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N° 1352

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301),

PAR Mme Nadia HAI

Députée

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AVIS FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS

Par Mme ÉLODIE JACQUIER-LAFORGE, Députée

 

Voir les numéros :

Sénat :  531, 614, 615, 613 et T.A. 119 (2022‑2023).

Assemblée nationale :  1301.


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Avant-propos de Mme Élodie JacquierLaforge, Rapporteure pour avis de la commission des Lois

travaux de la commission

Audition de M. Gabriel Attal, ministre dÉléguÉ chargé  des comptes publics

Examen des articles

Titre Ier MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIÈre sur l’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Article 1er (art. 44, 45, 213 et 214 du code des douanes) Modifications relatives à la zone terrestre du rayon des douanes

Article 2 (art. 60, art. 601 à 6010 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 11224 du code du patrimoine, art L. 25118, L. 251181, L. 9366 et L. 95118 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales) Mise en conformité du droit de visite douanière

Article 3 (art. 62 et 63 du code des douanes) Adaptation du droit de visite des navires

Article 4 (art. 67 ter1 [nouveau] du code des douanes) Remise à officier de police ou de douane judiciaire en cas d’infraction flagrante de droit commun

Article 5 (art. 67 du code des douanes) Précision du cadre juridique des contrôles aux frontières

Article 6 (art. 67 ter B, 67 ter C et 67 ter D [nouveaux] du code des douanes)  Création d’un dispositif de retenue temporaire de sommes d’argent liquide, en l’absence de franchissement de frontières

Article 7 (art. 52 bis, 52 ter, 52 quater, 52 quinquies, 52 sexies, 52 septies, 52 octies, 52 nonies, 52 decies et 52 undecies [nouveaux] du code des douanes) Création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes

Après l’article 7

Titre II Moderniser le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers

Chapitre Ier  Moderniser les capacités d’enquête

Article 8 (art. 67 bis-5 [nouveau] du code des douanes) Sonorisation et captation d’images

Article 8 bis (art. 706-1-1 du code de procédure pénale) Mise en cohérence avec le code des douanes des dispositions du code de procédure pénale relatives à la criminalité organisée

Article 9 (art. 323-11 [nouveau] du code des douanes) Institution de saisies probatoires dans le cadre des retenues douanières

Article 10 (art. 64, 413 ter et 416 du code des douanes, art. L.38 du livre des procédures fiscales  et art. 1735 quater du code général des impôts) Gel des accès et saisie des données numériques dans le cadre des visites domiciliaires

Après l’article 10

Article 10 bis A (art. 59 octodecies [nouveau] du code des douanes) Facilitation des communications relatives au contrôle des armes chimiques

Article 10 bis (art. 343 bis du code des douanes) Communication entre les autorités judiciaires et l’administration des douanes sur les éléments laissant présumer une fraude douanière

Chapitre II  Moderniser les capacités d’action de la douane

Article 11 Élargissement, à titre expérimental, du dispositif de lecteur automatique de plaques d’immatriculation

Article 11 bis (art. 59 novodecies [nouveau] du code des douanes) Échange d’informations entre les douanes et les agents de la police aux frontières en matière de surveillance des frontières

Article 11 ter (art. 28-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale) Création de la catégorie d’agents de douane judiciaire

Article 11 quater (art. L. 242-5 du code de la sécurité intérieure) Recours aux drones par les agents des douanes afin de mieux détecter les mouvements transfrontaliers de tabac et mieux surveiller les frontières

Article 12 (art. 67 D-5, 67 D-6, 67 D-7, 67 D-8 et 67 D-9 [nouveaux] du code des douanes) Prévention des infractions commises par l’intermédiaire d’internet

Après l’article 12

Article 13 (art. 399, 415 et 415-1 du code des douanes) Modernisation du délit de blanchiment douanier

Article 14 (art. 414 et 432 ter [nouveau] du code des douanes  et art. 1810 et 1811 du code général des impôts)  Renforcement des sanctions douanières et pénales en matière  de trafic de tabac

Après l’article 14

Après l’article 14

Article 14 bis A (nouveau) (art. 1791 du code général des impôts) Montant plancher de l’amende fiscale applicable aux infractions et tentatives d’infractions à la législation et à la réglementation portant sur les contributions indirectes

Article 14 bis B (nouveau) Rapport sur le coût du trafic de tabac

Article 14 bis (art. L.134 E [nouveau] du livre des procédures fiscales) Droit d’accès direct des agents des douanes aux informations détenues par la direction générale des finances publiques dans le cadre du contrôle du respect des conditions d’exonération de TVA pour les biens transportés dansées bagages des voyageurs

Article 15 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour refondre la partie législative du code des douanes

Après l’article 15

Article 16 (art. 1er, 60, 60-3, 60-4, 60-8, 62, 63, 67 et 67 ter C et 452 du code des douanes) Dispositions relatives à l’application du projet de loi outre-mer

Travaux de la commission des lois

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17 heures

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 21 heures

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis de la commission des lois

 


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Introduction

Le dépôt du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a été en tout premier lieu rendu nécessaire par la décision n° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel, concluant à l’inconstitutionnalité de l’article 60 du code des douanes. Cet article confère aux agents des douanes un droit de visite général applicable aux marchandises, aux moyens de transport et aux personnes. Ce droit de visite constitue l’expression la plus immédiate et la plus évidente des prérogatives de l’administration douanière.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans cette décision du 22 septembre 2022, que les dispositions contestées permettent, en toutes circonstances, à tout agent des douanes de procéder à ces opérations pour la recherche de toute infraction douanière, sur l’ensemble du territoire douanier et à l’encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique. Dès lors, en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et d’autre part la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée.

La date d’abrogation de l’article 60, fixée au 1er septembre 2023 par le Conseil constitutionnel, oblige le Parlement à légiférer rapidement et avec efficacité pour garantir la continuité des pouvoirs dont disposent les douaniers pour assurer leurs missions ([1]).

L’article 2 du projet de loi, portant réforme du droit de visite, ainsi que d’autres articles relatifs aux modalités d’enquête des douaniers ont été délégués pour examen à la commission des lois (les articles 1er, 3, 4, 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater).

Néanmoins, outre le caractère de nécessité que revêt la rénovation de l’article 60 du code des douanes, ce projet de loi permet de moderniser un certain nombre de procédures et de moyens d’investigation des douanes (articles 6, 9, 10 et 13) et de créer un devoir d’incitation à l’endroit des plateformes (article 12), d’autant plus essentiel que la vente de produits du tabac et de marchandises prohibées en ligne prend une ampleur considérable. Avec la même volonté de lutter plus efficacement contre le trafic de tabac, le projet de loi accroît les sanctions applicables au trafic de tabac pour les rapprocher de celles applicables au trafic de stupéfiants (article 14). Enfin, le projet de loi propose la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes : cette force d’appoint, à même de remplir des missions de renfort temporaire et d’apporter une expertise spécialisée, représentera un concours précieux pour les douaniers en cas de fortes sollicitations, et permettra de faire connaître et rayonner la douane et de susciter des vocations (article 7).

Enfin, tirant les conséquences du caractère désuet ou vieillissant de certains articles du code des douanes, ainsi que de l’éparpillement des dispositions relatives aux prérogatives des douaniers dans divers codes et textes non codifiés, l’article 15 du projet de loi autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour réorganiser et recodifier le code des douanes.

La rapporteure se réjouit de voir que l’occasion que représente ce texte, le premier spécifiquement dédié à la douane depuis 1965 ([2]), est pleinement saisie. Au regard de l’intensification des flux illicites, de l’évolution des pratiques délictuelles, notamment par le biais du numérique, et de la sollicitation croissante des agents de la douane, des évolutions structurelles étaient nécessaires.


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Avant-propos de Mme Élodie Jacquier‑Laforge, Rapporteure pour avis de la commission des Lois

 

Mesdames, Messieurs,

Administration de la frontière et de la marchandise, la douane française est essentielle pour veiller à la sécurité du territoire, de la population et des échanges économiques.

Institution pluriséculaire héritière de l’ancienne Ferme générale, la douane conduit son action aux frontières, sur terre et en mer, sur l’ensemble du territoire national mais aussi à l’étranger et, plus récemment, dans l’univers numérique. Les défis auxquels elle est confrontée sont nombreux et protéiformes, ils évoluent et se complexifient à mesure que les auteurs de fraude, les trafiquants et les délinquants font preuve d’une créativité criminelle exacerbée et s’appuient sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies.

Pour pouvoir faire face à ces défis, la douane dispose de plusieurs outils mis en œuvre par les 16 600 femmes et hommes qui la composent, et son action est marquée du sceau de l’efficacité, comme en témoignent les résultats enregistrés en 2022. D’après le dernier bilan annuel de la douane ([3]), l’an dernier, et de façon non exhaustive, ont été saisis :

– environ 650 tonnes de tabac de contrebande ;

– plus de 100 tonnes de stupéfiants en France, dont près de 18 tonnes de cocaïne et plus de 66 tonnes de cannabis, et plus de 20 tonnes de stupéfiants saisies à l’étranger sur la base des renseignements fournis par la douane française ;

– près de 17 millions d’articles de contrefaçon destinés au jeune public.

En outre, 175 millions d’euros d’avoirs ont été saisis ou identifiés au titre de la fraude financière.

Au-delà de ces résultats remarquables en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants et de protection des consommateurs, l’action douanière en 2022 a également permis d’assurer la protection d’œuvres patrimoniales exceptionnelles, telles que la saisie en juin 2022 d’un tableau d’Henri Matisse avant qu’il ne sorte, sans autorisation, du territoire national, ou encore la découverte, en août de la même année, d’objets gallo-romains et médiévaux ainsi que de fossiles préhistoriques.

Parmi les moyens d’action dont les douaniers disposent, figure le droit de visite douanière, forme la plus ostensible de leur activité, selon la formule consacrée, et prévu à l’article 60 du code des douanes.

Ce dispositif, qui permet aux agents de procéder, à toute heure et en tout lieu, à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, a été jugé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2022‑1010 QPC du 22 septembre 2022, le cadre d’exercice du droit de visite ayant été considéré comme n’étant pas défini avec suffisamment de précision. La déclaration d’inconstitutionnalité prenant effet le 1er septembre 2023, il appartient au législateur de prévoir un nouveau dispositif, conforme aux exigences constitutionnelles, afin de ne pas compromettre la capacité d’action de la douane.

C’est ce à quoi s’emploie le présent projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, qui prévoit aussi d’autres mesures pour renforcer la capacité d’action de la douane tout en garantissant la préservation des droits et libertés.

Initialement constitué de 16 articles, le projet de loi compte, à l’issue de son examen par le Sénat, 23 articles.

La Commission des Lois de l’Assemblée s’est saisie pour avis de ce projet de loi, et a bénéficié dans ce cadre d’une délégation au fond de la Commission des Finances, saisie au fond.

L’examen ainsi délégué à la commission des Lois porte sur les articles 1er à 5, 8, 8 bis et 11 à 11 quater, relatifs au droit de visite, à certaines attributions des agents des douanes – notamment dans le cadre des enquêtes douanières – et à l’expérimentation d’une conservation plus longue des données des lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation.

Ces articles proposent des mesures bienvenues, équilibrées et de nature à assurer à la douane sa pleine capacité opérationnelle dans le respect du cadre constitutionnel en vigueur. Les auditions conduites par votre rapporteure pour avis ont conforté cette vision d’un texte équilibré et non seulement utile, mais nécessaire. Les modifications apportées par le Sénat n’en ont pas remis en cause l’économie générale, et des ajustements complémentaires ont été apportés en commission.

Ce texte, par son objet et son contenu, réunit toutes les conditions d’un soutien large, dépassant les clivages partisans, dans l’intérêt de la douane et du pays.

 

 


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travaux de la commission

Audition de M. Gabriel Attal, ministre dÉléguÉ chargé
des comptes publics

Au cours de sa séance du mardi 13 juin, la commission a procédé à l’audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301).

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons M. Gabriel Attal, qui vient nous présenter le projet de loi, adopté par le Sénat, visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, pour lequel nous avons nommé Mme Nadia Hai rapporteure.

Nous avons fait le choix, à l’instar de ce qui avait été fait au Sénat, de déléguer à la commission des lois l’examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater. La commission des lois se réunit aujourd’hui pour les examiner. Les amendements qu’elle adopte sont en train d’être déposés auprès de la commission des finances, et nous examinerons ces articles demain matin.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. J’ai plaisir à être avec vous pour cette audition, qui sera suivie de l’examen du projet de loi que je défends pour renforcer les moyens d’action de nos douaniers. Je me réjouis de constater que ces enjeux intéressent et mobilisent, puisque près de 120 amendements ont été déposés dans cette commission et près de 140 en commission des lois.

Ce projet de loi est historique, puisqu’il s’agit du premier spécifiquement dédié à l’action de la douane depuis 1965. Il est essentiel pour permettre à nos douaniers d’obtenir des résultats. Je profite de cette occasion pour saluer le travail absolument remarquable et le très grand professionnalisme de ces agents qui, de jour comme de nuit, à nos frontières comme à l’intérieur du territoire, luttent résolument contre les trafics. Notre enjeu est de leur permettre de continuer à agir.

L’année 2022 a été celle de tous les records, puisque 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies. Nos douaniers interceptent plus de 70 % des saisies de stupéfiants dans notre pays, alors qu’ils sont 17 000, dont 8 000 affectés à la surveillance. Cela traduit une efficacité remarquable. Par ailleurs, 11,5 millions d’articles de contrefaçon ont été retirés du marché et près de 650 tonnes de tabac illégal saisies.

Comme vous le savez, l’une de mes priorités est la lutte contre la contrebande et le trafic de tabac, qui ont explosé. En 2017, nous saisissions environ 200 tonnes par an. L’an dernier, nous avons atteint 650 tonnes. Nos services sont certes de plus en plus efficaces, mais nous devons aussi admettre que les trafics continuent à augmenter dans notre pays. Nous devons donc faire preuve de davantage de fermeté.

Nous pouvons nous retrouver très largement autour de ce texte, même si nous aurons des débats concernant la création de la réserve opérationnelle, les pouvoirs du procureur de la République en matière de saisie de documents et de contenus numériques, la responsabilisation des plateformes en matière de lutte contre la contrefaçon ou le renforcement des sanctions pénales pour les trafiquants de tabac.

S’agissant de la réserve opérationnelle, plusieurs députés, comme M. Sansu, M. Bouloux et Mme Leduc, demandent la suppression de l’article 7. Ils posent en réalité la question des moyens et des effectifs. Nous y reviendrons, mais permettez-moi de rappeler d’emblée que nous sommes au rendez-vous à ce sujet : pour la période 2022-2025, le contrat d’objectifs et de moyens assure à la douane plus de 148 millions d’euros supplémentaires et une garantie de stabilité de ses effectifs. La réserve opérationnelle n’a pas vocation à se substituer à des effectifs douaniers.

Les réservistes seront placés sous l’autorité d’agents douaniers. Ils permettront de faire face à des pics d’activité, qui peuvent être anticipés, comme les Jeux olympiques, ou non, comme l’accostage de l’Ocean Viking dans le sud de la France : pour organiser le débarquement en urgence de ses passagers, ce sont les douaniers qui avaient été mobilisés, et des réservistes pourront être utiles dans ce type de cas.

La réserve opérationnelle est également un moyen de faciliter le partage de compétences et d’expériences. L’un des défis majeurs que les douaniers ont à relever concerne l’essor des actifs numériques et des crypto-monnaies. Des spécialistes de ces sujets, travaillant dans des entreprises privées, peuvent avoir envie d’aider leur pays pendant leur temps libre et de mettre leur expertise au service des douanes. La réserve opérationnelle fournira le cadre légal leur permettant de le faire.

Nous disposons déjà d’une réserve opérationnelle pour la police nationale et la gendarmerie nationale. Des douaniers en exercice y sont réservistes, et je souhaite que des policiers et des gendarmes puissent aussi être réservistes auprès des douanes. Il est important de favoriser ce partage des expériences.

Tous ces débats sont légitimes, mais le soutien plein et entier à l’action de nos douaniers, la nécessité de sécuriser juridiquement leur action – je pense à la mise en conformité du droit de visite, qui est traité dans les articles 1 à 5 et relève donc du champ de la commission des lois – et celle de leur donner de nouveaux pouvoirs pour adapter leurs moyens à la réalité des menaces actuelles et futures sont autant de sujets qui peuvent nous rassembler et sur lesquels nous pouvons travailler ensemble pour enrichir le texte.

Le projet de loi qui vous est soumis est ambitieux. Il s’agit d’abord de modifier l’article 60 du code des douanes pour mettre le droit de visite en conformité avec la Constitution, sans pour autant entraver l’action opérationnelle de nos douaniers. Je vous rappelle le délai qui nous a été laissé par le Conseil constitutionnel : si aucun texte n’est adopté avant le 1er septembre, les douaniers n’auront alors plus le droit d’ouvrir un coffre de voiture ni d’exercer à nos frontières cette prérogative essentielle qu’est le droit de visite. C’est donc une nécessité absolue que d’adopter ce texte.

Nous proposons un triple encadrement du droit de visite. Les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation au fil des années seront inscrits dans la loi. Une prérogative de contrôle étendue sera maintenue dans la zone frontière, sans changement par rapport à la situation actuelle, et justifiée par la nature même des infractions douanières. Enfin, deux cas d’usage du droit de visite à l’intérieur du territoire seront prévus. Il sera possible de le mettre en œuvre soit sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière, soit après information préalable du procureur de la République. Nous voulions éviter – et nous avons réussi, puisque le Conseil d’État a validé la nouvelle rédaction – que nos douaniers soient contraints d’obtenir une autorisation préalable du procureur de la République à chaque fois qu’ils veulent exercer leur droit de visite à l’intérieur du territoire. Leur obligation portera uniquement sur une information par tout moyen, ce qui leur permettra de disposer d’un cadre assez souple pour agir en dehors du rayon de la frontière.

Mais ce projet de loi est bien plus ambitieux que cela. Il veut également donner à la douane les moyens de lutter efficacement contre des trafics qui explosent et des menaces qui se multiplient.

Le texte confirme ainsi le positionnement de la douane à l’intérieur du territoire, en lui donnant de nouveaux moyens d’action et, je l’ai dit, une réserve opérationnelle. Il restaure en outre la douane dans ses prérogatives d’investigation. Le principal enjeu est d’adapter les pouvoirs douaniers à des phénomènes récents, comme l’essor du commerce en ligne ou la généralisation des actifs numériques, et de focaliser leur action sur la criminalité organisée et pas uniquement sur la multiplication des saisies. Ce texte constitue l’une des déclinaisons de la feuille de route de la lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques que j’ai présentée il y a quelques semaines. Il est également l’occasion d’alourdir certaines sanctions, notamment pour le trafic de tabac.

Dans certains quartiers, à Paris ou à Toulouse par exemple, la vente à la sauvette de tabac de contrebande ou de contrefaçon s’assimile à du véritable harcèlement sur la voie publique. Elle est souvent le fait d’étrangers en situation irrégulière. Nous souhaitons donc que le juge puisse, comme pour la vente de stupéfiants, prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.

Les trafics de tabac sont une plaie pour la santé des Français, puisque les cigarettes qui sont vendues sont généralement plus nocives que les cigarettes classiques. Ils sont également source de nuisances et d’insécurité. Le produit de ces trafics finance en outre une criminalité grave et des réseaux mafieux.

Les trafics de tabac sont également une plaie pour le réseau des buralistes, dont nous avons besoin partout dans notre territoire. Dans beaucoup de villages et certains quartiers, ils sont le dernier lieu de lien social. Ils sont également un lieu d’accès aux services publics, puisque nous leur avons donné, dans une logique de diversification de leurs ressources, la possibilité d’encaisser le paiement des amendes et des factures du quotidien ou de servir de relais pour les colis postaux. Le réseau des buralistes est déjà pénalisé par l’augmentation de la fiscalité – que nous assumons, car elle est justifiée par des raisons de santé publique. Ils ne peuvent pas en plus supporter que des paquets de cigarettes soient vendus deux fois moins cher à quelques mètres de leurs boutiques ou en ligne. Nous devons être beaucoup plus fermes et plus efficaces, ce qui sera possible avec l’alourdissement des sanctions.

Des amendements ont été déposés pour renforcer encore les sanctions liées au trafic de tabac. Nous en discuterons, mais le texte proposé prévoit déjà un alourdissement significatif, puisque les peines d’emprisonnement passeraient d’un à trois ans, et de cinq à dix ans pour le trafic en bande organisée.

Nous souhaitons également sécuriser les pouvoirs douaniers qui présentent des fragilités juridiques : au-delà de ce texte, un travail de recodification du code des douanes, qui n’a pas eu lieu depuis 1948, sera engagé.

Les douanières et les douaniers comptent sur nous. Ils attendent de la clarté, de la précision et des moyens d’action. Je sais qu’ensemble, nous serons capables de les leur apporter, leur permettant ainsi d’assurer la protection de nos frontières et surtout de nos compatriotes. Nous le leur devons.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Les raisons qui ont motivé la préparation et le dépôt de ce projet de loi sont liées à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022. Je me réjouis que ce texte nous donne l’occasion d’améliorer et de moderniser les outils d’enquête des douaniers et les sanctions applicables, notamment en cas de trafic de tabac.

La création de la réserve opérationnelle de la douane par l’article 7 constitue également une évolution significative et très positive pour la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). En tant que rapporteure spéciale de la mission budgétaire Sécurités, je ne peux que constater le bénéfice que représente le concours d’une réserve opérationnelle pour la police et la gendarmerie nationales.

S’agissant de l’alourdissement des peines sanctionnant le trafic de tabac, prévu par l’article 14 du texte, le constat est très clair : les modes opératoires des trafiquants de tabac tendent à se rapprocher de ceux des trafiquants de stupéfiants et produisent les mêmes effets, dont de féroces guerres de territoire et l’alimentation de circuits de blanchiment. Alors que la rentabilité des trafics de tabac augmente, ils font encourir un risque de sanctions plus limité que le trafic de stupéfiants. Le rapprochement des peines applicables aux deux est donc une mesure que je soutiens totalement.

Monsieur le ministre délégué, ma première question porte sur le contexte général d’application du texte. Face à la montée en puissance de l’ensemble des réserves opérationnelles, anticipez-vous une forme de concurrence entre les réserves pour attirer les candidats ? Dès lors, comment garantir l’attractivité de la réserve de la douane ?

Ma seconde question est juridique – j’anticipe un peu nos débats, mais c’est un point important. Plusieurs articles du projet de loi ont pour objet de permettre la copie de données stockées sur des supports ou des serveurs numériques. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel a fixé des principes pour leur conservation et leur destruction. Comment le projet de loi en garantit-il le respect ?

M. le président Éric Coquerel. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué, donner plus de moyens à la douane est un objectif qui peut tous nous réunir. Nous sommes confrontés à différents problèmes qui rendent les douaniers plus que jamais utiles. S’agissant des trafics de drogues, vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que l’augmentation des saisies traduit aussi une augmentation des flux. Il faut également lutter contre les trafics d’armes ou d’êtres humains. La douane intervient aussi dans le cadre de fraudes fiscales, notamment des fraudes à la TVA.

Je suis favorable à une augmentation des moyens accordés à la douane. Malheureusement, j’ai l’impression que le texte vise plus à multiplier les saisies qu’à renforcer les effectifs. Il s’agit de la principale difficulté que me pose ce projet de loi.

Nous examinons ce texte, parce que le Conseil constitutionnel a invalidé l’article 60 du code des douanes, le jugeant attentatoire à certaines libertés. Or, si je souhaite que les douaniers aient tous les moyens pour agir le plus efficacement possible, je ne suis pas prêt pour cela à enfreindre des règles de droit. Je plaide plutôt pour un renforcement des effectifs. Vous proposez de les stabiliser et de les compléter par une réserve. Je vous rappelle que nous n’avons que 17 000 douaniers en France, contre 48 000 en Allemagne. Ils sont donc 2,3 fois plus nombreux pour couvrir un territoire qui a 3,9 fois moins de frontières – et je n’évoque même pas nos frontières maritimes.

Je ne pense pas que la réserve puisse être une solution. Je sais que le concours des fonctionnaires de catégorie B de la douane est connu pour être l’un des plus difficiles. Néanmoins, et même si la responsabilité de cette situation n’incombe pas principalement à votre gouvernement, tous les efforts doivent être mis en œuvre pour mettre fin à la diminution progressive des effectifs, qui s’inscrivait dans la perspective d’un espace sans frontières qui ne correspond pas à la réalité.

Le besoin de renforcer les effectifs douaniers me semble d’autant plus important que je défends des dispositifs comme une taxation kilométrique aux frontières, permettant de pénaliser les produits fabriqués à l’étranger dans des conditions écologiques et sociales insuffisantes.

Les douaniers doivent cependant rester dans leur rôle, c’est-à-dire la vérification des marchandises et la lutte contre les trafics. Ils n’ont pas à intervenir dans la politique migratoire. Or le texte prévoit que la réserve pourrait participer aux opérations de Frontex (Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes) ou coopérer avec la police aux frontières. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir dans le cadre du prochain projet de la loi sur l’immigration, mais j’estime que ce n’est pas le rôle des douaniers.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je me réjouis que la commission des finances examine un texte de modernisation de notre politique douanière, qui constitue l’un des bras armés de notre action régalienne de lutte contre la fraude et plus généralement contre la délinquance.

Nous connaissons tous l’origine de ce projet de loi : nous devons impérativement adapter, avant le 1er septembre, l’emblématique droit de visite général des marchandises, des moyens de transport et des personnes exercé par les agents des douanes. Sans en contester le principe, une décision du Conseil constitutionnel a en effet estimé, en septembre dernier, qu’il était dépourvu d’encadrement et que la loi devait préciser comment le concilier avec la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée.

Nos collègues de la commission des lois sont chargés de traiter le sujet du droit de visite. En ce qui nous concerne, nous allons examiner un ensemble de dispositions qui constituent autant de moyens supplémentaires pour le bon exercice des missions douanières : création d’une réserve opérationnelle, création d’un dispositif de retenue des sommes d’argent liquide sur le territoire national, adaptation des procédures de contrôle à l’existence de certains supports numériques, renforcement de la responsabilité des plateformes sur les marchandises prohibées et les produits du tabac, modernisation du délit de blanchiment douanier, aggravation des peines sanctionnant le trafic de tabac pour les rapprocher de celles applicables au trafic de stupéfiants, modernisation et recodification des dispositifs législatifs douaniers et enfin élargissement des facultés d’échanges d’informations entre administrations.

J’ai eu le privilège, il y a quelques semaines, d’être en immersion à la direction régionale des douanes d’Amiens. J’ai pu mesurer l’expertise des agents, leur professionnalisme et leur engagement de chaque instant. Ils expriment de fortes attentes vis-à-vis de ce projet de loi et suivent attentivement nos travaux. Ne les décevons pas. Diminuer la force de ce texte reviendrait à amoindrir la capacité des douanes à agir.

Monsieur le ministre délégué, pourriez-vous replacer ce projet de loi dans le cadre de votre politique de lutte contre les fraudes et nous en préciser les objectifs ?

Madame la rapporteure, que pouvons-nous attendre d’une réserve opérationnelle ? Le projet s’inspire, si je comprends bien, du dispositif existant au sein de la police nationale, dont vous suivez l’organisation et l’action en tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Sécurités. Comment cette réserve sera-t-elle mise en place concrètement ? Quelles sont les ambitions chiffrées pour son développement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je commencerai par les questions du président. Pour ma part, je ne mets pas en concurrence la réserve opérationnelle et les effectifs douaniers. Il s’agit uniquement de permettre à des personnes qui occupent un emploi par ailleurs d’apporter un appui ponctuel aux douanes, soit pour faire face à un surcroît d’activité imprévu ou prévu, comme dans le cas des Jeux olympiques, soit pour les faire profiter de compétences spécifiques. L’exemple que j’ai cité tout à l’heure concernant les actifs numériques me semble assez éloquent. Des salariés du secteur privé peuvent disposer d’une expertise et avoir envie d’aider leur pays. La réserve opérationnelle fournira un cadre légal à cette coopération.

Pour répondre à la rapporteure, le lancement de la réserve opérationnelle va se faire avec prudence. Notre objectif est d’atteindre 300 équivalents temps plein en deux ans. Un bilan du dispositif pourra être effectué dans un rapport au Parlement, comme le suggèrent les amendements de Mme Dalloz ou de M. Blanchet.

Je ne crains pas non plus de concurrence entre les réserves. Les enseignements que nous pouvons tirer de ce qui existe pour la police et la gendarmerie montrent qu’elles n’entraînent pas de réduction des effectifs. Au contraire, ceux-ci n’ont jamais autant augmenté que ces dernières années. Pour la douane, la création d’une réserve peut être l’occasion de faire découvrir ses missions et de donner envie à certaines personnes de la rejoindre.

Le président Coquerel a comparé les effectifs douaniers en France et en Allemagne. J’invite toujours à la prudence dans ce genre d’exercice. La comparaison ne doit pas tant prendre en compte les kilomètres de frontières que l’intensité des flux commerciaux et la part qu’ils représentent dans le PIB. Or, même si nous mettons tout en œuvre pour la rattraper, l’Allemagne est nettement devant nous dans ce domaine. Par ailleurs, les douaniers allemands n’ont pas les mêmes missions que les douaniers français. Les douaniers allemands sont tous officiers de police judiciaire, ce qui leur confère des pouvoirs d’enquête en matière de trafic de stupéfiants que n’ont pas leurs collègues français. De même, de 10 000 à 15 000 d’entre eux sont chargés de lutter contre le travail illégal, alors qu’en France cette responsabilité incombe aux Urssaf et à d’autres services qui ne dépendent pas des douanes.

Des comparaisons sont parfois effectuées aussi avec les douaniers italiens, qui n’ont pas non plus les mêmes missions et les mêmes compétences que les douaniers français.

S’agissant de la politique migratoire, cela fait trente ans que les douaniers s’investissent dans ce domaine, depuis les accords de Schengen ! Aujourd’hui, un peu plus de 1 500 douaniers sont par ailleurs garde-frontières. Je ne dis pas que la politique migratoire doit devenir la priorité pour nos douaniers, mais le fait est qu’ils travaillent déjà en coopération avec la police aux frontières et avec la gendarmerie pour sécuriser certains points de passage vers notre territoire. Ils continueront à le faire et nous souhaitons renforcer leurs moyens d’action, en leur donnant la possibilité d’utiliser des drones dans le cadre de la surveillance migratoire, comme dans celui de la lutte contre le trafic de tabac. Dans les Alpes du Sud et dans les Pyrénées, les marchandises transitent par la montagne : dans une telle configuration, les drones peuvent être redoutablement efficaces.

Je voudrais rassurer Mme la rapporteure sur le fait que les données numériques saisies sont protégées. Un service dédié de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) est en charge de cette mission. Il assure la protection des serveurs et leur mise aux normes, ainsi que le respect des référentiels. Toutes les garanties sont apportées en ce qui concerne l’exploitation des données dans le cadre de l’enquête et leur conservation à des fins de preuves pour la durée du dossier. La sécurité informatique est assurée par le chiffrement des données et leur stockage sur un réseau dédié. Les fichiers sont déclarés à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui mène d’ailleurs des inspections, comme elle l’a fait il y a quelques mois auprès des douanes.

Monsieur le rapporteur général, vous m’avez interrogé sur le lien entre ce projet de loi et le plan de lutte contre les fraudes que j’ai présenté. Plusieurs mesures de ce texte relèvent de la feuille de route de lutte contre les fraudes, en particulier l’injonction numérique, prévue à l’article 12, et la refondation du service d’enquête judiciaire des finances, avec un article 11 ter qui crée le statut d’agent de douane judiciaire. D’autres mesures y concourent également, comme la mise en avant de l’action de la direction des douanes dans la lutte contre les flux illicites, qui fera l’objet d’une stratégie financière dédiée, l’introduction d’une retenue d’argent liquide à l’intérieur du territoire ou la réforme du délit de blanchiment douanier. Les dispositions relatives à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation permettront en outre des avancées opérationnelles majeures.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Robin Reda (RE). Nous nous réjouissons de l’examen de ce texte, dont les nouvelles dispositions sont très attendues par les douaniers. Il est l’occasion de saluer le travail de protection de nos citoyens et de nos frontières ainsi que de lutte contre la fraude et le trafic de stupéfiants qu’ils effectuent au quotidien. J’étais moi-même avec eux ce matin, à la direction interrégionale des douanes de Paris- Aéroports, à l’aéroport d’Orly, et j’ai pu constater à la fois leur engagement et la diversité de leurs missions opérationnelles et administratives.

Le projet de loi ne se cantonne pas à la réécriture du désormais célèbre article 60 du code des douanes, même si nous pouvons saluer l’équilibre qui a été trouvé pour que l’action opérationnelle des douanes ne soit pas entravée et complexifiée par des formalités nouvelles. Il permet également de renforcer la lutte contre la fraude ou la contrebande de tabac. Des moyens d’action efficaces doivent être déployés pour enrayer le développement de cette dernière. C’est une question de santé publique, mais aussi un enjeu pour la vitalité de nos bureaux de tabac, qui, dans de nombreux territoires, assurent des missions de service public.

Pour lutter contre la fraude, nous devons aussi lutter contre les produits de la fraude, souvent sous forme d’argent liquide. Le projet de loi prend en compte cette réalité en facilitant la retenue temporaire d’argent liquide, quel que soit son montant et même s’il n’a pas transité par un pays étranger.

Ces évolutions posent toutefois des questions en matière de formation des agents. Celle-ci ne devrait pas attendre l’adoption de ce projet de loi, puisque les nouvelles dispositions devront être appliquées très rapidement – on connaît la date du 1er septembre 2023.

En tout état de cause, ce texte est attendu par nos douaniers, dont il facilitera le travail en matière de protection de nos frontières et de protection de nos concitoyens face aux menaces extérieures.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Dans sa décision du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a demandé une mise à jour substantielle du droit des douanes. Le dernier projet de loi en la matière datant de 1965, cette actualisation peut être légitime.

Votre texte répond aux trois priorités que vous avez énoncées devant les agents des douanes. Toutefois, le ministre de l’économie avait annoncé qu’il n’y avait pas de remise en cause du droit de visite des douanes, mais une mise en conformité, et que le devoir d’information n’était pas un devoir d’autorisation préalable de l’autorité judiciaire. Or ces deux affirmations sont en contradiction avec le contenu du texte.

En introduisant la condition de raisons plausibles, votre projet de loi opère un changement de paradigme dans l’action des douanes. Par définition, en matière douanière, l’infraction se révèle – ou non – au cours du contrôle. Aucun élément extérieur ne permet de la soupçonner au préalable.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le procureur de la République devra être systématiquement informé au préalable à tout contrôle et qu’il pourra s’y opposer, ce qui est logique, sinon il n’y aurait pas d’utilité de l’informer.

Nous considérons que ces nouvelles conditions préalables à l’action des douanes remettent en cause le droit de visite, qui est la prérogative à caractère administratif la plus déterminante dans l’exercice de leurs missions.

Vous souhaitez satisfaire aux nécessités dictées par la jurisprudence européenne en matière d’exercice des libertés publiques, mais trouver un équilibre entre deux objectifs ne signifie pas remettre en cause l’un pour garantir l’autre. Nous regrettons ce déséquilibre manifeste. Les beaux éléments de langage du ministre M. Le Maire sur la douane qui est la garante de notre souveraineté économique, qui mène un combat vital pour la nation française, qui est la condition de l’unité de la nation française, sonnent dès lors bien faux aux oreilles de cette même nation française.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Vous nous proposez un projet de loi dont l’objectif initial était de réécrire l’article 60 du code des douanes, censuré en septembre dernier par le Conseil constitutionnel. Il doit entrer en application avant septembre prochain, date à laquelle les douaniers se retrouveraient dans l’incapacité de mener à bien leurs missions de contrôle.

Nous examinons donc votre texte huit mois après la décision du Conseil, avec cette échéance comme épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ce calendrier pose d’autant plus problème que la période d’élaboration du texte n’a pas été mise à profit pour consulter les organisations syndicales de la DGDDI, malgré leurs multiples demandes d’être associées à la réécriture de l’article 60. Elles ont, comme les agents, découvert le contenu du projet de loi dans la presse, après son passage en Conseil des ministres.

Des syndicats écartés et une direction générale qui décide seule, voilà donc votre vision de la démocratie sociale !

En outre, ce projet de loi qui devait servir à réécrire l’article 60 se voit compléter par différentes mesures décidées sans concertation. L’article 15 n’est autre qu’une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance, qui doit vous laisser les mains libres pour réformer à votre guise une large partie du code des douanes. Vouloir légiférer loin du contrôle parlementaire sur cette mission essentielle des douanes me paraît très problématique, d’autant que le texte qui nous est présenté comporte déjà des mesures inquiétantes, comme la création d’une réserve opérationnelle. Celle-ci ne règle en rien les problèmes d’effectifs, mais entérine la création d’une douane « au rabais », composée d’agents mal formés ou usés par le travail.

Les douanes sont une administration indispensable, mais en souffrance et en situation de sous-effectif structurel. Au sein de l’Union européenne, la France se classe 26e sur 28 en nombre de douaniers  par habitant et 27e sur 28 en nombre de douaniers par kilomètre carré. Pour revenir à la comparaison qui a été faite avec l’Allemagne, rappelons que la France compte quatre fois plus de frontières terrestres, et vingt-neuf fois plus en intégrant les frontières maritimes !

Cette police des marchandises, si essentielle à l’intérêt général, a du mal à remplir ses missions faute de moyens suffisants. Malheureusement, vous ne prévoyez pas de plan d’embauches massif pour combler le sous-effectif ni d’investissements stratégiques permettant aux fonctionnaires d’agir avec efficacité. Dans ces conditions, comment comptez-vous, monsieur le ministre délégué, donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces fait suite à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre dernier de censurer l’article 60 du code des douanes. Or le droit de visite des douaniers est une prérogative essentielle pour réaliser leur mission de contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes.

La décision du juge constitutionnel venait fragiliser juridiquement les moyens procéduraux mis à la disposition des douanes pour lutter contre les fraudes. Le texte qui nous est présenté est destiné à répondre à l’ensemble de ces obstacles, tout en tenant compte des voies de cadrage géographique et fonctionnel proposées par le Conseil constitutionnel.

Ce projet de loi présente comme intérêt majeur de mettre en lumière les personnels de la DGDDI et la façon dont ils œuvrent au quotidien pour l’intérêt général. Il s’agit d’une opportunité rare. Comme cela a été souligné, l’espace réservé à cette administration fiscale dans le débat parlementaire est d’ordinaire très ténu et limité aux seules lois de finances.

La multiplication des menaces extérieures et des trafics en tout genre met en danger la sécurité et la santé de nos concitoyens. Elle nous oblige à accroître nos moyens et à changer de méthodes. Les chiffres sont éloquents. En 2022, près de 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies et 11,5 millions d’articles contrefaits retirés du marché. En ce qui concerne le tabac de contrebande, 650 tonnes ont été saisies, soit le double d’il y a cinq ans.

Ces dernières semaines, j’ai eu l’occasion de me rendre à deux reprises aux côtés des agents des douanes, qui participent à la protection de notre souveraineté, de notre santé publique et de notre économie. Je tiens à saluer leur travail et leur dévouement, alors que leur propre sécurité est bien souvent menacée.

Les enjeux sont multiples et demandent des mesures adaptées. Ce projet de loi répond en partie à ces exigences, par la création d’une réserve opérationnelle, l’exploitation des nouvelles technologies, le renforcement des sanctions applicables au trafic de tabac ou l’élargissement des prérogatives de saisie en cas de flagrant délit douanier. Cependant, il est regrettable que le renforcement des moyens humains et financiers ne soit pas abordé, car il constitue le corollaire indispensable à la conduite des missions douanières. Le groupe Les Républicains votera toutefois en faveur de ce projet de loi.

Mme Perrine Goulet (Dem). Ce texte de loi est crucial pour nos douaniers, qui effectuent chaque jour un travail important pour notre pays, notamment en contrôlant les marchandises. Ils concourent à protéger l’économie, la population et le territoire français.

Tout d’abord, pourriez-vous, monsieur le ministre délégué, faire un point sur l’avancement de la réforme qui redéfinit les missions des douanes et en confie certaines à la direction générale des finances publiques (DGFIP) ?

La décision de non-conformité du Conseil constitutionnel imposait de sécuriser juridiquement l’action des douanes. Nous devons agir vite pour leur permettre de continuer à utiliser le droit de visite.

Au groupe Démocrate, nous considérons que ce projet de loi est satisfaisant. Il garantit aux agents de pouvoir effectuer leur travail tout en respectant les libertés individuelles. Il permettra de se prémunir de tout risque d’inconstitutionnalité, source d’inquiétude pour nos douaniers. Outre la recodification, le texte accorde de nouveaux moyens d’agir aux douanes. Nous saluons la création d’une réserve opérationnelle, qui est un outil particulièrement utile à nos administrations pour faire face à des pics d’activité et renforcer leurs compétences techniques. Elle permet aussi à ses membres d’exercer une citoyenneté active, en s’engageant au service de la France.

Monsieur le ministre délégué, pourquoi n’avez-vous pas également enclenché la création d’une réserve citoyenne, qui existe pour les autres forces de sécurité que sont la police, la gendarmerie et l’armée ?

Je tiens aussi à saluer les mesures d’adaptation des pouvoirs des douanes aux nouvelles réalités numériques. Face à la cyber-délinquance et à la cyber-criminalité, nous devons donner à nos douaniers les moyens d’être pleinement efficaces, ce qui passe notamment par la saisie des données numériques dans le cadre des visites domiciliaires douanières.

Enfin, compte tenu du fléau que représente le trafic de tabac et en considération des réseaux mafieux et criminels qui l’animent, les sanctions douanières et pénales doivent être renforcées. Pouvez-vous nous préciser les chiffres des saisies de tabac de contrebande et de tabac de contrefaçon ? L’an dernier, des hangars abritant du tabac de contrefaçon ont été découverts sur notre territoire. Par ailleurs, comment pourrions-nous agir plus efficacement contre les importations de tabac pur et de filtres ? La survie de nos buralistes en dépend.

Le groupe Démocrate votera en faveur de ce projet de loi, qui permet de trouver un équilibre entre l’adaptation des moyens des douaniers aux nouvelles menaces et le scrupuleux respect des libertés individuelles.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je voudrais tout d’abord saluer le travail exemplaire réalisé par les 17 000 agents des douanes contre les trafics.

S’agissant de la méthode, votre projet de loi répond à la nécessité de réformer l’article 60 censuré par le Conseil constitutionnel. La décision du Conseil ayant été rendue en septembre 2022, avec un effet au 1er septembre 2023, et la session parlementaire s’achevant le 21 juillet, il ne nous reste donc qu’un mois pour voter un texte que nous savons indispensable depuis huit mois ! Que se passera-t-il s’il n’est pas validé par le Conseil constitutionnel ? Nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre, et les douaniers plus aucun moyen d’agir.

Au-delà de cette mise en conformité, vous avez décidé d’ajouter au texte des mesures de réforme des douanes. Soyons clairs, certaines d’entre elles sont nécessaires, mais d’autres sont discutables, et votre calendrier extrêmement contraint nous met au pied du mur. Notre vote se retrouve lié à deux sujets très différents.

D’abord, nous ne sommes pas convaincus par votre projet de réserve douanière. Nous pensons qu’une revalorisation des métiers et des rémunérations serait préférable. Vous risquez en outre de confier des armes à feu à de jeunes volontaires qui auront suivi une formation d’à peine deux semaines, et qui se retrouveront en contact avec des marchandises prohibées mais lucratives. De toute évidence, le cocktail est dangereux.

Vous accordez aussi aux douaniers des pouvoirs qui n’ont plus aucun lien avec les frontières, brouillant les lignes avec les forces de sécurité intérieure, qui n’exercent pourtant pas le même métier.

Vous renforcez les sanctions contre la contrebande de tabac, qui est moins risquée pour les mafias que le trafic de stupéfiants. Mais n’y a-t-il pas un risque que ces réseaux se réorientent vers les trafics de stupéfiants, faute de moyens pour les éradiquer ? Vous créez par ailleurs une peine de dix ans d’interdiction du territoire français pour tout étranger qui vendrait du tabac à la sauvette. Adieu la proportionnalité des peines ! Est-ce vraiment nécessaire ?

Bref nous soutiendrons certaines dispositions du texte, mais nous demanderons aussi que d’autres soient retirées.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

Ce texte trouve son origine dans la décision du Conseil constitutionnel de censurer l’article 60 du code des douanes relatif au droit de visite des douaniers, qui a rendu indispensable d’offrir à nos douaniers un cadre juridique renouvelé pour qu’ils puissent exercer au mieux leur fonction. J’espère que, s’il devait avoir à se prononcer, le Conseil sera convaincu par cette nouvelle version.

Le projet de loi ne se limite pas à la mise en conformité du droit de visite. La création d’une retenue temporaire d’argent liquide sur le territoire national, la modernisation du délit de blanchiment douanier, la prévention de la commission d’infraction en ligne ou le renforcement des sanctions douanières et pénales en matière de trafic de tabac, pour ne citer que quelques dispositions, sont autant de signaux positifs envoyés aux agents de ce service public qui nous protègent.

Le groupe Horizons et apparentés salue également la création d’une réserve opérationnelle des douanes, sur le modèle de celles qui existent déjà dans les armées, la gendarmerie ou la police.

Nous avons toutefois deux questions, monsieur le ministre délégué. D’abord, comment les mesures contenues dans ce projet de loi vont-elles s’articuler avec la réforme douanière de l’Union européenne, dont les grandes orientations ont été présentées par la Commission européenne le 17 mai, donc après la discussion du texte au Sénat ? Par ailleurs, quel regard portez-vous sur le rôle et les prérogatives des officiers de douane judiciaire ? Êtes-vous favorable à un rapprochement de leurs prérogatives avec celles dont bénéficient les officiers de police judiciaire ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’article 60 du code des douanes date d’un décret du 8 décembre 1948. Il a été attaqué à de nombreuses reprises, même s’il n’a été censuré par le Conseil constitutionnel qu’après une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation en juin 2022. Puisque vous saviez que cet article 60 était juridiquement fragile, pourquoi avoir attendu tant de temps pour sécuriser l’action des agents de la douane ?

Quels sont les moyens humains consacrés aux missions régaliennes de la douane, en particulier le contrôle des frontières et des zones maritimes ? Quelle part des effectifs est affectée au contrôle migratoire, quelle part y sera affectée demain ? La réserve opérationnelle y participera-t-elle ?

Quel est l’intérêt de créer une réserve opérationnelle de l’administration des douanes alors que celle-ci dispose déjà des agents du service « Paris-Spécial » ? Quels statuts auront les personnes qui seront recrutées dans cette réserve ? Quels seront leur rémunération et leur régime indemnitaire ?

Avez-vous déjà dressé un bilan du transfert des missions fiscales de la DGDDI à la direction générale des finances publiques ?

Enfin, à la lecture du projet de loi, je n’ai trouvé aucune mesure relative à l’entrée des marchandises issues des ports francs. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Après la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 60 du code des douanes, il est indispensable de sécuriser les interventions des personnels de la douane, en trouvant un équilibre permettant de respecter les libertés individuelles. Cet objectif semble atteint. Les syndicats que j’ai pu contacter s’accordent sur le fait qu’il ne faut prendre aucun risque rédactionnel, afin d’éviter toute nouvelle censure du Conseil constitutionnel.

Même s’il répond à cette première exigence, votre projet de loi pose plusieurs problèmes. Nous estimons, tout d’abord, que la création d’une réserve opérationnelle n’est pas la solution à des pics d’activité tels que les Jeux olympiques. Nous aurions souhaité que les effectifs de la douane ne soient pas seulement sanctuarisés, mais en progression. En moins de dix ans, 6 000 postes ont été supprimés ! Les moyens techniques de captation sonore ou d’image par exemple ne peuvent pas se substituer aux moyens humains.

Nous nous opposons également au recours aux ordonnances prévu à l’article 15. De manière générale, nous nous demandons si ce texte n’accélère pas le mouvement de changement d’activité des douanes, engagé par le transfert des taxes vers la DGFIP. Du fait des nouveaux outils, les agents exercent de plus en plus des missions de contrôle aux frontières des personnes plutôt que des marchandises. Dans certains aéroports secondaires, ils se substituent à la police aux frontières (PAF). Ils effectuent également des recherches liées à des infractions pénales, voire parfois du maintien de l’ordre. Nous craignons que ces évolutions les éloignent de leur cœur de métier, en l’occurrence le contrôle des marchandises.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous considérons que plusieurs dispositions de ce projet de loi sont positives, car elles donneront plus d’autonomie à la DGDDI. Nous sommes également favorables au renforcement des sanctions et des moyens opérationnels.

Nous pensons toutefois que les pouvoirs des douanes doivent être scrupuleusement encadrés. La retenue temporaire des sommes d’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire, les techniques d’écoute et d’enregistrement vidéo, l’extension de l’usage des drones ou le recours à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation doivent s’accompagner d’une grande vigilance. Nous devons concilier la lutte contre les trafics et le respect des libertés individuelles. Nous tenons autant à l’une qu’à l’autre.

Concernant l’article 10 par exemple, nous nous demandons notamment ce qui justifie de conserver pendant un mois les données stockées sur un cloud, alors que la logique voudrait que celles-ci soient utilisées le plus rapidement possible. Nous regrettons par ailleurs que ce texte ne prévoie pas de crédits supplémentaires ni de recrutements, hormis dans le cadre de la réserve opérationnelle. Entre 2019 et 2022, plus de 500 emplois ont pourtant été supprimés.

S’agissant de l’application du texte aux territoires ultramarins, nous savons que le recours aux ordonnances dépossède le législateur de sa compétence. Depuis 2020, le seul dépôt du projet de loi de ratification suffit au Gouvernement pour donner une valeur législative à une ordonnance. Nous devons donc veiller à ce que celle-ci ne procède qu’à des ajustements formels et nous assurer que ces collectivités conservent leur autonomie.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Charles de Courson (LIOT). À l’article 7, pourquoi avoir fixé un objectif de 300 postes à la réserve ? À quel besoin opérationnel correspond-il exactement ?

Comment l’article 13, qui étend le champ du délit de blanchiment douanier aux crypto-actifs, fonctionnera-t-il en pratique ?

Le renforcement des sanctions pour les trafiquants de tabac est-il à la hauteur de celles concernant les trafiquants de drogues, compte tenu du niveau des profits issus de ces deux types de trafic ?

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je salue le travail des agents des douanes et de la PAF. Élue de la Maurienne, un territoire frontalier de l’Italie, je connais leur engagement au quotidien. Nous sommes en effet soumis à une pression très forte du trafic de tabac, dont les conséquences sont importantes pour nos buralistes. L’an dernier, les saisies ont augmenté de 200 %. Comment comptez-vous décliner votre plan pour les départements frontaliers ? Envisagez-vous de leur accorder des moyens supplémentaires ?

M. Dominique Da Silva (RE). Le Brexit s’est traduit par un besoin massif d’effectifs douaniers. Il me semble toutefois que le nombre de candidats n’était pas à la hauteur du nombre d’offres d’emploi. La réserve opérationnelle est évidemment utile, mais est-ce un moyen de contourner les difficultés que vous rencontrez pour recruter du personnel permanent ?

M. le président Éric Coquerel. J’observe l’unanimité des membres de la commission pour saluer le travail des douaniers.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. M. Reda a raison d’insister sur la nécessité d’anticiper la formation des agents des douanes. La spécificité de ce texte est que les nouvelles modalités du droit de visite s’appliqueront au lendemain de sa promulgation. Comme il fait suite à une censure du Conseil constitutionnel, il était difficile de prévoir une entrée en vigueur différée. Nous avons donc déjà engagé la formation des agents, avec évidemment un suivi permanent des évolutions introduites par le Parlement dans le cadre de la navette, pour y adapter cette formation.

Pour répondre à M. Dessigny, il n’y a pas de remise en cause du droit de visite. En revanche, celui-ci serait remis en cause si nous ne votions pas ce texte. Nous ne pouvons pas abandonner le minimum d’encadrement qui a été prévu, car nous risquerions une nouvelle censure. À l’inverse, alourdir ses modalités de mise en œuvre, comme le proposent certains, poserait des problèmes opérationnels. Nous devons donc trouver un équilibre.

J’aurais préféré que nous ne soyons pas obligés de revoir le droit de visite, mais je respecte la décision du Conseil constitutionnel. C’est la commission des lois qui examine les articles concernés, mais je pense que les modalités que nous avons prévues sont équilibrées. Dans le rayon de la frontière, rien ne changera pour les douaniers : nous avons codifié de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation qui correspond déjà aux pratiques des agents. En revanche, un nouveau cadre entrera en vigueur à l’intérieur du territoire. Le droit de visite continuera à s’appliquer, sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière ou d’une information du procureur de la République – une information par tout moyen : j’étais très attaché à ce qu’il ne s’agisse pas d’une autorisation.

Concrètement, si des agents veulent contrôler un axe secondaire qui n’est pas dans le rayon de la frontière, ils n’auront qu’à prévenir le procureur ou son substitut de l’existence de cette opération. Nous avons réussi à trouver un schéma équilibré, permettant de lever la crainte que nous avions au départ de ne quasiment plus pouvoir exercer le droit de visite dans l’intérieur du territoire.

Enfin, non, nous ne faisons pas cette réforme à cause de l’Europe. Nous avons réécrit le droit de visite à la demande du Conseil constitutionnel de la France, qui s’est prononcé sur le fondement de la Constitution française ! L’Europe a parfois bon dos dans vos arguments.

Je ne m’étends pas sur la question de Mme Leduc concernant les comparaisons avec les autres pays européens. Ainsi que je l’ai déjà dit à M. Coquerel, elles ne sont pas opérantes dès lors que les agents ne réalisent pas les mêmes missions.

S’agissant des organisations syndicales, les représentants de la direction générale des douanes qui m’accompagnent ont trouvé assez drôle l’idée qu’elles n’avaient pas été associées et qu’elles avaient découvert la nouvelle rédaction de l’article 60 dans la presse. Nous avons réuni les syndicats au lendemain de décision du Conseil constitutionnel et ils sont intervenus à chaque étape du processus, ce qui explique d’ailleurs que celui-ci ait pris du temps. Franchement, votre version des choses fait sourire. Nous avons également constitué un réseau de référents, avec seize douaniers de terrain associés à la rédaction du nouveau droit de visite : nous voulions être certains qu’il correspondrait aux réalités du terrain et aux attentes des personnels. Je vous invite à aller vous-même les rencontrer pour être au fait de ces sujets.

Pour répondre à Mme Dalloz, ainsi qu’à Mme Bonnivard, les réductions d’effectifs qui ont pu s’observer ces dernières années sont uniquement liées aux transferts de missions de fiscalité des douanes vers la DGFIP. Elles n’ont concerné que les postes qui étaient chargés du recouvrement de ces taxes. À périmètre constant, les effectifs n’ont pas diminué. Un renforcement sensible des moyens techniques est en outre prévu, puisque j’ai annoncé un plan massif de réinvestissement de 45 millions sur deux ans, qui concernera notamment les territoires frontaliers. Ce plan permettra de financer l’achat de nouveaux scanners, fixes et mobiles, et de plusieurs centaines de lecteurs automatisés des plaques d’immatriculation supplémentaires.

Grâce à ce projet de loi, ces lecteurs automatiques devraient être beaucoup plus efficaces pour lutter contre les trafics, notamment de tabac. Une expérimentation va être lancée. Aujourd’hui, les lecteurs automatisés scannent les plaques d’immatriculation qui entrent dans notre pays et les comparent avec le fichier des véhicules volés. Demain, si le texte est adopté, nous devrions être capables d’identifier des plaques d’immatriculation qui circulent régulièrement à proximité l’une de l’autre. Elles pourraient correspondre par exemple à un convoi transportant des marchandises prohibées.

Des scanners seront également installés dans les centres de tri postaux. À partir de 2025, je souhaite que tous les colis arrivant par fret express en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne soient scannés. Nous savons en effet que du trafic de tabac est effectué par l’envoi multiple de petites quantités : même si une partie des colis est retenue, les autres passent.

Comme l’a indiqué Mme Goulet, la contrefaçon est un vrai sujet de préoccupation. L’an dernier, nous avons trouvé, en France, cinq usines de fabrication de cigarettes contrefaites, ce qui n’existait auparavant que dans les pays de l’Est de l’Europe. Chacun de ces hangars comptait des lignes de production capables de produire entre 1 et 2 millions de cigarettes par jour. C’est sidérant. Et cela pousse à se demander comment les machines-outils ont pu entrer sur notre territoire…

Quoi qu’il en soit, j’assume d’en faire une priorité. Nous pouvons agir en identifiant les précurseurs et les filtres à nos frontières. Un travail important est mené au niveau européen pour être plus efficace. J’ai par ailleurs demandé à la direction des douanes et à la DNRED d’identifier les outils importés pour construire ces lignes de production et de les contrôler. Le problème étant que lorsqu’ils transitent par petits bouts, il peut être difficile de les repérer.

Nous pourrons étudier la question de la réserve citoyenne, mais je pense qu’il est préférable d’avancer par étapes.

S’agissant du bilan des transferts, nous respectons le calendrier qui a été fixé. La dernière grande opération concernera la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui sera transférée en 2025. Les dispositions législatives qui fixent le schéma de transfert ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2023. Ce dernier ne remet pas en cause la compétence douanière pour le contrôle des produits pétroliers dans les régimes suspensifs. Le transfert de compétence ne porte que sur la collecte de la taxe.

M. Bouloux a exprimé des inquiétudes concernant la réserve opérationnelle. Il n’est évidemment pas question de confier des armes à feu à des jeunes qui n’auraient eu que deux semaines de formation. Nous reprenons exactement les modalités prévues dans la loi pour la réserve opérationnelle de la police nationale. Un décret en Conseil d’État viendra préciser les exigences de formation, qui seront assez élevées, pour les agents de la réserve opérationnelle qui pourraient être amenés à porter une arme. Le fait d’exercer ou d’avoir exercé un métier dans lequel une arme est portée constituera un prérequis important. Toutes les diligences en termes d’enquêtes administratives seront par ailleurs réalisées pour celles et ceux qui rejoindront cette réserve.

En ce qui concerne la méthode, M. Bouloux s’étonnait également que nous ne présentions ce projet de loi que maintenant alors que nous savions depuis huit mois qu’un texte était nécessaire. C’est qu’un énorme travail a été réalisé par la direction générale des douanes, à laquelle je veux rendre hommage, en lien avec la Chancellerie, le Conseil d’État et des juristes spécialisés en droit douanier. Une concertation a eu lieu avec les organisations syndicales – on ne peut pas à la fois nous demander d’associer les syndicats et nous reprocher que cela prenne du temps. C’est pour éviter une censure du Conseil constitutionnel que nous avons travaillé étroitement avec le Conseil d’État, qui a validé la rédaction qui vous est soumise. Nous voulons donc conserver l’équilibre trouvé, car il n’y a pas de raison de douter de sa constitutionnalité.

Être trop ferme avec les trafiquants de tabac risquerait-il de les orienter vers le trafic de stupéfiants ? Pour ma part, je pense que nous devons être durs avec tout le monde. Mais ce qui est sûr, c’est que nous devons l’être plus qu’aujourd’hui avec les trafiquants de tabac. Certains réseaux mafieux qui ne s’intéressaient qu’aux stupéfiants se tournent en effet vers le tabac, parce que ce trafic est lucratif et que les sanctions sont moindres. Nous devons donc les renforcer et poursuivre la lutte contre tous les trafics.

Pour répondre à M. Jolivet, les prérogatives des officiers de douane judiciaire et des officiers de police judiciaire sont identiques : c’est le champ d’attribution qui est différent. Le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui va devenir l’Office national antifraude (ONAF), doit être plus efficace et disposer d’une plus grande souplesse. Pour cette raison, le plan de lutte antifraude prévoit un élargissement des compétences des officiers de douane judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires du SEJF, qui pourront couvrir l’ensemble des fraudes aux aides publiques. Ils pourront se saisir d’office des dossiers lorsqu’ils découvrent de potentielles infractions au cours de leurs enquêtes.

Concernant l’articulation de ce projet de loi avec la réforme de l’Union douanière, la Commission a effectivement présenté un paquet très ambitieux en mars. Celui-ci prévoit une refonte du régime des opérateurs agréés, la mise en place d’un lac de données européen, un ciblage coordonné des contrôles dans tous les États membres et même la création d’une agence européenne des douanes. Il s’agit d’un texte majeur, que la France a soutenu très fortement pendant la présidence française de l’Union européenne. Nous restons très favorables à cette réforme, qui permettra d’éviter le syndrome du « maillon faible », avec des États qui négligent les contrôles aux frontières du marché intérieur, soit par intérêt économique, soit par manque de moyens.

J’ai répondu à la question de Mme Arrighi relative aux transferts vers la DGFIP. Les ports francs sont un sujet de préoccupation. Des stocks importants d’œuvres culturelles, qui s’accompagnent de risques de blanchiment élevés, existent notamment en Suisse. Nous sommes vigilants au niveau européen, particulièrement concernant la Suisse et le Luxembourg. Tous les pouvoirs prévus dans le projet de loi pourront être mobilisés, ainsi que d’autres actions, comme la surveillance de l’importation d’œuvres d’art, effectuée avec le ministère de la culture. Une politique spécifique existe dans ce domaine.

L’activité migratoire représente 12,1 % des missions opérationnelles des douanes en 2022. J’évoquais tout à l’heure les 1 500 gardes-frontières : très précisément, ce sont 1 654 douaniers qui sont mobilisés sur les points de passage frontaliers.

Pour répondre à M. Castellani, la rédaction du texte est assez claire concernant le fonctionnement de la retenue temporaire d’argent liquide. Les modalités s’inspirent de la retenue d’argent liquide à la frontière. Nous prévoyons de l’étendre au sein du territoire national, pour prendre en compte le phénomène des « mules » qui viennent de Guyane et qui transportent de la cocaïne jusqu’en métropole. Selon les estimations faites l’an dernier, chaque vol entre Cayenne et Paris compterait une vingtaine de « mules ». Nous en interpellons au départ et à l’arrivée, mais certaines parviennent à passer.

Nous nous sommes rendus en Guyane avec Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin il y a quelques mois, afin de mettre en place une politique de systématisation des contrôles au départ. Nous renforçons notre efficacité, mais ce problème reste un fléau. Quelques milliers d’euros sont proposés à des jeunes pour qu’ils transportent un kilo ou un kilo et demi de cocaïne dans leur ventre. Une grande partie de la cocaïne qui circule, notamment en Île-de-France, est liée à ce trafic.

Sachant que les « mules » sont plusieurs dizaines par vol et qu’il y a en moyenne deux vols par jour, on peut avoir une idée de l’intensité du trafic. Pouvoir retenir l’argent liquide avec lequel ces jeunes veulent rentrer en Guyane une fois qu’ils ont livré la drogue peut être dissuasif. Les cas de retenue, la durée et les voies de recours sont décrits dans le texte. D’ici à la séance, je souhaite néanmoins que nous puissions travailler avec la rapporteure afin de préciser les modalités de saisie de cet argent liquide, point sur lequel la rédaction n’est pas satisfaisante.

M. de Courson m’a demandé pourquoi nous avions prévu 300 postes au sein de la réserve opérationnelle : parce que ce dimensionnement nous semble réaliste, s’agissant à la fois des volumes de recrutements – 150 personnes par an sur deux ans – et du budget. Le coût de la formation est estimé à un million d’euros. Une force de 300 agents permet de faire face à beaucoup de situations d’urgence.

Enfin, M. Da Silva m’a interrogé sur l’enjeu de l’attractivité. Dans le cadre de cette réserve, la douane pourra intervenir dans les écoles et les lycées. Cette démarche répond à des inquiétudes exprimées dans plusieurs amendements. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large d’amélioration de l’attractivité du recrutement au sein des douanes. Nous rencontrons en la matière les mêmes problèmes que la police et la gendarmerie. Une campagne de communication présentant les métiers de la douane est en préparation et sera diffusée prochainement.

Nous parlons des douaniers grâce à ce texte, mais ils sont peu visibles dans le débat public. Ils jouent un rôle essentiel, mais nous ne mettons pas suffisamment en évidence la diversité et la richesse de leurs métiers : il est possible de faire toute une carrière au sein des douanes en changeant radicalement de fonctions, par exemple en passant de la surveillance à la filière commerciale.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Lors de la visite que j’ai faite avec le ministre Gabriel Attal à Marseille, les agents et les syndicats ont exprimé certaines préoccupations quant à la création de la réserve opérationnelle. Celle-ci n’a aucunement vocation à se substituer au recrutement de douaniers. L’objectif est seulement de disposer d’un contingent supplémentaire pour aider les douaniers lors d’événements comme la Coupe du monde ou les Jeux olympiques, ou d’apporter des expertises, par exemple dans les domaines de la cryptomonnaie ou de l’intelligence artificielle. Il ne faut pas laisser planer le moindre doute à ce sujet.

 


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Examen des articles

Titre Ier
MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIÈre sur l’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Article 1er
(art. 44, 45, 213 et 214 du code des douanes)
Modifications relatives à la zone terrestre du rayon des douanes

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le rayon des douanes, zone de surveillance spéciale définie à l’article 44 du code des douanes, comprend une zone maritime et une zone terrestre. La profondeur de cette dernière est en principe de 20 kilomètres à partir des frontières, mais est en réalité de 60 kilomètres en application d’un arrêté de 1969.

Le présent article fixe la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes à 40 kilomètres à partir des frontières, et supprime la possibilité pour le pouvoir réglementaire de l’étendre. Il abroge également des dispositions obsolètes relatives à l’installation de moulins et d’établissements industriels dans le rayon des douanes.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions faisant l’objet du présent article sont issues du décret n° 48‑1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, et n’ont pas été modifiées depuis (à l’exception de l’article 45 du code des douanes, modifié à la marge par l’article 12 de la loi n° 63‑1351 du 31 décembre 1963).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   La dÉfinition du rayon des douanes

Le territoire douanier, sur l’ensemble duquel s’exerce l’action du service des douanes, est défini à l’article 1er du code des douanes. Il comprend les territoires et les eaux territoriales de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral et de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion, étant précisé que des territoires étrangers peuvent être inclus dans le territoire douanier – tel est ainsi le cas de la principauté de Monaco.

En outre, le service des douanes peut procéder aux contrôles requis pour prévenir ou poursuivre les infractions à la législation douanière dans la zone contiguë, soit jusqu’à 12 milles ([4]) au-delà des eaux territoriales, ainsi que le prévoit l’article 44 bis du code des douanes.

Aux termes du 2 de l’article 43 du code des douanes, le territoire douanier comprend une « zone de surveillance spéciale […] organisée le long des frontières terrestres et maritimes » : le rayon des douanes.

● Le rayon des douanes est défini à l’article 44 du même code ; il comprend deux composantes, une zone maritime et une zone terrestre.

La zone maritime est comprise entre le littoral et une limite située à 12 milles marins à partir des lignes de base de la mer territoriale ([5]) ; elle correspond donc aux eaux intérieures et aux eaux territoriales.

La zone terrestre du rayon des douanes, quant à elle, est définie au 3 de l’article 44, et s’étend :

– s’agissant des frontières maritimes, entre le littoral et 20 kilomètres en deçà du rivage de la mer ou des rives des cours d’eau affluant à la mer jusqu’au dernier bureau de douane situé en amont, et dans un rayon de 20 kilomètres autour de ce bureau ;

– s’agissant des frontières terrestres, entre la limite du territoire douanier et 20 kilomètres en deçà.

 Si la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes est en principe de 20 kilomètres, elle peut être étendue par le pouvoir réglementaire, par un arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances, aux fins de faciliter la répression de la fraude.

Cette faculté, prévue au 4 de l’article 44 du code des douanes, a été mise en œuvre par un arrêté du 12 mai 1969 ([6]), qui a étendu la profondeur de la zone terrestre à 60 kilomètres.

Enfin, l’article 45 du code des douanes renvoie au ministre chargé de l’économie et des finances le soin de fixer, par arrêtés, le tracé de la limite intérieure de la zone terrestre ([7]).

Les dispositions relatives à la zone terrestre du rayon des douanes sont issues du décret du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes ([8]) et n’ont pas été modifiées depuis ([9]).

B.   Le rayon des douanes, zone de surveillance spÉciale

● Le rayon des douanes constitue une « zone de surveillance spéciale » et permet à ce titre la mise en œuvre de prérogatives particulières, la zone concernée proche de la frontière étant jugée sensible. Parmi ces prérogatives, peuvent être mentionnés :

– la possibilité, pour les agents des douanes, de contrôler l’identité des personnes qui circulent dans le rayon des douanes, en application de l’article 67 du code des douanes ([10]) ;

– le droit de visite de navires situés dans la zone maritime du rayon, en application des articles 62 et 63 bis du même code ;

– l’obligation faite aux agents des brigades des douanes de s’engager à quitter le rayon des douanes pendant 5 ans en cas de révocation, ainsi qu’en dispose l’article 58 du même code ([11]).

● Enfin, l’installation de moulins et d’établissements industriels dans la zone terrestre du rayon des douanes est soumise à des formalités spéciales prévues à la section V du chapitre Ier du titre VIII du code des douanes :

– la construction et l’installation de ces édifices sont subordonnées à l’autorisation du préfet, accordée sur avis favorable du directeur des douanes (article 213 du code des douanes) ;

– si les moulins ou établissements industriels dans le rayon des douanes ont favorisé la contrebande, le préfet peut en ordonner le déplacement (dans un délai ne pouvant être inférieur à un an) ou la fermeture (article 214 du même code).

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article met à jour la zone terrestre du rayon des douanes, dont les modalités de détermination étaient inchangées depuis 1948, en la fixant à 40 kilomètres à partir des frontières, sans extension possible par le pouvoir réglementaire.

● Plus précisément, son I réécrit le 3 de l’article 44 du code des douanes, prévoyant désormais que la zone terrestre est comprise :

– s’agissant des frontières maritimes, entre le littoral et une ligne tracée à 40 kilomètres en deçà ;

– s’agissant des frontières terrestres, entre la frontière et une ligne tracée à 40 kilomètres en deçà.

● La possibilité offerte au pouvoir réglementaire d’étendre la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes jusqu’à 60 kilomètres est supprimée par l’abrogation du 4 de l’article 44 du code des douanes, prévue au II du présent article.

Ce dernier a donc pour effet de ramener la zone terrestre du rayon des douanes de 60 à 40 kilomètres à compter du littoral ou de la frontière.

Le dispositif proposé est de nature à assurer à l’article 44 du code des douanes sa constitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel, en 1993, avait déclaré contraires à la Constitution des dispositions législatives voisines en matière de contrôle d’identité, qui visaient à déléguer au pouvoir réglementaire la faculté d’étendre la zone d’exercice des contrôles ([12]).

● Ce II abroge également l’article 45 du code des douanes, qui renvoie à des arrêtés ministériels le soin de fixer le tracé de la limite de la zone terrestre du rayon des douanes.

● Enfin, le même II abroge aussi la section V du chapitre Ier du titre VIII du code des douanes, et donc les articles 213 et 214 de ce code, qui prévoient des dispositions particulières pour l’installation de moulins et d’établissements industriels dans le rayon des douanes.

L’abrogation de ces dispositions répond aux objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, dans la mesure où, comme l’indique l’étude d’impact du présent projet de loi, elles sont obsolètes.

Par ailleurs, cette abrogation garantit au code des douanes, sur ce point, sa conformité avec la liberté d’établissement consacrée aux articles 49 à 55 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En effet, l’autorisation préalable du préfet après avis favorable du directeur des douanes pour les seuls moulins et établissements industriels pourrait constituer une entrave injustifiée à cette liberté.

Outre la modernisation du rayon des douanes et les changements qu’il emporte s’agissant du périmètre de la zone terrestre de celui-ci, cet article est lié à l’article 2 du présent projet de loi et aux modifications qu’il apporte au régime du droit de visite douanière, le rayon des douanes étant l’une des zones au sein desquelles ce droit de visite sera possible même en l’absence de motifs particuliers, en application du nouvel article 60‑1 du code des douanes (cf. infra, commentaire de l’article 2).

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   La position de la Commission

La Commission a, elle aussi, adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 1er non modifié.

*

*     *

Article 2
(art. 60, art. 601 à 6010 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 11224 du code du patrimoine, art L. 25118, L. 251181, L. 9366 et L. 95118 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales)
Mise en conformité du droit de visite douanière

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme le droit de visite douanière, actuellement prévu à l’article 60 du code des douanes, afin de le mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles, le Conseil constitutionnel ayant déclaré celui-ci contraire à la Constitution dans une décision du 22 septembre 2022.

À cet effet, en plus de préciser la finalité du droit de visite douanière, cet article en détermine les conditions de mise en œuvre et encadre son déroulement en introduisant dans le code des douanes de nouveaux articles 60‑1 à 60‑10.

En substance, s’agissant des conditions de mise en œuvre, le droit de visite serait possible :

– sans motif particulier, dans la zone terrestre du rayon des douanes et dans les lieux à forte exposition internationale, limitativement énumérés (article 60‑1) ;

– dans les autres lieux, sur motifs particuliers, soit en cas de suspicion de la commission d’infractions douanières (article 60‑2) ou, après information du parquet, pour la recherche de certaines infractions (article 60‑3) ; des conditions particulières sont prévues pour l’accès aux locaux professionnels où se trouvent des marchandises placées sous surveillance douanière (article 60‑4).

S’agissant de l’encadrement du déroulement du droit de visite, le présent article fixe un cadre général, reposant notamment sur un plafonnement de la durée des visites (article 60‑5), et consacre les garanties dégagées par la Cour de cassation en matière de visite des personnes – excluant notamment la fouille à corps (article 60‑6) –, d’immobilisation ou de maintien à disposition (article 60‑7) et de recueil de déclarations (article 60‑9). Il consacre également le caractère contradictoire de la visite (article 60‑8).

Il précise enfin que la découverte d’infractions autres que celles visées par le droit de visite n’est pas une cause de nullité des procédures incidentes (article 60‑10).

       Dernières modifications intervenues

L’article 60 du code des douanes a été censuré par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2022‑1010 QPC du 22 septembre 2022, la déclaration d’inconstitutionnalité prenant effet au 1er septembre 2023.

       Modifications apportées par le Sénat

Les modifications apportées par le Sénat consistent pour l’essentiel en des précisions ou des clarifications. Ainsi, peuvent être mentionnées :

– s’agissant du droit de visite sans motif dans les lieux exposés à l’international, le remplacement des « abords » des aéroports, ports et gares par un rayon de 10 kilomètres, et l’extension du droit de visite aux sections autoroutières ;

– la suppression de l’application expresse du droit de visite pour motif particulier à la tentative de commission des infractions visées ;

– diverses précisions relatives aux garanties encadrant l’exercice du droit de visite douanière.

       Modifications apportées par la Commission

Outre plusieurs aménagements d’ordre rédactionnel, la Commission des lois, à l’initiative de sa rapporteure, a modifié cet article sur deux points principaux :

– elle a rétabli la notion d’abords des ports, aéroports et gares ;

– elle a également rétabli la mention expresse selon laquelle le droit de visite pour motifs particuliers s’applique à la tentative de commission d’infraction.

I.   L’État du droit

Dans le cadre de ses missions de surveillance du commerce international, de lutte contre la fraude et les trafics, de sauvegarde de l’ordre public et de la santé publique, ou encore de contrôle des flux d’argent, l’administration des douanes dispose d’importantes prérogatives de contrôle, qui s’inscrivent dans un cadre européen.

Ce cadre figure essentiellement dans le code des douanes de l’Union (CDU) résultant du règlement du 9 octobre 2013 ([13]) et dont l’article 5 définit les contrôles douaniers comme « les actes spécifiques accomplis par les autorités douanières pour garantir la conformité avec la législation douanière et les autres dispositions régissant l’entrée, la sortie, la circulation, le stockage et la destination particulière de marchandises […] ». L’article 46 du CDU prévoit que les autorités douanières « peuvent exercer tout contrôle douanier qu’elles estiment nécessaires », ces contrôles pouvant reposer sur une analyse du risque ou revêtir un caractère inopiné.

La mise en œuvre de tels contrôles est une obligation pour les États membres, résultant de l’impératif de lutte contre la fraude et contre toute activité portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, consacré à l’article 325 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ainsi, les États sont tenus « de veiller à l’application du droit douanier de l’Union et, en particulier, d’effectuer des contrôles douaniers appropriés afin de protéger de manière effective les intérêts financiers de celle-ci » ([14]).

A.   Le droit de visite douaniÈre

Parmi les modalités de contrôle prévues par la législation douanière française figure le droit de visite général prévu à l’article 60 du code des douanes, « forme la plus ostensible de l’activité des agents des douanes » ([15]).

1.   Une définition générale et large

À l’image des dispositions relatives au rayon des douanes présentées dans le commentaire de l’article 1er du projet de loi (cf. supra), l’article 60 du code des douanes est issu du décret du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes ([16]) et n’a pas été modifié depuis.

Inchangée depuis 75 ans, la rédaction sobre de cet article 60 prévoit que « Pour l’application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes. »

Le droit de visite douanière, concernant tous les types de marchandises, tout moyen de transports et les personnes, peut ainsi être mis en œuvre :

– sur l’ensemble du territoire national, et non pas uniquement aux frontières ou dans le rayon des douanes, dans la mesure où l’action du service des douanes s’exerce sur tout le territoire douanier, ainsi qu’il résulte de l’article 43 du code des douanes ([17]) ;

– de jour comme de nuit ;

– et sans que les agents des douanes n’aient à relever préalablement l’existence d’indices laissant présumer la commission d’une infraction ([18]).

Enfin, le fait de refuser ou de s’opposer au droit de visite – en empêchant son exercice ou, par exemple, en ne demeurant pas à la disposition des agents le temps nécessaire à cet exercice – constitue un délit douanier de troisième classe, passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, en application de l’article 416 bis du code des douanes.

2.   Un encadrement prétorien abondant

Particulièrement laconique, voire lapidaire, eu égard à son objet et son importance, l’article 60 du code des douanes a fait l’objet d’une abondante jurisprudence de la Cour de cassation, afin d’en préciser la portée et d’en encadrer la mise en œuvre.

a.   L’encadrement de la finalité du droit de visite

Si le droit de visite apparaît « illimité quant à ses modalités » ([19]), sa mise en œuvre doit cependant reposer sur la recherche ou le constat d’une infraction douanière, en vertu de l’interprétation restrictive de la notion d’application des dispositions du code des douanes figurant à son article 60.

Dès lors, faire usage du droit de visite douanière pour la recherche d’une autre infraction, telle qu’une infraction au code de la route, est exclu : cela constituerait un détournement de procédure ([20]).

b.   L’encadrement des modalités d’exercice du droit de visite

D’autres limitations ont été apportées sur l’objet du droit de visite ou les lieux qu’il concerne.

Ainsi, ce droit doit être exercé sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public, et non dans des locaux professionnels ou des domiciles, qui font l’objet de dispositions spécifiques prévues respectivement aux articles 63 ter et 64 du code des douanes (cf. infra). Est ainsi irrégulier l’exercice du droit de visite général de l’article 60 de ce code s’agissant des lieux privés d’un navire, qui relèvent du régime prévu à son article 64 ([21]).

S’agissant plus particulièrement des véhicules, la Cour de cassation a récemment écarté le droit de visite d’un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public et libre de tout occupant, l’article 60 du code des douanes ne pouvant être interprété comme autorisant une telle visite « en l’absence de toute garantie posée par la loi visant à s’assurer de l’authentification des recherches et découvertes effectuées » ([22]).

S’agissant des personnes, la Cour de cassation a jugé que :

– le droit de visite permet de fouiller les bagages d’une personne et d’examiner les mentions manuscrites d’un agenda ([23]), ou encore de fouiller son sac à main ([24]) ;

– il autorise la fouille des vêtements ([25]) et la palpation ([26]) ;

– en revanche, le droit de visite « ne saurait inclure une fouille à corps, impliquant le retrait des vêtements », une telle démarche ne pouvant être mise en œuvre que dans le cadre de la retenue douanière ([27]).

c.   L’encadrement du déroulement du droit de visite

L’exercice du droit de visite peut conduire à recueillir des indices et éléments de preuve ; dans ce cas, les agents doivent inventorier ces indices et éléments et s’assurer de la préservation de leur intégrité, en vue de leur remise pour saisie à un officier de police judiciaire ([28]).

S’agissant des éventuelles mesures contraignantes, si la Cour a énoncé que le droit de visite n’autorisait aucune mesure coercitive ([29]), elle a ensuite admis que le maintien de la personne à la disposition des agents des douanes peut cependant conduire à des mesures de contrainte si elles sont nécessaires à ce maintien, comme le menottage d’une personne pour éviter sa fuite ([30]).

En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que le droit de visite ne peut donner lieu au maintien des personnes à la disposition des agents des douanes au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux vérifications effectuées et à leur consignation ([31]). La contrainte ne peut donc excéder la durée strictement nécessaire :

– au contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne ;

– à la consignation des constatations et renseignements dans un procès‑verbal ;

– et, le cas échéant, aux saisies et à la rédaction du procès-verbal afférent.

À l’issue du droit de visite, la personne ne peut être retenue contre son gré, si les conditions de la retenue douanière ne sont pas réunies (cf. infra([32]).

En revanche, dans l’hypothèse où une personne serait maintenue à la disposition des agents des douanes au-delà de ce qui est strictement nécessaire, l’annulation de la procédure de contrôle n’est encourue qu’à compter du moment où la mesure de contrainte cesse d’être justifiée – de ce fait, seuls les actes passés après ce moment et ceux qui en sont le support nécessaire encourent l’annulation. En outre, le maintien irrégulier sous contrainte n’est pas à lui seul une cause de nullité de la procédure judiciaire qui lui fait suite ([33]).

Enfin, si les agents des douanes peuvent recueillir, pendant le droit de visite, les déclarations des personnes en vue de la reconnaissance des objets découverts, ils ne disposent pas dans ce cadre d’un pouvoir général d’audition : l’audition formelle de la personne doit être faite soit dans le cadre de l’audition libre prévue à l’article 67 F du code des douanes, à l’égard d’un suspect, soit dans le cadre de la retenue douanière prévue aux articles 323‑1 et suivants du même code (cf. infra([34]).

3.   Les autres prérogatives des agents des douanes

Le droit de visite prévu à l’article 60 du code des douanes n’est pas, loin s’en faut, la seule prérogative dont disposent les agents des douanes pour accomplir leurs missions.

À titre liminaire, précisons qu’un droit de communication est reconnu aux agents des douanes, pour qu’ils puissent obtenir des documents ; les conditions et modalités d’exercice de ce droit sont fixées aux articles 64 A à 65 quinquies du code des douanes.

a.   Les autres droits de visite et d’accès

Les agents des douanes bénéficient également d’un droit de visite des navires, prévu aux articles 62 et 63 du code des douanes, en fonction de la situation et de la localisation du navire, et d’un droit de visite des îles artificielles et des installations du plateau continental et de la zone économique exclusive (article 63 bis) ; il est renvoyé au commentaire de l’article 3 du présent projet de loi pour une présentation complète du droit de visite des navires.

Ils peuvent également accéder aux locaux professionnels et aux terrains et entrepôts dans le cadre d’investigations nécessaires à la recherche et à la constatation d’infractions au code des douanes, en application de l’article 63 ter de ce code. Cet accès doit en principe intervenir entre 8 heures et 20 heures, après information du procureur de la République.

Les agents habilités disposent également, en application de l’article 64 du code des douanes, du droit d’accéder à tout lieu – y compris un domicile –, accompagnés d’un officier de police judiciaire, susceptible d’abriter des marchandises, biens ou avoirs se rapportant aux délits douaniers, à la contrebande, aux importations et exportations sans déclaration et aux manquements à la réglementation des relations financières avec l’étranger. Cet accès, en dehors de l’hypothèse de flagrance, suppose l’autorisation du juge des libertés et de la détention ; les agents des douanes peuvent procéder à la saisie des marchandises et documents se rapportant aux infractions ciblées.

Est également prévu l’accès aux locaux postaux, dans le cadre des contrôles douaniers des envois par la poste, aux fins de recherche et de constatation d’infraction douanières (article 66 du même code).

b.   Les rétentions de personnes

Les agents des douanes peuvent aussi procéder à la rétention d’une personne :

– soit dans le cadre d’une retenue provisoire, en application de l’article 67 ter du code des douanes, à l’occasion des contrôles et à l’égard des personnes signalées ou détenant un objet signalé ;

– soit dans le cadre de la retenue douanière, prévue aux articles 323‑1 à 323‑10 du code des douanes.

La retenue douanière, qui suit l’arrestation de la personne, est possible en cas de flagrant délit douanier et si la mesure est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière. Elle suppose l’information du procureur de la République et ne peut excéder 24 heures, durée pouvant être prolongée sur autorisation de ce magistrat.

Le régime de la retenue douanière est voisin de celui de la garde à vue prévu par le code de procédure pénale, auquel le code des douanes renvoie notamment s’agissant des droits de la personne retenue. La durée de la retenue douanière s’impute en outre sur celle de la garde à vue – la durée de la retenue provisoire prévue à l’article 67 ter s’impute aussi sur celle de la retenue douanière et de la garde à vue.

Notons enfin que si la personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction n’est pas placée en retenue douanière, les agents des douanes peuvent l’entendre dans le cadre d’une audition libre, ainsi que le prévoit l’article 67 F du code des douanes.

La retenue douanière et la retenue provisoire font l’objet d’une présentation détaillée dans le commentaire de l’article 4 du présent projet de loi, auquel il est renvoyé.

c.   Les enquêtes douanières

Les agents des douanes habilités à cet effet peuvent, en application des articles 67 bis et suivants du code des douanes, réaliser des enquêtes douanières en matière de délits douaniers. Dans ce cadre, ils peuvent procéder :

– à la surveillance de suspects ;

– à des infiltrations ;

– à des actes sous pseudonymes ;

– ou encore à l’acquisition des produits stupéfiants ou des biens ou documents tirés de la commission d’infractions, sans être pénalement responsables.

d.   Les autres attributions

Les agents des douanes peuvent également :

– soumettre à des examens médicaux de dépistage une personne dont on présume qu’elle transporte des stupéfiants dans son organisme, ainsi que le prévoit l’article 60 bis du même code ; la réalisation des examens suppose le consentement de la personne, ou à défaut l’autorisation du juge ;

– immobiliser les moyens de transport si le conducteur ne répond pas aux sommations, présente un danger ou en cas de crime ou délit flagrant (article 61) ;

– immobiliser les biens à double usage civil et militaire en attendant une décision d’interdiction ou d’autorisation de transit (article 61 bis) ;

– contrôler l’identité des personnes entrant dans le territoire douanier ou circulant dans le rayon des douanes (article 67 ([35])).

B.   L’inconstitutionnalité de l’article 60 du code des douanes

L’article 60 du code des douanes consacrant le droit de visite douanière a été jugé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 22 septembre 2022 ([36]) sur renvoi de la Cour de cassation ([37]).

1.   La censure du droit de visite douanière par le Conseil constitutionnel

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel indique que la lutte contre la fraude en matière douanière participe à l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infraction, et rappelle l’encadrement prétorien dont le droit de visite fait l’objet – en particulier s’agissant des visites de véhicules, de l’interdiction des fouilles à corps et du maintien à disposition des personnes seulement le temps strictement nécessaire.

Néanmoins, le Conseil, relevant que ce dispositif permet aux agents des douanes de procéder aux contrôles en toutes circonstances, pour rechercher toute infraction douanière, sur l’ensemble du territoire douanier et à l’encontre de toute personne sur la voie publique, ne repose pas sur un cadre défini avec suffisamment de précision, aboutissant à l’absence de conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle précité, d’une part, et la liberté d’aller et de venir et le droit à la vie privée, d’autre part.

Notons que la norme de contrôle retenue par le Conseil constitutionnel n’est pas la liberté individuelle, garantie par l’article 66 de la Constitution, mais la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée. C’est logique, dans la mesure où le droit de visite ne relève pas des mesures privatives de liberté qui seules, depuis 1999, sont contrôlées à l’aune de cette liberté individuelle ([38]).

Il convient de relever que cette censure fait écho à celle des anciennes dispositions sur le droit de visite des navires, jugées contraires à la Constitution par une décision du 29 novembre 2013 ([39]). Ces dispositions, dont certaines étaient au demeurant manifestement désuètes ([40]), permettaient « en toutes circonstances, la visite par les agents des douanes de tout navire qu’il se trouve en mer, dans un port ou en rade ou le long des rivières et canaux […] y compris la nuit » ([41]), et étaient dès lors dépourvues d’encadrement par des garanties de fond – et également marquées par l’absence de garanties procédurales – pour assurer la protection du domicile.

En tout état de cause, la décision du Conseil constitutionnel paraît fournir les clefs permettant au législateur d’adopter un dispositif sur le droit de visite douanière conforme aux exigences constitutionnelles. Il ressort en effet de la décision qu’un cadre juridique suffisamment précis aurait pu consister en la prise en compte :

– des lieux où le droit de visite est réalisé ;

– de l’existence de motifs particuliers, à savoir des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction ([42]).

2.   Une abrogation prenant effet au 1er septembre 2023

L’abrogation immédiate de l’article 60 du code des douanes à la suite de la censure décidée par le Conseil constitutionnel aurait empêché les agents des douanes d’effectuer toute opération de visite de marchandises, de moyens de transport et de personnes, privant l’administration des douanes de la « forme la plus ostensible » de son action.

Ces conséquences manifestement excessives ont conduit le Conseil constitutionnel :

– à exclure toute contestation des mesures prises avant sa décision sur le fondement de l’inconstitutionnalité décidée ;

– à reporter la date d’effet de l’abrogation de l’article 60 du code des douanes au 1er septembre 2023, laissant ainsi au législateur un délai suffisant pour adopter une évolution législative nécessaire. D’ici là, l’article 60 du code des douanes demeure applicable.

Rappelons à toutes fins utiles que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a censuré en 2013 les articles 62 et 63 du code des douanes relatifs à la visite des navires, avait là aussi différé dans le temps les effets de l’abrogation, la reportant au 1er janvier 2015 (cf. infra, commentaire de l’article 3).

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 et met le droit de visite douanière en conformité avec exigences constitutionnelles, afin de permettre aux douanes d’exercer leurs missions nécessaires tout en garantissant le plein respect des droits et libertés.

Formellement, cet article substitue à l’article 60 du code des douanes onze articles numérotés de 60 à 60‑10, dont les objets sont présentés dans le tableau de synthèse suivant.

synthÈse des dispositions proposÉes sur le droit de visite douaniÈre

Article

Objet

60

Finalités du droit de visite douanière

601

Exercice du droit de visite sans motif particulier dans les lieux ouverts à l’international et dans le rayon des douanes

602

Exercice du droit de visite pour des motifs particuliers sur la voie publique et dans les autres lieux que ceux visés à l’article 60‑1, en cas de suspicion de commission d’infraction

603

Exercice du droit de visite pour des motifs particuliers, dans les lieux visés à l’article 602, pour la recherche de certaines infractions et après information du parquet

604

Accès aux locaux professionnels où se trouvent des marchandises importées sous surveillance douanière

605

Encadrement général du droit de visite, avec plafonnement de la durée et exclusion des contrôles systématiques

606

Encadrement de l’exercice du droit de visite des personnes

607

Encadrement du maintien à disposition des personnes et des immobilisations de marchandises et moyens de transport

608

Caractère contradictoire de la visite avec présence de la personne concernée

609

Encadrement des déclarations susceptibles d’être recueillies dans le cadre du droit de visite

6010

Absence de nullité des procédures incidentes en cas de découverture fortuite d’autres infractions

Source : commission des Lois, d’après le projet de loi.

Cette synthèse permet de regrouper les nouveaux articles en deux grandes catégories :

– ceux relatifs aux conditions de mise en œuvre du droit de visite douanière ;

– ceux portant sur le déroulement des visites et les garanties prévues, qui consistent pour l’essentiel en une consécration législative des éléments dégagés par la Cour de cassation dans les arrêts précédemment mentionnés – la correspondance entre les dispositions prévues et les décisions de la Cour est indiquée dans les développements suivants.

1.   La nouvelle rédaction de l’article 60 du code des douanes, clef de voûte du droit de visite

Le présent article procède tout d’abord à la réécriture de l’article 60 du code des douanes, dont il reprend l’économie générale tout en enrichissant son dispositif.

En premier lieu, la finalité du droit de visite douanière est rappelée au premier alinéa de la nouvelle rédaction de l’article 60 : l’application du code des douanes et la recherche de la fraude – qui correspond à la fraude douanière, le droit de visite ne pouvant être mis en œuvre pour constater une infraction ne relevant pas de la compétence des douanes, ainsi qu’il a été vu.

En deuxième lieu, ce même premier alinéa renvoie aux nouveaux articles 601 à 6010 les conditions de mise en œuvre du droit de visite des marchandises, moyens de transport et personnes.

En troisième et dernier lieu, l’article 60 est complété par un nouvel alinéa prévoyant l’application du droit de visite pour la mise en œuvre de certaines dispositions extérieures au code des douanes :

– les dispositions du règlement européen du 23 octobre 2018 portant sur les contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de l’Union européenne ([43]) ; à titre d’exemple, l’article 5 de ce règlement prévoit la possibilité pour les autorités nationales compétentes de contrôler les personnes, leurs bagages et leurs moyens de transport afin de vérifier le respect de l’obligation de déclarer l’argent liquide ;

– les dispositions du code monétaire et financier relatives aux obligations déclaratives d’argent liquide, prévues aux articles L. 152‑1 à L. 152‑6 de ce code, qui adaptent au droit français le règlement européen du 23 octobre 2018 précité ;

– les dispositions du code des douanes de l’Union précité et des règlements pris pour son application.

2.   Les conditions de mise en œuvre du droit de visite

Les conditions dans lesquelles le droit de visite peut être mis en œuvre sont précisées dans les nouveaux articles 60‑1 à 60‑4 du code des douanes, qui précisent les lieux, horaires et, le cas échéant, procédures de ce droit.

De façon très schématique – les modalités précises étant présentées dans les développements qui suivent –, ces dispositions permettent le droit de visite :

– dans certains lieux spécifiques, sans justifier de motifs particuliers (article 60‑1) ;

– hors de ces lieux spécifiques, pour des motifs particuliers, s’il existe des raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d’infractions ou pour rechercher certaines infractions (articles 60‑2 et 60‑3).

Il s’agit ainsi de la traduction des éléments figurant dans la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 et de son commentaire, évoquant la possibilité de circonstancier l’application du droit de visite douanière en fonction de considérations de lieux ou de l’existence de motifs particuliers.

a.   Le droit de visite sans motif particulier dans certains lieux (article 60‑1)

Le nouvel article 60‑1 du code des douanes définit les conditions d’exercice du droit de visite douanière sans que les agents des douanes n’aient à justifier d’un motif particulier.

Ce droit ne s’exercerait alors que dans certains lieux limitativement énumérés, à l’égard des personnes, marchandises ou moyens de transport se trouvant ou circulant dans ces lieux, à toute heure – cette dernière précision ne modifie pas l’état du droit, mais a le mérite d’être présente, là où l’article 60 dans sa rédaction actuelle ne le précise pas.

Cinq catégories de lieux sont retenues pour l’exercice du droit de visite sans motif particulier. Elles correspondent à des lieux présentant un risque particulier d’infractions douanières en raison de leur exposition internationale.

● Le  du nouvel article 601 vise la zone terrestre du rayon des douanes, définie à l’article 44 du code des douanes et dont le périmètre est modifié par l’article 1er du présent projet de loi pour le fixer à la zone comprise entre le littoral ou la frontière et une ligne de 40 kilomètres en deçà (cf. supra, commentaire de l’article 1er).

● Le  de l’article 601 vise les bureaux de douane désignés en application de l’article 47 du code des douanes.

● Les  à 5° du nouvel article 601 retiennent, quant à eux, des lieux de transport exposés à l’international.

Le  vise les ports, aéroports, gares ferroviaires et gares routières qui sont ouverts au trafic international, ainsi que les abords de ces lieux – lieux qui devront être désignés par arrêté du ministre chargé des douanes.

Le  concerne :

– les aires de stationnement qui se trouvent sur des sections d’autoroutes débutant dans la zone terrestre du rayon des douanes et allant jusqu’au premier péage situé hors de cette zone ;

– le lieu du premier péage situé hors de la zone terrestre du rayon des douanes et les aires de stationnement attenantes à ce péage.

Le , quant à lui, permet le droit de visite dans les trains qui effectuent une liaison internationale, mais uniquement sur la portion de trajet comprise entre la frontière et le premier arrêt situé au-delà de la zone terrestre du rayon des douanes, soit au-delà de 40 kilomètres de la frontière.

Pour les lignes qui présentent des caractéristiques particulières de dessertes, le droit de visite peut en outre être mis en œuvre entre ce premier arrêté situé hors du rayon des douanes et un autre arrêt situé dans la limite des 50 kilomètres suivants ; ces lignes et les arrêts concernés devront être désignés par un arrêté du ministre chargé des douanes.

● Il convient de relever que les lieux visés aux 3° à 5° du nouvel article 60‑1 du code des douanes correspondent à des notions déjà existantes dans le droit français, figurant aux articles 782 du code de procédure pénale et 67 quater du code des douanes, qui permettent le contrôle d’identité de personnes pour prévenir une atteinte à l’ordre public :

– dans les zones accessibles au public des ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international désignés par arrêté, aux abords des gares et dans une zone de 10 kilomètres autour de certains ports et aéroports qui sont des points de passage frontaliers au sens du « code frontières Schengen » ([44]) ;

– dans les trains, sur la portion du trajet située entre la frontière et le premier arrêt après une limite de 20 kilomètres – avec la même extension possible jusqu’à 50 kilomètres, pour certaines lignes et arrêts, désignés par arrêtés ;

– s’agissant des autoroutes démarrant entre la frontière et 20 kilomètres, sur les aires de stationnement situées jusqu’au premier péage se trouvant au-delà de cette limite, ainsi que sur le lieu du péage et les aires de stationnement attenantes.

Le nouvel article 60‑1 du code des douanes retient donc un périmètre non seulement cohérent, mais déjà existant – à tout le moins dans son économie générale – et éprouvé.

b.   Le droit de visite lié à la suspicion de commission d’infraction douanière (article 60‑2)

Le nouvel article 60‑2 est le pendant de l’article 60‑1 précédemment présenté : si l’article 60‑1 prévoit une application sans justification mais dans un périmètre limité, l’article 60‑2 prévoit une application géographiquement large, mais sur justification, les lieux concernés étant considérés comme présentant moins de risques en matière douanière que ceux prévus à l’article 60‑1.

● Les lieux dans lesquels le droit de visite pour motifs particuliers prévu à l’article 60‑2 sont larges :

– toute la voie publique ;

– les lieux attenants à la voie publique et directement accessibles au public ;

– les ports, aéroports, gares ferroviaires et routières et trains autres que ceux mentionnés à l’article 60‑1 et pouvant faire l’objet du droit de visite prévu à ce même article.

Cela concerne donc le champ actuel d’application du droit de visite, hors des lieux énumérés à l’article 60‑1.

● Dans ces lieux, le droit de visite est possible seulement s’il existe des raisons plausibles de soupçonner la commission de certaines infractions, ou la tentative de commission de ces infractions. Sont concernées :

– les infractions douanières, c’est-à-dire les contraventions et délits douaniers prévus à la section 1 du chapitre VI du titre XII du code des douanes ;

– les infractions à la législation des relations financières avec l’étranger, sanctionnées par l’article 459 du code des douanes ;

– les infractions aux obligations déclaratives d’argent liquide prévues aux articles L. 152‑1 à L. 152‑6 du code monétaire et financier, évoquées dans le cadre de la présentation de la nouvelle rédaction de l’article 60 (cf. supra, 1).

● Rappelons que la notion de « raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction » existe déjà dans le droit en vigueur, à l’article 78‑2 du CPP en matière de contrôle d’identité.

Il s’agit au demeurant de la reprise expresse des critères dégagés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 septembre 2022 précitée ([45]).

c.   Le droit de visite après information du parquet pour la recherche de certaines infractions (article 60‑3)

Le nouvel article 60‑3 du code des douanes permet la mise en œuvre du droit de visite douanière, dans les mêmes lieux que ceux mentionnés à l’article 602 – c’est-à-dire le territoire douanier en dehors des lieux énumérés par l’article 60‑1 –, dans des hypothèses précises et selon une procédure particulière faisant intervenir le parquet.

D’une part, ce droit de visite ne peut être exercé que pour la recherche des infractions suivantes – la tentative étant incluse :

– infractions se rapportant à certaines catégories de marchandises et prévues aux articles 215 à 215 ter du code des douanes ; sont concernées les marchandises dangereuses, contrefaisantes, prohibées ou qui font l’objet d’un courant de fraude internationale et d’un marché clandestin préjudiciant notamment aux intérêts du Trésor ;

– infractions se rapportant au détournement de produits autres que l’électricité soumise à l’accise sur les énergies, en application du 6° de l’article 427 du code des douanes ;

– infractions se rapportant aux marchandises expédiées sous un régime suspensif, c’est-à-dire sans acquitter la fiscalité applicable à ces marchandises ou en reportant le paiement dû au titre de cette fiscalité au moment de la mise en consommation ;

– opérations financières entre la France et l’étranger portant sur des fonds provenant directement ou indirectement des infractions précédemment mentionnées, ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants, en application de l’article 415 du code des douanes.

● D’autre part, le droit de visite pour la recherche des infractions précédemment énumérées n’est possible qu’après en avoir informé le procureur de la République, et sous réserve que ce dernier ne s’y oppose pas.

Par ailleurs, la dernière phrase du nouvel article 60‑3 prévoit que si la personne concernée par le droit de visite le demande, mais aussi si la visite a lieu en son absence, les agents des douanes établissent un procès-verbal décrivant le déroulement de la visite, dont une copie est remise à la personne et au procureur de la République – à l’instar de ce que le troisième alinéa de l’article 78‑2‑2 du code de procédure pénale prévoit dans le cadre des visites de véhicules par la police judiciaire pour rechercher certaines infractions.

d.   L’accès aux locaux professionnels où se trouvent des marchandises placées sous surveillance douanière (article 60‑4)

Le dispositif prévu au nouvel article 604 du code des douanes précise les conditions d’accès aux locaux professionnels où se trouvent des marchandises placées sous surveillance douanière.

● Pour mémoire, aux termes de l’article 134 du règlement européen précité du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union, les marchandises introduites sur le territoire douanier de l’Union européenne sont soumises à surveillance douanière et peuvent faire l’objet de contrôles douaniers – voire, dans certaines hypothèses, faire l’objet d’interdictions ou de restrictions, notamment pour des motifs d’ordre public, de protection de la santé ou de protection de l’environnement.

La surveillance douanière dure le temps nécessaire pour déterminer le statut douanier des marchandises – c’est-à-dire si elles sont des « marchandises de l’Union » ou des « marchandises non Union » (voir encadré ci-après).

Le statut douanier au sens du code des douanes de l’Union

Le statut douanier, au sens du code des douanes de l’Union prévu par le règlement (UE) n° 952/2013 du 9 octobre 2013 (article 5, § 22), correspond au statut d’une marchandise comme étant :

– une marchandise de l’Union ;

– ou une marchandise non Union.

● Les « marchandises de l’Union », aux termes du § 23 de l’article 5 du règlement précité, sont celles relevant de l’une des catégories suivantes :

– marchandises obtenues intégralement dans le territoire douanier de l’Union, sans apport de marchandises extérieures ;

– marchandises entrant dans le territoire douanier de l’Union en provenance de pays ou territoires extérieurs, et mises en libre pratique (l’un des régimes douaniers applicables, défini à l’article 201 du règlement précité, qui concerne les marchandises non Union destinées à être versées sur le marché de l’Union ou à un usage privé au sein du territoire douanier, et auxquelles est donc conféré le statut de marchandises de l’Union) ;

– marchandises obtenues ou produites dans le territoire douanier de l’Union à partir de marchandises relevant exclusivement de la catégorie précédente (mises en libre pratique) ou des deux catégories précédentes.

● Les « marchandises non Union »  sont celles qui ne relèvent pas des catégories précédemment mentionnées, ou qui ont perdu leur statut douanier de marchandises de l’Union (§ 24 de l’article 5).

Une fois leur statut douanier établi, les marchandises de l’Union ne font plus l’objet de surveillance douanière.

Les marchandises non Union, quant à elles, demeurent sous surveillance douanière jusqu’à ce qu’elles :

– changent de statut douanier – et donc deviennent des marchandises de l’Union ;

– sortent du territoire douanier de l’Union ;

– soient détruites.

● Le nouvel article 60‑4 du code des douanes permet aux agents des douanes l’accès aux locaux où elles se trouvent :

– entre 8 heures et 20 heures ;

– ou à toute heure si l’accès au public est autorisé ou si sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d’entreposage ou de commercialisation.

Ce cadre horaire d’accès aux locaux se retrouve dans d’autres dispositions similaires du code des douanes, telles que ses articles 63 ter et 66.

● Toutefois, les agents des douanes ne peuvent avoir accès à la partie des locaux affectée à un usage privé ou d’habitation. Cette restriction est logique eu égard à la protection dont le domicile fait l’objet.

Les visites réalisées sur le fondement de l’article 60-4 ne concerneront donc que les locaux professionnels.

● Il convient de noter que les conditions d’accès prévues par le nouvel article 604 du code des douanes correspondent à celles prévues en matière de contrôles administratifs d’installations régies par le code de l’environnement en application de l’article L. 1711 de ce code.

Ces conditions ont été récemment jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 avril 2023 ([46]).

 Ce nouvel article 604 n’est pas redondant avec l’article 63 ter du code des douanes. Si ce dernier permet d’accéder aux locaux professionnels selon des modalités en apparence voisines, il s’inscrit dans le cadre d’investigations, suppose l’information préalable du parquet, et est applicable à la partie des locaux à usage privatif – sous réserve de l’assentiment de leur occupant.

Surtout, cet article 63 ter concerne la recherche d’infractions douanières, là où le nouvel article 604 ne suppose pas nécessairement de rechercher de telles infractions, mais permet des contrôles de régularité.

3.   Le déroulement du droit de visite et les garanties prévues

Les nouveaux articles 60‑5 à 60‑9 du code des douanes, introduits par le présent article, précise les modalités de déroulement du droit de visite douanière précédemment présenté et les garanties prévues.

a.   L’exclusion de contrôles systématiques ou permanents (article 60‑5)

● Le nouvel article 605 du code des douanes précise les conditions de réalisation des opérations dans le cadre du droit de visite :

– en fixant à 12 heures consécutives la durée maximale pour l’ensemble des opérations dans un même lieu, afin d’exclure des contrôles « 24 heures sur 24 » ;

– en empêchant un contrôle systématique des personnes qui se trouvent ou circulent dans les lieux concernés par le droit de visite (lieux mentionnés aux articles 60‑1 à 60‑4 précédemment présentés).

Il s’agit de garanties qui figurent déjà dans le droit national en matière de contrôles d’identité, aux articles 78‑2 du code de procédure pénale (dernière phrase des alinéas 9 et 10) et 67 quater du code des douanes (dernière phrase de chacun des deux alinéas).

● Une exception à ces deux limites est prévue : elle concerne les droits de visite réalisés dans les bureaux de douane. Cette exception est parfaitement cohérente et logique :

– exclure la possibilité de procéder au droit de visite plus de 12 heures consécutives ne serait pas pertinent pour les bureaux de douane qui peuvent être amenés à fonctionner 24 heures sur 24 ;

– l’exclusion des contrôles systématiques n’a guère de sens s’agissant des bureaux de douane, dont la finalité est précisément de procéder à des contrôles.

b.   L’encadrement de la visite des personnes (article 60‑6)

Le déroulement du droit de visite des personnes est encadré par le nouvel article 606 du code des douanes, qui consacre dans la loi la jurisprudence développée par la Cour de cassation en matière de fouille (cf. supra, I, A, 2, b).

● Le premier alinéa de ce nouvel article 60‑6 précise ainsi que la visite des personnes :

– peut consister en la palpation ou la fouille des vêtements, bagages et tous autres effets personnels, reprenant ici les décisions précitées de la Cour de cassation du 18 avril 1988, du 26 février 1990, du 22 février 2006 et du 26 janvier 2022) ;

– mais exclut toute fouille à corps, comme l’avait jugé la Cour de cassation dans son arrêt précité du 26 janvier 2022.

● Le deuxième alinéa de l’article 60‑6 prévoit la possibilité de réaliser des tests de dépistage de stupéfiants, sous réserve du consentement écrit de la personne.

Cette modalité du droit de visite des personnes peut être rapprochée des dispositions de l’article 60 bis du code des douanes précédemment mentionné (cf. supra, I, A, 3, d), mais s’en écarte sur deux aspects :

– l’article 60 bis est mis en œuvre à l’égard d’une personne soupçonnée (« indices sérieux ») de transporter des stupéfiants dans son organisme, là où le droit de visite prévu au deuxième alinéa de l’article 60‑6 ne suppose pas un tel soupçon ;

– l’article 60 bis permet de passer outre le refus de la personne de consentir aux examens médicaux, sur autorisation du juge, là où l’article 60‑6 impose expressément le consentement écrit de l’intéressé.

En revanche, les tests prévus au nouvel article 60‑6 pourront constituer des indices sérieux au sens de l’article 60 bis, et donc permettre la mise en œuvre de cet article et des examens médicaux qu’il prévoit, cruciaux notamment pour lutter contre les passeurs de cocaïne – « mules » qui ingèrent des ovules de cocaïne, ce qui au demeurant présente un fort risque pour la santé et la vie de ces personnes.

● Enfin, le troisième alinéa de l’article 60‑6 pose comme principe général des visites de personnes l’exigence du respect de la dignité de la personne, et prévoit que les visites doivent, dans la mesure du possible, être réalisées à l’abri du regard du public – précisément pour assurer le respect de la dignité et de l’intimité de la personne.

c.   L’encadrement des immobilisations et du maintien d’une personne à disposition (article 60‑7)

Le nouvel article 60‑7 du code des douanes inscrit dans la loi les garanties apportées par la Cour de cassation dans ses arrêts précités du 13 juin 2012, du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020.

Son premier alinéa prévoit ainsi que l’immobilisation de marchandises ou de moyens de transport, et le maintien à disposition des personnes visitées, ne peuvent être faits que « le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations matérielles de visite ».

Cette rédaction s’écarte de la position de la Cour de cassation, qui retient, pour l’appréciation du temps nécessaire à la réalisation des opérations de visite, le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation des constatations et renseignements dans un procès-verbal et, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent.

En tout état de cause, les éléments dégagés par la Cour de cassation sur les conséquences d’un maintien à disposition ou d’une immobilisation excessive seront applicables, telles que l’absence de nullité automatique des actes réalisés avant le terme du temps strictement nécessaire.

● Le deuxième alinéa du nouvel article 60‑7 prévoit que les agents des douanes ont la possibilité de prendre les mesures requises (« nécessaires et adaptées ») pour préserver les marchandises et les moyens de transport visités, et pour assurer la sécurité des personnes.

Ces dispositions visent à assurer le bon déroulement de la visite, et peuvent recouvrir plusieurs types de mesures, telles que :

– des injonctions aux personnes, pour qu’elles se tiennent à un endroit spécifique afin d’assurer leur sécurité lors de la visite ;

– le fait de s’assurer qu’une personne ne détruira pas les marchandises visitées ;

– la mise sous scellé de marchandises en vue de leur transport.

Il ne s’agit donc pas nécessairement de mesures coercitives, à la différence de ce que prévoit le code de la défense en matière de police en mer pour préserver un navire, sa cargaison et la sécurité des personnes à bord ([47]).

En tout état de cause, les éventuelles mesures de contraintes prises ne pourront excéder le temps strictement nécessaire à la réalisation de la visite, ainsi que la Cour de cassation l’a jugé dans son arrêt précité du 18 décembre 2019.

● Le troisième alinéa de l’article 60‑7 permet aux agents des douanes de transférer vers un lieu approprié les marchandises, moyens de transport et personnes si :

– la visite est matériellement impossible ;

– ou si des investigations approfondies sont nécessaires mais qu’elles ne peuvent être réalisées sur place.

Un tel transfert peut ainsi se révéler nécessaire par exemple pour visiter un véhicule sur un axe autoroutier, ou encore pour visiter un conteneur, supposant son dépotage préalable (déchargement des marchandises en suivant des règles de sécurité précises).

Il s’agit au demeurant d’une mesure déjà prévue en matière de contrôle. À titre d’exemple, dans le cadre du droit de visite d’un navire prévu à l’article 62 du code des douanes, si l’accès au navire n’est matériellement pas possible ou si des investigations approfondies doivent être diligentées, le navire est dérouté (II de l’article 62).

● Enfin, à l’issue d’un délai de 4 heures, le procureur de la République doit être informé, par tout moyen, des opérations de visite ([48]).

d.   Caractère contradictoire du droit de visite (article 60‑8)

Le nouvel article 60‑8 du code des douanes consacre le caractère contradictoire du droit de visite.

● Les interventions réalisées doivent ainsi être faites en présence :

– de la personne concernée, telle que le propriétaire du véhicule ou du bagage contrôlé ;

– ou du représentant de la personne concernée ;

– ou, à défaut, d’une personne requise par les agents des douanes et ne relevant pas de l’autorité administrative – c’est-à-dire d’un témoin.

● S’agissant des moyens de transport, la visite doit être faite en présence de leur conducteur ou propriétaire ou, à défaut, d’un témoin – sauf, s’agissant de ce témoin, si la visite du moyen de transport présente des risques graves pour la sécurité.

Si la visite est réalisée en l’absence du propriétaire ou du conducteur, son déroulement est transcrit dans un procès-verbal signé par le témoin requis (sauf, naturellement, si aucun témoin n’est présent au titre de l’exception précédemment mentionnée).

Ce cadre de visite fait écho à celui prévu en matière de visites de véhicules par la police judiciaire en application du deuxième alinéa du II de l’article 78‑2‑2 du code de procédure pénale.

● La visite des bagages obéit à la même logique : elle est faite en présence du détenteur du bagage ou, à défaut, d’un témoin requis par les agents des douanes.

 Enfin, si la visite concerne un moyen de transport spécialement aménagé à usage d’habitation et utilisé comme résidence lorsqu’elle a lieu, elle doit être réalisée conformément à l’article 64 du code des douanes, qui porte sur les visites en tous lieux et donc régit les visites douanières domiciliaires (cf. supra, I, A, 3, a).

Notons que la mention selon laquelle le moyen de transport doit être utilisé comme résidence lorsque la visite a lieu permet, selon l’étude d’impact, d’effectuer la visite douanière de caravanes ou camping-cars circulant ou arrêtés provisoirement sur la voie publique, sans devoir appliquer les dispositions de l’article 64 du code des douanes : dans de telles hypothèses, ces véhicules sont en effet utilisés comme moyen de transport, et non comme résidence.

● Enfin, le dernier alinéa du nouvel article 608 écarte l’application des modalités précédemment présentées lorsque sont mises en œuvre les dispositions de l’article 189 du règlement européen précité du 9 octobre 2013 portant code des douanes de l’Union, s’agissant de l’examen de marchandises et de prélèvements d’échantillons.

Cet article 189 prévoit en effet déjà un cadre opérationnel spécifique, en vertu duquel :

– le déclarant ([49]) a le droit d’assister ou d’être représenté à l’examen des marchandises ou au prélèvement d’échantillons ;

– le déclarant peut se trouver contraint d’assister ou d’être représenté à ces opérations, ou d’assister les agents des douanes pour faciliter ces opérations, si les agents ont des motifs raisonnables de le faire.

Pour ce faire, et en application des articles 239 et 240 du règlement d’exécution du 24 novembre 2015 ([50]) :

– le déclarant est informé de l’examen ou du prélèvement par le bureau de douane ;

– s’il refuse d’être présent ou ne prête pas l’assistance requise, les agents des douanes fixent un délai pour qu’il se présente ou fournisse l’assistance requise ;

– si, au terme de ce délai, le déclarant n’a pas donné suite aux injonctions, les agents procèdent d’office à l’examen ou au prélèvement, aux risques et frais du déclarant, et donc en son absence.

Cette possibilité de procéder à des contrôles même en l’absence des personnes concernées justifie les dispositions spéciales figurant au dernier alinéa de l’article 608, afin d’éviter toute contradiction de normes ou risque d’inintelligibilité du droit entre cet article et le code des douanes de l’Union.

● Le caractère contradictoire prévu à l’article 60‑8 concerne, aux termes de son premier alinéa, les droits de visite :

– prévu à l’article 60‑1, c’est-à-dire le droit de visite sans motif particulier dans le rayon des douanes ou dans les lieux à forte exposition internationale ;

– prévu à l’article 60‑2, c’est-à-dire le droit de visite pour motifs particuliers dans les lieux autres que ceux mentionnés à l’article 60‑1, en cas de suspicion de commission d’infraction ;

– prévu à l’article 60‑4, relatif à l’accès aux locaux professionnels où se trouvent des marchandises sous surveillance douanière.

L’absence d’inclusion du droit de visite prévu à l’article 60‑3 se justifie par les garanties procédurales dont celui-ci fait déjà l’objet, à savoir :

– l’information préalable du procureur de la République ;

– la présence de la personne lors de la visite ou, en cas d’absence, la remise à cette personne de la copie du procès-verbal.

e.   L’encadrement du recueil des déclarations par les agents des douanes (article 60‑9)

Le nouvel article 60‑9 du code des douanes consacre dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de recueil de déclarations lors de l’exercice du droit de visite, résultant notamment des décisions du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020 précitées.

D’une part, seules les déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts lors de la visite peuvent être recueillies par les agents des douanes, ces derniers ne disposant pas d’un pouvoir général d’audition dans le cadre du droit de visite (alinéa 1er).

D’autre part, l’audition libre prévue à l’article 67 F du code des douanes, possible en cas de suspicion de commission d’infraction, n’est permise que si le droit de visite ne s’est pas accompagné d’une mesure de contrainte. En effet, et ainsi que la Cour de cassation l’avait jugé, cette audition libre suppose que la personne n’ait pas été conduite dans les locaux des douanes sous contrainte, et qu’elle puisse quitter ces locaux à tout moment.

4.   Les autres dispositions intéressant le droit de visite

a.   L’absence de nullité des procédures incidentes en cas de révélation fortuite d’infractions non visées

Le nouvel article 60‑10 du code des douanes transpose au nouveau cadre juridique du droit de visite douanière la précision en vertu de laquelle le fait que l’opération révèle d’autres infractions que celles visées par les dispositions régissant cette opération n’est pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Ainsi, si le droit de visite révèle une infraction autre que celles pour lesquelles il est possible de le mettre en œuvre, cela n’aura pas pour effet d’entacher de nullité les procédures incidentes, qui pourront être mises en œuvre.

Il s’agit d’une disposition de sécurisation juridique déjà prévue en matière de contrôle d’identité et de titres :

– à l’avant-dernière phrase des alinéas 9 et 10 de l’article 78‑2 du code de procédure pénale ;

– au IV de l’article 78‑2‑2 du même code ;

– à la dernière phrase du premier alinéa et à l’avant-dernière phrase du second alinéa de l’article 67 quater du code des douanes.

Cette mention se retrouve également en matière de perquisitions de nuit, autorisées de façon très encadrées pour la seule recherche et constatation des infractions visées par le juge : l’article 706‑93 du code de procédure pénale prévoit ainsi que la révélation fortuite d’autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

b.   Les mesures de coordination

Les II à V du présent article ([51]) procèdent aux coordinations dans le code des douanes et dans les autres codes, tirant les conséquences des modifications apportées au droit de visite douanière, ainsi que de l’insertion, après l’article 60 du code des douanes, des dix nouveaux articles 60‑1 à 60‑10.

*

*     *

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que le dispositif proposé à l’article 2 – ainsi que ceux prévus aux articles 1er et 3 – définissait « de façon suffisamment précise et encadrée les lieux et circonstances dans lesquelles le droit de visite douanière peut désormais s’exercer dans des conditions de nature à prévenir le risque de mise en œuvre de contrôles généralisés et arbitraires », assurant de ce fait « une conciliation équilibrée entre l’objectif de lutte contre la fraude en matière douanière, d’une part, et la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée, d’autre part. » ([52])

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Bien que relativement nombreuses, les modifications que le Sénat a apportées à cet article ne remettent en cause ni son équilibre, ni son économie générale ; elles consistent essentiellement en des précisions et des clarifications.

A.   Les modifications apportées en commission

Cet article a fait l’objet d’une délégation au fond à la commission des Lois du Sénat. Celle-ci a reconnu que le dispositif proposé garantissait la constitutionnalité de la visite douanière, tout en préservant les capacités opérationnelles des services des douanes ([53]).

Elle a modifié le dispositif sur cinq points principaux, en plus de deux aménagements d’ordre rédactionnel ([54]) et d’une réécriture de l’article 60 du code des douanes présentée comme rédactionnelle ([55]) – le Gouvernement a souhaité, sans y parvenir, revenir en partie sur cette réécriture en séance, jugeant qu’elle faisait disparaître le lien clair entre la finalité du droit de visite et ses conditions d’exercice.

1.   Les modifications apportées aux lieux dans lesquels s’exerce le droit de visite prévu à l’article 60‑1

En premier lieu, l’article 60‑1 nouveau du code des douanes, relatif au droit de visite douanière dans certains lieux, et sans motifs particuliers, a été modifié sur trois aspects.

● D’une part, à l’initiative de Jean‑Yves Leconte (SER) et plusieurs de ses collègues, les « abords » des ports, aéroports et gares, rédaction retenue par le dispositif initial (3° de l’article 60‑1), ont été remplacés par une référence à un rayon de 10 kilomètres autour de ces lieux ([56]).

Notons que le Gouvernement a tenté, sans succès, de revenir sur cette modification en séance.

● D’autre part, sous couvert d’une précision rédactionnelle, la commission des Lois, à l’initiative du rapporteur pour avis Alain Richard, a étendu les zones routières où s’exerce le droit de visite prévu à l’article 60‑1. Initialement cantonné aux aires de stationnement et aux péages et aires attenantes, il porterait désormais également sur les sections autoroutières proprement dites ([57]).

● Enfin, là aussi sur proposition du rapporteur pour avis, la désignation des lignes ferroviaires internationales où le droit de visite sans motifs particuliers peut s’exercer, initialement faite par un arrêté du ministre chargé des douanes, associera le ministre chargé des transports ([58]).

2.   Les modifications apportées au droit de visite pour motifs particuliers (articles 60‑2 et 60‑3)

En deuxième lieu, à l’initiative du rapport pour avis, la commission a modifié les articles 60‑2 et 60‑3 du code des douanes, relatifs au droit de visite pour motifs particuliers :

– la mention, aux deux articles, selon laquelle les dispositions s’appliquent aussi à la tentative a été supprimée, ayant été jugée sans utilité dans la mesure où la tentative constitue par elle-même une infraction ([59]) ; le Gouvernement, sans succès, a souhaité rétablir cette mention en séance ;

– l’article 60‑3 a été réécrit afin d’en préciser l’articulation avec l’article 60‑2 ; cette réécriture a également enrichi l’article 60‑3 des infractions de manquement à l’obligation déclarative d’argent liquide, qui ne figurait pas dans la rédaction initiale de l’article – rappelons que cet article, à la différence de l’article 60‑2, n’exige pas de soupçon de commission d’infraction ([60]).

3.   L’extension du régime horaire de l’accès aux locaux professionnels (article 60‑4)

En troisième lieu, les modalités de l’accès aux locaux professionnels prévues à l’article 60‑4 ont été modifiées pour étendre la plage horaire durant laquelle cet accès est possible : initialement prévu entre 8 et 20 heures, il a été porté à une plage allant de 6 à 21 heures.

Cette modification, résultant de l’adoption d’un amendement de M. André Reichardt (LR), visait à aligner le régime horaire des visites sur celui des perquisitions, prévu à l’article 59 du code de procédure pénale (CPP) ([61]).

4.   Les précisions apportées à l’encadrement général des visites douanières (article 60‑5)

En quatrième lieu, sur proposition du rapporteur pour avis Alain Richard, la commission a précisé l’encadrement général des visites douanières prévu au nouvel article 60‑5 ([62]) :

– la limite de 12 heures consécutives s’appliquera aux visites conduites dans un même lieu ou une même zone – tel qu’un secteur autoroutier ;

– l’exclusion des contrôles systématiques, prévue par le dispositif initial, a été remplacée par l’exigence que les contrôles ne puissent porter que sur des personnes au comportement suspect, ou sur une fraction limitée des personnes circulant dans ces lieux.

5.   Les précisions portant sur les garanties en matière de visites de personnes et d’immobilisation (articles 60‑6 et 60‑7)

En cinquième lieu, toujours à l’initiative du rapporteur pour avis, certaines des garanties prévues ont été précisées :

– en matière de visites de personnes (article 60‑6) :

– en matière d’immobilisations (article 60‑7), :

B.   Les modifications apportées en séance

Quatre modifications ont été apportées en séance, toutes à l’initiative du Gouvernement – certaines ayant fait l’objet de sous-amendements du rapporteur pour avis.

1.   Le rétablissement de la plage horaire 8 heures – 20 heures pour l’accès aux locaux professionnels

En premier lieu, la plage horaire initialement prévue pour l’accès aux locaux en application du nouvel article 604 du code des douanes, soit entre 8 heures et 20 heures, a été rétablie – la commission s’en remettant à la sagesse du Sénat ([67]).

La visite douanière ne saurait en effet être comparée avec les perquisitions judiciaires réalisées en application du CPP : un alignement du régime de la première avec celui des secondes n’allait ainsi pas de soi.

Au demeurant, le régime initialement prévu, et rétabli en séance, est celui déjà applicable :

– aux investigations supposant l’accès à des locaux professionnels en application de l’article 63 ter du code des douanes ;

– à l’accès aux locaux postaux pour la recherche d’infractions douanières en application de l’article 66 du même code ;

– en matière de contrôles administratifs prévus à l’article L. 171‑1 du code de l’environnement, dont l’économie générale est, ainsi qu’il a été vu, reprise au nouvel article 60‑4.

2.   Les précisions complémentaires apportées à l’encadrement général prévu à l’article 60‑5

En deuxième lieu, deux précisions ont été apportées à l’encadrement général du droit de visite prévu au nouvel article 60‑5.

● D’une part, la dérogation à la limitation à 12 heures consécutives des contrôles, ciblant initialement les bureaux de douane, a été modifiée avec l’avis favorable de la commission pour retenir les visites effectuées dans les lieux mentionnés aux 2° et 3° de l’article 60‑1 du code des douanes, c’est-à-dire :

– les bureaux de douane ;

– les ports, aéroports et gares routières et ferroviaires, à l’exclusion du rayon de 10 kilomètres autour de ces lieux ([68]).

Le Gouvernement proposait initialement d’exclure les « abords » de ces lieux, en cohérence avec sa volonté de rétablir cette notion plutôt que le rayon de 10 kilomètres ; ce dernier a été introduit par le sous-amendement du rapporteur pour avis, malgré un avis défavorable du Gouvernement.

● D’autre part, le Sénat est revenu sur la modification apportée en commission consistant à remplacer l’exclusion des contrôles systématiques par un ciblage des personnes au comportement suspect ou d’une seule fraction du public.

Ce rétablissement du texte initial, pour lequel la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat :

– vise à se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui exclut les contrôles systématiques ;

– tend à prémunir le dispositif contre un risque d’aléa et, partant, de contentieux s’agissant du critère comportemental, non défini et donc imprécis ;

– est cohérent avec les visites de marchandises, qui sont indépendantes du comportement des personnes ([69]).

3.   La modification de la notion d’opérations matérielles de visite

Enfin, le Sénat est partiellement revenu sur les précisions apportées en commission à la notion d’opérations matérielles de visite, dans le cadre des immobilisations qui ne peuvent excéder le temps nécessaire à ces opérations (nouvel article 60‑7 du code des douanes).

Par l’adoption d’un amendement du Gouvernement, sous-amendé par le rapporteur pour avis de la commission des Lois, l’ensemble recueillant des avis favorables, la mention des procès-verbaux a été supprimée. En effet, il ne s’agit pas d’une opération matérielle de visite, et il serait disproportionné de permettre de retenir les marchandises, véhicules ou personnes le temps de la rédaction de ces documents ([70]).

IV.   La position de la Commission

La plupart des modifications apportées par le Sénat à cet article ont été conservées, la Commission les ayant jugées opportunes.

Elle est toutefois revenue sur trois d’entre elles, à l’initiative de votre rapporteure pour avis, en plus de l’adoption de sept amendements d’ordre rédactionnel et du rétablissement, à l’article 60, de la finalité du droit de visite dans un souci de clarification.

A.   Le rÉtablissement des « abords » des ports, aÉroports et gares

S’agissant des lieux exposés à l’international prévus à l’article 60‑1, la Commission a rétabli la mention des « abords » des ports, aéroports et gares, la substituant au rayon de 10 kilomètres introduit au Sénat.

● La notion d’abords n’est en effet pas imprécise, correspondant par exemple, s’agissant d’une gare ferroviaire, aux rues adjacentes.

Elle n’est au demeurant pas inconnue en droit positif, puisqu’elle figure aux articles 78‑2 du CPP et 67 quater du code des douanes, et s’applique pour les contrôles prévus à ces articles.

Elle irrigue également l’ensemble du code de la sécurité intérieure, notamment s’agissant de la vidéoprotection.

● Par ailleurs, retenir un rayon de 10 kilomètres autour des ports, aéroports et gares pour l’exercice du droit de visite sans motif particulier, se serait révélé disproportionné au regard de la finalité de la mesure, et aurait donc présenter un risque de fragilité constitutionnelle.

En effet, et pour se limiter à un exemple francilien, un tel rayon autour des gares de Paris aurait conduit à couvrir l’ensemble de l’agglomération parisienne. Il en aurait été de même avec les ports, dans la mesure où il est permis de penser que le port de Gennevilliers, l’un des principaux ports fluviaux d’Europe, figurera parmi les ports inclus dans le champ du nouvel article 60‑1 ; un rayon de 10 kilomètres autour de ce port couvrirait une grande partie de l’agglomération.

Or, le droit de visite sans motif particulier se doit d’être géographiquement limité, et ne semble pas nécessairement justifié dans l’hypercentre parisien.

Le rayon de 10 kilomètres aurait en outre conduit à des difficultés pratiques sérieuses, surtout dans le cadre de contrôles dynamiques, comme cela a d’ailleurs été soulevé lors de la table ronde réunissant les organisations syndicales de douaniers organisée par la rapporteure.

B.   Le rétablissement de la mention de la tentative

En outre, la mention de la tentative a été rétablie aux articles 60‑2 et 60‑3 du code des douanes. Si, comme l’avait souligné le Sénat, cette mention n’était pas nécessaire pour les infractions douanières dans la mesure où l’article 409 sanctionne la tentative, il en va en revanche différemment pour les autres infractions dans le champ du droit de visite.

Or, en matière délictuelle, la tentative n’est punissable comme infraction que si la loi le prévoit, en application de l’article 121‑4 du code pénal.

Afin d’éviter tout risque opérationnel pour les douanes, la Commission a ainsi jugé plus prudent de rétablir la mention de la tentative.

Notons au demeurant que cette mention est expressément prévu en matière de contrôles d’identité, à l’article 78‑2 du CPP.

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La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

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Amendement CF183 de la commission des lois.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Il s’agit de substituer les abords au rayon maximal de 10 kilomètres.

La commission adopte l’amendement CF183.

Amendement CF184 de la commission des lois.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Nous réintégrons la tentative de commission d’une infraction.

La commission adopte l’amendement CF184.

La commission adopte successivement l’amendement de précision CF185, l’amendement rédactionnel CF186, l’amendement de précision CF187, les amendements rédactionnels CF188, CF189, CF190 et l’amendement corrigeant des erreurs de références CF191 de la commission des lois.

Elle adopte l’article 2 modifié.

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*     *

Article 3
(art. 62 et 63 du code des douanes)
Adaptation du droit de visite des navires

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article transpose au droit de visite des navires prévu aux articles 62 et 63 du code des douanes certaines dispositions introduites par l’article 2 du présent projet de loi :

– la finalité du droit de visite prévu à l’article 60 du code des douanes concernant la mise en œuvre du code des douanes de l’Union et de ses règlements d’exécution ;

– les modalités d’encadrement du droit de visite des personnes et des marchandises prévues aux nouveaux articles 60‑6, 60‑7, 60‑9 et 60‑10 du code des douanes, permettant par ailleurs de façon expresse la visite des personnes et marchandises lors du contrôle de navires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La principale modification récente du droit de visite des navires a consisté en sa refonte par la loi n° 2014‑742 du 1er juillet 2014, à la suite de la censure des articles 62 et 63 du code des douanes par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2013‑357 QPC du 29 novembre 2013.

       Modifications apportées par le Sénat

À l’initiative du rapport pour avis, la commission des Lois du Sénat a enrichi la finalité du droit de visite des navires pour y inclure les dispositions relatives au contrôle de l’argent liquide.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements d’ordre rédactionnel de votre rapporteure pour avis.

I.   L’État du droit

Parallèlement au droit de visite douanière général prévu à l’article 60 du code des douanes, les articles 62 et 63 du même code prévoient un droit de visite des navires, régi par un cadre juridique spécifique.

Il est renvoyé au commentaire de l’article 2 du projet de loi pour une présentation complète du droit de visite prévu par l’article 60 du code des douanes et de sa refonte à laquelle procède cet article 2.

A.   L’ancien cadre juridique du droit de visite des navires et sa censure en 2013

1.   Les anciennes dispositions des articles 62 et 63 du code des douanes

À l’image de l’article 60 du code des douanes dans sa rédaction censurée par le Conseil constitutionnel en 2022, les anciennes dispositions régissant le droit de visite des navires, prévues aux articles 62 et 63 de ce code, étaient marquées par leur côté succinct et leur absence de garanties suffisantes, éléments auxquels s’ajoutait une dimension obsolète.

● L’article 62 portait sur le droit de visite des navires se trouvant :

– dans la zone maritime du rayon des douanes, soit la zone de 12 milles marins ([71]) à compter des lignes de base de la mer territoriale ;

– ou dans la zone contiguë à cette zone, prévue à l’article 44 bis du code des douanes, et correspondant à la zone comprise entre 12 et 24 milles marins à compter des lignes de base.

● L’article 63, quant à lui, consacrait le droit de visite des navires, y compris de guerre, se trouvant dans les ports ou les rades ou qui naviguent sur les rivières et canaux. La visite des navires de guerre était toutefois exclue après le coucher du soleil.

Dans le cadre de ce droit de visite, les capitaines et commandants devaient recevoir et accompagner les agents des douanes et, à la demande de ces derniers, « faire ouvrir les écoutilles, les chambres et armoires de leur bâtiment ainsi que les colis désignés pour la visite ».

En cas de refus leur étant opposé, les agents des douanes pouvaient demander l’assistance d’un juge ou, à défaut, d’un officier municipal ou d’un officier de police judiciaire, pour procéder à l’ouverture des écoutilles, chambres, armoires et colis, le procès-verbal étant alors établi aux frais du capitaine ou du commandant.

2.   Des dispositions jugées inconstitutionnelles en 2013

Saisi par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 29 novembre 2013 ([72]), a censuré les articles 62 et 63 du code des douanes, jugés contraires à la Constitution, en se fondant sur le droit au respect de la vie privée et, en particulier, l’inviolabilité du domicile.

Le Conseil a d’abord jugé que l’absence d’autorisation juridictionnelle préalable à la visite de navire, y compris de leurs parties affectées à un usage privé ou d’habitation, n’était pas inconstitutionnelle.

● En revanche, il a considéré que le droit de visite des navires n’était pas entouré de garanties suffisantes pour assurer la protection de l’inviolabilité du domicile, au regard :

– de l’absence de garanties de fond, eu égard aux larges pouvoirs des agents des douanes, pouvant visiter en toutes circonstances des navires en mer, dans un port, en rade ou sur des voies navigables, y compris la nuit (hors des navires de guerre) ;

– de l’absence de garanties procédurales, et notamment de voies de recours appropriées – le Conseil constitutionnel relevant que la référence à l’intervention du juge en cas de refus du capitaine ne permettait pas d’apprécier le sens de cette intervention.

● Compte tenu des conséquences qu’une abrogation immédiate de ces dispositions aurait eues, le Conseil en a différé les effets dans le temps, la déclaration d’inconstitutionnalité prenant effet à compter du 1er janvier 2015 ([73]), pour laisser au législateur le temps d’adopter un nouveau dispositif conforme à la Constitution. Il s’agissait d’une configuration voisine de celle présentée à l’article 2 du présent projet de loi, s’agissant de la censure de l’article 60 du code des douanes.

Le législateur, par la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires ([74]), a réécrit les articles 62 et 63 du code des douanes afin de mettre le droit de visite des navires en conformité avec les  exigences constitutionnelles ([75]).

B.   Le cadre juridique actuel du droit de visite des navires

La nouvelle version des articles 62 et 63 du code des douanes est substantiellement plus riche que les anciennes dispositions, et présente les garanties exigées par le Conseil constitutionnel.

1.   Le droit de visite des navires en mer ou sur des voies navigables prévu à l’article 62

Le droit de visite prévu à l’article 62 reprend la finalité du droit de visite général prévu à l’article 60 du code des douanes, en le liant à l’application de ce code et à la recherche de la fraude.

a.   Les navires concernés par le droit de visite de l’article 62

● C’est à cet effet que les agents des douanes, sur le fondement du I de cet article 62, peuvent visiter les navires en circulation, à savoir :

– ceux qui se trouvent dans la zone maritime du rayon des douanes (12 milles à compter des lignes de base) ;

– ceux qui se trouvent dans la zone contiguë définie à l’article 44 bis (jusqu’à 24 milles à compter des lignes de base) ;

– ceux qui circulent sur les voies navigables – c’est-à-dire les cours d’eau et canaux.

● Le II de l’article 62 prévoit la possibilité de déroutement du navire vers un port ou une position appropriés, lorsque l’accès au navire est matériellement impossible ou que des investigations approfondies doivent être diligentées mais ne peuvent avoir lieu.

Cette faculté de déroutement, qui peut être ordonnée par les agents des douanes exerçant les fonctions de capitaine à la mer, fait écho au transfert prévu au troisième alinéa du nouvel article 60‑7 du code des douanes introduit par l’article 2 du présent projet de loi.

b.   Le déroulement du droit de visite de l’article 62

La visite du navire doit être réalisée en présence de son capitaine ou du représentant de ce dernier, aux termes du III de l’article 62.

Si la visite concerne les locaux affectés à un usage privé ou d’habitation, elle doit être faite en présence de l’occupant des lieux ou, s’il est absent, en présence du capitaine ou de son représentant.

La visite donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal, précisant les opérations de contrôle, dont une copie est remise au capitaine ou à son représentant, ainsi qu’à l’occupant des locaux privés ou d’habitation (IV de l’article 62).

c.   Les voies de recours contre la visite

L’occupant des locaux privés ou d’habitation peut former un recours contre le déroulement des opérations de visite (V de l’article 62).

Ce recours, dont le délai et la voie sont précisés dans le procès‑verbal de visite, doit être formé selon les modalités prévues au VI de l’article 62 :

– devant le premier président de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, par déclaration remise ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour d’appel ;

– dans un délai de 15 jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal.

L’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans un délai de 15 jours (VII de l’article 62).

2.   Le droit de visite des navires à quai, dans un port ou une rade prévu à l’article 63

Tout comme celui prévu à l’article 62, le droit de visite régi par l’article 63 s’inscrit dans la finalité de l’application du code des douanes et de la recherche de la fraude.

Cet article 63 concerne les navires se trouvant dans un port, dans une rade ou à quai – l’article 62 concernant les navires en mer ou circulant sur les voies navigables.

● Le droit de visite prévu à l’article 63 distingue selon que le navire se trouve dans le port, la rade ou à quai depuis moins de 72 heures ou non :

– s’il s’y trouve depuis moins de 72 heures, le cadre juridique de la visite est celui prévu à l’article 62 du code des douanes ;

– s’il s’y trouve depuis 72 heures ou plus, l’article 63 prévoit un régime spécifique, voisin de celui prévu à l’article 62 mais entouré de garanties procédurales renforcées.

● En effet, la visite des locaux à usage privé ou d’habitation peut être refusée par leur occupant – ce qui n’est pas prévu dans le cadre de l’article 62. Dans une telle hypothèse, la visite n’est possible que :

– sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) ;

– et sous le contrôle de celui-ci – ou, si la visite a lieu en dehors de son ressort, sous le contrôle du JLD du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la visite s’effectue et auquel une commission rogatoire est délivrée à cet effet.

Le juge peut décider à tout moment de suspendre ou d’arrêter la visite.

L’ordonnance du JLD est notifiée sur place et verbalement lors de la visite, à l’occupant des lieux ou, si celui-ci est absent, au capitaine du navire ou son représentant.

● Le reste du cadre juridique de ce droit de visite est celui prévu à l’article 62, à deux exceptions près :

– en plus du recours contre le déroulement des opérations de visite, l’occupant des locaux privés ou d’habitation peut faire appel de l’ordonnance du JLD autorisant la visite devant le premier président de la cour d’appel – selon les mêmes modalités et délai ;

– une copie du procès‑verbal de visite est remise au JLD dans les 3 jours suivant son établissement.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article transpose au droit de visite des navires prévu aux articles 62 et 63 du code des douanes certaines mesures inscrites dans le nouveau cadre juridique du droit de visite que prévoit l’article 2 du présent projet de loi.

● D’une part, par parallélisme avec la nouvelle rédaction de l’article 60, le I des articles 62 et 63 est modifié pour préciser que le droit de visite des navires est fait :

– non seulement pour l’application du code des douanes et la recherche de la fraude ;

– mais aussi pour l’application du code des douanes de l’Union ([76]) et des règlements d’exécution pris pour son application ( du présent article).

● D’autre part, le  du présent article permet de façon expresse la visite de personnes et de marchandises se trouvant à bord d’un navire lors de la visite de ce dernier, en complétant les articles 62 et 63 du code des douanes d’un nouveau IX.

Une telle précision était nécessaire dans la mesure où les articles 62 et 63, formellement, prévoient un droit d’accès au navire et à ses locaux, mais pas la visite des personnes et marchandises.

● Enfin, et en conséquence de la possibilité de visiter les personnes et marchandises sur un navire, le nouveau IX des articles 62 et 63 du code des douanes que crée le 2° du présent article rend applicables à la visite des navires les nouvelles garanties introduites dans le code des douanes par l’article 2 du projet de loi.

Sont concernés :

– l’encadrement de la visite des personnes prévu au nouvel article 606 ;

– l’encadrement de l’immobilisation des marchandises et du maintien des personnes à la disposition des agents des douanes, prévu au nouvel article 607 ;

– l’encadrement du recueil des déclarations, prévu au nouvel article 60‑9 ;

– l’absence de nullité automatique des procédures incidentes en cas de révélation d’infractions autres que celles visées, prévue au nouvel article 60‑10.

Le caractère contradictoire de la visite prévue au nouvel article 60‑8 du code des douanes n’a pas à être transposé à la visite des navires, dans la mesure où les dispositions des articles 62 et 63 du même code le prévoient déjà.

Il est renvoyé au commentaire de l’article 2 pour une présentation complète de ces garanties.

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Ayant reçu délégation au fond de cet article, la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur pour avis Alain Richard, a enrichi la finalité du droit de visite des navires prévu aux articles 62 et 63 du code des douanes, afin de prévoir expressément qu’il peut être exercé pour la mise en œuvre des dispositions relatives au contrôle de l’argent liquide ([77]).

Cet ajout, qui consiste à mentionner les règlements européens et les dispositions du code monétaire et financier en la matière, aligne la finalité du droit de visite des navires sur celui prévu à l’article 60 du code des douanes dans sa rédaction résultant de l’article 2 du présent projet de loi.

Aucune autre modification n’a été apportée en séance.

IV.   La position de la Commission

La Commission des lois a adopté cet article modifié par deux amendements de sa rapporteure apportant des précisions d’ordre rédactionnel.

*

*     *

La commission adopte les amendements rédactionnels CF192 et CF193 de la commission des lois.

Elle adopte l’article 3 modifié.

*

*     *

Article 4
(art. 67 ter1 [nouveau] du code des douanes)
Remise à officier de police ou de douane judiciaire en cas d’infraction flagrante de droit commun

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

En l’état du droit, les agents des douanes peuvent procéder à la retenue douanière d’une personne seulement si elle a commis un délit douanier flagrant ; ils peuvent en outre provisoirement retenir une personne signalée, dans l’attente de sa remise à un officier de police judiciaire (OPJ).

En dehors de ces hypothèses, le droit commun est applicable : les agents des douanes constatant une infraction de droit commun sont tenus, en application de l’article 73 du code de procédure pénale, de remettre son auteur à l’OPJ le plus proche.

Le présent article prévoit une dérogation à l’exigence de remise à l’OPJ le plus proche, en permettant aux agents des douanes constatant la commission d’une infraction flagrante de droit commun punie d’une peine d’emprisonnement de remettre son auteur à un OPJ ou un officier de douane judiciaire (ODJ), sur instruction du procureur de la République et après en avoir informé ce dernier.

Il consacre également dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de recueil d’indices par les agents des douanes, d’immobilisation de moyens de transport ou de marchandises et de maintien à disposition de personnes, en vue de leur remise à un OPJ ou un ODJ.

       Dernières modifications législatives intervenues

La retenue douanière a été substantiellement refondue par la loi n° 2011‑392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, après avoir été censurée en 2010.

Les compétences des ODJ ont été enrichies des infractions en matière de jeux et paris en ligne par l’ordonnance n° 2019‑1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

       Modifications apportées par la Commission

Aucune modification n’a été apportée par la Commission.

I.   L’État du droit

La remise de personnes à un service judiciaire est prévue par le code des douanes dans deux hypothèses : la retenue douanière et la retenue provisoire. Hors de ces cas, les dispositions de droit commun de la procédure pénale s’appliquent.

A.   La retenue douaniÈre

La retenue douanière est une mesure privative de liberté régie par les articles 323‑1 à 323‑10 du code des douanes et à laquelle peuvent procéder les agents des douanes.

Son régime est voisin de celui de la garde à vue, ayant été enrichi par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ([78]) à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité des anciennes dispositions en 2010 ([79]).

1.   Les hypothèses de recours à la retenue douanière

● Le recours à la retenue douanière n’est possible que si trois conditions cumulatives prévues à l’article 323‑1 sont réunies :

– est en cause un délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement ;

– la flagrance est constituée ;

– la retenue de la personne est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière.

● Pour mémoire, et aux termes de l’article 53 du code de procédure pénale (CPP), est qualifié de délit flagrant :

– le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ;

– la situation où, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée d’avoir commis le délit est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets ou présente des traces ou indices qui laissent penser qu’elle a participé au délit.

2.   Le contrôle de la retenue douanière par le parquet

Si le placement en retenue douanière ne suppose pas l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire, le procureur de la République dans le ressort duquel le délit flagrant est constaté doit être informé de la retenue par tout moyen dès le début de celle-ci, ainsi que le prévoit l’article 323‑3 du code des douanes ; cette information doit être immédiate, tout retard non justifié étant cause de nullité de la procédure ([80]).

Le procureur est alors avisé de la qualification des faits et peut la modifier.

La retenue est exécutée sous le contrôle du procureur de la République, qui assure la sauvegarde des droits de la personne retenue et peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et recevoir les procès-verbaux et registres (article 323‑4 du code des douanes).

3.   Les droits et informations de la personne retenue

Les droits et informations dont bénéficie la personne placée en retenue douanière sont prévus aux articles 323‑5 et 323‑6 du code des douanes, qui renvoient aux dispositions du CPP applicables à la garde à vue.

● La personne retenue bénéficie ainsi du droit :

– de prévenir un proche, son curateur, tuteur, employeur ou les autorités consulaires de son pays si elle est étrangère, et de communiquer avec la personne ou les autorités ainsi prévenues, dans les conditions prévues à l’article 63‑2 du CPP ;

– d’être examinée par un médecin, dans les conditions prévues à l’article 63‑3 du CPP ;

– d’être assistée par un avocat et de s’entretenir avec lui, dans les conditions prévues aux articles 63‑3‑1 à 63‑4‑4 du CPP.

Si l’assistance par un avocat est en principe possible dès le début de la retenue douanière – par renvoi à l’article 63‑3‑1 du CPP –, l’intervention de l’avocat peut être différée lorsqu’est en cause un délit en bande organisée, comme le prévoit (hors délits douaniers) l’article 706‑88 du CPP.

● Par ailleurs, la personne retenue doit être immédiatement informée par un agent des douanes, en application de l’article 323‑6 du code des douanes :

– de son placement en retenue, de la durée de celle-ci et de la possibilité de sa prolongation ;

– des éléments relatifs au délit ayant justifié la retenue (qualification, date et lieu présumés, motifs de la retenue) ;

– des droits dont elle bénéficie, précédemment énumérés (droit de prévenir quelqu’un, d’être examiné par un médecin et d’être assisté par un avocat) ;

– de la possibilité de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence ;

– de consulter le procès-verbal de la retenue ;

– de demander au procureur la levée de la retenue lorsque celui-ci se prononce sur son éventuelle prolongation ;

– le cas échéant, d’être assisté par un interprète.

Enfin, la retenue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne – supposant un encadrement strict des hypothèses et conditions de fouille intégrale, par renvoi aux dispositions pertinentes du CPP.

4.   La durée de la retenue douanière

Aux termes de l’article 323‑2 du code des douanes, la retenue douanière ne peut excéder 24 heures ; elle peut toutefois être prolongée au plus pour 24 heures supplémentaires :

– sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République ;

– et si les nécessités de l’enquête le justifient.

Cette autorisation peut être subordonnée à la présentation de la personne retenue devant le procureur, le cas échéant par un moyen de télécommunication audiovisuelle (sur le fondement du II de l’article 63 du CPP, relatif à la prolongation de la garde à vue, qui est applicable à la retenue douanière en raison du dernier alinéa de l’article 323‑2 du code des douanes).

5.   Les suites de la retenue douanière

À l’issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne soit remise en liberté, ou présentée devant lui, devant un officier de police judiciaire (OPJ) ou devant un officier de douane judiciaire (ODJ).

Si la personne est gardée à vue à l’issue de la retenue, la durée de cette dernière s’impute sur celle de la garde à vue, ainsi que le prévoit l’article 323‑9 du code des douanes.

Les officiers de douane judiciaire (ODJ)

Prévus à l’article 28‑1 du CPP, les officiers de douane judiciaire (ODJ) sont des agents des douanes de catégorie A et B, spécialement désignés par les ministres chargés de la justice et du budget, et habilités à effectuer des enquêtes judiciaires :

– sur réquisition du procureur de la République, dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire ;

– ou, dans le cadre d’une information judiciaire, sur commission rogatoire du juge d’instruction.

Les ODJ ont compétence sur l’ensemble du territoire national pour rechercher et constater certaines infractions, parmi lesquelles :

– les infractions prévues par le code des douanes ;

– les infractions relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne ;

– le blanchiment ;

– les infractions en matière de jeux ou paris en ligne ;

– les infractions en matière de traçabilité de produits du tabac.

Ils peuvent également rechercher et constater des infractions en matière de stupéfiants dans le cadre d’unités temporaires les associant à des officiers de police judiciaire (OPJ) et formées par le procureur ou le juge d’instruction.

Dans le cadre d’enquêtes judiciaires auxquelles ils procèdent sur réquisition du procureur ou de commissions rogatoires du juge d’instruction, les ODJ disposent des mêmes prérogatives que les OPJ.

B.   La retenue provisoire

La retenue provisoire est prévue à l’article 67 ter du code des douanes ; elle concerne les personnes contrôlées par les agents des douanes et qui font l’objet d’un signalement.

Dans le détail, à l’occasion d’un contrôle douanier, les agents des douanes qui ont consulté un fichier relatif aux individus, objets ou véhicules signalés, peuvent procéder à la retenue provisoire d’une personne faisant l’objet d’un signalement ou détenant un objet signalé, aux fins de mise à disposition d’un OPJ.

Le procureur de la République doit être informé sans délai de la retenue provisoire, au cours de laquelle la personne est conduite devant l’OPJ ou maintenue à sa disposition. Sa durée est limitée au temps strictement nécessaire à l’accomplissement de ces diligences, et ne peut en tout état de cause excéder 3 heures à compter de la demande de l’OPJ. Si, au terme de ce délai, la personne n’a pu être remise à l’OPJ, elle est laissée libre.

Par ailleurs, la durée de la retenue provisoire s’impute sur celle de la retenue douanière et sur celle de la garde à vue, le cas échéant.

Un procès-verbal mentionnant le jour et l’heure du début et de la fin de la retenue provisoire doit être établi ; un double est remis à l’OPJ.

C.   L’apprÉhension d’indices et la contrainte prÉvues dans le cadre du droit de visite douaniÈre

Le droit de visite douanière, actuellement prévu à l’article 60 du code des douanes, est substantiellement modifié par l’article 2 du présent texte, au commentaire duquel il est renvoyé pour une présentation complète.

● Rappelons néanmoins que, dans le cadre de ce droit de visite, les agents des douanes peuvent immobiliser les marchandises ou moyens de transport visités, ou maintenir une personne à leur disposition, le temps strictement nécessaire aux vérifications – ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, et comme le prévoit le nouvel article 60‑7 du code des douanes introduit par l’article 2 du projet de loi.

● Les agents des douanes peuvent également recueillir les indices et éléments de preuve en vue de leur remise pour saisie à un OPJ, ces indices et éléments étant inventoriés par les agents et conservés et placés sous scellés dans des conditions permettant d’en préserver l’intégrité ([81]).

D.   Les hypothÈses de droit commun de remise de personnes À l’autoritÉ judiciaire

En dehors de la retenue douanière et de la retenue provisoire, les agents des douanes qui, à l’occasion de l’exercice de leurs missions, constateraient une infraction, peuvent remettre les personnes concernées à l’autorité judiciaire dans les conditions de droit commun prévues aux articles 40 et 73 du CPP.

● En application de l’article 40 du CPP, un agent des douanes qui, dans l’exercice de ses fonctions, aurait connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en informer sans délai le procureur de la République et de lui fournir à cette occasion tous les renseignements et documents liés à l’infraction.

Il s’agit de l’obligation générale de signalement au parquet des crimes et délits, qui incombe à toute autorité constituée, à tout officier public et à tout fonctionnaire.

● Par ailleurs, l’article 73 du CPP permet à toute personne d’appréhender l’auteur d’un crime ou délit et de le conduire devant l’OPJ le plus proche, sous réserve que le crime ou délit :

– soit flagrant – la définition de la flagrance étant prévue à l’article 53 du CPP ;

– et soit puni d’une peine d’emprisonnement – excluant ainsi la mise en œuvre de ces dispositions pour les délits punis d’une seule peine d’amende.

*

*     *

Il résulte des dispositions en vigueur que les agents des douanes, lorsqu’ils constatent un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement :

– peuvent procéder à une retenue douanière si le délit est un délit douanier ;

– ou, s’il s’agit d’un délit de droit commun, remettre l’auteur à l’OPJ le plus proche – la capacité d’action des agents des douanes dans une telle hypothèse est donc relativement restreinte.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article entend remédier aux restrictions auxquelles les agents des douanes peuvent être soumis dans l’exercice de leurs missions lorsqu’ils constatent un flagrant délit de droit commun., en introduisant à cet effet dans le code des douanes un nouvel article 67 ter1.

A.   La remise À OPJ ou ODJ de l’auteur d’une infraction flagrante de droit commun, sur instruction du parquet

En premier lieu, aux termes du premier alinéa de ce nouvel article 67 ter1, les agents des douanes pourront interpeller l’auteur d’une infraction dont ils constatent la commission, afin de le remettre :

– à un OPJ ;

– ou à un ODJ pour les infractions pour lesquelles celui‑ci est compétent (par référence à l’article 28‑1 du CPP).

Cette prérogative fait l’objet d’un encadrement relativement strict, tant dans ses hypothèses que ses modalités de mise en œuvre.

● D’une part, elle n’est prévue que pour les infractions répondant aux conditions suivantes :

– l’infraction doit être flagrante ;

– l’infraction doit être punie d’une peine d’emprisonnement, et donc être un crime ou un délit non puni d’une seule peine d’amende ;

– l’infraction ne doit pas être prévue par le code des douanes.

Sont donc concernées les infractions de droit commun passibles d’une peine d’emprisonnement commises en flagrance.

● D’autre part, l’interpellation et la remise de l’auteur de l’infraction à l’OPJ ou à l’ODJ n’est possible que sur instruction du procureur de la République dans le ressort duquel est constatée l’infraction, et sous réserve que celui‑ci en ait été informé par tout moyen.

La formulation retenue étant la même que celle prévue à l’article 323‑3 du code des douanes s’agissant de la retenue douanière, il est permis d’en déduire que l’information du procureur de la République devra être immédiate, tout retard non justifié pouvant causer la nullité de la procédure (ainsi qu’en a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 27 juin 2017 précité).

1.   La consécration de la jurisprudence en matière d’indices et d’immobilisations

En second lieu, les deuxième et troisième alinéas du nouvel article 67 ter1 du code des douanes consacrent dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de recueil d’indices et d’immobilisation ou de maintien à disposition.

● Le deuxième alinéa permet ainsi aux agents des douanes d’appréhender les indices qu’ils recueillent lors du contrôle, sous réserve :

– de procéder à leur inventaire immédiat ;

– de s’abstenir de tout acte d’investigation les concernant ;

– de les remettre à l’OPJ ou l’ODJ compétent, c’est-à-dire celui auquel les agents des douanes remettent l’auteur de l’infraction flagrante, afin que cet officier procède à la saisie et au placement sous scellés des indices ;

– d’assurer la préservation de l’intégrité des indices en attendant leur remise à l’OPJ ou l’ODJ.

Il s’agit du cadre posé par la Cour de cassation dans son arrêt précité du 26 octobre 2016, enrichi de la possibilité de remettre les indices à un ODJ.

● Le troisième alinéa du nouvel article 67 ter1, quant à lui, permet aux agents des douanes, sous le contrôle du procureur de la République, d’immobiliser le moyen de transport et les marchandises et de maintenir à leur disposition la personne interpellée, y compris contre son gré, le temps strictement nécessaire à la consignation des opérations de contrôle dans un procès-verbal et à leur remise à l’OPJ ou l’ODJ compétent.

● Ces deux alinéas renforcent le fondement juridique des prérogatives dégagées et précisées par la Cour de cassation, en les inscrivant dans la loi – elles participent ainsi à une meilleure intelligibilité de la norme tout en sécurisant le plus possible ces prérogatives.

*

*     *

Dans son avis, le Conseil d’État n’a formulé aucune observation sur cet article ([82]).

III.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification – aucun amendement n’a d’ailleurs été déposé sur cet article en commission comme en séance.

IV.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 4 non modifié.

*

*     *

Article 5
(art. 67 du code des douanes)
Précision du cadre juridique des contrôles aux frontières

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réécrit l’article 67 du code des douanes, permettant actuellement aux agents des douanes de contrôler l’identité des personnes qui entrent ou sortent du territoire douanier ou circulent dans le rayon des douanes, afin de préciser que les vérifications aux frontières effectuées en métropole par les agents des douanes sont réalisées en application des dispositions du règlement européen « code frontières Schengen » du 9 mars 2016.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 67‑1 du code des douanes, habilitant les agents des douanes à relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles un procès-verbal est établi, a été introduit par la loi n° 2012‑1560 du 31 décembre 2012.

Les modalités de contrôles aux frontières de l’Union européenne résultent du règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (dit « code frontières Schengen »).

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Parallèlement au droit de visite douanière qui permet de contrôler les personnes, les marchandises et les moyens de transport, la législation douanière prévoit d’autres mesures de contrôle des personnes, dont les contrôles d’identité prévus à l’article 67 du code des douanes et les contrôles aux frontières prévus par le droit européen.

A.   Les contrÔles d’identitÉ prÉvus À l’article 67 du code des douanes

● L’article 67 du code des douanes, dans sa rédaction en vigueur, permet aux agents des douanes de contrôler l’identité des personnes :

– qui entrent dans le territoire douanier ou qui en sortent ;

– ou qui circulent dans le rayon des douanes.

Les notions de territoire douanier et de rayon des douanes sont présentées dans le commentaire de l’article 1er du projet de loi, auquel il est renvoyé pour tout complément.

● Les contrôles d’identité prévus à l’article 67 du code des douanes ne constituent pas des contrôles ou vérification d’identité au sens des articles 78‑2 et 78‑3 du code de procédure pénale (CPP), ni des contrôles de titres au sens de l’article 67 quater du code des douanes, qui obéissent à des procédures particulières et permettent la mise en œuvre de mesures de contrainte (il est renvoyé au commentaire de l’article 2 du projet de loi pour une présentation de l’article 67 quater).

En effet, il ressort de la jurisprudence que ces contrôles « n’autorisent que la vérification des passeports ou documents d’identité en tenant lieu, sans mesure coercitive », ainsi qu’a pu le préciser la Cour de cassation dans un arrêt rejetant une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l’article 67 du code des douanes ([83]).

● Les contrôles effectués en application de l’article 67 du code des douanes, s’ils sont circonscrits géographiquement, ne sont pas nécessairement liés au comportement de la personne contrôlée : aucun motif particulier n’est prévu, c’est la proximité ou le franchissement de la frontière qui justifient la possibilité de contrôle.

Le relevé d’identité prévu à l’article 671 du code des douanes

L’article 67 du code des douanes se trouve dans une section intitulée « Présentation des titres et documents d’identité », qui comprend par ailleurs l’article 67‑1.

En application de cet article 67‑1, les agents des douanes sont habilités à relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles un procès‑verbal prévu par le code des douanes doit être rédigé.

En cas de refus ou d’impossibilité de justifier de son identité, il en est référé à tout officier de police judiciaire territorialement compétent, qui peut ordonner aux agents des douanes de lui présenter la personne aux fins de vérifier son identité dans les conditions prévues à l’article 78‑3 du CPP – permettant notamment une retenue pendant 4 heures.

Une fois la vérification terminée, ses résultats sont communiqués aux agents des douanes sans délai.

B.   Les contrÔles aux frontiÈres prÉvus par le « code frontiÈres Schengen »

Dans le cadre du « code frontières Schengen » prévu par le règlement européen n° 2016/399 du 9 mars 2016 ([84]), les agents des douanes exercent les fonctions de « garde-frontière » et procèdent, à ce titre, aux contrôles aux frontières extérieures et intérieures de l’Union européenne.

● Ainsi que le prévoit le 1 de l’article 2 du « code frontières Schengen », les frontières intérieures de l’Union européenne correspondent :

– aux frontières terrestres communes des États membres ;

– aux aéroports des États membres pour les vols intérieurs, c’est-à-dire en provenance ou à destination exclusive des territoires de ces États, sans atterrissage sur le territoire d’un pays tiers ;

– aux ports des États membres pour les liaisons régulières intérieures par transbordeur, c’est-à-dire entre plusieurs ports situés sur le territoire des États membres, sans escale dans des ports situés hors de ce territoire.

Les frontières extérieures de l’Union européenne, aux termes du 2 du même article 2, sont les frontières terrestres et maritimes des États membres et leurs ports et aéroports qui ne sont pas des frontières intérieures. Cela recouvre ainsi les frontières entre un État membre et un pays tiers, ou encore les aéroports et ports dont les vols et liaisons supposent des atterrissages et escales sur le territoire de pays tiers.

Les contrôles exercés en application du « code frontières Schengen » le sont soit à un point de passage frontalier, soit le long de la frontière ou à proximité immédiate de celle-ci.

● Les modalités de contrôles réalisés en application du « code frontières Schengen » sont prévues :

– pour les contrôles aux frontières extérieures de l’Union, au chapitre II du titre II de ce code ;

– pour les contrôles aux frontières intérieures, au chapitre II du titre III de ce code – de tels contrôles peuvent être temporairement réintroduits en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre ou en cas de circonstances exceptionnelles qui mettent en péril le fonctionnement global de l’espace sans contrôle aux frontières intérieures.

● Les vérifications sont prévues à l’article 8 du « code frontières Schengen ».

Pour les personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union, ces vérifications sont dites minimales ; elles visent à établir l’identité des personnes et consistent en un examen simple et rapide :

– de la validité du document autorisant le franchissement de la frontière ;

– de la présence d’indices de falsification ou de contrefaçon, le cas échéant en recourant à des fichiers.

Les ressortissants des pays tiers à l’Union, eux, sont soumis à l’entrée et à la sortie de l’Union à une vérification approfondie incluant, notamment :

– la vérification du respect de la durée de séjour maximale autorisée ;

– la vérification de la disposition par la personne de moyens de subsistance suffisants pour l’objet et la durée du séjour et pour retourner dans le pays d’origine ;

– la vérification que la personne et les objets qu’elle transporte ne sont pas de nature à compromettre l’ordre public, la sécurité intérieure ou encore la santé publique.

En cas de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, les mêmes dispositions s’appliquent, en application de l’article 32 du « code frontières Schengen ».

Ces contrôles s’effectueront aux points de passage frontaliers, le long de la frontière ou à proximité immédiate de celle-ci – sont en principe concernées les frontières extérieures de l’Union, mais aussi les frontières intérieures en cas de réintroduction des contrôles à celles-ci.

● L’application du « code frontières Schengen » ne concerne, pour la France, que la métropole, le règlement du 9 mars 2016 ne s’appliquant qu’aux « seuls territoires européens de la France » ([85]).

Les contrôles aux frontières dans les outre‑mer sont réalisés dans les conditions prévues aux titres III et VI du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dont les dispositions renvoient au « code frontières Schengen » : s’agissant des contrôles aux frontières extérieures, l’article L. 331‑2 du CESEDA renvoie au chapitre II du titre II du règlement européen ; pour les contrôles aux frontières extérieures, l’article L. 331‑3 renvoie au chapitre II du titre III du même règlement.

II.   Le dispositif proposÉ

● Le présent article réécrit l’article 67 du code des douanes et modifie l’intitulé de la section du code à laquelle il appartient.

D’une part, la nouvelle rédaction de l’article 67 prévoit que les agents des douanes effectuent les vérifications aux frontières dans les conditions prévues au chapitre II des titres II et III du « code frontières Schengen ».

Ces modalités sont présentées dans les développements précédents.

D’autre part, l’intitulé de la section 6 ([86]) du chapitre IV du titre II du code des douanes, « Présentation des titres et documents d’identité », est modifié afin de tenir compte de la nouvelle rédaction de l’article 67, pour devenir « Vérification aux frontières et présentation des documents d’identité ».

La nouvelle rédaction de l’article 67 ne s’appliquera qu’aux contrôles aux frontières réalisés en métropole, le « code frontières Schengen » ne s’appliquant qu’aux territoires européens de la France, ainsi qu’il a été vu.

S’agissant des outre-mer, l’ensemble de ceux-ci font l’objet de dispositions dédiées prévues au III de l’article 16 du présent projet de loi, qui renvoie aux conditions prévues par le CESEDA – ce dernier renvoyant déjà, ainsi qu’il a été vu, au « code frontières Schengen ».

● Ces dispositions n’ont appelé aucune observation de la part du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([87]).

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Aucune modification n’a été apportée par le Sénat à cet article, sur lequel aucun amendement n’avait été déposé.

IV.   La position de la Commission

La Commission, elle aussi, a adopté cet article sans le modifier.

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La commission adopte l’article 5 non modifié.

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—  1  —

Article 6
(art. 67 ter B, 67 ter C et 67 ter D [nouveaux] du code des douanes)
Création d’un dispositif de retenue temporaire de sommes d’argent liquide, en l’absence de franchissement de frontières

 

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 6 vise à créer un dispositif de retenue temporaire de sommes d’argent liquide à l’occasion des contrôles douaniers. Cette possibilité serait conditionnée à la présence d’indices suggérant que cet argent est lié à une activité criminelle, mais serait ouverte si aucune frontière n’a été franchie, complétant ainsi les retenues temporaires existantes applicables uniquement en cas de franchissement de frontière. 

I.   Le droit existant

A.   les obligations dÉclaratives applicables aux sommes d’argent liquide dont le montant excÈde 10 000 EUROS ET LES SANCTIONS AFFÉRENTES

1.   Des obligations déclaratives générales pour les sommes d’argent liquide dont le montant excède 10 000 euros

L’argent liquide est défini par l’article 2 du règlement (UE) 2018/1672 du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005 comme l’ensemble constitué :

– des espèces (billets de banque et pièces de monnaie) ;

– des instruments négociables au porteur (donnant droit au détenteur de demander un montant financier sur présentation des instruments sans avoir à décliner son identité ni justifier de droits sur ces montants, par exemple des chèques voyages ou des chèques sans bénéficiaire indiqué) ;

– des marchandises servant de réserves de valeur très liquides (présentant un ratio valeur/volume très élevé et pouvant être aisément converties en espèces) ;

– des cartes prépayées.

La surveillance des mouvements physiques d’argent liquide sur le territoire national a pour objet principal la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que le bon fonctionnement du marché intérieur. Elle repose sur l’articulation entre un volet européen et un volet national et emporte une obligation de déclaration des mouvements d’argent liquide égaux ou supérieurs à 10 000 euros, que ces sommes :

– entrent ou sortent de l’Union. Il s’agit du volet européen du système de surveillance, résultant de l’application de l’article 3 du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005. Dans ce cas, la déclaration est faite « aux autorités de l’État membre par lequel ils entrent dans l’Union ou sortent de l’Union et mettent celui-ci à leur disposition à des fins de contrôle » ;

– entrent ou sortent du territoire national vers un État membre de l’Union européenne ou en provenance d’un tel État. Il s’agit du volet national du système de surveillance, résultant des articles 464 du code des douanes et L. 152-1 et L. 152‑1‑1 du code monétaire et financier. La déclaration est alors réalisée auprès de l’administration douanière.

Dans ces deux cas de figure, les sommes d’argent doivent être mises à disposition des douanes à des fins de contrôle.

Cette obligation de déclaration s’impose au porteur de l’argent, c’est-à-dire pour « toute personne physique entrant dans l’Union ou sortant de l’Union qui transporte de l’argent liquide sur elle, dans ses bagages ou dans ses moyens de transport » ([88]), mais également si l’argent fait l’objet d’un envoi, par exemple par colis postal, par le biais d’un transporteur ou encore par des bagages non accompagnés ([89]).

2.   Des sanctions en cas de manquement aux obligations déclaratives comprenant la retenue temporaire des sommes d’argent liquide

L’absence de respect des obligations déclaratives présentées supra ([90]) peut donner lieu à plusieurs sanctions, dont la retenue temporaire des sommes. En effet, en sus de l’amende équivalant à 50 % du montant de l’argent liquide sur lequel l’obligation déclarative porte ([91]), les autorités douanières peuvent prononcer la retenue temporaire de la totalité de l’argent liquide pour lequel les obligations déclaratives n’auraient pas été satisfaites ([92]). Cette retenue temporaire est notifiée à l’auteur du manquement et ne peut excéder 30 jours, renouvelable jusqu’à 90 jours au maximum. Au terme de cette durée maximale et uniquement si l’enquête l’exige, les agents des douanes peuvent, sur autorisation du procureur de la République, consigner l’argent liquide pour une durée limitée à douze mois.

Cette décision de retenue temporaire peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre d’instruction de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes chargée d’y procéder, dans les quinze jours suivant la notification de retenue temporaire. Ce recours n’est pas suspensif ([93]).

B.   la retenue temporaire DE SOMMES D’argent liquide en cas de lien avec une activitÉ criminelle quel qu’en soit le montant

Le manquement aux obligations déclaratives n’est pas le seul cas de figure pouvant donner lieu à une saisie temporaire d’argent liquide. L’article 13 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a créé un dispositif de retenue temporaire d’argent liquide à propos duquel il existe des indices de liens avec une activité criminelle, codifié à l’article L. 152-4-1 du code monétaire et financier. 

Ainsi, en application de l’article 7 du règlement (UE) 2018/1672 susmentionné pour le volet européen et de l’article L. 152-4-1 du code monétaire et financier pour le volet national, pour les sommes d’argent liquide de tout montant, en provenance ou à destination d’un État membre ou d’un État non-membre de l’Union européenne, les agents de douane peuvent procéder à des retenues temporaires s’il existe des indices que cet argent est lié à une activité criminelle. Cette retenue temporaire est possible quel que soit le montant des sommes concernées, y compris si celui-ci est inférieur à 10 000 euros, et que ces sommes aient fait l’objet d’une déclaration ou non.

Deux conditions doivent donc être réunies pour la mise en œuvre de cette retenue temporaire :

– l’argent liquide doit avoir traversé la frontière pour pénétrer sur le territoire national ;

– des indices de liens avec une activité criminelle doivent exister.

Dans ce cadre, sont identifiées comme des activités criminelles ([94]) :

– les actes énoncés aux articles 1er à 4 de la décision-cadre 2002/475/JAI, soit les infractions terroristes, les infractions relatives à un groupe terroriste, les infractions liées aux activités terroristes, et l’incitation, la complicité et la tentative d’infractions terroristes ;

– toutes les infractions visées à l'article 3, paragraphe 1, point a), de la convention des Nations unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qui sont relatives « à la production, à la fabrication, à l’extraction, à la préparation, à l’offre, à la mise en vente, à la distribution, à la vente, à la livraison à quelque condition que ce soit, au courtage, à l’expédition, à l’expédition en transit, au transport, à l’importation ou à l’exportation de tout stupéfiant ou de toute substance psychotrope en violation des dispositions de la Convention de 1961, de la Convention de 1961 telle que modifiée ou de la Convention de 1971 » ([95]) ;

– les activités des organisations criminelles définies à l’article 1er de l’action commune 98/733/JAI du Conseil comme « l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave » ;

– la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, au moins la fraude grave, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

– la corruption ;

– toutes les infractions, y compris les infractions fiscales pénales liées aux impôts directs et indirects et telles que définies par le droit national des États membres, qui sont punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale supérieure à un an ou, dans les États membres dont le système juridique prévoit un seuil minimal pour les infractions, toutes les infractions qui sont punissables d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée minimale supérieure à six mois.

Les modalités de mise en œuvre sont similaires à celles de la retenue temporaire pour manquement aux obligations déclaratives : la retenue est notifiée au porteur, à l’expéditeur, ou au destinataire de l’argent. La durée de retenue ne peut être supérieure à 30 jours. Cette durée peut être renouvelée, sans que la retenue puisse excéder un maximum de 90 jours. À l’expiration de cette durée de 90 jours et si les nécessités de l’enquête l’exigent, les agents des douanes peuvent consigner l’argent liquide sur autorisation du procureur de la République.

En outre, la personne à qui la retenue est notifiée est ensuite tenue de fournir à l’administration douanières des informations dont la liste est définie aux articles R. 152-6 du code des douanes pour le porteur et R. 152-7 pour l’expéditeur et le destinataire. Parmi ces informations figurent, outre les éléments d’identification des personnes, la provenance économique de l’argent liquide, l’usage qu’il est projeté d’en faire, ou encore l’itinéraire de transport.

Enfin, de la même manière que les décisions de retenue temporaire pour manquement aux obligations déclaratives, la décision de retenue temporaire notifiée pour cause d’indices de liens avec une activité criminelle peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de retenue temporaire ([96]). Ce recours n’est toutefois pas suspensif : il n’a donc pas pour effet d’empêcher la réalisation de la retenue temporaire. Ce dernier élément n’est pas de nature à emporter une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, comme l’a indiqué le Conseil constitutionnel à propos de l’appel en matière de perquisitions fiscales ([97]).

C.   Un outil utile, mais DONT L’application est limitÉe À l’argent entrant ou sortant du territoire

L’outil de la retenue temporaire est fréquemment utilisé par les douanes, preuve de l’utilité de ces dispositions : en 2022, 555 retenues temporaires d’argent liquide ont été effectuées, pour un montant total de 20,07 millions d’euros ([98]). 10 % de ces retenues étaient motivées par des indices de lien avec une activité criminelle, le reste était justifié par des manquements aux obligations déclaratives, parfois intentionnelles.

Néanmoins, ces dispositions ne trouvent à s’appliquer que lorsque les agents des douanes peuvent établir que l’argent liquide visé est entré ou sorti du territoire national. Par voie de conséquence, aucune retenue temporaire ne peut être effectuée sur de l’argent liquide pour lequel il existerait des indices de lien avec une activité criminelle mais qui circulerait entre deux points du territoire national, et dont la sortie ou l’entrée sur le territoire ne peut donc être établie.

Dans ce cas, deux solutions restent ouvertes aux agents des douanes, mais elles ne sont pas adaptées à tous les cas de figure et ne concourent pas de faciliter le dérouler l’enquête : ils peuvent dénoncer les crimes et délits au procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale, ou, en situation de flagrance, procéder à la remise de la personne à l’officier de police judiciaire le plus proche, en application de l’article 73 du code de procédure pénale. Si aucune de ces solutions n’est applicable au cas d’espèce, les agents des douanes ne peuvent que laisser l’argent circuler librement, sans pouvoir le saisir.

Ainsi, à titre d’exemple, il est impossible de saisir temporairement une somme d’argent très importante transportée par une personne voyageant entre la métropole et l’outre-mer ou entre deux villes métropolitaines, même faisant l’objet d’un marquage de l’équipe cynophile.

Or, la saisie temporaire de l’argent liquide suspect permet d’améliorer significativement l’efficacité de la lutte contre les délits et les crimes et contre le blanchiment à deux égards. Tout d’abord, la retenue temporaire donne du temps aux douaniers pour identifier les réseaux illicites, les relations entre plusieurs personnes y appartenant, et le circuit que suit l’argent. En effet, l’argent issu des trafics est souvent collecté par des réseaux spécialisés afin d’être blanchis, puis d’alimenter d’autres trafics voire de financer des activités en lien avec le terrorisme. Ce système parallèle de collecte de sommes parfois limitées d’argent, de mise en commun avec d’autres sommes, de blanchiment puis de financement complique fortement la traçabilité des fonds et ne permet pas aux enquêteurs de remonter aux commanditaires.

En outre, à l’issue de la saisie temporaire, l’argent liquide peut être confisqué par la juridiction compétente si pendant la durée de la retenue il est apparu que la personne a été en possession d’objets laissant penser qu’il a commis une infraction douanière ou a participé à la commission de telles infractions ([99]). Cette confiscation permet de retirer les sommes des circuits de financement illicites et ainsi de limiter leur contribution aux trafics.

II.   le droit proposÉ 

Le projet de loi propose de créer un dispositif de retenue temporaire de l’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire pour lequel il existe des soupçons de liens avec des activités criminelles, quand bien même il ne serait ni entré ni sorti du territoire national.

Cette disposition fait écho à une proposition du rapport des sénateurs MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein sur l’organisation et les moyens de la douane face au trafic de stupéfiants ([100]), qui proposaient de conduire une étude de faisabilité sur l’extension des prérogatives de la douane en matière de saisie de capitaux lors des contrôles, hors franchissement de frontière.

● Ce dispositif sera codifié au sein d’un nouvel article 67 ter B du code des douanes. Il se caractérise par plusieurs éléments et complète les possibilités de retenue sur l’argent liquide entrant et sortant du territoire national :

– il s’insère dans le chapitre du code des douanes portant sur les pouvoirs des agents des douanes. Les retenues temporaires pourront donc être mises en œuvre à l’occasion de l’ensemble des contrôles prévus au titre de ce code. Interrogée par la rapporteure quant à l’opportunité de rapprocher, par cohérence, ces dispositions de celles portant sur la retenue temporaire sur des sommes entrant ou sortant du territoire national, codifiées dans le code monétaire et financier, la directrice générale des douanes et droits indirects a indiqué que l’ensemble de ces dispositions avait vocation à rejoindre le code des douanes dans le cadre de la recodification pour laquelle une habilitation à légiférer par ordonnance est demandée à l’article 15 du projet de loi (cf. infra) ;

– en outre, et c’est là tout l’intérêt de la mesure, elle porte sur l’argent « circulant à l’intérieur du territoire et qui n’est pas en provenance ou à destination de l’étranger ». Elle se distingue à cet égard des dispositions présentés supra ;

– aucun montant minimum d’argent liquide n’est requis pour pouvoir procéder à la retenue temporaire ;

– pour les besoins de l’enquête, les agents des douanes pourront également retenir les documents se rapportant à l’argent liquide ou en prendre copie, quel qu’en soit le support ;

– en revanche, cette nouvelle retenue ne peut être mise en œuvre qu’à condition qu’il existe des indices que l’argent liquide est lié à une activité criminelle. La définition de ces activités est la même que celle retenue pour l’application de l’article L. 152-4-1 du code monétaire et financier ([101]).

Le critère du lien avec une activité criminelle n’est pas le seul élément commun avec les procédures existant dans le code monétaire et financier et permettant la retenue temporaire d’argent liquide. En effet, plusieurs modalités de cette nouvelle retenue temporaire sont identiques à celles prévues pour l’application des retenues temporaires en raison de manquements aux obligations déclaratives ou en raison de lien avec une activité criminelle :

– les agents des douanes peuvent retenir l’argent pour une durée de 30 jours, renouvelable jusqu’à 90 jours au maximum ;

– les motifs de la retenue sont notifiés au porteur, au détenteur, à l’expéditeur ou destinataire de l’argent, ou leur représentant, selon les cas.

● Un nouvel article 67 ter C prévoit les modalités de recours contre la décision de retenue temporaire. Ce recours pourra être formé par la personne à qui la décision de retenue temporaire est notifiée dans un délai de 15 jours devant le président de la chambre d’instruction de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. L’ordonnance du président de la chambre d’instruction est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (articles 567 à 574-2). Il est également précisé dans la rédaction proposée que ce recours n’est pas suspensif.

● Enfin, un nouvel article 67 ter D prévoit les modalités de restitution de l’argent liquide. Cette dernière intervient au plus tard au terme de la retenue temporaire et de son éventuel renouvellement. L’argent n’est cependant pas restitué à la personne s’il est saisi par les agents des douanes.

III.   les modifications apportÉes par le sÉnat

La commission des finances du Sénat a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur M. Albéric de Montgolfier (LR) à l’article 6 (amendement N° COM-68 et COM-69).

Elle a également adopté un amendement N° COM-67, également déposé par le rapporteur, dont l’objet est de permettre que le recours contre la décision de retenue temporaire, créé par l’article 67 ter C, puisse être exercé par le propriétaire de l’argent liquide, dans le cas où il serait différent de la personne à laquelle la décision de retenue est notifiée.

Le même amendement applique cette modification à l’article L. 152-5 du code monétaire et financier, qui vise les recours contre les retenues temporaires prononcées sur des sommes entrant et sortant du territoire et ne satisfaisant pas aux obligations déclaratives ou pour lesquelles il existe des indices de lien avec une activité criminelle.

Ces modifications sont bienvenues : suivant une logique similaire à celle retenue à l’article 2 du projet de loi, elles visent à inscrire dans la loi une garantie apportée par la jurisprudence de Cour de cassation. En effet, d’après un arrêt de la Cour de la cassation du 22 mars 2023 ([102]), il se déduit des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le recours contre la décision de retenue temporaire notifiée en application de l’article L. 152-4-1 du code monétaire et financier doit pouvoir être exercé par le propriétaire de l’argent liquide.

IV.   La position de la commission

La rapporteure considère que cette nouvelle retenue temporaire permettra aux agents des douanes de comprendre et de mieux appréhender des circuits financiers liées à des activités criminelles au sein du territoire. En effet, le temps correspondant à la durée de la retenue pourra être exploité pour rechercher les éléments constitutifs d’une infraction douanière ou pour communiquer des informations au procureur de la République aux fins par exemple d’ouverture d’enquêtes judiciaires.

Ce dispositif permettra également de retirer l’argent visé des circuits de financement illicites alimentés par les trafics et de désinciter le recours à des collecteurs.

La commission a adopté trois amendements rédactionnels de la rapporteure (N° CF151, CF152 et CF150) et un amendement précisant que le périmètre d’application de l’article est le territoire douanier au sens de l’article 1er du code des douanes (N° CF147).

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Amendement CF147 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision portant sur le territoire douanier où les sommes en circulation peuvent saisies au titre de la retenue temporaire.

La commission adopte l’amendement CF147.

Amendement CF43 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Afin d’éviter que l’article 6 puisse être détourné et utilisé comme mesure de rétorsion préventive contre des personnes innocentes, l’amendement tend à fixer un plancher à partir duquel l’argent liquide peut-être retenu. À défaut d’une telle mesure, le dispositif prévu risque de devenir un moyen de contrainte sociale, en privant arbitrairement certaines personnes contrôlées de l’argent courant dont elles ont besoin. Il est proposé de fixer ce plancher à 2 000 euros.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car le dispositif de retenue temporaire présente ce double avantage qu’à la différence des dispositifs existants, il s’applique aussi lorsque l’argent n’a pas franchi la frontière, et quel que soit le montant en cause – c’est l’objet même du texte. L’objectif essentiel est de disposer du temps nécessaire pour enquêter sur la provenance d’une somme d’argent liquide et identifier les différents réseaux de trafic, afin d’éviter que les gains qui en sont issus, souvent transportés par petits montants, n’alimentent un système parallèle en jouissant d’une certaine impunité. En limitant la retenue temporaire aux sommes les plus importantes, nous manquerions ainsi l’objectif, qui est de s’attaquer au financement des activités criminelles tout au long de la chaîne, du niveau micro au niveau macro.

Je rappelle que l’article L. 152-4-1 du code monétaire et financier, qui permet de retenir l’argent liquide ayant transité par la frontière lorsqu’il existe des indices de liens avec une activité criminelle, ne comporte aucune limitation de montant. Il s’agit de calquer cette disposition sœur à l’intérieur du territoire national.

Cette nouvelle procédure s’accompagne de garanties fortes, comme la nécessité de disposer d’indices laissant penser que les sommes visées sont liées à une activité criminelle. Elle peut par ailleurs faire l’objet d’un recours et doit donc être solidement motivée que par des faits.

M. Charles de Courson (LIOT). Madame la rapporteure, êtes-vous hostile par principe à la fixation d’un seuil ou trouvez-vous que le seuil proposé par notre collègue est trop élevé ? J’ai cru comprendre que c’était une histoire de principe, mais n’est-il pas un peu excessif de permettre une rétention lorsque quelqu’un a 100 euros dans la poche ? Ne faudrait-il pas fixer un seuil plus bas que celui que propose Mme Leduc, disons 200 euros ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. Je ne suis pas favorable au principe même d’un seuil, pour deux raisons. La première est qu’il n’existe pas de seuil pour les sommes qui passent la frontière nationale. La deuxième est qu’il doit exister de fortes suspicions que les sommes en question soient liées à une activité criminelle et soient donc illégales, même s’il s’agit de 200 euros. L’idée est vraiment de neutraliser les petites sommes qui transitent et qui, mises bout à bout, peuvent constituer des montants très élevés. Ce sont là des principes de base que l’on apprend dans toute lutte contre les trafics en tout genre. La lutte contre le blanchiment d’argent passe aussi par la retenue de ces toutes petites sommes.

M. Robin Reda (RE). Nous convenons tous qu’il ne faut pas compliquer le travail des douanes, mais plutôt leur donner des outils supplémentaires. La lutte contre les fraudes et contre le blanchiment d’argent est une priorité, rappelée du reste par le ministre. On peut certes se demander s’il est justifié d’avoir 2 000 euros sur soi, mais ce sont les indices interprétés par nos douaniers qui permettront de le déterminer. Toute personne qui a de l’argent liquide sur elle n’est pas un délinquant – d’où les garanties évoquées par Mme la rapporteure. Nous ne pouvons donc pas être favorables à l’instauration de seuils dans les contrôles de nos douaniers.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Puisque vous élargissez et renforcez les missions régaliennes de la douane en matière de politique migratoire, un migrant est-il un criminel lorsqu’il détient 2 000 euros ? Pensez-vous que ces sommes devraient être saisies ? On voit bien que l’argument de la criminalité ne tient pas.

La commission rejette l’amendement CF43.

Amendement CF60 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Il propose une retenue de quatre mois pour les sommes supérieures à 10 000 euros.

Mme Nadia Hai, rapporteure. La durée de 90 jours correspond à celle qui est prévue dans la disposition sœur que j’évoquais, qui concerne les flux qui entrent sur le territoire national ou qui en sortent. Il importe de conserver le parallélisme entre ces deux dispositions.

Par ailleurs, cette durée est raisonnable pour mener une enquête approfondie sur la provenance de ces sommes, et peut être renouvelée pour une durée supplémentaire de 90 jours si les besoins de l’enquête le justifient. L’amendement est donc satisfait sur ce point.

La commission rejette l’amendement CF60.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF151, CF152 et CF150 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Elle adopte l’article 6 modifié.

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Article 7
(art. 52 bis, 52 ter, 52 quater, 52 quinquies, 52 sexies, 52 septies, 52 octies, 52 nonies, 52 decies et 52 undecies [nouveaux] du code des douanes)
Création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article propose de doter l’administration des douanes d’une réserve opérationnelle. Les dispositions proposées sont très largement inspirées de celles applicables à la réserve opérationnelle de la police nationale.

I.   Le droit existant

A.   les rÉserves opÉrationnelles des corps de fonctionnaires en tenue

L’administration des douanes est le seul corps de fonctionnaires en tenue à ne pas bénéficier du concours d’une réserve opérationnelle. Les réserves opérationnelles des forces de sécurité intérieure et militaires constituent des atouts majeurs pour les corps qui en disposent.

● La réserve opérationnelle de la police nationale, créée en 2022 en remplacement de la réserve civile, est composée de personnes issues de la société civile, d’anciens policiers adjoints et de retraités de la police nationale. Les réservistes issus de la société civile ont la possibilité de servir jusqu’à 90 jours par an, tandis que ce plafond est fixé à 150 jours par an pour les retraités de la police nationale et le anciens policiers adjoints. Au 31 décembre 2022, 4 819 personnes étaient membres de cette réserve opérationnelle ([103]).

Les conditions d’intégration à la réserve de la police nationale pour les civils sont les suivantes : être de nationalité française, être âgé de 18 à 67 ans, être à jour des obligations liées au service national ou à la journée défense et citoyenneté, ne pas avoir été condamné pour un crime ou une peine entraînant la perte des droits civiques ou l’interdiction d’exercer un emploi public, ou une peine inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et posséder l’aptitude physique nécessaire ([104]). Enfin, les candidats à la réserve peuvent faire l’objet d’une enquête administrative, dont les conclusions peuvent empêcher l’admission dans la réserve si le comportement du candidat est incompatible avec les missions envisagées. L’engagement prend la forme d’un contrat d’engagement conclu pour une durée comprise entre un et cinq ans et qui confère la qualité de collaborateur du service public aux réservistes.

● La réserve de la gendarmerie et la réserve des armées constituent la réserve militaire. Pour y être admis, il est nécessaire de détenir la nationalité française ou d’être un ancien militaire engagé à titre étranger volontaire pour servir comme réserviste dans la légion étrangère, être âgé de dix-sept ans au moins, être en règle au regard des obligations du service national, et ne pas avoir été condamné à la perte des droits civiques ou à l’interdiction d’exercer un emploi public, ni à la destitution ou à la perte du grade ([105]). Les limites d’âge sont celles correspondant au corps et au grade augmentées de cinq ans ([106]), à l’exception de la limite d’âge des militaires du rang, fixée à cinquante ans, et des réservistes spécialistes correspondant à la limite d’âge du grade et du corps augmenté de dix ans, sans qu’elle puisse excéder l’âge de soixante-douze ans. Il convient de noter que le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense propose de fixer la limite d’âge maximale d’appartenance à la réserve à soixante-dix ans, tout en maintenant une exception pour les réservistes spécialistes

L’engagement dans la réserve prend également la forme d’un contrat d’engagement à servir, souscrit pour une durée comprise entre un et cinq ans et renouvelable.

La réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale poursuit une montée en puissance significative : en 2022, un vivier de 31 000 réserviste a réalisé plus de 710 000 jours de réserve, soit 12 % de plus qu’en 2021 ([107]).

En septembre 2022, le ministère des Armées comptait 40 000 réservistes opérationnels. L’article 6 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, en cours d’examen par le Parlement, fixe une cible de 105 000 réservistes au plus tard en 2035, pour atteindre l’objectif d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active.

Le rapport annexé à loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur fixe l’objectif d’atteindre le nombre de 30 000 réservistes de la police nationale et de 50 000 réservistes de la gendarmerie nationale en 2027. Pour ces deux réserves, le rapport annexé fixe une cible minimale d’emploi de 25 jours par an et par réserviste, « afin de maintenir l’engagement et la motivation des réservistes ». Il ressort des objectifs de recrutement très ambitieux et de l’attention portée à la fidélisation des réservistes l’intérêt majeur que les forces de sécurité intérieure portent à leurs réserves opérationnelles.

L’attention marquée portée aux réserves opérationnelles s’explique également par la croissance des besoins des forces armées et de sécurité intérieure. La tenue de la Coupe du monde de rugby en 2023 puis des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 vont notamment accroître fortement les besoins. Dans ce contexte, le renfort que représentent les réserves opérationnelles est le bienvenu.

D’autres corps de fonctionnaires bénéficient également d’une réserve : en 2009, une réserve d’anciens professionnels de l’administration pénitentiaire a par exemple été créée ([108]).

B.   « Paris-spÉcial », un dispositif utile mais sous-dimensionnÉ au regard des besoins de la douane

L’administration des douanes dispose d’un service nommé « Paris-Spécial », composé d’agents mobiles, et envisagé comme un outil d’appui à l’administration, principalement en cas de pics d’activité ou dans le cadre de la création de nouvelles structures ou de la prise en charge d’une nouvelle mission confiée à la DGDDI ou d’une réorganisation.

Le service est composé de 300 agents, répartis entre une branche « opérations commerciales » et une « branche surveillance ». Ces agents peuvent exercer l’ensemble des fonctions des agents des douanes, dont par exemple la tenue de points de passage frontaliers.

Si ce service constitue un appui utile lors d’évolutions dans l’organisation de l’administration douanière, il n’a pas vocation à constituer une réserve permanente et à disposition.

II.   le droit proposÉ 

L’article 7 du projet de loi propose de créer un nouveau chapitre II bis intitulé « Réserve opérationnelle de l’administration des douanes » au sein du titre II du code des douanes. Les différents articles de ce nouveau chapitre ont pour objet de définir les missions de la réserve opérationnelle des douanes nouvellement créée, les conditions pour y être admis, le cadre d’exercice au sein de la réserve et l’organisation des relations entre le réserviste et son employeur lorsqu’il est salarié ou fonctionnaire.

La création de cette réserve permettra de doter l’administration douanière d’agents supplémentaires pouvant être mobilisés face à des événements imprévus, comme le débarquement d’un navire sur le sol, ou à des pics d’activités, ou encore à des situations exceptionnelles comme une crise migratoire ou sanitaire ou des manifestations sportives. En outre, la possibilité d’engager des réservistes spécialistes peut permettre à la douane de mobiliser au cas par cas des spécialités rares et peu disponibles parmi les effectifs permanents.

D’après l’étude d’impact, il est tout d’abord prévu de recruter 300 réservistes pour 30 jours de mobilisation par an, avant d’effectuer une montée en charge progressive. Le coût de cette mesure est estimé à 1,27 millions d’euros.

● Le nouvel article 52 bis du code des douanes définit la mission de la réserve opérationnelle, chargée de « missions de renfort temporaire des services de l’administration des douanes ». La réserve opérationnelle pourra être constituée des retraités de l’administration des douanes (sur le modèle des réserves de la police et de la gendarmerie) et de volontaires civils.

Les réservistes issus de la société civile bénéficieront d’une période de formation initiale avant d’être admis dans la réserve. D’après l’étude d’impact, la durée de cette formation sera de quatre semaines, soit un total de 128 heures.

Plusieurs grades seront ouverts aux réservistes : agent de constations réserviste, agent de constatation principal réserviste, contrôleur réserviste, contrôleur principal réserviste, inspecteur réserviste, inspecteur régional réserviste, directeur des services douaniers réservistes et spécialiste réserviste.

● L’article 52 ter énumère les conditions de recrutement des volontaires civils. Ces derniers devront :

– être de nationalité française ;

– être âgé d’au moins 18 ans. Le projet de loi ne prévoit pas de limite d’âge maximale ;

– ne pas avoir été condamné à la perte des droits civiques ou à l’interdiction d’exercer un emploi public ou à une peine criminelle ou correctionnelles inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

– posséder les conditions de santé nécessaire, dans les conditions prévues par un arrêté du ministre chargé du budget.

Ces conditions sont très proches de celles fixées pour l’intégration de la réserve de la police nationale, à la seule différence qu’elles n’imposent pas d’âge maximal.

Enfin, les candidats à la réserve pourront faire l’objet d’une enquête administrative dans les conditions prévues à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, de la même manière que les candidats à la réserve opérationnelle de la police. S’il résulte de cette enquête que « le comportement du candidat est incompatible avec les missions envisagées », il ne pourra être recruté. Les retraités des douanes ne peuvent avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l’exercice de missions dans la réserve.

● L’article 52 quater précise le cadre d’emploi de la réserve opérationnelle. Les missions identifiées sont de deux types :

– des missions de renfort temporaire à la demande des fonctionnaires sous l’autorité desquels les réservistes sont placés ;

– des missions de spécialiste correspondant à leurs qualifications professionnelles.

Le cadre juridique d’exercice de ces missions est également défini par cet article nouvellement créé : lorsqu’ils participent à ces missions, les agents des douanes réservistes peuvent être habilités à mettre en œuvre les pouvoirs dévolus aux agents des douanes. Un décret en Conseil d’État précisera l’autorité compétente pour délivrer ces habilitations et les conditions de mise en œuvre de ces pouvoirs par les réservistes.

Enfin, l’article 52 quater tranche la question du droit de port d’arme par les douaniers réservistes : elle sera autorisée « lorsqu’ils participent à des missions qui les exposent à des risques d’agression » et sous des conditions, définies par décret en Conseil d’État relatives notamment à la formation, à l’entrainement et à l’aptitude physique.

● L’article 52 quinquies définit les conditions contractuelles de l’engagement dans la réserve. De la même manière que pour les autres réserves, l’engagement prend la forme d’un contrat d’engagement compris entre un et cinq ans, qui précise la durée de l’affectation, cette dernière ne pouvant excéder 90 jours par an. Ce contrat définit également leurs obligations de disponibilité et de formation initiale et continue. Il leur confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Les collaborateurs occassionnels du service public

La catégorie des collaborateurs occasionnels du service public a été créé par le juge administratif en 1946, par la décision d’assemblée du Conseil d’État du 22 novembre 1946 dite Commune de Saint-Priest-La-Plaine. La création de cette catégorie répond à un objectif purement fonctionnel, celui de permettre d’indemniser les personnes qui, en prêtant un concours occasionnel au service public, ont subi un dommage.

Le juge administratif n’a cependant jamais considéré que ces collaborateurs devenaient des agents du service public auxquels pouvaient être imposées des obligations ou des sujétions statutaires.

Ce même article définit les conditions de radiation de la réserve, en cas de manquement aux obligations prévues par le contrat d’engagement ou si le comportement de l’agent réserviste est devenu incompatible avec l’exercice de ses missions. Il définit également les conditions de suspension ou de résiliation du contrat, lorsque l’agent réserviste cesse de remplir les conditions exigées ou en cas de nécessité tenant à l’ordre public.

● L’article 52 sexies prévoit que les période d’emploi et de formation seront indemnisées. Si cette formulation peut sembler lapidaire, elle est similaire à celle prévue à l’article L. 411-12 du code de la sécurité intérieure pour la réserve de la police nationale. Le montant des indemnités journalière est ensuite fixé par arrêté.

● L’article 52 septies régit les interactions entre l’activité de réserve et l’activité professionnelle du réserviste, sur le modèle des dispositions prévues pour la réserve opérationnelle de la police nationale. L’agent des douanes réserviste qui exerce une activité salariée doit obtenir un accord de son employeur lorsque la durée d’emploi ou de formation au sein des douanes dépasse dix jours ouvrés par année civile (sauf dispositions collectives plus favorables). Cette autorisation n’est toutefois pas nécessaire lorsque l’agent des douanes réserviste exécute durant ses activités au sein de la réserve une des actions concourant au développement des compétences au sens de l’article L. 6313-1 du code du travail (actions de formation, bilans de compétences, actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience, actions de formation par apprentissage).

Si le contrat de travail de l’agent réserviste salarié est suspendu pendant le périodes d’emploi et de formation au sein des douanes, ces périodes sont néanmoins considérées comme des périodes de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels (ancienneté, avancement, congés payés, droits aux prestations sociales).

Lorsque l’employeur maintient tout ou partie de la rémunération de l’agent des douanes réserviste pendant son absence pour une formation, la rémunération et les prélèvements sociaux sont amis au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 6131-1 du code du travail.

Lorsqu’un fonctionnaire accomplit sur son temps de travail une activité dans la réserve des douanes, il est placé en position d’accomplissement des activités dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes lorsque la durée de sa période de réserve est inférieure ou égale à quarante-cinq jours.

La situation des agents publics non titulaires sera définie par décret en Conseil d’État.

Enfin, aucun licenciement, déclassement professionnel, ni aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l’encontre du douanier réserviste en raison des absences liées à son engagement

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat n’a pas adopté d’amendement sur cet article. Au stade de l’examen en séance publique, il a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des finances (amendement n° 71) ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

Le Sénat a également adopté l’amendement n° 70 du rapporteur de la commission des finances, ayant également obtenu un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement vise à permettre à l’administration de réaliser une enquête administrative dans les conditions de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure afin d’établir, en vue d’une radiation de la réserve opérationnelle, si le comportement de l’agent est devenu incompatible avec ses missions. Il ressort de la rédaction proposée par le Sénat que la réalisation de cette enquête est facultative et ne conditionnera pas la possibilité de décider de la radiation.

IV.   La position de la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté six amendements rédactionnels (N° CF148, CF149, CF153, CF154, CF157, CF158). Elle a également adopté un amendement N° CF174 de la rapporteure dont l’objet est de fixer un âge maximal de 67 ans pour l’appartenance à la réserve des douanes.

Il existe en effet une limite d’âge pour l’ensemble des réserves opérationnelles. Le plafond de 67 ans est identique à celui applicable pour la réserve opérationnelle de la police nationale et semble raisonnable au regard des missions qui seront effectuées par les réservistes.

En adoptant un amendement N° CF65 de Mme Perrine Goulet, cosigné par cinq autres membres du groupe MoDem et ayant reçu un avis favorable de la rapporteure, la commission a introduit une autre condition pour la participation à la réserve opérationnelle : être en règle au regard des obligations du service national (le recensement et la journée défense et citoyenneté). Cette condition est également exigée pour l’admission dans la réserve opérationnelle de la police et dans les réserves militaires.

Enfin, l’amendement N° CF29 déposé par Mme Dalloz, Mme Louwagie et M. Hetzel a également été adopté, sous-amendé par la rapporteure (N° CF180). Cet amendement porte une demande de rapport analysant l’efficacité et le fonctionnement de la réserve opérationnelle, avec notamment l’objectif de s’assurer que celle-ci respecte des conditions de création et des modalités de fonctionnement identiques à celles fixées pour la réserve de la police nationale. La rapporteure a porté le délai de remise de ce rapport de six à vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi. En effet, au regard du temps de formation des premiers réservistes et de la nécessité de disposer d’un certain recul avant de pouvoir procéder à une évaluation, le délai de deux ans semble raisonnable.

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Amendements de suppression CF39 de M. Mickaël Bouloux et CF49 de Mme Charlotte Leduc.

M. Mickaël Bouloux (SOC). La suppression de l’article se justifie d’abord par la crainte, malheureusement fondée sur l’expérience, que le corps de réserve se substitue peu à peu à des embauches pérennes de fonctionnaires des douanes. Ensuite, les conditions dans lesquelles il est prévu que les réservistes soient habilités au port et à l’usage d’armes ne sont pas précisées. Enfin, il existe déjà, pour faire face à l’accroissement temporaire des besoins, un service dédié, dénommé « Paris-Spécial » et composé de 315 agents, ce qui laisse craindre des doublons.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). L’article 7 est un peu hypocrite. Comment supposer qu’il sera possible de solliciter les retraités des douanes quand le Gouvernement vient tout juste de leur voler deux ans de retraite ? Pour les douaniers, avec qui nous avons eu des échanges, il est impensable de continuer à travailler au-delà de 64 ans.

En outre, les douanes sont une autorité civile et l’instauration d’une réserve opérationnelle dans cette administration serait un dangereux précédent : pourquoi n’y aurait-il pas demain une réserve opérationnelle de l’éducation nationale ou de l’inspection du travail ? Cela reviendrait à voler aux récents retraités de la fonction publique leur droit au repos.

Quant à la comparaison d’effectifs avec l’Allemagne, vous n’avez pas souligné le fait, monsieur le ministre délégué, que la France a quatre fois plus de frontières que l’Allemagne si l’on considère les frontières terrestres, et même vingt-neuf fois plus avec les frontières maritimes. Il faut comparer ce qui est comparable.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il existe effectivement une réserve citoyenne pour l’éducation nationale. Par ailleurs, la douane est le seul corps de fonctionnaires en tenue qui ne bénéficie pas d’une réserve opérationnelle. Pour en voir une qui fonctionne très bien, je vous invite à vous rapprocher des gendarmes et des policiers, qui ne peuvent plus se passer de cette force d’appoint. Or le budget de la police et de la gendarmerie des six dernières années fait apparaître des augmentations d’effectifs suffisamment inédites pour être non seulement relevées, mais saluées.

Cette réserve opérationnelle offre des atouts précieux et ne conduit nullement vers une réduction des effectifs. Au contraire, s’agissant d’un corps de fonctionnaires qui n’échappe pas au déficit d’attractivité, la réserve opérationnelle contribuera à faire connaître les métiers de cet univers souvent inconnu du grand public. Nous espérons que la douane suscitera ainsi des vocations et que ce dispositif incitera des réservistes à l’intégrer de façon permanente. Loin donc, je le répète, d’entrer en concurrence avec le recrutement sur des postes permanents, la réserve peut constituer demain un vivier de recrutement.

Madame Leduc, si vous voulez combler le déficit de recrutement, je vous invite donc plutôt à faire connaître le dispositif de la réserve opérationnelle aux citoyens de votre circonscription pour les inciter à intégrer cette réserve, à connaître les métiers de la douane et pourquoi pas, demain, je l’espère, à y entrer pour un poste permanent.

La réserve est également très utile en cas de pics d’activité et elle permet de faire bénéficier les douaniers de l’appui d’experts disponibles dans la société civile.

J’ai été longue, car plusieurs amendements reviendront sur ces questions. Il ne faut pas laisser planer la crainte chez les douaniers et leurs syndicats que, demain, les réservistes prendront leur place, car c’est totalement faux. Nous avons avec la police et la gendarmerie des exemples de fonctionnement efficace et complémentaire entre réservistes et titulaires. La réserve opérationnelle doit apporter un plus. Ne voyez à sa création aucun autre motif, a fortiori aucun motif vicieux.

M. le président Éric Coquerel. Je suis favorable, pour ma part, à l’amendement de suppression.

Des éclaircissements s’imposent. J’ai entendu le ministre délégué évoquer tout à l’heure une stabilité des effectifs, et non une augmentation. La question est de savoir si la réserve a pour but d’éviter l’augmentation des effectifs qui serait nécessaire du fait de l’accroissement des tâches des douaniers. À la différence de la gendarmerie et de la police, dont les effectifs sont repartis à la hausse depuis quelques années et pour lesquelles la réserve ne vient donc pas remplacer une augmentation des effectifs, mais les compléter, ceux de la douane connaissent un véritable déficit.

La comparaison que vous faites, monsieur le ministre délégué, entre la France et l’Allemagne en termes de missions ne vaut pas, car la France a quatre fois plus de frontières, sans même parler des frontières maritimes, et que nos deux pays ont eu des pratiques différentes quant à l’emploi de leurs douaniers ces dernières années. Je n’attribue pas la responsabilité de cette situation aux gouvernements des cinq dernières années, mais si vous voulez me convaincre que la réserve ne remplacera pas les douaniers nécessaires, il faut augmenter leurs effectifs.

Vous avez dit aussi que la réserve pourrait être une sorte de formation, un premier pas pour devenir douanier : mais alors il s’agirait d’une augmentation d’effectifs ! Dites-nous clairement comment vous voyez les choses sur ces cinq années, car 17 000 douaniers, ça ne fait pas la maille.

Mme Perrine Goulet (Dem). Notre groupe est tout à fait favorable à la réserve opérationnelle, qui peut nous faire profiter de compétences particulières. Des fonctionnaires de police spécialisés dans le cyber pourraient, par exemple, faire bénéficier la douane de leur compétence. Il ne faut pas nous priver de cette réserve opérationnelle, et nous voudrions même aller plus loin avec une réserve citoyenne. Plus nombreux seront les citoyens qui s’engageront dans ces réserves, plus fort sera notre pays.

Quant à la réforme des retraites, je rappelle que, contrairement à ce qui a été dit, les douaniers ne partiront pas tous après 64 ans, puisque la plus grande partie d’entre eux sont en service actif et bénéficient donc de la bonification qui leur permettra de partir à 59 ans.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je suis favorable à ces amendements de suppression. J’ai bien entendu, madame la rapporteure, votre plaidoyer pour la réserve opérationnelle, mais j’ai lu aussi l’article qui dispose que « les volontaires de la réserve opérationnelle sont admis en qualité d’agent de constatation réserviste, d’agent de constatation principal réserviste, de contrôleur réserviste, de contrôleur principal réserviste, d’inspecteur réserviste, d’inspecteur régional réserviste, d’inspecteur principal réserviste, de directeur des services douaniers réserviste et de spécialiste réserviste ». Comment ces cadres peuvent-ils intervenir au sein de la douane sans prendre la place d’un directeur des services douaniers ?

Vous dites par ailleurs, madame la rapporteure, que les réservistes pourraient également intégrer le corps des douaniers. Cela signifie que vous vous affranchissez du concours et du statut de la fonction publique, aujourd’hui pour 300 personnes mais plus tard, pourquoi pas, pour beaucoup plus ?

En dernier lieu, vous n’avez pas répondu à ma question portant sur la grille de rémunération des agents de cette réserve opérationnelle.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Madame Leduc, votre amendement est, sur la forme, très désobligeant envers l’ensemble du corps des douanes. Vous présentez la réserve comme une douane au rabais, avec des agents mal formés. Ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui, dans les services des douanes, les gens soient très bien formés ?

Sur le fond, il s’agit entre autres de retraités des douanes, mais qui n’auront pas 85 ans, il faut être sérieux ! En outre, le recours à cette réserve est très précisément encadré : il est question de 300 réservistes, qui seront mobilisés très ponctuellement, pour quatre-vingt-dix jours par an. Vous faites des amalgames et cette vision est malsaine. La réserve est une force d’appoint, mobilisable dans certaines situations, mais pas tout le temps. L’article 7 a donc toute sa place dans le texte.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Nous poursuivrons sans doute ce débat en séance.

Madame Arrighi, je le répète, la réserve opérationnelle ne remplacera pas les effectifs. Elle a pour fonction de suppléer aux absences ponctuelles, et de travailler aux côtés des douaniers en cas de surcroît d’activité. Ce n’est pas tous les jours que la France accueillera une Coupe du monde, les Jeux olympiques et autres événements de grande ampleur nécessitant un renfort des effectifs.

Enfin, si les réservistes émettent des souhaits, leur recrutement est soumis à une sélection de la part des services de la douane, qui déterminent quelles missions leur seront attribuées. Si surcroît d’activité nécessite qu’une personne travaille aux côtés d’un directeur par exemple, les réservistes viendront en appui, sans remplacer pour autant un poste permanent.

Vous pouvez ne pas le comprendre ou ne pas être d’accord, mais c’est pourtant ce que prévoit ce texte, comme c’est le cas pour la réserve opérationnelle de la police et de la gendarmerie. Je crains que, même en vous le répétant sans cesse, je ne parvienne pas à vous en convaincre ce soir, mais plus tard peut-être. Les syndicats de police et les services de gendarmerie vous diront à quel point cette réserve contribue de façon essentielle à leur efficacité, notamment en cas de surcroît d’activité.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Compte tenu du nombre d’amendements déposés à propos de la réserve, apportons des précisions dès le début de la discussion, afin de gagner du temps tout à l’heure.

Il ne peut y avoir de concurrence entre la réserve opérationnelle et les agents. Comme vous l’avez du reste dit vous-même, il n’y a jamais eu autant de recrutements dans la police et la gendarmerie que depuis la création de cette réserve.

En parlant de stabilité, je ne fais que décrire le contrat d’objectifs et de moyens et le plan stratégique de la douane. Le choix qui a été fait avant ma nomination consiste à privilégier durant trois ans le renforcement technique, qui recouvre notamment la fourniture de scanners et autres moyens techniques, y compris les maîtres-chiens, plutôt que les moyens humains. Ce contrat court jusqu’à 2025 et je ne suis pas en mesure de vous dire quels seront les choix qui seront faits après, mais si un renforcement des effectifs est nécessaire, nous ne nous priverons évidemment pas d’y procéder.

L’enjeu est aussi celui de l’attractivité, afin de pourvoir les postes ouverts au recrutement – si nous y parvenions, nous aurions fait une grande partie du chemin. 2022 a toutefois largement battu le record des quatre ou cinq dernières années en matière de recrutement, avec 589 primo-recrutements, dont 478 par le concours.

Quant aux missions, il s’agit de venir en renfort lors de pics d’activité, tels que les Jeux olympiques ou le débarquement d’un navire transportant des migrants, comme l’Ocean Viking – un cas où il faut mobiliser des forces importantes à l’improviste. Et il s’agit aussi de disposer de compétences. Ainsi, la DNRED – service de renseignement du premier cercle dont disposent les douanes, au même titre que la DGSE et la DGSI – dispose d’agents d’une extraordinaire qualité et qui possèdent des compétences de pointe. Or ils m’ont dit eux-mêmes que, s’agissant des crypto-monnaies ou de certains autres enjeux numériques, il leur serait très utile de pouvoir disposer, une demi-journée dans la semaine ou dans le mois, de personnes travaillant dans ces domaines qui leur apporteraient cette compétence très technique.

Monsieur Bouloux, le dispositif « Paris-Spécial », ou Paris-Spé, comme disent les douaniers, est un vivier d’agents des douanes acceptant, pour un temps assez long, une affectation à l’autre bout de la France et percevant à ce titre une rémunération spécifique. On ne peut donc pas le comparer avec la réserve opérationnelle. Ce dispositif, qui a notamment été beaucoup utilisé à l’occasion du Brexit, lorsqu’il a fallu renforcer durant plusieurs années le nombre d’agents employés au contrôle des échanges avec le Royaume-Uni sur le littoral de la Manche, continuera à exister. La réserve opérationnelle, elle, est destinée à répondre à des besoins ponctuels.

Il n’y aura donc pas de remplacement d’agents par des réservistes. Ce n’est même pas possible : Mme Dalloz a rappelé que les périodes d’emploi en qualité de réserviste étaient limitées à un certain nombre de jours dans l’année.

Madame Arrighi, l’indemnisation – terme plus approprié que celui de rémunération – sera de l’ordre de celle des autres réserves, dont celle de la police nationale : il n’est pas question de créer une concurrence entre les différentes réserves. Les réservistes de première classe de la police nationale perçoivent 87,85 euros bruts par jour et les experts 1 un montant de 102,63 euros bruts par jour.

La commission rejette les amendements de suppression CF39 et CF49.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF148 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF174 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Cet amendement fixe un âge maximum à 67 ans pour les réservistes, sur le modèle de la réserve des forces de sécurité intérieur.

La commission adopte l’amendement CF174.

Amendement CF130 de Mme Gisèle Lelouis.

M. Alexandre Sabatou (RN). Il s’agit de permettre aux jeunes de 17 ans et demi de signer leur contrat plus tôt afin qu’ils puissent entrer en fonction dès leurs 18 ans, après leur formation, comme c’est déjà le cas dans les armées.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable : le dispositif prévoit d’ores et déjà que l’admission, à l’issue de la formation, est faite à l’âge de 18 ans. L’âge plancher est de 18 ans, l’âge plafond de 67 ans. C’est le même dispositif que pour la police nationale.

La commission rejette l’amendement CF130.

Amendement CF65 rectifié de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet (Dem). Il faut avoir fait le service national pour appartenir aux réserves opérationnelles de la gendarmerie, des armées et de la police. Il nous semble nécessaire que cette même obligation s’applique aux douanes.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis favorable : l’ajout me semble opportun.

M. Charles de Courson (LIOT). Le service national obligatoire n’a-t-il pas été supprimé en 1997 ? Quelle est la portée de l’amendement ?

Mme Perrine Goulet (Dem). « Service national » recouvre désormais le recensement et la journée défense et citoyenneté.

La commission adopte l’amendement CF65 rectifié.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF149 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF50 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Cet amendement vise à interdire l’emploi des réservistes pour des contrôles migratoires ou dans le cadre des activités de Frontex.

Les douanes ne doivent jamais cesser d’être un moyen de lutte contre le trafic de marchandises et contre la fraude fiscale. Or les missions ouvertes à la réserve couvrent un périmètre extrêmement large : lutte contre le terrorisme, pic d’activité en cas de crise, événements internationaux, mise en place de viviers de spécialistes, contrôle migratoire, remplacement des agents participant à Frontex, sans qu’aucune période d’expérimentation n’ait été définie. La police des marchandises n’est pas la police, encore moins la police aux frontières. Tout mélange des genres entre les deux corps constitue un glissement dangereux susceptible de porter atteinte aux prérogatives des diverses institutions publiques.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Nous avons déjà eu un long échange sur le sujet. Il ne me semble pas justifié de restreindre les missions que pourront effectuer les réservistes, puisque l’intérêt premier de la réserve est de faire face aux besoins, qui évoluent. En outre, il est évident que la question de la déontologie sera abordée dans le cadre de la formation des réservistes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF50.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF153 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF40 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement tend à restreindre le droit de porter des armes aux douaniers réservistes retraités de l’administration des douanes. Nous estimons qu’il n’est pas souhaitable d’autoriser le port d’armes pour les réservistes volontaires, dont la formation pourrait ne durer que 128 heures. Si le ministre a déclaré qu’un décret préciserait les choses, nous préférerions que ce soit inscrit dans la loi.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle, d’une part, qu’une formation encadrera le port d’armes, d’autre part, qu’une sélection sera faite par les services des douanes. Si votre amendement était adopté, vous excluriez de fait les policiers, les gendarmes et toute personne habilitée à porter une arme, alors que l’objectif de la réserve est d’ouvrir la porte à toute personne intéressée.

M. le président Éric Coquerel. On nous répète que les réservistes ne serviront qu’en cas de pic d’activité ou de moments exceptionnels, que leur pratique ne sera pas régulière. Or c’est aussi sur le tas qu’on se forme. Il me semble problématique de donner des armes, dans des moments exceptionnels, à des personnes qui n’auront jamais été formées pour les détenir. La réserve deviendrait de ce fait un groupe comparable aux douaniers, ce qui me semble contradictoire avec l’idée même de n’y faire appel que de manière ponctuelle.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Si l’on va au bout de ce raisonnement, la question se pose aussi pour les réservistes de la gendarmerie – qui sont armés…

Mme Nadia Hai, rapporteure. Le port d’armes ne sera autorisé que pour les missions comportant un risque d’agression, et non pour travailler dans les services. Dans ce cas de figure, il y aura une formation à l’usage des armes et une habilitation. Pour la police et la gendarmerie, tout est extrêmement encadré ; il en sera de même pour la douane. Mais il est évident qu’on ne va pas envoyer des réservistes participer à des missions compliquées sans leur donner la possibilité de se défendre.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tous les réservistes ne porteront pas une arme, et ceux qui seront amenés à le faire seront soumis à des conditions extrêmement strictes. Un décret en Conseil d’État définira le type d’arme ainsi que le préalable nécessaire – par exemple que le réserviste soit appelé à porter une arme dans l’exercice de son métier. C’est le même dispositif que celui qui est appliqué à la réserve opérationnelle de la police nationale. Il ne s’agit donc pas de confier une arme au premier venu, après une formation expresse.

La commission rejette l’amendement CF40.

Amendement CF78 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nombre de vos réponses renvoient à des décrets. Or nous sommes le législateur, et il nous semble important que les choses soient précisées dans la loi. C’est pourquoi cet amendement tend à limiter l’autorisation du port d’armes aux lieux d’exercice des missions.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle. Le port d’armes ne sera pas autorisé en dehors des missions.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Dans quel cadre le sera-t-il ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. S’il est lié à la mission et que cette dernière présente un risque d’agression. Ce cadre est précisément défini.

La commission rejette l’amendement CF78.

Amendement CF134 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous estimons que les missions qui peuvent être confiées aux réservistes doivent être définies par décret après consultation des syndicats représentatifs dans le cadre des comités sociaux compétents tels que définis par l’article L. 251-1 et suivants du code général de la fonction publique.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. Le cadre proposé par le texte me semble amplement suffisant pour déterminer la doctrine d’emploi des réservistes. Votre amendement introduirait une très grande lourdeur. Il est irréaliste.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Mme Arrighi déplorait à l’instant les délégations au pouvoir réglementaire, et voilà qu’elle en propose une…

La commission rejette l’amendement CF134.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF154 et CF157 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF75 de M. Franck Allisio.

M. Franck Allisio (RN). La création d’une réserve opérationnelle des douanes est une initiative que nous saluons. Le présent article, qui fixe le cadre légal de la future réserve, indique que, dans le cadre de sa profession, le réserviste ne pourra pas faire l’objet d’un licenciement, d’un déclassement ou d’une sanction disciplinaire en raison des absences résultant de sa participation aux missions qui lui sont confiées dans le cadre de la réserve. Cette rédaction paraît trop restrictive car elle ne considère que les sanctions liées aux absences. Il conviendrait de préciser que ni le statut de douanier réserviste ni les activités liées à ce statut ne peuvent constituer une source de discrimination.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. La précision ne me semble pas utile : pour l’employeur, la matérialisation de l’appartenance du salarié à la réserve, ce sont ses absences. En prévoyant l’interdiction de licenciement, de déclassement ou de sanction en raison des absences dues à l’activité de réserviste, le texte satisfait l’amendement. De surcroît, la rédaction reprend celle applicable pour la réserve de la police nationale.

La commission rejette l’amendement CF75.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF158 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF29 de Mme Marie-Christine Dalloz et sous-amendement CF180 de Mme Nadia Hai.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je trouverais utile et intéressant, après six mois de fonctionnement de la réserve opérationnelle du service des douanes, de faire un parallèle avec celui de la réserve de la gendarmerie nationale. D’où ma demande de rapport.

Mme Nadia Hai, rapporteure. J’y suis favorable. En revanche, six mois me semble un délai trop court. Je propose de le porter à vingt-quatre mois – ce qui correspond d’ailleurs à l’horizon fixé par le Gouvernement pour le recrutement de 300 réservistes et permet de tenir compte de la période de formation.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF180 et l’amendement CF29.

Amendement CF61 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Il s’agit d’une autre demande de rapport – avec toutes les limites que comporte l’exercice – afin d’étudier l’opportunité d’augmenter la réserve au-delà des 300 postes prévus, lesquels représenteraient 1,8 % des effectifs, alors que la réserve de la police nationale en représente 15 %.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. Le délai que vous prévoyez est trop court. Laissons-nous du temps et prenons un recul suffisant avant d’évaluer l’application de la loi, qu’il s’agisse de ses effets juridiques ou de son action concrète sur les effectifs. Votre amendement rejoint d’ailleurs celui de Mme Dalloz, pour lequel nous avons prévu deux ans.

M. Charles de Courson (LIOT). Cela signifie-t-il que si nous portions le délai de neuf à vingt-quatre mois, vous y seriez favorable ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. Non. Vous proposez d’augmenter la taille de la réserve, ce qui me semble prématuré. Nous venons d’adopter un amendement visant à dresser le bilan de la création et de la mise en œuvre de la réserve après vingt-quatre mois de fonctionnement. On pourra alors se poser la question de l’augmentation. En outre, la taille de la réserve n’est pas limitée : il ne s’agit que d’un objectif qui, en cas de succès, pourra être révisé.

La commission rejette l’amendement CF61.

Elle adopte l’article 7 modifié.

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*     *

Après l’article 7

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CF48 de Mme Charlotte Leduc.

Amendement CF96 de Mme Nadège Abomangoli.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Certains agents des douanes sont affectés à la sécurité du ministère de l’économie et des finances, dans le quartier de Bercy. C’est le seul ministère à employer des douaniers pour des missions de sécurisation. Cet héritage de l’histoire doit être questionné. Quel intérêt à faire perdurer ces missions ? Il règne un flou sur les activités, les missions, les statuts et les conditions de travail de ces agents. Quelle est la base légale des missions de sécurisation ? En quoi consistent-elles ? D’où notre demande de rapport.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il serait dommage de se priver de ce corps régalien pour les missions de sécurisation du ministère. Certes, il ne s’agit que d’une demande de rapport, mais elle me semble disproportionnée, la question ne soulevant pas un débat très nourri parmi nos concitoyens. Adressez plutôt une question écrite au ministre. Avis défavorable.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). Puisqu’il ne s’agit que d’une demande de rapport, pourquoi ne pas adopter l’amendement ?

La commission rejette l’amendement CF96.

Amendement CF129 de Mme Charlotte Leduc.

M. Florian Chauche (LFI-NUPES). C’est une autre demande de rapport en vue d’évaluer l’intérêt d’un plan de recrutement massif permettant le doublement des effectifs du service des douanes. La France compte quatre fois plus de frontières que l’Allemagne, et même vingt-neuf fois si l’on compte les outre-mer. Or elle ne dispose que de 17 000 agents douaniers contre 48 000 pour l’Allemagne : nous avons beaucoup moins de douaniers par habitant qu’elle. La France a perdu un quart de ses effectifs depuis 1986 alors que les flux commerciaux ont été multipliés par dix. Nous demandons donc un rapport évaluant l’intérêt d’un plan de recrutement.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable : au-delà de la fragilité des éléments de comparaison évoquée par le ministre, la demande me paraît légitime, mais elle s’inscrirait mieux dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances.

La commission rejette l’amendement CF129.

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Titre II
Moderniser le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers

Chapitre Ier
Moderniser les capacités d’enquête

Article 8
(art. 67 bis-5 [nouveau] du code des douanes)
Sonorisation et captation d’images

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 permet aux agents spécialement habilités, pour la recherche et la constatation des infractions douanières les plus graves, de procéder à des sonorisations et fixations d’image dans des lieux ou véhicules privés ou publics.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article, modifié par un amendement de M. Roger Vicot précisant les modalités de formation et d’habilitation des agents des douanes pouvant procéder aux sonorisations et captations d’images. 

I.   L’État du droit

Les agents des douanes peuvent d’ores et déjà recourir à plusieurs procédures spéciales d’enquête douanière. En revanche, la sonorisation et la captation d’images, qui constituent elles aussi une procédure spéciale d’enquête, ne peuvent pas être employées par les douaniers.

A.   Des procÉdures spÉciales d’enquÊte mobilisables par les agents des douanes

Le code des douanes prévoit, aux articles 67 bis à 67 bis-4, plusieurs procédures spéciales d’enquête applicables aux enquêtes douanières. 

● Les « livraisons surveillées » et les « livraisons contrôlées »

L’article 67 bis permet aux douaniers de recourir à la procédure dite des « livraisons surveillées ». Cette procédure spéciale est utilisée par les autorités douanières pour lutter contre le trafic de marchandises illicites, en particulier les stupéfiants et les produits contrefaits. Elle consiste à laisser délibérément une marchandise suspecte franchir la frontière afin de suivre son itinéraire et d’identifier les personnes impliquées dans le trafic.

La livraison surveillée permet in fine de collecter des preuves et recueillir des renseignements sur les réseaux de trafic. Une fois que les douanes disposent de suffisamment d’éléments probants, elles peuvent décider d’intervenir pour arrêter les personnes impliquées et procéder à la saisie des marchandises illicites.

Cette technique ne peut être mise en œuvre qu’en cas de suspicion de délit douanier dont la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, et après information préalable du procureur de la République.

En outre, l’article 67 bis-4 autorise les agents des douanes, lorsque la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans, lorsque les nécessités de l'enquête l'exigent, et sur l’autorisation du procureur de la République, à livrer ou délivrer des produits faisant l’objet d’une opération de surveillance douanière, étant tirés de la commission d’une infraction douanière ou ayant servi à la commettre.

● Le dispositif de « libre passage »

L’article 67 bis-3 permet le recours à la procédure spéciale dite de « libre passage ». Il s’agit, dans le cadre d’une opération de surveillance, et lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner des personnes d’avoir commis un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou d’y avoir participé, de ne pas procéder à leur interpellation afin de ne pas compromettre la suite des investigations. Cette prérogative nécessite l’autorisation préalable du procureur de la République.

● Les enquêtes sous pseudonyme

L’article 67 bis-1 A habilite les agents des douanes à mener des enquêtes sous pseudonyme afin de lutter contre les infractions douanières en ligne. Lors de ces enquêtes, les agents des douanes créent des profils et des identités fictives sur les plateformes en ligne, les forums, les sites d’enchères ou les réseaux sociaux, établissant ainsi des contacts avec les personnes suspectées d’être impliquées dans des activités illégales et recueillant des informations sur leurs transactions, leurs méthodes et leurs complices.

● Les dispositifs de géolocalisation

L’article 67 bis-2 permet aux agents des douanes de recourir à la technologie de la géolocalisation pour suivre et localiser des marchandises, des véhicules ou des personnes soupçonnées d’être impliquées dans des infractions douanières punies d’au moins trois ans d’emprisonnement, sur autorisation préalable du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention.

● Les opérations d’infiltration

L’article 67 bis permet, après autorisation et sous le contrôle du procureur de la République, pour les infractions douanières les plus graves, le recours aux opérations d’infiltration, c’est-à-dire à l’infiltration des agents des douanes au sein de réseaux criminels présumés afin de recueillir des informations, d’obtenir des preuves et de faciliter le démantèlement de ces réseaux. Lors d’une opération d’infiltration, des agents des douanes peuvent ainsi utiliser une identité d’emprunt afin de passer pour des membres ou des associés des réseaux criminels.

Les agents des douanes infiltrés peuvent ainsi acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions douanières pour lesquelles l’infiltration est organisée. Ils peuvent également utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication.

B.   La technique spÉciale de sonorisation et de captation d’images n’est pas encore exploitable dans le cadre d’investigations douaniÈres

L’article 706-96 du code de procédure pénale autorise « la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé », c’est-à-dire la technique spéciale d’enquête de sonorisation et de captation d’images.

Lors d’une enquête ou dans le cadre d’une information judiciaire portant sur une infraction relevant de la criminalité organisée, les enquêteurs peuvent ainsi recourir à ce dispositif technique, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention (JLD), et sous le contrôle de ce magistrat. Pour l’installation et la désinstallation du matériel nécessaire à cette opération, les enquêteurs sont autorisés à pénétrer dans les lieux privés, y compris d’habitation. Dans ce dernier cas, la pose et la dépose de matériel pendant la nuit est conditionnée à une autorisation du JLD saisi à cette fin.

L’article 706-96-1 du code de procédure pénale précise que certains lieux ne peuvent pas faire l’objet d’une telle procédure : les locaux d’une entreprise de presse, le cabinet d’un médecin, d’un notaire, d’un huissier ou d’un avocat, ainsi que le véhicule, le bureau ou le domicile de parlementaires.

L’article 706-97 du même code dispose que la décision de recourir à une opération de sonorisation et de captation d’images « comporte tous les éléments permettant d’identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l’infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci. »

Ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution ([109]).

En l’absence de transposition dans le code des douanes, ces prérogatives ne sont actuellement pas autorisées pour les agents des douanes dans le cadre de leurs investigations douanières ([110]). Le Gouvernement observe ainsi, dans l’étude d’impact annexée au projet de loi, que « l’arsenal juridique prévu par le code des douanes est aujourd’hui incomplet et limite fortement les agents de la DNRED, tant dans leur capacité à agir dans un environnement juridique sécurisé et des conditions opérationnelles optimales, que dans leur capacité à collecter des éléments probants, actés en procédure, utiles à la manifestation de la vérité et à l’identification des auteurs d’infractions douanières graves, pendant la phase d’enquête et au stade du flagrant délit douanier. »

L’impossibilité de recourir à des dispositifs de sonorisation et de captation d’images « met en risque ses dispositifs opérationnels et peut, dans certains cas, se révéler préjudiciable pour la collecte d’éléments de preuve à charge contre les trafiquants. Cette situation peut, dans certains cas, conduire l’autorité judiciaire à dessaisir prématurément l’administration des douanes de dossiers d’envergure, pourtant initiés par celle-ci, avant l’entrave douanière, pour les confier à des services de police judiciaire spécialisés, disposant de l’outil juridique adapté au code de procédure pénale. »

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 8 ouvre la possibilité d’utiliser des dispositifs de sonorisation et de captation d’images dans le cadre des enquêtes douanières, selon les mêmes modalités que celles précisées aux articles 706-96 et suivants du code de procédure pénale, auxquels il renvoie.

Ainsi, pour les infractions douanières les plus graves commises par des réseaux criminels et punies de dix ans d’emprisonnement, les agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), habilités par le ministre chargé des douanes, pourront recourir à cette prérogative sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République.

Les infractions ciblées sont celles prévues :

– au dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes : il s’agit des importations (ISD) ou exportations sans déclaration (ESD) de marchandises prohibées au sens du code des douanes ou de produits du tabac, lorsque ces marchandises sont dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques ([111]), ou lorsque ces faits sont commis en bande organisée ;

– au troisième alinéa de l’article 414-2 du même code, c’est-à-dire tout fait de contrebande, ISD ou ESD lorsque ces infractions, commises intentionnellement, se rapportent à des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l’article 414 du code des douanes, ainsi que « tout fait intentionnel de fausse déclaration, d’utilisation d’un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d’un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation » dès lors que ces infractions ont été commises en bande organisée ;

– à l’article 415 du même code : cet article vise les infractions de blanchiment simple (premier alinéa) et en bande organisée (second alinéa).

La direction nationale du renseignement douanier

La direction nationale du renseignement douanier (DNRED) est un service de renseignement du premier cercle. Elle est chargée de collecter, analyser et diffuser des renseignements dans le domaine douanier.

Elle comprend quatre directions : la direction du renseignement douanier (DRD), la direction des enquêtes douanières (DED), la direction des opérations douanières (DOD) et la direction technique (DT).

La direction du renseignement douanier (DRD) gère et anime la filière « renseignement », élabore le plan national de renseignement, centralise et traite les informations sur la fraude. Elle procède aux études et aux analyses nécessaires à l’orientation de l’action des services et soutient l’ensemble de la communauté douanière grâce aux pôles de compétence technique dont elle dispose.

La direction des enquêtes douanières (DED) dispose d’une compétence d’exception en matière de lutte contre la grande fraude. Ressortent ainsi de la compétence de la DED toutes les enquêtes ayant trait à la recherche de la grande fraude, c’est-à-dire celles susceptibles de mettre au jour des fraudes ou des réseaux de fraude nationaux ou transnationaux ou de démanteler des organisations criminelles (sécurité nationale, activités terroristes, trafic d’armes, fraudes financières, démantèlement de filières de fraude nationales ou transnationales).

La direction des opérations douanières (DOD) recherche et recueille le renseignement opérationnel et tout particulièrement celui en provenance de source humaine.

Elle met en œuvre des modes d’enquêtes complexes nécessitant le recours aux : moyens d’assistance technique spécialisés ; interceptions de sécurité ; opérations de livraisons surveillées et d’infiltration ; liaisons avec les services étrangers pour les domaines de sa compétence ou au titre de la technicité de ses services ; synergies avec les services douaniers et les services spécialisés des ministères de l’Intérieur et de la Défense.

Enfin, la direction technique (DT) est notamment chargée des systèmes d’information et de communication de la DNRED. Elle assure également un appui dans la recherche et l’exploitation du renseignement d’origine technique.

Source : douane.gouv.fr

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   La position de la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article, modifié par un amendement de M. Roger Vicot précisant que les agents des douanes chargés de réaliser des sonorisations et captations d’images sont spécialement formés et habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret.

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*     *

Amendement CF194 de la commission des lois.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Cet amendement précise que les agents seront formés et habilités dans des conditions fixées par décret.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement. Les agents des douanes disposent de nombre de dispositifs, de leurres pour écouter, par exemple, des conversations. Comment laisser penser qu’ils ne sont pas formés pour les utiliser ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Nous avons souhaité le réaffirmer d’une manière très claire.

La commission adopte l’amendement CF194.

Elle adopte l’article 8 modifié.

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*     *

Article 8 bis
(art. 706-1-1 du code de procédure pénale)
Mise en cohérence avec le code des douanes des dispositions du code de procédure pénale relatives à la criminalité organisée

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 bis, introduit en commission au Sénat par un amendement du rapporteur, permet d’appliquer aux délits douaniers commis en bande organisée les dispositions du code de procédure pénale applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement en matière de criminalité organisée.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel de votre rapporteure pour avis.

 

I.   L’État du droit

● L’article 706-1-1 du code de procédure pénale permet le recours à certaines techniques spéciales d’enquête (à l’instar des opérations de surveillance et d’infiltration, ainsi que des opérations permettant l’accès à distance à des correspondances électroniques) pour les infractions qu’il énumère. Il s’agit des infractions pénales les plus graves punies d’au moins dix ans d’emprisonnement, des infractions en matière fiscale commises en bande organisée ainsi que de certaines infractions douanières.

S’agissant des infractions douanières, le 3° de ce même article vise, dès lors qu’elles sont punies d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans, celles prévues :

– au dernier alinéa de l’article 414 : cet alinéa cible les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation sans déclaration qui portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques, ou sur des faits commis en bande organisée ;

– à l’article 415 du code des douanes, qui cible la réalisation ou la tentative de réalisation d’une opération financière entre la France et l’étranger portant sur des fonds provenant, directement ou indirectement, d’une activité délictuelle au sens du code des douanes, portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, ou contraire à la législation sur les produits stupéfiants (délit de blanchiment).

La rédaction actuelle ciblant l’ensemble de l’article 415, elle ne procède pas de distinction entre le premier alinéa énonçant l’infraction simple et le second, prévoyant une sanction plus lourde lorsque le délit de blanchiment est commis en bande organisée.

● Depuis 2019 ([112]), l’article 414-2 du code des douanes prévoit un nouveau délit de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l’article 414 du code des douanes (qui concerne les marchandises prohibées au sens du code des douanes et les produits du tabac manufacturé). Il sanctionne également « tout fait intentionnel de fausse déclaration, d’utilisation d’un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d’un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation ».

Ces infractions sont sanctionnées de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude.

Enfin, le troisième alinéa de ce même article prévoit une peine de dix ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de la fraude lorsque ces deux infractions sont commises en bande organisée.

Or, l’article 706-1-1 du code de procédure pénale n’a pas été modifié en 2019 lors de l’entrée en vigueur de l’article 414-2 du code des douanes.

II.   Le dispositif proposÉ

La rédaction actuelle de l’article 706-1-1 du code de procédure pénale présente deux incohérences : d’une part, elle ne prévoit pas le recours à des procédures spéciales d’enquête pour les infractions commises en bande organisée visées au troisième alinéa de l’article 414-2 du code de procédure pénale ; d’autre part, elle cible l’ensemble de l’article 415, ce qui inclut également les infractions simples de blanchiment.

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement du rapporteur pour avis portant article additionnel corrigeant ces deux points :

– d’une part, l’article 8 bis complète la liste des délits douaniers pour lesquels le recours à des techniques spéciales d’enquête est possible en y ajoutant le dernier alinéa de l’article 414-2, relatif aux infractions commises en bande organisée ;

– d’autre part, il remplace la référence à l’ensemble de l’article 415 du code des douanes par une mention de son seul second alinéa, qui concerne les opérations financières illégales commises en bande organisée. Il s’agit en effet de mettre en cohérence la rédaction de l’article 706-1-1 qui, en matière douanière, ne concerne que les infractions les plus graves et complexes.

III.   La position de la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel de sa rapporteure.

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*     *

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF195 de la commission des lois.

Elle adopte l’article 8 bis modifié.

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Article 9
(art. 323-11 [nouveau] du code des douanes)
Institution de saisies probatoires dans le cadre des retenues douanières

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article propose de permettre aux agents des douanes de prendre connaissance, dans le cadre des retenues douanières et pour les nécessités de l’enquête, du contenu de documents et de tous autres objets en possession de la personne retenue. Les dispositions proposées prévoient également que les éléments se rapportant au flagrant délit puissent être saisis. 

L’article crée également une procédure de copie de données ultérieure à la retenue douanière, dans les cas où la personne serait remise en liberté et ceux où l’affaire est judiciarisée.

Enfin, l’article 9 détermine les modalités de restitution des biens et documents saisis.

I.   Le droit existant

Les agents des douanes, dont la mission est de constater des infractions aux lois et règlements douaniers, disposent de plusieurs moyens d’enquêtes. Si le droit de visite prévu à l’article 60 du code des douanes et faisant l’objet des premiers articles du projet de loi, délégués pour examen à la commission des lois, est l’expression la plus visible des prérogatives des agents douaniers dans le cadre de la recherche des actes frauduleux, ils peuvent également mobiliser la saisie et la retenue douanières.

A.   Les diffÉrentes possibilitÉs de saisie douaniÈre

1.   La saisie douanière en cas de constatation d’une infraction douanière

Aux termes du 2. de l’article 323 du code des douanes, les agents des douanes qui constatent une infraction douanière peuvent « saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités » ([113])

Une double contrainte entoure la mise en œuvre de cet article.

● Tout d’abord, sont exclusivement visées par cette procédure de saisie les infractions pour lesquelles est prévue une sanction de confiscation. Les infractions citées aux articles suivants du code des douanes sont donc visées :

– l’article 412, qui vise les infractions douanières passibles d’une amende de troisième classe ;

– l’article 414, qui vise le délit de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées et des produits du tabac manufacturé ;

– l’article 414-1, qui vise l’exportation de Guyane d’or natif sans déclaration ou avec dissimulation de la marchandise et la détention ou le transport d’or natif dans le rayon des douanes de Guyane sans présentation d’un document de transport valable ;

– l’article 414-2, qui vise le délit de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises ne se rapportant pas aux marchandises prohibées ni aux produits du tabac manufacturé ;

– l’article 415, qui vise le délit de blanchiment douanier (cf. commentaire de l’article 13) ;

– l’article 430, qui vise les marchandises pour lesquelles une irrégularité ayant pour effet d’éluder ou de compromettre le recouvrement d’un droit ou d’une taxe et non spécialement réprimée par le code des douanes a été commise, ou les marchandises importées ou exportées sans déclaration ou avec soustraction et substitution sous douane ;

– l’article 459 qui vise l’ensemble des actes contrevenant à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger.

● En second lieu, seuls les objets passibles de confiscation, donc délictueux, peuvent être confisqués. Les autres objets en la possession des personnes, en particulier les téléphones portables, ne peuvent être saisis.

Ce droit de saisie douanière peut être exercé quel que soit le cadre de constatation de l’infraction douanière et ne se limite pas aux cas de flagrance ([114]).

Il est notamment applicable si le constat de l’infraction s’est produit dans le cas de l’exercice du droit de visite prévu à l’article 60 du code des douanes. Il convient de noter que le Conseil constitutionnel a explicitement indiqué que ce droit de saisie ne méconnaissait aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ([115]).

2.   Les saisies réalisées dans le cadre des visites domiciliaires

a.   Les dispositions encadrant les visites domiciliaires

En application de l’article 64 du code des douanes, les agents des douanes habilités peuvent procéder à des visites en tous lieux, y compris privé, pour la recherche et la constatation de délits douaniers visés aux articles 414 à 429 et 459 du code des douanes.

Plusieurs conditions encadrent cependant la possibilité de réaliser une visite domiciliaire : l’existence préalable d’indices indiquant que des marchandises ou documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles de se trouver dans le lieu visité ; l’autorisation par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, sauf pour les cas de flagrant délit ; la présence d’un officier de police judiciaire (OPJ) ou encore des contraintes horaires quant à la réalisation de la visite (cf. commentaire de l’article 10).

b.   Les saisies réalisées dans le cadre des visites domiciliaires

La visite domiciliaire peut donner lieu à des saisies selon des modalités spécifiques définies par l’article 64 du code des douanes :

– tout d’abord, les agents des douanes peuvent saisir les marchandises et documents se rapportant aux délits recherchés, quel qu’en soit le support ;

– si la visite a été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, les agents peuvent également saisir les biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits recherchés après en avoir informé le juge qui a pris l’ordonnance. Ce dernier peut s’y opposer.

Un inventaire des marchandises et documents saisis doit être dressé. Si l’inventaire présente des difficultés, les pièces, documents, biens et avoirs sont placés sous scellés. L’ouverture des scellés a ensuite lieu en présence de l’OPJ et de l’occupant des lieux s’il le souhaite, et l’inventaire est alors établi.

En outre, si l’occupant des lieux fait obstacle à l’accès aux pièces et documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, les agents des douanes peuvent procéder à la copie de ce support informatique et à sa saisie. Le support est alors placé sous scellés et les agents des douanes disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces et documents présents sur le support, à leur lecture et à leur saisie. Enfin, à la seule fin de permettre la lecture des pièces et documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes procèdent sur la copie du support aux opérations nécessaires à leur action ou à leur mise au clair. Ces opérations sont consignées dans un procès-verbal, avant que le support et sa copie ne soient restitués à l’occupant des lieux.

B.   la retenue douaniÈre

1.   Les dispositions applicables à la retenue douanière

La retenue douanière est une mesure privative de liberté décidée par un agent des douanes et qui, en application de l’article 323-1 du code des douanes ne peut être prononcé « qu’en cas de flagrant délit douanier puni d’une peine d’emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière ». 

La retenue douanière est complémentaire au droit de visite de l’article 60 du code des douanes : comme l’indique la Cour de cassation, « une mesure de contrainte physique, d’une durée excédant le temps nécessaire à l’exercice du droit contrôle prévu à l’article 60 du code des douanes ne peut être exercée que dans le cadre d’une mesure de retenue douanière » ([116]).

Il convient également de préciser que le recours à la retenue douanière n’est pas systématique, mais est en général justifié par la nécessité de réaliser des investigations dans le cadre de l’enquête douanière en présence de la personne ou de garantir la présentation de la personne suspectée d’avoir commis une infraction devant le parquet en vue de sa comparution immédiate ou pour diligenter une enquête judiciaire.

a.   Un champ d’application limité

Les motifs justifiant cette « garde à vue douanière » sont restreints aux délits punis d’une peine d’emprisonnement : les délits donnant lieu à une contravention douanière sont exclus (par exemple, l’omission ou l’inexactitude d’une déclaration lorsque l’irrégularité n’a aucune influence sur l’application des droits ou des prohibitions ([117])), et tous les délits douaniers ne sont pas punis d’une peine d’emprisonnement (par exemple, la mise à disposition de logiciels ou de systèmes de caisses conçus pour permettre la commission de délits douaniers en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales, est punie d’une amende).

Les délits douaniers punis par une peine d’emprisonnement, pour lesquels le placement en retenue douanière est possible, sont les suivants :

– la contrebande, l’importation ou l’exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de produits de tabac manufacturé (article 414 du code des douanes) ou d’autres marchandises (article 414-2 du code des douanes) ;

– tout fait intentionnel de déclaration, utilisation d’un document faux ou non-communication d’un document ayant pour but ou pour résultat d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation (article 414-2 du code des douanes) ;

– l’exportation sans déclaration ou sous couvert d’une déclaration inapplicable d’or natif de Guyane, soustraction de la marchandise à la visite du service des douanes par dissimulation, la détention ou le transport illicites d’or natif dans le rayon des douanes de Guyane sans présentation d’un document de transport valable (article 414-1 du code des douanes) ; 

– le blanchiment douanier, entendu comme le fait de procéder ou de tenter de procéder à une opération financière entre la France et l’étranger sur des fonds que l’on sait provenir, directement ou indirectement, d’un délit douanier ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants (article 415 du code des douanes) ;

– l’opposition à l’exercice des fonctions des agents des douanes ou le refus d’obtempérer à des injonctions d’arrêt (article 416 bis du code des douanes) ;

– le fait de contrevenir à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger, soit en ne respectant pas les obligations de déclaration ou de rapatriement, soit en n’observant pas les procédures prescrites ou les formalités exigées, soit en ne se munissant pas des autorisations requises ou en ne satisfaisant pas aux conditions dont ces autorisations sont assorties (article 459 du code des douanes).

b.   Un dispositif encadré par de nombreuses garanties

La retenue douanière est encadrée par plusieurs dispositions permettant de garantir les droits des personnes.

La retenue ne peut excéder vingt-quatre heures. Elle peut toutefois être prolongée pour vingt-quatre heures supplémentaires si les nécessités de l’enquête le justifient, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République ([118]).

Elle est en outre réalisée sous le contrôle du procureur de la République, informé dès le début de la retenue douanière ([119]). Ce régime est similaire à celui du placement en garde en vue, ce qui permet par exemple au procureur de subordonner l’autorisation de la mise en œuvre de la retenue douanière à la présentation de la personne devant lui ([120]).

La retenue douanière présente d’autres similitudes avec la garde à vue, renforcées depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 tirant les conclusions de la déclaration d’inconstitutionnalité n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010. Le Conseil constitutionnel a en effet indiqué, à l’occasion de cette décision, que les garanties entourant à l’époque la mise en œuvre de la retenue douanière ne permettaient pas une conciliation équilibrée entre d’une part la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties. Depuis 2011, la personne placée en retenue douanière peut ainsi bénéficier de l’assistance d’un avocat, faire prévenir une personne avec qui elle vit ou l’un de ses parents, ainsi que son employeur et les autorités consulaires de son pays d’origine le cas échéant ; elle peut être examinée par un médecin. Ces droits s’exercent dans les conditions et sous les réserves applicables aux droits de la personne placée en garde à vue ([121]). Pour la mise en œuvre de ces différents droits, les prérogatives exercées par l’officier de police judiciaire dans le cas d’une garde à vue sont exercées par un agent des douanes dans le cas d’une retenue douanière. Par conséquent, c’est par exemple un agent des douanes qui peut à tout moment désigner d’office un médecin pour examiner la personne retenue.

En outre, comme pour la garde à vue, le code des douanes indique que la retenue douanière doit s'exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne, que seules les mesures strictement nécessaires peuvent être prises ([122]), ou encore que lorsqu’il est indispensable de procédure à une fouille intégrale, celle dernière doit être décidée par un agent des douanes et réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne fouillée ([123]).

À l’issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui en vue de sa comparution immédiate, ou qu’elle soit remise à un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction en vue de diligenter une enquête judiciaire. Il peut également décider la remise en liberté de la personne ([124]).

C.   des outils utiles mais dont l’usage est très contraint

La saisie et la retenue douanières peuvent permettre de disposer de plusieurs informations utiles pour le déroulé ultérieur de l’enquête. La retenue douanière est d’ailleurs fortement mobilisée par l’administration des douanes, qui a réalisé entre 2019 et 2021 entre 3 086 et 3 508 retenues douanières par an.

La mise en œuvre de cet outil est cependant limitée par des contraintes juridiques et opérationnelles.

1.   Les contraintes encadrant l’exploitation des objets et documents saisis lors des retenues douanières

Le code des douanes ne prévoit pas de dispositions spécifiquement applicables aux saisies qui seraient réalisées dans le cadre d’une retenue douanière. Les dispositions de droit commun de l’article 323 du code des douanes s’appliquent donc en la matière. 

Dès lors, les retenues douanières, bien que conditionnées à l’existence d’un flagrant délit, ne permettent pas de mener des investigations sur des biens et documents appartenant à la personne retenue susceptibles de constituer des preuves : les agents des douanes ne sont par exemple pas autorisés à exploiter les indices et éléments susceptibles de constituer des preuves, et notamment ceux contenus sur des supports numériques (les téléphones portables mais aussi les ordinateurs ou clés USB). Ils ne peuvent pas donc pas mener des investigations pendant une retenue douanière dans le but de mettre en évidence l’existence d’un réseau organisé par exemple, alors même que la connaissance de ces éléments est essentielle pour la suite de la procédure.

Il est pourtant impératif de pouvoir révéler des éléments précis pendant la durée de la retenue douanière, afin par exemple de révéler l’existence d’un trafic impliquant plusieurs personnes et s’apprêtant à commettre une infraction douanière. L’exploitation des éléments saisis peut également s’avérer très utile pour constituer le dossier servant à décider des suites de la procédure (comparution immédiate ou enquête judiciaire) et constituer le dossier de jugement si la personne est présentée devant le procureur de la République à l’issue de la retenue douanière.

En effet, l’exploitation des documents saisis peut permettre aux agents des douanes de confirmer l’implication des auteurs et de consolider les éléments permettant de conclure à la commission d’une infraction douanière, d’identifier des co-auteurs ou des complices et les personnes intéressées à la fraude (dont les commanditaires potentiels), et de sécuriser les procédures douanières et les poursuites en cas de délits « mixtes », c’est-à-dire les infractions douanières portant sur des marchandises faisant également l’objet d’une qualification pénale.

La seule voie d’action permettant de mener une investigation sur les documents saisis en cas de flagrance est donc celle de la visite domiciliaire. Toutefois, les contraintes procédurales et horaires afférentes à une visite domiciliaire (cf. supra) sont restrictives pour une action rapide des douanes.

Dès lors, étant donné que les agents des douanes ne peuvent pas consulter les objet saisis, par exemple les téléphones portables, il revient au procureur de la République de saisir un service judiciaire pour qu’il procède lui-même aux investigations. Cette étape supplémentaire n’est pas toujours compatible avec un traitement rapide du dossier.

II.   le droit proposé 

Afin de répondre aux limites du droit existant, il est proposé de créer un article 323-11 du code des douanes permettant de réaliser des saisies probatoires au cours des retenues douanières.

A.   La possibilité de prendre connaissance et de saisir de documents dans le cadre des retenues douanières

Ce nouvel article vise à permettre aux agents des douanes, pour les nécessités de l’enquête douanière, de « prendre connaissance, au cours de la retenue douanière, en la présence constante et effective de la personne retenue, du contenu des documents, quel qu’en soit le support, et de tous autres objets en sa possession, avant de procéder à la saisie de ceux se rapportant au flagrant délit douanier ».

Cette procédure permettant de prendre connaissance et de saisir des documents est donc circonscrite et entourée de nombreuses garanties :

– elle s’applique exclusivement aux situations de retenue douanière, et ne trouvera donc à s’appliquer qu’aux documents et objets liés au flagrant délit douanier ;

– la prise de connaissance des documents est réalisée en présence de la personne retenue ;

– les agents des douanes peuvent ensuite procéder à la saisie des documents et objets se rapportant au flagrant délit douanier ;

– le procureur de la République est informé de la saisie et peut s’y opposer ;

– les opérations sont consignées, une copie du procès-verbal étant remise à la personne retenue et au procureur de la République. En outre, les objets et document saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés.

Des dispositions spécifiques sont prévues aux deuxième et troisième alinéas du nouvel article 323-11 pour les supports numériques : des opérations techniques de mise à disposition des données informatiques pourront être réalisées afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité, uniquement par des agents des douanes habilités par le ministre ou par une personne qualifiée requise au titre de l’article 67 quinquies ([125]).

Il est ensuite procédé à la saisie des données informatiques se rapportant au flagrant délit douanier, soit en procédant à la saisie du support physique des données, soit en réalisant une copie en présence de la personne détenue.

Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’État considère que la procédure s’inscrit dans le cadre strict de la retenue douanière et de ses suites et est placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ce qui garantit la conciliation entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. En outre, le projet de loi déposé intègre les recommandations du Conseil d’État, qui considère dans son avis qu’il est nécessaire de préciser que le procès-verbal retraçant les opérations de saisies réalisées au cours d’une retenue douanière fera l’objet d’une copie remise à la personne retenue et au procureur de la République, en application des exigences révélées par la décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016.

B.   Les suites de la retenue douanière

Le 2. de l’article 323-11 du code des douanes prévoit qu’à l’issue de la retenue douanière, si la personne est présentée au procureur de la République, remise à un OPJ ou à un agent des douanes habilités, les documents et objets saisis leur sont transmis.

C.   Création d’une procédure postérieure à la retenue douanière pour les outils numériques

Le 3. de l’article 323-11 du code des douanes prévoit la création d’une procédure de saisie postérieure au temps de la retenue douanière.

Ainsi, pour les nécessités de l’enquête douanière, et sur autorisation du procureur de la République, les agents des douanes pourront dans un délai de trente jours à compter de la saisie et s’ils n’y ont pas procédé durant la retenue douanière, faire une copie à fin d’analyse des données informatiques contenues dans les supports.

Cette procédure postérieure peut être mise en œuvre dans deux cas de figure :

– lorsque la personne est remise en liberté à l’issue de la retenue douanière. Ce cas de figure correspond aux situations dans lesquelles il n’aura pas été possible de constituer un dossier suffisamment solide au cours de la retenue douanière mais pour lesquelles des investigations complémentaires semblent nécessaires. Si les nécessités de l’enquête le commandent, les éléments restitués à la personne remise en liberté pourront donc faire l’objet d’une copie dans un délai de 30 jours permettant de poursuivre les investigations ;

– lorsqu’à l’issue de la retenue douanière, l’autorité judiciaire met ou laisse à la disposition des agents des douanes les supports numériques. Ce cas de figure vise les cas dans lesquels la retenue douanière est suivie d’une judiciarisation de la procédure douanière avec remise de objets au parquet. Dans ces circonstances, il est possible que l’autorité judiciaire revienne vers le service des douanes et lui confie les supports pour que ce dernier exécute des investigations complémentaires, par exemple pour identifier des complices.

Cette procédure est également encadrée par des garanties fortes : les personnes placées en retenue douanières et, s’il est différent, le propriétaire des supports, sont avisés qu’ils peuvent assister à l’ouverture des scellés. En outre, ces opérations seront consignées dans un procès-verbal transmis au procureur de la République.

D.   Restitution des objets saisis

Enfin, le 4 de l’article 323-11 du code des douanes prévoit les modalités de restitution des objets saisis. 

Dans un délai maximal de deux mois à compter de la saisie, et dans un délai de trente jours compris dans le délai maximal de deux mois si l’intéressé formule une requête, les agents des douanes décident de la restitution des objets saisis si leur propriété n’est pas sérieusement contestée.

La restitution n’a pas lieu si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction ou la confiscation de l’objet saisi.

La décision de non-restitution est notifiée à l’intéressé. Ce dernier peut alors la déférer dans un délai de trente jours à compter de sa notification au président de la chambre d’instruction.

Enfin, sont envisagées les différentes modalités selon lesquelles les objets saisis deviennent propriété de l’État, sous réserve du droit des tiers :

– si la restitution n’a pas été demandée, ce transfert de propriété intervient à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la clôture du dossier ;

– si la décision de non restitution n’a pas été contestée, ce transfert de propriété intervient dès que ladite décision est définitive ;

– si le jugement de la chambre de l’instruction ne peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation ou si l’arrêt de cassation est rendu, ce transfert de propriété intervient que le jugement ou l’arrêt ont un caractère définitif ;

– si le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée ne réclame pas l’objet, ce transfert de propriété intervient à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la décision de restitution.

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a adopté plusieurs amendements à l’article 9.

● Elle a tout d’abord adopté un amendement n° COM-70 du rapporteur dont l’objet est de préciser les modalités de consignation des procédures en cas de retenue douanière. La rédaction proposée par le Sénat indique que le procès-verbal de saisie est adressé au procureur (et non plus qu’une copie lui est remise), et maintient la transmission de la remise d’une copie à la personne retenue. Il ajoute à la rédaction initiale le fait que le procès-verbal fournit d’une part les indications mentionnées à l’article 325 ([126]) et d’autre part les modalités de la saisie. Ce même amendement précise que le procès-verbal relatif à la procédure postérieure est transmis au procureur, copie ayant été remise à la personne retenue.

● La commission a en outre adopté un amendement rédactionnel de M. Richard (RDPI), rapporteur de la commission des lois (N° COM-47) et un amendement du rapporteur de la commission des finances (N° COM-71), sous-amendé par M. Richard (N° COM-82). Cet amendement introduit plusieurs évolutions :

– il modifie à la marge les délais applicables aux décisions de restitution des objets saisis, en proposant de distinguer les cas dans lesquels une demande de restitution est formulée par la personne retenue et les cas dans lesquels les agents des douanes prennent une décision d’office. Alors que dans le texte initial ces deux cas de figure sont compris dans un délai maximal de deux mois et qu’un délai de trente jours s’applique spécifiquement aux demandes de restitution, la rédaction issue des travaux de la commission des finances du Sénat indique que le délai est de trente jours en cas de demande et de deux mois en cas de décision d’office, sans lien entre ces deux procédures. La rapporteure considère que cette évolution permet de clarifier la procédure ;

– l’amendement propose également que les décisions de non-restitution prise lorsque la restitution serait de nature à crée un danger pour les personnes et les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction ou la confiscation des objets saisis soient prises dans les mêmes délais que les décisions de restitution, à savoir trente jours en cas de demande ou deux mois en cas de décision d’office ;

– l’amendement prévoit que le recours contre les décisions de non-restitution est suspensif ;

– enfin, l’amendement de M. de Montgolfier précise les moments à partir desquels les biens non restitués deviennent propriété de l’État, en indiquant que cela se produit dès que la décision de non restitution ne peut plus être contestée ou dès que le jugement ou l’arrêt de non restitution est devenu définitif. L’amendement modifie également le délai applicable pour récupérer un objet saisi ayant fait l’objet d’une décision de restitution : alors que le texte initial prévoyait un délai d’un mois, le texte proposé par le rapporteur de la commission des finances porte ce délai à deux mois à compter d’une mise en demeure adressée au domicile ;

– le sous-amendement de M. Richard précise la notion de « clôture du dossier », utilisée pour régler les cas dans lesquels la restitution n’est pas demandée. Cette notion de clôture du dossier est remplacée par la décision de classement ou la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence.

Le Sénat a adopté deux amendements supplémentaires au stade de l’examen en séance publique.

L’amendement n° 48 du rapporteur de la commission des lois a été adopté avec un avis favorable de la commission et un avis défavorable du Gouvernement. Cet amendement a pour effet de limiter l’application de la procédure de saisie ultérieure aux cas de figure dans lesquels la personne est remise en liberté. L’amendement a donc pour effet de supprimer la possibilité, prévue par le texte initial, de permettre à l’autorité judiciaire de laisser à disposition les agents des douanes les supports numériques. Cette possibilité est cependant très utile : elle permet par exemple de remettre aux agents des douanes les éléments qui ne sont pas compris dans le périmètre de la saisie de l’autorité judiciaire, afin de leur permettre de mener leur propre enquête douanière.

Enfin, le Sénat a adopté l’amendement n° 73 du rapporteur de la commission des finances, avec un avis favorable du Gouvernement. Cet amendement ajoute un cas de figure permettant de considérer que les biens saisis deviennent propriété de l’État (conclusion d’une transaction en application de l’article 350 du code des douanes).  

IV.   La position de la commission

La commission des finances a apporté plusieurs modifications à l’article 9.

● Sur proposition de la rapporteure (N° CF166), elle a supprimé la mention à l’article 325 du code, superflue, et a rétabli la rédaction initiale du projet de loi quant à la délivrance de copies du procès-verbal remises à la personne retenue et au procureur de la République, plus explicite que la rédaction introduite par le Sénat.

● La commission a adopté un autre amendement de la rapporteure dont l’objet est de rétablir la possibilité, initialement présente dans le projet de loi, de procéder à la copie des données postérieurement à la retenue en cas de judiciarisation de l’affaire (N° CF167) ;

● La rapporteure a déposé un amendement N° CF168 adopté par la commission dont l’objet est de rendre non-suspensif le recours contre la décision de non-restitution des biens saisis, revenant ainsi sur la modification introduite par le Sénat.

Rendre ce recours suspensif aurait pour effet d’autoriser les propriétaires à récupérer les biens saisis et donc de priver d’effet le dispositif, car son objet même est de ne pas permettre la restitution si celle‑ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction ou la confiscation des objets saisis.

● La commission a enfin adopté six amendements rédactionnels de la rapporteure (N° CF159, CF160, CF162, CF161, CF163, CF137).

La rapporteure considère par ailleurs que les modifications introduites par le Sénat concernant les délais applicables aux décisions relatives à la restitution des biens saisis sont de nature à clarifier le dispositif. Elle considère néanmoins que le moment à partir duquel les objets saisis deviennent propriété de l’État pourrait faire l’objet d’une clarification future.

*

*     *

Amendement CF77 de Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il convient de protéger la vie privée en précisant que les documents consultés qui ne se rapportent pas au flagrant délit douanier ne peuvent être conservés. Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de protéger la vie privée et le besoin de garantir l’efficacité de la lutte contre la fraude.

Mme Nadia Hai, rapporteure. L’amendement est satisfait. L’article prévoit que les agents des douanes peuvent « procéder à la saisie [des documents] se rapportant au flagrant délit douanier. » Aucun doute n’est permis : les autres documents ne seront pas saisis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF77.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CF92 de M. Mickaël Bouloux.

Amendement CF35 de M. Alexandre Sabatou.

M. Alexandre Sabatou (RN). Nous souhaitons supprimer le droit de veto du procureur de la République. La douane est une administration qui fonctionne bien et qui ne fait l’objet d’aucun scandale ni d’aucune bavure. Il n’y a aucune raison que le procureur ait son mot à dire sur ses actions. La douane est autonome et doit le rester.

Mme Nadia Hai, rapporteure. La procédure de saisie à visée probatoire créée par l’article 9 doit être, comme toutes les mesures permettant une intrusion dans la vie privée des personnes, encadrée et contrôlée par le juge. Surtout, la constitutionnalité de ce dispositif, comme des dispositifs proches, est garantie par le haut degré de contrôle par le juge. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF35.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF159 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF56 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement vise à n’autoriser la saisie d’un disque dur que si elle permet de prévenir une infraction. Dans le cas contraire, les données devront être recopiées.

Mme Nadia Hai, rapporteure. La disposition proposée me semble trop restrictive. Il convient de laisser aux agents des douanes le choix entre la saisie du support numérique et la réalisation d’une copie – qui n’est pas toujours possible. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF56.

Amendement CF166 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il s’agit de revenir sur une précision introduite par le Sénat à l’alinéa 5 de l’article 9. Il est inutile d’indiquer que les procès-verbaux seront rédigés en application des dispositions de l’article 325 du code des douanes car ledit article s’applique à l’ensemble des procès-verbaux rédigés en application du chapitre dans lequel l’article créé s’insère. Surtout, la mention expresse de l’article 325 pourrait susciter un doute quant à son application aux autres articles du chapitre.

Enfin, l’amendement rétablit la rédaction initiale du projet de loi quant à la délivrance de copies du procès-verbal à la personne retenue et au procureur de la République. Elle paraît plus explicite que celle adoptée par le Sénat.

La commission adopte l’amendement CF166.

Amendement CF167 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Le Sénat a restreint les possibilités de mise en œuvre de la procédure de saisie ultérieure à la retenue douanière aux cas où la personne retenue est remise en liberté. Il me semble nécessaire de prévoir que l’autorité judiciaire, si elle se saisit de l’affaire, pourra remettre aux agents des douanes les éléments qui ne sont pas compris dans sa saisine, afin de leur permettre de mener leur propre enquête douanière ou de s’appuyer sur eux pour conduire les investigations nécessaires.

La commission adopte l’amendement CF167.

Amendement CF36 de M. Alexandre Sabatou.

M. Alexandre Sabatou (RN). Dans la lignée de l’amendement CF35, il s’agit de remplacer l’autorisation écrite et motivée du procureur de la République par une simple information à son attention.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Pour le coup, il me semble qu’on va trop loin dans l’assouplissement du dispositif. Il s’agit là d’une procédure de copie de données ultérieure à la retenue douanière : la personne est remise en liberté et les agents des douanes peuvent procéder à une copie des données informatiques contenues dans un support numérique. La procédure est certes très utile pour poursuivre les investigations sur certains dossiers, mais elle est dérogatoire et doit, à ce titre, être encadrée. Avis défavorable.

M. Alexandre Sabatou (RN). Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est aujourd’hui ? Le Gouvernement a-t-il favorisé l’ingérence du procureur de la République dans les affaires de la douane ou la situation est-elle demeurée inchangée ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. Dès lors qu’il y a intrusion dans la vie privée, une autorisation du juge est demandée. Cet encadrement par le juge est une pratique très courante, et même normale.

La commission rejette l’amendement CF36.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF160, CF162, CF161 et CF163 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF168 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il s’agit de revenir sur une modification apportée par le Sénat, qui a rendu suspensive la décision de non-restitution des biens saisis. Nous souhaitons qu’elle ne soit pas suspensive, afin de conserver l’effet utile du dispositif.

M. Charles de Courson (LIOT). Êtes-vous sûre que c’est une bonne idée ? Il s’agit d’une restitution, sachant qu’il y a trois cas dans lesquels on ne peut pas restituer les biens. Un recours non suspensif restreint fortement les libertés.

Mme Véronique Louwagie (LR). Nos collègues ont vraisemblablement réfléchi avant d’introduire un recours suspensif, qui existe dans de nombreuses situations. Quels sont vos arguments pour vouloir l’inverse ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Est-ce la Mildeca (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) qui récupère les biens saisis ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. Si les biens ne sont pas restitués pendant une certaine période, ils deviennent propriété de l’État.

Le projet de loi initial ne précisait pas si le recours était suspensif ou non. Si le texte du Sénat s’applique, il suffira aux criminels d’introduire un recours pour retrouver leurs biens ou données liés à une activité criminelle ou présentant un danger. Cela me paraît extrêmement préjudiciable.

Au contraire, un recours non suspensif permet de continuer les investigations, tout en se protégeant d’une mauvaise utilisation des biens.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est tout de même gênant. L’alinéa 12 prévoit, comme troisième cas de non-restitution, l’hypothèse où une disposition particulière prévoit la destruction ou la confiscation des objets saisis. Dans ce cas, si la personne qui introduit le recours gagne, on ne pourra pas lui restituer les biens, qui auront été détruits !

En outre, c’est un principe général du droit que le recours soit suspensif.

Cette disposition ne risque-t-elle pas d’être annulée par le Conseil constitutionnel ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans la rédaction du Sénat, il y a une erreur et un oubli. Un recours suspensif signifie que l’on rend les biens à la personne qui l’introduit. C’est pourquoi nous avons choisi un recours non suspensif pour la retenue temporaire d’argent liquide, à l’article 6.

Madame Dalloz, les biens ayant fait l’objet d’une saisie judiciaire vont à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). J’ai participé récemment avec Éric Dupond-Moretti à une vente de biens saisis dans le cadre d’un contrôle judiciaire – montres, sacs, etc. Le produit des ventes est attribué à la Mildeca et aux douanes.

M. le président Éric Coquerel. Je comprends l’idée de ne pas rendre tout de suite les biens. Mais que se passe-t-il si le recours est gagné ? Lorsque les biens ont été détruits, la personne ne peut plus les récupérer.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Si le recours est gagné, les biens sont restitués.

La commission adopte l’amendement CF168.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF137 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Elle adopte l’article 9 modifié.

*

*     *

Article 10
(art. 64, 413 ter et 416 du code des douanes, art. L.38 du livre des procédures fiscales
et art. 1735 quater du code général des impôts)
Gel des accès et saisie des données numériques dans le cadre des visites domiciliaires

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 10 vise d’une part à permettre à des agents des douanes dûment habilités de remplacer les officiers de police judiciaire dans le cadre des visites domiciliaires du code des douanes et du droit de visite du livre de sprocédures fiscales et d’autre part à instaurer un droit de gel de l’accès aux données stockées sur des serveurs distants, dans le but de protéger leur intégrité. Le gel de ces données s’accompagne par la suite d’une possibilité de téléchargement et de saisie.

I.   Le droit existant 

Les agents des douanes disposent de pouvoirs d’investigation et de saisie spécifiques, plus étendus que le droit de visite de l’article 60 du code des douanes, en cas d’indice préalables laissant présumer la commission de certaines infractions, ou en cas de flagrance.

Parmi ces moyens figurent la visite domiciliaire, régie par l’article 64 du code des douanes et destinée à la recherche de certains délits douaniers, et le droit de visite de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales, pour la recherche des certaines infractions fiscales.

Aux termes des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales, les agents des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, mêmes privés, où les marchandises et documents – pour la visite domiciliaire – et où les pièces, documents, objets ou marchandises – pour la visite du livre des procédures fiscales –  se rapportant aux infractions recherchées, ainsi que les biens et avoir en provenant directement ou indirectement, sont susceptibles d’être détenus, accessibles ou disponibles.

Si ces procédures visent la recherche d’infractions distincts, elles sont régies par des règles similaires.

A.   Le champ d’application respectif de la visite domiciliaire et du droit de visite

La visite domiciliaire prévue à l’article 64 du code des douanes ne peut être mise en œuvre que pour la recherche et la constatation des délits douaniers visés aux articles 414 à 429 et 459 du même code, soit les délits douaniers de première, deuxième et troisième classe (articles 414 à 416 bis), les faits de contrebande (articles 417 à 422), les importations et exportations sans déclaration (articles 423 à 429) et les atteintes à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger (article 459).

La mise en œuvre du droit de visite prévu à l’article L. 38 du livre des procédures fiscales est possible pour la recherche des infractions aux dispositions suivantes :

– celles du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts portant sur les contributions indirectes et taxes diverses (applicables aux boissons, garanties de matière d’or, d’argent et de platine, la taxe spéciale sur le sucre utilisé au sucrage de première cuvée, les tabacs) ;

– celles des chapitres III et IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services portant sur les alcools et les tabacs ;

– les législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement.

B.   Les conditions entourant la mise en œuvre des visites de lieux privÉs

Plusieurs conditions encadrent la possibilité de réaliser ces visites dans des lieux privés :

– la visite n’est possible que lorsqu’il existe des indices préalables indiquant que des marchandises ou documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d’être détenus, accessibles ou disponibles ;

– en application du 1. de l’article 64 du code des douanes et du 1. de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales, les agents sont accompagnés, sauf exceptions mentionnées au 3. de l’article 64, d’un OPJ. Ce dernier veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ;

– aux termes du 2. de l’article 64 du 2. de l’article L. 38, chaque visite domiciliaire doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, sauf pour les cas de flagrant délit pour lesquels une telle ordonnance n’est pas nécessaire. Le juge doit faire une analyse in concreto de la demande d’autorisation et « motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée » ([127]). Un dossier complet et dont la solidité est appréciée par le juge doit donc préexister à toute visite domiciliaire ;

– l’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel, dans un délai de quinze jours, puis, le cas échéant, d’un pourvoi en cassation. Cet appel n’est toutefois pas suspensif ;

– la visite ne peut commencer avant six heures ni après vingt et une heures ;

– elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, ou, en cas d’impossibilité, de deux témoins requis par l’OPJ en dehors des personnes relevant de son autorité de l’administration des douanes ;

– un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération est dressé immédiatement par les agents des douanes, et un inventaire des pièces et documents saisis est réalisé.

C.   Les saisies pouvant Être réalisÉes dans le cadre des visites de lieux privÉs

1.   Les dispositions encadrant les saisies réalisées dans le cadre des visites domiciliaires et du droit de visite

La visite domiciliaire du code des douanes et le droit de visite du livre des procédures fiscales peuvent donner lieu à des saisies :

– en premier lieu, les agents des douanes peuvent saisir les marchandises et documents se rapportant aux délits recherchés, quel qu’en soit le support ;

– si la visite a été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, les agents peuvent également saisir les biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits recherchés après en avoir informé le juge qui a pris l’ordonnance. Ce dernier peut s’y opposer.

Des dispositions spécifiques encadrent le déroulement des saisies réalisées dans le cadre de ces visites de lieux privés. Tout d’abord, un inventaire des marchandises et documents saisis doit être dressé et annexé au procès-verbal. Si l’inventaire présente des difficultés, les pièces, documents, biens et avoirs sont placés sous scellés. L’ouverture des scellés a ensuite lieu en présence de l’OPJ et de l’occupant des lieux s’il le souhaite, puis l’inventaire est établi.

En outre, si au cours de la visite les agents découvrent l’existence d’un coffre dans un établissement de crédit dont la personne est titulaire et où des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux délits douaniers recherchés sont susceptibles de se trouver, ils peuvent procéder immédiatement à la visite de ce coffre aux fins de saisir ces biens et avoirs, à condition que le juge qui a pris l’ordonnance l’autorise et que cette autorisation soit portée au procès-verbal.

De la même manière, si au cours de la visite les agents découvrent de éléments révélant l’existence en d’autres lieux de biens ou d’avoirs se rapportant aux délits recherchés, ils peuvent procédure à la visite de ces lieux afin de saisir ces biens et avoirs, à condition que le juge donne son accord et que cet accord soit consigné au procès-verbal.

2.   Des dispositions spécifiques relatives à la saisie de supports numériques et des documents s’y trouvant

Des dispositions sont spécifiquement prévues pour les supports numériques. Aux termes du c) du 2. de l’article 64 et au 4 bis de l’article L. 38, « lorsque l’occupant des lieux fait obstacle à l’accès aux pièces et documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal » . Les agents des douanes peuvent dans ce cas procéder à la copie de ce support et à sa saisie. Le support est alors placé sous scellés.

Les agents des douanes disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces et documents présents sur le support, à leur lecture et à leur saisie. Le support est ensuite restitué, sauf si le délai de quinze jours est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention. Enfin, à la seule fin de permettre la lecture des pièces et documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont consignées a procès-verbal. Le support et sa copie sont ensuite restitués à l’occupant des lieux.

L’ensemble de ces opérations est consigné au procès-verbal.

D.   des dispositifs similaires dont l’application a été précisÉe par la jurisprudence du conseil constitutionnel

La visite domiciliaire de l’article 64 du code des douanes et le droit de visite de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales présentent des similitudes avec un certain nombre d’autres dispositifs existants. Le Conseil constitutionnel a, par l’examen de certains d’entre eux, progressivement dessiné le cadre d’application des dispositions portant spécifiquement sur la saisie et l’exploitation de données informatiques dans le cadre de la visite de lieux privés.

● L’article L. 16B du livre des procédures fiscales prévoit qu’en cas de présomption d’infraction fiscale l’autorité judiciaire peut autoriser les agents de l’administration des impôts à rechercher la preuve de ces agissements par la réalisation de visites en tous lieux, mêmes privés. À cette occasion, les pièces et documents se rapportant aux faits recherchés peuvent être saisis, quel qu’en soit le support. De la même manière que dans l’article 64 du code des douanes, « lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal. ». Les agents de l’administration des impôts peuvent réaliser la copie du support numérique et le saisir. Ils disposent alors de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces et documents, procéder à leur lecture et à leur saisie, puis à la restitution du support.

Dans sa décision n° 2021-980 QPC, le Conseil constitutionnel a tout d’abord considéré que ces dispositions permettaient de se saisir de données informatiques stockées dans des serveurs situés dans des lieux distincts, sans que cela ne soulève de difficulté de constitutionnalité, et quand bien même l’article L. 16B ne le prévoit pas explicitement.

Un serveur distant est entendu comme un serveur informatique situé dans un lieux distinct de celui où se déroule la visite domiciliaire ([128]) ou comme des documents non matériellement présents dans les lieux mais accessibles à distance depuis ces lieux, y compris lorsqu’ils sont stockés sur des serveurs situés à l’étranger ([129]).

Étant donné la grande proximité de cette procédure avec les visites réalisées par les agents des douanes, il semble possible d’affirmer par analogie que les agents des douanes peuvent accéder depuis le lieu visité à des documents stockés sur des serveurs distants.

Le Conseil constitutionnel a ensuite considéré qu’au regard des garanties procédurales prévues par l’article L. 16B du livre des procédures fiscales, et notamment la condition que seuls des documents en lien avec les faits peuvent être saisis et que la visite ne peut intervenir qu’à l’occasion d’une autorisation du juge des libertés et de la détention, qui a également sous son contrôle l’ensemble des opérations de visite et de saisie, l’article permettait une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privées.

● L’article 57-1 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire peuvent « accéder par un système informatique implanté sur les lieux où se déroule la perquisition à des données intéressant l'enquête en cours et stockées dans ledit système ou dans un autre système informatique, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ». Les données auxquelles il aura été permis d’accéder dans ces conditions peuvent être copiées sur tout support, et les supports de stockage peuvent être saisis et placés sous scellés.

● L’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence vise les perquisitions autorisées par les autorités administratives dans le cadre de l’état d’urgence. Dans ce cadre, il était prévu qu’« il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ».

La rédaction de l’article en vigueur jusqu’au 21 février 2016 indiquait que les données auxquelles il aura été possible d’accéder peuvent être copiées sur tout support. Le Conseil constitutionnel a considéré, par sa décision n° 2016-536 QPC, que la copie des informations était équivalente à une saisie. Par la même décision, il a considéré que le législateur n’avait pas opéré une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée à plusieurs titres : ni la saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées n’étaient autorisées par un juge ; dans la mesure où l’autorité administrative pouvait prendre copie de toutes les données auxquelles elle peut accéder par le système informatique, pouvaient être copiées des données dépourvues de lien avec la personne visée ([130]).

Tirant les conséquences de cette déclaration d’inconstitutionnalité, la rédaction en vigueur de l’article 11 a été modifiée. À nouveau saisi de la constitutionnalité de cet article, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2016‑600 QPC, a considéré que ses dispositions prévoyaient les motifs pouvant justifier la saisie de données informatiques (si la perquisition révèle l’existence d’éléments relatifs à la menace que constitue le comportement de la personne), en déterminant les conditions de sa mise en œuvre et en imposant l’autorisation préalable par un juge de l’exploitation des données collectées, laquelle ne peut porter que sur celles ayant un lien avec la menace. Il a donc jugé cette nouvelle rédaction conforme aux exigences constitutionnelles.

E.   les limites de la visite domiciliaire et du droit de visite

Si la visite domiciliaire offre des possibilités d’investigation plus étendues que les simples saisies ou que la retenue douanière (cf. supra), elle présente néanmoins des limites opérationnelles.

Si la jurisprudence du Conseil constitutionnel a d’ores et déjà confirmé le fait que le droit de saisie pouvait porter sur des données stockées sur des serveurs distants (cf. supra), aucune disposition ne permet explicitement de geler l’accès et la modification des données concernées. Faute d’une telle possibilité de blocage, le risque de la disparition ou de la modification des données est réel si l’inventaire ne peut être réalisé sur place, par exemple si l’occupant fait obstacle à l’accès aux pièces.

En pratique, il a pu arriver que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), à la demande d’un service de police judiciaire et sur accord de l’autorité judiciaire, bloque l’accès des auteurs d’infraction à un serveur en modifiant les mots de passe, afin d’éviter qu’ils ne retirent ou copient les informations présentes. L’opération a été un succès : les données ont pu être téléchargées postérieurement à la visite et les serveurs sont restés inactifs.

L’intérêt de cette opération n’étant plus à démontrer, il convient désormais de sécuriser cette procédure par une inscription dans le code des douanes.

II.   le droit proposÉ

A.   les modifications À l’article 64 du code des douanes

Le projet de loi propose de modifier à plusieurs égards l’article 64 du code des douanes.

● Sur le plan procédural tout d’abord, il propose d’indiquer que, dans le cadre des visites domiciliaires, les agents des douanes peuvent être accompagnés d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale, en remplacement d’un OPJ.

L’article 28-1 du code des douanes a été créé par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale. Introduit par amendement du Gouvernement, il prévoit que des agents des douanes de catégories A et B, désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget pris après avis conforme d’une commission comprenant notamment des magistrats ([131]), peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

D’après les informations communiquées à la rapporteure, 231 « officiers de douane judiciaire » sont actuellement affectés au service d’enquête judiciaires des finances (SEJF), un service à compétence nationale de police judicaire rattaché conjointement au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur général des finances publiques.

Lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi visant à renforcer l'efficacité de la procédure pénale, M. Christian Sautter, alors secrétaire d’État au budget, a indiqué que cette disposition avait pour objet d’améliorer la lutte contre la fraude, entravée par trois raisons : « l’absence de statut judiciaire pour les douaniers français crée, pour certaines enquêtes, une rupture ou des délais qui profitent évidemment aux fraudeurs. Ensuite, sur certains dossiers spécialisés, l'autorité judiciaire, a besoin de la compétence des douaniers. Enfin, les douaniers français coopèrent avec leurs collègues européens dont la plupart ont des pouvoirs de police judiciaire. L’absence de cette compétence limite donc la qualité de la coopération internationale au sein de l'espace européen. » ([132]). Le ministre avait également insisté sur les garanties encadrant ce statut spécifique : il repose sur une habilitation personnelle délivrée par une commission comprenant des magistrats, les agents ne peuvent intervenir que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, la compétence est liée au domaine des infractions douanières, droits indirects et contrefaçons, et elle est exercée sous la surveillance étroite des magistrats ([133]).

Cette évolution permettra de s’assurer de la disponibilité des personnes habilitées à assister à une visite domiciliaire, tout en s’appuyant sur des agents spécialement habilités.

La possibilité de recourir à un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 est ensuite transposée dans l’ensemble de l’article relatif à la visite domiciliaire : dès lors qu’une action doit être effectuée sous le contrôle d’un OPJ, elle pourra l’être également par l’agent des douanes habilité.

● L’alinéa 6 de l’article 10 du projet de loi introduit également une disposition permettant aux agents des douanes menant des visites domiciliaires de protéger l’accès à des données stockées dans un serveur distant, lorsque la copie sur place de ces données présente des difficultés. L’objectif de cette opération est de « veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître ».

En effet, pour les besoins de l’enquête, il importe non seulement de pouvoir prendre connaissance et de saisir les données stockées sur des serveurs distants, mais également de pouvoir s’assurer de leur intégrité, et du fait qu’elles ne soient pas modifiées avant que les agents des douanes aient pu y accéder.

Le même alinéa du projet prévoit que les agents pourront procéder ensuite au téléchargement à distance des données, dans les locaux du service chargé de la procédure et dans les conditions prévues par les quatrième à septième alinéas de l’article 57-1 du code de procédure pénale. L’occupant des lieux pourra assister à ce téléchargement, qui a lieu en présence d’un OPJ ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale.

B.   les modifications À l’article L. 38 du livre des procédures fiscales

● Le II de l’article 10 propose de procéder aux mêmes modifications à l’article L. 38 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le droit de visite prévu à cet article pourra être exercé en présence d’un OPJ, mais également en présence d’un agent des douanes habilité à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l’article 28-1 du code des douanes. Sa présence pourra également permettre le déroulement de l’ensemble des étapes de la procédure pour lesquelles la présence d’un OPJ est actuellement requise.

● De la même manière et selon les mêmes modalités que dans le cadre des visites domiciliaires, les agents des douanes pourront également appliquer toutes mesures permettant de protéger l’accès en ligne à des données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités si la copie sur place de ces données présente des difficultés.

● Ils pourront ensuite procéder au téléchargement à distance des données, en présence d’un OPJ ou d’un agent habilité en application de l’article 28-1 et en présence de l’occupant si ce dernier souhaite. 

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a adopté trois amendements à l’article 10. Elle a tout d’abord adopté un amendement n° COM-72 du rapporteur, dont l’objet est d’introduire un délai de trente jours à compter de la visite dans lequel les agents des douanes peuvent procéder au téléchargement à distances de données gelées par les agents des douanes dans le cadre d’une visite domiciliaire.

Elle a également adopté un amendement n° COM-73 du rapporteur qui apporte deux modifications au dispositif :

– il précise que les données pouvant être saisies par les agents des douanes par le biais du téléchargement doivent se limiter aux données se rapportant aux infractions recherchées ;

– la même précision est insérée dans les articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales, en indiquant que les agents des douanes ayant saisi et placé sous scellés un support numérique dans le cadre d’une visite d’un lieu privé ne peuvent saisir que les données se rapportant aux infractions recherchées.

Cet amendement est bienvenu au regard de la décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016, qui porte sur l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. En effet, l’une des garanties considérées comme nécessaires par le juge pour assurer une conciliation qui ne soit pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public est le fait que l’exploitation des données « ne peut porter sur celles dépourvues de lien avec la menace ».

Enfin, la commission a adopté un amendement n° COM-54 du rapporteur de la commission des lois, saisie pour avis de l’article 10. Cet amendement propose d’appliquer le même régime de sanctions que celui applicable dans les cas où l’occupant fait obstacle aux pièces et documents présents sur un support informatique pour le cas où l’occupant fait obstacle à l’accès aux données hébergées sur un serveur distant, à savoir une amende égale à 50 000 euros ou 5 % des droits et taxes éludés ou compromis ou de la valeur de l’objet de la fraude lorsque ce montant est plus élevé.

Au stade de l’examen en séance, le Sénat a adopté quatre amendements, tous déposés par le rapporteur de la commission des finances. Trois d’entre eux sont des amendements de précision rédactionnelles (amendements n° 74, 75 et 76) ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.  

L’amendement n° 69 est un amendement de coordination, qui propose d’étendre le régime de sanctions adopté au stade de la commission à la recherche d’infractions de nature fiscale. Cet amendement a également reçu un avis favorable du Gouvernement.

IV.   La position de la commission

● Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté des amendements N° CF176 et CF175 dont l’objet est d’introduire un délai de trente jours entre le téléchargement des données et leur saisie. Il semble en effet réaliste de prévoir un délai raisonnable entre ces deux étapes : à l’issue du téléchargement des données, un temps d’étude est nécessaire pour distinguer les données se rapportant aux infractions recherchées, qui doivent être saisies, de celles qui ne s’y rapportent pas, qui n’ont pas à l’être.

● La rapporteure considère que la précision apportée par le Sénat quant au champ des données pouvant être saisies permet de consolider le dispositif en tirant les conséquences du cadre dressé par le Conseil constitutionnel (cf. supra). Adoptant une approche similaire, elle propose de tirer toutes les conclusions de la décision n° 2016-600 QPC précitée en précisant deux aspects de la procédure applicable au gel des accès distants et au téléchargement ultérieur des données :

– la commission a adopté les amendements N° CF169 et CF173, selon lesquels la mise en place des mesures de gel doit être explicitement mentionnée au procès-verbal. En effet, dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité de dispositions proches (cf. supra) le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de souligner que le contrôle du juge sur l’ensemble de la procédure est l’un des éléments permettant de garantir la constitutionnalité du dispositif. Si en application de l’article 64 le juge est informé des données téléchargées, considérées comme saisi, il doit également être informé de la mise en place des mesures de gel des accès ;

– la commission a également adopté les amendements n° CF178 et CF177 indiquant que les données autres que celles se rapportant aux infractions recherchées doivent être détruites à l’issue d’un délai de trente jours à compter de leur téléchargement.

La commission a également adopté un amendement rédactionnel (N° CF164).

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La commission adopte l’amendement de précision CF173 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF62 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Il est proposé de réduire la durée du gel des données stockées sur un système informatique de type cloud. Deux semaines semblent suffisantes pour permettre aux agents des douanes habilités et aux officiers de police judiciaire de copier ces données. On voit mal pourquoi les conserver un mois alors que l’objectif est qu’elles soient utilisées le plus rapidement possible.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il ne paraît pas raisonnable de réduire ce délai : certaines opérations de téléchargement, notamment dans les outre-mer, nécessitent du temps pour déplacer les équipes et des moyens humains et techniques importants.

M. Michel Castellani (LIOT). J’ignorais que les outre-mer disposaient de procédures spécifiques. Quinze jours semblent tout de même un délai raisonnable d’action.

La commission rejette l’amendement CF62.

Amendement CF175 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Le Sénat a introduit une distinction utile, du point de vue opérationnel, entre le téléchargement et la saisie des données stockées sur des serveurs distants. Il semble toutefois réaliste d’introduire un délai entre ces deux étapes : à l’issue du téléchargement, la distinction des données utiles à l’enquête et des autres données ne peut se faire en quelques heures compte tenu du volume de données. Je propose de fixer ce délai à trente jours.

La commission adopte l’amendement CF175.

Amendement CF177 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Suivant la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 sur les principes entourant la saisie, le stockage et la destruction de données copiées, le Sénat a limité le champ des données pouvant être saisies.

Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a également considéré qu’en ne prévoyant aucun délai à l’issue duquel les données copiées caractérisant une menace sans conduire à la constatation d’une infraction devaient être détruites, le législateur n’avait pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

Le présent amendement vise à prolonger la démarche du Sénat, en précisant que les données ne se rapportant pas aux infractions recherchées sont supprimées dans un délai de trente jours à compter de leur saisie.

La commission adopte l’amendement CF177.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF164 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendements de précision CF169, CF176 et CF178 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Ces amendements précisent l’article 10, en cohérence avec des dispositions introduites par le Sénat.

La commission adopte successivement les amendements CF169, CF176 et CF178.

Elle adopte l’article 10 modifié.

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Après l’article 10

Amendement CF63 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement un rapport sur la capacité effective de l’administration des douanes et de la police judiciaire à utiliser les données stockées sur un ordinateur ou un cloud dans le cadre d’une enquête. Il s’agit de dresser un état des lieux des moyens concrets ainsi que des obstacles techniques, juridiques et humains, qui rendent difficiles, sinon impossibles, le gel, la copie, l’extraction et l’exploitation des données numériques sur les téléphones, les ordinateurs et les serveurs en ligne de type cloud des personnes concernées par des enquêtes.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. Ce type de procédure a déjà été appliquée par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, avec succès. L’article 10 sécurise dans le droit une pratique qui a fait ses preuves. Cette demande de rapport ne semble donc pas utile. On pourra en juger à nouveau dans quelques années.

La commission rejette l’amendement CF63.

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Article 10 bis A
(art. 59 octodecies [nouveau] du code des douanes)
Facilitation des communications relatives au contrôle des armes chimiques

 

Adopté par la commission sans modifications

 

L’article 10 bis A, introduit au Sénat par un amendement de Mme Paoli-Gagnin, prévoit un droit de communication spontané ou sur demande entre les agents des douanes et les agents du ministère de la défense pour le contrôle du respect des dispositions de la Convention de Paris du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

I.   les dispositions proposÉes par le sÉnat

La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, signée le 13 janvier 1993 à Paris et entrée en vigueur le 29 avril 1997, est l’un des instruments du droit international interdisant l’usage d’armes chimiques ayant des effets particulièrement néfastes. Cette Convention conforte un principe de base selon lequel les parties à un conflit armé ne disposent pas d’un choix illimité de moyens et de méthodes de combat.

En application de l’article L. 2342-56 du code de la défense, les infractions à la réglementation sur les armes chimiques peuvent être constatées, par les officiers de police judiciaires, des agents du ministère des armés dont la liste est limitative spécialement habilités et les agents des douanes à l’occasion des contrôles effectués en application du code des douanes. 

Toutefois, si le code de la défense prévoit une compétence partagée des agents du ministère des armées et des agents des douanes pour l’application de la Convention de Paris du 13 janvier 1993, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit les modalités de leur coopération.

Tirant les conséquences de cette situation, l’article 10 bis A résulte de l’adoption de l’amendement n° 40 rectifié de Mme Paoli-Gagnin et de huit cosignataires, ayant reçu un avis de sagesse de la commission et un avis favorable du Gouvernement.

Il prévoit que les agents des douanes et les agents du ministère des armées ayant pour mission la mise en œuvre de la Convention de Paris du 13 janvier 1993, ainsi que les personnels agissant pour leur compte ou les assistant puissent se communiquer tous les renseignements ou documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Cette communication peut être spontanée ou sur demande.

II.   La position de la commission

Cet article additionnel entérinant dans le droit des échanges d’informations sensibles pourra permettre d’une part de sécuriser ces échanges d’information et d’autre part de renforcer l’efficacité de ce contrôle.

La commission a adopté cet article sans modification.

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Amendement CF86 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Par cet amendement quasi-rédactionnel, nous soulignons que le transfert de données doit avoir lieu entre les services et dans le cadre des procédures, pas entre agents, sans encadrement.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Cet amendement est plus que rédactionnel, et ne reflète pas la réalité. Les transferts d’information se feront bien entre des agents dont c’est la mission, non entre les services. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF86.

Amendement CF51 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Il s’agit d’apporter des précisions à l’article 10, qui va dans le sens de la convention de Paris sur l’interdiction des armes chimiques. Si garantir la transmission d’informations dans le cadre des enquêtes est essentiel, il est tout aussi vital que cette transmission soit documentée, afin de prévenir tout risque de fuite d’informations et de permettre une traçabilité exhaustive du travail d’enquête effectué par les douanes. Les agents pourront alors réaliser leur travail avec fluidité, grâce à la transmission de l’information, et responsabilité, grâce au suivi.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il semble utile de préciser que la transmission d’informations entre la direction générale des douanes et droits indirects et le ministère de la défense est soit spontanée, soit sur demande. Sans elle, l’article crée un flou quant aux modalités de communication de ces informations. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF51.

Elle adopte l’article 10 bis A non modifié.

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Article 10 bis
(art. 343 bis du code des douanes)
Communication entre les autorités judiciaires et l’administration des douanes sur les éléments laissant présumer une fraude douanière

 

Adopté par la commission sans modifications

 

L’article 10 bis, introduit au Sénat par un amenement du rapporteur de la commission des finances, propose d’étendre la communication d’informations par l’autorité judiciaire aux services des douanes à l’ensemble des procédures judiciaires.

I.   les dispositions proposÉes par le sÉnat

L’article 10 bis a été introduit par la commission des finances du Sénat par l’adoption de l’amendement N° COM-74 du rapporteur.

Cet article additionnel reprend les dispositions d’un amendement n° 3446 au projet de loi de finances pour 2023, déposé par le député M. Louis Margueritte et repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution. Dans la version du texte adopté en lecture définitive à l’Assemblée nationale, l’article 82 reprenait les dispositions de cet amendement. Le Conseil constitutionnel a néanmoins considéré que sans préjuger de la conformité du contenu de cet article à la Constitution, il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, car il n’appartenait pas au domaine des lois de finances.

L’objet de cet article additionnel est d’actualiser la rédaction de l’article 343 bis du code des douanes. Aux termes de cet article, l’autorité judiciaire doit, dans le cadre des instances civiles et commerciales, donner connaissance aux services des douanes de toutes indications qu’elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude douanière ou une manœuvre ayant eu pour objet ou pour résultat d’enfreindre des dispositions législative ou réglementaires se rattachant à l’application du code des douanes.

L’amendement déposé par M. Margueritte au PLF pour 2023 visait à actualiser la rédaction de l’article 343 bis du code des douanes pour inclure dans ce dispositif de communication l’ensemble des instances judiciaires (pénales, civiles et commerciales), à l’occasion de toute procédure judiciaire. Cette évolution est de nature à permettre une relation plus systématique entre l’autorité judicaire et les services douaniers.

II.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 10 bis non modifié.

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Chapitre II
Moderniser les capacités d’action de la douane

Article 11
Élargissement, à titre expérimental, du dispositif de lecteur automatique de plaques d’immatriculation

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 autorise, à titre expérimental pour une durée de trois ans, une exploitation élargie des données collectées par le biais des lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation (LAPI). Afin de faciliter la constatation des délits douaniers de contrebande, d’importation ou d’exportation de marchandises prohibées commises en bande organisée, ou la constatation du délit de blanchiment, les agents des douanes, spécialement habilités et affectés à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, pourront :

– d’une part, consulter les données enregistrées par les LAPI pendant une durée plus longue (quatre mois au lieu de 15 à 30 jours) ;

– d’autre part, consulter de telles données y compris en l’absence de rapprochement positif avec le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) et le système d’information Schengen (SIS) ([134]) ou en l’absence d’une procédure pénale ou douanière.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a souhaité que deux rapports d’évaluation, dont il a précisé le contenu, soient rendus au cours de l’expérimentation. Il a voulu que soient évaluées plusieurs durées de conservation des données (de deux à quatre mois), a décidé la non-publication du décret d’application de l’article, a souhaité que la Cnil motive son avis et a précisé que l’expérimentation est soumise aux dispositions de la loi Informatique et libertés.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article, modifié par quatre amendements rédactionnels de votre rapporteure pour avis.

I.   L’État du droit

Créés par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les LAPI sont soumis à un régime juridique précisé aux articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure.

A.   Un dispositif encadrÉ par la loi

Le code de la sécurité intérieure permet aux services de police et de gendarmerie, ainsi qu’à l’administration des douanes, de mettre en œuvre des LAPI sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international, pour des finalités strictement énumérées :

– la prévention, la constatation et la répression des infractions à caractère terroriste ;

– les infractions criminelles, ou liées à la criminalité organisée ;

– le vol et le recel de véhicules volés ;

– en matière douanière, les délits de contrebande, d’importation ou d’exportation de marchandises prohibées commis en bande organisée, ainsi que la constatation du délit de blanchiment lorsqu’il porte sur les fonds provenant des infractions précitées ([135]).

L’article L. 233-2 précise que les données collectées peuvent faire l’objet d’un traitement automatisé, qui peut être mis en relation avec deux fichiers, le fichier des véhicules volés ou signalés (FOVeS) ([136]) et le système d’information Schengen (SIS) ([137]).

Les données figurant dans ce traitement sont conservées pendant 15 jours et sont effacées en l’absence de rapprochement positif avec les autres traitements. Durant ce délai, aucune consultation des données n’est possible en l’absence de hit – sauf lorsque cela est nécessaire dans le cadre d’une procédure pénale ou douanière. En revanche, en cas de rapprochement positif avec le FOVeS ou le SIS, les données sont conservées pendant un mois – et peuvent l’être plus longuement si les nécessités d’une procédure pénale ou douanière l’imposent.

Ce dispositif a été jugé conforme à la Constitution ([138]).

B.   Un rÉgime juridique qui pose deux principales difficultÉs À l’administration des douanes

L’étude d’impact annexée au projet de loi soulève deux principales limites au dispositif de LAPI pour les douanes :

– d’une part, l’interdiction de consultation des données captées par les LAPI en l’absence de hit avec le FOVeS ou le SIS (en dehors des procédures pénales et douanières), ce qui empêche les douaniers de réaliser des recherches sans avoir déterminé préalablement une cible ;

– d’autre part, les délais de conservation des données, que l’administration des douanes estime insuffisants.

Les douanes constatent en effet une « fragmentation des convoyages de produits stupéfiants, sciemment espacés dans le temps » ([139]). Ainsi, « les véhicules destinés à participer aux convois quittent le territoire national bien en amont des opérations envisagées, pendant une durée suffisante (de plusieurs semaines à plusieurs mois) pour être oubliés des autorités, avant de revenir en France). Ils sont alors associés à d’autres véhicules, acheminés séparément lors de leur retour en France. »

Les délais de conservation actuels des données ne permettent pas de sécuriser la préparation des opérations, en disposant d’une information suffisamment précise concernant les convois que les douaniers doivent intercepter. L’étude d’impact précise d’ailleurs qu’« au cours du premier semestre 2021, la DNRED n’a pu identifier les véhicules impliqués dans un trafic qu’au bout de quatre mois d’enquête dans 32 dossiers. Dans 16 dossiers, les véhicules ont été identifiés au-delà de ces quatre mois. L’absence de profondeur de temps empêche d’analyser a posteriori les trajets effectués par ces véhicules, et donc le mode opératoire des organisations criminelles ».

II.   Le dispositif proposÉ

Afin de renforcer les capacités des services douaniers à lutter contre les réseaux criminels, le I de l’article 11 permet d’élargir, à titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de son décret d’application, les modalités de recours au dispositif LAPI, pour la seule finalité de prévention et de constatation des infractions douanières les plus graves ([140]).

L’expérimentation modifie le régime juridique actuel de deux manières : d’une part, en matière de délais de conservation de données, les données collectées pouvant être conservées durant un délai maximum de quatre mois ; d’autre part, l’expérimentation permet la consultation des données collectées y compris en l’absence de hit avec les fichiers FOVeS et SIS.

Plusieurs garanties prévues à l’article tendent à en assurer la proportionnalité :

– le traitement n’est accessible qu’à des agents du service spécialisé de renseignement des douanes, individuellement désignés et spécialement habilités ;

– l’article 11 exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules, ainsi que toute interconnexion ou mise en relation de fichiers avec d’autres traitements de données à caractère personnel que ceux mentionnés à l’article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure ;

– le traitement des données LAPI procède exclusivement à un signalement d’attention qui ne fonde pas, par lui-même, une décision individuelle ou un acte de poursuite ;

– l’expérimentation exclut la sous-traitance des données collectées à un acteur privé, à l’exception de la conception des outils de traitement des données ([141]).

Le II de l’article prévoit la transmission d’un rapport d’évaluation, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, adressé au Parlement et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ce rapport « mesure notamment l’efficacité du dispositif expérimental pour la lutte contre la criminalité organisée et évalue l’effectivité des garanties apportées pour assurer la protection des données personnelles et le respect de la vie privée. »

Enfin, le III renvoie les modalités d’application à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Cnil. Ce décret doit notamment déterminer les modalités de recherche du traitement, les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation, le nombre maximal de LAPI utilisés dans le cadre de l’expérimentation ([142]) ainsi que les axes de circulation où ils seront installés ([143]). Ce même III dispose que le Gouvernement remet une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel avec la demande d’avis adressée à la Cnil.

L’analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel (AIPD)

Les deux premiers alinéas de l’article 90 de la loi nᵒ 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés disposent : « Si le traitement [de données] est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et les libertés des personnes physiques (…), le responsable de traitement effectue une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel.

Si le traitement est mis en œuvre pour le compte de l’État, cette analyse d’impact est adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés avec la demande d’avis prévue à l’article 33. »

Cette analyse d’impact, dite AIPD, a ainsi pour objectif d’aider les responsables de traitement à construire des traitements de données respectueux de la vie privée. Elle permet également de démontrer leur conformité au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Elle est obligatoire pour les traitements susceptibles d’engendrer des risques élevés, c’est-à-dire ceux figurant sur une liste tenue à jour par la Cnil, ou ceux comprenant au moins deux critères de dangerosité (voir ci-après).

L’AIPD se décompose en trois parties :

– une description détaillée du traitement mis en œuvre, comprenant tant les aspects techniques qu’opérationnels ;

– une évaluation juridique de la nécessité et de la proportionnalité du traitement au regard des principes et droits fondamentaux (finalité, données et durées de conservation, information et droits des personnes, etc.) fixés par la loi ;

– une étude technique des risques sur la sécurité des données (confidentialité, intégrité et disponibilité) ainsi que sur leurs conséquences potentielles sur la vie privée, qui permet de déterminer les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour protéger les données faisant l’objet du traitement.

Source : site internet de la Cnil

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

En commission, outre plusieurs amendements de nature rédactionnelle ([144]), le Sénat a souhaité apporter plusieurs modifications au dispositif :

– par un amendement COM-38 du rapporteur pour avis, les sénateurs ont précisé que le traitement de données LAPI est soumis aux dispositions de la loi Informatique et libertés ;  

– par un amendement COM-39 du même auteur, la commission a souhaité que le rapport d’évaluation de l’expérimentation détaille les effets d’une conservation des données LAPI sur plusieurs durées allant de deux à quatre mois ;

– par un amendement COM-43 du rapporteur pour avis, le Sénat a voulu que trois rapports d’évaluation soient transmis au Parlement, respectivement un an puis deux ans après l’entrée en vigueur du dispositif et, enfin, six mois avant la fin de l’expérimentation. La commission a par ailleurs souhaité, par ce même amendement, préciser le contenu de ces rapports ([145]) ;

– enfin, par un amendement COM-44 du même auteur, la commission a précisé que l’avis de la Cnil doit être motivé. En cohérence avec l’amendement COM-43, elle a inscrit à l’article que le décret d’application ne prévoit plus les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation – détaillées directement dans l’article – mais mentionne en revanche « les catégories de données traitées, les mesures mises en œuvre pour écarter l’exploitation des photographies des véhicules et pour assurer la sécurité des données stockées ». Le même amendement prévoit que le décret, du fait des informations sensibles sur le plan sécuritaire qu’il contiendra, ne sera pas publié, mais que le sens de l’avis rendu par la Cnil sera rendu public ([146]).

En séance publique, plusieurs amendements rédactionnels ont été adoptés par les sénateurs ([147]). Le Sénat a également souhaité, par un amendement n° 37 du Gouvernement, revoir le nombre et la temporalité de la publication des rapports d’évaluation, prévoyant un premier rapport dix-huit mois après l’entrée en vigueur du dispositif et un second rapport six mois avant son échéance. Ce même amendement précise par ailleurs que les rapports d’évaluation comprennent une partie, établie par les services du ministère de la justice, sur l’utilité du dispositif (et non sur son « efficacité », ainsi que le proposait l’amendement COM‑43 du rapporteur pour avis).

IV.   La position de la Commission

La Commission des Lois a adopté cet article, modifié par quatre amendements rédactionnels de sa rapporteure.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF196, CF197, CF198 et CF199 de la commission des lois.

Elle adopte l’article 11 modifié.

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Article 11 bis
(art. 59 novodecies [nouveau] du code des douanes)
Échange d’informations entre les douanes et les agents de la police aux frontières en matière de surveillance des frontières

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Si l’article 59 bis du code des douanes pose pour principe que les agents des douanes sont tenus au secret professionnel, des modalités d’échange d’informations sont déjà prévues par ce même code, pour certaines finalités précises ([148]). Il n’existe néanmoins pas de dispositions dérogatoires au secret professionnel en matière de surveillance des frontières.

Or, comme l’a précisé la DGDDI à votre rapporteure pour avis dans sa contribution écrite, « sur le plan opérationnel, cette absence de dérogation au secret a d’ores et déjà soulevé des difficultés sur le territoire. Ainsi, dans le cadre de la lutte contre les passeurs qui organisent les nombreux départs de migrants à partir des côtes du nord de la France à destination de la Grande-Bretagne, les forces de police ont souhaité disposer d’informations relatives aux déclarations en douane, souscrites pour l’importation dans l’Union des embarcations pneumatiques utilisées. Il n’a pas été possible, faute de base légale, de donner une suite favorable à cette demande. »

Le présent article, inséré par un amendement déposé en séance publique par le sénateur Jérôme Bascher, complète le chapitre III du titre II du code des douanes, consacré aux immunités, à la sauvegarde et aux obligations des agents des douanes afin d’y insérer un article 59 novodecies prévoyant de nouvelles modalités d’échange d’informations entre les douanes et les agents de la police aux frontières en matière de surveillance des frontières.

Cet article permet aux agents des douanes, de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés de missions de police aux frontières de « se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières » ([149]).

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 11 bis non modifié.

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Article 11 ter
(art. 28-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Création de la catégorie d’agents de douane judiciaire

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit en séance publique par un amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, l’article 11 ter crée la catégorie d’agents de douane judiciaire. Ces agents, qui disposent des mêmes prérogatives que celles dévolues aux agents de police judiciaire, sont ainsi chargés de suppléer les officiers de douane judiciaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel de votre rapporteure pour avis.

 

I.   L’État du droit

L’article 28-1 du code de procédure pénale permet aux agents des douanes de catégorie A et B, spécialement désignés et habilités après avis conforme d’une commission, d’effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la république ou sur commission rogatoire du juge d’instruction. Ces officiers de douane judiciaire (ODJ) sont rattachés au service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) ([150]).

Compétents sur tout le territoire, ces ODJ peuvent rechercher et constater certaines infractions énumérées par l’article 28-1 ([151]). Co-saisis avec des officiers de police judiciaire (OPJ), les ODJ peuvent par ailleurs rechercher et constater, au titre du II du même article, les infractions de trafic de stupéfiants, de blanchiment et de financement de terrorisme, ainsi que des infractions qui leur sont connexes.

Dans le cadre de leurs missions, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux OPJ, et détiennent ainsi l’ensemble des pouvoirs de police judiciaire inscrits dans le code de procédure pénale. Ils peuvent notamment recevoir les plaintes, procéder aux enquêtes, exécuter les réquisitions et placer un individu en garde à vue. Ils exercent une autorité hiérarchique sur les agents de police judiciaire (APJ) et les agents de police judiciaire adjoints (APJA). Ils peuvent procéder à des auditions, perquisitions et saisies sur l’ensemble du territoire national, sous réserve d’une information préalable du magistrat saisi de l’enquête et de celui sur le ressort duquel ces actes d’enquête peuvent être réalisés.

Le V de l’article 28-1 du code de procédure pénale précise que les officiers de douane judiciaire sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction, comme cela est le cas des officiers de police judiciaire (OPJ) ([152]). Le VI du même article dispose par ailleurs que les ODJ sont également placés sous la direction administrative de l’ordre judiciaire. Le VII, enfin, dispose qu’ils ne peuvent, à peine de nullité, exercer d’autres attributions ou accomplir d’autres actes que ceux prévus par le code de procédure pénale, dans le cadre des faits dont ils sont saisis par l’autorité judiciaire.

Si les prérogatives dévolues aux ODJ sont, en théorie, particulièrement larges, le Gouvernement regrette qu’en pratique « la part du métier d’enquêteur consacrée à l’investigation tend à diminuer au profit d’une mission tournée vers la formalisation d’actes d’enquête obligatoire (…) En moyenne, les services d’investigation estiment que deux tiers des procès-verbaux composant une procédure répondent à des exigences uniquement formelles de la procédure pénale » ([153]).

II.   Le dispositif proposÉ

Introduit par un amendement portant article additionnel du Gouvernement, l’article 11 ter crée un nouvel article 28-1-1 au sein du code de procédure pénale instaurant la fonction d’agent de douane judiciaire (ADJ), affectés au SEJF et chargés d’assister et de seconder les ODJ. Cet amendement a fait l’objet d’un sous-amendement du rapporteur, adopté par le Sénat.

A.   La fonction d’agent de douane judiciaire dans la rÉdaction initialement proposÉe par le Gouvernement

L’article 11 ter permet à certains agents des douanes, formés et ayant réussi un examen certifiant leur aptitude, et spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, d’exercer les missions dévolues aux agents de police judiciaire dans le cadre des enquêtes judiciaires dirigées par les ODJ.

Compétents sur l’ensemble du territoire national, ces ADJ sont dotés des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux APJ et les V, VII et VIII de l’article 28-1 du code de procédure pénale leur sont applicables.

Par ailleurs, l’article 11 ter précise que ces agents sont autorisés à déclarer l’adresse du siège du service dont ils dépendent comme domicile. 

Les agents de police judiciaire

Les officiers de police judiciaire (OPJ) sont assistés par des agents de police judiciaire (APJ) dans l’exercice de leurs missions, dont les prérogatives et obligations sont définies aux articles 20 et suivants du code de procédure pénale.

Les gendarmes et les fonctionnaires gardiens de la paix qui ne sont pas OPJ peuvent être désignés APJ par arrêté interministériel. Les policiers stagiaires sont également considérés comme des APJ, de même que les membres retraités de la réserve de la gendarmerie ou de la police nationale ayant exercé en tant qu’OPJ ou APJ pendant au moins cinq ans. Comme les OPJ, les fonctionnaires et militaires ayant le statut d’agents de police judiciaire doivent être affectés à des postes impliquant l’exercice de prérogatives de police judiciaire pour pouvoir les exercer.

Sous la supervision des OPJ, les APJ constatent toutes sortes d’infractions et en rédigent les procès-verbaux. Ils enregistrent les déclarations de témoins par procès-verbal et sont autorisés à effectuer certains actes de police judiciaire. Ils peuvent mener des enquêtes préliminaires de leur propre initiative ou suite à une demande de leur hiérarchie ou du procureur de la République, à l’exception des actes relevant de la compétence exclusive des OPJ.

La création de cette nouvelle catégorie d’agents doit permettre, selon le Gouvernement, « de déléguer à d’autres agents des douanes certaines diligences et actes formels chronophages pour leur permettre de consacrer plus de temps à la rédaction des actes d’investigation de fond. Or, aujourd’hui, les ODJ effectuent des actes et des tâches qui ne nécessitent pas de compétence particulière et qui sont réalisés, dans les services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales, par des agents qui ne disposent pas de la qualité d’OPJ. » ([154])

1.   Les modifications adoptées par un sous-amendement du rapporteur pour avis

Par un sous-amendement du rapporteur pour avis, le Sénat a souhaité préciser la rédaction proposée par le Gouvernement sur quatre points :

– d’une part, il a renvoyé à un décret en Conseil d’État précisant les modalités de formation et d’examen des agents de douane judiciaire ;

– d’autre part, il a tenu à déterminer les infractions pour lesquelles ces agents pourront être habilités à intervenir, en procédant par renvoi à l’énumération des infractions visées par l’article 28-1 du code de procédure pénale ;

– il a souhaité rappeler que les enquêtes auxquelles participeront ces agents seront dirigées par un magistrat, en précisant qu’ils exercent leurs prérogatives sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction ;

– enfin, il a exclu la possibilité, pour ces agents, de procéder à des enquêtes sous pseudonyme.

III.   La position de la Commission

La commission des Lois a adopté l’article, modifié par un amendement rédactionnel de votre rapporteure pour avis.

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Amendement rédactionnel CF200 de la commission des lois.

Mme Perrine Goulet (Dem). Les agents en question ne devront pas avoir satisfait à une formation – donc l’avoir réussie –, mais seulement l’avoir suivie ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Sur un plan légistique, cela revient au même tout en permettant de conserver un terme identique dans tous les textes. Il s’agit d’une précision rédactionnelle.

M. Charles de Courson (LIOT). Il est possible de suivre une formation sans pour autant, à son issue, avoir le niveau. Il me paraît préférable de privilégier la formule « satisfait à une formation ».

Mme Véronique Louwagie (LR). Ce n’est pas un amendement rédactionnel. « Satisfaire à » ou « suivre », en l’occurrence, ce n’est pas exactement pareil, même si la seconde formule a ma préférence.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’alinéa 2 de l’article dispose en l’état que « ces agents sont désignés par arrêté du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, après avoir satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions prévues au présent article […] ». La formation suivie sera donc sanctionnée par un examen. Vous devriez être rassurés.

La commission adopte l’amendement CF200.

Elle adopte l’article 11 ter modifié.

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—  1  —

Article 11 quater
(art. L. 242-5 du code de la sécurité intérieure)
Recours aux drones par les agents des douanes afin de mieux détecter les mouvements transfrontaliers de tabac et mieux surveiller les frontières

La commission des finances a délégué l’examen au fond de cet article à la
commission des lois.

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat, l’article 11 quater permet aux agents des douanes de recourir aux caméras aéroportées dans le cadre de leur mission de lutte contre les mouvements transfrontaliers de tabac, ainsi que de surveillance des frontières, aux fins de prévenir leur franchissement irrégulier.

       Dernières modifications législatives

La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a créé un nouveau chapitre au sein du code de la sécurité intérieure, composé des articles L. 242-1 à L. 242-8. Ces articles encadrent la mise en œuvre par les forces de sécurité des dispositifs de captation d’images installés sur l’ensemble des aéronefs, en précisant les finalités pour lesquelles la captation d’images par des caméras aéroportées peut être autorisée, les procédures d’autorisation applicables et les modalités d’utilisation et de conservation des données recueillies.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le II de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure permet aux agents des douanes, dans l’exercice de leurs missions de prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées, de procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs. Les drones permettent ainsi, « par exemple, de repérer des manœuvres visant à éviter les contrôles douaniers, comme un arrêt à une aire d’autoroute avant un péage contrôlé. [Ils sont] donc un œil déporté des agents des douanes pour repérer ces mouvements que les agents en contrôle ne pourraient voir autrement. » ([155])

L’article 38 du code des douanes définit les marchandises prohibées comme étant celles « dont l’importation ou l’exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité ou de conditionnement ou à des formalités particulières » ce qui exclut le tabac manufacturé.

Par ailleurs, le I de ce même article permet aux policiers, gendarmes et militaires de recourir à de tels dispositifs pour plusieurs finalités qu’il énumère :

«  La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;

  La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l’ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ;

  La prévention d’actes de terrorisme ;

  La régulation des flux de transport, aux seules fins du maintien de l’ordre et de la sécurité publics ;

  La surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;

  Le secours aux personnes. »

Dans tous les cas, l’emploi de caméras aéroportées est conditionné au respect de conditions strictes définies par la loi. En particulier :

– les dispositifs aéroportés sont employés de telle sorte qu’ils ne permettent pas de recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni celles de leurs entrées, sauf exception déterminées en fonction des circonstances de l’intervention (III de l’article L. 242-5) ;

– le recours aux drones doit faire l’objet d’une autorisation par décision écrite et motivée du préfet, déterminant l’objectif poursuivi pour une durée limitée (IV du même article) ;

– le nombre maximal de drones pouvant être autorisés dans chaque département est défini par arrêté du ministre de l’Intérieur (VII de l’article L. 242‑5) ;

– les caméras aéroportées ne peuvent ni procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d’autres traitements de données (article L. 242-4) ;

– hors le cas où les drones sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les images sont conservées pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif (même article).

II.   Le dispositif proposÉ

Introduit par un amendement du Gouvernement déposé en séance publique au Sénat, l’article 11 quater étend les cas d’utilisation des drones pour les agents des douanes.

Modifiant le II de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure à cette fin, il leur permet ainsi de recourir à de tels dispositifs dans le cadre de leur mission de lutte contre les mouvements transfrontaliers de tabac, ainsi que de surveillance des frontières, aux fins de prévenir leur franchissement irrégulier.

III.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous nous opposons à cet article autorisant les agents des douanes à utiliser des drones afin de lutter contre le trafic de tabac mais aussi pour surveiller le franchissement des frontières par les migrants. La dérive « technologisante » de notre société est de plus en plus inquiétante.

Lors de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), nous avions l’assurance que la reconnaissance faciale ne serait jamais utilisée ; or le Sénat vient de valider une telle possibilité, de même que la possibilité de déclencher à distance le micro et la caméra d’un téléphone mobile. Peu à peu, notre monde ressemble à celui de 1984, ce dont nous ne voulons pas.

Nous ne sommes pas opposés au dispositif Lapi car nous n’avons aucune hostilité de principe à l’endroit des technologies, mais à condition que la vie privée de nos concitoyens soit protégée et qu’il n’y ait pas de dérive.

M. Patrick Hetzel (LR). Cet article vise principalement à pouvoir lutter contre la vente illicite de tabac. Les buralistes, notamment en milieu rural, nous font part de leurs difficultés en raison de ces trafics. Il me semble que la réponse proposée ne doit pas être balayée d’un revers de la main, bien au contraire.

M. Fabien Di Filippo (LR). À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, nous constatons un affaiblissement des possibilités d’intervention de nos douanes. Nous devons donc procéder à un rééquilibrage, notamment à travers des instruments technologiques, dès lors que le périmètre d’intervention est réduit, que les modalités de prévenance de la justice sont augmentées et les entraves multipliées.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Il s’agit d’une expérimentation, élaborée avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et très encadrée, puisque celle-ci a demandé de prévoir une dizaine de garanties. Deux rapports seront ensuite publiés et la Cnil pourra se prononcer sur la nécessité de conserver ou non les données obtenues pendant quatre mois.

S’agissant de l’utilisation des drones, je vous rappelle que les agents des douanes ont également pour mission de surveiller les frontières et que cet outil leur sera donc nécessaire, de même que pour lutter contre le trafic de tabac, ce qui jusqu’alors n’était pas possible.

Mme Nadia Hai, rapporteure. J’espère que M. Léaument et son groupe changeront d’avis d’ici à l’examen en séance publique. Les trafiquants utilisent des drones ! Croyez-vous qu’ils se soucient de la Cnil et d’un encadrement juridique ? Ces outils technologiques doivent être mis à disposition des agents dont l’une des missions consiste à surveiller les frontières et à lutter contre les trafics en tout genre, notamment celui du tabac.

M. le président Éric Coquerel. Cela dit, heureusement que les agents de l’État n’utilisent pas toutes les méthodes des trafiquants.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Bien évidemment !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’argument de la rapporteure est en effet spécieux ! J’espère qu’elle changera d’avis et renoncera à l’utiliser en séance publique !

Le dispositif Lapi permet de photographier les plaques d’immatriculation des véhicules qui se déplacent. Nous sommes favorables à son expérimentation mais à condition que la durée de conservation des données soit plus courte. Pour la préservation de la vie privée, il importe d’éviter de prendre en photo les visages ou il convient de les flouter, comme le recommande la Cnil. Imaginez qu’un douanier découvre que sa compagne ou son compagnon est en voiture avec quelqu’un d’autre et qu’ils se livrent à des privautés ! Réfléchissez à de tels cas de figure d’ici à l’examen en séance !

La commission adopte l’article 11 quater non modifié.

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Article 12
(art. 67 D-5, 67 D-6, 67 D-7, 67 D-8 et 67 D-9 [nouveaux] du code des douanes)
Prévention des infractions commises par l’intermédiaire d’internet

 

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 12 vise à créer une procédure de vigilance des plateformes et hébergeurs quant aux contenus qu’elles hébergent et qui ont permis la commission de certaines infractions douanières. Ce devoir de vigilance ne pourra être enclenché qu’après signalement par les agents des douanes, garantissant la conciliation de cette procédure avec le principe de responsabilité limitée des hébergeurs.

Le dispositif prévoit également que si les plateformes à qui les contenus problématiques ont été signalés n’ont pas retiré ou suspendu l’accès à ces contenus, les agents des douanes pourront initier deux mesures graduées permettant de garantir qu’ils ne soient plus accessibles.  

I.   Le droit existant

A.   un devoir de signalement et de vigilance des plateformes de plus en plus ÉTOFFÉ

Le développement du commerce et des échanges en ligne a conduit le législateur à bâtir au cours des dernières années un cadre juridique riche dont la tendance principale est le renforcement des obligations pesant sur les acteurs privés en matière de signalement et de retrait des contenus illicites.

1.   Les acteurs du numérique

Les échanges en ligne font intervenir un grand nombre d’acteurs, nouveaux pour beaucoup, dont le droit a dû progressivement se saisir.

La loi du n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a traduit dans le droit français la distinction entre éditeurs et hébergeurs, issue du droit communautaire ([156]).

Le 2 du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 définit les hébergeurs comme étant « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le statut d’hébergeur est applicable lorsque le prestataire ne joue pas de rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ([157]). Un hébergeur peut par exemple assurer un service de référencement en ligne à condition qu’il soit neutre au regard des informations stockées, « en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif » ([158]) .

Aux termes du même article 6 de la loi du 21 juin 2004, les hébergeurs bénéficient d’un régime de responsabilité limitée : ils « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services ». Cette responsabilité limitée est applicable si les hébergeurs n’avaient pas « effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où [ils] en ont eu cette connaissance, [ils] ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible » ([159]).

Aux termes du 1 du III du même article 6, les éditeurs sont définis comme « les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne ». Les éditeurs se définissent, au contraire des hébergeurs, par une maîtrise éditoriale quant à leurs contenus, et en sont donc responsables. Ainsi, les éditeurs jouent un rôle actif sur les contenus qu’ils mettent en ligne, tandis que les hébergeurs ont la tâche de rendre accessibles ces contenus sans avoir de rôle actif à leur égard ([160]).

Le I de l’article 49 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique définit un opérateur de plateforme en ligne comme étant « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ». Ces dispositions sont désormais codifiées à l’article L. 111-7 du code de la consommation.

Le 1° de l’article L. 111-7 du code de la consommation vise donc principalement les services de communication en ligne qui fournissent une porte d’accès sur d’autres services en ligne. Il peut d’agit de moteurs de recherche, d’agrégateurs ou de comparateurs de prix. Le 2° vise les places de marché, dont l’objet est de permettre la mise en relation entre des vendeurs et des acheteurs ou entre des personnes souhaitant échanger un bien, les magasins d’application ou des réseaux sociaux.

L’opérateur peut avoir un statut d’hébergeur, s’il s’abstient de contrôler les contenus. Dans son arrêt 345 F-D rendu au pourvoi n° 20-21.744, la Cour de cassation a confirmé qu’en occupant « un rôle actif » dans la revente de billets d’événements sportifs, un site ne pouvait bénéficier de la responsabilité limitée des hébergeurs. De la même manière, dans un arrêt du 25 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris a indiqué que pour déterminer si un acteur peut se prévaloir ou non de la qualité d’hébergeur, il convient de « rechercher s’il existe ou non dans le fonctionnement du site une fourniture d’options ou d’outils excédant des prestations techniques automatisées et permettant de retenir un contrôle et une maîtrise sur les contenus des annonceurs ».

Dans le cas contraire, la plateforme ne peut bénéficier du régime exonératoire de responsabilité des hébergeurs, étant donné qu’elle « joue un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données [qu’elle] stockait » ([161]). En l’espèce, le fait que les sociétés fournissent des informations aux vendeurs pour leur permettre d’optimiser leurs ventes, les assistent dans la définition et la description des objets mis en œuvre, ou encore envoient des messages spontanés à l’attention des acheteurs pour les inciter à acquérir et invitent l’enchérisseur qui n’a pas pu remporter une enchère à se positionner sur des objets similaires sélectionnés par elles doit donc écarter l’application du régime de responsabilité limitée dont bénéficient les hébergeurs ([162]).

2.   Les obligations de signalement et de retrait des contenus illicites

La loi oblige tout d’abord les fournisseurs d’accès et les hébergeurs à mettre en place des dispositifs permettant aux internautes de signaler des contenus illicites. Ils doivent également informer les autorités des activités illicites dont ils auraient eu connaissance.

Les matières concernées par cette obligation de mise à disposition d’un moyen de signalement, énumérées au 7 de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, sont de plus en plus nombreuses. Limitées initialement aux contenus faisant l’apologie de crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale et de pornographie enfantine ([163]), elles comprennent désormais la négation et la banalisation des crimes contre l’humanité, la provocation à la commission d'actes de terrorisme et leur apologie, la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que les atteintes à la dignité humaine ([164]).

En application des dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, la responsabilité des hébergeurs peut être engagée si, après avoir pris connaissance du contenu manifestement illicite des contenues ou dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles n’ont pas agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.

Au-delà de ce devoir de vigilance, le droit en vigueur comporte plusieurs possibilités de blocage judiciaire et administratif de l’accès à des contenus illicites.

Le blocage judiciaire est ordonné par le président du tribunal judiciaire et permet de prescrire « à toute personne susceptible d’y contribuer toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne » ([165]).

L’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse permet la mise en œuvre d’un référé permettant le blocage d’un site internet en cas de trouble manifestement illicite résultant de messages ou d’informations mis à la disposition du public.

L’article 706-23 du code de procédure pénale prévoit un référé spécial autorisant l’arrêt d’un service de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie.

L’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, créé par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, permet à l’autorité administrative de demander aux hébergeurs et aux éditeurs retirer les contenus constituant des délits de provocation à des actes de terrorisme, l’apologie de tels actes ([166]) ou des actes de pornographie enfantine ([167]).

Enfin, l’article 6-4 de la loi du 21 juin 2004, créé par l’article 42 de la loi du 24 aout 2021 confortant le respect des principes de la République, étend l’obligation de concourir à la lutte contre la diffusion des contenus illicites ([168]) aux opérateurs de plateforme en ligne qui proposent des services de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français. Aux termes de cet article, ils doivent déployer des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant :

– d’informer les autorités judiciaires ou administratives des actions qu’ils ont mises en œuvre à la suite des injonctions émises par ces autorités relatives aux contenus illicites ;

– d’accuser réception sans délai des demandes des autorités judiciaires ou administratives tendant à la communication des données dont ils disposent, de nature à permettre l’identification des utilisateurs qui ont mis en ligne des contenus illicites, et d’informer ces autorités dans les meilleurs délais des suites données à ces demandes ;

– lorsqu’ils ont une activité de stockage de contenus, de conserver temporairement les contenus qui leur ont été signalés comme illicites et qu’ils ont retirés ou rendus inaccessibles, aux fins de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales.

Les agents habilités de la DGCCRF disposent également d’un pouvoir d’injonction générale de mise en conformité. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de la consommation, les agents habilités peuvent, à l’issue d’une procédure contradictoire, « enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu’ils fixent, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite ». Ce pouvoir d’injonction a fait l’objet de précisions pour son application aux contenus en ligne.

Tout d’abord, dans le cadre d’une injonction de mise en conformité prévue à l’article L. 521-3-1 du code de la consommation, les agents de la DGCCRF qui constatent une infraction aux dispositions du code de la consommation et aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d’une interface en ligne peuvent par voie de réquisition :

– ordonner aux opérateurs de plateforme en ligne et aux hébergeurs de faire apparaitre un message avertissant les consommateurs du risque encouru lorsqu’ils accèdent aux contenus manifestement illicites ;

– lorsque l’infraction est passible d’une peine d’au moins deux ans de prison et qu’elle est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs, les agents peuvent ordonner aux opérateurs de plateformes de prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser le référencement, de limiter l’accès, ou d’ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d’un nom de domaine, d’une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l’infraction constatée persiste, d’une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l’autorité compétente.

Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition constitutionnelle ([169]).

Enfin, une saisine de la juridiction civile est également possible. L’article L. 524-3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, a en effet permis de satisfaire aux dispositions du règlement (UE) 2017/2394 du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004, qui impose aux États membres de se doter de compétences minimales pour sanctionner les infractions au règlement. Aux termes de cet article, les agents habilités de la DGCCRF peuvent demander à l’autorité judiciaire de prescrire aux hébergeurs et aux fournisseurs d’un service public téléphonique « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé par le contenu d’un service de communication au public en ligne ou d’un service téléphonique » ([170]).

B.   le dÉlit d’importation de marchandises prohibÉes et de produits du tabac ne faisant pas l’objet d’obligations de signalement

De manière générale, les ventes au détail en ligne ont considérablement augmenté au cours des dernières années : leur part est passée de 16 % du total des ventes en 2019 à 19 % en 2020 ([171]). Cette croissance de l’importance relative du commerce électronique s’accompagne d’une hausse substantielle du chiffre d’affaires correspondant : d’après les données de la Fevad, au 1er trimestre 2023, les ventes en ligne atteignent 39,2 milliards d’euros, en hausse de 20,2 % sur un an.

Cette augmentation massive du commerce en ligne s’accompagne du développement, non moins massif, de la vente de produits prohibés et en premier lieu de contrefaçons. D’après l’étude d’impact, 62 % des constatations douanières en la matière ont été effectuées par le fret express ou postal en 2020. Cette tendance est confirmée par les informations reçues par la rapporteure : la crise sanitaire a généré un recours désormais durable au fret postal et au fret express pour les trafics de tabac. En 2019, 15 tonnes de produits (lors de 2 865 constatations) ont été saisis. En 2021, 23 tonnes (lors de 4 087 constatations) l’ont été. Les saisies réalisées par ce vecteur sont néanmoins revenues à leur niveau d’avant-crise, atteignant tout de même 13,3 tonnes (lors de 3 125 constatations) en 2022.

Dans le rapport d’information déposé à la fin de la précédente législature en conclusion des travaux de la mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, les députés Zivka Park et Éric Woerth soulignaient ainsi fait que la lutte contre les trafics de tabac ne se limite plus aux frontières, mais se développe fortement sur internet.

Plusieurs dispositions interdisent pourtant de se livrer à la vente ou à l’achat à distance de tabac ou de marchandises prohibées. En cohérence avec le monopole de la vente au détail réalisée par l’intermédiaire de débitants désignés comme préposés de l’administration et tenus à droit de licence ([172]), l’article 568 ter du code général des impôts interdit la vente à distance de produits du tabac manufacturé, y compris lorsque l’acquéreur est situé à l’étranger.

En outre, et en complément des sanctions fiscales prévues à l’article 1791 ter du CGI, le 10° de l’article 1810 du code général des impôts détermine une sanction pénale de six mois d’emprisonnement et la confiscation des moyens applicables au délit de fabrication de tabacs, détention frauduleuse en vue de la vente, vente ou transport en fraude de tabacs fabriqués, quelles que soient l’espèce ou la provenance de ces tabacs.

Enfin, l’article 414 du code des douanes caractérise comme délit douanier de première classe tout fait de contrebande ainsi que tout fait d’importation ou d’exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises prohibées au sein du code des douanes (c’est-à-dire les marchandises énumérées à l’article 38 du même code) ou aux produits du tabac manufacturé.

Les marchandises prohibées en application de l’article 38 du code des douanes

En application de l’article 38 du code des douanes, sont considérées comme prohibées toutes marchandises dont l’importation ou l’exportation est interdite à quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité ou de conditionnement ou à des formalités particulières.

Lorsque l’importation ou l’exportation n’est permise que sur présentation d’une autorisation, licence, certificat, etc., la marchandise est prohibée si elle n’est pas accompagnée d’un titre régulier ou si elle est présentée sous le couvert d’un titre non applicable.

Ces dispositions sont applicables :

– aux produits liés à la défense dont le transfert est soumis à l'autorisation préalable prévue à l'article L. 2335-10 du code de la défense, aux produits chimiques inscrits au tableau 1 annexé à la convention de Paris et mentionnés à l'article L. 2342-8 du même code, aux matériels mentionnés à l'article L. 2335-18 dudit code ainsi qu'aux produits explosifs destinés à des fins militaires mentionnés à l'article L. 2352-1 du même code ;

– aux marchandises relevant des articles 2 et 3 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane ;

– aux biens culturels et trésors nationaux relevant des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du patrimoine ;

– aux substances classifiées en catégorie 1 par l'annexe I au règlement (CE) n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, relatif aux précurseurs de drogues ;

– aux marchandises mentionnées à l'article L. 5132-9 du code de la santé publique ;

– aux médicaments à usage humain mentionnés à l'article L. 5124-13 du même code ;

– aux micro-organismes et aux toxines mentionnés à l'article L. 5139-1 dudit code ;

– aux médicaments à usage vétérinaire mentionnés à l'article L. 5142-7 du même code ;

– aux produits phytopharmaceutiques mentionnés au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil ;

– aux marchandises contrefaisantes ;

– aux produits sanguins labiles et aux pâtes plasmatiques mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 1221-8 du code de la santé publique, au sang, ses composants et ses produits dérivés à des fins scientifiques mentionnés à l'article L. 1221-12 du même code ;

– aux organes, tissus et leurs dérivés, cellules, gamètes et tissus germinaux issus du corps humain ainsi qu'aux préparations de thérapie cellulaire et aux échantillons biologiques mentionnés aux articles L. 1235-1, L. 1243-1, L. 2141-11-1, L. 1245-5 et L. 1245-5-1 dudit code ;

– aux cellules souches embryonnaires humaines mentionnées à l'article L. 2151-8 du même code ;

– aux sources artificielles et naturelles de radionucléides définies à l'article L. 1333-1 dudit code et relevant des articles L. 1333-4 et L. 1333-8 du même code ;

– aux déchets définis à l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement dont l'importation, l'exportation ou le transit sont régis par la section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre V du même code ainsi que par le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets, et les décisions des autorités de l'Union européenne prises en application de ce règlement ;

– aux objets de toute nature comportant des images ou des représentations d'un mineur à caractère pornographique mentionnées à l'article 227-23 du code pénal ;

– aux produits du tabac manufacturé ayant fait l'objet d'une opération mentionnée au I de l'article 568 ter du code général des impôts ;

– aux produits cosmétiques mentionnés à l'article L. 5131-1 du code de la santé publique contenant des substances interdites ou soumises à restrictions au titre du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques ;

– aux selles destinées à la préparation de microbiote fécal à des fins thérapeutiques ainsi qu'aux préparations de microbiote fécal.

Toutefois, il n’existe pas dans le code des douanes de dispositions permettant de lutter contre les contenus illicites en ligne portant sur des marchandises prohibées (par exemple des contrefaçons ou médicaments falsifiés) ou sur l’importation ou l’exportation de produits du tabac, dont la vente et l’acquisition en ligne sont interdites. Les agents des douanes ne disposent donc pas de moyens ad hoc permettant d’appréhender ces délits commis via internet.

II.   le droit proposÉ

L’article 12 propose de créer un nouveau chapitre V bis au sein du titre II du code des douanes, afin d’instaurer un devoir de vigilance des opérateurs de plateforme quant aux contenus présents sur leur site, une fois informés du fait que ces contenus ont permis de commettre certains délits douaniers.

Ce dispositif est proche, dans l’esprit, du droit de réquisition dont dispose la DGCCRF pour les infractions en ligne au droit de la consommation (cf. supra).

A.   la dÉfinition des acteurs concernÉs

L’article 12 propose tout d’abord de créer un article 67 D-5 du code des douanes, qui définit les acteurs concernés et les notions retenues par les dispositions du chapitre nouvellement créé. Ces acteurs sont de deux ordres :

– les intermédiaires désignent les opérateurs de plateforme au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation et les hébergeurs (cf. supra) ;

– une interface en ligne s’entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d’accéder aux biens et services qu’il propose. Cette définition du projet de loi correspond à l’acception faite de la notion par le 15) de l’article 3 du règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004.

B.   le devoir de vigilance et de retrait imposÉ aux intermÉdiaires

L’article 67 D-6 constitue le cœur du dispositif de vigilance et de communication des intermédiaires. Ce dispositif comprend plusieurs étapes et il porte sur un périmètre précis d’infraction.

● Tout d’abord, les agents des douanes peuvent enclencher le devoir de vigilance s’ils constatent qu’une infraction de contrebande ou tout fait d’importation ou d’exportation sans déclaration se rapportant à des marchandises prohibées ou aux produits du tabac manufacturé ([173]), ou une infraction de vente ou d’acquisition de tabac mentionnée au 10° de l’article 1810 du code général des impôts, est commise en ayant recours à un moyen de communication électronique.

Une fois l’infraction constatée, les agents des douanes pourront ainsi inviter les intermédiaires (opérateurs de plateforme et hébergeurs) à leur faire connaître, dans un délai qu’ils fixent, si les services de communication en ligne qu’ils proposent, ou le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages auxquels ils procèdent, ont permis la commission de l’infraction.

Les agents pouvant mettre en œuvre cette mesure doivent avoir au moins le grade de contrôleur et doivent être spécialement habilités par leur chef de circonscription.

● L’intermédiaire peut ensuite formuler des observations dans un délai fixé par les agents des douanes. Après avoir pris connaissance de ces observations ou en l’absence de telles observations, les agents des douanes habilités peuvent signifier à l’intermédiaire, par un avis motivé, que les services de communication en ligne ou de stockage de données (signaux, écrits, images, sons, messages) ont permis la commission de l’infraction.

● Après réception de l’avis motivé et dans le délai imparti par ce dernier, qui ne peut être inférieur à 48 heures, l’intermédiaire informe l’autorité qui a émis l’avis des suites qu’il y a données. Il précise en outre les mesures qu’il entend prendre ou a prises pour afin que les contenus ayant permis la commission de l’infraction soient retirés ou rendus inaccessibles. La date d’effectivité de ces mesures est également communiquée.

L’objectif de cette procédure est donc bien de procéder au retrait ou de rendre inaccessibles les contenus ayant permis de commettre l’infraction.

Concrètement, une fois que l’achat de tabac ou d’une marchandise prohibée est réalisé en ligne (par exemple, des contrefaçons), la marchandise est expédiée en France et fait dès lors l’objet d’une importation interdite. Le délit prévu à l’article 414 du code des douanes est ainsi constaté et la procédure de vigilance peut être enclenchée.

Il convient ainsi de noter que cette procédure ne peut être enclenchée qu’après la commission d’un délit douanier ou d’une infraction à la législation en matière de vente ou d’acquisition de tabac à distance, et ne constitue en aucun cas un moyen de prévention de la commission d’un tel délit.

Elle n’a pas non plus pour effet de créer un devoir de surveillance des hébergeurs quant aux contenus présents sur leurs plateformes. Un tel devoir de surveillance serait en effet contraire au régime de responsabilité limitée dont ils jouissent en application du droit communautaire ([174]). En revanche, la directive n° 2000/31/CE ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction ou une autorité administrative puisse enjoindre à un prestataire de supprimer une information ou d’en bloquer l’accès si elle est identique ou équivalente à une information déjà déclarée illicite. Le dispositif proposé s’articule donc sans difficulté avec les exigences du droit communautaire.

C.   LES CONSÉQUENCES DE l’absence de respect du devoir de vigilance et de retrait

L’article 12 propose également de créer l’article 67 D-7, qui détermine les conséquences de l’inaction de l’intermédiaire saisi par les agents des douanes. Aux termes de cet article nouvellement créé, lorsqu’il apparait, malgré l’envoi de l’avis motivé, que les contenus ayant permis la commission de l’infraction sont toujours présents ou accessibles, les agents des douanes peuvent mettre en œuvre deux mesures différentes :

– demander à tout opérateur de registre, bureau d’enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d’annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles pour faire cesser le référencement, ou de procéder à la suspension du nom de domaine pour une durée de trois mois renouvelable une fois. L’objectif est de prévenir la communication de l’adresse électronique des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites ;

– demander au tribunal judiciaire, selon la procédure prévue à l’article 375 du code des douanes, la suppression d’un ou plusieurs noms de domaines en raison de leur caractère illicite auprès de tout opérateur de registre ou de tout bureau d’enregistrement de domaines, d’un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d’un opérateur de plateforme en ligne.

Ces deux mesures peuvent faire l’objet d’une mesure de publicité, décidée par le tribunal judiciaire s’il est sollicité pour la suspension d’un ou plusieurs noms de domaines ou comptes.

La rapporteure formule deux remarques quant à la rédaction initiale du projet de loi. Tout d’abord, l’article 375 du code des douanes permet à l’administration des douanes de demander au tribunal judiciaire la confiscation en nature des objets saisis sur des inconnus ou sur des individus qui n’ont pas fait l’objet de poursuites en raison du peu d’importance de la fraude. Cette procédure, certes connue des services douaniers, n’a donc que peu de lien avec le devoir de vigilance des plateformes.

En outre, la distinction faite entre la première mesure appliquée aux contenus manifestement illicites, et la seconde mesure, visiblement plus grave mais appliquée seulement aux contenus illicites, crée une confusion quant à la nature des mesures pouvant être mises en œuvre en cas d’inaction de l’intermédiaire. Il conviendra de préciser, au cours de la navette et des débats parlementaires, si ces mesures ont vocation à s’appliquer à des types de contenus différents, ou si elles constituent une suite graduée de sanctions.

D.   application par dÉcret

Enfin, un dernier article 67 D-8 indique qu’un décret précisera les modalités d’application du présent chapitre.

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a profondément modifié le dispositif en adoptant un amendement n° COM-75 du rapporteur. Cet amendement emporte des modifications sur chacun des aspects de l’article.

● Concernant la définition des acteurs concernés :

– il précise tout d’abord que les personnes mentionnées au 2. du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique sont les hébergeurs ;

– il indique que la définition de l’interface en ligne du projet de loi correspond à la définition fournie par le 15) de l’article 3 du règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017.

Ces précisions semblent superflues.

● Concernant le devoir de vigilance et de retrait des intermédiaires :

– l’amendement indique que le constat de l’infraction doit se faire au sens du 1 de l’article 323 du code des douanes, qui fixe le pouvoir général dévolu aux agents des douanes et de toute autre administration de constater des infractions aux lois et règlement douaniers ;

– il redéfinit le champ des infractions pouvant donner lieu à la mise en œuvre de cette procédure, en indiquant qu’elle est possible pour une infraction mentionnée à l’article 414 se rapportant à des marchandises réputées avoir été importées en contrebande au sens de l’article 419. Cette modification a pour effet de limiter le périmètre des infractions permettant d’activer la procédure. Ce périmètre est celui de la contrebande ainsi que de tout fait d’importation ou d’exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises prohibées au sens du présent code ou aux produits du tabac manufacturé limitées aux seules marchandises réputées avoir été importées en contrebande au sens de l’article 419, c’est-à-dire en cas de défaut de justification d’origine, de présentation de l’un des documents prévus par ces mêmes articles ou si les documents présentés sont faux, inexacts, incomplets ou non applicables.

Si cette modification est motivée par le souci du rapporteur de la commission des finances du Sénat de garantir la caractérisation de l’infraction permettant d’enclencher la procédure, elle ne semble pas répondre à son objectif. Elle présente le risque de limiter l’application des nouvelles dispositions :

– le même amendement prévoit que l’habilitation est donnée aux agents des douanes par le directeur général des douanes, et non par le chef de circonscription ;

– il indique que le délit peut donner lieu à la procédure de vigilance s’il est réalisé à partir d’une interface en ligne et non plus seulement en ayant recours à un moyen de communication électronique ;

– il indique que le délai laissé aux intermédiaires pour faire savoir si la commission de l’infraction a été permise via leurs services ne peut excéder sept jours ;

– l’amendement modifie le champ des contenus devant être retirés ou rendus inaccessibles en le limitant aux contenus manifestement illicites par lesquels les infractions ont été commises.

● Concernant les mesures pouvant être prises lorsque le devoir de retrait n’est pas respecté :

– conformément au principe selon lequel la loi n’a pas besoin d’édicter ses objectifs, l’amendement du rapporteur supprime de la mention de l’objectif de la demande de faire cesser le référencement ;

– l’amendement transforme l’alternative entre les deux mesures faisant suite à l’inaction de l’intermédiaire en deux solutions devant être successivement appliquées. Il clarifie donc à cet égard le doute mentionné supra. La deuxième mesure, à savoir la sollicitation du tribunal judiciaire pour la suppression de noms de domaines ou de comptes de réseaux sociaux, ne pourra donc être activée que si la demande de suspension pour trois mois renouvelable une fois n’est pas appliquée et que les contenus sont encore visibles. En outre, l’amendement du Sénat indique que les deux mesures ne portent que sur les contenus manifestement illicites ;

– l’amendement prévoit que les agents des douanes peuvent solliciter le tribunal judiciaire non pas selon la procédure de l’article 375, comme le prévoyait le projet de loi, mais selon la procédure prévue au 8 du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Il s’agit d’une procédure accélérée au fond mise en œuvre par le président du tribunal judiciaire.

● Enfin, l’amendement précise le contenu du décret d’application, en indiquant qu’il devra en particulier déterminer les conditions d’habilitation des agents des douanes, le contenu de l’avis motivé des demandes adressées par les agents des douanes en application de cette nouvelle procédure, ainsi que les conditions dans lesquelles les mesures peuvent faire l’objet d’une mesure de publicité.

Lors de l’examen en séance de l’article 12, le Sénat a également adopté trois amendements déposés par le rapporteur de la commission des finances :

– l’amendement n° 77 du rapporteur de la commission des finances a reçu un avis défavorable du Gouvernement. Cet amendement étend le périmètre de la rédaction de la commission des finances pour y intégrer les infractions se rapportant à des marchandises prohibées en application de l’article 38 du code des douanes. Le même amendement porte de sept à trois jours le délai laissé aux intermédiaires pour faire connaître si leurs services ont été utilisés pour la commission d’une infraction ;

– l’amendement n° 78 du rapporteur a également reçu un avis défavorable du Gouvernement. Cet amendement vise à préciser les obligations des intermédiaires des plateformes dans le cadre du devoir de vigilance.

Ainsi, l’élément dont elles doivent informer l’administration ne serait plus le fait que les services aient permis la commission de l’infraction, mais que les services ont constitué le moyen de commettre l’infraction. Si l’effet réel de cette modification est incertain, cette rédaction semble restrictive par rapport au projet de loi : ce dernier laissait ouverte la faculté de déclencher la procédure pour l’usage de services ayant permis la commission de l’infraction, tandis que la rédaction du Sénat ne permet de la déclencher que si le service a constitué le moyen de commettre l’infraction.

Ce même amendement propose de remplacer l’obligation de retirer ou de rendre inaccessibles les contenus manifestement illicites (ce champ ayant été proposé par la commission) par lesquels les infractions ont été commises par l’obligation de retirer ou de rendre inaccessibles les contenus ayant constitué le moyen de commettre l’infraction. La même modification relative au périmètre des contenus devant être retirés est appliquée pour les mesures faisant suite à l’inaction de la plateforme. Il s’agit donc d’une extension des contenus pouvant faire l’objet d’un retrait ou d’une suppression.

Cette rédaction est intermédiaire entre la rédaction de la commission, qui limitait l’obligation de retrait aux contenus manifestement illicites pour les deux types de mesures pouvant être prises en cas d’inaction des plateformes, et la version initiale du texte, qui visait les contenus manifestement illicites pour une seule des deux mesures ;

– enfin, l’amendement n° 79 du rapporteur ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement propose d’introduire un dispositif de sanction, indiquant que le non-respect du retrait ou du fait de rendre inaccessible le contenu illicite est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, soit une peine d’emprisonnement d’un an et 250 000 euros d’amende.

IV.   La position de la commission

A.   les amendements adoptÉs au stade de l’examen en commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté plusieurs amendements à l’article 12, ayant principalement pour objet de revenir sur les modifications introduites par le Sénat.

La commission a tout d’abord adopté quatre amendements rédactionnels (N° CF165, CF138, CF139, CF140), relatifs notamment aux acteurs qui font référence aux rédactions existantes dans d’autres codes ou lois.

Elle propose également de revenir sur le fait que l’infraction doit être constatée au sens du 1 de l’article 323 pour pouvoir enclencher le dispositif de vigilance : cette mention n’est pas nécessaire et vient brouiller le dispositif (amendement N° CF170)

L’amendement N° CF172 ne retient pas la modification du périmètre des infractions pouvant donner lieu à la mise en œuvre du devoir de vigilance des plateformes introduite par le Sénat. Conformément au texte initial du projet de loi, seraient concernées les infractions mentionnées à l’article 414 du code des douanes. Cette rédaction ne soulève pas de difficulté particulière quant à l’impératif de caractérisation de l’infraction, puisque la procédure de vigilance intervient en aval du constat d’une infraction mentionnée à l’article 414, permis par l’identification d’un flux physique sur des marchandises limitativement définies. Le devoir de vigilance ne s’appliquera qu’aux infractions d’ores et déjà caractérisées : il n’est donc pas nécessaire de prévoir dans l’article 12 des modalités de caractérisation spécifiques ou supplémentaires, qui auraient par ailleurs pour effet de restreindre le champ d’application de l’article.

L’amendement N° CF171 propose de confier au chef de circonscription, et non au directeur ou à la directrice générale des douanes, le pouvoir d’habilitation des agents autorisés à mettre en œuvre le dispositif. En effet, confier au niveau central et au directeur général cette prérogative introduit une lourdeur excessive dans le dispositif et pourrait retarder sa mise en œuvre.

Enfin, la commission a adopté l’amendement N° CF57 de MM. Castellani et de Courson (LIOT), ayant reçu un avis favorable de la rapporteure, dont l’objet est de porter trois à quatre mois la durée de suspension du référencement ou du nom de domaine appliquée en cas d’inaction des plateformes. La rapporteure considère en effet que le premier niveau de sanction doit être suffisamment incitatif pour pousser les plateformes à agir : dans cette optique, porter la durée de suspension de référencement à quatre mois constitue une évolution intéressante.

B.   des questions qui restent en suspens et devront être tranchÉes en vue de l’examen en sÉance publique

Plusieurs aspects problématiques restent en suspens et devront être clarifiés lors de l’examen en séance publique, par le biais des débats parlementaires ou par le dépôt d’amendements.

Tout d’abord, il convient de clarifier le mode de sollicitation du tribunal judiciaire pour la suppression de noms de domaines ou de comptes de réseaux sociaux. La rédaction initiale renvoyant à l’article 375 ne semble pas satisfaisante (cf. supra). Cependant, la procédure accélérée proposée par le Sénat soulève d’autres difficultés : cette procédure sur réquisition est assez lourde et pourrait limiter le caractère opérationnel du dispositif.

En outre, le régime de sanctions proposé par le Sénat semble disproportionné au regard des faits reprochés aux plateformes. S’il semble utile de prévoir une sanction financière, il semble raisonnable de revenir sur ne pas retenir la peine de prison proposée par le Sénat.

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Article 12 : Prévention des infractions commises par l’intermédiaire d’internet

La commission adopte les amendements rédactionnels CF165, CF138 et CF139 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF170 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Cet amendement de clarté vise à supprimer un ajout superflu du Sénat : la mention « au sens du 1 de l’article 323 » n’est pas nécessaire pour permettre la constatation d’une infraction mentionnée à l’article 414 et activer le devoir de vigilance des plateformes.

La commission adopte l’amendement CF170.

Amendement CF172 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Soucieux de garantir la caractérisation des infractions permettant la mise en œuvre du devoir de vigilance des plateformes, le Sénat a modifié le périmètre des infractions visées. Cette modification ne semble toutefois pas opportune : au mieux, elle limite la lisibilité du dispositif ; au pire, elle en réduit le champ d’application.

L’amendement a pour objet de revenir à la version initiale du projet de loi, selon laquelle le constat des infractions mentionnées à l’article 414 peut permettre d’enclencher la procédure de vigilance et la relation avec la plateforme. Cette rédaction ne soulève pas de difficulté particulière s’agissant de l’impératif de caractérisation de l’infraction puisque la procédure de vigilance intervient en aval du constat d’une infraction mentionnée à l’article 414, permis par l’identification d’un flux physique sur des catégories de marchandises limitativement définies.

La commissions adopte l’amendement CF172.

Amendement CF171 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il s’agit là encore de revenir sur une modification du Sénat, qui a prévu que l’habilitation des agents des douanes pour déclencher la procédure de vigilance devait être donnée par le directeur général ou la directrice générale des douanes. Il semble préférable de confier ce pouvoir d’habilitation au chef de circonscription, comme le propose le projet de loi, pour éviter une lourdeur excessive dans le dispositif, qui pourrait retarder sa mise en œuvre. C’est un échelon plus ciblé et plus efficace.

La commission adopte l’amendement CF171.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF140 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendement CF57 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Le présent amendement entend accroître le pouvoir de contrôle de la douane sur les plateformes en ligne qui rendent accessibles des contenus favorisant les infractions douanières. Il est proposé de demander à tout opérateur de faire cesser le référencement ou de suspendre le nom de domaine pendant une période de quatre mois, renouvelable une fois, contre trois mois renouvelable une fois, précédemment.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Je donne un avis favorable à votre amendement. La suspension du nom de domaine s’insère dans le cadre d’une réponse graduée, pouvant aboutir à la suppression pure et simple de noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux. Il faut néanmoins que les premières étapes soient suffisamment incitatives pour que les plateformes passent à l’action. Dans cette optique, porter la durée de suspension du référencement à quatre mois constitue une évolution intéressante.

La commission adopte l’amendement CF57.

L’amendement CF135 de Mme Christine Arrighi est retiré.

La commission adopte l’article 12 modifié.

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Après l’article 12

Amendement CF30 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le marché parallèle du tabac représente une part croissante du marché total : 35 % des produits du tabac sont achetés en dehors des buralistes, pourtant seuls habilités à les commercialiser. Il mobilise de véritables chaînes parallèles de distribution, y compris sur internet et les réseaux sociaux. Ce commerce menace la santé de tous les publics et prive l’État des recettes fiscales issues de la vente légale de ces produits.

L’amendement vise à introduire dans le I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique une obligation pour les plateformes de repérer, retirer ou rendre inaccessibles les contenus liés à la vente illicite de produits du tabac ainsi que de signaler les contenus illicites aux autorités douanières. Il précise également la possibilité pour les utilisateurs de contester le retrait des contenus jugés illicites devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, sans que celle-ci soit tenue de donner suite aux saisines abusives. Enfin, il prévoit une contravention douanière de cinquième classe, d’un montant forfaitaire de 1 500 euros par contenu illicite, ainsi qu’une amende civile de 500 000 euros en cas de manquement des plateformes à ces obligations.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Je comprends l’idée de cet amendement mais il va à l’encontre du régime de responsabilité limitée des plateformes prévu par le droit communautaire et par notre droit national. La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation l’ont affirmé à plusieurs reprises, il ne peut être demandé aux plateformes d’exercer une surveillance active des contenus. C’est pourquoi le dispositif de l’article 12 semble équilibré et respectueux du droit.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La vente de tabac de contrebande par le biais des plateformes et du numérique est un vrai sujet de préoccupation. La commercialisation se réalise surtout au niveau local : une plateforme, Snapchat ou autre, est utilisée pour mettre en lien des personnes d’un même bassin de vie. Notre action se concentre sur l’identification des personnes qui offrent du tabac à la commercialisation dans un territoire. Elle est menée par le service Cyberdouane, qui fonctionne très bien. C’est pourquoi j’ai décidé de le déconcentrer, en intégrant certains de ses agents dans les directions régionales de la douane. Ces agents, sous pseudonyme, se font passer pour des clients potentiels, ce qui permet d’identifier facilement les personnes qui se livrent à la vente, puis de les poursuivre. On renforce aussi les sanctions, y compris la prison ferme, pour les responsables du trafic de tabac.

L’avis défavorable de la rapporteure ne signifie donc pas que nous ne nous préoccupons pas de cette question. Au contraire, nous allons renforcer les moyens pour lutter contre le commerce illégal du tabac.

M. le président Éric Coquerel. Le tabac n’est pas le seul produit à être commercialisé par le biais des plateformes…

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). J’ai davantage confiance dans les dispositions évoquées par le ministre que dans la réponse de la rapporteure : si l’on veut intenter un procès aux plateformes devant la Cour de justice de l’Union européenne, il y en, aura pour quinze ans, au minimum ! Or il faut être très réactifs. Avant ces procédures longues, je souhaiterais que l’on donne des moyens supplémentaires aux services douaniers pour intervenir.

M. Charles de Courson (LIOT). Je soutiens l’amendement. Mme Louwagie a évoqué une part de marché de 35 % pour le commerce illégal du tabac mais, dans certaines zones frontalières, notamment proches de l’Espagne, elle dépasse 50 %. Lorsque vous vous rendez à Hendaye ou en Andorre, il n’y a que ça ! Certains moyens, comme l’importation de tabac, sont d’ailleurs tout à fait légaux, même s’ils comportent des plafonds.

Quel est le risque d’adopter l’amendement ? La rapporteure en soulève un lié au droit européen. Il me semblait pourtant que le Parlement européen était en train de réviser sa position, pour responsabiliser les plateformes.

Il serait bon que nous votions cet amendement. Cela aiderait le ministre délégué à négocier avec les plateformes, en faisant valoir la pression que met l’Assemblée.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’évolution de ce marché illégal nous inquiète. Monsieur le ministre délégué, avez-vous constaté une diminution des recettes issues du tabac dans les premiers mois de l’année 2023 par rapport à 2022, qui pourrait traduire une augmentation des marchés illicites ?

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il ne s’agit pas uniquement du droit européen, Monsieur de Courson, puisque ses dispositions sont déjà transcrites en droit interne. La Cour de cassation a eu à s’exprimer à plusieurs reprises sur la question.

Nous partageons votre préoccupation sur les contenus illicites mais, du point de vue juridique, les dispositions de l’amendement concernant la surveillance des contenus figurant sur les plateformes sont contraires à notre droit.

Une question se pose toutefois sur le retrait de ces contenus, une fois que l’on a signalé leur présence aux plateformes. Je vous invite à y travailler avec nous d’ici à la séance, afin de définir les différents degrés de sanctions que l’on peut appliquer.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je fournirai en séance les chiffres que Mme Louwagie demande pour le début de l’année 2023. La dernière estimation du manque à gagner pour les finances publiques lié au trafic du tabac fait état d’une perte de 3 milliards par an. Elle date de quelques années, alors que la progression du trafic est exponentielle.

Je précise que l’État ne s’enrichit pas grâce au tabac. Les taxes qu’il perçoit, soit 14 milliards par an, sont inférieures aux dépenses, notamment de sécurité sociale, d’assurance maladie ou pour les maladies directement liées au tabagisme, qui s’élèvent à 26 milliards par an.

La commission rejette l’amendement CF30.

Amendement CF95 de Mme Nadège Abomangoli.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous demandons un rapport afin d’évaluer l’adéquation des moyens de la douane, de la police judiciaire et de l’Office anti-stupéfiants (OFAST) face au développement de l’acheminement de stupéfiants, notamment de cocaïne, dans les plus grands ports français. Dans un rapport de 2023, Europol s’inquiétait du développement de groupes de trafiquants de plus en plus organisés au sein des différents ports européens. En 2021, seulement 2 % des 98 millions de conteneurs transitant par les ports européens ont fait l’objet d’une inspection. Si ce chiffre atteint 10 % pour les conteneurs en provenance d’Amérique du Sud, principale zone de production de la cocaïne, les ports européens sont devenus les principaux lieux d’acheminement de cocaïne vers le continent européen. Les capacités de corruption, de fraude, de menace des principaux trafiquants se développent, avec une multitude de stratégies pour éviter les contrôles des douanes.

Par cet amendement, nous souhaitons renforcer les connaissances des parlementaires afin d’élaborer une véritable stratégie nationale de démantèlement des réseaux, seule véritable mesure de lutte contre les trafics.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable. Nous disposons de suffisamment d’éléments montrant que l’augmentation des effectifs consacrés à la lutte contre les stupéfiants est inédite, notamment au sein de l’OFAST. Quant aux saisies, elles atteignent des records historiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et il n’est pas nécessaire de prévoir un rapport sur le sujet.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je suis favorable à cet amendement. Sur ce sujet, je conseille la lecture d’Extra-pure. Voyage dans l’économie de la cocaïne, de Roberto Saviano. La série ZeroZeroZero est aussi très bien !

La commission rejette l’amendement CF95.

Amendement CF94 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le transfert de missions fiscales de la direction générale des douanes et droits indirects vers la direction générale des finances publiques.

Alors que les douanes disposent de l’expertise et des effectifs nécessaires pour le recouvrement et le contrôle fiscal en ce qui concerne un certain nombre de taxes – taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), taxes énergétique, TVA à l’importation –, celles-ci sont transférées sans réflexion à la DGFIP, qui n’a ni l’expertise, ni les effectifs nécessaires pour assurer ces nouvelles missions.

On observe par conséquent une baisse de plusieurs milliards par an des recettes tirées de ces taxes. Les agents des douanes vivent également très mal cette réorganisation, qui nie leurs qualifications et leur expertise dans ce domaine.

Le transfert de missions a été réalisé sans transfert d’effectifs, tandis que la DGFIP continue de perdre des postes chaque année.

Le rapport que nous demandons devra en particulier s’intéresser à l’évolution des recettes fiscales provenant des impôts et taxes qui relevaient auparavant de la DGDDI et à celle de l’efficacité du contrôle fiscal avant et après le transfert de compétences.

Mme Nadia Hai, rapporteure. C’est un sujet très intéressant, mais il relève des prérogatives du Parlement. Il appartient plus particulièrement aux rapporteurs spéciaux de la mission Gestion des finances publiques de s’en saisir. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement CF94.

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Article 13
(art. 399, 415 et 415-1 du code des douanes)
Modernisation du délit de blanchiment douanier

 

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 13 vise d’une part à étendre l’intéressement à la fraude au délit de blanchiment douanier et d’autre part à moderniser les dispositions applicables à ce délit de blanchiment douanier. Dans ce but, il est proposé d’étendre le délit de blanchiment douanier au produit de toutes les législations appliquées par les douanes et de doter ce délit d’un caractère extraterritorial en autorisant que des sommes issues d’infractions commises à l’étranger puissent être considérées comme blanchies.

L’article 13 propose également de permettre la caractérisation du délit de blanchiment douanier lorsque l’argent est appréhendé sous la forme de transport et de collecte de fonds illicites, et d’inclure les actifs numériques parmi les fonds pouvant être considérés comme faisant l’objet d’un blanchiment douanier.

I.   Le droit existant

A.   la notion douaniÈre d’intÉressement À la fraude

L’article 399 du code des douanes prévoit qu’un certain nombre de personnes peuvent être réputées intéressées à un délit de contrebande ou à un délit d’importation ou d’exportation sans déclaration.

À l’exception de celles qui ont agi en état de nécessité par suite d’erreur invincible et de celles qui ont agi de bonne foi ([175]) ces personnes sont :

« a) les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude ;

« b)[celles] qui ont coopéré d’une manière quelconque à un ensemble d’actes accomplis par un certain nombre d’individus agissant de concert, d’après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun ;

« c) [celles] qui ont, sciemment, soit couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l’'impunité, soit acheté ou détenu, même en dehors du rayon, des marchandises provenant d'un délit de contrebande ou d'importation sans déclaration » ([176]).

La présomption d’intérêt à la fraude n’est qu’une présomption simple, justifiée par la gravité des délits douaniers et reposant sur une vraisemblance raisonnable. L’imputabilité des faits est ensuite appréciée au cas par cas par une juridiction ([177]).

B.   les dispositions relatives aux dÉlits de blanchiment douanier

1.   Le délit de blanchiment douanier prévu à l’article 415 du code des douanes

L’article 415 du code des douanes définit le délit de blanchiment douanier comme le fait de procéder ou de tenter de procéder, par exportation, importation, transfert ou compensation à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds que les personnes savent provenir, directement ou indirectement, d’un délit douanier ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants.

Le délit de blanchiment douanier est distinct du délit de blanchiment de droit commun prévu à l’article 324-2 du code pénal et repose donc sur trois éléments ([178]) : une condition relative au caractère délictueux de l’activité dont sont tirés les fonds, une autre relative à l’existence d’un flux financier entre la France et l’étranger, et une dernière condition de connaissance de la provenance délictueuse des fonds.

● Les fonds blanchis doivent provenir d’un délit douanier, d’un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou d’un trafic de stupéfiants. Cette condition relative à l’origine des fonds est centrale : elle fonde la possibilité de caractériser un blanchiment douanier.

Initialement limitée au blanchiment des fonds issus des infractions à la législation des stupéfiants ([179]), le délit de blanchiment a été étendu par la loi n° 96‑392 du 3 mai 1996 aux opérations financières portant sur des fonds provenant directement ou indirectement d’un délit prévu au code des douanes. Enfin, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019, les délits portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne peuvent également être à l’origine d’un délit de blanchiment.   

La notion de délit portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne a été ajoutée par l’article 3 de l’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal. La notion, issue du droit européen, est définie (à l’article 2 de la directive UE) 2017/1371 du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal) comme l’ensemble des recettes perçues, des dépenses exposées et des avoirs qui relèvent du budget de l’Union ou des budgets des institutions, organes et organismes de l’Union institués en vertu des traités ou des budgets gérés et contrôlés directement ou indirectement par eux. L’article 4 de la même directive indique que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le blanchiment de capitaux concernant des biens provenant de fraudes portant atteintes aux intérêts financier de l’Union constitue une infraction pénale.

La Cour de cassation a encadré la caractérisation du délit de blanchiment douanier portant sur des fonds issus d’un délit douanier dans un arrêt de la chambre criminelle du 4 mai 2016. Rappelant que le délit de blanchiment douanier doit être rattaché à une infraction principale qui a procuré les fonds, la Cour a considéré que pour que le délit douanier de blanchiment soit constitué, les fonds blanchis doivent provenir directement ou indirectement d’une infraction à la législation douanière française.

Le produit d’une infraction à une législation étrangère ne peut donc pas systématiquement être considéré comme faisant l’objet d’un délit de blanchiment douanier ([180]). La circonstance que les fonds blanchis résultent d’actes réalisés à l’étranger par ailleurs punis dans le droit français (en l’espèce, de fausses déclarations) ne permet pas de caractériser le délit de blanchiment douanier, car les délits prévus dans le code des douanes répriment l’absence de respect de la législation douanière française, limitée à l’édiction des règles d’entrée et de sortie sur le territoire national. Dès lors, en l’état du droit en vigueur, il est impossible de qualifier de blanchiment douanier les opérations financières portant sur des fonds provenant d’une infraction à la législation d’un autre État.

Cette jurisprudence s’éloigne de la définition du blanchiment de capitaux tel que défini par l’article 1er de la directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dite quatrième directive anti-blanchiment, qui précise qu’« il y a blanchiment de capitaux même si les activités qui sont à l’origine des biens à blanchir ont été exercées sur le territoire d’un autre État membre ou sur celui d'’un pays tiers ». 

Toutefois, si les fonds faisant l’objet d’un blanchiment ont une autre origine qu’un délit douanier  les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne et les infractions à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants –, les fonds peuvent provenir d’une infraction commise à l’étranger et néanmoins caractériser un blanchiment douanier.

● Une opération financière entre la France et l’étranger, sur les fonds provenant de l’activité illicite susmentionnée, est indispensable. Elle peut prendre la forme d’une exportation, d’une importation, d’un transfert ou d’une compensation de fonds.

● Les personnes poursuivies doivent avoir connaissance de la provenance délictueuse des fonds.

Le délit de blanchiment douanier peut donner lieu à une peine d’emprisonnement de dix ans, à une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction. Cette amende peut être portée jusqu’à dix fois la somme lorsque l’infraction est commise en bande organisée. Les sommes sont en outre confisquées, ainsi que les biens ayant servi à commettre l’infraction et les biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction.

Le délit de blanchiment de droit commun

Le délit de blanchiment douanier se distingue par de nombreux aspects du délit de blanchiment de droit commun, défini par l’article 324-1 du code pénal comme « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » et « le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ».

Ainsi, le délit de blanchiment de droit commun ne comprend aucune précision quant au lieu où le crime ou le délit a été commis ni quant à la nature de ce crime ou délit. Dès lors, n’importe quel crime ou délit ayant procuré un profit direct ou indirect peut être à l’origine d’un délit de blanchiment de droit commun.

Enfin, au contraire du délit de blanchiment douanier, le délit de blanchiment de droit commun vise également la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus.

2.   Le renversement de la charge de la preuve

Depuis 2016, le délit de blanchiment douanier est complété par un dispositif de renversement de la charge de la preuve de l’origine illicite des fonds, prévu à l’article 415-1 du code des douanes (créé par n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale).

En application de cet article 415-1, les fonds sont présumés être le produit direct d’un délit douanier ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou d’une infraction à la législation sur les stupéfiants lorsque les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération d’exportation, d’importation, de transfert ou de compensation ne paraissent obéir à d’autre motif que de dissimuler que les fonds ont une telle origine.

Ce dispositif existe également pour le délit général de blanchiment depuis 2013 ([181]) et vise à dépasser la difficulté qui peut exister à établir que des fonds dont l’origine illicite est suspectée mais non prouvée proviennent d’un délit dont le gain peut donner lieu à une opération de blanchiment.

Comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, « il ne s’agit pas de créer une présomption de constitution du délit douanier de blanchiment mais uniquement d’un renversement de la charge de la preuve de l’infraction concernant l’origine illicite des fonds ». C’est donc l’origine des fonds qui fait l’objet d’une présomption, et non le délit de blanchiment en lui-même. Il s’agit en outre d’une présomption simple et non d’une présomption irréfragable.

Cette disposition facilite l’action des agents des douanes ainsi que des services de police judiciaire. Concrètement, dès lors que le service d’enquête a mis en lumière suffisamment d’éléments permettant de présumer que des sommes ont un lien direct ou indirect avec une infraction en matière de stupéfiants ou un délit douanier, l’infraction de délit douanier de blanchiment peut être retenue, sous réserve que l’élément intentionnel et l’existence d’une opération financière avec l’étranger sont confirmés.

C.   un dÉlit de blanchiment douanier caractÉrisÉ par plusieurs limites opÉrationnelles et juridiques

La caractérisation et la mise en œuvre du délit de blanchiment douanier se caractérisent par plusieurs limites.

1.   Une application limitée de la notion d’intéressement à la fraude

La notion d’intéressement à la fraude, définie à l’article 399 du code des douanes, n’est pas applicable au délit de blanchiment douanier. Elle est en effet limitée aux délits de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration (cf. supra). Une telle différence de traitement ne semble pas légitimée par une quelconque différence, des personnes pouvant être intéressées à un délit de blanchiment douanier.

2.   Un cadre juridique contraignant et désormais en partie obsolète du délit de blanchiment douanier

La rédaction de l’article 415 du code des douanes limite les possibilités d’action des douanes à plusieurs égards.

● Tout d’abord, les infractions générant des profits qui ne peuvent être appréhendés, et ce quand bien même ils font l’objet d’une opération avec l’étranger, ne peuvent être considérés comme faisant l’objet d’un délit de blanchiment douanier.

● La territorialisation des infractions dont sont issues les sommes blanchies constitue également une limite à l’efficacité de l’action des douanes. L’arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016 a révélé une limite pour l’application du délit de blanchiment douanier : seuls peuvent faire l’objet d’une qualification de blanchiment douanier les sommes provenant d’infractions à la législation douanière sur le territoire national, tandis que les sommes issues des délits portant sur les trafics de stupéfiants et des délits portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne peuvent constituer un délit de blanchiment douanier même si ces délits ont été commis à l’étranger.

● Au regard de l’évolution des pratiques délictuelles, la limitation du délit douanier aux opérations financières réalisées avec l’étranger semble désormais insatisfaisante.

En effet, un certain nombre de blanchiments, liés notamment au trafic de stupéfiants, impliquent désormais l’intervention de collecteurs chargés de transporter l’argent entre deux lieux du territoire national, incluant les départements d’outre-mer, sans traverser de frontière. Ce transport peut avoir pour objet de rassembler l’argent avant le flux hors de France ou de le distribuer, après l’entrée sur le territoire national. Ainsi, ces étapes du blanchiment ne peuvent faire l’objet d’une qualification de blanchiment douanier, quand bien même les sommes sont originellement issues ou destinées à des trafiquants de pays voisins.

L’exemple le plus fréquent de ces pratiques de collecte insérées dans une chaîne de blanchiment est celui de voyageurs empruntant des vols entre Orly et Cayenne avec de l’argent issu des trafics de stupéfiants. S’il apparait très nettement que ces sommes d’argent sont issues de trafics impliquant des pays étrangers, il est impossible, dans ces circonstances, de caractériser un délit de blanchiment douanier car le transfert se fait entre deux points du territoire national.

● Enfin, un nombre croissant d’enquêtes menées par la DNRED révèlent que certains criminels ont désormais recours à des crypto-actifs pour effectuer des transactions internationales sur le produit d’infractions douanières. Les crypto-actifs sont des actifs numériques utilisant un réseau informatique et une chaîne de blocs (blockchain) pour valider et effectuer des transactions entre plusieurs entités.

Or, les fonds visés par l’article 415 ne semblent pas pouvoir inclure les crypto-actifs, définis par l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier ([182]). Aux termes de cet article, les actifs numériques sont :

– les jetons (tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien) ([183]), à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des titres et contrats financiers ([184]) et les bons de caisse (titres nominatifs et non négociables comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée, délivrés en contrepartie d’un prêt) ([185]) ;

– toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

II.   le droit proposÉ

L’article 13 du projet de loi vise à moderniser le délit de blanchiment douanier et améliorer le cadre juridique permettant de le caractériser, afin de doter les services douaniers d’une capacité d’intervention plus adaptées aux nouvelles pratiques criminelles.

A.   Application de la notion d’intéressement douanier au délit de blanchiment douanier

L’article 13 étend la notion d’intéressement à la fraude douanière au délit de blanchiment douanier. Cette extension permettra de renforcer l’efficacité de l’action des douanes et de condamner les commanditaires, les personnes ayant coopéré à la fraude, ou encore celles ayant sciemment couvert les agissements.

En outre, l’article 13 propose de remplacer l’énumération des personnes pouvant être condamnées pour intérêt à la fraude, à savoir « les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude », par « les personnes physiques ou morales ayant un intérêt à la fraude ».

Outre la simplification de rédaction qui consiste à remplacer une liste par un ensemble comprenant tous les éléments de la liste, l’article propose en réalité une évolution substantielle de l’intéressement à la fraude, au-delà de l’intérêt au délit douanier, en fondant son application sur l’intérêt à la fraude des personnes et non plus sur l’intérêt direct à la fraude.

B.   Extension et modernisation du délit de blanchiment douanier

Plusieurs extensions du champ d’application de l’article 415 du code des douanes sont proposées par l’article 13.

● Le délit de blanchiment douanier est actuellement applicable pour les sommes provenant d’un délit prévu au code des douanes. Il est proposé d’étendre le champ d’application du délit aux sommes provenant d’un délit prévu par toute législation que les agents des douanes sont chargés d’appliquer, soit le code des douanes mais également certaines dispositions du code général des impôts pour ce qui est des contributions indirectes.

● Il est proposé d’accorder un caractère d’extraterritorialité au délit de blanchiment douanier, en indiquant qu’il est applicable pour des fonds provenant d’un délit prévu par toute législation que les agents des douanes sont chargés d’appliquer, y compris si ce délit a été commis sur le territoire d’un autre État membre ou sur celui d’un pays tiers.

Ainsi, les sommes issues d’un délit figurant dans le code des douanes ou dans le code général des impôts et faisant l’objet d’un contrôle par les agents des douanes pourra être considéré comme faisant l’objet d’un blanchiment douanier y compris si les faits ont été commis dans un autre État.

Au delà de l’intérêt opérationnel que cette évolution représente, elle concourt à rapprocher le délit de blanchiment douanier des dispositions de l’article 1er de la quatrième directive anti-blanchiment précitée.

● L’article 13 propose d’indiquer que le délit de blanchiment douanier est applicable lorsque l’argent est appréhendé sous la forme d’opérations de transport et de collecte de fonds d’origine illicite, c’est-à-dire provenant des mêmes délits que pour les dispositions existantes.

Il apparaît donc que l’objet de cet article n’est pas de généraliser le délit de blanchiment douanier au transport de fonds sur le territoire national provenant d’activités illicites. Son objectif est seulement de l’étendre au transport de fonds circulant sur le territoire national qui sont issus des délits douaniers, qui portent atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne, ou qui sont issus d’une infraction à la législation sur les stupéfiants. Il reste toutefois nécessaire qu’une opération financière entre la France et l’étranger ait eu lieu avant que les fonds ne circulent sur le territoire national, car c’est cette condition qui permet l’application de l’incrimination. 

● Enfin, il est proposé d’étendre le délit de blanchiment douanier aux opérations financières entre la France et l’étranger se rapportant à des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier.

C.   Application à l’article relatif à la présomption d’origine des fonds

Par cohérence, les mêmes évolutions sont prévues à l’article 415-1 du code des douanes relatif à la présomption d’origine des fonds :

– les actifs numérique mentionnés à l’article L. 54-10-0 du code monétaire et financier pourront également être présumés constituer le produit direct ou indirect d’un délit douanier, d’une atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou d’une infraction à la législation sur les stupéfiants ;

– il est également proposé de remplacer la liste des délits dont peuvent être présumées issues les sommes blanchies par un renvoi à l’une des infractions mentionnées à l’article 415. L’extension aux délits prévus par toute législation que les agents des douanes sont chargés d’appliquer est donc également appliquée pour la présomption ;

– enfin, l’article propose d’indiquer que les conditions de transport et de collecte doivent également prises en compte, aux côtés des conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération, déjà prévues par l’article 415-1. Cette extension tire les conséquences de l’extension prévue à l’article 415 aux transports sur le territoire national de fonds illicites issus d’un délit douanier.

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a adopté deux amendements du rapporteur à l’article 13.

L’amendement N° COM-76 propose d’étendre la notion d’intéressement à la fraude non seulement au blanchiment douanier mais également aux délits d’importation ou d’exportation sur la base d’une fausse déclaration, de l’utilisation d’un document faux, inexact ou incomplet ou de la non-communication d’un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation ([186]). La rédaction du Sénat a également pour effet de préciser le fait que l’intéressement à la fraude est applicable pour l’importation ou l'exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises prohibées ou aux produits du tabac manufacturé, ainsi qu’à tout fait d’importation ou d'exportation sans déclaration d’autres marchandises.

L’amendement n° COM-77 propose de préciser que le délit de blanchiment douanier peut être caractérisé si les activités à l’origine de ces fonds ont été exercées dans un autre État, alors que la rédaction initiale du projet de loi indiquait que le blanchiment douanier était caractérisé si le délit dont proviennent les fonds a été commis sur le territoire d’un autre État.

L’amendement remplace donc la notion de délits par la notion d’activité à l’origine des fonds.

La rapporteure considère que cette modification permet d’une part de se rapprocher de la rédaction de la directive pour appliquer l’extraterritorialité aux délits douaniers et d’autre part de confirmer pour les deux autres motifs (intérêts financiers de l’Union européenne et infraction à la législation relative aux stupéfiants) que l’extraterritorialité s’applique déjà.

Il convient de noter que cette modification ne porte que sur l’extraterritorialité introduite par l’article 13 : la commission d’un délit douanier reste nécessaire pour fonder un blanchiment douanier, car c’est de ce délit que sont issus les fonds blanchis.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure (N° CF141).

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Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CF52 de Mme Charlotte Leduc.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF141 de Mme Nadia Hai.

Elle adopte l’article 13 modifié.

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Article 14
(art. 414 et 432 ter [nouveau] du code des douanes
et art. 1810 et 1811 du code général des impôts)
Renforcement des sanctions douanières et pénales en matière
de trafic de tabac

Adopté par la commission sans modifications

 

L’article 14 vise à aggraver la peine complémentaire de confiscation et les sanctions pénales applicables aux trafics de produits du tabac. 

I.   Le droit existant

A.   les peines applicables aux dÉlits de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration se rapportant à des marchandises prohibées ou aux produits du tabac manufacturé

1.   Les principes généraux entourant la peine complémentaire de confiscation

De manière générale, la peine complémentaire de confiscation est prévue par la loi et vient s’ajouter à une peine principale. Elle est régie par l’article 131-21 du code pénal, qui prévoit qu’elle est « est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d'emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse ».

Des dispositions spécifiques encadrent cette peine pour l’application du code des douanes. Lorsque le propriétaire de la marchandise n’est pas la personne qui a commis l’infraction douanière, et lorsque ce propriétaire est connu, la confiscation des marchandises saisies (à l’exception de celles qui sont prohibées au titre de la réglementation douanière) ne peut être poursuivie qu’en cas de mise en cause du propriétaire devant la juridiction répressive ([187]).

Si de manière générale ni les objets saisis ni leur prix ne peuvent être revendiqués par les propriétaires ([188]), « lorsque la marchandise de fraude ou ayant servi à masquer la fraude a été saisie et sous réserve qu’elle ne soit pas prohibée au titre de la réglementation douanière, la mainlevée est offerte, sans caution ni consignation, au propriétaire de bonne foi non poursuivi » ([189]). Par dérogation à cette dernière règle, aucune mainlevée n'est proposée lorsque la marchandise de fraude ou ayant servi à masquer la fraude a été détériorée en raison de son utilisation à cette fin ([190]).

2.   Les sanctions prévues à l’article 414 du code des douanes

L’article 414 du code des douanes fixe les sanctions douanières applicables aux délits de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de produits du tabac manufacturé. Aux termes de cet article, ces faits sont passibles, en sus d’une peine d’emprisonnement de trois ans pouvant être portée à cinq ou dix ans selon les cas, de la confiscation de l’objet de fraude, de la confiscation des moyens de transport, de la confiscation des objets servant à masquer la fraude, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction et d’une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude.

La peine complémentaire de confiscation prévue à l’article 414 pour les délits de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration se rapportant à des marchandises prohibées ou aux produits du tabac manufacturé ne permet pas de confisquer les objets ayant servi à commettre le délit douanier ou étant destinés à le commettre. 

À titre de comparaison, la peine complémentaire de confiscation prévue à l’article 414-2 du code des douanes en cas de contrebande ou d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises non mentionnées à l’article 414 permet de confisquer les biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre ([191]).

B.   les peines applicables au dÉlit de trafic de tabac prÉvues par le code des impÔts

Le 10° de l’article 1810 du code des impôts prévoit les peines pénales applicables en cas de trafic de tabac.

Aux termes de cet article, est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et de la confiscation des moyens de transport, récipients, emballages, ustensiles, mécaniques, machines ou appareil ayant servi au trafic de tabac la fabrication de tabacs, la détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués, la vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués, le transport en fraude de tabacs fabriqués, l’acquisition à distance, l’introduction en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou l’importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé acquis dans le cadre d’une vente à distance.

En outre, en application de l’article 1811 du même code, la peine d’emprisonnement pour trafic de tabac est portée à cinq ans lorsqu’il est commis en bande organisée ([192]).

Le code général des impôts prévoit également des sanctions fiscales en son article 1791 ter : le trafic de tabac est puni d’une amende comprise entre 2 000 et 10 000 euros. Cette amende fiscale est portée de 100 000 euros à 500 000 euros lorsque ces faits sont commis en bande organisée et s’accompagne quoi qu’il en soit de pénalités proportionnelles aux droits éludés.

II.   le droit proposÉ

A.   Une aggravation significative des peines sanctionnant le trafic de produits du tabac

● L’article 14 propose tout d’abord d’étendre la confiscation aux biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont l’auteur de l’infraction est propriétaire ou dont il a la libre disposition. Dans ce dernier cas de figure, la confiscation est réalisée sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.

● Il est également proposé de créer une interdiction du territoire français pour une durée pouvant aller jusqu’à dix ans à l’encontre de tout étranger coupable du délit mentionné à l’article 414 et portant sur les produits du tabac manufacturé ou sur les stupéfiants.

Cette interdiction de territoire sera appliquée dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal qui déterminent le régime de la peine d’interdiction du territoire pour les crimes et délits pouvant actuellement donner lieu à une interdiction de territoire (violences graves, vol avec violences, actes de terrorisme, trafic de stupéfiants, travail illégal, usage de faux papier…) :

– cette peine peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit. L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, sauf si une peine privative de liberté est également prononcée. Dans ce cas, l’application de l’interdiction du territoire est suspendue pendant l’exécution de la peine ([193]) ;

– le tribunal ne peut prononcer l’interdiction du territoire que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de la personne, notamment si cette dernière est parent d’un enfant français mineur résidant en France à condition qu’il établisse contribuer à son entretien et à son éducation, ou encore si l’étranger justifie par tous moyens qu’il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans ([194]) ;

– enfin, certaines personnes ne peuvent faire l’objet d’une interdiction du territoire ([195]), sauf crimes et délits d’une gravité particulière ([196]). Sont par exemple concernés par cette impossibilité de se voir condamné à une interdiction du territoire un étranger résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans ou un étranger résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage.

Il convient de noter qu’il s’agirait de la première interdiction du territoire prévue par le code des douanes, qui comprend actuellement seulement les peines complémentaires privatives de droit suivantes : l’incapacité à se présenter à la bourse, à exercer les fonctions d’agent de change ou de courtier, d’être électeurs ou élus aux chambres de commerce, tribunaux de commerce et conseils de prud’hommes ([197]), l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, la suspension du permis de conduire, la juridiction pouvant limiter cette peine à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ([198]), et l’exclusion du bénéfice du régime de l'admission temporaire et la privation de la faculté du transit et de l’entrepôt ainsi que de tout crédit de droits ([199]).

● Enfin, l’article 14 propose de porter d’un an à trois ans la peine d’emprisonnement sanctionnant le trafic de tabac à l’article 1810 du code général des impôts, et de cinq ans à dix ans l’emprisonnement si ce trafic est réalisé en bande organisée.

B.   Un rapprochement bienvenu avec les peines sanctionnant le trafic de stupéfiants

La rapporteure considère que les évolutions proposées répondent à un objectif clair et déjà exprimé en 2021 par Mme Zivka Park et M. Éric Woerth : « il convient que les sanctions financières applicables en cas de trafic de tabac soient aussi dissuasives que celles prévues pour les trafics de stupéfiant » ([200]). En effet, il apparaît que les modes opératoires des trafiquants de tabac tendent à se rapprocher de ceux des trafiquants de stupéfiants et produisent les mêmes effets, dont des guerres de territoire et l’alimentation de circuits de blanchiment. En outre, la rentabilité du trafic de tabac augmente et peut désormais rapporter autant que le trafic de stupéfiants tout en représentant un risque pénal plus limité.

Suivant les recommandations du rapport d’information précité, l’article 143 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a d’ores et déjà doublé les sanctions fiscales applicables en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac ([201]).

L’article 14 ne vise pas un alignement parfait des peines d’emprisonnement visant le trafic de stupéfiants et de celles visant le trafic de tabac : l’importation ou exportation illicite de stupéfiants est réprimée de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende ([202]) et le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende ([203]). Néanmoins, l’aggravation de la peine pour trafic de tabac doit permettre de rendre ce trafic moins attractif.

L’alignement est en revanche pleinement réalisé concernant la peine d’interdiction du territoire, qui peut être prononcée en tant que peine complémentaire sanctionnant le trafic de stupéfiants.

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a adopté un amendement rédactionnel N° COM-78 déposé par le rapporteur.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modifications.

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Amendement CF74 de M. Franck Allisio.

M. Franck Allisio (RN). Cet article propose diverses mesures permettant de mieux lutter contre le trafic de tabac en pleine expansion dans notre pays, notamment en alourdissant les sanctions. Il permet ainsi de prononcer une peine d’interdiction du territoire français pour tout étranger participant à ce trafic.

Nous saluons bien évidemment cette mesure, qui est d’autant plus nécessaire que la plupart des vendeurs à la sauvette de tabac contrefait sont étrangers, comme l’a dit le ministre Gabriel Attal lui-même la semaine dernière dans les médias.

L’amendement propose de rendre obligatoire le prononcé de cette sanction, tout en laissant au juge le soin d’en apprécier la durée – l’interdiction pouvant aller jusqu’à dix ans.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Cet amendement est contraire au principe constitutionnel d’individualisation des peines. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF74.

Amendement CF101 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda (RE). Cet amendement a pour objet d’adapter l’échelle des peines en portant de trois à cinq ans la peine d’emprisonnement encourue pour le trafic de tabac.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Demande de retrait. Le projet prévoit déjà de porter la sanction à trois ans d’emprisonnement, ce qui constitue une peine significative.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je remercie le député Reda de lancer le débat sur ce sujet. Comme je l’ai annoncé dès le mois de décembre dernier dans mon plan de lutte contre le trafic de tabac, il faut alourdir les sanctions : on ne fait pas suffisamment peur aux trafiquants, qui prennent moins de risques lorsqu’il s’agit de tabac.

Nous alourdissons donc la peine de prison, qui passe d’un an à trois ans – voire de cinq à dix ans en cas de trafic en bande organisée. Je suis également attentif à la fermeté des peines effectivement prononcées. J’observe que plusieurs décisions de justice ont conduit ces dernières semaines à des peines d’emprisonnement sensiblement plus importantes que celles jusqu’alors généralement infligées. Cela va dans le bon sens et le renforcement des peines prévu par ce texte permettra d’aller beaucoup plus loin.

Nous partageons les mêmes objectifs, monsieur le député, mais je vous demande le retrait de l’amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). Est-on cohérent avec les sanctions encourues en matière de trafic de drogue ? La situation actuelle est formidable pour les trafiquants de tabac : ils gagnent plus d’argent et risquent une sanction moindre !

Mme Nadia Hai, rapporteure. Nous rapprochons les sanctions, mais nous n’alignons tout de même pas les peines en matière de trafic de tabac sur celles prévues pour les trafics de stupéfiants : il faut garder de la mesure.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’article relève les peines qui sont prévues par le code des impôts en matière de trafic de tabac. Dans le code des douanes, les peines sont déjà alignées entre tabac et stupéfiants.

M. Robin Reda (RE). Mon amendement visait un objectif de fermeté, qui est largement partagé au sein de cette commission. Je le retire compte tenu des explications du ministre. Il faut être intransigeant dans la lutte contre le trafic de tabac.

L’amendement CF101 est retiré.

La commission adopte l’article 14 non modifié.

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Après l’article 14

Amendements CF98 et CF99 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ces amendements ont pour objet de restreindre les quantités de tabac qu’il est permis d’importer d’un État membre de l’Union européenne. Le premier prévoit d’appliquer aux véhicules individuels et non plus aux personnes les quantités maximales de tabac que l’on peut rapporter. Le second propose quant à lui de diviser par deux les quantités de tabac qu’un individu peut rapporter.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Ces mesures sont contraires à la directive du 20 décembre 2007 concernant les franchises de la taxe sur la valeur ajoutée et des accises perçues à l’importation de marchandises par des voyageurs en provenance de pays tiers.

Celle-ci détermine les quantités au-delà desquelles les importations de tabac ne peuvent pas être considérées comme relevant de la consommation personnelle, et indique explicitement que cette appréciation est faite par voyageur et non par véhicule.

Elle fixe par ailleurs les plafonds en dessous desquels les personnes sont réputées importer du tabac pour leur consommation personnelle.

Demande de retrait.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous cherchons à défendre les buralistes, et particulièrement ceux qui sont installés à proximité d’une frontière. Mais la quantité de tabac pouvant individuellement être rapportée d’un autre pays a déjà été réduite de deux à une cartouche en août 2020. La réduire encore impliquerait de passer à un contrôle du nombre de paquets de cigarettes, ce qui est très compliqué.

Le trafic transfrontalier de tabac fait l’objet de contrôles très importants par les douaniers, qui ciblent les personnes qui rapportent de véritables cargaisons, notamment dans des véhicules utilitaires. Il s’agit donc moins de contrôler les quelques cartouches ramenées par des individus que de s’en prendre à ces convois.

Les amendements CF98 et CF99 sont retirés.

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Après l’article 14

Amendement CF93 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Cet amendement demande un rapport sur les moyens du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF).

Ce service compte actuellement 314 agents, dont une majorité de douaniers. Il est en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale, et notamment la fraude à la TVA. Pourtant, les moyens manquent et ce service a du mal à faire face à la multiplication des enquêtes qui lui sont confiées. La logique de suppression de postes s’est appliquée ici comme dans le reste du ministère des finances.

Monsieur le ministre délégué, le 9 mai dernier vous avez déclaré vouloir doubler les effectifs du SEJF. Pourtant il n’y a rien dans ce texte sur les effectifs des douanes.

Avec cet amendement d’appel, nous réaffirmons qu’il est nécessaire d’investir dans des ressources humaines et matérielles pour faire face à l’évasion fiscale.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Le texte crée des agents douaniers judiciaires. Ce dispositif inédit répond en partie à votre préoccupation au sujet des moyens du SEJF. Ce dernier constitue un point d’attention majeur et le ministre a annoncé le doublement du nombre d’officiers fiscaux judiciaires dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques.

Votre demande de rapport correspond donc très directement au projet du Gouvernement et de la majorité, mais j’émets un avis défavorable car cela me semble un peu prématuré.

La commission rejette l’amendement CF93.

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Article 14 bis A (nouveau)
(art. 1791 du code général des impôts)
Montant plancher de l’amende fiscale applicable aux infractions et tentatives d’infractions à la législation et à la réglementation portant sur les contributions indirectes

I.   le droit existant

L’article 1791 du code général des impôts détermine la sanction fiscale applicable à l’ensemble des infractions et tentatives d’infractions à la législation et à la réglementation portant sur les contributions indirectes. Cette sanction est composée de trois éléments :

– une amende fiscale comprise entre 15 et 750 euros ;

– une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois celui des droits, taxes, redevances, soultes ou autres impositions fraudés ou compromis ;

– le cas échéant la confiscation des objets, produits ou marchandises saisis en contravention, ainsi que la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction.

II.   Les dispositions adoptÉes par la commission

La commission a adopté l’amendement N° CF100 déposé par M. Mathieu Lefèvre (RE) qui vise à augmenter le montant plancher de l’amende fiscale de l’article 1791 du code général des impôts à 200 euros, dans le but de l’aligner sur le montant de l’amende forfaitaire délictuelle en matière de stupéfiants ([204]).

Cet amendement a néanmoins été sous-amendé par l’adoption d’un amendement N° CF181 de la rapporteure, dont l’objet est de fixer le montant plancher de l’amende fiscale à 100 euros et non à 200 euros. En effet, en cumulant le montant de l’amende à proprement parler et celui des autres pénalités applicables, le montant total de la sanction aurait excédé 200 euros. Or, il ne semble pas justifié de sanctionner davantage des fraudes aux droits indirects que l’usage de substances illicites.

Ainsi, le montant de l’amende pouvant être fixé librement entre la limite hausse et la limite basse, il pourra être décidé de la fixer à un niveau tel que le cumul de l’amende et de la pénalité atteigne 200 euros.

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Amendement CF100 de M. Mathieu Lefèvre et sous-amendement CF181 de Mme Nadia Hai.

M. Mathieu Lefèvre (RE). En matière de contrebande de tabac, l’amendement propose de porter de 15 à 200 euros le montant minimal de l’amende fiscale applicable.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis favorable, sous réserve de ramener ce minimum à 100 euros. Cela permettra d’atteindre la sanction totale de 200 euros que vous visez par le cumul de l’amende fiscale et des pénalités qui l’accompagnent.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF181 et l’amendement CF100 sous-amendé.

L’amendement CF97 de M. Mathieu Lefèvre est retiré.

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Article 14 bis B (nouveau)
Rapport sur le coût du trafic de tabac

La commission a adopté un amendement N° CF44 déposé par M. Éric Woerth (RE) et Mme Lise Magnier (HOR) portant une demande de rapport sur le coût total du trafic de tabac, sur la perte de recettes résultant, pour la sécurité sociale, de la contrebande et du trafic illégal des produits du tabac et sur la valeur des saisies réalisées par les douanes.

Cet amendement a obtenu un avis favorable de la rapporteure, qui considère qu’une actualisation des conclusions de la mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement ainsi qu’une première évaluation des effets des mesures du projet seraient très utiles.

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Amendements CF44 de M. Éric Woerth, CF73 de M. Franck Allisio, CF25 de Mme Lise Magnier et CF31 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

Mme Lise Magnier (HOR). Je tiens d’abord à remercier le ministre, puisque l’article 14 reprend un certain nombre des recommandations formulées par Éric Woerth et Zivka Park dans le cadre du rapport d’information relatif à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement.

L’amendement CF44 demande au Gouvernement un rapport sur l’état du marché parallèle du tabac en France. Nous avons eu une photographie de cette réalité à la suite du confinement, il est important d’en assurer le suivi.

M. Franck Allisio (RN). Alors même qu’il était tout à fait marginal au début des années 2000, le marché parallèle du tabac s’est considérablement développé en France depuis vingt ans, notamment ces dernières années. D’après un rapport du cabinet KPMG du 23 juin 2022, ce marché parallèle représentait près de 35 % du marché total des produits du tabac consommés en France en 2021, et 6,2 milliards de pertes fiscales pour l’État.

Ce phénomène inquiétant s’explique notamment par le choix de certaines organisations mafieuses d’abandonner une partie de leurs activités liées aux stupéfiants pour les remplacer par le trafic de tabac, jugé moins risqué et tout aussi lucratif, voire encore plus.

Pour lutter plus efficacement contre ce trafic en plein essor, il est nécessaire de mieux le connaître. Cet amendement propose que la DGDDI remette chaque année au Parlement un rapport qui permette de mieux évaluer l’ampleur réelle de ce trafic.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Mon amendement demande également un rapport qui estimerait l’ampleur du marché parallèle des produits du tabac, de la contrebande et de la contrefaçon ainsi que des pertes fiscales imputables à ce phénomène – ce qui n’est pas anodin. Il rendrait aussi compte des usines clandestines démantelées et fournirait les chiffres des saisies réalisées.

La rédaction de ce rapport devrait associer l’ensemble des acteurs : les services des douanes, bien entendu, mais aussi la Mildeca et la Confédération nationale des buralistes. Il faut élaborer un document qui s’inscrive dans la droite ligne du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025 qui a été présenté. Disposer de ce rapport dès 2024 serait une première pierre à l’édifice.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Ces amendements prévoient la remise d’un rapport chaque année, à l’exception de l’amendement CF44 qui le demande seulement pour le 31 janvier 2024, ce qui me semble plus raisonnable. Le rapport précité d’Éric Woerth et Zivka Park a bien montré qu’il existait un véritable besoin d’informations sur le marché parallèle du tabac : cette demande de rapport permettra l’actualisation de ses conclusions.

Avis favorable à l’amendement CF44 et défavorable aux autres.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans le cadre du plan Tabac que j’ai présenté en décembre dernier, j’ai souhaité qu’un état des lieux complet soit réalisé chaque année en collaboration avec la Mildeca et la Confédération nationale des buralistes. Il faut que les informations publiées soit beaucoup plus précises, notamment en ce qui concerne les filières. On sait qu’une filière moldavo-roumaine est actuellement très impliquée dans ce trafic en France.

J’ai en outre annoncé qu’un profilage chimique des tabacs de contrebande et de contrefaçon en circulation serait effectué, afin de mieux mettre en évidence le trafic qui relève de réseaux.

Je propose le retrait de l’ensemble des amendements au profit de l’amendement CF44. C’est aussi pour moi l’occasion de saluer le travail d’Éric Woerth et Zivka Park lors de la précédente législature.

M. le président Éric Coquerel. Il serait utile que les auteurs des autres amendements se rapprochent de ceux du CF44 d’ici à la séance, car quelques précisions sur le contenu du rapport seraient peut-être utiles.

L’amendement CF31 est retiré.

La commission adopte l’amendement CF44.

En conséquence, les amendements CF73 et CF25 tombent.

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Article 14 bis
(art. L.134 E [nouveau] du livre des procédures fiscales)
Droit d’accès direct des agents des douanes aux informations détenues par la direction générale des finances publiques dans le cadre du contrôle du respect des conditions d’exonération de TVA pour les biens transportés dansées bagages des voyageurs

 

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 14 bis, introduit par amendement du rapporteur de la commission des finances du Sénat, précise que les agents des douanes bénéficient d’un accès direct aux informations détenues par la direction générale des finances publiques pour le contrôle du respect des conditions d’exonération de TVA sur les biens transportés par les voyageurs dans leurs bagages.

I.   les dispositions proposÉes par le sÉnat

L’article 14 bis résulte de l’adoption par la commission des finances du Sénat de l’amendement N° COM-79 déposé par le rapporteur.

Aux termes du 2° du I de l’article 262 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acheteur qui n’est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne ([205]).

Lorsque la livraison porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels des voyageurs, l’exonération ne trouve à s’appliquer que si plusieurs conditions sont cumulativement réunies :

– le voyageur n’a pas son domicile ou sa résidence habituelle en France ou dans un autre État membre de la Communauté européenne ;

– la livraison ne porte pas sur les tabacs manufacturés, les marchandises qui correspondent par leur nature ou leur qualité à un approvisionnement commercial ni sur celles qui sont frappées d’une prohibition de sortie ;

– les biens sont transportés en dehors de la Communauté européenne avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;

– la valeur globale de la livraison, TVA comprise, excède un montant qui est fixé par arrêté du ministre chargé du budget.

Les agents des douanes sont chargées du contrôle du respect de ces conditions. Pour ce faire, ils ont besoin de certaines informations détenues par d’autres services, et en tout premier lieu par la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour ce qui est de la condition de résidence.

Les agents de la direction générale des finances publiques, de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale  la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent d’ores et déjà se communiquer spontanément ou sur demande tous documents et renseignements détenus ou recueillis dans le cadre de l’ensemble de leurs missions respectives ([206]). Ces dispositions ne permettent toutefois pas de garantir l’existence d’un droit d’accès direct, au profit des agents des douanes, aux informations de la DGFIP permettant de disposer immédiatement, lors du contrôle, de certaines informations.

Pour remédier à cette situation, l’article 14 bis introduit par le Sénat propose de préciser, dans un nouvel article L. 83 A bis du livre des procédures fiscales, que les agents des douanes dûment habilités disposent d’un droit d’accès direct aux informations détenues par la direction générale des finances publiques dans le but de déterminer si les conditions de résidence nécessaires pour bénéficier de l’exonération susmentionnées sont respectées.

Est renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de ce droit d’accès, « notamment, la nature des informations consultables, les modalités de désignation et d’habilitation des agents ayant un accès direct à ces informations, ainsi que les conditions de traçabilité des consultations effectuées par ces agents ».

II.   La position de la commission

La commission considère que cette disposition est de nature à fluidifier les tâches des agents des douanes et de leur permettre de gagner en efficacité.  

Elle a néanmoins adopté un amendement de la rapporteure portant nouvelle rédaction de l’article (N° CF179) : en effet, le périmètre des informations rendues accessibles aux agents des douanes excédait dans la rédaction du Sénat la seule information relative au lieu de résidence.

L’amendement propose donc de substituer à l’accès direct un accès automatique intermédié par le biais d’une interface de programmation d’application qui, contrairement à un accès direct aux fichiers, permet de limiter précisément les informations accessibles et donc d’atteindre l’objectif de lutte contre la fraude tout en assurant une meilleure protection des données personnelles.

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Amendement CF179 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 14 bis.

Cet article autorise les agents des douanes à accéder directement aux fichiers de gestion de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, afin de s’assurer qu’un voyageur est en droit de bénéficier de l’exonération de TVA prévue pour ceux qui ne sont pas domiciliés dans l’Union européenne.

Or, un tel accès direct à l’ensemble des informations relatives à l’impôt sur le revenu paraît disproportionné dès lors que la seule information utile pour s’assurer qu’un voyageur peut bénéficier de la détaxe porte sur son domicile ou sa résidence habituelle.

Cet amendement propose donc de lui substituer un accès automatique par voie électronique, ce qui permet de limiter précisément les informations transmises. Il s’agit d’atteindre l’objectif de lutte contre la fraude tout en préservant la protection des données personnelles.

Par ailleurs, les informations communicables dans ce cadre étant désormais déterminées par la loi elle-même, le renvoi à un décret en Conseil d’État n’est plus nécessaire.

La commission adopte l’amendement et l’article 14 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CF53 de Mme Charlotte Leduc tombe.

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Article 15
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour refondre la partie législative du code des douanes

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 15 porte une autorisation à légiférer par voie d’ordonnance pour la recodification et la réorganisation du code des douanes, ains que l’harmonisation des dispositions liées mais figurant dans d’autres codes.

I.   Le droit existant

A.   Une codification ancienne du code des douanes

Le code des douanes résulte de trois phases de codification. La première phase a été menée en 1934 conformément à l’habilitation législative conférée par l’article 14 de la loi du 6 juillet 1934. Cette codification s’est limitée à reproduire les textes législatifs d’origine. Aucune ratification donnant valeur législative n’avait été donnée à ces travaux de codification à l’époque.

En 1974, l’article 28 de la loi de finances n° 45-195 du 31 décembre 1945 avait pour objet de supprimer du code des douanes et des autres codes fiscaux les dispositions ayant un caractère réglementaire. En exécution de ce texte, le décret n° 47-1719 du 2 septembre 1947 a supprimé les dispositions réglementaires du code.

Enfin, en 1948, afin de simplifier et d’améliorer la lisibilité de la réglementation fiscale, l’article 5 de la loi n° 48-1268 du 5 août 1948 a prévu la refonte des codes fiscaux avant le 1er janvier 1949. Les codes et textes ainsi refondus devaient être annexés au projet de loi de finances pour l’année 1949. Le décret de codification est paru le 1er janvier 1949, en même temps que la loi de finances n° 48‑1274 du 31 décembre 1948.

Depuis 1948, aucune opération de codification nouvelle ni de réorganisation du code n’a eu lieu. Il subsiste donc, outre d’éventuelles insuffisances ou rédactions obsolètes, des dispositions législatives relatives aux agents des douanes qui ne sont pas codifiées ou qui sont codifiées dans un autre code que le code des douanes. C’est par exemple le cas du code général des impôts, qui comprend de nombreuses dispositions relatives aux pouvoirs des agents des douanes.

En outre, le règlement (UE) n° 952-2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes a été adopté depuis la dernière publication. Son objet est de fixer les règles et procédures générales applicables aux marchandises entrant dans le territoire douanier de l’Union ou en sortant.

B.   Une refonte récente des dispositions codifiées relatives aux contributions et réglementations assimilées

La législation et la réglementation applicables aux contributions indirectes figuraient, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021, dans le code général des impôts et dans le livre des procédures fiscales. Certaines dispositions portant sur des champs spécifiques, se trouvaient par ailleurs dans d’autres code, dont le code rural et de la pêche maritime par exemple pour ce qui est des droits liés à la viticulture.

Le nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS), en vigueur depuis le 1er janvier 2022, regroupe désormais les dispositions relatives à la taxation des énergies, alcools, tabacs, impositions liées au mobilités et aux activités industrielles et polluantes.

Cette recodification accompagne une évolution des prérogatives de la DGFIP. Aboutissement de la réforme du recouvrement des impositions et des amendes engagée par le Gouvernement en 2018, le recouvrement des accises sur les alcools et tabacs sera effectué par la DGFIP à compter du 1er janvier 2024, selon les procédures fiscales applicables à la taxe sur le chiffre d’affaire. Ainsi, un certain nombre de droits jusqu’alors collectés par la douane le sont désormais par la DGFIP.

Ce travail de long terme n’est pas encore abouti : le II l’article 128 de la loi de finances pour 2022 porte une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance accordée au Gouvernement pour un délai de deux ans et qui doit permettre de prendre toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte des règles relatives aux impositions frappant les produits, services ou transactions et aux impositions contrôlées ou recouvrées selon les mêmes procédures ainsi que des régimes relatifs à ces produits, services ou transactions.

II.   le droit proposÉ

● Le I de l’article 15 propose d’autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte de la partie législative du code des douanes.

Plusieurs objectifs sont assignés à cette autorisation :

– aménager le plan du code des douanes pour y inclure des dispositions non codifiées entrant dans son domaine d’application (a du 1°) et des dispositions contenues dans d’autres codes relatives aux contributions indirectes et réglementation assimilées, portant sur les pouvoirs de contrôle, le régime de sanctions, les procédures devant les tribunaux, les remises et transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances (b du 1°). Il convient de signaler que l’assiette et le taux de ces contributions resteront régies par le code des impositions sur les biens et services ou le code général des impôts selon les cas ;

– améliorer la lisibilité du droit en adaptant les dispositions prévues par d’autres codes ou par des textes non codifiés aux dispositions recodifiées du code des douanes. Cette adaptation pourra prendre la forme d’une harmonisation et d’une simplification des textes, d’une abrogation des dispositions devenues obsolètes ou sans objet (2°) ;

– harmoniser les dispositions contenues dans d’autres codes relatives aux contribution indirectes et aux réglementations assimilées portant sur les pouvoirs de contrôle, les sanctions, les procédures, les remises et transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances avec les éléments relatifs aux droits de douane et aux réglementations contrôlées et réprimées comme ces droits de douane ;

– étendre l’application des dispositions non codifiées, des dispositions contenues dans d’autres codes, et des dispositions harmonisées aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Marin et de Saint-Pierre et Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques française.

Cette codification porte ainsi sur deux types de dispositions différentes. Assez classiquement, elle porte tout d’abord sur les dispositions en vigueur au moment de la publication de l’ordonnance, qui sont donc transférées en l’état d’un code à un autre ou d’une loi à un code.

Elle permet également de procéder à des modifications rendues nécessaires pour harmoniser les éléments relatifs aux contributions indirectes contenues dans d’autres codes avec les dispositions applicables aux droits de douane ou rendues nécessaires pour l’adaptation aux départements et territoires d’outre-mer. Ainsi, des dispositions présentes dans d’autres codes pourront être modifiées dans un souci de cohérence.

D’autres modifications des dispositions législatives pourront être réalisées aux fins d’assurer le respect du droit de l’Union européenne et des accords internationaux ratifiés, et d’adapter les renvois au pouvoir réglementaire à la nature et à l’objet des mesures d’application.

 Le II précise que l’ordonnance doit être prise dans un délai de trente-six mois à compter de la publication de la loi. Ce délai est plus important que les délais généralement proposés, mais s’explique par l’ampleur des modifications à effectuer.

Enfin, le projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. Ce délai de trois mois est en revanche très fréquemment utilisé ([207]).

III.   les modifications apportÉes par le sénat

Le Sénat n’a pas modifié l’article 15.

IV.   La position de la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement rédactionnel (N° CF142).

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Amendements de suppression CF42 de M. Mickaël Bouloux, CF54 de Mme Charlotte Leduc et CF58 de M. Michel Castellani.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement vise à supprimer la demande d’habilitation à légiférer par ordonnance faite par cet article. La dernière recodification du code des douanes remonte à 1948 : une refonte ne doit pas intervenir par ordonnance, nous devons être mieux informés.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Il faut effectivement supprimer cette habilitation à légiférer par ordonnance.

M. Michel Castellani (LIOT). Le dépôt du projet de loi de ratification dans le délai prévu par la loi d’habilitation donne désormais à lui seul valeur législative à une ordonnance. Cela limite considérablement le contrôle du Parlement sur les conséquences normatives des habilitations à légiférer par ordonnance. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l’article.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Avis défavorable.

La dernière codification du code des douanes remonte à 1948 et il contient des dispositions obsolètes, avec des rédactions vieillissantes ou qui ne sont tout simplement plus applicables. Inutile de dire que depuis cette date l’architecture même du droit douanier a considérablement évolué, ne serait-ce que sous l’influence de l’Union européenne, qui détient une compétence exclusive en matière d’union douanière.

Par ailleurs, le code des douanes ne résume pas l’action des douanes, qui est aussi régie par des dispositions figurant dans d’autres codes. Cette dispersion nuit à la lisibilité du droit.

Ce code est très technique et très compliqué. C’est pourquoi un délai de trente-six mois a été considéré comme nécessaire pour sa refonte, soit plus que ce qui est habituellement prévu par ce type d’habilitation.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un de plus hostile à une habilitation à légiférer par ordonnance qu’un sénateur. Le Sénat a pourtant voté en faveur de cette habilitation. M. Bocquet, sénateur communiste, a même retiré son amendement de suppression à la suite des explications que j’ai fournies en séance publique.

Si le Sénat a validé cette demande alors qu’il les rejette toujours d’habitude, c’est bien qu’elle est entièrement justifiée. En effet, il s’agit d’un travail titanesque et affreusement technique. Cette refonte interviendra à droit constant, et la Commission supérieure de codification a entériné le principe du recours à une ordonnance.

La commission rejette les amendements de suppression CF42, CF54 et CF58.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF142 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Amendements CF133 de Mme Christine Arrighi et CF59 de M. Michel Castellani (discussion commune).

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement de repli – qui souligne l’indépendance de l’Assemblée par rapport au Sénat – propose de ramener à douze mois le délai de l’habilitation. Cela nous paraît largement suffisant pour codifier des éléments dispersés dans plusieurs textes.

M. Michel Castellani (LIOT). Trois ans pour codifier, cela semble tout de même un peu long.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Vous ne trouverez pas un cadre ou un agent de la douane pour vous dire que ce travail de refonte peut être fait en douze ou même vingt-quatre mois. C’est très technique. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Franchement, il s’agit d’une codification à l’identique. Un an c’est peut-être un peu court, mais deux ans suffisent largement.

Mme Nadia Hai, rapporteure. C’est une refonte à droit constant, ce qui n’est pas la même chose.

La commission rejette successivement les amendements CF133 et CF59.

Elle adopte l’article 15 modifié.

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*     *

Après l’article 15

Amendement CF41 de M. Mickaël Bouloux.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport sur l’opportunité de créer un code de procédure douanière.

Mme Nadia Hai, rapporteure. J’ai du mal à suivre votre logique. Vous avez déposé un amendement de suppression de l’article 15, qui engage la nouvelle codification, et vous sollicitez maintenant la création d’un nouveau code…

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF41.

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Article 16
(art. 1er, 60, 60-3, 60-4, 60-8, 62, 63, 67 et 67 ter C et 452 du code des douanes)
Dispositions relatives à l’application du projet de loi outre-mer

 

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit l’application et l’adaptation des dispositions du projet de loi aux départements et territoires d’outre-mer.

 

I.   Le droit existant

● L’applicabilité des dispositions législative en outre-mer dépend du statut des collectivités concernées. Les collectivités de l’article 73 de la Constitution (la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte) sont régies par un principe d’identité législative : les lois et les règlements y sont applicables de plein droit, sous réserve d’adaptation possibles.

A contrario, chaque collectivité de l’article 74 est régie par un statut, défini par une loi organique adoptée après avis des assemblées délibérante. Le statut fixe notamment les conditions dans lesquelles les lois et règlement s’appliquent dans la collectivité considérée ainsi que ses compétences.

Aux termes de leurs statuts organiques, les collectivités de l’article 74 que sont Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon sont également régies par un principe d’identité législative.

Les autres collectivités de l’article 74 (Polynésie française, îles Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie) sont au contraire régies par un principe de spécialité législative : les lois et règlements pris dans les matières pour lesquelles l’État est compétent n’y sont applicables que sur mention expresse.

Cependant, par exception, certaines matières relevant dans ces collectivités de la compétence de l’État sont directement applicables. Ainsi, aux termes de l’article 8° de l’article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et l’article 6-2 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, sont applicables de plein droit en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie sans préjudice de dispositions les adaptant à leur organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires relatives à la lutte contre la circulation illicite et au blanchiment des capitaux  ainsi que celles relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière.

Il convient cependant de signaler que ce régime d’exception par lequel certaines matières sont directement applicables n’est pas inscrit dans le statut des îles Wallis-et-Futuna. Dès lors, une applicabilité expressément mentionnée est nécessaire pour l’application de l’ensemble des dispositions.

Concernant enfin les Terres australes et antarctiques françaises, c’est également un principe de spécialité législative qui s’applique. En effet, la loi n° 55‑1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de La Passion-Clipperton prévoit que, sauf exceptions, « dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État, sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ». Parmi ces exceptions applicables de plein droit, figurent les dispositions relatives « aux relations financières avec l'étranger, à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux, à la lutte contre le financement du terrorisme, aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions et aux procédures contentieuses en matière douanière » ([208]) .

● Enfin, l’application du droit européen varie selon les collectivités :

– les collectivités relevant du statut de régions ultrapériphériques, reconnu par l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, font partie intégrante de l’Union et sont assujetties au droit européen. Saint-Martin et les cinq départements d’outre-mer disposent de ce statut ;

– d’autres collectivités relèvent du statut des pays et territoire d’outre-mer : c’est le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Wallis-et-Futuna. Ces territoires ne font pas partie intégrante de l’Union européenne, mais bénéficient d’un régime d’association. Par conséquent, le droit de l’Union européenne ne leur est pas applicable (ils sont en revanche éligibles à des programmes horizontaux de l’Union, dont l’objet est favoriser le développement de ces territoires et la promotion des valeurs et normes de l’Union européenne).

Il convient en outre de noter que les collectivités d’outre-mer n’appartiennent pas à l’espace Schengen, en application de l’article 138 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.

II.   le droit proposÉ

● Aux termes du I de l’article 16, le principe retenu est celui de l’application de la loi à l’ensemble du territoire de la République. Seules des adaptations visant à tenir compte des compétences des collectivités sont prévues.

Ces adaptations sont de plusieurs ordres.

● Tout d’abord, certaines dispositions ne sont pas applicables dans certains territoires : l’article 1er visant à délimiter la zone terrestre n’est pas applicable dans les collectivités régies par l’article 74, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Dans ces mêmes collectivités, ne seront pas applicables les dispositions relatives au droit de gel des accès aux données stockées sur des serveurs distants dans le cadre des visites domiciliaires de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales. Les collectivités de l’article 74 sont en effet compétentes pour les dispositions relatives au recouvrement, au contrôle et aux sanctions relatives à l’impôt. Pour les mêmes raisons, ne sont pas applicables dans les collectivités de l’article 74 l’aggravation des sanctions portant sur le trafic de tabac, prévues par le code général des impôts.

Le gel des accès réalisé dans le cadre des visites domiciliaires de l’article 64 du code des douanes sera quant à lui bien applicable.

Enfin, le projet de loi prévoit qu’en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives au droit de visite ne seront pas applicables pour l’application du code rural et de la pêche maritime, du code du patrimoine et du livre des procédures fiscales.

● L’application des dispositions du projet de loi tient également compte de la non-application du droit de l’Union européenne dans les pays et territoire d’outre-mer. Ainsi, les modifications prévues à l’article 67 du code des douanes (article 5 du projet de loi) portant sur les vérifications aux frontières sont adaptées pour les départements d’outre-mer, les collectivités de l’article 74 et la Nouvelle-Calédonie, afin de renvoyer au code de l’entrée et du séjour des étrangers du droit d’asile.

Des adaptations sont également prévues pour l’application du code des douanes à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises :

– les mentions des règlements européens aux articles 60, 60-4, 60-8, 62 et 63 sont supprimées ;

– les adaptations du droit de visite ne pourront pas porter sur les articles 215 bis et 215 ter : ces articles visent en effet le territoire douanier, qui ne comprend que la France continentale, la Corse, les îles françaises voisines du littoral, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion ([209]), auquel le projet de loi adjoint Saint-Martin.

 Pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article 67 ter C du code des douanes, la mention de la cour d’appel et est remplacée par la mention du tribunal supérieur d’appel.

 L’application des dispositions relatives à la réserve opérationnelle pour les aspects touchant aux codes du travail et à la sécurité sociale sont adaptées aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, et en Nouvelle-Calédonie, ces compétences appartenant aux collectivités.

 Enfin, Saint-Martin est inclus dans la définition du territoire douanier figurant à l’article 1er du code des douanes, et une précision rédactionnelle précise que le titre XIV du code des douanes, relatif aux contentieux des relations financières avec l’étranger, est applicable à l’ensemble du territoire de la République.

III.   les modifications apportÉes par le sénat

La commission des finances du Sénat a adopté un amendement de coordination N° COM-80, déposé par le rapporteur, visant à tirer les conséquences d’une modification rédactionnelle à l’article 2.

IV.   La position de la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements rédactionnels (N° CF143 et CF145).

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La commission adopte les amendements rédactionnels CF143 et CF145 de Mme Nadia Hai, rapporteure.

Elle adopte l’article 16 modifié.

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TITRE

Amendements CF55 de M. Mickaël Bouloux et CF71 de Mme Christine Arrighi (discussion commune).

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je propose un titre plus neutre et moins belliqueux car la référence à de « nouvelles menaces » ne s’impose pas et, plus encore, ne permet pas d’aborder sereinement la question des trafics et des nouveaux modes d’action. Je contribue à l’apaisement en proposant de renommer ce texte « projet de loi visant à élargir les prérogatives de la douane française ».

M. Karim Ben Cheikh (Ecolo-NUPES). L’insertion du mot « juridiques » après « moyens » permet de préciser la nature d’un texte qui, essentiellement, vise un objectif de sécurisation juridique d’un certain nombre de procédures douanières, sans renforcer les moyens humains et matériels de ces services.

Mme Nadia Hai, rapporteure. Il ne s’agit pas en effet d’un texte budgétaire ni d’une loi de programmation. Néanmoins, votre proposition est très réductrice car de nouveaux moyens sont alloués aux douaniers, notamment à travers la création de la réserve opérationnelle et, via le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de la douane pour les années 2022 à 2025, la multiplication du nombre de scanners. Le titre de ce projet est donc approprié. Avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Sous couvert d’apaisement, nos collègues socialistes font preuve d’une naïveté coupable en se refusant d’évoquer les « nouvelles menaces ». Ce n’est pas rendre hommage aux douaniers que de nier l’existence d’une délinquance de plus en plus organisée et criminelle.

M. Charles de Courson (LIOT). Ce texte ne vise pas tant de « nouvelles menaces » que des menaces tout court. Il me paraîtrait de bonne politique de supprimer simplement le mot « nouvelles ».

La commission rejette successivement les amendements CF55 et CF71.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 


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Travaux de la commission des lois

Lors de ses réunions du mardi 13 juin 2023, la Commission examine les articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, délégués au fond par la commission des finances, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/stllUT

M. le président Sacha Houlié. Monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission – je crois que c’est une première pour vous. Nous examinerons les articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, ter et quater qui, délégués au fond par la commission des finances, appartiennent au projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, dont Mme Élodie Jacquier-Laforge est rapporteure pour avis.

L’examen du projet de loi, dont nous avons concerté le découpage avec le Sénat, suit un partage selon les compétences des commissions des finances et des lois. Formellement, c’est la première qui a été saisie au fond, avant de nous renvoyer les articles précités.

En outre, ce projet de loi fait suite à la censure du Conseil constitutionnel qui, survenue à l’été dernier, concernait l’article 60 du code des douanes. Celle-ci prendra effet à partir du 1er septembre prochain, raison pour laquelle il est nécessaire de légiférer.

Puisque la commission des finances se prononcera demain, nous devons achever nos travaux ce soir, la coutume étant que les positions que nous prendrons sur les articles qui nous sont délégués soient reprises telles quelles par la commission au fond.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La douane française est, selon la formule consacrée, l’administration de la frontière et de la marchandise. Administration de la frontière, la douane assure donc le traitement des flux de marchandises lors de leur passage en frontière, concourt à l’action de l’État en mer par la surveillance de la frontière maritime, et endosse une mission de garde-frontière ; administration des marchandises, elle veille à leur conformité aux normes, accompagne les entreprises dans leurs opérations douanières et lutte contre les trafics, la contrefaçon, la criminalité organisée et le financement du terrorisme.

Si la douane est l’héritière de la Ferme générale, son ancienneté ne la dispense pas d’être moderne ; utilisant les nouvelles technologies et investissant la frontière numérique, elle a su s’adapter aux défis et aux enjeux contemporains. Ce sont ainsi plus de 16 600 personnes qui assurent au quotidien la sécurité du territoire et de la population, par une action qui est marquée du sceau de l’efficacité, comme en témoignent les chiffres records du bilan annuel pour 2022.

Pour assurer la pérennité de cette efficacité, nous devons donner à la douane les moyens qui lui permettront de faire face aux nouveaux défis, menaces et méthodes toujours plus sophistiqués et agiles des trafiquants et des criminels.

L’objet de ce projet de loi s’inscrit dans un contexte particulier. Si 2022 a été une année record, les douanes risquent, sans une intervention rapide du législateur, de se retrouver privées dès la rentrée du droit de visite douanière, qui est l’un de leurs principaux leviers d’action. Cette visite par les douaniers des marchandises, des véhicules et des personnes était possible sur tout le territoire, à toute heure et sans justification particulière pour rechercher des infractions à la législation douanière et lutter contre la fraude.

Sur le fondement législatif, l’article 60 du code des douanes a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022, même si l’effet de cette censure a été différé au 1er septembre prochain pour nous éviter un vide juridique aux conséquences désastreuses.

Composé initialement de seize articles, le texte, après son examen par le Sénat, en compte désormais vingt-trois. De même, la commission des finances nous a délégué au fond les articles 1er à 5, 8, 8 bis et 11 à 11 quater : nous sommes donc saisis de onze articles, que je vais vous présenter.

L’article 1er modifie la zone terrestre du rayon des douanes, où des prérogatives étendues peuvent être exercées afin d’en fixer la limite à 40 kilomètres à partir des frontières, sans permettre au pouvoir réglementaire de l’étendre – elle est de 20 kilomètres dans la loi, mais de 60 kilomètres en réalité.

L’article 2, qui peut être considéré comme le cœur du texte, constitue la réponse à la censure de 2022. Nous passons, avec cet article, d’un dispositif laconique, d’une longueur de deux lignes et datant de 1948, que la Cour de cassation avait encadré d’une abondante jurisprudence, à un robuste corpus de onze articles déclinant la finalité du droit de visite, ses modalités d’exercice, ainsi que les garanties qui l’entourent.

L’utilisation de ce droit sera fondée soit sur le lieu où il peut être exercé sans justifier d’un motif particulier – lieux exposés à l’international et lieux situés dans le « rayon des douanes » –, soit dans tout autre lieu, après information du parquet, pour des motifs particuliers, comme la suspicion d’une commission d’infraction ou la recherche d’infractions particulières.

Dans la mesure où d’importantes garanties sont prévues pour assurer le respect des droits des personnes, les visites des marchandises, des véhicules et des personnes feront l’objet d’un encadrement rigoureux.

Le dispositif relatif au droit de visite est ainsi opportunément équilibré, en ce qu’il en assure la robustesse juridique tout en préservant son caractère opérationnel. L’action des douanes demeurera évidemment possible sur tout le territoire national, mais son cadre juridique changera en fonction des lieux. Ne nous focalisons donc pas sur le rayon d’action des douanes ou sur certains lieux : l’ensemble du territoire, je le répète, sera concerné, le droit de visite pouvant être partout mis en œuvre, mais parfois avec un encadrement renforcé, afin de répondre à la censure constitutionnelle et d’assurer un équilibre avec la liberté d’aller et de venir.

L’article 3 transpose ces garanties aux visites des navires, qui font l’objet de dispositifs spécifiques dans le code des douanes.

L’article 4 formalise les pouvoirs des agents des douanes lorsqu’ils constatent une infraction de droit commun punie d’emprisonnement, en permettant notamment la remise du suspect à un officier de douane judiciaire.

L’article 5 précise, quant à lui, le fondement des contrôles exercés aux frontières extérieures, en renvoyant aux dispositions pertinentes du code frontières Schengen.

En complétant les dispositions des procédures spéciales d’enquête douanière préexistantes, l’article 8 permet, pour les infractions les plus graves et sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à des agents spécialement habilités de procéder à des sonorisations et à des fixations d’images pour une durée d’un mois renouvelable.

Enfin, l’article 11 instaure une expérimentation d’une durée de trois ans portant sur l’exploitation élargie du dispositif de lecteurs automatiques des plaques d’immatriculation (Lapi), afin de contrer la sophistication grandissante des modes opératoires des délinquants.

Afin de faciliter la constatation des délits douaniers de contrebande, d’importation ou d’exportation de marchandises prohibées commis en bande organisée, ainsi que la constatation du délit de blanchiment, les agents des douanes, spécialement habilités et affectés à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), pourront consulter les données enregistrées par le Lapi pendant une durée plus longue, et les consulter en l’absence de rapprochement positif avec le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) et le système d’information Schengen (SIS).

Le Sénat, en commission puis en séance, a apporté de nombreuses modifications d’une portée variable, mais en conservant l’équilibre initial du texte.

Au sein du premier bloc, composé des articles 1er à 5, trois ont été adoptés sans être modifiés – les articles 1er, 4 et 5 –, tandis que l’article 3 a été précisé, en cohérence avec l’article 2 qui a concentré l’essentiel des modifications. Ces dernières ont cependant confirmé l’économie générale, ainsi que l’équilibre du texte proposé par le Gouvernement, puisqu’il s’agit, pour l’essentiel, de précisions ou de clarifications bienvenues.

Certains pourraient être tentés d’assouplir le dispositif ou de supprimer certains cadres, mais j’appelle votre attention sur la prudence dont nous devons faire preuve pour conserver ce délicat équilibre juridique, salué par le Conseil d’État et nos collègues sénateurs. À vouloir aller trop loin, nous risquerions d’exposer cet outil à une nouvelle censure, privant ainsi les douanes de leur capacité d’action.

Au sein du second bloc, si l’article 8 a été adopté sans modification par les sénateurs, ils ont introduit en commission des lois, à travers un amendement du rapporteur pour avis, un article 8 bis. Cet article permet d’appliquer les dispositions du code de procédure pénale relatives à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement en matière de criminalité organisée aux délits douaniers commis en bande organisée.

L’article 11 a été modifié par les sénateurs en commission ainsi qu’en séance. Le Sénat a souhaité que deux rapports d’évaluation, dont il a précisé le contenu, soient rendus au cours de l’expérimentation – au lieu d’un seul, dans la version du texte déposée par le Gouvernement. Suivant une recommandation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), le Sénat a voulu que soient évaluées plusieurs durées de conservation des données collectées.

Tenant compte du caractère sensible du contenu du décret en Conseil d’État, lequel précise les modalités d’application de l’article, le Sénat a voté pour que celui-ci ne soit pas publié. Il prévoit cependant que l’avis de la Cnil, rendu en amont de la prise du décret, doit être motivé et que le sens de cette motivation doit faire l’objet d’une publication. Les sénateurs ont par ailleurs précisé que l’expérimentation est soumise aux dispositions de la loi dite « informatique et libertés ».

Le Sénat a enfin souhaité, en séance publique, adopter trois articles additionnels après l’article 11. Introduit par un amendement du sénateur Jérôme Bascher, l’article 11 bis permet aux agents des douanes, de la police et de la gendarmerie nationales chargés de missions de police aux frontières de « se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières. »

Introduit par un amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, l’article 11 ter crée la catégorie d’agent de douane judiciaire. Ces derniers, qui disposent des mêmes prérogatives que celles dévolues aux agents de police judiciaire, sont ainsi chargés de suppléer les officiers de douane judiciaire.

Enfin, l’article 11 quater, lui aussi introduit par un amendement du Gouvernement, permet aux agents des douanes de recourir aux caméras aéroportées dans le cadre de leur mission de lutte contre les mouvements transfrontaliers de tabac, ainsi que de surveillance des frontières.

Ce texte est une opportunité rare de renforcer les capacités de nos services douaniers, dont j’ai pu constater l’excellence et la volonté de faire au mieux avec les moyens dont ils disposent. Les dispositions que je viens de vous présenter, dont nous aurons l’occasion de débattre cet après-midi et cette nuit, viendront renforcer leur action au service de notre sécurité. J’espère qu’elles recueilleront ici un large consensus.

Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE). Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Déposé au Sénat le 13 avril dernier, ce texte s’attache à maintenir un haut niveau d’efficacité de l’action de la douane française dans ses missions de surveillance, de contrôle et de lutte contre les fraudes sur l’ensemble du territoire. Il tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, aux termes de laquelle le droit de visite des agents des douanes, prévu à l’article 60 du code des douanes, est inconstitutionnel. Néanmoins l’effet de la décision a été reporté au 1er septembre 2023.

Administration de la frontière et de la marchandise, l’administration des douanes se situe au centre du processus de mondialisation. Remplissant simultanément une mission de soutien à l’attractivité de l’économie et à la performance économique des entreprises, elle joue aussi un rôle essentiel dans la protection et la sécurité du territoire ainsi que de la population.

Les agents douaniers étant en première ligne pour assurer notre sécurité sur l’ensemble du territoire, la censure du Conseil constitutionnel nécessite l’élaboration d’un nouveau cadre législatif pour l’action des agents des douanes. Ce dernier permettrait de mieux circonstancier l’exercice du droit de visite, en tenant compte des lieux de son exercice, des motifs de sa mise en œuvre et des garanties apportées au droit des personnes, afin d’assurer une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions douanières et, de l’autre, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.

Le projet de loi, en proposant un cadre rénové du droit de visite, permet d’engager dans les prochains mois un important travail de recodification du code des douanes, lequel n’a fait l’objet d’aucune réforme d’ensemble depuis 1948.

Ce texte offre par ailleurs de nouveaux moyens d’action et d’investigation aux agents des douanes. Pour leur permettre de continuer à assurer avec efficacité les missions de protection du territoire et de la population, mais aussi de lutter contre la fraude, leurs pouvoirs d’investigation seront modernisés et adaptés aux évolutions des menaces criminelles. Il en sera de même en ce qui concerne le recours croissant des fraudeurs aux nouvelles technologies, lesquelles leur permettent de faire prospérer leur trafic tout en restant anonymes.

Donner des moyens aux agents est essentiel. Le bilan de l’administration douanière pour l’année 2022 est historique et parle de lui-même : ont été saisis 104 tonnes de drogue, 649 tonnes de tabac et de cigarettes de contrebande et 11 millions d’articles de contrefaçon.

Si nous voulons garder ce haut niveau d’exigence, il faut accompagner nos douaniers en leur donnant les voies et moyens d’accomplir leur mission dans un monde en pleine mutation. C’est l’ambition même du texte que nous examinons.

Parce que la douane est essentielle pour la sécurité de nos concitoyens et du territoire national, et parce que ce texte donne davantage de moyens à l’administration douanière, notre groupe le votera.

M. Alexandre Sabatou (RN). Alors que les Pays-Bas et la Belgique voient leurs ministres menacés d’enlèvement, voire d’assassinat, par les narcotrafiquants, la France fait le choix de restreindre le champ d’action de la douane.

À cause du Conseil constitutionnel, l’agent devra, en dehors du territoire des douanes, justifier d’une raison plausible pour contrôler un véhicule ou un individu. C’est donc la fin du flair du douanier et des contrôles aléatoires, qui ont pourtant fait leurs preuves durant toutes ces années.

Il faut bien comprendre que les contrebandiers, bien loin des caricatures du cinéma, ressemblent chaque jour un peu plus à M. Tout-le-monde. L’introduction de cette raison plausible dans notre droit sera alors à l’origine de nombreux contentieux : c’est une aubaine pour les avocats et les narcotrafiquants, mais une catastrophe pour les douaniers et nos concitoyens.

Il faut bien comprendre que si la raison plausible invoquée est jugée trop fragile par un magistrat, le douanier verra son affaire réduite à néant. Quand nous voyons les résultats que cela a donnés chez nos gendarmes et policiers, quand nous voyons leur résignation et leur envie de baisser les bras, nous assumons de vouloir un autre destin pour nos douaniers.

Que dire de la mise en place du procès-verbal en cas de contrôle négatif ? Ce document devra détailler les raisons pour lesquelles un contrôle a été effectué sur les personnes ou les biens. Ce faisant, la douane donnera de facto aux trafiquants des indications sur les raisons d’un contrôle, ce qui leur permettra de rectifier leurs erreurs en faisant de la rétro-ingénierie.

En plus de rajouter de la bureaucratie et de réduire la présence des douaniers sur le terrain, ces dispositions désarment nos douaniers. Alors que la douane n’a fait l’objet d’aucun scandale ni bavure, alors qu’elle est une administration bien gérée – elle est la seule, je le rappelle, à rapporter de l’argent à l’État –, le Gouvernement entend placer les douaniers sous la tutelle des procureurs. Cette volonté de mise sous tutelle est unanimement vécue par les douaniers comme une sanction totalement injustifiée.

La douane est une administration autonome, et elle doit le rester ; le procureur n’a pas à donner son aval à leurs actions. La douane devant être rapide et réactive pour attraper les contrebandiers, la multiplication des décideurs ne ferait qu’entraver leur action, donc réduire leur efficacité.

À une époque où les échanges commerciaux s’accélèrent et où la pression des narcotrafiquants se fait de plus en plus forte, il faudrait au contraire donner plus de moyens et une plus grande liberté d’action à nos douaniers. Une autre voie est possible, mais, pour s’y engager, il faut du courage et de la volonté pour aller affronter le Conseil constitutionnel, car, jusqu’à preuve du contraire, c’est au législateur de faire la loi, et non au juge.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous sommes réunis pour discuter du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, puisque l’article 60 du code des douanes a été jugé non conforme à la Constitution, et qu’il nous faut donc adapter la loi afin qu’elle se conforme à la norme suprême.

L’enjeu de ce texte est de permettre à nos douaniers à la fois d’avoir les moyens d’agir et de faire face aux différentes menaces pesant sur nous, mais aussi d’effectuer les contrôles qui sont nécessaires – notamment pour ce qui est de la drogue, de la contrebande ou du trafic d’armes –, tout en garantissant nos droits.

Ce texte recèle plusieurs incohérences : censé renforcer les pouvoirs des douaniers, il augmente la surface des frontières mais, en même temps, la diminue, puisqu’il supprime une disposition permettant de l’élargir. De même, il retire des contrôles possibles les axes secondaires et tertiaires, et il n’aborde pas explicitement la question du fret ferroviaire. Nous avons donc déposé des amendements pour y remédier, afin de mieux circonscrire l’objet de notre discussion.

En réalité, ce texte fourre-tout traite de trois sujets qui débordent largement le cadre de la réécriture de l’article 60. Premièrement, il expose à une dérive technologique avec l’utilisation des drones pour surveiller les frontières. Nous commençons à être un peu inquiets, puisque les sénateurs ont voté une disposition autorisant l’activation des micros et des caméras des téléphones ainsi que la reconnaissance faciale dans l’espace public. Tout cela crée une inquiétante ambiance de contrôle technologique permanent et généralisé.

Deuxièmement, il y a un risque de transformer les douanes en police aux frontières – nous le voyons dans un certain nombre d’amendements de nos collègues de la droite et de l’extrême droite. Ni nous ni les douaniers ne voulons avoir affaire à un contrôle qui serait avant tout celui des individus ; nous voulons plutôt faire en sorte que la douane reste dans un contrôle des marchandises, des flux financiers et de la contrebande, bref, des matériaux, de leur acheminement ainsi que du transport numérique de flux financiers – d’ailleurs le projet de loi crée, chose positive, une frontière numérique que nous trouvons très intéressante. En somme, nous ne souhaitons pas que la douane devienne la police aux frontières, ni qu’elle contrôle autre chose que les marchandises ou les flux financiers.

Troisièmement, la question des moyens, un peu absente du projet de loi, constitue le véritable enjeu. En France, nous disposons d’un peu moins de 17 000 douaniers, alors qu’il y en a 48 000 en Allemagne ; nous avons en outre 2,3 fois moins d’agents par habitant, bien que nous possédions 3,9 fois plus de frontières que l’Allemagne et 29 fois plus de superficie à gérer : c’est comme si nous avions l’équivalent de deux voitures de police pour gérer l’intégralité de notre territoire maritime !

Comme toujours, la question des moyens est donc la grande absente. Vous le reconnaissez d’ailleurs dans l’étude d’impact, puisque vous y écrivez qu’il s’agit, en travaillant davantage avec le procureur de la République, de prendre en compte l’activité des services de police judiciaire, lesquels ne peuvent pas assurer une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous gérez en réalité une pénurie, faute de donner des moyens suffisants à la justice et aux douaniers.

M. Ian Boucard (LR). Permettez-moi tout d’abord, au nom du groupe Les Républicains, de remercier les agents des douanes pour le travail qu’ils réalisent et pour les menaces auxquelles ils font face au quotidien. Que ce soit dans nos aéroports, nos ports, nos gares ou aux frontières, ils effectuent un travail remarquable avec bien trop peu de moyens. Leur rôle est essentiel pour contrôler les allées et venues sur le territoire national, mais aussi pour réguler l’importation de produits contraires aux normes françaises ou pour protéger nos buralistes de la concurrence des pays limitrophes, en particulier dans les départements frontaliers de la Suisse comme – au hasard – le territoire de Belfort.

Ce projet de loi répond en partie à ces enjeux par l’évolution du cadre d’action des douanes, en l’adaptant notamment aux évolutions du numérique, de la cyberdélinquance ou encore aux nouvelles stratégies des réseaux de fraude à l’échelle européenne. Il tire également les conséquences de la décision du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution le droit de visite dont bénéficiaient les agents douaniers, faute d’un cadre tenant compte des lieux où les visites sont réalisées et de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction. Atteintes disproportionnées, au point de vue du Conseil constitutionnel, au droit d’aller et de venir et au respect de la vie privée, ces dispositions seront abrogées dès le 1er septembre prochain. Ce projet de loi était donc nécessaire pour remédier à ces failles juridiques.

Le code des douanes date en effet de 1948 et apparaît désuet aujourd’hui : les moyens sont insuffisants et les méthodes d’action limitées ; l’évolution du numérique n’a pas été suffisamment prise en compte, alors que les trafiquants, eux, ont pris une longueur d’avance tout en bénéficiant d’une économie souterraine particulièrement florissante. Ce sont 104 tonnes de drogue qui ont été saisies en 2022 par nos services douaniers, pour une valeur de revente estimée à plus de 1 milliard d’euros. Ils ont également intercepté 640,1 tonnes de tabac et de cigarettes, ainsi que 11,53 millions d’articles de contrefaçon.

La commission des lois du Sénat ayant rendu conforme à la Constitution le droit de visite douanière en clarifiant les dispositifs proposés, il appartiendra à notre commission de les valider, voire de les améliorer : il en est ainsi de la précision apportée à la notion d’abords des lieux, où les opérations des agents des douanes peuvent être conduites à toute heure. La définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, des aéroports et des gares ferroviaires ou routières apporte une limite spatiale claire, tout en veillant au respect des principes fondamentaux lors des fouilles individuelles.

Le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers est étendu, tant pour leurs enquêtes au titre de la lutte contre les réseaux de criminalité organisée que pour clarifier le régime de transfert à l’État de la propriété des objets saisis et non restitués. L’intégration du numérique a été un enjeu important, dans la mesure où la nouvelle prérogative permettant de geler les données numériques dans le cadre d’une visite au domicile a été encadrée. Un renforcement de l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration des douanes a également été apporté pour améliorer la coordination et l’efficacité des actions menées. L’expérimentation relative aux données issues des Lapi devrait être évaluée, afin d’envisager la pérennisation du dispositif, mais, conformément aux préconisations de la Cnil, celles-ci ne devront pas être systématiquement conservées pendant la durée maximale allouée, qui est de quatre mois.

Ce projet de loi vise donc à combler les lacunes d’un code douanier qui n’est plus adapté aux enjeux de notre époque, et à anticiper les menaces ainsi que les enjeux futurs, tout en sécurisant juridiquement les moyens d’y parvenir.

Comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’œuvrer pour améliorer la sécurité des Français, le groupe Les Républicains votera pour ce projet de loi, tout en regrettant que la question des moyens n’y soit pas abordée – mais nous aurons, monsieur le ministre délégué, l’occasion d’y revenir lors du projet de loi de finances pour 2024.

Monsieur le président, permettez-moi de saluer notre collaboratrice de groupe Ludivine Moles, qui, pour la dernière fois, est présente parmi nous. Au nom des commissaires aux lois du groupe Les Républicains, je veux la remercier pour son professionnalisme, son dévouement et ses qualités humaines. Nous lui souhaitons beaucoup de réussite dans ses futures activités.

M. Philippe Latombe (Dem). Le projet de loi que nous étudions tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, prise à la suite d’une saisine par la Cour de cassation dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L’exécutif a, dans cette décision, été appelé à revoir l’article 60 du code des douanes, jugé non conforme à la Constitution à compter du 1er septembre 2023.

L’article 60 régit le droit de visite des agents de la douane, en les autorisant à fouiller, en vue de la recherche de fraude, les moyens de transport, les marchandises et les personnes afin d’appliquer les dispositions du code des douanes. Ce droit de fouille n’étant pas limité dans l’espace, le temps ou selon les circonstances, il convient de souligner que cette prérogative majeure des douaniers n’a fait l’objet d’aucune modification depuis 1948.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la rédaction actuelle de l’article 60, en ce qu’elle ne précise pas suffisamment le cadre applicable au droit de visite, n’assure pas une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, de l’autre, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. C’est donc pour préserver les prérogatives majeures des douaniers, tout en garantissant la conformité de l’article 60 à la Constitution que le Gouvernement a déposé ce projet de loi. Je note d’ailleurs la célérité de Bercy en la matière : il conviendra que d’autres ministères s’en inspirent.

Le texte tend à moderniser les pratiques douanières. Trois tendances fortes constituent des leviers de transformation des métiers de la douane pour faire face aux nouvelles menaces. La première, ce sont les évolutions de fond qui affectent les frontières et les flux de marchandises, puisque le boom provoqué par l’e-commerce et la mise en place du paquet « TVA e-commerce » conduisent la douane à bâtir de nouvelles modalités de gestion de la frontière numérique ; s’y ajoute la nouvelle frontière physique créée par le Brexit.

La deuxième tendance est le besoin renforcé de protection, celle de la souveraineté du territoire face au terrorisme et à la criminalité organisée, celle des entreprises françaises face à la contrefaçon – et l’aide qu’on leur apporte à l’export –, mais aussi celle de la population face aux trafics, en particulier de tabac illicite, et à la criminalité environnementale.

Troisièmement, le numérique et les données permettent à la douane de se moderniser, de gagner en efficience, de simplifier les procédures pour les usagers et de renforcer les capacités opérationnelles des agents.

Ce texte a été utilement complété par le Sénat, qui a adopté plusieurs amendements afin de mieux encadrer la nouvelle procédure de gel des données numériques dans le cadre d’une visite domiciliaire, d’autoriser la levée du secret professionnel pour les besoins de la prévention de la circulation des armes chimiques, de préciser les dispositions relatives au droit de visite douanière et aux prérogatives des douanes concernant la lutte contre les contenus illicites en ligne, d’accorder aux agents des douanes un accès automatique aux informations de la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour le contrôle des opérations de détaxe de TVA et d’améliorer l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et la douane. Nos collègues sénateurs ont, par ailleurs, adopté deux amendements du Gouvernement visant, d’une part, à créer des agents de douane judiciaire (ADJ), chargés de soutenir les officiers de douane judiciaire en matière de formalisation des procédures et, d’autre part, à étendre la possibilité d’utiliser des drones aux missions de lutte contre les trafics de tabac.

Le groupe Démocrate votera ce projet de loi, qui permet d’atteindre les objectifs fixés.

M. Roger Vicot (SOC). Nous examinons un texte important, rendu nécessaire par une décision prise par le Conseil constitutionnel dans son rôle de garant de l’État de droit et de défenseur des libertés fondamentales susceptibles d’être mises à mal, notamment par les fouilles menées par les douanes. Il concerne 18 000 agents – un chiffre dont M. Léaument a certes relativisé l’importance en le comparant aux effectifs d’autres pays européens –, qui travaillent pour une administration au rôle considérable, puisqu’elle est compétente en matière de lutte contre les trafics illicites, le blanchiment d’argent, le terrorisme, et qu’elle contrôle le respect des réglementations sanitaires et phytosanitaires. Elle concourt à notre sécurité en protégeant le territoire national. Elle assure non seulement un contrôle des flux commerciaux, mais également des missions fiscales en collectant des taxes pour l’Union européenne, l’État et les collectivités territoriales. Preuve de l’importance de l’administration des douanes, la DNRED fait partie du premier cercle des services de renseignement assurant la défense des intérêts fondamentaux de la nation.

Bien que ce texte comporte un certain nombre de points positifs, nous veillerons à ce qu’il n’accorde pas à la douane un trop grand pouvoir discrétionnaire, avec le risque juridique de décisions arbitraires – c’est d’ailleurs ce qui a justifié la censure, par le Conseil constitutionnel, de l’article 60 du code des douanes.

M. Léaument l’a dit tout à l’heure : texte après texte – je pense notamment à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) et à la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 –, nous adoptons toute une série de dispositions qui mériteraient d’être davantage encadrées et sécurisées juridiquement. Cette remarque s’applique aussi au présent projet de loi. Lorsque les avocats ont été autorisés à assister les personnes placées en garde à vue, de nombreux policiers ont craint que cette nouvelle disposition vienne entraver leur travail ; or cette présence est aujourd’hui considérée comme un contre-pouvoir utile, qui permet aux forces de police de mieux exercer leur travail au quotidien. Je pense qu’il en sera de même pour les douanes si la loi comporte des garanties permettant d’éviter d’éventuels excès de pouvoir.

On observe un rapprochement entre la qualité d’agent des douanes et celle d’officier de police judiciaire. La criminalité se transforme, se joue des frontières, se saisit des outils numériques et menace jusqu’à des autorités politiques. En tant qu’élu lillois, je suis sensible aux menaces d’enlèvement adressées par les narcotrafiquants au ministre de la justice belge et à sa famille, alors que ce dernier avait annoncé un coup de pied dans la fourmilière. Nous veillerons à l’équilibre entre les différents agents de police judiciaire, celle-ci étant déjà affaiblie par la départementalisation.

Nous reviendrons sur tous ces éléments dans les amendements que nous défendrons. Il ne s’agit évidemment pas de nier l’ampleur de la menace à laquelle font face les services de douane – en tant qu’élu de Lille, territoire frontalier, je suis bien placé pour évaluer l’incroyable puissance financière des narcotrafiquants –, mais de sécuriser davantage et de mieux encadrer leurs pouvoirs, dont nous craignons qu’ils puissent devenir discrétionnaires.

M. Didier Lemaire (HOR). Nos services de douane jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les trafics de toute nature, qu’il s’agisse des trafics de stupéfiants, d’armes ou de tabac de contrebande en France et dans l’Union européenne. En 2022, les douanes ont ainsi saisi plus de 100 tonnes de drogue, pour une valeur de revente illicite estimée à plus de 1 milliard d’euros, quelque 640 tonnes de tabac et de cigarettes, ainsi que plus de 11 millions d’articles de contrefaçon.

Chargée de contrôler nos frontières terrestres, maritimes, physiques et numériques, la douane assure la protection de notre territoire, de nos concitoyens ainsi que des intérêts économiques et financiers nationaux et européens. Son champ d’intervention est large. Elle contrôle les flux de marchandises au passage des frontières pour protéger la population, l’environnement et l’économie. Elle est garde-frontière et, à ce titre, participe pleinement aux contrôles migratoires aux points de passage frontaliers. Elle concourt à l’action de l’État en mer. Elle lutte contre les trafics, la criminalité organisée et le financement du terrorisme. Elle investit depuis plusieurs années la frontière numérique.

Pour exercer leurs missions, les douanes sont dotées de larges pouvoirs coercitifs. Elles disposent de leur propre service de renseignement, la DNRED, et s’appuient sur un service d’enquête spécialisé, le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Elles sont par ailleurs soumises à un droit particulier.

Les services de douane doivent disposer de moyens pour atteindre leurs objectifs. À l’horizon 2025, le Gouvernement entend démanteler ou entraver chaque année 100 filières criminelles, relever 32 500 infractions par an dans le fret express et postal, et scanner l’intégralité des colis postaux venant de pays non européens.

Nous examinons aujourd’hui, en commission des lois, le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Ce texte vise, d’une part, à mettre un terme à l’obsolescence marquée du code des douanes, qui n’a pas été actualisé depuis 1948, même après le traité de Maastricht et, d’autre part, à rendre l’article 60 du même code – celui qui prévoit les modalités d’exercice du droit de visite, c’est-à-dire la capacité de contrôler les marchandises, les moyens de transport et les personnes à des fins douanières – conforme à la Constitution, afin de faire cesser l’insécurité juridique provoquée par la décision rendue par le Conseil constitutionnel fin 2022. Cette décision a suscité un réel émoi et fait redouter un affaiblissement de la capacité de l’État à lutter contre les trafics et la criminalité organisée.

L’article 60 est la pierre angulaire sur laquelle repose l’efficacité de la douane, dans la mesure où il encadre les contrôles effectués par les douaniers, aux frontières comme à l’intérieur du territoire national. Le présent projet de loi vise à réarmer la douane, à réaffirmer son rôle à l’intérieur de nos frontières – il souligne ainsi l’impératif de protection du territoire face à des flux frauduleux en expansion –, à renforcer les prérogatives d’investigation des services et à adapter ces derniers aux transformations induites par les nouvelles technologies numériques.

Parce que les services de douane jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les trafics de toute nature, qu’il s’agisse des trafics de stupéfiants, d’armes ou de tabac de contrebande en France et dans l’Union européenne, et parce que nous sommes absolument convaincus de la nécessité de leur donner les moyens de faire face aux nouvelles menaces tout en modernisant le cadre d’action de l’administration des douanes, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Je salue également les agents des douanes, qui accomplissent une mission essentielle de lutte contre les trafics.

Ce projet de loi comporte quelques dispositions non dénuées d’intérêt, à l’instar de l’article 2, qui tente de répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022. Nous proposerons de l’améliorer encore : vous aurez ainsi l’occasion d’adopter un excellent amendement de ma collègue Sandra Regol.

D’autres dispositions, en revanche, font craindre un recul des libertés et de nouvelles atteintes à la vie privée. L’article 11, par exemple, prévoit – certes à titre expérimental, mais dans la perspective d’une intégration durable dans le droit français – de porter de deux semaines à quatre mois la durée de conservation des données issues des lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation, et ce de manière indiscriminée. Certains ajouts du Sénat sont également, de notre point de vue, particulièrement inquiétants. Ainsi, l’article 11 bis vise à durcir considérablement la politique migratoire. Cette disposition est probablement un cavalier : elle n’a, à notre sens, rien à faire dans un texte relatif aux prérogatives des douanes.

Enfin, je ne résiste pas à l’envie d’évoquer l’article 7, même si notre commission n’en est pas saisie au fond. Cet article prévoit la mise en place d’une réserve opérationnelle « destinée à des missions de renfort temporaire des services de l’administration des douanes ». Nous nous interrogeons sur les missions concernées – peut-être dans le cadre des Jeux olympiques ? Après avoir fait adopter une réforme des retraites largement rejetée par les agents des douanes, le Gouvernement propose de mettre au travail les retraités pour pallier les insuffisances du recrutement. Quand bien même cela se ferait sur la base du volontariat, on voit bien que le Gouvernement essaie, une fois encore, de masquer le manque criant de moyens, en particulier humains, rappelé il y a quelques instants par M. Léaument. Nous voyons là une forme de cynisme et un nouvel exemple de la dérive austéritaire. Après l’hôpital, l’école et la police, voilà que les douanes en sont frappées ! Nous serons très vigilants à ce sujet, et nous nous opposerons à l’article 7.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Ce projet de loi est très attendu par tous les agents des douanes. Il ne fait aucun doute que nos services de douane doivent disposer de pouvoirs encadrés, mais spécifiques à leurs missions, afin de protéger le territoire français et européen des menaces que font peser sur lui les organisations criminelles.

Cette année encore, la douane a affirmé son rôle central d’administration des frontières, en assurant les contrôles nécessaires à la protection de notre territoire, de notre économie et de nos concitoyens. Rien qu’en 2022, plus de 104 tonnes de stupéfiants et près de 650 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies, 11 millions de contrefaçons ont été détruites, 2 500 manquements aux obligations déclaratives dans le cadre de mouvements d’argent liquide ont été relevés, pour un montant supérieur à 4 millions d’euros, 1 135 armes ont été saisies et 423 constatations portant sur des espèces protégées ont été dressées.

Ces quelques données parcellaires suffisent à démontrer l’utilité et l’efficacité des douanes dans la protection de nos concitoyens. Cette administration dispose d’une capacité spécifique à agir rapidement et efficacement, sur le fondement d’un code des douanes agile visant le contrôle des marchandises et non des personnes. À ce titre, nos douaniers doivent disposer d’un droit de visite certes encadré et respectueux des droits des personnes, mais suffisamment large et souple pour leur permettre de vérifier la conformité des produits et marchandises transportés. Sans ce droit de visite adapté, l’action de nos douaniers serait drastiquement entravée et leur efficacité très relative.

Il me semble essentiel de rappeler ici que la douane, contrairement aux services de police et de gendarmerie, n’agit pas sur le fondement de plaintes préalables. Elle se doit de rechercher et détecter des fraudes potentielles, par nature fugaces et dissimulées. Son travail consiste à découvrir ces fraudes en flagrant délit, pour permettre à la justice de poursuivre les investigations sur le plan judiciaire. Nos douaniers sont ainsi parfaitement complémentaires des services de police et de gendarmerie. C’est à ce besoin, résultant de la censure de l’article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel, le 22 septembre 2022, que nous devons répondre aujourd’hui.

Notre commission n’est saisie que d’une partie des articles de ce projet de loi, mais je tiens à saluer l’esprit global du texte, qui repose sur une recherche d’équilibre entre efficacité des contrôles et respect des libertés individuelles.

Je salue le toilettage et la réécriture globale de l’article 60 du code des douanes relatif au fameux droit de visite. Le texte adopté par le Sénat est équilibré et tient compte des impératifs de respect des libertés individuelles. Notre groupe y est pleinement favorable.

S’agissant des moyens des douanes, notre groupe souhaite appeler votre attention sur leur rayon d’intervention, que l’article 1er prévoit de ramener de 60 à 40 kilomètres. Nous comprenons la crainte d’une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, mais cette diminution de 20 kilomètres du rayon d’intervention paraît surprenante dans un texte visant à renforcer la capacité d’action des douanes. Nous proposerons un certain nombre d’amendements à ce sujet.

Le projet de loi entend enfin créer une nouvelle catégorie d’agents, celle des agents de douane judiciaire. Cette mesure semble aller dans le bon sens afin de lutter contre la fraude. Certains membres de notre groupe proposeront cependant un meilleur encadrement de l’action de ces agents.

Permettez-moi de remercier les services des douanes de Montpellier et de Toulouse, qui m’ont apporté des éléments d’appréciation très utiles et permis de comprendre les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés pour exercer leurs contrôles, notamment sur le pont de Millau, un lieu de trafic bien connu dans notre pays.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je suis très heureux de m’exprimer pour la première fois devant votre commission, au sujet d’un texte important, que je qualifierai même d’historique puisqu’il s’agit du premier projet de loi consacré à la douane depuis 1965. Ce texte est essentiel pour l’action de nos douaniers : je remercie tous les intervenants qui ont insisté sur ce point, notamment Mme Agresti-Roubache, M. Latombe et M. Lemaire.

Sur 17 000 douaniers, 8 000 agents sont affectés à la surveillance. Ils obtiennent des résultats exceptionnels, puisque plus de 70 % des stupéfiants saisis dans notre pays le sont par les douaniers – vous conviendrez que leur efficacité est absolument remarquable. L’an dernier, plus de 11 millions d’articles de contrefaçon ont été retirés du marché, tandis que 105 tonnes de stupéfiants et 650 tonnes de tabac ont été saisies – un chiffre à comparer aux 200 tonnes de tabac saisies en 2017.

Cette augmentation très forte et très préoccupante révèle non seulement la plus grande efficacité de nos services de douane, mais également un accroissement des trafics. On a vu l’an dernier, pour la première fois dans notre histoire, des usines clandestines de cigarettes de contrefaçon en activité sur le sol français. Dans les hangars de chacune de ces usines étaient produites 1 à 2 millions de cigarettes par jour : cela montre l’étendue de la menace à laquelle nous faisons face et la nécessité que nos douaniers puissent agir.

Nous pouvons nous retrouver autour de ce texte fondamental, qui permettra tout simplement aux douaniers de poursuivre leurs missions. Le fait est que le Conseil constitutionnel, dont je sais qu’il est particulièrement respecté dans votre commission, a décidé de nous donner un an pour réécrire l’article 60 du code des douanes. Que cela soit très clair : sans texte, à partir du 1er septembre prochain, les douaniers ne pourront plus ouvrir un seul coffre de voiture ni exercer leur droit de visite. De même, en votant un texte déséquilibré qui comporterait le risque d’une nouvelle censure, nous fragiliserions l’accès des douaniers à cette prérogative essentielle qui leur permet d’agir. Aussi l’administration des douanes a-t-elle travaillé pendant des mois avec le Conseil d’État, en associant les organisations syndicales et des douaniers de terrain, pour aboutir au projet de loi le plus équilibré possible. Il respecte évidemment les libertés individuelles et comporte les garanties demandées par le Conseil constitutionnel, tout en veillant à ne pas mettre de bâtons dans les roues des douaniers.

Monsieur Sabatou, votre intervention laisse à penser que chaque douanier souhaitant exercer son droit de visite devrait désormais prouver qu’il a des raisons plausibles de suspecter une infraction. Ce n’est pas du tout ce que prévoit le nouvel article 60, qui apporte trois changements à la législation existante.

Tout d’abord il codifie une jurisprudence qui, dégagée depuis plusieurs années par la Cour de cassation, notamment sur le caractère contradictoire du contrôle, est donc déjà respectée par nos douaniers.

Les principes d’intervention de la douane dans le rayon de nos frontières ne sont pas modifiés. Ce n’est que dans la profondeur du territoire, un endroit où agit également la douane française – il s’agit là d’une spécificité par rapport à beaucoup d’autres pays –, que les interventions devront être soit justifiées par des raisons plausibles de suspecter une infraction douanière, soit menées après en avoir informé le procureur de la République. Je parle bien d’une information du procureur, non d’une autorisation qui aurait entraîné un changement de logique et une rupture d’efficacité de l’action de nos douaniers. Sur les routes secondaires, des contrôles continueront évidemment d’être menés dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui ; ils seront simplement précédés d’une information du procureur de la République, par tout moyen. Nous avons tout fait pour que l’effectivité des prérogatives de nos douaniers soit la moins affectée. Cependant, un encadrement a été demandé par le Conseil constitutionnel : nous devons nous y plier.

S’agissant enfin de l’établissement d’un procès-verbal, nous transposons dans le code des douanes un dispositif existant aujourd’hui dans le code de procédure pénale. Un procès-verbal ne sera pas distribué à chaque opération de contrôle, comme vous semblez le craindre. C’est à la demande de la personne ayant fait l’objet d’un contrôle, si ce dernier s’avère négatif, qu’un tel document pourra lui être remis. Il en est de même lorsqu’un contrôle est effectué en l’absence de la personne concernée. Vous redoutez que ce procès-verbal donne aux trafiquants ou aux réseaux des informations relatives aux motivations du contrôle. Tel ne sera pas le cas : il ne visera qu’à laisser une trace.

Monsieur Léaument, les douaniers utilisent déjà des drones, mais la législation actuelle ne leur permet pas de le faire pour lutter notamment contre le trafic de tabac. Ainsi, lorsqu’un drone repère un transport de marchandises prohibées, que les trafiquants sont interpellés et que les douaniers s’aperçoivent alors que les produits transportés ne sont pas des stupéfiants ou des marchandises contrefaites, mais du tabac, toute la procédure peut tomber. Vous conviendrez qu’il faut remédier à cette lacune.

J’en viens à vos remarques relatives aux contrôles migratoires. Indépendamment des gardes-frontières, qui agissent en vertu du code Schengen en vigueur depuis près de vingt ans, quelque 1 500 douaniers effectuent des contrôles d’identité dans notre pays. Vous dites que les douaniers ne sont pas là pour contrôler les personnes : il est vrai que la priorité est au contrôle des marchandises, mais vous admettrez que ces dernières sont généralement transportées par des personnes !

Vous avez comparé les effectifs des services de douane français avec ceux de nos voisins, notamment allemands. Je ne suis pas sûr que l’indicateur pertinent soit le nombre d’agents rapporté à la population. Il faut surtout prendre en compte les flux commerciaux et la part de ces échanges dans l’économie du pays ; or ils sont beaucoup plus nombreux en Allemagne, même si j’espère que la France rattrapera ce retard dans les années à venir. Surtout, les missions des douanes française et allemande ne sont pas le mêmes. En Allemagne, tous les douaniers ont le statut d’officier de police judiciaire (OPJ) et peuvent donc exercer des prérogatives que n’ont pas les douaniers français, notamment la conduite d’enquêtes judiciaires en matière de stupéfiants. En outre, leur compétence est étendue à la lutte contre le travail illégal : ainsi, 10 000 à 15 000 douaniers allemands réalisent une partie du travail effectué par notre Urssaf. Les comparaisons faites avec l’Italie sont tout aussi malvenues, car nos deux douanes nationales ne remplissent pas les mêmes missions.

Monsieur Lucas, vous avez émis des réserves quant à l’extension de l’expérimentation menée sur les Lapi. Je tiens à défendre ce dispositif dont nous avons besoin, notamment dans le cadre de la lutte contre le trafic de tabac, lequel constitue une plaie pour la santé des Français, pour leur sécurité – il finance des trafics beaucoup plus dangereux – et pour le réseau des buralistes qui subissent l’augmentation du prix du paquet en même temps que l’explosion de la contrebande. C’est pour eux une double peine : nous leur devons donc une lutte implacable contre le trafic de tabac sur notre sol.

Aujourd’hui, des services douaniers dotés de lecteurs automatiques scannent des plaques d’immatriculation et les confrontent au fichier des véhicules volés. S’ils s’aperçoivent que deux plaques d’immatriculation circulent régulièrement – par exemple chaque semaine – à proximité l’une de l’autre, ils pourront suspecter l’organisation de convois constitués d’un véhicule ouvreur et d’une voiture suiveuse et transportant des marchandises prohibées. Cela leur permettra de mieux cibler leurs interventions. Je vous assure que les douaniers sur le terrain attendent impatiemment l’expérimentation de ce dispositif.

Vous m’avez demandé quelles missions exercerait la réserve opérationnelle de l’administration des douanes. Vous avez d’ailleurs indiqué qu’elle serait constituée de retraités, ce qui n’est pas exact. Il pourra évidemment y avoir des retraités désireux de continuer de soutenir les douaniers, mais ils ne seront pas les seuls. De même que des douaniers font actuellement partie de la réserve opérationnelle de la police nationale, j’aimerais que des policiers puissent également être réservistes dans la douane, dans une logique de partage de compétences, d’expériences et de cultures.

Effectivement, la réserve opérationnelle des douanes, comme il en existe déjà dans la police et la gendarmerie, pourra être mobilisée dans le cadre d’événements particuliers entraînant un pic d’activité, tels que les Jeux olympiques. De même, si l’Ocean Viking accoste dans le sud de la France, les douanes seront amenées à assurer l’accueil et le tri des passagers : nous pourrions alors utiliser la réserve.

La création de cette dernière servira enfin à attirer des compétences nouvelles auprès des douaniers, qui peuvent être amenés à saisir des cryptomonnaies et ont donc besoin de comprendre le fonctionnement de ce mécanisme. Des spécialistes des cryptoactifs travaillant dans le secteur privé ont envie d’aider leur pays, pendant leur temps disponible, en faisant profiter les douaniers de leur expertise : la réserve opérationnelle fournira un cadre juridique permettant d’organiser leur intervention.

Nous pouvons nous retrouver très largement autour du soutien à nos douaniers. Chacun aura compris que l’adoption de ce texte est absolument essentielle pour qu’ils puissent continuer à agir et à protéger les Français.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Monsieur Sabatou, il ne s’agit pas de placer les douaniers sous la tutelle des procureurs : le nouvel article 60 du code des douanes crée un régime d’information, non d’autorisation. La commission des lois veille évidemment à ne pas aller à l’encontre des décisions du Conseil constitutionnel.

Soyez rassuré, monsieur Léaument : le contrôle du fret n’étant pas exclu des missions de la douane, il demeure possible.

Monsieur Lucas, je ne pense pas que l’article 11 bis soit un cavalier, puisqu’il est passé sous les fourches caudines du contrôle de recevabilité au Sénat.

Monsieur Morel-À-L’Huissier, je m’associe à vos propos soulignant l’utilité et l’efficacité des douanes, également saluées par de nombreux intervenants.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Ma première question, qui m’a été suggérée par les échanges que nous avons eus avec la direction des douanes, porte sur le statut des gares de bus, dès lors qu’il est précisé que les douanes peuvent intervenir dans les lieux internationaux : qu’en est-il à cet égard des « bus Macron », dont certains réalisent essentiellement des trajets intérieurs ?

Par ailleurs, les trophées de chasse d’espèces protégées ne relèvent pas du périmètre de la loi et, comme me l’ont indiqué plusieurs douaniers, la France continue à accorder des permis pour des espèces protégées. Notre pays est ainsi le sixième plus gros importateur de spécimens d’espèces protégées morts et destinés à décorer les murs de personnes qui peuvent dépenser des sommes faramineuses pour l’extermination d’espèces en voie de disparition dans des pays lointains. Bien que cela soit encadré à la fois par le droit de l’environnement et par celui des douanes, un projet qui se présente comme une rénovation des douanes en vue de la douane du futur devrait aller un peu plus loin dans l’interdiction formelle de l’importation de ces espèces.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les gares routières ouvertes au trafic international figurent bien dans le champ des prérogatives étendues de la douane. Ce n’est pas le cas, en revanche, des gares routières qui n’offrent pas de trafic international. La liste sera publiée dans un arrêté que je signerai.

Pour ce qui est des importations de viande d’espèces protégées, la douane procède à des contrôles au titre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). Ces contrôles très pointus et très difficiles à mener donnent lieu à des échanges réguliers avec les ONG à propos de l’importation de viande de brousse, véritable fléau auquel sont confrontés les douaniers. Nous prévoyons de présenter en septembre un plan d’action consacré plus largement aux espèces protégées, question à laquelle nous sommes très attentifs et sur laquelle nous continuerons à travailler.

M. Didier Paris (RE). Ce texte est fondamental car il nous faut absolument, comme l’a dit à très juste titre M. le ministre délégué, conserver à la douane des moyens d’action spécifiques et, dans le même temps, rappeler progressivement les règles élémentaires de protection des libertés individuelles. Vous avez dit, monsieur le ministre délégué, qu’il n’y avait pas eu de texte à ce propos depuis les années 1960, mais des évolutions sont intervenues, comme la loi de 2009 modifiant l’article 215 du code des douanes – il était alors possible, en effet, de saisir des marchandises dont l’origine ne pouvait être justifiée, ce qui constituait un délit douanier rétroactif et a provoqué une vive réaction de la part du Conseil constitutionnel. Dans le contexte de l’aller-retour permanent entre, d’une part, la spécificité nécessaire du code des douanes et des pratiques douanières et, d’autre part, la protection des libertés individuelles, le texte qui nous est soumis répond à une logique absolue et nous ne pouvons que le soutenir, quitte à vérifier certains points de son application dans le détail.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Quelles sont ces nouvelles menaces ? Elles ne sont jamais définies. De fait, chaque titre des projets de loi du Gouvernement mérite que l’on s’y arrête.

Par ailleurs, les chiffres évoqués à propos des stupéfiants me suggèrent deux réflexions. Tout d’abord, on voit ce qu’on regarde et, dès lors que nous demandons aux douaniers d’être particulièrement mobilisés à cet égard, les saisies augmentent – et c’est heureux –, mais cela ne signifie pas qu’il y ait davantage de stupéfiants en circulation. Se pose ensuite la question de l’efficacité de cette politique de prohibition, au vu notamment des volumes de saisies que vous avez évoqués. J’espère que nous pourrons un jour nous interroger à ce propos. Il conviendrait, en outre, de zoomer tout particulièrement sur la question du trafic d’armes.

Enfin, le texte présente le même flou que l’article censuré par le Conseil constitutionnel et s’expose donc, de notre point de vue, à la même censure ; aussi défendrons-nous des amendements très constructifs qui visent à préciser, resserrer et cadrer l’action des douaniers.

Reste, bien évidemment, la question des moyens humains, car le cerveau humain est ainsi fait qu’il peut traiter plus de complexité que certains outils ou gadgets technologiques.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il existe en effet de nouvelles menaces : l’explosion des cryptomonnaies et leur utilisation pour le blanchiment – l’article 13 prévoit que les actifs numériques pourront relever du délit de blanchiment douanier –, ainsi que l’essor du e-commerce, avec tout ce qu’il charrie en termes de fraude à la TVA et de dropshipping – livraison directe. Quant au trafic de stupéfiants, il a toujours existé, mais tous les échanges que j’ai avec les douaniers confirment que les méthodes utilisées par les trafiquants évoluent beaucoup. On assiste ainsi à une explosion de la criminalité portuaire, observée dans notre pays après l’avoir été dans plusieurs autres, et à l’apparition de nouvelles méthodes. De fait, l’échouage sur plusieurs plages françaises de pains de cocaïne, dont se sont étonnés plusieurs articles de presse ces dernières semaines, s’explique par un phénomène nouveau : des trafiquants jettent dans l’océan des pains de stupéfiants équipés de balises numériques permettant à d’autres trafiquants de venir les chercher en hors-bord.

Il est très important de permettre à nos douaniers de faire face à ces évolutions avec de nouveaux moyens et de nouvelles prérogatives. C’est aussi l’objet de ce texte.

Avant l’article 1er

Amendement CL115 de M. Jordan Guitton.

M. Romain Baubry (RN). Cet amendement vise à ajouter un objectif de renforcement de la surveillance douanière sur l’ensemble du territoire.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er (art. 44, 45, 213 et 214 du code des douanes) : Modifications relatives à la zone terrestre du rayon des douanes

Amendements CL21 de M. Michaël Taverne, amendements identiques CL34 de M. Xavier Breton et CL137 de M. Romain Baubry, amendements CL118 de M. Jordan Guitton, CL45 de M. Antoine Léaument, CL122 de M. Xavier Breton, CL66 de M. Alexandre Sabatou, CL35 et CL123 de M. Xavier Breton et CL138 de M. Romain Baubry (discussion commune).

M. Michaël Taverne (RN). L’amendement CL21 vise à porter à 60 kilomètres la zone terrestre du rayon des douanes, qui s’étend, en l’état du droit, jusqu’à une ligne terrestre tracée à 20 kilomètres du littoral ou d’une frontière terrestre. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué, l’efficacité du dispositif, réelle à la frontière, doit également se manifester en profondeur. Les Hollandais et les Belges ont constaté un phénomène de glissement, et ce qui se produisait dans ces pays se produit désormais aussi en France.

M. Xavier Breton (LR). Dans le même esprit, l’amendement CL34 vise lui aussi à inscrire dans la loi l’extension de ce rayon de 40 à 60 kilomètres, afin d’assurer l’efficacité opérationnelle de nos services douaniers.

M. Romain Baubry (RN). L’amendement CL137, identique, tend en effet à fixer par la loi à 60 kilomètres la zone d’intervention des douanes, comme il était possible de le faire par arrêté avant que cette possibilité soit supprimée par le texte. Il convient en effet d’élargir le périmètre d’action de nos douaniers.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le droit actuel fixe à 20 kilomètres le rayon de la douane et permet de l’étendre à 60 kilomètres par arrêté du ministre. Le projet de loi prévoit de supprimer cette possibilité d’extension, en fixant la zone d’intervention à 40 kilomètres, soit un moyen terme entre la distance minimale de 20 kilomètres et la distance maximale qui pouvait être définie par arrêté ministériel.

Le désir de couper la poire en deux n’est pas une raison valable. Du reste, d’autres amendements ont été déposés pour fixer la distance à 50 kilomètres : il faudrait que nous puissions discuter de la bonne distance. Le rayon de 60 kilomètres que nous proposons répond à la recommandation des douaniers de Sud Solidaires, et il semble en effet logique que le rayon de la douane soit plus profond, car cela augmente les chances de rattraper les go fast qui, comme leur nom l’indique, vont vite.

Je vous prie par ailleurs de nous excuser, car nous devons nous absenter quelques minutes pour aller voter dans l’hémicycle contre l’accord de libre-échange avec le Mercosur, le Marché commun du Sud. Nous reviendrons ensuite entendre les réponses aux questions que nous avons posées.

M. Xavier Breton (LR). Mon amendement CL122, de repli, est destiné à entretenir le débat sur cette question.

M. Alexandre Sabatou (RN). La zone de 20 kilomètres a été définie à une époque où l’on se déplaçait en calèche et à cheval. Les douaniers s’étaient ménagé une certaine profondeur pour agir mais, à l’heure des trains à grande vitesse et des automobiles, il semble important de maintenir une zone de 60 kilomètres.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause l’article du code des douanes consacré à cette question. Il n’y a donc pas lieu de laver plus blanc que blanc : conservons les acquis des douaniers.

M. Xavier Breton (LR). Alors que les amendements précédents portaient sur la distance entre le littoral et la ligne tracée pour définir la zone terrestre, l’amendement CL35 vise quant à lui à définir la distance entre la frontière terrestre et la ligne qui serait tracée à 60 kilomètres. Quant à l’amendement CL123, il est de repli.

M. Romain Baubry (RN). Les amendements que nous déposons répondent à une demande des douaniers, qui craignent de voir raccourcir leur périmètre d’action.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Pour ce qui concerne la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes, la prudence est de mise. Comme l’a rappelé le ministre délégué, au-delà de la limite fixée, le droit de visite de la douane peut toujours s’exercer, mais dans des conditions différentes et encadrées. Il n’y a donc pas lieu de dire qu’il y a plus de droit de visite possible au-delà de cette limite : je tiens à rassurer nos collègues à cet égard.

Si, par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur cette disposition, c’est parce qu’il n’en a pas été saisi. Il s’agit donc de trouver un équilibre tenant compte des moyens d’action dont les douaniers ont besoin et de la censure du droit de visite par le Conseil constitutionnel, qui se justifiait par le défaut d’encadrement et qui nous oblige précisément à encadrer la pratique. Je rappelle, à ce propos, que le texte prévoit que les contrôles s’appliquent selon un double cadre : géographique, le système actuel étant conservé dans un rayon fixé à 40 kilomètres ; fonctionnel au-delà de cette distance, sous réserve que les motifs en soient exposés ou, pour certaines infractions, que le procureur en soit informé.

Cette distance de 40 kilomètres est déjà importante à l’échelle de l’Hexagone, et il faut y ajouter les aéroports et les ports ouverts à l’international, les gares routières et les gares en général, les péages, les lignes ferroviaires et les sections autoroutières, soumis à un droit de visite général selon le même régime que dans le rayon des douanes. Partout ailleurs, je le répète, le droit de visite, le contrôle en profondeur, est possible, que ce soit le long de la D117 pour M. Léaument, au péage de l’A5 pour M. Guitton, sur l’A40 pour M. Breton ou sur le parc d’activité des Baumes pour M. Baubry.

La seule différence entre, d’une part, le rayon des douanes et les lieux assimilés et, d’autre part, tout le reste du territoire tient au cadre d’intervention. Nulle part cependant l’action douanière ne sera exclue. Loin d’être fragilisée, cette action est, au contraire, sécurisée et garantie. Aller plus loin nous exposerait à une nouvelle censure.

J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le débat est d’importance. Chacun veut, avec ces amendements, pousser au maximum les leviers d’action de nos douaniers. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel nous demande d’encadrer davantage le droit de visite et indique qu’une des pistes principales pour le faire est de distinguer les lieux où s’effectue le contrôle. Aujourd’hui, la loi fixe le rayon des douanes à 40 kilomètres et permet au ministre de porter par arrêté cette distance à 60 kilomètres. Fixer d’emblée la distance à 60 kilomètres, comme y tendent certains amendements, ne serait pas un encadrement supplémentaire, mais reviendrait au contraire à aller plus loin encore que la législation censurée par la décision du Conseil constitutionnel. Ce ne serait pas là l’équilibre que nous recherchons.

En deuxième lieu, le nouvel article 60 et le nouveau droit de visite qu’il prévoit établissent une distinction plus nette entre les contrôles pratiqués dans le rayon des douanes et ceux qui le sont dans la profondeur du territoire.

Me déplaçant chaque semaine au contact des douaniers partout sur le territoire, j’ai des échanges avec eux et je connais leurs inquiétudes. Certains d’entre eux ont ainsi pu craindre que le nouvel article 60 ne leur permette de continuer à exercer leur droit de visite que dans le rayon de la frontière, mais ne le leur permette plus dans la profondeur du territoire. Or, ce droit, ils pourront continuer à l’exercer dans les mêmes lieux et dans les mêmes conditions qu’auparavant, mais si c’est au-delà du rayon de la frontière, ils devront informer le procureur de la République avant de programmer ou de lancer le contrôle, ou devront invoquer des motifs préalables.

L’action reste donc la même partout : ce qui change, c’est le cadre d’intervention juridique, selon que l’intervention se déroule dans le rayon de la frontière ou en dehors. Il est donc important de nous en tenir à cette zone de 40 kilomètres pour des raisons d’équilibre, sous peine d’exposer le texte à une nouvelle censure.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Bien que ni moi, ni les autres députés écologistes n’ayons déposé d’amendements sur ce point, nous nous sommes interrogés sur cette limite de 20, 40 ou 60 kilomètres, qui, très peu fondée scientifiquement, supposerait peut-être une période d’expérimentation préalablement à toute fixation d’un chiffre. Je suis pour ma part élue d’un territoire couvert à 75 % par la zone des 40 kilomètres, entre l’Allemagne et la Suisse. Se pose cependant la question de la légitimité et du caractère pratique de ces 40 kilomètres. Nous pourrions donc y réfléchir à la faveur d’une expérimentation qui permettrait au corps des douanes d’évaluer la pertinence de cette distance et nous éviterait de jouer entre nous au Pictionary pour savoir quel est le nombre de kilomètres qui convient.

Enfin, madame la rapporteure pour avis, le droit de visite existe toujours, certes, mais il est désormais très encadré et, lorsqu’il faudra agir vite, la distance retenue ne sera pas suffisante, car une énorme partie du territoire français ne sera plus concernée – c’est précisément l’enjeu de ce projet de loi.

Nous devons pouvoir envisager tous les cas de figure et, même si je n’étais pas favorable à cette zone de 60 kilomètres, je plaide pour qu’un temps d’expérimentation nous permette de fixer au mieux la distance appropriée.

M. Michaël Taverne (RN). Monsieur le ministre délégué, vous avez dit que ce texte était historique, important et essentiel, et je souscris à ce jugement car les douaniers, eux, nous ont dit que les organisations criminelles s’organisaient de plus en plus : par conséquent, si notre dispositif présente une faille dans la profondeur, elles s’y jetteront, nous mettant en difficulté.

Le Conseil constitutionnel n’a pas retoqué cette profondeur de 60 kilomètres et je ne pense pas que cette distance, qui reste dans une fourchette raisonnable, soit abusive ou porte atteinte aux libertés individuelles.

Pendant des années, nous n’avons pas écouté les professionnels de la sécurité. Or n’oublions pas que les douaniers, même s’ils appartiennent à un autre ministère, remplissent des missions de sécurité, notamment face au terrorisme – je ne l’ai pas souvent entendu dire durant la discussion générale. Nous devons avoir un temps d’avance pour ne pas nous trouver, à l’avenir, dans une situation dramatique. Écoutons les professionnels, pour qui un rayon de 60 kilomètres représente une fourchette raisonnable qui leur permettrait d’intervenir plus sereinement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL22 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli par rapport à mon précédent amendement CL21. S’il est pertinent de porter à 40 kilomètres la zone terrestre du rayon des douanes, il est regrettable de supprimer la possibilité de l’étendre à 60 kilomètres en cas de nécessité. L’amendement tend donc à conserver le cadre de l’article 44 du code des douanes, car cette possibilité peut se révéler très utile.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Déléguer au pouvoir réglementaire la possibilité d’étendre ce périmètre est inconstitutionnel, comme l’atteste la décision n° 93-323 DC du Conseil constitutionnel. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er non modifié.

Article 2 (art. 60, art. 60‑1 à 60‑10 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 112‑24 du code du patrimoine, art L. 251‑18, L. 251‑18‑1, L. 936‑6 et L. 951‑18 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales) : Mise en conformité du droit de visite douanière

Amendement de suppression CL10 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement tend à supprimer l’article 2, qui affaiblit considérablement les pouvoirs des agents des douanes indispensables au bon exercice de leurs fonctions. Le rayon de 60 kilomètres n’était pas excessif et nous pouvons trouver des moyens légaux de le préserver sous cette forme ou sous une autre, en tout cas de limiter les autorisations judiciaires nécessaires pour procéder aux contrôles. Comme l’a dit le ministre délégué, les douanes représentent aujourd’hui 80 % des saisies et effectuent un travail considérable. Le changement législatif risque d’avoir des conséquences sur les trafics, notamment de stupéfiants.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Vous pouvez contester la décision du Conseil constitutionnel selon laquelle le droit de visite n’était pas assez encadré, mais le législateur ne peut pas ne pas en tenir compte. Un équilibre s’est opéré entre les différents éléments de l’article 60 – d’un côté, le respect des libertés et, de l’autre, la capacité opérationnelle des douaniers à effectuer leurs contrôles.

Si vous ne me croyez pas, je vous invite à croire au moins le Conseil d’État, qui a émis un avis favorable à cet équilibre, ou nos collègues sénateurs, à qui vous accorderez peut-être plus de crédit et qui l’ont expressément reconnu. Votre amendement serait contre-productif car, en supprimant l’article, vous priveriez la douane de tout moyen d’action pour contrôler les marchandises, les véhicules et les personnes. En effet, si nous ne légiférons pas, le droit de visite disparaîtra au 1er septembre. Je ne crois pas que ce soit ce que vous recherchez. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je ne vois pas comment la réduction du périmètre d’action de la douane pourrait résoudre le problème des libertés individuelles, ni pourquoi les trafics seraient moins intenses au-delà de 40 kilomètres des frontières. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une recrudescence de tous ces trafics, et les chiffres fournis à propos des stupéfiants et du tabac montrent que plus les prix montent, plus ces trafics sont endémiques. Faire du périmètre de contrôle l’alpha et l’oméga du respect des libertés individuelles ne me semble pas être la solution.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Pour notre part nous nous opposerons à cet amendement car, par définition, si l’on supprime l’article, il n’en reste plus rien. Or il faut tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Nous préférons donc améliorer l’article 2, et nous ne saurions suivre M. Di Filippo.

Votre objectif est d’éviter que le texte soit de nouveau censuré par le Conseil constitutionnel. À cet égard, vous pouvez écouter les Insoumis, qui font un travail sérieux en matière de respect des droits individuels et des dispositions constitutionnelles – quand bien même nous sommes opposés à la Constitution de la Ve République…

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL147 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL3 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo (LR). Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 7 à 12, qui définissent le périmètre d’intervention des douanes. Le fait que nos collègues Insoumis soient favorables au texte montre bien l’affaiblissement des pouvoirs de police et de contrôle dont il est porteur, et donc le danger qu’il représente pour la sécurité de nos concitoyens.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Une fois encore, je suis surprise, car vous souhaitez, en définitive, supprimer les alinéas qui créent un article 60-1 dans le code des douanes, consacrent le droit de visite sans motif particulier et définissent les zones et les lieux concernés. Ce faisant, vous mettez aussi à mal les dispositifs qui se rattachent à cet article – les visites ne nécessitant pas de motif, celles qui en requièrent un et celles dont le procureur doit être informé. L’articulation de ces précisions, à la fois géographiques et fonctionnelles, garantit l’équilibre du système et permet, à nos yeux, de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Au motif que nous sommes des Insoumis, nous serions des « zinzins », incapables de défendre l’intérêt de l’État. C’est une erreur fondamentale, monsieur Di Filippo. Nous sommes les seuls, me semble-t-il, à proposer le doublement des effectifs des services des douanes. La politique de votre ami M. Sarkozy, quant à elle, avait abouti à leur diminution, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ce sont donc vous et vos amis qui mettez à mal les services publics en supprimant des postes de fonctionnaires. À l’inverse, nous voulons augmenter les pouvoirs des douanes en accroissant les moyens humains dont ils disposent.

Dès lors que 8 000 agents des douanes réalisent 70 % des saisies de stupéfiants, nous considérons qu’il vaut mieux augmenter le nombre de douaniers et s’emparer de ces produits à la source, plutôt que d’envoyer des policiers contrôler les points de deal, c’est-à-dire intervenir à la toute fin de la chaîne, ce qui ne permet pas de s’attaquer aux « gros bonnets ». Nous voulons faire en sorte que les stupéfiants n’arrivent pas sur notre territoire – et il en va de même pour les armes. Il faut augmenter le nombre des douaniers, car ils sont efficaces ; nous ne cesserons de le dire. Sur ce sujet, vous devriez écouter les Insoumis.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je laisse à M. Léaument le terme « zinzins ». Les Insoumis ne sont pas fous du tout ; leur stratégie en matière de sécurité est tout à fait calculée, au contraire. Dans leur conception, la balance entre les libertés individuelles et la sécurité collective penche dans un sens que je n’approuve pas.

Madame la rapporteure pour avis, vous dites que les alinéas que je propose de supprimer consacrent les possibilités de contrôle. Pour ma part, j’estime qu’ils en restreignent trop le champ. Nous aurons de très mauvaises surprises quand ce texte entrera en application. Je sais bien que ce n’est pas la faute du Gouvernement, qui doit répondre à une décision du Conseil constitutionnel, mais j’aurais aimé que l’on trouve d’autres moyens de résoudre le problème.

M. Alexandre Sabatou (RN). Nous avons bien compris que nous étions sur la corde raide : nous devons voter pour que, le 1er septembre, les douanes puissent poursuivre leur action. Les amendements de M. Di Filippo ont pour objectif de provoquer la discussion. Il n’en ressort pas moins de nos rencontres avec les douaniers et l’administration que le recours à la notion de « raisons plausibles de soupçonner » n’est pas la bonne solution. Certes, elle répond à la demande du Conseil constitutionnel, mais créera de nombreux contentieux qui risquent d’entraîner l’annulation de certaines affaires.

Vous parlez de l’obligation d’informer le procureur, mais le texte précise que celui-ci peut s’opposer à la proposition des douanes. Je demanderai la suppression de cette disposition : le fait que les douanes fassent remonter les informations au procureur ne pose aucun problème, mais celui-ci n’a pas à donner son avis sur les missions des douanes, car ces services sont autonomes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL148 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à revenir à la version initiale du projet de loi. Celle-ci faisait référence aux « abords » des lieux d’intervention des douanes. Les sénateurs ont préféré prévoir un rayon de 10 kilomètres, ce qui correspond à des zones extrêmement vastes : la ville de Paris tout entière se trouverait dans le rayon d’action des douanes, et il en irait de même pour les villes près d’un important port fluvial, puisque les ports sont concernés par la disposition.

La notion d’« abords » me paraît plus juste. Du reste, elle est d’ores et déjà définie dans le code de procédure pénale, où elle est utilisée dans le cadre des contrôles d’identité. Cette disposition est de nature à sécuriser l’action des douaniers et à répondre à la décision du Conseil constitutionnel, que certains collègues remettent en cause. Nous conservons un équilibre entre les libertés individuelles garanties par la Constitution, d’une part, et la capacité opérationnelle des douaniers, d’autre part.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis favorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). J’anticipe la chute des amendements suivants une fois que celui-ci aura été adopté. Je comptais, pour ma part, proposer de faire passer le périmètre de 10 à 30 kilomètres. La notion d’« abords » risque d’introduire un flou juridique de nature à rendre plus difficile le travail des douaniers. De plus, selon le dictionnaire, le terme renvoie à l’idée d’une proximité immédiate. Vous aurez donc du mal à me convaincre, madame la rapporteure pour avis, que cela représente davantage qu’un rayon de 10 kilomètres.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Fabien Di Filippo (LR). C’est une raison de plus de ne pas affaiblir juridiquement le texte en réintroduisant cette notion !

M. Alexandre Sabatou (RN). Sur le plan juridique, la notion d’« abords » désigne les rues attenantes. Je vous confirme donc, monsieur Di Filippo, que cela ne va pas bien loin.

J’entends vos arguments, madame la rapporteure pour avis, mais, pour faire avancer les débats, nous pourrions trouver une solution de compromis consistant à différencier les grandes villes et le milieu rural : dans le cas des routes de campagne, un rayon de 10 kilomètres me semble parfaitement adapté à l’action des douanes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Moi aussi je m’interroge sur la notion d’« abords », qui est floue. Les services des douanes eux-mêmes sont circonspects. La distance de 10 kilomètres n’est peut-être pas adéquate, mais il serait dommage que des saisies de drogue soient invalidées en raison du caractère imprécis de la disposition.

M. le président Sacha Houlié. La notion d’« abords immédiats » figure déjà dans le code de la sécurité intérieure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La proposition consistant à étendre le rayon d’action à 30 kilomètres s’inscrit dans la continuité de vos précédents amendements, monsieur Di Filippo. J’y aurais été défavorable.

Madame Regol, la notion d’« abords » n’a rien de flou : elle existe déjà dans le code de procédure pénale, dans le code de la sécurité intérieure ainsi que dans le code des douanes, à l’article 67 quater. Selon une pratique constante, elle désigne les rues adjacentes.

Certains d’entre vous craignent que le droit de visite n’existe plus au-delà d’un certain périmètre, mais il n’en est rien : il pourra s’exercer s’il existe des « raisons plausibles de soupçonner » une infraction et, pour des infractions spécifiques, les douaniers pourront procéder à des inspections après en avoir informé le procureur – et non pas après avoir sollicité son autorisation. Le dispositif est donc robuste et opérationnel.

En ce qui concerne une distinction éventuelle entre territoires urbains et territoires ruraux, je laisserai le soin à M. le ministre délégué de répondre. Toutefois, une telle disposition me semble de nature à complexifier l’action des douaniers. Elle ne me paraît pas nécessaire.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Comme dans les autres domaines, nous essayons de trouver le bon équilibre : il s’agit à la fois de permettre à nos douaniers d’agir efficacement et de donner des garanties suffisantes au Conseil constitutionnel.

Il n’y a pas lieu d’opposer les zones de frontière et le reste du territoire. Certes, dans les zones de frontière, du fait de la présomption d’infractions douanières plus importantes, le texte donne des prérogatives très étendues aux services – tout en intégrant les acquis de la jurisprudence –, mais les douaniers disposeront d’un cadre assez souple pour agir dans le reste du territoire. À cet égard, il est bel et bien prévu qu’ils informent le procureur, et non qu’ils reçoivent son autorisation.

Nous avons retenu la notion d’« abords » pour deux raisons. D’une part, si l’on établissait un rayon de 10 kilomètres, toute l’agglomération parisienne serait considérée comme une zone de frontière, en quelque sorte, sans limite d’action, ce qui ne nous semble pas respecter l’équilibre demandé par le Conseil constitutionnel. D’autre part, la notion d’« abords » est loin d’être floue. Elle est inscrite dans le code de la sécurité intérieure, à l’article 78-2 du code de procédure pénale et même à l’article 67 quater du code des douanes, qui concerne les contrôles migratoires. Elle désigne les rues adjacentes aux gares ferroviaires, aux gares routières ainsi qu’aux aéroports.

Pour ces raisons, il est très important de revenir à la rédaction initiale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL4 de M. Fabien Di Filippo, CL30 de Mme Marie-France Lorho, CL23 de M. Michaël Taverne et CL120 de M. Jordan Guitton tombent, de même que l’amendement CL8 de M. Fabien Di Filippo.

Amendements CL53 de M. Antoine Léaument, CL81 de M. Éric Ciotti et CL121 de M. Jordan Guitton (discussion commune).

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le syndicat Solidaires Douanes nous a alertés sur l’absence de référence aux axes routiers secondaires et tertiaires dans le texte, ce qui pourrait entraîner l’invalidation de certaines saisies. Cet amendement vise à corriger le tir. Certes, M. le ministre délégué nous a dit que ces axes étaient inclus, mais le fait de l’inscrire dans la loi ne coûte rien et nous garantit que ces axes seront bel et bien couverts.

M. Éric Ciotti (LR). Le projet de loi revêt une très grande importance : il apporte une réponse – partielle, il est vrai – à la décision du Conseil constitutionnel. Celle-ci mettait gravement en danger l’action des douanes, qui est pourtant essentielle.

L’amendement CL81 vise à étendre le rayon d’action des douanes au réseau routier secondaire et aux routes nationales. Il s’agit ainsi de compléter le dispositif : dans la mesure où le rayon d’intervention a été étendu pour les autoroutes, le fait de ne pas inclure les axes secondaires et les routes nationales permettrait aux contrevenants d’y trouver refuge.

M. Timothée Houssin (RN). Comme les autres amendements en discussion commune, l’amendement CL121 vise à élargir les contrôles aux axes secondaires, fréquemment utilisés par les délinquants. Si nous n’incluons pas ces axes, nous risquons de faciliter les trafics.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. En lisant ces amendements, on a le sentiment que les douanes ne pourront pas exercer leur droit de visite sur les réseaux secondaire et tertiaire. Or ce sera tout à fait possible, mais de manière encadrée – c’est l’objet des articles 60‑2 et 60‑3. Les douaniers pourront procéder à des inspections s’ils ont des raisons plausibles de suspecter une infraction ou s’ils sont à la recherche d’infractions bien précises, telles que le trafic de stupéfiants ou la contrefaçon.

J’ai eu la chance de faire un stage d’immersion auprès des douanes de l’Isère. Nous avons effectué un contrôle à la fois au péage de Voreppe et sur une départementale adjacente. Ce sera toujours possible après l’adoption du projet de loi. De même, les douaniers pourront procéder à des visites de véhicules sur la nationale 104 ou la départementale 117, à proximité de Sainte-Geneviève-des-Bois, monsieur Léaument.

Nous sommes tenus de limiter l’étendue de la zone d’intervention sans motif ni information du procureur, mais je le dis clairement : les douanes pourront agir sur les réseaux secondaire et tertiaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL54 de M. Antoine Léaument.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Cet amendement, qui vise à englober le fret ferroviaire, participe à la sécurisation juridique nécessaire pour éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Qui plus est, il s’agit de tenir compte du développement de la circulation des biens et des marchandises, lié notamment à l’accroissement totalement insensé du e-commerce.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Parfois, à force de vouloir préciser un texte, on le rend moins lisible. En l’occurrence, le projet n’exclut en aucun cas les trains de marchandises. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL48 de M. Antoine Léaument.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il faut conserver un équilibre entre la nécessité de mettre au jour certains trafics et le respect des libertés individuelles. À cet égard, il convient de préciser les modalités d’action des douaniers. Il faut, en particulier, écarter tout risque de discrimination. Nous ne soupçonnons pas les douaniers d’être guidés par de tels motifs, mais il nous paraît important de l’inscrire noir sur blanc dans la loi. La même raison nous conduit à nous interroger sur la notion de « raisons plausibles de soupçonner ». Nous essaierons donc, par voie d’amendement, de donner au dispositif un caractère parfaitement objectif.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La discrimination constitue une infraction pénale. Nous partageons votre objectif, mais il est inutile d’écrire dans la loi qu’il faut respecter la loi…

La formule « raisons plausibles de soupçonner » résulte des termes mêmes de la décision du Conseil constitutionnel.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

M. Alexandre Sabatou (RN). Le douanier ne choisit pas le contrebandier : il contrôle des marchandises. Cela dit, la notion de « raisons plausibles de soupçonner » risque de donner lieu à des contentieux fondés sur des raisons comme celle dont il est question ici : ce sera une aubaine pour les avocats, et de nombreuses procédures pourraient être annulées.

Des douaniers m’ont expliqué que certaines nationalités étaient surreprésentées dans des filières bien précises – on pense notamment aux pays d’Amérique du Sud. Les agents contrôlent les ressortissants de ces pays car ils savent qu’il y a plus de chances qu’ils transportent des marchandises prohibées. Il ne s’agit pas d’un délit de faciès ou de discrimination : le fait est que, pour trouver des marchandises, les douaniers utilisent des techniques de ciblage visant préférentiellement certaines personnes.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). D’où la nécessité d’adopter cet amendement ! On ne saurait préjuger du fait que certaines personnes doivent être davantage contrôlées que d’autres au motif qu’elles viennent de telle ou telle zone, de tel ou tel pays. Inscrire cela dans la loi poserait des questions majeures.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Les vols internationaux ne sont pas soumis au régime des « raisons plausibles » : nous sommes dans le cadre des contrôles en zone aéroportuaire. Cela témoigne du fait que le système proposé est suffisamment robuste pour s’adapter aux contraintes opérationnelles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL135 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). L’année prochaine, notre pays accueillera un événement sportif majeur qui sera regardé dans le monde entier. L’objet de cet amendement est de permettre aux douaniers d’agir aux abords des infrastructures où se dérouleront les épreuves olympiques et des lieux où seront hébergés les athlètes. En effet, il y aura davantage de trafic de stupéfiants et de commerce illégal à proximité de ces sites, comme c’est déjà le cas lors de manifestations sportives de moindre ampleur.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Modifier le code des douanes de façon pérenne pour un événement par nature ponctuel ne nous paraît pas opportun. En outre, l’ensemble de la ville de Paris serait concerné. Du reste, il n’y a pas forcément de lien direct entre une infrastructure utilisée pour les Jeux olympiques (JO) et l’action des douanes.

Par ailleurs, en tout état de cause, l’action des douanes est possible partout : ce sont juste les critères et les modes opératoires qui doivent s’adapter en fonction des zones.

Enfin, la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 nous a déjà fourni les mesures de sécurité et de surveillance nécessaires. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Y compris pendant les Jeux olympiques, l’enjeu principal pour les douanes sera davantage de contrôler les personnes arrivant sur notre sol par les ports et les aéroports que d’être présentes sur la plaque parisienne – même si des opérations y seront menées également.

Surtout, les JO entrent précisément dans le cadre défini par la nouvelle rédaction de l’article 60 du code des douanes. Comme il s’agit d’un événement se tenant dans un lieu et un temps déterminés, il suffira d’informer le procureur de la République en amont des contrôles : le droit de visite des douaniers pourra s’exercer sans aucune limite dès lors que les interventions auront été signalées au parquet.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il paraît difficile d’introduire une référence aux Jeux olympiques dès lors que l’on cherche à donner une portée générale au texte.

De surcroît, même si les équipements sont concentrés pour l’essentiel à Paris et en Seine-Saint-Denis, on trouve des sites dans de nombreuses régions de France. Les douaniers auront déjà beaucoup de travail, tout comme l’ensemble des services chargés de la sécurité, qui seront très nombreux sur les sites olympiques – ce qui provoque d’ailleurs un début de bronca compréhensible chez les maires. Si l’on élargit encore le périmètre d’intervention des douaniers pendant cet événement, on ne va pas s’en sortir.

Enfin, cette proposition traduit une conception étrange du sport.

M. Romain Baubry (RN). La préfecture de police de Paris, semble-t-il, a établi un partenariat avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques afin, notamment, de lutter contre ces trafics. Je redéposerai mon amendement en séance publique en supprimant la référence aux Jeux et en mentionnant, plus généralement, les compétitions sportives.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL101 de M. Jocelyn Dessigny et CL5 de M. Fabien Di Filippo, amendements CL71 de M. Alexandre Sabatou et CL47 de M. Antoine Léaument (discussion commune)

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le droit de visite prévu à l’article 60 du code des douanes est la prérogative à caractère administratif la plus déterminante de l’action de l’administration des douanes. Il permet aux agents, dont l’objectif est la recherche de la fraude douanière, de procéder à toute heure à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sur la voie publique et sur l’ensemble du territoire douanier.

Grâce à ce droit, les agents douaniers peuvent valablement provoquer la flagrance, c’est-à-dire révéler une infraction qu’aucun élément extérieur ne permettait de soupçonner. La nécessité de caractériser la flagrance ou d’avoir des « raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction » pour agir revient à opérer un changement de paradigme. Les fonctionnaires ne pourront plus mener à bien leur mission car, par définition, l’infraction, comme les raisons plausibles qui lui sont attachées, ne se découvrent qu’au cours du contrôle de douane et non a priori.

Par ailleurs, dans notre droit, les personnes assujetties à une réglementation particulière – fiscale, par exemple – peuvent être contrôlées sans aucune raison objective de les suspecter.

Cet amendement d’appel tend donc à supprimer la condition des « raisons plausibles » préalables, afin de protéger l’action des douanes et l’objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions.

M. Fabien Di Filippo (LR). Quelle est donc la nature de ces « raisons plausibles », qui viendraient limiter l’action de nos douaniers ? Hors le flagrant délit, cette notion ne me semble pas pertinente. De surcroît, elle peut introduire un risque juridique dans le cadre d’opérations de contrôle spontanées, dont nous savons combien elles sont fructueuses.

M. Alexandre Sabatou (RN). Qui sera-t-il possible de contrôler, dans ces conditions, alors que les contrebandiers ressemblent de plus en plus à M. Tout-le-monde ?

De plus, pour découvrir de nouvelles filières d’importation de marchandises prohibées, les douaniers vont parfois contre leur instinct en visant par exemple un véhicule qu’ils n’auraient de prime abord jamais songé à contrôler… et ils font mouche. Quid, dès lors, des « raisons plausibles » ?

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je propose de mentionner non des « raisons plausibles », formulation trop vague, mais des « raisons objectives », ce qui contribuera à sécuriser juridiquement les opérations des douaniers dans le cadre défini par le Conseil constitutionnel.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Précisément, la censure du Conseil constitutionnel s’est exercée faute d’un cadre « tenant compte […] de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction ».

Par ailleurs, cette formulation n’est en rien imprécise et figure déjà à l’article 78-2 du code de procédure pénale.

Enfin, contrairement à l’objectif visé, l’adoption de l’amendement CL71 reviendrait à restreindre la portée du dispositif en autorisant seulement le droit de visite « dans l’objectif d’empêcher la commission d’une infraction ».

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, une telle formulation offre une garantie essentielle. Elle figure également dans le code de procédure pénale, elle est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation – y compris s’agissant de l’action des douanes – et elle est également utilisée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Les « raisons plausibles » rendent vraisemblable, aux yeux de tous, la commission d’une infraction. Ce peut être, par exemple, le refus d’un conducteur de rabattre son véhicule en vue d’un contrôle, comme je l’ai moi-même constaté à Lille, avec des douaniers que j’accompagnais. Il en a été de même lorsqu’ils ont soupçonné la présence d’une cache aménagée sous un camion.

J’ajoute que s’ils opèrent un contrôle sur une route secondaire hors du rayon de la frontière, le procureur de la République en sera informé préalablement, et que, même en cas d’absence de « raisons plausibles », d’éventuelles infractions ne manqueraient pas d’être poursuivies.

M. Alexandre Sabatou (RN). Je comprends fort bien, mais des infractions seront constatées en dehors de toutes « raisons plausibles ».

Quant à faire état de « raisons objectives », cela reviendrait à interdire tout contrôle.

L’amendement CL71 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL149 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le Sénat a souhaité supprimer la mention de la « tentative » de commission d’une infraction, la jugeant satisfaite. Je propose de la rétablir, car si elle est bien satisfaite pour les infractions douanières, il en va autrement pour les infractions non douanières qui sont dans le champ du droit de visite, dont, par exemple, les infractions en matière d’argent liquide. Sur un plan délictuel, la tentative est punissable comme infraction seulement si la loi le prévoit. Il s’agit, au demeurant, d’une mention qui est expressément prévue en matière de contrôles d’identité par le code de procédure pénale, dont l’article 78-2 prévoit qu’ils peuvent être faits s’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis « ou tenté de commettre » une infraction.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis favorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Soyons concrets. Nous présenterons un amendement en commission des finances concernant la présence d’argent liquide mais, en la matière, ce sont surtout les trafics financiers, de drogue et d’armes qui sont en cause et, dans ces cas-là, le contrôle permet de constater la commission d’une infraction et non une « tentative ».

Une telle mention, de plus, serait contradictoire avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : une condamnation n’est possible qu’en cas de non-respect de la loi, les actes condamnables étant précisément définis. Je ne suis pas certain de la constitutionnalité d’une telle disposition.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Les infractions que vous visez figurent dans le code des douanes. La « tentative » concerne le commencement de l’exécution de l’infraction. De plus, il n’est pas question d’une condamnation, mais de l’exercice du droit de visite. Cette disposition ne porte en rien atteinte aux droits de l’homme.

M. Fabien Di Filippo (LR). Le laxisme de M. Léaument semble sans borne... La « tentative » de commission d’une infraction ne permet pas de condamner, mais d’autoriser une fouille pour constater d’éventuels trafics qui tombent sous le coup de la loi. De ce point de vue, je suis en désaccord avec le Sénat. Les résultats obtenus par les douaniers sont éloquents. Il faut leur laisser faire leur travail.

M. le président Sacha Houlié. L’article 78-2 du code de procédure pénale dispose en effet qu’il est possible de procéder à un contrôle d’identité sur « toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner […] qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Il importe qu’il en soit de même dans ce nouvel article en matière délictuelle dans le cadre du droit de visite.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La notion de « tentative » est en effet « canonique » dans le droit pénal.

Le code des douanes permet déjà que les délits douaniers couvrent la tentative, mais il nous paraît nécessaire qu’il en soit de même dans le cadre du droit de visite. Par exemple, si un douanier trouve 60 000 euros sur une personne, somme susceptible de constituer un délit de blanchiment – lequel n’est donc pas encore constitué –, cette mention permettra de poursuivre la procédure.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL62 de M. Yoann Gillet tombe.

Amendement CL46 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le droit de visite s’accompagne d’une information préalable du procureur de la République, lequel peut s’y opposer. Nous voulons toujours garantir les droits de l’homme et les moyens d’action des douaniers.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’article 60-2 concerne le droit de visite en cas de soupçon de commission d’infraction. L’information du parquet, dans ce cas-là, n’est pas prévue, à la différence de l’article 60-3, qui prévoit un encadrement plus strict car aucun soupçon n’est requis pour intervenir. Votre amendement me semble aller trop loin et entraverait de façon excessive l’action de la douane. Avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Une telle disposition alourdirait l’encadrement. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que Solidaires Douanes vous ait soufflé cet amendement. S’il était adopté, les douaniers devraient appeler le procureur de la République avant de pouvoir poursuivre un véhicule dont la fuite constitue une raison plausible de soupçonner une infraction douanière.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il importe de donner des garanties aux citoyens, ce qui d’ailleurs contribuera à sécuriser juridiquement les procédures. Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 60 du code des douanes en raison du caractère disproportionné de ses dispositions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL24 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). La plupart des saisies de stupéfiants effectuées par les douaniers relèvent de leur initiative, à partir d’éléments souvent anodins ; or les agents seront juridiquement sur le fil du rasoir et préféreront ne pas procéder à des contrôles s’ils risquent d’être mis en cause pour des atteintes aux libertés individuelles, la notion de « raisons plausibles » étant de surcroît difficile à définir. À moins de spécifier que leur « discernement reste prioritaire », les contrôles et les saisies diminueront.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Dans le cadre des contrôles d’identité et de la visite des véhicules, les articles 78-2 et 78-2-3 du code de procédure pénale conditionnent déjà l’action des forces de l’ordre à des « raisons plausibles de soupçonner ». Cette notion n’est en rien imprécise et figure dans la décision du Conseil constitutionnel. Le discernement, enfin, fait partie intégrante du métier de douanier. Sans doute serait-ce leur faire injure que de laisser penser qu’ils n’en ont pas. Avis défavorable.

M. Michaël Taverne (RN). Je ne remets pas en cause le discernement des agents, bien au contraire, puisque je souhaiterais qu’il soit valorisé. Des douaniers m’ont dit, à moi qui suis élu d’un territoire frontalier de la Belgique, que leur attention avait été appelée par la simple couleur d’une vis d’un véhicule. Ils l’ont contrôlé et ils sont tombés sur un stock de cocaïne. En quoi la couleur d’une vis pourrait constituer une « raison plausible » ? Juridiquement, un terme aurait été mis à la procédure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL89 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Le Conseil constitutionnel, qui a censuré l’article 60, nous demande de prévoir les garanties nécessaires pour assurer une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. Il convient de supprimer le droit de fouille « à toute heure » et, par l’amendement CL139, dont nous allons discuter dans la discussion commune qui s’annonce, d’insérer les trois alinéas suivants :

« Entre huit heures et vingt heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l’accès au public est autorisé, le procureur de la République est informé immédiatement, par tout moyen, dès la prise de décision de procéder aux opérations de visite.

En dehors de ces heures, les opérations de visites ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République.

Le procureur de la République peut s’y opposer. »

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Empêcher que le droit de visite, si les douaniers ont des soupçons, puisse avoir lieu à toute heure risque de considérablement entraver l’action des douanes.

Par ailleurs, vos propositions subordonnent l’action des douanes, entre vingt heures et huit heures, à l’information du parquet, alors que le cadre juridique ne l’exige pas : nous ne sommes pas dans une recherche d’infraction sans soupçon, donc plus intrusive, mais bien dans une visite due à des soupçons. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL139, CL87 et CL88 de M. Roger Vicot et CL44 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).

M. Roger Vicot (SOC). Les amendements CL87 et CL88 tendent respectivement à insérer, après l’alinéa 13, les deux alinéas suivants : « Les opérations de visite ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République, qui peut s’y opposer » ; « Le procureur de la République en est informé immédiatement, par tout moyen. Il peut s’y opposer. »

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Le Conseil constitutionnel nous invite en effet à trouver un équilibre. Il importe donc d’informer le procureur de la République et de laisser à ce dernier la possibilité de s’y opposer. Nous demandons simplement un contrôle judiciaire, comme c’est le cas pour d’autres procédures douanières qui ont fait leur preuve.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Ces mesures sont excessives. Les articles 60-2 et 60-3 offrent un cadre suffisant. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Ma collègue Faucillon a raison : pourquoi ne voulez-vous pas qu’il y ait des contrôles judiciaires ? Les jugez-vous malvenus ? Non, personne ne peut dire cela. Un contrôle judiciaire n’est pas grave en soi : il n’empêche pas l’action des douaniers ; au contraire il l’encadre et permet de s’assurer que, les droits ayant été respectés, aucun vice de procédure n’empêchera la condamnation d’un individu.

C’est le même problème que pour la police judiciaire dont il est question dans l’étude d’impact : comme on ne met plus assez de moyens dans la justice, on ne réalise pas de contrôle judiciaire dans toutes les situations où ce serait nécessaire. Il n’est pas possible que, pour des raisons financières, les droits ou la loi soient moins respectés.

M. le président Sacha Houlié. Vous anticipez le débat sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, qui se tiendra dans quinze jours.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. M. Léaument fait du teasing sur nos prochaines réunions !

Quoi qu’il en soit, on se rapproche ici du régime applicable aux contrôles d’identité. Face à un go fast, par exemple, vous avez des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière. Prendre le temps d’informer le procureur vous empêcherait d’agir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL102 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Comme d’habitude, nos amis droit-de-l’hommistes nous offrent une parodie de défense de nos concitoyens, alors que leur seul objectif est de défendre les malfrats qui violent les lois. Cet amendement d’appel a pour objectif de libérer les mains des douaniers afin qu’ils puissent intervenir à tout moment sans être tenus de justifier leur action. On le sait, on peut trouver de la drogue dans n’importe quelle voiture. Les douaniers doivent avoir la liberté d’agir comme ils l’entendent, au moment où ils le souhaitent.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Pratiquer des contrôles sans limitation, c’est l’état actuel du droit. Or ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

De plus, il est important de caractériser les « raisons plausibles », comme le recommande la décision du Conseil constitutionnel. Je l’ai dit, cela renvoie au code de procédure pénale. Nous sommes sur des rails qui permettront aux douanes d’agir de manière encadrée. J’émets donc un avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Décidément, le Rassemblement national nous éclaire sur sa vision de la France. Je ne m’y attendais pas dans un débat sur les douanes !

Notre collègue s’adresse à ses « amis droit-de-l’hommistes », comme si défendre les droits de l’homme et du citoyen était une insulte... Mais je comprends pourquoi, car l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Pour ceux qui, d’une manière générale, défendent l’inégalité entre les êtres humains et vont jusqu’à traiter une présidente de groupe de « poissonnière » – M. Dessigny a été sanctionné pour de tels propos –…

M. Jocelyn Dessigny (RN). D’autres traitent un ministre d’« assassin » !

M. le président Sacha Houlié. Le débat s’est bien déroulé jusqu’à présent. Reprenez-vous, chers collègues.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Vous voyez combien nos collègues du Rassemblement national, en plus de ne pas défendre les droits de l’homme et du citoyen, sont incompétents et laxistes. Le Conseil constitutionnel a refusé des dispositions, précisément parce qu’elles ne respectaient pas la Constitution, qui inclut la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans son bloc de constitutionnalité. Il va falloir vous y faire : la France est fondée ainsi, sur une révolution, sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le drapeau tricolore et La Marseillaise ont vu le jour dans le prolongement de 1789. Défendre les droits de l’homme, chers collègues du Rassemblement national, c’est être patriote. Le patriotisme, c’est précisément cela. Vous en avez une vision étriquée, mauvaise et contradictoire avec ce qui a fondé la France et le peuple français comme nation, c’est-à-dire comme peuple souverain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL65 de M. Alexandre Sabatou.

M. Alexandre Sabatou (RN). Dans un souci de transparence des actions de la douane dans le territoire national, le service doit informer le procureur de la République des contrôles prévus. Cependant, afin que cette information lui permette de garder son autonomie et sa souveraineté, elle ne pourra pas faire l’objet d’un refus de la part du procureur.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Vous proposez de réécrire l’article 60-3, en supprimant le procès-verbal de visite sur demande de la personne et, surtout, en prévoyant l’information du procureur vingt-quatre heures à l’avance, mais sans indiquer que celui-ci pourra s’opposer à la visite. J’avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement qui corsète l’action des douanes, contrairement aux précédents, qui visaient à élargir leur capacité d’action.

Au demeurant, obliger à informer le procureur vingt-quatre heures à l’avance risque de réduire à néant le caractère spontané du droit de visite.

Enfin, le procès-verbal sur demande existe déjà dans le code de procédure pénale.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CL150, de précision légistique, et CL151, rédactionnel, de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendements identiques CL6 de M. Fabien Di Filippo, CL28 de Mme Marie-France Lorho et CL69 de M. Alexandre Sabatou.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’obligation d’informer le procureur de la République risque d’empêcher des opérations de contrôle spontanées ou de les rendre caduques. Il faut parfois laisser une plus grande marge de manœuvre aux acteurs de terrain.

Mme Marie-France Lorho (RN). J’ai pu constater que les douaniers du Vaucluse œuvrent en bonne entente avec le procureur de la République. Une information systématique à cet échelon hiérarchique constitue pourtant une nouvelle démarche. L’avis contraignant que peut rendre le procureur est susceptible de bloquer certaines opérations.

Par ailleurs, les agents des douanes n’ont pas nécessairement d’itinéraire défini : leurs déplacements peuvent les mener sur des lieux inattendus, où il est délicat d’informer leur hiérarchie.

L’amendement vise donc à supprimer l’obligation d’informer systématiquement le procureur du déroulement, étape par étape, des opérations douanières et, surtout, à laisser aux agents des douanes les mains libres, en supprimant le refus que le procureur pourrait opposer.

M. Alexandre Sabatou (RN). Madame la rapporteure pour avis, je souhaiterais avoir votre avis sur l’alinéa 16, qui dispose : « Les opérations de visites prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République, lequel pouvant s’y opposer. » N’est-ce pas là une mise sous tutelle ? Il est clairement dit que le procureur a le droit d’accepter ou de refuser une action des douanes. Pouvez-vous écarter nos doutes, qui semblent légitimes ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le droit de visite prévu à l’article 60-3 ne suppose pas d’avoir des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction : pour qu’il ne soit pas assimilé au régime de l’article 60-1, il faut l’encadrer par l’information du procureur. Toutefois il s’agit d’informer par tout moyen, non de recueillir une autorisation. Le dispositif est similaire à celui de l’accès aux locaux professionnels, en vue de rechercher des infractions douanières, prévu à l’article 63 ter du code des douanes.

Quant au risque de congestion des services, la direction des affaires criminelles et des grâces nous a indiqué que cela ne présenterait pas de difficulté.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également.

M. Philippe Latombe (Dem). Ce qui fait débat, c’est surtout la possibilité donnée au procureur de s’opposer à une opération. Or il peut être informé qu’une opération de police ou de renseignement judiciaire se tiendra au même endroit et au même moment que celle des douanes. De fait, les procureurs que j’ai interrogés n’ont pas la volonté de s’opposer systématiquement aux opérations douanières : ils veulent seulement éviter qu’elles n’en compromettent d’autres dont les agents des douanes ne sont pas forcément informés : c’est notamment le cas pour des affaires de criminalité en bande organisée, où de vastes opérations de renseignement sont menées.

Il faudrait préciser ce point : l’information doit être faite par tout moyen et s’adresser au procureur ou à son substitut.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Ces amendements témoignent d’un grand laxisme. Le projet de loi a pour objet de répondre à la censure du Conseil constitutionnel, qui estime que ces opérations ne sont pas encadrées. Il faut donc créer un cadre afin de n’être pas confronté à cette difficulté.

En tant qu’élus, en restant à notre place – quand on en est capable –, on peut observer comment les opérations sont traitées en temps réel et constater la réactivité des procureurs. Faites-le, vous serez rassurés et moins laxistes.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL136 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Mme la rapporteure pour avis et M. Latombe ont indiqué qu’une information « par tout moyen » était nécessaire, ce que le projet de loi ne précise pas. Or, il est parfois difficile de joindre le procureur de la République directement. C’est le cas pour les forces de l’ordre lorsqu’elles veulent entamer une garde à vue, ainsi que pour les douaniers. C’est pourquoi ces derniers souhaitent que les mots « par tout moyen » figurent dans le texte.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait, puisque le texte ne prévoit ni délai, ni horaires, ni formalisme. Je vous renvoie également à l’article 63 ter du code des douanes, qui prévoit un dispositif similaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Romain Baubry (RN). On risque tout de même que le procureur donne des directives aux services de douane et leur dicte les termes de cette information, par le biais d’une note par exemple. Cela se pratique dans la police, avec les officiers du ministère public.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le procureur n’exerce pas cette autorité, ce sont des ministères différents – Gabriel Attal peut le confirmer. Soyez rassurés sur ce point.

M. Philippe Latombe (Dem). Je comprends la réponse juridique de la rapporteure pour avis comme l’inquiétude des douaniers. Il serait bon qu’en séance, le ministre fournisse des éléments, qui figureront au compte rendu publié au Journal officiel. Cela permettra d’allier la concision de la loi et une explication qui rassurera les douaniers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL37 de M. Xavier Breton, amendements identiques CL119 de M. Jordan Guitton et CL18 de M. Alexandre Sabatou, amendements CL63 de M. Yoann Gillet et CL25 de M. Michaël Taverne (discussion commune).

M. Xavier Breton (LR). Mon amendement vise à préciser les circonstances et les conditions du refus que le procureur a la possibilité d’exercer. La rédaction actuelle risque d’entraîner des refus arbitraires. Nous proposons que le procureur puisse s’opposer « de façon motivée », en vue d’éviter cet arbitraire.

M. Jordan Guitton (RN). Il s’agit de supprimer les mots « lequel pouvant s’y opposer », qui introduit un dispositif flou où le procureur pourra interdire une opération par n’importe quel moyen et pour n’importe quelle raison. J’entends qu’il doit parfois arbitrer entre différentes opérations, mais les nombreux amendements à la fin de l’alinéa 16 montrent que la copie doit peut-être être revue. Je vous propose donc de supprimer les derniers mots de l’alinéa. Rien ne vous empêche de revenir en séance avec un amendement de réécriture. Ce point est important, car il inquiète beaucoup les douaniers.

M. Alexandre Sabatou (RN). Le calendrier ne m’a pas permis de rencontrer les procureurs comme notre collègue Latombe l’a fait. Monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure pour avis, si vous aussi vous estimez que les procureurs et les douaniers travaillent en bonne entente, vous pouvez déposer un amendement afin de préciser les raisons pour lesquelles le procureur peut s’opposer à une opération. Les membres de l’administration se sont dits confiants dans les relations entre procureurs et douaniers ; les douaniers, plus sceptiques, m’ont expliqué que les relations, comme les hommes, variaient. Chaque procureur a sa manière de faire. Il serait bon que la loi encadre ce point.

M. Yoann Gillet (RN). L’alinéa 16 prévoit que les opérations de visite ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République, lequel pourrait s’y opposer. Il n’encadre pas de façon suffisamment précise les circonstances et les conditions dans lesquelles le droit de visite douanière peut être refusé. Ce refus, non motivé, est susceptible de faire obstacle aux missions des douanes. Par cet amendement, il est proposé d’encadrer le champ d’intervention du procureur de la République pour prévenir le risque de refus généralisé et arbitraire, en vue de lutter plus efficacement contre les infractions douanières. Le procureur devra motiver son refus par écrit. C’est simplement du bon sens.

M. Michaël Taverne (RN). Mon amendement est dans le même état d’esprit. Les douaniers travaillent avec beaucoup d’efficacité ; il faut pouvoir les motiver, et qu’il y ait une bonne entente entre la justice et les agents des services. L’opposition du procureur doit donc être motivée.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Mes arguments sont les mêmes que précédemment. Un dispositif similaire existe pour la visite des locaux professionnels. Il ne s’agit pas de remettre en question l’équilibre trouvé. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL130 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). L’amendement vise à compléter l’alinéa 16, afin de préciser que « le procureur de la République territorialement compétent est celui du siège de la brigade des douanes ayant effectué le contrôle ». Une brigade pouvant intervenir dans plusieurs secteurs, il est important que l’on puisse simplifier les tâches administratives des douaniers.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La précision n’est pas judicieuse, car elle risque de rigidifier le dispositif et ne relève pas nécessairement de la loi. Je vous renvoie, là encore, à l’article 63 ter du code des douanes. Au demeurant, il semble plus logique que le procureur compétent soit celui du lieu où s’exerce le droit de visite. Enfin, votre amendement ne résout pas la question de la pluralité des parquets compétents. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Les procureurs peuvent établir plus facilement des relations entre eux. Rien n’empêche un procureur d’informer par la suite son confrère. Il s’agissait donc plutôt d’alléger la tâche des douaniers.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il vous a été répondu qu’informer le procureur permet aussi d’éviter d’intervenir à mauvais escient, par méconnaissance d’une opération en cours. Si l’on adoptait votre amendement, on pourrait courir ce risque, ce qui pose un problème.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL7 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo (LR). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 18, car il restreint les visites des marchandises placées sous surveillance douanière à des horaires de bureau. Je sais qu’il existe des règlements européens sur la question, mais ce dispositif cocasse semble déconnecté de la réalité.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Votre amendement supprime un nouvel outil d’action, utile aux douaniers et complémentaire des autres moyens prévus. Les plages horaires sont les mêmes que celles fixées dans les cadres voisins prévus aux articles 63 ter et 66 du code des douanes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL90 de M. Timothée Houssin, amendements identiques CL26 de M. Michaël Taverne, CL67 de M. Alexandre Sabatou et CL91 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). Mon amendement tend à supprimer la limitation à douze heures consécutives des droits de visite des douanes. Celle-ci entrave la souplesse opérationnelle des services douaniers, qui sont les plus à mêmes de juger du temps maximal nécessaire à leur visite. Elle peut aussi compromettre l’efficacité des contrôles, créant des failles dans les périodes non surveillées. Enfin, la limitation peut imposer des contraintes logistiques inutiles. Il s’agit donc de donner la plus grande marge de manœuvre possible aux douanes, tout en restant conscients de nos obligations envers le Conseil constitutionnel.

M. Michaël Taverne (RN). L’article 60-5 limite à douze heures consécutives la durée maximale des visites effectuées par les agents des douanes en dehors de zones définies. Cette limitation est parfois trop restrictive, notamment lorsque les douanes doivent faire intervenir un officier de police judiciaire. Une opération douanière dans ma circonscription a duré plus de vingt heures. Mon amendement a pour objet de porter la limitation à vingt-quatre heures.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La limitation de douze heures concerne non une visite donnée, mais une série de contrôles en un même lieu ou une même zone. Lors de mon immersion avec les services des douanes, j’ai pu constater que les agents étaient repérés très rapidement, par exemple à un péage. Il est donc question que la série de contrôles sur un même point ne puisse avoir lieu durant plus de douze heures. Cela correspond au rythme de travail des douanes, par exemple pour un contrôle routier ou près d’un port.

L’interdiction des contrôles systématiques participe de l’encadrement juridique nécessaire. Au demeurant, ce cadre existe déjà dans le code des douanes et le code de procédure pénale pour les contrôles d’identité. Enfin, une dérogation est prévue, notamment pour les gares, aéroports et ports.

Le but de la mesure est d’encadrer le droit de visite, pour garder un équilibre entre, d’une part, la liberté d’aller et venir et, de l’autre, la capacité d’action des douanes. Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il n’y a rien de concret dans ces amendements. Les dispositifs mis en place comprennent des durées données qui, la plupart du temps, sont tenables. Au contraire, instaurer des contrôles systématiques pendant vingt-quatre heures oblige à un fort turnover, par lequel vous vous écartez du droit du travail. Nous estimons que les moyens humains mis à disposition des douanes sont l’un des principaux problèmes. Si vous ne considérez pas cet aspect, vous êtes à côté de la plaque – comme d’habitude.

M. Alexandre Sabatou (RN). Madame la rapporteure pour avis, nous sommes d’accord avec vous : la plupart des contrôles se passent en quelques minutes. Ce n’est pas le sujet. Nous voulons donner aux douaniers la possibilité d’outrepasser la limitation de douze heures pour lutter notamment contre le phénomène des « mules », ces personnes qui ont ingéré des ovules de produits stupéfiants, et que les organisations criminelles utilisent pour franchir les services de contrôle. Il s’agit de garder ces personnes pendant vingt-quatre heures – une durée plus longue ne nous semble pas nécessaire.

La commission rejette successivement les amendements.

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Réunion du mardi 13 juin 2023 à 21 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/WK6hgY

Article 2 (art. 60, art. 60‑1 à 60‑10 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 112‑24 du code du patrimoine, art L. 251‑18, L. 251‑18‑1, L. 936‑6 et L. 951‑18 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales) (examen délégué) (suite) : Mise en conformité du droit de visite douanière

Suivant l’avis de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CL140 de M. Alexandre Sabatou.

Elle adopte l’amendement de précision CL152 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL64 de M. Yoann Gillet.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit d’autoriser les fouilles intégrales seulement si celles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes pour la surveillance douanière.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le rétablissement des fouilles intégrales que propose votre amendement contreviendrait à la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui risquerait de fragiliser le dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL31 de Mme Marie-France Lorho, CL94 de M. Timothée Houssin, CL20 de M. Michaël Taverne et CL93 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Jordan Guitton (RN). L’article 60-6 du code des douanes ne prévoit rien en cas de refus de se soumettre à un dépistage. Il est nécessaire d’envisager cette hypothèse en reprenant le dispositif prévu à l’article 60 bis en cas de refus d’une personne contre laquelle existent des indices sérieux laissant présumer qu’elle transporte de la drogue dissimulée dans son organisme. Tel est l’objet de l’amendement CL31.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL94 vise à faire en sorte, pour ce qui est des tests relatifs aux stupéfiants, qu’un consentement écrit de la personne concernée ne soit pas nécessaire. Dans le cadre des contrôles routiers, il est probable que beaucoup de gens refuseraient de souffler dans le ballon si on leur demandait un accord écrit – alors qu’il est déjà possible de ne pas accepter le test. Nous proposons donc de remplacer le consentement écrit par un consentement exprès.

M. Michaël Taverne (RN). Je propose également de supprimer l’obligation d’un consentement écrit lors d’un dépistage de substances ou de plantes classées comme stupéfiantes.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL93 est en quelque sorte de repli. Il vise à garder la trace écrite d’une éventuelle opposition, mais en inversant quelque peu les choses : on ne dira pas à la personne qu’elle ne sera contrôlée que si elle le souhaite ; si elle manifeste la volonté de ne pas être contrôlée, elle ne le sera pas, et il en sera fait mention dans un procès-verbal.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Ces amendements tendent à passer outre à l’exigence du consentement, selon des modalités diverses, ou au contraire à renforcer cette exigence.

Si l’article 60 bis du code des douanes, non modifié par ce texte, permet de passer outre au refus d’un dépistage par une décision judiciaire, il prévoit tout de même le principe du consentement et surtout il s’applique en cas d’indices sérieux de transport de drogue. En l’espèce, on est dans le cadre d’un simple droit de visite, potentiellement sans soupçon préalable. Le consentement doit donc être exigé, il doit être écrit et il ne peut pas être outrepassé. La situation en question n’a rien à voir avec les infractions routières ou les investigations judiciaires, lors desquelles interviennent des officiers de police judiciaire (OPJ) ou des agents de police judiciaire (APJ).

Si, en revanche, les agents ont des indices sérieux, ils mettront en œuvre l’article 60 bis, mais les situations visées sont différentes, et doivent donc faire l’objet de règles distinctes.

Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je n’ai pas pu défendre l’amendement CL50, du fait de mon retard. Nous souhaitions que le consentement ne soit pas seulement écrit mais aussi éclairé, c’est-à-dire que la personne soit bien en mesure de comprendre de quoi il s’agit – la question de la langue se pose ainsi.

M. Timothée Houssin (RN). Une personne manifestement droguée pourrait-elle exprimer un consentement éclairé ? Votre amendement conduirait à des situations problématiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL153 et CL154 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL52 de M. Antoine Léaument.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le texte impose que les fouilles individuelles soient effectuées à l’abri des regards, sauf impossibilité pratique. Vous voulez supprimer cette dérogation ciblée et limitée, en faisant référence aux examens de dépistage et aux palpations, mais les fouilles, notamment des bagages et des vêtements, sont également concernées.

Il peut arriver, dans certains cas, que l’on ne puisse pas procéder à l’abri des regards, mais la dérogation prévue n’est qu’une soupape limitée, le principe étant bien de pratiquer les fouilles à l’abri des regards. J’ajoute qu’une telle dérogation est déjà prévue pour les palpations par l’article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure. En tout état de cause, le respect de la dignité, expressément mentionné, ne souffre d’aucune dérogation.

Pour ces différentes raisons, avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous en avons déjà débattu à plusieurs reprises. Quand on détermine des principes tout en prévoyant des dérogations, les principes ne valent plus rien. En l’espèce, il s’agit que les fouilles soient réalisées à l’abri du public. Si on prévoit que la dignité des personnes l’exige mais qu’on dit dans le même temps que ce n’est pas grave si ce n’est pas possible, et qu’on pratique les fouilles devant tout le monde, alors le principe ne vaut rien. Autant ne pas le prévoir du tout ! Si vous voulez que le Conseil constitutionnel valide la loi, il faut garantir les principes liés au respect des droits humains, même si parler de ces droits saoule apparemment nos collègues du Rassemblement national.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL84 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Cet amendement reprend un principe posé par la Cour de cassation et rappelé par le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2022-2010, au sujet du pouvoir général d’audition de la personne concernée par la visite. La Cour a admis que les agents des douanes peuvent, à l’occasion de l’exercice de leur droit de visite, recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, tout en jugeant qu’ils ne disposent pas d’un pouvoir général d’audition de la personne contrôlée. Nous demandons que l’on se conforme à ce principe.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Demande de retrait. Votre amendement est totalement satisfait par la jurisprudence de la Cour de cassation, comme vous l’avez rappelé, dans ses arrêts du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020, ainsi que par l’article 60-9, qui encadre précisément les hypothèses de recueil de déclaration dans le cadre d’une visite, et renvoie, pour le reste, à l’article 67 F, relatif aux auditions libres.

Les agents des douanes ne disposeront pas d’un pouvoir général d’audition ; s’ils veulent auditionner la personne, ils devront passer soit par une audition libre soit par une retenue, hors du cadre du droit de visite.

L’amendement est retiré.

Amendement CL55 de M. Antoine Léaument.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Alors que nous entendons tant et tant de mots anglais dans notre assemblée, cet amendement va permettre de rendre justice à la force et à finesse de la langue française en remplaçant « ordonner » par « organiser ». Les agents des douanes n’ont pas de pouvoir coercitif, en tout cas pas selon les mêmes modalités qu’un magistrat ou un officier de police judiciaire.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Le transfert dont il est question ne relève pas de la police judiciaire, et il est déjà possible dans le cadre de la visite d’un navire, les agents des douanes pouvant ordonner son déroutement. En l’espèce, il s’agit simplement de déplacer la marchandise ou le véhicule dans un endroit approprié, par exemple pour chercher des caches.

On dit souvent que s’il y a un flou, il y a un loup. Vous en introduiriez un avec la notion d’organisation du transfert : quelles seraient les modalités et qui pourrait le mettre en œuvre ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL155, rédactionnel, et CL156, de correction d’erreurs de référence, de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 62 et 63 du code des douanes) (examen délégué) : Adaptation du droit de visite des navires

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL157 et CL158 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

Article 4 (art. 67 ter‑1 [nouveau] du code des douanes) (examen délégué) : Remise à officier de police ou de douane judiciaire en cas d’infraction flagrante de droit commun

Amendement CL17 de M. Alexandre Sabatou.

M. Alexandre Sabatou (RN). Il s’agit de compléter cet article pour permettre aux agents des douanes de procéder au transfert des personnes interpellées. Il me semble que c’est possible actuellement, mais qu’il y a en la matière un manque dans le présent texte.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La remise de la personne interpellée à un OPJ ne signifie pas qu’il faut attendre que l’OPJ arrive sur place : en général, c’est la personne qui est conduite à l’OPJ – je vous renvoie à la lettre de l’article 73 du code de procédure pénale, que le présent article du projet de loi vise à assouplir pour les douanes. Votre amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 non modifié.

Article 5 (art. 67 du code des douanes) (examen délégué) : Précision du cadre juridique des contrôles aux frontières

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Article 8 (Art. 67 bis-5 du code des douanes) (examen délégué) : Sonorisation et captation d’images

Amendement CL85 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). La faculté offerte aux agents des douanes d’équiper les lieux et les moyens de transport utilisés dans le cadre de la commission des délits douaniers les plus graves, au moyen de dispositifs techniques de sonorisation et de captation des images à l’intérieur d’un véhicule, d’un container ou d’un entrepôt, complète les procédures spéciales d’enquête douanière déjà prévues dans le code. Afin de respecter les limites posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions concernant les conditions de recours à ces techniques, l’amendement tend à préciser qu’elles ne peuvent être mises en œuvre que par des agents spécialement habilités et ayant suivi une formation spécifique. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d’application.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Avis favorable. L’étude d’impact précise bien qu’il s’agit d’ouvrir la sonorisation et la captation d’images aux agents de la DNRED – direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – formés et habilités par le ministre chargé des douanes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL86 de M. Roger Vicot.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Vous proposez d’inscrire directement dans le présent article le régime applicable aux sonorisations et captations sonores réalisées par les agents de la DNRED.

Le choix qui a été fait est, au contraire, de renvoyer directement aux dispositions du code de procédure pénale, lesquelles ont déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, afin d’en garantir la proportionnalité. Le Conseil d’État a ainsi relevé dans son avis sur le projet de loi que « le renvoi ainsi opéré par le projet aux règles du code de procédure pénale est de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère disproportionné. »

Le Sénat a validé ce choix, et mes auditions n’ont pas fait ressortir de difficultés en matière de lisibilité.

M. le président Sacha Houlié. J’ajoute que la DNRED est un service de renseignement. Les exigences qui pèsent sur elle doivent figurer dans le code de procédure pénale.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

Article 8 bis (Art. 706-1-1 du code de procédure pénale) (examen délégué) : Mise en cohérence avec le code des douanes des dispositions du code de procédure pénale relatives à la criminalité organisée

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL142 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 bis modifié.

Article 11 (examen délégué) : Élargissement, à titre expérimental, du dispositif de lecteur automatique de plaques d’immatriculation

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL159 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL96 de M. Timothée Houssin, amendements identiques CL97 de M. Timothée Houssin et CL33 de Mme Gisèle Lelouis, et amendement CL59 de M. Antoine Léaument (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). Notre premier amendement vise à allonger, en la portant à un an, la durée de conservation des données dans le cadre de l’expérimentation prévue par cet article, afin de permettre d’avoir plus de recul sur la durée optimale d’utilisation des données.

L’amendement suivant est de repli : il tend à fixer le délai de conservation à six mois.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous sommes, au contraire, pour une limitation de la durée de conservation des données. Nous n’avons pas forcément de problème avec l’utilisation de l’outil qu’est la lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi), dont les douaniers nous disent qu’il peut être utile, mais nous souhaitons que les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) soient respectées, à savoir que les visages qui apparaîtraient doivent être floutés et que la durée de conservation des données soit limitée.

Cela s’impose d’autant plus qu’il s’agit d’une expérimentation : autant fixer une durée réduite, pour garantir au maximum les droits. Mine de rien, se faire prendre en photo dans ce cadre est intrusif, et cela permet d’avoir des informations assez importantes sur les déplacements des gens, une voiture étant potentiellement rattachable à son propriétaire. J’ai néanmoins entendu les explications qui nous ont été apportées au sujet des Go fast. Nous sommes favorables à une durée de conservation aussi réduite possible, mais permettant quand même d’expérimenter correctement.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Avis défavorable à ces amendements, dont certains proposent d’allonger la durée de conservation des données, tandis que d’autres tendent à la réduire.

Le délai de conservation est actuellement de quinze jours, sauf en cas de hit – pardonnez-moi cet anglicisme – avec le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) et le système d’information Schengen (SIS), ce qui permet alors d’aller jusqu’à un mois. Il s’agit de pouvoir déterminer, grâce à l’expérimentation, avec le principe de laquelle vous êtes tous d’accord, si une durée de conservation plus longue serait utile.

Je rappelle aussi que la Cnil a été saisie par le Gouvernement. Dans un avis du 23 mars 2023, sans remettre en cause les raisons du traitement, elle a proposé d’expérimenter des délais différents de conservation, allant de deux à quatre mois.

Le Sénat a pris acte de l’avis de la Cnil. La rédaction actuelle de l’article vise ainsi à expérimenter des délais de conservation entre deux et quatre mois. Je souhaite conserver cette solution de compromis, qui prend aussi en compte le fait que certains d’entre vous souhaitent allonger le délai et d’autres le réduire, et qui est à la fois solide juridiquement et efficace opérationnellement.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le passage de quinze jours à deux mois correspond déjà à une multiplication par quatre de la durée de conservation des données.

Quand on met en place une expérimentation, il faut toujours veiller à garantir au maximum les droits. Or voir son véhicule filmé ou photographié constitue une violation de sa vie privée, même quand on n’a rien à se reprocher – puisque cet argument nous est souvent opposé. C’est pourquoi nous n’y sommes pas favorables.

M. Timothée Houssin (RN). Vous avez dit que la Cnil avait, dans son avis, proposé un délai de quatre mois. Elle ne nous l’a pas imposé : nous pourrions très bien aller au-delà sans prendre de véritable risque. Or nous ne nous apprêtons pas à voter une disposition législative permanente, mais à mettre en place une expérimentation. Qui peut le plus peut le moins : quitte à expérimenter, autant prévoir une expérimentation très large qui nous permette de déterminer le délai optimal.

M. Philippe Latombe (Dem). L’article 11 est, à mon sens, celui qui pose le plus de problèmes. Il doit concilier l’efficacité du dispositif du point de vue des douanes avec l’impératif de protection de la vie privée de nos concitoyens.

Je m’exprime ici à titre personnel, et non au nom du groupe Démocrate. Passer à quatre mois, c’est effectivement multiplier par huit ou par quatre le délai actuel de conservation des données, qui est de quinze jours voire d’un mois en cas de rapprochement positif. Même lorsque les données ne sont pas exploitées, leur conservation pendant quatre mois porte une atteinte significative à la vie privée de nos concitoyens dans la mesure où elle permet une traçabilité assez importante de la circulation du véhicule. La Cnil ne nous propose pas de porter le délai à quatre mois : elle prend acte de la présence de cette mesure dans le texte du Gouvernement et précise qu’il serait bon que l’expérimentation aille crescendo, avec une justification du besoin d’allongement du délai à chaque palier, en vue de bénéficier d’un retour d’expérience.

Je n’ai pas déposé d’amendement, considérant que l’examen de ceux de M. Breton suffirait pour avoir un débat. Même dans le cadre d’une expérimentation, l’article 34 de la Constitution confère à la loi le soin de concilier l’efficacité du dispositif avec la protection de la vie privée. Il pourrait être admissible d’aller jusqu’à quatre mois – peut-être pas jusqu’à six mois, pour ne pas trop sortir du champ du droit commun en vigueur dans les autres pays européens, où le délai ne dépasse pas deux mois – si l’on décidait, en contrepartie, d’anonymiser les images, par exemple par floutage, ou de détruire celles qui ne sont pas exploitées. C’est un équilibre que nous devons réussir à trouver. Je crains que le simple renvoi à un décret et à une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) ne soit pas suffisant pour atteindre l’objectif que nous assigne l’article 34 de la Constitution, qui doit guider les députés que nous sommes.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL143 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL99 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit d’un amendement d’appel. Alors que les images fournies par les lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation seront utilisées pour détecter d’éventuelles infractions liées à la contrebande, ne pourrions-nous pas aussi, dans le cadre de l’expérimentation, autoriser l’exploitation des photographies des occupants des véhicules, qui constituent également des éléments de preuve ? Imaginons que des délits graves soient constatés : devons-nous vraiment nous interdire de récupérer une information disponible ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’exploitation de la photographie des occupants des véhicules fait l’objet de nombreuses discussions.

En pratique, les clichés sont souvent pris à l’arrière des véhicules, et rarement à l’avant. Lorsque tel est le cas, la qualité des caméras et la réverbération des pare-brise empêchent de toute façon l’identification du conducteur et du passager – du reste, ce n’est pas ce qui est recherché. La mise en œuvre d’une technique de floutage n’est donc pas nécessaire.

Par ailleurs, la rédaction actuelle interdit le recours à la reconnaissance faciale et le traitement de l’image des passagers. C’est ce que relève sans ambiguïté le Conseil d’État. Là encore, il n’apparaît donc pas nécessaire d’introduire une obligation de floutage.

La loi permet néanmoins de recourir au floutage – sans toutefois l’imposer – si cela s’avère utile. À l’issue de l’expérimentation, l’AIPD et l’avis de la Cnil – lequel prendra en compte cette analyse – permettront de juger de l’opportunité d’un dispositif technique.

Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous avons sur chaque sujet des avis diamétralement opposés. Notre logique consiste à partir de la garantie des droits pour imaginer un dispositif garantissant aussi l’efficacité des moyens d’action. Vous tenez le raisonnement inverse : vous voulez donner à la douane tous les moyens d’agir sans considérer que le respect des droits humains est très important.

L’amendement CL99 illustre le risque de dérive technologisante que j’évoquais précisément au début de mon intervention liminaire. De manière assez surprenante, je suis rejoint dans mes propos par M. Latombe, avec qui je ne suis pourtant pas souvent d’accord. On nous explique que le dispositif Lapi permet de n’identifier que des plaques d’immatriculation, et non des visages du fait de reflets ou d’objectifs de mauvaise qualité. Pour notre part, nous préférons prendre le maximum de précautions : si d’aventure un visage était identifiable, il faudrait qu’il soit flouté – ce sera l’objet de notre amendement CL58. Prenons garde à ce que nous votons loi après loi ! Le Sénat est en train d’autoriser la reconnaissance faciale. Sans l’interdiction de telles pratiques, l’accroissement des possibilités technologiques aboutira à une surveillance généralisée, partout et tout le temps. Les libéraux comptent habituellement parmi les plus attachés à la garantie des libertés individuelles ; je m’inquiète de ce qu’ils sont désormais dans une dérive technologisante qui ne les garantit plus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL58 de M. Antoine Léaument.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). On nous explique que le dispositif Lapi permet d’identifier les plaques d’immatriculation des véhicules, d’observer leur éventuelle récurrence, et qu’il ne peut être utilisé à d’autres fins. Au-delà de l’impératif de protection de la vie privée, un floutage systématique des visages lèverait toute ambiguïté sur ce point.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Les alinéas 5 et 15 prohibent l’exploitation de la photographie des occupants des véhicules. Cependant, les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation seront définies par décret en Conseil d’État pris après avis motivé de la Cnil. Cette dernière se prononcera peut-être pour un floutage systématique des visages ou bien pour une limitation de la photographie à la plaque et à la calandre du véhicule. Avis défavorable.

M. Philippe Latombe (Dem). Je m’exprime à nouveau à titre personnel : mes propos n’engagent pas le groupe Démocrate.

La Cnil estime, dans le considérant 14 de son avis sur le présent projet de loi, que « les parties de photographies montrant les occupants des véhicules, qui ne seront pas exploitées dans le cadre de l’expérimentation, devraient être supprimées ou floutées dès que possible conformément au principe de minimisation des données ». C’est le principe de base du règlement général sur la protection des données (RGPD). Ainsi, la Cnil accepte que ces modalités soient fixées par décret en Conseil d’État, après réalisation d’une AIPD, mais nous, législateurs, devons considérer qu’elles relèvent de la loi, conformément à l’article 34 de la Constitution.

Vous dites que la photographie des visages ne sera pas exploitée et que le décret pourra prévoir leur floutage ou leur suppression. Pour ma part, je préférerais la suppression, qui satisfait entièrement aux exigences du RGPD, car le floutage est toujours réversible. Les photos sont des données personnelles sensibles, comme le montre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé dans le cadre de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur le traitement des clichés pris par les radars chargés du contrôle de la vitesse : le Conseil a considéré qu’il fallait les supprimer dès que la procédure était terminée, que l’amende avait été payée ou que l’infraction avait été constatée et l’avis de contravention envoyé. Même dans le cadre d’une expérimentation, nous devons garantir dans la loi le respect de ces principes, en vertu de l’article 34 de la Constitution, au lieu de renvoyer tout cela à un décret en Conseil d’État.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je vais prendre un exemple très concret, qui permettra à chacun de bien comprendre le problème posé pour la vie privée. Imaginez que vous êtes douanier, que vous utilisez le dispositif Lapi pour filmer un véhicule, et que vous voyez dans ce dernier la personne qui partage votre vie en train d’embrasser quelqu’un d’autre. Certains ne supportent peut-être pas cette idée, mais vous voyez bien que le floutage des visages est nécessaire afin de ne pas porter atteinte à la vie privée de votre compagne ou de votre compagnon ! Même sans être un criminel, même sans transporter de drogue dans son véhicule, il suffit d’être un peu volage pour souhaiter que son image soit préservée des regards des douaniers ou, plus largement, des agents du service public. Ce n’est pas pour rien que la protection de la vie privée est garantie par la Constitution.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Monsieur Latombe, ce principe figure bien dans le projet de loi, plus précisément aux alinéas 5 et 15 de l’article 11.

Vous l’avez dit vous-même, la Cnil a estimé dans le considérant 14 de son avis que « les parties de photographies montrant les occupants des véhicules, qui ne seront pas exploitées dans le cadre de l’expérimentation, devraient être supprimées ou floutées dès que possible conformément au principe de minimisation des données ». Ainsi, à ce stade, même la Cnil n’a pas tranché entre la suppression et le floutage – ce sera l’objet de l’expérimentation.

Pour des raisons techniques, il m’est impossible de vous montrer ici les photos prises par le dispositif Lapi, mais je les tiens à votre disposition : vous pourrez constater qu’il est totalement impossible d’identifier des personnes.

Enfin, si une reconnaissance des personnes était possible et que le décret ne respectait pas toutes les conditions fixées par la loi, qui interdit l’exploitation des photographies, il pourrait être contesté et annulé par la justice administrative.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL144 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendements CL29 de Mme Marie-France Lorho et CL100 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

Mme Marie-France Lorho (RN). Si l’on en croit les résultats de l’étude Breach Level Index de Gemalto, 5,6 millions de données personnelles sont piratées ou perdues chaque année, soit soixante-cinq par seconde. Dans ce contexte particulièrement préoccupant, il ne semble pas raisonnable que l’État puisse déléguer à un tiers une mission aussi sensible que le traitement des données collectées au titre de l’article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure. Les personnels liés à l’État ont le devoir d’agir à son service. L’intérêt que présente le commerce ou la transmission de telles données apparaît moins évident pour un fonctionnaire que pour un tiers prestataire. Il serait donc vertueux que l’État ne s’emploie pas à externaliser les tâches qui relèvent de son champ de compétences.

M. Timothée Houssin (RN). Mon amendement CL100 est, en quelque sorte, un amendement de repli de celui de Mme Lorho ; il s’inspire d’un amendement transpartisan adopté par l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Si le traitement des données est confié à un tiers, ce dernier doit être « une entreprise qui répond à l’ensemble des règles de l’article 19.6 du référentiel d’exigences des prestataires de services d’informatique en nuage dit “SecNumCloud” ». Il s’agit de garder une certaine souveraineté sur ces données importantes et d’éviter que ces dernières soient volées ou utilisées par des tiers, notamment par d’autres États.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’article 11 prévoit déjà un recours très limité à la sous-traitance. Son alinéa 8 précise bien que « l’État assure la collecte, le traitement et la conservation des données à caractère personnel ainsi recueillies » ; seule la conception du traitement peut être soit assurée par l’État, soit confiée à un tiers. Tant le Conseil d’État que la Cnil ont relevé que la sous-traitance était limitée à la seule conception des outils de traitement ; ils ont considéré qu’il s’agissait là d’une garantie de proportionnalité du dispositif. Enfin, il n’apparaît pas souhaitable d’inscrire des référentiels réglementaires dans un texte législatif, comme le fait l’amendement CL100. Avis défavorable.

M. Philippe Latombe (Dem). L’amendement CL100 vise simplement à s’assurer qu’aucune règle extraterritoriale autre que les règles européennes ne peut s’imposer à ces traitements. La délégation à un tiers ne concerne certes que la conception, mais il est ici question de la conception des traitements. Or de nombreux opérateurs techniques œuvrant dans ce domaine sont d’origine étrangère – majoritairement américains, pour une partie israéliens. Rappelez-vous le scandale de Tesla il y a quelques semaines : on a appris que l’ensemble des images captées par les caméras des voitures étaient rapatriées aux États-Unis et exploitées à des fins récréatives par le personnel de l’entreprise. Ces données personnelles ne devraient pas quitter le territoire européen.

Le fait d’imposer le respect des règles de l’article 19.6 du référentiel SecNumCloud élaboré par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) – une instance que l’on a portée aux nues, avec raison, lors de l’examen de la loi de programmation militaire et de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 – n’est pas un problème en soi. Il s’agit certes d’une référence réglementaire, mais la loi renvoie régulièrement à des décrets.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL145 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL56 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’alinéa 17 prévoit que le décret en Conseil d’État fixant les modalités de mise en œuvre de l’article 11, pris après avis motivé de la Cnil, n’est pas publié. Pour notre part, nous sommes favorables à sa publication, ainsi qu’à celle de l’avis émis par la Cnil. Les citoyens doivent avoir accès au décret en Conseil d’État afin de se faire leur propre opinion. Nous voulons le maximum de transparence sur cette question qui, comme l’a très bien dit M. Latombe, touche à la vie privée.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. La loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit bien que les actes réglementaires concernant certains traitements de données sensibles ne sont pas publiés. En l’espèce, en dépit de votre souhait de transparence, la publication du décret ne paraît pas opportune car la connaissance, par les citoyens et les trafiquants, de certaines informations relatives aux axes d’installation des dispositifs ou à leurs modalités de fonctionnement viendrait fragiliser l’expérimentation. Puisque vous avez vous-même rencontré des douaniers, vous savez que ces derniers ne sont pas favorables à cette publication. En revanche, il a été décidé au Sénat que le sens de l’avis de la Cnil serait rendu public. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). C’est dommage, je pensais obtenir un avis favorable, non sans m’attendre à l’argument qui nous est opposé.

Prenons l’exemple des radars de contrôle routier, dont on nous dit qu’ils ne sont pas là pour constater des infractions et faire gagner plein d’argent à l’État, mais pour dissuader les automobilistes de commettre des excès de vitesse. Si le décret en Conseil d’État était publié, les axes sur lesquels sont installés des dispositifs Lapi seraient connus, donc évités par les auteurs d’actes illégaux, ce qui permettrait de concentrer l’action des douaniers sur les autres axes.

Si les Lapi sont efficaces, ils détecteront les infractions, que leur emplacement soit rendu public ou non, et nous pourrons utiliser les douaniers ailleurs. Une telle complémentarité entre l’outil technique et l’être humain sera positive pour leur travail. Il y va de la transparence du dispositif comme de son efficacité.

M. Philippe Latombe (Dem). Monsieur Léaument, notre lune de miel s’arrête là. L’efficacité impose de ne pas rendre public le détail du traitement des données, ce qui consisterait à donner à ceux qui ne veulent pas être appréhendés toutes les recettes pour ne pas l’être.

Les textes prévoient que certains décrets, pris après avis – favorable, favorable avec réserves ou défavorable – de la Cnil, ne sont pas publiés, ce qui en l’espèce est absolument nécessaire : la publication du décret rendrait le dispositif inutilisable par les douanes. Or elles en ont besoin pour préparer des interventions relativement complexes, telles que l’interception des Go fast, qui se préparent à l’avance et supposent de disposer de certains outils, notamment des fréquences radio.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article 11 bis (Art. 59 novodecies du code des douanes) (examen délégué) : Échange d’informations entre les douanes et les agents de la police aux frontières en matière de surveillance des frontières

Amendements de suppression CL75 de Mme Sandra Regol et CL60 de M. Antoine Léaument.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’article 11 bis. Introduit par le Sénat, il ne s’inscrit pas du tout dans l’esprit du texte initial. Sa rédaction me semble peu encadrée. Il est question d’échange d’informations au sein de deux ou trois cadres juridiques qui ne vont pas très loin.

Le présent projet de loi est une loi d’urgence visant à remédier à l’inconstitutionnalité constatée d’une disposition en vigueur. Il serait dommage – c’est pourquoi nous essayons d’être un peu précis et que nous posons un maximum de questions – de retomber dans le même travers.

Par ailleurs, les informations concernées peuvent assez facilement s’avérer être des données sensibles, s’agissant par exemple d’images captées sous divers angles. Or le Sénat a adopté, il y a vingt-quatre heures, la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, qui inclut dans son champ d’application la reconnaissance faciale, auparavant interdite par tous les textes que nous avons adoptés ici.

Par conséquent, dans un contexte législatif qui évolue aussi rapidement et aussi mal, en dépit des promesses données – le Gouvernement ne s’est pas opposé à l’adoption de la proposition de loi précitée mais a donné un avis de sagesse –, il nous est difficile d’admettre que l’on puisse capter et échanger des données sensibles sans garde-fous. Nous devons à tout le moins nous assurer du respect des droits et des libertés de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). La droite sénatoriale tente de contraindre la gestion des flux d’immigration, dont la réalité est éloignée de la submersion migratoire, de l’immigration incontrôlée, de l’immigration de masse et de la décadence de la France que nous assènent nos collègues des groupes Rassemblement national et Les Républicains.

En 2020, 370 000 personnes étaient bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME), soit 0,52 % de la population. D’après les chiffres du ministre Darmanin, qu’il tient du préfet Lallement, on dénombrait de 600 000 à 800 000 personnes étrangères en situation irrégulière sur notre territoire en 2022, soit 0,89 % à 1,19 % de la population. On est très loin de la crise des flux migratoires que nous opposent la droite et l’extrême droite, malencontreusement réunies sur ce point.

Nous nous opposons à la création d’un système de transmission d’informations entre les agents des douanes et les services de police et de gendarmerie chargés de la police aux frontières (PAF) dans le cadre de leur mission de contrôle des personnes aux frontières. Les missions de service public des douanes doivent être resserrées autour de la lutte contre les trafics et la criminalité organisée, de l’accompagnement personnalisé des entreprises évoluant à l’international et du contrôle des marchandises à l’import et à l’export.

Nous dénonçons que l’article 11 bis, issu d’un amendement de la droite sénatoriale, mette l’accent sur la lutte contre les personnes migrantes. Il procède de l’idée xénophobe de submersion migratoire. Le présent projet de loi n’a pas vocation à servir de tract aux groupes Les Républicains et Rassemblement national dans la course à l’échalote à laquelle ils se livrent avec la Macronie sur le thème de l’immigration.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. L’article 11 bis complète le code des douanes en y insérant une disposition prévoyant les modalités d’échange entre les douanes et les agents de la PAF en matière de surveillance des frontières. Il permet aux agents des douanes, de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés de mission de police aux frontières d’échanger, sur demande ou spontanément, tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières.

La raison d’être de cette disposition tient à ce que l’article 59 bis du code des douanes soumet les agents des douanes au secret professionnel, sous réserve de dispositions dérogatoires qui ne s’appliquent pas à la surveillance des frontières. D’après la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), cela pose des problèmes sur le plan opérationnel. Dès lors, il ne semble pas opportun de supprimer la modification introduite par le Sénat. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous avons deux objections.

D’abord, à chacun son métier. Les agents des douanes ont suffisamment de travail à faire pour assurer la lutte contre le trafic d’êtres humains ainsi que le contrôle et la sécurisation des frontières. Nous redoutons, à entendre les priorités politiques annoncées, que la force de travail que sont les douanes dans la lutte contre les trafics – armes, stupéfiants, êtres humains – ne soit transférée à la PAF, d’autant qu’elles manquent d’ores et déjà de moyens.

Ensuite, notre amendement vise à interroger, de même que nous interrogeons la prohibition des stupéfiants, les politiques sécuritaires, voire militarisées, de protection des frontières et de prise en compte de la migration, menées, par exemple, par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Lors de la dernière séance publique consacrée à l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), le Gouvernement a refusé d’ouvrir le débat sur les missions de Frontex et sur la corruption qui venait d’y être constatée. Tôt ou tard, il faudra l’ouvrir.

M. Jordan Guitton (RN). L’article 11 bis est frappé au coin du bon sens. Il autorise les agents des douanes, qui ne sont ni policiers ni gendarmes, à transmettre les informations qu’ils recueillent à la PAF. Il n’y a là rien de choquant. Si les douanes saisissent de la marchandise illégale transportée par un individu faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée, il est logique qu’ils en informent la PAF. Il y va de l’intelligence entre les polices.

Au demeurant, l’article 11 bis est très républicain. Vous ne manquez aucune occasion de nous donner des leçons de républicanisme, mais la République, c’est appliquer les lois d’un pays. Si les agents des douanes constatent des infractions dans le cadre du contrôle des marchandises, il faut qu’ils en informent les services de police et de gendarmerie. Nous sommes opposés à la suppression de l’article 11 bis.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis non modifié.

Article 11 ter (Art. 28-1-1 du code de procédure pénale) (examen délégué) : Création de la catégorie d’agents de douane judiciaire

Amendement de suppression CL76 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet article, introduit par le Sénat, modifie assez substantiellement le texte, contrairement à ce que vous avez dit, madame la rapporteure pour avis.

Il vise à créer le statut d’officier de douane judiciaire (ODJ), sur le modèle de celui des OPJ. Cela suppose à tout le moins de disposer d’une étude d’impact détaillant les effets d’une telle mesure sur la gestion des douanes et sur la sécurisation des frontières. Nous n’en avons pas, et pour cause : cet article est issu d’un amendement adopté à la va-vite par a droite sénatoriale, ce qui nous incite à en proposer la suppression.

S’il faut introduire une transformation du champ et de la capacité d’action des agents des douanes, dont chacun ici sait qu’aucun de leurs syndicats ne la demande, peut-être pourrions-nous prendre le temps, ultérieurement, d’enrichir le présent projet de loi dans des conditions correctes, plutôt que de travailler à la va-vite parce que certains ont reçu une condamnation sur le coin de la figure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le statut d’ODJ est calqué sur celui, éprouvé, d’agent de police judiciaire. Concrètement, il permettra aux services d’enquête des douanes de gagner en efficacité et en rapidité.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL146 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 ter modifié.

Article 11 quater (Art. L. 242-5 du code de la sécurité intérieure) (examen délégué) : Recours aux drones par les agents des douanes afin de mieux détecter les mouvements transfrontaliers de tabac et mieux surveiller les frontières

 

Amendements de suppression CL61 de M. Antoine Léaument et CL73 de Mme Sandra Regol.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). L’article 11 quater prévoit le recours aux drones pour assurer la protection et le non-franchissement des frontières. Ces solutions technologiques ne sont pas très efficaces. Surtout, elles participent d’une dérive que nous avons dénoncée lors de l’examen de la Lopmi et de celui du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, dont chacun a compris qu’il n’avait rien à voir avec les Jeux. Nous dénonçons cette espèce de foi – j’emploie ce mot volontairement – dans les outils technologiques.

Par ailleurs, nous devons dresser le bilan de cette forme de militarisation hypersécuritaire de la protection des frontières. Est-ce que cela marche ou non ? Voilà la question que nous devons nous poser, en conservant une distance froide avec ce que signifie cette évolution. Deux questions se posent, celle du respect des libertés publiques et de la protection des données sensibles que représentent les personnes elles-mêmes, et celle de l’efficacité.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’article 11 quater, introduit par le Sénat. Nous avons d’ores et déjà voté de nombreuses dispositions sur le recours aux images de vidéosurveillance captées par aéronef ou par drone, fixe ou mobile. Sanctifiées en commission mixte paritaire (CMP), elles ont été bien encadrées par le Conseil constitutionnel, qui a rappelé au législateur qu’il ne fallait pas dépasser certaines limites. Elles viennent de l’être par le Sénat. Chacun comprendra donc que nous soyons un peu tatillons à ce sujet.

La police et la gendarmerie disposent d’ores et déjà de nombreux outils de surveillance, à distance et par imagerie, pour toutes les catégories d’infraction. La commission vient d’adopter un article, auquel nous nous sommes opposés, permettant aux douanes et à la police de partager leurs informations. Nous nous interrogeons donc sur la raison d’être de l’article 11 quater, qui semble redondant. Il ressemble plus à un cadeau offert à des gens qui ont besoin qu’une telle orientation soit inscrite dans la loi qu’à quelque chose d’utile. Or le ministre de la justice a rappelé, me semble-t-il, qu’il ne faut pas alourdir les codes, mais les simplifier.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis. Cette disposition est utile. Elle permet notamment de visualiser les opérations de contournement et les manœuvres d’évitement des contrôles douaniers.

L’utilisation des caméras aéroportées est particulièrement encadrée par le législateur, qui a récemment légiféré à deux reprises sur le sujet, dans le cadre de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés puis dans celui de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Par ailleurs, les agents de la PAF et des douanes sont également considérés par le droit européen comme des garde-frontières, dont les missions incluent la surveillance des frontières.

Pour des raisons d’efficacité et parce que l’élargissement des compétences des agents des douanes prévu par l’article 11 quater me semble proportionné et cohérent avec leurs missions, j’émets un avis défavorable à sa suppression. Par ailleurs, j’indique que 1 654 douaniers sont actuellement en poste à des points de passage frontaliers.

M. Timothée Houssin (RN). Ces amendements de suppression, même défendus par l’extrême gauche, m’étonnent. Ils ne conservent rien de l’article.

Cela signifie que vous supprimeriez la possibilité d’utiliser des drones pour lutter contre le trafic de tabac, alors même que ne pas y recourir est plutôt une exception. Or le trafic de tabac est à un niveau historiquement haut. Il entraîne pour l’État, s’agissant d’une marchandise dont le prix est essentiellement fait de taxes, une perte de recettes. C’est autant d’argent public qui nous est volé et qui ne finance pas les politiques publiques.

Cela signifie également qu’en matière d’immigration, vous ne partagez même pas les objectifs de lutte contre l’immigration illégale. Vous semblez être opposés par principe à toute utilisation de drones dans la lutte contre l’immigration. Malheureusement, les politiques pro-migratoires menées dans nos pays incitent des personnes à risquer leur vie pour franchir nos frontières, par la mer ou par la montagne. Les drones peuvent leur sauver la vie.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Nous vivons dans la dystopie la moins fun qu’on puisse imaginer. Nous aurions pu voir dans l’usage des drones un moyen de trouver et d’aider toutes ces personnes qui fuient la guerre et traversent les montagnes ou meurent en Méditerranée.

Le trafic de tabac et de drogue n’est pas détectable par les seuls drones. Depuis le début de l’examen du texte, nous dénonçons le manque de moyens humains. Madame la rapporteure a avancé le chiffre de 1 654 douaniers aux frontières ; il en faudrait bien plus, comme en Allemagne, non seulement pour arrêter les chefs de réseaux, mais aussi pour accompagner les personnes.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Madame la rapporteure, vous dites que les dispositions de l’article sont bien encadrées. J’ai dû mal m’exprimer. La Lopmi et la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions encadrent le périmètre d’usage des drones. Je viens de vous dire que le Sénat a adopté hier, avec l’accord du Gouvernement, représenté par le ministre qui a défendu les lois censées encadrer l’usage des drones, une proposition de loi prenant le contre-pied de toutes les dispositions que nous avons débattues et adoptées ici.

Il est difficile de considérer qu’une disposition est bien encadrée quand le Gouvernement reprend d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Pour l’heure, l’encadrement dont vous parlez est en suspens. La proposition de loi précitée, soutenue par les membres du groupe Les Républicains et par les centristes, fait voler en éclat le cadre légal applicable à l’usage des images captées par drone et suspend les décisions européennes sur le droit à l’image. Votre réponse était peut-être valable il y a vingt-quatre heures ; elle ne l’est plus.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 quater non modifié.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.


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Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis de la commission des lois

   M. Jean-François Dutheil, directeur général adjoint

   Mme Corinne Cléostrate, sous-directrice des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude

   M. Sébastien Tiran, directeur adjoint de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

   M. Emmanuel Giordano, agent poursuivant de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

   Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe au directeur

   Mme Laurie Phelut, magistrat rédactrice

   M. Paul Hébert, directeur adjoint de l’accompagnement juridique

   Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles

   M. David-Olivier Caron, secrétaire général

   Mme Anne Vanesme, contrôleur des douanes

   Mme Manuela Dona, secrétaire générale

   M. Fabien Milin, co-secrétaire général

   M. Yannick Devergnas, co-secrétaire général

   M. Jean-Christophe Aubert, secrétaire général SNCD-FO

   M. Jean-Marie Thouvenin, secrétaire national adjoint SND-FO

   Mme Karine Noirel, responsable de la section UNSA douanes à la direction des Aéroports de Paris

   M. Nicolas Anghel, responsable de la section UNSA douanes à la direction d'Île-de-France

 


([1]) Une situation comparable s’était rencontrée lorsque le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, déclaré contraires à la Constitution des dispositions de l’article 62 du code des douanes relatives au droit de visite des navires par les agents des douanes. Le législateur avait tiré les conséquences de cette censure dans la loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires.

([2]) Postérieurement à la loi n° 65-525 du 3 juillet 1965 modifiant diverses dispositions du code des douanes, la législation relative à la douane a toutefois été modifiée à de multiples reprises, notamment à l’occasion des différentes lois de finances, ou encore, sur des aspects procéduraux, par la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière, ou, plus récemment, par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([3]) Direction générale des douanes et droits indirects, Bilan annuel de la douane 2022.

([4]) Un mille marin correspond à 1,852 kilomètre.

([5]) Déterminées selon les modalités prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 2016‑1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

([6]) Journal officiel de la République française, 29 mai 1969, page 5303.

([7]) C’est ainsi que l’ensemble du territoire de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion ont été inclus dans la zone terrestre du rayon des douanes par un arrêté du 12 mai 1969 (Journal officiel de la République française, 29 mai 1969, page 5306).

([8]) Décret n° 48‑1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes.

([9]) À l’exception d’une modification concernant les modalités d’affichage des arrêtés fixant le tracé de la zone terrestre, qui sont prévus à l’article 45 du code des douanes, cette modification résultant de l’article 12 de la loi n° 63‑1351 du 31 décembre 1963 modifiant diverses dispositions du code des douanes.

([10]) Pour une présentation plus complète de l’article 67 du code des douanes, il est renvoyé au commentaire de l’article 5 du présent projet de loi.

([11]) Sauf si leur domicile, avant leur entrée dans les douanes, était déjà  situé dans le rayon.

([12]) Conseil constitutionnel, décision  93323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, § 16.

([13]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.

([14]) CJUE, Grande chambre, 8 mars 2022, Commission européenne c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, C213/19, § 322.

([15]) Claude J. Berr, Dalloz, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale – Douanes, n° 140.

([16]) Décret n° 48‑1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, Journal officiel de la République française, 1er janvier 1949, page 34.

([17]) Point expressément consacré par la Cour de cassation (Cass., crim., 23 mars 1992,  9183.775, au Bulletin).

([18]) Cass., crim., 16 janvier 1995,  9481.722.

([19]) Claude J. Berr, op. cit., n° 142.

([20]) Cass., crim., 18 décembre 1989,  8981.659, au Bulletin, s’agissant de la détention d’un détecteur de radar.

([21]) Cass., comm., 12 février 2002,  9915.899, au Bulletin.

([22]) Cass., crim., 23 février 2022,  2185.050, au Bulletin.

([23]) Cass., crim., 18 avril 1988,  8780.387, au Bulletin.

([24]) Cass., crim., 26 février 1990,  8784.475, au Bulletin.

([25]) Cass., crim., 22 février 2006,  0487.027, au Bulletin.

([26]) Cass., crim., 26 janvier 2022,  2184.228, au Bulletin.

([27]) Id.

([28]) Cass., crim., 26 octobre 2016,  1682.463.

([29]) Cass., crim., 25 janvier 2012,  1184.876.

([30]) Cass., crim., 18 décembre 2019,  1981.643.

([31]) Cass., crim., 13 juin 2012,  1290.025 ; Cass., crim., 13 juin 2019,  1883.297, au Bulletin ; Cass., crim., 18 mars 2020,  1984.372, au Bulletin.

([32]) Cf. arrêts précités du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020.

([33]) Cass., crim., 16 juin 2021,  2180.614, au Bulletin.

([34]) Cf. arrêts précités du 13 juin 2019 et du 18 mars 2020

([35]) Cet article 67 est modifié par l’article 5 du présent projet de loi ; il est renvoyé au commentaire de cet article 5 pour une présentation détaillée.

([36]) Conseil constitutionnel, décision  20221010 QPC du 22 septembre 2022, M. Mounir S. [Droit de visite des agents des douanes].

([37]) Cass., crim., 22 juin 2022, Mounir S.,  01044.

([38]) Conseil constitutionnel, décision n° 99‑411 du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.

([39]) Conseil constitutionnel, décision  2013357 QPC du 29 novembre 2013.

([40]) Telles celles sur l’ouverture et la fermeture des écoutilles, ou sur l’interdiction des visites des navires de guerre après le coucher du soleil.

([41]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013‑357 QPC précitée, § 8.

([42]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑1010 QPC précitée, § 9.

([43]) Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005.

([44]) Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).

([45]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑1010 QPC précitée, § 9.

([46]) Conseil constitutionnel, décision  20231044 QPC du 13 avril 2023, M. Dominique B. [Droit de visite, de communication et de saisie des agents chargés de la protection de l’environnement]I, § 12 à 15.

([47]) Article L. 1521‑5, dernier alinéa, et article L. 1521‑11 du code de la défense.

([48]) La rédaction initiale du dispositif laissait planer une incertitude quant au point de départ de ce délai, entre le début de la visite et le transfert ; le Sénat a précisé ce point en retenant le début de la visite (cf. infra).

([49]) Défini par le § 15 de l’article 5 du règlement comme la personne déposant une déclaration en son nom propre (déclaration en douane, de dépôt temporaire, sommaire de sortie, etc.) ou au nom de laquelle une déclaration est déposée.

([50]) Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union.

([51]) Le texte initial avait inscrit les mesures de coordination dans un II, transformé en II à V au Sénat dans le cadre d’un réagencement légistique.

([52]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi portant mise en conformité du droit de visite douanière et modernisation de l’action douanière,  406938, 30 mars 2022, § 12, page 3.

([53]) M. Alain Richard, Avis sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, Sénat, session ordinaire de 2022‑2023,  613, 17 mai 2023, page 23.

([54]) Les aménagements d’ordre rédactionnel résultent de l’adoption des amendements COM35 et COM36.

([55]) Amendement COM26 de M. Richard.

([56]) Amendement COM19 de M. Leconte.

([57]) Amendement COM65 de M. Richard.

([58]) Amendement COM27 de M. Richard.

([59]) Amendement COM28 de M. Richard.

([60]) Amendement COM-29 rect. de M. Richard.

([61]) Amendement COM7 de M. Reichardt.

([62]) Amendement COM30 de M. Richard.

([63]) Amendement COM31 de M. Richard.

([64]) Amendement COM32 de M. Richard.

([65]) Amendement COM33 de M. Richard.

([66]) Amendement COM34 rect. de M. Richard.

([67]) Amendement  28 du Gouvernement.

([68]) Amendement  54 du Gouvernement et sous-amendement  65 de M. Richard.

([69]) Amendement  29 du Gouvernement.

([70]) Amendement  31 du Gouvernement et sous-amendement  66 de M. Richard.

([71]) Un mille marin correspond à 1,852 kilomètre.

([72]) Conseil constitutionnel, décision  2013357 QPC du 29 novembre 2013, Société Wesgate Charters Ltd [Visite des navires par les agents des douanes].

([73]) Le dispositif de la décision initiale indiquait, à son article 2, que la déclaration d’inconstitutionnalité prenait effet à compter de la publication de la décision. Il s’agissait d’une erreur matérielle – les motifs de la décision mentionnant un effet différé – qui a été corrigée par la décision  2013357R QPC du 29 décembre 2013.

([74]) Loi n° 2014‑742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, article 28.

([75]) Il s’agit des dispositions toujours en vigueur, à l’exception de la coordination faite à l’article 63 du code des douanes par l’article 35 de l’ordonnance n° 2019‑964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui tirait les conséquences de la création des tribunaux judiciaires.

([76]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.

([77]) Amendement COM66 de M. Richard.

([78]) Loi n° 2011‑392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, article 19.

([79]) Conseil constitutionnel, décision  201032 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres [Retenue douanière]. Les anciennes dispositions sur la retenue douanière des personnes figuraient au 3 de l’article 323 du code des douanes.

([80]) Voir ainsi Cass., crim., 27 juin 2017,  1780.783, au Bulletin.

([81]) Cass., crim., 26 octobre 2016,  1682.463.

([82]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi portant mise en conformité du droit de visite douanière et modernisation de l’action douanière,  406938, 30 mars 2022, § 37, page 7.

([83]) Cass., crim., 13 juin 2012,  1290.026.

([84]) Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).

([85]) Règlement européen précité du 9 mars 2016, considérant n° 37.

([86]) Et non « section VI », comme l’indiquait à tort la version initiale du projet de loi.

([87]) Conseil d’État, Avis sur un projet de loi portant mise en conformité du droit de visite douanière et modernisation de l’action douanière,  406938, 30 mars 2022, § 37, page 7.

([88]) Article 2 du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005.

([89]) Article L. 152-1-1 du code monétaire et financier et article 4 du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005.

([90]) Ainsi que le fait de fournir des informations incorrectes ou incomplètes et de ne pas mettre l’argent à disposition de la douane.

([91]) Article 465 du code des douanes et l’article 152-4 du code monétaire et financier.

([92]) Article L. 152-4 du code des douanes.  

([93]) Article L. 152-5 du code des douanes. 

([94]) Énumérées au 4 de l'article 3 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/ CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/ CE de la Commission.  

([95]) Article 3 de la convention des Nations unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

([96]) Article L. 152-5 du code monétaire et financier. 

([97]) Conseil constitutionnel, n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010. 

([98]) Étude d’impact du projet de loi.  

([99]) Article L. 152-4 du code des douanes. 

([100]) MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, rapport d’information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l’organisation et les moyens de la douane face au trafic de stupéfiants, 12 octobre 2022.

([101]) 4 de l’article 3 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

([102]) Cass.crim., 22 mars 2023, n° 22-82.759.  

([103]) Rapport annuel de performance pour 2022 de la  mission Sécurités

([104]) Article L. 411-9 du code de la sécurité intérieure. 

([105]) Article L. 4211-2 du code de la défense

([106]) Article 4221-2 du code de la défense. 

([107]) Rapport annuel de performance pour 2022 de la  mission Sécurités.

([108]) Article 17 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.  

([109]) Conseil constitutionnel, décision DC n° 2019-778 du 21 mars 2019.

([110]) Les agents des douanes peuvent certes procéder à des sonorisations et captations d’images dans le cadre des articles L. 853-1 à L. 853-3 du code de la sécurité intérieure, mais exclusivement à des fins de collecte de renseignements.

([111]) L’article 414 du code des douanes renvoie à un arrêté déterminant ces marchandises, qui sont ainsi visées à l’article 1 de l’arrêté du 29 juillet 2003 portant application de l’article 414 du code des douanes et de l’article 282 du code des douanes applicable à Mayotte.

([112]) Ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal.

([113]) Tenant alors lieu de garantie pour le paiement des pénalités.  

([114]) Cas., Com., 9 avril 1991, n° 89-16.259.

([115]) Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010.  

([116]) Cass., Crim., 12 novembre 2015, 15-83.714.

([117]) Article 410 du code des douanes.  

([118]) Article L. 323-2 du code des douanes. 

([119]) Article L. 323-3 du code des douanes. 

([120]) II de l’article 63 du code pénal.  

([121]) Articles 63-2 à 63-4-4 du code de procédure pénale. 

([122]) Article 63-5 du code de procédure pénale. 

([123]) Article 63-7 du code de procédure pénale. 

([124]) Article 323-9 du code des douanes.  

([125]) En application duquel « les agents des douanes peuvent recourir à toute personne qualifiée pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et peuvent leur soumettre les objets, échantillons et documents utiles à ces expertises ».

([126]) « la date et la cause de la saisie ; la déclaration qui a été faite au prévenu ; les nom, qualité et demeure des saisissants et de la personne chargée des poursuites ; la nature des objets saisis et leur quantité ; la présence du prévenu à leur description ou la sommation qui lui a été faite d'y assister ; le nom et la qualité du gardien ; le lieu de la rédaction du procès-verbal et l'heure de sa clôture ».  

([127]) 2. de l’article 64 du code des douanes et 2. de l’article L. 38 du livre des procédures fiscales.  

([128]) Décision n° 2021-980 QPC du 11 mars 2022. 

([129]) Com., 26 février 2013, pourvoi n° 12-14-772 ; Com. 25 novembre 2014, pourvoi n° 13-16.920.  

([130]) Cons. 14, décision n° 2016-536 et commentaire de la décision.

([131]) Article R. 15-33-1 du code de procédure pénale. 

([132]) Assemblée nationale - 3e séance du 6 avril 1999.

([133]) Ibid.  

([134]) Les données collectées au moyen des dispositifs LAPI sont en effet mises en relation avec ces deux traitements et, en l’absence de hit, effacées au bout de quinze jours. Elles sont conservées 30 jours en cas de rapprochement positif.

([135]) Les services de police et de gendarmerie peuvent par ailleurs recourir aux LAPI à titre temporaire, pour la préservation de l’ordre public, à l’occasion d’événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes et pour constater les infractions au code de la route.

([136]) Créé par un arrêté du 7 juillet 2017, le fichier des objets et des véhicules volés (FOVeS) permet de recenser les biens volés, tels que les véhicules, les œuvres d’art, les bijoux, les appareils électroniques, et d’autres objets de valeur. Il a pour objectif de faciliter les recherches et les contrôles de la police, de la gendarmerie et des douanes dans le cadre de leurs attributions respectives pour la découverte et la restitution des véhicules volés et objets perdus ou volés, ainsi que la surveillance des véhicules et objets signalés. 

([137]) Le système d’information Schengen (SIS) est un fichier géré par la direction générale de la police nationale (DGPN) permettant de centraliser les informations concernant les personnes et objets signalés par les autorités administratives et judiciaires des États membres Schengen. 

([138]) Conseil constitutionnel, décision DC n° 2005-532 du 19 janvier 2006.

([139]) Étude d’impact annexée au projet de loi.

([140]) À savoir, les infractions de contrebande, d’importation ou d’exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes, ainsi que la constatation, lorsqu’elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, du délit de blanchiment défini à l’article 415 du même code.

([141]) La DGDDI a précisé à votre rapporteure pour avis que la conception des dispositifs LAPI déployés serait confiée à une société privée, actuellement en charge de la solution actuelle, et  qui pourrait se voir, par voie d’avenant au marché public, mandatée sur cette nouvelle mission. Les opérations de collecte et de traitement relèveront en revanche exclusivement de l’administration des douanes, comme le prévoit l’actuelle rédaction de l’article.

([142]) L’étude d’impact indique qu’il s’élèverait à 200 capteurs au maximum.

([143]) L’étude d’impact précise qu’il s’agit de cibler en particulier les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que les axes de transit national et international.

([144]) Les amendements COM-37, COM-40, COM-41 et COM-42 du rapporteur pour avis. 

([145]) L’amendement dispose que « ces rapports évaluent la pertinence des données utilisées (…) aux fins de détecter des mouvements de véhicules ou des évènements prédéterminés. Ils établissent la liste des garanties mises en place pour assurer la protection des données personnelles et le respect de la vie privée et analysent leur effectivité. Ils évaluent l’efficacité de durées de conservation inférieures à quatre mois et présentent les éléments permettant d’apprécier le caractère proportionné des différentes durées retenues au cours de l’expérimentation ; à ce titre, ils intègrent des indications statistiques permettant notamment, pour chaque durée expérimentée, de rendre compte de la quantité totale de données  collectées, de la quantité de données conservées au-delà du délai maximum expérimenté pour les besoins d’une procédure pénale ou douanière, du nombre de mouvements de véhicules ou d’évènements prédéterminés détectés, ainsi que du nombre de procédures d’enquête engagées sur le fondement desdites détections. Ils comportent des développements spécifiques, établis par les services du ministère de la justice, sur l’efficacité du traitement (…) en matière de répression pénale des infractions [douanières]. »

([146]) L’article 70 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose à ce titre : « Lorsqu’un traitement fait l’objet d’un décret autorisant la dispense de publication de l’acte l’autorisant en application du III de l’article 31 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le sens de l’avis émis par la commission ne peut porter que la mention « favorable », « favorable avec réserve » ou « défavorable ». »

([147]) L’amendement n° 47 du rapporteur pour avis, ainsi que les amendements n° 35 rect. et n° 36 du Gouvernement.

([148]) C’est par exemple le cas de l’article 59 quater en matière de lutte contre l’économie souterraine et du 59 quinquies permettant l’échange d’informations entre officiers et agents de police judiciaire et les agents des douanes dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon.

([149]) L’article renvoie aux missions en matière de franchissement des frontières telles que définies par le règlement n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), ce règlement ayant conduit les agents des administrations des douanes et de la police aux frontières à être désignés « garde-frontières », et donc à être chargés de missions de police aux frontières sur les ports, aéroports et points de frontière terrestre disposant du statut de points de passage frontalier.

([150]) Le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), est un service spécialisé dans la répression de la délinquance douanière, financière et fiscale et commun aux directions générales des douanes et des droits indirects et des finances publiques (DGFiP).

Créé en 2019 et placé sous la cotutelle des deux directeurs généraux, ce nouveau service est dirigé par un magistrat de l’ordre judiciaire. Il peut être saisi notamment par le parquet national financier (PNF) dans le cadre de dossiers nécessitant une expertise fiscale, douanière ou financière. Il peut également être chargé de dossiers de présomption de fraude fiscale nécessitant une expertise fiscale de pointe et de la mise en œuvre de moyens judiciaires d’enquête.

Au 1er janvier 2023, le service d’enquêtes judiciaires des finances était composé de 271 enquêteurs, dont 231 officiers de douane judiciaire et 40 officiers fiscaux judiciaires. 

([151]) Il s’agit des infractions prévues par le code des douanes, en matière de contributions indirectes, d’escroquerie sur la taxe sur la valeur ajoutée et de vols de biens culturels, relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, ainsi que de certaines infractions figurant dans le code de la défense du blanchiment, des infractions au droit de la propriété intellectuelle, de la violation des exigences légales de traçabilité des produits de tabac figurant au code de la santé publique, de certaines infractions relatives à la mise à disposition ou à la publicité d’une offre illégale de jeux en ligne, du délit d’association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation de l’une de ces infractions, ainsi que des infractions connexes à l’ensemble de ces infractions.

([152]) L’activité des OPJ est placée sous la direction du procureur de la République. Dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé qu’« il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire ; qu’à cette fin, le code de procédure pénale, notamment en ses articles 16 à 19-1, assure le contrôle direct et effectif de l’autorité judiciaire sur les officiers de police judiciaire chargés d’exercer les pouvoirs d’enquête judiciaire et de mettre en œuvre les mesures de contrainte nécessaires à leur réalisation » (Conseil constitutionnel, décision n° 2011‑625 du 10 mars 2011, loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 59.)

Par ailleurs, le procureur général est chargé de la notation et de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire sur les OPJ. L’article 19-1 du code de procédure pénale dispose à ce titre que « la notation par le procureur général de l’officier de police judiciaire habilité est prise en compte pour toute décision d’avancement. » Le procureur général peut prononcer le retrait et la suspension de l’habilitation.

Enfin, la chambre de l’instruction contrôle l’activité des OPJ. L’article 227 du code de procédure pénale dispose : « La chambre de l’instruction peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l’officier ou agent de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider qu’il ne pourra, temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d’appel, soit sur tout l’ensemble du territoire, ses fonctions d’officier de police judiciaire et de délégué du juge d’instruction ou ses fonctions d’agent de police judiciaire. »

([153]) Exposé sommaire de l’amendement n° 42 rect. du Gouvernement.

([154]) Ibid. 

([155]) Contribution écrite de la DGDDI.

([156]) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite « directive sur le commerce électronique »

([157]) Arrêt de la Cour (grande chambre) du 23 mars 2010, Google France SARL et Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA (C-236/08), Google France SARL contre Viaticum SA et Luteciel SARL (C-237/08) et Google France SARL contre Centre national de recherche en relations humaines (CNRRH) SARL et autres (C-238/08).

([158]) Arrêt de la Cour (grande chambre) du 23 mars 2010, Google France SARL et Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA (C-236/08), Google France SARL contre Viaticum SA et Luteciel SARL (C-237/08) et Google France SARL contre Centre national de recherche en relations humaines (CNRRH) SARL et autres (C-238/08).

([159]) 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. 

([160]) Francis Donnat, Contenus illicites sur Internet et hébergeurs, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n° 52, juin 2016.  

([161]) Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 mai 2012, 11-10.508.

([162]) Ibid.  

([163]) Vision en vigueur du 1er août 2004 au 7 mars 2007

([164]) 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

([165]) 8 du I de l’article 6  de la loi la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

([166]) Article 421-2-5 du code pénal. 

([167]) Article 227-23 du code pénal. 

([168]) Liés à la répression de l'apologie, de la négation ou de la banalisation des crimes contre l'humanité, de la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, de l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine.

([169]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1016 QPC, 21 octobre 2022 .

([170]) Article L. 524-3 du code de la consommation. 

([171]) Rapport de la CNUCED du 3 mai 2021.  

([172]) Article 568 du code général des impôts.  

([173]) Article 414 du code des douanes.  

([174]) CJUE, 16 février 2012, SABAM c/Netlog, aff.360/10.  

([175]) Ce dernier critère a été déterminé par la jurisprudence : Cour de cassation, chambre criminelle, 20 avril 2017, n° 16-80.195.

([176]) Article 399 du code des douanes. 

([177]) Cour des cassation, chambre criminelle, 21 septembre 2011, n° 11-81.535).  

([178]) Résumés dans le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-731 QPC. 

([179]) Rédaction en vigueur du 28 décembre 1988 au 14 mai 1996 et issue de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988.

([180]) Cass. crim. 4 mai 2016, n° 15-80.215.

([181]) Article L. 324-1-1 du code pénal issu de la loi  2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.  

([182]) Introduit par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « PACTE ». 

([183]) Article L. 555-2 du code monétaire et financier. 

([184]) Mentionnés à l’article L. 211-1 du code monétaire et financier.  

([185]) Article L. 223-1 du code monétaire et financier.  

([186]) Prévu à l’article 414-2 du code des douanes.  

([187]) Article 374 du code des douanes. 

([188]) 1 de l’article 376 du code des douanes. 

([189]) bis de l’article 376 du code des douanes. 

([190]) ter de l’article 376 du code des douanes.  

([191]) Article 415 du code des douanes. 

([192]) Aux termes de l’article 132-71 du code pénal, « constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ».

([193]) Article 131-30 du code pénal. 

([194]) Article 131-30-1 du code pénal. 

([195]) Article 131-30-2 du code pénal.

([196]) Atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4,413-10 et 413-11, actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV, infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431‑17, infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4.

([197]) Article 432 du code des douanes. 

([198]) Article 432 bis du code des douanes. 

([199]) Article 433 du code des douanes.

([200]) Mme Zivka Park et M. Éric Woerth, Rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, 29 septembre 2021, Assemblée nationale.

([201]) Article 1791 ter du code général des impôts.  

([202]) Article 222-36 du code pénal. 

([203]) Article 222-37 du code pénal.

([204]) Article L. 3421-1 du code de la santé publique.

([205]) À l'exclusion des biens d'équipement et d'avitaillement des bateaux de plaisance, des avions de tourisme ou de tous autres moyens de transport à usage privé, ainsi que des prestations de services directement liées à l'exportation.

([206]) Article L. 83 A du livre des procédures fiscales.  

([207]) Voir à cet égard le tableau de suivi des ordonnances autorisées et publiées pendant la législature 2022-2027 réalisé par le Sénat.  

([208]) Article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de La Passion-Clipperton.

([209]) Article 1er du code des douanes.