comment parvenez-vous à faire baisser le ratio dette/PIB ?

Le PLFR prévoit une augmentation très significative des recettes fiscales et non fiscales de l’État. Les recettes liées à l’impôt sur les sociétés (IS) apparaissent très dynamiques en 2022, puisqu’elles augmenteraient de 20 % par rapport à 2021 après une hausse tout aussi significative l’année dernière, en dépit d’une baisse du taux d’imposition. Quelle est donc la contribution des entreprises à l’augmentation des recettes de l’État depuis 2020 ?

Vous avez déjà répondu en partie à ma dernière question, qui porte sur les 15,1 milliards d’euros venant abonder les crédits de la mission Économie et les 12,7 milliards devant permettre à l’État d’intervenir dans les entreprises stratégiques françaises. Vous avez parlé d’EDF : quels seront les montants consacrés respectivement à cette entreprise et à d’autres participations éventuelles ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous remercie pour la qualité de ce beau débat démocratique que nous venons d’engager sur la meilleure façon de protéger nos compatriotes des effets de l’inflation.

S’agissant des prévisions, je m’exprime avec humilité et prudence car notre monde est particulièrement instable. Nous élaborons différents scénarios, puis nous choisissons un scénario de référence, mais il est possible que ce dernier soit démenti par la réalité en raison des événements géopolitiques et des décisions que prendra Vladimir Poutine au sujet du gaz. Je le répète, une coupure brutale et totale de l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe aurait un impact économique lourd sur la croissance dans la zone euro, en particulier pour notre premier partenaire commercial, l’Allemagne. Si nous devons prendre cet élément en considération, notre scénario de référence reste le même que celui du Fonds monétaire international (FMI), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de nombreux observateurs, à savoir celui d’une décroissance progressive de l’inflation à partir du milieu ou de la fin de l’année 2023. En effet, nous ne subirons pas chaque année une hausse de 100 % du prix du pétrole et nous cherchons, avec d’autres États, des solutions alternatives aux énergies fossiles russes. Par ailleurs, les perturbations affectant les chaînes d’approvisionnement devraient s’atténuer, notamment du fait de la réouverture du marché chinois.

Je veux cependant être très clair : à la sortie de cette crise inflationniste, le niveau moyen d’inflation sera environ deux fois plus élevé que celui que nous connaissions avant la crise du covid, car certains facteurs structurels ne changeront pas. Je citerai deux raisons qui me paraissent absolument décisives. D’une part, nous faisons le choix d’une régionalisation de la mondialisation : nous avons décidé de produire sur le territoire français ou européen un certain nombre de biens industriels que nous importions jusque-là, parmi lesquels les semi-conducteurs ou les batteries de voitures électriques. Cela va dans le bon sens mais cette production est, de fait, inflationniste. D’autre part, la transition énergétique que nous avons engagée est très coûteuse – sans doute même beaucoup plus que nous ne l’imaginons. Nous devons construire de nouvelles infrastructures nécessaires à la production d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables, nous devons décarboner un certain nombre de sites industriels, en utilisant notamment l’hydrogène, et cela renchérit considérablement les coûts de production.

Le niveau des salaires est une vraie question, que je n’évacue pas d’un revers de la main car c’est probablement l’attente la plus forte de nos compatriotes. Je le répète : toutes les entreprises qui disposent des marges de manœuvre pour augmenter les salaires doivent le faire – c’est d’ailleurs dans leur intérêt, car les problèmes de recrutement rencontrés dans tout le territoire montrent que l’attractivité des entreprises tient avant tout au niveau de salaire qu’elles proposent. Les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ont consenti des hausses de salaire importantes, sans lesquelles ils n’auraient pas eu la possibilité de recruter. Certaines entreprises, notamment les plus petites d’entre elles – les PME et TPE –, arguent du fait qu’elles ne peuvent se projeter au-delà d’une ou deux années et refusent donc d’accorder des augmentations salariales qui pourraient menacer leur survie dans deux ou trois ans. Je les comprends parfaitement : rien ne garantit à un petit entrepreneur du bâtiment dans l’Eure, qui gagne des marchés aujourd’hui, que la situation sera aussi bonne dans deux ans. Cependant, nous avons mis à la disposition des entreprises tous les instruments nécessaires pour garantir, dans des conditions économiques viables, une meilleure rémunération des salariés. J’invite notamment les employeurs à utiliser la PEPA, défiscalisée, dont le montant peut atteindre 6 000 euros et qui permet d’accroître les salaires sans risquer de fragiliser l’entreprise ou de menacer son avenir à long terme. J’ajoute que les dispositifs d’intéressement et de participation ont été massivement simplifiés et que nous avons supprimé la taxe de 20 % sur l’intéressement pour les PME.

Je vous rejoins, monsieur le président – cela nous arrivera sans doute rarement –, sur la question des minima de branche. Il n’est pas acceptable qu’un si grand nombre de minima de branche soient inférieurs au salaire minimum : de ce fait, les salariés de ces branches embauchés au niveau du SMIC – c’est le minimum légal – poursuivent leur carrière sans augmentation salariale, ce qui les décourage et les maintient dans des conditions de vie déplorables. C’est pourquoi le ministre du travail a formulé plusieurs propositions, que la Première ministre a rappelées et qui doivent permettre de remédier à cette difficulté sociale.

Je le répète : les entreprises, notamment celles qui bénéficient de la situation actuelle, doivent porter leur part du fardeau. Je les incite vivement à redistribuer les profits qu’elles réalisent au bénéfice de nos compatriotes. Nous ferons les comptes d’ici à la fin de l’année.

Je crois évidemment à la politique fiscale que nous avons conduite sous l’égide du Président de la République. La baisse des impôts de production se traduit par une réindustrialisation de fait de notre pays : nous créons enfin des emplois industriels et nous rouvrons des usines. Pour continuer dans cette voie, il ne faut pas que nos impôts de production soient sept fois plus élevés que ceux de nos voisins allemands. Je rappelle que le taux de l’impôt sur les sociétés a été ramené, sous mon autorité et celle du Président de la République, avec l’accord de la majorité précédente, de 38 % à 25 % entre 2017 et 2022. Cela n’empêche pas les recettes de l’IS d’être plus élevées en 2022 qu’en 2017, pour la simple raison que la baisse du taux a permis aux entreprises de dégager des bénéfices plus importants.

S’agissant des fonctionnaires, la revalorisation du point d’indice s’ajoute à des mesures catégorielles et à des mesures techniques de revalorisation des traitements.

Vous connaissez ma position relative au blocage des prix des carburants. Au bout du compte, il y a toujours quelqu’un qui paie. Si nous décidons de plafonner le prix du litre à 1,40 ou 1,50 euro, ou encore de supprimer toute taxe au-delà de ce montant, le coût de la mesure sera supporté soit par l’État, soit par les fournisseurs, lesquels décideront d’arrêter de nous livrer du pétrole puisqu’ils préféreront le vendre ailleurs. Au fond, cela revient à choisir entre l’effondrement de nos finances publiques – la suppression de toute taxe pour ramener le prix du carburant à 1,50 euro par litre coûterait 50 milliards d’euros par an – et la formation de files d’attente à l’entrée des stations-services du fait des pénuries de carburant. Je ne crois ni au plafonnement des prix, ni à la suppression de toute taxe sur les carburants ; je crois bien davantage à la proposition que nous faisons.

Puisque notre objectif est d’accélérer la décarbonation de l’économie, il serait surprenant de subventionner les énergies carbonées : il ne convient donc pas de réduire les recettes fiscales liées aux énergies fossiles. En revanche, et bien que le ministre délégué chargé des comptes publics soit très attaché au principe de non-affectation des taxes, nous pourrions faire une exception pour celles portant sur les énergies fossiles, dont les recettes pourraient être fléchées vers le financement de la transition écologique et énergétique – j’ai déjà formulé à plusieurs reprises cette proposition juste et efficace, et je suis tout à fait prêt à travailler dans ce sens.

Monsieur le rapporteur général, je veux vous rassurer s’agissant de la hausse des taux. Ne cédons pas à une forme de surenchère verbale : nous avons certes atteint une cote d’alerte, mais il n’y a pas d’inquiétude à avoir au sujet du financement de la dette française sur les marchés. Le taux d’emprunt à dix ans, qui était monté à plus de 2 %, est redescendu aux alentours de 1,7 %, et notre spread avec l’Allemagne est maîtrisé. Toutefois, à partir de maintenant, chaque euro compte, et nous devons veiller à la manière dont nous orientons nos finances publiques car tout peut déraper très vite. Les marchés seront extraordinairement attentifs aux décisions que nous prendrons. Je rappelle également que 10 % de la dette française sont indexés sur l’inflation, et que les deux tiers de ces 10 % sont indexés sur le niveau d’inflation moyen de la zone euro, lequel est plus élevé que l’inflation française. Ainsi, lorsque l’inflation est forte, non seulement les taux augmentent, mais la charge de la dette progresse également très fortement : c’est pourquoi 12 milliards d’euros supplémentaires ont été inscrits à ce titre dans le PLFR. Je le répète : toutes ces évolutions dépendent très fortement des décisions que vous prenez, en tant qu’élus du peuple, en matière de finances publiques.

Nous estimons que l’ensemble des mesures prises en 2021 et 2022 permettront de maintenir, en moyenne, le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Si je me méfie comme de la peste des statistiques et des moyennes, qui sont généralement à des années-lumière des situations personnelles réellement vécues, je me réjouis tout de même de cette évaluation statistique moyenne, selon laquelle l’ensemble des mesures adoptées préserveront le pouvoir d’achat des Français.

S’agissant enfin des 12,7 milliards d’euros venant abonder le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, je n’ai pas le droit de vous préciser le montant exact qui sera consacré à la nationalisation d’EDF, puisqu’il s’agit d’une opération en cours – les choses seront précisées dès que l’opération aura été bouclée. Je redis cependant que ces 12,7 milliards ne serviront pas uniquement au financement de la nationalisation d’EDF, mais également à d’autres opérations qui pourraient s’avérer nécessaires au cours de l’année.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons dit en effet que ce paquet de mesures de soutien public au pouvoir d’achat représentait 3 points de pouvoir d’achat. Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur général, je précise que 1,5 point correspond au « dépenser moins » que j’évoquais tout à l’heure, c’est-à-dire à toutes les mesures permettant de contenir l’inflation, et que 1,5 point correspond au « gagner plus », à savoir à toutes les revalorisations de prestations et de minima, à toutes les mesures que nous avons prises en faveur de la rémunération des salariés – pérennisation de la PEPA – et des fonctionnaires – revalorisation du point d’indice – et à la suppression de la redevance audiovisuelle.

Vous nous avez demandé pourquoi nous maintenions notre prévision de solde public à – 5 % du PIB alors que le PLFR comporte des dépenses nouvelles et seulement 31 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Cela s’explique par le fait que le déficit de l’État est présenté en comptabilité budgétaire alors que le solde public est issu de la comptabilité nationale. Les 55 milliards d’euros de recettes supplémentaires prévus en 2022 ne correspondent pas uniquement à des recettes de l’État – il y a aussi des recettes de sécurité sociale – et ne sont donc pas tous présentés dans ce texte. C’est la raison pour laquelle nous parvenons à maintenir à  5 % notre prévision de déficit pour 2022 et à ne pas dévier de la trajectoire qui doit nous conduire à 3 % de déficit en 2027.

S’agissant du ratio dette/PIB, notre prévision de PIB a été révisée à la hausse par rapport à celle de la loi de finances initiale pour 2022 – après avoir procédé à une première réévaluation en loi de finances rectificative pour 2021, nous avons constaté qu’il convenait d’augmenter encore notre prévision. C’est ce qui explique les écarts que vous avez constatés.

Vous nous avez enfin interrogés sur le rehaussement très important des recettes fiscales et non fiscales de l’État, en particulier de celles issues de l’impôt sur les sociétés. Si nous prévoyons une augmentation de ces dernières alors même que notre prévision de croissance est inférieure à celle que nous avions inscrite dans la loi de finances initiale pour 2022, c’est parce que les données dont nous disposons montrent que le bénéfice fiscal des entreprises a progressé très fortement – de 40 % – en 2021. Cette « bonne surprise » observée fin 2021 a un effet double en 2022, du fait de la mécanique de cet impôt, puisque tant le solde de l’exercice 2021 versé en 2022 que les acomptes payés en 2022 connaissent une forte hausse.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je vous remercie d’avoir rappelé que ce paquet de mesures en faveur du pouvoir d’achat devait être appréhendé dans son ensemble, en soulignant tant sa cohérence que son ampleur.

La cohérence de ce paquet témoigne de l’esprit de responsabilité qui anime la majorité depuis 2017, grâce auquel nous avons pu faire face aux crises d’ampleur que nous avons traversées. Le redressement des finances publiques n’est pas une option. C’est notre majorité qui a fait sortir la France de la procédure de déficit excessif, qui avait stabilisé la dette avant la crise sanitaire et qui avait « sincérisé » le budget de l’État. J’insiste également sur la cohérence de ce paquet avec les mesures en faveur du pouvoir d’achat prises par la majorité ces cinq dernières années, en gardant comme boussole la revalorisation du travail. N’oublions pas tout ce que nous avons décidé et intégralement financé : la hausse de la prime d’activité, la baisse des cotisations salariales, la baisse de l’impôt sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation, les revalorisations salariales importantes telles que celles décidées dans le cadre du Ségur de la santé.

Oui, nous continuons à mener une politique de l’offre, une politique qui crée avant de redistribuer et qui récompense le travail. Oui, nous conduisons une politique de lutte ciblée contre l’inflation pour préserver le pouvoir d’achat des Français – cette politique, d’une ampleur sans précédent, revêt également une dimension structurelle. Oui, nous poursuivons les baisses d’impôts engagées pendant le précédent quinquennat.

L’ampleur des mesures proposées par le Gouvernement, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros, doit nous inviter à la plus grande responsabilité à l’aube du débat parlementaire. La revalorisation du point d’indice coûtera 7,5 milliards d’euros, soit l’équivalent de la somme des budgets des ministères de l’agriculture et des outre-mer. Ce montant doit nous faire réfléchir, alors que notre pays emprunte chaque jour ouvré plus d’un milliard d’euros sur les marchés financiers.

Messieurs les ministres, quel est le scénario de taux d’intérêt que vous avez retenu dans ce PLFR et qui diffère de celui envisagé en loi de finances initiale ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne nous attendions pas à grand-chose, mais nous sommes quand même déçus – pas pour nous mais pour les Français, en particulier pour les classes moyennes qui, encore et toujours, n’ont droit à rien, sont les grandes perdantes et vont tenir à bout de bras ce qui reste debout dans notre pays par leurs efforts, leur travail et leur épargne. Vous dites que l’effort est partagé, mais je ne sais pas de quoi vous parlez. Jamais le désordre économique et social n’a été aussi fort en France : d’un côté, des travailleurs, des entrepreneurs, des retraités qui ne s’en sortent plus ; de l’autre, des profiteurs de crise et même des profiteurs de guerre qui ne font aucun effort et se gavent de l’argent des Français comme ils se sont gavés de l’argent public pendant la crise du covid. Vous me faites penser à Necker qui, à l’aube de la Révolution, demandait au clergé de faire un don ou de lui accorder l’aumône pour sauver l’État. Une fois encore, vous demandez l’aumône aux profiteurs ; je peux vous dire que ces gens ne vous donneront rien, comme ils n’ont jamais rien donné à la France que l’État ne leur impose. Vous êtes les garants de l’ordre économique et de la justice fiscale : vous n’avez pas à demander des efforts aux plus chanceux d’entre nous, vous devez leur demander justice pour le peuple français.

Marine Le Pen a été la première grande dirigeante politique à annoncer l’inflation structurelle qui allait frapper l’Occident et la France. La seule manière macroéconomique de diminuer l’inflation importée consiste à baisser la TVA – à fixer à 0 % le taux de TVA auquel sont soumis les biens de première nécessité et à ramener de 20 % à 5,5 % le taux de TVA applicable à l’énergie, qu’il s’agisse du carburant, bien sûr, mais aussi du fioul, qui est le grand oublié du Gouvernement. Comme nombre d’entre nous, je reçois en ce moment des factures de fioul transmises par des habitants de ma circonscription devant remplir une cuve de 2 000 litres : les montants ont doublé en un an. Comment voulez-vous que nos compatriotes puissent honorer ces factures ? C’est totalement impossible !

Enfin, je ne comprends pas pourquoi vous gâchez des ressources publiques pour nationaliser EDF, que vous contrôlez déjà – à moins qu’il ne s’agisse de récupérer le capital de l’entreprise pour mieux la démanteler en échappant à des procédures contraignantes. Vous devriez plutôt accélérer le déploiement des nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), sans attendre 2035, et sauver ce qui reste de notre indépendance énergétique.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Je commencerai par une question simple. Ce PLFR comprend une partie du paquet de mesures en faveur du pouvoir d’achat, qu’il convient de mettre au regard de l’augmentation générale des prix. Vous avez affirmé que vous alliez préserver le pouvoir d’achat moyen des ménages, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Ce pouvoir d’achat va-t-il augmenter, stagner ou baisser ? En d’autres termes, l’inflation va-t-elle, comme je le crains, dévorer les aides sitôt qu’elles auront été versées ?

Vous mettez en avant votre bouclier tarifaire mais, avant sa création fin 2021, des flèches avaient déjà frappé les prix. Le prix du gaz, par exemple, a augmenté de 30 % entre janvier et novembre 2021, et il en est de même des prix de l’essence et de l’électricité. Comment comptez-vous revenir sur ces hausses de tarifs, qui sont insupportables pour nos concitoyens ?

Les marges des fournisseurs d’énergie ont augmenté. Pourquoi refusez-vous donc de bloquer les prix pour créer, cette fois, un bouclier contre les profits déraisonnables ?

Dans tous les domaines, vos mesures ne semblent pas rattraper la hausse des prix. Vos aides sont dérisoires – pire, pour les pauvres, elles sont provisoires. Vous prétendez combattre l’inflation avec des chèques inflation. Cela ne conduira qu’à une chose : l’inflation des chèques inflation. Pourquoi ne pas opter pour une hausse durable des bas salaires, en commençant par exemple par fixer le SMIC à 1 500 euros net ? Pourquoi ne pas faire contribuer les entreprises qui le peuvent, notamment les plus grandes, à l’effort que vous demandez aux TPE et PME ? Pendant ce temps, les 500 Français les plus riches ont un ticket d’or illimité : ils possèdent plus de 1 000 milliards d’euros, et leur fortune a été multipliée par quatre en dix ans. Pourquoi refusez-vous de partager ces richesses, au moins pendant la crise ?

S’agissant des causes de l’inflation, comment réagissez-vous à la récente déclaration de M. Leclerc, qui a qualifié certaines hausses de prix de suspectes ? Compte tenu de votre fonction, vous devez avoir des éléments de réponse, monsieur le ministre. Y a-t-il une spéculation qui croque dans le pouvoir d’achat des Français, oui ou non ? Y a-t-il des profiteurs de crise, oui ou non ? Si oui, combien nous volent-ils et comment comptez-vous enfin les sanctionner ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Quand j’ai entendu que le paquet de mesures s’élevait à 20 milliards d’euros, je n’ai pu m’empêcher de comparer ce montant aux 19,7 milliards d’augmentation des recettes issues de trois impôts – l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et la TVA – constatée lors des cinq premiers mois de l’année 2022 par rapport aux cinq premiers mois de l’année 2021. Cette augmentation s’établit effectivement à 10,4 milliards pour l’impôt sur les sociétés, à 3,6 milliards pour l’impôt sur le revenu et à 5 milliards pour la TVA. Finalement, les 20 milliards du paquet de mesures ne sont donc qu’une redistribution des 20 milliards de recettes fiscales supplémentaires encaissées lors des cinq premiers mois de l’année. Pouvez-vous s’il vous plaît me confirmer ces montants pour ces trois impôts au 30 juin ?

J’aimerais également évoquer nos propositions, notamment celle relative au prix du carburant. Comme Mme la Première ministre l’a dit hier, il est important « de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble ». La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la TVA sont les impôts les plus injustes, parce qu’ils touchent la France qui travaille, la France qui se lève tôt. Vous étiez un élu de l’Eure, monsieur le ministre, et moi je suis députée de l’Orne : nous connaissons tous les deux ces territoires ruraux où le prix du carburant pose un problème beaucoup plus important – les salariés y effectuent des trajets moyens de 27 kilomètres – et à qui il faut apporter une réponse. Contrairement à ce que vous dites, un plafonnement du prix du carburant à 1,50 euro par litre ne représente pas du tout, pour le Gouvernement, une dépense de 50 milliards d’euros. La seule TICPE produit 33 milliards de recettes fiscales ; si l’on y ajoute la TVA applicable aux carburants, on arrive à 50 milliards. Or nous ne proposons pas du tout de supprimer la totalité de ces taxes.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Le PLFR et le projet de loi relatif au pouvoir d’achat sont les deux blocs de protection du portefeuille de nos compatriotes. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre texte, notre préoccupation doit être de restaurer les capacités de l’État pour faire face à de nouvelles crises et pour voir plus loin. Il nous faudra nous imposer davantage de rigueur – dans le bon sens du terme –, en envisageant des dispositifs pérennes. Les chèques ponctuels répondent uniquement à l’urgence et ont pour principal défaut de créer une logique d’accoutumance, voire de donner l’apparence de la normalité à des efforts exceptionnels qui pèseront sur l’avenir à court, moyen et long terme.

Comme vous, messieurs les ministres, les députés du groupe Démocrate sont très attachés à la valeur travail, que nous devons remettre au cœur de notre projet de société. Grâce à cette valeur travail le pouvoir d’achat de tous nos concitoyens augmentera, gageons-le. Nous partageons également l’idée que les entreprises doivent davantage partager la valeur ajoutée créée.

La remise de 18 centimes et les dispositifs relatifs au carburant annoncés par la Première ministre et par vous-même, monsieur le ministre, seront amenés à évoluer. Est-il envisagé de mieux les cibler vers les ménages les plus modestes, en particulier vers ceux qui travaillent ? Les 4 milliards d’euros de crédits budgétés dans la mission Écologie, développement et mobilités durables seront-ils suffisants ?

Si nous avons appris des erreurs commises durant la crise de la dette de 2011-2014, il est primordial de mener une réflexion rigoureuse sur l’efficacité de la dette publique et de la maîtrise de nos dépenses. Peut-on envisager une nouvelle loi de programmation des finances publiques ? Où en sont les avancées en matière de réforme du cadre budgétaire européen ? Quelle position la France entend-elle défendre ?

Soyez assurés, messieurs les ministres, de notre volonté de mieux contrôler les dépenses contraintes et de cesser de creuser la dette publique. Vous pourrez compter sur notre soutien plein et entier pour y parvenir.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les deux éléments exogènes que sont la pandémie et l’éclatement de la guerre en Ukraine n’expliquent pas à eux seuls la progression du déficit. La Cour des comptes affirme d’ailleurs qu’une partie de la dégradation provient de « mesures nouvelles qui ont réduit les prélèvements [obligatoires] », parmi lesquelles la réduction du taux de l’IS et la baisse des impôts de production, qui ont profité essentiellement aux grandes entreprises. En résumé, c’est aussi en diminuant structurellement les ressources fiscales que vous creusez le déficit. Nous dénonçons ce choix.

La charge de la dette augmente fortement en raison de l’émission accrue d’obligations indexées sur l’inflation. Pourquoi avoir fait ce choix, alors que d’autres étaient possibles ? Quels autres pays européens ont recouru à ce genre de produits ?

Il y a donc un risque accru pour les finances publiques, mais il faut avant tout répondre à l’urgence sociale, et ce PLFR contient des mesures bienvenues. Toutefois, certaines d’entre elles nous paraissent être en trompe-l’œil et suscitent légitimement notre inquiétude. Le triplement de la prime Macron est un mauvais choix, car tous les salariés n’en profiteront pas. Surtout, la prime est exonérée de cotisations sociales ; c’est donc du salaire différé en moins. Par ailleurs, la revalorisation des minima sociaux, des allocations et des bourses est fixée à 4 %, en deçà du taux d’inflation au mois de juillet, qui s’élèvera à 6 %. Quant à la suppression de la redevance télé au nom du pouvoir d’achat, c’est une farce : cela correspond à 25 centimes par jour ! La mesure s’apparente davantage à une mise sous tutelle de l’audiovisuel public.

Après avoir supprimé la taxe d’habitation et distendu le lien entre le citoyen et le territoire, vous allez désormais distendre le lien entre les entreprises et les territoires avec la suppression totale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), annoncée hier par la Première ministre. C’est une erreur politique, dangereuse pour la cohésion du pays.

L’augmentation du point d’indice est nécessaire pour les fonctionnaires territoriaux comme pour les fonctionnaires de l’État, mais certaines collectivités – je dis bien certaines – ne pourront pas y faire face. Quelles mesures envisagez-vous pour ces collectivités ?

Enfin, pourquoi ne pas mettre à contribution, comme l’ont fait de nombreux pays voisins, les quelques entreprises qui ont réalisé des surprofits ?

Mme Lise Magnier (HOR). Ce PLFR est nécessaire et attendu. Avec le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, il constitue un paquet destiné à préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens face à l’inflation.

Nous nous réjouissons bien sûr de la prolongation du bouclier énergétique ainsi que de l’instauration d’un bouclier en matière d’augmentation des loyers et d’une indemnité carburant pour les travailleurs qui doivent prendre leur véhicule pour aller travailler. Nous saluons également le report d’un an de la suppression du tarif réduit applicable au gazole non routier (GNR). C’est une mesure de bon sens, compte tenu de l’envolée des prix de l’énergie et des carburants.

Vous avez annoncé que l’indemnité carburant pour les travailleurs concernerait nos concitoyens jusqu’au cinquième décile de revenu. Afin que les choses soient claires pour tout le monde, pouvez-vous nous préciser quel est le revenu correspondant par foyer ou par part ? Pourrions-nous envisager d’aller au-delà du cinquième décile, dans la mesure où l’on considère que les classes moyennes en France couvrent jusqu’au septième décile ?

La revalorisation des retraites prévue concerne le régime général. Avez-vous entamé des discussions avec les organismes de retraite complémentaire, afin de savoir s’ils seraient disposés à accompagner cette mesure ?

S’agissant de l’article 4 du PLFR, j’ai bien compris que l’institution d’une redevance était rendue nécessaire par le très fort taux de non-présentation des candidats inscrits aux épreuves de l’examen visé. Avez-vous déjà une idée du montant de cette redevance, qui doit être fixé par arrêté ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je suis d’accord avec vous, monsieur le président, les mesures que propose le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat sont le plus souvent ponctuelles, sous forme de chèques, de primes ou d’intéressement, alors qu’il est nécessaire d’augmenter les salaires, de revaloriser le SMIC et de contraindre les branches à relever les grilles de salaires conventionnelles.

Plusieurs questions se posent à propos de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. D’abord, celle de l’estimation des gains cachés induits par cette suppression. Elle se traduira en effet par une diminution des charges pour les professionnels, notamment dans l’hôtellerie-restauration, donc par une augmentation du résultat fiscal et du montant d’IS versé. Plus fondamentalement se pose la question de l’indépendance des médias publics et de la pérennité de leur financement. Si vous supprimez cette contribution, comment garantir le maintien du lien avec le public et la stabilité du financement indépendamment des aléas politiques ?

Vous prolongez le bouclier tarifaire énergétique et vous en profitez d’ailleurs pour reporter d’un an la suppression du tarif réduit applicable au GNR. Ces dépenses sont peut-être nécessaires, mais néfastes pour le climat – vous nous l’avez dit ce matin, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics. Surtout, la vraie réponse à la flambée des prix de l’énergie, ce sont les économies d’énergie, qui rendront les ménages moins vulnérables aux fluctuations. Or j’observe que les moyens consacrés à la rénovation thermique ne sont pas augmentés en crédits de paiement et ne sont portés qu’à 2,1 milliards en autorisations d’engagement. En 2010, je le rappelle, la France dépensait 2,6 milliards d’euros pour la rénovation thermique au travers du crédit d’impôt en faveur du développement durable. Dès lors, ces moyens vous paraissent-ils à la hauteur des enjeux énergétiques auxquels la France est confrontée ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Nous sommes, avez-vous dit, au pic de l’inflation, qui atteindra, d’après les prévisions, près de 7 % en fin d’année. La croissance étant complètement atone, c’est une stagnation qui se profile.

Face à ces difficultés, il y a deux orientations possibles. La vôtre consiste à distribuer des primes ou des chèques, à faire appel au civisme des chefs d’entreprise ou à promouvoir l’intéressement. Or ces mesures ne sont pas pérennes et tendent à diviser nos concitoyens, comme l’ont relevé mes collègues de la NUPES. Il faut plutôt une mesure générale d’augmentation des salaires, qui passe d’abord par la revalorisation du SMIC. C’est la seule façon de retrouver un cercle vertueux, avec des hausses de salaires fiscalisées et socialisées. Il faut aussi des accords de branche qui se tiennent, afin de ne pas écraser l’échelle des salaires. Enfin, les PME et les TPE doivent être soutenues : il n’est pas normal qu’un salarié de TPE ou de PME ne puisse pas bénéficier d’une augmentation de ses revenus au motif que son entreprise n’en a pas les moyens.

Les revalorisations du point d’indice des fonctionnaires, des pensions, des APL et des minima sociaux sont très inférieures à l’inflation. Celle du point d’indice représentera, avez-vous dit, 7,5 milliards d’euros, dont une part sera à la charge des collectivités territoriales. Comme Christine Pires Beaune, j’estime nécessaire que cette augmentation soit compensée dans certaines collectivités. Elle risque aussi de faire du dégât dans les hôpitaux ; il faudra bien trouver des moyens pour y relever les salaires.

L’égalité commande en outre de s’attaquer à la fois aux superprofits et aux superpatrimoines, qui se sont envolés. D’après l’édition de Challenges de ce jour – même si ce n’est pas mon magazine de chevet –, les 500 premières fortunes de France cumulées dépassent désormais 1 000 milliards, ce qui est absolument considérable. En 2008-2009, monsieur le ministre, avec une autre majorité, vous aviez su taxer les superprofits.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le ministre, je vous félicite d’avoir déclaré récemment : « Nous avons atteint la cote d’alerte en matière de finances publiques. » Je regrette seulement que vous ayez mis cinq ans pour vous en apercevoir !

Estimez-vous que le montant de la dette publique est soutenable ? Il atteindra 2 936 milliards d’euros à la fin de l’année 2022, soit une hausse de 682 milliards par rapport à 2017. Sachant que les taux d’intérêt s’envolent : ils sont passés de 0 % à près de 2 % à la fin du mois de juin, et s’élèveront probablement à 3 % à la fin de l’année.

Estimez-vous possible de maintenir un niveau de dépense publique aussi élevé ? En 2022, la dépense publique représentera 57,3 % de notre richesse nationale, contre 55,7 % en 2017. Autrement dit, le taux est pratiquement inchangé. Si vous répondez non à cette question, pouvez-vous me dire où sont les économies ?

Peut-on continuer à afficher un tel niveau de prélèvements obligatoires ? Celui-ci s’établira à 44,8 % du PIB en 2022, soit une hausse de 1,5 point par rapport au projet de loi de finances pour 2022. En 2017, il était de 45,1 %. En d’autres termes, il n’a pratiquement pas bougé depuis cinq ans.

Vous estimez le déficit structurel à 3,6 % en 2022, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait 0,8 %. L’écart est énorme ! Là encore, quelles mesures entendez-vous prendre pour revenir vers un niveau raisonnable de déficit structurel ?

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat sont-elles suffisamment différenciées ? En supprimant progressivement la remise de 18 centimes au profit des catégories les plus touchées par la hausse du prix des carburants, vous allez dans la bonne direction, mais pourquoi n’appliquez-vous pas les mêmes principes au bouclier tarifaire, dont il faudra bien sortir un jour ? Êtes-vous favorables à des modulations accentuées en fonction des territoires – territoires ultramarins, Corse, zones rurales ?

M. Bruno Le Maire, ministre. La question étant revenue à plusieurs reprises, je commence par une remarque générale sur les recettes supplémentaires, notamment fiscales. Le ministre délégué chargé des comptes publics l’a indiqué, elles devraient s’établir à 55 milliards d’euros. Cela tient à une politique qui a permis de créer des emplois et de la richesse.

Ces 55 milliards d’euros de recettes supplémentaires sont constitués de : 17 milliards de cotisations sociales, 3 milliards de recettes d’impôt sur le revenu, 18 milliards de recettes d’IS – preuve que notre politique économique a donné des résultats –, 11 milliards de recettes de TVA – preuve que la consommation s’est bien portée –, 4 milliards de recettes exceptionnelles, dont 2 milliards d’amendes versées par Google et McDonald’s.

Je m’attarde sur les recettes supplémentaires de TVA, qui font l’objet de controverses invraisemblables. Sur les 11 milliards précités, 3 milliards seront perçus sur les carburants, mais nous allons en dépenser près de deux fois plus, à savoir 5,6 milliards, pour protéger nos compatriotes contre l’augmentation du prix de ces mêmes carburants. Ce montant correspond à la remise appliquée entre avril et la fin de l’année 2022, en tenant compte de sa réduction progressive entre octobre et décembre. Actuellement de 18 centimes, elle coûte 800 millions par mois !

Revenons donc aux chiffres et à la réalité ; arrêtons de dire que l’État s’en met plein les poches, qu’il se gave aux dépens des Français ! C’est tout simplement faux ! On peut vouloir faire plus, par exemple supprimer la TVA ou la TICPE. Ces propositions relèvent du débat démocratique, parfaitement légitime, mais discutons sur le fondement de chiffres exacts : pour les carburants, l’État a dépensé près du double de ce qu’il a reçu en recettes de TVA.

Il est effectivement intéressant, monsieur Lefèvre, de se pencher sur les conditions de financement présentes, qui n’ont plus rien à voir avec les prévisions que nous avions collectivement adoptées en loi de finances initiale pour 2022. D’après notre scénario actualisé, le taux d’intérêt à trois mois s’établira à la fin de l’année à 1,2 % au lieu de – 0,5 %, et le taux d’intérêt à dix ans, à 2,5 % au lieu de 0,75 %. Voilà ce qui m’a amené à parler de « cote d’alerte », comme l’a rappelé M. de Courson.

Il n’est pas exact, monsieur Tanguy, que les classes moyennes n’ont droit à rien. Peut-être pourraient-elles avoir plus, mais elles n’ont pas rien. Nous avons dépensé près de 25 milliards d’euros pour le plafonnement des prix de l’électricité, pour le gel des prix du gaz et pour la remise de 18 centimes sur le carburant, trois dispositifs qui valent pour tous les Français. Nous n’aurions servi qu’une seule catégorie de Français ? Ce n’est pas vrai, et ce n’est d’ailleurs pas mon genre de beauté : je fais de la politique depuis vingt ans et je m’efforce de servir l’intérêt général. Les classes moyennes, qui effectivement travaillent et contribuent à l’effort national, doivent pouvoir bénéficier elles aussi des mesures que nous prenons.

Je reconnais bien volontiers que ces mesures n’ont pas été les plus visibles. L’un d’entre vous l’a relevé, et je ne le conteste pas, il y a eu une hausse des prix du gaz à l’automne 2021. Beaucoup de nos compatriotes ont constaté une augmentation de leur facture, sans nécessairement s’apercevoir qu’ils n’ont pas payé davantage grâce au gel des prix du gaz, autrement dit grâce à l’effort de l’État. Je rappelle que la facture aurait augmenté de 50 % supplémentaires si nous n’avions pas pris cette mesure, qui concerne toutes les classes moyennes.

Quant aux factures qu’il faut payer pour remplir les cuves de fuel, c’est un vrai problème, notamment dans les zones rurales. Nous avons prévu une aide aux ménages.

S’agissant des entreprises, c’est notamment le produit de l’IS, je l’ai dit, qui nous permet de financer le paquet en faveur du pouvoir d’achat.

Nous aurons un débat sur la TVA, et c’est parfaitement légitime, mais j’estime qu’il n’y a rien de plus injuste et inefficace que les réductions de TVA, car tout le monde paie cet impôt. Si vous baissez la TVA sur les produits alimentaires, par exemple, ce sont ceux qui dépensent le plus pour acheter ces produits, à savoir les ménages les plus favorisés, qui en bénéficieront le plus. Il vaut mieux des mesures massives et ciblées sur les ménages modestes que des mesures très coûteuses qui concernent tous les ménages, y compris ceux qui n’en ont pas besoin.

Vous êtes soucieux d’accélérer le déploiement des EPR. Je tiens à vous rassurer, c’est précisément en reprenant intégralement le contrôle d’EDF que l’État pourra le faire. Soyons très clairs, aucun investisseur privé n’acceptera de financer des réacteurs nucléaires, ni en France ni ailleurs, parce que l’horizon est trop lointain et le rendement, trop faible. Si nous voulons aller vite, il faut que le garant de l’intérêt général, l’État, prenne la main sur ces programmes.

Monsieur Guiraud, je reconnais bien volontiers, je l’ai dit, qu’il y a eu une augmentation de 30 % des prix du gaz à l’automne dernier. Ensuite, nous avons protégé les Français en leur épargnant une augmentation de 50 %. D’après les chiffres de l’INSEE – je les considère avec prudence car je sais qu’ils ne correspondent pas à ce que ressentent nos compatriotes –, le pouvoir d’achat a augmenté de 2 % en 2021.

S’agissant des hausses de prix, je partage les inquiétudes exprimées par nombre d’entre vous. C’est pourquoi nous allons lancer deux missions.

Premièrement, nous allons charger l’Inspection générale des finances de vérifier que les dispositions des lois EGALIM 1 et 2 – loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs – sont respectées, en particulier l’interdiction d’abaisser les prix en deçà du seuil de revente à perte, qui a été relevé de 10 %. J’ai été ministre de l’agriculture pendant trois ans et je suis profondément attaché à la juste rémunération des producteurs. Nous ne souhaitons pas relever davantage le seuil de revente à perte, car cela pénaliserait, par définition, les consommateurs, mais je veux m’assurer que ces 10 % vont bien dans la poche des producteurs, non dans celle de distributeurs ou d’intermédiaires. Je propose que tous les parlementaires qui le souhaitent, dans chaque groupe politique, soient associés à cette mission. J’ai également proposé aux représentants des syndicats agricoles d’y participer.

Deuxièmement, nous allons demander à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF) de réaliser des contrôles tout au long des filières de production, de transport et de distribution, pour nous assurer qu’il n’y a pas de profiteurs de la crise inflationniste. S’il y en a, ils seront lourdement sanctionnés.

Madame Louwagie, j’aimerais convaincre Les Républicains de renoncer à l’idée de revenir à un prix du carburant de 1,50 euro le litre. Les chiffres et les faits sont têtus : abaisser le prix du carburant de 10 centimes coûte 5 milliards d’euros. Le prix de l’essence étant à 2,20 euros, sans la remise, la mesure que vous proposez équivaut à une baisse de 70 centimes, soit un coût de 35 milliards d’euros. Si l’on ajoute la remise de 18 centimes, cela fait entre 45 et 50 milliards. C’est totalement déraisonnable ! Ayant été élu dans une circonscription voisine de la vôtre, je vous connais suffisamment pour savoir que vous n’y croyez pas vous-même.

Mme Véronique Louwagie. Ah, si ! Vous me connaissez très mal, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est d’ailleurs Christine Lavarde, sénatrice Les Républicains, qui parle le mieux de cette proposition : elle la juge infaisable, inadaptée et trop coûteuse. J’espère que la raison l’emportera. Si nous avions 50 milliards à dépenser, je préférerais qu’on les investisse dans le nucléaire ou les énergies renouvelables plutôt que de s’en servir pour financer du pétrole fourni par la Russie ou les pays du Golfe ; ce serait de l’argent mal placé.

Monsieur Laqhila, l’indemnité carburant sera ciblée sur les travailleurs modestes obligés de prendre leur voiture pour aller travailler. Elle représentera en moyenne 25 centimes par litre.

Madame Magnier, nous avons effectivement prévu que cette indemnité carburant s’applique aux travailleurs jusqu’au cinquième décile de revenu, c’est-à-dire jusqu’à un revenu fiscal de référence de 14 000 euros. La Première ministre a été très claire, hier, à propos de l’esprit d’ouverture et de compromis du Gouvernement – et je me réjouis de nouveau de la qualité de nos débats. Il appartient à la représentation nationale d’évaluer si le cinquième décile est le niveau approprié, ou s’il faut aller un peu au-delà, considérant que les classes moyennes ne sont pas suffisamment concernées par la mesure, ou s’il faut, au contraire, faire davantage pour moins de bénéficiaires. C’est un beau débat politique. Je pense que notre proposition est juste et cohérente, mais je ne vous dis pas que nous n’en bougerons pas. Les parlementaires peuvent évidemment améliorer les propositions du Gouvernement.

Madame Pires Beaune, 10 % de la dette publique française est indexée sur l’inflation, comme c’est le cas dans tous les pays de l’OCDE, sans exception. Cela correspond tout simplement au souhait de certains investisseurs. Les assureurs, par exemple, demandent que les parts d’obligations assimilables du Trésor (OAT) qu’ils acquièrent soient indexées sur l’inflation, afin de préserver la valeur des assurances vie. Le recours à ces produits est donc un moyen de garantir le bon financement de notre dette.

Je laisse le soin au ministre délégué chargé des comptes publics de répondre à toutes les questions que vous avez légitimement posées au sujet de la contribution à l’audiovisuel public.

S’agissant de la CVAE, je veux être très clair. En premier lieu, nous sommes déterminés à baisser les impôts de production et à supprimer la CVAE, dont le produit s’élève à 8 milliards d’euros, dans le projet de loi de finances pour 2023. La reconquête industrielle est pour moi une priorité absolue et je considère que c’est un levier important pour relocaliser des productions industrielles dans notre pays. En second lieu, nous voulons discuter des modalités de mise en œuvre avec les collectivités locales, notamment les grandes métropoles et les régions. Je comprends les inquiétudes, et il faut y répondre.

Concernant les crédits pour la rénovation énergétique, nous avons prévu 2 milliards d’euros dans la LFI pour 2022. L’exécution est très dynamique, vous avez raison. C’est pourquoi nous ouvrons 400 millions d’euros supplémentaires dans le PLFR. Ce sont vraiment des crédits utiles, et même nécessaires, qui méritent toute notre attention.

S’agissant du GNR, je comprends parfaitement qu’on puisse regretter le report qui est prévu, mais j’ai eu de multiples discussions avec de très petites entreprises des secteurs du transport et du bâtiment et je peux vous dire que la suppression de cet avantage fiscal serait tout simplement insupportable financièrement pour elles : cela effacerait toutes les marges et risquerait de conduire à beaucoup de dégâts sur le plan social. Je ne prétends pas que ce report soit ma décision préférée, mais une question d’acceptabilité économique et sociale se pose pour beaucoup de très petites entreprises.

En ce qui concerne les salaires, je crois avoir déjà répondu. Tous les dispositifs d’intéressement et de participation doivent être utilisés, de même que la prime PEPA.

Monsieur de Courson, je n’ai pas mis cinq ans à m’apercevoir que la cote d’alerte était atteinte et qu’il fallait gérer les finances publiques avec sérieux. Je rappelle que nous avons sorti la France de la procédure de déficit excessif, contrairement à d’autres majorités. Nous sommes revenus, dès 2018, sous le seuil de 3 % de déficit budgétaire. Le quinquennat a ensuite été affecté par la crise des gilets jaunes, puis par la crise économique la plus grave depuis 1929. Celle-ci nous a amenés à protéger les entreprises, les salariés mais aussi les finances publiques dans le cadre du « quoi qu’il en coûte ». Toutes les évaluations de l’OCDE, du FMI et de l’INSEE montrent que nous aurions un niveau de dette publique plus élevé, de 12 ou 14 points, si nous avions laissé une catastrophe sociale et économique se produire dans notre pays.

La dette publique est-elle soutenable ? De fait, oui ; ne cédons pas à la panique. Elle est soutenable puisque nous finançons notre dette à des taux d’intérêt certes plus élevés mais qui restent raisonnables et que notre spread demeure contenu. Faut-il continuer dans la même direction ? Certainement pas. Nous devons réduire la dette publique pour éviter d’être confrontés à des problèmes de financement. Ma responsabilité première en tant que ministre des finances est de garantir que nous pouvons financer correctement la dette publique, que nous la réduisons – c’est une question d’indépendance et de souveraineté – et que nous poursuivons la baisse des déficits pour atteindre les 3 % en 2027. Faut-il, afin d’y parvenir, réduire les dépenses publiques ? Certainement. Néanmoins, ce n’est pas la seule solution, et je ne crois absolument pas à l’austérité, qui serait particulièrement malvenue aujourd’hui. Je considère que la meilleure manière de revenir à des finances publiques saines est le plein emploi, mais le plein emploi seul et la croissance seule ne suffisent pas. Il faut aussi réduire un certain nombre de dépenses publiques. Des députés m’ont proposé de travailler sur ce sujet en prévision du projet de loi de finances pour 2023 : cette initiative, de Daniel Labaronne, me semble particulièrement bienvenue.

Concernant les prélèvements obligatoires, le ratio augmente en effet, tout simplement parce que la richesse nationale a diminué, la croissance ayant été plus faible ces derniers mois. Je rappelle toutefois que nous avons réduit les impôts de 50 milliards d’euros au cours du quinquennat précédent. C’était la plus forte baisse d’impôts depuis plusieurs décennies dans notre pays.

J’en viens au déficit structurel. Je rappelle que nous avons droit, dans le cadre de la révision du bras préventif du pacte de stabilité et de croissance, à une déviation de 0,6 point par an, soit 1,2 point sur deux ans. L’écart par rapport à la norme européenne, à savoir 0,5 point de PIB, est donc de 0,7 point, sur deux ans, soit 0,35 point par an. C’est à peu près ce à quoi nous parvenons aujourd’hui – pas tout à fait, mais à peu près. Vous le verrez lorsque vous examinerez le programme de stabilité. Je confirme que nos marges de manœuvre, si nous voulons rester dans les clous européens, sont effectivement réduites, ce qui nous amène à faire attention à chaque euro.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame Pires Beaune, madame Sas, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public est cohérente avec notre choix politique de réduire les impôts des Français et, quand nous le pouvons, d’en supprimer.

Pourquoi proposons-nous de supprimer cette contribution en particulier ? Parce que c’est un impôt injuste : tout le monde paie la même chose, la contribution demandée ne dépendant pas des revenus. Vous avez qualifié de farce la mesure que nous prévoyons, au regard de son montant. Souvent, quand on annonce des dispositions de nature législative, les Français s’interrogent sur ce qu’ils verront très concrètement dans leur vie quotidienne. En l’occurrence, c’est clair et net : 138 euros seront rendus à 23 millions de foyers. Cette contribution annuelle n’aura plus à être payée.

Par ailleurs, c’est un impôt daté : il est assis sur le fait d’avoir chez soi un téléviseur, alors que de moins en moins de Français déclarent en posséder un ; ils consomment des contenus de l’audiovisuel public grâce à d’autres dispositifs, comme les smartphones, mais ne paient pas la redevance. Le rendement de celle-ci ne cesse de décroître depuis des années, car de moins en moins de Français s’achètent une télé. Certains avaient proposé la création d’une taxe sur les smartphones mais ce n’est pas le choix que nous avons fait, parce que nous ne voulons pas créer des taxes supplémentaires.

La contribution à l’audiovisuel public est aussi un impôt dont la collecte est coûteuse. Je rappelle que cette contribution est collectée avec la taxe d’habitation, que nous avons déjà supprimée pour 80 % des Français et qui disparaîtra pour tous en 2023.

Pour toutes ces raisons, en particulier parce que cela rendra du pouvoir d’achat aux Français, la suppression de cet impôt a un sens.

J’en viens à la question de l’indépendance de l’audiovisuel public. Je ne vois pas en quoi la suppression de cet impôt la remettrait en cause : les Français ne paient pas chaque année un impôt pour financer le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel ou la Cour des comptes, qui sont pourtant indépendants – ils nous le rappellent assez régulièrement… Du fait de la baisse du rendement de cette contribution, l’État s’est mis à apporter une compensation, au moyen de crédits budgétaires, de 700 millions d’euros par an, me semble-t-il, sans que cela conduise à des évolutions quant à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Nous souhaitons rassurer en donnant toutes les garanties au sujet de l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public et de leur visibilité. Le présent texte vise ainsi à créer une mission budgétaire spécifique et à garantir le versement des subventions en une fois, en début d’année, et non mensuellement comme c’est le cas actuellement. Je ne crois pas qu’il existe beaucoup de crédits budgétaires pour lesquels un tel engagement soit pris. Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques qui sera présentée en septembre, nous pourrons aussi donner de la visibilité concernant le budget de l’audiovisuel public. Je comprends parfaitement que ces sociétés aient besoin de visibilité sur leur trajectoire, pour faire leurs choix et s’organiser. Je précise également que nous passons des contrats d’objectifs et de moyens qui permettent d’apporter certaines garanties.

M. Michel Castellani. Nous sommes convaincus qu’il convient de soutenir le pouvoir d’achat des personnes les plus fragiles, comme nous sommes convaincus qu’il convient d’adapter les mesures à la spécificité des territoires. Je parlerai pour la Corse, dont vous connaissez bien la situation : le coût de la vie y est largement plus élevé et je ne reviens pas sur toutes les avanies sociales qui existent… Nous voudrions une adaptation à la situation spécifique de la Corse, qu’il s’agisse du chèque alimentaire, de la prime Macron, de l’indexation des retraites ou des carburants. Nous défendrons cette demande, adoptée à l’unanimité par la collectivité de Corse, sous la forme d’amendements. J’espère que le Gouvernement en comprendra le sens et la justification. Nous ne demandons pas des passe-droits, mais au contraire des mesures de justice permettant une prise en compte des réalités économiques et sociales de notre île.

M. Charles Sitzenstuhl. Nous connaissons votre attachement, monsieur le ministre, à la bonne tenue des finances publiques – vous l’avez vous-même rappelé. Vous êtes le ministre qui, avec la majorité sortante, a conduit la France hors de la procédure de déficit excessif et replacé notre pays sous la barre des 3 % en 2018, avant que la crise, hélas, n’arrive.

La Cour des comptes a publié ce matin son rapport sur la situation des finances publiques. J’imagine que nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre de cette commission. Ce rapport confirme ce que vous avez dit à propos de la cote d’alerte pour nos finances publiques, et la Cour a identifié deux leviers afin d’assurer la soutenabilité de la dette : maîtriser la dépense et continuer à stimuler la politique industrielle. Dans quelle mesure le paquet que vous nous présentez continuera-t-il à stimuler l’activité industrielle et, plus largement, à aider nos entreprises ? Pouvez-vous nous faire part de votre philosophie pour cette législature ?

M. Damien Maudet. J’ai une question concernant l’aide aux carburants : vous avez parlé de 200 euros ; cette aide est-elle mensuelle ou ponctuelle ? Si elle est ponctuelle, pensez-vous qu’elle permettra vraiment un changement pour le pouvoir d’achat des Français ? La remise de 18 centimes n’a pas empêché le prix du carburant d’augmenter et même de dépasser des records.

Y a-t-il, par ailleurs, un gage quand on prononce le mot Total en demandant de récupérer de l’argent et de bloquer les prix de l’essence, voire de les baisser ? Total a battu un record exceptionnel en faisant 15 milliards d’euros de bénéfices et son patron a augmenté sa rémunération de 50 %. Pourquoi ne taxerait-on pas Total ? Qui peut croire que cette société, si on le faisait, comme d’autres pays européens, arrêterait de servir le marché français ? J’aimerais comprendre la raison de ce tabou.

M. Jocelyn Dessigny. Vous dites depuis plusieurs semaines, monsieur le ministre, que la réussite de votre projet en matière de pouvoir d’achat est liée au plein emploi. Celui-ci se traduirait par un taux de chômage de 4 %. Or nous en sommes encore loin, et je crains que cet objectif ne soit une chimère. De plus, les recettes que vous vous enorgueillissez d’obtenir grâce à l’emploi sont indexées sur la baisse du taux de chômage, sans prise en compte du coût de la formation, de l’insertion et de l’accompagnement du retour à l’emploi, que vous souhaitez regrouper, demain, sous l’égide de France travail. Qui paiera et comment regrouperez-vous les différentes structures ?

Vous demandez aux entreprises d’augmenter les salaires alors que les charges liées à l’achat de matières premières et de carburants sont au plus haut. Pourquoi ne pas exonérer de cotisations patronales les entreprises qui augmenteraient de 10 % les salaires des employés ? C’est ce que Marine Le Pen préconise.

M. Christian Baptiste. Quelles mesures fortes prévoyez-vous dans le cadre du PLFR pour les outre-mer ? Il convient de renforcer leur indice de développement humain, notamment en matière de santé, d’éducation et de pouvoir d’achat.

On voit bien qu’il existe des richesses dans ce pays. Ni la crise sanitaire ni la guerre en Ukraine n’ont appauvri les plus riches, bien au contraire. Il faut une redistribution des richesses, une taxation des plus riches afin d’augmenter des prestations sociales telles que les retraites, les aides pour les plus jeunes et les allocations logement. La France n’a pas un problème structurel de pauvreté, mais de répartition des richesses.

M. Karim Ben Cheikh. Vous nous dites, monsieur le ministre, que le PLFR doit permettre de financer plusieurs dispositifs visant à protéger le pouvoir d’achat de l’ensemble des Françaises et des Français. Hors d’Europe, l’aide sociale pour les Français est dispensée par les postes consulaires. Les crédits qu’ils gèrent en la matière sont destinés aux personnes âgées à faible revenu, aux personnes en situation de handicap et aux enfants vulnérables, dans la limite des moyens budgétaires alloués au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Le système social français, en application du principe de territorialité des mesures législatives, n’est pas applicable à nos compatriotes établis hors de France. Quelles sont les dispositions que le Gouvernement est prêt à prendre pour eux ? Vous ne prévoyez rien les concernant dans le texte que vous nous présentez. Un nouveau mode de calcul des taux de base de leurs minima sociaux représente pourtant une piste qu’il serait possible de suivre rapidement. Comprenez mon inquiétude : les PME et les TPE françaises à l’étranger n’avaient pas été intégrées dans le périmètre du plan de relance. Cela préfigure-t-il une absence de prise en compte des Français établis hors de France dans votre plan de protection du pouvoir d’achat ?

M. Emmanuel Lacresse. Je comptais vous interroger sur le verdissement des budgets, sur la manière dont ce PLFR s’articule avec les lois de programmation, notamment en matière de nucléaire, et sur l’évaluation de ces textes, mais je reviendrai plutôt sur la taxation des grandes entreprises, qui fait l’objet de vifs débats dans les médias. Il me semble que la conjonction entre la position de la majorité qui est clairement hostile à toute hausse de la taxation des agents économiques et le recours à l’esprit de responsabilité des entreprises qui a prévalu, semble-t-il, lors de la préparation de ce projet de loi, permet d’atteindre un équilibre. Nous souhaitons vous entendre sur ce point.

M. Alexandre Sabatou. Il existe un moyen immédiat d’augmenter le pouvoir d’achat des Français tout en soulageant les finances publiques : sortir des règles européennes pour la fixation du prix de l’électricité. Vous savez pertinemment qu’elles sont à la fois inflationnistes et injustes pour les Français. Nos compatriotes ont payé leur parc nucléaire et hydroélectrique avec leurs impôts depuis des années. Ils doivent en tirer seuls, et eux seuls, les bénéfices. Les Français n’ont à payer ni les dérives ultralibérales de l’Union européenne ni les erreurs énergétiques des Allemands. Maintenir ces règles en France coûte une fortune à nos compatriotes et à nos entreprises et affaiblit depuis des années EDF, qui est tout simplement au bord de la ruine. Comme Marine Le Pen le propose depuis des mois, nous vous demandons de faire le nécessaire pour que la France fixe à nouveau souverainement le prix de son électricité.

M. Sébastien Rome. Mme la Première ministre a dit que les élus locaux étaient le ciment de la République. Ils nous alertent et nous demandent de vous interroger sur l’impact puissant de la hausse des coûts sur les budgets de leurs collectivités – je pense au prix de l’énergie, à celui de l’alimentation dans les cantines, pour la rentrée prochaine, et à la hausse, souhaitable, mais inférieure à l’inflation, du point d’indice pour les fonctionnaires. Les maires craignent d’être contraints de réduire fortement les services publics de proximité dus à la population : des piscines municipales ferment déjà, des bibliothèques réduisent leurs horaires, des ordures ménagères ne seront pas ramassées certains jours, des centres communaux d’action sociale feront moins jouer la solidarité et l’investissement ralentira aussi. Êtes-vous prêts à reprendre nos propositions afin de répondre à ces élus pour qui la hausse des coûts constitue une véritable inquiétude ? Les municipalités ont besoin de moyens pour fonctionner. Augmenterez-vous la dotation globale de fonctionnement ? Des compensations suffisantes sont-elles prévues ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Castellani, j’entends parfaitement votre remarque concernant la Corse. J’ai eu un échange avec Gilles Simeoni : nous avons parfaitement conscience des spécificités qui peuvent effectivement conduire à des adaptations, et il faut que nous en discutions ensemble.

S’agissant du rapport de la Cour des comptes et de la politique industrielle, monsieur Sitzenstuhl, je confirme que notre objectif est bien d’accélérer la reconquête industrielle du pays par la baisse des impôts de production, qui pénalisent les implantations industrielles, par le maintien du crédit d’impôt recherche et par le plan de 30 milliards d’euros qui a été adopté il y a plusieurs mois mais qui a déjà été oublié par beaucoup, alors qu’il nous permet de financer de nouvelles filières industrielles, comme les semi-conducteurs, sur lesquels nous travaillons depuis près de deux ans avec beaucoup de détermination. La reconquête industrielle est une des priorités absolues de ce quinquennat.

L’aide que vous avez évoquée, monsieur Maudet, est annuelle et non mensuelle – sinon son coût serait totalement délirant. Je souligne qu’elle s’ajoute à d’autres mesures déjà prises, comme celle relative au barème kilométrique, et que d’autres pourraient être proposées par les entreprises.

Quant à Total, je vous rassure : il n’y a aucun tabou – ni totem ni tabou, comme dirait l’autre. Simplement, nous ne voulons pas stigmatiser qui que soit. Je rappelle aussi qu’on confond souvent les bénéfices mondiaux de Total avec son résultat fiscal en France. Total fait principalement ses bénéfices dans les pays producteurs. La difficulté est que ces derniers fixent librement, souverainement – je sais que vous êtes attaché à cette notion – leur fiscalité, ce qui n’a pas d’impact sur le résultat fiscal français de Total. Je le redis : nous attendons de toutes les entreprises qui profitent – sans connotation morale de ma part – de la situation actuelle qu’elles participent davantage au soutien à nos compatriotes.

Monsieur Dessigny, nous avons fait des exonérations de cotisations – la baisse de 1 point de la contribution sociale généralisée pour l’intégralité des salariés serait très coûteuse, de l’ordre de près de 9 milliards d’euros.

Je considère que le plein emploi est parfaitement atteignable. Nous avons réduit de 2,3 points le taux de chômage entre 2017 et 2022. Il nous reste une marche à franchir, et je reconnais bien volontiers que c’est la plus difficile, celle qui nous fera passer d’un peu plus de 7 % à 5 %. Je considère qu’il est indispensable pour la cohésion nationale de parvenir au plein emploi.

Monsieur Baptiste, s’agissant des outre-mer, je vous ferai la même réponse que précédemment. J’entends parfaitement leurs inquiétudes : ils sont notamment très pénalisés par l’augmentation des coûts de transport. Je suis prêt à ouvrir une discussion spécifique avec les outre-mer sur la question du pouvoir d’achat.

Monsieur Ben Cheikh, ce qui est prévu concerne l’ensemble de nos compatriotes : il n’y a pas de mesures spécifiques pour les Français établis hors de France.

Monsieur Sabatou, je vous rejoins à propos des règles européennes du marché de l’électricité. Nous menons un combat qui est en train de faire bouger les lignes. Cela fait des mois que j’explique personnellement aux ministres européens des finances et de l’économie qu’il est totalement inacceptable que les prix de l’électricité soient indexés sur ceux du gaz. Nous continuerons à livrer cette bataille, parce que je constate qu’elle commence à donner des résultats. La présidente de la Commission européenne a reconnu que les règles actuelles ne fonctionnaient plus et Margrethe Vestager, la commissaire qui était la plus hostile à une modification des règles, a admis il y a une semaine qu’il fallait les changer. Néanmoins, je ne veux pas créer d’illusion : si l’indexation sur les prix du gaz, c’est-à-dire sur le coût marginal de l’ouverture de centrales à gaz à l’Est de l’Europe, expliquait l’augmentation des prix de l’électricité il y a quelques mois, une grande partie de l’explication tient actuellement à notre faible production en France, à l’indisponibilité d’un certain nombre de réacteurs. Notre production est passée de 360 à 330, puis à moins de 300 térawattheures, et les prix explosent donc – il faut également savoir balayer devant sa porte. Cela justifie pleinement de réinvestir massivement, constamment mais aussi rapidement dans l’énergie nucléaire et les compétences dans ce domaine.

Monsieur Rome, je vous rejoins au sujet des municipalités. Je mesure et je reconnais leurs difficultés. Là aussi, nous sommes prêts à ouvrir des discussions pour préserver leurs ressources.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, je vous remercie.


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Audition de M. Pierre Moscovici, Premier prÉsident de la Cour des comptes et prÉsident du Haut Conseil des finances publiques

Lors de sa réunion du mardi 12 juillet après-midi, la Commission a auditionné M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ainsi que sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022.

M. le président Éric Coquerel. Je suis heureux d’accueillir Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Vous venez nous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques (RSPFP), qui a été publié jeudi 7 juillet. Comme chaque année, il présente un certain nombre de diagnostics. Son importance est d’autant plus grande qu’il intervient au début de cette nouvelle législature et qu’il analyse plus précisément les années couvertes par la dernière loi de programmation de finances publiques (LPFP), c’est-à-dire la période 2018-2021.

En qualité de président du HCFP, il vous revient également de nous présenter l’avis de ce dernier relatif au premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022. Ce document a aussi été rendu public jeudi dernier. Dans cet avis, le HCFP doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue par le projet de loi avec celle de la LPFP. C’est sans doute le dernier avis qui sera rendu dans ce cadre organique. Avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui entrera en vigueur à compter de cet automne, il est prévu que les avis du HCFP s’étendent à la cohérence de l’article liminaire des projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au regard des prévisions de recettes et de dépenses compte tenu des prévisions économiques connues. Nous aurons l’occasion d’en parler.

Cette audition, qui précède l’examen en commission du premier PLFR pour 2022, peut utilement contribuer à éclairer nos débats. Que l’on soit d’accord ou non avec certaines conclusions, les auditions précédentes de ce type ont toujours fourni des éléments intéressants pour les débats en commission et en séance publique.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. C’est la première fois que je me rends à l’Assemblée nationale depuis le début de cette nouvelle législature, et j’en suis très heureux. Avant toute chose, j’aimerais vous adresser mes plus sincères et chaleureuses félicitations pour votre élection et tous mes vœux d’épanouissement et de succès dans vos nouvelles fonctions, dont je connais l’importance. J’ai un attachement tout particulier pour cette commission, où j’ai siégé lorsque j’étais député, et où je suis souvent intervenu en tant que Premier président de la Cour, mais aussi, avant cela, comme ministre de l’économie et des finances et comme commissaire européen aux affaires économiques et financières.

S’il y a bien une chose que je ressens à chaque fois que je franchis les portes de l’Assemblée nationale ou du Sénat, c’est mon attachement très profond aux liens qui unissent la Cour des comptes au Parlement. Notre mission d’assistance au Parlement, prévue par la Constitution, est pour moi essentielle car elle permet d’informer directement les parlementaires et les citoyens sur la conduite des affaires publiques et de faire vivre le débat démocratique. Je tiens donc sincèrement à ce que la Cour réponde au mieux à vos attentes. J’y veillerai personnellement.

J’en viens désormais à l’objet de ma venue, c’est-à-dire le RSPFP. Chaque année, sa publication est un moment très important pour ceux qui s’intéressent à la situation des finances publiques – et tout particulièrement pour votre commission.

Pour vous présenter ce rapport, sont présents à mes côtés le président de la première chambre, Christian Charpy, la rapporteure générale de la Cour, Carine Camby, et les rapporteurs. Permettez-moi de les remercier pour leur travail important. Il s’agit de Stéphane Guéné, rapporteur général, ainsi que des rapporteurs Guillaume Boudy, Olivier Vazeille, Olivier Redoulès et Livia Saurin. Je salue également le contre-rapporteur, Jean-Pierre Laboureix, garant de la qualité du rapport. Pour présenter l’avis du HCFP, que je préside en qualité de président du Haut Conseil, Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil, est également présent.

Ces travaux revêtent cette année une importance plus grande encore qu’à l’ordinaire. Nous sommes en effet au début d’une nouvelle législature, dans un contexte marqué par un fort durcissement de la situation internationale et économique.

Le RSPFP et l’avis du HCFP comportent des messages importants, qui méritent d’être connus des citoyens et d’être entendus des décideurs – donc de vous-mêmes. Pour résumer, ils montrent l’état très dégradé de nos finances publiques et la nécessité de se mobiliser en faveur d’une stratégie équilibrée entre soutien à la croissance, d’une part, et maîtrise des dépenses, d’autre part.

Je sais que ces contributions sont attendues avec une certaine impatience, d’autant plus que leur publication est très tardive en raison de l’élection présidentielle – mais pas seulement. Pour ne rien vous cacher, nous aurions aimé que ces textes soient publiés avant, dans le respect des dispositions de la LOLF ; nos rapports, eux, étaient prêts à temps. Pour mémoire, le projet de loi de règlement (PLR) de l’année 2021 a été présenté le 4 juillet, soit avec plus d’un mois de retard par rapport à la date limite prévue par la LOLF. J’ai néanmoins décidé de ne pas anticiper afin que la Cour respecte la LOLF, qui dispose que le rapport sur l’exécution du budget de l’État est joint au PLR. À mon grand regret, ce rapport n’a donc pas pu vous être présenté en tant que tel et je reprendrai aujourd’hui devant vous ses grandes conclusions.

Par ailleurs, le PLFR a été présenté en conseil des ministres seulement jeudi dernier.

Enfin, à l’heure actuelle le programme de stabilité n’est pas encore connu. Pour être tout à fait franc, je n’ai pas été saisi d’un quelconque projet. Ce programme devrait être dévoilé dans les prochaines semaines et il sera naturellement assorti d’un avis du HCFP. D’ordinaire la présentation de ce programme intervient en avril. Il était convenu que cela ait lieu fin juin. Nous nous approchons de la fin de juillet. Voilà pour les faits.

Comme à chaque fin de législature, la Cour des comptes a conduit un audit approfondi des finances publiques. En l’absence de saisine du Gouvernement comme en 2012 et en 2017, cette année la Cour a mené cet audit de sa propre initiative. Je souhaitais en effet que cette tradition, désormais bien établie, connue par les Français et attendue, soit respectée – quel que soit le contexte politique, qu’il y ait ou pas alternance, que ce rapport soit demandé ou non par l’exécutif. Le citoyen doit toujours être informé. Cet audit interviendra donc tous les cinq ans, quelle que soit la conjoncture. Cela me paraît normal.

La Cour a choisi de porter son étude rétrospective sur le périmètre de la dernière LPFP.

Cette longue introduction m’a paru nécessaire pour vous transmettre des messages que je considère significatifs.

Le rapport que je vais vous présenter se décompose en quatre temps.

Les deux premiers chapitres sont consacrés à l’audit des finances publiques sur les années 2017-2021 et à l’examen de l’année 2022, en mesurant les aléas et les risques susceptibles d’affecter les prévisions de la loi de finances initiale (LFI) et du PLFR. Nous en profiterons pour présenter l’avis du HCFP sur les prévisions de croissance, d’inflation et de déficit du PLFR.

Ensuite, nous aborderons la question de la trajectoire future des finances publiques.

Enfin, nous proposerons une stratégie équilibrée pour rétablir des finances publiques soutenables et durables, fondée sur deux piliers : renforcer la croissance et maîtriser la dépense. Il faut faire les deux. Ce dernier temps est particulièrement important selon nous car, au-delà de ses constats objectifs, la Cour a à cœur, depuis désormais vingt ans, de formuler des recommandations opérationnelles et précises dont le Gouvernement et le Parlement pourront se saisir – s’ils le souhaitent bien sûr.

Je commence par l’audit approfondi des finances publiques sur les cinq dernières années, de 2017 à 2021. Il révèle sans surprise une césure très nette entre la période qui précède la crise sanitaire et celle qui la suit.

De façon plus fine, on pourrait même distinguer très clairement une première césure au moment de la crise des gilets jaunes. Il n’y a pas deux périodes, mais plutôt deux périodes et demie.

Les deux premières années du précédent quinquennat ont indéniablement permis d’engager un redressement bienvenu des finances publiques. Il s’appuyait sur des économies pour financer des baisses de prélèvements obligatoires. En 2017, le déficit public s’est établi à trois points de PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif au printemps 2018. J’étais alors de l’autre côté de la barrière, à la Commission européenne, et je m’en suis réjoui.

Cet effort réel a connu un arrêt brutal avec la crise des gilets jaunes. Que s’est-il passé ? La baisse des impôts a continué – et a même été amplifiée – alors que la maîtrise des dépenses s’est incontestablement interrompue.

De ce fait, la France est l’un des seuls pays de la zone euro à n’avoir pas su profiter pleinement des taux d’intérêt exceptionnellement bas et d’une croissance plutôt soutenue, de l’ordre de 2 % en moyenne. Ce n’est pas le cas de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche ni même du Portugal – pays qui sortait d’un réajustement budgétaire. Tous ces pays ont cherché à redresser leurs finances publiques en haut de cycle et ils y sont parvenus. Le déficit structurel français, une fois corrigé de l’effet de la baisse des charges d’intérêts, s’est donc dégradé de 0,4 point de PIB en 2019 par rapport à son niveau de 2017. Si l’on considère la situation en 2019, il s’écarte de 25 milliards d’euros de l’objectif fixé par la LPFP.

Cette loi est donc devenue très vite obsolète, avant même la crise sanitaire. Je n’ai cessé de le répéter lors de la législature précédente : il faut trouver une ancre pour les finances publiques, et j’attends comme vous une nouvelle LPFP.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : ce fut une occasion manquée, dont les conséquences sont encore visibles aujourd’hui. La France a abordé la crise sanitaire avec des finances publiques insuffisamment assainies.

À la lueur de cette analyse – si vous la partagez – des leçons devront être tirées et les pouvoirs publics devront désormais veiller à mener des politiques réellement contracycliques, pour gagner en résilience. Ce qui veut dire : être capable nous aussi de nous ajuster en haut de cycle.

Avec la crise sanitaire, la dégradation des finances publiques a pris une ampleur inédite, en raison du repli de l’activité économique et des mesures d’urgence prises pour en atténuer les effets.

Le déficit enregistré en 2020 est le plus élevé depuis l’après-guerre – 8,9 points de PIB. Ces mesures, connues sous le nom que chacun connaît de « quoi qu’il en coûte », étaient nécessaires et la Cour des comptes ne les a jamais remises en cause. Quand on fait face à des circonstances exceptionnelles, qui touchent à la vie de nos concitoyens, il faut savoir prendre des mesures exceptionnelles. Elles ont préservé la situation des entreprises, des ménages et de notre système social. De surcroît, elles ont permis un fort rebond de l’activité dès 2021.

Cette médaille a un revers, avec l’existence de niveaux de dette et de déficit trop élevés et qui font peser des risques pour l’avenir. Le déficit reste en 2021 de 6,4 points de PIB, malgré un très fort dynamisme des recettes en période de reprise économique.

Je profite de cette analyse de l’année 2021 pour vous présenter rapidement les grands messages du rapport sur l’exécution du budget de l’État. Le déficit de l’État en 2021 résulte en large partie de baisses d’impôts pérennes et de la croissance soutenue des dépenses, sans rapport avec la crise ni la relance. En 2021, les dépenses de l’État ont augmenté de 37 milliards d’euros. Outre les dépenses de relance qui ont naturellement progressé, les dépenses hors crise – l’indemnité inflation, la montée en charge de la loi de programmation militaire ou la hausse de la charge d’intérêts de la dette, entre autres – ont progressé l’année passée de 17,6 milliards d’euros (+ 5 %) à périmètre constant, soit beaucoup plus fortement qu’en 2020.

Dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État, la Cour recommande aussi un plus grand respect des principes de notre droit budgétaire, notamment l’annualité des autorisations de dépenses et la spécialité des crédits. En effet, depuis la crise sanitaire le Gouvernement inscrit systématiquement en LFI ou en LFR des crédits allant au-delà des besoins prévisibles, choisissant de reporter des crédits non consommés. Sur l’ensemble du budget de l’État, le total des crédits reportés à la fin de l’année 2021 vers l’exercice 2022 est de 23 milliards d’euros.

C’est un problème qui vous concerne au premier chef, parce que ces pratiques affaiblissent la portée de l’autorisation parlementaire et conduisent à faire voter des montants de dépenses et de soldes différents des prévisions réelles du Gouvernement. Or les lois de finances sont et doivent demeurer l’élément central du contrôle et de la transparence de la feuille de route du Gouvernement par le Parlement.

Pour revenir à la vision de l’ensemble des finances publiques après ce point sur le déficit de l’État, la Cour constate qu’en deux ans, la dette publique totale a bondi de quinze points, soit 440 milliards d’euros supplémentaires. En sortie de crise, les dépenses publiques atteignent 58,4 % du PIB – la France a le niveau de dépenses le plus élevé parmi les neuf principaux pays de la zone euro – et la dette 112,5 % du PIB.

Je résume : c’est bien un message d’alerte que nous adressons – le ministre de l’économie et des finances a d’ailleurs lui-même utilisé ce mot, que nous partageons –, car les dimensions des déficits et de la dette publique ont changé de nature. Cette dégradation se fait par ailleurs dans un contexte économique et financier plutôt incertain.

L’inflation n’allège pas le poids de la dette, contrairement à ce qui a pu être enregistré dans le passé – j’y insiste car il y a beaucoup de fausses idées. Elle l’alourdit en raison de la part des obligations assimilables du Trésor (OAT) françaises indexées sur l’inflation, qui augmente considérablement la charge de la dette.

Plus que jamais, l’inflation est une fausse amie et en particulier de la dette. Ne croyons pas que l’inflation va résoudre le problème de la dette. C’est faux.

Le second temps du rapport, consacré aux prévisions pour 2022, révèle des perspectives économiques moins favorables qu’en LFI. La Cour indique par ailleurs que les mesures nouvelles annoncées et prévues en dépenses dans le PLFR 2022, qui représentent de l’ordre de 60 milliards d’euros, viendront peser sur le solde public.

Parmi ces dépenses, le coût de la dette augmentera de 17,8 milliards d’euros par rapport à la LFI. De quoi s’agit-il ? Le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février, avec ses effets sur l’activité et l’inflation, a conduit à une augmentation très conséquente du coût de la dette, et notamment celle liée aux obligations indexées sur l’inflation, qui représentent environ 11 % de la dette émise.

Ainsi, la Cour estime que de fortes incertitudes pèsent sur la prévision de déficit de cinq points de PIB en LFI, malgré un surcroît exceptionnel de recettes, en raison de la durée et des conséquences de la guerre en Ukraine, de l’évolution de la situation épidémique, du rythme de la normalisation de la politique monétaire ou d’éventuelles mesures nouvelles en faveur du pouvoir d’achat.

Selon l’avis du HCFP sur le PLFR, plusieurs facteurs viennent fragiliser la prévision de croissance, révisée par le Gouvernement à 2,5 % – elle était de 4 % en LFI.

La consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance économique en France, menace en effet d’être plus faible qu’escompté. Le Gouvernement prévoit une croissance du pouvoir d’achat des ménages, là où les institutions auditionnées par le Haut Conseil prévoient plutôt un léger repli. Et la chute de l’indicateur de confiance des ménages fait craindre qu’ils décident de différer leurs décisions d’achat au profit de l’épargne. La diminution des marges des entreprises, due à la forte hausse de leurs coûts, et la remontée des taux d’intérêt devraient peser sur l’investissement.

Enfin, nos exportations pourraient progresser plus lentement qu’escompté compte tenu des vents contraires qui soufflent sur l’économie mondiale et sur le commerce.

Au bout du compte, le risque d’une accentuation du ralentissement de l’économie française en fin d’année n’est pas négligeable. Pour le dire autrement, les 2,5 % de croissance sont atteignables, mais si et seulement si tous les facteurs se révèlent particulièrement favorables. Cela pourrait être un peu moins, mais nous n’en sommes pas sûrs.

En parallèle, le Gouvernement a révisé à la hausse sa prévision d’inflation en 2022, à 5 % en moyenne annuelle pour l’indice des prix à la consommation – contre 1,5 % en LFI –, en hausse sensible par rapport à 2021. Notons que cette prévision se situe toutefois dans le bas de la fourchette des prévisions disponibles. Elle suppose un tassement des pressions inflationnistes au second semestre, notamment en ce qui concerne les services, ce qui n’est pas acquis au vu des revalorisations salariales récentes et attendues. Pour le HCFP, l’inflation prévue pour 2022 paraît donc légèrement sous-estimée.

Les effets d’une croissance plus faible et d’une inflation plus élevée jouent en sens opposés sur les recettes. Mais le Haut Conseil relève qu’une inflation plus élevée se traduirait par des charges d’intérêts de la dette accrues, notamment du fait des titres de dette indexés sur l’inflation. D’ores et déjà, et c’est un point essentiel, cette charge va augmenter de quelque 18 milliards d’euros en 2022. Il s’agit d’une augmentation considérable et amenée à s’accroître encore – ne nous voilons pas la face. Elle réduit nos marges de manœuvre pour l’avenir. C’est un motif de préoccupation majeur. Les dépenses de santé risquent aussi d’être plus élevées en raison de la récurrence des vagues épidémiques. Le coût de certains dispositifs, tels que les boucliers tarifaires sur le gaz et sur l’électricité, sensible à l’évolution des prix de marché de l’énergie, est quant à lui entouré d’une grande incertitude tant ces prix sont volatils.

Par ailleurs, la prévision de recettes suppose une croissance spontanée des prélèvements obligatoires nettement supérieure à celle du PIB pour compenser les 60 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Avec le taux d’élasticité de 1,5 qui est retenu, celle-ci peut en partie se justifier par le dynamisme de la masse salariale et des prix à la consommation. Mais le produit de certains prélèvements obligatoires – tels que les droits de mutation, l’impôt sur les sociétés ou la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – risque toutefois de pâtir davantage que prévu de la dégradation amorcée du marché immobilier, de celle des résultats des entreprises, ou encore d’une baisse accrue de la consommation de carburant.

Aussi le HCFP a-t-il estimé que la prévision de déficit de 5 % en 2022, si elle n’est pas inatteignable, est affectée de risques défavorables. Le déficit pourrait être supérieur, sans que cela soit dramatiquement plus. D’ordinaire, je souligne que les prévisions de déficit du Gouvernement sont prudentes et les résultats sont meilleurs que prévus. Cette fois-ci, elles sont un peu optimistes.

Dans ce contexte économique et financier, la Cour se doit plus que jamais d’être une vigie solide, indépendante et impartiale. Et croyez-moi, elle le sera ! Pendant la crise, la Cour n’a jamais remis en question les dépenses nécessaires de soutien à l’économie ni de relance de l’investissement. Mais elle a pris acte de leurs conséquences sur la dette. Nous ne changeons pas d’avis : le « quoi qu’il en coûte » était justifié, nécessaire et utile. Toutefois, nous constatons que le dynamisme des dépenses ne tient pas uniquement à la crise et la trajectoire actuelle présente des risques qui ne peuvent être ignorés. Nous avons compris la réponse exceptionnelle liée à la crise de la covid, qui menaçait la vie de nos compatriotes, mais nous disons aussi que nous ne pouvons pas nous installer dans un « quoi qu’il en coûte » systématique et perpétuel. La réponse à tous les problèmes des Français n’est pas et ne doit pas être la dépense publique.

Que l’on ne se méprenne pas : la Cour des comptes ne remet nullement en cause l’idée de mesures pour protéger le pouvoir d’achat des ménages modestes. Mais la situation ne permet pas d’envisager des mesures pérennes et généralisées, beaucoup plus onéreuses que chez nos voisins. Ces mesures de dépenses doivent selon nous être temporaires, financées et ciblées – n’oublions pas que l’inflation est d’abord un impôt sur les ménages les plus modestes, qui subissent une large part de dépenses contraintes.

La France se situe aujourd’hui dans le groupe des pays qui connaissent une situation plus défavorable au sein de l’Union Européenne – avec l’Italie, l’Espagne et la Belgique. Cette situation diverge avec celle des pays qui ont une dette modérée, à l’image de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche – et cette divergence s’accroît. Tout cela commence à avoir un effet visible. On l’observe déjà en l’Italie, dont l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne n’a pas été aussi élevé depuis longtemps. La situation française est différente : notre dette est finançable et, à ce jour, les marchés nous font confiance.

L’accroître bien davantage serait risqué, d’autant que nous sommes sortis de la période de taux d’intérêt négatifs pour rentrer dans une phase de taux plus élevés. D’où cette conclusion : il est impératif de mener une stratégie de désendettement crédible.

Il faut en tirer toutes les conséquences pratiques. Avant tout, la France doit transmettre très rapidement son programme de stabilité à la Commission européenne pour fixer une trajectoire indiquant comment s’effectue le retour à un niveau de déficit soutenable – 3 % en 2027 selon l’objectif fixé par le Gouvernement – et comment infléchir la dette. Par ailleurs, si la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance a été prolongée jusqu’en 2023, il est impératif de construire à l’échelle européenne de nouvelles règles budgétaires adaptées et lisibles, qui permettent de favoriser la convergence entre les pays de la zone euro. Je ne crois pas à l’absence de règles mais à des règles plus solides, plus lisibles et plus pratiques. Nous devons retrouver des objectifs solides à moyen terme.

Voilà pour le message d’alerte.

Mon deuxième message est un message d’action. Il est nécessaire d’agir, et d’agir vite. La dégradation du solde public est inédite. Le dynamisme des dépenses n’est à ce stade pas maîtrisé. La maîtrise des finances publiques devient plus que jamais une exigence sans laquelle le pays s’exposera à des risques grandissants en matière de souveraineté et de pérennité de son modèle.

Ce n’est un secret pour personne, je n’ai pas la religion de l’austérité. Je ne suis pas un ayatollah anti-dépenses ni un Cassandre de l’endettement. D’autres font ça très bien. Pourtant, il faut dire clairement qu’accroître notre dette à l’excès ferait peser sur les générations futures une charge insupportable, qui réduira d’autant nos marges de manœuvre. Voilà un héritage que nous n’avons pas le droit de laisser à ceux qui nous suivent ! N’oublions pas que la soutenabilité de notre dette, c’est celle de notre modèle de société.

Dans le prolongement du rapport que j’ai remis il y a un an au Président de la République et au Premier ministre, la Cour propose une stratégie claire et lisible pour nos finances publiques.

En termes de méthode, tout d’abord. Le rapport recommande de saisir l’occasion de la prochaine loi de programmation prévue à l’automne pour fixer une stratégie de finances publiques soutenable et durable – en prenant en compte une situation plus dégradée que prévue, une croissance fragilisée par la situation géopolitique ainsi que par la remontée de l’inflation, et des dépenses publiques en forte hausse du fait des mesures adoptées pour préserver le pouvoir d’achat.

Les objectifs ambitieux fixés par les lois de programmation antérieures n’ont jamais été respectés par les lois de finances successives. Nous recommandons donc d’établir une loi de programmation plus crédible, c’est-à-dire qui s’appuie sur des hypothèses économiques réalistes et qui présente des mesures de dépenses détaillées et mises en œuvre tout au long de la période. Cette stratégie sera d’autant plus efficace qu’elle reposera sur la responsabilité collective, en impliquant l’ensemble des acteurs publics : l’État, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités territoriales – nous venons de publier un rapport qui souligne la bonne santé financière de ces dernières.

Enfin, nous recommandons de veiller à prendre en compte les lois de programmation sectorielles, plus nombreuses chaque année, qui contribuent à un empilement de mesures et de dépenses sans vision globale. Ce sont des vecteurs d’échappement de la dépense. Il faut que la programmation centrale l’emporte sur les programmations sectorielles, pour conserver une vision d’ensemble.

Au début de ce nouveau quinquennat, j’ai la conviction que le Gouvernement devrait plus que jamais se saisir de nos recommandations pour faire des lois de programmation un outil de pilotage effectif, pluriannuel et lisible pour tous.

Nos concitoyens demandent de la transparence et de la visibilité en matière d’utilisation de l’argent public – c’est le leur – et ils sont en droit d’exiger un meilleur suivi de l’action publique.

Sur le fond, le rapport préconise une stratégie équilibrée de redressement des finances publiques qui s’appuie sur deux piliers. D’une part, renforcer le potentiel de croissance économique durable par des investissements, notamment dans la transition écologique et la politique industrielle. D’autre part, maîtriser les dépenses par la mise en œuvre de réformes structurelles.

Cette stratégie s’inscrit dans le droit fil de celle développée par la Cour en juin 2021 lors de la sortie de crise. Elle me paraît toujours aussi justifiée. Pourquoi ? Parce qu’elle redonne du sens au redressement des finances publiques, non pas pour rendre hommage à un esprit austéritaire stérile ou par un goût formel des comptes bien tenus, mais pour dégager les marges de manœuvre nécessaires afin d’être prêts face à la survenance de nouvelles crises et afin d’investir dans la croissance française sur le long terme.

Non seulement la France a besoin d’investissements, mais sans ces investissements nous risquerions de voir les gains attendus de la maîtrise des dépenses absorbés par les pertes liées à une dégradation de la croissance.

Contrairement à ce que certains semblent penser, notre croissance potentielle sort plutôt affaiblie de la pandémie de covid-19 et de ses conséquences – le Haut Conseil publiera une étude sur la question la semaine prochaine –, et elle est menacée par celles de la guerre en Ukraine. Nous ne sommes pas à l’aube de nouvelles Trente Glorieuses spontanées. On peut en rêver, mais cela n’arrivera pas. Nous avons besoin d’investir pour avoir de la croissance.

Pour le premier pilier, le renforcement d’une croissance durable implique une action cohérente et ciblée, en investissant en priorité dans les compétences et l’innovation. Je sais que les effets de cette démarche ne se feront sentir qu’à long terme mais ils assureront un soutien significatif à la croissance.

En s’appuyant sur les notes sur les enjeux structurels de la France publiées par la Cour à l’automne 2021, le rapport s’est attaché à identifier les leviers de croissance et de création d’emplois, notamment le renforcement de la compétitivité de l’industrie française pour regagner des parts de marché. Depuis très longtemps, je suis convaincu que l’industrie est une des clés de l’avenir de la France. Ainsi, le rapport met en avant les investissements nécessaires pour créer et structurer des filières industrielles.

Pour le second pilier – contribuer à la soutenabilité des finances publiques par la maîtrise des dépenses et la préservation des recettes –, la Cour identifie en priorité la nécessité d’activer des leviers transversaux. Nous ne préconisons pas l’utilisation bête et méchante du rabot – il y a des manières stupides de réduire la dépense : elles sont douloureuses, mal ressenties et inefficaces –, mais de faire des choix difficiles que la France n’a cessé de repousser. Le rapport suggère ainsi de se concentrer sur la préservation des recettes publiques en renforçant le pilotage, l’évaluation et la rationalisation des niches fiscales et sociales, lesquelles pèsent respectivement 93 milliards d’euros et 83 milliards d’euros. Je sais que c’est un marronnier, car nous le répétons d’année en année, mais la pédagogie est affaire de répétition. Ces montants sont considérables et il faut supprimer les niches, trop nombreuses, dont l’efficacité n’est pas démontrée.

Une modernisation de la gestion des ressources humaines dans les administrations publiques est également nécessaire au regard de l’enjeu sensible mais important que constitue la maîtrise de l’évolution de la masse salariale, laquelle est très dynamique, avec une augmentation du nombre de fonctionnaires de plus de 1,1 million entre 1996 et 2020. Il s’agit non pas de préconiser je ne sais quelle diminution sauvage, mais de constater qu’il est possible de gérer les ressources humaines.

Par ailleurs, le rapport énumère les marges d’efficience répertoriées et documentées par les différents travaux de la Cour, notamment pour être en mesure de financer les investissements nécessaires.

La Cour n’est pas exclusive ; elle jette un coup de projecteur sur trois domaines dans le champ social et deux dans le champ régalien.

D’abord, la réforme des retraites est toujours nécessaire à nos yeux, pour des questions tant d’équilibre financier des régimes que d’équité entre les générations. Cela doit se faire en agissant sur l’âge de départ – même si nous ne nous prononçons pas sur un chiffre ou sur une modalité particulière : c’est le travail de l’exécutif et du législatif, pas le nôtre –, en stabilisant les conditions de départ anticipé et en poursuivant la convergence des régimes. Ces mesures devront évidemment prendre en considération l’équité, tout en visant à simplifier les règles et à harmoniser les régimes. Mais je suis persuadé que cette réforme est nécessaire. Je sais que certains, ici même, préconisent de ne pas reculer l’âge de départ. Le risque, en l’absence de mesure d’âge, est de se trouver contraint de baisser les pensions, ce que nos concitoyens ne souhaitent pas.

Ensuite, en matière de santé, les dépenses de l’assurance maladie, qui connaît un déficit de 26 milliards en 2021, devraient, autant que faire se peut, être stabilisées – nous ne proposons pas de les réduire. Notre système de soins a révélé, au cours des dernières années, sa grande capacité à protéger les citoyens dans des situations de crise majeure, mais aussi une véritable inadaptation entre les besoins en matière de santé et les ressources. Pour que les dépenses de santé demeurent pérennes et pour garantir l’accès aux soins de tous, il faut financer des investissements, en particulier à l’hôpital, qui a incontestablement besoin de rénovation, par des mesures en dépenses intelligentes. Gardons-nous des œillères : la réorganisation des soins, la refonte de la rémunération des acteurs de santé, la revue des causes évitables de dépenses ou encore le renforcement du numérique dans le domaine de la santé peuvent produire des économies sans dégrader de quelque manière que ce soit la qualité du système de santé. Certaines dépenses doivent être augmentées, d’autres diminuées.

Enfin, en ce qui concerne l’emploi, le rapport préconise de garantir la soutenabilité du régime de l’assurance chômage et d’améliorer l’accompagnement vers l’emploi et la formation professionnelle en clarifiant le rôle des acteurs. Je vous renvoie notamment à l’évaluation de politique publique publiée par la Cour récemment au sujet de l’apprentissage.

Concernant l’État régalien, nous soulevons deux questions majeures.

Tout d’abord, il existe un décalage entre le décrochage de la France dans les classements internationaux en matière d’excellence scolaire, notamment celui du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), et un effort budgétaire de l’État bien supérieur à la moyenne européenne. Ce décalage frappe tout le monde, que ce soit l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec laquelle nous travaillons, ou encore le FMI, dont je recevais récemment encore une délégation.

Il faudra, là aussi, trouver des solutions pour financer les investissements nécessaires en supprimant les dépenses non adaptées. Les priorités consistent à revoir le parcours de l’élève, rénover le cadre du métier de professeur, renforcer l’autonomie et mieux évaluer pour améliorer la performance du système scolaire. Retrouver notre excellence scolaire va coûter de l’argent. Pour ce faire, il convient de trouver des leviers de financement pérennes.

Le dernier exemple que nous développons concerne le fait que les moyens supplémentaires importants alloués à la police nationale ne se retrouvent pas dans les résultats affichés, qu’il s’agisse de la présence sur le terrain ou de l’élucidation des faits de délinquance, qui se détériorent. Il faut faire la guerre à ces paradoxes de la dépense publique. La Cour recommande à cet égard un ajustement de l’allocation des effectifs aux besoins des territoires et des missions, une organisation du travail plus adaptée aux besoins opérationnels, une formation renforcée et modernisée et une mutualisation des moyens entre police et gendarmerie.

J’en ai terminé avec la présentation de ce rapport important, sans en avoir épuisé les analyses et les recommandations. Je vous invite donc à en prendre connaissance par vous-mêmes. Toutefois, s’il fallait en retenir deux choses, voici celles que je choisirais.

Premièrement, alors que la France a dû faire face à une succession de crises qui ont contribué à dégrader massivement les finances publiques, il est impératif que la prochaine loi de programmation des finances publiques donne un cap clair pour assurer leur soutenabilité. Nous ne pouvons pas vivre dans l’illusion d’une dette gratuite ni d’un monde tranquille, sans crises ni dérèglements.

Deuxièmement, pour garantir la crédibilité de la France, il faudra faire des choix difficiles mais justes envers les générations futures, auxquelles il ne serait ni digne ni responsable de laisser une dette environnementale et financière aussi lourde à porter.

M. le président Éric Coquerel. Merci pour votre présentation, Monsieur le Premier président.

Vos propos ne sont pas tout à fait neufs, ce qui est normal car l’objectif des instances que vous présidez est de maîtriser les finances publiques, voire de diminuer  les dépenses publiques – objectif que j’ai contesté à plusieurs reprises. Cela dit, et en dépit de certains désaccords, que je formulerai par la suite, avec quelques-unes de vos affirmations, il me semble que votre rapport pointe les contradictions du Gouvernement. En effet, celui-ci estime qu’il doit à la fois relancer la croissance et revenir à 3 % de déficit en 2027. Or, dans votre avis, vous expliquez, en termes très diplomatiques et modérés, que ce projet est quelque peu optimiste, qu’il s’agisse des prévisions concernant la croissance ou de celles relatives au déficit en pourcentage du PIB. La période économique est telle que, comme vous l’avez dit, il est difficile de penser que nous soyons « à l’aube de nouvelles Trente Glorieuses spontanées ». La question est de savoir comment faire succéder une démarche construite à ce « spontané » pour créer des mécanismes permettant de sortir de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons, tout en répondant aux besoins de la population.

J’observe une première chose : à partir du moment où l’on pense que la croissance ne sera pas spontanée, il faut trouver un moyen de nourrir celle-ci – vous le dites vous-même quand vous parlez d’investissements. Je pourrais vous rejoindre sur ce point, à ceci près que l’investissement nécessite des dépenses publiques. Le premier investissement nécessaire doit consister à éviter de laisser aux générations futures une dette écologique. À mes yeux, cette dette prime sur toutes les autres. Or on peut se demander si les investissements prévus dans les années à venir permettent ne serait-ce que d’essayer de respecter l’accord de Paris, c’est-à-dire de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius, comme le préconisent la plupart des scientifiques. Vous l’aurez compris : selon moi, la réponse est non, mais vous avez le droit d’avoir un avis différent. Quoi qu’il en soit, si l’on considère que les dépenses engagées ne sont pas suffisantes, il faudra les augmenter d’une manière ou d’une autre.

Deuxièmement, la question est de savoir comment avoir davantage de recettes dès lors que l’on n’augmente pas les impôts. Cela conduit à s’interroger sur la manière de partager les richesses et de relancer la consommation populaire.

Vous avez abordé deux questions importantes : la réforme des retraites et la stabilité des dépenses de santé. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous avez dit. En ce qui concerne la première de ces questions, je ne vois pas très bien en quoi ce que vous suggérez permettrait de relancer la croissance. Quant à la santé, je note que vous n’appelez pas à diminuer les moyens qui lui sont alloués, mais les termes que vous employez sont ceux qui ont été souvent utilisés pour baisser les dépenses publiques, avec les résultats que l’on connaît. Je n’ai pas vraiment vu de nouveautés à cet égard dans vos propositions.

Les questions que je souhaite vous poser sont simples, et elles rejoignent en partie vos préoccupations.

Si la croissance sur laquelle table le Gouvernement à la fois pour résoudre le problème des déficits publics et relancer l’économie n’est pas au rendez-vous, ou en tout cas pas autant qu’il le souhaite, et si, dans le même temps, l’objectif des 3 % de déficit est maintenu, la question se pose : est-il raisonnable de continuer à baisser les ressources fiscales ? Vous le savez, je ne suis pas d’accord avec le cadre des 3 %. Je pense, notamment, que l’on aurait pu s’interroger sur le statut de la dette liée au covid possédée par la Banque centrale européenne et par la Banque de France, et même envisager sa transformation en dette perpétuelle. Quoi qu’il en soit, la question est de savoir, disais-je, si l’on doit continuer à appauvrir l’État en diminuant la recette fiscale. Vous notez, à propos des cinq années qui viennent de s’écouler, que la baisse des prélèvements obligatoires de 50 milliards d’euros concourt à « dégrader de manière pérenne le niveau des prélèvements obligatoires », car elle n’est pas totalement compensée « par la dynamique spontanée des recettes ». Or le Gouvernement envisage des baisses d’impôts supplémentaires. Pensez-vous que ce soit une urgence dans la situation actuelle ? J’ai cru comprendre que ce n’était pas votre avis, puisque vous préconisez même de revoir certaines dépenses fiscales, notamment les niches fiscales et sociales, qui représentent respectivement 93 milliards d’euros et 83 milliards d’euros. Le Gouvernement, pour sa part, n’entend pas, pour l’instant, revenir sur ces dépenses.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Merci pour votre présentation, Monsieur le Premier président. Je remercie également vos équipes pour le document qu’elles ont préparé. Vos travaux enrichissent nos débats et permettent de les contextualiser. La période dans laquelle nous entrons, et qui durera jusqu’à la fin de l’année, sera cruciale pour la trajectoire des finances publiques. Le débat sera politique, mais il est bon qu’il se déroule sous l’œil averti d’institutions indépendantes comme celles que vous présidez.

Je partage l’essentiel de vos conclusions et je ne peux que souscrire aux alertes que vous lancez s’agissant de l’état de nos finances publiques, de la nécessité de maîtriser les dépenses, de préserver les recettes et de contrôler la dette. Je ne vois pas d’incohérence entre ces différents objectifs, contrairement au président Coquerel : il nous faut autant de croissance que possible pour être en mesure d’augmenter les recettes et d’investir.

Je relève également que, d’une certaine manière, la Cour valide les hypothèses gouvernementales associées au PLFR, même si vous les trouvez un tantinet volontaristes et légèrement optimistes. Il est vrai, Monsieur le Premier président, que le Gouvernement maintient l’objectif de 5 % de déficit fixé dans la loi de finances pour 2022, malgré la crise en Ukraine et ses conséquences, à savoir l’augmentation de l’inflation et le ralentissement de la croissance.

Ma première question porte sur la notion de solde structurel, chère à notre collègue Charles de Courson, et sur son utilité comme instrument de suivi et de pilotage des dépenses publiques. Depuis la crise de 2020, cette notion présente de nombreuses limites. Son mode de calcul repose sur un grand nombre d’hypothèses et de conventions, décrites en particulier dans une loi de programmation nécessairement datée. Cette notion conserve-t-elle une utilité, notamment dans la perspective de la réflexion que nous devons mener sur les règles budgétaires européennes ?

Vous préconisez, dans votre rapport sur les finances publiques, « une réflexion d’ensemble sur le financement des collectivités territoriales, complexifié et rendu illisible par les réformes successives ». Avez-vous des pistes de simplification en la matière ? Comment rendre compatibles l’autonomie financière des collectivités territoriales, d’une part, et la maîtrise des dépenses publiques toutes administrations publiques (APU) confondues, d’autre part ?

Enfin, s’agissant de l’effet de l’inflation sur le ratio de la dette publique, vous avez dit que l’inflation était « une fausse amie », contrairement à ce que l’on pourrait penser, en raison du poids des OAT indéxé sur l’inflation. Ce phénomène est-il spécifique à la situation française ? Seriez-vous d’accord pour dire que lutter contre l’inflation coûte moins cher que de compenser les effets de cette dernière ?

M. Pierre Moscovici. Je ne me lancerai pas dans un débat singulier avec vous, Monsieur le président. Je me limiterai à exposer la logique de la Cour des comptes, laquelle est d’ailleurs assez claire ; elle a été présentée de manière exhaustive dans le rapport que j’ai adressé il y a un an au Président de la République et au Premier ministre de l’époque, et elle est reprise dans celui-ci. L’analyse a été formulée après une consultation très large : nous avons entendu de nombreux économistes français, européens et même américains.

Nous traversons une période très difficile, sur le plan géopolitique comme sur le plan économique, et la situation a naturellement des traductions sur le plan financier. Nous ne contestons en rien – bien au contraire – l’idée selon laquelle, dans ce contexte, des investissements sont fondamentalement nécessaires. Notre croissance potentielle a été affectée, et c’est naturel, par le choc extraordinaire qu’a été la pandémie, et elle continue d’être menacée par les conséquences de la guerre en Ukraine. Elle se situe aux alentours de 1 % plutôt que de 1,5 % – il s’agit, encore une fois, de la croissance spontanée. Pour l’améliorer, il n’y a qu’une seule voie : celle de l’investissement.

Le plan de relance consacre quelque 30 milliards d’euros à la transition écologique, ce qui représente un premier effort important. Toutefois, il faudra faire davantage, notamment pour reconstituer notre capacité de production électrique. Vous débattrez ainsi de la renationalisation d’EDF et de la construction de nouveaux réacteurs, que le Président de la République a annoncées et qu’il faudra financer – je ne me prononce pas sur ce choix en tant que tel. Nous pensons, effectivement, qu’il faut davantage d’investissements, ce qui va un peu dans votre sens. C’est vrai en ce qui concerne la transition écologique et la politique industrielle ; c’est vrai également dans le domaine de l’équipement militaire – le rapport que nous avons consacré il y a quelque temps à la loi de programmation militaire montre qu’une remise à niveau a déjà eu lieu. Dans ce domaine, nous bénéficierons à l’avenir de davantage de ressources de la part de l’Union européenne, notamment à travers la mutualisation des dettes.

Toutefois, cette nécessité d’investir suppose selon vous d’augmenter les dépenses publiques, ce qui veut dire aussi, en pratique, accroître la dette. À cet égard, nous divergeons. La Cour considère que l’endettement français a vraiment atteint la « cote d’alerte », pour reprendre l’expression de Bruno Le Maire. Nous ne pouvons pas aller au-delà. Il est indispensable de retrouver une courbe plus pertinente.

Cela m’amène à l’une des questions du rapporteur général. En effet, une inflation plus forte ne réduit pas la dette publique. Certes, l’inflation facilite le remboursement de la dette héritée, mais son impact à long terme dépend de l’évolution des taux d’intérêt, que par définition nous ne connaissons pas encore. D’autres éléments doivent également être pris en compte, parmi lesquels l’alourdissement de la charge des intérêts résultant de la part des OAT dans le financement de notre dette – la Cour a consacré un rapport à la question. De facto, l’inflation s’est ainsi traduite par une augmentation de quelque 18 milliards d’euros du coût de remboursement de la dette publique, ce qui est considérable.

Si nous continuons à accroître les déficits et la dette publics, Monsieur le président, alors que les dépenses publiques atteignent déjà 58,4 % du PIB, la charge de la dette augmentera elle aussi et cela réduira d’autant le financement de l’investissement. Je puis vous en parler d’expérience : lorsque j’étais ministre de l’économie et des finances, entre 2012 et 2014, la croissance était nulle, les spreads étaient tendus et la charge de la dette constituait le deuxième poste du budget de l’État, à raison de quelque 80 milliards d’euros. Je vous prie de croire que, dans une telle situation, les marges de manœuvre pour préparer le futur sont très restreintes. Plus nous nous endettons, plus nous nous étranglons, en réalité. C’est la raison pour laquelle, à côté de l’investissement nécessaire pour relancer la croissance, nous préconisons une stratégie fondée sur la maîtrise de la dépense.

Ne laissons pas croire que la maîtrise de la dépense soit l’équivalent de l’austérité. J’ai évoqué la stabilisation des dépenses de santé, mais en points de PIB : je ne préconise pas une diminution de leur part dans le PIB. Il s’agit de jouer sur différents postes, pour un ensemble de dépenses dont le montant est considérable. Stabiliser ces dépenses en points de PIB, cela veut dire, en réalité, qu’elles continuent à augmenter en valeur absolue.

En ce qui concerne les retraites, le débat va s’ouvrir. La Cour des comptes n’a pas d’idéologie à ce propos. Elle ne se prononcera pas non plus sur l’âge de départ. Nous disons simplement que l’âge effectif de départ devra être reculé si l’on veut que le système soit à l’équilibre et financé, faute de quoi l’on risque de devoir prendre une décision extrêmement pénible, et même tout à fait détestable, à savoir toucher aux pensions.

Vous parliez d’appauvrir l’État. Avec des dépenses publiques représentant 58,4 % du PIB, on n’a pas affaire à un État slim fit : l’État a quelques rondeurs. Il existe des marges de manœuvre. L’approche que nous suggérons n’est pas austéritaire, il ne s’agit pas de manier le rabot : nous préconisons de transformer l’action publique, de se demander comment dépenser moins mais de façon plus intelligente, tout en améliorant les prestations publiques. Outre les exemples que j’ai donnés, j’aurais pu parler du logement : voilà un secteur dans lequel nous dépensons deux fois plus que les pays de la zone euro, pour une performance qui n’est pas forcément la meilleure, y compris dans le domaine du logement social, particulièrement cher à certains d’entre vous. Certaines réformes peuvent être engagées, et elles permettraient de dégager des ressources. Nous avons produit une note à ce propos.

Enfin, vous m’avez interrogé sur les dépenses fiscales – j’ai noté certaines convergences entre nous à cet égard – et sur les baisses d’impôts. Je ne saurais dire si celles-ci sont trop importantes. Je tiens simplement à souligner qu’elles ont atteint 50 milliards d’euros au cours du dernier quinquennat, soit deux fois plus que ce qui était prévu, car les mesures prises à la suite du mouvement des gilets jaunes puis celles de la période du « quoi qu’il en coûte » se sont ajoutées. Mon sentiment est que nous n’avons guère les moyens, dans une période de déficits et de dette élevés, d’opérer des baisses d’impôts sèches : toute nouvelle diminution devrait être compensée par l’augmentation d’autres impôts ou par une maîtrise de la dépense à due concurrence. Le débat sur la question existe dans d’autres pays : pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui se passe au sein du Parti conservateur britannique dans le cadre de la succession de Boris Johnson.

Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que nous validions les hypothèses. C’est vrai, au sens où nous ne les trouvons pas inatteignables, mais notez quand même les nuances que nous apportons : qu’il s’agisse de la croissance anticipée, des prévisions concernant les recettes, de l’inflation ou encore de l’élasticité des recettes fiscales au PIB, tout est tiré au cordeau. Jusqu’à présent, chaque fois que je suis venu devant cette commission en tant que Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, j’ai seriné l’air de la prudence, tout en ayant le sentiment que le résultat serait plutôt meilleur qu’anticipé, et je ne me suis jamais trompé. Or, cette fois-ci, ce n’est pas ce que je vous dis : je considère que les prévisions sont plutôt optimistes. Ce serait en vérité une bonne surprise d’en rester à 5 % de déficit. L’objectif n’est pas inatteignable, mais il faudrait vraiment que tous les facteurs se combinent au mieux. Ce n’est pas ce que nous anticipons.

Le solde structurel reste nécessaire pour éviter de mener des politiques procycliques. Nous tenons à ce qu’il soit possible de maîtriser ou d’augmenter les dépenses au bon moment. Cela dit, cet outil est sans doute amené à perdre une partie de sa force ou de sa pertinence. Je ne peux pas anticiper ce que sera la réforme des règles du pacte de stabilité, mais l’intuition ainsi que la connaissance que j’ai de ces questions me conduisent à penser que si un consensus se dessine, ce sera plutôt autour de l’idée selon laquelle on doit traiter davantage la dette publique à l’échelle nationale et que, s’agissant des dépenses publiques, il faut se doter d’une règle simple, lisible et qui permette de privilégier l’investissement. Le Haut Conseil des finances publiques a organisé il y a quelques mois une manifestation très intéressante à ce propos, à laquelle participait notamment le commissaire Gentiloni.

Enfin, en ce qui concerne les collectivités territoriales, nous avons souligné leur relative bonne santé, qui permet de s’interroger sur leur contribution éventuelle au redressement des finances publiques. Il en est plutôt question dans le fascicule 1 du rapport sur les finances publiques locales publié hier, mais les deux documents vont dans la même direction.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Je remercie la Cour des comptes pour la qualité de son travail. Je salue vos propos, Monsieur le Premier président, sur le « quoi qu’il en coûte », rappelant à quel point cette politique était indispensable. Je salue également la sagesse de la Cour sur le sujet des retraites, dont nous aurons l’occasion de reparler prochainement.

Fort de vos expériences passées, pensez-vous que la réforme des critères européens soit possible, dans des délais raisonnables ?

Le débat sur la politique monétaire européenne est en train de revenir, réactivant des clivages Nord Sud. Quel serait l’effet sur les finances publiques du relèvement rapide des taux que semblent demander plusieurs États ?

On entend tout et son contraire sur les collectivités territoriales. Quelle lecture faites-vous de la dynamique de leurs dépenses ? Quelles lumières la Cour peut-elle apporter à un débat public quelque peu brouillon ?

M. Philippe Lottiaux (RN). Merci pour ce rapport très instructif, qui souligne le retard de présentation et le faible délai pour examiner le PLFR. Sur le fond, il souligne la dégradation des finances publiques, partiellement imputable à la crise, un contexte inflationniste et incertain, une fuite en avant de la dette qui n’est plus maîtrisée, des prévisions hasardeuses et une position défavorable, ce qui rompt avec les exercices d’autosatisfaction auxquels nous avaient habitués les groupies de M. Macron.

Oui, nous rejoignons vos conclusions : pour une croissance durable, il faut retrouver une trajectoire lisible. « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va », écrivait Sénèque ; on a l’impression que ce gouvernement ne sait pas où il va, ni même, parfois, où il est.

Quelques points de divergence, toutefois. Vous dites que la réforme des retraites est nécessaire. Il me semble que ce qu’on y gagnera éventuellement, on le perdra ailleurs, puisque les problèmes d’employabilité des plus de 55 ans se répercuteront sur l’assurance chômage et l’assurance maladie. Cette réforme sera en fin de compte neutre.

Ce que vous dites des collectivités territoriales m’inquiète. Il se trouve que j’ai pratiqué la question jusqu’au 22 juin. La perte progressive des recettes provenant de la taxe d’habitation a réduit les marges de manœuvre des collectivités et je crains qu’une nouvelle réduction des dotations, après celle imposée sous le quinquennat 2012-2017, n’ait des conséquences majeures sur les services publics de proximité, que la population réclame pourtant.

Pour optimiser l’efficacité de l’action publique, il y a de quoi faire avec les niches fiscales. Nous devrons aussi travailler sur les normes et les contraintes, dont l’accumulation étouffe les acteurs économiques. Enfin, il nous faudra parler de la lutte contre les fraudes et contre les produits de la spéculation.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Vous affirmez que, pour ramener le déficit budgétaire à 3 % en 2027, le Gouvernement doit à la fois préserver les recettes et réduire les dépenses. Pourquoi avoir choisi de focaliser votre rapport sur les dépenses ? Pourquoi ne pas avoir traité des baisses de recettes, auxquelles a abouti la politique de baisse des prélèvements obligatoires, et des niches fiscales, qui bénéficient surtout aux plus hauts revenus et aux grandes entreprises ?

Dans ce contexte budgétaire tendu, et alors que l’objectif est de préserver les recettes, considérez-vous que les nouvelles baisses d’impôts en direction des entreprises, et notamment la suppression de la CVAE, sont raisonnables ?

Comme vous l’avez dit, nous aurons besoin d’investissements massifs – 50 milliards d’euros par an – dans la transition écologique pour assurer les conditions d’une croissance durable. Or la règle des 3 % risque de contraindre fortement les capacités d’investissement public. Ne pensez-vous pas qu’elle nous empêche de créer les conditions d’une croissance durable, qui, vous le dites vous-même, passe nécessairement par la transition écologique et la relocalisation industrielle ?

Vous avez affirmé que les dépenses publiques de soutien à l’économie étaient nécessaires et justifiées par le caractère exceptionnel de la crise sanitaire. Quelles sont, selon vous, les chances que la France revienne à un déficit de 3 % et, a fortiori, parvienne à rembourser sa dette publique, alors que le changement climatique nous fait entrer dans une époque de grande incertitude et d’exceptions permanentes ? Malgré nos investissements, toujours insuffisants, il est probable que le changement climatique fasse baisser le PIB mondial et devienne un frein structurel à la croissance.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). J’ai apprécié votre rappel des règles budgétaires. Il est important que ce soit dit en commission des finances. La notion d’inscription dans le cadre de l’annualisation des dépenses est fondamentale et il me semble qu’on a dérogé à ces règles élémentaires depuis quelques années.

Tous les intervenants ont parlé de la baisse, pérenne, des impôts. On assiste à un paradoxe. Si la mesure a bien été mise en œuvre, dans les faits, ce sont 64 milliards d’euros supplémentaires, par rapport à 2017, qui ont été prélevés sur les Français ces cinq dernières années. Rien que sur les cinq premiers mois de l’année 2022, il y a eu 19,7 milliards d’euros de prélèvements fiscaux supplémentaires – 10,4 milliards d’IS, 3,6 milliards d’IRPP et 5 milliards de TVA. Alors, cessons de nous gargariser avec la baisse pérenne des impôts !

Vous relancez l’idée que la France doit se conformer au programme de stabilité, mais comment être crédibles dans cet effort d’assainissement des finances publiques alors que nous n’avons jusque-là jamais respecté les différents programmes ?

Vous concluez en retraçant les perspectives de maîtrise de dépenses publiques, la réforme des retraites et la réforme globale du système de santé. C’est fondamental. Les collectivités locales, elles, ont fait l’effort d’assainir leurs dépenses, elles se sont mises à jour et je trouverais injuste de ponctionner leurs excédents.

M. Jimmy Pahun (Dem). La situation est très différente de celle dans laquelle nous étions, lors de l’examen du dernier texte financier, fin 2021. Le retour de l’inflation est plus important que prévu et les États occidentaux, plus que les autres, peut-être, ont des difficultés à y faire face. Je voudrais souligner que les mesures prises depuis octobre dernier par notre majorité, notamment le bouclier tarifaire et la remise de 0,18 euro par litre de carburant, ont permis de contenir l’inflation. Si celle-ci reste moins élevée que dans le reste de la zone euro, elle mord sur le pouvoir d’achat des ménages et la rentabilité des entreprises. Le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat et le PLFR visent à y remédier à court terme, tout en permettant des réformes plus structurelles.

Ces projets de loi s’inscrivent toutefois dans un contexte de finances publiques dégradées par la crise de la Covid et – ne nous mentons pas à nous-mêmes – par quarante ans d’inconséquence budgétaire. Ma question sera triple : quel est l’impact de l’inflation sur les finances publiques ? Quel regard le HCFP porte-t-il sur les mesures qui visent à atténuer l’inflation, mais avec des conséquences importantes à court terme sur l’équilibre des finances publiques ? Est-il rentable d’essayer d’éviter du mieux possible les effets de second rang ? À moyen terme, la remontée des taux entamée par la BCE risque-t-elle de provoquer une nouvelle crise de la dette souveraine ? Quels sont les effets du plan de relance européen en la matière ?

Sur un tout autre sujet, je voudrais saluer le travail de la chambre régionale des comptes de Bretagne sur les algues vertes et sa proposition de cinq leviers pour endiguer leur prolifération.

M. Philippe Brun (SOC). En préparant cette audition, je me suis plongé dans un rapport d’information que Gilles Carrez, alors rapporteur général, avait publié le 30 juin 2010. Le premier chapitre, intitulé « 2000 à 2010, dix années de pertes de recettes non compensées », s’ouvrait sur le constat suivant : entre 100 et 120 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales sur le budget général de l’État depuis 2000. Gilles Carrez appelait à la vigilance sur ces baisses d’impôts non compensées, écrivant : « L’année 2000 a constitué une rupture dans l’orientation de la politique fiscale de la France. Alors que, depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1993, l’objectif était de dégager des surplus fiscaux permettant de remplir les critères du pacte de stabilité et de croissance, un retournement se produit à la suite de la création de la zone euro en 1999 ». Il conclut que les baisses des prélèvements obligatoires devront être compensées par des économies sur la dépense, invitant à sanctuariser les ressources de l’État.

Nous n’avons pas écouté cette alerte du rapporteur général de l’époque puisque nous avons fait le CICE, le pacte de responsabilité, et, pendant le dernier quinquennat, 50 milliards d’euros de dépenses fiscales supplémentaires avec le prélèvement forfaitaire unique, la suppression de l’ISF et de la taxe d’habitation. Ne pensez-vous pas qu’il faille changer désormais de logique, lever le bon niveau d’impôts pour couvrir les charges et ne pas trop attendre de la fiscalité comportementale, dont on voit la faible efficacité et les effets très néfastes sur les finances publiques ?

Mme Lise Magnier (HOR). Je vous félicite d’avoir travaillé dans des délais particulièrement contraints, une situation que nous, parlementaires, connaissons bien. J’irai droit au but puisque vous avez fait le tour de la situation macroéconomique et budgétaire et tracé les perspectives d’actions nécessaires dans le cadre d’une bonne gestion des finances publiques.

Pourriez-vous préciser quelle est la part des titres de dette indexés sur l’inflation dans le stock global de dette publique ? L’Agence France Trésor continue-t-elle d’émettre des titres de dette indexés ?

Disposez-vous d’une projection sur la remontée des taux d’intérêt à court et à moyen termes, en plus de celle annoncée au mois de juillet ? Au-delà de quel seuil le niveau des taux d’intérêt rendrait-il la dette publique française insoutenable ?

Tout le monde s’accorde à dire que l’analyse du déficit structurel est complexe car elle repose sur l’indicateur de croissance potentielle et dépend de l’intégration ou non des dépenses « hybrides ». Comment moderniser cet outil ? Faut-il tout simplement cesser de l’utiliser ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Merci pour cette présentation qui a le mérite d’être claire, même si nous n’en partageons pas toutes les conclusions, notamment sur la question des retraites.

Dans le rôle qui est le vôtre et l’optique que vous défendez – celle d’un retour à l’équilibre budgétaire –, pensez-vous qu’il soit pertinent de se priver des 3,2 milliards d’euros de recettes de la redevance sur l’audiovisuel public et des 8 milliards d’euros de CVAE en 2023 ?

Vous estimez que les investissements dans la transition écologique maximisent le potentiel de croissance. Même si nous mettons en doute la pertinence du PIB comme indicateur, notre analyse rejoint la vôtre : la transition écologique est souhaitable et nécessaire. Vous soulignez d’ailleurs dans votre rapport la possibilité de créer, selon l’ADEME, entre 170 000 et 700 000 emplois nets d’ici à 2050. Pouvez-vous préciser quels sont les investissements dans la transition écologique que vous pensez nécessaire d’amplifier ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je suis heureux de vous retrouver et de constater que, malgré vos nouvelles fonctions, vos convictions, à l’instar des miennes, n’ont pas changé. Vous avez expliqué que les indicateurs retenus par le Gouvernement étaient « optimistes », ce qui est, dans le langage policé de la Cour, un soufflet donné au Gouvernement.

J’ai trois interrogations. La Cour a fait part de son inquiétude quant à la baisse des prélèvements obligatoires, y voyant une source de creusement du déficit, mais elle ne dit rien des surprofits ou de la surépargne constatés ces dernières années.

Il serait utile que vous puissiez détailler et nous dire ce qui, dans les prélèvements obligatoires, relève des dépenses publiques, des dépenses fiscales ou des dépenses sociales. Pour s’attaquer aux niches fiscales, il faut démontrer que lorsqu’on supprime certaines dépenses fiscales, on diminue les prélèvements obligatoires et on améliore les recettes de l’État.

Enfin, je ne partage pas votre opinion s’agissant des collectivités locales, tant leur groupe est hétérogène. Beaucoup d’entre elles ont du mal à absorber les dépenses nouvelles – en matière d’énergie et d’alimentation – et une nouvelle difficulté va se poser à elles avec l’augmentation, non compensée pour le moment, du point d’indice. Certaines seront à l’os. La Cour peut-elle changer son analyse et montrer que ce groupe est très hétérogène ?

M. Michel Castellani (LIOT). Merci pour la présentation de cet avis, qui essaie de nous éclairer un peu au milieu de tant d’incertitudes économiques et budgétaires.

Vos prévisions de dépenses prennent-elles en compte l’annonce de la nationalisation d’EDF – à hauteur de 6 milliards d’euros, si j’ai bien compris ?

Le Gouvernement entend déposer un nouveau texte de programmation puisque la loi de programmation 2018-2022 est complètement obsolète. Est-il pertinent de déposer un tel projet de loi aujourd’hui, alors que le contexte économique n’a jamais été aussi flou ? En d’autres termes, est-il possible de fixer un horizon fiable, crédible, quand vous soulignez vous-mêmes que les prévisions de croissance à 2,5 % sont complètement aléatoires, de même que le solde public à moins de 5 points de PIB ?

Vous indiquez que la hausse des taux d’intérêt résulte de l’indexation des titres sur l’inflation française et de la zone euro. Je ne suis pas certain que les autres États membres aient également indexé leurs titres de dette, mais ce qui importe, c’est le fameux spread, la différence des taux d’intérêts entre les différents emprunts d’État. Vous soulignez la nécessité de favoriser la convergence des règles budgétaires, la condition sine qua non pour l’exercice d’une concurrence juste et efficace. Mais on sait combien il est difficile de passer de la proclamation à une démarche concrète. Comment vous donner tort lorsque vous recommandez, en conclusion du rapport, de maîtriser les dépenses et de préserver les recettes ? Mais vous savez très bien, monsieur le Premier président, que c’est toujours dans le passage à l’acte que réside la difficulté.

M. Pierre Moscovici. Monsieur Sansu, je suis heureux, moi aussi, de vous retrouver. J’ai atteint l’âge où l’on ne change plus beaucoup de convictions, et comme la greffe de cerveau n’existe toujours pas, les miennes restent intactes. Lorsque je m’exprime ici, je le fais au titre de la Cour des comptes, un organe indépendant, impartial et collégial. Je ne viens pas faire état de mes convictions personnelles, mais des travaux objectifs d’une institution de la République.

M. Castellani, la Cour ne s’est pas penchée sur la question d’EDF car les décisions ont été prises après la saisine du HCFP et parce qu’il s’agit de dépenses non maastrichtiennes. Mais, compte tenu des effets qu’elles pourraient avoir sur la dette, nous serons amenés à y revenir.

Les règles budgétaires européennes sont suspendues jusqu’en 2023. Je suis convaincu qu’il en faudra de nouvelles, d’abord parce qu’elles sont nécessaires. On ne peut pas gérer les finances publiques sans boussole ni ancre. Les règles actuelles sont obsolètes. J’en ai fait l’expérience sous plusieurs angles, elles sont illisibles, complexes et ont un caractère procyclique tout à fait dangereux. Il est difficile de dégager un consensus mais il semble que l’outil du solde structurel sera modernisé et qu’un indicateur plus simple, qui portera sur les dépenses – en volume et en termes de taux de croissance – sera choisi.

La gestion de la dette devra être davantage individualisée. Je n’ai pas la religion du 3 %, mais c’est une règle qui présente quelques avantages. Elle désigne le niveau au-delà duquel on estime que la dette continuera d’augmenter. C’est aussi une norme applicable par tous, une référence commune, partagée et commode. Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’idée qu’on pourrait tout aussi bien retenir 4 % ou 5 %. Mais plus on s’écarte des 3 %, plus on s’écarte des autres. Dans une union monétaire, on se trouve sous le regard du marché. Sur les spreads, ce qui compte, c’est non seulement le niveau, mais aussi la pente, l’écart.

Les 60 % demeureront car il n’y a pas de consensus pour les supprimer, mais chacun sait qu’aucun pays ne les atteindra à court terme. On ira vers un traitement plus individualisé, plus national de la dette. Que personne, cependant, n’éprouve ici un lâche soulagement : ceux qui sont les plus endettés devront quand même se rapprocher de ceux qui le sont moins. En 2008, la France avait un niveau de dette proche de celui de l’Allemagne ; aujourd’hui, l’écart est de 40 points. Au sein d’une zone monétaire unique, le risque est significatif. Il ne faut pas se faire d’illusion : ceux qui ont une dette élevée devront faire plus d’efforts que ceux qui ont maîtrisé la leur.

J’entends parler d’annulation, de dette perpétuelle. Mais une zone monétaire rassemble plusieurs pays, et certains répondront à d’autres : votre demande d’annulation est bien sympathique, mais nous, nous avons déjà fait les efforts nécessaires, alors balayez devant votre porte ! Il y a une sorte d’illusion à croire que la BCE « n’a qu’à » annuler la dette. Ce n’est pas si simple. Les gouverneurs des différents pays, qui composent son board, répondront que ce n’est ni dans leurs compétences ni dans leur philosophie.

Oui, une dette doit être remboursée in fine. J’estime que la dette est finançable, mais en rajouter ne fera que peser sur les spreads, réduira notre indépendance et nos marges de manœuvre, nous empêchera de financer les investissements et, petit à petit, nous étranglera. Quand bien même nous ne serions pas dans l’union monétaire, ce serait la même chose, car on ne peut vivre en autarcie.

J’ai appris il y a très longtemps qu’il ne fallait jamais commenter les décisions de politique monétaire, surtout avant qu’elles interviennent. Mais je peux dire trois choses. D’abord, la normalisation va avoir lieu ; par définition, on ne connaît pas son ampleur ; il ne faut pas tout attendre de la politique monétaire. Elle seule ne peut répondre à la fragmentation. Une part viendra de la politique budgétaire, la convergence est ici absolument indispensable.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit sur les collectivités territoriales. Leur situation financière est favorable : on peut y voir un effet des efforts qu’elles ont consentis ; le fait qu’elles votent leur budget à l’équilibre n’y est pas étranger non plus. Il est vrai qu’on peut distinguer plusieurs composantes et que les blocs ne sont pas dans la même situation. Le rapport de la Cour le dit de manière assez claire.

Il faut quand même imaginer de nouveaux mécanismes d’association des collectivités locales au redressement des finances publiques. Ils succéderont aux contrats de Cahors, dont la durée est limitée.

La Cour des comptes ne préconise pas la baisse des dotations. Celle-ci est intervenue dans le passé, entre 2014 et 2017, non sans brutalité, mais avec une certaine efficacité. La Cour a été saisie par la commission des finances du Sénat d’un rapport sur le financement des collectivités locales, qu’elle rendra fin septembre.

J’ai dit qu’il était très important de jeter un regard attentif sur les dépenses fiscales – niches fiscales et niches sociales. C’est sans doute un marronnier, mais c’est indispensable. Ces dépenses fiscales sont d’un montant tout à fait considérable et on sait très bien – des rapports, émanant de votre commission notamment, l’ont montré – que toutes ne sont pas utiles ou efficaces. Alors qu’on cherche des marges, il serait quand même dommage de ne pas regarder plus en détail.

S’agissant de la transition écologique, le budget vert prévoit déjà 32 milliards d’euros d’investissements.

La dette à amortir représente 145 milliards d’euros en 2022. Cela signifie que 45 % des émissions sont destinées à amortir la dette déjà émise. C’est typiquement ce qu’on appelle l’effet boule de neige. C’est la raison pour laquelle il faut mener une stratégie de désendettement crédible.

Dans la situation actuelle, il nous paraît tout à fait légitime de prendre des mesures pour préserver le pouvoir d’achat. Mais elles doivent être ciblées, temporaires et efficaces. Nous n’avons pas les moyens de prendre des mesures pérennes et généralisées – ce ne sont d’ailleurs pas les plus intelligentes. Je le répète, l’inflation est un impôt sur les plus pauvres. Il faut, par équité et réalisme, cibler ceux qui rencontrent les difficultés les plus grandes.

La remontée des taux d’intérêt est incontestablement un risque pour la dette française. Elle a déjà commencé : le taux à dix ans des titres du Trésor a connu une hausse de près de 200 points de base depuis début 2022. Ce n’est pas une surprise et le mouvement devrait se prolonger. On a vu les effets de l’inflation par le biais des OAT – 18 milliards d’euros –, mais on sait aussi qu’une augmentation de 100 points de base aboutira d’ici à une dizaine d’années à 30 milliards d’euros supplémentaires de charge de la dette. Or on ignore quelle sera la hausse. Encore une fois, gérer une situation où la charge de la dette approche les 80 à 100 milliards d’euros, j’ai connu cela et je ne le souhaiterais à personne, pas même à mes adversaires politiques si j’en avais encore – mais je n’en ai plus puisque je ne fais plus de politique. Prenez-y garde ! Ce n’est bon ni pour ceux qui dirigent aujourd’hui, ni pour ceux qui auraient à diriger demain. Nous n’avons aucun intérêt à léguer une telle situation au pays et aux générations futures. Les politiques publiques ne pourraient être menées, les nouvelles générations seraient écrasées ; qui le souhaite ? Ce serait irresponsable. Je le dis en cherchant à convaincre plus largement que par le passé.

La part des obligations indexées sur l’inflation dans le stock de dette est de 11 %. Les émissions d’OAT ont continué, notamment une OAT verte. Nous n’avons pas de projection concernant la montée des taux d’intérêt.

J’ai indiqué ce que dit notre rapport des niches fiscales et sociales.

Mme Sas m’a interrogé sur l’investissement écologique nécessaire. Plusieurs secteurs nous semblent à privilégier : la rénovation des bâtiments, les véhicules électriques, l’hydrogène et tout ce qui concerne les mobilités durables.

M. Pahun a mentionné notre étude sur les algues vertes. La Cour est très engagée dans son travail sur la transition écologique. Cette étude a été présentée par nos magistrats au conseil régional de Bretagne il y a quelques jours et y a été très appréciée ; le président du conseil régional a bien voulu me le témoigner.

En ce qui concerne la CVAE ou la redevance audiovisuelle, nous n’avons pas les moyens de procéder à des baisses d’impôt sèches, non compensées par d’autres recettes de prélèvements ou par des dépenses équivalentes. Sans entrer dans le détail, je suis conscient du fait que l’audiovisuel public est quelque chose de particulier : c’est un bien commun, auquel les Français sont attachés. Si la décision est prise de supprimer la redevance, il faut donc envisager à la fois une garantie de recettes pour le système audiovisuel public, fondée sur de puissants mécanismes, et un contrôle du dispositif. Ce dernier a été envisagé à des stades antérieurs du texte, mais ne se trouve pas dans le PLFR actuel ; toutefois, en allant fouiller du côté du Conseil d’État, vous trouverez des versions qui ne sont pas inintéressantes.

M. Patrick Hetzel.  Vous avez évoqué les écarts marqués entre pays en matière d’endettement public, citant l’exemple de la France et de l’Allemagne au cours des quinze dernières années. La situation devient critique pour la France : l’écart s’est creusé et il va falloir rechercher de nouveau la convergence.

Vous souhaitez une « loi de programmation crédible et globale ». Quels seraient les éléments constitutifs d’une telle crédibilité ? Dans ce que vous nous présentez au sujet du projet de loi de finances rectificative, on voit bien que les prévisions ont été faites par le Gouvernement au doigt mouillé.

M. Mathieu Lefèvre. Je ne comprends pas le chiffre, cité par Mme Dalloz, de 64 milliards d’euros de hausse d’impôts en cinq ans : le Premier président a dit que les baisses de prélèvements obligatoires avaient été deux fois supérieures au cours du précédent quinquennat à ce qui était indiqué dans la loi de programmation des finances publiques.

En ce qui concerne les lois de programmation des finances publiques, vous avez rappelé leur obsolescence très rapide dans un contexte macroéconomique volatil, et appelé de vos vœux des hypothèses macroéconomiques plus crédibles. Nous souscrivons tous à ce souhait. Mais ne faut-il pas aller encore plus loin, par exemple en rendant ces lois opposables aux lois de finances annuelles, au besoin par un mécanisme juridique de niveau organique ou constitutionnel, bien que l’environnement macroéconomique soit susceptible d’évoluer vite ?

M. Charles de Courson. Pour le Haut Conseil, quel est l’ordre de grandeur du taux de croissance potentielle à retenir dans le cadre de la future loi de programmation des finances publiques ? Dans la précédente, on nous avait expliqué que le taux allait doubler, passant de 1,2 ou 1,3 % à 2,5 % ; on a vu le résultat – on en est toujours à 1,2.

Vous dites à juste titre qu’il faut préserver les recettes, mais le taux de prélèvements obligatoires va être en 2022 de 44,8 % du PIB, contre 45,1 % en 2017 : il n’y a quasiment pas eu de baisse des prélèvements obligatoires, on a simplement rendu une partie de la hausse. Pour vous, faut-il rester à ce niveau de taux ?

Enfin, pourquoi le Haut Conseil ne précise-t-il pas que le déficit de l’État, comme celui de la sécurité sociale, est massivement un déficit de fonctionnement et absolument pas un déficit d’investissement ?

Mme Christine Pires Beaune. Il y a deux façons de creuser le déficit : augmenter les dépenses publiques ou baisser les recettes – sur ce dernier point, j’abonde dans le sens de Philippe Brun. Dans un contexte de crise, on dépense souvent pour soutenir les entreprises et les ménages – c’est le fameux « quoi qu’il en coûte », qui était utile et que nous avons voté, même si, après l’adoption d’une mesure très générale dans un premier temps où il fallait aller vite, on aurait dû flécher davantage ses bénéficiaires –, mais on n’est pas obligé de réduire les ressources : on peut faire appel à des contributions exceptionnelles, notamment en taxant les surprofits. Ce n’est pas ce choix qui a été fait.

La Cour a-t-elle évalué ce que représente, en pourcentage du PIB, la baisse des impôts au profit des entreprises, d’une part, et des ménages, d’autre part, en 2020 et en 2021 ?

Dans le PLFR, je vois une hausse des crédits de paiement de 3,8 millions d’euros pour la revalorisation du régime indemnitaire de la Cour « conformément à l’engagement du Premier ministre » : quel est cet engagement ?

Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le Premier président, d’avoir travaillé dans des délais réduits.

À propos de la situation de nos comptes publics, vous indiquez dans votre rapport que « l’effort de redressement structurel des finances publiques n’a été que marginal » entre 2017 et 2019 et que cette période constitue une occasion manquée dont les conséquences sont encore visibles. Cela fait écho à plusieurs alertes que nous avons nous-mêmes déjà lancées.

En ce qui concerne la maîtrise des finances publiques, vous avez indiqué des pistes susceptibles de dégager des marges d’efficience. Je vous remercie de ces éléments clairs qui ont le mérite de fournir quelques orientations. Vous avez notamment développé ce qui concerne les retraites. Vous avez aussi parlé de « garantir la soutenabilité du régime de l’assurance chômage » ; cela fait-il signe vers une loi de réforme de l’assurance chômage ?

Parmi les marges d’efficience, vous n’évoquez pas de processus de décentralisation. Ne pourrait-il s’agir d’une piste ?

Avez-vous évalué l’impact sur la gestion des collectivités territoriales de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et de l’augmentation du prix de toutes les matières premières ?

M. Jean-Philippe Tanguy. Tout d’abord, je vous présente les excuses du groupe Rassemblement national pour les allées et venues de ses membres entre cette salle et l’hémicycle, dues au fait que la séance publique se tient en même temps que votre audition. Nous aurions préféré être tous présents pour vous écouter, car le rapport que vous nous avez présenté est non seulement intéressant, mais objectif, alors que nous avions du mal, depuis quelques semaines, à obtenir des informations sur l’état réel de nos finances publiques et de notre économie.

Pourquoi l’État a-t-il eu recours à des titres de dette indexés sur l’inflation ? D’autant que, si j’ai bien compris, ils ne le sont que dans un sens – en cas de déflation, leur valeur serait bloquée. Quel en est l’avantage du point de vue de l’intérêt général ? La Cour a-t-elle donné son avis, a-t-elle été consultée ?

Enfin, la Cour s’est-elle penchée sur l’effet que l’injection d’argent public dans l’économie depuis deux ans a pu avoir sur le taux de profit des entreprises, notamment du CAC40 ? Ce taux, énorme, justifierait un prélèvement exceptionnel puisque l’argent public a nourri les profits de ces entreprises plutôt que leurs performances.

M. Pierre Moscovici. Je n’aurai pas les réponses à toutes vos questions, dont plusieurs renvoient à d’autres travaux de la Cour. Madame Louwagie, nous n’avons pas voulu explorer dans ce rapport toutes les pistes possibles de maîtrise de la dépense ; vous en trouverez plusieurs autres dans les notes structurelles que la Cour a rendues publiques à l’automne dernier.

En ce qui concerne les délais, il y a ceux que l’on aurait aimé réduire davantage – notre rapport sur l’exécution du budget de l’État était prêt le 15 mai, celui sur la situation des finances publiques l’était depuis quelque temps également et nous l’avons actualisé rapidement ; il faut que nous respections tous les délais de la LOLF – et ceux qui sont beaucoup trop courts. À ce sujet, le Haut Conseil des finances publiques a été saisi mercredi matin en vue d’un avis à rendre le vendredi soir, des économistes sérieux ne savent pas faire cela. Je demande que l’on respecte notre institution, qui est importante pour le débat public et dont le rôle a été renforcé par la LOLF. C’est l’intérêt de tous, notamment du Parlement, qui en sera mieux informé.

S’agissant de la loi de programmation des finances publiques, nous souhaitons des hypothèses réalistes, particulièrement en matière de croissance, un regroupement de toutes les administrations publiques, des lois de programmation sectorielles et que l’on détaille les évolutions des dépenses, à la fois en pourcentage et en valeur absolue. C’est ce dont vous avez besoin et c’est ce que nous attendons pour la prochaine fois.

Quant à la croissance potentielle, il ne nous paraît guère raisonnable de tabler sur celle évoquée dans la précédente loi de programmation. Le Haut Conseil va s’exprimer sur ce point et je ne veux pas dévoiler sa publication, mais la croissance potentielle a été érodée par les crises que nous avons connues et elle continue de l’être. Aujourd’hui, elle serait plus proche de 1 % que de 1,5 %, et en aucun cas au-dessus. Je ne dis pas qu’elle ne peut pas augmenter : c’est tout l’enjeu d’une stratégie d’investissement et de désendettement crédible. Mais telle qu’elle est actuellement, compte tenu des facteurs de production que nous maîtrisons, aucun économiste n’aboutira à des chiffres supérieurs, à moins de recourir à la magie.

Sur l’évolution des recettes, l’élément nouveau ces dernières années, qui a permis de bons résultats, est la forte élasticité des prélèvements obligatoires – de 1,7 % en 2020 et en 2021, 1,5 % étant prévus en 2022 –, qui en accroît le niveau ; il reste à savoir si cela va continuer à ce degré, comme se le demande le Haut Conseil des finances publiques dans son rapport.

Concernant les prélèvements obligatoires, je vous renvoie au tableau qui figure page 36 de notre rapport et qui détaille cette évolution, notamment en 2021, pour les ménages, pour les entreprises et s’agissant des mesures nouvelles.

Monsieur de Courson, le rapport sur l’exécution du budget de l’État a bien souligné, en effet, que le déficit était davantage de fonctionnement que d’investissement.

M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes. En ce qui concerne les OAT indexées sur l’inflation (OATi) – qui sont indexées sur l’inflation à la hausse et à la baisse, et non dans un seul sens –, nous avions fait un rapport pour la commission des finances du Sénat qui étudiait attentivement la politique d’émission. À l’époque, il s’agissait de répondre à une forte demande du marché, dans un contexte d’inflation durablement faible depuis des années. Aujourd’hui, le contexte est un peu différent. La position de la Cour quant à l’émission de nouvelles OATi est prudente tant que les perspectives d’inflation ne sont pas stabilisées. L’avantage de ces obligations est que le risque d’inflation ne se paye pas par le taux. Globalement, le bilan est équilibré si les OATi représentent 10 à 15 % de l’ensemble des émissions. Le contexte nouveau doit inciter à une grande prudence.

M. le président Éric Coquerel. Merci messieurs.

 

*

*     *

 


—  1  —

   examen des articles

Lors de ses réunions des 12 et 13 juillet 2022, la commission a examiné les articles du présent projet de loi de finances rectificative pour 2022.

M. le président Éric Coquerel. Après l’audition de M. Pierre Moscovici tout à l’heure, je propose de passer directement à la discussion des amendements au projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 (n° 17). Sans compter les amendements du rapporteur général, 254 amendements ont été déposés en commission. Parmi ceux-ci, vingt-six n’étaient pas recevables au titre de l’article 40 de la Constitution : dix-neuf créaient une charge et sept n’étaient pas gagés – ces derniers pourront le cas échéant être corrigés d’ici à la séance publique. Par ailleurs, vingt-cinq amendements étaient irrecevables au regard des exigences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Enfin, deux amendements formulaient des injonctions que le législateur ne saurait imposer au Gouvernement et cinq avaient des dispositifs inopérants.

J’appelle chacun à la brièveté. Je conserverai le principe de l’expression d’un orateur pour et d’un orateur contre, mais sans débat plus long, notamment pour les amendements de crédit puisque le Gouvernement n’est pas représenté en commission.

Le rapporteur général proposera de supprimer les articles 2 et 3 – amendements CF266 et CF267 – afin de respecter l’architecture en deux parties du PLFR. En effet ces articles n’ont aucun effet sur l’année 2022 et ils n’ont pas leur place en première partie. La vigilance du rapporteur général est donc bien meilleure que celle du Gouvernement… Les amendements CF268 et CF269 prévoient de rétablir ces articles en seconde partie, respectivement après l’article 9 et après l’article 10. Comme l’adoption des amendements de suppression fera tomber les autres amendements déposés sur les articles 2 et 3, pour que le débat ait lieu, je propose que ces amendements soient transformés en sous-amendements aux amendements du rapporteur général.

En accord avec le rapporteur général, je propose que nous suspendions notre réunion au moment du vote dans l’hémicycle de l’article 2 du projet de loi de veille et de sécurité sanitaire qui est discuté en ce moment. Pour les autres scrutins qui vont avoir lieu ce soir en séance publique, chacun est libre de s’y rendre, mais nous ne suspendrons pas nos travaux.


Article liminaire
Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques pour l’année 2022

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article présente sous forme de tableau les prévisions actualisées des soldes de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2022.

Le déficit des administrations publiques s’établirait à 5,0 % du PIB, un niveau stable par rapport à celui prévu en loi de finances initiale.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article porte sur les finances publiques toutes administrations publiques confondues et non sur le seul budget de l’État. Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale. Les données présentées sont issues de la comptabilité nationale, qui fait foi pour l’encadrement européen des finances publiques.

Aux termes de l’article 7 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([11]), doit être présenté dans l’article liminaire de chaque PLFR « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES en 2021 et 2022

(en % du PIB)

Soldes

2021

LFI 2022

PLFR 2022

Solde structurel (1)

– 4,4

– 4,0

– 3,6

Solde conjoncturel (2)

– 2,0

– 0,8

– 1,3

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,2

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 6,4

 5,0

 5,0

Source : LFI pour 2022 et présent PLFR.

I.   le dÉficit public resterait stable en 2022

Le déficit public reste stable en 2022 en pourcentage de PIB par rapport à la prévision de la LFI (– 5,0 %). La prévision de PIB effectif pour 2022 s’établit à 2 624 milliards d’euros.

Les composantes du solde public

Le solde public, calculé en comptabilité nationale et exprimé en pourcentage du PIB effectif, peut être décomposé en trois composantes :

– le solde structurel, exprimé en pourcentage du PIB potentiel, qui traduit l’équilibre du budget corrigé de l’effet de la conjoncture ;

– les mesures ponctuelles et temporaires, calculées en pourcentage du PIB potentiel, qui peuvent être sorties du calcul du solde structurel en raison de leur caractère exceptionnel sur l’année ;

– le solde conjoncturel, exprimé en pourcentage du PIB effectif, qui permet de traduire l’effet de la conjoncture au sein du solde public. Ce solde inclut un terme additionnel qui corrige la différence d’unité entre, d’une part, solde structurel et mesures ponctuelles et temporaires (exprimés en pourcentage de PIB potentiel) et, d’autre part, solde nominal et solde conjoncturel (exprimés en pourcentage de PIB effectif).

Différents effets positifs et négatifs expliquent cette stabilité alors même que le présent PLFR prévoit une dégradation du solde de l’État en valeur absolue et une dégradation de la prévision de croissance du PIB. Ainsi, toutes administrations publiques confondues, la révision de l’environnement macroéconomique et la prise en compte des dernières remontées comptables conduisent à rehausser la prévision de prélèvements obligatoires de + 2,1 % du PIB. En parallèle, les dépenses nouvelles associées au PLFR conduiraient à une dégradation de même ampleur mais dans le sens inverse.

A.   Un dÉficit structurel amÉliorÉ par rapport À la prÉvision

1.   Qu’est-ce que le déficit structurel ?

Le solde public effectif peut se décomposer en deux parties : une partie conjoncturelle, qui représente les effets du cycle économique sur les dépenses et les recettes publiques, et une partie structurelle, correspondant au niveau du solde effectif si la production de l’économie se situait à son niveau potentiel (c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services que l’économie produit lorsqu’elle utilise toutes ses capacités).

Le solde structurel s’établit donc en corrigeant le solde public effectif des effets de la conjoncture économique ainsi que des situations ou mesures ponctuelles (mesures « one-off » selon la terminologie de la Commission européenne) ou temporaires, qui n’ont pas d’impact durable sur le solde. L’intérêt de cet outil d’analyse est d’identifier les mesures liées directement à une décision discrétionnaire de politique économique.

Le suivi du solde structurel, dont le calcul est complexe, est essentiel dans l’encadrement européen des finances publiques nationales.

a.   Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit issu des effets de la conjoncture. En temps normal, la réduction de la composante structurelle est prioritaire, dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

Aussi, l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le déficit structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([12]), qui prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB.

Le suivi européen de ce solde a cependant été suspendu au début de la crise sanitaire en 2020 avec l’activation de la clause dérogatoire générale. Les États membres ont en effet été contraints de financer des mesures de soutien d’une ampleur exceptionnelle. La Commission européenne a annoncé le 23 mai 2022 que cette clause resterait activée en 2023 et devrait être désactivée en 2024.

b.   Des modalités de calcul complexe

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif, mesuré en comptabilité nationale et utilisé pour le calcul des ratios de finances publiques, et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques, ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([13]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance du PIB potentiel au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.

Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Étapes de calcul du solde structurel

Afin de calculer le solde structurel, il convient de retrancher deux composantes du solde effectif : la composante conjoncturelle et les mesures ponctuelles et temporaires.

1° Pour le calcul de la composante conjoncturelle, seules les dépenses d’indemnisation du chômage sont prises en compte, les autres n’étant pas considérées comme directement reliées au cycle économique – et relèvent donc du solde structurel. L’élasticité des dépenses d’indemnisation du chômage à l’écart de production est fixée à – 3,23 depuis 2014.

2° Au niveau des recettes, tous les prélèvements obligatoires sont supposés dépendre du cycle économique : les recettes structurelles sont alors obtenues en corrigeant les recettes effectives des effets conjoncturels à partir d’hypothèses sur l’élasticité des principaux impôts à l’écart de production.

Ces impôts sont répartis en cinq catégories : impôt sur le revenu, CSG, impôt sur les sociétés, cotisations de sécurité sociale et autres prélèvements obligatoires. Depuis 2014, les mêmes élasticités à l’écart de production sont retenues : 1,86 pour l’IR et la CSG, 2,76 pour l’IS, 0,63 pour les cotisations sociales et 1,0 pour les autres prélèvements obligatoires.

3° Une fois cette composante conjoncturelle déterminée, les mesures ponctuelles et temporaires sont également retranchées, ce qui permet d’aboutir au solde structurel.

Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est usuellement considérée comme de l’ordre de 1.

Concrètement, plus l’écart de production est négatif, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

L’hypothèse de PIB potentiel retenue en 2022 pour le calcul de ces composantes est de 2 682 milliards d’euros.

c.   L’évolution du solde structurel en 2022

Si la prévision de solde effectif en 2022 n’est pas modifiée, la répartition entre les composantes structurelle et conjoncturelle de ce solde évolue.

Ainsi, le solde structurel est amélioré de – 4,0 % en LFI à – 3,6 % dans le présent PLFR avec, dans le même temps, un mouvement opposé mais de même ampleur – à l’arrondi près – sur le solde conjoncturel, qui passe de – 0,8 % en LFI à – 1,3 %. L’amélioration prévue du solde structurel résulterait d’une hausse des prélèvements obligatoires plus forte que le PIB.

L’évaluation du solde structurel repose cependant sur des hypothèses datées. Le Gouvernement a ainsi présenté une révision des hypothèses de PIB potentiel au sein du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année 2022. En retenant ces nouvelles hypothèses, le solde structurel s’établirait à – 4,6 % de PIB, c’est-à-dire l’essentiel du déficit effectif prévu en 2022 (– 5,0 %).

B.   La caducitÉ de la loi de programmation des finances publiques

La construction du solde structurel en 2022 repose toujours sur les hypothèses de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, en particulier sur celles relatives au PIB potentiel.

Or, ces hypothèses ont été invalidées par le nouveau contexte macroéconomique et de finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a constaté que la loi de programmation de janvier 2018 constituait « une référence dépassée, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de celui de finances publiques » ([14]).

L’hypothèse de croissance potentielle retenue pour 2022 reste ainsi celle de la LPFP (+ 1,35 %), ce qui conduirait à fausser l’évolution du solde structurel en surévaluant le PIB potentiel, qui constitue le dénominateur de ce solde. Aussi, comme vu supra, le solde structurel pour 2022 serait, en toute vraisemblance, aggravé par l’actualisation des hypothèses d’évolution du PIB potentiel pendant la crise.

À la demande du Gouvernement, le Haut Conseil a constaté ([15]) que les conditions relatives aux « circonstances exceptionnelles » mentionnées à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) pouvaient être reconnues. Aussi, le mécanisme de correction prévu par les textes organiques n’a pas vocation à s’appliquer.

Le mécanisme de correction

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de « circonstances exceptionnelles » répondant aux conditions fixées par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

L’adoption d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques permettra d’établir une nouvelle trajectoire de solde structurel, plus fidèle à la réalité, sur la base d’hypothèses actualisées.

II.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Conformément aux dispositions organiques en vigueur, le Haut Conseil des finances publiques a été chargé de se prononcer sur les hypothèses macroéconomiques et de finances publiques associées au présent PLFR.

A.   Les hypothÈses macroÉconomiques

 L’objectif de croissance du PIB en 2022 est ainsi revu à la baisse en 2022, de 4,0 % à 2,5 %, un niveau un peu supérieur à celui des autres organismes de prévision, mais similaire à celle du Consensus Forecast.

PrÉvisions de croissance du PIB en 2022

(en %)

Organisme

Prévision 2022

OCDE (juin 2022)

2,4

Banque de France (juin 2022

2,3

Rexecode (juin 2022

2,1

OFCE (juin 2022)

2,4

Insee (juin 2022)

2,3

Consensus Forecast (juin 2022)

2,5

PLFR 2022

2,5

Source : avis du HCFP.

Au total, le HCFP estime que la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n’est pas hors d’atteinte mais reste un peu élevée.

● Le présent PLFR revoit nettement à la hausse la prévision d’inflation sur 2022, de 1,5 % à 5,0 % en moyenne annuelle.

En 2022, l’accélération de la dynamique des prix proviendrait avant tout du renchérissement des matières premières énergétiques et alimentaires et de la diffusion de ces hausses de prix le long des chaînes de valeur des produits manufacturés. Les prix des services progressent également en raison de l’accélération des salaires.

Bien que très fortement rehaussée, la prévision du Gouvernement apparaît plutôt modérée par rapport aux prévisions d’autres organismes.

PrÉvisions d’inflation en 2022

(en %)

Organisme

Prévision 2022

Banque de France (juin 2022)

5,1

Insee (juin 2022)

5,5

OFCE (juin 2022)

4,9

Rexecode (juin 2022)

5,2

Consensus Forecast

5,0

Source : HCFP

Aussi, le Haut Conseil estime que l’inflation prévue en 2022 paraît un peu sous-estimée.

● Le Gouvernement a relevé sa prévision de croissance de la masse salariale du secteur marchand non agricole de 5,9 % à 8,5 % en 2022, en raison notamment d’une croissance de cette masse salariale en 2021 nettement plus élevée que prévu.

Au total, ces nouvelles prévisions sur l’emploi et la masse salariale apparaissent plausibles au Haut Conseil.

B.   Les hypothÈses sur les finances publiques

● Les prélèvements obligatoires augmenteraient de 67,2 milliards d’euros entre 2021 et 2022, en raison d’une croissance spontanée de 7,4 % nettement supérieure à celle du PIB en valeur (4,9 %). Les recettes tirées des prélèvements obligatoires seraient ainsi supérieures de 50 milliards d’euros à la prévision de LFI.

Le Haut Conseil juge que, si l’hypothèse de croissance spontanée des prélèvements obligatoires peut en partie se justifier, le produit de certains impôts (droits de mutation, impôt sur les sociétés, TICPE) risque néanmoins d’être réduit par la dégradation amorcée du marché immobilier, des résultats des entreprises ou de la baisse de la consommation de carburant.

● La prévision de dépenses publiques est fortement augmentée par rapport à la prévision (+ 60 milliards d’euros), dont 35 milliards de mesures nouvelles et 18 milliards de charges de la dette supplémentaire.

Le Haut Conseil estime que la prévision de dépense publique est entourée d’une incertitude inhabituelle, avec des risques de dépassement risquant cependant de l’emporter, que ce soit sur la charge d’intérêts de la dette, les dépenses de santé ou le coût des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité.

● Face à ces évolutions, la prévision de déficit à 5,0 % du PIB apparaît dès lors au HCFP affectée de risques essentiellement défavorables.

*

*     *

Amendement CF86 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à rendre l’article liminaire cohérent avec l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le 24 juin 2022 sur le projet de loi de règlement du budget 2021. Cela conduit à modifier le solde structurel de l’exécution 2021, en le faisant évoluer d’un point. Il passe ainsi de -4,4 points à -5,4 points de PIB, tandis que le solde conjoncturel passe en parallèle de -2 % à -1 %.

L’avis rendu par le HCFP le 4 juillet 2022 sur le présent PLFR conduit, lui, à rectifier la prévision de solde structurel pour 2022 de -3,6 à -4,6 points de PIB, le solde effectif restant inchangé.

Le HCFP, notamment dans l’alinéa 69 de ce second avis, rappelle que la nouvelle estimation du PIB potentiel présentée par le Gouvernement dans le rapport économique, social et financier (RESF) pour 2022 doit conduire à accroître le déficit structurel d’un point et à baisser du même niveau le déficit conjoncturel.

Je n’invente rien. Le RESF décrit la position du Gouvernement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi de règlement et ma réponse sera la même.

Il existe un véritable problème de lisibilité du solde structurel et je partage vos interrogations. Ce solde est probablement plus dégradé que ce qui figure dans l’article liminaire. C’est lié au fait qu’il doit être calculé sur la base d’une hypothèse du PIB potentiel qui provient de la loi de programmation de finances publiques (LPFP) adoptée en 2018 : les choses ont tellement changé depuis lors que ce solde ne veut pas dire grand-chose. Nous aurons la possibilité de l’actualiser lors de la prochaine LPFP.

D’ailleurs, les hypothèses actualisées de l’automne 2021 que vous évoquez commencent elles-mêmes à être datées.


Le solde structurel est une construction qui fait l’objet de remises en question au niveau européen. On voit par exemple que le plan de relance économique et les mesures de soutien aux entreprises adoptées au cours de la crise de la covid ont fait l’objet d’un traitement différent.

Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Charles de Courson. Mon amendement n’est peut-être pas parfait, mais il se fonde sur les évaluations actuelles du Gouvernement. La rédaction qu’il propose est donc meilleure. S’il n’est pas adopté, la face du monde ne sera pas bouleversée, mais il vaut tout de même mieux se rapprocher de la réalité.

La commission rejette l’amendement CF86.

Elle adopte l’article liminaire non modifié.

    


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Avant l’article 1er

Amendement CF221 de M. Jean-Philippe Tanguy, amendements identiques CF106 de Mme Véronique Louwagie et CF225 de Mme Christine Pires Beaune, amendement CF39 de M. Christophe Plassard (discussion commune).

M. Kévin Mauvieux. Notre amendement propose d’augmenter le plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu de chaque titre-restaurant, en le portant de 5,69 euros à 8 euros. Cette mesure simple donnera une bouffée de pouvoir d’achat aux Français et rendra le secteur de la restauration plus optimiste. Elle a déjà été utilisée et avait beaucoup intéressé les ménages : tout le monde y avait trouvé son compte. Il n’y a aucune raison de ne pas la perpétuer car la crise du pouvoir d’achat n’est pas terminée.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement constitue un véritable levier pour soutenir le pouvoir d’achat des Français en matière d’alimentation, en utilisant pour cela un dispositif déjà opérationnel et en mesure d’avoir un impact rapide et massif. Le titre-restaurant est utilisé par plus de 4,5 millions de salariés en France.

Il est proposé, d’une part, de porter le plafond d’exonération de la part employeur de 5,69 euros à 7,5 euros. Cette progression de 30 % permettra à la valeur maximale du titre-restaurant d’égaler le prix moyen d’un déjeuner, qui est aujourd’hui estimé à environ 15 euros.

La quote-part entre les employeurs et les salariés étant fixée par le dialogue social, l’amendement propose d’autre part d’élargir le volant de négociation de la prise en charge par l’employeur, actuellement entre 50 % et 60 % de la valeur du titre-restaurant, pour l’établir entre 50 % et 70 %. Cela permettra une prise en charge plus importante par l’employeur.

Cette mesure n’entraînerait pas de coût pour l’État car il est démontré que le manque à gagner de recettes résultant d’une augmentation de la valeur moyenne des titres-restaurant est compensé par le produit d’autres impôts, comme la TVA, et par l’amélioration de l’emploi.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement est identique. Alors que l’inflation affecte particulièrement les produits alimentaires, raboter sur les titres-restaurants n’est pas forcément bienvenu.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La contribution de l’employeur à l’achat de titres-restaurant est exonérée dans la limite de 5,69 euros. Les amendements proposent une augmentation extrêmement significative, de 30 à 40 % – soit très au-delà du niveau de l’inflation.

Grâce à l’excellent travail réalisé par Mme Louwagie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le montant de l’exonération de la contribution employeur est désormais automatiquement indexé, en début d’année, sur l’inflation réellement constatée l’année précédente. Cette limite augmentera donc de 6 % ou 7 % au début de 2023. Avec cette indexation, il ne peut pas y avoir de coup de rabot, madame Pires Beaune.

Le coût budgétaire de ces amendements est très élevé : au moins 160 millions d’euros de perte de recettes en année pleine pour l’impôt sur le revenu et 400 millions d’euros pour les cotisations patronales. Or le gain serait assez limité pour les salariés, avec un risque de substitution assez fort entre cet avantage et leur rémunération. On peut par exemple lire ce message adressé aux employeurs sur le site d’une entreprise comptable en ligne : « Délivrer des tickets-restaurant à vos salariés est un avantage social qui peut être une alternative à l’augmentation de salaire qui, quant à elle, est soumise aux charges patronales. » On ne saurait être plus clair !

Le dispositif prévoit un plafond de défiscalisation, mais l’employeur peut déjà décider une contribution supérieure. Porter le taux à 70 % ne créerait pas de bénéfice pour l’employé.

Au besoin, ce mécanisme pourra évoluer par voie réglementaire. Il est préférable de recourir à un dispositif ciblé plutôt que d’augmenter cette niche fiscale.

M. Mathieu Lefèvre. Je croyais qu’un consensus s’était dégagé pour ne pas aggraver les niches fiscales et sociales. Or le premier amendement dont nous discutons propose de le faire. On peut toujours tenir des discours de principe, mais les faits sont têtus…

Il faut être prudent avec ce type de dépenses fiscales, madame Louwagie. On fait souvent valoir qu’elles entraînent une augmentation de la consommation et des recettes – c’est le discours qui a longtemps été tenu pour le crédit d’impôt cinéma – mais il ne faut pas oublier que cela réduit les recettes de l’État et des organismes de sécurité sociale.

Mme Christine Pires Beaune. Je veux bien entendre tous les arguments, mais vous ne pouvez pas avancer que porter le plafond d’exonération des titres-restaurant à 7,5 euros risque de se substituer à l’augmentation des salaires. Pas quand vous proposez de tripler la prime Macron, en la portant de 2 000 à 6 000 euros !

L’amendement CF39 est retiré.

La commission rejette successivement l’amendement CF221 et les amendements identiques CF106 et CF225.

Amendement CF222 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. L’indice général des prix hors tabac n’est pas pertinent pour fixer le relèvement annuel du plafond d’exonération des titres-restaurants. Cet indice sous-estime régulièrement l’inflation réelle des produits alimentaires.

Depuis des années, ce plafond d’exonération n’est donc pas indexé sur le bon indice. Il faut donc prendre en compte l’indice d’inflation spécifique aux produits alimentaires.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Jusqu’en 2020, le plafond d’exonération n’était en effet pas indexé de façon satisfaisante. Mais je ne vois pas de raison de changer l’indice retenu depuis la modification intervenue à l’occasion de la loi de finances pour 2020. Je ne connais pas la base de calcul du sous-indice que vous évoquez et l’INSEE n’en communique pas régulièrement l’évolution. Je ne vois pas d’intérêt à ce qu’il remplace l’indice général des prix, qui lui est bien connu.

M. Jean-Philippe Tanguy. Dès lors que le titre-restaurant concerne une dépense alimentaire, l’indice transparent et clair de l’INSEE qui retrace l’évolution des prix de l’alimentation me paraît tout indiqué. Référons-nous à l’indice objectif des prix de l’alimentation et non à l’indice général des prix, un indice assez fumeux dont on connaît les limites du mode de calcul et qui a permis d’ailleurs de sous-estimer pendant des années le niveau réel de l’inflation.

Sortons de cette logique d’économies de bouts de chandelle et revenons au réel. On a longtemps expliqué aux salariés, aux entreprises et aux restaurateurs que l’inflation était comprise entre 0,5 % et 1 % alors même que les prix alimentaires augmentaient fortement – et cela bien avant l’épisode inflationniste qui a débuté à l’automne dernier.

Notre devoir de parlementaire est de faire des lois qui correspondent à la réalité vécue par nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement CF222.

Amendements CF96 et CF97 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a dit qu’il proposerait une mesure concernant la prime de transport. Cette prime n’est pas obligatoire ; elle est non imposable et n’est pas assujettie aux cotisations sociales en dessous des plafonds fixés par la loi. Son montant est extrêmement faible : 200 euros par an pour les frais de carburant des trajets domicile-travail.

Pour une personne qui habite à 30 kilomètres de son lieu de travail, il lui faut parcourir 1 200 kilomètres par mois, soit 360 euros par mois de carburant pour une petite voiture au tarif fiscal. Tous les dirigeants d’entreprises indiquent qu’ils commencent à voir des salariés démissionner car ils habitent trop loin de leur travail – ils ont un niveau de vie supérieur s’ils restent chez eux ! Il faut inciter les entreprises à verser cette prime de transport.

L’amendement CF96 propose de porter de 200 à 800 euros le plafond d’exonération pour la prise en charge des carburants.

L’amendement CF97 qui suit propose quant à lui de porter ce plafond à 2 000 euros.

Un autre dispositif – très complexe – existe pour les véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène. Il est proposé de réévaluer dans les mêmes proportions leur plafond d’exonération. Le coût de cette dernière mesure est très limité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il existe trois dispositifs de prise en charge des frais de transport des salariés par l’employeur.

Le premier permet la prise en charge de 50 % du prix des titres d’abonnement à des transports publics de personnes ou à des services publics de location de vélos. Le deuxième autorise la prise en charge de tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à l’hydrogène. Le troisième est constitué par le forfait « mobilités durables », que nous avons augmenté l’an dernier.

La piste que vous proposez est intéressante, mais ce sont des hausses significatives, voire excessives, et le coût de ces mesures risque d’être important.

En outre, votre dispositif est permanent. Or notre objectif premier est d’aider nos compatriotes à surmonter le pic d’inflation, qui va durer de six à dix-huit mois – les prévisions tablent sur une inflation ramenée à 2 % à la fin de l’année prochaine.

J’ajoute qu’il faut mettre vos propositions en perspective avec l’indemnité carburant pour les travailleurs qui roulent beaucoup, prévue par le plan d’urgence de protection du pouvoir d’achat et qui concerne les ménages modestes.

Notre collègue Laqhila présentera en seconde partie un amendement qui paraît plus adapté. Demande de retrait.

M. Mohamed Laqhila. Je présenterai en effet un amendement après l’article 9 dont le dispositif est similaire – avec une augmentation certes un peu plus faible du plafond – et qui étend le bénéfice de la mesure à tous les salariés qui résident à plus de 30 kilomètres de leur lieu de travail. J’invite donc M. de Courson à retirer son amendement pour voter celui-là.

M. Jean-Philippe Tanguy. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cet amendement de bon sens qui correspond exactement à la réalité des besoins des entreprises et des salariés.

Je saisis cette occasion pour indiquer que notre groupe votera de manière constante en faveur de tous les amendements de bon sens bénéfiques pour le pouvoir d’achat, d’où qu’ils viennent.

La commission rejette successivement les amendements CF96 et CF97.


Article additionnel avant l’article 1er
Plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

Amendements CF58 de Mme Émilie Bonnivard, CF34 de Mme Véronique Louwagie et CF253 de M. Laurent Marcangeli, amendements identiques CF255 de M. Mathieu Lefèvre et CF252 de M. Laurent Marcangeli, amendement CF202 de M. Thomas Mesnier (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF34 des députés du groupe LR propose de supprimer le plafond de 5 000 euros au-delà duquel les heures supplémentaires ne sont plus défiscalisées.

Il s’agit, d’une part, de mieux rémunérer le travail, et d’autre part de répondre aux grandes difficultés que les entreprises rencontrent pour recruter.

Une telle mesure leur permettra de continuer de produire et de développer leur activité. Notre groupe l’a déjà proposée à plusieurs reprises lors de la précédente législature.

Mme Lise Magnier. Les amendements CF253, CF255, CF252 et CF202 portent sur la défiscalisation des heures supplémentaires.

Avec l’amendement CF253, le groupe Horizons et apparentés souhaite porter le plafond d’exonération fiscale des heures supplémentaires de 5 000 à 7 500 euros – comme ce fut le cas durant la crise sanitaire – jusqu’au 31 décembre 2023.

Nous sommes convaincus que c’est par la revalorisation du travail que l’on donnera davantage de pouvoir d’achat à nos concitoyens. Nous menons cette revalorisation du travail depuis cinq ans et nous devons la poursuivre.

Les amendements CF255 et CF252 prévoient la même revalorisation du plafond, mais uniquement pour l’année 2022.

L’amendement CF202 porte quant à lui sur l’exonération des heures supplémentaires effectuées par les personnels soignants, afin de répondre aux besoins du système hospitalier.

M. Mathieu Lefèvre. L’amendement CF255 des députés du groupe Renaissance propose de porter le plafond de défiscalisation pour les heures supplémentaires effectuées par les salariés à 7 500 euros au titre de l’année 2022.

Il s’agit d’une mesure cohérente avec notre projet, qui est de valoriser et mieux rémunérer le travail. Elle permet également de réduire le coût du travail et d’inciter à une durée du travail plus longue. Elle s’inscrit pleinement dans la lignée des mesures que nous avons défendues pendant les cinq dernières années.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable aux amendements CF255 et CF252 qui portent le plafond des heures supplémentaires exonérées à 7 500 euros pour l’année 2022. Le coût me paraît raisonnable. Nous examinerons le bilan de cette mesure en fin d’année pour voir s’il convient de la prolonger.

Un tel dispositif répond à l’objectif d’amélioration du pouvoir d’achat des salariés qui peuvent travailler un peu plus. Il répond aussi aux demandes de certains employeurs dans des secteurs tendus, lesquels souhaitent disposer de davantage de souplesse pour les heures supplémentaires de leurs collaborateurs.

L’amendement CF202 est satisfait et j’en demande le retrait. Avis défavorable aux autres amendements.

M. Nicolas Sansu. C’est vraiment le retour des vieilles lunes ! Cette belle disposition remonte au temps de M. Sarkozy. On voit bien le type de mesures sur lequel l’accord va se faire entre Les Républicains et la majorité relative, et on comprend pour quelles raisons. Quant à nous, nous ne pourrons pas voter ce texte relatif au pouvoir d’achat.

Par ailleurs, les heures supplémentaires sont déjà très défiscalisées. Je ne vois pas l’intérêt de cette mesure, alors même que certains secteurs sont en tension : ce n’est pas en défiscalisant davantage les heures supplémentaires que l’on va accroître le nombre de salariés. Ce sont les salaires qu’il faudrait augmenter, ce qui permettrait également de faire entrer davantage de cotisations sociales et de recettes fiscales.

M. Charles de Courson. Je me rallie quant à moi aux amendements identiques CF252 et CF255, qui sont d’application immédiate.

La commission rejette successivement les amendements CF58 et CF34.

L’amendement CF253 est retiré.

La commission adopte les amendements CF255 et CF252 (amendement 166).

En conséquence, l’amendement CF202 tombe.

Avant l’article 1er

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF194 de M. Jean-Pierre Vigier.

Amendement CF35 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. La France présente une particularité : elle a inventé les taxes sur les taxes. Ainsi, les revenus d’activité sont soumis non seulement à la fiscalité, mais aussi à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Le niveau des prélèvements obligatoires est de 44,8 %, ça suffit ! Si l’on veut vraiment redonner du pouvoir d’achat, il faut revenir sur cette double fiscalité pénalisante. Tel est l’objet de cet amendement. Ne me dites pas qu’il est onéreux, nous proposons par ailleurs des réductions des dépenses.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On entend souvent parler de « l’impôt sur l’impôt » : c’est une formule choc, mais la chose est déjà répandue. Par exemple – même si ce n’est pas la même chose, j’en conviens – on ne déduit pas la taxe foncière de son impôt sur le revenu.

S’il existe une CSG déductible et une CSG non déductible, cela s’explique par l’histoire de cette contribution. Lorsque Michel Rocard l’a créée, les 2,4 points étaient par définition non déductibles puisqu’il s’agissait d’une taxe spécifique, une imposition au taux bas, portant sur l’assiette la plus large possible et venant s’additionner aux impôts existants. En revanche, les hausses successives de la CSG ont remplacé des cotisations qui, elles, étaient déductibles du revenu imposable. C’est la raison pour laquelle a été créée la distinction entre la CSG déductible et la CSG non déductible.

En votant votre amendement, on retirerait de l’assiette de l’impôt sur le revenu 30 milliards d’euros. En supprimant aussi la CRDS, comme vous le proposez, on ôterait 7 milliards d’euros de l’assiette. Je suis donc très défavorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas d’accord avec la proposition de mes collègues Les Républicains mais leur amendement soulève un vrai problème, à savoir le fait que le système est devenu incompréhensible. Il faut tout unifier : toute la CSG devrait être déductible, de même que la CRDS, quitte à rehausser le taux pour garantir la neutralité budgétaire. Cela permettrait de supprimer au moins deux lignes sur la feuille de paie et de simplifier les formulaires de déclaration des revenus, auxquels on ne comprend plus rien. Je serais prêt à voter cet amendement, mais corrigé afin d’en assurer la neutralité budgétaire.

Mme Véronique Louwagie. La non-déductibilité d’une partie de la CSG et de la CRDS pose un réel problème. De nombreux salariés ont du mal à comprendre leur feuille de paie. Quand on voit que le net à payer ne correspond pas au net imposable, on est en droit de se poser des questions… La Première ministre, dans son discours de politique générale, a parlé de simplification administrative. Elle a raison. La simplification de la feuille de paie en fait partie. Il faut débureaucratiser le pays. La mesure que nous vous proposons réconcilierait efficacité, justice et simplification.

La commission rejette l’amendement CF35.

Amendement CF229 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. Il s’agit de revenir sur l’injustice, due à l’UMP puis à François Hollande, consistant à supprimer la demi-part fiscale des veufs et des veuves. Cette mesure suscite depuis plus de dix ans une incompréhension sincère dans la population : dans nos circonscriptions, c’est une des questions qui revient le plus. Cela témoigne du traumatisme qu’ont subi les personnes victimes de cette injustice. Nous proposons de rétablir cette demi-part, dont la suppression a été une économie particulièrement injuste.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je peux comprendre la nostalgie à l’égard de cette niche fiscale. Mais, pas plus tard que cet après-midi, le premier président de la Cour des comptes nous a expliqué qu’il fallait réduire les niches fiscales et non les augmenter.

La demi-part fiscale accordée aux veufs et aux veuves lorsqu’ils vivaient seuls et n’avaient plus d’enfants à charge ne compensait pas une charge réelle pesant sur leur revenu, précisément parce que les enfants n’étaient plus à charge. D’où la modification intervenue durant le mandat de Nicolas Sarkozy, en 2008, dont l’objectif était que l’imposition corresponde davantage à la réalité. Il était logique de recentrer le bénéfice de la demi-part sur les contribuables ayant élevé leurs enfants seuls pendant au moins cinq ans. Les critères ne sont pas aussi restrictifs qu’on le dit, puisque la mesure bénéficie à 1,2 million de ménages, pour une dépense fiscale de 570 millions d’euros.

Je suis défavorable à cet amendement qui ne compense pas une charge réelle, n’est pas ciblé – il bénéficierait en particulier à des ménages ayant des revenus élevés – et coûterait entre 1,5 et 2 milliards d’euros.

M. Jocelyn Dessigny. Vous oubliez que bien souvent les personnes veuves ayant eu des enfants à charge continuent à contribuer à leur intégration même une fois qu’ils ont quitté le foyer. Vous retirez une ressource à des personnes qui ne sont pas forcément très riches. Si vous voulez vous attaquer aux niches fiscales, il y en a beaucoup d’autres par lesquelles commencer.

M. Charles de Courson. L’origine de cette affaire remonte à une décision du Conseil constitutionnel, qui avait critiqué l’absence de conditions dans le dispositif. D’ailleurs, il ne faut pas dire que la demi-part a été supprimée, puisque grâce à l’amendement de Courson, que vous connaissez tous, elle a été maintenue pour les veufs et les veuves ayant élevé seuls au moins un enfant pendant cinq ans…

La commission rejette l’amendement CF229.

Amendement CF31 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il vise à revenir sur la baisse des plafonds du quotient familial. Le PLFR traduit la volonté de redonner du pouvoir d’achat aux Français ; en l’espèce, nous vous proposons d’en redonner aux familles en revenant sur une décision injuste, prise en 2012 et qui n’a pas été remise en cause au cours de la précédente législature. Le quotient familial n’est pas une aide sociale ; c’est un dispositif qui est au cœur de la politique familiale et qui vise à encourager la natalité. Son plafonnement a pénalisé près de 800 000 foyers appartenant pour l’essentiel à la classe moyenne. Nous vous proposons de revenir sur le dispositif à partir du 1er septembre 2022 ; les montants seraient proches du niveau antérieur à la loi de finances pour 2013.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Sous la précédente législature, nous avons arrêté la baisse du plafonnement des effets du quotient qui avait eu cours entre 2012 et 2017. Chaque année, nous avons indexé les plafonds sur le barème de l’impôt sur le revenu (IR).

Par ailleurs, le quotient familial n’est qu’un des piliers de la politique familiale. Il y a bien d’autres choses à faire que d’augmenter cette niche fiscale.

Nous ne souhaitons pas rehausser fortement le plafond car, par nature, cela bénéficierait d’abord aux familles les plus aisées : ce serait un dispositif contre-redistributif. Le dernier plafonnement a procuré à l’État un gain budgétaire de l’ordre de 500 millions d’euros, qui provenait de suppléments d’impôt sur le revenu acquittés majoritairement par des contribuables dont le revenu fiscal de référence était supérieur à 100 000 euros.

Si je suis attaché au mécanisme du quotient familial, qui permet de proportionner l’impôt dû aux facultés contributives de chaque situation familiale, je ne pense pas qu’il faille le rehausser. Avis défavorable.

M. Philippe Brun. Je m’inscris en faux contre la philosophie qui sous-tend cet amendement : le plafonnement des effets du quotient familial, décidé au début du quinquennat de François Hollande, a constitué un vrai effort de justice fiscale. Encore aujourd’hui, l’avantage procuré par le quotient familial est en moyenne de 490 euros annuels pour les 10 % des ménages les plus pauvres, et de 3 800 euros pour les 10 % les plus riches. L’amendement procurerait un gain fiscal encore plus élevé aux plus aisés.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous soutiendrons cet amendement. La politique familiale française a été un succès historique et a produit une situation quasiment inédite en Europe. Malheureusement, elle est fragilisée depuis de nombreuses années. Or le plafonnement du quotient familial participe de cette entreprise délétère qui a notamment limité l’accès des classes moyennes supérieures à la natalité. Car oui, même quand on a des moyens, le changement de vie qu’impose l’accueil d’enfants en bas âge entraîne des frais, et les classes moyennes supérieures éprouvent de plus en plus de difficultés à avoir des familles nombreuses.

Mme Véronique Louwagie. M. Philippe Brun a indiqué des montants qui varient en fonction du niveau de revenu des familles, mais il faut tenir compte également du niveau de l’impôt sur le revenu acquitté. Une famille payant moins d’impôt sur le revenu bénéficie d’une réduction moindre, ce qui paraît tout à fait logique : la réduction doit être en adéquation avec le montant de l’impôt. L’amendement nous paraît tout à fait juste. Il répond à un souci d’équité fiscale et soutient pour l’essentiel des foyers appartenant à la classe moyenne.

La commission rejette l’amendement CF31.

Amendement CF47 de M. Patrick Hetzel.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de permettre de déduire une partie du montant des dépenses engagées pour le placement des personnes âgées en EHPAD, au titre tant de la dépendance que de l’hébergement. Les résidents de ces établissements ont de plus en plus souvent recours à la solidarité familiale pour financer les dépenses d’hébergement. Il nous paraît logique de permettre aux personnes qui aident financièrement un parent de bénéficier des mêmes avantages que le contribuable résident. Cet enjeu est amené à prendre de plus en plus d’importance avec l’augmentation de la dépendance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement vise à étendre le bénéfice de la réduction d’impôt aux parents qui assument une partie des dépenses éligibles de la personne dépendante. Une fois encore, il s’agit donc d’étendre une niche fiscale – même si, en l’espèce, le terme peut sembler inapproprié.

La question que vous soulevez est extrêmement importante, mais elle excède très largement ce PLFR. Elle sera appréhendée de façon plus cohérente dans le cadre d’une approche globale du financement de la dépendance. Nous avons créé une cinquième branche pour en traiter. Nous nous étions engagés à présenter une grande loi relative à la dépendance, mais nous n’avons pas encore eu le temps de le faire. Quoi qu’il en soit, cet enjeu y trouvera sa place.

Par ailleurs, il convient d’éviter qu’une telle réduction d’impôt se substitue à l’obligation alimentaire des enfants envers « leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », définie à l’article 205 du code civil.

M. Jean-Philippe Tanguy. Cet amendement très intelligent et de bon sens correspond à l’évolution de la société ainsi qu’à l’extension de la politique familiale que nous défendions auprès des Républicains dans l’amendement précédent. Nous le voterons donc.

La commission rejette l’amendement CF47.

Amendement CF147 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun. Il s’agit d’une réalité sociale que vous connaissez bien dans vos circonscriptions : l’évolution de la parentalité, en particulier l’augmentation de la monoparentalité. Un quart des parents vivent seuls ; ce sont les nouveaux pauvres de notre pays, les nouveaux « damnés de la terre ». Dans 84 % des cas, il s’agit de femmes et, pour 41 % des enfants dans cette situation, les revenus de la famille sont en dessous du seuil de pauvreté.

Nous devons adapter notre système fiscal et social à cette réalité. Nous vous proposons de faire passer de 50 % à 80 % la part des dépenses éligibles au crédit d’impôt relatif aux services à la personne. Cela permettra notamment une meilleure prise en charge des frais de garde d’enfants ou d’aide aux tâches ménagères.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. D’abord, le taux que vous proposez est inédit : certes, ce n’est pas une raison suffisante pour le rejeter, mais il importe quand même de relever qu’il n’existe aucun avantage fiscal fixé à 80 %.

Ensuite, l’amendement n’est pas ciblé : il ne concerne pas seulement les familles monoparentales qui en auraient le plus besoin, car la disposition n’est assortie d’aucune condition de revenu.

Par ailleurs, le plafond des dépenses éligibles est déjà de 12 000 euros, majoré de 1 500 euros par enfant à charge. Pour un adulte assumant seul la charge d’un enfant, cela fait donc 13 500 euros de dépenses éligibles ouvrant droit à un crédit d’impôt maximal de 6 750 euros.

La hausse du taux de ce crédit d’impôt n’est pas le bon outil pour aider les familles monoparentales. Nous avons majoré dès 2018 le montant maximal du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons également revalorisé certaines prestations sociales comme la prime d’activité, dont quasiment un tiers des bénéficiaires sont des familles monoparentales. Avis défavorable.

M. Philippe Brun. Je comprends que l’absence de ciblage puisse poser problème, mais je maintiens l’amendement. S’il n’est pas adopté, nous en déposerons un autre, modifié dans le sens indiqué, en vue de la séance.

La commission rejette l’amendement CF147.


Article additionnel avant l’article 1er
Détermination des frais de transport personnel des bénévoles éligibles à la réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par des particuliers

Amendement CF174 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Cet amendement concerne le monde associatif. Les bénévoles utilisent la plupart du temps leur véhicule personnel dans le cadre de leur engagement associatif auprès des jeunes et des moins jeunes. Ils bénéficient pour ce faire d’un avantage fiscal, mais moins favorable que celui qui s’applique aux salariés déclarant leurs frais kilométriques. Je propose donc de leur accorder le même avantage et, ce faisant, de donner un coup de pouce au monde associatif. Nous assistons à de nombreuses assemblées générales – cela a encore été mon cas le week-end dernier – et nous savons bien que les frais de transport, liés notamment à l’augmentation des hydrocarbures, pèsent énormément sur la trésorerie des associations.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends votre préoccupation. Le monde du bénévolat a beaucoup souffert de la crise du covid. Il faut l’aider, en effet. Toutefois, le parallèle que vous établissez n’est pas tout à fait juste : pour les salariés, le barème kilométrique vise à établir au plus juste les frais engagés par le contribuable pour avoir un revenu. Il y a une causalité ; ce n’est pas un avantage fiscal. Ce n’est pas la même chose que les frais de déplacement engagés par les bénévoles dans le cadre de l’activité d’une association. Il me semble logique que l’administration retienne dans ce cas un barème conventionnel inférieur au barème kilométrique de l’impôt sur le revenu. Je vous propose que nous interrogions le Gouvernement en vue, le cas échéant, de relever ce barème spécifique, ce qui relève du domaine réglementaire.

M. Pierre Cordier. Votre proposition est intéressante, monsieur le rapporteur général, mais en adoptant cet amendement nous enverrions un signal au monde associatif et aux bénévoles. Le prix du carburant pèse vraiment.

M. Jocelyn Dessigny. Monsieur le président, vous est-il possible de suspendre la réunion pour que nous retournions dans l’hémicycle ? Des choses importantes sont en train de se jouer autour du pass sanitaire, notamment pour les enfants.

M. le président Éric Coquerel. J’ai proposé tout à l’heure que nous suspendions nos travaux au moment du vote de l’article 2. Je m’en tiendrai à ce principe. Sinon, il y aura toute la soirée des votes importants dans l’hémicycle et nous n’avancerons pas. Ceux d’entre vous qui le souhaitent peuvent aller dans l’hémicycle.

M. Jocelyn Dessigny. Est-il possible qu’il n’y ait pas de vote ici pendant ce temps ? Nous ne pouvons pas nous dédoubler…

M. le président Éric Coquerel. Non, d’autant qu’un vote en séance publique qui paraît imminent peut se faire attendre en réalité longtemps… Si certains votes en commission ne vous semblent pas favorables, il y aura la séance pour les rectifier.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’auteur de l’amendement a-t-il estimé le coût de la mesure ? C’est un saut dans l’inconnu… Je pense, pour ma part, que cela peut coûter très cher : il y a des centaines de milliers de bénévoles en France. D’ici à la séance, il convient donc de l’évaluer. Je n’aime pas beaucoup voter un amendement sans savoir combien il va coûter.

M. Charles de Courson. Je ne pense pas que cela coûte très cher, car la plupart des bénévoles refusent de demander ce genre d’avantages. Soit dit entre nous, c’est donc plutôt une mesure d’affichage. Toutefois, il y a quelque chose d’étonnant, en effet, à constater que les bénévoles sont remboursés sur la base de 0,321 euro par kilomètre, ce qui correspond à la plus petite cylindrée, tandis que les salariés sont remboursés en fonction de la puissance fiscale réelle de leur véhicule.

M. Mathieu Lefèvre. Ce ne serait pas de l’affichage d’inscrire la disposition directement dans la loi, car elle serait d’application immédiate.

Comme l’a dit le rapporteur général, la question est importante. Je vous propose que nous demandions au Gouvernement, en séance, dans quelle mesure il serait prêt à relever le barème, à combien de bénévoles la disposition est susceptible de s’appliquer et combien cela coûterait. Nous sommes plutôt ouverts à la proposition, mais l’inscrire dès à présent dans la loi nous paraît prématuré. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement, dans l’attente des explications du ministre.

La commission adopte l’amendement CF174 (amendement 167).


Avant l’article 1er

Amendement CF113 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Les frais de garde sont de plus en plus élevés et il devient très difficile de trouver des solutions pour faire garder ses enfants. Conjugué à l’inflation, le coût de la garde est exponentiel. Donner à un maximum de Français la possibilité d’exercer ou de reprendre une activité est un enjeu ; il est essentiel d’aider les deux membres d’un couple à accéder à l’emploi et à mener leur carrière dans les mêmes conditions.

Je propose, par cet amendement, de doubler le plafond des dépenses prises en compte dans le calcul du crédit d’impôt.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends, mais vous proposez l’élargissement ponctuel d’un avantage fiscal non ciblé, qui plus est coûteux. Veut-on y consacrer un milliard d’euros ou soutenir plutôt les initiatives qui visent à développer l’offre publique et privée, avec des obligations de résultat ?

Ainsi, la dernière convention d’objectifs et de gestion liant l’État à la Caisse nationale des allocations familiales prévoyait la création de 30 000 places de crèche entre 2017 et 2022 ; en 2020, l’objectif était atteint aux deux tiers et on comptait plus de 450 000 places. En outre, des réorganisations ont permis de compenser partiellement la baisse, indéniable, du nombre d’assistants maternels, avec une capacité d’accueil de 744 000 places en 2019.

L’enjeu n’est pas celui d’un défaut de demande solvable : il est structurel, avec de fortes disparités entre les territoires. Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Fabien Di Filippo. Je conteste votre chiffrage : doubler le plafond ne double pas le coût de l’aide puisque tout le monde n’atteint pas forcément ce plafond !

Il convient aussi de déduire du coût de ce crédit d’impôt l’activité économique qu’il induira, puisque certains de nos concitoyens, obligés de rester à leur domicile pour garder leurs enfants à des étapes clés de leur carrière, pourront reprendre le travail.

Par ailleurs, on sait très bien que le financement des places de crèche reposera avant tout sur les collectivités, aujourd’hui exsangues.

Enfin, la baisse de la démographie française est plus que sensible ; cet accompagnement est primordial car faire des enfants aujourd’hui ne doit pas être un « handicap ». Cela vaut bien quelques centaines de millions d’euros !

La commission rejette l’amendement CF113.


Article additionnel avant l’article 1er 
Création d’un crédit d’impôt pour frais de déplacements journaliers
de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail

Amendements identiques CF44 de M. Charles de Courson et CF57 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Charles de Courson. Aujourd’hui, 70 % des salariés du privé ou du public prennent leur voiture pour se rendre au travail. Les personnes imposables peuvent déduire leurs frais au réel et donc bénéficier d’une réduction de leur impôt. Nous proposons de généraliser cet avantage et de permettre aux personnes non imposables de voir, grâce à un crédit d’impôt, une partie de leurs frais remboursés.

Mme Véronique Louwagie. J’ajouterai que, dans les territoires ruraux, la voiture reste le mode majoritaire de déplacement des salariés et que le trajet journalier moyen y est probablement supérieur à la moyenne nationale de 27 kilomètres.

Il ne faut pas décourager les personnes qui, lorsqu’elles déduisent de leur salaire les frais qui restent à leur charge, se rendent compte qu’elles ne perçoivent pas davantage que les personnes qui ne travaillent pas et bénéficient de prestations sociales.

Cet amendement représente probablement un coût important mais il importe de prendre en compte la situation de ces foyers non imposables.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de retirer, en vue de les retravailler, ces amendements qui présentent deux défauts.

D’abord, ils suppriment la déduction des frais, ce qui a pour conséquence d’augmenter la base imposable du crédit d’impôt. Ensuite, cette suppression a un effet immédiat, alors que le crédit d’impôt n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2023. Après, il n’y aurait plus aucune prise en compte fiscale des frais de déplacement.

L’indemnité carburant, financée par ce projet de loi de finances rectificative, est une mesure ciblée vers les ménages modestes – elle concerne les cinq premiers déciles, un périmètre dont nous pourrons débattre. Pour les gros rouleurs, elle sera abondée de 50 % en fonction de la distance. Cette aide, de 100 à 300 euros par voiture et par actif, répond mieux au problème que vous soulevez.

M. Jean-Philippe Tanguy. Cette mesure nous semble au contraire corriger une injustice ancienne. Notre seul désaccord porte sur le fait qu’elle est provisoire, si bien que la question se posera à nouveau en 2024.

M. Charles de Courson. Bien malin celui qui sait de quoi sera fait 2024 ! Dans le cas d’une baisse des prix, les lois de finances permettront de réajuster ou de revenir à l’ancien dispositif. Ce qui nous importe aujourd’hui, avec ces amendements certes perfectibles, c’est que tous les salariés puissent bénéficier de cet accompagnement, aujourd’hui réservé aux personnes imposables. L’autre avantage de ce dispositif, c’est qu’il ne passe pas par la volonté de l’employeur, contrairement à ce dont nous discutions tout à l’heure.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif que nous proposons est simple et colle au plus près de la réalité. Surtout, il a l’avantage de ne pas induire des effets de seuil, comme l’aurait fait l’amendement CF96 visant à accentuer la prise en charge par l’employeur des frais de carburant – aujourd’hui plafonnée à 200 euros – ou comme le fera l’indemnité carburant, puisque des seuils s’appliqueront tant au niveau des revenus – les cinq premiers déciles – qu’au nombre de kilomètres.

M. Mathieu Lefèvre. L’indemnité carburant concerne aussi les Français qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu : il n’est pas fondé de dire que tous les Français n’en bénéficieront pas. Par ailleurs, la remise de dix-huit centimes par litre d’essence, valable jusqu’à fin septembre, touche l’intégralité des Français.

Il est important d’organiser les dispositifs de soutien aux travailleurs et de ne pas les empiler ; sinon, on ne parviendra plus à les supprimer. C’est pourquoi le Gouvernement, en toute responsabilité, a prévu que l’indemnité carburant succéderait, au 1er octobre 2022, à la remise de dix-huit centimes. Le dispositif que vous proposez pourrait venir dans un troisième temps, avant un retour à la normale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je plaide en faveur d’un retrait, afin que vous puissiez réécrire ces amendements.

D’abord, supprimer la déduction des frais aurait comme première conséquence d’augmenter l’impôt dû, sur lequel serait ensuite appliqué le crédit d’impôt. C’est un effet pervers.

Par ailleurs, ce dispositif ne cible que les salariés qui sont aux frais réels.

Ensuite, les amendements ne prévoient ni montant, ni plafond au crédit d’impôt, lequel est fondé sur un barème kilométrique établi par l’administration. Outre le fait qu’ils créent une dépense fiscale supplémentaire, ils me semblent inconstitutionnels.

Je comprends votre souhait que le sujet soit discuté dans l’hémicycle mais je pense que ces amendements, d’un point de vue technique, ne fonctionnent pas.

La commission adopte les amendements CF44 et CF57 (amendement 168).


Avant l’article 1er

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je demande une suspension de séance. Nos travaux sont dénaturés. L’examen en commission a pour objet d’écouter les arguments de chacun et de travailler techniquement pour améliorer le texte. Les votes qui sont en train de se dérouler dans l’hémicycle se jouent manifestement à quelques voix près, ce qui pousse de nombreux de nos collègues à s’absenter sans cesse. C’est courant, mais dans le cas présent, cela dénature nos travaux et entache la sincérité du vote. Il faut respecter l’esprit des choses et ne pas profiter de l’absence des uns et des autres pour voter !

M. le président Éric Coquerel. La composition de notre assemblée fait que nous nous retrouverons souvent dans ce cas de figure. Il faut s’y faire. Peut-être faudra-t-il s’organiser autrement, mais le présent ordre du jour a été décidé de manière commune.

Nous avons décidé tout à l’heure de ne pas suspendre notre réunion à chaque fois qu’un amendement jugé important par les uns ou les autres viendrait à être mis au vote en séance. Ceux qui le souhaitent peuvent quitter la réunion, et cela relève de leur responsabilité. L’un dans l’autre, entre ceux qui partent et ceux qui restent, cela ne change à mon avis pas grand-chose pour le vote.

Amendement CF176 de Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement va vous plaire, monsieur le rapporteur général, puisqu’il permettra de financer, grâce à de nouvelles recettes, toutes les dépenses dont nous allons décider tout à l’heure. Il propose d’augmenter, de manière temporaire, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). On sait combien ces revenus ont augmenté l’an dernier. Il avait déjà été procédé à une telle augmentation en 2009-2010.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est toujours une bonne idée de ramener de nouvelles recettes, mais encore faut-il que ce soit réaliste ! Vous faites allusion à une époque, 2009, où le barème n’était pas du tout au niveau actuel.

Vous proposez donc de porter les taux de 3 % et 4 % respectivement à 8 % et 10 %. D’abord, nous sommes opposés à toute augmentation d’impôt. Ensuite, le rendement de la CEHR augmente d’année en année et dépasse désormais le milliard d’euros. Enfin, on ne peut prendre le risque de dépasser le taux maximal considéré comme non confiscatoire par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2012. Le Conseil d’État, dans son avis du 21 mars 2013, a indiqué que le taux marginal maximal correspondait aux deux tiers des revenus, quelle qu’en soit la source.

M. Nicolas Sansu. Je rappelle ce qu’a dit le Premier président de la Cour des comptes tout à l’heure : quand on veut diminuer les impôts, il faut trouver de nouvelles recettes. Il me semble utile aussi de souligner que les hauts revenus ne se sont jamais aussi bien portés : 500 milliardaires et plus de 1 000 milliards de patrimoine et de revenus en 2021.

Mme Véronique Louwagie. Le groupe Les Républicains, opposé à toute augmentation d’impôt, votera contre cet amendement. En revanche, nous défendons une baisse des dépenses publiques, une direction qu’a indiquée le Premier président Moscovici, qui pourrait passer par la réforme des retraites, la recherche de marges d’efficience dans les domaines du social, de la sécurité intérieure, du système éducatif, ou la débureaucratisation.

M. Jean-Philippe Tanguy. Notre collègue du groupe GDR ouvre un débat que nous devrons avoir sur la contribution des plus hauts revenus au rétablissement des finances publiques. Le groupe RN proposera plutôt un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ainsi qu’une révision de la flat tax.

Je le dis à nos collègues de droite : rétablir les finances publiques sans imposer aux plus hauts revenus une forme de contribution – ce qui avait pourtant été fait du temps de M. Sarkozy – est une équation impossible. Nous ne voterons pas cet amendement mais nous rejoignons la philosophie selon laquelle la justice fiscale doit présider au rétablissement des finances publiques.

Mme Christine Pires Beaune. Nous voterons cet amendement et les suivants qui reposent sur le même principe. À situation exceptionnelle, effort exceptionnel. Il faut toutefois remarquer que l’effort demandé reste mesuré ; les tranches de revenu concernées ne sont pas celles du commun des mortels…

Je veux, moi aussi, revenir sur les propos de Pierre Moscovici. En temps de crise, on ne peut pas décider de dépenses publiques supplémentaires, pour protéger les entreprises et les ménages, sans demander un effort supplémentaire à ceux qui peuvent le consentir.

La commission rejette l’amendement CF176.

Amendements identiques CF178 de Mme Karine Lebon et CF258 de Mme Christine Pires Beaune et amendement CF168 de Mme Marianne Maximi (discussion commune).

M. Nicolas Sansu. Nous proposons de supprimer la flat tax, instaurée en 2017, qui confère un avantage fiscal indécent au capital.

M. Mickaël Bouloux. Cette flat tax ne se justifie plus – elle ne se justifiait déjà pas à l’époque. Elle siphonne les recettes de la sécurité sociale et de l’État, dont nous avons grand besoin.

Mme Marianne Maximi. Sous couvert de simplification, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est, avec la suppression de l’ISF, l’un des principaux cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Elle a conduit à une baisse des recettes fiscales et à un accroissement des inégalités, faisant de la France la championne du monde de la rémunération du capital.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est contre-intuitif, mais lors du dernier quinquennat, la baisse des taux, que ce soit sur l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu ou le prélèvement forfaitaire unique, a entraîné une augmentation très significative du rendement des impôts. Le contraire est vrai : trop d’impôt tue l’impôt.

Dès sa première année d’application, le prélèvement forfaitaire unique a été un succès, rapportant à l’État 400 millions d’euros de plus qu’envisagé. Les dividendes ont retrouvé leurs niveaux antérieurs à 2013, année où la mise au barème de l’impôt sur le revenu avait entraîné une diminution de l’assiette taxable de plus d’un tiers durant les quatre années suivantes.

La flat tax sur les revenus du capital est une quasi-généralité en Europe ; or notre objectif n’est pas d’être le moins-disant ou de faire du dumping social, mais de nous situer dans la moyenne européenne.

C’est un élément d’attractivité et de relance de notre économie. Il n’y a pas de hasard : si la création d’emplois atteint des records et que les emplois industriels reviennent, c’est grâce aux investissements massifs. Pour que notre pays reste compétitif, le taux d’imposition doit se situer dans la moyenne européenne.

Cette réforme s’est inscrite dans le cadre d’un équilibre global avec une baisse plus large de l’ensemble de la fiscalité des ménages, la suppression progressive de la taxe d’habitation et la baisse de l’impôt sur le revenu. Avis défavorable.

Mme Marianne Maximi. Au contraire, la flat tax a privé les entreprises des capacités d’autofinancement de leurs investissements au bénéfice de l’augmentation des revenus des actionnaires, par le versement des dividendes. Son fort rendement est tout sauf une bonne nouvelle : il indique simplement que le transfert des salaires et des investissements vers le versement des dividendes a été bien plus important que prévu.

M. Daniel Labaronne. Les trois rapports publiés par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, mis en place sous la législature précédente, montrent l’effet très positif de la réforme que nous avons engagée, à la fois sur les expatriés fiscaux – qui sont revenus très largement en France – et sur l’attractivité du pays.

La France est redevenue le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers. Le mouvement d’investissement domestique s’est développé de manière tout à fait significative, ce qui a contribué à alimenter la demande intérieure, donc la croissance et la baisse du chômage, laquelle a conduit à une hausse des recettes fiscales et sociales.

M. le président Éric Coquerel. Je vous fais grâce, cher collègue, de tous les rapports qui disent l’inverse…

M. Philippe Brun. Souvenons-nous quand même de l’explosion des dividendes versés à la suite de cette réforme ! Selon l’étude de France Stratégie publiée en octobre 2021, la baisse du taux a entraîné une hausse du rendement de 9 milliards d’euros, mais le coût pour les finances publiques est de 1,8 milliard ; parallèlement, les versements de dividendes ont explosé, créant des inégalités. L’effet anti-redistributif est très clair.

Disons-le tout net : nous ne sommes pas anti-entreprises ou anti-investissements ; nous pensons simplement que, dans une société juste, bien organisée, la valeur que chacun crée lorsqu’il travaille doit être équitablement répartie. Ce n’est pas le cas lorsque le capital est aussi peu taxé par rapport au travail.

M. Mathieu Lefèvre. Nous avons vu ce que cela a donné en 2012, quand vous avez soumis les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu : il n’y a eu aucune cession ni aucun investissement dans ce pays pendant deux ans !

Faisons un simple calcul : 45 % d’impôt sur le revenu, 8 % de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, 17 % de prélèvements sociaux, sans oublier les impôts locaux, cela fait près de 80 % d’imposition. On peut considérer qu’il n’est pas nécessaire de récompenser l’effort et l’initiative mais telle n’est pas notre position.

La commission rejette les amendements CF178 et CF258 puis l’amendement CF168.


Article 1er
Réforme du financement de l’audiovisuel public et suppression
de la contribution à l’audiovisuel public

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article supprime la contribution à l’audiovisuel public et revoit, en conséquence, le mode de financement de ce dernier. À cet effet, il supprime le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public et crée, au sein du budget général de l’État, une nouvelle mission, Audiovisuel public, destinée à accueillir les dotations prévues pour les organismes de l’audiovisuel public (France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel).

Dernières modifications intervenues

L’article 1605 du code général des impôts a été modifié pour la dernière fois par l’article 88 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 qui a diminué d’un euro le montant de la contribution à l’audiovisuel public, le ramenant à 138 euros pour la France métropolitaine et à 88 euros pour les départements d’outre-mer.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du rapporteur général qui a pour objet de préciser que les dotations destinées aux organismes de l’audiovisuel public sont versées chaque année pour leur montant voté en loi de finances initiale, afin de les assurer contre d’éventuelles mesures de mise en réserve et de régulation budgétaire.

I.   l’État du droit

Créée en 1933 pour financer les dépenses de la radiodiffusion puis étendue en 1949 aux récepteurs de télévision, la redevance audiovisuelle, dénommée « contribution à l’audiovisuel public » (CAP) depuis 2009, a pour objet de financer, par l’intermédiaire du compte de concours financiers (CCF) Avances à l’audiovisuel public, les organismes de l’audiovisuel public, c’est-à-dire les sociétés du secteur public de l’audiovisuel (France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde) et l’établissement public de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

A.   La contribution à l’audiovisuel public

La contribution à l’audiovisuel public est définie, à titre principal, aux articles 1605 à 1605 ter du code général des impôts ([16]).

Ainsi, selon le I de l’article 1605, il est institué au profit des sociétés et de l’établissement public visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que de la société TV5 Monde une taxe dénommée contribution à l’audiovisuel public.

1.   Les redevables de la contribution à l’audiovisuel public

a.   La contribution due par les particuliers

Aux termes du 1° du II de l’article 1605 du code général des impôts, la CAP est due par toutes les personnes physiques imposables à la taxe d’habitation au titre d’un local meublé affecté à l’habitation, à la condition de détenir, au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la CAP est due, un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer ([17]). Cette condition est considérée comme remplie dès que le redevable n’a pas déclaré, dans sa déclaration des revenus, qu’il ne détenait pas un tel appareil.

Selon le 1° de l’article 1605 bis, une seule CAP est due, quel que soit le nombre d’appareils récepteurs de télévision ou dispositifs assimilés dont sont équipés les logements pour lesquels le redevable est imposé à la taxe d’habitation.

27,6 millions de foyers étaient assujettis à la CAP en 2021 ([18]). Parmi ces foyers, 4,6 millions ont bénéficié d’un dégrèvement, pour la plupart pour motifs sociaux.

Évolution du nombre de foyers assujettis à la contribution
À l’audiovisuel public

(en millions)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Nombre de foyers assujettis CAP

26,61

26,86

27,07

27,25

27,43

27,59

27,68

27,77

27,60

27,61

dont foyers payants

22,54

22,96

22,93

23,59

23,08

23,16

23,15

23,19

23,02

22,98

dont foyers exonérés

4,06

3,91

4,14

3,66

4,35

4,43

4,53

4,58

4,57

4,63

Source : ministère des comptes publics.

Le nombre de foyers assujettis à la contribution à l’audiovisuel public a connu une progression régulière entre 2012 et 2019 sous le double effet de l’augmentation de la population et de la diminution de la taille des foyers, qui n’a pas été compensé par l’ampleur de la baisse du taux d’équipement en téléviseurs des foyers qui, résultant de la montée en puissance des écrans connectés et mobiles, est passé de 98 % en 2012 à 92 % en 2020. Il apparaît toutefois qu’à compter de 2020, la baisse du taux d’équipement l’emporte sur les autres facteurs, conduisant pour la première fois à une diminution du nombre de foyers assujettis. Malgré une légère inflexion en 2021, cette tendance à la baisse du nombre des assujettis devrait se confirmer dans les années à venir.

Au sein des foyers assujettis, le nombre de foyers dégrevés a progressé de manière continue entre 2015 et 2021, augmentant de près d’un million alors que le nombre de foyers payants diminuait de 600 000 sur la même période. Ainsi, en 2021, plus de 4,6 millions de foyers, soit 16,5 % des foyers ([19]), ont bénéficié d’un dégrèvement pour un montant total de 627 millions d’euros.

L’adossement de la CAP à la taxe d’habitation a conduit, en 2005, à un rapprochement des catégories de bénéficiaires de dégrèvements de la contribution de ceux de la taxe d’habitation ([20]). Ils sont principalement définis aux 2° et 3° de l’article 1605 bis.

Les bénéficiaires d’un dégrèvement de CAP

– les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ;

– les contribuables âgés de plus de 60 ans, les veufs et les veuves, les invalides ou les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) sous conditions de ressources ([21]) et de cohabitation ([22]) ;

– dans les départements d’outre-mer, les redevables occupant à titre d’habitation principale un immeuble dont la valeur locative n’excède pas 40 % (ou 50 % sur délibération de la commune) de la valeur locative moyenne des locaux d’habitation de la commune ;

– les personnes dont le revenu fiscal de référence est nul ;

– les habitants reconnus indigents ;

– les bénéficiaires du régime dit « des droits acquis » ([23]) ;

– les personnes relevant du dispositif de maintien exceptionnel de dégrèvement de la CAP dit « dispositif vieux parents » ([24]) ;

– les ambassadeurs et autres agents diplomatiques de nationalité étrangère dans la commune de leur résidence officielle et pour cette résidence seulement, dans la mesure où les pays qu’ils représentent concèdent des avantages analogues aux ambassadeurs et agents diplomatiques français.

Par ailleurs, l’article 1691 ter du code général des impôts prévoit qu’il est accordé aux ayants-droit et, le cas échéant, aux cohabitants redevables des victimes d’actes de terrorisme, des militaires décédés lors d’une opération extérieure ou de sécurité intérieure ou qui décèdent de leurs conséquences, ainsi que des sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes et agents des douanes décédés dans l’accomplissement de leur mission ou des suites de leurs blessures et qui sont cités à l’ordre de la Nation, un dégrèvement de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public au titre de l’année du décès, applicable à l’imposition établie au nom du redevable décédé, pour l’habitation qui constituait sa résidence principale.

Aux termes du 5° de l’article 1605 bis, l’avis d’imposition de la contribution à l’audiovisuel public est émis avec celui de la taxe d’habitation afférent à l’habitation principale du redevable. Cependant, lorsque les personnes au nom desquelles la taxe d’habitation est établie cohabitent avec des personnes qui ne font pas partie de leur foyer fiscal, la contribution est due par les personnes redevables de la taxe d’habitation. Lorsque la taxe d’habitation est établie au nom de plusieurs personnes appartenant à des foyers fiscaux différents, la contribution est due par l’une ou l’autre de ces personnes. Lorsque le téléviseur est détenu dans un local meublé occupé à titre d’habitation secondaire et imposé à la taxe d’habitation au nom de plusieurs personnes qui appartiennent à des foyers fiscaux différents et qui ne détiennent pas d’appareil dans leur habitation principale, ces personnes doivent désigner celle d’entre elles qui sera redevable de la contribution. À défaut, la contribution est due par les personnes dont le nom est porté sur l’avis d’imposition de taxe d’habitation afférent à ce local.

Selon le 7° de l’article 1605 bis, le recouvrement, le contrôle, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges de la CAP des particuliers sont régis comme en matière de taxe d’habitation.

Ainsi, le paiement de la CAP s’effectue en même temps que celui de la taxe d’habitation. Il peut avoir lieu :

– à la réception, par le redevable, de son avis et au plus tard au mois de novembre ou de décembre ;

– par un prélèvement à l’échéance, qui prend la forme d’un prélèvement unique au mois de novembre ou de décembre ([25]) ;

– par un prélèvement mensuel, couplé avec celui de la taxe d’habitation ([26]).

Sur les 23 millions de foyers de redevables de la CAP en 2021, 9,8 millions sont titulaires d’un contrat de mensualisation au titre de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, dont 7 millions au titre de la seule CAP.

b.   La contribution due par les professionnels

Selon le 2° du II de l’article 1605, les personnes physiques à titre professionnel et les personnes morales ([27]) sont assujetties à la CAP sous réserve de détenir au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la contribution est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France.

Aux termes de l’article 1605 ter, la CAP est due pour chaque téléviseur ou dispositif assimilé détenu au 1er janvier. Toutefois, un abattement est appliqué au taux de 30 % sur la contribution due pour chacun des points de vision à partir du troisième et jusqu’au trentième, puis de 35 % à partir du trente et unième ; ce décompte est opéré par établissement. Les hôtels de tourisme dont la période d’activité annuelle n’excède pas neuf mois bénéficient d’une minoration de 25 % de l’impôt dû. En revanche, pour les débits de boissons alcoolisées à consommer sur place, le montant de la CAP est multiplié par quatre.

Par ailleurs, sont exclus du champ d’application de la CAP certains matériels comme ceux utilisés par les organismes de télévision, ceux détenus en vue de la recherche, de la production et de la commercialisation de ces appareils, ceux détenus par les établissements d’enseignement, ceux fonctionnant en circuit fermé pour la réception de signaux(vidéosurveillance, écrans d’information dans les gares et les aéroports, etc.), ceux à bord de navires et avions assurant les longs courriers, ceux des locaux officiels des missions diplomatiques et consulaires et des organisations internationales situées en France et ceux détenus dans les locaux administratifs de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Sont exonérés de la CAP les personnes morales de droit public pour leurs activités non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, les associations caritatives hébergeant des personnes en situation d’exclusion ainsi que certains établissements de santé, sociaux et médico-sociaux.

S’agissant enfin de la location des appareils récepteurs de télévision, le locataire doit la contribution à l’entreprise de location à raison d’un vingt-sixième de son tarif par semaine ou fraction de semaine de location. L’entreprise de location reverse le montant des contributions perçues au service de l’administration chargée de recouvrer la CAP.

Les professionnels déclarent et acquittent la contribution une fois par an auprès du service des impôts des entreprises dont ils dépendent.

Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges sont régis comme en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

En 2021, 68 000 entreprises sont assujetties à la contribution à l’audiovisuel public, dont 70 % relèvent des secteurs de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration.

2.   Des modalités de contrôle propres à la contribution à l’audiovisuel public

a.   Le droit de communication de l’administration

Une obligation déclarative s’impose, à l’occasion de toute vente de téléviseurs, aux commerçants, constructeurs et importateurs ainsi qu’aux officiers publics et ministériels et aux entreprises dont l’activité consiste en la revente ou le dépôt-vente (article 1605 quater du CGI). Ils doivent souscrire une déclaration collective qui regroupe les déclarations individuelles de chaque acquéreur et l’adresser à l’administration chargée du contrôle de la CAP dans les trente jours suivant la vente. Cette déclaration précise la date d’achat, l’identité de l’acquéreur, sa date et son lieu de naissance. Un double de cette déclaration doit être conservé pendant trois ans par ces professionnels et présenté à toute réquisition des agents de la direction générale des finances publiques. Les opérations de vente entre professionnels sont toutefois dispensées de déclaration.

Par ailleurs, les établissements diffuseurs ou distributeurs de services payants de programmes de télévision sont tenus de fournir à l’administration, sur sa demande, les éléments des contrats de certains de leurs clients strictement nécessaires à l’établissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public (article L. 96 E du livre des procédures fiscales). Ces informations se composent exclusivement de l’identité du client, de son adresse et de la date du contrat.

Le respect de ces obligations est assuré par l’existence de sanctions. Des amendes sont en effet prévues en cas d’inexactitude, d’omission ou de retard dans les déclarations relatives à la détention ou à la vente de téléviseurs ou en cas de refus ou d’omission de la part des établissements diffuseurs ou distributeurs de services payants de programmes de télévision.

Ainsi, aux termes de l’article 1840 W ter du code général des impôts, est prévue une amende de 150 euros en cas d’inexactitude dans la déclaration de revenu d’un particulier, une amende de 150 euros par téléviseur en cas de retard, d’omission ou inexactitude dans les déclarations prévues pour les professionnels, une amende de 150 euros en cas de retard dans la transmission des déclarations de vente de téléviseurs, multipliée par le nombre de téléviseurs en cas de récidive et une amende de 150 euros par téléviseur en cas d’omission dans ces mêmes déclarations. La mise en œuvre, le recouvrement et le contentieux de ces amendes sont régis par les mêmes règles que celles applicables à la taxe à laquelle elles se rattachent, c’est-à-dire les règles applicables en matière de taxe d’habitation pour la contribution à l’audiovisuel public due par les particuliers et celles applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires pour la contribution à l’audiovisuel public due par les professionnels.

L’article 1840 W quater dispose que les établissements diffuseurs ou distributeurs de services payants de programmes de télévision qui s’abstiennent volontairement de fournir les renseignements demandés par l’administration dans le cadre du contrôle de la contribution à l’audiovisuel public ou qui auront fourni des renseignements inexacts ou incomplets sont passibles d’une amende de 15 euros par information inexacte ou manquante.

b.   Le pouvoir de contrôle de l’administration

Aux termes de l’article L. 61 B du livre des procédures fiscales, lorsque les agents de la direction générale des finances publiques (DGFip) constatent une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de la contribution à l’audiovisuel public, les rehaussements correspondants sont effectués suivant la procédure de rectification contradictoire.

Pour le contrôle de la contribution à l’audiovisuel public, ces agents peuvent procéder au constat matériel de la détention des téléviseurs ou dispositifs assimilés. Lorsqu’une infraction aux obligations déclaratives est constatée, les agents de la DGFip peuvent dresser un procès-verbal faisant foi jusqu’à preuve du contraire.

L’article L. 172 F prévoit que le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la contribution à l’audiovisuel public est due.

Lors de la campagne 2020-2021, environ 130 000 contrôles ont été effectués conduisant à une mise en recouvrement supplémentaire de 10,1 millions d’euros.

3.   Le taux de la contribution à l’audiovisuel public

Aux termes du III de l’article 1605, le montant de la contribution à l’audiovisuel public est de 138 euros pour la France métropolitaine et de 88 euros pour les départements d’outre-mer. Ce montant est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée.

Évolution du montant de la contribution à l’audiovisuel public

(en euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

LFI 2022

Tarif métropole

125

131

133

136

137

138

139

139

138

138

138

Tarif outre-mer

80

84

85

86

87

88

89

89

88

88

88

Source : lois de finances de 2012 à 2022.

Alors qu’elle avait été stabilisée à 116 euros en métropole de 2005 à 2008, la CAP a connu une progression soutenue entre 2009 et 2012 – son montant passant de 118 à 125 euros (+ 6 %) –, sous le double effet de son indexation annuelle sur l’indice des prix à la consommation hors tabac et d’augmentations qualifiées de « coups de pouce ». Cette croissance s’est accélérée entre 2012 et 2016 (+ 10 %), avant de ralentir à partir de 2018, où la CAP a atteint un montant maximum de 139 euros en France métropolitaine et de 89 euros en outre-mer ([28]).

L’absence de revalorisation sur l’inflation à partir de 2018 conjuguée à la baisse d’un euro en 2020 conduit à un montant de la contribution de 138 euros en France métropolitaine et de 88 euros en outre-mer en 2022. Ce montant est supérieur à la contribution moyenne observée au sein de l’Union européenne, qui s’établit à 125,44 euros.

Une quinzaine d’États de l’Union perçoivent en effet une redevance ou une taxe dans le but de financer le secteur audiovisuel public : l’Allemagne, l’Autriche, la Croatie, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. Le Danemark a, pour sa part, engagé la suppression de ce dispositif en 2022. À l’inverse, douze États membres, dont l’Espagne et les Pays-Bas, ne collectent pas de contribution.

4.   Le produit de la contribution à l’audiovisuel public

Les ressources issues de la contribution à l’audiovisuel public ont régulièrement augmenté jusqu’en 2019 sous l’effet de la croissance de son assiette – le nombre de foyers redevables a progressé de 22,54 en 2012 à 23,19 millions en 2019 – et de son taux, qui est passé de 125 euros en France métropolitaine et 80 euros dans les départements d’outre-mer en 2012 à respectivement 139 euros (+ 11,2 %) et 89 euros (+ 11,3 %).

En revanche, les encaissements bruts de la contribution ont diminué à partir de 2020 sous l’effet de la baisse de son montant ainsi que du nombre de redevables qui résulte, pour les particuliers, de la baisse de leur taux d’équipement et, pour les professionnels, de la fermeture de leurs établissements au cours de la crise sanitaire.

Évolution du produit de la contribution à l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

LFI 2022

Encaissements bruts particuliers

2 710

2 875

2 958

3 064

3 020

3 077

3 120

3 136

3 053

3 110

3 039

Encaissements bruts professionnels

106

111

114

117

120

126

130

130

112

107

130

Total encaissements bruts

2 816

2 986

3 072

3 181

3 140

3 203

3 250

3 266

3 165

3 217

3 169

Source : ministère des comptes publics.

B.   Le compte de concours financiers Avances À l’audiovisuel public

Le financement de l’audiovisuel public est assuré en dehors du budget général de l’État, par le compte spécial Avances à l’audiovisuel public qui relève de la catégorie des comptes de concours financiers (CCF) et dont le régime est fixé à l’article 24 de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF) ([29]).

Les comptes de concours financiers

L’article 24 de la LOLF dispose que les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’État.

Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l’objet, selon la situation du débiteur : soit d’une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ; soit d’une décision de rééchelonnement faisant l’objet d’une publication au Journal officiel ; soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d’une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l’exercice dans les conditions prévues à l’article 37 de la LOLF. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

Créé par le VI de l’article 46 de la loi de finances pour 2006 ([30]) pour remplacer le compte d’avances n° 903-60 Avances aux organismes de l’audiovisuel public, le CCF Avances à l’audiovisuel public, dont le ministre chargé du budget est l’ordonnateur principal, retrace :

– en recettes : d’une part, les remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle pris en charge par le budget général de l’État ;

– en dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés France Télévisions, ARTE France, Radio France et France Médias Monde et à l’établissement public de l’INA.

Cependant, ce compte ne respecte pas pleinement les principes relatifs au fonctionnement des comptes spéciaux tels que définis par la LOLF. La Cour des comptes considère ainsi que « les remboursements d’avances ne constituent pas des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte par deux flux : le produit de la contribution à l’audiovisuel public et la valeur du montant des dégrèvements » ([31]).

En outre, les dépenses du compte ne peuvent être considérées comme des avances dès lors que les bénéficiaires ne les appréhendent pas comptablement comme telles. La Cour relève que « les organismes publics n’inscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de l’avance consentie par l’État ». Ainsi, « l’opération ne se solde, en cours d’année, par aucun versement d’intérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin d’année, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers » ([32]), contrairement aux principes fixés par l’article 24 de la LOLF.

Le recours à un compte de concours financiers apparaît d’autant plus contestable que, depuis 2018, la contribution à l’audiovisuel public est considérée par l’INSEE comme un prélèvement obligatoire – et non plus comme un achat de services audiovisuels – et que, depuis cette même année, les versements de l’État au compte sont intégrés dans le champ des organismes divers d’administration centrale et qu’ils sont, par conséquent, pris en compte dans la norme de dépense annuelle.

1.   Les recettes du compte de concours financiers

Après avoir inclus de 2016 à 2018 une part de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) ([33]), les recettes du compte de concours financiers sont à nouveau composées des seuls encaissements nets de CAP et du versement réalisé à partir de l’action 12 du programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, rattaché à la mission Remboursements et dégrèvements du budget général, au titre des compensations par l’État des dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public.

Évolution des recettes du compte de concours financiers

(en millions d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022*

Encaissements bruts de CAP

2 816

2 986

3 072

3 181

3 140

3 203

3 250

3 366

3 165

3 217

3 169

Encaissements nets de CAP

2 788

2 957

3 043

3 153

3 111

3 174

3 220

3 236

3 136

3 188

3 141

Dégrèvements

503

490

508

514

617

592

589

623

653

531

561

Dont mécanisme de garantie

 

 

 

 

103

29

 

71

111

43

 

Total CAP (TTC)

3 290

3 448

3 551

3 667

3 728

3 766

3 809

3 860

3 789

3 719

3 701

Part du produit de la TOCE

139

164

85

– 

Total (TTC)

3 290

3 448

3 551

3 667

3 867

3 931

3 895

3 860

3 789

3 719

3 701

* Prévisions de recettes.

Source : ministère des comptes publics.

● L’écart entre les encaissements bruts et nets résulte du prélèvement opéré par l’État au titre des frais d’assiette et de recouvrement qu’il prend à sa charge, conformément à 1’article 1647 du code général des impôts. Le XI de cet article précise que l’État effectue un prélèvement de 1 % sur le montant de la contribution à l’audiovisuel public. En pratique, les frais de gestion et de trésorerie sont de 28 à 29 millions d’euros chaque année.

● La compensation au titre des remboursements et dégrèvements fait l’objet d’un plafonnement en loi de finances initiale, mais le versement effectué en gestion correspond à l’écart entre les recettes nettes de contribution à l’audiovisuel public et le montant total des dotations inscrites en loi de finances initiale, en application du dispositif de garantie des ressources. En effet, le VI de l’article 46 prévoit un mécanisme de garantie des ressources des organismes de l’audiovisuel public selon lequel si les encaissements de contribution à l’audiovisuel public nets sont inférieurs au montant prévu en loi de finances initiale, la limite de la prise en charge par le budget général de l’État est majorée à due concurrence.

Ce mécanisme a ainsi trouvé à s’appliquer en 2006 (à hauteur de 65 millions d’euros), 2010 (2,3 millions), 2016 (103,3 millions), 2017 (28,9 millions), 2019 (71 millions), 2020 (111 millions) et 2021 (43 millions).

À l’inverse, si les encaissements nets de CAP sont plus élevés que le montant prévu en loi de finances initiale, les dégrèvements de CAP compensés par les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements sont minorés à due concurrence, comme en 2018 (à hauteur de 5 millions d’euros).

2.   Les dépenses du compte de concours financiers

Les dépenses du compte de concours financiers sont constituées des dotations destinées aux sociétés France Télévisions, ARTE France, Radio France et France Médias Monde ainsi qu’à l’établissement public de l’Institut national de l’audiovisuel.

Évolution des dÉpenses du compte de concours financiers

(en AE=CP et en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

LFI 2022

France Télévisions

2 135

2 300

2 430

2 369

2 560

2 598

2 568

2 543

2 482

2 421

2 407

ARTE France

268

268

266

267

270

280

285

283

281

279

279

Radio France

623

618

614

614

619

625

609

605

600

591

589

France Médias Monde

171

169

170

247

249

257

263

261

260

260

260

TV5 Monde

78

78

80

79

78

78

78

78

INA

92

92

71

91

91

91

90

89

88

90

90

TOTAL (TTC)

3 290

3 448

3 551

3 667

3 867

3 931

3 895

3 860

3 789

3 719

3 701

Source : ministère des comptes publics.

● La contribution à l’audiovisuel public est soumise à la TVA au taux super réduit de 2,10 % en application des dispositions du 3° du III de l’article 257 et de l’article 281 nonies du CGI. Ainsi, le montant des dotations prévues en loi de finances initiale et versées aux organismes de l’audiovisuel public est un montant « toutes taxes comprises » sur lequel ces organismes collectent de la TVA qu’ils reversent à l’État. Cette taxation est effectuée par les organismes de l’audiovisuel public lorsqu’ils perçoivent de l’État les concours financiers correspondants.

Les montants correspondants aux dotations hors taxes sont ceux figurant dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) négociés entre l’État et France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE France et l’INA.


 

LES CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS

Prévus à l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les contrats d’objectifs et de moyens déterminent notamment, dans le respect des missions de service public telles que définies à l’article 43-11, pour chaque société ou établissement public :

– les axes prioritaires de son développement ;

– les engagements pris au titre de la diversité et de l’innovation dans la création ;

– le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus ;

– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;

– les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines

– les montants minimaux d’investissements de France Télévisions dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;

– le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.

Ces COM ainsi que leurs éventuels avenants sont, avant leur signature, transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat et à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Le COM de France Médias Monde est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l’objet d’un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces COM ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de six semaines. L’ARCOM formule un avis sur les COM de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de quatre semaines.

 

● Aux termes du VI de l’article 46 de la loi de finances pour 2006, les avances sont versées chaque mois – en pratique le 5 du mois – aux organismes bénéficiaires à raison d’un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte. Le montant des avances mensuelles est ajusté sur la base des recettes prévisionnelles attendues en fonction des mises en recouvrement dès que celles-ci sont connues. Le solde est versé lors des opérations de répartition des recettes arrêtées au 31 décembre de l’année considérée.

Les versements ne peuvent avoir pour effet de porter les avances effectuées pendant l’année civile à un montant supérieur aux recettes effectives du compte.

● Il ressort de l’évolution des dotations versées à l’audiovisuel public qu’après avoir connu une progression soutenue entre 2012 et 2017, pour atteindre plus de 3,9 milliards d’euros, elles ont diminué à compter de 2018, conformément à la trajectoire d’économies définie par le Gouvernement, qui prévoyait une réduction des moyens alloués à l’audiovisuel public de 190 millions d’euros (194 millions TTC) entre 2018 et 2022.

Toutefois, il convient de souligner que l’État a mobilisé des moyens supplémentaires en 2021 et en 2022 au profit de l’audiovisuel public pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. 73 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont ainsi prévus par le programme Compétitivité de la mission Plan de relance pour compenser le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d’un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire.

moyens mobilisés pour l’audiovisuel public
par le plan de relance

(en millions d’euros)

 

2021

2022

Total 2021-2022

France Télévisions

45

45

ARTE France

5

5

Radio France

15

5

20

France Médias Monde

0,5

0,5

TV5 Monde

0,5

0,5

INA

2

2

TOTAL

68

5

73

Source : lois de finances.

Par ailleurs, l’État participe, par des augmentations de capital, au financement des plans de départs volontaires résultant de la trajectoire d’économies demandée à l’audiovisuel public à hauteur de 67 millions d’euros sur la période 2020-2022, ainsi qu’à celui des travaux relatifs à la Maison de la radio à hauteur de 44 millions d’euros sur la même période.

II.   le Dispositif proposé

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République au mois de mars 2022, le présent article propose de supprimer, dès cette année, la contribution à l’audiovisuel public et, ainsi, de restituer 3,2 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux redevables de cette contribution.

Tirant les conséquences de cette suppression, le présent article prévoit de clôturer le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public à la fin de l’année 2022 et de créer, dès à présent, une mission au sein du budget général de l’État, dénommée Audiovisuel public et qui accueille les subventions versées à l’audiovisuel public.

A.   la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Alors que la contribution à l’audiovisuel public est l’objet de deux régimes distincts, l’un pour les particuliers, l’autre pour les professionnels, il est proposé de supprimer l’intégralité de la contribution.

En effet, pour les particuliers, cette contribution voit son fait générateur s’éloigner de plus en plus de la réalité des usages et tient insuffisamment compte des capacités contributives des redevables.

Pour les professionnels, son maintien pourrait susciter une incompréhension de leur part, d’autant plus que la fermeture de nombreux établissements pendant la crise sanitaire a mis en évidence, d’une part, l’absence de lien entre cette taxe, toujours due, et leur activité réelle et, d’autre part, le montant souvent élevé de cette taxe pour les petites entreprises du secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration ([34]). En outre, l’enjeu budgétaire apparaît dérisoire en comparaison de celui de la suppression de la contribution des particuliers. Enfin, l’abrogation de la contribution due par les professionnels a pour objet de tirer pleinement les conséquences de la suppression du compte de concours financiers.

1.   L’abrogation de la contribution

Le 6° du II de l’article 1er supprime les articles 1605 à 1605 ter du code général des impôts, qui fondent le régime de la contribution à l’audiovisuel public. Aux termes du A du IX du même article, cette abrogation est rétroactive au 1er janvier 2022.

Il en résulte que la plupart des redevables de la contribution à l’audiovisuel public, qui s’en acquittaient au mois de novembre ou de décembre, ne recevront pas, à l’automne 2022, d’avis d’imposition à cette contribution.

En revanche, les redevables mensualisés doivent être remboursés des versements déjà réalisés. Aussi, le V de l’article 1er prévoit-il que le montant des mensualités de contribution à l’audiovisuel public versées pour les impositions émises au titre de 2022 est, le cas échéant, imputé sur le montant de taxe d’habitation mis en recouvrement et, s’il y a lieu, restitué. Il ajoute que la disposition prévue au 2 de l’article 1681 ter selon laquelle le trop-perçu éventuel est remboursé au contribuable au plus tard à la fin du mois qui suit celui au cours duquel il est constaté n’est pas applicable à ces mensualités.

L’article 1er abroge également, de manière rétroactive au 1er janvier 2022, les dispositions relatives :

– au dégrèvement de contribution associé à l’exonération de taxe d’habitation en faveur des victimes du terrorisme et des membres des forces de l’ordre décédées en mission inscrit au 1° de l’article 1691 ter du CGI (8° du II de l’article 1er). Son 9° du II prévoit également la suppression de cette exonération de taxe d’habitation à compter du 1er janvier 2023 (B du IX) par cohérence avec la suppression de la taxe d’habitation due au titre des résidences principales à compter de cette même date ;

– aux frais d’assiette et de perception prévues au XI de l’article 1647 du CGI (6° du II de l’article 1er) ;

– aux modalités de paiement de la CAP inscrites aux articles 1681 ter et 1681 sexies du CGI (7° et 8° du II) ;

– au contrôle de la contribution prévu à l’article 1605 quater (6° du II). En revanche, l’abrogation de celles inscrites aux articles 1840 W ter et 1840 W quater du CGI et L. 61 B, L. 96 E et L. 172 F du livre des procédures fiscales (10° du II et 1° du III de l’article 1er) est reportée au 1er janvier 2025, afin de tenir compte du délai de reprise de la contribution ;

– à l’assujettissement de la CAP à la TVA issu du 3° du III de l’article 257 et de l’article 281 nonies du CGI (1° et 3° du II). Les conséquences de la suppression du taux super réduit de 2,1 % sur la CAP sont tirées à l’article 278-0 A (relatif au calcul de la TVA) et au 3° du II de l’article 298 sexdecies I (qui fixe le régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l’importation) du CGI par le 2° du II de l’article 1er ainsi qu’au 3° du I et au b du 1° du I bis de l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales, relatif aux mesures conservatoires dans le cadre de la procédure de flagrance fiscale, par le 2° du III.

L’article 1er procède par ailleurs aux coordinations nécessaires avec les articles 1414 et 1417 du CGI, en lien avec la taxe d’habitation. S’agissant des règles relatives aux dégrèvements de CAP et de taxe d’habitation, le 4° du II de l’article 1er tire les conséquences, au IV de l’article 1414 du CGI relatif au dégrèvement de taxe d’habitation en cas d’occupation du logement principal avec des enfants majeurs, inscrits comme demandeurs d’emploi et disposant de ressources très modestes, par la suppression du dégrèvement de CAP dont bénéficiaient les contribuables âgés de plus de 60 ans et les veufs et veuves sous condition de ressources et de non-imposition à l’IFI. En outre, le 5° du II de l’article 1er supprime, au sein de l’article 1417 du CGI qui fixe les conditions de ressources pour bénéficier des exonérations de taxe foncière, de taxe d’habitation et de CAP, la référence à la CAP au 1er janvier 2022 (i du a et b du 5°) et celle à la taxe d’habitation au 1er janvier 2023 (ii du a du 5° et B du IX). Tirant les conséquences de cette dernière suppression, le IV de l’article 1er abroge les dispositions de l’article 16 de la loi de finances pour 2020 qui, « nettoyant » le code général des impôts des dispositions relatives à la taxe d’habitation sur les résidences principales à compter du 1er janvier 2023, sont de fait devenues inutiles.

2.   Les mesures de conséquence

Parmi les principales mesures de conséquence figurent :

– la suppression, par le I de l’article 1er, au sein des articles L. 115-7 et L. 115-8 du code du cinéma et de l’image animée, du produit de la contribution à l’audiovisuel public au titre de l’activité d’éditeur de services de télévision, de l’assiette de la taxe sur les éditeurs de services de télévision (TST-E). Aux termes du A du IX du même article, l’entrée en vigueur de cette disposition est rétroactive au 1er janvier 2022 ;

– la modification apportée par le 3° du VIII de l’article 1er aux conditions fixées par l’article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour bénéficier d’une aide à l’équipement. Cette aide, qui est destinée aux foyers ne recevant les services de télévision en clair que par la voie hertzienne terrestre, ne sera plus attribuée aux foyers dégrevés de la CAP mais aux foyers sous condition de ressource. S’agissant des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, pour lesquelles la notion de dégrèvement de la CAP n’était pas prise en compte, il est précisé que l’aide sera attribuée sans condition de ressource.

3.   L’effet sur le solde des administrations publiques

En 2022, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public dégradera le solde budgétaire de l’État et le solde des administrations publiques de 3,1 milliards d’euros, soit le montant des encaissements nets de contribution prévus en loi de finances initiale pour alimenter le compte de concours financiers.

En matière de prélèvements obligatoires en comptabilité nationale, la suppression de la contribution aura pour effet de réduire les recettes fiscales de 3,2 milliards d’euros. Les recettes de la contribution ne sont pas recouvrées intégralement au cours d’un même exercice : environ 10 % du produit de la CAP due pour une année est recouvré au cours des deux années suivantes.

B.   LA nÉcéssité d’UNE REFOrme DU mode de FINANCEMENT de l’audiovisuel public

La refonte du mode de financement de l’audiovisuel public repose sur la suppression du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public et sur la création concomitante d’une nouvelle mission Audiovisuel public au sein du budget général de l’État.

1.   La suppression du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public

Le VII de l’article 1er tire les conséquences, au sein de l’article 46 de la loi de finances pour 2006 relatif au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, de la suppression de la contribution en deux temps.

a.   La mise en extinction du compte

Son 1° fixe le dispositif qui prévaudra du mois d’août 2022 au mois de décembre 2022.

 Pour ce qui concerne les dépenses du compte, le a) du 1° complète les dispositions en vigueur pour prévoir qu’à compter du 1er août 2022, aucune dépense n’est imputée sur le compte.

En conséquence, le d) du 1° limite au 1er août 2022 le versement mensuel, à raison d’un douzième des dépenses prévisionnelles du compte, des avances aux organismes bénéficiaires et le e) du même 1° supprime la précision selon laquelle les versements ne peuvent avoir pour effet de porter les avances effectuées à un montant supérieur aux recettes effectives du compte car tel ne sera pas le cas en 2022 (cf. infra II.B.1.b).

Compte tenu de la date du versement des avances – le 5 de chaque mois –, 2 159 millions d’euros (correspondant aux versements effectués de janvier à juillet 2022) devraient avoir été versés au 1er août 2022 sur les 3 701 millions d’euros votés en loi de finances initiale.

Aussi, il ressort de l’article 8 du présent projet de loi de finances, relatif aux ouvertures et annulations de crédits sur les comptes spéciaux, et de l’état D annexé, que le solde, soit 1 542 millions d’euros, est annulé sur le compte de concours financiers.

● Pour ce qui concerne les recettes du compte, le b) du 1° supprime le montant des dégrèvements pris en charge par l’État et le e) abroge le mécanisme de garantie de ressources.

Le c) du même 1° supprime les règles relatives au calcul des frais d’assiette et de recouvrement ainsi que celles relatives au taux d’intérêt s’appliquant au compte.

b.   La clôture du compte

Le 2° du VII prévoit la clôture du compte au 31 décembre 2022.

Compte tenu de ses règles de fonctionnement, le compte devrait être clos en déséquilibre. En effet, les dotations à l’audiovisuel public auront été versées du mois de janvier au mois de juillet 2022 inclus, soit à hauteur des 7/12èmes du montant voté en loi de finances initiale, alors que les encaissements n’auront été constitués que par les versements réalisés jusqu’au mois de juillet par les redevables mensualisés, qui représentent bien moins de la moitié des redevables, et par les reliquats de régularisation des années antérieures à 2022.

Le montant exact de ce déficit sera constaté en fin d’année, où il entrera, comme le solde des autres comptes spéciaux, dans le déficit budgétaire général de l’État.

2.   La création d’une mission Audiovisuel public au sein du budget général

a.   Le dispositif transitoire

Au titre du dispositif de remplacement du compte de concours financiers, le a) du 1° du VII, qui complète les dispositions de l’article 46 de la loi de finances pour 2006 relatives aux dépenses de ce compte, prévoit qu’une subvention du budget général de l’État permet de verser aux organismes de l’audiovisuel public une dotation à titre de compensation jusqu’au 31 décembre 2022. Cette subvention leur est versée dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi de finances rectificative.

En conséquence, il ressort de l’article 6 du présent projet de loi de finances, relatif aux ouvertures et annulations de crédits sur le budget général, et de l’état B annexé, qu’une mission Audiovisuel public est créée au sein du budget général de l’État, comprenant six programmes– un par organisme – eux-mêmes composés d’une seule action et dotée de 1 525 millions d’euros.

L’écart de 17 millions d’euros entre le montant annulé sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public (1 542 millions d’euros) et celui ouvert sur la mission Audiovisuel public (1 525 millions) est justifié par les conséquences à tirer de la suppression de la TVA sur la contribution, subséquente à l’abrogation de cette même contribution, ainsi que par le changement de régime de droit à déduction de TVA de certains des organismes de l’audiovisuel public.


 

La neutralisation des effets liés à la TVA

L’écart de 17 millions d’euros entre le montant annulé et celui ouvert au titre de l’audiovisuel public résulte de deux mouvements contraires, tous deux rendus nécessaires pour neutraliser les effets liés à la TVA.

Le premier mouvement, qui se traduit par une diminution brute des moyens alloués à l’audiovisuel public de 32 millions d’euros ([35]), a pour objet de tirer les conséquences de la fin de la collecte de la TVA au taux super réduit de 2,1 % par les organismes de l’audiovisuel public. Comme indiqué supra (cf. I.B.1.), le montant des dotations prévues en loi de finances initiale était fixé à un niveau permettant aux organismes d’inscrire, après collecte de la TVA, une dotation publique dans leur compte de résultat correspondant à la dotation hors taxe telle que prévue dans leur contrat d’objectifs et de moyens. Ainsi, sur les 76 millions prévus en loi de finances initiale pour 2022 au titre de la TVA, 32 millions, correspondant aux cinq mois restants, sont supprimés. Ce mouvement est sans incidence pour les organismes de l’audiovisuel public, leur dotation hors taxe étant maintenue au niveau fixé dans leur COM.

Le second mouvement, qui se traduit par l’augmentation des dotations destinées à ARTE France (+ 7,9 millions d’euros) et à France Médias Monde (+ 6,8 millions), a pour objet de compenser la perte de leur droit à déduction intégrale de TVA à la suite de leur changement de statut. En effet, alors qu’aujourd’hui l’ensemble des organismes de l’audiovisuel public bénéficient d’un droit à déduction intégrale, ARTE France et France Médias Monde devraient en perdre le bénéfice car, à la suite du remplacement de la CAP assujettie à la TVA par une dotation budgétaire non assujettie à la TVA, leurs ressources propres, désormais seules assujetties à la TVA, ne devraient pas dépasser 10 %. Ces deux organismes devraient devenir « assujettis partiels » et, par conséquent, voir leur régime de droit à déduction de TVA sur leurs factures de fournisseurs modifié.

 

Au total, la diminution de 17 millions d’euros de l’enveloppe globale destinée à l’audiovisuel public au titre des cinq derniers mois de l’année n’aura pas d’effet sur ces organismes dont les moyens pour 2022 devraient correspondre aux dotations hors taxes inscrites dans leurs COM et prévues en loi de finances initiale.

Le détail de l’évolution des dotations par organisme est retracé dans le tableau ci-après.

Évolution des dotations de l’audiovisuel public
entre l’ancien compte de concours financiers et la nouvelle mission

(en millions d’euros)

 

Compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public

Mission Audiovisuel public

France Télévisions

1 003

982

ARTE France

116

122

Radio France

245

240

France Médias Monde

108

113

Institut national de l’audiovisuel

37

37

TV5 Monde

32

32

Total

1 542

1 525

Source : projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Il est précisé, dans l’évaluation préalable du présent article, que « s’agissant de la neutralisation de la perte du droit à déduction de TVA, les ouvertures prévues en PLFR seront des estimations du besoin des organismes concernés et pourront faire l’objet de correction en fin de gestion ».

b.   Le dispositif pérenne

Le VI de l’article 1er prévoit qu’à compter du 1er janvier 2023, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public donne lieu à une compensation sous forme de subventions du budget général de l’État. Les dotations ont vocation à être inscrites au sein de la mission Audiovisuel public créée par le présent projet de loi de finances.

Ce même VI ajoute que ces subventions sont versées à France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde et l’INA ainsi qu’à TV5 Monde chaque année « pour leur montant intégral dans un délai d’un mois maximum à compter de l’ouverture de la gestion ». Cette dernière précision a pour objet de préserver les organismes de l’audiovisuel public des mesures de régulation budgétaire qui pourraient les concerner au cours de l’année.

Outre la prise en compte des effets directs en matière de TVA de la réforme, le projet de loi de finances à venir devra également tenir compte de ses effets indirects. En effet, aux termes de l’article 213 du CGI, la taxe sur les salaires, au taux de 4,25 %, est due par les entreprises et les organismes qui emploient des salariés lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations.

Ainsi, la suppression de la TVA aura mécaniquement pour conséquence de faire entrer les sociétés d’audiovisuel public dans le champ d’application de la taxe sur les salaires. Selon l’évaluation préalable de l’article 1er, « une première estimation évalue l’incidence à environ 100 M€ pour le secteur, mais ce chiffre doit être affiné pour 2023, le montant de la taxe pouvant être inférieur dès lors que la dotation publique versée aux sociétés aura été assujettie à la TVA durant une partie de l’année 2022 ».

III.   La position du rapporteur gÉNÉral

Le rapporteur soutient l’abrogation de la contribution à l’audiovisuel public car elle permet, dans un contexte d’inflation galopante, de rendre du pouvoir d’achat à hauteur de 3,2 milliards d’euros dès 2022.

En outre, il apparaît que cette contribution n’a plus lieu d’être. Son fait générateur – la détention d’un téléviseur – a perdu beaucoup de sa pertinence avec la baisse continue du taux d’équipement des foyers français concomitante à l’augmentation de l’usage des ordinateurs, tablettes et smartphone. Par ailleurs, cet impôt apparaît comme fortement dégressif  ([36]). Enfin, son mode de collecte, adossé à la taxe d’habitation, est appelé à disparaître pour les résidences principales au 1er janvier 2023. Ainsi, l’abrogation de la contribution à l’audiovisuel public parachève la réorganisation des services des impôts des particuliers engagée avec la disparition de la taxe d’habitation pour les résidences principales ; 1 000 équivalents temps plein seraient concernés  ([37]).

La fin de la contribution à l’audiovisuel public emporte une réforme du mode de financement de ce dernier. À cet égard, la suppression du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public doit être saluée. En effet, son utilisation n’est pas pleinement conforme aux principes posés par la LOLF et le versement apporté par l’État au titre des dégrèvements s’est apparenté, au fil des ans, à la variable d’ajustement du compte, dont le lien avec le nombre de foyers effectivement dégrevés s’est peu à peu estompé.

La création d’une mission, au sein du budget général de l’État, destinée à accueillir les dotations de l’audiovisuel public, est à même de garantir l’indépendance du financement de ce dernier.

Il y a, en effet, pour les organismes de l’audiovisuel public, peu de différences entre le compte de concours financiers et la nouvelle mission. Ainsi, tous deux ont la même architecture et sont soumis au vote du Parlement. D’ailleurs, le financement par une ressource affectée ne constituait pas une garantie contre la baisse de la contribution, comme la réduction d’un euro du montant de la contribution l’a démontré en 2020. Tous deux sont également soumis à la norme de dépenses.

Certes, les programmes d’une mission budgétaire peuvent faire l’objet de mesures de mise en réserve et de régulation budgétaire en cours d’année. Cependant, la rédaction du VI de l’article 1er, précisée par l’amendement de la commission proposé par le rapporteur général, prévoit que les subventions destinées aux organismes de l’audiovisuel public leur sont versées pour leur montant voté en loi de finances initiale dans le délai d’un mois maximum après l’ouverture de la gestion, de telle sorte que les enveloppes de ces organismes seront préservées de toute mise en réserve et régulation. En outre, alors que ces entreprises recevaient chaque mois, un douzième de leurs dotations, le versement se fera en une seule fois au début de l’année, leur conférant des modalités de gestion infra-annuelle plus importantes.

Par ailleurs, l’inscription des moyens de l’audiovisuel public au sein d’une mission budgétaire leur conférera une plus grande visibilité à moyen terme. En effet, ils seront inclus dans la loi de programmation des finances publiques, ce qui n’était pas le cas du compte de concours financiers. Il conviendra de veiller à la bonne articulation entre cette loi de programmation et les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État et les organismes de l’audiovisuel public.

Enfin, il convient de souligner que la justice voit ses moyens inscrits au sein d’une mission budgétaire sans que son indépendance soit remise en cause.

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Amendements de suppression CF2 de Mme Sophie Taillé-Polian, CF43 de M. Charles de Courson, CF72 de M. Inaki Echaniz, CF154 de Mme Ségolène Amiot et CF188 de Mme Karine Lebon.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il s’agit de supprimer l’article 1er qui prévoit la fin de la redevance audiovisuelle car cela remettrait en cause l’indépendance et la garantie des moyens alloués à l’audiovisuel public. Cela nous semble une difficulté majeure alors que l’audiovisuel public assure des missions d’information de qualité, de production audiovisuelle et de soutien à la création qui sont très importantes.

De plus, le dispositif proposé entraînerait une perte de contrôle des parlementaires sur les recettes en faveur de l’audiovisuel public car ils ne pourraient plus voter que pour ou contre la mission budgétaire – déshabiller Radio France pour habiller France Télévisions… Les garanties proposées sur la visibilité de l’investissement public dans l’audiovisuel se limitent à l’inscription d’une trajectoire dans la loi de programmation des finances publiques. Or chacun sait qu’aucune loi de programmation des finances publiques n’a jamais été respectée.

M. Charles de Courson. Est-il acceptable de supprimer un impôt qui finance l’audiovisuel public sans aucune concertation préalable avec qui que ce soit ?

On nous dit qu’il ne tenait pas suffisamment compte des capacités contributives des redevables. Or plus de 20 % des foyers les plus modestes ne payent pas la redevance, principalement pour des motifs sociaux – âge, ressources, etc. – ce qui représente un coût de 700 millions d’euros pris en charge par l’État : l’argument social ne tient pas.

Par quoi remplace-t-on le financement supprimé ? Par des dotations budgétaires, ce qui ne permettra pas d’assurer l’autonomie du secteur audiovisuel public. Une fois que le montant sera fixé, je vous souhaite bien du plaisir pour l’amender, surtout si c’est une mission !

Le vrai problème de cet impôt, c’est son vieillissement : de plus en plus de personnes regardent la télévision sur des tablettes et n’ont pas besoin de posséder un téléviseur. Cela fait des années que nous proposons de le transformer en une contribution sur les nouvelles formes de distribution de la télévision : ce serait cela, la modernisation !

Selon l’évaluation préalable de l’article, une nouvelle imposition des particuliers s’inscrirait à rebours de la priorité du Gouvernement en faveur de la protection du pouvoir d’achat des ménages. Je ne suis pas d’accord, dès lors qu’il s’agit de substituer un nouvel impôt à un ancien. Il est donc urgent de voter la suppression de l’article 1er et de se mettre au travail pour faire des propositions de modernisation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).

M. Inaki Echaniz. Nous voulons supprimer l’article 1er afin de maintenir un financement autonome et pérenne de l’audiovisuel public. Le Gouvernement n’a mené aucune réflexion sur un financement alternatif ni sur l’avenir de l’audiovisuel public. Or, cette suppression remet en cause la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel. Il est mensonger de faire croire que cela représente un gain de pouvoir d’achat car cela suppose de trouver 3,1 milliards d’euros dans le budget de l’État.

L’article visé est d’autant plus dangereux qu’il ne prévoit aucune garantie : il n’assure pas contre la mise en réserve de crédits, n’empêche pas les régulations infra-annuelles et ne crée pas de commission indépendante. À l’heure où les fake news troublent les esprits et où le contexte économique restreint les budgets, nous voulons préserver un service public de l’audiovisuel fort et indépendant.

M. Michel Sala. La suppression de la redevance audiovisuelle dans la précipitation et sans aucune concertation est un véritable tour de passe-passe car elle sera compensée par le budget de l’État : ce qui est donné d’une main est repris de l’autre. Faudra-t-il prendre dans le budget de l’éducation nationale ou des hôpitaux ? C’est irresponsable.

Nous demandons une réforme du financement de l’audiovisuel public garantissant à la fois son indépendance et la pérennité de ses moyens. Plusieurs alternatives sérieuses existent ; nous exigeons un véritable débat avec tous les acteurs concernés.

M. Nicolas Sansu. Nous ne comprenons pas cette précipitation. Nous aurions pu examiner la suppression de la CAP dans le cadre la prochaine loi de finances, en assurant la concertation nécessaire avec tous les acteurs de l’audiovisuel public et en recherchant un financement pérenne garantissant son indépendance. La redevance ne correspond peut-être plus à son époque, mais ne rien prévoir à la place mettrait en danger l’audiovisuel public.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La suppression de la CAP est avant tout un gain de pouvoir d’achat, à hauteur de 3,2 milliards d’euros, pour les foyers français et pour les petites entreprises comme les restaurateurs. Ne dites pas que dix euros par mois, c’est négligeable alors que vous vous insurgiez quand nous avons réduit les APL de cinq euros. Elle est justifiée également en raison du caractère injuste de cet impôt, qui ne tient pas compte des revenus des redevables. De plus, sa base diminue avec l’utilisation de plus en plus répandue d’équipements multimédias et sa collecte est adossée à la taxe d’habitation, laquelle sera définitivement supprimée au 1er janvier 2023.

Pour garantir la visibilité des moyens de l’audiovisuel public, nous nous sommes engagés sur une inscription de leur trajectoire dans la loi de programmation des finances publiques, que nous voterons cet automne.

Ensuite, vous nous dites que rien ne garantit que ce montant ne va pas baisser. Mais aujourd’hui rien ne garantit que la CAP ne baisse pas. D’ailleurs, elle a baissé en 2019. Au contraire, avec cette nouvelle mission, nous aurons, chaque année, une discussion sur le fond dans le cadre du débat budgétaire.

Enfin, je voudrais faire un parallèle avec d’autres missions en prenant pour exemple la justice. Cette dernière voit bien ses crédits inscrits au sein d’une mission relevant du budget de l’État sans que son indépendance soit remise en cause !

M. Mathieu Lefèvre. On note que les groupes de gauche s’opposent à des suppressions d’impôts de plus de dix euros par mois. Pour nous, il s’agit de la suppression heureuse d’un impôt dont l’assiette est obsolète et qui est adossé à un impôt disparu – mais il est vrai que c’est nous qui l’avons supprimé.

Les taxes affectées ne garantissent pas l’indépendance – d’ailleurs, M. de Courson y est opposé, d’habitude. On n’est pas moins indépendant quand on est financé par des crédits budgétaires que quand on l’est par des taxes affectées ; au contraire, une taxe affectée peut diminuer dans le temps. À cinq reprises, ces dernières années, le Gouvernement est venu à la rescousse de l’audiovisuel public avec une subvention d’équilibre.

Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à verser la subvention dès le mois de janvier, donc il n’y aura pas de régulation infra-annuelle, ce qui est une garantie supplémentaire qu’offre le Gouvernement.

S’agissant de l’absence de concertation, cette mesure a été largement débattue pendant la campagne présidentielle et, par là même, validée par les Français.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous voterons contre les amendements de suppression. Nous saluons le fait que la majorité très relative fasse appliquer la promesse de Marine Le Pen, faite en août 2021, de supprimer la redevance.

En revanche, ne pas privatiser le service public n’a pas de sens, car on reprend d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Nous voterons donc la suppression de la redevance, même si nous aurions préféré privatiser les médias, qui peuvent se débrouiller seuls en toute liberté et indépendance.

M. David Guiraud. Je rappelle que l’on parle aussi de la vie des gens : diminuer les subventions à l’audiovisuel renforce la précarité des conditions de travail. En 2021, une expertise sur les risques psychosociaux dans les antennes de Radio France a fait état de conditions de travail illégales pour les nouveaux journalistes et dues à un manque de moyens : voilà concrètement à quoi conduit l’asphyxie de l’audiovisuel.

Par ailleurs nous avons besoin d’un audiovisuel public car c’est son caractère public qui permet de conserver un contrôle sur la manière de traiter les sujets. Certaines chaînes d’information continue privées, sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle, font la promotion permanente de certains candidats : cela fait bien courir un risque démocratique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le groupe Les Républicains n’est pas opposé à la suppression de la redevance. Celle-ci soulève toutefois le problème majeur du financement de l’audiovisuel public. L’indépendance suppose une autonomie financière ; or un financement par l’État ne garantit pas l’indépendance des médias français.

Mme Perrine Goulet. La suppression de la CAP était une promesse du candidat Macron : c’est un impôt injuste, payé par tous indépendamment de leurs revenus. Par ailleurs, certains organismes disposent également de moyens fournis par le budget de l’État sans que cela nuise à leur indépendance. Du reste, le budget de l’État complète déjà la redevance audiovisuelle. Il ne faut donc pas avoir peur : le budget sera abondé, comme cela se pratique depuis des années.

M. Philippe Brun. En cinq ans, il y a eu 50 milliards d’euros de baisses d’impôt, financées par de la dette : suppression de la taxe d’habitation – 25 milliards non financés – prélèvement forfaire unique – 1,8 milliard – et j’en passe… La suppression de la redevance sera financée par de la dette. Notre collègue Tanguy a le mérite de la cohérence puisque lui, au moins, propose de privatiser l’audiovisuel public : là, la suppression de recettes est financée par une économie. Il faut mettre fin à cet engrenage qui dégrade profondément les finances publiques.

Mme Lise Magnier. Nous soutenons la suppression de cet impôt injuste qu’est la redevance audiovisuelle. Le budget général de l’État participe déjà au financement de l’audiovisuel public. Nous allons de plus examiner un amendement du rapporteur général visant à permettre aux parlementaires d’inscrire chaque année dans le budget le montant du financement de l’audiovisuel public.

Mme Sophie Taillé-Polian. La question n’est pas de savoir si cet impôt est juste mais si nous souhaitons garantir à l’audiovisuel public une taxe affectée qui assure son indépendance. Vous proposez une perte sèche de la taxe affectée, qui sera compensée ou pas, dans la durée ou pas. L’expérience nous a montré que ce n’est jamais le cas : la suppression de la taxe d’habitation n’est pas compensée, pas plus que la suppression des recettes générées par la publicité dans l’audiovisuel public, voulue par M. Sarkozy, qui n’a été compensée que pendant deux ans.

Nous avons des solutions alternatives pour remplacer cet impôt injuste ; mais ce ne serait pas la première fois que vous refusez de telles propositions.

M. Charles de Courson. Le Président de la République avait certes inscrit la suppression de la redevance dans son programme, mais ce n’est pas lui qui vote les impôts : ce sont les parlementaires. Ceux qui ont défendu cette proposition n’ont réuni que 25 % des voix aux élections législatives : n’utilisez donc pas cet argument, qui ne tient absolument pas politiquement.

À ceux qui disent que cet impôt n’est pas juste, je tiens à rappeler que l’État a compensé 700 millions d’euros pour les près de 5 millions de familles qui ne le payent pas, principalement en raison de leurs revenus. Par ailleurs, il est juste de payer un service rendu. Je suis contre les affectations d’impôts qui n’ont rien à voir avec ce à quoi ils sont affectés, mais ce n’est pas le cas en la matière : il faut avoir un téléviseur pour payer la redevance, quel que soit le niveau de revenus – le prix du pain ne change pas en fonction de vos revenus, que je sache ! Tous ces arguments ne tiennent pas.

La commission rejette les amendements de suppression CF2, CF43, CF72, CF154 et CF188.

M. Jean-Philippe Tanguy. Notre amendement CF230 à l’article 1er a été déclaré irrecevable au motif qu’il créerait une charge. Or il s’agissait de privatiser France Télévisions, ce qui rapporte de l’argent ; d’ici là, nous ne faisions que maintenir les crédits déjà prévus. Je ne comprends donc pas cette décision.

M. le président Éric Coquerel. Votre amendement comportait deux parties. La première, sur la privatisation, ne posait pas de problème de recevabilité. En revanche, la deuxième partie prévoyait un remboursement des subventions perçues par les sociétés de l’audiovisuel public, lesquelles entrent dans le champ de l’article 40. Un tel remboursement constituerait donc une charge pour elles. Je vous invite à voir avec les administrateurs une autre rédaction en vue de la séance.

Amendement CF155 de Mme Sarah Legrain.

M. Michel Sala. Il vise à proposer une alternative à la suppression pure et simple de la redevance audiovisuelle, à savoir une contribution progressive en fonction des revenus, telle que proposée par Julia Cagé. Celle-ci est appliquée en Norvège, où les montants payés par les ménages les plus modestes ont fortement diminué ; comme cela est compensé par une augmentation des montants payés par les plus aisés, les ressources allouées à l’audiovisuel public sont maintenues.

Le redevable de cette nouvelle taxe serait le foyer au sens fiscal du terme et non plus le foyer au sens de la taxe d’habitation. Il est donc possible de réformer la redevance audiovisuelle pour la rendre plus juste, permettre un gain de pouvoir d’achat à ceux qui en ont besoin et garantir un financement pérenne et indépendant à l’audiovisuel public.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF155.

Successivement, suivant les avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF59 de Mme Emmanuelle Anthoine et adopte l’amendement de précision CF270 du rapporteur général (amendement 169) et l’amendement rédactionnel CF61 de Mme Emmanuelle Anthoine (amendement 170).

Elle adopte l’article 1er modifié.


Après l’article 1er

Amendement CF177 Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Il vise à instaurer une taxation exceptionnelle des dividendes de 10 % pour l’année 2021.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF177.

Amendement CF51 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il vise à remplacer la redevance audiovisuelle, obsolète, par un impôt progressif. Il est nécessaire d’augmenter les moyens alloués à l’audiovisuel public afin de soutenir l’industrie culturelle et le spectacle vivant, ainsi que pour lutter contre les déserts médiatiques. L’objectif est donc d’augmenter la contribution des Français, mais de manière mieux répartie, en baissant celle des ménages les plus modestes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En aucune manière nous n’avons la volonté de remettre en cause le service public audiovisuel ou son bien-fondé. Je viens d’un département rural et je sais l’importance de la culture et de ces chaînes de télévision en particulier. Nous voulons redonner du pouvoir d’achat aux Français, non remettre en cause l’audiovisuel public ou son financement. Nous intégrerons celui-ci dans la loi de programmation des finances publiques, nous créerons une mission spécifique et nous en débattrons au Parlement : vos craintes ne sont donc assises sur aucune réalité.

Avis défavorable à votre amendement car le dispositif proposé viendrait s’ajouter à celui créé par l’article 1er et reviendrait à porter à 6 milliards d’euros les moyens en faveur de l’audiovisuel public, soit un doublement du financement : cela ne tient pas la route.

De plus, il est contraire à l’article 3 de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qui prévoit que, à compter du projet de loi de finances pour 2025, l’affectation d’impositions à des tiers ne peut être maintenue que si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or l’impôt sur le revenu n’a pas de lien avec l’audiovisuel public.

M. Mathieu Lefèvre. Notre philosophie n’est pas de rendre un impôt plus progressif ni de doubler les revenus de l’audiovisuel public : c’est de supprimer un impôt et de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Nous ne partageons donc pas votre philosophie, même si nous pouvons nous rejoindre sur l’objectif.

L’indépendance de l’audiovisuel public n’est pas corrélée aux crédits budgétaires. Ce n’est pas parce que nous aurons des crédits budgétaires que l’audiovisuel public ne sera pas indépendant. Il y a dans ce beau département du Val-de-Marne que nous connaissons bien l’Institut national de l’audiovisuel et le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui permettra de garantir les ressources de cet Institut. Nous verrons lors de la loi de finances initiale pour 2023 comment les garantir de façon pluriannuelle.

Mme Sophie Taillé-Polian. J’aimerais beaucoup croire en votre volonté de maintenir les moyens de l’audiovisuel public. Ces cinq dernières années, ils n’ont fait que baisser.

La commission rejette l’amendement CF51.

Amendement CF180 de Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Il vise à taxer les entreprises là où la richesse est produite, en déterminant les bénéfices imposables comme la part du chiffre d’affaires réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires du groupe, rapportée à ses bénéfices d’ensemble.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le dispositif se heurte aux conventions fiscales internationales, qui répartissent entre pays le droit d’imposer et l’assiette imposable, selon des modalités qui ne sont pas celles que vous prévoyez. Les conventions étant supérieures à la loi, voter cette disposition n’aurait aucun effet pratique puisqu’elle ne pourrait pas être appliquée.

M. Nicolas Sansu. Nous en débattrons en séance.

La commission rejette l’amendement CF180.

Amendement CF231 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. L’amendement vise à trouver de nouvelles recettes et rétablir un certain ordre économique et fiscal. Il s’agit de taxer à hauteur de 50 % les surprofits réalisés par les très grandes entreprises au troisième et quatrième trimestres de l’année 2021, par rapport à 2019. On rétablira par là un semblant d’équilibre, après l’aide dont ces entreprises ont bénéficié lors de la crise sanitaire et les effets de marché dont elles profitent depuis l’automne 2021.

Si les forces de gauche veulent modifier les recettes de l’État dans ce projet de loi de finances rectificative, il faudra travailler à une solution commune puisque, comme nous, elles ne pourront y parvenir seules.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons longuement discuté du bénéfice, pour les entreprises et l’économie, de baisser l’impôt sur les sociétés lorsque celui-ci a été ramené à 25 %. Nous avons recréé un climat de confiance pour l’investissement dans notre pays, dont bénéficient nos entreprises et les salariés. Pour cela, la constance est nécessaire : il ne faut pas modifier la fiscalité d’une année sur l’autre.

Le critère du chiffre d’affaires ne semble pas satisfaisant car il peut aller de pair avec des marges faibles. A contrario, le chiffre d’affaires d’entreprises à très forte valeur ajoutée peut être moins élevé.

L’amendement est en outre inopérant car la période de référence semestrielle ne recouvre pas nécessairement les dates de clôture des exercices.

Enfin, il est économiquement dangereux car il frappe toutes les entreprises qui ont vu leurs profits augmenter, et sanctionne la reprise économique à un moment où nous avons besoin que ces entreprises investissent.

L’amendement mériterait donc d’être retravaillé en vue de la séance.

Mme Christine Pires Beaune. Je partage votre objectif mais l’amendement CF249, qui prévoit une taxation exceptionnelle de 25 % sur les superprofits, semble préférable. Il s’agit de mettre à contribution les sociétés qui ont réalisé des surprofits du fait de la crise sanitaire et de la guerre, sans inventer quoi que ce soit.

Mme Véronique Louwagie. Nous ne voterons pas l’amendement CF231 qui ne cible pas bien les entreprises concernées. Une mission parlementaire d’information qui permettrait d’identifier les entreprises qui ont profité de la spéculation serait souhaitable.

La commission rejette l’amendement CF231.

Amendements CF167 de M. Michel Sala, CF187 de Mme Karine Lebon et CF239 de Mme Christine Pires Beaune (discussion commune).

M. Michel Sala. L’amendement CF167 vise à rétablir et renforcer l’ISF. Selon le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie, sa suppression n’entraîne aucune contrepartie positive en matière de créations d’emploi ou d’investissement. Aucune des études empiriques publiées à ce jour n’est parvenue à mettre en évidence qu’une réforme portant sur la fiscalité des ménages en matière de revenus du capital a eu un impact significatif sur l’investissement des entreprises. Les seuls effets ont été un accroissement du niveau d’inégalité et un affaiblissement du budget de l’État. L’Institut des politiques publiques souligne également l’absence de rentrées fiscales occasionnées par le retour d’exilés fiscaux, contrairement à ce qu’avait annoncé le Gouvernement.

Par ailleurs, l’économiste Christian Chavagneux indique que le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a quasiment doublé depuis 2017, soit près de 500 milliards d’augmentation. Si l’ISF avait été maintenu dans sa version antérieure à sa suppression, il n’aurait rapporté que 12 milliards sur la même période. Cela aurait été insuffisant pour corriger cette accumulation excessive. Il convient donc de renforcer la progressivité de l’ISF, pour en faire un impôt plus juste.

L’amendement CF167 reprend un barème plus progressif, soutenu par la fondation Copernic. Les recettes attendues pourraient facilement atteindre 10 milliards d’euros.

M. Nicolas Sansu. Nous approfondirons ce sujet lors du débat dans l’hémicycle, le seul qui compte vraiment.

M. Philippe Brun. La suppression de l’ISF, adoptée en 2017, a coûté 4,5 milliards d’euros et a été très peu efficace puisque les exilés fiscaux ne sont pas revenus.

Nous avons besoin d’une imposition du capital : c’est un gage d’égalité et de rentrées fiscales. On peut estimer que le rendement de 5 milliards est suffisant pour maintenir ou du moins rétablir l’ISF.

Jean Jaurès disait que la fiscalité sur le capital est la formule fiscale de la démocratie républicaine. Nous nous honorons en rétablissant en France une vraie fiscalité sur le capital.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En supprimant la taxation du stock du patrimoine mobilier en 2017, nous avons mis fin à une anomalie française, qui fragilisait notre économie dans la durée. L’investissement est un choix qui engage sur une période souvent longue, et la stabilité fiscale est capitale.

Les derniers travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ont montré que la suppression de l’ISF, conjointement à l’instauration du prélèvement forfaitaire unique, a permis de rapprocher la fiscalité du capital en France des standards internationaux. Les réformes de 2018 ont eu un effet positif sur la mobilité fiscale, avec une diminution des départs et un doublement des retours, même s’ils ne concernent que quelques centaines de mouvements.

Enfin, la normalisation de la fiscalité appliquée à la détention du patrimoine s’est inscrite dans une politique d’ensemble, illustrée au premier chef par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, pour inciter l’argent de la finance à irriguer l’économie réelle et soutenir l’investissement productif et le développement de l’économie.

Il faut aller plus loin, notamment pour accroître le partage de la valeur au sein des entreprises, en soutenant l’actionnariat salarié, la participation et l’intéressement.

La commission rejette successivement les amendements CF167, CF187 et CF239.

Amendements identiques CF152 de Mme Marianne Maximi et CF249 de Mme Christine Pires Beaune et amendement CF41 de M. Nicolas Thierry (discussion commune).

M. David Guiraud. Au-delà de nos divergences et de nos débats, certains sujets d’intérêt général peuvent nous réunir. Nous avons tous en commun de détester les profiteurs de crise.

En septembre 2021, Michel-Édouard Leclerc affirmait que le prix d’un container traversant l’océan Pacifique était passé de 2 000 à 18 000 euros. L’amendement CF152 instaure une taxe visant les producteurs de gaz, de pétrole et les sociétés de transport maritime de marchandises. Tandis que nous discutons de la dépréciation des salaires au regard de l’inflation, les bénéfices des profiteurs de crise explosent : Total a dégagé quatorze milliards d’euros de profits en 2021 et CMA CGM, le leader mondial du fret maritime, dix-sept milliards. Pour Total, ces bénéfices sont la conséquence directe des prix exorbitants du carburant à la pompe. Dans ce contexte, le groupe ne propose qu’une ristourne minime sur quelques aires d’autoroutes pendant que son PDG augmente son salaire de 52 %. De même, CGA CGM a annoncé une petite baisse de ses tarifs, qui se répercutent dans le prix des produits en rayon.

Allons-nous laisser cela perdurer ? J’espère que l’amendement CF152 sera adopté : il s’agit de personnes qui profitent de la crise et s’engraissent sur le dos des Français.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF249 a pour objet une taxe exceptionnelle sur une période bornée : 2022 et 2023. Elle cible les entreprises gazières, pétrolières, de transport maritime et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, lesquelles, malgré la guerre en Ukraine et la pandémie, ont engrangé des bénéfices exceptionnels. Sur le seul premier trimestre 2022, Total a réalisé cinq milliards de bénéfices, en ayant provisionné dans ses comptes environ quatre milliards pour la dépréciation de ses actifs en Russie.

M. Nicolas Thierry. Dans un contexte d’explosion des prix de l’énergie et de l’alimentation, y compris des produits d’hygiène, ce qui place en grande difficulté une partie croissante de nos concitoyens, il faudra trouver des moyens pour dégager de nouvelles recettes, notamment pour que les ménages les plus modestes en bénéficient.

L’amendement CF41 instaure en 2022 une contribution exceptionnelle de 25 % sur le résultat imposable des grandes compagnies du secteur énergétique, qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Il ne cible que les multinationales dont le modèle économique ne serait pas déstabilisé par la contribution. La flambée des prix de l’énergie nous place sous pression alors que ces entreprises enregistrent des bénéfices stratosphériques, uniquement en raison du retour de la guerre sur notre continent. L’initiative, encouragée par la Commission européenne et l’Agence internationale de l’énergie, est déjà en vigueur au Royaume-Uni et en Italie. Il est légitime de demander à ces grands groupes énergétiques de participer pleinement à l’effort de solidarité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. De nombreuses entreprises réalisent des profits très élevés. La question de leur contribution au pouvoir d’achat des Français se pose. Il sera utile d’en débattre sereinement dans l’hémicycle.

Ces amendements présentent toutefois quelques faiblesses. D’abord, ils mélangent des secteurs qui n’ont rien à voir entre eux : contrairement aux entreprises du secteur énergétique, les autoroutes ne semblent pas avoir bénéficié directement de la guerre en Ukraine. Il y a par ailleurs un fort risque de contentieux puisque l’article 32 du protocole signé entre les sociétés concessionnaires d’autoroute et l’État prévoit l’isofiscalité. La disposition pourrait ainsi être annulée parce qu’elle inclut le secteur des autoroutes.

Le groupe Total réalise la majorité de ses bénéfices hors de France, sur son activité de production et sur la revalorisation de ses stocks, en fonction de l’évolution du baril du pétrole. En France, l’activité de recherche et développement, les frais de siège et les raffineries diminuent le résultat. L’intérêt de la surtaxe serait donc moindre que ce que l’on peut imaginer.

La comparaison avec les autres pays européens ne va pas de soi. Le Royaume-Uni dispose d’une activité de production, notamment de gaz, en mer du Nord. Ces entreprises ont vu la valeur de leur stock augmenter avec la hausse des prix de l’énergie, ce qui n’est pas le cas de Total en France.

Enfin, EDF est déjà lourdement mise à contribution : la hausse des volumes d’électricité vendus au prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique à ses concurrents, décidée dans le cadre du bouclier tarifaire, lui coûte 10,2 milliards d’euros de marge d’exploitation en 2022.

Si on taxe davantage Total, et qu’il répercute la contribution sur le prix à la pompe, on n’aura pas apporté de gain de pouvoir d’achat à nos concitoyens. Comme le ministre chargé de l’économie Bruno Le Maire nous y invite, il faut mettre une pression forte sur ces entreprises pour qu’elles diminuent les prix de leurs produits.

Enfin, la tentation de taxer toujours plus les bénéfices, qui sont un moteur de l’investissement, notamment en matière d’énergies renouvelables, m’inspire quelques réserves.

M. le président Éric Coquerel. Si vous taxez Total et que vous bloquez les prix, il n’y aura pas de souci !

M. Mathieu Lefèvre. Le groupe Renaissance s’opposera à toute hausse d’impôt ou création de taxe, notamment si elles touchent les entreprises, car nous ne voulons pas pénaliser leur compétitivité et l’emploi dans notre pays. Lors du précédent quinquennat, nous avons baissé les prélèvements obligatoires sur les entreprises de 26 milliards d’euros. Les résultats obtenus en matière de compétitivité, d’emploi et de taux de chômage sont considérables. Nous n’entendons pas en dévier.

Nous irons même plus loin à l’automne, en supprimant pour 7 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, avant que les entreprises ne réalisent des bénéfices.

Cela étant, on ne peut pas négliger l’existence de surperprofits ou les questions liées au partage de la valeur. Certaines entreprises se sont objectivement enrichies, parfois sur le dos de leurs salariés. Mais nous ne voulons pas d’un outil visant à augmenter les impôts pour contraindre les entreprises : il serait inefficace. Faisons confiance aux entreprises ! Si elles n’ont pas redistribué la valeur d’ici six à huit mois, nous en rediscuterons.

M. Jean-Philippe Tanguy. J’ai entendu l’appel de ma collègue à dépasser les clivages et voter des amendements de bon sens. En l’espèce, monsieur le rapporteur général, la liste des entreprises ciblées me semble plutôt très succincte. Certaines, telles les banques ou la grande distribution, ont enregistré des profits illégitimes – les propos sensés de M. Leclerc peuvent cacher les autres avantages de son secteur. Le CAC 40 a enregistré 160 milliards d’euros de bénéfices en 2021, alors que le précédent record s’établissait à 60 milliards !

Il y a bien là un désordre, et le rôle de l’État est de rétablir l’ordre économique. En 2022, ces surprofits seront surréalistes. Les Français ne comprennent pas ce qui se passe dans le pays, lorsqu’ils comparent ces profits records à leur situation.

Nous voterons donc les amendements, même si j’invite leurs auteurs à les retravailler pour inclure l’ensemble des entreprises qui ont réalisé des surprofits.

Mme Marie-Christine Dalloz. Des recettes supplémentaires d’impôt sur les sociétés de 10 milliards d’euros ont été perçues sur l’acompte d’avril 2022 : cela signifie bien que les recettes des entreprises ont augmenté.

Le sujet pose un cas de conscience. Que les amendements fassent uniquement référence au chiffre d’affaires, à l’impôt ou au résultat comptable me semble limité. Il faut identifier tant les superprofits que les spéculateurs. Le prix du baril, aujourd’hui et il y a dix ans, comme le prix à la pompe sont des réalités qu’il faut prendre en considération. Je souhaite moi aussi que la commission des finances lance une mission flash pour détecter l’existence de superspéculation, qui méritera d’être prise en considération dans le cadre du budget primitif pour 2023.

Mme Alma Dufour. Devant de tels chiffres, il est heureux que vous reconnaissiez qu’il y a un problème ! Vous nous reprochez d’être anti-entreprises. Nous ne cherchons pas seulement à protéger le pouvoir d’achat des Français : ce que nous voulons, c’est protéger toutes les autres entreprises qui sont victimes de la spéculation de certains secteurs.

Il est inquiétant que vous n’apportiez aucune réponse à ces questions. Vous avez refusé le blocage des prix, qui visait à limiter ces effets, par exemple la non-répercussion par Total d’une éventuelle taxe sur les prix de l’essence. Vous avez refusé notre amendement d’appel sur le changement de calcul de l’impôt, qui permettait d’imposer la vente de produits pétroliers en France. Vous vous plaignez du coût exorbitant pour les finances publiques de vos coups de pouce. Nous vous disons qu’ils n’ont aucun effet sur les Français, mais vous niez la réalité, vous niez les chiffres de l’INSEE. M. Bruno Le Maire a vu un enjeu dans la superspéculation et a dit que les entreprises seraient sanctionnées. Mais vous n’apportez aucune proposition concrète, vous ne faites que vous plaindre !

C’est pourquoi nous maintenons nos amendements, qui posent de vraies questions. Nous ne nous contenterons pas d’un report en séance ou d’une éventuelle commission d’enquête.

La commission rejette les amendements identiques CF152 et CF249 puis l’amendement CF41.


Article 2
Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise
sur le gazole non routier

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article reporte d’un an la suppression du tarif favorable appliqué aux consommations de gazole non routier dont l’entrée en vigueur est, dans le droit en vigueur, prévue au 1er janvier 2023.

Par rapport à la trajectoire prévue dans le cas où la suppression de ce tarif réduit interviendrait le 1er janvier 2023, l’impact budgétaire du présent article est évalué à 600 millions d’euros en 2023 et 270 millions d’euros en 2024.

Dernières modifications législatives intervenues

Le régime fiscal du gazole non routier a été en partie transféré dans le code des impositions sur les biens et services par l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l’Union européenne.

Auparavant, la suppression du tarif réduit du GNR avait été prévue par l’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, puis différée une première fois par l’article 6 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 et une seconde fois par l’article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de son rapporteur général supprimant cet article afin de le rétablir en seconde partie. En effet, ses dispositions n’affectent pas l’équilibre budgétaire de l’État pour 2022.

I.   L’État du droit

A.   le gazole non routier bénéficie d’un tarif spécifique, dont la fin a été plusieurs fois reportée

1.   Qu’est-ce que le gazole non routier ?

L’expression « gazole non routier » (GNR) désigne le gazole utilisé pour le fonctionnement de moteurs qui ne servent pas à la propulsion de véhicules sur route ([38]). Ses principaux utilisateurs sont les secteurs agricole, industriel et des travaux publics.

Le GNR est identique au gazole ordinaire mais, parce qu’il bénéficie d’un avantage fiscal, il est distribué par un réseau spécifique et est coloré en rouge écarlate.

2.   Le tarif applicable au GNR

Un tarif réduit de taxe sur les carburants a été mis en place pour le GNR en 1966 ([39]) afin d’aider à la mécanisation de certains secteurs de l’économie, notamment l’agriculture.

Ce tarif avantageux a été maintenu et constitue aujourd’hui une aide à la compétitivité des secteurs concernés.

Il se traduit par un tarif d’accise ([40]) ([41]) spécifique, environ trois fois inférieur au tarif normal. Ce tarif s’élève à 18,82 euros par mégawattheure ([42]) contre 59,40 euros par mégawattheure pour le tarif normal. Depuis le 1er janvier 2022, ces dispositions figurent à l’article L. 312-35 du nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS).

Le secteur agricole bénéficie, au sein de ce dispositif, d’un tarif encore inférieur, égal à 3,86 euros par mégawattheure ([43]). La différence entre le tarif réduit du GNR et ce tarif spécifique au secteur agricole est obtenue par le remboursement des consommateurs après l’achat.

3.   Une fin programmée et plusieurs fois reportée

La fin du tarif réduit d’accise pour le GNR avait été initialement proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2019 ([44]). Toutefois, il avait été alors décidé de différer cette mesure afin d’approfondir la concertation avec les secteurs concernés, si bien qu’aucune mesure n’avait finalement été adoptée en loi de finances pour 2019.

a.   2019 : la suppression progressive du tarif du GNR pour la plupart des secteurs, doublée de mesures d’accompagnement

Parce que le tarif réduit dont bénéficie le GNR est apparu opposé aux objectifs de réduction de la consommation de carburant et de la transition énergétique, la loi de finances pour 2020 avait prévu ([45]) sa suppression progressive en trois étapes entre le 1er juillet 2020 et le 1er janvier 2022.

Toutefois, les tarifs réduits du GNR devaient demeurer applicables pour :

– les usages agricoles ;

– les opérations de damage et de déneigement des routes de montagne ;

– le transport ferroviaire ;

– les segments des industries extractives fortement exposés à la concurrence internationale ;

– la manutention portuaire.

De plus, la suppression progressive de cet avantage était compensée par des mesures d’accompagnement :

– un mécanisme d’indexation des prix pour les entreprises de transport frigorifique ;

– la mise en place d’un système de « pieds de facture » permettant de répercuter les hausses du tarif du GNR sur les contrats en cours ;

– un suramortissement pour certains matériels et moteurs pour les entreprises de quatre secteurs, à savoir celles du BTP, celles produisant des substances minérales solides, les exploitants aéroportuaires et les exploitants de remontées mécaniques et de domaines skiables ;

– un suramortissement pour les PME distribuant exclusivement du GNR.

b.   2020 : Premier report

Face à la crise sanitaire, l’entrée en vigueur de la suppression de l’avantage fiscal du GNR a été reportée au 1er juillet 2021 par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([46]). Par la même occasion, le caractère progressif de la disparition de cet avantage a également été abandonné.

c.   2021 : Deuxième report

La première loi de finances rectificative pour 2021 a, à nouveau, reporté cette suppression au 1er janvier 2023 ([47]).

B.   la hausse des prix du pétrole depuis la crise sanitaire

Alors que la réduction drastique de l’activité et les incertitudes provoquées par la crise sanitaire avaient fait plonger le prix du pétrole brut au cours des premiers mois de 2020, la levée progressive des restrictions de déplacement et la forte reprise économique ont tiré la demande au cours de l’année 2021, entraînant une nette hausse des prix. Sur l’année 2021, le cours moyen du baril de Brent se serait élevé à 71 USD, en hausse de 69 % par rapport à l’année précédente ([48]).

cours du pétrole brut brent (londres) en dollars us par baril

Source : INSEE.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a provoqué une nouvelle envolée des cours.

À l’heure actuelle, des incertitudes extrêmement fortes pèsent sur l’évolution future des prix, au point que les analystes établissent des projections radicalement contraires ([49]).

La transmission de la hausse des cours sur les prix à la pompe se fait rapidement. Il faut en moyenne onze jours ouvrés pour observer 90 % de la transmission d’une variation de coût aux prix. La répercussion totale aux prix des carburants prend environ vingt jours ouvrés ([50]).

Les mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie

 

Une série de mesures ont été prises afin de limiter la hausse des prix de l’énergie pour les Français :

– pour le gaz, un blocage des tarifs réglementés de vente de gaz naturel à leur niveau d’octobre 2021 du 1er novembre au 30 juin 2022, récemment prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 (1) ;

– pour l’électricité, une limitation de la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité à 4 % et une très forte réduction du taux de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour les consommateurs résidentiels, les petits professionnels éligibles à ces tarifs et l’ensemble des consommateurs en zone non interconnectée (2) ;

– un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, versé en décembre 2021 à 5,8 millions de ménages modestes ;

– l’indemnité d’inflation de 100 euros, versée à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022 afin de limiter l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des Français dont les revenus sont inférieurs à 2 000 euros par mois ;

– la revalorisation du barème kilométrique de 10 % pour l’imposition des revenus de l’année 2021 (3).

Dans le cadre du Plan de résilience économique et social, présenté le 16 mars 2022, et destiné à répondre aux conséquences de la guerre en Ukraine, de nouvelles mesures sont venues compléter ces dispositifs, dont, en particulier :

– Une remise sur le prix des carburants, de 15 centimes d’euro par litre hors taxe, applicable entre le 1er avril et le 31 juillet 2022, pour les ménages comme pour les entreprises ;

– Une subvention pour les entreprises énergo-intensives ayant subi un doublement du prix du gaz ou de l’électricité au cours de la période courant du 1er mars au 31 mai 2022 par rapport à une moyenne de prix sur l’année 2021 et dont l’excédent brut d’exploitation a diminué d’au moins 30 % par rapport à 2021 ou est négatif (4).

 

(1) Article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 et arrêté du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel.

(2) Article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

(3) Arrêté du 1er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l’évaluation des frais de déplacement relatifs à l’utilisation d’un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles.

(4) Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

II.   les dispositions du projet de loi

Le I (alinéa 1er) supprime une disposition devenue inutile en raison de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, du code des impositions sur les biens et services. Cette disposition, figurant au 1 bis de l’article 265 B du Code des douanes, prévoit qu’un arrêté précise les conditions dans lesquelles des produits énergétiques peuvent être distribués ou utilisés pour des usages non éligibles au tarif de taxe auquel ils ont été mis à la consommation, y compris lorsqu’ils sont colorés et tracés.

Cette disposition n’est, en effet, plus nécessaire, en raison de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, de l’article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services, dont le dernier alinéa dispose qu’un arrêté du ministre chargé du budget détermine les conditions auxquelles le tarif de 18,82 euros par mégawattheure s’applique pour les moteurs pouvant alternativement être utilisés pour des travaux statiques et la propulsion d’engins.

Le II (alinéas 2 à 8) modifie l’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin d’opérer le report d’un an, du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2024, de la hausse du tarif applicable au GNR.

Le de ce II (alinéas 3 à 5) modifie des dates figurant au V dudit article 60, afin de prévoir :

– que la catégorie du « gazole traditionnel » s’entend du gazole qui est imposé au tarif normal de 59,40 euros par mégawattheure et qui ne répond pas à la définition du « gazole supportant la hausse », c’est-à-dire du GNR pour lequel le tarif de 18,82 euros par mégawattheure doit être supprimé, non plus à compter du 1er janvier 2023, mais du 1er janvier 2024 (alinéa 4) ;

– que la catégorie du « gazole supportant la hausse » s’entend du gazole utilisé pour les besoins des usages mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 312‑35 du code des impositions sur les biens et services ([51]), dans sa rédaction en vigueur, non plus le 31 décembre 2022, mais le 31 décembre 2023 (alinéa 5).

Le 2° de ce II (alinéa 6) modifie les dates applicables au mécanisme actuel de remboursement applicable au gazole agricole afin de prévoir qu’il s’applique aux quantités de gazole acquises, non plus entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, mais entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023, et qu’il peut être sollicité, non plus jusqu’au 31 décembre 2023, mais jusqu’au 31 décembre 2024 ([52]).

Le du même II (alinéa 7) modifie des dates contenues dans le dispositif relatif à la majoration de prix dans les contrats nécessitant le recours à du GNR pour lequel le relèvement de l’accise est prévu (le « gazole supportant la hausse »), lorsque ces contrats ne comportent pas de clause de révision de prix.

Ce dispositif, prévu au VII de l’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, doit s’appliquer aux contrats en cours au 1er juillet 2022 et dont la durée est supérieure à six mois, et à condition que l’entreprise concernée exerce une activité pour laquelle la part du gazole supportant la hausse représentait, avant le 1er juillet 2022, au moins 2 % des coûts de production. Le présent article remplace, dans ce dispositif, la date du 1er juillet 2022 par celle du 1er juillet 2023.

Le dudit II (alinéa 8) vise à rectifier une erreur matérielle résultant de l’ordonnance du 22 décembre 2021 ayant créé le code des impositions sur les biens et services.

En effet, avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, le A du IX de l’article 60 précité prévoyait que les fractions de taxe régionalisées s’entendaient :

– de la fraction de tarif mentionnée au 2 de l’article 265 du code des douanes, c’est-à-dire d’une fraction de tarif applicable aux carburants vendus aux consommateurs finals sur le territoire de chaque région de 1,77 euro par hectolitre pour le supercarburant sans plomb contenant jusqu’à 5 % d’éthanol et le supercarburant sans plomb dit « ARS » ([53]), et de 1,15 euro par hectolitre pour le gazole autre que le fioul domestique, le fioul lourd et le GNR ;

– de la fraction de la majoration de tarif mentionnée à l’article 265 A bis du même code, c’est-à-dire de celle applicable aux carburants vendus aux consommateurs finals sur le territoire de chaque région, dans la limite de 0,73 euro par hectolitre pour le supercarburant sans plomb contenant jusqu’à 5 % d’éthanol et celui contenant jusqu’à 10 % d’éthanol, et de 1,35 euro par hectolitre pour le gazole autre que le fioul domestique, le fioul lourd et le GNR ;

– et de la fraction de la majoration de tarif mentionnée à l’article 265 A ter dudit code, c’est-à-dire de celle dont peut décider Île-de-France Mobilités pour les carburants vendus aux consommateurs finals sur le territoire de la région Île-de-France dans la limite de 1,02 euro par hectolitre pour le supercarburant sans plomb contenant jusqu’à 5 % d’éthanol et celui contenant jusqu’à 10 % d’éthanol, et de 1,89 euro par hectolitre pour le gazole autre que le fioul domestique, le fioul lourd et le GNR.

Compte tenu des modifications de dénominations, d’unités et de place dans la législation, intervenues en raison de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, du nouveau code des impositions sur les biens et services, ces fractions se retrouvent aujourd’hui :

– pour la première, au quatrième tiret du 4° du a de l’article L. 4331-2 du Code général des collectivités territoriales, qui mentionne la fraction du produit de l’accise sur les énergies perçue sur les gazoles et essences en métropole égale à 1,77 euro par hectolitre pour l’essence E10 et les produits relevant de la catégorie fiscale des essences soumis au tarif normal et celle égale à 1,15 euro par hectolitre pour les produits relevant de la catégorie fiscale des gazoles et soumis au tarif normal ;

– pour la deuxième, au cinquième tiret du même article, qui mentionne une fraction égale au produit de la majoration régionale mentionnée à l’article L. 312‑39 du code des impositions sur les biens et services, c’est-à-dire celle perçue par chaque région dans la limite de 1,35 euro par mégawattheure pour la catégorie fiscale des gazoles et 0,82 euro par mégawattheure pour la catégorie fiscale des essences ;

– pour la troisième, au 11° de l’article L. 1241-14 du code des transports, qui renvoie lui-même à l’article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services, lequel dispose que les tarifs normaux des produits énergétiques vendus en Île-de-France à la personne qui les consomme font l’objet d’une majoration dans la limite de 1,89 euro par mégawattheure pour la catégorie fiscale des gazoles et de 1,14 euro par mégawattheure pour la catégorie fiscale des essences, le montant de la majoration étant déterminé par Île-de-France Mobilités.

Or l’article 32 de l’ordonnance n° 2021-1843 précitée a renvoyé par erreur aux troisième et quatrième tirets du 4° du a de l’article L. 4331-2 du Code général des collectivités territoriales. L’alinéa 8 du présent article rectifie cette erreur en renvoyant aux quatrième et cinquième tirets dudit 4°.

Le III (alinéas 9 à 12) tire les conséquences du report d’un an de la suppression du tarif réduit du GNR à l’article 37 de l’ordonnance du 22 décembre 2021 qui a créé le code des impositions sur les biens et services.

Il reporte ainsi d’un an, du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2024, l’entrée en vigueur des mesures suivantes :

– la suppression du tarif de 18,82 euros par mégawattheure pour le GNR, prévu par le dernier alinéa de l’article L. 312-35 de ce code, au a du 3° dudit article 37 ;

– la codification, au sein des nouveaux articles L. 312-57-1 et L. 312‑57‑2 et à l’article L. 312-48 du même code, du tarif réduit d’accise sur le gazole et l’électricité dont bénéficient les entreprises du secteur de la manutention portuaire, aux c et d du même 3° ;

– la codification, au sein d’un nouvel article L. 312-70-1 et à l’article L. 312-64 du même code, du tarif réduit d’accise sur le gazole dont bénéficient les entreprises du secteur de l’extraction de minéraux industriels, aux e et f du même 3°.

Le IV (alinéa 13) contient une disposition transitoire, prévoyant que jusqu’à l’intervention de l’arrêté prévu au dernier alinéa de l’article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services, les usages pour lesquels le tarif de 18,82 euros par mégawattheure s’applique sont ceux mentionnés au 1 de l’article 265 B du code des douanes et à l’article 2 d’un arrêté du 10 novembre 2011 ([54]). Il s’agit de maintenir le droit existant dans l’attente de la publication de ce nouvel arrêté.

III.   L’impact budgÉtaire et Économique

Par rapport à la trajectoire prévue dans le cas où la suppression de ce tarif réduit interviendrait le 1er janvier 2023, le coût budgétaire de la mesure est évalué à 600 millions d’euros en 2023 et 270 millions d’euros en 2024.

Cet impact tient, d’une part, à un manque à gagner fiscal de 870 millions en 2023 d’euros du fait du maintien du taux réduit pour le GNR et, d’autre part, au report du passage, pour le GNR agricole, d’un système de remboursement à un tarif réduit applicable directement à la pompe, ce qui entraîne un effet budgétaire positif de 270 millions d’euros en 2023, et un effet symétrique négatif du même montant en 2024.

Le maintien de la dépense fiscale bénéficiera aux entreprises, souvent parmi les plus petites, fortement exposées à la hausse des prix de l’énergie.

*

*     *

M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivons l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Hier, nous avons examiné soixante-cinq amendements en trois heures et il en reste cent vingt-sept à étudier, dont beaucoup sont des amendements de crédit qui appellent surtout des réponses de la part du Gouvernement en séance publique.

Amendements de suppression CF266 du rapporteur général et CF153 de M. Michel Sala.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le présent article n’affecte pas l’équilibre budgétaire de l’État de l’année 2022 et n’a donc pas sa place en première partie de ce texte. Je vous propose donc de supprimer l’article dans cette première partie et de le rétablir en seconde partie.

La commission adopte les amendements CF266 et CF153 (amendement 171).

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CF123 de M. Fabien Di Filippo tombe.

Après l’article 2

Amendement CF24 de Mme Véronique Louwagie et amendement CF257 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Nous savons que le prix du carburant s’est envolé alors que celui-ci est particulièrement précieux dans les zones rurales, où l’utilisation d’un véhicule s’impose pour se déplacer quotidiennement, aller au travail, à l’école ou faire les courses. Les habitants des territoires ruraux, en outre, ont perdu plus d’un point de pouvoir d’achat de plus que ceux des zones urbaines. Nous devons donc répondre à ces Français.

De surcroît, l’État engrange des recettes relativement importantes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) représentant 0,691 euro du litre, ce qui est énorme, à laquelle s’ajoute la TVA – 0,138 euro du litre – sur la TICPE et la TVA sur le prix du carburant.

Nous voulons envoyer un message clair en faveur du pouvoir d’achat et en finir avec ce matraquage fiscal.

J’ajoute que sur le podium des pays européens qui taxent le plus leur carburant, la France arrive en troisième position sur vingt-six pour le diesel et qu’elle est en quatrième position pour l’essence.

Le blocage du carburant à 1,50 euro par litre a certes un coût mais nous l’assumons pour lutter contre une injustice qui frappe d’abord les Français qui travaillent, qui se lèvent tôt et qui, de plus, sont souvent les plus modestes.

M. Kévin Mauvieux. Même si nous ne proposons pas un blocage à 1,50 euro le litre – nous sommes raisonnables –, il convient de revenir à un niveau de taxation antérieur aux hausses de taxes sur les énergies que l’exécutif a multipliées lors de la dernière législature. Pour les Français, en particulier dans les communes rurales, il s’agit de dépenses contraintes. Si vous voulez inciter les gens à travailler, aidez-les en faisant en sorte qu’ils paient moins cher leurs carburants !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends votre préoccupation. Nous voulons tous aider nos concitoyens à passer ce moment difficile, où l’inflation est élevée.

L’amendement de nos collègues Les Républicains me paraît excessif. Selon le Comité professionnel du pétrole, la mesure qu’ils proposent, avec un litre à 2 euros, coûterait environ 24 milliards d’euros par an aux finances publiques.

De plus, un tel dispositif placerait nos politiques publiques dans une situation de dépendance aux fluctuations du prix du baril, donc sous une véritable épée de Damoclès. Il reviendrait à dire aux pays producteurs de pétrole qu’il y a ici un Eldorado où, quel que soit le prix du baril, le consommateur n’en subira pas les conséquences. Quelle aubaine !

À cela s’ajoute une question environnementale : prenons garde qu’à 1,50 euro, les efforts consentis par certains Français en faveur des mobilités alternatives ne soient mis à mal.

Enfin, outre la réduction de 18 centimes, notre paquet « pouvoir d’achat » présente une mesure beaucoup plus ciblée en fonction des revenus – nous avons retenu les cinq premiers déciles – et du nombre de kilomètres parcourus avec des primes de 100 ou 200 euros, à quoi s’ajouteront des bonus de 50 ou 100 euros pour les gros rouleurs.

Si la TICPE, dont je vous rappelle qu’elle finance également les régions, est fixe et que ses recettes n’augmentent donc pas, il est vrai en revanche que la TVA augmente d’environ 10 centimes lorsque le litre passe de 1,5 à 2 euros. Nous rendons cependant 18 centimes aux Français, montant nettement supérieur.

Avis défavorable.

Mme Émilie Bonnivard. Les Républicains souhaitent faire diminuer une fiscalité bien trop lourde, surtout avec l’inflation, puisque le pouvoir d’achat a baissé de 140 euros mensuels pour ceux qui travaillent.

Je note par ailleurs que le coût de la mesure proposée par le Gouvernement a diminué de moitié entre les propos du ministre et ceux du rapporteur général. Qu’en est-il, dans ces conditions, de la crédibilité de la parole publique ?

La mesure que nous proposons, elle, vise l’ensemble des Français au lieu d’exclure les classes moyennes, comme vous le faites avec la vôtre. Nous savons que dans certains territoires, notamment de montagne, fussent-ils dynamiques et avec un niveau de vie un peu supérieur à la moyenne nationale, l’usage de la voiture est nécessaire et que les dépenses contraintes sont très élevées. Leurs habitants, pourtant, seront exclus de la mesure que vous proposez.

M. Kévin Mauvieux. Vous n’avez toujours rien compris aux résultats des élections en pensant conserver le « monopole de la dépense ». Nous proposons de baisser la TVA ou de retirer des taxes que vous avez ajoutées et vous jugez que le coût de ces mesures est inadmissible mais vous dépensez autant de milliards que vous voulez et tout est justifié ! Vous n’avez pas le monopole des dépenses ! Défendre les citoyens français suppose de prendre certaines mesures, qu’elles vous plaisent ou non !

Vous considérez, de plus, que la baisse des taxes sur les carburants serait un mauvais signal écologique. Arrêtez donc, avec cette écologie punitive ! Les gens en ont marre de payer pour l’écologie ! Trouvez d’autres solutions !

M. Damien Maudet. Le groupe LFI soutient l’objectif de l’amendement de Mme Louwagie mais la TVA n’est pas le seul levier : les groupes pétroliers doivent participer davantage à cet effort. Selon Le Monde d’hier, des Républicains seraient prêts à travailler à l’élaboration d’une taxe sur les superprofits. Je les invite donc à réfléchir avec nous à la rédaction d’un amendement en ce sens.

Selon Monsieur le rapporteur général, une diminution du prix de l’essence ne serait pas un bon signal envoyé aux groupes pétroliers pour les inciter eux-mêmes à baisser les prix. Outre que je ne vois pas ce qui pourrait les pousser à aller en ce sens, l’argument écologique ne se justifie pas : ceux qui continuent de rouler avec un litre à 2,10 euros ne peuvent pas faire autrement. Je ne connais personne qui, parce que le litre serait à 1,40 euro, irait rouler pour le plaisir de cramer du carburant.

M. Mathieu Lefèvre. Je salue votre mansuétude, monsieur le président, pour avoir laissé passer ces amendements malgré l’article 40 de la Constitution. M. Gilles Carrez, dans un rapport de 2017, assurait qu’un gage sur le tabac valait si la dépense était réaliste et elle s’élève en l’occurrence à plusieurs dizaines de milliards.

Quelles dépenses les Républicains envisagent-ils de réduire en proportion ? À quelle mesure en faveur du pouvoir d’achat les représentants du Rassemblement national envisagent-ils de renoncer ? Au bouclier tarifaire sur l’électricité, sur le gaz ?

Le groupe Renaissance s’oppose à ces mesures non financées et privilégie un soutien ciblé et temporaire aux Français qui travaillent.

M. le président Éric Coquerel. Si le gage sur le tabac, à hauteur d’un peu plus de dix milliards, n’est plus utilisable, il n’y aura plus de mansuétude : le couperet de l’article 40 s’abattra en permanence !

Mme Christine Pires Beaune. Le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas ces amendements mais nous partageons l’objectif poursuivi. Nous réservons nos amendements en la matière pour la séance publique.

Il n’est pas possible d’évoquer, en l’occurrence, une écologie punitive. Dans ma circonscription, qui compte 138 communes, seules 38 d’entre elles disposent de transports en commun. Il faut que les gens utilisent leur voiture pour aller travailler mais pas uniquement : la voiture est d’usage quotidien pour travailler, pour les loisirs, pour emmener les enfants à l’école ou aller chez le médecin. Proposer une mesure destinée aux seuls travailleurs, c’est se planter encore une fois !

M. Jean-Paul Mattei. Le groupe Démocrate ne votera pas ces amendements. La mesure proposée a le mérite d’être simple et lisible mais, sur un plan financier, elle n’est ni raisonnable, ni incitative. Des mesures plus ciblées me semblent en effet plus efficaces.

Aux collègues du Rassemblement national, je rappelle que nous sommes des élus, comme eux, et que nous aussi avons écouté nos électeurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’ai trouvé les propos de M. Mauvieux un peu agressifs. Nous aussi, nous sommes sur le terrain, nous aussi nous savons ce qui se passe, nous aussi nous voulons aider nos concitoyens à passer ce cap inflationniste en trouvant le meilleur moyen pour ce faire.

Le changement du chiffrage envisagé illustre le risque de cette mesure : en fonction du cours du pétrole, l’estimation du lundi peut différer de celle du vendredi.

La mesure que nous proposons est en effet ciblée sur les gros rouleurs, les travailleurs et les cinq premiers déciles de l’impôt sur le revenu mais d’autres dispositifs d’une ampleur bien plus vaste sont au service de l’ensemble des Français, dont le bouclier sur le gaz et sur l’électricité. Sans ce dernier, leurs factures énergétiques domestiques auraient augmenté à ce jour de 50 % !

Je relève que selon M. Jean-François Husson, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, il n’est ni réaliste ni possible de limiter le prix du litre d’essence à 1,50 euro.

La commission rejette successivement l’amendement CF24 et l’amendement CF257.

Amendement CF107 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il convient de rétablir une définition de l’activité agricole éligible au remboursement partiel de TICPE sur le gazole non routier (GNR), qui n’exclut pas la méthanisation agricole, notamment.

À l’occasion de modifications législatives, le remboursement partiel de la TICPE a en effet été réduit aux seuls travaux agricoles et forestiers. Or un grand nombre d’exploitations agricoles se lancent dans la méthanisation, qui constitue un prolongement de l’acte de production. La mesure que nous proposons l’encouragera et favorisera ainsi la production d’un gaz « vert ».

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le périmètre n’a pas été récemment modifié. La loi de finances pour 2014 limitait déjà le remboursement associé au tarif du GNR « aux quantités de produits énergétiques effectivement utilisés pour les travaux agricoles ou forestiers ».

Le GNR n’est pas utilisé pour les méthaniseurs mais pour le transport jusqu’à eux. De ce fait, ils bénéficient de cet avantage.

En outre, votre amendement ouvrirait le droit au GNR agricole de manière excessive et serait, pour cette raison, contraire au droit européen.

Enfin, je rappelle que les agriculteurs bénéficient, pour le GNR, d’un tarif d’accise d’environ 4 centimes par litre après remboursement et, de surcroît, de la remise de 18 centimes par litre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. J’entends votre réponse mais j’en suis assez surprise, ayant été saisie par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et par un certain nombre d’exploitants agricoles qui travaillent à la méthanisation.

Je retire l’amendement mais je ferai état de cas concrets en séance publique.

L’amendement CF107 est retiré.


Article 3
Généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend aux entreprises, de manière progressive, l’obligation de recourir à la facturation électronique. Il introduit, pour les transactions domestiques réalisées entre assujettis à la TVA établis en France :

– une obligation de réception des factures électroniques par toutes les entreprises à compter du 1er juillet 2024 ;

– une obligation d’émission de factures électroniques pour les grandes entreprises à compter de la même date, pour les ETI à compter du 1er janvier 2025 et pour les PME à compter du 1er janvier 2026.

De plus, il introduit une obligation de transmission à l’administration fiscale :

– des données de transaction s’agissant des transactions non domestiques entre entreprises et de celles à destination de personnes non assujetties à la TVA, pour lesquelles une obligation de recours à la facturation électronique n’est pas introduite ;

– et des données de paiement s’agissant des prestations de service, pour lesquelles la TVA est exigible au moment du paiement.

La transmission des données de facturation des factures électroniques et de ces données de transaction et de paiement doit avoir lieu à travers le portail public de facturation Chorus Pro, déjà utilisé par les fournisseurs de la sphère publique, éventuellement par l’intermédiaire d’opérateurs de plateforme de dématérialisation agréés.

Cette réforme devrait contribuer à réduire la fraude fiscale, en particulier en matière de TVA. L’écart de TVA, soit le montant théorique cumulé de la fraude et des créances non recouvrées, est aujourd’hui évalué à 15 milliards d’euros par an.

Les gains d’efficacité pour les entreprises sont évalués à 4,5 milliards d’euros au moins.

Le coût budgétaire de cette réforme, tenant notamment à l’adaptation de la plateforme Chorus Pro, est extrêmement réduit par rapport aux gains attendus.

Dernières modifications législatives intervenues

Le sujet de la facturation électronique et de la transmission de certaines données de transaction à l’administration fiscale avait déjà été traité par une ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021, dont l’article de ratification, inclus dans la dernière loi de finances, a été censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cet article aurait constitué un cavalier. Le texte proposé par le présent PLFR est identique à celui de cette ordonnance, à quelques détails légistiques près.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de son rapporteur général supprimant cet article afin de le rétablir en seconde partie. En effet, ses dispositions n’affectent pas l’équilibre budgétaire de l’État pour 2022.

I.   L’État du droit

A.   qu’est-ce qu’une facture ?

Une facture est un document de nature comptable, établi par une entreprise pour constater les conditions des achats et ventes de produits, denrées, marchandises ou des services rendus (nature, quantité, poids, qualité, prix, modalités et échéance de paiement, etc.). Elle sert également de moyen de preuve de l’existence d’une obligation ou pour constater une pratique abusive.

1.   Obligation d’établir une facture

En droit commercial, l’établissement et la délivrance d’une facture s’imposent pour « tout achat de produits ou toute prestation de services » réalisé pour une activité professionnelle (article L. 441-9 du code de commerce). La facture doit être émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. En sens inverse, il est fait obligation à l’acheteur de réclamer sa facture.

Sur le plan fiscal, le 1 du I de l’article 289 du CGI prévoit que tout assujetti à la TVA est tenu de s’assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti ou pour une personne morale non assujettie et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E du même code ([55]), et pour les livraisons de biens dans le cadre de ventes à distance et pour les livraisons de bien intracommunautaires.

2.   Mode d’établissement

Les factures doivent être émises chronologiquement, selon une numérotation continue et sans solution de continuité. Il ne faut jamais avoir deux factures portant le même numéro.

La facture doit être rédigée en double exemplaire, vendeur et acheteur devant conserver chacun un exemplaire (article L. 441-9 du code de commerce). Cependant, l’administration fiscale autorise les entreprises, lorsque la facture a été créée à l’aide d'un logiciel de facturation, à conserver le double de leur facture sous la forme d’un « double électronique », au lieu d'un « double papier », sous certaines conditions.

La facture doit, par ailleurs, obligatoirement être établie en langue française, sauf pour les ventes à l’exportation (article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, dite « Toubon »).

3.   Contenu

Le contenu de la facture n’est pas laissé à la discrétion du vendeur ou du prestataire. La loi impose, en effet, de nombreuses mentions obligatoires.

Plus précisément, deux corps de règles se cumulent sur ce point :

– des règles fiscales, fixées par l’article 226 de la directive TVA et reprises à l’article 242 nonies A de l’annexe 2 du CGI, qui prévoient la présence de quinze mentions obligatoires (notamment la date de la vente ou de la prestation, la quantité et le prix) ;

– des règles du droit commercial, fixées par les articles L. 441-9, R. 123‑137 et R. 123-238 du code de commerce.

La loi en ajoute régulièrement de nouvelles. Ainsi, depuis le 1er octobre 2019, en application de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, deux nouvelles mentions doivent figurer sur les factures : l’adresse de facturation si elle est différente de celle de livraison ; le numéro du bon de commande s’il a été préalablement émis par l'acheteur.

Par ailleurs, en plus des mentions imposées par le code de commerce, certaines mentions sont imposées par des réglementations particulières dans les secteurs les plus divers (fruits et légumes, meubles, cuir, etc.) afin de garantir la qualité et la sécurité des produits concernés.

4.   Sanctions en cas de manquement aux règles de facturation

Les infractions aux règles de la facturation sont punies d’une amende d’un montant, au maximum, de 75 000 euros pour une personne physique (150 000 euros en cas de réitération), et de 375 000 euros pour une personne morale (article L. 441‑9 du code de commerce et article 1737 du CGI).

Cela concerne, par exemple, l’hypothèse de la facture fictive, qui ne correspond à aucune prestation réelle. Toutefois, l’hypothèse la plus fréquente demeure celle de l’omission ou de l’inexactitude d’une ou plusieurs mentions obligatoires.

B.   la facturation électronique

1.   Qu’est-ce qu’une facture électronique ?

L’article 289 du CGI définit, à son VI, les factures électroniques comme les factures émises et reçues sous une forme électronique quelle qu’elle soit.

Toutefois, l’expression « facture électronique » peut receler des ambiguïtés.

Il convient, en particulier, de distinguer la facture électronique en format structuré de la facture simplement dématérialisée.

Une facture dématérialisée est le fichier image d’une facture papier. Son format (par exemple, PDF ou PNG) appelle un traitement manuel pour l’extraction et l’exploitation des données utiles. Ce type de format est dit « non structuré ».

À l’inverse, lorsqu’une facture électronique est établie dans un format dit « structuré », cela signifie que ce format respecte des normes d’échange de données informatisées. Cela permet d’extraire et d’exploiter de manière automatique les données contenues dans la facture. Le format structuré le plus souvent utilisé est le format XML (« Extensible markup language »), qui repose sur l’utilisation de balises encadrant et identifiant les données qu’elles accompagnent.

Les grandes entreprises recourent en général d’ores et déjà à des formats structurés. À l’inverse, les PME et les TPE continuent souvent d’émettre leurs factures en format papier ou utilisent des outils bureautiques (tableur, traitement de texte convertis en PDF) pour transmettre leurs factures à leurs clients.

Si le CGI dispose que les factures électroniques tiennent lieu de factures d’origine, notamment au regard des obligations fiscales de l’entreprise, il soumet leur transmission et leur mise à disposition à l’acceptation du destinataire ([56]).

Cette condition constitue un frein à l’essor de la facturation électronique.

2.   L’introduction de la facturation électronique en droit français

La possibilité d’émettre une facture par voie électronique a été admise à partir de 1991, l’article 47 de la loi n° 90-1169 du 29 décembre 1990 de finances rectificative pour 1990 ayant prévu que les factures transmises par voie télématique pouvaient constituer, à certaines conditions, des documents tenant lieu de factures d’origine.

Par la suite, une directive de 2001 ([57]) a créé un cadre juridique assouplissant les conditions de la facturation électronique entre les entreprises de l’UE, entré en vigueur en France le 1er juillet 2003 ([58]). Sous ce régime, les factures électroniques ne peuvent être adressées qu’en recourant à deux moyens techniques sécurisés : soit par la transmission sous la forme d’un message structuré (échange de données informatisées, EDI), soit en recourant à la signature électronique, fondée sur un certificat délivré par un prestataire de service de certification dûment habilité.

Une seconde directive ([59]), en 2010, a libéralisé les technologies de dématérialisation en admettant toutes les formes électroniques de facture, pourvu que des contrôles documentés et permanents soient mis en place par l’entreprise et permettent d’établir une « piste d’audit fiable » entre la facture, émise ou reçue et la livraison de biens ou la prestation de services qui en est le fondement.

3.   L’obligation de facturation électronique pour les personnes publiques

La facturation électronique est d’ores et déjà une obligation pour les personnes publiques dans leurs relations avec leurs fournisseurs (relations « B2G », « Business to Government »).

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait prévu, à son article 25, que l’État et les collectivités territoriales qui le souhaitent acceptent les factures émises par leurs fournisseurs sous forme dématérialisée à compter du 1er janvier 2012. L’État a mis en place, en conséquence, la solution « Chorus Factures », destinée aux fournisseurs des entités publiques.

L’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique, prise sur le fondement de l’habilitation prévue par l’article 1er de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, a introduit une obligation, pour les titulaires et les sous-traitants admis au paiement direct de contrats conclus par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics, de transmettre leurs factures sous forme électronique.

Cette obligation est entrée en vigueur :

– le 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises :

– le 1er janvier 2018 pour les entreprises de taille intermédiaire ;

– le 1er janvier 2019 pour les petites et moyennes entreprises ;

– le 1er janvier 2020 pour les microentreprises.

Cette ordonnance a également prévu la mise en place d’une solution mutualisée permettant le dépôt, la réception et la transmission des factures sous forme électronique. Cette solution, mise à disposition par l’État, est le portail de facturation Chorus Pro, qui a remplacé Chorus Factures le 1er janvier 2017. Elle est prévue par l’article L. 2192-5 du code de la commande publique.

4.   Le long parcours législatif de la facturation électronique entre les entreprises

Le Parlement a déjà été saisi à plusieurs reprises de la mise en place de la facturation électronique entre les entreprises.

● Tout d’abord, en 2015, lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le Gouvernement avait fait adopter un amendement l’habilitant à légiférer par ordonnance « afin de permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours, d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée » ([60]). Il s’agissait alors d’une simple obligation passive, consistant pour les entreprises à devoir accepter de telles factures, et non à devoir en émettre. De plus, on peut relever que l’obligation d’acceptation concernait les factures émises « sous forme dématérialisée », et non électronique, ce qui laisse entendre que l’acceptation de factures en format non structuré (par exemple, un fichier pdf) devait suffire à remplir cette obligation. Une entrée en vigueur progressive était d’ores et déjà prévue en fonction de la taille des entreprises concernées ([61]).

Cette ordonnance n’a jamais été publiée en raison de sa contrariété avec l’article 232 de la directive TVA ([62]), qui dispose : « L’utilisation d'une facture électronique est soumise à l’acceptation du destinataire ».

● Ensuite, la loi de finances pour 2020 ([63]) avait institué une double obligation :

– une obligation d’émission des factures sous forme électronique pour les transactions entre assujettis à la TVA ;

– une obligation de transmission à l’administration des données figurant sur ces factures en vue de leur exploitation à des fins de modernisation de la collecte et des modalités de contrôle de la TVA.

Ces obligations devaient entrer en vigueur à une date comprise entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025, selon un calendrier et des modalités fixés par décret en fonction de la taille et du secteur d’activité des entreprises. Cette entrée en vigueur s’entendait, de manière expresse, sous la condition de l’obtention de l’autorisation du Conseil de l’UE à déroger à l’article 232, précité, de la directive TVA ([64]).

La loi de finances pour 2020 avait également prévu la remise, avant le 1er septembre 2020, d’un rapport au Parlement sur les conditions de mise en œuvre de l’obligation de facturation électronique dans les relations interentreprises. Ce rapport a été publié en octobre 2020 ([65]).

● L’année suivante, et sur la base des conclusions de ce rapport, une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance a été introduite en loi de finances, afin de :

– généraliser le recours à la facturation électronique ;

– instituer une obligation de transmission dématérialisée à l’administration d’informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la TVA qui ne sont pas issues des factures électroniques.

Le calendrier envisagé était le suivant :

– obligation d’acceptation des factures électroniques pour toutes les entreprises à compter de 2023 ;

– obligation d’émission des factures sous forme électronique à compter du 1er janvier 2023 pour les grandes entreprises, du 1er janvier 2024 pour les ETI et du 1er janvier 2025 pour les PME et les TPE.

Cette ordonnance ([66]) a été publiée dans le délai imparti, le 15 septembre 2021, et un amendement portant ratification de celle-ci a été déposé, également dans le délai prévu par la loi, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022 ([67]) – mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition ([68]) au motif qu’elle n’avait pas sa place en loi de finances ([69]).

La censure par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a censuré d’office l’article de la loi de finances pour 2022 portant ratification de l’ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique, au motif que cette disposition n’avait pas sa place en loi de finances.

Pour autant, la question peut se poser du motif exact de cette censure. S’est-il agi, pour le Conseil constitutionnel, de censurer l’insertion d’une ratification d’ordonnance en elle-même au sein d’une loi de finances ? Ou bien cette censure était-elle justifiée, non par le caractère cavalier de la ratification en elle-même, mais par celui des dispositions de l’ordonnance devant être ratifiée ?

Le dispositif de la décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021, reproduit ci-dessous, ne tranche pas explicitement cette question :

« - Sur la place d’autres dispositions dans la loi de finances :

46. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure relative au contenu des lois de finances, résultant des articles 34 et 47 de la Constitution et de la loi organique du 1er août 2001. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

47. L’article 93 a pour seul objet de ratifier l’ordonnance du 15 septembre 2021 mentionnée ci-dessus.

(…)

56. Ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État. Elles n’ont pas trait à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État. Elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de finances. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires ».

Cette décision n’a pas été commentée aux Cahiers du Conseil constitutionnel, et les Tables analytiques ne reviennent pas sur ce point précis.

Dans ses observations, le Gouvernement, qui défend par ailleurs d’autres mesures censurées comme des cavaliers, n’a pas présenté d’argumentation concernant l’article 93.

On peut relever que le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la présence, dans la loi de finances pour 2022, de dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dont certaines portant sur des matières ne relevant pas du domaine exclusif de la loi de finances. Ce texte contient ainsi quatre habilitations à légiférer par ordonnance :

– à son article 96, sur la prise en charge partielle par l’État, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, pour une durée maximale de vingt ans, des coûts résultant des investissements nécessaires et des déficits d’exploitation associés à la conversion des usages des réseaux de gaz de pétrole liquéfié à l’électricité ou aux énergies renouvelables ;

– à son article 128, sur la refonte des règles relatives aux impositions frappant, directement ou indirectement, les produits, services ou transactions et aux impositions contrôlées ou recouvrées selon les mêmes procédures ;

– à son article 151, sur la limitation, dans le cadre de la crise sanitaire, des fins et des ruptures de contrats de travail, l’atténuation des effets de la baisse d’activité et l’accompagnement de la reprise d’activité ;

– à son article 168, sur la création d’un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics et des gestionnaires des organismes relevant du code de la sécurité sociale.

Le domaine de ces deux dernières habilitations ne relève pas du domaine exclusif de la loi de finances.

5.   Les exigences d’authenticité et de conservation de la facture électronique

L’article 289 du CGI prévoit, à son V, que l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture doivent être assurées à compter de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation.

Comme prévu par l’article L. 102 B du livre des procédures fiscales, cette période de conservation est de six ans ([70]).

Pour satisfaire à ces conditions, l’assujetti peut émettre ou recevoir des factures :

1° soit sous forme électronique en recourant à toute solution technique autre que celles prévues aux 2° et 3°, ou sous forme papier, dès lors que des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l’entreprise et permettent d’établir une piste d’audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de services qui en est le fondement ;

2° soit en recourant à la procédure de signature électronique qualifiée au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur ;

3° soit sous la forme d’un message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque.

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la facturation électronique, le 2° mentionnait la procédure de signature électronique dite « avancée », définie au a du 2 de l’article 233 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.

La signature électronique avancée était définie par l’article 2 de la directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques comme celle qui est liée uniquement au signataire, permet d’identifier celui-ci, est créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif et est liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.

La signature électronique qualifiée (Qualified Electronic Signature, QES) est, quant à elle, définie par l’article 3 du règlement n° 910/2014 précité comme une signature électronique avancée qui est créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, et qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique. Ce certificat est une attestation électronique qui associe les données de validation d’une signature électronique à une personne physique et confirme au moins le nom ou le pseudonyme de cette personne. Il est délivré par un prestataire de services de confiance qualifié répondant à certaines exigences fixées par le règlement.

La signature électronique qualifiée répond donc à des critères de sécurité plus élevés que la signature électronique avancée.

La fraude à la TVA

La TVA constitue la première recette fiscale de l’État. Son rendement était de 163,2 milliards d’euros en 2020 et de 186,7 milliards d’euros en 2021 (1).

La Commission européenne publie chque année un rapport sur l’écart de TVA (« VAT gap » en anglais), établi par le Center for Social and Economic Research (CASE). Ce rapport compare les montants de TVA encaissés par les États avec le montant de TVA théorique totale évalué d’après les données de la comptabilité nationale, et en déduit un taux de perte fiscale, dénommé « écart de TVA ».

L’écart de TVA est censé regrouper tous les types de fraude à la TVA, mais aussi les créances de TVA non recouvrées, notamment celles d’entreprises faisant l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires.

La Commission européenne estime que l’écart de TVA en France s’est élevé, en 2018, à 7,9 % du rendement brut, et à 7,4 % en 2019 (2).

En 2019, l’écart de TVA était estimé par la Cour des comptes et l’INSEE à un montant compris entre 10 et 20 milliards d’euros, soit 8 % de son rendement brut (3).

La fraude à la TVA emprunte des voies variées : non-reversement, fausses factures, application de taux minorés. Dans son rapport de 2019, la Cour des comptes soulignait les importantes opportunités de fraude suscitées par le développement du commerce en ligne, qui pose un véritable défi aux services de contrôle compte tenu de la difficulté de réaliser un contrôle sur des opérateurs virtuels et ne disposant pas d’établissement stable sur le territoire national (4).

Il convient également de mentionner les fraudes dites « au carrousel », qui se déploient à l’échelle de plusieurs pays de l’UE. Il s’agit d’obtenir le remboursement par un État membre d’une taxe qui n’a jamais été acquittée en amont, ou de réduire le montant de TVA à payer, en créant une chaîne de sociétés dans plusieurs États, qui réalisent entre elles des acquisitions intracommunautaires, qui sont exonérées de TVA. Des droits à déduction sont artificiellement constitués par l’intermédiaire de sociétés éphémères, dites « taxi », qui ont pour rôle de générer de la TVA grâce à un circuit de facturation (5).

 

(1) Source : commission des finances.

(2) « VAT Gap in the EU », Center for Social and Economic Research, Commission européenne, septembre 2021 : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/bd27de7e-5323-11ec-91ac-01aa75ed71a1/language-en/

(3) « La fraude aux prélèvements obligatoires », Cour des comptes, décembre 2019 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-fraude-aux-prelevements-obligatoires.

(4) Ibidem, p. 11.

(5) https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgfip/controle_fiscal/procedes_fraude/5_Fraude_tva_type_carrousel.pdf

II.   les dispositions du projet de loi

Le présent article étend aux entreprises, de manière progressive, l’obligation de recourir à la facturation électronique (A). Il introduit, pour les transactions domestiques réalisées entre assujettis à la TVA établis en France :

– une obligation de réception des factures électroniques par toutes les entreprises à compter du 1er juillet 2024 ;

– une obligation d’émission de factures électroniques pour les grandes entreprises à compter de la même date, pour les ETI à compter du 1er janvier 2025 et pour les PME à compter du 1er janvier 2026.

De plus, il introduit une obligation de transmission à l’administration fiscale de certaines données (B), à savoir :

 les données de transaction s’agissant des transactions non domestiques entre entreprises et de celles à destination de personnes non assujetties à la TVA, pour lesquelles une obligation de recours à la facturation électronique n’est pas introduite ;

 et les données de paiement s’agissant des prestations de service, pour lesquelles la TVA est exigible au moment du paiement.

La transmission des factures électroniques et de ces données doit avoir lieu à travers le portail public de facturation Chorus Pro, déjà utilisé par les fournisseurs de la sphère publique, éventuellement par l’intermédiaire d’opérateurs de plateforme de dématérialisation agréés.

Des sanctions sont prévues en cas de manquement à ces obligations (C).

A.   L’obligation du recours à la facturation Électronique entre assujettis à la tva Établis en France (« E-invoicing »)

La mise en place de l’obligation de recours à la facturation électronique entre les assujettis à la TVA établis en France est prévue au 2° du I du présent article (alinéas 3 à 13), qui insère un nouvel article 289 bis dans le CGI.

Celui-ci dispose que l’émission, la transmission et la réception des factures relatives aux opérations pour lesquelles une facture est exigée par le droit fiscal, ainsi qu’aux acomptes s’y rapportant, s’opèrent sous une forme électronique selon des normes de facturation définies par arrêté du ministre chargé du budget, lorsque l’émetteur de la facture et son destinataire sont des assujettis qui sont établis, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France (alinéa 4).

Il est précisé que les intéressés peuvent recourir, pour ce faire, au portail public de facturation mentionné à l’article L. 2192-5 du code de la commande publique, c’est-à-dire le portail Chorus Pro, d’ores et déjà utilisé dans le cadre des relations entre les personnes publiques et leurs fournisseurs, ou bien à une autre plateforme de dématérialisation (alinéa 5).

Les modalités d’application de ces dispositions sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 6).

Le II du nouvel article 289 bis du CGI (alinéas 7 à 9) concerne la transmission des mentions figurant sur ces factures électroniques à l’administration fiscale. Ces mentions devront être transmises via Chorus Pro, soit de manière directe si les assujettis ont choisi d’y recourir pour leurs factures, soit par l’intermédiaire de la plateforme de facturation qu’ils auront choisie, laquelle devra transmettre ces données à Chorus Pro. Un décret en Conseil d’État doit fixer la périodicité, les conditions et les modalités de cette transmission.

Le 2° du II du présent article (alinéa 58) complète, en conséquence, aux articles L. 2192-5, L. 2392-5 et L. 3133-6 du code de la commande publique, les objectifs assignés au portail public de facturation Chorus Pro, en précisant qu’il permet, non seulement le dépôt, la réception et la transmission des factures sous forme électronique, mais aussi la transmission des données relatives aux mentions figurant sur ces factures électroniques, conformément au II de l’article 289 bis du CGI.

Les modalités d’entrée en vigueur de ces dispositions sont fixées au A du III du présent article (alinéas 59 à 63), qui dispose que le 2° du I et le II s’appliquent aux factures émises à compter du 1er juillet 2024, sauf :

– pour les factures émises par les entreprises de taille intermédiaire, pour lesquelles l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2025 ;

– et celles émises par les petites et moyennes entreprises et les microentreprises ([71]), pour lesquelles l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2026.

L’entrée en vigueur est néanmoins prévue dès le 1er juillet 2024 pour les factures émises par un groupe TVA ([72]).

Le III du nouvel article 289 bis du CGI (alinéas 10 à 12) prévoit la constitution d’un annuaire central par le portail public de facturation, c’est-à-dire Chorus Pro. Cet annuaire, constitué et mis à jour à partir des informations transmises par ces opérateurs, doit recenser les informations nécessaires à l’adressage des factures électroniques. Il est prévu que cette mesure puisse déroger à l’article L. 151-1 du code de commerce, c’est-à-dire au secret des affaires ([73]). Les informations à transmettre et les modalités de la transmission sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Le IV du nouvel article 289 bis du CGI (alinéa 13) prévoit que l’ensemble de ces dispositions ne sont pas applicables aux opérations classifiées au titre du secret de la défense nationale ([74]) ([75]).

B.   l’obligation de transmission de donnÉes complÉmentaires (« e-reporting »)

Le 3° du I du projet d’article (alinéas 14 à 37) prévoit la mise en place d’une obligation de transmission de données de transactions à l’administration fiscale, et crée à cette fin une sous-section nouvelle, intitulée « Obligations particulières de transmission d’informations », au sein de la section VII, relative aux obligations des redevables, du chapitre Ier, relatif à la TVA, du titre II de la première partie du livre premier du CGI. 

Cette sous-section nouvelle est composée de deux articles, l’article 290 (alinéas 15 à 30) et l’article 290 A (alinéas 31 à 37).

Le nouvel article 290 du CGI fixe, à son I (alinéas 15 à 26), la liste des opérations sur lesquelles les assujettis doivent transmettre des informations à l’administration. Cette obligation ne concerne que les assujettis établis, ayant leur domicile ou leur résidence habituelle en France. La transmission doit se faire sous forme électronique selon des normes de transmission définies par arrêté. Les opérations exonérées de TVA ne sont pas couvertes par cette obligation (alinéa 15).

En substance, ces opérations sont les transactions non domestiques entre entreprises et les transactions à destination de personnes non assujetties à la TVA.

Ce sont, plus précisément, les opérations suivantes :

– les livraisons exonérées en application du I de l’article 262, c’est-à-dire les exportations de biens hors de l’UE, et du I de l’article 262 ter, c’est-à-dire les livraisons intracommunautaires (1°, alinéa 16) ;

– les livraisons de biens expédiés ou transportés à partir de la France à destination d’un autre État membre dans le cadre de ventes à distance intracommunautaires de biens et qui ne sont pas situées en France (2°, alinéa 17) ;

– les livraisons de biens dont le lieu d’imposition est situé en France conformément aux dispositions de l’article 258 ([76]) lorsque le destinataire de la livraison est une personne non assujettie ou une personne assujettie qui n’est pas établie en France ou n’y dispose pas de son domicile ou de sa résidence habituelle (3°, alinéa 18) ;

– les livraisons de biens expédiés ou transportés à partir d’un autre État membre à destination de la France dans le cadre de ventes à distance intracommunautaires de biens situées en France (4°, alinéa 19) ;

– les prestations de services réalisées au profit de preneurs assujettis non établis en France et qui n’y sont pas situées aux fins de la TVA ([77]) (5°, alinéa 20) ;

– les prestations de services réputées ne pas être situées en France mentionnées à l’article 259 B ([78]) (6°, alinéa 21) ;

– les prestations de services situées en France mentionnées au 2° de l’article 259 ([79]) (7°, alinéa 22) ;

– les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels situées en France en application de l’article 258 C ([80]) (8°, alinéa 23) ;

– les livraisons de biens dont le lieu d’imposition est situé en France conformément aux dispositions de l’article 258 dont ils sont destinataires, lorsque la livraison est effectuée par une personne assujettie qui n’est pas établie en France
ou n’y dispose pas de son domicile ou de sa résidence habituelle (9°, alinéa 24) ;

– les prestations situées en France conformément aux dispositions des articles 259 et 259 A acquises auprès d’un assujetti qui n’est pas établi en France ou n’y dispose pas de son domicile ou de sa résidence habituelle (10°, alinéa 25) ;

– les livraisons de biens expédiés ou transportés à partir de la France à destination de la Principauté de Monaco ou les acquisitions de biens en provenance de la Principauté de Monaco ainsi que les prestations de services lorsque le preneur est un assujetti qui est établi dans la Principauté de Monaco ou une personne non assujettie qui y a son domicile ou sa résidence habituelle ou l’acquisition de prestations de services pour lesquelles le prestataire est établi dans la Principauté de Monaco (11°, alinéa 26).

Le II du nouvel article 290 du CGI (alinéa 27) précise les obligations de transmission d’informations à l’administration incombant aux assujettis non établis en France. Il est prévu qu’ils transmettent à l’administration, par voie électronique, des informations relatives aux livraisons de biens et prestations de services situées en France pour lesquelles ils sont redevables de la TVA lorsque le destinataire ou le preneur est un assujetti ou un non assujetti.

Le III du nouvel article 290 du CGI (alinéas 28 et 29) prévoit les modalités de transmission des informations à l’administration. Ces informations doivent être transmises sous forme électronique en recourant soit à Chorus Pro, qui les communique à l’administration, soit à un autre opérateur de plateforme de dématérialisation, qui les transmet à Chorus Pro, lequel, à nouveau, les transmet à l’administration. Les informations et la périodicité, les conditions et les modalités de transmission doivent être précisées par un décret en Conseil d’État.

Le IV du nouvel article 290 du CGI (alinéa 30) dispose que celui-ci n’est pas applicable aux opérations classifiées au titre du secret de la défense nationale ni aux opérations concernées par une clause de confidentialité prévue pour un motif de sécurité nationale par un contrat ayant pour objet des travaux, fournitures et services ou la fourniture d’équipements destinés à l’armement ou à la sécurité.

Le nouvel article 290 A du CGI (alinéas 31 à 37) prévoit, à son I, la transmission à l’administration, sous une forme électronique, des données relatives au paiement des opérations relevant de la catégorie des prestations de services mentionnées aux articles 289 bis et 290 du CGI, également créés par le présent article, sauf lorsque la TVA est due par le preneur. Cette disposition se justifie par le fait que l’exigibilité de la TVA pour les prestations de services intervient au moment du paiement.

Ces données doivent être communiquées selon des normes de transmission définies par arrêté du ministre du budget en recourant soit au portail public Chorus Pro, qui les communique à l’administration, soit à un autre opérateur de plateforme de dématérialisation, qui les transmet à ce portail afin que ce dernier les transmette à l’administration (alinéa 31).

Ces données sont transmises par l’assujetti auquel incombe l’obligation d’émission des factures électroniques ou, à défaut d’une telle obligation, par l’assujetti auquel incombe l’obligation de transmission des données de transaction en application de l’article 290 (alinéas 32 à 34).

La liste des données et la périodicité, les conditions et les modalités de leur transmission sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 35).

Le II du nouvel article 290 A du CGI (alinéas 36 et 37) précise que ces dispositions s’appliquent aux factures émises dans le cadre de l’exécution de contrats de la commande publique régis par les deuxième et troisième parties du code de la commande publique, c’est-à-dire les marchés publics et les concessions, à l’exception des marchés de défense ou de sécurité, prévus par l’article L. 113-1 de ce code (alinéa 36).

En revanche, elles ne sont pas applicables aux opérations mentionnées au IV de l’article 290, c’est-à-dire les opérations classifiées au titre du secret de la défense nationale ni aux opérations concernées par une clause de confidentialité prévue pour un motif de sécurité nationale par un contrat ayant pour objet des travaux, fournitures et services ou la fourniture d’équipements destinés à l’armement ou à la sécurité (alinéa 37).

Le B du III du présent article (alinéas 64 à 67) prévoit que le 3° du I, c’est-à-dire les nouveaux articles 290 et 290 A du CGI, s’applique aux factures émises ou, à défaut de facture, aux opérations réalisées à compter du 1er juillet 2024, sauf pour les factures émises par des ETI, pour lesquelles il s’applique à compter du 1er janvier 2025, et celles émises par les PME, pour lesquelles il s’applique à compter du 1er janvier 2026.

Le 4° du I du présent article (alinéas 38 à 40) crée au sein du CGI un article 290 B relatif aux plateformes de dématérialisation partenaires qui doivent assurer, lorsque des entreprises les en chargent, la transmission des factures électroniques et la transmission à Chorus Pro des données de transaction et de paiement. Il est précisé que ces plateformes sont des opérateurs de dématérialisation identifiés comme partenaires de l’administration dans l’annuaire central de Chorus Pro, prévu par le III de l’article 289 bis (alinéa 39).

Lesdites plateformes se voient délivrer un numéro d’immatriculation par l’administration fiscale pour une durée de trois ans renouvelable, éventuellement assortie de réserves. Les conditions et modalités de délivrance et de renouvellement sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 40).

C.   les sanctions en cas de manquement

Les 5° et 6° du I du présent article (alinéas 41 à 55) fixent les sanctions en cas de manquement aux nouvelles dispositions prévues par les 2° à 4° du même I.

Le (alinéas 41 à 44) complète l’article 1737 du CGI afin de prévoir les sanctions applicables en cas de manquement à l’obligation de facturation électronique. Une amende de 15 euros par facture est applicable, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse excéder 15 000 euros (alinéa 42). Dans le cas où un opérateur d’une plateforme de dématérialisation manque aux obligations de transmission de données issues de factures électroniques, une amende de 15 euros par facture, mise à la charge de cette plateforme, est également applicable, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile puisse excéder 45 000 euros (alinéa 43).

Un droit à l’erreur est prévu : ces amendes ne sont pas applicables en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque l’infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d’une première demande de l’administration (alinéa 44).

Le (alinéas 45 à 55) insère dans le CGI deux articles 1788 D (alinéas 46 à 48) et 1788e (alinéas 49 à 55).

L’article 1788 D traite des sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de transmission de données de transactions et de paiement prévues par les articles 290 et 290 A.

Le I (alinéa 46) sanctionne les manquements d’une amende de 250 euros par transmission, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile au titre de chacun des deux articles précités puisse excéder 15 000 euros.

Le II (alinéa 47) sanctionne les opérateurs de plateforme de dématérialisation des manquements à leurs obligations de transmission par une amende de 750 euros par transmission, sans que le total des amendes appliquées au titre d’une même année civile au titre de chacun des deux articles précités puisse excéder 45 000 euros.

Le III (alinéa 48) prévoit un droit à l’erreur : les amendes mentionnées aux I et II ne sont pas applicables en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque l’infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d’une première demande de l’administration.

L’article 1788 E (alinéas 49 à 55) concerne des sanctions applicables aux opérateurs de plateforme de dématérialisation.

Son I (alinéas 49 à 51) prévoit que le numéro d’immatriculation qui leur est attribué en application de l’article 290 B peut être retiré :

– d’une part, lorsqu’un tel opérateur a été sanctionné pour manquement à ses obligations de transmission de factures électroniques ou de données de transactions et de paiement à au moins trois reprises au cours de deux années consécutives et pour un montant cumulé au moins égal à 60 000 euros, et qu’il commet une nouvelle infraction du même type au cours de la deuxième année ou de l’année suivante (alinéa 50) ;

– d’autre part, lorsqu’il ne respecte pas les conditions auxquelles est subordonné la délivrance ou le renouvellement de son numéro d’immatriculation, ou ses obligations de transmission d’informations en vue de la constitution de l’annuaire central, et que, malgré une mise en demeure de l’administration de se conformer à ses obligations dans un délai de trois mois, il n’a pas communiqué, dans ce délai, tout élément de preuve de nature à établir qu’il s’est conformé à ses obligations ou a pris les mesures nécessaires pour assurer sa mise en conformité dans un délai raisonnable (alinéa 51).

Le II (alinéas 52 à 54) précise que le retrait du numéro d’immatriculation d’un opérateur de plateforme prend effet à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de sa notification à celui-ci, et que ce retrait est exclusif des amendes qui peuvent lui être infligées. L’opérateur dont le numéro d’immatriculation est retiré doit en informer ses clients dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de retrait. L’administration procède également, dans le même délai, à l’information des clients.

Le III (alinéa 55) prévoit qu’un opérateur dont le numéro d’immatriculation a été retiré ne peut demander un nouveau numéro qu’après l’expiration d’un délai de six mois.

D.   les autres modifications proposÉes

Le 1° du I du présent article (alinéa 2) tend à substituer, au 2° du VII de l’article 289 du CGI, l’exigence d’un recours à la procédure de signature électronique avancée par celle d’un recours à la procédure de signature électronique qualifiée, parmi les moyens permettant à un assujetti d’assurer l’authenticité de l’origine de la facture.

Le 1° du II du présent article (alinéa 57) procède, dans le code de la commande publique, à une extension des obligations relatives à la facturation électronique aujourd’hui applicables à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, à l’ensemble des personnes morales de droit public, ce qui inclut les groupements d’intérêt public ou encore les autorités publiques indépendantes.

L’utilité d’une validation législative

Le délai d’habilitation de l’ordonnance du 15 septembre 2021 étant achevé, on peut s’interroger sur le statut juridique de cette ordonnance à la suite de la censure, par le Conseil constitutionnel, de la disposition de la loi de finances pour 2022 la ratifiant.

En effet, l’article 38 de la Constitution dispose que les ordonnances « entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation ». En l’espèce, en admettant que le dépôt d’un amendement de ratification vaut dépôt d’un projet de loi au sens dudit article 38, ce qui peut donner lieu à discussion, cette formalité est bien intervenue le 6 novembre 2021, à travers un amendement au projet de loi de finances pour 2022 (cf. supra), qui a été adopté par les deux assemblées. L’article résultant de cet amendement a, cependant, été censuré d’office par le Conseil constitutionnel au motif qu’il n’avait pas sa place en loi de finances.

La question se pose, en conséquence, de savoir si cette censure remet en cause les effets normalement attachés au dépôt d’un projet de loi – ou, en l’espèce, d’un amendement – de ratification d’une ordonnance, au sens où elle entraînerait la caducité de ses dispositions.

Cette question ne semble pas, à ce stade, tranchée par les juges.

III.   L’impact budgÉtaire et Économique

Les effets escomptés de cette réforme sont les suivants :

– Pour les entreprises :

L’évaluation préalable chiffre ces effets à au moins 4,5 milliards d’euros.

L’évaluation préalable estime que ces coûts sont largement inférieurs aux bénéfices de la réforme, y compris pour les PME.

– Pour l’État, une réduction de la fraude fiscale, se traduisant par une réduction de l’écart de TVA et des recettes plus importantes d’impôt sur les sociétés, et un pilotage plus fin des politiques économiques grâce à une meilleure connaissance des transactions entre les entreprises.

*

*     *

Amendement de suppression CF267 du rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet article n’affectant pas l’équilibre budgétaire 2022, le respect de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) impose de le déplacer en seconde partie.

La commission adopte l’amendement CF267 (amendement 172).

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement CF111 de Mme Véronique Louwagie tombe.


Après l’article 3

Amendements CF185 et CF186 de Mme Karine Lebon (discussion commune).

M. Nicolas Sansu. Il s’agit de doubler la taxe sur les transactions financières (TTF) en la faisant passer de 0,3 % à 0,6 % et d’y intégrer les transactions intra-journalières. L’amendement de repli CF186 vise à la faire passer à 0,4 %.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le rendement de cette taxe est très dynamique puisqu’en 2021, elle a rapporté 1,7 milliard d’euros, contre 1,4 milliard en 2019.

Par nature, une taxe sur les transactions financières n’en reste pas moins volatile et sensible aux signaux. Les augmentations de taux proposées risquent de créer des effets d’éviction et, le cas échéant, nous devons promouvoir une approche européenne.

Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu. Cet argument nous a été opposé par les rapporteurs généraux lorsqu’il s’est agi de passer de 0 % à 0,1 %, puis à 0,2 % et à 0,3 % ; les marchés et les transactions financières, disaient-ils, seraient déstabilisés mais il n’en a rien été. Cet argument relève de l’argutie.

La commission rejette les amendements CF185 et CF186.

Amendements identiques CF25 de Mme Véronique Louwagie et CF200 de M. Marc Le Fur, amendements identiques CF53 de Mme Émilie Bonnivard et CF127 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune).

M. Marc Le Fur. Notre priorité est le blocage du prix des carburants à 1,50 euro pour l’ensemble de nos concitoyens. Cette question est fondamentale, en particulier dans les zones rurales où, selon l’INSEE, les effets de l’inflation sont encore plus conséquents.

Néanmoins, nous proposons aussi, par cet amendement, de supprimer la TVA de 20 % sur la TICPE – qui est de l’ordre de 69 centimes par litre – tant il est absurde de taxer une taxe. Si cet amendement était adopté, l’économie réalisée serait de 14 centimes pour l’ensemble des usagers.

Après tout, monsieur le rapporteur général, vous appliquez une disposition très administrée aux prix du gaz et de l’électricité tout en refusant de faire de même pour les prix du pétrole et du carburant. Un ménage modeste, qui roule au diesel, paie des impôts conséquents : TVA, TICPE et TVA sur la TICPE ; un ménage plus aisé disposant d’un véhicule électrique bénéficiera, pour la recharge de son véhicule, d’un prix administré autrement favorable. Cette situation est, en quelque sorte, antisociale.

L’État, de plus, bénéficie considérablement de cette hausse du prix du pétrole car la réduction proposée n’est pas énorme et la part de TVA s’est accrue.

Il faut mettre un terme à cette anomalie.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement a le même objectif tant les citoyens sont exaspérés par une taxe qui enrichit l’État en période d’inflation autant qu’elle réduit leur pouvoir d’achat. Cette mesure, simple et claire, bénéficiera à tous. Comme l’a dit Mme Pires Beaune, les déplacements contraints ne se limitent pas aux trajets entre le domicile et le travail.

Je regrette que vos mesures ciblées excluent une partie des Français. Cette logique conduit certains d’entre eux à faire des calculs pour ne pas dépasser un seuil de revenus afin de bénéficier des aides, ce qui n’encourage ni le travail, ni la croissance.

M. Fabien Di Filippo. Nous devons prendre des mesures pour le long terme. La pratique des chèques se banalise mais ce type de dispositif, tout en profitant toujours aux mêmes, renforce l’inflation. D’autres situations fiscales sont incongrues. En l’espèce, comment voulez-vous que le contribuable comprenne qu’il doit s’acquitter d’une taxe sur la taxe ?

Les classes moyennes, qui ont dû s’éloigner des centres-villes, doivent parcourir des distances de plus en plus longues pour se rendre chez un médecin, faire leurs courses, conduire les enfants à leurs activités, se rendre sur leur lieu de travail. Leurs membres n’ont souvent pas d’autre choix que de prendre la voiture. Les véhicules électriques restent l’apanage des plus aisés en raison de leur prix élevé. Il semble donc évident de prendre la mesure que nous préconisons, de faire ce geste pour la France périphérique et la France qui travaille. Il faudra bien qu’un jour ce pays, qui se distingue par son taux de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde, revienne à une taxation plus raisonnable. Nous avons toujours eu le courage, lors de la précédente législature ou durant la campagne électorale, de prévoir des mesures d’économies pour compenser les dépenses que nous vous proposions.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre proposition est contraire à la directive européenne sur la TVA, dont l’article 78 prévoit que sont à comprendre dans la base d’imposition à la TVA les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même.

D’autre part, cette mesure coûterait 6 milliards d’euros par an. Or notre objectif est de ne pas dépasser 5 % de déficit en 2022. En outre, l’impôt sur l’impôt est une pratique courante.

Surtout, vous proposez une mesure pérenne pour résoudre un problème qui ne le sera peut-être pas.

Nous préférons cibler une aide sur les catégories les plus touchées et les plus vulnérables face à la hausse des prix. Je suis d’ailleurs ouvert à l’idée d’élargir son périmètre pour viser davantage de personnes. Nous pouvons en discuter d’ici à la séance publique.

Enfin, le propriétaire d’une voiture à moteur diesel bénéficie de la remise de 18 centimes, à laquelle pourra s’ajouter une autre prime dont le montant dépendra des kilomètres qu’il parcourt.

Avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre. La remise de 18 centimes bénéficiera à tout le monde jusqu’à la fin du mois de septembre. Mais c’est par des mesures ciblées et ponctuelles que nous aiderons nos concitoyens à surmonter le pic inflationniste – et nous sommes prêts à discuter de leur calibrage.

Où trouveriez-vous les 6 milliards d’euros pour financer votre mesure ? Surtout, votre mesure semble être pérenne. Prévoyez-vous de relever le taux de la TVA, une fois la crise passée ?

L’année dernière, 600 000 ménages ont bénéficié des primes à la conversion et des primes à l’acquisition de véhicules à faible coût écologique. Voilà des mesures financées et utiles.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’idéal serait que nous vivions tous en ville où nous circulerions en voiture électrique. La réalité est différente. Les territoires ruraux sont les plus touchés par la crise et la fracture territoriale pourrait bien se transformer en fracture démocratique.

Ne vous y trompez pas : nos mesures sont, elles aussi, ponctuelles et calibrées. Elles permettront de soutenir les personnes qui, contrairement à vous, ont besoin de leur voiture tous les jours. Surtout, vous vous offusquez d’un coût de 6 milliards alors que la législature précédente s’est soldée par 140 milliards d’euros de dépenses supplémentaires non justifiées !

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous voterons la suppression de la TVA sur la TICPE, qui est une vieille revendication du Rassemblement national. Le consensus autour de cette mesure illustre l’échec de l’écologie punitive et de la fiscalité comportementale. Si vous voulez que les gens changent de comportement, il faut leur offrir le choix. Or ils n’ont pas les moyens de faire ce choix. Malheureusement, la fiscalité écologique est devenue un pilier du financement de l’État, non une incitation à changer de comportement.

Nous voulons que les mesures soient pérennes. C’est pourquoi nous vous proposons de baisser la TVA sur le carburant, qui est un produit de première nécessité puisque la voiture en est un. Si vous aviez changé les règles de fixation du prix de l’électricité, nous disposerions de près de 10 milliards d’euros pour financer cette baisse de la TVA sur le carburant.

M. Philippe Brun. Notre groupe votera ces amendements et je renverrai sa question à M. Lefèvre : où trouverez-vous les 3,8 milliards d’euros pour financer la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ? Les 25 milliards pour financer la suppression de la taxe d’habitation ? Il faut faire des choix. L’explosion du prix du carburant pèse lourdement sur le budget de nos concitoyens, en particulier ceux qui vivent en milieu rural. La facture d’essence peut atteindre 200 euros par semaine pour une aide à domicile.

Cependant, il conviendrait de limiter la durée du dispositif proposé par M. Le Fur à la durée de la crise. Nous déposerons un amendement en ce sens en séance publique.

Mme Perrine Goulet. Je suis élue, moi aussi, d’un territoire rural et je connais les difficultés de nos concitoyens. Tous n’ont pas besoin d’être aidés. Aussi un dispositif ciblé reste-t-il préférable à celui-là car nous devons penser également à redresser nos finances publiques. Nous pourrions y réfléchir ensemble afin d’accompagner au mieux ceux qui en ont besoin. Nous ne soutiendrons pas la mesure proposée.

M. Nicolas Sansu. Je voterai ces amendements. Rappelons que nos collègues socialistes ont le mérite de la cohérence puisque, en 1997, un dispositif comparable, la TIPP flottante – taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers – avait permis d’amortir la hausse des tarifs. Il est parfois nécessaire de prendre ce type de mesures. La progressivité de l’impôt ne dépend pas de la TVA. C’est en ayant une vision d’ensemble de l’architecture fiscale que nous prendrons des mesures plus justes. Nous ne pouvons priver nos concitoyens les plus vulnérables de ce dispositif sous le prétexte qu’il profiterait à tous.

M. Charles de Courson. Le déficit s’élève à 170 milliards d’euros et beaucoup de nos concitoyens sont en difficulté. Dans ces conditions, nous devrions supprimer toutes les mesures générales pour ne prendre que des mesures spécifiques, que ce soit pour le prix du carburant ou le bouclier tarifaire. Bruno Le Maire l’a reconnu, il n’y a pas plus tard qu’une semaine. Malheureusement, la commission des finances semble décidée à poursuivre sur la voie du « quoi qu’il en coûte ». Est-ce un comportement responsable ? Continuons ainsi et nous pourrons dire adieu à la démocratie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette mesure ne trouvera pas à s’appliquer car elle est contraire à la directive européenne sur la TVA.

Nous avons choisi de débloquer 20 milliards d’euros pour aider nos concitoyens à lutter contre les conséquences de l’inflation. Ils s’ajouteront aux 26 milliards votés précédemment. Nous devons en rester là pour ne pas dépasser l’objectif de 5 % de déficit en 2022 et ne pas prendre le risque de mettre en péril l’indépendance et la souveraineté de la France à moyen terme.

Admettons que votre proposition soit la bonne : devons-nous remettre en cause l’augmentation des salaires de la fonction publique, la revalorisation des pensions de retraite ?

Nous préférons une mesure ciblée qui aide les Français des cinq premiers déciles plutôt que de soutenir l’ensemble des Français, y compris ceux qui, comme nous, peuvent supporter la hausse du prix de l’essence.

M. David Guiraud. Nous ferons l’effort de voter pour ces amendements parce que la crise sociale est aiguë et qu’il est de plus en plus difficile, pour nos concitoyens, de se déplacer. Cela étant, nous sommes opposés à cette logique de baisse continue des taxes. Surtout, il conviendrait de taxer davantage ceux qui profitent de la crise – comme Total ou les transporteurs maritimes.

Mme Eva Sas. Nous voterons contre ces amendements. C’est vrai, il est nécessaire de soutenir les ménages en cette période difficile. Cependant, nous ne pouvons accepter que des mesures temporaires car nous devrons nous dégager de la dépendance aux énergies fossiles en proposant des mesures fiscales adaptées et d’autres choix que ce type d’énergies.

La commission rejette les amendements identiques CF25 et CF200.

Mme Véronique Louwagie. Pourriez-vous détailler le vote, s’il vous plaît ?

M. le président Éric Coquerel. Vingt-sept voix pour et vingt-neuf voix contre.

La commission rejette les amendements identiques CF53 et CF127

Amendements identiques CF36 de Mme Véronique Louwagie et CF207 de M. Marc Le Fur, amendements CF124 et CF125 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune).

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer la taxe sur la taxe qui frappe les factures d’électricité et de gaz des Français puisque la TVA s’applique non seulement sur la consommation d’énergie mais aussi sur les taxes sur la consommation d’énergie. Nous répondons en cela au message envoyé par nos concitoyens.

Nous vous proposons d’exclure de l’assiette de la TVA les taxes qui s’appliquent à la consommation d’électricité et à la consommation de gaz.

Ces cas de taxe sur la taxe, ou d’impôt sur l’impôt, correspondent à une vision archaïque, injustifiable et injuste pour nos compatriotes qui subissent déjà la baisse de leur pouvoir d’achat.

Ne nous faites pas la leçon, monsieur le rapporteur général, alors que le Gouvernement que vous avez soutenu a laissé dériver les dépenses publiques ces cinq dernières années.

M. Marc Le Fur. Vous semblez partisan, monsieur le rapporteur général, du « signal prix ». Le prix devrait avoir des incidences comportementales. Dans cette perspective, un prix autour de 2 euros vous conviendrait et vous ne voyez pas l’intérêt de revenir au tarif plus raisonnable de 1,50 euro. C’est grave au regard de la situation de notre pays, du niveau de l’inflation et des difficultés qui en découlent pour les travailleurs.

Disposons-nous de chiffres sur l’évolution récente de la consommation de carburants ?

M. Fabien Di Filippo. Il s’agit de supprimer l’impôt sur l’impôt qui frappe les factures d’électricité et de gaz par l’intermédiaire de la TICFE ou de la TICGN, la TVA s’appliquant non seulement sur la consommation d’énergie mais aussi sur ces taxes. Dans un contexte marqué par le coût de l’énergie, nous voulons prendre des mesures pour le long terme. Nous payons aussi les mauvais choix du quinquennat précédent, lorsque vous souteniez la politique de M. Hulot.

Quant au coût de cette mesure, il est moins élevé que celui du bouclier tarifaire destiné à lutter contre la hausse des prix de l’électricité et du gaz – plus de 20 milliards d’euros pour six mois. Nous pourrions, nous aussi, vous demander comment vous comptez le financer.

Nous devons être responsables et conduire une politique de long terme pour ceux qui se demandent comment ils paieront leurs factures de chauffage cet hiver.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Personne ne donne de leçon à qui que ce soit. Nous portons tous la responsabilité de l’augmentation de la charge de la dette dans les finances publiques d’environ 17 milliards d’euros en 2022. Mais loin de nous l’idée d’aggraver encore davantage la situation. La crise sanitaire a contraint l’État à intervenir massivement et personne, ici, ne remet en cause le bien-fondé de cette politique. Le Premier président de la Cour des comptes a lui-même reconnu que nous avions fait le bon choix en l’espèce. Cette politique a un coût mais elle a permis à nos concitoyens de surmonter la crise.

S’agissant du signal prix, je vous communiquerai les chiffres, mais il est évident que les conséquences ne sont pas négligeables. Il est cependant bien évident que nous n’avons pas l’intention de maintenir à un niveau élevé le prix du gaz.

C’est vrai, monsieur Di Filippo, le bouclier tarifaire est bien supérieur, du point de vue du bénéfice pour les ménages, à celui du dispositif que vous proposez : 320 euros contre 24 euros par an. Cela étant, nous ne souhaitons pas multiplier ces dispositifs pour ne pas dépasser notre objectif de dépenses publiques.

En tout état de cause, votre proposition est contraire à la directive européenne sur la TVA.

M. Fabien Di Filippo. Combien de temps pourrez-vous prolonger une telle mesure ? Le Premier ministre a annoncé qu’il faudrait revoir le système à partir du 1er octobre parce qu’il serait difficile de le prolonger et que les Français paieraient le tarif de l’énergie en fonction de leurs revenus. Nous ne sommes pas d’accord avec cette proposition de nature à décourager la France qui travaille.

M. Charles de Courson. Ces amendements posent un problème de fond, soulevé depuis des années. La directive européenne sur la TVA est un obstacle puisque la base d’imposition doit comprendre les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même. Ce problème doit être résolu au niveau communautaire. En attendant, il ne sert à rien de déposer ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF36 et CF207 et les amendements CF124 et CF125.

Amendement CF126 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Cet amendement tend à supprimer l’impôt sur l’impôt qui frappe les factures de fioul. L’interdiction des chaudières au fioul n’empêchera pas bon nombre de nos concitoyens, notamment les plus âgés, de se chauffer par ce moyen. Or il ne me semble pas qu’ils bénéficient d’un quelconque bouclier.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre proposition, je le répète, est contraire à la directive européenne sur la TVA et cela suffit pour justifier de ne pas l’adopter. Je rappelle que nous avons pris des mesures pour favoriser le changement de ces chaudières. Nous pouvons discuter sur les améliorations qui permettraient d’accélérer la transition.

M. Fabien Di Filippo. Une personne qui n’a pas les moyens de remplir sa cuve de fioul a encore moins les moyens de la changer. Le prix de toutes les énergies de substitution a explosé. Pour les poêles à pellets, il est multiplié par trois. Dès cet hiver, bon nombre de nos concitoyens ne pourront pas se chauffer.

M. Philippe Brun. En vertu de l’article 395 de la directive, les États membres peuvent être autorisés à déroger aux règles communes en matière de TVA. Nous pourrions travailler avec les services du rapporteur général pour présenter en séance publique un dispositif ciblé et limité dans le temps.

La commission rejette l’amendement CF126.

Amendement CF64 de M. Philippe Juvin.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’exclure les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture de produits énergétiques utilisés comme carburants.

En proposant de diminuer les recettes fiscales, nous contribuons à réduire les prélèvements obligatoires. La France affiche, après le Danemark, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe. Le Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, que nous avons entendu hier en audition, nous a donné des pistes pour améliorer l’efficacité de nos politiques publiques. Il suffit que le Gouvernement s’y attelle.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Une nouvelle fois, votre proposition est contraire à la directive européenne sur la TVA.

J’ai bien compris votre argument, Madame Louwagie, mais nous examinons des dispositions destinées à réduire dans les tous prochains mois les factures de nos concitoyens. Nous pourrons revenir sur le point que vous soulevez à l’occasion du projet de loi de finances pour 2023.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous soutiendrons cet amendement et je propose que l’on gage la baisse du coût de la TVA par une baisse de la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

Mme Alma Dufour. Le Gouvernement et les groupes Rassemblement national et Les Républicains font la même proposition : compenser le prix du carburant par une augmentation des dépenses publiques grâce aux chèques énergie ou en baissant les taxes. Tout le monde s’accorde pour ne pas aborder le vrai problème : la spéculation sur les prix du carburant. Comment garantir que les prix du carburant ne continueront pas d’augmenter, en profitant justement de la baisse des taxes, par un effet d’aubaine ?

C’est pourquoi nous ne résoudrons pas ce problème tant que nous n’aurons pas encadré les prix. Malgré le coup de pouce tarifaire, le prix de l’essence est revenu au niveau qu’il avait au début de la crise en Ukraine.

La commission rejette l’amendement CF64.

Amendement CF109 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement, proposé par la FNSEA, vise à tenir compte de la modification du taux de TVA concernant le secteur agroalimentaire intervenue dans la loi de finances pour 2022. La vente des produits destinés à l’alimentation humaine est désormais soumise au taux de 5,5 %, quel que soit le niveau de transformation. Cette mesure a eu l’effet escompté en aval de la production mais a reporté le différentiel sur les exploitants agricoles, car les produits destinés à l’alimentation animale restent taxés à 10 %. Il est donc proposé de corriger ce différentiel de 4,5 points de TVA qui affecte la trésorerie des agriculteurs, en particulier les éleveurs de porcs. Même si les producteurs peuvent récupérer la différence, ils doivent débourser préalablement la somme.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Personne ne peut affirmer que cette baisse de près de 5 points de la TVA profiterait vraiment aux éleveurs : l’écart est suffisamment faible pour risquer de créer seulement un effet d’aubaine.

La crise qui affecte les filières porcines et avicoles est un vrai problème, mais elle est liée davantage à la hausse très importante des prix des intrants et de l’énergie qu’au niveau de la TVA. Pour y remédier, nous avons déclenché en février un plan d’aide d’urgence de 270 millions d’euros en faveur des éleveurs porcins, dont 75 millions d’aides de trésorerie. En outre, dans le cadre du plan de résilience, un dispositif d’aide à l’alimentation animale a été créé en mai, puis prolongé. Il est doté de 400 millions d’euros. Il bénéficie en particulier aux producteurs de canards, qui ont vu une augmentation très significative du coût des achats alimentaires.

La commission rejette l’amendement CF109.

Amendement CF234 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. Cet amendement vise à préserver et même à améliorer le pouvoir d’achat des familles françaises, en particulier les plus précaires mais aussi celles appartenant aux classes moyennes. Je l’ai souligné hier à propos des tickets-restaurants : l’inflation sur les produits alimentaires et les produits d’hygiène est particulièrement forte depuis l’automne 2021 – et même avant. Nous proposons donc une mesure de bon sens qui consiste à identifier un panier d’une centaine de produits de première nécessité et à faire passer la TVA sur ces produits à 0 %.

Pour anticiper les remarques de la majorité, je précise que cette mesure est permise par un changement d’attitude de la Commission européenne à l’égard de la TVA sur ce genre de produits.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je n’avais pas l’intention d’utiliser cet argument car vous avez raison sur ce point. Mais, sur le plan technique, je vous en opposerai un autre : il n’est pas possible de renvoyer à un décret la détermination de l’assiette d’une taxe de manière aussi large. Selon l’article 34 de la Constitution, c’est la loi qui fixe les règles concernant l’assiette et le taux des impositions de toutes natures. Une telle mesure serait sans aucun doute censurée par le Conseil constitutionnel pour incompétence négative du législateur.

Toutefois, je ne me retrancherai pas derrière cet argument technique. Je comprends parfaitement l’objectif mais le gain procuré par une baisse de 5 points de TVA sur un certain nombre de produits serait incertain. Le coût de la mesure, lui, est certain. En outre, le risque d’effet d’aubaine pour les fournisseurs est élevé : si vous baissez de 5 points la TVA sur une salade coûtant 0,99 euro, son prix sera le même le lendemain. C’est ce qui s’est produit à la suite de mesures similaires. Quand la TVA sur la restauration est passée de 19,6 % à 5,5 %, le prix du menu n’a baissé que de 2 % en moyenne, alors que la différence de taux était beaucoup plus importante que dans la mesure que vous proposez.

Ensuite, le dispositif n’est pas ciblé : il couvrirait l’ensemble des Français, y compris ceux qui n’en ont pas véritablement besoin. Nous prenons quant à nous une mesure qui répond assez bien à l’objectif que vous poursuivez : l’aide exceptionnelle de rentrée de 100 euros par foyer, plus 50 euros par enfant à charge. Pour une famille monoparentale comptant deux enfants, cela représente une aide de 200 euros. Pour obtenir un gain similaire avec la diminution de 5 points de la TVA que vous préconisez, il faut acheter pour 4 000 euros de produits alimentaires, ce qui correspond à plusieurs mois d’achats pour une famille.

M. Charles de Courson. Tel qu’il est rédigé, l’amendement me paraît anticonstitutionnel. Pourquoi, d’ailleurs, une centaine de produits et non pas 50 ou 150 ? Qui plus est, c’est au législateur de définir les produits visés. Or, on l’a vu plusieurs fois dans le passé, il y a le risque d’effets de substitution. Prenons l’exemple du pain – à supposer que ce soit un produit de première nécessité. Il n’en existe pas une seule sorte : à côté de la baguette de base, il y en a bien d’autres. Si vous baissez le prix de l’une d’entre elles, les commerçants y substitueront d’autres produits.

On ne parviendra pas à viser une centaine de produits : il faut soit prendre une mesure générale, soit cibler quelques produits non substituables.

M. Alexandre Sabatou. M. Moscovici, qui était assis hier à la place du rapporteur général, nous a rappelé que la baisse de la TVA allégeait les dépenses de tout le monde, mais surtout celles des classes populaires. Cet amendement proposé par le RN n’est pas un pari ; c’est une mesure pragmatique, qui a fait ses preuves. L’Allemagne a réduit la TVA de 3 points pendant le covid. Résultat, les prix à la consommation ont baissé pour la première fois en quatre ans, l’inflation est devenue nulle, voire légèrement négative, alors qu’à taxation constante elle aurait été de 2 %. Vous dites que la baisse de la TVA ne se répercute pas sur les prix, mais c’est faux : selon la Bundesbank, 70 % s’est trouvé répercuté. Dans cette période de crise, il me semble nécessaire pour nos concitoyens de voter une mesure déflationniste comme celle-ci, qui a fait ses preuves.

M. David Guiraud. Si nous partageons le constat – l’inflation touche durement les ménages, en effet –, la proposition faite ici est beaucoup trop naïve. Il faut commencer par chercher la raison de la hausse des prix de certains produits alimentaires de première nécessité. Le blé que nous consommons est issu des récoltes de l’année dernière : l’augmentation de son prix n’a aucun rapport avec la guerre en Ukraine, car il n’y avait pas de problème de production à ce moment-là. Si l’on veut lutter contre la spéculation, il faut donc bloquer les prix. Une baisse de la TVA permettrait peut-être de faire de petites économies dans l’immédiat, mais si l’on reste pris dans la spirale de la spéculation, les prix retrouveront le même niveau.

La commission rejette l’amendement CF234.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF110 de Mme Véronique Louwagie.

Amendement CF233 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Kévin Mauvieux. Nous proposons d’inscrire dans la loi le fait que le gaz, le fioul, les carburants et l’électricité sont des produits de première nécessité. Il s’agit de dépenses contraintes. On ne se chauffe pas pour le plaisir. On n’utilise pas sa voiture pour le plaisir, en tout cas quand on vit dans une zone rurale : les véhicules servent à aller travailler et se soigner.

Vous nous répondrez peut-être que cette mesure bénéficie à tout le monde, y compris aux riches, alors qu’elle devrait être ciblée mais vous, vous avez supprimé l’ISF : ça, c’était une mesure bénéficiant aux riches. Nous proposons quant à nous de le rétablir, ce qui produira une nouvelle ressource financière compensant la baisse de la TVA.

Ensuite, nous préférons que tout le monde profite d’une mesure importante plutôt que de choisir arbitrairement les bénéficiaires d’une disposition et de laisser de côté des personnes qui en auraient besoin. Quand on gagne 2 000 euros et qu’on doit faire 50 kilomètres pour aller travailler, on n’a le droit à rien, tandis que quand on gagne 1 400 euros et qu’on va au travail à pied à côté de chez soi, on touche une aide.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Une fois de plus, je partage l’objectif mais la solution proposée n’est pas la bonne : baisser la TVA risque de produire un effet d’aubaine pour le vendeur et non un gain pour le consommateur. Par ailleurs, il s’agit d’une mesure pérenne, sur laquelle il sera très difficile de revenir. Elle coûte près de 15 milliards d’euros par an pour le fioul et les carburants et, s’agissant du gaz et de l’électricité, elle est moins puissante que le bouclier que nous avons créé. Avis défavorable.

M. Alexandre Sabatou. Je ne suis pas germanophile, loin de là, mais regardez ce qui s’est produit en Allemagne : en mai, ce pays a décidé une baisse exceptionnelle de la taxe sur le carburant et a mis en place un ticket à 9 euros par mois pour l’utilisation des transports publics. Grâce à cela, l’Allemagne est le seul pays de la zone euro qui a vu l’inflation régresser, avec une baisse de 0,3 point entre mai et juin. La mesure que nous proposons est donc efficace. Le Brésil a récemment pris une mesure semblable, avec comme résultat, au bout de deux semaines, plus de 13 % de diminution des prix à la pompe – et j’attends avec beaucoup d’impatience les résultats de ce mois-ci. Par ailleurs, la mesure n’a pas vocation à être éternelle : la TVA pourra être relevée une fois l’orage passé.

M. Charles Sitzenstuhl. Je suis un peu étonné des deux interventions de notre collègue germanophile du Rassemblement national. En ce qui concerne sa première intervention, je n’ai pas souvenir que M. Moscovici ait parlé de la TVA. Quant au fait que, à l’entendre, l’inflation soit nulle en Allemagne, c’est pour moi une découverte, alors que j’ai l’honneur d’être le député d’une circonscription ayant 40 kilomètres de frontières avec ce pays. C’est le contraire qui est vrai : l’Allemagne a le double d’inflation par rapport à la France, et les prix, y compris ceux des produits de première nécessité et de l’essence, y sont nettement supérieurs. Je vous invite à venir dans ma circonscription : vous verrez de nombreuses plaques d’immatriculation allemandes car, depuis plusieurs mois, beaucoup d’Allemands viennent faire leurs courses et acheter de l’essence en France.

La commission rejette l’amendement CF233.

Amendements identiques CF134 de Mme Marianne Maximi et CF250 de Mme Christine Pires Beaune, amendement CF181 de Mme Karine Lebon et amendement CF210 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Alma Dufour. Nous proposons un taux de TVA réduit de 5,5 % sur les transports en commun. Pourquoi cette mesure, me demanderez-vous, alors que nous parlons par ailleurs d’un blocage des prix ? Parce que le secteur des transports en commun ne souffre pas d’un problème d’inflation. D’une façon générale, nous sommes opposés à la réduction des taxes tant que nous n’aurons pas procédé à une réforme fiscale d’ampleur permettant de compenser les baisses de recettes de TVA. Toutefois, en période de crise écologique, de canicule et de dépendance accrue à la voiture – alors même que le prix de l’essence explose –, les transports en commun méritent que l’on fasse une exception. Les Français ont besoin que nous les aidions à se déplacer moins en voiture. L’État doit être plus volontariste à cet égard ; il faut envoyer un signal positif. Les Français ne comprennent pas pourquoi les billets de train sont aussi chers alors qu’on leur dit constamment qu’ils vont devoir se passer de leur voiture. L’Allemagne, on l’a dit, a fait de gros efforts : cet été, pour 9 euros, tous les trains régionaux y sont accessibles.

Mme Christine Pires Beaune. La Convention citoyenne pour le climat, voulue par le Président de la République, avait adopté 149 mesures, parmi lesquelles figurait la baisse de la TVA sur les transports en commun. C’est ce que nous proposons. En fonction du périmètre retenu, le coût pour le budget de l’État d’un passage à 5,5 % de la TVA sur les transports en commun serait compris, selon les dires de M. Dussopt lors de la précédente législature, entre 500 millions et 2 milliards d’euros.

Les effets de cette baisse ne seraient pas hypothétiques : la mesure s’appliquerait réellement et l’on en verrait les conséquences sur le prix du billet de train. Par la même occasion, la SNCF gagnerait en compétitivité. Cela permettrait donc de favoriser le train, moyen de transport peu émetteur de gaz à effet de serre.

M. Nicolas Sansu. Nous proposons nous aussi d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % sur les transports publics urbains et réguliers de voyageurs. Cela vaudrait pour la SNCF, mais aussi pour toutes les autorités organisatrices de transports, notamment urbaines et interurbaines.

Mme Eva Sas. La baisse de la TVA sur les transports terrestres et collectifs de voyageurs de 10 % à 5,5 % est une demande de longue date des écologistes. C’est une mesure en faveur du pouvoir d’achat, mais la réduction du différentiel fiscal par rapport au transport aérien est aussi une nécessité écologique. En effet, selon la distance parcourue, l’avion émet quatorze à quarante fois plus de gaz à effet de serre que le train. De plus, l’avantage fiscal sur le kérosène, qui est exonéré de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de TVA sur cette taxe, constitue un manque à gagner de 3,6 milliards d’euros pour l’État. Nous parlions tout à l’heure de développer des solutions alternatives à la voiture ou à l’avion : le train et les autres modes de transport collectif font partie des solutions.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage l’objectif mais le moyen choisi ne me paraît pas le bon. La baisse de la TVA, c’est un coût certain pour un bénéfice incertain. L’élasticité des prix à une baisse de 4,5 points de TVA est très faible, d’autant plus que le prix des billets est subventionné à hauteur de 75 % environ – par exemple, la somme versée à Île-de-France Mobilités par les voyageurs représente un quart du prix réel. D’ailleurs, il n’est même pas certain que la baisse soit répercutée.

La loi du 22 août 2021 dite “Climat et résilience” comporte de nombreuses mesures qui permettent d’atteindre l’objectif que vous visez, mais différemment : la fin de la vente des voitures particulières émettant plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre au 1er janvier 2030 ; la fin de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles, d’ici à 2040 – et même 2035, puisque la date sera revue ; la mise en place de zones à faibles émissions mobilité ; l’accompagnement des collectivités territoriales pour la création d’infrastructures cyclables ; l’expérimentation d’un prêt à taux zéro pour les ménages et les entreprises domiciliés dans ou à proximité d’une commune ayant mis en place une zone à faibles émissions mobilité afin de financer l’acquisition d’un véhicule de moins de 2,6 tonnes émettant moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre ; le développement de parkings-relais ; le verdissement des flottes de véhicules de l’État et des collectivités territoriales, ou encore la création d’un signe distinctif pour le covoiturage s’agissant du stationnement. Enfin, le Gouvernement a décidé de prolonger jusqu’à la fin 2022 le bonus écologique de 6 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique.

M. Fabien Di Filippo. Je souhaite vous faire part de mon étonnement. La gauche propose ici une baisse de la taxation sur les transports collectifs. Certes, c’est peut-être utile pour une partie de la population, et la mesure constitue sans doute un moyen de développer les services de ce type, qu’il est d’ailleurs difficile d’équilibrer, mais lorsque nous avons proposé une disposition similaire destinée à diminuer le coût des déplacements pour les populations rurales, qui n’ont quant à elles aucune solution alternative à la voiture pour leurs déplacements, les députés écologistes ont empêché son adoption en refusant de la soutenir. Il y a donc deux poids, deux mesures. Je le regrette amèrement.

M. Kévin Mauvieux. Je prendrai quant à moi l’exemple d’une commune de ma circonscription : Saint-Samson-de-la-Roque, dans l’Eure, qui compte 419 habitants. Il faut compter une vingtaine de minutes en voiture pour se rendre à Pont-Audemer, la grande ville la plus proche, pour faire ses courses ou pour se soigner – à supposer qu’on réussisse à trouver un médecin… Je vous le demande : quel métro, quel train les habitants pourront-ils prendre à moindre prix pour faire ce trajet ? Les transports en commun, entre Saint-Samson-de-la-Roque et Pont-Audemer, on ne connaît pas. C’est pour cette raison que nous avons proposé, pour notre part, de baisser la TVA sur les carburants, mais vous êtes contre au motif que cela ne fait pas baisser les prix – sauf si c’est chez vous, visiblement.

M. Mohamed Laqhila. En commission des finances, on ne dépose pas des amendements pour sa propre circonscription. On doit penser aux recettes. Or celles-ci sont en diminution : la TVA apporte 97,5 milliards d’euros au budget global de l’État, contre 150 milliards en 2017. Continuer à faire baisser les recettes tout en proposant des dépenses nouvelles est irresponsable.

M. Nicolas Sansu. Pourrions-nous avoir des chiffres fiables, au moins d’ici à l’examen de la loi de finances initiale (LFI) ? Selon M. Laqhila, les recettes liées à la TVA auraient diminué de plus de 50 milliards d’euros en cinq ans. Or, au contraire, elles ont augmenté. Peut-être une part de la TVA est-elle affectée ailleurs, mais c’est une autre question.

Mme Alma Dufour. Premièrement, monsieur Mauvieux, notre amendement ne concerne pas seulement les transports en commun des zones urbaines : il vise aussi le train, c’est-à-dire la possibilité pour les familles de se déplacer cet été.

Deuxièmement, si notre approche de la question de la TVA est différenciée, c’est parce qu’on n’observe pas, s’agissant des transports en commun, le phénomène spéculatif qui est en cause pour l’essence. Il est donc justifié de baisser la TVA sur les transports en commun, ne serait-ce que de manière temporaire. Cela permet d’envoyer un signal positif aux Français en faveur de la transition écologique.

Dans le cas de l’essence, l’inflation est due à une spéculation généralisée. C’est d’ailleurs pour cela que nous considérons que la proposition de la majorité est incomplète tant que celle-ci n’envisage pas de bloquer les prix.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. M. Laqhila parlait de la part État de la TVA, sachant que des transferts très significatifs ont été opérés de l’État vers les collectivités territoriales. La TVA est ainsi devenue la première ressource de ces dernières, ce qui leur assure une recette très dynamique. Monsieur Sansu, je vous communiquerai la répartition précise des recettes de TVA.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF134 et CF250 et les amendements CF181 et CF210.

Amendement CF183 de Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Il s’agit de diminuer la TVA sur tous les types de vélo. Alors qu’une belle étape du Tour de France se dispute aujourd’hui, cela s’impose !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Même argument : cela représente un coût certain – 500 millions d’euros, en l’occurrence – pour un bénéfice incertain.

Mme Véronique Louwagie. Entre 2017 et 2021, les Français ont versé à l’État et aux collectivités territoriales 34,3 milliards d’euros de plus au titre de la TVA. C’est énorme. Au total, et en tenant compte des modifications de périmètre, les recettes fiscales ont augmenté de 64 milliards d’euros en cinq ans.

M. Fabien Di Filippo. C’est incroyable : alors que la gauche nous reproche souvent de ne pas prendre des mesures assez ciblées, elle propose un taux de TVA réduit pour tous les types de vélo. Or le vélo d’un compétiteur de haut niveau, par exemple le porteur du maillot jaune du Tour de France, coûte entre 15 000 et 17 000 euros. Considère-t-on que cette personne le prend pour aller acheter son pain, ou bien que les courses auxquelles elle participe sont des déplacements professionnels ? Je suis favorable à ce que l’on soutienne la pratique sportive, quelle qu’elle soit, et je suis moi-même cycliste et compétiteur. Il n’en demeure pas moins que je me demande si, avec cette mesure, vous atteignez vraiment le but visé. En tout cas, par peur du conflit d’intérêts, je ne participerai pas au vote…

La commission rejette l’amendement CF183.

Amendement CF157 de M. Gabriel Amard.

Mme Charlotte Leduc. Par cet amendement, nous demandons un taux de TVA de 0 % pour la fourniture d’eau et pour l’assainissement. Les services d’eau et d’assainissement dans les communes et établissements publics de coopération intercommunale desservant moins de 3 000 habitants peuvent être assujettis à la TVA, tandis que cet assujettissement est obligatoire pour les services d’eau desservant plus de 3 000 habitants. Les taux de TVA sont de 5,5 % pour l’eau potable et de 10 % pour l’assainissement collectif. La TVA s’applique à l’ensemble des composantes tarifaires d’une facture d’eau potable ou d’assainissement.

Nous proposons un taux de 0 % sur la fourniture d’eau potable, quels que soient le nombre d’habitants desservis et le mode de gestion du service, et sur les taxes, surtaxes et redevances perçues sur les usagers des réseaux d’assainissement.

Cet amendement vise à améliorer le pouvoir d’achat des ménages en faisant baisser les factures d’eau potable et d’assainissement. Les associations spécialisées dans le droit à l’eau et la protection des consommateurs estiment qu’une facture d’eau potable et d’assainissement excédant 3 % des revenus d’un ménage est difficilement supportable et entraîne un risque d’impayé. Le rythme actuel de l’inflation oblige les pouvoirs publics à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les dépenses contraintes des ménages : une TVA à 0 % sur les services visés contribuerait à les réduire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Même argument : je comprends l’objectif, mais il y a de l’incertitude quant à la baisse du prix effectif que cette mesure entraînerait.

Il est tout à fait légitime d’engager cette discussion, qui relève de la politique publique que l’on souhaite mener en la matière, mais le PLFR n’est pas le lieu adéquat pour le faire : ce texte a pour objectif de lutter très rapidement contre l’impact de l’inflation. La discussion pourrait avoir lieu, en revanche, dans le cadre du PLF.

Par ailleurs, les mesures que nous avons prises en faveur du pouvoir d’achat sont d’une ampleur bien plus importante que celles que vous proposez.

M. Nicolas Sansu. J’accueille avec beaucoup d’intérêt les propos du rapporteur général quant à l’ouverture d’un débat lors du PLF, car l’enjeu est important, surtout à un moment où le prix du mètre cube d’eau potable augmente du fait de l’intégration des prix de l’énergie et des intrants nécessaires à l’assainissement et à l’adduction. La question d’une TVA à 0 % sur un bien de première nécessité comme celui-ci peut se poser.

M. le président Éric Coquerel. La même logique pourrait s’appliquer à la redevance audiovisuelle.

La commission rejette l’amendement CF157.

Amendement CF245 de M. Christian Baptiste.

M. Philippe Brun. Les outre-mer souffrent. À travers cet amendement, nous proposons d’adopter provisoirement un taux de TVA de 0 % sur les produits de première nécessité en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin. Le rapporteur général vient de le rappeler : ce texte a pour objet d’augmenter le pouvoir d’achat et de lutter contre l’inflation et la vie chère.

Enfin, la disposition est tout à fait compatible avec la directive européenne qui fait l’objet de nos débats de ce matin.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons votre préoccupation quant à l’impact de l’inflation, en particulier sur nos concitoyens d’outre-mer. Cela étant, vous connaissez mon peu de passion pour les baisses de TVA. Je n’ai toujours pas changé d’avis : l’effet d’une telle mesure serait très incertain, surtout pour une baisse aussi faible.

Par ailleurs, votre amendement serait sans effet en Guyane et à Mayotte, où la TVA n’est pas applicable, et il entraînerait dans le meilleur des cas une baisse de 2 points en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion.

M. le ministre délégué chargé des outre-mer, Jean-François Carenco, a annoncé le 9 juillet, avec Gérald Darmanin, des mesures contre la vie chère outre-mer. Tout d’abord, il a fait part de son intention d’étendre le bouclier qualité-prix mis en place à La Réunion en 2012. Ensuite, il a annoncé l’organisation d’un « Oudinot contre la vie chère » dans les outre-mer.

M. Jean-Philippe Tanguy. Dans l’intérêt des Ultramarins, qui nous tiennent tant à cœur, nous voterons cet amendement Mais je le redis à la gauche et dans une moindre mesure au groupe Les Républicains, qui se montre moins sectaire : pour faire changer la ligne de la majorité relative sur les recettes et les dépenses, vous devrez travailler dans les jours qui viennent avec tous les groupes d’opposition. Si vous voulez vraiment améliorer le pouvoir d’achat, abandonnez les postures dans les médias et les promesses que vous ne pouvez réaliser sans nous, et votez en faveur des propositions de bon sens – même lorsqu’elles viennent de groupes que vous n’aimez pas !

M. David Guiraud. Ne pensez pas qu’on vote des amendements uniquement par sectarisme ou idéologie ! Nous avons fait un effort, tout à l’heure, sur un amendement qui n’était pas le nôtre. Simplement, nous ne trouvons pas notre compte quand nous lisons, dans l’exposé des motifs, vos constats, vos objectifs. Nous cherchons encore une quelconque réflexion sur la spéculation ou le rôle des multinationales – on a parlé hier de transporteurs maritimes qui ont fait passer le coût d’un container de 2 000 à 18 000 euros. Nous n’avons pas voté non plus un amendement des Républicains qui nous semblait intéressant, mais dont l’exposé des motifs se concluait sur la nécessité de débureaucratiser et de faire des économies, notamment sur les cartes vitales.

Nous avons un mandat, celui de faire appliquer notre programme. Nous travaillons sérieusement et regardons attentivement, sans sectarisme, les amendements qui sont proposés.

M. Mathieu Lefèvre. La baisse de la TVA est une mesure injuste et inefficace car elle n’est jamais répercutée sur les prix. Et je mets en garde ceux qui veulent borner la mesure dans le temps : ils ne réussiront jamais à relever le taux en période normale – car il n’y a pas de période normale.

La vie chère en outre-mer est un sujet trop important pour le réduire à la question de la TVA. Les ministres de l’intérieur et des outre-mer cherchent à y répondre de façon structurelle.

Je suis étonné de voir, venant de la gauche, autant d’amendements qui visent à baisser le taux ou à supprimer la TVA. Cela va finir par poser un problème de consentement à l’impôt. Si on met la TVA à 0 % sur tous les produits, les Français vont se demander à quoi sert le législateur !

M. le président Éric Coquerel. Il ne me semble pas que tous les produits soient concernés.

La commission rejette l’amendement CF245.


TITRE II
RATIFICATION D’UN DÉCRET RELATIF À LA RÉMUNÉRATION
DE SERVICES RENDUS

Article 4
Ratification du décret n° 2022-472 du 1er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l’obtention de la capacité professionnelle exigée pour l’exercice des professions du transport

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose la ratification du décret n° 2022-472 du 1er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l’obtention de la capacité professionnelle exigée pour l’exercice des professions du transport.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté le présent article sans modification.

La rémunération des services rendus constitue une des ressources budgétaires de l’État mentionnées à l’article 3 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

I.   La ratification obligatoire des dÉcrets instaurant des rÉmunÉrations des services rendus

● Notion dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, également qualifiée de « redevance », la rémunération des services rendus recouvre l’ensemble des sommes d’argent demandées à des usagers en vue de couvrir les charges d’un service public déterminé ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public, et qui trouvent leur contrepartie directe dans des prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage ([82]).

L’établissement d’une telle ressource est soumis à une procédure particulière. Aux termes de l’article 4 de la LOLF, « la rémunération de services rendus par l’État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d’État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l’absence d’une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée ».

Le même article 4 prévoit ainsi une condition stricte de caducité : en l’absence de ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée, le décret devient entièrement caduc. À titre de comparaison, le régime de caducité des ordonnances, prévu par l’article 38 de la Constitution, apparaît plus souple : celles-ci ne deviennent caduques qu’en cas de non-dépôt du projet de loi de ratification dans le délai fixé par la loi d’habilitation, et non pas en cas de non-adoption du projet de loi de ratification.

● Dans un souci de simplification, l’obligation législative de ratification des décrets instaurant des rémunérations pour services rendus a été levée par l’article 5 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques à partir du dépôt du projet de loi de finances pour 2023. Ces décrets seront, plus simplement, annexés au projet de loi de règlement, renommée « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation de comptes ».

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article procède à la ratification du décret n° 2022-472 du 1er avril 2022 instituant une redevance pour les examens écrits permettant l’obtention de la capacité professionnelle exigée pour l’exercice des professions du transport.

Le décret précité du ministre chargé des transports a mis en place, à compter du 1er janvier 2022, une redevance pour l’accès aux examens permettant l’exercice des professions de commissionnaire de transport ou de transporteur public routier. Le rapport annexé au décret précise que, depuis plusieurs années, un nombre important de candidats inscrits ne se présente pas aux épreuves (environ 30 % d’une moyenne de 5 000 inscrits). Cette situation a induit un surdimensionnement du dispositif en nombre de surveillants et de salles à réserver et donc un surcoût dans l’organisation de ces épreuves.

Une redevance similaire existe, par exemple, dans le cadre de l’épreuve théorique générale du permis de conduire ou « code » selon un régime similaire : un montant fixé par arrêté ministériel couvre au plus toutes les prestations nécessaires à un unique passage de cette épreuve, y compris l’inscription et la remise de l’attestation de résultat ([83]).

Le montant et les modalités de la redevance concernée sont fixés par arrêté. Le paiement de la redevance constitue une formalité préalable à l’inscription et doit couvrir, au plus, les prestations nécessaires à un passage unique de cette épreuve, y compris la location de salles, la gestion des inscriptions, l’élaboration et la reprographie des sujets, la surveillance de l’examen et les frais de correction des épreuves, à l’exclusion des dépenses liées aux personnels permanents des services.

Les précisions concernant cette redevance sont apportées par l’arrêté du 1er avril 2022 fixant le montant et les modalités de perception des redevances pour les examens écrits permettant l’obtention de l’attestation de capacité professionnelle exigée pour l’exercice des professions du transport routier. La redevance est ainsi fixée à 30 euros par examen – montant équivalent à celui de l’épreuve théorique du permis de conduire mentionné supra.

Le décret a par ailleurs permis de rétablir des dispositions abrogées par erreur qui prévoyaient un examen de capacité professionnelle en transport routier de marchandises à Mayotte.

*

*     *

La commission adopte l’article 4 non modifié.

 


TITRE II bis
ressources affectées

Article additionnel après l’article 4
Création d’un prélèvement sur recettes pour compenser pour les collectivités territoriales la revalorisation du point d’indice
dans la fonction publique territoriale

Amendement CF78 de M. Bertrand Pancher.

M. Charles de Courson. Nous proposons de compenser, pour les collectivités territoriales, la revalorisation du point d’indice de la fonction publique territoriale – soit 1,136 milliard d’euros sur la période allant de juillet à décembre. Je serais très intéressé de connaître la position du Gouvernement sur cette question et de savoir ce qu’en pense le rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La revalorisation du point d’indice, comme l’inflation, a forcément des conséquences sur les dépenses des collectivités territoriales. Mais il faut aussi regarder leurs recettes, qui sont très dynamiques. Comme pour la TVA, le rendement de la taxe foncière, indexée sur l’inflation, augmentera mécaniquement cette année de 3 % ou 4 %.

Une telle mesure, générale, de compensation mettrait en péril le principe de libre administration des collectivités territoriales. Mieux vaut cibler, une fois leurs comptes connus, les collectivités qui souffrent le plus.

M. Charles de Courson. Pourriez-vous indiquer précisément quel est l’impact de l’inflation sur les comptes des collectivités locales – recettes et dépenses – ainsi que celui des mesures que nous sommes en train de voter ?

M. Damien Maudet. Nous soutenons l’amendement. Les collectivités territoriales sont d’accord avec les hausses proposées, mais c’est toujours elles qui doivent payer. L’État ne met pas un euro – je pense notamment à la prime Ségur des pompiers et des agents territoriaux. Cela crée de fortes tensions car l’État se défausse et les collectivités se retrouvent dos au mur.

M. Philippe Lottiaux. L’autonomie est de plus en plus relative. Les régions n’ont plus la capacité de fixer leurs recettes et les communes ne peuvent plus jouer que sur le foncier. La revalorisation du point d’indice est une décision que nous ne contestons pas, mais l’État, qui l’a prise, doit prendre en compte ses effets sur les collectivités territoriales. Le groupe RN votera cet amendement.

M. Philippe Brun. Nous soutenons évidemment cet amendement de bon sens. Les collectivités doivent faire face à l’augmentation des prix de l’énergie et des fournitures et sont en grande difficulté. Nous souhaitons l’augmentation du point d’indice, mais l’État doit venir en aide aux collectivités.

M. Nicolas Sansu. Nous soutenons l’amendement. Les conséquences de l’augmentation du point d’indice, une mesure légitime, vont venir s’ajouter aux coûts supplémentaires dus à l’inflation, déjà énormes. Je rappelle qu’il n’y a pas de bouclier tarifaire pour les collectivités. Cette compensation doit intervenir immédiatement car les budgets n’ont pas pris en compte cette augmentation.

Par ailleurs, il n’est que temps, comme le demandent le Comité des finances locales et l’Association des maires de France, de voter, au sein du budget, une loi de finances propre aux collectivités territoriales.

Mme Véronique Louwagie. Cela a été une surprise de ne pas voir évoquées, dans le PLFR, les conséquences des diverses mesures et hausses sur la situation budgétaire des collectivités territoriales : coût de l’énergie, revalorisation des salaires dans les avenants à la convention collective des services d’aide à la personne, extension de la prime Ségur aux personnels des EHPAD et des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). N’oublions pas le travail de proximité des collectivités, soutenons-les ! Dans l’Orne, cela représente 10 millions d’euros.

M. Pascal Lecamp. L’excès de recettes provenant du foncier et de la TVA existe bel et bien mais il est mal réparti au sein des communautés d’agglomération et des communautés de communes, certaines villes plus importantes s’arrogeant l’essentiel de ces recettes supplémentaires. Cela n’est pas du ressort de cette commission, mais je tenais à le signaler. Nous voterons contre.

M. Mathieu Lefèvre. Je me réjouis du consensus autour de l’augmentation du point d’indice. On ne peut pas tout demander à l’État, qui supporte la majeure partie du déficit et de la dette publique. La Cour des comptes l’a rappelé, la situation financière des collectivités est plutôt favorable. Ces cinq dernières années, leur épargne nette a augmenté de 7 milliards d’euros. Par ailleurs, grâce à l’indexation sur l’inflation de la base des impôts locaux – obtenue grâce à un amendement transpartisan –, leurs recettes sont plutôt bien orientées. À ce stade, les dépenses exogènes restent inférieures aux recettes supplémentaires mais nous suivons la situation de près et nous pourrons agir au cas par cas.

M. Michel Castellani. L’égalité républicaine passe-t-elle par l’uniformité ? Nous avons souvent débattu de cette question. Nous pensons, au contraire, que la vraie justice passe par un traitement différencié, même s’il ne faut pas toucher à l’égalité du citoyen face à la loi. La France est composée de territoires divers, qu’il s’agisse des richesses ou de la situation géographique. On ne peut pas traiter de la Corse, par exemple, comme on le ferait d’une région centrale motrice. Il convient de différencier ces dispositifs, manifestement positifs, en fonction des territoires auxquels ils s’appliquent.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a des écarts très importants entre les collectivités, en fonction de leur niveau ou de la typologie des recettes. Il faut, si nécessaire, un dispositif différencié et ciblé sur les collectivités susceptibles de souffrir.

Cela étant, je m’érige contre l’idée selon laquelle les collectivités territoriales seraient en péril. En 2021, la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales était de 45 milliards d’euros. La hausse du point d’indice, chiffrée par M. de Courson à 1,14 milliard d’euros de dépenses supplémentaires, représente 0,5 % de cette capacité. Prendre une mesure de compensation augmenterait le déficit de l’État alors que les collectivités ont des marges de manœuvre très importantes – leurs recettes ont augmenté de 5 % l’an dernier, ce qui est tout à fait substantiel.

On ne peut pas entrer dans une logique où les collectivités profiteraient des excédents de recettes mais demanderaient l’aide de l’État lorsque leurs dépenses sont en hausse. Respectons l’autonomie financière et la libre administration des collectivités. Que n’aurait-on dit si l’État avait décidé d’une hausse du point d’indice uniquement pour ses fonctionnaires ? Nous sommes tous favorables à ce que cette revalorisation s’applique aussi à la fonction publique territoriale. Il faut simplement ramener à sa juste proportion l’effet qu’elle aura sur les finances des collectivités, et indirectement sur l’investissement local.

Mettre en place un dispositif ciblé sur les collectivités territoriales qui souffrent – le ministre s’y est engagé – me semble largement préférable à la mesure générale que vous proposez.

La commission adopte l’amendement CF78 (amendement 173).


Article additionnel après l’article 4
Création d’un prélèvement sur recettes pour compenser pour les départements la revalorisation du revenu de solidarité active

Amendement CF81 de M. Bertrand Pancher.

M. Charles de Courson. Nous proposons de compenser, pour les départements concernés, le coût de la revalorisation de 4 % du RSA, soit 120 millions d’euros pour 2022. C’est une mesure d’égalité entre les territoires puisque, pour certains départements comme la Seine Saint-Denis, Mayotte et la Guyane, le RSA a été pour partie nationalisé.

J’ajoute que les départements ont connu, certes, une forte augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), mais que la situation est en train de s’inverser sous le coup de la hausse des taux d’intérêt, qui entraîne une baisse du nombre des transactions immobilières.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne vous comprends pas. Vous dites qu’il faut un dispositif adapté à la situation de certains départements et vous proposez une compensation aveugle, dont bénéficieront aussi les collectivités qui se portent bien !

Si vous estimez que l’État doit intervenir à chaque fois que les dépenses des collectivités territoriales augmentent, alors il faut recentraliser ces dépenses. Mais quand on est pour l’autonomie financière, on assume, que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises !

Les départements ont perçu 3 milliards d’euros de DMTO supplémentaires l’an dernier ; le rendement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) est en augmentation de 5,5 % ; celui de la TVA transférée aux départements poursuit sa hausse en 2022, avec 3,3 milliards d’euros de plus. Et vous souhaitez compenser une dépense évaluée à 103 millions d’euros sur six mois ? Franchement, je ne comprends pas cette logique.

J’ajoute que les dépenses de RSA sont en baisse, puisque le nombre d’allocataires du RSA continue de diminuer – ce qu’on peut mettre au bénéfice de la politique conduite par la majorité.

Nous pouvons regarder au cas par cas, mais je suis prêt à parier une bouteille d’Armagnac de votre année de naissance que vous ne trouverez pas un département dont les recettes supplémentaires sont inférieures à ces dépenses nouvelles !

M. le président Éric Coquerel. Je suis prêt à prendre le pari (sourires) !

M. Charles de Courson. Le rapporteur général est fondamentalement jacobin. Sa thèse serait défendable si les départements fixaient le niveau du RSA ; mais comme c’est l’État qui en décide, il faut qu’il aille jusqu’au bout et assume les conséquences de ses actes.

Le rapporteur général a tendance à globaliser. Une analyse fine montre que certains départements comme les Yvelines, les Hauts-de-Seine ou les Alpes-Maritimes croulent sous les DMTO, alors que le rendement est bien moindre pour les départements où le mètre carré est dix fois moins cher.

Le département de la Marne est l’un des plus rigoureux en matière de gestion. Savez-vous à combien s’élève son excédent de fonctionnement ? Entre 5 et 6 millions d’euros. Le coût de la revalorisation du RSA dans ce département est de 4 millions d’euros.

Enfin, ce texte ne contient aucune mesure d’adaptation. Nous devons voter cet amendement pour contraindre le Gouvernement à prendre en compte la diversité des situations.

M. Philippe Brun. Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le principe de libre administration et d’autonomie financière suppose que les collectivités locales disposent de ressources suffisantes pour exercer leurs attributions. Cet amendement renforce donc l’autonomie des collectivités.

Par ailleurs, nous devrons réfléchir à la renationalisation du RSA, car il n’y a pas de plus-value à ce que le RSA soit versé par le département – du reste via un guichet national, celui de la caisse d’allocations familiales (CAF).

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les départements ruraux ont aussi connu, et de manière privilégiée, une augmentation des DMTO l’an dernier. A contrario, le département pour lequel la croissance s’est avérée la plus faible est Paris. De nombreux concitoyens ont quitté les métropoles pour la campagne pendant la crise sanitaire et les transactions immobilières, tant en volume qu’en valeur, s’en sont ressenties. J’ai le regret de vous dire, monsieur de Courson, que votre analyse est inexacte. En outre, je rappelle qu’il existe un système de péréquation et qu’un fonds doté de 2 milliards d’euros permet de répartir le produit des DMTO.

La majorité a proposé aux départements qui le souhaitaient de centraliser le RSA et l’État accompagne désormais ceux qui ont pris cette décision.

Je suis désolé, monsieur Brun, mais je ne comprends pas l’argument qui consiste à dire que cette mesure contribue à renforcer l’autonomie financière des collectivités.

Une fois de plus, creuser le déficit public pour financer des départements dont les recettes ont littéralement explosé ne me paraît pas une bonne décision. Travaillons ensemble pour trouver des mesures ciblées.

La commission adopte l’amendement CF81 (amendement 174).


TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE
DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 5
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2022, le déficit budgétaire de l’État à 177,6 milliards d’euros au lieu de 153,8 milliards prévus au sein de la loi de finances initiale (LFI). Il évalue son besoin de financement à 311,0 milliards d’euros, contre 297,6 milliards d’euros dans la LFI. Il laisse inchangé le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 941 470 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Le présent article a été adopté par la commission sans modification.

L’article d’équilibre, qui clôt la première partie du PLFR, ne porte que sur le budget de l’État et retrace les données de la comptabilité budgétaire.

Le présent article d’équilibre fixe, pour 2022, le déficit budgétaire de l’État à 177,6 milliards d’euros au lieu de 153,8 milliards d’euros prévu en loi de finances initiale (LFI).

La hausse est liée à la fois à l’augmentation du déficit de 14,6 milliards d’euros résultant du présent PLFR et à l’effet des reports de crédits pour 9,1 milliards d’euros. Au total, le déficit de l’État augmenterait donc de 23,7 milliards d’euros par rapport à la prévision.

Après 170,7 milliards d’euros en 2021, le déficit continuerait donc de s’accentuer en 2022, de 6,9 milliards d’euros supplémentaires.

PrÉvisions successives du solde budgÉtaire De l’État pour 2022

(en milliards d’euros)

Source

Montants

LFI 2022

153,8

Reports 2021 vers 2022

9,1

PLFR

14,6

Total

177,6*

* effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances.

Le présent commentaire détaille les principaux chiffres et les principaux mouvements de l’équilibre général du budget, de la trésorerie et du plafond d’autorisation des emplois. L’analyse de ces données est présentée dans l’exposé général du présent rapport.

I.   Le rÔle de l’article d’Équilibre

En application de l’article 35 de la LOLF ([84]), les lois de finances rectificatives doivent comporter un tableau d’équilibre présentant les données générales de l’équilibre budgétaire et fixer les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux, ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État.

L’article d’équilibre tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre général préalablement défini. Ainsi, en application de l’article 42 de la LOLF, la seconde partie du PLFR ne peut pas être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de l’équilibre ».

Le I du présent article ajuste les prévisions de ressources pour 2022, détaillées à l’état A annexé au présent PLFR, les plafonds de charges et l’équilibre général du budget de l’État. Ces ajustements sont effectués par rapport à la loi de finances initiale.

Le II actualise le tableau de financement de l’État pour 2022.

Le III laisse inchangé le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État.

Les chiffres clés de l’article d’équilibre
du présent projet de loi de finances rectificative pour 2022

 

Recettes totales nettes du budget général : 338,9 milliards d’euros

dont recettes fiscales nettes : 315,2 milliards d’euros

dont recettes non fiscales : 23,7 milliards d’euros

Prélèvements sur recettes : 69,6 milliards d’euros

 

Dépenses nettes du budget général (y compris fonds de concours) : 442,4 milliards d’euros

 

Reports de crédits : 9,1 milliards d’euros

 

Solde budgétaire : – 168,5 milliards d’euros

dont solde du budget général : – 166,8 milliards d’euros

dont solde des budgets annexes et comptes spéciaux : – 1,7 milliard d’euros

 

Besoin de financement : 311,0 milliards d’euros

dont amortissement de la dette : 148,8 milliards d’euros

dont déficit à financer : 177,6 milliards d’euros

dont autres besoins de trésorerie : – 15,4 milliards d’euros

 

Plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État : 1 941 470 équivalents temps plein travaillé (ETPT)

 


—  1  —

Évolution des ouvertures de crÉdit en 2022

(en millions d’euros)

Équilibre

LFI

LFR 1

Total

Ressources

Charges

Ressources

Charges

Ressources

Charges

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

418 180

522 515

30 980

47 578

449 160

570 093

À déduire : Remboursements et dégrèvements

130 608

130 608

3 371

3 371

133 979

133 979

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

287 572

391 907

27 609

44 206

315 181

436 113

Recettes non fiscales

20 177

 

3 560

 

23 737

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes

307 749

391 907

31 169

44 206

338 918

436 113

À déduire : Prélèvements sur recettes

69 600

 

0

 

69 600

 

Budget général

238 149

391 907

31 169

44 206

269 318

436 113

Fonds de concours

6 281

6 281

 

 

6 281

6 281

Budget général, y compris fonds de concours

244 430

398 188

31 169

44 206

275 599

442 394

Solde budget général (i)

 153 758

 13 038

 166 796

Contrôle et exploitation aériens

2 381

2 381

0

21

2 381

2 402

Publications officielles et information administrative

164

149

0

0

164

149

Totaux pour les budgets annexes

2 545

2 531

0

21

2 545

2 552

Solde budgets annexes (ii)

15

 21

 6

Comptes d’affectation spéciale

73 256

73 232

13 482

14 010

86 738

87 242

Comptes de concours financiers

131 063

131 336

 712

341

130 351

131 677

Compte de commerce (solde)

76

0

76

Compte de concours financiers (solde)

87

0

87

Solde comptes spéciaux (iii)

 85

 1 580

 1 665

Solde général

 153 828

 14 639

 168 467

Reports de crédits de 2021 sur 2022

 9 100

 9 100

Solde général (y compris reports)

 23 739

 177 567

En raison d’effets d’arrondis, les sommes totales peuvent ne pas correspondre à la somme des sous-totaux.

Source : loi de finances initiale et présent projet de loi de finances rectificative pour 2022.


—  1  —

II.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au présent PLFR, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers. En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir ces recettes a été délivrée par l’article 1er de la LFI pour 2022.

En application de l’article 35 de la LOLF, seule une loi de finances rectificative peut modifier en cours d’année les évaluations de recettes budgétaires et de prélèvements sur recettes. Ainsi, les projets de loi de finances de l’année suivante ou le programme de stabilité, s’ils présentent une nouvelle évaluation du solde public, ne modifient pas l’état du droit pour l’année sur laquelle porte le PLFR.

Il ressort de l’actualisation du tableau d’équilibre présentée dans l’exposé des motifs que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient à 338,9 milliards d’euros et se composeraient de :

– 315,2 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (soit les recettes fiscales brutes de 449,2 milliards d’euros déduction faite des remboursements et dégrèvements estimés à 134,0 milliards d’euros) ;

– et 23,7 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 269,3 milliards d’euros après la déduction des prélèvements sur recettes de 69,6 milliards d’euros.

Après prise en compte des fonds de concours (6,3 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 275,6 milliards d’euros.

Les ressources du budget gÉnÉral de l’État pour 2022

(en millions d’euros)

Agrégat

Montant

Recettes fiscales brutes

449 160

À déduire : remboursements et dégrèvements

 133 979

Recettes non fiscales

23 737

Prélèvements sur recettes

 69 600

Fonds de concours

6 281

Total pour le budget général, y compris fonds de concours

+ 275 599

Source : exposé des motifs du présent article.

III.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’État

La soustraction du montant des charges à l’évaluation des recettes permet de calculer le solde de l’État.

A.   Le plafond des charges de l’État

En application de l’article 35 de la LOLF, la loi de finances rectificative fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux. Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds, autrement dit des autorisations limitatives de dépenses.

Le détail des actualisations des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par compte d’affectation spéciale et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 6, 7 et 8 du présent PLFR.

Le tableau d’équilibre général du présent article ajuste le plafond des charges du budget général et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont ainsi plafonnées à 436,1 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 570,1 milliards d’euros de dépenses brutes sous déduction des 134,0 milliards d’euros des remboursements et dégrèvements). Avec les fonds de concours, le montant des charges de l’État ressort à 442,4 milliards d’euros pour 2022.

Par ailleurs, 9,1 milliards d’euros de reports de crédits entre 2021 et 2022 s’ajoutent à cette somme pour porter l’ensemble des plafonds de dépenses de l’État à 451,5 milliards d’euros. Ce montant est nettement moins élevé que celui des reports effectués sur l’exercice 2022 (29,3 milliards d’euros sur le budget général et les budgets annexes et comptes spéciaux, y compris fonds de concours). L’anticipation du schéma de gestion, y compris les reports qui pourraient être anticipés de 2022 vers 2023, justifierait la différence avec le chiffre des reports pris en compte dans le calcul du déficit public.

Les charges du budget gÉnÉral de l’État pour 2022

(en millions d’euros)

Agrégat

Montant

Dépenses brutes

570,1

À déduire : remboursements et dégrèvements

134,0

Fonds de concours

6,3

Reports

9,1

Total pour le budget général, y compris fonds de concours

451,5

Source : exposé des motifs du présent article.

B.   Le solde budgÉtaire de l’État

Le déficit budgétaire de l’État pour 2022 se forme de la façon suivante :

– 514,8 milliards d’euros de dépenses nettes du budget général y compris les prélèvements sur recettes et les reports de crédits de 2021 sur 2022. Pour le tableau ci-dessous, les PSR sont additionnés aux dépenses nettes ;

– 338,9 milliards d’euros de recettes nettes du budget général ;

– et 1,7 milliard d’euros de solde négatif des budgets annexes et comptes spéciaux.

Formation du solde budgÉtaire de l’État pour 2022

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

514,8

Recettes (II)

338,9

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

436,1

Recettes fiscales nettes

315,2

PSR au profit de l’Union européenne

26,4

Recettes non fiscales

23,7

PSR au profit des collectivités territoriales

43,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 1,7

Reports de crédits

9,1

Déficit à financer

(I  II  III)

 177,6

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

IV.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de l’article 34 de la LOLF, l’article d’équilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

En application de l’article 35, seule une loi de finances rectificative peut modifier ces autorisations et ces évaluations en cours d’année.

Le du II du présent article comporte ainsi un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2022, estimé par le présent article à 311,0 milliards d’euros, se décompose en :

– 145,8 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital) en hausse de 1,4 milliard d’euros par rapport à la LFI en raison de la hausse du supplément d’indexation des obligations amorties en 2022 dans un contexte inflationniste, auxquels s’ajoutent 3 milliards d’euros pour l’amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau ;

– 177,6 milliards au titre du déficit budgétaire, en hausse de 23,8 milliards d’euros par rapport à la LFI ;

– et – 15,4 milliards au titre d’autres besoins de trésorerie.

Les émissions de dette à moyen et long termes pour l’ensemble de l’année 2022 sont évaluées à 260 milliards d’euros, permettant de couvrir la majeure partie de ce besoin de financement.

Tableau de financement pour 2022

(en milliards d’euros)

Besoin de financement

LFI

LFR

 

Ressources de financement

LFI

LFR

Amortissement de la dette

147,4

148,8

 

Émissions de dette

260,0

260,0

 

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

1,9

1,9

Déficit à financer

153,8

177,6

 

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

0

0

 

Variation des dépôts des correspondants

0

0

Autres besoins de trésorerie

– 3,6

– 15,4

 

Variation de la disponibilité du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

32,2

51,4

 

Autres ressources de trésorerie

3,5

– 2,3

Total

297,6

311,0

 

Total

297,6

311,0

Source : présent article.

L’augmentation du besoin de financement entre la LFI et le PLFR (13,4 milliards d’euros) est principalement financée par la hausse de la contribution du Trésor aux ressources de financement, qui augmente de 19,2 milliards d’euros par rapport à la LFI.

Pour rappel, un niveau élevé de trésorerie (63,4 milliards d’euros) a été enregistré fin 2020 en raison de l’écart entre le niveau des émissions de dette réalisées sur la base d’un déficit prévisionnel et le besoin constaté ex post au titre d’un déficit finalement moins élevé, dans un contexte de fortes incertitudes des prévisions macroéconomiques liées à la crise sanitaire. En 2021, ce niveau de trésorerie s’est encore accru de 4,4 milliards d’euros, le déficit constaté ayant été une nouvelle fois inférieur aux prévisions réalisées.

Ce sont donc ces ressources qui permettent dans le cadre du présent texte de financer l’augmentation du déficit de l’État pour 2022, sans que le programme de financement de la dette à moyen et long terme ne soit modifié (260 milliards d’euros), ni l’encours de dette de court terme (BTF), dont l’évolution reste nulle.

Cette contribution couvrira à la fois la hausse du besoin de financement et la révision à la baisse des autres ressources de trésorerie (– 2,3 milliards d’euros contre + 3,5 milliards d’euros en LFI) résultant des décotes enregistrées sur les nouvelles émissions dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

Il est précisé, dans le du II du présent article, que le plafond de la variation nette de la dette négociable de l’État reste inchangée par rapport à la loi de finances initiale (119,2 milliards d’euros).

V.   Le plafond d’autorisation des emplois rÉmunÉrÉs par l’État

En application de l’article 35 de la LOLF, la première partie de la loi de finances rectificative fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article laisse inchangé ce plafond pour 2022 à 1 941 470 ETPT.

*

*     *

La commission adopte l’article 5 et l’État A non modifiés.

*

*     *

Elle adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative modifiée.

M. Mathieu Lefèvre. De nombreux membres des oppositions n’ont pas voté la première partie du projet de loi de finances rectificative, qui concerne les recettes du budget général. Cela est d’autant plus étonnant que certains de leurs amendements avaient été adoptés.

La commission des finances n’a pas pour habitude de traduire l’incidence budgétaire des dispositions adoptées dans l’article d’équilibre. Cela pourrait être envisagé à l’avenir, compte tenu de l’étendue de ces mesures, notamment s’agissant des relations avec les collectivités territoriales.


—  1  —

   SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2022 - CRÉDITS DES MISSIONS

 

Article 6 et état B
Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Le présent article a pour objet d’ouvrir et d’annuler des crédits sur le budget général, selon la répartition donnée à l’état B annexé au présent PLFR.

Ouvertures et annulations de crÉdits du budget gÉnÉral
portées par le présent PLFR

Mouvements

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertures

53 834 655 319

47 586 599 815

Annulations

9 000 000

9 000 000

Solde

53 825 655 319

47 577 599 815

Source : présent projet de loi de finances rectificative.

Sur les trente-quatre missions que comporte la maquette budgétaire de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 ([85]), trente d’entre-elles font l’objet d’ouvertures de crédits ([86]), tandis qu’une seule donne lieu à une annulation très marginale (9 millions d’euros). Toutes les missions concernées font l’objet d’ouvertures nettes de crédits.


Ouvertures et annulations par ordre dÉcroissant des crÉdits
par mission inscrites dans le prÉsent PLFR

(en millions d’euros)

Mission

Crédits ouverts

Crédits annulés

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Économie

15 088,3

15 088,3

15 088,3

15 088,3

Engagements financiers de l'État

11 889,7

11 894,1

11 889,7

11 894,1

Travail et emploi

7 135,4

2 745,0

7 135,4

2 745,0

Écologie, développement et mobilité durables

6 863,2

5 167,1

9,0

9,0

6 854,2

5 158,1

Crédits non répartis

4 000,0

4 000,0

4 000,0

4 000,0

Remboursements et dégrèvements

3 371,1

3 371,1

3 371,1

3 371,1

Solidarité, insertion et égalité des chances

1 627,3

1 618,8

1 627,3

1 618,8

Audiovisuel public

1 525,2

1 525,2

1 525,2

1 525,2

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

480,3

480,3

480,3

480,3

Défense

300,3

300,3

300,3

300,3

Recherche et enseignement supérieur

234,7

234,7

234,7

234,7

Cohésion des territoires

229,5

214,5

229,5

214,5

Régimes sociaux et de retraite

177,6

177,6

177,6

177,6

Administration générale et territoriale de l'État

176,9

38,9

176,9

38,9

Justice

119,3

119,3

119,3

119,3

Enseignement scolaire

103,3

103,3

103,3

103,3

Sécurités

74,2

74,2

74,2

74,2

Outre-mer

53,9

53,9

53,9

53,9

Culture

53,4

53,4

53,4

53,4

Action extérieure de l'État

52,0

52,0

52,0

52,0

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

50,9

50,9

50,9

50,9

Sport, jeunesse et vie associative

50,5

50,5

50,5

50,5

Immigration, asile et intégration

37,4

37,4

37,4

37,4

Gestion des finances publiques

31,0

31,0

31,0

31,0

Santé

29,7

29,7

29,7

29,7

Transformation et fonction publiques

24,9

20,5

24,9

20,5

Conseil et contrôle de l'État

15,4

15,4

15,4

15,4

Relations avec les collectivités territoriales

15,1

15,1

15,1

15,1

Médias, livre et industries culturelles

12,9

12,9

12,9

12,9

Direction de l'action du Gouvernement

11,2

11,2

11,2

11,2

Total

53 834,7

47 586,6

9,0

9,0

53 825,7

47 577,6

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances rectificative.

Les ouvertures nettes de crédits portées par le présent article s’élèvent à 53,8 milliards d’euros en AE et 47,6 milliards d’euros en CP. Ces ouvertures massives conduisent à une augmentation des crédits disponibles sur le budget général de 7,5 % en AE et 9,1 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution des crÉdits par mission par rapport À la LFI 2022
proposÉe par le prÉsent PLFR

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2021

Ouvertures présent PLFR

% ouvertures/crédits initiaux

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l’État

3 055,7

3 058,6

52,0

52,0

+ 1,7%

+ 1,7%

Administration générale et territoriale de l’État

4 405,0

4 387,2

176,9

38,9

+ 4,0%

+ 0,9%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 030,2

3 006,2

480,3

480,3

+ 15,9%

+ 16,0%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2 085,1

2 084,7

50,9

50,9

+ 2,4%

+ 2,4%

Audiovisuel public (nouvelle mission)

1 525,2

1 525,2

Cohésion des territoires

17 295,4

17 183,7

229,5

214,5

+ 1,3%

+ 1,2%

Conseil et contrôle de l'État

713,4

753,7

15,4

15,4

+ 2,2%

+ 2,0%

Crédits non répartis

847,7

547,7

4 000,0

4 000,0

+ 471,9%

+ 730,4%

Culture

3 490,1

3 460,4

53,4

53,4

+ 1,5%

+ 1,5%

Défense

59 586,0

49 560,1

300,3

300,3

+ 0,5%

+ 0,6%

Direction de l'action du Gouvernement

849,6

960,0

11,2

11,2

+ 1,3%

+ 1,2%

Écologie, développement et mobilité durables

21 577,0

21 248,9

6 854,2

5 158,1

+ 31,8%

+ 24,3%

Économie

3 409,4

4 017,6

15 088,3

15 088,3

+ 442,6%

+ 375,6%

Engagements financiers de l’État

207 274,1

44 344,8

11 889,7

11 894,1

+ 5,7%

+ 26,8%

Enseignement scolaire

77 756,9

77 791,3

103,3

103,3

+ 0,1%

+ 0,1%

Gestion des finances publiques

10 016,2

9 995,0

31,0

31,0

+ 0,3%

+ 0,3%

Immigration, asile et intégration

1 993,5

1 896,5

37,4

37,4

+ 1,9%

+ 2,0%

Justice

12 770,7

10 741,4

119,3

119,3

+ 0,9%

+ 1,1%

Médias, livre et industries culturelles

698,2

675,1

12,9

12,9

+ 1,8%

+ 1,9%

Outre-mer

2 635,2

2 472,4

53,9

53,9

+ 2,0%

+ 2,2%

Recherche et enseignement supérieur

29 247,9

29 237,8

234,7

234,7

+ 0,8%

+ 0,8%

Régimes sociaux et de retraite

6 102,4

6 102,4

177,6

177,6

+ 2,9%

+ 2,9%

Relations avec les collectivités territoriales

4 916,7

4 348,9

15,1

15,1

+ 0,3%

+ 0,3%

Remboursements et dégrèvements

130 607,9

130 607,9

3 371,1

3 371,1

+ 2,6%

+ 2,6%

Santé

1 296,4

1 299,7

29,7

29,7

+ 2,3%

+ 2,3%

Sécurités

22 669,4

21 563,8

74,2

74,2

+ 0,3%

+ 0,3%

Solidarités, insertion et égalité des chances

28 007,1

27 646,4

1 627,3

1 618,8

+ 5,8%

+ 5,9%

Sport, jeunesse et vie associative

1 692,3

1 722,1

50,5

50,5

+ 3,0%

+ 2,9%

Transformation et fonction publiques

447,6

795,0

24,9

20,5

+ 5,6%

+ 2,6%

Travail et emploi

15 793,1

14 643,1

7 135,4

2 745,0

+ 45,2%

+ 18,7%

Sous-total missions concernées par le PLFR

674 270,2

496 152,6

53 825,7

47 577,6

+ 8,0%

+ 9,6%

Autres missions

43 389,7

26 362,1

 –

 –

 –

Total

717 659,8

522 514,7

53 825,7

47 577,6

+ 7,5%

+ 9,1%

Source : commission des finances d’après la loi de finances initiale et le présent projet de loi de finances rectificative.

Les ouvertures de crédits traduisent la volonté du Gouvernement de soutenir les entreprises et le pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix. Elles tirent également les conséquences de l’accélération de l’inflation sur la charge de la dette de l’État. Enfin, elles ont pour objet de financer diverses politiques publiques en fonction des besoins identifiés en cours d’année, dont celui de redonner des marges de manœuvre aux gestionnaires suite à l’annulation des crédits mis en réserve par le décret d’avance du 7 avril 2022 ([87]) pour compenser, en partie, les ouvertures urgentes rendues nécessaires par la guerre en Ukraine (voir infra).

A.   Une ouverture de crÉdits liés à la hausse exceptionnelle de la charge de la dette dans un contexte inflationniste

Le projet de loi de finances rectificative prévoit l’ouverture de 11,890 milliards d’euros en AE et 11,894 milliards d’euros en CP.

Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » bénéficie de la quasi-totalité de ces ouvertures (11,886 milliards d’euros), nécessaires pour tenir compte des nouvelles prévisions relatives à la charge de la dette dans un contexte de hausse de l’inflation et des taux d’intérêt.

Cette augmentation se décompose comme suit :

– 10,8 milliards d’euros sont ouverts pour financer le coût supplémentaire de la charge de la dette résultant de la hausse de l’inflation. En effet, en raison de l’existence d’un encours de dette indexé sur l’inflation (237 milliards d’euros, soit environ 11 % de l’encours de dette, dont deux tiers indexés sur l’inflation européenne), une variation positive de 1 point du taux d’inflation entraîne une hausse de 2,3 milliards d’euros de la charge de la dette. Pour rappel, le niveau d’inflation en France pour l’année 2022 était anticipé à 1,5 % en loi de finances initiale ; il est désormais estimé à environ 5 % ;

– 1,1 milliard d’euros sont ouverts pour financer le coût supplémentaire de la charge de la dette résultant de la hausse des taux d’intérêt. Dans un contexte désormais inflationniste et dans le cadre d’un processus de normalisation de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, les hypothèses de taux d’intérêt pour les titres de moyen et long termes en moyenne annuelle pour 2022 ont été revues à la hausse. Pour rappel, une variation positive de 1 point des taux d’intérêt renchérit la charge de la dette de 2,5 milliards d’euros la première année, 6,5 milliards d’euros la deuxième année et 29,5 milliards d’euros à l’horizon de 10 ans.

B.   Les ouvertures de crÉdits allouÉes au soutien des entreprises

1.   La mission Économie (15,09 milliards en AE et en CP)

Des ouvertures seraient effectuées sur la mission Économie à hauteur de 15,09 milliards d’euros en AE comme en CP. Hors rétablissement de la réserve de précaution, soit 30,4 millions d’euros en AE et en CP (voir infra), il est proposé d’ouvrir un montant élevé de crédits (11,06 milliards d’euros) pour soutenir les entreprises.

● Le programme 134 Développement des entreprises et régulations bénéficierait d’un abondement de 2,32 milliards d’euros en AE et en CP, afin de :

– reconstituer les crédits du programme dépensés en 2022 pour le paiement de certaines aides aux entreprises mises en place pour répondre à la crise sanitaire (800 millions d’euros, dispositif coûts fixes), dès lors que les crédits ouverts sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire n’étaient pas suffisants ;

– financer l’aide à destination des entreprises énergo-intensives touchées par les conséquences de la guerre en Ukraine (1,5 milliard d’euros). Pour mémoire, le programme 134 a bénéficié de 1,5 milliard d’euros supplémentaires ouverts par le décret d’avance du 7 avril 2022 pour financer une aide exceptionnelle aux entreprises grandes consommatrices d’énergie ([88]) sur la période du 1er mars au 31 juillet 2022. Les crédits ouverts par ce PLFR sont destinés au financement de cette aide à compter du 1er août et jusqu’à la fin de l’année 2022.

● Le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État bénéficierait d’un abondement de 12,73 milliards d’euros en AE et en CP.

Il s’agit de prévoir le financement d’opérations de diverses natures susceptibles d’intervenir au second semestre sur des entreprises stratégiques françaises, notamment la reprise par l’État de la totalité du capital d’EDF dont il détient aujourd’hui 84 %, conformément aux annonces de la Première ministre lors de son discours de politique générale du mercredi 6 juillet 2022. Dans un communiqué de presse du 19 juillet 2022 ([89]), le Gouvernement a annoncé que cette opération coûterait 9,7 milliards d’euros ([90]).

2.   La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (480,3 millions d’euros en AE et en CP)

Le présent projet de loi de finances rectificatives prévoit une ouverture de 480,3 millions d’euros en AE et en CP sur la mission Agriculture alimentation, forêt et affaires rurales. Elle concerne exclusivement des dépenses autres que de personnel (titre 2).

● Au bénéfice du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture seraient ouverts 280 millions d’euros en AE et en CP.

Ces sommes couvriraient des dépenses de soutien liées aux difficultés rencontrées dans la filière porcine à raison de la peste africaine et des tensions sur le marché chinois, à l’indemnisation des professionnels affectés par l’épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène et aux aides rendues nécessaires depuis la survenue d’un nouvel épisode de gel au mois d’avril 2022.

● Le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation se verrait doter de 200,3 millions d’euros en AE et en CP.

Il s’agit de financer les interventions de l’État face à la crise d’influenza aviaire, notamment les visites d’experts, abattages de volailles et mesures de désinfection, lesquelles sont portées par l’action 2 Santé et protection des animaux.

Pour rappel, 580 millions d’euros en AE et en CP avaient été ouverts au titre du décret d’avance du 7 avril 2022 pour financer une aide exceptionnelle consacrée à l’alimentation animale (400 millions d’euros) et la compensation, respectivement à la Mutualité sociale agricole (150 millions d’euros) et à l’Établissement national des invalides de la marine (30 millions d’euros), d’allègements de cotisations patronales de sécurité sociale.

C.   Les ouvertures de crÉdits destinÉes à soutenir le pouvoir d’achat des mÉnages

1.   La mission Écologie, développement et mobilité durables (6,86 milliards d’euros en AE et 5,17 milliards d’euros en CP)

Des ouvertures nettes de crédits seraient effectuées sur la mission Écologie, développement et mobilité durables à hauteur de 6,86 milliards d’euros en AE et de 5,17 milliards d’euros en CP. Hors le rétablissement des crédits de la réserve de précaution (100,6 millions d’euros), ces ouvertures seraient réparties de la façon suivante :

● Le programme 174 Énergie, climat et après-mines bénéficierait d’une ouverture de 5,46 milliards d’euros en AE et de 5,06 milliards d’euros en CP pour financer :

– à hauteur de 4,6 milliards d’euros en AE et CP, la prolongation de la remise au bénéfice de tous les consommateurs finaux (ménages et entreprises) de 15 centimes hors taxes par litre sur le prix des carburants à la pompe prévue par le décret n° 2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l’aide exceptionnelle à l’acquisition de carburants et sa transformation en un dispositif plus ciblé sur les travailleurs modestes ;

– à hauteur de 400 millions d’euros en AE, les dépenses supplémentaires générées par le dynamisme constaté sur le dispositif « MaPrimeRénov’ », qui s’explique notamment par la bonification de 1 000 euros de l’aide accordée depuis le 15 avril 2022 et jusqu’à la fin de l’année 2022 pour le remplacement d’un chauffage au gaz ou au fioul par une pompe à chaleur, y compris hybride, ou par une chaudière biomasse ;

– à hauteur de 400 millions d’euros en AE et CP, le bonus automobile à destination des véhicules légers, prolongé jusqu’au 31 décembre 2022.

● Le programme 203 Infrastructures et services de transports bénéficierait d’un abondement de 1,35 milliard d’euros en AE et 59,5 millions d’euros en CP (hors rétablissement de la réserve de crédits) pour traduire les engagements issus de la signature de la convention décennale pour les trains d’équilibre du territoire (TET) en mars 2022 ([91]).

Pour rappel, le programme 203 avait bénéficié d’une ouverture de 400 millions d’euros de crédits en AE et CP pour financer une aide exceptionnelle aux transporteurs routiers de marchandises et aux transporteurs routiers par autocar.

● Le programme 355 Charge de la dette de SNCF réseau reprise par l’État porte la seule annulation de crédits proposée par le présent projet de loi de finances rectificatives, à hauteur de 9 millions d’euros en AE et en CP, en raison d’une actualisation des prévisions relatives à la charge de la dette.

2.   La mission Crédits non répartis (4,0 milliards d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures seraient effectuées sur la mission Crédits non répartis à hauteur de 4,0 milliards d’euros en AE et en CP.

● Le programme 551 Provision relative aux rémunérations publiques bénéficierait d’un abondement de 2,0 milliards d’euros en AE et CP ouverts en crédits de titre 2 afin de financer la revalorisation de + 3,5 % du point d’indice des agents de la fonction publique.

● Le programme 552 Dépenses accidentelles et imprévisibles serait doté de 2,0 milliards d’euros en AE et CP afin de faire face aux dépenses imprévues résultant des incertitudes qui pèsent sur la gestion 2022, notamment en raison de la poursuite de la crise sanitaire, des tensions internationales et des perturbations entraînées sur l’économie.

3.   La mission Solidarité, insertion et égalité des chances (1,63 milliard d’euros en AE et 1,62 milliard d’euros en CP)

Des ouvertures nettes seraient effectuées sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances à hauteur de 1,63 milliard d’euros en AE et de 1,62 milliard d’euros en CP. Hormis le rétablissement d’une partie des crédits (8,7 millions d’euros en AE et CP) mis en réserve annulés par le décret d’avance précité, la mission Solidarité porte les ouvertures de crédits nécessaires pour financer la revalorisation anticipée de diverses prestations sociales et l’indemnité de rentrée qui sera versée aux ménages modestes.

● Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes se verrait doter de 1,42 milliard d’euros en AE et CP en raison de quatre mesures :

 le versement d’une indemnité exceptionnelle de rentrée à certains bénéficiaires de prestations sociales ([92]) pour faire face au renchérissement des prix. Cette indemnité, qui concernerait 8 millions de foyers et 15 millions de personnes au total, devrait s’élever à 100 euros par foyer et à 50 euros par enfant. Le coût de cette aide est évalué à 1 milliard d’euros ;

– la revalorisation anticipée de la prime d’activité et du revenu de solidarité active (RSA) lorsque son financement a été recentralisé ([93]). En l’absence de ce dispositif anticipé, ces prestations n’auraient été revalorisées qu’en avril 2023 ;

– la recentralisation du financement du RSA auparavant assuré par le conseil départemental des Pyrénées-Orientales ;

– le financement des mesures annoncées par le Premier ministre lors de la conférence des métiers du 18 février 2022. Il s’agit notamment de l’extension de la revalorisation du complément de traitement indiciaire ([94]).

 Le programme 157 Handicap et dépendance serait abondé de 192,4 millions d’euros en AE et CP pour financer la revalorisation anticipée de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

● Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales bénéficierait d’une ouverture, hors rétablissements de la réserve de précaution, de 8,5 millions d’euros en AE pour financer le bail du site « Tour Olivier de Serres » qui accueillera les services centraux des ministères sociaux en 2023.

4.   La mission Audiovisuel public (1,525 milliard d’euros en AE=CP)

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), prévue par l’article 1er du présent PLFR, aura pour conséquence la suppression du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public qui sera clôturé le 31 décembre 2022. Une nouvelle mission budgétaire Audiovisuel public est en outre créée afin de financer les six sociétés de l’audiovisuel public via le budget général de l’État.

De janvier à juillet 2022, le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public aura reçu en ressources 2,159 milliards d’euros correspondant à sept mois de douzième mensuel de dotation des six opérateurs de l’audiovisuel public. Les crédits ouverts sur la nouvelle mission budgétaire correspondent ainsi à cinq mois de douzième mensuel de dotation ajusté des effets fiscaux (neutralisation de la fin de la collecte de 2,1 % de TVA effectuée sur la dotation toutes charges comprises versée via le compte de concours financiers et compensation de la perte du droit à déduction intégrale de TVA pour ARTE et France Médias Monde). Cette ouverture de 1,525 milliard d’euros en AE=CP est donc neutre pour les finances publiques et pour les opérateurs de l’audiovisuel public.

schÉma de financement de l’audiovisuel public en 2022 en AE=CP

(en millions d’euros TTC)

 

Dotation TTC prévue sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public par la LFI pour 2022

Versements effectifs via le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public de janvier à juillet

Neutralisation de la fin de la collecte de 2,1 % de TVA et compensation de la perte du droit de déduction intégrale de TVA

Crédits ouverts sur la mission Audiovisuel public par le PLFR

France Télévisions

2 406,8

– 1 404

– 20,6

982,2

Radio France

278,6

– 162,5

+ 5,5

121,6

Arte

588,8

– 343,5

– 5

240,3

France Médias Monde

259,6

– 151,4

+ 4,6

112,8

Institut national de l’audiovisuel

89,7

– 52,3

– 0,8

36,6

TV5 Monde

77,8

–  45,4

– 0,7

31,7

Total

3 701,3

 2 159,1

 17

1 525,2

Source : documents budgétaires.

En année pleine, l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages représentera 3,2 milliards d’euros de baisse d’impôt, qui se traduiront par une hausse de même montant des crédits du budget général.

5.   La mission Cohésion des territoires (230 millions d’euros en AE et 215 millions d’euros en CP)

En dehors des ouvertures prévues pour le rétablissement de la réserve de précaution (70,7 millions d’euros en AE et CP), le PLFR prévoit des ouvertures de crédits à hauteur de 158,8 millions d’euros en AE et 143,8 millions d’euros en CP.

● Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, qui a déjà bénéficié de 100 millions d’euros via le décret d’avance du 7 avril 2022 pour assurer le financement des associations accompagnant les réfugiés ukrainiens à la recherche d’un logement, serait crédité à hauteur de 134 millions d’euros en AE=CP :

– 104 millions d’euros seraient ouverts pour financer une première tranche de l’extension des accords du Ségur, profitant notamment aux travailleurs sociaux du secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, annoncée le 18 février 2022 par le Premier ministre (création d’une prime indemnitaire de 183 euros net prenant effet le 1er avril 2022) ;

– 30 millions d’euros en AE=CP seraient également ouverts pour financer le surcoût lié aux opérations de mise à l’abri.

● Le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat obtiendrait une ouverture, hors rétablissement de la réserve de précaution, de 15 millions d’euros en AE pour faire suite aux engagements pris par le chef de l’État en février 2022 pour le « Renouveau du bassin minier » (annonce d’une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros en parallèle d’une contribution du même montant du conseil régional des Hauts-de-France).

● Le programme 147 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire obtiendrait, hors rétablissement de la réserve de précaution, une enveloppe de 10 millions d’euros pour subventionner les associations animant les dispositifs « quartiers d’été » et « quartiers solidaires » reconduits en 2022 après leur mise en œuvre en 2020 et 2021.

6.   La mission Régimes sociaux et de retraite (177,6 millions d’euros en AE et en CP)

Le projet de loi de finances rectificative propose d’ouvrir 177,6 millions d’euros supplémentaires en AE et en CP sur la mission Régimes sociaux et de retraite.

Les crédits ouverts sont supérieurs de 32,7 millions d’euros aux 144,93 millions d’euros de crédits annulés sur l’ensemble de la mission par le décret d’avance du 7 avril 2022 ([95]). Ces crédits supplémentaires permettront de financer la revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 des pensions de retraite et d’invalidité prévue dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat sur les régimes sociaux et de retraite des transports (33,4 millions d’euros), des marins (1,3 million d’euros) et des mines de la SEITA.

Hors budget général, une ouverture de 1,3 milliard d’euros est prévue sur le compte d’affectation spéciale Pensions pour couvrir l’impact de la revalorisation anticipée des pensions de retraite des régimes de base des fonctionnaires civils et militaires de l’État.

7.   La mission Justice (119,26 millions d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures seraient effectuées sur la mission Justice à hauteur de 119,3 millions d’euros. En dehors des crédits ayant vocation à rétablir partiellement la réserve de précaution des différents programmes de cette mission (90,9 millions d’euros contre 119,3 millions d’euros annulés en décret d’avance), 28,3 millions d’euros seraient alloués au financement de l’extension de la mesure socle du Ségur aux agents du ministère de la justice exerçant des fonctions d’accompagnement socio-éducatif, prévue à l’article 15 du présent PLFR.

8.   La mission Immigration, asile et intégration (37,38 millions d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Immigration, asile et intégration à hauteur de 37,38 millions d’euros en AE et en CP. Hors crédits rétablissant la réserve de précaution (11,1 millions d’euros), ces ouvertures viseraient à financer la revalorisation salariale des travailleurs sociaux post-Ségur prévue à l’article 15 du présent PLFR intervenant dans le périmètre de cette mission :

– 4,2 millions d’euros (AE et CP) seraient ouverts à ce titre sur le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française pour les travailleurs sociaux intervenant dans les centres provisoires d’hébergement, dans les foyers de travailleurs migrants et au titre du nouveau dispositif expérimental Agir, destiné à proposer à des bénéficiaires de la protection internationale la possibilité d’un accompagnement individualisé notamment vers le logement et l’emploi ;

– 22,1 millions d’euros (AE et CP) seraient alloués au programme 303 Immigration et asile pour les travailleurs sociaux œuvrant dans les structures de premier accueil des demandeurs d'asile et dans les centres d’hébergement relevant du dispositif national d’accueil.

Pour rappel, cette mission a bénéficié d’un abondement de 300 millions d’euros par le décret d’avance du 7 avril 2022 pour répondre aux besoins de financement consécutifs à l’accueil massif ([96]) de personnes déplacées d’Ukraine à la suite de l’agression russe.

9.   La mission Conseil et contrôle de l’État (15,4 millions d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Conseil et contrôle de l’État à hauteur de 15,4 millions d’euros en AE et en CP. Hors rétablissement des crédits de la réserve de précaution (2,6 millions d’euros), le présent texte prévoit l’ouverture de 12,8 millions d’euros afin de financer la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats financiers (3,8 millions d’euros en AE et CP sur le programme 164 Cour de comptes et autres juridictions financières) et des magistrats administratifs (9 millions d’euros en AE et CP sur le programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives).

D.   Les ouvertures pour financér divers besoins identifiés en cours d’annÉe

1.   La mission Remboursements et dégrèvements (3,37 milliards d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Remboursements et dégrèvements à hauteur de 3,37 milliards d’euros en AE et en CP. Il est rappelé que les crédits de la mission ont un caractère évaluatif en application de l’article 10 de la LOLF.

● Le programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État serait réévalué à hauteur de 2,84 milliards d’euros (+ 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale) pour tenir compte de la révision à la hausse des recettes fiscales brutes de l’État qui, mécaniquement, devrait accroître le niveau des restitutions auxquelles les contribuables peuvent prétendre.

● Le programme 201 Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux se verrait doter de 0,53 milliard d’euros supplémentaires en AE et CP (8,1 % des crédits initiaux). Cette ouverture tient principalement compte de la réévaluation des restitutions relatives à la contribution économique territoriale (CET), restitutions qui représentent à elles seules plus de la moitié des crédits du programme 201.

2.   La mission Travail et emploi (7,135 milliards d’euros en AE et 2,745 milliards d’euros en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Travail et emploi à hauteur 7,135 milliards d’euros en AE et en CP.

Hors rétablissement partiel de la réserve de précaution (1,9 million d’euros uniquement sur le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail), les ouvertures de crédits se concentrent sur le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, qui bénéficierait d’un abondement de 7,134 milliards d’euros en AE et de 2,743 milliards d’euros en CP. Cette ouverture de crédits viserait un double objectif :

– d’une part, il s’agirait de verser à France compétences une subvention exceptionnelle d’un montant de 2 milliards d’euros pour faire face à la dynamique de l’apprentissage dans un contexte d’attrition de l’assiette de la masse salariale sur laquelle sont assises les recettes de cet opérateur essentiel du financement de la formation professionnelle ;

– d’autre part, l’ouverture de crédits financerait, à hauteur de 5,134 milliards d’euros en AE et 743 millions d’euros en CP, la prolongation au second semestre 2022 des primes exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants, en application d’un décret pris le 29 juin 2022 ([97]).

3.   La mission Administration générale et territoriale de l’État (176,94 millions d’euros en AE et 38,94 millions d’euros en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Administration générale et territoriale de l’État à hauteur de 176,94 millions d’euros en AE et 38,94 millions d’euros en CP. En dehors des crédits destinés à rétablir la réserve de précaution, la mission est abondée de 138 millions d’euros de crédits en AE sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur pour financer un bail immobilier.

4.   La mission Relations avec les collectivités territoriales (15,1 millions d’euros en AE et en CP)

Des ouvertures de crédits seraient effectuées sur la mission Relations avec les collectivités territoriales à hauteur de 15,1 millions d’euros en AE et en CP.

En dehors du rétablissement de la réserve de précaution (5,1 millions d’euros en AE et CP sur le programme 122 Concours spécifiques et administration), ces crédits viendraient abonder le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements à hauteur de 10 millions d’euros en AE et CP au titre du « plan d’urgence » présenté en Conseil des ministres le 4 mai 2022 pour améliorer les délais de délivrance des passeports et des cartes nationales d’identité ainsi que le déploiement des nouvelles cartes d’identité – au bénéfice des communes en tension. L’article 14 du présent projet de loi de finances rectificative décrit l’objet et l’emploi de cette majoration exceptionnelle de la dotation pour les titres sécurisés (DTS).

E.   Les ouvertures liÉes au rÉtablissement de la rÉserve de prÉcaution

Afin de financer les 5,86 milliards d’euros en AE et CP ouverts en urgence pour répondre aux conséquences de la guerre en Ukraine, le décret d’avance du 7 avril 2022 a notamment prévu l’annulation de 5,44 milliards d’euros en AE et en CP sur 89 programmes de 28 missions du budget général. Si la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire a concentré la grande majorité de ces annulations (3,47 milliards d’euros), une contribution interministérielle de 1,875 milliard d’euros a été appliquée, sauf exception, sur les crédits mis en réserve des programmes ne faisant pas l’objet d’ouvertures par le décret d’avance et n’étant pas jugés en tension. Ainsi, 27 missions du budget général et 85 programmes ont été mis à contribution.

Le présent PLFR prévoit, à son article 16, la ratification de ce décret d’avance. Conformément à l’engagement du Gouvernement, le présent texte rétablit la grande majorité des crédits annulés au titre de la contribution ministérielle susmentionnée. Ainsi, 23 missions et 73 programmes[98] voient leurs crédits annulés entièrement rétablis, tandis que 4 missions et 9 programmes font l’objet d’un rétablissement partiel.

Pour les programmes des missions Justice, Solidarité, insertion et égalité des chances et Travail et emploi, cet écart résulte de la mobilisation des crédits destinés à être mis en réserve pour financer les mesures détaillées ci-dessus et portées par ces programmes.

L’écart de 2 millions d’euros observable sur le programme Régimes de retraite des mines de la SEITA et divers serait, quant à lui, lié à la révision de la prévision des besoins en cours d’année en raison d’un nombre de décès plus élevé qu’anticipé en fin d’année 2021.

Au total, 85,2 % des crédits de la contribution interministérielle seraient rétablis au niveau constaté avant le décret d’avance du 7 avril, ce qui représente 1,6 milliard d’euros en AE et en CP.

RÉtablissement des crÉdits annulés prÉvus par le pLFR
(hors mission Plan d’urgence)

(en millions d’euros)

Missions

Programmes

Décret d’avance annulations

PLFR ouvertures

Écart (% de rétablissement)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l’État

52,0

52,0

52,0

52,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Action de la France en Europe et dans le monde

40,7

40,7

40,7

40,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Diplomatie culturelle et d’influence

7,9

7,9

7,9

7,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Français à l’étranger et affaires consulaires

3,3

3,3

3,3

3,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Administration générale et territoriale de l’État

38,9

38,9

38,9

38,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Administration territoriale de l’État

12,6

12,6

12,6

12,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Vie politique

9,7

9,7

9,7

9,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

16,7

16,7

16,7

16,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Agriculture

0,08

0,08

0,08

0,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

0,08

0,08

0,08

0,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

50,9

50,9

50,9

50,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

45,8

45,8

45,8

45,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

5,1

5,1

5,1

5,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Cohésion des territoires

70,7

70,7

70,7

70,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Aide à l’accès au logement

38,5

38,5

38,5

38,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

12,5

12,5

12,5

12,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

8,1

8,1

8,1

8,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Politique de la ville

9,5

9,5

9,5

9,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Interventions territoriales de l’État

2,2

2,2

2,2

2,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Conseil et contrôle de l’État

2,6

2,6

2,6

2,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Conseil d’État et autres juridictions administratives

2,4

2,4

2,4

2,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Conseil économique, social et environnemental

0,2

0,2

0,2

0,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Culture

53,4

53,4

53,4

53,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Patrimoines

18,8

18,8

18,8

18,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Création

18,0

18,0

18,0

18,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

14,6

14,6

14,6

14,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Soutien aux politiques du ministère de la culture

2,0

2,0

2,0

2,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Défense

300,3

300,3

300,3

300,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Environnement et prospective de la politique de défense

50,0

50,0

50,0

50,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Soutien de la politique de défense

47,9

47,9

47,9

47,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Équipement des forces

202,3

202,3

202,3

202,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Direction de l’action du Gouvernement

11,2

11,2

11,2

11,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Coordination du travail gouvernemental

7,5

7,5

7,5

7,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Protection des droits et libertés

0,9

0,9

0,9

0,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022

2,9

2,9

2,9

2,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Écologie, développement et mobilité durables

107,6

107,6

107,6

107,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Affaires maritimes

4,2

4,2

4,2

4,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Paysage, eau et biodiversité

8,8

8,8

8,8

8,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Expertise, information géographique et météorologie

6,0

6,0

6,0

6,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Prévention des risques

27,3

27,3

27,3

27,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Énergie, climat et après-mines

55,2

55,2

55,2

55,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables

6,2

6,2

6,2

6,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Économie

30,4

30,4

30,4

30,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Plan France Très haut débit

22,3

22,3

22,3

22,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Statistiques et études économiques

1,6

1,6

1,6

1,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Stratégies économiques

6,4

6,4

6,4

6,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Engagements financiers de l'État

3,7

8,1

3,7

8,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Épargne

1,4

1,4

1,4

1,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Dotation du Mécanisme européen de stabilité

2,3

2,3

2,3

2,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

-

4,4

-

4,4

-

0 (100 %)

Enseignement scolaire

103,3

103,3

103,3

103,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Vie de l’élève

91,0

91,0

91,0

91,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Enseignement technique agricole

12,3

12,3

12,3

12,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Gestion des finances publiques

31,0

31,0

31,0

31,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

16,5

16,5

16,5

16,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

5,5

5,5

5,5

5,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Facilitation et sécurisation des échanges

8,9

8,9

8,9

8,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Immigration, asile et intégration

11,1

11,1

11,1

11,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Intégration et accès à la nationalité française

11,1

11,1

11,1

11,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Justice

119,3

119,3

90,9

90,9

28,4 (76,3 %)

28,4 (76,3 %)

Justice judiciaire

30,5

30,5

22,3

22,3

– 8,2 (73,2 %)

– 8,2 (73,2 %)

Administration pénitentiaire

52,8

52,8

37,9

37,9

– 14,9 (71,8 %)

– 14,9 (71,8 %)

Protection judiciaire de la jeunesse

9,8

9,8

11,6

11,6

+ 1,8 (118,4 %)

+ 1,8 (118,4 %)

Accès au droit et à la justice

16,0

16,0

11,7

11,7

– 4,3 (73,2 %)

– 4,3 (73,2 %)

Conduite et pilotage de la politique de la justice

10,0

10,0

7,4

7,4

– 2,7 (73,2 %)

– 2,7 (73,2 %)

Conseil supérieur de la magistrature

0,1

0,1

0,1

0,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Médias, livre et industries culturelles

12,9

12,9

12,9

12,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Presse et médias

8,3

8,3

8,3

8,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Livre et industries culturelles

4,6

4,6

4,6

4,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Outre-mer

53,9

53,9

53,9

53,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Emploi outre-mer

16,3

16,3

16,3

16,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Conditions de vie outre-mer

37,6

37,6

37,6

37,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Recherche et enseignement supérieur

234,7

234,7

234,7

234,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Formations supérieures et recherche universitaire

30,0

30,0

30,0

30,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Vie étudiante

85,6

85,6

85,6

85,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

80,0

80,0

80,0

80,0

0 (100 %)

0 (100 %)

Recherche spatiale

16,4

16,4

16,4

16,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

12,1

12,1

12,1

12,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

7,1

7,1

7,1

7,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Enseignement supérieur et recherche agricoles

3,4

3,4

3,4

3,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Régimes sociaux et de retraite

144,9

144,9

142,9

142,9

 2,0 (98,6 %)

 2,0 (98,6 %)

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

98,9

98,9

98,9

98,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

18,7

18,7

18,7

18,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

27,3

27,3

25,3

25,3

– 2,0 (92,6 %)

– 2,0 (92,6 %)

Relations avec les collectivités territoriales

5,1

5,1

5,1

5,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Concours spécifiques et administration

5,1

5,1

5,1

5,1

0 (100 %)

0 (100 %)

Santé

29,7

29,7

29,7

29,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

22,8

22,8

22,8

22,8

0 (100 %)

0 (100 %)

Protection maladie

6,9

6,9

6,9

6,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Sécurités

74,2

74,2

74,2

74,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Police nationale

40,4

40,4

40,4

40,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Gendarmerie nationale

25,3

25,3

25,3

25,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Sécurité et éducation routières

1,2

1,2

1,2

1,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Sécurité civile

7,3

7,3

7,3

7,3

0 (100 %)

0 (100 %)

Solidarité, insertion et égalité des chances

86,3

86,3

8,7

8,7

77,6 (10,1 %)

77,6 (10,1 %)

Inclusion sociale et protection des personnes

38,7

38,7

0

0

– 38,7 (0 %)

– 38,7 (0 %)

Handicap et dépendance

38,9

38,9

0

0

– 38,9 (0 %)

– 38,9 (0 %)

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

8,7

8,7

8,7

8,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Sport, jeunesse et vie associative

50,5

50,5

50,5

50,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Sport

20,9

20,9

20,9

20,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Jeunesse associative

29,6

29,6

29,6

29,6

0 (100 %)

0 (100 %)

Transformation et fonction publiques

24,9

20,5

24,9

20,5

0 (100 %)

0 (100 %)

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

15,0

10,7

15,0

10,7

0 (100 %)

0 (100 %)

Transformation publique

4,2

4,2

4,2

4,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Innovation et transformation numériques

0,2

0,2

0,2

0,2

0 (100 %)

0 (100 %)

Fonction publique

5,4

5,4

5,4

5,4

0 (100 %)

0 (100 %)

Travail et emploi

172,2

172,2

1,9

1,9

170,3 (1,1 %)

170,3 (1,1 %)

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

170,3

170,3

0

0

170,3 (0 %)

170,3 (0 %)

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

1,9

1,9

1,9

1,9

0 (100 %)

0 (100 %)

Total

1 875,78

1 875,78

1 597,48

1 598,2

 278,30 (85,2 %)

 277,58 (85,2 %)

Source : commission des finances d’après décret d’avance du 7 avril 2022 et présent PLFR.

*

*     *

Amendement CF237 de M. Laurent Marcangeli.

M. Christophe Plassard. Par cet amendement d’appel, le groupe Horizons et apparentés souhaite alerter le Gouvernement sur la situation de nos concitoyens qui se chauffent au fioul et qui n’ont pu bénéficier d’aucune mesure de soutien, malgré l’explosion du prix du fioul, à l’instar des autres énergies.

L’objectif n’est pas de promouvoir ce type de combustible, les chaudières au fioul ayant vocation à disparaître progressivement. L’amendement vise plutôt à apporter une aide indispensable à nos concitoyens l’utilisant encore, principalement dans les zones rurales. Le dispositif temporaire et ciblé que nous proposons permettrait de contribuer à réduire la fracture territoriale qui menace de s’aggraver avec la crise énergétique.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les amendements de crédits sont d’ordinaire discutés rapidement en commission car le rapporteur général n’a pas la possibilité de « lever le gage ». Ils permettent en revanche en séance publique de balayer toutes les politiques publiques, et d’obtenir la position du Gouvernement sur les différents sujets.

La majorité des amendements que nous examinons sont des amendements d’appel : vous utilisez la possibilité de déplacer des crédits au sein d’une mission pour discuter d’une politique publique ou d’un dispositif qui n’est pas créé par votre amendement. J’ai bien conscience que ces amendements résultent de l’impossibilité de créer des dispositifs, qui, en vertu de l’article 40 de la Constitution, seraient considérés comme des charges nouvelles.

Pour les autres amendements, par lesquels vous souhaitez augmenter les crédits alloués à une politique publique, vous êtes obligés de compenser la hausse de crédits sur un programme par une annulation sur un autre programme. Nous n’avons pas la possibilité de compenser cette annulation en commission : seul le Gouvernement peut le faire par amendement, comme moyen de « lever le gage ».

Pour toutes ces raisons, il serait opportun d’examiner très rapidement ces amendements et de concentrer en séance nos débats sur les amendements de crédits.

Je vous propose donc de retirer l’amendement CF237 pour en discuter avec le Gouvernement dans l’hémicycle. Notre politique vise à aider les ménages à changer de chaudière et à sortir d’un usage qui leur coûte cher – l’aide MaPrimeRénov’ a été bonifiée de 1 000 euros dernièrement.

L’amendement CF237 est retiré.

Amendement CF137 de M. Michel Sala.

M. David Guiraud. Cet amendement d’appel revient sur la baisse des aides personnalisées au logement (APL) de 5 euros, décidée au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Il revalorise ces aides de 10 % afin de soutenir les plus pauvres face à l’inflation.

Selon l’INSEE, les 10 % des ménages les plus modestes consacrent 40 % de leurs revenus au logement, soit quatre fois plus que les 10 % de ménages les plus aisés. C’est une tendance lourde depuis vingt ans.

Lors du dernier quinquennat, l’État a économisé 15 milliards d’euros avec l’économie des 5 euros, le gel des APL et la suppression de l’APL accession. Le Gouvernement prévoit une hausse des loyers de 3,5 %, à laquelle il répond par une prétendue revalorisation des APL – elle aurait de toute façon dû avoir lieu le 1er octobre. Ce coup de pouce représente un coût faible, de 168 millions d’euros.

En 2021, le Gouvernement avait économisé plus de 1 milliard d’euros en réformant le mode de calcul des APL. Les loyers étant plus élevés que les aides au logement, une revalorisation dans la même proportion fera perdre énormément d’argent aux bénéficiaires. Une personne acquittant un loyer de 600 euros et recevant 200 euros d’APL perdra environ 168 euros par an.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement ne tient pas : il crée un programme doté de 100 millions d’euros pour revaloriser les APL à hauteur de 10 %, ce qui conduirait à une augmentation de 1,6 milliard d’euros.

Les APL ont baissé car nous avons contemporanéisé leur mode de calcul. Dans l’ancien système, une personne percevant un revenu significatif pouvait recevoir les APL car elle était étudiante deux ans auparavant. Le système que nous avons instauré est plus juste. En outre, nous proposons de revaloriser les APL selon l’inflation, par anticipation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF137.

Amendement CF136 de Mme Marianne Maximi.

M. David Guiraud. Il vise à geler l’indice de référence des loyers (IRL) jusqu’à la fin de l’année 2023, en fixant le montant maximal de l’augmentation du loyer qu’un propriétaire peut imposer chaque année à son locataire. Le plafonnement à 3,5 % que le Gouvernement prévoit conduira les locataires à payer 2,6 milliards d’euros en plus.

On dit souvent que le gel de l’IRL désavantagera les petits propriétaires. Seuls 3,5 % des ménages détiennent la moitié des logements mis en location. Avec de telles mesures, le Gouvernement privilégie la rente des plus aisés plutôt que le travail.

Il revient aux Français les plus aisés de faire un effort au cœur de la crise. La mesure est temporaire : le gel des loyers est prévu jusqu’à fin 2023. C’est un amendement de bon sens, que chacun devrait voter.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF136.

Amendement CF151 de M. Michel Sala.

M. Michel Sala. Par cet amendement d’appel, nous proposons d’encadrer les loyers dans les zones dites non tendues et de les encadrer à la baisse dans les zones tendues.

La hausse incontrôlée des prix de l’immobilier durant les dernières décennies pousse à augmenter les loyers. Les ménages y consacrent une partie toujours plus importante de leurs revenus – jusqu’à un tiers pour les 10 % les plus pauvres. Cela est particulièrement vrai dans les grandes villes où le Gouvernement laisse libre cours à l’explosion des locations de courte durée, par exemple par la plateforme Airbnb, et ne lutte pas contre le fléau des logements vacants. Les salariés ne peuvent plus habiter où ils travaillent.

Pour faire baisser durablement les loyers, nous proposons de fixer dans chaque zone un loyer de référence inférieur au loyer médian, que les propriétaires ne peuvent pas dépasser lorsque le bien est mis en location.

Pour limiter les abus des propriétaires dans les zones non tendues, il faut également fixer un loyer de référence à ne pas dépasser. Avec l’encadrement des loyers, nous mettrons un terme à leur hausse sans fin, pour permettre à tous d’accéder à un logement dans de bonnes conditions.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement n’est pas d’ordre budgétaire. Il devra être examiné dans le cadre du projet de loi relatif à des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui plafonne la hausse des loyers et augmente les APL.

Sur le fond, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a créé un mécanisme expérimental pour encadrer l’évolution des loyers dans les zones tendues, dont certaines métropoles se sont emparées.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF151.

Amendement CF247 de Mme Christine Pires Beaune et CF163 de M. Arnaud Le Gall (discussion commune).

M. Mickaël Bouloux. L’amendement CF247 vise à alerter le Gouvernement sur les conséquences de l’augmentation du point d’indice de la fonction publique pour les collectivités territoriales. Nous en avons discuté mais le projet de loi semble passer ces conséquences sous silence.

Pour une ville de 36 000 habitants comme Bagnolet, le dégel représente un coût annuel de 875 000 euros. Un mécanisme de compensation est donc nécessaire, qu’il s’agisse d’une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), d’un prélèvement sur recettes ou d’un autre moyen.

M. Florian Chauche. L’amendement CF163 alerte également le Gouvernement sur les difficultés financières rencontrées par la fonction publique territoriale ainsi que la fonction publique hospitalière.

Depuis le début de l’année 2022, les collectivités territoriales font face à un très fort accroissement de leurs dépenses. L’explosion des prix de l’énergie grève leur budget alors qu’aucun mécanisme de blocage des prix n’a été prévu. Ces pertes de marges de manœuvre financières s’ajoutent à des années d’affaiblissement, avec la suppression de la taxe professionnelle, l’instauration des contrats de Cahors ou la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE). Dans ce contexte déjà compliqué, le Gouvernement a annoncé le 1er juillet qu’il relèverait de 3,5 % le point d’indice des fonctionnaires. C’est une mesure dérisoire après des années de gel, mais les collectivités territoriales et les hôpitaux, asséchés financièrement depuis des années, ne peuvent l’assumer en plus de la part de la réévaluation des traitements des agents publics qui leur revient.

Le Gouvernement n’a prévu aucun mécanisme compensatoire. Les collectivités territoriales n’ayant pas le droit de s’endetter pour des dépenses de fonctionnement, certaines sont dans l’incapacité d’appliquer le dégel du point d’indice.

L’amendement CF163 crée un nouveau programme Soutien à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière dans la mission Crédits non répartis, qu’il abonde des crédits du programme 552 Dépenses accidentelles et imprévisibles, à hauteur de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Les règles de recevabilité nous obligent à gager le programme par un transfert de crédits provenant d’un autre programme de la mission.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le maire de Bagnolet pourra également indiquer de combien ses recettes ont augmenté en 2021 et 2022 : la différence avec les nouvelles charges est certainement en sa faveur.

Quant au budget des hôpitaux, il relève du financement de la sécurité sociale, selon l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), non du projet de loi de finances rectificative.

Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. La situation de la commune de Bagnolet méritera vérification.

La commission rejette successivement les amendements CF247 et CF163.

Amendement CF166 de M. Manuel Bompard.

Mme Marianne Maximi. En lien avec le dégel du point d’indice pour les fonctionnaires, les syndicats représentatifs du personnel du réseau consulaire nous ont alertés sur la situation des agents publics des chambres de commerce et d’industrie, qui ne bénéficient pas de la revalorisation. Dans un souci de justice et d’équité, nous demandons que la même augmentation leur soit appliquée.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La revalorisation du point d’indice est une préoccupation légitime. Ce n’est toutefois pas au budget de l’État de supporter cette dépense supplémentaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF166.

Amendements identiques CF236 de M. Laurent Marcangeli et CF263 de Mme Perrine Goulet.

Mme Lise Magnier. L’amendement CF236 du groupe Horizons et apparentés a pour objet d’étendre l’indemnité carburant pour les travailleurs du sixième décile. Nous n’avons pas d’autre véhicule législatif qu’un amendement de crédits : nous en discuterons donc en séance avec le Gouvernement.

Mme Perrine Goulet. Le projet de loi « pouvoir d’achat » a oublié certaines catégories, comme les travailleurs des classes moyennes. Le Gouvernement a lancé une aide ouverte jusqu’au cinquième décile du revenu fiscal de référence. Il serait intéressant de l’étendre au sixième décile.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de retirer vos amendements. La discussion doit avoir lieu avec le Gouvernement, d’autant que le dispositif sera mis en œuvre par voie réglementaire. À titre personnel, je suis plutôt favorable à élargir la mesure comme vous le proposez.

Les amendements identiques CF236 et CF263 sont retirés.

Amendement CF246 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement d’appel vise non les crédits de paiement mais les autorisations d’engagement car le montant d’engagement inscrit dans le PLFR ne correspond pas aux financements découlant de la convention d’exploitation des trains d’équilibre du territoire (TET), signée le 17 mars 2022.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En plus de 1,36 milliard d’euros prévu dans le PLFR, cette convention décennale sera financée par 243 millions d’AE budgétés en loi de finances initiale 2022 pour les TET, et par 160 millions d’euros de reports des années précédentes pour les ouvertures de lignes TET intégrées à la convention. Le financement de la convention est donc assuré pour ce qui concerne la part de l’État.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire l’amendement et le redéposerai en séance.

L’amendement CF246 est retiré.

Amendement CF262 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Le bouclier sur l’électricité et le gaz a oublié tous les Français qui se chauffent au fioul. L’amendement prévoit une aide exceptionnelle, par extension du chèque énergie, sur présentation d’une facture de fioul.

Rien ne justifie que les personnes qui se chauffent au fioul dans les zones rurales ne bénéficient pas d’un bouclier tarifaire, alors que celles qui ont accès au gaz naturel dans les villes y ont droit. J’entends que le Gouvernement a pris des mesures pour passer à une autre source d’énergie, mais ce n’est pas encore fait dans bien des foyers.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il faudra interroger le Gouvernement sur cette mesure. Les foyers modestes chauffés au fioul ont bénéficié du chèque énergie : nous pourrions examiner en quoi le dispositif peut être modulé pour accompagner au mieux ces personnes. Je m’engage à y travailler d’ici à la séance.

L’amendement CF262 est retiré.

Amendement CF244 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun. Inspiré du rapport de la Cour des comptes du 24 février 2022 sur le chèque énergie, l’amendement vise à revaloriser les seuils du barème d’attribution, qui n’est pas indexé. Avec l’évolution des revenus et l’inflation, certaines personnes perdent parfois le bénéfice du chèque énergie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Contrairement à l’amendement que vous avez soutenu sur les collectivités territoriales, cet amendement traite d’un vrai sujet. Une indexation du chèque énergie par rapport à un indice déterminé est nécessaire.

Sur la forme, votre amendement rencontre cependant un écueil : un amendement de crédit ne peut pas financer une indexation qui n’existe pas encore dans les textes. Nous serions probablement tous favorables à une modification de l’article L. 124-1 du code de l’énergie, afin de la prévoir. À défaut, un arrêté pourrait modifier les tranches du barème, comme le Gouvernement l’a fait jusqu’à présent. Je vous propose de lui poser directement la question en séance.

Mme Christine Pires Beaune. Nous maintenons l’amendement. La Cour des comptes a rédigé son rapport – le dernier de la précédente législature au titre du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – sur un sujet suggéré par notre commission. Une de ses propositions est particulièrement injuste : pour quelques euros de plus de revenus, une famille éligible une année peut sortir du dispositif l’année suivante.

L’amendement est peut-être mal rédigé, et ne devrait pas être un amendement de crédits. Néanmoins, il est bon de le voter aujourd’hui et de présenter en séance un amendement de la commission sur ce sujet, qui concerne de nombreux foyers.

M. le président Éric Coquerel. Il s’agit donc d’un amendement d’appel, qui peut être retravaillé avec les indications du rapporteur général.

La commission rejette l’amendement CF244.

Amendement CF264 de M. Pascal Lecamp.

M. Pascal Lecamp. L’extinction progressive de la remise carburant aura des conséquences importantes sur l’activité des associations, notamment des associations d’insertion ou d’aide à domicile en milieu rural (ADMR). De nombreux bénévoles, parfois retraités, qui parcourent de grandes distances, n’auront alors plus les moyens de poursuivre leur action.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons évoqué hier la possibilité qu’un décret ou un arrêté modifie l’indemnité kilométrique pour les bénévoles des associations. Le cas échéant, ils peuvent être concernés par l’indemnité carburant d’un montant de 100 à 300 euros par véhicule et par actif, que nous souhaitons instaurer pour les travailleurs modestes à compter du 1er octobre. Nous devons faire des choix pour assurer la soutenabilité de nos finances publiques. L’aide ciblée sur les travailleurs modestes en fait partie.

Les associations bénéficient de mesures générales encore en vigueur et de mesures spécifiques comme des crédits supplémentaires pour financer davantage de missions de service public, en particulier par le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Vous soulevez cependant un vrai problème car les associations sont très affectées par la hausse des prix de l’énergie et par la crise du covid, qui a dissuadé certains bénévoles de reprendre leur activité. Je vous conseille de déposer à nouveau votre amendement en séance, afin que le Gouvernement précise si des mesures complémentaires sont prévues pour les associations.

L’amendement CF264 est retiré.

Amendement CF70 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Cet amendement est le premier d’une série visant à adapter l’ensemble des aides créées, qui ne prennent pas bien en compte la réalité variable des territoires, à la situation de la Corse. L’Assemblée de Corse les soutient, au regard du coût de la vie, de la précarité et du chômage, qui découlent du fait que la Corse est un marché captif. L’objet n’est pas de tirer la couverture à soi mais d’apporter une réponse efficace : l’égalité ne suppose pas l’uniformité de traitement.

Une différence de 10 centimes étant constatée sur le prix de l’essence en Corse par rapport à la moyenne nationale, l’amendement vise à accroître de 10 centimes la remise à la pompe.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends mal la logique de vos amendements : la mesure de votre groupe que notre commission a adoptée en faveur des collectivités territoriales ne prévoyait pourtant pas de différenciation...

La TVA sur les produits pétroliers, réduite à 13 % en Corse, permet déjà de prendre en compte les spécificités de ce beau territoire.

M. Michel Castellani. Hélas, non !

La commission rejette l’amendement CF70.

Amendement CF140 de Mme Marianne Maximi.

Mme Charlotte Leduc. Par cet amendement d’appel, nous proposons d’instaurer la gratuité des premières tranches d’énergie et d’eau. Le bouclier tarifaire du Gouvernement a été créé après une hausse importante des prix de l’énergie, qui accroît les difficultés quotidiennes des Françaises et des Français. Le prix du gaz a par exemple augmenté de 57 % de janvier à octobre 2021, avec des hausses spectaculaires depuis l’été 2021 – + 10 % en juillet, + 5 % en août, + 8,7 % en septembre et + 12,6 % en octobre. Le gel des prix du gaz, à partir du 1er novembre 2021, entérine les hausses successives des mois précédents et sera reporté sur la facture des consommateurs après la fin du gel.

Dans le même temps, les usages superflus coûtent le même prix que les usages du quotidien. L’eau servant à remplir une piscine est facturée comme celle utilisée pour boire et se laver. Nous proposons de garantir la gratuité de l’énergie et de l’eau pour les usages minimaux du quotidien, et de faire payer plus cher les gros consommateurs. Chacun pourra ainsi satisfaire ses besoins élémentaires sans craindre la flambée des prix.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF140.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF15 de M. Michel Castellani.

Amendement CF158 de M. Gabriel Amard.

Mme Marianne Maximi. Il vise à instaurer la gratuité de 40 litres d’eau par jour et par personne, afin de rendre ce bien commun accessible à toutes et tous, et de faire payer plus cher celles et ceux qui en abusent.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF158.

Amendement CF242 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Mickaël Bouloux. L’amendement crée une garantie universelle d’autonomie, pour que personne ne soit privé de sa dignité pour vivre. La garantie complètera le revenu mensuel de chaque foyer, pour atteindre le seuil de pauvreté.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce nouveau programme n’a pas de rapport avec la mission Économie. Je vous propose de retirer l’amendement et d’avoir ce débat sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Sur le fond, je ne partage pas la nécessité d’une garantie universelle d’autonomie : le Gouvernement a instauré des mesures pour lutter contre la pauvreté, telles que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, l’aide exceptionnelle de solidarité, ou l’indemnité inflation, et soutient pleinement le pouvoir d’achat des Français avec le présent projet de loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF242.

Amendement CF241 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il traduit la proposition de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) qu’aucune pension de retraite pour une carrière complète ne soit inférieure au SMIC.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce sujet important mérite une discussion dans le cadre d’un projet de loi sur les retraites. Nous partageons cet objectif, qui figure dans le programme présidentiel.

La commission rejette l’amendement CF241.

Amendement CF240 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun. Cet amendement d’appel vise à revaloriser le point d’indice de la fonction publique de 10 %. La revalorisation de 3,5 % au 1er juillet est bienvenue mais ne peut suffire. Pour le fonctionnaire médian, elle ne représente qu’une augmentation d’une soixantaine d’euros par mois. Selon le magazine 60 millions de consommateurs, le pic d’inflation augmentera les frais et factures d’environ 90 euros par foyer.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement n’a pas sa place dans la mission Économie, qui concourt à la politique publique de soutien aux entreprises. Il pourrait être inscrit dans la mission Crédits non répartis, qui contient déjà les crédits alloués à la hausse de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique.

La commission rejette l’amendement CF240.

Amendement CF159 de M. Gabriel Amard.

Mme Charlotte Leduc. Il vise à proposer la gratuité de la cantine scolaire. Le nombre d’élèves inscrits est en augmentation, avec d’immenses disparités. Le coût de la restauration scolaire, qui s’élève en moyenne à 400 euros annuels par enfant dans le premier degré, représente un obstacle majeur pour de nombreuses familles.

Dans son rapport Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants, le Défenseur des droits estime que 40 % des enfants des familles défavorisées ne mangent pas à la cantine, contre 17 % des élèves issus des catégories socio-professionnelles supérieures. La mesure soulagerait les budgets des familles, dans cette période de forte inflation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement d’appel : la question devra être posée au Gouvernement. La cantine scolaire est un service public facultatif proposé par les collectivités territoriales : il leur revient d’en fixer la tarification.

Nous avons cependant pris certaines mesures en faveur de la tarification sociale dans les cantines scolaires. Les collectivités modulent en règle générale le tarif de la cantine en fonction du quotient familial. Depuis le 1er janvier 2019, l’État soutient l’instauration de la tarification sociale dans les cantines scolaires pour permettre aux enfants des familles les plus modestes de manger à la cantine pour 1 euro maximum. Les familles peuvent aussi demander à bénéficier d’aides ou de subventions au titre de la restauration scolaire. Il existe un fonds social pour les cantines des collèges et des lycées. Enfin, la bourse des collèges, dont le montant est calculé en fonction des ressources de la famille, peut prendre en charge une partie des frais de demi-pension.

Je vous propose d’en discuter avec le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement CF159.

Amendement CF256 de M. Christian Baptiste et CF141 de M. Michel Sala (discussion commune).

M. Mickaël Bouloux. L’amendement, tiré de l’article 4 de la proposition de loi rédigée par la NUPES, vise à aligner les conditions d’octroi des droits sociaux tels que les allocations familiales en outre-mer sur les conditions en vigueur dans l’Hexagone. Les conditions en outre-mer sont injustement plus strictes, pour des niveaux d’allocations inférieurs. La mesure devra être rendue permanente par l’harmonisation et la réévaluation des différentes dispositions législatives qui régissent ces prestations.

M. Michel Sala. Nous proposons d’aligner les conditions d’octroi des droits sociaux outre-mer avec celles de l’Hexagone. Les outre-mer sont touchés depuis de nombreuses années par la vie chère. L’inflation actuelle ne fait qu’aggraver une situation déjà insoutenable. Les prix ont par exemple encore augmenté de 3,8 % en un an à La Réunion. Pourtant, les habitants ultramarins continuent de subir des conditions plus strictes en matière d’accès aux prestations sociales, notamment en ce qui concerne la prime de Noël ou les allocations familiales. Ainsi, l’absence d’une allocation pour les familles nombreuses à revenus modestes dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) aggrave la pauvreté des familles ultramarines, comme le souligne le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). Cette différence de traitement n’est pas justifiée. Nous demandons donc l’alignement vers le haut des droits sociaux des outre-mer.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La question est légitime mais ces prestations ne relèvent pas du budget de l’État, mais de celui des organismes de sécurité sociale.

La commission rejette successivement les amendements CF256 et CF141.

Amendement CF93 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il s’agit de revaloriser les bourses à destination des étudiants les plus précaires. La revalorisation de 4 % est évidemment une bonne nouvelle, mais l’inflation étant supérieure, l’amendement propose 5,5 %, soit le niveau réel de l’inflation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre demande est légitime mais le Gouvernement a déjà annoncé une revalorisation des bourses étudiantes. En outre, les étudiants boursiers vont bénéficier d’autres mesures en faveur du pouvoir d’achat : ils font partie des bénéficiaires de l’allocation exceptionnelle de rentrée, d’un montant de 100 euros ; ils continueront à être exonérés du paiement des droits d’inscription à l’université ; les loyers des logements destinés aux étudiants boursiers et gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) sont gelés ; ceux qui ne bénéficient pas d’un logement géré par les CROUS pourront bénéficier de la revalorisation à hauteur de 3,5 % des aides personnelles au logement (APL) ; enfin, les étudiants boursiers, ainsi que les étudiants non boursiers en situation de grande précarité, continueront à bénéficier des repas à 1 euro.

La commission rejette l’amendement CF93.

Amendement CF145 de M. Michel Sala.

Mme Marianne Maximi. Cet amendement d’appel vise à relever au niveau du SMIC le montant de la pension minimale pour une carrière complète. La pension moyenne a diminué de 0,7 % en euros constants depuis 2015, en raison de revalorisations inférieures à l’inflation. En conséquence, 18 % des retraités ayant eu une carrière complète touchent moins de 1 000 euros bruts mensuels. Nous demandons la réparation de cette injustice afin d’augmenter le pouvoir d’achat de ces millions de retraités.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF145.

Amendement CF238 de M. Laurent Marcangeli.

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’un amendement de crédit qui vise à alerter le Gouvernement sur l’augmentation des coûts des énergies et des fluides pour les collectivités territoriales. Elles subissent, autant que l’État, l’augmentation de ces coûts, ainsi que celle de leurs marchés publics d’investissement et de travaux.

Si les collectivités territoriales commencent à ralentir le rythme de leurs investissements, cela aura des répercussions sur l’économie, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il faudrait réfléchir à un dispositif d’accompagnement ou d’amortissement de ces coûts additionnels.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis favorable à une mesure ciblée pour aider les collectivités territoriales les plus touchées. Mais je rappelle que les petites communes sont éligibles aux tarifs réglementés de l’électricité – et ne sont donc pas touchées par la hausse des coûts. Or elles représentent la majorité des communes. Je vous propose d’y réfléchir ensemble. Une telle mesure se substituerait alors aux amendements que nous avons déjà adoptés.

L’amendement CF238 est retiré.

Amendement CF16 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il s’agit d’adapter la nouvelle indemnité exceptionnelle de rentrée aux spécificités de la Corse, et d’augmenter son montant. Je précise que le coût de la mesure est trois fois inférieur à celui indiqué dans l’exposé sommaire de l’amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement CF16.

Amendement CF248 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun. Nous proposons d’acter le principe d’indexation sur l’inflation des aides personnelles au logement lorsque celle-ci dépasse l’évolution de l’indice de référence des loyers, afin que leur montant ne décroche plus, comme ce fut le cas lors du quinquennat précédent.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous en avons déjà discuté. Défavorable.

La commission rejette l’amendement CF248.

Amendement CF170 de Mme Marianne Maximi.

Mme Charlotte Leduc. Cet amendement d’appel vise à créer un nouveau programme Un milliard d’euros contre les violences faites aux femmes. Ces violences coûtent entre 3,4 et 3,6 milliards d’euros par an à la société. Les associations et services publics dédiés, ainsi que les différents rapports, évaluent à un milliard d’euros le budget nécessaire pour lutter efficacement contre ce fléau, première cause nationale du précédent quinquennat.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage évidemment votre souhait de combattre plus efficacement les violences faites aux femmes. Comme vous le soulignez, il s’agit d’un véritable fléau et l’actualité nous le rappelle trop souvent.

Mais, vous le savez, nous avons doublé les crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes en moins de cinq ans. L’augmentation de ces crédits a notamment permis d’étendre la plage horaire du 3919 – vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept –, conformément aux engagements du Grenelle des violences conjugales, d’ouvrir trente centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales et d’augmenter la subvention allouée à de nombreuses associations.

À l’échelle de l’ensemble des ministères, 1,9 milliard d’euros sont alloués à cette politique en autorisations d’engagement en 2022. Nous pourrons en rediscuter en séance car il importe de disposer de garanties pour cette cause importante.

La commission rejette l’amendement CF170.

Amendement CF146 de Mme Marianne Maximi.

Mme Alma Dufour. Cet amendement vise à instaurer une garantie d’autonomie pour permettre à chacun de vivre dignement. Avec l’inflation actuelle, il n’est pas possible de survivre avec un RSA à 500 euros ! Monsieur le rapporteur général, nous ne nous satisfaisons pas de votre réponse. En France, plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Le sujet devrait être absolument prioritaire et nous devrions parler de cela constamment, dans l’hémicycle et en commission. Nous demandons donc au Gouvernement de se pencher sérieusement sur le sujet.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le Gouvernement s’y penche sérieusement, madame Dufour. Nous nous sommes pleinement engagés dans la lutte contre la pauvreté au cours des dernières années. Les crédits alloués à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont ainsi progressé en 2022, pour atteindre 8,7 milliards d’euros. Il faut en particulier saluer les avancées en matière de lutte contre le non-recours au RSA, que nous continuerons à soutenir dans le cadre de notre mandat actuel.

La commission rejette l’amendement CF146.

Amendement CF148 de M. Michel Sala.

M. David Guiraud. L’heure est grave pour les jeunes de notre pays. Monsieur le rapporteur général, j’espère que vous n’allez pas me dire que vous avez tout fait pour eux parce qu’en 2021, le réseau des banques alimentaires indique que la part des 15-24 ans dans les bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté de 13 % par rapport à 2020. Dès 2016, un étudiant malade sur trois renonçait à se soigner. En outre, en 2021, le coût de la vie a augmenté de 2,5 % pour les étudiants.

L’arrêt des études est souvent lié à la précarité. Il y a donc urgence à ce que les jeunes puissent étudier dans des conditions dignes, à ce qu’ils puissent étudier, tout simplement. C’est pourquoi nous proposons une garantie d’autonomie pour les jeunes. J’espère que cela éveillera l’attention de tous les collègues, quelles que soient nos différences d’interprétation de la situation. Dans la sixième puissance économique mondiale, il n’est pas normal que des jeunes fassent la queue pour accéder à l’aide alimentaire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le sujet est extrêmement important. Le chômage des jeunes est à un niveau historiquement bas, jamais atteint depuis quarante ans, ce qui met en lumière l’attention que nous accordons aux jeunes.

Une aide financière jusqu’à 500 euros par mois a également été accordée aux jeunes diplômés boursiers sans ressources de moins de 30 ans. Certaines aides visent également à apporter un soutien financier à ces jeunes : aide forfaitaire de 200 euros versée aux étudiants ayant perdu leur emploi ; aide de 150 euros versée automatiquement aux étudiants boursiers.

Les jeunes n’ont pas été oubliés dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat : les étudiants boursiers toucheront automatiquement l’aide exceptionnelle de rentrée ; les bourses sur critères sociaux seront relevées de 4 % dès la rentrée 2022 ; les repas à 1 euro seront maintenus ; les APL sont revalorisées de 4 %.

Nous sommes donc pleinement investis sans la lutte contre la précarité des jeunes.

La commission rejette l’amendement CF148.

Amendement CF251 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Je vais retirer l’amendement. Je vous ai abandonnés pour aller en commission des affaires sociales car nous avions déposé un amendement au projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat pour déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Tous les groupes ont retiré leur amendement sur ce thème à la demande de la rapporteure pour converger vers un dispositif commun. Un nouvel amendement sera déposé pour la séance publique, vendredi, l’objectif étant surtout de ne faire aucun perdant.

L’amendement CF251 est retiré.

Amendements CF150 de Mme Marianne Maximi et CF243 de Mme Christine Pires Beaune (discussion commune).

Mme Marianne Maximi. Il s’agit de revaloriser l’allocation de rentrée scolaire (ARS), dont le montant stagne, afin d’aider les familles les plus précaires, notamment les familles monoparentales. On parle d’école gratuite mais c’est loin d’être le cas, d’autant que le prix des fournitures va augmenter de 10 à 40 % en raison notamment de la hausse du coût du papier.

M. Mickaël Bouloux. Notre amendement est similaire. C’est une proposition commune de l’intergroupe.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’ARS est financée par la branche famille de la sécurité sociale. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances n’est donc pas le bon vecteur. Il faudrait déposer votre amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

La commission rejette successivement les amendements CF150 et CF243.

Amendement CF165 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun. J’ai déposé une série d’amendements concernant les familles monoparentales. Un quart des parents élèvent seuls leurs enfants. Il s’agit à 84 % de mères et 41 % de ces enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Nous proposons donc d’augmenter la prime d’activité dont bénéficient les personnes qui élèvent seules leurs enfants, à hauteur de 50 euros par mois.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La prime d’activité est déjà majorée pour les parents isolés. En outre, nous avons nettement revalorisé cette prime au cours des dernières années. Défavorable.

La commission rejette l’amendement CF165.

Amendement CF260 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Nous le répétons, les dispositions du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ne concernent pas suffisamment les travailleurs des classes moyennes, voire inférieures. Certes, la prime d’activité a été revalorisée mais nous estimons que, compte tenu de la dynamique du marché du travail, il faudrait davantage encourager les personnes à travailler. L’amendement vise donc uniquement les allocataires de la prime qui ne touchent pas les minima sociaux – déjà revalorisés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose d’en discuter avec le Gouvernement.

Mme Perrine Goulet. Il ne faut pas attendre la discussion avec le Gouvernement, monsieur le rapporteur général ! Je me permets d’insister. Que pensez-vous du dispositif de notre amendement ? Est-il opérationnel selon vous ? Il nous semble que oui puisque nous avons retiré les 11 % de personnes qui touchent les minima sociaux.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est un amendement de crédit, chère collègue, il n’y a donc aucun mécanisme à évaluer. Je ne peux pas en juger, mais suis prêt à travailler avec vous en vue de la séance publique.

L’amendement CF260 est retiré.

Amendement CF261 de Mme Marina Ferrari.

Mme Marina Ferrari. C’est également un amendement de crédit, qui concerne les revalorisations prévues dans le cadre du Ségur de la santé, afin d’inclure dans son champ tous les personnels de l’aide à domicile.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. À ma connaissance, ils sont intégrés dans le dispositif, mais nous pouvons en discuter avec le Gouvernement.

Mme Marina Ferrari. En réalité, les personnels évoluant dans le secteur associatif, notamment ceux du réseau d’aide à domicile en milieu rural (ADMR), n’ont pas été intégrés.

Mme Émilie Bonnivard. Je confirme. C’est un énorme problème sur le terrain, une partie des personnels partant vers d’autres missions du fait de cette absence de revalorisation. Ainsi, dans certains établissements, le salaire de certains personnels est revalorisé, quand celui des autres ne l’est pas, alors qu’ils effectuent tous le même type de mission. Cela mérite vraiment une attention toute particulière du fait des tensions que cela génère dans les établissements médico-sociaux. Il y a urgence.

M. le président Éric Coquerel. J’ai soutenu leur mobilisation. Je le confirme.

La commission adopte l’amendement CF261 (amendement 175).

Amendement CF139 de M. Michel Sala.

Mme Charlotte Leduc. Il s’agit d’un amendement d’appel sur la déconjugalisation de l’AAH. Après l’intervention de Mme Pires Beaune, nous allons le retirer.

On assiste à un revirement du Gouvernement. C’est un sujet essentiel, notamment pour les femmes victimes de handicap, qui sont souvent très dépendantes du revenu de leur conjoint. Une telle dépendance financière peut être à l’origine de maltraitances, voire de violences. Il est impératif que nous avancions.

L’amendement CF139 est retiré.

M. le président Éric Coquerel. Il est dommage qu’on ait perdu du temps. L’amendement portant sur la déconjugalisation avait déjà été proposé il y a quelques mois…

Amendement CF135 de M. Michel Sala.

M. Florian Chauche. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à étendre les possibilités de blocage des prix par l’État à ceux de l’énergie, du carburant et des produits de première nécessité.

Les grandes entreprises productrices de gaz et de pétrole réalisent des profits indécents sur le dos des consommateurs. Leurs marges permettent donc largement d’assumer le blocage temporaire des prix de l’énergie. Le Gouvernement a déjà utilisé un tel dispositif pendant la crise du covid pour bloquer les prix des masques et du gel hydroalcoolique.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF135.

Amendement CF138 de Mme Marianne Maximi.

M. Florian Chauche. L’amendement vise à revaloriser le point d’indice des fonctionnaires de 10 %, ce qui posera les bases d’une reconstruction de long terme de nos services publics.

La revalorisation de 3,5 % proposée par le Gouvernement ne suffit même pas à couvrir l’inflation, attendue à 5,5 % cette année. Elle est dérisoire après des années de gel : le point d’indice n’a augmenté que de 1,2 % sur les dix dernières années, contre 14 % pour les prix.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement CF138.

Amendement CF144 de Mme Marianne Maximi.

M. Sébastien Rome. Il s’agit à nouveau d’un amendement d’appel. Pour presque tous nos concitoyens, dont ceux qui travaillent, la situation actuelle est extrêmement difficile et la pente glissante. Ceux qui brandissent la valeur travail depuis des années en font bien peu de cas en réalité. Le Gouvernement ne fait pas exception car sa politique de primes, nécessairement ponctuelles, dégrade la valorisation du travail. Quand les prix montent, donner un chèque exceptionnel, c’est faire baisser les salaires ; c’est donner à nos concitoyens l’impression que le travail ne paie pas. Tout travail mérite un salaire, et non une prime.

En Espagne, au Royaume-Uni, les salaires ont augmenté de 30 % sans déséquilibrer l’économie du pays et en permettant la création d’emplois. La France est donc en retard.

Nous proposons de relever le SMIC à 1 500 euros, en créant un nouveau programme Hausse du SMIC à 1 500 euros nets. Cela bénéficiera mécaniquement à l’ensemble des salariés et stimulera l’économie du pays.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le SMIC est revalorisé automatiquement quand l’inflation est supérieure à 2 %. C’est pourquoi deux revalorisations sont intervenues récemment : de 2,2 % le 1er octobre 2021 et de 2,65 % le 1er mai 2022. Une prochaine revalorisation est prévue.

En outre, Il n’appartient pas à la mission Travail et emploi du budget général de l’État de financer une hausse généralisée du SMIC.

La commission rejette l’amendement CF144.

Amendement CF133 de M. Michel Sala.

M. Michel Sala. Nous proposons l’ouverture de négociations de branches pour augmenter les salaires et les protéger de l’inflation, revaloriser l’ensemble des grilles salariales, instaurer une échelle des salaires de un à vingt dans les entreprises et réaliser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Les prix s’envolent, mais les salaires ne suivent pas. Le Gouvernement fait tout pour empêcher que les salaires augmentent. Il se bat même en coulisses contre les revendications salariales des travailleurs, comme le patron du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) lui-même l’explique : « l’État a un double discours en la matière. Officiellement il faut augmenter les salaires, mais en coulisse on nous dit de faire attention à ne pas nourrir l’inflation avec trop de hausses de salaires ».

Nous estimons au contraire que, face à la flambée de l’inflation, une augmentation durable des salaires est nécessaire. Les Français ne veulent pas de primes, de chèques ou d’indemnités, mais simplement pouvoir vivre correctement de leur travail. Or, c’est de plus en difficile pour les travailleurs touchant le SMIC, bien sûr, mais également pour une grande partie des classes moyennes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons renforcé les obligations de négociation au sein des branches, avec la possibilité, le cas échéant, de les fusionner. Il faut en particulier que ces dernières rapprochent leurs minima du SMIC.

La commission rejette l’amendement CF133.

Elle adopte l’article 6 et l’état B modifiés.


Article 7 et état C
Budgets annexes : ouvertures de crédits

Le présent article procède à des ouvertures de crédits sur un budget annexe, selon les modalités présentées à l’état C annexé au projet de loi de finances rectificative.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens bénéficierait ainsi d’une ouverture de 20,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Cette somme se répartit entre 17,9 millions d’euros de crédits de titre 2 afin de financer la revalorisation de 3,5 % du point d’indice pour les personnels de la direction générale de l’aviation civile et 2,9 millions d’AE et de CP au titre d’une contribution au financement de la rénovation des locaux de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Évolution des crÉdits du budget annexe
ContrÔle et exploitation aÉriens

(en millions d’euros)

LFI 2022

LFR 2022

Total

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2 381

2 373

2 381

0

+ 21

+ 21

2 381

2 394

2 402

Source : loi de finances initiale pour 2022 et présent PLFR.

*

*     *

La commission adopte l’article 7 et l’état C non modifiés.


Article 8 et état D
Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

Le présent article procède à l’ouverture et à l’annulation de crédits sur les comptes spéciaux, selon la répartition présentée à l’état D annexé au présent PLFR.

I.   Les mouvements de crÉdits sur les comptes d’affectation spÉciale

Le projet de loi de finances pour 2022 a fixé le niveau de crédits des comptes d’affectation spéciale (CAS) à 73,1 milliards d’AE et 73,2 milliards de CP.

Le présent projet de loi de finances rectificative propose les mouvements suivants :

– l’ouverture de 12 732 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le CAS Participations financières de l’État ;

– l’ouverture de 1 278 millions d’euros en AE et CP sur le CAS Pensions.

ouvertures et annulations de crÉdits des CAS

(en millions d’euros)

Compte d’affectation spéciale

LFI 2022

PLFR 2022

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

CAS Participations financières de l’État

9 592

9 592

12 732

12 732

22 324

22 324

CAS Pensions

61 104

61 104

1 278

1 278

62 382

62 382

Total

70 696

70 696

14 010

14 010

84 706

84 706

Source : loi de finances initiale pour 2022 et présent PLFR.

Les ouvertures proposées par le présent PLFR entraînent une très forte augmentation des crédits du CAS Participations financières de l’État (+ 133 % par rapport à la LFI), afin de financer des opérations de prises de participation sur des entreprises stratégiques françaises. Traditionnellement, la liste de ces opérations n’est pas communiquée ex ante afin d’éviter d’influencer les cours de marché. Il est néanmoins prévu que ces crédits contribuent au financement du rachat de la fraction des actions d’EDF que l’État ne détient pas. Dans un communiqué de presse du 19 juillet 2022 ([99]), le Gouvernement a annoncé que cette opération coûterait 9,7 milliards d’euros. Ces crédits transiteront sur le CAS depuis la mission Économie.

Sur le CAS Pensions, les crédits ouverts (1,3 milliard d’euros) doivent permettre de financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d’invalidité au bénéfice des anciens fonctionnaires de l’État.

II.   Les mouvements de crÉdits sur les comptes de concours financiers

Le présent article prévoit également des ouvertures et des annulations de crédits sur plusieurs comptes de concours financiers, pour un montant net d’ouvertures de 341 millions d’euros.

ouvertures et annulations
de crÉdits des comptes de concours financiers

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

PLFR 2022

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Avances aux collectivités territoriales

114 871

114 871

1 568

1 568

116 439

116 439

Prêts à des États étrangers

1 724

725

315

315

2 039

1 040

Avances à l’audiovisuel public

3 701

3 701

– 1 542

– 1 542

2 159

2 159

Solde

120 297

119 298

341

341

120 637

119 639

Source : loi de finances initiale pour 2022 et présent PLFR.

Le comte Avances aux collectivités territoriales verrait ses crédits augmenter de 1,6 milliard d’euros en AE et CP, en raison du dynamisme des impositions revenant aux régions, départements et communes, que l’État collecte pour le compte de ces dernières et leur reverse via le compte.

Le présent PLFR ouvre également 315 millions d’euros en AE et en CP sur le compte Prêts à des État étrangers afin de financer des prêts à la Moldavie et à l’Ukraine.

Enfin, l’article annule 1,5 milliard d’euros d’AE et de CP sur le compte de concours financiers (CCF) Avances à l’audiovisuel public, traduction de la réforme du financement de l’audiovisuel public prévue par le présent PLFR. En parallèle, la nouvelle mission Audiovisuel public connaîtrait une ouverture de crédits d’un montant équivalent – ajusté de la neutralisation des effets liés à la suppression de la TVA –, permettant de financer les sociétés de l’audiovisuel public selon cette modalité nouvelle à compter du mois d’août 2022. L’ensemble des recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP) prévues pour le compte étant annulées par le présent PLFR (3,6 milliards d’euros), un déficit de 2,1 milliards d’euros est à prévoir sur l’exécution 2022.

*

*     *

Amendement CF84 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’économies, de 12,7 milliards d’euros. Qui dit mieux ? Nous proposons cette économie sur le programme Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État. Le Gouvernement a annoncé la renationalisation d’EDF mais c’est un terme totalement inapproprié puisqu’EDF est déjà propriété de l’État à hauteur de 85 %. Les 15 % restants représentent 6,2 milliards d’euros au prix actuel du marché – 9 euros l’action.

Nous souhaitons que le Gouvernement nous fournisse des explications sur ce rachat et le montant de 12 milliards, alors que le rachat n’en représente qu’un peu plus de 6. En outre, il serait préférable d’augmenter le capital d’EDF de 6,2 milliards – il s’agirait alors de fonds propres. À l’inverse, le rachat des actions à leur valeur actuelle ne rapportera pas un sou à EDF. Je vous rappelle que, lors de son introduction en Bourse, il y a plus de quinze ans, les actions valaient 32 euros. Les investisseurs ont donc perdu 70 %.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, je ne sais pas si vous avez une position sur ce dossier. Je crains que vous ne renvoyiez vers le Gouvernement…

M. Charles de Courson. Pourquoi le rapporteur général ne donnerait-il pas son avis ? C’est bien au Parlement de décider, ou non, de l’ouverture de ces crédits.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur de Courson, vous indiquez vous-même qu’il s’agit d’interpeller le Gouvernement. Je vous réponds que vous avez raison, il s’agit d’une question pour le Gouvernement.

Sur le fond, vous le savez, il est d’usage de ne pas divulguer en amont les opérations prévues afin de ne pas influencer les marchés. EDF est un élément absolument essentiel dans notre stratégie nucléaire. Détenir 100 % de son capital permettra de réagir, et d’agir, beaucoup plus rapidement sur les marchés, pour faire des choix stratégiques et des choix sur le prix de l’électricité.

M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général est donc favorable à la nationalisation. Le débat de fond aura lieu en séance.

La commission rejette l’amendement CF84.

Amendement CF74 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit ici de demander une revalorisation des pensions prenant en compte le niveau réel de l’inflation, c’est-à-dire, pour l’année 2022, une inflation en masse à 5,5 %, d’après l’INSEE. Le Gouvernement ayant proposé une revalorisation cumulée à 5,1 %, il manque 0,4 %. Cela représente 500 millions d’euros de dépenses supplémentaires.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat prévoit une revalorisation anticipée des pensions de retraite et d’invalidité. Vous n’avez aucune crainte à avoir, la revalorisation sera ajustée si l’inflation est supérieure, afin que les retraités ne soient pas lésés.

La commission rejette l’amendement CF74.

Amendement CF75 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement peu coûteux – 6 euros – vise à indexer les pensions de retraite sur l’inflation réelle en 2022 de manière rétroactive pour toute la période de janvier à décembre. Nous souhaitions que l’amendement soit recevable – d’où la modeste somme – afin que le Gouvernement puisse nous donner sa position.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous l’aurez !

La commission rejette l’amendement CF75.

Elle adopte l’article 8 et l’état D non modifiés.


TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES

I. – MESURES BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES

Article additionnel avant l’article 9
Rétablissement en seconde partie de l’article 2 reportant la suppression du tarif d’accise du gazole non routier

Amendement CF268 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet amendement vise à rétablir en seconde partie du texte l’article 2 du projet de loi initial, qui reporte d’un an la suppression du tarif favorable d’accise applicable aux consommations de gazole non routier (GNR), comme cela avait été expliqué au début de nos travaux.

M. Charles de Courson. Le dispositif est-il intégralement repris ?

Mme Véronique Louwagie, présidente. Il est parfaitement identique.

La commission adopte l’amendement CF268 (amendement 176).


Avant l’article 9

Amendement CF26 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement des députés du groupe Les Républicains propose de revenir sur la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) effectuée en 2018, que continuent de subir 60 % des retraités.

Il s’agit d’une mesure d’équité que nous leur devons, mais il s’agit aussi d’un impératif de pouvoir d’achat – d’autant plus que, pour ces personnes, la hausse de la CSG se conjugue désormais avec une inflation record, qui dégrade encore un peu plus leur niveau de vie.

Nous avons été nombreux à les entendre s’étonner d’être taxés sur des sommes qui n’arrivent jamais sur leur compte.

Il faut agir, en adoptant cette mesure qui combine l’équité avec l’amélioration du pouvoir d’achat.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Afin d’améliorer les revenus des actifs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a baissé certaines de leurs cotisations et compensé le manque à gagner pour la sécurité sociale par une hausse de la CSG sur toutes les catégories de revenus. Il s’agit d’un jeu à somme nulle.

Nous avons ensuite institué un taux médian de CSG de 6,6 % pour les retraités dont le revenu fiscal de référence correspondait à une pension nette de moins de 2 000 euros.

Étendre ce taux réduit à l’ensemble des pensions coûterait 3 milliards d’euros et donnerait davantage de pouvoir d’achat aux plus favorisés. Cela ne semble pas prioritaire au vu de l’écart de revenus entre les actifs et les retraités. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF26.

Amendement CF66 de M. Philippe Juvin.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Cet amendement propose d’exonérer de la CSG les contribuables dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 26 070 euros par an, c’est-à-dire les plus vulnérables, pour un coût annuel de 15 milliards d’euros. Ce montant doit être apprécié à l’aune des très importantes recettes fiscales supplémentaires engendrées par l’inflation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’argument principal contre cette mesure est son coût. M. Juvin l’a estimé à 15 milliards d’euros. Selon le Gouvernement, cette exonération coûterait 12 milliards d’euros au titre des retraités et 70 milliards d’euros si l’on considère l’ensemble des ménages. C’est absolument disproportionné et cela ne correspond pas à notre volonté de maîtriser la trajectoire des finances publiques.

La commission rejette l’amendement CF66.

Amendement CF116 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. L’intéressement et la participation sont des mécanismes de partage de la valeur essentiels tant pour les salariés que pour les entreprises. Ils permettent de répartir la richesse créée par l’entreprise, lorsque certains objectifs sont atteints pour l’intéressement, ou en fonction du résultat d’une formule de calcul pour la participation. Les entreprises peuvent également contribuer volontairement aux plans d’épargne salariale. Ces dispositifs sont encouragés par des régimes fiscaux et sociaux spécifiques. Ils sont favorables au pouvoir d’achat des salariés.

L’évolution des taux de forfait social dispositif par dispositif a néanmoins abouti à une situation de multiplication des taux. Une harmonisation et une simplification sont nécessaires.

Pour encourager la mise en place de ces dispositifs au bénéfice des salariés, l’amendement vise à harmoniser les régimes en les exonérant de forfait social.

Cette mesure permettra en outre d’exonérer de forfait social la prime de partage de la valeur créée par l’article 3 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat qui est en cours d’examen. À la différence de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à laquelle elle succède, cette prime est en effet soumise au même forfait social que l’intéressement, ce qui constitue un problème.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si on adopte tous vos amendements, on va finir par avoir un problème de financement de la sécurité sociale !

Nous avons déjà fait beaucoup pour l’épargne salariale. L’assiette des rémunérations exonérées au titre de l’épargne salariale représente 23 milliards d’euros. Elle a été élargie par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).

Il est loin d’être démontré que la suppression du forfait social conduirait les entreprises qui l’acquittent à augmenter l’enveloppe versée au titre de l’intéressement et de la participation. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. L’amendement met en lumière un véritable problème, dont on parle depuis plusieurs années. La création du forfait social a été une folie. L’ampleur de ce forfait s’est accrue au fil des années. Nous avons tenté de le limiter s’agissant des PME.

L’idéal consisterait à supprimer le forfait social, qui pénalise en outre le dialogue entre les partenaires sociaux.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Dans certaines situations, le taux du forfait social atteint 20 %, ce qui peut conduire à un montant supérieur au taux des cotisations patronales qui s’appliquent sur des salaires relativement faibles. Cela n’incite pas les entreprises à développer l’intéressement.

M. Jean-Paul Mattei. Ces amendements sont intéressants mais il serait préférable qu’ils s’inscrivent dans une réflexion globale sur l’intéressement et la participation – que nous attendons depuis un moment. Il faut appréhender l’ensemble des outils d’intéressement et de participation des salariés, en se donnant le temps de travailler cette question au fond.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je partage ce point de vue.

M. Philippe Brun. Moi aussi. Ces amendements sont intéressants, mais il est nécessaire d’avoir une vision plus globale de la fiscalité de l’intéressement et de la participation.

La commission rejette l’amendement CF116.

Amendement CF117 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un amendement de repli, qui limite aux entreprises de moins de 250 salariés l’harmonisation des régimes d’intéressement et de participation grâce à la suppression du forfait social.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La loi PACTE a déjà exonéré les entreprises de moins de 250 salariés de tout forfait social sur les dispositifs facultatifs, c’est-à-dire l’intéressement, et les entreprises de moins de 50 salariés sont aussi exonérées pour la participation.

Je ne vois pas quel pourrait être l’effet de l’amendement, sinon très marginal. L’incitation existe déjà pour les PME.

La commission rejette l’amendement CF117.

Amendement CF119 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. La loi de finances pour 2021 a temporairement exonéré de forfait social – pour les années 2021 et 2022 – les abondements de l’employeur aux plans d’épargne entreprise qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.

Cette exonération permet d’inciter les salariés à orienter leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises, d’accroître l’actionnariat salarié – qui est un facteur de motivation et de fidélisation – et ainsi de favoriser le partage de la valeur dans l’entreprise.

L’amendement propose de pérenniser l’exonération temporaire de forfait social prévue par la loi de finances pour 2021.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre proposition est intéressante. Elle prolonge une mesure votée par notre majorité il y a deux ans, poursuivant le soutien à l’actionnariat salarié prévu par la loi PACTE de 2019.

On constate depuis lors une augmentation rapide du nombre d’entreprises disposant d’un plan d’épargne salariale – 380 000 entreprises en 2020, soit une hausse de 11 % en deux ans.

Il est trop tôt pour dresser le bilan de ce dispositif. Je rejoins nos collègues Mattei et Brun : une réflexion globale est nécessaire. Le sujet relève plutôt du prochain projet de loi de finances.

Demande de retrait.

M. Charles de Courson. Si nous souhaitons prolonger ce dispositif, il vaut mieux le faire dès maintenant, afin que les entreprises puissent se préparer. Si nous votons la mesure dans le projet de loi de finances, elle ne sera publiée au Journal officiel qu’à la fin du mois de décembre pour une entrée en vigueur au début de 2023, ce qui laisse peu de temps aux partenaires sociaux.

Mme Véronique Louwagie, présidente. La promotion des mécanismes d’intéressement et de participation des salariés pose réellement problème, notamment dans les PME. Cela doit faire l’objet d’une véritable réflexion. La terminologie même retenue pour la « prime de partage de valeur » révèle une volonté, mais qui peine à aboutir malgré l’adoption d’un certain nombre de mesures.

La commission rejette l’amendement CF119.

Amendement CF120 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement de repli propose de proroger de deux ans l’exonération temporaire de forfait social prévue par la loi de finances pour 2021, qui courrait donc jusqu’au 31 décembre 2024. Nous aurons le temps d’en rediscuter d’ici là.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Une fois encore, il faut au préalable faire le bilan du dispositif – même si je suis intuitivement favorable à sa prolongation au vu des résultats enregistrés. Les entreprises qui souhaitent augmenter l’intéressement et la participation peuvent déjà le faire et l’effet incitatif de l’amendement est limité. Nous avons le même objectif quant au partage de la valeur entre les actionnaires et les salariés.

La commission rejette l’amendement CF120.

Amendement CF49 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Selon les dispositions de l’article 195 du code général des impôts, les titulaires de la carte du combattant ou d’une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité âgés de plus de 74 ans bénéficient d’une demi-part fiscale supplémentaire.

Cette demi-part est également octroyée aux veuves de ces personnes, si celles-ci ont plus de 74 ans et que leur conjoint a pu en bénéficier de leur vivant.

Cette disposition crée une différence de traitement entre les veuves de plus de 74 ans, en fonction de l’âge auquel leur époux est décédé.

Le présent amendement permet à toutes les veuves ayant atteint l’âge de 74 ans de bénéficier de cette demi-part supplémentaire, dès lors que leur mari a touché la retraite du combattant. Le coût de cette mesure est estimé par le Gouvernent à environ 30 millions d’euros par an.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Votre intention me semble avoir été entièrement satisfaite par un vote unanime de notre assemblée en séance publique voilà bientôt trois ans.

La loi de finances pour 2020 a permis à toutes les veuves ayant atteint l’âge de 74 ans de bénéficier de la demi-part supplémentaire, dès lors que leur mari a touché la retraite du combattant et quel que soit l’âge de décès du conjoint.

Tel est le droit applicable au titre des revenus perçus depuis le 1er janvier 2021. Les conjoints survivants ont pu demander à en bénéficier dès leur déclaration de revenus au printemps dernier. Demande de retrait.

M. Patrick Hetzel. Il reste un doute, mais je le retire pour l’instant.

L’amendement CF49 est retiré.

Amendement CF42 de M. Nicolas Thierry.

Mme Eva Sas. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à un amendement similaire déposé en première partie. Il propose d’établir à compter de 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous en avons parlé longuement lors de l’examen de la première partie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF42.

Amendement CF48 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. La cession-transmission des entreprises est un sujet sensible, particulièrement lorsqu’il s’agit d’entreprises familiales, et il y a urgence à revoir le système. Les plus grosses difficultés se posent pour les hôtels, notamment ceux situés dans les secteurs touristiques. Si l’on veut maintenir une hôtellerie indépendante et ne pas avoir seulement des grands groupes, il faut s’attaquer à cette question.

Les entreprises familiales sont souvent pénalisées par le coût de la transmission basée sur la valeur foncière de l’établissement, élevée du fait de l’utilisation d’une grande surface mais sans rapport réel avec la valeur ajoutée. En conséquence, lorsque les repreneurs souhaitent reprendre l’entreprise familiale, ils se heurtent à un coût qu’ils pourront difficilement supporter. La transmission ne peut avoir lieu et l’établissement risque même de fermer.

Il faut imaginer un mécanisme fiscal pour y remédier. Après la deuxième guerre mondiale, pour développer le secteur, la puissance publique avait par exemple développé le crédit hôtelier.

L’amendement propose qu’il soit permis de calculer la transmission-cession sur la valeur ajoutée de l’entreprise et non plus sur sa valeur foncière.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Asseoir la fiscalité de la transmission sur une autre valeur que foncière présente un risque en cas de changement d’activité du bien après sa cession, car la valeur de ce dernier pourrait alors augmenter très fortement.

Quoi qu’il en soit, l’article 34 de la Constitution ne permet pas de renvoyer à un décret le soin de définir les règles d’assiette, de taux et de modalités de recouvrement de l’impôt. Il faudrait donc réécrire l’amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Je ne comprends pas très bien le sens de l’amendement. Cette cession-transmission intervient-elle à titre onéreux ou bien à titre gratuit dans le cadre familial ? Le pacte Dutreil comprend des outils qui permettent des abattements sur le montant de la transmission.

La valeur d’un bien reste sa valeur vénale. Ces établissements ont un prix de marché.

L’amendement entend répondre à un problème réel, mais il suscite de nombreuses questions, par exemple au sujet de l’égalité entre héritiers ou de la réserve héréditaire. Il devrait s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale sur la transmission du patrimoine.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous avons en effet appelé de nos vœux une telle réflexion au cours de la législature précédente.

M. Patrick Hetzel. Je n’en disconviens pas, M. le président Mattei, il faut mener une réflexion globale sur ces questions. Je tiens simplement à souligner le fait que le secteur de l’hôtellerie familiale alerte sur les difficultés qu’il rencontre.

En ce qui concerne le changement d’activité, monsieur le rapporteur général, il existe en droit fiscal des mécanismes prévoyant la perte de l’avantage fiscal en cas de modification intervenue dans une période de cinq ou dix ans.

Cela dit, j’ai conscience de la difficulté juridique que pose le renvoi à un décret en Conseil d’État. Je retire donc l’amendement, tout en vous alertant sur la situation de l’hôtellerie familiale : celle-ci doit non seulement être pérennisée mais aussi continuer à se développer, faute de quoi, dans quelques années, il n’y aura plus que des grands groupes. Certes, le fait que des groupes comme Accor rayonnent au niveau international est une bonne chose, mais la coexistence de ces grands groupes avec une hôtellerie familiale me paraît souhaitable pour les territoires.

L’amendement CF48 est retiré.


Article 9
Prolongation de l’octroi de la garantie de l’État
au titre des prêts garantis par l’État,
en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020
de finances rectificative pour 2020
et modification relative aux conditions de cessions de PGE

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article étend du 30 juin au 31 décembre 2022 la période pendant laquelle la garantie de l’État peut être octroyée au titre des PGE. Après avoir été déployé comme outil de réponse à la crise sanitaire, il serait réorienté afin de soutenir les entreprises fortement pénalisées par les conséquences économiques du conflit en Ukraine en prenant la forme d’un « PGE résilience ».

Les PGE résilience ont été déployés par un arrêté du 7 avril 2022 sur la même base juridique que les PGE de crise sanitaire, à savoir l’article 6 de la première loi de finances rectificative pour 2020.

La distribution des PGE de crise sanitaire a pris fin, quant à elle, au 30 juin 2022.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Le cadre commun des prÊts garantis par l’État

1.   Les caractéristiques du PGE

Les prêts garantis par l’État (PGE) ont constitué un élément déterminant de la réponse de l’État face à la fermeture brutale de l’économie au début de la crise sanitaire à compter de mars 2020. Ils sont régis par l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et par l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de financement, ainsi qu’aux prêteurs mentionnés à l’article L. 548-1 du code monétaire et financier.

Distribués par les établissements de crédit, les sociétés de financement ou les intermédiaires en financement participatif, ces prêts doivent respecter un cahier des charges défini par arrêté du ministre chargé de l’économie pour bénéficier de la garantie de l’État. Le montant total de garantie atteint 300 milliards d’euros.

Les prêts doivent être assortis d’un différé d’amortissement de douze mois et d’une clause donnant à l’emprunteur la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle calculée en nombre d’année, selon son choix et dans la limite d’un nombre maximal qui ne peut excéder, en tout état de cause, une période de six ans à compter du premier décaissement du prêt.

Afin que le PGE ne vienne pas se substituer à des prêts déjà en cours, il est précisé que les concours totaux apportés par l’établissement prêteur ne doivent pas avoir diminué au moment de l’octroi de la garantie par rapport à une date de référence.

Le plafond de PGE qu’une entreprise peut recevoir est défini, pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, comme le montant de masse salariale en France estimée sur les deux premières années d’activité ou, si ce critère est plus favorable à l’entreprise, à 25 % de son chiffre d’affaires 2019 constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible précédent 2019. Pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, le plafond est défini comme 25 % du chiffre d’affaires 2019 constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible précédent 2019. Plusieurs exceptions sont prévues avec des plafonds spécifiques, notamment pour les entreprises innovantes.

La garantie de l’État est rémunérée et ne peut couvrir la totalité du prêt. Elle ne peut être assortie d’aucune garantie ou sûreté complémentaire demandée par le prêteur au souscripteur. La quotité de la garantie dépend de la taille de l’entreprise :

– 90 % pour les entreprises de moins de 5 000 salariés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros ;

– 80 % pour les autres entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 5 milliards d’euros ;

– 70 % pour les autres entreprises.

Deux régimes d’autorisation sont prévus selon la taille de l’entreprise :

– pour les entreprises de moins de 5 000 salariés et qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros, l’organisme prêteur notifie à Bpifrance les créances qui répondent au cahier des charges évoqué supra. Cette notification vaut octroi de la garantie ;

– pour les autres entreprises – les plus grandes –, la garantie est octroyée au cas par cas par arrêté du ministre chargé de l’économie.

2.   Les entreprises éligibles

L’éligibilité aux PGE a été conçue de façon large : l’ensemble des entreprises personnes morales ou physiques, dans la mesure où elles sont immatriculées en France, mais aussi les associations et fondations de l’économie sociale et solidaire, sont ainsi concernées.

Plusieurs exclusions sont néanmoins prévues :

– les établissements de crédit et sociétés de financement ;

– les sociétés civiles immobilières (SCI), sauf certaines exceptions ([100]) ;

– les entreprises qui font l’objet d’une procédure collective.

Au 31 décembre 2021, 143 milliards d’euros de prêts garantis par l’État avaient été distribués.

B.   Les PGE « rÉsilience »

Les PGE « résilience » constituent un outil nouveau, aux caractéristiques similaires aux PGE de crise sanitaire mais destinés aux entreprises confrontées aux conséquences du conflit en Ukraine. Ces prêts, régis par l’arrêté du 7 avril 2022 ([101]) modifiant l’arrêté du 23 mars 2020 mentionné supra, sont destinés aux entreprises « qui subissent un impact fort des perturbations économiques engendrées par les conséquences de l’agression russe en Ukraine ».

Bien que les règles générales du PGE « classique » s’appliquent, le montant de prêt suit un régime particulier. Ainsi, ils pourront atteindre 15 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen des trois années précédentes – ajoutant en cela une nouvelle dérogation au mode de calcul de droit commun du plafond de PGE (voir supra). Ils sont cumulables avec les PGE de crise sanitaire.

Le ministre chargé de l’économie restera chargé d’octroyer les prêts accordés à une entreprise de plus de 5 000 salariés ou dont le chiffre d’affaires excède 1,5 milliard d’euros.

L’arrêté du 7 avril 2022 précité indique que l’éligibilité aux PGE « résilience » repose sur un système d’autocertification de la part des entreprises qui subissent un « impact fort » induit par les perturbations économiques engendrées par les conséquences de l’agression russe en Ukraine. Il recule également le délai maximal pour l’appel de la garantie de trois à six mois.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article permet de prolonger du 30 juin 2022 au 31 décembre 2022 la période pendant laquelle la garantie de l’État peut être accordée au titre des PGE. L’article prolonge ainsi l’ensemble du dispositif et non uniquement le « PGE résilience ». L’exposé des motifs précise cependant que cette prolongation a uniquement vocation à être utilisée pour ces derniers, la distribution des PGE de crise sanitaire ayant pris fin au 30 juin 2022, conformément à la décision de la Commission européenne du 18 novembre 2021 ([102]).

Le présent article prévoit également d’étendre les missions du comité de suivi placé auprès de la Première ministre et chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19. Ainsi, ce comité serait également chargé de suivre et d’évaluer les mesures de soutien aux entreprises affectées par les perturbations économiques engendrées par les conséquences de l’agression de la Russie contre l’Ukraine.

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*     *

La commission adopte l’article 9 non modifié.


Après l’article 9

Amendement CF259 de M. Mohamed Laqhila et sous-amendement CF272 de Mme Perrine Goulet.

M. Mohamed Laqhila. L’article 81 du code général des impôts, au b du 19° ter, exonère d’impôt sur le revenu l’avantage qui résulte de la prise en charge facultative des frais de carburant ou des frais assimilés engagés par le salarié, dans la limite globale de 500 euros par an, dont 200 euros maximum pour les frais de carburant. Cette disposition permet, de plus, d’exonérer de CSG et de cotisations sociales cette prise en charge facultative, avec les mêmes plafonds.

Nous proposons de porter temporairement cette exonération à 1 000 euros pour encourager les employeurs à prendre en charge plus largement les frais de déplacement de leurs salariés. Le sous-amendement est moins généreux : il propose de limiter le dispositif à 400 euros maximum pour les frais de carburant.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous proposez d’augmenter fortement les plafonds de prise en charge et rendez éligibles au dispositif tous les salariés résidant à plus de 30 kilomètres de leur travail. Vous autorisez également le cumul avec le remboursement partiel de l’abonnement à un service de transports publics.

Le dispositif me paraît intéressant, mais son coût serait important. De plus, le projet de loi prévoit déjà des mécanismes d’aide, notamment pour les gros rouleurs. Je vous propose donc de présenter de nouveau cette mesure dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

M. Charles de Courson. L’amendement est intéressant, car le dispositif actuel est très faible : 200 euros annuels de frais de carburant, cela fait 10 litres de carburant par mois, soit 150 kilomètres… Bref, à raison de vingt jours de travail dans le mois, on couvre 3 kilomètres autour du domicile !

Comme le dispositif est à la charge des entreprises, il faut encourager celles-ci à l’utiliser. Quant à l’exonération fiscale, le seuil proposé par notre collègue reste modeste. L’entreprise peut continuer à prendre en charge les frais au-delà de cette limite, mais on considère alors qu’il s’agit d’un salaire, soumis à l’impôt sur le revenu, à la CSG et aux autres cotisations sociales.

M. Mathieu Lefèvre. Le dispositif est très intéressant, mais le fait de prévoir plusieurs mécanismes de soutien simultanés pour aider les travailleurs à payer leur carburant pose problème, d’une part pour des raisons de lisibilité, d’autre part car on risque de ne plus pouvoir les supprimer une fois passé le pic inflationniste.

Je vous invite donc à retravailler cet amendement, sous le contrôle du rapporteur général, en vue de la séance. On pourrait envisager une entrée en vigueur décalée, une fois que l’indemnité carburant pour les travailleurs aura été mise en extinction, c’est-à-dire en vue de l’imposition sur les revenus de 2023.

M. Kévin Mauvieux. Même si cette mesure n’est pas une priorité pour nous, qui préférerions alléger le coût du carburant pour l’ensemble de la population, elle va dans le bon sens. Le dispositif actuel ne sert pas à grand-chose pour les salariés qui font souvent plus de 10 kilomètres en voiture chaque jour pour aller travailler.

Par ailleurs, des dispositifs qui ne sont jamais supprimés, il y en a beaucoup ! Pourquoi pas celui-là ? Supprimer la remise de 18 centimes au litre fera beaucoup de mal, y arriverez-vous ? Nous verrons bien.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis content de vous entendre dire que cela fera « beaucoup de mal », cela confirme que cette mesure fait pour l’instant beaucoup de bien.

Je trouve cet amendement extrêmement intéressant. Il permet à l’entreprise de participer à l’« effort de guerre », si vous me permettez cette expression. Je voudrais simplement m’assurer de son coût et de son impact – car le relèvement du plafond cohabiterait avec le remboursement de 50 % de l’abonnement à un service de transports collectifs. Je souhaite vérifier également qu’il n’y a aucun risque de substitution d’usage, même si l’on peut concevoir une combinaison des deux modes de transport. Enfin, il faut déterminer si le dispositif peut entrer en vigueur seulement à partir de 2023, ou plus rapidement.

M. Mohamed Laqhila. Dans un esprit de responsabilité, et pour le retravailler en vue de la séance ou du projet de loi de finances de l’automne, je retire l’amendement.

Mme Perrine Goulet. Je retire également le sous-amendement.

M. Patrick Hetzel. C’est un très bon amendement, défendu qui plus est par plus de quarante membres de la majorité. Je le reprends donc. Ainsi, nous verrons si la majorité est cohérente avec elle-même et accepte de le voter.

Le sous-amendement CF272 est retiré.

La commission rejette l’amendement CF259.

Amendement CF172 de Mme Alma Dufour et amendement CF213 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Alma Dufour. Cet amendement traite du temps long, même si le texte est un projet de loi d’urgence, car la dimension écologique d’un certain nombre de mesures de ce paquet pouvoir d’achat nous inquiète.

Nous proposons donc de conditionner les aides publiques accordées aux grandes entreprises – qu’il s’agisse de subventions, de garanties à l’export, de garanties de prêts ou de crédits d’impôt – à des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Depuis la crise du covid et le plan de relance, l’Assemblée a débattu de cet enjeu : chaque année, nous donnons des milliards d’aides publiques aux entreprises, alors que celles-ci ne font pas leur part du travail, ne s’engagent pas à réduire de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre comme elles le devraient. Les entreprises du CAC 40, par exemple, émettent onze fois plus que la France.

Mme Christine Arrighi. Dans le cadre des plans d’urgence et du plan de relance, l’État a procuré aux entreprises un soutien financier inédit, dans le but de contenir la crise économique. Si ce soutien est nécessaire pour la préservation des activités économiques et des emplois, notamment en raison de la crise du covid, les aides financées par le contribuable ne sauraient être attribuées sans contrepartie, notamment en matière de transition écologique.

L’amendement CF213 vise donc à conditionner les aides publiques accordées aux grandes entreprises à des engagements climatiques contraignants. Les entreprises seraient tenues de publier, dans les six mois suivant la réception de l’aide, un bilan carbone renforcé et standardisé, une stratégie climat articulée autour d’une trajectoire contraignante de baisse des émissions de gaz à effet de serre et un plan d’investissement permettant de mettre en œuvre cette stratégie.

La mesure concernerait les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extrafinancière, c’est-à-dire présentant un bilan total de 100 millions d’euros au moins. Autrement dit, ce sont les grandes entreprises qui sont visées. La disposition engloberait les subventions directes, les garanties de prêt par l’État, les aides à l’exportation ou encore le crédit d’impôt recherche.

Pour convaincre définitivement l’ensemble des membres de cette commission, notamment ceux de la majorité-minorité, comme le dit M. de Courson, je précise que nous reprenons un amendement de Mme Barbara Pompili, alors présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, cosigné par soixante-dix-sept députés de la majorité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons l’objectif consistant à impliquer les entreprises dans la réduction des gaz à effet de serre. Par ailleurs, notre majorité n’est pas hostile par principe à la conditionnalité. Les prêts garantis par l’État accordés aux grandes entreprises ont été conditionnés à un engagement de ces dernières de ne pas verser de dividendes ou de procéder à des rachats d’actions en 2020 ; les prises de participation exceptionnelles ont été soumises à des engagements environnementaux renforcés faisant l’objet d’un suivi par l’Agence des participations de l’État ; les aides du plan de relance ont été conditionnées, notamment, à la publication d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre, à la suite d’un amendement d’Alexandre Holroyd. Enfin, la loi dite « climat et résilience » prévoit que l’ensemble des filières présentent leur plan de réduction des gaz à effet de serre, avec ensuite une déclinaison au niveau des entreprises.

Le dispositif que vous proposez, en revanche, n’est pas adapté. Il est trop large, puisqu’il vise un ensemble d’aides n’ayant pas nécessairement de finalité environnementale. Vous proposez par exemple de conditionner le crédit d’impôt recherche, dont ce n’est pas l’objet et dont le versement suppose que l’entreprise ait engagé des dépenses de recherche. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi. Les températures qui règnent en ce moment, que ce soit ici ou dans ma région de Toulouse, devraient faire évoluer votre position sur la question !

Mme Alma Dufour. Certes, on a commencé à mettre en place des mécanismes, mais l’urgence climatique impose d’aller plus loin dans la conditionnalité des aides et d’utiliser tous les leviers à notre disposition, même quand il s’agit d’aides ne concernant pas directement l’environnement. Il faut contraindre les très grandes multinationales françaises à respecter leur part du contrat et à réduire leurs émissions. Le fait de publier un bilan des émissions de gaz à effet de serre ne suffit pas : des trajectoires de réduction doivent être élaborées.

La commission rejette successivement les amendements CF172 et CF213.


Article 10
Octroi de la garantie de l’État pour deux prêts de la Banque européenne
pour la reconstruction et le développement (BERD)
au titre du soutien à l’Ukraine

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise autorise le ministre chargé de l’économie à octroyer la garantie de l’État à deux prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à l’Ukraine. Ces deux prêts doivent soutenir deux opérateurs économiques ukrainiens essentiels dans les secteurs du gaz et des transports ferroviaires. Les effets budgétaires du présent article dépendront de la capacité de ces opérateurs à rembourser les prêts concernés.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté le présent article sans modification.

I.   Les aides internationales à l’Ukraine

A.   La situation Économique du pays

L’invasion russe en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 a rapidement entraîné de graves conséquences sur l’économie ukrainienne. La chute du PIB ukrainien se situerait entre 25 et 45 % et les recettes fiscales de l’État n’atteindraient que 15 % du niveau initialement prévu. Le déficit public connaît ainsi une dégradation massive, couplée à un déficit extérieur croissant.

L’action internationale a permis de mobiliser un soutien de 5 milliards d’euros au profit de l’Ukraine sur les deux mois de mars et d’avril, dont 330 millions d’euros de prêts par la France. En y ajoutant l’aide humanitaire de 100 millions d’euros et une enveloppe de 1,2 milliard d’euros pour des prêts du Trésor (200 millions) et des garanties export (1 milliard), le soutien total de la France a atteint 1,6 milliard d’euros.

Le FMI estime cependant que les besoins seraient plus élevés encore, avec un soutien nécessaire de 5 milliards d’euros par mois.

Dans le cadre de leur paquet de soutien à l’Ukraine de 40 milliards de dollars, les États-Unis ont prévu de mettre 500 millions d’euros à disposition de la BERD, sous forme de garantie et de dons, sans que la répartition soit encore précisée.

B.   Le rÔle de la Banque europÉenne pour la reconstruction et le dÉveloppement

1.   Une banque destinée au financement de la transition économique au sein de l’espace post-soviétique

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) représente 71 pays actionnaires, en plus de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement. Elle a été créée en 1991 afin de participer à la transition économique des pays membres de l’ancien espace soviétique.

La direction de la Banque est assurée par un conseil d’administration représentant l’ensemble des actionnaires. La présidente de la BERD est Mme Odile Renaud-Basso, ancienne directrice générale du Trésor. Son siège est à Londres.

La BERD a été particulièrement active en Ukraine. Depuis sa création, elle y a financé 510 projets pour un total de près de 17 milliards d’euros. En particulier, la BERD a été chargée de gérer le fonds international qui a permis la construction du sarcophage de Tchernobyl ([103]).

Le 11 mai 2022, la Banque a par ailleurs annoncé un plan d’urgence pour l’Ukraine de 2 milliards d’euros, qui comprend un moratoire sur les remboursements et une restructuration de la dette du pays, des financements commerciaux, notamment pour les importations de carburant, des aides de liquidité d’urgence et un soutien juridique. Les projets envisagés dans le cadre de ce plan d’urgence concernent la sécurité énergétique, les infrastructures vitales (chemins de fer, municipalités), la sécurité alimentaire (soutien en liquidité aux producteurs agroalimentaires et aux distributeurs), le secteur pharmaceutique et le financement du commerce des biens essentiels.

2.   Des prêts au profit de deux entreprises publiques ukrainiennes

● L’entreprise Naftogaz est une holding pétrolière et gazière détenue à 100 % par l’État ukrainien. Elle représente 75 % de la production nationale de gaz et est un importateur majeur dans le secteur, en plus de remplir le rôle de fournisseur de gaz national de dernier recours responsable du service énergétique à la population et des services de chauffage urbain.

Le 3 mars 2022, l’entreprise a sollicité la BERD afin d’obtenir 1 milliard d’euros de financement pour l’achat d’urgence de 1 milliard de mètres cubes de gaz afin d’assurer la prochaine saison de chauffage. Le 30 mars, le conseil d’administration de la BERD a approuvé un plan de financement de 300 millions d’euros. En raison du risque élevé désormais associé aux engagements en Ukraine, la BERD a alors sollicité les actionnaires membres du G7 et européens pour couvrir les deux tiers du montant engagé (soit 200 millions d’euros) par une garantie publique.

Le gouvernement allemand s’est engagé à proposer au Parlement une garantie de l’État dans la limite d’un plafond de 50 millions d’euros sur le projet Naftogaz.

● La société UkrZaliznitsa est l’opérateur ferroviaire national ukrainien, détenu à 100 % par l’État, qui assure plus de 80 % du transport de marchandises et plus de 30 % du transport de passagers. L’entreprise a déjà bénéficié d’un soutien de la BERD pour assurer la modernisation et l’électrification d’une partie du réseau nationale en 2017.

À la suite de l’invasion russe, la BERD a proposé de réaffecter les fonds mobilisés dans ce cadre pour aider l’entreprise à assurer les services essentiels de transport de marchandises et de passagers. Le conseil d’administration a approuvé la réaffectation de 50 millions d’euros afin de fournir des liquidités d’urgence à la société. La garantie apportée par l’État français (voir infra) doit permettre d’accroître cette enveloppe.

3.   Le choix de garanties publiques complémentaires

L’octroi d’une garantie publique permet de renforcer les capacités d’intervention de la BERD, soumise à des exigences de solvabilité, dans un pays victime d’un conflit. Une autre solution, étudiée par la direction de la banque, aurait constitué en une émission de capital hybride, qui aurait permis de consolider la situation financière de l’organisme et donc de renforcer ses moyens d’intervention en Ukraine.

Cette solution de nature générale n’a cependant pas été retenue, des soutiens publics plus ciblés ayant été préférés.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article autorise le ministre chargé de l’économie à accorder à titre gratuit la garantie de l’État à la BERD portant sur le principal et les intérêts au titre de deux prêts :

– à l’entreprise d’État Naftogaz pour l’achat d’urgence de gaz, dans la limite d’un plafond de 50 millions d’euros, avec une date d’échéance de remboursement au 25 mars 2024 ;

– à la société nationale des chemins de fer UkrZaliznitsa, afin d’assurer les services essentiels de transport ferroviaire de marchandises et de passagers, dans la limite d’un plafond de 50 millions d’euros, avec une date d’échéance de remboursement au 20 août 2027.

La signature d’une convention entre l’État et la BERD constituera un préalable à l’octroi de la garantie évoquée.

Le présent article n’a pas de traduction immédiate en matière budgétaire. L’appel de la garantie proposée dépendra de la capacité des opérateurs concernés à rembourser les prêts accordés.

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La commission adopte l’article 10 non modifié.


Article additionnel après l’article 10
Rétablissement en seconde partie de l’article 3
relatif à la facturation électronique

Amendement CF269 de M. Jean-René Cazeneuve et sous-amendement CF274 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il s’agit de rétablir l’article 3, que nous avons supprimé en première partie.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Le sous-amendement vise à préciser que la généralisation obligatoire de la facturation électronique ne peut être utilisée par l’administration que dans le but d’améliorer le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que son contrôle. Il nous paraît très important de bien cadrer l’usage des informations qui pourront être collectées dans le cadre de cette procédure. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer le mot « notamment », qui ouvrait de fait la possibilité d’autres utilisations.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas certain que le dispositif possède une portée normative mais je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement a beaucoup de sens : vous savez de quelle manière l’administration fiscale a tendance à interpréter de telles dispositions. En l’occurrence, le recours au terme « notamment » crée une ambiguïté. Les experts-comptables, entre autres, nous le disent. Le texte doit donc être plus précis.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF274 et l’amendement CF269 (amendement 177).

 


Après l’article 10

Amendement CF46 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La France et, par ricochet, les dirigeants des petites et moyennes entreprises, se trouvent confrontés à une conjoncture économique dégradée, et ce de manière durable. Aux conséquences de la crise sanitaire s’ajoute notamment la forte hausse du prix des matières premières.

Pour limiter les effets de cette hausse, le Gouvernement a réduit la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), mais cette réduction reste temporaire. Par ailleurs, dans le cadre du plan de résilience économique et sociale, le Gouvernement a mis en place une aide pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité, qui sont particulièrement touchées par l’augmentation du coût de l’énergie. Par parenthèse, il a été très difficile de mettre en œuvre cette aide : le décret a été publié il y a quinze jours environ, d’après ce que m’a dit l’ancien trésorier-payeur général de mon département. Il est à craindre qu’elle ne concerne que peu d’entreprises. Aussi, pour s’assurer que les conséquences des hausses des prix de l’énergie restent soutenables pour les entreprises, notamment les TPE-PME, le présent amendement a pour objet d’introduire la nécessité de procéder à une étude d’impact.

Pour tout vous dire, j’avais déposé un autre amendement, qui visait à étendre le bouclier tarifaire aux petites entreprises, puisque le dispositif est réservé au résidentiel. D’après mon deuxième bureau, cet amendement intéresse le Gouvernement. Hélas, il a été déclaré irrecevable – à juste titre, du reste… L’amendement CF46 est donc un moyen d’inciter le Gouvernement à déposer un amendement allant dans ce sens.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi. Les petites entreprises employant moins de dix salariés et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros sont éligibles au bouclier tarifaire. Par ailleurs, il existe effectivement un dispositif spécifique pour les entreprises très consommatrices d’énergie.

Enfin, cette demande de rapport est une façon d’interroger le Gouvernement, ce qui se comprend tout à fait, mais dans la mesure où il s’agit d’un sujet d’actualité, extrêmement discuté au sein des branches professionnelles, la démarche ne me paraît pas adaptée. Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. Charles de Courson. L’objectif n’est pas de produire un rapport : il s’agit d’inciter le Gouvernement à déposer un amendement relatif à la question. C’était la seule manière de le faire à travers un amendement d’origine parlementaire, sous peine de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Avez-vous une autre idée, monsieur le rapporteur général ?

Si je demande à la commission d’adopter l’amendement CF46, ce n’est pas pour qu’il soit ensuite adopté en séance publique, mais pour permettre au Gouvernement de rebondir sur la proposition et d’améliorer le dispositif, dont ne bénéficient que les toutes petites entreprises.

Enfin, il existe un autre dispositif, qui vient de sortir, pour les entreprises dans lesquelles la part de l’énergie représente plus de 3 % de la valeur ajoutée. Pourrions-nous avoir quelques éclaircissements à ce propos ?

M. Kévin Mauvieux. Nous allons voter l’amendement de M. de Courson. D’une part, il est important d’avoir une évaluation des conséquences pour les TPE-PME de la hausse du prix de l’énergie. D’autre part, à titre personnel, comme M. de Courson, j’aimerais obtenir du Gouvernement un amendement étendant le bouclier aux TPE, afin de s’assurer que ces entreprises puissent continuer à vivre correctement. Hélas, nous craignons que ce ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau, puisque malgré les appels de Mme Borne à travailler dans le consensus, et alors que l’opposition – de gauche ou de droite – fait des efforts, la majorité renie ses propres amendements quand l’opposition les vote. Il est donc à craindre que la majorité ne se rapproche pas de nous, mais nous allons quand même essayer.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si vous pensez que le vote de la commission s’impose et fait office de loi, ce n’est pas la peine qu’on se retrouve dans l’hémicycle !

M. Charles de Courson. Comme il n’y a aucune écoute, je vais retirer cet amendement pour le redéposer en séance publique. Cela revient presque au même, mais si la commission l’avait adopté, c’eût été une perche tendue au Gouvernement.

L’amendement CF46 est retiré.

Amendement CF214 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. La loi du 30 juillet 2020 soumet les prises de participation de l’État via l’Agence de participation de l’État (APE) au régime d’écoconditionnalité. Cette disposition n’a concerné que les prises de participation débloquées dans le cadre du plan de relance, dans deux entreprises seulement. Nous demandons un rapport pour étudier l’opportunité d’élargir cette mesure à d’autres types d’aides publiques.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’APE travaille déjà avec les différentes entreprises sur les trajectoires climatiques. Ainsi, elle a mené une évaluation des émissions de gaz à effet de serre sur les « scopes » 1, 2 et 3 avec 85 sociétés têtes de groupe dans lesquelles l’État détient une participation. Demande de retrait.

M. Jean-Paul Mattei. Nous sommes tous conscients de l’importance de ce sujet et nous ne manquerons pas d’interroger les responsables de l’APE ou de la Caisse des dépôts sur ce point lorsque nous les auditionnerons. Un rapport serait inutile.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Le rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État peut aussi apporter des réponses.

Mme Eva Sas. Je précise que l’amendement ne porte pas sur les prises de participation via l’APE mais sur la possibilité de soumettre d’autres aides publiques, notamment les prises de participation via BPIFrance, au régime d’écoconditionnalité.

La commission rejette l’amendement CF214.

Amendement CF71 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. Encore une demande de rapport pour inviter le Gouvernement à s’exprimer sur la possibilité d’adapter les mesures aux spécificités des territoires. C’est notre seule solution.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si je m’oppose aux demandes de rapport, ce n’est par principe mais parce que j’estime que l’information peut être obtenue par d’autres biais, et plus rapidement.

S’agissant de la Corse, vous savez qu’elle bénéficie déjà d’un avantage fiscal avec la TVA à 13 % sur les produits pétroliers. Il est vrai que cet avantage ne suffit pas à absorber le différentiel de prix des carburants par rapport au continent. C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office en décembre 2021 de pratiques présumées dans le secteur de l’approvisionnement, du stockage et de la distribution de carburants. Une enquête est en cours.

M. Charles de Courson. J’en ai assez de me répéter ! Monsieur le rapporteur général, le but n’est pas de demander un rapport, mais de permettre au Gouvernement de s’exprimer sur une orientation pour laquelle il a pris des engagements ici même.

Mme Lise Magnier. Nous soutenons cet amendement. Il s’agit bien de provoquer un échange avec le Gouvernement sur un sujet qui nous importe.

M. Charles de Courson. C’est ce que je me tue à répéter ! Je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement CF71.

Amendement CF77 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. Je le déposerai directement en séance !

L’amendement CF77 est retiré.

Amendement CF80 de M. Bertrand Pancher.

M. Charles de Courson. Je le retire puisque la commission a adopté l’amendement visant à compenser, pour les collectivités locales, le coût de la revalorisation du point d’indice.

L’amendement CF80 est retiré.

Amendement CF95 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Presque tout le monde est d’accord sur l’idée qu’il faut encourager ceux qui travaillent plutôt que ceux qui vivent de la solidarité nationale. Et pourtant, le point d’indice est revalorisé de 3,5 % alors que les prestations sociales, elles, augmentent de 4 %. À défaut de pouvoir déposer un amendement visant à augmenter les crédits dédiés à la revalorisation, nous demandons au Gouvernement un rapport justifiant son choix. Un pseudo-rapport, monsieur le rapporteur général.

Il semblerait que cette différence s’explique par l’effet GVT (glissement vieillesse technicité). Celui-ci est de l’ordre de 1,3 %, mais il ne s’agit là que d’une moyenne puisque ce phénomène se révèle bien moins important dans les catégories les moins élevées. Le calcul du Gouvernement, qui consiste à additionner l’effet GVT et la revalorisation pour atteindre, grosso modo, le taux de l’inflation se heurte une nouvelle fois à la réalité.

En tout état de cause, la disposition n’est pas cohérente avec l’idée, très majoritaire dans cette assemblée, selon laquelle il faut récompenser le travail.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je confirme que la progression individuelle moyenne des traitements est de 1,5 %, ce qui porte l’augmentation globale à 5 %. Je rappelle aussi que les fonctionnaires bénéficient, comme tous les Français, des mesures du paquet pouvoir d’achat, du bouclier tarifaire et de la remise de 18 centimes sur le litre d’essence.

M. David Guiraud. Nous aussi, nous aimerions savoir pourquoi le point d’indice dans la fonction publique est aussi faiblement revalorisé. Il ne s’agit pas seulement de compenser les effets de l’inflation, mais de revenir sur plusieurs années de gel – le salaire d’un enseignant en début de carrière est passé de 2,3 SMIC en 1980 à 1,1 SMIC. La conséquence est terrible, qui voit les fonctionnaires les plus anciens quitter l’hôpital ou l’éducation nationale, tandis que les nouveaux venus partent dès la fin de leur premier stage.

Là où nous sommes embêtés, c’est que nous ne pouvons pas souscrire aux justifications données par les auteurs de cet amendement. Nous ne voulons pas d’une mise en concurrence entre les pauvres de ce pays. Dans ma circonscription, 35 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, il n’y a pas de travail et beaucoup ont besoin des aides sociales.

M. Mathieu Lefèvre. L’amendement a le mérite de signaler le fait que, malgré le gel du point d’indice depuis 2010, les fonctionnaires bénéficient d’une progression de leur rémunération, grâce à des dispositifs comme la garantie individuelle de pouvoir d’achat ou au GVT. Le discours consistant à dire que les fonctionnaires n’ont pas été augmentés depuis dix ans est absolument faux.

Nous avons là la plus forte hausse du point d’indice depuis des décennies, pour un coût de 7,5 milliards d’euros. Vous souhaitez une nouvelle hausse, monsieur de Courson, mais j’imagine que votre amendement suivant serait d’en compenser le coût pour les collectivités locales… On voit bien le risque de spirale inflationniste en matière de dépenses publiques. L’augmentation globale de 5 %, ajoutée aux différentes mesures de préservation du pouvoir d’achat, permet aux fonctionnaires de faire face à l’inflation.

M. Charles de Courson. Un peu de sérieux, monsieur Lefèvre ! Si vous savez calculer – et vous avez travaillé au ministère du budget – la revalorisation de 3,5 % est proposée au 1er juillet, ce qui donne, en masse, 1,75 %. Additionné au GVT moyen de 1,5 %, cela n’atteint pas le niveau de l’inflation. L’INSEE prévoit une inflation à 6,8 % en fin d’année, ce qui donne 5,5 % en masse. Le différentiel en pouvoir d’achat est réel. Ne venez donc pas donner des leçons à quelqu’un qui, depuis vingt-neuf ans, combat les déficits et l’absence d’économies ! Le moment viendra où il n’y aura plus de fonctionnaires, on n’arrive déjà plus à les recruter !

L’amendement CF95 est retiré.

Amendement CF76 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il existe 42 régimes de retraite en France, dont certains bénéficient, à des niveaux divers, d’un régime complémentaire. Or on ne sait pas de combien ces régimes complémentaires seront réévalués, parallèlement à la revalorisation de 4 % applicable aux régimes de base. Comment le Gouvernement compte-t-il faire face à cette grande diversité de situations ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous avez raison, mais ce n’est pas à l’État d’imposer une augmentation des retraites complémentaires. Les organismes qui gèrent ces fonds seront incités à les revaloriser. L’effort est déjà significatif, puisqu’il est évalué à 5 milliards d’euros.

Ce sujet, comme tous ceux que vous évoquez, est très pertinent mais l’adoption de cet amendement ici ne changera rien. Je vous encourage à le redéposer en séance pour obtenir une réponse du Gouvernement.

M. David Guiraud. Nous trouvons les amendements de M. de Courson très intéressants et nous serions prêts à les défendre si les exposés des motifs et les motivations étaient formulés en d’autres termes.

M. Charles de Courson. Je retire donc cet amendement en rappelant, monsieur le rapporteur général, que s’il avait été adopté par la commission, le Gouvernement aurait pu saisir la perche.

L’amendement CF76 est retiré.

Amendement CF94 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. Les études de l’INSEE montrent que l’inflation n’est pas la même dans tous les territoires, l’écart pouvant atteindre 2 points. L’écart doit être plus grand encore entre une personne peu impactée et une autre, polyhandicapée, vivant en zone rurale dans un logement chauffé au fioul et travaillant à 30 kilomètres !

Comment le Gouvernement compte-t-il moduler son action en fonction des territoires ? C’est une nouvelle perche que je tends ici.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement évoque précisément la possibilité d’indexer les bourses étudiantes sur l’inflation en tenant compte des différences territoriales. Mais vous avez raison, l’inflation est plus ou moins forte sur le territoire. C’est vrai aussi du niveau de vie ou encore des loyers. Il existe des mesures spécifiques à la Corse ou aux outre-mer – c’est là une reconnaissance de leurs particularités – mais il me semble difficile de prendre en compte une multiplicité de critères comme la densité, le type d’habitat ou la taille des villes pour gommer ces écarts.

M. Charles de Courson. Je le redéposerai en séance.

L’amendement CF94 est retiré.

Amendement CF82 de M. Bertrand Pancher.

M. Charles de Courson. Je le retire puisque la commission a adopté l’amendement visant à compenser aux départements la revalorisation de 4 % du RSA.

L’amendement CF82 est retiré.


II. – AUTRES MESURES

CCF prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 11
Élargissement de la section 4 du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés aux prêts à taux bonifiés à destination des entreprises affectées par le conflit en Ukraine

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose d’étendre le champ de la section 4 du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (PAPOP) afin de permettre l’octroi de prêts bonifiés aux entreprises affectées par le conflit en Ukraine. Il s’agit d’une traduction du « Plan de résilience » adopté pour faire face aux conséquences économiques du conflit en Ukraine.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté le présent article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Le compte de concours financiers « PrÊts et avances À des particuliers ou À des organismes privÉs »

Le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés a été créé par le III de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Il est composé de quatre sections, destinées à financer :

– les prêts et avances pour le logement des agents de l’État à l’étranger. Cette section comprend le programme 861 Avances aux agents de l’État à l’étranger pour la prise en location d’un logement ;

– les prêts pour le développement économique et social, octroyés par l’État à des entreprises pour accompagner leur restructuration financière et commerciale. Cette section comprend le programme 862 Prêts pour le développement économique et social, le programme 868 Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran, le programme 876 Prêts octroyés dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir et le programme 878 Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie ;

– les prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle, qui comprend le programme dédié n° 878 ;

– les avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19, via le programme 877 du même nom. Cette section a été créée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([104]), notamment afin d’offrir un soutien aux entreprises n’ayant pas accès aux prêts garantis par l’État (PGE), via l’octroi de prêts bonifiés ou de prêts participatifs. Les modalités d’utilisation des crédits de cette section sont fixées par le décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d’un dispositif d’aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19.

B.   Le plan de rÉsilience Économique et sociale

Le plan de résilience économique et sociale a été présenté par le Gouvernement le 16 mars 2022. Articulé autour de douze objectifs, il a pour but de protéger les entreprises et les ménages des effets du conflit en Ukraine et de ses répercussions sur les marchés des matières premières et sur l’activité économique.

Les objectifs sont les suivants :

– renforcer le « bouclier tarifaire » pour les ménages et les petites entreprises (objectif n° 1) ;

– soutenir les entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent une part élevée des charges (objectif n° 2) ;

– éviter les faillites des entreprises affectées par le choc (objectif n° 3) ;

– accompagner les entreprises affectées par les mesures de restriction des exportations, des importations et des activités, ainsi que par les perturbations du commerce international (objectif n° 4) ;

– faciliter la recherche de débouchés alternatifs des entreprises exportatrices (objectif n° 5) ;

– apporter des soutiens ciblés aux secteurs les plus exposés à la hausse du coût des intrants (objectif n° 6) ;

– sécuriser l’approvisionnement en intrants critiques (objectif n° 7) ;

– responsabiliser les donneurs d’ordre et faire jouer les solidarités de filières (objectif n° 8) ;

– renforcer la souveraineté énergétique (objectif n° 9) ;

– renforcer la souveraineté alimentaire de l’Europe (objectif n° 10) ;

– faciliter l’implantation en France des activités permettant de réduire les dépendances extérieures (objectif n° 11) ;

– renforcer la cybersécurité des administrations, des entreprises et des infrastructures (objectif n° 12).

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article propose d’élargir la destination des crédits du programme 877 en l’étendant aux prêts à taux bonifiés prévus par le plan de résilience économique et social.

Cette mesure est associée à l’objectif n° 3 du plan de résilience destiné à éviter les faillites des entreprises affectées par le choc. L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de permettre à l’État d’apporter des liquidités à des entreprises exerçant leur activité dans l’Union européenne touchées par l’agression militaire russe ou les sanctions économiques infligées à la Russie. De même que pour les aides de crise sanitaire, l’objectif est de fournir une solution aux entreprises n’ayant pas pu bénéficier de solution bancaire de marché – en particulier de prêts garantis par l’État.

Le nom de la quatrième section est complété, devenant « avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine ». Le présent PLFR ne prévoit pas de lui attribuer de crédits supplémentaires, 178 millions de crédits restant disponibles sur le compte à la fin juin 2022 ([105]).

Les prêts bénéficieraient aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) répondant à l’ensemble des critères suivants :

– ne pas avoir obtenu de prêt garanti par l’État suffisant pour financer son exploitation ;

– justifier de perspectives réelles de redressement de l’exploitation ;

– ne pas faire l’objet d’une procédure collective, à l’exception des entreprises redevenues in bonis par l’arrêté d’un plan de sauvegarde ou de redressement.

Les nouveaux prêts bonifiés seront rémunérés aux mêmes taux que ceux prévus dans le cadre de la crise sanitaire et fixés par arrêté ([106]) : 150 points de base pour les prêts à 3 ans, 175 points pour les prêts à 4 ans, 200 points pour les prêts à 5 ans et 225 points pour les prêts à 6 ans.

L’exposé des motifs de l’article précise que la doctrine d’attribution des prêts sera fondée sur le positionnement économique et industriel de l’entreprise, son caractère stratégique, l’existence d’un savoir-faire reconnu, sa position critique au sein d’une chaîne de valeur et l’importance de l’entreprise au sein du bassin local d’emploi. Le décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d’un dispositif d’aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19 sera modifié pour préciser les modalités d’attribution de ces prêts.

L’entrée en vigueur du dispositif est conditionnée à une décision de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.

*

*     *

La commission adopte l’article 11 non modifié.


Mission Écologie, développement et mobilité durables

Article 12
Extension temporaire des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article traduit la volonté du Gouvernement de continuer à protéger les consommateurs particuliers face à des prix du gaz élevés sur les marchés internationaux.

Ainsi, il acte la prolongation du gel tarifaire des tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVg), bloqués depuis le 31 octobre 2021, jusqu’au 31 décembre 2022, tout en ouvrant la possibilité d’étendre cette période par arrêté jusqu’au 30 juin 2023.

De même, il supprime la composante de rattrapage pouvant être facturée en application de la loi de finances pour 2022 par les fournisseurs aux consommateurs après la période de gel des TRVg, et qualifie les pertes subies par les fournisseurs de charges imputables aux obligations de service public, qui seront ainsi définitivement compensées par l’État.

Afin de tenir compte de l’arrivée à échéance des contrats à prix fixes et afin de ne pas susciter une déstabilisation de la structure d’offres du marché, le gel tarifaire est étendu, sous conditions, à l’ensemble des nouveaux contrats signés à partir du 1er juillet 2022.

Enfin, un encadrement des modalités de répercussion par les fournisseurs de la compensation versée par l’État sur les factures sont établies, sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie.

Dernières modifications législatives intervenues

Le bouclier tarifaire portant sur le gaz naturel a été introduit par l’article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

I.   L’État du droit

A.   Le mÉcanisme de fixation des tarifs rÉGLEMENTE de vente du gaz naturel conduit à les faire varier en fonction des cours sur les marchÉs mondiaux

1.   La détermination des tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg)

a.   Les TRV de gaz naturel ne sont plus commercialisés depuis la fin de l’année 2019, mais leurs modalités de détermination restent applicables jusqu’au 1er juillet 2023 pour les ménages

La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ([107]) (LEC) met fin aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel (TRVg), pour toutes les catégories de consommateurs, en plusieurs étapes :

– les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRVg depuis le 1er décembre 2020 ;

– les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d’immeuble à usage unique d’habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 MWh doivent, eux, opter pour une offre de marché avant le 1er juillet 2023.

Ainsi, si les TRVg ne sont plus commercialisés depuis le 8 décembre 2019, les dispositions du code de l’énergie relatives à leur mode de construction et aux missions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) à cet égard (v. infra), abrogées par la LEC, restent applicables dans leur rédaction antérieure à cette loi.

Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel concernaient, en juin 2022, environ 2,8 millions de consommateurs résidentiels, sur un total de 10,5 millions de foyers qui se chauffent ou cuisinent au gaz, dont environ 2,6 millions auprès d’Engie et 200 000 auprès d’une entreprise locale de distribution.

Plus de la moitié des consommateurs résidentiels ont conclu des contrats en offre de marché à prix fixes : lorsque cette offre est à prix fixe, les clients ne sont pas impactés par la hausse du prix du gaz sur les marchés internationaux ([108]), ce qui n’est pas le cas pour les clients ayant conclu des offres de marché à prix variables ou basées sur les TRVg, qui reflètent les évolutions des prix de gros du gaz.

b.   Les barèmes des tarifs réglementés sont fixés par arrêté, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, au plus tard le 1er juillet

Les TRVg sont encadrés par les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l’énergie et par les articles R. 445-1 à R. 445-7 du même code.

Aux termes de l’article L. 445-3 de ce code, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts (…) ».

L’article R. 445-2 du code de l’énergie précise que « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d’approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Ils comportent une part variable liée à la consommation effective et une part forfaitaire calculée à partir des coûts fixes de fourniture du gaz naturel (…) ».

Une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d’approvisionnement en gaz naturel pour chaque fournisseur (article R. 445-3 du code de l’énergie). La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci. Les coûts hors approvisionnement comprennent notamment :

– les coûts d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel et, le cas échéant, des réseaux de distribution publique de gaz naturel, résultant de l’application des tarifs d’utilisation des infrastructures de gaz fixés par la Commission de régulation de l’énergie ;

– les coûts d’utilisation des stockages de gaz naturel ;

– les coûts de commercialisation des services fournis (marketing, gestion de clientèle, etc.), y compris une marge commerciale raisonnable.

DÉcomposition moyenne des coÛts couverts par la facture au tarif rÉglementé de vente de gaz naturel d’Engie

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Source : GRDF.

Aux termes de l’article R. 445-4 du code de l’énergie, un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, pris après avis de la CRE fixe, à l’issue de l’analyse détaillée remise par celle-ci, au plus tard chaque année le 1er juillet, les barèmes des tarifs réglementés à partir, le cas échéant, des propositions du fournisseur, ainsi que la formule tarifaire des TRV pour les 12 mois suivants, reflétant l’évolution des coûts d’approvisionnement à un pas de temps mensuel ou trimestriel.

Ainsi, l’arrêté du 28 juin 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par Engie a fixé ses tarifs réglementés de vente au 1er juillet 2021 ainsi que la formule permettant d’estimer l’évolution de ses coûts d’approvisionnement entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.

c.   Le fournisseur peut dans certaines conditions modifier les barèmes de ses tarifs réglementés au maximum une fois par mois, en y répercutant les variations des coûts d’approvisionnement en gaz naturel

L’article R. 445-5 du code de l’énergie prévoit que « le fournisseur modifie, selon une fréquence définie par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie et au maximum une fois par mois, jusqu’à l’intervention d’un nouvel arrêté tarifaire pris en application de l’article R. 445-4, les barèmes de ses tarifs réglementés en y répercutant les variations des coûts d’approvisionnement en gaz naturel, telles qu’elles résultent de l’application de sa formule tarifaire ».

L’évolution mensuelle des TRVg reflète donc les variations de la composante « approvisionnement » uniquement, à l’exception du mois de juillet où l’évolution des TRVg intègre aussi la révision des coûts hors approvisionnement.

La répercussion des variations des coûts d’approvisionnement en euros par mégawattheure se fait de manière uniforme sur les différents barèmes et s’applique sur la part variable, sauf disposition contraire prévue par l’arrêté mentionné à l’article R. 445-4 du code de l’énergie.

Avant de procéder à une telle modification, le fournisseur saisit la CRE d’une proposition de barèmes accompagnée des éléments d’information permettant de la justifier, afin que la commission en vérifie la conformité avec la formule tarifaire. Le fournisseur ne peut appliquer la modification avant l’expiration d’un délai de vingt jours à compter de la saisine de la CRE. Les ministres chargés de l’économie et de l’énergie sont informés par le fournisseur de sa proposition de barèmes et par la CRE de son avis.

d.   Une procédure de « gel » des tarifs est toutefois prévue en cas d’augmentation exceptionnelle des prix des produits pétroliers ou des prix de marché du gaz naturel

Le cinquième alinéa de l’article R. 445-5 du code de l’énergie prévoit une procédure spéciale pour la modification des barèmes des tarifs réglementés par le fournisseur, en cas d’augmentation exceptionnelle des prix du marché du gaz naturel ou des produits pétroliers, sur le dernier mois ou sur une période cumulée de trois mois : dans ce cas, le Premier ministre peut, avant l’expiration du délai de vingt jours précité, et après avis de la CRE, s’opposer par décret à la proposition et fixer de nouveaux barèmes.

Dans ce cas, le décret précise les modalités et le calendrier, qui ne peut excéder un an à compter de son entrée en vigueur, de remise à niveau des tarifs par rapport à la formule tarifaire et de répercussion sur les factures à venir des montants non perçus durant la période considérée. Il précise les conditions dans lesquelles le fournisseur est autorisé à modifier ses tarifs réglementés jusqu’à l’intervention d’un nouvel arrêté fixant les barèmes des tarifs réglementés.

2.   La conjoncture économique a lourdement pesé sur les niveaux de prix du gaz en 2021

La France importe 99 % du gaz naturel qu’elle consomme : elle est donc particulièrement exposée aux variations des prix du gaz sur les marchés européens et mondiaux.

Le TRV de gaz naturel d’Engie évolue depuis 2013 mensuellement sur la base d’une formule reposant principalement sur l’évolution des prix de gros du gaz mensuels et trimestriels. Or, les prix de gros européens du gaz naturel n’ont cessé d’augmenter entre le printemps et l’été 2021.

Ces niveaux de prix inédits en Europe ont découlé de plusieurs facteurs :

– d’une part, une demande importante, dans un contexte de reprise économique au niveau mondial, de niveaux bas de stockages européens en gaz en raison d’un hiver 2020-2021 rigoureux et d’une croissance de la consommation de gaz naturel liquéfié (GNL) en Asie actuellement supérieure à la croissance de la production mondiale, ce qui limite les quantités livrées sur les marchés européens ;

– d’autre part, une offre contrainte, en raison de la saturation des capacités de production en Algérie et en Norvège, d’une tendance décroissante de la production de gaz naturel dans l’Union européenne, avec notamment l’arrêt progressif de l’exploitant du champ de Groningue aux Pays-Bas.

Ainsi, en 2021, les prix de marché ont augmenté de façon inédite dans l’histoire gazière européenne : d’après les données communiquées par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), le produit pour une livraison le mois suivant a été quasiment multiplié par trois en trois mois, passant de 28,90 euros le MWh (mégawattheure) en juin 2021 à 79,90 euros le MWh en septembre 2021.

Les consommateurs aux TRV de gaz ont ainsi été directement exposés aux très fortes hausses survenues au 3ème trimestre 2021 : entre juin et octobre 2021, le TRV de gaz moyen a augmenté de près de 44 %.

Les consommateurs qui disposent d’offres indexées aux TRVg subissent également cette augmentation massive et brutale des TRV (soit 1,5 million de clients résidentiels supplémentaires).

Compte tenu de la hausse des coûts d’approvisionnement, Engie a soumis à la CRE le 5 octobre 2021 son projet de barèmes de TRV de gaz naturel pour le 1er novembre 2021.

Dans le contexte de hausse des prix de gros du gaz précédemment décrit, ces barèmes prévoyaient, en suivant l’application de la formule tarifaire définie par l’arrêté du 28 juin 2021, une hausse moyenne des tarifs hors taxe de vente de gaz naturel de 17,20 euros du MWh au 1er novembre 2021, soit une augmentation de 21,2 % hors taxes (+ 19,5 % toutes taxes comprises) par rapport au niveau fixé au 1er octobre 2021. Une hausse encore supplémentaire aurait dû avoir lieu en décembre 2021.

B.   un bouclier tarifaire pour les consommateurs, une compensation pour les fournisseurs

1.   Le bouclier tarifaire portant sur les tarifs réglementés du gaz

En réponse à la hausse importante des prix de gros du gaz naturel, un décret du 23 octobre 2021 a gelé les tarifs réglementés de gaz naturel d’Engie à compter du 1er novembre 2021 ([109]), en application de l’article R. 445-5 du code de l’énergie.

L’article 181 de la loi de finances pour 2022 ([110]) a précisé que les tarifs réglementés de gaz naturel fournis par Engie « sont fixés à leur niveau, toutes taxes comprises, en vigueur au 31 octobre 2021 », jusqu’au 30 juin 2022. Cette échéance peut être modifiée par arrêté et fixée à une date comprise entre le 30 avril 2022 et le 31 décembre 2022.

En application de cette disposition législative, les TRVg des entreprises locales de distribution :

– peuvent évoluer jusqu’au niveau des TRVg d’Engie lorsqu’ils sont inférieurs à ce niveau ;

– sont fixés à leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021, toutes taxes comprises, dans les autres cas.

La loi de finances pour 2022 est venue préciser qu’après la période de gel, les TRVg seront à nouveau fixés selon la méthode prévue à l’article L. 445-3 du code de l’énergie (v. supra), tout en intégrant, jusqu’au 30 juin 2023, une composante de rattrapage (v. infra).

Ce bouclier tarifaire sur le gaz a permis aux clients disposant d’une offre de TRVg ou indexée sur les TRVg de réaliser de substantielles économies. Ainsi, le niveau moyen des TRVg au 1er juin 2022 aurait été supérieur de 48,70 % TTC par rapport au niveau en vigueur au 1er octobre 2021.


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Niveau moyen des TRVg avec et sans bouclier tarifaire

Initialement réservé aux clients résidentiels individuels bénéficiant des TRVg, le bénéfice du bouclier tarifaire sur le gaz a été étendu aux personnes physiques habitant des logements d’habitation en copropriété chauffés au gaz et ne bénéficiant pas des TRVg par décret du 9 avril 2022 ([111]).

2.   La compensation des fournisseurs de gaz prévue au premier chef grâce à l’instauration d’une composante de rattrapage pouvant être facturée aux consommateurs à la suite de la période de gel

À la suite de la période de gel des TRVg, le II de l’article 181 loi de finances pour 2022 prévoit que ces tarifs intégreront une composante de rattrapage. Cette composante, définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, doit permettre de couvrir les pertes de recettes supportées par les fournisseurs de gaz naturel fournissant aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel « tels que gelés » ; elle ne devra néanmoins pas dépasser le niveau du tarif appliqué en octobre 2021 : si les tarifs excèdent ce niveau, les ministres chargés de l’économie et de l’énergie fixent, par arrêté conjoint, une composante de rattrapage inférieure dans le respect de ce plafond tarifaire.

Si ce rattrapage est insuffisant pour combler les pertes subies par les fournisseurs de TRVg, lesdites pertes constitueront des charges imputables aux obligations de service public compensées par le budget de l’État via les crédits inscrits sur le programme 345 Service public de l’énergie.

3.   Le maintien de prix élevés sur le marché du gaz nécessite de poursuivre la protection des consommateurs et l’accompagnement des fournisseurs

Selon le consensus des experts à cette date, les hauts niveaux de prix constatés à l’automne 2021 devaient se maintenir à un niveau élevé durant l’automne et l’hiver 2021-2022 avant d’amorcer une baisse au printemps 2022.

Pourtant, l’invasion par la Russie du territoire ukrainien, à partir du 24 février 2022, a profondément remis en cause ces prévisions.

En effet, le TTF néerlandais – cours spot européen de référence du gaz naturel – est passé de 71 euros le MWh le 21 février 2022 à 200 euros le MWh le 7 mars 2022, avant de décroître légèrement puis se stabiliser à des niveaux très élevés : le prix du MWh est, au 6 juillet 2022, de 171 euros le MWh sur le marché spot, en augmentation de 116 % sur un mois.

À titre de comparaison, il était de 22 euros le MWh le 6 juillet 2021, soit une hausse de 677 % en un an.

En 2021, l’Union européenne a importé environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe, soit 45 % de ses importations gazières et près de 40 % de sa consommation totale. Le gaz russe constitue environ 19 % des importations françaises de gaz.

Or, dans un premier temps, le transit de gaz russe par les gazoducs traversant l’Ukraine – représentant 30 % des importations dans l’UE – a été fortement perturbé. Puis, progressivement, la société Gazprom a annoncé une réduction drastique de ses exportations de gaz vers l’Europe, notamment à travers le pipeline Nord Stream 1, réduction qui a d’abord touché l’Allemagne, puis la France.

Ainsi, depuis le 15 juin 2022, la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc ([112]). Elle continue néanmoins de recevoir du gaz naturel liquéfié (GNL) par méthaniers, principalement depuis le site de Yamal, en Sibérie occidentale, dont TotalEnergies est partenaire à hauteur de 20 % ([113]).

La forte réduction des livraisons de gaz russe sur un marché déjà troublé par les tensions internationales – la Russie et l’Iran, sous sanctions, sont les pays disposant des deux plus grandes réserves de gaz naturel au monde, avec près de 37 % des réserves mondiales prouvées – a mécaniquement conduit à cette envolée des cours sur les marchés de gros. En outre, les prévisions des traders à terme, principalement liées à l’environnement géopolitique, sont excessivement mauvaises : le prix du MWh au 4 juillet 2023 est anticipé à 364 euros, ce qui correspond à un prix de gros presque 18 fois supérieur à celui du 4 juillet 2021.

La CRE a estimé, dans sa délibération du 22 juin 2022, que la hausse des TRVg, dans le cas où le gel tarifaire ne serait pas prolongé à compter du 1er juillet 2022, serait de 51,31 % HT ([114]).

impacts indicatifs de l’Évolution des coûts au 1er juillet 2022 par rapport aux tarifs gelés au niveau d’octobre 2021

(en pourcentage)

 

Évolution des barèmes théoriques non gelés
entre le 1er juin et le 1er juillet 2022

Coûts d’approvisionnement

+ 48,44 %

Coûts hors approvisionnement

+ 2,87 %

Coûts de distribution

– 0,36 %

Coûts de transport

+ 0,14 %

Coûts de stockages

+ 2,11 %

Coûts commerciaux

+ 0,74 %

Réajustement de la marge

+ 0,24 %

Total

+ 51,31 %

Source : Commission de régulation de l’énergie.

La Première ministre a annoncé, le 23 juin, la prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 du bouclier tarifaire sur le gaz ; le décret prévu par le I de l’article 181 de la loi de finances pour 2022 a été pris le 25 juin 2022 ([115]).

II.   Le dispositif proposé

A.   Un bouclier tarifaire prolongé et étendu pour les consommateurs, des compensations précisées et encadrées pour les fournisseurs

1.   Le gel des TRVg est prorogé jusqu’au 31 décembre 2022 a minima, avec une possibilité d’extension par décret jusqu’au 30 juin 2023

Selon le I du présent article, à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2022, par dérogation à l’article L. 445-3 du code de l’énergie dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ([116]) et à l’article 181 de la loi de finances pour 2022 ([117]), les tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par la société Engie sont fixés à leur niveau toutes taxes comprises en vigueur au 31 octobre 2021.

Les TRVg des entreprises locales de distribution peuvent évoluer dans les conditions prévues par le code de l’énergie (v. supra) dans la limite de ce niveau.

La date du 31 décembre 2022 peut être reportée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’énergie et fixée à une date comprise entre le 1er janvier 2023 et le 30 juin 2023.

Le II du présent article précise qu’au terme de la période de gel, les TRVg sont fixés dans les conditions prévues à l’article L. 445-3 du code de l’énergie dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat précitée, c’est-à-dire en tenant compte et en couvrant de l’ensemble des coûts liés à la fourniture du gaz.

2.   Les modalités de compensation des fournisseurs pour leurs pertes de revenus sont étendues et précisées, leur encadrement renforcé

a.   Une couverture des fournisseurs étendue à tout type de contrat pour ceux conclus sur la période de gel tarifaire

La rédaction actuelle de l’article 181 de la loi de finances pour 2022 ne prévoit une compensation aux fournisseurs que pour les contrats indexés sur les TRVg. Ainsi, face au maintien de prix du gaz élevés sur les marchés internationaux, les clients dont les contrats à prix fixes arrivent à échéance sont, en l’état, incités à opter pour une offre indexée sur les TRVg plutôt que de conclure une nouvelle offre dont le prix fixe reflèterait les cours du gaz de 2022. Si ce mouvement s’avérait massif, le marché pourrait être déséquilibré.

Aussi, le 2ème alinéa du III du présent article dispose que la compensation par l’État des pertes de recettes des fournisseurs résultant de la différence entre le prix moyen hors taxes résultant de l’application des TRVg d’Engie qui auraient été appliqués en l’absence du bouclier tarifaire et celui consécutif au gel des TRVg, s’applique à tout type de contrat conclu à compter du 1er septembre 2022 sur la période de gel tarifaire, c’est-à-dire également aux offres à prix fixe.

Elle s’applique donc également aux contrats qui sont directement indexés sur les tarifs réglementés, mais uniquement lorsque trois conditions sont, dans ce cas, réunies par les fournisseurs :

– les conditions contractuelles relatives à la détermination du prix et de la fourniture ne sont pas modifiées, à l’initiative du fournisseur, dans une mesure qui conduise à ce que le prix excède le niveau des TRVg fournis par Engie ;

– le fournisseur n’a pas procédé, à son initiative, à la résiliation du contrat pour une autre cause que le non-paiement de la facture jusqu’au terme de la période de gel ;

– le fournisseur n’a pas entrepris de démarche ciblée avant le terme de la période de gel pour inciter son client à changer son offre.

Ces deux dernières conditions sont établies afin d’éviter un bouleversement du marché, cette fois par de trop nombreuses souscriptions d’offres à prix fixe.

Si les conditions sont réunies, la compensation versée aux fournisseurs s’applique aux pertes de recettes correspondant aux volumes livrés durant la période de gel, dans la limite de la couverture des coûts d’approvisionnement effectivement supportés.

b.   Une suppression de la composante de rattrapage qui pouvait être facturée au consommateur

Le 2° du I du présent article supprime la composante de rattrapage prévue par le II de l’article 181 de la loi de finances pour 2022.

Le III du présent article dispose en outre que les pertes de recettes supportées à compter du 1er septembre 2022 et jusqu’au terme de la période de gel par les fournisseurs de gaz naturel pour leurs offres aux TRVg et pour leurs offres de marché, constituent des charges imputables aux obligations de service public, au sens de l’article L. 121-35 du code de l’énergie. Elles sont ainsi compensées par l’État, dans la limite des coûts d’approvisionnement supportés pour les clients concernés sur la période de gel.

Ces mêmes pertes supportées par les fournisseurs entre le 1er novembre 2021 et le 31 août 2022 constituent également des charges de service public compensées par l’État, comme le disposerait le III de l’article 181 de la loi de finances pour 2022 tel qu’il est proposé que le 3° du I du présent article le modifie.

c.   Des compensations versées aux fournisseurs à la temporalité dérogatoire et des petits fournisseurs qui bénéficient d’un acompte

Le IV du présent article prévoit que, contrairement aux modalités prévues par les articles L. 121-37, L. 121-38 et L. 121-41 du code de l’énergie, les fournisseurs de gaz naturel dont les clients sont concernés par le gel des tarifs portant sur le gaz déclarent à la CRE, avant le 1er octobre 2022, leurs pertes de recettes constatées entre le 1er juillet 2022 et le 31 août 2022 ainsi que leurs pertes de recettes prévisionnelles pour la période allant du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022.

Ces déclarations font l’objet d’une certification par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public.

Une délibération de la CRE évalue ensuite, au plus tard le 30 octobre 2022, le montant de ces pertes. Elles font l’objet d’un acompte sur les compensations de charges versé au plus tard le 30 novembre 2022 pour les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients sont concernés par la mesure.

Les fournisseurs de gaz naturel dont plus de 300 000 clients sont concernés par le bouclier tarifaire sur le gaz verront ces charges être intégrées aux charges à compenser en 2023, par dérogation aux dispositions du code de l’énergie qui conduiraient à un versement de ces compensations en 2024.

d.   Un encadrement renforcé des fournisseurs

Le dernier alinéa du III du présent article précise que les fournisseurs doivent répercuter à leurs clients les compensations accordées par l’État.

La CRE doit s’assurer de la bonne application de ces dispositions. Pour ce faire, il lui sera loisible de procéder à tout contrôle a posteriori qui lui permettra, le cas échéant, de déduire les montants indument versés des charges imputables aux missions de service public compensées aux fournisseurs. Le montant de ces sommes indues pourra être majoré de 10 % en cas de manquement délibéré.

B.   Les incidences économiques et budgétaires

1.   Les incidences économiques

Du fait de la poursuite de prix élevés sur le marché de gros du gaz, le présent dispositif vient élargir la protection des consommateurs particuliers à ceux dont les contrats à prix fixes arrivent à échéance. Il permet en outre de prolonger le bouclier tarifaire jusqu’au 31 décembre 2022, tout en aménageant une option de prolongation par voie réglementaire jusqu’au 30 juin 2023.

Il s’agit donc d’un gain de pouvoir d’achat à court terme pour les consommateurs particuliers visés par le dispositif, estimés à près de 60 % du total des consommateurs résidentiels par l’étude d’impact. Selon l’évaluation préalable du présent article, « en l’absence de prolongation du gel des TRVg, la facture moyenne d’un ménage ne se chauffant qu’au gaz naturel aurait augmenté en moyenne d’environ 320 euros sur la période du 1er juillet au 31 décembre 2022 ».

Il convient de rappeler que les consommateurs non résidentiels – les entreprises – ne pouvant plus bénéficier des TRVg depuis le 1er décembre 2020, le gel de ces dernières ne leur est pas ouvert.

En outre, ce gain de pouvoir d’achat est définitif. L’existence d’une composante de rattrapage rendait incertain, pour le consommateur, le gain de pouvoir d’achat à long terme ; il était fonction de l’intensité de la modulation du rattrapage et pouvait être partiel en cas d’application de la composante ou entier et définitif en cas de non-application. C’est cette dernière option qui est proposée par le Gouvernement, au sein du présent article, via la suppression de la composante de rattrapage.

De fait, la charge budgétaire du gel des prix du gaz est désormais destinée à grever le budget de l’État, passant ainsi de certains consommateurs à l’ensemble des contribuables.

Pour les fournisseurs, l’évaluation préalable du présent article juge la mesure « neutre ». Plus exactement, la mesure est comptablement neutre mais constitue pour les fournisseurs une avance de trésorerie jusqu’en 2023 au bénéfice de l’État : ces charges seront alors compensées par le budget de l’État dans le cadre du mécanisme relatif aux charges imputables aux obligations de service public.

Pour les fournisseurs ayant moins de 300 000 clients – c’est-à-dire l’ensemble des 22 entreprises locales de distribution – un acompte sera néanmoins payé au plus tard le 30 novembre 2022, ce qui limite l’avance de trésorerie qu’ils devront assumer.

2.   Les incidences budgétaires

Pour l’État, les dispositions du présent article ne sont pas neutres. Ainsi, le coût budgétaire pour 2022 est estimé à 100 millions d’euros – ce qui correspond à l’avance de trésorerie pour les ELD – quand le coût budgétaire pour 2023 est évalué à 1,4 milliard d’euros.

Cette somme correspond à la compensation par l’État versée dans le cadre des charges de service public au sein du programme 345 Service public de l’énergie, qui ne sera pas diminuée des sommes versées par les consommateurs dans le cadre de la composante de rattrapage, supprimée ([118]).

Néanmoins, selon les termes mêmes de l’évaluation préalable du présent article, « ces évaluations sont extrêmement variables en fonction de l’évolution des prix du gaz sur les marchés. Le montant qui sera réellement dû par l’État en compensation des fournisseurs est incertain. »

Deux effets semblent toutefois de nature à compenser au moins partiellement le coût budgétaire du bouclier tarifaire sur le gaz. Le premier est lié à la baisse massive des charges de service public – du fait de l’augmentation des prix de l’énergie – payées par l’État aux fournisseurs d’énergies renouvelables pour compenser le surcoût lié à leur production. Le second est attaché à la hausse des recettes fiscales et des dividendes perçus par l’État, propriétaire de 23,6 % du capital d’Engie. Les résultats d’Engie sur l’année 2022 devraient en effet s’avérer exceptionnels, ce qui se traduira par une forte hausse des dividendes et de l’impôt sur les sociétés, à destination du budget de l’État.

*

*     *

Amendement CF67 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson. L’article 181 de la loi de finances pour 2022, portant sur certaines offres uniquement – tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) et offres indexées sur les tarifs réglementés – prévoit la possibilité pour l’État de procéder à un rattrapage pour l’aide versée du fait du gel de ces tarifs. Le rattrapage est conditionné à la baisse des prix du gaz, qui n’a pas eu lieu compte tenu de la prolongation de la crise des prix et de la guerre en Ukraine.

Ces dispositions ont été introduites afin de ne pas réduire les recettes de l’État du fait d’un rattrapage des tarifs réglementés de vente réduits, car les consommateurs auraient pu être tentés de préférer une offre fixe plus avantageuse à l’issue de la fin du bouclier tarifaire, quand le rattrapage devait s’appliquer.

L’article 12 du PLFR élargit l’aide à l’ensemble des offres, et ne prévoit plus de rattrapage. Le présent amendement vise donc à supprimer des dispositions qui n’ont plus lieu d’être.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous n’avons pas la même interprétation de l’article, qui vise à protéger les consommateurs des offres indexées TRVg afin d’éviter qu’un fournisseur soumis au blocage tarifaire des TRVg ne résilie ce type de contrat et ne le remplace par un contrat dont le prix serait plus élevé, puisque fixé en relation avec les prix du marché, comme cela a été le cas dans le secteur de l’électricité.

Supprimer ces alinéas reviendrait à supprimer la protection des consommateurs. Contrairement à ce que vous indiquez, la disposition a toujours lieu d’être puisque l’extension de la compensation aux offres à prix fixes s’appliquera aux offres conclues à compter du 1er septembre – alinéa 19 – tandis que la protection des consommateurs aux TRVg – alinéas 20 à 23 – concerne les contrats en cours au 31 août. La conjonction entre l’alinéa 19 et les alinéas 20 et 23 permet de couvrir l’ensemble des consommateurs.

Je vous propose de vous rapprocher des administrateurs de la commission pour faire le point sur l’interprétation de l’article.

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait prêt à en discuter. Des gens très compétents ont attiré mon attention sur le sujet.

L’amendement CF67 est retiré.

Amendement CF68 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de précision. L’article 12 introduit les dispositions législatives nécessaires à la prolongation du gel des TRVg pour les consommateurs jusqu’au 31 décembre 2022 en actualisant les modalités de compensation des pertes des fournisseurs de gaz qui appliquent le bouclier tarifaire auprès de leurs clients.

Le présent amendement précise que la compensation des pertes subies en 2022 est versée à compter du 15 février 2023. En effet, en l’état actuel de sa rédaction, aucune date n’est indiquée pour le versement de la compensation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avec cet amendement, la compensation ne sera pas versée du 1er janvier au 14 février 2023. Nous souhaitons qu’elle le soit sur l’ensemble de l’année. Par ailleurs, l’expression « à compter du » n’a aucune valeur contraignante : avec cette rédaction, la compensation pourrait très bien être versée en décembre 2023. Demande de retrait.

M. Charles de Courson. Le calcul de la compensation n’est pas simple. C’est pourquoi les entreprises concernées craignent que le versement n’intervienne très tardivement. Nous pouvons bien entendu revoir le dispositif ensemble, mais quand le texte passe-t-il en séance publique ?

Mme Véronique Louwagie, présidente. À partir de jeudi matin, la semaine prochaine, ce qui permet de l’amender jusqu’à lundi prochain 17 heures.

L’amendement CF68 est retiré.

La commission adopte l’article 12 non modifié.


Article 13
Déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime, pour 2022, le plafonnement des versements à EDF de certains exploitants d’installations de production d’énergies renouvelables titulaires d’un contrat de complément de rémunération.

Ces contrats, attribués en guichet ouvert ou à l’issue d’appels d’offres, visent à assurer une rémunération raisonnable des capitaux investis à travers le versement, par EDF, d’un complément de rémunération lorsque le prix de marché de l’électricité est inférieur à un tarif cible fixé par contrat. En présence de prix de marché supérieurs à ce tarif, des dispositions réglementaires et des stipulations contractuelles prévoient que l’excédent est reversé par l’exploitant dans la limite des montants perçus au titre du complément de rémunération depuis la prise d’effet du contrat.

Or, dans un contexte de prix de l’électricité extrêmement élevés, ce plafonnement conduit à attribuer aux exploitants un niveau de rémunération sans rapport avec les investissements qu’ils ont consenti. Il est donc proposé  de supprimer ce plafonnement pour l’ensemble de l’année 2022.

L’impact budgétaire positif est évalué à 2,4 milliards d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions relatives aux contrats de complément de rémunération ont été introduites par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Certaines d’entre ces dispositions ont été modifiées par l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   les objectifs de la politique énergétique

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([119]) a fixé des objectifs ambitieux en matière de développement des énergies renouvelables, et institué un outil de programmation, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), fixant des objectifs quantitatifs pour chaque filière renouvelable, en termes de capacités installées de production et de parts dans les mix énergétiques.

Les programmations pluriannuelles de l’énergie

Les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) sont des outils de pilotage de la politique énergétique créées par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Leur régime est fixé par les articles L. 141-1 à L. 141-6 du code de l’énergie.

Il existe une PPE pour la métropole continentale élaborée par le Gouvernement, et des PPE distinctes pour les zones non interconnectées (1) élaborées par le Gouvernement et les collectivités territoriales concernées (2).

La PPE métropolitaine définit, pour une durée de dix ans, les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental afin d’atteindre les objectifs de la politique énergétique définis par le législateur.

Elle se fonde sur des scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et d’efficacité énergétique.

Elle contient notamment un volet relatif au développement de l’exploitation des énergies renouvelables.

Elle est révisée au moins une fois tous les cinq ans.

 

(1) Les zones non interconnectées (ZNI) correspondent aux territoires français non reliés au réseau métropolitain continental. En raison de leur petite taille, ces réseaux présentent des contraintes spécifiques en termes de fourniture et de gestion du réseau électrique et de mix énergétique.

(2) Il existe ainsi une PPE pour la Corse, une PPE pour la Guyane, une pour La Réunion, une pour la Guadeloupe, une pour Mayotte, une pour la Martinique, une pour Saint-Pierre-et-Miquelon et une pour Wallis et Futuna.

 

Les objectifs de la politique énergétique fixés par le législateur

Depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie fixe les objectifs de la politique énergétique.

Des objectifs chiffrés sont, en particulier, fixés par l’article L. 100-4 de ce code. Depuis leur modification par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, ces objectifs sont, notamment, les suivants :

– une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ;

– une réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant les objectifs intermédiaires d’environ 7 % en 2023 et de 20 % en 2030 ;

– une réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 ;

– une part des énergies renouvelables de 33 % au moins de la consommation finale brute d’énergie en 2030, les énergies renouvelables devant représenter, à cette date, au moins 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ;

– une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ;

– une multiplication par cinq de la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2020 ;

– un développement de l’hydrogène bas-carbone et renouvelable et de ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d’atteindre enviro 20 à 40 % des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel à l’horizon 2020.

B.   les modalités du soutien aux installations de production d’énergies renouvelables

Afin d’atteindre les objectifs de la PPE en termes de pénétration des énergies renouvelables dans le mix énergétique, des mécanismes incitatifs ont été mis en place, consistant à assurer aux installations d’énergies renouvelables la rentabilité minimale nécessaire à leur déploiement.

Dans le secteur de la production d’électricité, deux dispositifs de soutien ont ainsi été créés :

– les guichets ouverts, qui ouvrent un droit à un soutien pour toute installation éligible ;

– des procédures de mise en concurrence, où les installations éligibles sont fixées par un cahier des charges et un soutien attribué aux seuls lauréats.

Au sein de ces dispositifs, le soutien peut être apporté sous deux formes :

– une obligation d’achat à un tarif fixé à l’avance et supérieur au niveau moyen du prix de marché, de manière à couvrir les coûts de l’installation tout en assurant une rentabilité normale du projet ;

– ou un complément de rémunération, consistant à verser une prime au producteur en complément de la vente de son électricité sur le marché. Cette prime est proportionnelle aux quantités d’énergie produite et égale à la différence entre un tarif de référence et un prix de marché de référence. Comme l’obligation d’achat, elle doit permettre de donner au producteur un niveau de rémunération permettant de couvrir les coûts de l’installation tout en assurant une rentabilité normale du projet.

L’obligation d’achat, comme le complément de rémunération, font l’objet de contrats d’une durée comprise entre douze et vingt ans selon la technologie et son degré de maturité.

Des arrêtés tarifaires spécifiques à chaque filière fixent les niveaux des tarifs d’achat et du complément de rémunération, ainsi que les conditions particulières applicables. Ils font l’objet de révisions régulières afin de tenir compte de l’évolution des coûts de production.

Les catégories d’installations éligibles à l’obligation d’achat

Les catégories d’installations éligibles à l’obligation d’achat en guichet ouvert sont fixées par l’article D. 314-15 du code de l’énergie, modifié en dernier lieu par un décret n° 2022-574 du 19 avril 2022.

Selon ses termes, les producteurs qui en font la demande bénéficient de l’obligation d’achat d’électricité pour les installations de production d’électricité suivantes :

– les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts ;

– les installations utilisant l’énergie solaire photovoltaïque implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute implantées sur le territoire métropolitain continental d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de matières résultant du traitement des eaux usées urbaines ou industrielles implantées sur le territoire métropolitain continental d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts ;

– les installations flottantes utilisant l’énergie mécanique du vent désignées lauréates d’un appel à projets du programme des investissements d’avenir ou d’un appel à projet européen « New Entrant Reserve » implantées sur le domaine public maritime métropolitain continental ou dans la zone économique exclusive du territoire métropolitain continental ;

– les installations utilisant l’énergie houlomotrice ou hydrocinétique désignées lauréates d’un appel à projets du programme des investissements d’avenir implantées sur le domaine public maritime du territoire métropolitain continental ou dans la zone économique exclusive du territoire métropolitain continental ;

– les installations implantées sur le territoire métropolitain continental qui valorisent l’énergie dégagée par la combustion ou l’explosion de gaz de mine d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts, à la condition qu’il s’agisse d’un gaz de récupération et que cette récupération se fasse sans intervention autre que celle rendue nécessaire par l’aspiration de ce gaz sur les vides miniers afin de maintenir ceux-ci en dépression ;

– les installations utilisant l’énergie mécanique du vent situées dans des zones particulièrement exposées au risque cyclonique et disposant d’un dispositif de prévision et de lissage de la production ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts implantées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de matières résultant du traitement des eaux usées urbaines ou industrielles d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts implantées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts implantées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

Cette liste a également inclus, par le passé :

– les installations utilisant à titre principal le biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux implantées sur le territoire métropolitain continental d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts ;

– les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une puissance installée inférieure ou égale à 300 kilowatts implantées sur le territoire métropolitain continental ;

– les installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées à terre.

 

Les catégories d’installations éligibles au complément de rémunération

Les catégories d’installations éligibles au complément de rémunération en guichet ouvert sont fixées par l’article D. 314-23 du code de l’énergie, modifié en dernier lieu par un décret n° 2022-707 du 27 avril 2022.

Selon ses termes, les producteurs qui en font la demande bénéficient du complément de rémunération pour les installations de production d’électricité implantées sur le territoire métropolitain continental suivantes :

– les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement d’une puissance installée strictement inférieure à 1 mégawatt ;

– les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de matières résultant du traitement des eaux usées urbaines ou industrielles d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ;

– les installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées à terre ne possédant aucun aérogénérateur de puissance nominale supérieure à 3 mégawatts et dans la limite de six aérogénérateurs et soumises à des contraintes aéronautiques limitant la hauteur ou contrôlées par des personnes physiques ou des collectivités ou leurs groupements.

De plus, comme prévu par l’article D. 314-23-1, les producteurs dont le contrat d’achat est arrivé à échéance peuvent bénéficier d’un contrat de complément de rémunération pour les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement d’une puissance installée strictement inférieure à 1 mégawatt sur le territoire métropolitain continental, sous réserve de leur engagement à réaliser un programme d’investissement.

Cette liste a également inclus, par le passé :

– les installations utilisant à titre principal le biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ;

– les installations utilisant à titre principal l’énergie extraite de gîtes géothermiques ;

– les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une puissance installée strictement inférieure à 1 mégawatt ;

– les installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par traitement thermique de déchets ménagers.

La loi précise que les contrats de complément de rémunération sont des contrats administratifs ([120]).

Ceux conclus à l’issue d’une procédure de mise en concurrence sont régis par les articles L. 311-12 et suivants du code de l’énergie. Les conditions des appels d’offres sont définies par le ministre chargé de l’énergie, et les appels d’offres conduits par la Commission de régulation de l’énergie.

Ceux conclus en guichet ouvert sont régis par les articles L. 314-18 et suivants du même code.

Les contrats de complément de rémunération sont conclus entre Électricité de France (EDF) et les producteurs. EDF verse le complément et reçoit à ce titre une compensation de la part de l’État dans le cadre des charges de service public de l’électricité.

Les conditions du complément de rémunération attribué en guichet ouvert sont fixées en tenant compte notamment :

– des investissements et des charges d’exploitation d’installations performantes, représentatives de chaque filière ;

– du coût d’intégration de l’installation dans le système électrique ;

– des recettes de l’installation ;

– de l’impact de ces installations sur les objectifs de la politique énergétique ;

– des cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de l’électricité produite.

La loi précise que le niveau du complément de rémunération ne peut conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l’installation et des aides financières ou fiscales, excède une rémunération raisonnable, compte tenu des risques inhérents à ces activités. Le bénéfice du complément de rémunération peut, à cette fin, être subordonné à la renonciation, par le producteur, à certaines de ces aides financières ou fiscales. Les conditions de ce complément font l’objet d’une révision périodique afin de tenir compte de l’évolution du coût des installations en bénéficiant ([121]).

Les installations soutenues peuvent faire l’objet de contrôles ([122]).

C.   la hausse des prix de l’électricité et ses conséquences

1.   La hausse des prix de l’électricité

Les prix de marché de l’électricité se sont envolés depuis le début de l’année 2020.

Alors que le prix moyen de l’électricité en France était de 37,97 euros par mégawattheure en janvier 2020, il était de 59,47 euros par mégawattheure en janvier 2021, 78,31 euros par mégawattheure en juillet de la même année, évolution qui constituait déjà une augmentation de plus du double en un an et demi.

La hausse s’est néanmoins poursuivie, les prix atteignant 135,30 euros par mégawattheure en septembre 2021, 172,54 euros en octobre 2021 et 274,51 euros en décembre 2021 ([123]).

Selon RTE, ce prix s’élevait, le 7 juillet 2022, à 430,16 euros par mégawattheure ([124]).

2.   Les mesures prises relatives aux contrats de complément de rémunération

L’hypothèse d’un prix de marché de l’électricité supérieur au tarif de référence fixé par les contrats de complément de rémunération n’avait pas été ignorée par les pouvoirs publics. L’ampleur exceptionnelle de la hausse des prix de l’électricité, et leur niveau actuel ainsi atteint, n’avaient toutefois pas été envisagés.

S’agissant des contrats de complément de rémunération en guichet ouvert, l’article R. 314-49 du code de l’énergie prévoyait, jusqu’à une date récente, que dans le cas où la prime s’avérait négative, le producteur était redevable à EDF de cette somme dans la limite des montants totaux perçus depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération.

Les cahiers des charges des compléments de rémunération attribués à l’issue d’appels d’offres contiennent, selon l’évaluation préalable du présent article, des stipulations comparables.

Il découle du niveau désormais atteint par les prix de marché de l’électricité que le plafonnement des versements des producteurs à EDF aux montants perçus au titre du complément de rémunération entraîne un très fort effet d’aubaine pour les exploitants, qui n’auraient pas pu investir dans les installations qu’ils possèdent sans le soutien de l’État, et alors que les contrats de complément de rémunération visaient précisément à assurer une rémunération raisonnable des investissements consentis.

En outre, selon l’évaluation préalable, « la plupart de ces contrats prévoient un mécanisme de report, les sommes excédant le niveau du plafond [c’est-à-dire le montant total perçu depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération] étant déduites des compensations de complément de rémunération lorsque les prix de marché redeviennent inférieurs au tarif de référence ». Pour la plupart des co-contractants d’EDF bénéficiaires d’un complément de rémunération, il n’a donc jamais été question que ces sommes soient acquises.

L’article R. 314-49 du code de l’énergie a été modifié par un décret du 17 décembre 2021 ([125]), qui a supprimé ce plafonnement. Comme le précise EDF OA ([126]) sur son site internet, reproduisant l’instruction de la direction générale de l’énergie et du climat, cette modification « s’applique aux contrats dont la date de prise d’effet intervient à compter de l’entrée en vigueur dudit décret, soit le 20 décembre 2021 » ([127]).

L’évaluation préalable précise, de plus, que « le ministère chargé de l’énergie a donné, à titre conservatoire, l’instruction à EDF-OA de suspendre l’application du plafonnement entre le 1er avril 2022 et le 31 décembre 2022 ».

II.   les dispositions de l’article

Le présent article prévoit, pour les contrats de complément de rémunération – que ces derniers soient conclus à l’issue d’un appel d’offres ou en guichet ouvert – que dans le cas où la prime à l’énergie mensuelle est négative, le producteur dont le contrat stipule qu’il est redevable de cette somme dans la limite des montants totaux perçus au titre du complément de rémunération, est redevable de l’intégralité de cette somme pour l’énergie produite entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022 inclus.

En somme, il supprime le plafonnement pour les contrats de complément de rémunération en cours, afin que, dans un contexte de prix de l’électricité extrêmement élevé, l’intégralité des montants résultant de l’écart entre le prix du marché et le tarif de référence dont bénéficient actuellement les producteurs d’énergies renouvelables, soit restituée à la collectivité.

Il s’agit de mettre fin à un effet d’aubaine non prévu au moment de la conclusion de ces contrats, que les mécanismes de report en vigueur consistant à déduire des compléments de rémunération futurs les sommes excédant ce plafonnement pourraient ne pas suffire à absorber, du moins dans un futur proche.

III.   L’impact budgÉtaire et Économique

L’évaluation préalable annexée au projet de loi chiffre les recettes publiques générées par cette mesure à 2,4 milliards d’euros pour 2022.

*

*     *

La commission adopte l’article 13 non modifié.

Mission Relations avec les collectivités territoriales

Article 14
Majoration exceptionnelle en 2022 de la dotation pour les titres sécurisés

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article crée une majoration exceptionnelle de 10 millions d’euros de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) inscrite sur le programme 119 de la mission Relations avec les collectivités territoriales, et en prévoit les modalités de répartition.

Dernières modifications intervenues

La loi de finances pour 2009 a institué la DTS en faveur des communes équipées d’une ou plusieurs stations d’enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d’identité électroniques.

La loi de finances pour 2018 a revalorisé le montant forfaitaire attribué aux communes par an et par station à 8 580 euros, et prévoit une majoration pour les stations dont le taux d’utilisation dépasse 50 %.

La loi de finances pour 2022 a prévu 49 millions d’euros pour la DTS sur le programme 119.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   état du droit

Les demandes de titres d’identité (passeports et cartes nationales d’identité) s’appuient sur des dispositifs de recueil situés principalement dans les mairies.

La dotation pour les titres sécurisés (DTS) a pour objet d’indemniser les communes assurant une mission d’accueil des personnes sollicitant un titre d’identité sécurisé, c’est-à-dire un passeport biométrique ou une carte nationale d’identité. Sont éligibles les communes équipées d’une ou plusieurs stations d’enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales, c’est-à-dire un poste informatique en mairie qui permet l’enregistrement des demandes ([128]). Une fois les demandes enregistrées en mairie, la mission d’instruction des dossiers reste de la compétence de l’État (agents des préfectures).

La dotation a un montant fixe de 8 580 euros par station en fonctionnement dans la commune au 1er janvier de l’année en cours. Ce montant correspond au coût réel moyen estimé de fonctionnement de chaque station d’enregistrement.

En 2021, 2 345 communes étaient éligibles dans lesquelles sont installées 4 108 stations réputées en fonctionnement au 1er janvier 2021 ([129]) .

Stations installées par communes au 1er janvier 2021

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2022\Admin\BA\Carte bornes 1er janvier.bmp

Source : données DGCL, logiciel Observatoire des territoires, réalisation commission des finances.

Note : les deux communes comportant le plus de dispositifs de recueil sont Paris (122) et Marseille (57).

Note : l’écart sur le nombre de communes éligibles résulte du retraitement des données pour réaliser la carte.

Le montant par commune est majoré de 3 550 euros pour chaque station ayant enregistré plus de 1 875 demandes au cours de l’année précédente, ce qui correspond à un taux d’utilisation estimé de 50 % (d’après l’évaluation préalable, une capacité complète est considérée atteinte avec 16 demandes par jour ouvré, pour un temps de traitement de 30 minutes par demande).

La DTS est inscrite sur le programme 119 Concours financiers aux collectivités et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT). Elle fait l’objet d’une exécution équivalente en AE et en CP.

La loi de finances pour 2020 en a majoré le montant de 6 millions d’euros par rapport à 2019 afin de couvrir le coût du déploiement de nouvelles stations d’enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales dans les communes.

Montant de la DTS

(en millions d’euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

18 (prévision)

18 (exécution)

40 (prévision)

39 (exécution)

40 (prévision)

43 (exécution)

46 (prévision)

45 (exécution)

46 (prévision)

40 (exécution)

49 (prévision)

Source : documents budgétaires et évaluation préalable du présent article.

Note : en 2019, la DTS a bénéficié d’un abondement supplémentaire en gestion de 3,4 millions d’euros en provenance de la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID).

La moindre exécution par rapport à la prévision en 2021 est liée à la très forte baisse de communes éligibles à la majoration, en lien avec la chute de l’affluence induite par la crise sanitaire (la majoration est calculée par rapport aux demandes enregistrées l’année précédente, soit 2020 en l’espèce). Ainsi, selon l’évaluation préalable, en 2020, la majoration a été attribuée à 1 538 communes, pour un montant de 9,8 millions d’euros, soit 22 % du total de la dotation. Or, d’après les données transmises au Rapporteur général par le Gouvernement, la majoration de 3 550 euros n’a été versée en 2021 qu’à 821 communes (pour 1 357 stations, pour un montant de 4,8 millions d’euros, soit 12 % de la dotation totale)

 

Stations majorées par communes en 2021

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2022\Admin\BA\Carte majoration.bmp

Source : données DGCL, logiciel Observatoire des territoires, réalisation commission des finances.

Note : les stations majorées en 2021 sont celles qui ont connu un taux d’utilisation supérieur à 50 % en 2020.

Note : l’écart sur le nombre de communes majorées résulte du retraitement des données pour réaliser la carte.

 

Pour 2022, l’évaluation préalable du présent PLFR rappelle que le montant global de la DTS est porté à 49 millions d’euros, sur la base d’une estimation de 130 stations supplémentaires en 2022.

Les montants par commune sont publiés par arrêté pris au mois d’août, qui vaut notification aux collectivités concernées ([130]).

II.   Dispositif proposé

Le présent PLFR majore de 10 millions d’euros en 2022 le montant de la DTS inscrite sur le programme 119, ce qui en porterait donc le montant en 2022 à 59 millions d’euros. La DTS porte ainsi une aide exceptionnelle de 10 millions d’euros annoncée à l’issue du Conseil des ministres du 4 mai 2022 pour accompagner, face à la progression au début de l’année 2022 des demandes de titres (exposé des motifs du présent article), les communes « qui se mobiliseront dans cet effort collectif, notamment par la prise en charge de dispositifs de recueil supplémentaires et l’augmentation des créneaux de rendez-vous ». Cette progression des demandes résulte de la levée des restrictions sanitaires de déplacement et au déploiement de la nouvelle carte d’identité (voir infra).

Le présent article rattaché à la mission budgétaire RCT prévoit les modalités de répartition de cette majoration exceptionnelle de 10 millions d’euros.

La majoration est divisée en deux parts.

Une première part forfaitaire de 4 000 euros est attribuée à chaque commune pour chaque nouvelle station qu’elle installe à titre provisoire ou définitif entre le 1er avril 2022 et le 31 juillet 2022 inclus. Cette part permet d’accompagner les communes qui acceptent l’installation de nouveaux dispositifs de recueil, temporaires ou permanents.

Une seconde part correspond au reliquat de la majoration exceptionnelle après répartition de la première part. Cette seconde part est répartie entre les communes équipées d’au moins une station d’accueil en fonctionnement au 1er janvier 2022 :

– soit dont le taux d’utilisation entre le 1er avril 2022 et le 31 juillet 2022 est supérieur d’au moins 40 % par rapport à celui constaté sur l’ensemble de l’année 2021 ;

– soit dont le taux d’utilisation entre le 1er avril 2022 et le 31 juillet 2022 est strictement supérieur à 90 %.

L’exposé des motifs précise que le taux d’utilisation est calculé par référence à un taux de 100 % correspondant à un nombre de 3 750 demandes par an.

Le montant au titre de la seconde part est égal au rapport entre le reliquat et le nombre de stations remplissant l’une de ces conditions.

La seconde part permet de soutenir les communes dont l’effort de réduction des délais de prise de rendez-vous « se concentre dans la période critique de 2022 » (exposé des motifs) et celles dont le taux d’utilisation des dispositifs de recueil est déjà élevé et qui le maintiennent ou le font progresser au cours de l’année 2022. La « période critique » a été ainsi définie pour deux raisons. En premier lieu, la date du 1er avril représente, en moyenne, la date à laquelle les difficultés en termes de délais de rendez‑vous ont commencé à se manifester. En second lieu, elle permet d’éviter un « contre effet d’aubaine » et de ne pas pénaliser les communes qui ont demandé de nouveaux dispositifs de recueil avant l’annonce du plan d’urgence en conseil des ministres le 4 mai. Les bornes du 1er avril et du 31 juillet permettent ainsi de fixer une période de 4 mois pendant laquelle l’État soutient les communes qui engagent des moyens pour un retour à la normale des délais de rendez‑vous des demandes.

III.   L’impact économique et budgÉtaire

Les demandes de délivrance de cartes d’identité et de passeports augmentent de manière inédite sous l’effet conjoint de la réouverture des frontières, de l’approche de la période estivale et de l’attrait de la nouvelle carte nationale d’identité. Celle‑ci est entrée en vigueur le 2 août 2021, est au format bancaire (donc plus petite que l’ancienne) et contient un cachet électronique visuel (CEV) signé par l’État qui la rend hautement sécurisée et contribue à la lutte contre la fraude et l’usurpation d’identité ([131]).

Il a résulté de l’augmentation récente des demandes une augmentation corrélative des délais de délivrance des documents d’identité. En avril 2022, le délai national moyen de prise de rendez‑vous en mairie était de 65 jours, contre 27 jours en janvier 2022 et 11,5 jours en avril 2021 (site internet du ministère de l’Intérieur). Dans certains départements, les délais d’attente dépassent 100 jours.

Pour faire face à cet accroissement des demandes, le Gouvernement, en lien avec l’Association des maires de France – AMF, a engagé un plan d’urgence pour permettre un retour rapide à la normale. Il a été annoncé par la communication du 4 mai dernier en conseil des ministres. Il se matérialise par l’abondement de 10 millions d’euros de la DTS prévu par le présent PLFR, et par les initiatives locales des préfets qui accompagnent les communes dans le déploiement de nouvelles stations et l’optimisation de leurs services des titres via :

– la priorisation des pré‑demandes en lignes sur le site Internet de l’ANTS, qui raccourcissent le temps de passage en mairie ;

– la priorisation des demandes les plus urgentes (motifs de départ à l’étranger imprévisibles ou professionnels, Français qui ne disposent plus de titre d’identité) ;

– l’installation de dispositifs d’accueil dans les maisons France Services (183 communes identifiées selon le ministère de l’Intérieur).

Le ministère de l’Intérieur a en outre renforcé les agents qui se consacrent à la mission d’instruction des demandes en préfecture (hausse de 30 % des effectifs depuis le début de l’année 2022, 160 nouveaux agents).

L’abondement exceptionnel de la DTS mis en œuvre par le présent article permettra aux communes bénéficiaires notamment de renforcer leurs capacités d’accueil, et notamment de recruter des agents vacataires pour faire face à la progression des demandes des usagers. Ce dispositif permettra de soutenir les efforts des communes dès 2022, avec une mise en œuvre « à l’automne » (évaluation préalable).

*

*     *

La commission adopte l’article 14 non modifié.


Missions Cohésion des territoires, Immigration, asile et intégration, Justice, Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 15
Attribution d’un complément de traitement indiciaire aux soignants
et personnels socio-éducatifs de la fonction publique
exerçant en établissements et services sociaux et médico-sociaux

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend éligibles au complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros net, instauré dans le cadre du Ségur de la santé, de nouvelles catégories de personnels des trois fonctions publiques : des personnels assurant à titre principal des fonctions d’accompagnement socio-éducatif dans certaines catégories d’établissements et services sociaux et médico-sociaux, ou exerçant des missions d’aide à domicile auprès des personnes âgées ou handicapées, ainsi que des personnels soignants exerçant dans des structures des collectivités territoriales qui n’avaient pas été visées par les mesures de revalorisation du Ségur.

Pour les nouveaux bénéficiaires, les primes d’un montant équivalent au CTI instaurées par des décrets du 28 avril 2022 seront transformées en CTI et intégrées dans le calcul de la retraite, avec effet rétroactif au 1er avril 2022.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a instauré le CTI pour les personnels non médicaux des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Les articles 42 et 43 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 ont rendu éligibles au CTI différentes catégories de personnels non médicaux du secteur social et médico-social.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté cet article sans modification.

A.   L’État du droit

1.   Les revalorisations salariales du Ségur de la santé, attribuées aux personnels non médicaux des établissements de santé, des EHPAD et du secteur social et médico-social

a.   La LFSS pour 2021 a établi un complément de rémunération pour les personnels non médicaux des établissements publics de santé et des EHPAD

L’accord du Ségur de la santé du 13 juillet 2020, négocié avec les organisations syndicales, a instauré un complément de rémunération de 183 euros net par mois, à compter du 1er septembre 2020, au bénéfice des personnels non médicaux affectés dans les établissements publics de santé (EPS) et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Pour les fonctionnaires, cette revalorisation a pris la forme d’un complément de traitement indiciaire (CTI). Dispositif sui generis, consistant à attribuer une indemnité exprimée sous la forme de points d’indice, ce CTI ne connaissait pas, jusqu’alors, d’équivalent dans la fonction publique. Destiné à favoriser l’attractivité dans l’ensemble des emplois des établissements y ouvrant droit, le CTI se distingue en particulier de la nouvelle bonification indiciaire, attribuée de façon distincte aux agents afin de valoriser la responsabilité ou la technicité particulière de l’emploi dans lequel ils sont affectés.

Pour les agents contractuels, dont la rémunération n’est pas calculée sous forme de points d’indice, la revalorisation a été accordée au moyen d’un complément de salaire de montant équivalent au CTI.

Ces mesures ont trouvé une première traduction juridique par un décret du 19 septembre 2020 ([132]), fixant les grands principes du complément indiciaire : une attribution aux fonctionnaires comme aux contractuels, un versement mensuel à terme échu et réduit, le cas échéant, dans les mêmes proportions que le traitement, un montant exclu de l’assiette de tout autre élément de rémunération. Ce premier décret ne concernait cependant que la fonction publique hospitalière et pas les personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et ne permettait pas de tirer les conséquences de la revalorisation sur les droits à pension.

● L’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 ([133]) a donc donné un fondement législatif au complément de traitement indiciaire, avec application rétroactive au 1er septembre 2020.

Le I de cet article a attribué le CTI aux personnels non médicaux exerçant au sein des établissements publics de santé, des groupements de coopération sanitaire et des EHPAD, ainsi que des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des invalides.

Les bénéficiaires sont donc les personnels paramédicaux – principalement les infirmiers en soins généraux, les infirmiers spécialisés, les aides-soignants – ainsi que les cadres de santé, et les personnels administratifs et techniques.

Le complément de rémunération est applicable quel que soit le statut de ces personnels : fonctionnaires, militaires, agents contractuels de droit public, ouvriers des établissements industriels de l’État au sein des hôpitaux des armées.

Les professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens) ainsi que les personnels médicaux en formation (dont les internes des hôpitaux des armées et élèves des écoles du service de santé des armées) ont été expressément exclus du champ du CTI. Ils bénéficient en effet d’autres mesures salariales importantes du Ségur de la santé, comme la revalorisation de l’indemnité d’engagement de service public exclusif (IESPE) portée à 1 010 euros brut mensuels, ou des modifications des grilles de rémunération des praticiens hospitaliers.

Les II et III de ce même article 48 définissent les conditions de prise en compte du complément de rémunération dans le calcul de la retraite.

b.   La LFSS pour 2022 a étendu ce complément de rémunération aux personnels non médicaux du secteur social et médico-social

Dès l’origine, l’accord du Ségur de la santé prévoyait la poursuite des discussions afin de traiter le cas des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). Au-delà de la nécessaire reconnaissance du travail de ces professionnels, il s’agissait d’apporter une réponse aux tensions de recrutement dans un secteur rendu, de fait, moins attractif que les professions bénéficiaires de l’accord du Ségur.

À la suite d’une mission conduite par Michel Laforcade, une extension du bénéfice du CTI aux agents et salariés des ESMS a été prévue par trois accords conclus entre le Gouvernement et les partenaires sociaux les 11 février et 28 mai 2021.

Deux des mesures d’extension prévues par ces accords requerraient une intervention du législateur :

– l’extension du CTI, à compter de juin 2021, aux personnels non médicaux des ESMS rattachés à un établissement public de santé ou à un EHPAD ;

– l’extension du CTI, à compter d’octobre 2021, aux agents publics exerçant en tant que personnels soignants, aides médico-psychologiques (AMP), auxiliaires de vie sociale (AVS) et accompagnants éducatifs et sociaux (AES) des établissements et services médico-sociaux publics autonomes, c’est-à-dire non rattachés à un établissement de santé ou à un EHPAD, et financés pour tout ou partie par l’assurance maladie. Il s’agit notamment des structures prenant en charge des personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, ne nécessitait pas de disposition législative le versement, à compter de janvier 2022, d’un complément de rémunération équivalent au CTI aux professions paramédicales des établissements du secteur privé non-lucratif pour personnes handicapées et des services de soins infirmiers à domicile ne relevant pas de la branche de l’aide à domicile.

● En conséquence, l’article 42 de la LFSS pour 2022 a modifié l’article 48 de la LFSS pour 2021 afin d’élargir rétroactivement le périmètre des bénéficiaires du CTI à ces nouvelles catégories d’agents.

En premier lieu, il a complété, dans un A du I de l’article 48 de la LFSS pour 2021, la liste des établissements et des services dont les agents publics, titulaires ou contractuels, peuvent bénéficier du CTI ou d’une indemnité équivalente, en y ajoutant, à compter du 1er juin 2021, les ESMS rattachés à un établissement public de santé ou un EHPAD de la fonction publique hospitalière, à certains groupements d’intérêt public (GIP) ou à des groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) comprenant un ou plusieurs EHPAD de la fonction publique hospitalière, ainsi que les établissements expérimentaux financés par l’assurance maladie qui accueillent des personnes âgées.

En outre, dans un B du I de l’article 48 de la LFSS pour 2021, il a étendu le bénéfice du CTI, dans des conditions déterminées par décret, à partir du 1er octobre 2021, aux agents publics, titulaires ou contractuels, exerçant les fonctions d’aides-soignants, d’infirmiers, de cadres de santé de la filière infirmière et de la filière de rééducation, de masseurs-kinésithérapeutes, de pédicures-podologues, d’orthophonistes, d’orthoptistes, d’ergothérapeutes, d’audioprothésistes, de psychomotriciens, d’auxiliaires de puériculture, de diététiciens, d’aides médico-psychologiques, d’auxiliaires de vie sociale ou d’accompagnants éducatifs et sociaux au sein :

– des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) aux personnes âgées et aux personnes handicapées ;

– des établissements et services médico-sociaux, non rattachés à un établissement de santé ou à un EHPAD, prenant en charge des personnes en situation de handicap et financés en tout ou partie par l’assurance maladie ;

– des établissements et services qui assurent l’accueil et l’accompagnement de personnes confrontées à des addictions, tels que les lits halte soins santé, les lits d’accueil médicalisés ou encore les appartements de coordination thérapeutique.

Enfin, dans un D du I de l’article 48 de la LFSS pour 2021, le CTI a été étendu, à compter du 1er septembre 2021, aux agents de la fonction publique hospitalière lorsqu’ils suivent des études favorisant la promotion professionnelle et préparant aux diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social.

● De manière distincte, l’article 43 de la LFSS pour 2022 a prévu d’étendre le CTI, à compter du 1er novembre 2021, aux mêmes catégories de personnels ([134]) travaillant dans des ESMS accueillant des personnes handicapées et financés par les départements, y compris les structures à caractère expérimental.

c.   Des coûts entièrement pris en charge par la sécurité sociale

● L’attribution du CTI aux personnels non médicaux des établissements de santé et des EHPAD a concerné 1,2 million de professionnels ([135]) exerçant dans des établissements directement financés par les branches maladie et dépendance de la sécurité sociale.

Le coût des revalorisations est estimé à environ 5 milliards d’euros en année pleine, dont 3,7 milliards d’euros pour les personnels du secteur public directement visés par la version initiale de l’article 48 de la LFSS pour 2021. Il s’agit donc d’une part importante du coût total de l’ensemble du volet salarial du premier volet du Ségur de la santé, qui comprenait également 3,2 milliards d’euros de mesures distinctes de revalorisation pour les personnels médicaux.

Outre la prise en charge directe par l’assurance maladie des dépenses des établissements de santé, il convient de souligner que le IV de cet article 48 a modifié l’article L. 314‑2 du code de l’action sociale et des familles, relatif à la tarification des services des EHPAD, afin que les revalorisations salariales des personnels relevant normalement des sections dépendance et hébergement soient prises en charge par le « forfait soin ». Entièrement financées par la branche autonomie, ces revalorisations n’ont pas augmenté les dépenses des départements, ni le reste à charge des résidents d’EHPAD.

L’extension des accords du Ségur de la santé au secteur médico-social devait représenter un effort supplémentaire de plus de 600 millions d’euros par an, selon la décomposition suivante :

– le coût des extensions opérées par l’article 42 de la LFSS pour 2022 était estimé à près de 68 millions d’euros en 2021 et à 140,5 millions d’euros en année pleine pour la sécurité sociale, dont :

- 98,5 millions d’euros pour les agents exerçant dans un ESMS rattaché à un établissement de santé ou à un EHPAD ;

- 42 millions d’euros au titre des 18 500 agents paramédicaux des autres établissements publics financés par l’assurance maladie dont les SSIAD et ESMS autonomes pour personnes handicapées.

– la prise en compte des EHPAD financés par les départements, par application de l’article 43 de la LFSS pour 2022, a eu pour effet d’étendre le CTI à environ 20 000 soignants pour un coût annuel de 120 millions d’euros. Cependant, il ne devait en résulter aucune charge pour les départements, puisque le II de cet article 43 dispose que le coût des revalorisations fait l’objet d’un financement versé aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont les modalités ont été précisées par décret ([136]) .

– s’y ajoutent enfin les coûts de l’attribution d’un complément de rémunération comparable au CTI aux agents paramédicaux des établissements du secteur privé non lucratif et lucratif pour personnes handicapées, ainsi que des SSIAD ne relevant pas de la branche de l’aide à domicile, qui n’ont pas appelé de déclinaison législative. Ces dépenses étaient estimées à 360 millions d’euros en année pleine, pour environ 64 000 professionnels.

2.   L’extension en cours du complément de rémunération à de nouveaux personnels du secteur sanitaire, médico-social et social

● Lors de la Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022, le Premier ministre et le président de l’Assemblée des départements de France ont annoncé un plan de revalorisation des métiers de la filière socio-éducative du secteur sanitaire, médico-social et social.

Outre une modernisation du cadre conventionnel de branche, ainsi que des mesures en matière de formation, de validation des acquis de l’expérience et d’amélioration de la qualité de vie au travail, ce plan comprend l’extension du complément de rémunération de 183 euros net par mois pour les professionnels de l’accompagnement des personnes dans les différents secteurs de l’intervention sociale (protection de l’enfance, handicap, autonomie, hébergement, insertion, etc.), soit environ 170 000 équivalent temps plein de la fonction publique et du secteur privé non-lucratif.

Il s’agit de personnels administratifs et techniques et de certaines catégories de soignants ou de personnels médico-sociaux professionnels éducatifs et sociaux : éducateurs spécialisés ou techniques, encadrants éducatifs de nuit, éducateurs de jeunes enfants, moniteurs éducateurs, moniteurs d’atelier, chefs d’atelier, moniteurs de jardin d’enfants, moniteurs d’enseignement ménager, techniciens de l’intervention sociale et familiale, conseillers en économie sociale et familiale, psychologues, cadres de service éducatif et social, paramédical, chefs de service éducatif, pédagogique, social et paramédical…

● Par ailleurs, le bénéfice du complément de rémunération a été étendu aux personnels soignants exerçant dans des structures sociales et médico-sociales qui n’avaient pas été prises en compte par les dernières modifications apportées à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, en particulier des services et établissements financés par les seules collectivités territoriales.

● Une première mise en œuvre résulte de trois décrets du 28 avril 2022, qui ont prévu le versement d’une prime de revalorisation de montant équivalent au CTI aux agents titulaires ou contractuels exerçant au sein de services et établissements sociaux et médico-sociaux de la fonction publique territoriale ([137]), de la fonction publique hospitalière ([138]) et de la fonction publique d’État ([139]).

Conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, l’attribution obligatoire du complément de rémunération aux agents territoriaux ne peut résulter d’une mesure réglementaire mais relève du domaine de loi. En conséquence le décret du 28 avril 2022 relatif aux personnels de la fonction publique territoriale a rendu cette attribution facultative : elle est subordonnée à une décision de l’organe délibérant de la collectivité, principalement les départements, permettant à l’autorité territoriale d’arrêter la liste des bénéficiaires au regard des critères d’attribution retenus ([140]).

Chacun des trois décrets prévoit une application, avec effet rétroactif, aux rémunérations dues à compter du mois d’avril 2022.

De la même manière que pour le décret, déjà mentionné, du 19 septembre 2020 relatif au versement d’un complément de traitement indiciaire à certains agents publics, une disposition législative est désormais requise afin de tirer les conséquences de cette revalorisation sur les droits à pension. En outre, seule la loi peut en systématiser l’attribution aux agents des collectivités territoriales.

● Concernant le secteur privé non-lucratif, un complément de rémunération équivalent au CTI a été défini par un accord des partenaires sociaux de la branche des activités sanitaires, sociales et médico-sociales à but non lucratif (BASSMS), signé le 2 mai 2022 ([141]).

Cet accord prévoit le versement, à compter du 1er avril 2022, d’une indemnité mensuelle d’un montant de 238 euros brut par mois, équivalent aux 183 euros net du CTI pour le secteur public.

Conformément à l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles, cet accord est applicable à l’ensemble des employeurs du secteur privé non-lucratif à la suite de son agrément par un arrêté du 17 juin 2022 du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ([142]) .

B.   Le dispositif proposÉ

1.   Une rédaction consolidée de l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

Le présent article modifie l’article 48 de la LFSS pour 2021 relatif au CTI pour y rendre éligibles de nouvelles catégories de personnels sur un périmètre élargi d’établissements sociaux et médico-sociaux.

Pour les nouveaux bénéficiaires, les primes instaurées par les décrets du 28 avril 2022, déjà mentionnés, sont ainsi transformées en complément de traitement indiciaire, intégré dans le calcul de la retraite, avec effet rétroactif au 1er avril 2022.

Le 1° du A du I du présent article modifie le I de l’article 48 précité pour y compléter le B relatif aux personnels soignants des ESMS rendus éligibles au CTI par la LFSS pour 2022, et y ajouter un C, relatif aux personnels de l’accompagnement socio-éducatif ainsi qu’un D, relatif à certains personnels de l’aide à domicile.

a.   Les personnels soignants exerçant dans des structures sociales et médico-sociales qui n’avaient pas bénéficié des revalorisations du Ségur de la santé

En premier lieu, la nouvelle rédaction du B du I de l’article 48 de la LFSS pour 2021 étend la liste des établissements sociaux et médico-sociaux dont les personnels soignants sont éligibles au CTI.

À cette fin, les 1° à 5° actuels du B du I de l’article 48 sont remplacés par treize nouveaux items.

● Alors que les 1° et 5° dans leur rédaction actuelle rendent éligibles au CTI les personnels soignants des services et soins infirmiers à domiciles (SSIAD), des ESMS destinés aux personnes âgées, des ESMS pour personnes handicapées financés par la sécurité sociale ainsi que de certaines structures assurant l’accueil et l’accompagnement de personnes confrontées à des addictions, le nouveau 1° de ce B vise désormais l’ensemble des ESMS définis par l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF).

Seuls en sont exceptés les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), dans la mesure où ils sont visés spécifiquement par l’ajout d’un D au I de l’article 48 de la LFSS pour 2021 (voir infra).

La suppression des restrictions actuelles étend ainsi l’éligibilité à d’autres structures mentionnées par l’article L. 312-1 du CASF, par exemple les services d’accueil en urgence des personnes en détresse, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ainsi que les services mettant en œuvre des mesures de protection des majeurs.

La nouvelle rédaction supprime en outre la distinction existante entre établissements accueillant les personnes handicapées selon qu’ils sont financés par la sécurité sociale ([143]) ou exclusivement par les départements. Alors que les premiers étaient seuls visés par le B de l’article 48 de la LFSS pour 2021 tel que modifié par l’article 42 de la LFSS pour 2022, et que les seconds avaient été rendus éligibles de façon distincte par le I de l’article 43 de la même LFSS pour 2022, la nouvelle rédaction consolidée permet de couvrir l’ensemble des établissements accueillant des personnes handicapées.

Les autres items du B de l’article 48 mentionnent directement des services ne relevant pas des ESMS listés par l’article L. 312-1 du CASF. Il s’agit :

– au 2° du B, des équipes mobiles chargées d’aller au contact des personnes sans abri ainsi que des accueils de jour des dispositifs de veille sociale mise en place, dans chaque département, sous l’autorité du représentant de l’État, prévus par l’article L. 345-2 du CASF ;

– au 3° du B, de l’accompagnement social personnalisé prévu par l’article L. 271-1 du CASF pour « toute personne majeure qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » ;

– Au 4° du B, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale pour personnes sans abri, mentionnés à l’article L. 345-2-2 du CASF ;

– au 5° du B, des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse de l’article L. 241-1 du code de la justice pénale des mineurs ;

– au 6° du B, des services pénitentiaires d’insertion et de probation mentionnés à l’article 712-1 du code de procédure pénale ;

– au 7° du B, des services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI) mentionnés au 3° de l’article L. 123-1 du CASF ;

– aux 8° et 9° du B, des établissements d’information, de consultation ou de conseil familial et des centres de santé sexuelle, mentionnés respectivement au 1° et au 2° de l’article L. 2311-6 du code de la santé publique ;

– aux 10°, 11° et 12° du B, respectivement, des centres de lutte contre la tuberculose relevant du département, définis à l’article L. 3112-2 du code de la santé publique, des centres de vaccination mentionnés à l’article L. 3111-11 du même code, ainsi que des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) définis à l’article L. 3121-2 du même code ;

– au 13° du B, des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance mentionnés au 2° de l’article L. 123-1 du CASF.

Par coordination avec l’extension du CTI aux services départementaux de PMI, le premier alinéa du B est en outre modifié afin d’ajouter les puéricultrices à la liste des personnels soignants éligibles.

b.   Les personnels assurant à titre principal des fonctions d’accompagnement socio-éducatif et les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile

● L’insertion d’un nouveau C au I de l’article 48 de la LFSS pour 2021 permet de rendre éligibles au CTI les agents publics exerçant des fonctions d’accompagnement socio-éducatif. Les personnels éligibles doivent en outre exercer ces fonctions d’accompagnement socio-éducatif « à titre principal ».

Ces agents doivent relever de corps, cadres d’emplois ou spécialités précisés par décret. Les catégories retenues devraient être celles mentionnées dans les décrets du 28 avril 2022.

Il s’agit :

pour les personnels relevant de la fonction publique territoriale : des conseillers territoriaux socio-éducatifs, des assistants territoriaux socio-éducatifs, des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, des moniteurs-éducateurs et intervenants familiaux territoriaux, des agents sociaux territoriaux, des psychologues territoriaux, des animateurs territoriaux et des adjoints territoriaux d’animation ([144]) ;

– pour les personnels relevant de la fonction publique hospitalière exerçant au sein des ESMS : des corps des conseillers en économie sociale et familiale, des éducateurs techniques spécialisés, des éducateurs de jeunes enfants, des assistants et des cadres socio-éducatifs, des animateurs, des moniteurs d’ateliers, des moniteurs-éducateurs ainsi que des accompagnants éducatifs et sociaux ([145]) ;

– pour les personnels relevant de la fonction publique d’État : des corps des chefs de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse, des psychologues du ministère de la justice, des adjoints techniques du ministère de la justice, des assistants de service social et des conseillers techniques de service social des administrations de l’État, des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, des éducateurs spécialisés des instituts nationaux de jeunes sourds et de l’Institut national des jeunes aveugles, des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que des professeurs techniques de la protection judiciaire de la jeunesse ([146]).

Les fonctions d’accompagnement socio-éducatif doivent enfin être exercées dans des établissements spécifiquement visés par dix items de ce C.

Huit de ces items mentionnent des structures préalablement visées par le B de l’article 48 et dont les personnels soignants sont donc éligibles au CTI.

Il s’agit :

– au 1° du C, de l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de l’article L. 312-1 du CASF ;

– au 2° du C, des équipes mobiles chargées d’aller au contact des personnes sans abri et des accueils de jour mentionnés à l’article L. 345-2 du CASF ;

– au 3° du C, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale pour personnes sans abri mentionnés à l’article L. 345-2-2 du CASF ;

– au 4° du C, des structures d’accompagnement social personnalisé prévues par l’article L. 271-1 du CASF ;

– au 5° du C, des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse mentionnés à l’article L. 241-1 du code de la justice pénale des mineurs ;

– au 6° du C, des services pénitentiaires d’insertion et de probation mentionnés à l’article 712-1 du code de procédure pénale ;

– au 7° du C, des services de protection maternelle et infantile mentionnés au 3° de l’article L. 123-1 du code de l’action sociale et des familles ;

– au 10° du C, des services de l’aide sociale à l’enfance mentionnés au 2° de l’article L. 123-1 du même code.

Sont mentionnées en outre deux catégories d’établissements supplémentaires, qui ne figurent pas au B de l’article 48 dès lors qu’elles ne comportent pas de personnels soignants :

– au 8° du C, les services départementaux d’action sociale, mentionnés au 1° de l’article L. 123-1 du CASF ;

– au 9° du C, les centres communaux d’action sociale et les centres intercommunaux d’action sociale mentionnés par les articles L. 123-4 et L. 123-4-1 du CASF.

● Enfin un D est inséré au I de l’article 48 de la LFSS pour 2021 afin de rendre éligibles au CTI des fonctionnaires exerçant des missions d’aide à domicile auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées au sein des SAAD, mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du CASF.

c.   Les dispositions d’entrée en vigueur et de coordination

● Le B du I récapitule, au III bis de l’article 48 de la LFSS pour 2021, l’ensemble des dispositions fixant les dates à compter desquelles le CTI s’applique aux rémunérations versées aux différentes catégories de personnels éligibles.

Ces dispositions sont récapitulées dans le tableau suivant.

Dates d’Application du complÉment de traitement indiciaire aux diffÉrentes catÉgories de personnels Éligibles

Catégories de personnels et dispositions ouvrant droit au complément de rémunération

Date à compter desquelles les rémunérations ouvrent droit au CTI

Disposition du III bis de l’article 48 de la LFSS pour 2021 modifié par le présent article

Personnels non médicaux des établissements publics de santé et des EHPAD

(article 48 LFSS 2021 initial)

1° à 5° du A du I de l’article 48 LFSS 2021

1er septembre 2020

A du III bis

Personnels non médicaux des ESSMS rattachés à un établissement public de santé ou à un EHPAD

(article 42 LFSS 2022)

6° à 10° du A du I de l’article 48 LFSS 2021

1er juin 2021

A du III bis

Agents de la fonction publique hospitalière suivant des études favorisant la promotion professionnelle et préparant aux diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social.

(article 42 LFSS 2022)

F du I de l’article 48 LFSS 2021

1er septembre 2021

B du III bis

Agents publics des établissements et services médico-sociaux publics autonomes

(article 42 LFSS 2022)

B du I de l’article 48 LFSS 2021 avant sa modification par le présent article

1er octobre 2021

1° du C du III bis

Agents publics des ESMS accueillant des personnes handicapées financés par les départements

(article 43 LFSS 2022)

III de l’article 43 de la LFSS 2022 avant sa modification par le présent article

1er novembre 2021

2° du C du III bis

Personnels soignants des ESMS non pris en compte avant le présent PLFR

B du I de l’article 48 LFSS 2021 modifié par le présent article

1er avril 2022

3° du C du III bis

Personnels assurant à titre principal des fonctions d’accompagnement socio-éducatif dans des structures éligibles

C du I de l’article 48 LFSS 2021 établi par le présent article

1er avril 2022

D du III bis

Fonctionnaires soignants exerçant des missions d’aide à domicile auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées au sein des services d’aide et d’accompagnement à domicile

D du I de l’article 48 LFSS 2021 établi par le présent article

1er avril 2022

D du III bis

Agents contractuels de droit public exerçant au sein des établissements de santé et des EHPAD ou exerçant, au sein des autres structures éligibles, des fonctions analogues à des fonctionnaires éligibles

E du I de l’article 48 LFSS 2021 dans la rédaction résultant du présent article

Dates prévues par les dispositions auxquelles les rémunérations versées font référence

E du III bis

Source : B du I du présent article du projet de loi de finances rectificative pour 2022.

● En outre, un III ter est inséré afin de garantir que, pour les personnels ayant déjà perçu, sous l’effet des décrets du 28 avril 2022, une prime d’un montant équivalent au CTI, l’application rétroactive du présent article au 1er avril 2022, n’ouvrira pas droit, au titre de la même période, à de nouveaux versements de 183 euros net par mois.

Afin que les montants déjà versés soient retenus pour le calcul des droits à pension, ces primes seront soumises aux contributions et cotisations de retraite applicables.

● Le du A du I apporte des modifications de coordination au paragraphe définissant les conditions de versement d’une indemnité équivalente au CTI aux agents contractuels éligibles. Le 3° du A du I procède à des renumérotations de paragraphes.

● Le II du présent article modifie l’article 43 de la LFSS pour 2022. Afin de tirer les conséquences de la prise en compte, à l’article 48 de la LFSS pour 2021, des établissements accueillant les personnes handicapées financés par les départements, la mention spécifique de ces établissements au I de cet article 43 est supprimée. La mention du versement par la CNSA d’une compensation financière aux départements est maintenue, assortie de modifications de coordination.

2.   Une prise en charge directe par le budget de l’État justifiant l’examen en loi de finances rectificative

Jusqu’à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, les mesures de revalorisation issues du Ségur de la santé ont été entièrement prises en charge par la sécurité sociale, soit directement par l’Assurance maladie ou la branche autonomie, soit sous la forme de compensations de la CNSA aux départements.

Par contraste, les nouvelles mesures de revalorisation salariale sont en l’espèce définies par une loi de finances car le CTI vise ici majoritairement des personnels de la fonction publique rémunérés sur crédits budgétaires ou relevant des départements et des centres communaux d’action sociale : 10 000 agents de plusieurs corps de la fonction publique d’État et près de 80 000 agents de la fonction publique territoriale.

En ajoutant l’extension des mesures de revalorisation salariale aux salariés du secteur non-lucratif subventionnés par l’État ou les collectivités territoriales, le coût total de ces mesures de revalorisation des travailleurs sociaux prévue par la conférence des métiers du 18 février 2022 s’élèverait, en année pleine, à 1,4 milliard d’euros pour l’ensemble des financeurs publics dont 300 millions d’euros pour l’État, ainsi que 200 millions d’euros pour une aide spécifique de la CNSA aux départements finançant les revalorisations des personnels des services d’accompagnement et d’aide à domicile ([147]).

Au titre de 2022, le présent PLFR inscrit 214,1 millions d’euros répartis sur plusieurs programmes budgétaires ([148]), correspondant à 9 mois de rémunération depuis le 1er avril 2022 :

– 28,3 millions d’euros de dépenses directes de rémunération des fonctionnaires de l’État ;

– 15 millions d’euros sur un nouveau concours de l’État aux départements inscrit sur le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, pour le financement de la revalorisation des soignants de la protection maternelle et infantile ainsi que pour les structures de santé départementales qui n’avaient pas bénéficié des mesures du Ségur ;

– 170,8 millions d’euros au titre du financement par l’État des revalorisations dans le secteur privé non-lucratif subventionné.

3.   La position du Rapporteur général

Le Rapporteur général se félicite de l’extension des mesures salariales du Ségur de la santé aux personnels des structures de santé des collectivités territoriales qui n’en avaient pas bénéficié ainsi qu’à l’ensemble de la filière socio-éducative du secteur sanitaire, médico-social et social.

Ces mesures de revalorisation salariale sont nécessaires pour réduire les difficultés de recrutement du secteur. Les engagements réciproques de l’État et des départements définis lors de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social doivent en outre permettre d’améliorer la gestion prévisionnelle des effectifs du secteur, d’en moderniser les outils de contractualisation et d’en rénover l’architecture des qualifications et des diplômes.

 

*

*     *

 

La commission adopte l’article 15 non modifié.


Après l’article 15

Amendements identiques CF6 de M. Dino Cinieri et CF56 de Mme Émilie Bonnivard

M. Patrick Hetzel. L’opposition étant très constructive, cet amendement vise à déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés (AAH), promesse du Président Macron.

En effet, le mode de calcul actuel maintient les personnes handicapées dans la dépendance financière de leur conjoint. Cette situation, injuste, est en contradiction totale avec l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je sais que c’est une cause que le groupe Les Républicains soutient depuis longtemps mais je vous propose de retirer ces amendements puisque, lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat en commission des affaires sociales, tous les groupes se sont mis d’accord pour rédiger un amendement commun visant à déconjugaliser l’AAH tout en évitant qu’il y ait des perdants – une déconjugalisation stricte en ferait 44 000.

M. Patrick Hetzel. Dès lors que le sujet a été traité en commission des affaires sociales en prenant en compte les angles morts et en évitant les inégalités de traitement, nous allons retirer l’amendement CF6.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je retire l’amendement CF56 dont je suis cosignataire. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, Les Républicains défendent la déconjugalisation de l’AAH depuis très longtemps. Nous sommes très heureux d’aboutir.

Les amendements CF6 et CF56 sont retirés.

Amendement CF73 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. Comme les autres, je le redéposerai en séance.

L’amendement CF73 est retiré.

 


—  1  —

titre III
ratification d’un décret d’avance

Article 16
Ratification d’un décret portant ouverture
et annulation de crédits à titre d’avance

Résumé du dispositif et effets principaux

En application de l’alinéa 3 de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le présent article ratifie les modifications de crédits réalisées par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

Pris pour un motif d’urgence, ce décret a ouvert 5,86 milliards d’euros afin de financer, d’une part, une mesure de réduction du coût du carburant pour tous les consommateurs et, d’autre part, des mesures ciblant certains secteurs économiques ou permettant l’accueil de populations réfugiées en raison de la guerre en Ukraine.

Les annulations de crédits de même montant ont porté principalement sur des reports de crédits non consommés en 2021 et sur des crédits mis en réserve.

Dernières modifications législatives intervenues

Le décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance a été ratifié par l’article 31 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

Aucun décret d’avance n’a été pris lors des exercices budgétaires 2018, 2019 et 2020.

Deux décrets d’avance ont été pris en 2017 :

- le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 a été ratifié par l’article 5 de la loi n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 ;

- le décret n° 2017-1639 du 30 novembre 2017 a été ratifié par l’article 10 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

I.   État du droit

A.   Les dÉcrets d’avance

Les décrets d’avance permettent au Gouvernement d’ouvrir rapidement des crédits en cas d’urgence, sans recourir à une loi de finances.

Ils constituent une exception au principe de l’autorisation parlementaire des dépenses de l’État, selon lequel le Gouvernement ne peut ouvrir des crédits budgétaires sans adoption d’une loi de finances initiale ou rectificative.

Les articles 13 et 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) encadrent strictement le recours aux décrets d’avance en définissant plusieurs conditions de régularité :

● Le Gouvernement doit respecter des conditions de forme :

–  le décret doit être notifié aux commissions des finances des deux assemblées qui font connaître leur avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification ;

– l’avis du Conseil d’État doit être recueilli ;

– le Gouvernement doit demander la ratification des modifications apportées par le décret dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée.

● Le Gouvernement doit respecter des conditions de fond :

– les ouvertures ne peuvent excéder 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale ;

– les ouvertures de crédits ne devant pas affecter l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances, elles doivent être gagées soit par la constatation de recettes supplémentaires, soit par des annulations de crédits qui, cumulées le cas échéant avec d’autres annulations opérées, ne peuvent être supérieures à 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours ;

– enfin, les décrets d’avance ne peuvent être pris qu’en cas d’urgence. Dans ses rapports relatifs aux crédits du budget de l’État ouverts par décret d’avance, la Cour des comptes considère que l’urgence signifie à la fois que l’ouverture des crédits doit être nécessaire et que le besoin budgétaire était imprévisible.

B.   Le contenu du dÉcret d’avance pris le 7 avril 2022

Le Gouvernement a pris un décret d’avance, publié le 7 avril 2022 ([149]), qui a opéré des ouvertures de crédits sur six programmes budgétaires du budget général finançant les dépenses suivantes :

– 2 990 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur le programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables, au titre du financement d’une remise sur le prix des carburants de 15 centimes hors taxe par litre entre le 27 mars et le 31 juillet 2022 ([150]) , pour les ménages et les entreprises sur le territoire métropolitain et dans les Outre-mer ;

– 580 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, au titre du financement d’une aide exceptionnelle aux éleveurs confrontés à l’augmentation du coût de l’alimentation animale (400 millions d’euros), d’une prise en charge par la Mutualité sociale agricole d’une part des cotisations patronales (150 millions d’euros) et d’une prise en charge par l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) des cotisations patronales des pêcheurs ayant pour effet de porter, pour ces professionnels, le soutien sur les charges de carburant à 35 centimes par litre entre le 17 mars et le 31 juillet 2022 ;

– 1 580 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie, au titre du financement d’une aide exceptionnelle aux entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine en raison de la hausse des coûts d’approvisionnement du gaz naturel ou de l’électricité, ainsi que d’une aide exceptionnelle pour les entreprises du secteur des travaux publics proportionnelle au chiffre d’affaires et prenant en compte la part moyenne du gazole non routier (GNR) dans ce chiffre d’affaires ;

– 400 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables, au titre d’une aide forfaitaire exceptionnelle et ponctuelle aux transporteurs routiers de marchandises pour compte d’autrui et aux transporteurs routiers par autocar ;

– 400 millions d’euros en AE et en CP pour le financement de dispositifs d’accueil de réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, dont 300 millions d’euros sur le programme 303 Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration pour financer l’allocation pour les demandeurs d’asile et l’accueil par les collectivités territoriales et 100 millions d’euros sur le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires pour financer notamment l’hébergement et le logement par l’intermédiaire d’associations subventionnées.

En contrepartie, le même décret a annulé :

– 3 474 millions d’euros en AE et en CP sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire répartis entre 550 millions d’euros sur le programme 356 Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire, 500 millions d’euros sur le programme 357 Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire, 1 924 millions d’euros sur le programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire, et 500 millions d’euros sur le programme 360 Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire.

Comme aucun de ces programmes n’a été doté par la loi de finances initiale pour 2022 ([151]), les annulations proposées ont exclusivement porté sur des crédits reportés de l’exercice 2021 par arrêtés ;

– 488 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 823 Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics du compte de concours financier Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics. Ces annulations ont également été rendues possibles par les reports de crédits non consommés en 2021 ;

– enfin 1 988 millions d’euros en AE et en CP sur 84 programmes budgétaires ([152]), issus quasi-intégralement des crédits mis en réserve, qui n’avaient donc pas été mis à la disposition des ministères à l’ouverture de l’exercice budgétaire.

C.   La procÉdure suivie

Le projet de décret a été notifié aux commissions des finances des deux assemblées le 25 mars 2022.

Conformément à l’alinéa 1er de l’article 13 de la LOLF, celles-ci ont formulé, le 31 mars 2022, des avis transmis au Premier ministre, respectant ainsi le délai de sept jours imparti par l’alinéa 2 du même article.

● Le projet de décret a reçu un avis favorable de la commission des finances de l’Assemblé nationale ([153]) qui a constaté sa régularité au regard des conditions prévues par les articles 13 et 14 de la LOLF.

La commission a constaté que le projet de décret d’avance respectait les conditions fixées par la LOLF relatives à l’urgence, au plafond des crédits ouverts, au plafond des crédits annulés et au maintien de l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances pour 2022.

Elle a toutefois insisté sur la nécessité du dépôt rapide d’un projet de loi de finances rectificative qui permettrait d’ajuster la programmation budgétaire de l’année 2022 au contexte économique substantiellement modifié depuis l’adoption de la loi de finances initiale.

En particulier, elle a relevé qu’il appartiendrait à la plus prochaine loi de finances rectificative de procéder à l’ajustement du solde budgétaire résultant des près de 4 milliards d’euros de reports de crédits du budget 2021, en tenant compte également de l’évolution des autres paramètres relatifs à la définition de ce solde.

De même, la commission des finances a considéré qu’il appartiendrait à la plus prochaine loi de finances rectificative de reconsidérer, le cas échéant, l’opportunité des annulations des crédits mis en réserves, au vu des perspectives d’exécution sur l’ensemble de l’année 2022 : de fait, au sein des ouvertures de crédits opérées par le présent PLFR, près de deux milliards d’euros correspondent au rétablissement de crédits des réserves de précaution des programmes budgétaires, afin de reconstituer des marges en gestion, dans le but de faire face à d’éventuels aléas d’ici la fin de l’année.

En particulier, le rapporteur général relève que le programme 146 Équipement des forces de la mission Défense bénéficie du rétablissement de la totalité de sa réserve de précaution, soit 202,3 millions d’euros en AE et CP.

● La commission des finances du Sénat a également émis un avis favorable sur le projet de décret d’avance ([154]).

Par ailleurs, conformément à l’alinéa 1er de l’article 13 de la LOLF, le Conseil d’État a t été entendu sans que son avis ne soit rendu public.

II.   Dispositif proposÉ

1.   La ratification du décret d’avance

Le présent article procède à la ratification des ouvertures et annulations opérées par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022, en application de l’alinéa 3 de l’article 13 de la LOLF.

2.   La position du rapporteur général

Le Rapporteur général relève que, conformément au 6° de l’article 58 de la LOLF, la Cour des comptes a transmis à la commission des finances de l’Assemblée nationale, le jour du dépôt du présent projet de loi de finances, un rapport sur les mouvements de crédits opérés par ce décret d’avance.

La Cour des comptes y vérifie le respect par le Gouvernement des conditions de procédure et de fond posées par la LOLF ([155]).

 

 

Le Rapporteur général souligne en particulier que la condition d’urgence était manifestement remplie par le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques et humaines, nécessitant de financer des aides exceptionnelles en faveur des ménages et des entreprises confrontées à l’augmentation des prix de l’énergie et de certaines matières premières, ainsi que l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Dans ce but, dans un contexte d’échéances électorales nationales, il était justifié de couvrir la majorité des annulations opérées par le décret d’avance par les reports de crédits inscrits en 2021 au titre d’une urgence, qui n’était plus autant avérée du point de vue économique, pour en financer une autre apparue au début de l’année 2022.

Enfin, le bon calibrage des ouvertures de crédits dictées par l’urgence paraît attesté par leur niveau d’exécution.

À titre d’exemple, selon les informations communiquées au Rapporteur général, à la date de dépôt du présent PLFR, 93 % des crédits ouverts pour financer la remise sur le prix des carburants de 15 centimes hors taxe par litre avaient été consommés.

En conséquence, le présent PLFR inscrit 4,6 milliards d’euros sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables, dont 2,6 milliards d’euros pour prolonger la remise sur le prix des carburants à la pompe, et 2 milliards d’euros pour lui substituer, à compter du 1er octobre 2022, une indemnité carburant pour les travailleurs, ciblée sur les ménages modestes devant utiliser leur véhicule pour se rendre au travail.

De même, parmi les crédits supplémentaires ouverts par le présent PLFR sur le programme 134 Développement des entreprises et régulations, de la mission Économie, 1,5 milliard d’euros vont s’ajouter aux montants ouverts par le décret d’avance pour l’aide aux entreprises grandes consommatrices de gaz et d’électricité, en portant le total à 3 milliards d’euros.


La commission européenne ayant rendu, le 30 juin 2022, une décision de compatibilité de ce dispositif avec le régime des aides d’État, sa mise en distribution est désormais effective ([156]), la direction générale des finances publiques répondant depuis le 4 juillet aux demandes portant sur le premier trimestre d’éligibilité (de mars à mai 2022). Les crédits ajoutés par la loi de finances rectificative permettront ainsi d’étendre les versements jusqu’à la fin de l’année.

Le Rapporteur général propose donc d’adopter cet article sans modification.

La commission adopte la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2022 modifiée.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2022 modifié


([1])  Banque centrale européenne, Projections macroéconomiques, juin 2022.

([2])  OCDE, Perspectives économiques de l’OCDE, juin 2022.

([3])  Commission européenne, Prévisions économiques de printemps, mai 2022.

([4])  Insee, Note de conjoncture du 24 juin 2022.

([5])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2022-2 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2022, 4 juillet 2022.

([6]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([7]) Hors mission Remboursements et dégrèvements et hors crédits reportés.

([8]) En 2022, cette ouverture de crédits est strictement compensée par l’annulation du même montant de crédits sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public. À compter de l’année 2023, cette nouvelle mission du budget portera l’ensemble de la dotation allouée aux sociétés de l’audiovisuel public, qui prendra la forme d’une subvention d’un montant de 3,2 milliards d’euros.

([9]) L’écart entre la prévision de la charge de la dette en comptabilité nationale et en comptabilité budgétaire tient à la comptabilisation de la charge d’indexation. La charge d’indexation en comptabilité nationale repose sur une prévision de l’inflation annuelle qui sera observée en France et dans la zone euro en octobre 2022. En revanche, en comptabilité budgétaire, la charge d’indexation est déjà connue car elle dépend des inflations annuelles observées en décembre 2021, avril 2022 et mai 2022.

([10]) Article 13 de la loi n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([11]) Loi organique n° 2012 –1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([12]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([13]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([14])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 du 21 septembre 2020 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.

([15]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-1 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2020, 17 mars 2020.

([16]) Les dispositions de ces articles sont issues de l’article 41 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 qui a réformé le régime historique afin d’adosser l’assiette et le recouvrement de la CAP des particuliers à ceux de la taxe d’habitation.

([17]) Sont notamment considérés comme des dispositifs assimilés, lorsqu’ils sont associés à un écran, les lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD ainsi que les vidéo-projecteurs équipés d’un tuner. En revanche, la détention d’ordinateurs, tablettes et smartphones ne constitue pas un fait générateur de la CAP.

([18]) Outre ces 27,6 millions de foyers assujettis à la CAP, un peu plus de 2 millions de foyers déclarent ne pas détenir de téléviseur.

([19])  Un taux qui se situe dans la fourchette haute au sein des pays de l’Union européenne qui collectent une telle taxe.

([20])  La suppression progressive, de 2020 à 2023, de la taxe d’habitation sur les résidences principales n’a pas de conséquences sur les dégrèvements de CAP, celles-ci ayant été neutralisées.

([21]) C’est-à-dire les contribuables dont le revenu fiscal de référence (RFR) n’excède pas la somme de 11 276 euros, pour la première part de quotient familial, majorée de 3 011 euros pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les montants des revenus sont fixés à 13 343 euros pour la première part, majorés de 3 187 euros pour la première demi-part et 3 011 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane, ces montants sont fixés respectivement à 13 950 euros, 3 840 euros et 3 011 euros. Pour Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 20 907 euros, 5 752 euros et 4 510 euros. Le bénéfice du dégrèvement en faveur des personnes de plus de 60 ans ou veuves est, en outre, conditionné à la non-imposition à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

([22]) Les bénéficiaires doivent occuper leur logement soit seuls, soit avec leur conjoint ou avec des personnes à charge au sens de l’impôt sur le revenu, soit avec des personnes titulaires de la même allocation, soit avec des personnes dont le RFR n’excède pas la limite prévue, soit avec leurs enfants majeurs inscrits comme demandeurs d’emploi et disposant de ressources très faibles

([23]) Il est résulté de l’adossement de la redevance due par les particuliers à la taxe d’habitation en 2005 un alignement du régime des dégrèvements de redevance sur celui de la taxe d’habitation avec comme conséquence que des personnes jusqu’alors exonérées devenaient redevables de la redevance. Afin de corriger cette situation, le dispositif dit « des droits acquis » a pour objet de maintenir le bénéfice de l’exonération aux personnes de condition modeste infirmes ou invalides ou âgées de plus de 65 ans au 1er janvier 2004 qui ont été exonérées de la redevance audiovisuelle en 2004 et qui, compte tenu des dispositifs d’exonération applicables en matière de taxe d’habitation, ne l’auraient pas été de la redevance. Le bénéfice de ce dégrèvement est soumis, chaque année, au respect des mêmes conditions de ressources et de cohabitation que celles relatives aux personnes âgées de plus de 60 ans ou veuves.

([24]) Il s’agit des parents isolés ayant eu des enfants mais ne respectant pas la condition de les avoir élevés seuls pendant au moins 5 ans qui, à la suite de la suppression de la demi-part d’impôt sur le revenu qui leur était octroyée, ont bénéficié de mesures, prévues par l’article 75 de la LFI 2016, destinées à en neutraliser les effets sur leurs dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public.

([25]) Le 2 de l’article 1681 sexies dispose que, lorsque leur montant excède 300 euros, l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public, les taxes foncières ainsi que les impositions recouvrées selon les mêmes règles que ces impositions sont acquittés par prélèvements opérés à l’initiative du Trésor public sur un compte ouvert par le contribuable dans un établissement habilité à cet effet. Les contribuables qui résident dans un État figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du budget peuvent acquitter ces impôts, quel que soit leur montant, par virement directement opéré sur le compte du Trésor ouvert dans les écritures de la Banque de France.

([26]) En effet, l’article 1681 ter du code général des impôts prévoit que lorsque l’option pour la mensualisation est exercée pour la taxe d’habitation, elle est également valable pour la contribution à l’audiovisuel public.

([27]) Personnes physiques et morales.

([28])  Si la contribution n’avait été indexée que sur l’inflation, elle aurait atteint, en 2018, 131 euros.

([29])  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([30])  Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([31]) Cour des comptes, notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 et 2021 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, avril 2020 et juin 2022.

([32]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, mai 2016.

([33]) La TOCE et la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision ont été créées en 2009 pour compenser la disparition de la publicité sur France Télévisions entre 20 heures et 6 heures du matin. Elles abondaient le budget général de l’État, tandis qu’une dotation destinée à l’entreprise publique était inscrite sur le programme 313 Contribution au financement de l’audiovisuel de la mission Médias. À compter de 2016, aucune dotation pour France Télévisions n’a été inscrite sur la mission Médias mais une part du produit de la TOCE a été directement affectée au compte de concours financiers. L’article 29 de la loi de finances pour 2019 a supprimé la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes de télévision ainsi que l’affectation de la part de TOCE au compte de concours financiers que le même article a rebudgétisée.

([34])  Pour limiter les effets de l’imposition sur les entreprises, le Gouvernement a mis en œuvre une mesure de report des échéances déclaratives et de paiement de la taxe.

([35]) Sous réserve de l’entrée en vigueur de la suppression de la TVA sur la CAP au mois d’août.

([36])  Comme le souligne la mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, dans son rapport Réforme du financement de l’audiovisuel public de juin 2022, « La moitié la plus pauvre de la distribution paie 41,8 % du produit de la CAP et la moitié la plus riche 58,2 %. La CAP apparaît ainsi comme un prélèvement fortement dégressif. Les dégrèvements ne viennent corriger que partiellement cette dégressivité du taux moyen de CAP alors même que 16 % des foyers sont dégrevés ».

([37])  Selon la mission conjointe de conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles.

([38]) Plus précisément, il s’agit, selon les termes de l’article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services, des « gazoles consommés pour les besoins des moteurs qui réalisent des travaux statiques aux fins de la réalisation d’activités économiques et des moteurs de propulsion des engins qui ne circulent pas habituellement sur les voies ouvertes à la circulation publique ».

([39]) Loi n° 66-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes.

([40]) L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, par l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l’Union européenne, a créé un nouveau code législatif fiscal, dénommé « code des impositions sur les biens et services » (CIBS), destiné à regrouper, à terme, l’ensemble des impositions frappant les biens, les services et les transactions.

Pour l’heure, outre des règles générales communes à ces impositions et relatives, notamment, à l’exigibilité, à la constatation et au paiement de celles-ci, ce code contient les dispositions afférentes aux accises frappant les énergies, les alcools et les tabacs ainsi qu’aux taxes pesant sur les transports et les activités industrielles et artisanales.

Les taxes sur les transports concernent les déplacements routiers (taxe sur l’immatriculation des véhicules, taxe annuelle sur les émissions de CO2 des véhicules de tourisme, taxe annuelle sur les véhicules lourds de transport de marchandises), le transport aérien (taxe sur le transport aérien de passagers, taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires) et les navigations (taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel, taxe sur le permis de conduire des bateaux de plaisance à moteur).

Une nouvelle ordonnance est attendue d’ici la fin de l’année 2023, sur le fondement de l’article 128 de la loi n° 2021-1900 de finances pour 2022, qui a prévu une nouvelle habilitation. Celle-ci doit permettre d’inclure au sein du code des impositions sur les biens et services, notamment, la TVA, les taxes annexes sur les produits soumis à accises et les taxes sur les autres secteurs d’activité, c’est-à-dire l’agriculture, l’environnement, le numérique, la communication et la culture, les paris et jeux de hasard, la santé et la finance.

([41]) Il résulte de la recodification opérée par l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 précitée que la taxe qui pèse sur la vente de gazole, à savoir la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), a disparu sous cette appellation. Elle fait désormais partie de l’accise sur les énergies, et peut être désignée par les termes « fraction de l’accise sur les énergies perçue sur les produits énergétiques ». 

Les dispositions relatives à la TICPE, qui étaient contenues aux articles 265 et suivants du code des douanes, figurent désormais au chapitre II du titre Ier du livre III de la partie législative du CIBS, soit aux articles L. 312-1 à L. 312-107 de ce code.

([42]) Soit 18,82 euros par hectolitre, ou encore 18,82 centimes d’euro par litre.

Les articles L. 312-25 et L. 312-26 du CIBS prévoient que les tarifs appliqués à l’ensemble des énergies sont désormais exprimés en euros par mégawattheure, même si la base d’imposition et les modalités déclaratives continuent à s’appuyer sur les unités précédemment appliquées et reprises à l’article L. 312-19 du CIBS (c’est-à-dire, pour le gazole, en euros par hectolitre).

S’agissant des produits pétroliers et des biocarburants, la base d’imposition peut ainsi être exprimée en litres, en kilogrammes ou en mètres cubes, en fonction de la nature ou de l’état physique du produit concerné. Pour obtenir les tarifs exprimés en euros par mégawattheure, une conversion est ainsi réalisée. Cette conversion s’effectue, pour les tarifs normaux et les tarifs réduits propres à certains usages, sur la base du contenu énergétique du produit de référence ou d’une moyenne des contenus énergétiques des produits les plus représentatifs de la catégorie fiscale et, pour les tarifs particuliers propres à un produit, sur la base du contenu énergétique de ce produit.

([43]) Ce tarif réduit est aujourd’hui prévu par les articles L. 312-60 et L. 312-61 du code des impositions sur les biens et services.

([44]) Article 19 du projet de loi de finances pour 2019, texte n° 1255, déposé sur le 24 septembre 2018

([45]) Article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([46]) Article 6 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([47]) Article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([48]) « Les prix des produits pétroliers en 2021 : rebond important avec la reprise économique », Data Lab, avril 2022, ministère de la transition écologique : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2022-04/datalab_essentiel_274_produits_petroliers_2021_avril2022.pdf

([49]) La banque Citigroup prévoyait ainsi, dans une analyse publiée le 5 juillet 2022, que la baisse de la demande et l’excès d’offre devraient entraîner une baisse des cours, dans le contexte d’une récession rendue de plus en plus probable, notamment par la politique de fermeture de la Chine. Elle envisageait un cours du pétrole brut inférieur à 65 dollars le baril avant la fin 2022, et inférieur à 45 dollars avant la fin 2023.

Le même jour, la banque JP Morgan envisageait un prix de 380 dollars le baril en cas de réduction drastique de sa production de pétrole par la Russie, en réponse au mécanisme de plafonnement du prix du pétrole russe décidé par le G7 lors du sommet d’Elmau, du 25 au 28 juin 2022.

([50]) « Quelle transmission des prix du pétrole aux prix des carburants ? », Erwan Gautier, Magali Marx et Paul Vertier, Bloc-note Eco, billet n° 233, octobre 2021, Banque de France : https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/sites/default/files/billet_233_vf2.pdf

([51]) C’est-à-dire le gazole consommé pour les besoins des moteurs qui réalisent des travaux statiques aux fins de la réalisation d’activités économiques et des moteurs de propulsion des engins qui ne circulent pas habituellement sur les voies ouvertes à la circulation publique.

([52]) Le tarif de 3,86 euros par mégawattheure pour le gazole agricole ne doit pas disparaître au 31 décembre 2024. Il est d’ailleurs expressément prévu par l’article L. 312-60 du code des impositions sur les biens et services.

([53]) C’est-à-dire contenant un additif spécifique améliorant les caractéristiques antirécession de soupape (ARS).

([54]) Arrêté du 10 novembre 2011 fixant pour le gazole, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d’eau dans du gazole des conditions d’emploi ouvrant droit à l’application du régime fiscal privilégié institué par l’article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation.

([55]) Ces opérations exonérées recouvrent notamment les prestations effectuées dans le domaine de la santé, les prestations d’enseignement et de formation, certaines opérations immobilières (à savoir les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir et les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans), les opérations réalisées par des organismes d’utilité générale, les opérations bancaires et financières et les opérations d’assurance et de réassurance.

([56]) VI de l’article 289 du CGI.

([57]) Directive 2001/115/CE du Conseil du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

([58]) Article 17 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002.

([59]) Directive 2010/45/UE du Conseil du 13 juillet 2010 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA en ce qui concerne les règles de facturation.

Cette directive a été transposée en droit français par l’article 62 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

 

([60]) Article 222 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([61]) Le calendrier envisagé était le suivant : 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises ; 1er janvier 2018 pour les entreprises de taille intermédiaire ; 1er janvier 2019 pour les petites et moyennes entreprises ; 1er janvier 2020 pour les microentreprises.

([62]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([63]) Article 153 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([64]) L’article 395 de la directive 2006/112/CE, dite « directive TVA », ouvre la possibilité, pour les États membres, d’être autorisés à déroger à certaines de ses dispositions, pour autant qu’ils obtiennent l’autorisation préalable du Conseil, et à certaines fins seulement. Il prévoit ainsi que « le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales ».

([65]) « La TVA à l’ère du digital en France », rapport de la Direction générale des finances publiques, octobre 2020 : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/277192.pdf.

([66]) Ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

([67]) Amendement n° II-3281 du Gouvernement sur le PLF pour 2022, déposé le 6 novembre 2021.

([68]) Il s’agissait de l’article 93 de la loi adoptée par le Parlement.

([69]) Décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021, § 47 et article 1er.

([70]) « Les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s'exercer les droits de communication, d'enquête et de contrôle de l'administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis ».

([71]) Le projet d’article précise que les catégories d’entreprises sont celles prévues pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

En application de cet article, le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique prévoit les définitions suivantes :

– les microentreprises sont celles qui occupent moins de dix personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas deux millions d’euros ;

– les petites et moyennes entreprises (PME) sont celles qui occupent moins de 250 personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ;

– les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont celles qui n’appartiennent pas à la catégorie des PME, qui occupent moins de 5 000 personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros.

([72]) Un groupe TVA est une entité fictive créée aux fins de la TVA, dans laquelle la réalité économique prime la forme juridique. Il s’agit d’un assujetti d’un type particulier, qui n’existe qu’aux fins de la TVA. Il se fonde sur les liens financiers, économiques et organisationnels existant entre les sociétés concernées. Chaque membre conserve sa forme juridique propre mais le groupe TVA est considéré comme un assujetti unique.

Le régime du groupe TVA a été inséré dans le droit français par l’article 162 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021 à l’article 256 C du CGI, à compter du 1er janvier 2022.

([73]) L’article L. 151-1 du code de commerce prévoit la protection au titre du secret des affaires de toute information répondant aux critères suivants :

– elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

– elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

– elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

([74]) Comme prévu par l’article 413-9 du code pénal, présentent un caractère de secret de la défense nationale les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. Peuvent faire l’objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale.

([75]) Il est précisé que cette disposition s’applique sans préjudice de l’article L. 2392-1 du code de la commande publique, qui dispose que « les titulaires de marchés de défense ou de sécurité conclus avec l’État ou ses établissements publics, ainsi que leurs sous-traitants admis au paiement direct, peuvent transmettre leurs factures sous forme électronique ».

([76]) L’article 258 du CGI fixe des critères permettant de déterminer, pour certains biens ou pour certains types de transactions, si le lieu de livraison est situé en France. C’est le cas pour les livraisons de biens meubles corporels, certaines opérations immobilières, les livraisons de gaz naturel, d’électricité, de chaleur ou de froid et les livraisons de biens importés de territoires ou de pays tiers dans le cadre de ventes à distance.

([77]) L’article 259 du CGI fixe les règles permettant de déterminer si le lieu d’une prestation de services est situé en France. C’est le cas :

– lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ou un établissement stable auquel les services sont fournis, ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ;

– lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire a établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis, ou dispose d’un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis, ou, à défaut, s’il a en France son domicile ou sa résidence habituelle.

L’article 259 A prévoit des dérogations à ces règles pour certains types de prestations de services, notamment les locations de moyens de transport, les prestations se rattachant à un immeuble situé en France ou encore les prestations de transport intracommunautaire de biens lorsque le lieu de départ est en France.

([78]) Par dérogation à l’article 259, l’article 259 B du CGI prévoit que le lieu de certaines prestations de services est réputé ne pas se situer en France lorsqu’elles sont fournies à une personne non assujettie qui n’est pas établie ou n’a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l’UE.

Il s’agit notamment des cessions et concessions de droits d’auteurs et de brevets, des locations de biens meubles corporels autres que des moyens de transport, des prestations de publicité, des opérations bancaires, financières et d’assurance, des prestations de télécommunications et des services de radiodiffusion et de télévision.

([79]) Il s’agit des prestations dans lesquelles le preneur est une personne non assujettie et où le prestataire a établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis, ou dispose d’un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis, ou, à défaut, s’il a en France son domicile ou sa résidence habituelle.

([80]) L’article 258 C du CGI prévoit que le lieu d’une acquisition intracommunautaire de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque les biens se trouvent en France au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.

([81]) « La TVA à l’ère du digital en France », rapport de la Direction générale des finances publiques, octobre 2020, pp. 6 et 7 : « La mise en place de la facturation électronique […] permettrait de générer des économies : le coût complet d’émission d’une facture électronique étant estimé par l’IGF à moins d’un euro, dans sa seule dimension e-invoicing, contre un ordre de grandeur supérieur à dix euros pour une facture papier (dont le coût d'affranchissement, de l'ordre d'un euro, est marginal par rapport à l'ensemble des coûts de traitement manue)l. : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/277192.pdf.

([82])  Conseil d’État, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens et Conseil constitutionnel, 6 octobre 1976, n° 76-92, Nature juridique de dispositions de la loi n° 67-1175 du 28 décembre 1967 portant réforme du régime relatif au droit de port et de navigation modifié par l’article 64 de la loi de finances pour 1974.

([83])  Article R. 221-3-3 du code de la route et arrêté du 1er juin 2016 relatif à la redevance acquittée pour le passage de l’épreuve théorique du permis de conduite et modifiant l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire.

([84]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([85]) Loi n° 2021-1 900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([86])  Seules les quatre missions suivantes ne font pas l’objet d’ouvertures ou d’annulations de crédits dans le présent PLFR : Aide publique au développement, Investir pour la France de 2030, Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Plan de relance.

([87]) Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

([88]) Le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine précise que les entreprises concernées doivent remplir les conditions d’éligibilité suivantes : (1) avoir des achats de gaz et/ou d’électricité atteignant au moins 3 % de leur chiffre d'affaires en 2021 et (2) avoir subi un doublement du prix du gaz et/ou de l’électricité sur la période éligible par rapport à une moyenne de prix sur l'année 2021.

([89]) Communiqué de presse du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, n° 34, 19 juillet 2022.

([90]) Le communiqué précise que l’offre publique d’achat simplifiée sur les titres de capital d’EDF sera déposée auprès de l’Autorité des marchés financiers d’ici le mois de septembre 2022, sous réserve de l’adoption du présent PLFR. Le Gouvernement prévoit un prix de 12 euros pour le rachat des actions d’EDF et de 15,64 euros pour le rachat des obligations à option de conversion et/ou l’échange en actions nouvelles ou existantes.

([91])  Cette convention, signée entre l’État, autorité organisatrice des TET, et SNCF voyageurs le 17 mars 2022 à hauteur de 1,73 milliard d’euros, définit les modalités d’exploitation et de financement des TET pour la période 2022-2031. Elle permet ainsi de subventionner les TET, dont l’exploitation est déficitaire. La convention inclut le renouvellement de l’ensemble des matériels roulants.

([92]) Cette aide exceptionnelle concernera les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité (RSO), de l’allocation sociale spécifique (ASS) et de l’allocation équivalent retraite (AER), de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de l’allocation aux adultes handicapées (AAH), ainsi que les étudiants boursiers et les bénéficiaires des aides au logement.

([93]) C’est-à-dire en Guyane, à Mayotte, à la Réunion et depuis le décret n° 2022-322 du 4 mars 2022 en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales.

([94])Voir le commentaire de l’article 15 du présent PLFR.

([95]) Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

([96]) En juillet 2022, la France accueille 100 000 personnes déplacées d’Ukraine.

([97]) Décret n° 2022-958 du 29 juin 2022 portant prolongation de la dérogation au montant de l'aide unique aux employeurs d'apprentis et de l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

[98] Certains programmes sont rétablis entièrement quand l’ensemble de la mission ne l’est pas forcément.

([99]) Communiqué de presse du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, n° 34, 19 juillet 2022.

([100]) Sont éligibles aux PGE les SCI de construction-vente, les SCI dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques ouverts au public, les SCI dont le capital est détenu à 95 % au moins par des organismes de placement collectif immobilier, par des sociétés civiles de placement immobilier, par des organismes professionnels de placement collectif immobilier, par des sociétés d’investissement immobilier cotées ou non.

([101]) Arrêté du 7 avril 2022 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.

([102]) Commission européenne, « Aides d’État : la Commission précise l’avenir de l’encadrement temporaire en vue de soutenir la reprise de l’économie dans le contexte de la pandémie de Covid-19 », communiqué de presse du 18 novembre 2021.

([103]) Le Monde, « Ukraine : pour la présidente de la BERD, « les dégâts engendrés par cette guerre seront majeurs » », entretien avec Mme Odile Renaud-Basso, 12 mars 2022.

([104])  Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([105])  Données Chorus.

([106]) Arrêté du 19 juin 2020 fixant le barème des taux d’emprunt des aides de soutien en trésorerie des petites et moyennes entreprises fragilisées par la covid-19.

([107]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, articles 63 à 69.

([108]) Au 1er février 2022, environ 5,5 millions de foyers bénéficiaient d’une offre de marché à prix fixe.

([109]) Décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie en faisant application du dernier alinéa de l’article R. 445-5 du code de l’énergie.

([110]) Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([111]) Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel, article 10.

([112]) Si l’Union européenne a déclaré un embargo sur les importations de charbon russe, puis sur 90 % des importations de pétrole d’ici la fin de l’année 2022 dans le cadre du 6ème paquet de sanctions voté le 2 juin 2022, un embargo sur le gaz russe n’est pas, à date, à l’ordre du jour.

([113]) Le gaz russe reçu par méthanier représente environ 7 % des importations françaises de gaz.

([114]) CRE, délibération n° 2022-164 du 22 juin 2022 portant avis sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel d’Engie.

([115])  Décret du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel.

([116]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([117]) Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([118]) Le programme 345 a été abondé de 2,99 milliards d’euros par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

([119]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([120]) Articles L. 311-13-4 et L. 314-24 du code de l’énergie

([121]) Article L. 314-20 du code de l’énergie.

([122]) Articles L. 311-13-5, L. 314-7-1 et L. 314-25 du code de l’énergie.

([123]) Source : EPEX Spot / ENTSOE-E Transparency Platform.

([124]) https://www.rte-france.com/eco2mix/les-donnees-de-marche#

([125]) Décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021 relatif à l’obligation de transmission d’une attestation de conformité aux prescriptions mentionnées à l’article R. 311-43 du code de l’énergie et portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative à la production d’électricité et à la vente de biogaz.

([126])  EDF Obligation d’achat (EDF-OA) est le service gestionnaire des contrats d’achat d’énergie, dans le cadre de l’obligation d’achat et du complément de rémunération.

([127])  À la page : https://www.edf-oa.fr/node/915, consultée le 7 juillet 2022.

([128]) Article L. 2335-16 du Code général des collectivités territoriales.

([129]) Note d’information du 6 août 2021 relative à la répartition de la DTS 2021.

([130]) Arrêté du 12 août 2021.

([131])  Elle a été généralisée en application du règlement européen (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 et du décret  2021-279 du 13 mars 2021 portant diverses dispositions relatives à la carte nationale d’identité et au traitement de données à caractère personnel dénommé « titres électroniques sécurisés » (TES).

([132])  Décret n° 2020-1152 du 19 septembre 2020 relatif au versement d’un complément de traitement indiciaire aux agents des établissements publics de santé, des groupements de coopération sanitaire et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la fonction publique hospitalière.

([133]) Article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([134])  Cet article a opéré un renvoi aux catégories d’agents publics introduites par l’article 42 de la LFSS pour 2022 au B du I de l’article 48 de la LFSS pour 2021.

([135])  L’évaluation préalable jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 mentionnait environ 770 000 personnels de la fonction publique hospitalière en établissement public de santé, 180 000 agents de la fonction publique hospitalière en EHPAD, 30 000 agents de la fonction publique territoriale en EHPAD, 6 000 agents du service de santé des armées, 200 000 agents des EHPAD privés…

([136]) Décret n° 2022-739 du 28 avril 2022 relatif à l’aide aux départements versée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au titre de l'article 43 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([137])  Décret n° 2022-728 du 28 avril 2022 relatif au versement d’une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique territoriale.

([138])  Décret n° 2022-738 du 28 avril 2022 relatif au versement d’une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique hospitalière exerçant au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

([139])  Décret n° 2022-741 du 28 avril 2022 relatif au versement d’une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique de l’État.

([140])  Ce décret autorise en outre l’attribution d’une prime de revalorisation, distincte du CTI, d’un montant brut de 517 euros pour certains agents territoriaux exerçant les fonctions de médecins au sein d’ESMS, en particulier la protection maternelle infantile.

([141])  Accord du 2 mai 2022 relatif à la mise en place du complément de rémunération aux personnels socio-éducatifs suite à la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février.

([142])  Arrêté du 17 juin 2022 relatif à l'agrément de certains accords de travail applicables dans les établissements et services du secteur social et médico-social privé à but non lucratif.

([143]) Ces établissements relèvent de l’objectif de dépenses mentionné au I de l’article L. 314-3 du code de l’action sociale et des familles.

([144]) Annexe « Cadres d’emplois » du décret n° 2022-728 du 28 avril 2022.

([145]) Annexe « Liste des corps concernés de la fonction publique hospitalière » du décret n° 2022-738 du 28 avril 2022.

([146]) Annexe « Liste des corps de la fonction publique d’État » du décret n° 2022-741 du 28 avril 2022.

([147]) Cette dotation a été définie par l’article 47 de la LFSS pour 2021. Un décret n° 2022-740 du 28 avril 2022 prévoit qu’elle prendra en charge le versement du CTI aux agents territoriaux exerçant des missions d’aide à domicile auprès des personnes âgées ou handicapées, et les coûts résultant de la conclusion de conventions ou accords collectifs de branche accordant aux salariés des revalorisations équivalentes.

([148])  Il s’agit des programmes budgétaires 104 Intégration et accès à la nationalité française, 107 Administration pénitentiaire, 177 Logement, 182 Protection judiciaire de la jeunesse, 303 Immigration, asile et intégration, et 304 Inclusion sociale et protection des personnes.

 

([149]) Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance

([150]) Décret n°2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l’aide exceptionnelle à l’acquisition de carburants.

([151]) Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([152]) Il s’agit de 83 programmes budgétaires du budget général ainsi que d’un programme du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

([153]) Avis du 31 mars 2022 sur le projet de décret d’avance notifié le 25 mars 2022 à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale (lien).

([154])Avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d’avance notifié le 25 mars 2022 portant ouverture et annulation de 5,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (lien).

([155]) Cour des comptes, Les crédits du budget de l’État ouverts par décret d’avance en 2022.

([156]) Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement de gaz naturel et d'électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.