N° 1359

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise en œuvre
des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (n° 958)

PAR M. Bastien MARCHIVE

Député

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AVIS FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Lionel CAUSSE

Député

Voir les numéros :

Sénat  : 205, 415, 416 et T.A. 76 (2022‑2023).

Assemblée nationale :  958.


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En application de l’article 87, alinéa 2, du Règlement, la commission des affaires économiques a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 3, 6, 8, 10 et 13 de cette proposition de loi. La commission du développement durable bénéficie donc d’une « délégation au fond » sur ces articles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos de M. Bastien Marchive, rapporteur de la commission des affaires Économiques

Avant-propos de M. LIONEL causse, rapporteur pour avis de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

COMMENTAIRES Des ARTICLES

Chapitre Ier Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

Article 1er Allongement des délais d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents de planification et d’urbanisme, et simplification de l’évolution du Sraddet

Article 2 (supprimé) Rapport de prise en en compte entre les règles du Sraddet concernant la lutte contre l’artificialisation des sols et les documents d’urbanisme locaux et justification des choix retenus en matière de territorialisation régionale

Article 3 Conférence régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

Chapitre II Accompagner les projets structurants de demain

Article 4 Exclusion du décompte de l’artificialisation pour les projets d’ampleur nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur

Article 5 (supprimé) Précision concernant la comptabilisation séparée, à l’échelle régionale, des projets d’ampleur régionale, et la place des projets d’intérêt intercommunal

Chapitre III  Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

Article 6 (supprimé) Renforcement de la prise en compte des efforts passés de de sobriété foncière

Article 7 Enveloppe minimale d’artificialisation d’un hectare garantie à chaque commune dans le cadre de la première période décennale

Article 8 (supprimé) Instauration d’une part réservée au développement territorial

Article 9 (supprimé) Modification de la nomenclature des surfaces artificialisées et institution de périmètres emportant franchise de décompte de l’artificialisation

Article 10 Prise en compte des spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière dans les documents d’urbanisme

Chapitre IV Prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols

Article 11 (supprimé) Mise à disposition des données relatives à l'artificialisation

Article 12 Création d’un sursis à statuer, d’un droit de préemption et d’un motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols

Article 12 bis (supprimé) Comptabilisation sur la période 2011-2021 de l’artificialisation des projets autorisés ou appartenant à des opérations autorisées avant 2021

Article 13 Prise en compte des efforts de renaturation avant 2031

Article 14 Clause de revoyure quinquennale sur la mise en œuvre du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

1. Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 9 heures 30

2. Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 17 heures

CHAPITRE II  Accompagner les projets structurants de demain

CHAPITRE III  Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

CHAPITRE IV  Prévoir les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN »

TRAVAUX DE LA COMMISSION du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du terrIToire

1. Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17 heures

2. Réunion du mardi 13 juin 2023 à 21 heures 30

liste des personnes auditionnÉES par le rapporteur de la commission des affaires Économiques

liste des CONTRIBUTIONS ÉCRITES reçues par le rapporteur de la commission des affaires Économiques

Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur pour avis de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

ANNEXE 1 TEXTES MODIFIÉS À L’occasion de l’examen de la présente proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols

 

 


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   Avant-propos de M. Bastien Marchive, rapporteur
de la commission des affaires Économiques

Il y a deux ans, l’Assemblée nationale adoptait, sur le fondement d’un compromis dégagé avec le Sénat en commission mixte paritaire, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et résilience ». Inspiré des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le texte poursuivait un objectif plus que jamais central dans l’action publique : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre produits par notre pays d’ici à 2030.

En l’adoptant, le Parlement a fait preuve de courage et d’ambition pour préserver nos espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) en luttant contre l’artificialisation des sols. Il était grand temps, à tel point les rendez-vous précédents – loi SRU en 2000, lois Grenelle I et II en 2009 et 2010, loi Alur en 2014 – n’avaient pas emporté les effets escomptés.

La France demeure à ce jour le plus mauvais élève d’Europe en matière de sobriété foncière. Pas moins de 3,5 millions d’hectares du pays sont urbanisés, soit près de 6,5 % du territoire, dont une part significative l’a été au cours des cinquante dernières années. Avec une surface artificialisée moyenne de plus de 450 mètres carrés par habitant, la France se situe loin devant ses voisins : c’est 15 % de plus que l’Allemagne, et 57 % de plus que le Royaume‑Uni, dont la population est comparable à la nôtre. Plus grave, l’artificialisation augmente presque quatre fois plus vite que la population (+ 70 % depuis 1981, contre + 19 % sur la même période pour la population).

Les effets de cette tendance se ressentent dans l’ensemble des aspects de nos vies : notre dépendance à la voiture individuelle augmente, nous devons nous déplacer davantage pour rejoindre notre lieu de travail ou l’école, nos espaces naturels sont réduits, notre potentiel agricole diminue, les effets des catastrophes naturelles s’intensifient du fait de l’imperméabilisation.

Tous les signaux concordent : l’artificialisation emporte des conséquences particulièrement graves et parfois irréversibles pour notre environnement. Nos sols sont les garanties de la préservation de notre biodiversité, du respect du cycle de l’eau, de notre souveraineté alimentaire ou encore du stockage du carbone.

En particulier, l’artificialisation engendre des pertes de matière, du fait de l’érosion et de l’excavation, et des pertes des propriétés des sols, du fait des pollutions et contaminations diverses qui affectent négativement leur fertilité. Ces enjeux sont évidemment cruciaux pour la préservation de la capacité agricole et alimentaire de notre territoire.

Comme l’a régulièrement confirmé la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), l’artificialisation joue un rôle prépondérant dans l’érosion de la biodiversité via la destruction d’habitats naturels et de continuités écologiques. Les surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers ont des sols perméables et constituent des réservoirs de biodiversité. En les artificialisant à outrance, c’est l’ensemble de nos écosystèmes qui sont durablement fragilisés.

En créant une définition juridique de l’artificialisation et en fixant le cap d’une diminution par deux du rythme d’artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, en fixant aussi une ambition de parvenir, d’ici 2050, à l’absence de toute artificialisation nette des sols (« zéro artificialisation nette » ou « ZAN »), la loi Climat et résilience a été à la hauteur de l’enjeu.

Restait à décliner ces objectifs au sein des territoires, puisque c’est bien eux qui sont compétents en matière d’aménagement du territoire. Les collectivités sont les chevilles ouvrières de cette effort, par leurs documents de planification et d’urbanisme. Plusieurs préoccupations ont été exprimées depuis, notamment :

– la conciliation de l’impératif de limitation de l’artificialisation et le souhait de revitaliser notre industrie et de répondre au besoin de logements ;

– l’accompagnement des communes les plus rurales, qui ont toujours été présentes à l’esprit du législateur et doivent être soutenues dans cette transition.

Les diverses inquiétudes ont été entendues, et la majorité comme le Gouvernement travaillent depuis l’été dernier pour y répondre. Dès août 2022, le ministre de la transition écologique suspendait partiellement l’application de certains décrets, dont la mise en œuvre avait pu s’avérer problématique. Dans la foulée, un groupe de travail a été mis en place à l’Assemblée pour proposer des solutions, aboutissant au dépôt de la proposition de loi n° 854 visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

La proposition de loi actuellement examinée, adoptée par le Sénat le 16 mars dernier permettra de répondre à ce besoin, tout en tenant les engagements environnementaux qui ont été pris dans la loi Climat et résilience. Un point d’équilibre doit être trouvé pour que, sans mettre en cause l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols dans les dix prochaines années, les autres politiques publiques non moins ambitieuses que sont la construction de logements, la réindustrialisation, la transition énergétique ou la réalisation des grandes infrastructures de demain ne soient pas menacées.

 

 

 


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   Avant-propos de M. LIONEL causse, rapporteur pour avis de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

L’artificialisation des sols représente l’une des premières causes de destruction de la biodiversité dans le monde. En quarante ans, la surface artificialisée de la France métropolitaine a presque doublé, passant de 2,9 à plus de 5 millions d’hectares. Ce rythme effréné est illustré par une donnée saisissante : nous consommons près de 25 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers par an dans notre pays, soit plus de deux fois la ville de Paris chaque année.

L’artificialisation des sols altère durablement leurs fonctions écologiques dont nous dépendons tous : accès à l’eau, stockage de carbone, maintien de la biodiversité et production alimentaire. Dans un contexte de changement climatique accéléré et de tensions géopolitiques, protéger les sols et les terres agricoles est une priorité. C’est avec la volonté de protéger ces ressources inestimables que le principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN) a été inscrit en 2011 dans la feuille de route de la Commission européenne.

En France, l’adoption de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », incarne la volonté des parlementaires comme du Gouvernement de lutter concrètement contre le dérèglement climatique et pour la protection de la biodiversité, notamment par la mise en œuvre du ZAN à l’échelle nationale. De grands principes ont alors été fixés, avec pour ligne de mire la réduction de moitié du rythme de l’artificialisation au cours des dix prochaines années. Toutefois, près de deux ans après la promulgation de la loi, des difficultés de mise en œuvre apparaissent, auxquelles il est nécessaire de répondre pour atteindre les objectifs fixés.

Un groupe de travail constitué à l’Assemblée nationale afin de dégager des solutions aux difficultés rencontrées par les collectivités a mené au dépôt, en février dernier, d’une proposition de loi par votre rapporteur pour avis et par M. Bastien Marchive ([1]). Par ailleurs, les commissions des affaires économiques, de l’aménagement du territoire et du développement durable, des finances et des lois du Sénat ont conduit une mission conjointe de contrôle relative à la mise en application des mesures de « zéro artificialisation nette », qui a abouti au dépôt de la présente proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, le 8 mars 2023. Cependant, certaines dispositions proposées par le Sénat tendent à remettre en cause l’atteinte des objectifs fixés ainsi que leur calendrier.

Le souhait de votre rapporteur pour avis est de faire émerger les mesures nécessaires à la bonne mise en œuvre des objectifs inscrits, au moyen d’un dialogue constant entre députés, sénateurs, Gouvernement et associations d’élus. Cette coopération a permis l’élaboration d’un accord visant à alléger certaines dispositions introduites par la proposition de loi du Sénat lors de son examen au sein de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Afin d’agir au plus vite et ainsi de respecter la trajectoire fixée, certaines dispositions de la proposition de loi ont été inscrites dans deux projets de décret, l’un relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, et l’autre relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols. Ces deux projets de décret sont actuellement soumis à consultation publique ([2]).

L’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a été sollicité sur cinq articles : les articles 3, 6, 8, 10 et 13.

L’article 3 de la proposition de loi vise à transformer les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT) en de nouvelles « conférences régionales de gouvernance du ZAN » incluant davantage d’élus dans le suivi et l’application des mesures visant à lutter contre l’artificialisation. La commission partage cette volonté mais a souhaité élargir la composition de la conférence, lorsqu’elle n’est pas fixée par accord au niveau régional, à d’autres acteurs publics et privés, tels que des représentants des organismes compétents en matière de gestion ou de protection des espaces naturels, des associations de protection de l’environnement, de l’agence régionale de santé, de l’agence de l’eau et des chambres consulaires. Elle a également prévu la présence d’un député et d’un sénateur au sein de cette conférence. Enfin, en Corse, la chambre des territoires, qui comprend déjà une représentation de l’ensemble des intercommunalités de l’île, se substituera à la conférence régionale dans un souci d’efficacité.

Les dispositions introduites à l’article 6 prévoyant une meilleure prise en compte des efforts déjà réalisés, par le passé, par les collectivités pour réduire leur rythme d’artificialisation, et à l’article 8 définissant une « part réservée au développement rural » au sein des enveloppes fixées par les documents régionaux, les Scot et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), ont vocation à être traduites dans le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation, dont la révision est actuellement soumise à consultation. Ces articles ont donc été supprimés par la commission.

L’article 10 vise à prendre en compte les spécificités des communes littorales affectées par le recul du trait de côte, ainsi que celles des zones de montagne. Si les spécificités des territoires de montagne ont été intégrées au nouveau décret, votre rapporteur pour avis a souhaité clarifier les mesures d’adaptation proposées pour les communes littorales. Les commissaires, sur proposition du rapporteur pour avis, ont ainsi supprimé le double décompte introduit par le Sénat.

Enfin, l’article 13 prévoit que les efforts de renaturation conduits par les collectivités dès l’adoption de la loi « Climat et résilience » pourront être pris en compte pour évaluer l’atteinte des objectifs de ZAN, en retranchant du calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, les surfaces ayant fait l’objet d’actions de renaturation. La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a souhaité inscrire le principe de ce décompte à l’ensemble des échelons et des documents d’urbanisme, et non uniquement au niveau des communes et des EPCI. La commission a également supprimé la disposition introduite par le Sénat visant à décompter des surfaces artificialisées celles utilisées temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements qui relèvent de la nomenclature des surfaces artificialisées, fixée par voie réglementaire.

Ces modifications devraient permettre, tout en respectant l’esprit du texte proposé par le Sénat, de donner davantage de souplesse dans l’application de certaines dispositions complexes, tout en garantissant le respect des grands objectifs fixés par la loi « Climat et résilience ».

 

 


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   COMMENTAIRES Des ARTICLES

Chapitre Ier
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

Article 1er
Allongement des délais d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents de planification et d’urbanisme, et simplification de l’évolution du Sraddet

  Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 1er  prolonge d’un an le délai accordé pour la modification des documents régionaux (2025) et locaux (2028), pour l’intégration des objectifs conformes à l’article 194 de la loi « Climat et résilience », et apporte une simplification procédurale à l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le législateur, conscient de l’ampleur de la réforme et de ses incidences, a prévu, à l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi Climat et résilience »), un calendrier échelonné pour l’application de la loi par les régions et les communes ainsi que leurs groupements ([3]), qui doivent procéder à l’adaptation de l’ensemble des documents régionaux et locaux de planification et d’urbanisme affectés du fait de la hiérarchie des normes. Cette adaptation des documents « en cascade », appelée aussi « climatisation », est rendue nécessaire, d’une part, par la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme, qui exige la compatibilité des documents de rang inférieur à ceux de rang supérieur et, d’autre part, par les délais qui caractérisent l’adaptation des documents d’urbanisme, qui se comptent en années. Sont ainsi prévues, pour la décennie qui court du 22 août 2021 au 22 août 2031 :

– la réunion d’une conférence régionale des SCoT dans les six mois suivant la promulgation de la loi pour faire une proposition au conseil régional en ce qui concerne la répartition de l’effort de réduction de la consommation des espaces entre les différentes parties du territoire régional ;

– la modification des documents régionaux de planification ([4]), engagée dans un délai maximal d’un an après la promulgation de la loi et les documents modifiés doivent entrer en vigueur dans les deux ans après l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience, c’est-à-dire avant le 22 août 2023. Ce délai a d’ores et déjà été prorogé de deux ans à trente mois (22 février 2024) par le législateur à l’occasion de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (« loi 3DS ») ;

– l’entrée en vigueur des SCoT modifiés, qui doit intervenir dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, soit le 22 août 2026 ;

– l’entrée en vigueur des plans locaux d’urbanisme et des cartes communales mis en compatibilité, qui doit intervenir dans un délai d’un an après la modification du SCoT, soit dans un délai de six ans après la promulgation de la loi, avant le 22 août 2027.

Dès l’examen de la loi 3DS en fin d’année 2021, il est apparu que les délais accordés pour le calcul des enveloppes locales de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pourraient être avantageusement prolongés afin de donner le temps aux travaux engagés d’aboutir dans de bonnes conditions, sans pour autant remettre en cause le calendrier global d’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols au niveau local pour la prochaine décennie ([5]) :

– six mois supplémentaires ont été accordés pour l’entrée en vigueur des documents de planification régionale adaptés, laissant donc jusqu’au 22 février 2024 (plutôt que jusqu’au 22 août 2023) ;

– par cohérence, un délai de quatorze mois à compter de la promulgation de la loi est accordé aux conférences régionales des SCoT pour faire des propositions de répartition aux régions, à savoir jusqu’au 22 décembre 2022.

 

PROCÉDURES ET DÉLAIS APPLICABLES POUR L’ADAPTATION
DES DOCUMENTS DE PLANIFICATION ET D’URBANISME (article 194)

Document

Procédure applicable et délai d’engagement

Délai d’entrée en vigueur de la modification et sanctions en cas de défaut

Sraddet

Procédure de modification

Engagée sous un an à compter de la promulgation de la loi

Intégrée sous trente mois (loi 3DS), sous peine d’intégration directe par les SCoT ou à défaut, les PLU ou cartes communales

Objectif minimum de 50 %

Padduc

SAR

Sdrif

SCoT

Procédure de modification simplifiée engagée lors de la première évolution ou la première évaluation du SCoT

Dispense pour les SCoT de moins de dix ans prévoyant des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espace d’au moins 33 % par rapport à la période décennale précédente

En cas de non-intégration par le document régional sous deux ans, intégration directe sous deux ans

Les SCoT en cours d’élaboration doivent aussi intégrer les objectifs

Intégrée sous cinq ans, sous peine de suspension des ouvertures à l’urbanisation

Objectif minimum de 50 % si intégration directe à défaut d’intégration dans le document régional

PLU (i)

Procédure de modification simplifiée

Dispense pour les PLU de moins de dix ans prévoyant des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espace d’au moins 33 % par rapport à la période décennale précédente

Engagée lors de la première évolution ou la première évaluation du PLU

En cas de non-intégration par le document régional sous deux ans et en l’absence de SCoT, intégration directe sous deux ans

Intégrée sous six ans, sous peine d’interdiction de délivrance des autorisations d’urbanisme dans les zones AU

Objectif minimum de 50 % si intégration directe à défaut d’intégration dans le document régional et dans le SCoT

CC

Procédure de révision

Dispense pour les cartes communales de moins de dix ans engendrant une réduction de la consommation d’espace d’au moins 33 % par rapport à la période décennale précédente

Engagée sous trois mois (identique au PLU)

En cas de non-intégration par le document régional sous deux ans et en l’absence de SCoT, intégration directe sous trois mois

Intégrée sous six ans, sous peine d’interdiction de délivrance des autorisations d’urbanisme dans les secteurs constructibles

Objectif minimum de 50 % si intégration directe à défaut d’intégration dans le document régional

Source : commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, rapport d’information n° 749 sur la mise en application de la loi n° 2021-1104, 18 janvier 2023, déposé par Mmes Florence Goulet et Sandra Marsaud.

II.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

En dépit des adaptations prévues par la loi 3DS, la mission conjointe de contrôle du Sénat sur la mise en œuvre de la loi a rapporté qu’il existe une problématique quant à l’échéancier de l’application de la loi ([6]). Pour cette raison, votre rapporteur est favorable à une nouvelle adaptation proportionnée, dans la loi, du calendrier d’application prévu.

L’article 1er de la présente proposition de loi concerne ainsi, d’une part, les délais laissés aux collectivités pour intégrer dans leurs documents de planification et leurs documents d’urbanisme les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols et, d’autre part, les étapes de la procédure de modification des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et des documents d’urbanisme. Ces deux volets concourent au même objectif, qui est de prévoir un délai plus long pour l’évolution du Sraddet afin de permettre une meilleure association des différentes collectivités.

1.   L’allongement des délais d’adaptation des documents de planification et d’urbanisme

Le I de l’article modifie l’ensemble des délais du calendrier de « climatisation » des documents de planification et d’urbanisme, rappelés précédemment, pour l’intégration des nouveaux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents de planification à l’échelle régionale.

Il est ainsi prévu de repousser de douze mois la date limite d’entrée en vigueur des Sraddet, des schémas d’aménagement régionaux, du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) et du schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) « climatisés », c’est-à-dire modifiés en vue d’intégrer des objectifs et trajectoires en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Il s’agit là d’un nouveau report par rapport à ce qui a déjà été décidé par le législateur à l’occasion de l’examen de la loi 3DS (voir encadré).

En outre, contrairement à l’adaptation menée lors de la loi 3DS, la proposition de loi prévoit également de reporter d’un an l’entrée en vigueur des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et, partant, des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des cartes communales « climatisés », c’est-à-dire modifiés pour intégrer les modifications en matière de lutte contre l’artificialisation des sols intégrés dans les documents régionaux de planification.

2.   La simplification procédurale de l’évolution du Sraddet pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation

En sus des adaptations apportées au calendrier d’évolution des documents de planification prévues au I de l’article 1er, le II du même article prévoit des évolutions de la procédure de modification applicable dans ce cas. Il s’agit, selon les auteurs de la proposition de loi, dans leur exposé des motifs, de « laisser davantage de temps au dialogue territorial et à la concertation entre région et bloc communal ». L’article propose à cet effet :

– de réduire de trois mois ([7]) à un mois le délai laissé au préfet de région pour approuver le Sraddet lorsque son évolution vise à intégrer des objectifs et trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols ;

– d’autoriser, dans le même cas, la tenue simultanée de la consultation des personnalités publiques associées (PPA) requises pour la modification des Sraddet et la consultation du public par voie électronique, afin que le délai de remise des avis des PPA ne soient plus un préalable à la mise à disposition du public du projet de modification.

Les procédures de modification des documents de planification et d’urbanisme prévues pour l’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation

Le IV de l’article 194 de la loi Climat et résilience prévoit la possibilité d’engager la modification du Sraddet selon la procédure simplifiée définie au I de l’article L. 4251‑9 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de ce dernier, la procédure de modification simplifiée du Sraddet prévoit :

– la consultation des personnes publiques associées (PPA) dans un délai maximum de trois mois ;

– la mise à la disposition du public du projet de modification et des avis des PPA, uniquement par voie électronique, pour une durée de deux mois.

Le même IV prévoit également l’utilisation des procédures de modification simplifiée prévues au code de l’urbanisme pour l’actualisation des SCoT et du PLU(i).

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission spéciale a adopté cinq amendements de fond, dont quatre émanant de son rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (LR), visant à aménager notamment les procédures de modification des documents de planification et d’urbanisme :

– les amendements COM-58 du rapporteur et COM-18 de M. Christian Redon-Sarrazy (Socialiste, écologiste et républicain) permettent aux régions, dans un souci de mutualisation des procédures, d’utiliser la procédure dérogatoire de modification prévue par la présente proposition de loi pour les autres modifications des Sdraddet prévues par les lois Climat et résilience et 3DS ([8]) qui interviendraient simultanément ;

– l’amendement COM-60 du rapporteur permet, pour la modification simplifiée des SCoT et des PLU(i) à des fins d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation, la tenue simultanée des consultations du public et des PPA, sur le modèle de la dérogation prévue pour l’évolution des Sraddet ;

– l’amendement COM-61 du rapporteur, afin de sécuriser le processus de modification des documents d’urbanisme, octroie aux autorités compétentes pour l’élaboration des documents d’urbanisme la faculté de saisir la commission départementale de conciliation en matière d’urbanisme.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’article issu des travaux de la commission spéciale, modifié, pour des motifs rédactionnels, par l’adoption d’un amendement de son rapporteur.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

Considérant que les délais à compter de la promulgation de la présente proposition de loi seront en effet brefs, la commission a adopté trois amendements identiques CE14 de M. Guy Bricout (Liot), CE212 de M. Stéphane Delautrette et du groupe Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe NUPES et CE421 de Mme Lisa Belluco et du groupe Écologiste - NUPES, qui visent à octroyer un délai supplémentaire de six mois pour la mise en conformité des documents de planification régionale.

En revanche, considérant que les délais pour l’adaptation des SCoT et PLU(i), respectivement fixés à 2026 et 2027 dans la loi Climat et résilience, sont suffisants en l’état, la commission a adopté des amendements identiques CE432 du rapporteur, CE165 de Mme Catherine Couturier et du groupe La France insoumise - NUPES et CE449 de Mme Lisa Belluco et du groupe Écologiste - NUPES, qui suppriment l’extension d’un an des délais d’adaptation de ces documents d’urbanisme, octroyée au Sénat.

La commission a également adopté un amendement CE395 de M. Paul Molac (Liot), qui vise, dans les régions d’outre-mer et afin de mieux adapter l’application de la loi à leurs spécificités territoriales, à écarter l’obligation automatique d’un objectif de réduction de 50 % au niveau infrarégional en cas de retard de l’échelon régional. Cette mesure constitue une coordination par rapport à la dérogation d’objectif de réduction de 50 %, adoptée dans la loi Climat et résilience pour ces régions.

Dans un souci de bon déroulement des procédures d’adaptation, la commission a adopté trois amendements identiques CE433 du rapporteur, CE334 de M. Pascal Lavergne et du groupe Renaissance et CE361 de Mme Lisa Belluco et du groupe Écologiste – NUPES. Ces amendements suppriment les II et III de l’article 1er, qui réduisent de trois à un mois la durée d’examen des projets de Sraddet, de SCoT et de PLU(i) dans le cadre de la modification simplifiée.

 

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Article 2 (supprimé)
Rapport de prise en en compte entre les règles du Sraddet concernant la lutte contre l’artificialisation des sols et les documents d’urbanisme locaux et justification des choix retenus en matière de territorialisation régionale

Supprimé par la commission

 

L’article 2 précise explicitement que les dispositions relatives à la lutte contre l’artificialisation des sols contenues dans les Sraddet et les schémas d’aménagement régional s’appliquent aux documents d’urbanisme dans un rapport de prise en compte et non de compatibilité.

Il impose en outre aux régions de justifier de la manière dont il a été tenu compte des propositions faites par les conférences des SCoT en matière de territorialisation des objectifs de réduction d’artificialisation des sols.

La commission des affaires économiques a adopté cinq amendements de suppression de l’article.

I.   L’État du droit

Au moment de l’examen du projet de loi, les débats parlementaires ont largement soulevé la question de la portée normative du dispositif adopté. L’urbanisme et l’aménagement du territoire étant des compétences décentralisées depuis 1982, le législateur a souhaité renforcer les capacités des collectivités en ce domaine en enrichissant la palette de leurs outils de planification.

La solution retenue a consisté à inscrire les collectivités au cœur du dispositif, en leur confiant, dans des instances de dialogue et de concertation, la mission de définir les cibles de réduction de l’artificialisation propres à chaque territoire. C’est pourquoi il a été décidé que l’État, en dehors de la vérification de l’application de l’objectif législatif, se cantonnerait dans une mission d’accompagnement et de soutien aux acteurs locaux, sans se substituer à eux dans la détermination de ces objectifs.

Ainsi, considérant qu’obliger chaque commune ou EPCI ou SCoT à un objectif uniforme de 50 % de réduction manquerait de cohérence au regard des efforts passés en matière de sobriété foncière et de la diversité des situations économiques et démographiques locales, il a été décidé dans la loi que le Sraddet, tout en respectant un objectif à l’échelle régionale de 50 % de réduction, pourrait répartir cet objectif entre les parties de son territoire en fonction des situations et des besoins locaux.

Les collectivités doivent donc mettre à profit une période de concertation pour définir collectivement ces objectifs en fonction de la diversité des besoins et des profils des collectivités, d’abord au sein du Sraddet, dans le cadre de la procédure de révision ou de modification de celui-ci, puis au sein du SCoT. Une fois déterminés collectivement les cibles de réduction de l’artificialisation pour chaque partie du territoire régional, il est nécessaire de s’assurer que les collectivités se conforment aux objectifs ainsi définis.

C’est pour satisfaire à ce double objectif de concertation et de sécurisation que le législateur a prévu l’inscription de la cible d’artificialisation au niveau régional dans les « objectifs » du Sraddet ([9]). Sans pour autant qu’on cherche par là à affaiblir les obligations des collectivités, il ne saurait être opposé à une collectivité le fait que la région dans le territoire duquel elle est sise n’a pas respecté globalement cet objectif de 50 %. Pour autant, il importe que la sécurisation par l’inscription dans les objectifs ne revienne pas à atténuer la portée juridique des cibles territoriales de réduction de l’artificialisation, sous peine de priver d’effet l’entièreté du dispositif.

Les dispositions du Sraddet doivent dès lors prévoir la répartition territorialisée de l’effort de réduction de l’artificialisation, qui s’articule avec les documents de rang inférieur par un lien juridique suffisamment solide pour atteindre collectivement l’objectif fixé, sans quoi celui-ci resterait lettre morte. Le pouvoir réglementaire a veillé à mener à bien cette sécurisation par un décret en Conseil d’État d’avril 2022 ([10]) :

– un objectif global de 50 % de réduction de l’artificialisation des sols à l’échelle régionale est inclus dans le rapport d’objectifs du Sraddet ;

– les critères de définition et de territorialisation des objectifs de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) et d’artificialisation des sols sont précisés : il s’agit des enjeux de biodiversité et de protection des espaces NAF, du potentiel foncier mobilisable et notamment des friches, de l’équilibre du territoire et du désenclavement rural, et des besoins du territoire au regard des dynamiques démographiques et économiques prévisibles ;

– les modalités de la déclinaison infrarégionale de ces mêmes objectifs sont fixées, en particulier via la détermination de règles territorialisées qui permettent d’assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire régional identifiées par la région, le cas échéant à l’échelle du périmètre d’un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale. Est déterminée pour chacune d’elles une cible d’artificialisation nette des sols au moins par tranches de dix années.

Cette rédaction, contestée au motif qu’elle permettrait l’exercice d’une contrainte de la région sur les collectivités de rang inférieur ([11]), fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État déposé par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) ([12]).

II.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à moduler le caractère prescriptif du schéma d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ainsi que des schémas d’aménagement régional (SAR) en matière de réduction de l’artificialisation des sols.

Pour ce faire, il est prévu que les objectifs et trajectoires de réduction et d’artificialisation des Sraddet et des SAR s’imposent par un lien de prise en compte aux schémas de cohérence territoriale (SCoT), aux plans locaux d’urbanisme (PLU) et aux cartes communales.

Le rapport du Sraddet s’appliquant aux SCoT s’en trouve explicitement assoupli. En effet, si la compatibilité impose une absence de contrariété et donc une adaptation en considération des exigences ou des contraintes locales, la prise en compte constitue un rapport plus souple. Elle est le niveau le moins contraignant d’opposabilité, bien qu’elle impose de « ne pas s’écarter des orientations fondamentales sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l’intérêt [de l’opération] et dans la mesure où cet intérêt le justifie » ([13]). Les collectivités locales disposent donc d’une plus grande latitude pour pouvoir adapter leur territoire aux objectifs de réduction de l’artificialisation.

Pour renforcer la concertation entre les collectivités territoriales et accroître leur coopération avec les régions en matière de réduction de l’artificialisation des sols, l’article 2 impose aux régions la justification de la manière dont il a été tenu compte des propositions faites par les « conférences des SCoT » en matière de territorialisation des objectifs de réduction d’artificialisation des sols.

 

 

 

 

Les conférences des SCoT : un espace nouveau de dialogue territorial

Le V de l’article 194 de la loi Climat et résilience dispose que les établissements publics d’un même ressort régional « se réunissent en conférence des schémas de cohérence territoriale ». Sont aussi associés à cette réunion deux représentants des établissements publics de coopération intercommunale et des communes compétents en matière de document d’urbanisme et non couverts par des schémas de cohérence territoriale.

Ces conférences visent à faire dialoguer les élus de tous les territoires d’un même espace afin de préparer des propositions à transmettre au conseil régional au sujet de la modification des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoire (notamment en ce qui concerne la réduction de la consommation du foncier et la lutte contre l’artificialisation).

Le présent article prévoit ainsi que, lors du processus d’évolution des Sraddet, les régions sont tenues de justifier par écrit les suites données aux propositions concernant l’objectif régional de réduction de l’artificialisation des sols et de territorialisation émises par les conférences des SCoT. Elles devront donc justifier de la bonne prise en compte, dans l’élaboration des Sraddet, des recommandations issues de ces espaces de dialogue territorial réunissant l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

La commission spéciale a adopté un amendement de coordination juridique COM-62 du rapporteur M. Jean-Baptiste Blanc (LR).

En séance publique, l’article n’a pas été modifié, hormis l’adoption d’un amendement de coordination juridique n° 250 du rapporteur.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

La commission a adopté cinq amendements de suppression de l’article : CE435 du rapporteur, CE328 du Gouvernement, CE166 de M. Perceval Gaillard et du groupe La France insoumise - NUPES, CE334 de M. Pascal Lavergne et du groupe Renaissance, et CE362 de Mme Lisa Belluco et du groupe Écologiste - NUPES.

Les dispositions de l’article 2 relevaient d’un décret et ont donc vocation à rester du domaine réglementaire, d’autant plus qu’un projet de décret a été mis en ligne la veille du passage en commission par le ministère de la transition écologique ([14]). Ce projet de décret actuellement mis à la consultation prévoit de supprimer le caractère obligatoire des cibles chiffrées dans les règles, tout en conservant la mutualisation des projets d’envergure régionale et en prévoyant des mécanismes de garantie rurale et littorale (recomposition face au recul du trait de côte). Le décret laissera donc une forme de liberté à la région pour territorialiser ou non l’objectif.

 

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Article 3
Conférence régionales de gouvernance
de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

  Adopté par la commission avec modifications

 

La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.

Cet article vise à modifier la composition de la conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT), instaurée par la loi dite « Climat et résilience », afin de la transformer en conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, réunissant des représentants de tous les acteurs locaux, selon une représentation équilibrée des territoires.

Cette conférence régionale a une compétente générale d’avis sur les sujets liés à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Elle est notamment consultée pour la qualification des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur ainsi que des projets d’envergure régionale. Elle peut également élaborer une proposition relative à la fixation et à la territorialisation des objectifs régionaux en matière de réduction de l’artificialisation des sols, dans le cadre de l’inscription de ces objectifs par la région dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Elle établit enfin un bilan annuel de la mise en œuvre de ces objectifs.

I.   Le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », a instauré une conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) comme espace privilégié de concertation au niveau régional pour parvenir à une division par deux de la consommation d’espaces naturels et forestiers d’ici à 2031, par rapport à ce qui a été consommé dans les dix ans précédant la loi, puis pour mettre en œuvre une politique de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050.

La conférence des SCoT réunit, dans chaque région, l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres structures qui élaborent des SCoT. Les EPCI et communes non couverts par des SCoT y sont également représentés. La conférence des SCoT peut transmettre à la région, en charge du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), une proposition relative à l’établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l’artificialisation nette et notamment à leur déclinaison en objectifs infrarégionaux. Le Sraddet ne peut pas être modifié pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation avant la transmission de cette proposition ou, en l’absence de transmission, avant l’expiration d’un délai de huit mois à compter de la promulgation de la loi « Climat et résilience ».

À ce jour, la plupart des conférences ont transmis leurs propositions. Selon les indications fournies par la Fédération nationale des SCoT, toutes les conférences des SCoT ont en effet été réunies entre six et huit fois par espace régional. Toutefois, les propositions faites par ces conférences vont rarement jusqu’à un chiffrage précis en hectares de réduction. Les associations environnementales telles que France Nature Environnement soulignent ainsi un manque d’efficacité associé aux conférences des SCoT et regrettent également un défaut de représentation de ces mêmes associations dans ces instances, ainsi que d’institutions directement concernées par les enjeux de renaturation et de biodiversité telles que les agences de l’eau.

La conférence des SCoT a également pour mission de rendre, au plus tard trois ans après sa première réunion (soit au plus tard le 22 février 2025, c’est-à-dire un an après la date limite de modification des Sraddet), un bilan de l’intégration et de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation nette fixés en application de l’article 194 de la loi « Climat et résilience ».

Au-delà des conférences des SCoT, le droit de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà plusieurs instances de coordination ou d’avis sur les documents d’urbanisme. Il s’agit par exemple de la commission de conciliation prévue à l’article L. 132-14 du code de l’urbanisme qui permet, dans chaque département, de rechercher un accord entre les différentes autorités responsables de l’élaboration des documents d’urbanisme (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d’urbanisme (PLU), cartes communales). C’est également le cas de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), prévue par l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. La CDPENAF est consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou usage agricole. S’agissant des procédures d’élaboration et de modification des documents d’urbanisme, elle peut ainsi donner un avis sur un projet de SCoT (articles L. 132‑12 et L. 143-20 du code de l’urbanisme), sur l’ouverture à l’urbanisation dans les communes non couvertes par un SCoT (article L. 142-5 du même code), sur un projet de PLU (articles L. 151-11 à 151-16) et sur un projet de carte communale (article L. 163‑4). Son avis est obligatoire lorsqu’un projet de SCoT ou de PLU a pour conséquence une réduction des espaces agricoles, naturels ou forestiers ; dans les autres cas, elle peut être consultée à sa demande. Ces deux instances ont cependant un domaine d’action limité au périmètre départemental. Contrairement à la conférence des SCoT, elles ne formulent pas d’avis sur les Sraddet. On peut enfin mentionner la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), chargée de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et des EPCI. Cette conférence peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités et leurs groupements.

Les auteurs de la présente proposition de loi ont estimé que les conférences des Scot ne suffisaient pas à permettre une représentation suffisante de l’ensemble des élus locaux, notamment des communes rurales ou des métropoles. À ce titre, le « chef de filat » confié à la région en matière d’établissement d’objectifs de réduction de l’artificialisation peut laisser craindre, dans certains territoires, une association insuffisante des communes et intercommunalités, auxquelles la loi confie pourtant à titre premier la compétence en matière d’urbanisme. Le présent article propose donc d’assurer cette représentation en étendant la composition des actuelles conférences des SCoT à l’ensemble des autorités concernées par cette territorialisation, en la limitant toutefois aux autorités compétentes en matière d’urbanisme.

La conférence régionale de gouvernance du « ZAN » réunirait ainsi les membres suivants :

– quinze représentants de la région ;

– cinq représentants des établissements publics en charge de l’élaboration des SCoT ;

– dix représentants des EPCI compétents en matière de document d’urbanisme, dont cinq au moins représenteraient les EPCI non couverts par un SCoT ;

– dix représentants des communes compétentes en matière de document d’urbanisme ;

– cinq représentants des communes couvertes par un document d’urbanisme mais non compétentes en matière de document d’urbanisme ;

– cinq représentants des communes non couvertes par un document d’urbanisme ;

– cinq représentants de l’État.

La conférence comprendrait également un représentant de chaque département, à titre consultatif. La conférence comprendrait donc au total cinquante-cinq membres, hors membres consultatifs, dont quinze de l’échelon régional, quinze de l’échelon intercommunal, vingt de l’échelon communal et cinq représentant l’État.

 

Composition des conférences régionales de gouvernance du ZAN

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Source : rapport de la commission spéciale du Sénat sur la proposition de loi

Alors que le V de l’article 194 de la loi « Climat et résilience » prévoit que la conférence des SCoT a pour seul objet de transmettre à la région une proposition relative à l’établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l’artificialisation nette, le présent article relatif à la conférence régionale de gouvernance du « ZAN » élargit son champ de compétences et le pérennise. En plus de sa compétence pour avis concernant les objectifs régionaux, la conférence de gouvernance du « ZAN » pourrait ainsi se réunir à l’initiative de la région ou d’un établissement public chargé de l’élaboration d’un SCoT, sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols et pourrait également transmettre à l’État des analyses et des propositions portant sur cette mise en œuvre (alinéa 15 de l’article 3). Elle serait également consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur (alinéa 16) et dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur régionale (alinéa 17). Le président de la conférence régionale de gouvernance pourrait également décider de la réunir à un niveau départemental pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (alinéa 18). Comme la conférence des SCoT, elle serait enfin chargée d’établir un bilan de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

Si le principe d’élargir la composition des conférences des SCoT semble recueillir un large assentiment parmi les personnes et institutions auditionnées par le rapporteur pour avis, plusieurs estiment que la disposition envisagée par le présent article risque d’introduire une complexification et un alourdissement des procédures en matière d’artificialisation. L’association Régions de France souligne ainsi le risque de lourdeur administrative qu’emporte la faculté de réunir cette instance régionale à chaque fois qu’un établissement public en ferait la demande. L’Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France (AMF) indique qu’il aurait été plus aisé de modifier la composition des conférences des SCoT. Par ailleurs, le travail rendu par les nouvelles instances prévues par la proposition de loi pourrait entrer en contradiction avec celui desdites conférences. En revanche, la pérennité apportée par cette conférence régionale en termes d’instance de dialogue entre les collectivités territoriales au niveau régional représente une avancée intéressante. En effet, le cadre des conférences des SCoT avait vocation à s’éteindre une fois remises leurs conclusions aux instances régionales, à l’exception du bilan qui devait être fait par ces structures un an après la date limite de réforme des Sraddet.

B.   Les modifications aDOPtÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

Outre trois amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement du rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (Les Républicains), qui précise que la conférence régionale de gouvernance du ZAN est présidée par le président du conseil régional, afin de faciliter la mise en place et le fonctionnement de cette instance.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté plusieurs amendements modifiant l’article 3. Deux amendements identiques de Mme Françoise Gatel (Union centriste) et de Mme Cécile Cukierman (Communiste, républicain, citoyen et écologiste) ont été adoptés pour ouvrir la possibilité, à l’alinéa 3 de l’article, de déterminer la composition et le nombre de membres de la conférence régionale de gouvernance par délibération du conseil régional avec avis favorable, dans un délai de six mois, de la majorité des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme et des conseils municipaux des communes n’ayant pas transféré la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

Trois amendements identiques de Mme Françoise Gatel (Union centriste), Mme Nicole Bonnefoy (Socialiste, Écologiste et Républicain) et Mme Laure Darcos (Les Républicains) ont par ailleurs été adoptés à l’alinéa 11 pour prévoir la pleine participation, avec voix délibérative, des représentants des conseils départementaux concernés à la conférence régionale de gouvernance du ZAN.

Par ailleurs, un amendement de M. Max Brisson (Les Républicains) a été adopté, qui ouvre la possibilité de réunir la conférence régionale de gouvernance du ZAN à un niveau départemental pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (alinéa 18 du présent article).

Enfin, un amendement de Mme Daphné Ract-Madoux (Union centriste) a été adopté afin que les conférences régionales de gouvernance du ZAN transmettent au Parlement, au cours du second semestre de l’année 2027, un rapport sur leurs éventuelles propositions de modification du dispositif de réduction de l’artificialisation des sols (alinéa 25).

II.   Les DISPOSITIONS ADOPTÉES par la commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, a adopté plusieurs amendements à l’article 3. Outre des amendements rédactionnels du rapporteur pour avis, la commission a adopté plusieurs amendements modifiant la composition de la conférence régionale de gouvernance du « zéro artificialisation nette », dans sa composition « par défaut » telle qu’elle est prévue par la loi en cas d’absence d’accord au niveau régional.

Elle a ainsi adopté deux amendements CD121 et CD188 de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe NUPES) qui porte de dix à quinze le nombre de représentants des intercommunalités, renforçant ainsi leur part par rapport à celle des communes compétentes en matière de document d’urbanisme, abaissée à sept au sein de la conférence régionale, en partant du principe que la généralisation des PLUi est le meilleur moyen de promouvoir l’enjeu de sobriété foncière. Dans le même esprit, elle a adopté un amendement CD74 de M. David Valence (Renaissance) qui supprime la représentation spécifique des communes couvertes par un document d’urbanisme non compétentes en matière de document d’urbanisme car celles-ci seront représentées à travers les EPCI dont elles sont membres et auxquels elles ont délégué leur compétence en matière de document d’urbanisme, afin d’éviter une double représentation.

La commission a également adopté deux amendements identiques CD39 (Mme Marie Pochon, Écologiste-NUPES) et CD92 (Mme Mathilde Hignet, La France insoumise-NUPES) qui prévoit d’élargir la composition de la conférence régionale à différents acteurs publics et privés compétents sur ce sujet, dont cinq représentants des organismes compétents en matière de gestion ou de protection des espaces naturels, cinq représentants des associations de protection de l’environnement agréées, un représentant de l’agence régionale de santé (ARS) et un représentant des agences de l’eau. La commission a également adopté un amendement CD1 de M. Nicolas Ray (Les Républicains) qui prévoit d’intégrer un député et un sénateur à cette conférence régionale, dans sa composition prévue par défaut par la loi. La commission a par ailleurs adopté deux amendements identiques CD9 de M. Dino Cinieri (Les Républicains) et CD166 de M. Antoine Vermorel‑Marques (Les Républicains) qui incluent six représentants des chambres consulaires dans la conférence régionale ainsi qu’un amendement CD33 de Mme Anaïs Sabatini (Rassemblement National) qui prévoit que la conférence régionale compte obligatoirement au moins un représentant de la chambre d’agriculture.

Enfin, la commission a adopté un amendement CD130 de M. Jean-Félix Acquaviva (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) qui prévoit que, pour la Corse, la chambre des territoires prévue à l’article L. 4421‑3 du code général des collectivités territoriales se substitue à la conférence régionale prévue par le présent article puisqu’elle comprend déjà une représentation de l’ensemble des intercommunalités de l’île.

La commission des affaires économiques a adopté cet article ainsi modifié.

 

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Chapitre II
Accompagner les projets structurants de demain

Article 4
Exclusion du décompte de l’artificialisation pour les projets d’ampleur nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur

  Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 4 prévoit de ne pas comptabiliser, pour l’atteinte des objectifs de réduction territorialisée de l’artificialisation prévus au titre de l’article 194 de la loi Climat et résilience, les projets d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur. L’article arrête la liste des catégories de projets susceptibles d’être considérés tels, tout en laissant le soin au président du conseil régional, sur avis de la conférence des SCoT, d’élaborer la liste des projets concernés dans le périmètre du Sraddet, leur périmètre et leurs composantes.

Le Sénat, sur adoption d’un amendement Socialiste, a autorisé la possibilité d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique de ces projets permettant l’atteinte de l’objectif national prévu à l’article 191 de la loi précitée.

La commission des affaires économiques a modifié l’article afin de préciser la liste des projets susceptibles d’être considérés comme d’envergure nationale ou européenne. Elle a également prévu que ces projets représentent un « forfait national » de 15 000 hectares imputé sur l’enveloppe totale d’artificialisation de 125 000 hectares dont dispose le pays pour la décennie 2021-2031.

I.   la situation actuelle

Les articles 4 et 5 concernent la question spécifique, dans la comptabilisation de l’artificialisation, qui se fait essentiellement à l’échelle communale, intercommunale et régionale, de la prise en compte des projets dont les incidences, les externalités ou les retombées dépassent le périmètre de leur emprise spatiale. En effet, dans la déclinaison territoriale des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, s’est rapidement posée la question de l’imputation de l’artificialisation résultant d’équipements collectifs de grande ampleur. Ces questions ont fait l’objet, dès les débats sur l’article 194, de discussions très substantielles, qui avaient abouti à l’adoption d’une série de précisions concernant :

– les projets « d’intérêt communal ou intercommunal », dont il est précisé que le document d’orientation et d’objectifs du SCoT les prend en compte au moment de décliner les objectifs de réduction de l’artificialisation par secteur géographique (7° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, codifié par le 3° du II de l’article) ;

– les projets « d’envergure nationale ou régionale », pour lesquels il est prévu que leur incidence en matière d’artificialisation peut ne pas être prise en compte au niveau de l’atteinte des objectifs fixés par le SCoT, mais est prise en compte pour l’atteinte des objectifs fixés par le document régional (8° du même article L. 141‑8, voir commentaire de l’article 5 pour davantage d’informations).

Toutefois, ces précisions ont été insuffisantes pour répondre à l’ensemble des problématiques rencontrées. Les travaux de la mission d’application sur la mise en œuvre de la loi ([15]) ont notamment fait état de difficultés considérables dans la prise en compte des projets de très grande ampleur, dont l’envergure menace de priver certaines régions d’une partie conséquente de leur enveloppe d’artificialisation. Ce serait par exemple le cas des projets d’énergie, d’industrie ou de transport dont le rayonnement est essentiellement national et qui justifient par là une prise en compte exclusivement à l’échelle nationale, sans imputation de leur empreinte foncière sur les enveloppes d’artificialisation des territoires concernées, par exemple :

– le projet de canal Seine-Nord Europe, barreau de 107 kilomètres manquant pour le bouclage de la liaison Seine-Escaut, axe prioritaire du corridor « Mer du Nord – Méditerranée » du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) depuis 2007, dont les premiers marchés ont été attribués en juin 2022. Le chantier est projeté pour se terminer en 2030 ;

– les lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, qui participent du corridor « Atlantique » du RTE-T et assurent ainsi un rayonnement régional à l’échelle européenne.

Ces considérations ont amené votre rapporteur à soutenir des évolutions législatives afin de mieux protéger les territoires en permettant une forme de « mutualisation » à l’échelle nationale de l’artificialisation qu’ils induisent, sans aboutir à rehausser le volume national d’artificialisation au-delà de ce que permet l’objectif national fixé à l’article 191 de la loi Climat et résilience. L’article 2 de la proposition de loi n° 854 que votre rapporteur a déposée prévoit ainsi l’imputation à l’échelle nationale des projets d’envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur, à l’exclusion de l’échelle régionale ou territoriale.

Il importe toutefois d’être vigilant sur la justification des projets retenus à ce titre par un intérêt général d’envergure nationale ou européenne, au risque de s’écarter, par la multiplicité des dérogations au titre d’une telle mutualisation, de l’objectif poursuivi. Certaines propositions ont pu viser à y inclure les exploitations économiques, par exemple des usines automobiles ou aérospatiales, d’autres des infrastructures portuaires, des exploitations aériennes, des centrales d’énergie, etc. En outre, si ces dérogations peuvent justifier de ne pas être intégrées dans le décompte des collectivités concernées, la loi doit être adaptée pour que l’artificialisation qu’elles induisent soit imputée au niveau national et que les enveloppes régionales soient réduites d’autant, sous peine, là encore, de fragiliser l’objectif que le législateur s’est donné.

C’est pourquoi la proposition de loi précitée définit un mode de désignation des projets d’intérêt général majeur et d’envergure nationale ou européenne, par décret en Conseil d’État. L’artificialisation des sols ou la consommation des espaces engendrées du fait de ces projets ne seront imputées qu’à l’échelle nationale, et non pas aux décomptes des documents régionaux et locaux dont ils relèvent. À cette fin, il est prévu que l’objectif régional de réduction de l’artificialisation des sols sera diminué, pour chaque région, du ratio résultant de l’application à l’objectif national de réduction de l’artificialisation des sols de la somme des sols artificialisés pour ces projets.

Dès l’examen de la loi Climat et résilience, les débats ont été nombreux sur les mérites respectifs des notions de « mutualisation » et d’« exclusion » de l’artificialisation engendrée par ces grands projets. Au moment de la première élaboration du dispositif, les pressions ont abondé de toutes parts en faveur d’aménagements au régime permettant d’en exempter certains projets : infrastructures, hôpitaux, écoles, bases militaires, logements sociaux, etc. La solution privilégiée a consisté à ne retenir aucune exception au principe du décompte de l’artificialisation, dans la logique de ne pas ouvrir la voie à une éventuelle course aux exceptions ([16]).

C’est pourquoi, en dépit de certains ajouts effectués à l’époque de l’examen de la loi Climat et résilience au Sénat, aucune exception n’a finalement été retenue pour ce qui concerne le décompte de l’artificialisation, principe qui n’a pas été revu dans la législation ultérieure.

À titre transitoire toutefois, dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, a été adoptée en commission mixte paritaire une disposition prévoyant un régime dérogatoire pour les projets de construction d’EPR 2, qui prévoit :

– d’une part, qu’une prochaine loi fixera, avant le 1er janvier 2024, les modalités dérogatoires de la prise en compte au titre des obligations de l’article 191, de l’artificialisation des sols et de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des grands projets d’envergure nationale ;

– d’autre part, que l’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, résultant de la réalisation d’un réacteur électronucléaire, n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs locaux et régionaux de réduction du rythme de l’artificialisation des sols ou de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers intégrés aux documents de planification et d’urbanisme en application de l’article 194.

Il s’agit donc de la définition d’un régime d’exclusion pure et simple de l’artificialisation induite par une centrale nucléaire du décompte local et régional de l’artificialisation, avec la possibilité de prévoir un régime permettant ce décompte au niveau national dans une future loi.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

1.   Le principe de la non-comptabilisation des projets d’ampleur nationale ou européenne au titre des objectifs pris en application de l’article 194

Le texte déposé au Sénat prévoit d’abord le principe selon lequel l’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, résultant de « projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur », n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus par les documents de planification en application de l’article 194 (7° nouveau du III de l’article 194).

2.   Les critères d’appréciation des projets concernés

Pour bénéficier de ces modalités de non-comptabilisation, les projets devront donc répondre à trois critères cumulatifs :

1° être des projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements, ces termes étant précisément définis en droit de l’urbanisme ;

2° être d’ampleur nationale ou européenne ;

3° présenter un intérêt général majeur, ce critère ne se confondant pas avec le précédent comme le rapporteur du Sénat a eu l’occasion de le clarifier ([17]).

Le texte précise ensuite les projets qui peuvent être considérés comme répondant au critère d’ampleur nationale ou européenne (critère 2°). Il s’agit :

– des projets à maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ;

– des projets d’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ;

– des projets d’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens.

3.   La procédure d’identification des projets concernés

Le texte initial prévoit une procédure d’identification de ces projets qui est entièrement à la main des collectivités, sans régime de vérification : les projets retenus sont inscrits par la région au Sraddet, après un avis simple de la conférence des SCoT et de leurs communes et EPCI d’implantation.

Il est prévu, en outre, qu’il peut être recouru à la procédure de la déclaration de projet pour inscrire ces projets dans le Sraddet. Pour rappel, la déclaration de projet est une procédure issue du droit de l’environnement et par la suite transcrite en droit de l’urbanisme ([18]). Elle a pour objet d’ouvrir la faculté aux collectivités, après une enquête publique, de se prononcer sur l’intérêt général d’une opération d’aménagement ou d’un programme de construction qui ne nécessite pas d’expropriation, et de mettre par là en compatibilité, sans passer par une déclaration d’utilité publique, les documents d’urbanisme qui empêcheraient l’opération ou le programme.

4.   Une « comptabilisation séparée » des projets concernés, établie par le Gouvernement

Tout en excluant donc une liste non limitée de projets ainsi recensés de tout décompte local et régional de l’artificialisation au titre de l’article 194, les auteurs de la proposition de loi ont vraisemblablement souhaité éviter tout procès en abandon des objectifs de réduction de l’artificialisation. Ainsi l’exposé des motifs du texte explique-t-il que l’article « prévoit de comptabiliser séparément, au sein d’une " enveloppe nationale ", ces grands projets d’envergure nationale ou européenne, afin que leur impact en termes d’artificialisation ne soit pas imputé à la région qui l’accueille et qu’ils ne se réalisent pas au détriment des autres besoins des collectivités de la région ».

Pour cette raison, le dernier alinéa de l’article 4, dans sa version initiale, prévoit que l’artificialisation résultant de ces projets « fait l’objet d’une comptabilisation séparée », souvent appelé « compté à part », qui relève de l’autorité compétente de l’État, désignée par décret – ceci alors même que l’État n’est nullement associé à la procédure d’identification de ces projets.

Sur ce fondement, il est prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport triennal recensant l’artificialisation engendrée par ces projets, qui ne sont pas le fait de l’État et ne sont pas retenus par lui, et formulant des recommandations pour la réduire.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission spéciale du Sénat a globalement approuvé l’orientation de l’article 4. Plusieurs amendements ont toutefois été adoptés, notamment en ce qui concerne les critères définissant l’envergure nationale ou européenne d’un projet :

– un amendement COM-67 du rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (LR), tend à clarifier la nécessité pour un projet de remplir une condition d’intérêt général majeur en plus de l’appartenance à l’une des trois catégories indiquées pour l’envergure nationale ou européenne, le rapporteur précisant à cette occasion que « la seule maîtrise d’ouvrage déléguée d’État, par exemple, n’est pas nécessairement gage d’intérêt général majeur » ;

– un amendement COM-28 de Mme Frédérique Espagnac (Socialiste, écologiste et républicain) tend à ajouter aux projets considérés comme ayant cette envergure, les projets réalisés dans le cadre d’une concession de service public de l’État, qui, selon l’auteure de l’amendement, « répondent objectivement à un intérêt général majeur d’envergure nationale », en citant notamment le cas des projets nécessaires au développement du réseau de transport d’électricité qui contribuent à la transition énergétique.

Une précision a également été apportée, par un amendement COM-68 du rapporteur, concernant la procédure de désignation des projets, tout en conservant le principe selon lequel ils font l’objet d’une inscription dans le Sraddet, après avis des communes et EPCI concernés, et de la conférence des SCoT. Un délai limite de deux mois est prévu pour que la conférence de gouvernance régionale et les parties prenantes locales rendent leurs avis relatifs à la qualification par la région des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur.

L’adoption d’un amendement COM-69 du rapporteur renforce par ailleurs le suivi de l’artificialisation engendrée par ces grands projets, afin de résorber « une carence préjudiciable à la bonne appréhension du phénomène d’artificialisation » :

– d’une part, il prévoit que sont inscrits au Sraddet précité les projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur dont la réalisation a débuté au cours des dix années précédant la promulgation de la présente loi, et ceux dont la réalisation débutera dans les dix années suivantes ;

– d’autre part, il prévoit que l’action de suivi exercée par l’État compare de la même façon les grands projets d’une tranche décennale à l’autre.

En ce qui concerne l’obligation redditionnelle du Gouvernement, un amendement COM-12 de M. Christian Redon-Sarrazy et du groupe Socialiste, écologiste et républicain prévoit que le rapport précité doit présenter « les actions de réduction du rythme de l’artificialisation que l’État met en œuvre pour respecter la trajectoire susmentionnée », sans spécifier pour autant comment l’État pourrait mettre en œuvre des actions en ce qui concerne des projets qui ne relèvent pas de lui et qui ne sont pas désignés par lui comme des projets d’envergure nationale.

Selon le rapporteur de la commission spéciale, ces informations devraient permettre que « les " grands projets " participent à l’effort de réduction de l’artificialisation, au même titre que les projets de moindre ampleur qui relèvent des enveloppes d’artificialisation des régions ».

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté un certain nombre d’amendements élargissant à nouveau le périmètre des projets considérés comme étant « d’ampleur nationale ou européenne » :

– c’est le cas d’un amendement n° 40 de MM. François Bonhomme (LR) et Pierre-Antoine Levi (UC) et de six amendements identiques, qui ont inclus parmi ces projets, ceux qui « représentent un intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne », visant notamment les objectifs de réindustrialisation dans les secteurs stratégiques et citant le cas des activités du groupe Airbus à Toulouse.

– sont inclus aussi parmi ces projets, pour un amendement n° 28 de M. Jean‑Michel Arnaud et des membres du groupe Union centriste, les infrastructures ou équipements internationaux, là où la version précédente du texte ne prévoyait que ceux interrégionaux, nationaux ou européens ;

– enfin, sont également ajoutés dans cette catégorie, par l’adoption d’amendements n° 52 de M. Étienne Blanc (LR) et identiques, l’ensemble des actions ou opérations d’aménagement réalisées au sein des circonscriptions des grands ports maritimes ou fluvio‑maritimes de l’État dans le cadre des missions propres à ces structures. Pour rappel, ces infrastructures sont créées par décret en Conseil d’État « lorsque l’importance particulière d’un port le justifie au regard des enjeux du développement économique et de l’aménagement du territoire » ([19]).

En outre, élargissant le champ des équipements qui pourraient voir leur artificialisation prise en compte de manière « mutualisée » au titre de l’enveloppe régionale (voir commentaire de l’article 5), le Sénat a adopté un amendement n° 120 de M. Cédric Vial et de ses collègues (LR) qui prévoit que le Sraddet « identifie le périmètre et les différentes composantes de ces projets. Il identifie les conséquences attendues de ces projets sur les infrastructures, équipements et besoins en logement du territoire, dont l’impact en termes d’artificialisation peut faire l’objet d’une prise en compte mutualisée ». Comme l’expliquent les auteurs de l’amendement, il a pour objet de favoriser la prise en compte des « effets collatéraux » des grands projets sur l’enveloppe régionale d’artificialisation.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

1.   Liste des équipements considérés d’envergure nationale ou européenne

Cinq amendements identiques CE447 du rapporteur, CE406 du Gouvernement, CE416 de M. Pascal Lavergne et du groupe Renaissance, CE427 de Mme Marina Ferrari et du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), CE429 de M. Luc Lamirault et du groupe Horizons ont été adoptés.

Il prévoit une réécriture de la liste des catégories d’opérations qui peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, considérées comme des projets d’envergure nationale ou européenne. Celle-ci intégrera :

a) Les travaux ou les opérations qui sont ou peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, déclarés d’utilité publique en application de l’article L. 121‑1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Pour les infrastructures fluviales, sont concernés ces travaux ou ces opérations qui sont réalisés sur le domaine public de l’État ou de ses opérateurs ;

b) Les travaux ou les opérations de construction de ligne ferroviaire à grande vitesse et leurs débranchements ;

c) Les actions ou les opérations d’aménagement réalisées par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État mentionné à l’article L. 5312‑1 du code des transports, ou pour son compte, dans le cadre de ses missions prévues à l’article L. 5312‑2 du même code et qui sont conformes aux orientations prévues dans son projet stratégique pour sa circonscription, ainsi que celles réalisées par le port autonome de Strasbourg ;

d) Les opérations intéressants la défense ou la sécurité nationales ;

e) La réalisation d’opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;

f) Les actions ou les opérations d’aménagement de l’État ou de l’un de ses établissements publics réalisées pour leur compte, le cas échéant par un concessionnaire, dans le périmètre d’une opération d’intérêt national mentionnée à l’article L. 102‑12 du code de l’urbanisme ;

g) Les projets industriels d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ;

h) La réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens de la loi, récemment adoptée, relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Cette catégorie a été ajoutée par l’adoption d’un sous‑amendement CE463 de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - NUPES).

Le texte adopté précise qu’un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme liste les projets qui font l’objet d’une comptabilisation au niveau national, après avis des conseils régionaux et de la conférence mentionnée à l’article 3 du présent texte. 

2.   Mode de calcul et de péréquation

Une seconde série d’amendements identiques CE445 du rapporteur, CE415 de M. Pascal Lavergne et du groupe Renaissance, et CE428 de Mme Marina Ferrari et du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) a apporté des précisions en ce qui concerne les modalités de prise en compte de ces projets.

L’artificialisation engendrée par les grands projets d’envergure nationale ou européenne, définis en application du présent article 4, fait l’objet d’un décompte « mutualisé » et distinct des documents d’urbanisme et de planification. Un tel mécanisme de forfaitisation permet de s’assurer que ces projets, dont l’incidence foncière peut être considérable à l’échelle locale et régionale, ne soient pas imputés uniquement à leur territoire d’accueil, alors même qu’ils bénéficient à l’ensemble du territoire national.

Des estimations produites par le Gouvernement ont permis de prévoir que la totalité des grands projets d’envergure nationale ou européenne représenterait environ 15 000 hectares pour la décennie 2021‑2031. Il est donc prévu qu’un « forfait national » de 15 000 hectares soit retenu et soustrait des 125 000 hectares qui représentent l’objectif national de réduction de moitié de la consommation d’ENAF sur la première période décennale. Le solde, soit 110 000 hectares, fera l’objet d’une répartition assurée en raison de l’application d’un coefficient de péréquation entre les régions au plafond applicable aux régions couvertes par un Sraddet. Ce coefficient sera fixé par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme.

Enfin, un amendement CE417 de Mme Marina Ferrari et du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) a clarifié les dispositions relatives au schéma de cohérence territoriale (SCoT) pour tenir compte du traitement particulier des projets d’envergure nationale, concernant la prise en compte spécifique de la mutualisation des projets d’envergure régionale assurée au niveau des documents de planification régionale. Les projets d’envergure régionale doivent être mutualisés dans le Sraddet ou dans le document qui en tient lieu : à cette seule condition, les projets régionaux pourront ne pas être décomptés dans le SCoT.

 

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Article 5 (supprimé)
Précision concernant la comptabilisation séparée, à l’échelle régionale, des projets d’ampleur régionale, et la place des projets d’intérêt intercommunal

Supprimé par la commission

 

L’article 5 détaille le régime de prise en compte spécifique, au titre de l’artificialisation qu’ils engendrent, pour les projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur régionale. Il complète le droit existant, qui prévoit qu’ils peuvent ne pas être pris en compte pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs du schéma de cohérence territoriale, auquel cas ils font l’objet d’une mutualisation au niveau régional.

Il apporte en outre des précisions sur la prise en compte des projets d’intérêt intercommunal lors de la définition des objectifs de réduction de l’artificialisation dans le plan local d’urbanisme.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de suppression déposé par le Gouvernement.

I.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

Le dispositif de l’article 5 de la proposition de loi complète celui de l’article 4 au sujet des projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements qui dépassent, par leurs retombées, le périmètre de leur seule commune d’implantation. Il aborde d’abord les projets d’ampleur régionale (I de l’article), avant d’apporter des précisions concernant la prise en compte, dans le plan local d’urbanisme, des projets d’intérêt intercommunal (II de l’article).

1.   La possibilité de compter séparément les projets d’ampleur régionale

Au-delà de la seule problématique des projets d’envergure nationale et européenne, il existe également des projets dont l’ampleur, sans atteindre ces dimensions, relève plutôt de la région que de l’intercommunalité ou du bassin de vie : cet article vise à en favoriser la mutualisation au niveau du Sraddet, qui doit permettre de ne pas imputer l’artificialisation qu’ils engendrent sur leur seule commune d’implantation.

Pour résoudre la difficulté, la solution retenue a donc consisté à prendre en compte l’artificialisation résultant de ces grands projets à l’échelle régionale, mais non à l’échelle locale : c’est pourquoi la loi Climat et résilience a prévu l’existence de « projets d’envergure nationale ou régionale dont l’impact en matière d’artificialisation peut ne pas être pris en compte pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs [du SCoT], mais est pris en compte pour l’évaluation de l’atteinte des objectifs [du Sraddet] ». Ainsi, avant même d’être répartie entre les différentes parties du territoire régional, l’enveloppe régionale d’hectares à artificialiser sur la décennie qui vient est diminuée de l’impact artificialisant de l’ensemble des projets d’intérêt régional qui y sont prévus.

Le pouvoir réglementaire a précisé que le fascicule du Sraddet peut énumérer les projets d’envergure régionale ou nationale dont l’empreinte artificialisante est prise en compte à l’échelle régionale et non locale ([20]). Suivant cette logique, ces projets doivent répondre à des besoins et enjeux régionaux ou suprarégionaux, dont l’artificialisation induite sera décomptée au niveau régional, et donc non décomptée directement au niveau des documents d’urbanisme infrarégionaux du territoire dans lequel ils se trouvent, faisant ainsi l’objet d’une forme de « mutualisation » supraterritoriale. Ainsi est-il prévu par le décret que « le fascicule peut comporter une liste des projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics ou d’activités économiques qui sont d’intérêt général majeur et d’envergure nationale ou régionale, pour lesquels la consommation ou l’artificialisation des sols induite est prise en compte dans le plafond déterminé au niveau régional sans être déclinée entre les différentes parties du territoire régional ».

Le présent article vise donc surtout à préciser cette possibilité au niveau législatif, en prévoyant qu’elle n’est applicable que dès lors que les conditions suivantes sont réunies :

– les projets retenus doivent faire l’objet d’une inscription au Sraddet, après avis de la conférence des SCoT et des communes et EPCI concernés. Comme pour les projets d’ampleur nationale ou européenne, il est prévu qu’il peut être recouru à la déclaration de projet pour les inscrire (voir commentaire de l’article 4) ;

– l’artificialisation que ces projets engendrent n’est pas prise en compte pour évaluer l’atteinte des objectifs fixés par le SCoT, mais est prise en compte pour évaluer ceux qui sont fixés par le Sraddet.

Il est également prévu que les communes, les EPCI et les départements peuvent soumettre à la région, en vue de leur qualification comme projet d’envergure régionale, des projets dont l’implantation est envisagée sur leur territoire. Dans ce cas, la région doit se prononcer, par délibération motivée de son organe délibérant, sur les suites données à ces demandes.

2.   La prise en compte des projets d’envergure intercommunale

Dans une optique d’encouragement de la réalisation de projets à l’échelle intercommunale, la loi Climat et résilience avait prévu que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation dans le SCoT tient compte des « projets d’intérêt communal ou intercommunal » (7° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, codifié par le II de l’article 194).

Le présent article entend aller dans la même direction en prévoyant que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’échelle d’un EPCI doit prendre en compte des projets d’envergure intercommunale portés par les communes membres et les identifier, au-delà du SCoT, au sein du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi).

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission a adopté des amendements qui précisent les rédactions proposées sans faire évoluer le fond de l’article :

– un amendement COM-13 de M. Christian Redon-Sarrazy et du groupe SER précise – ce qui était par ailleurs d’ores et déjà prévu au b de l’article – que l’artificialisation engendrée par les projets recensés en application du présent article fait l’objet d’une comptabilisation au niveau régional ;

– des amendements rédactionnels COM-71 et COM-75 du rapporteur visent à harmoniser le vocabulaire utilisé pour désigner les projets dont l’incidence dépasse une seule commune : ainsi le terme d’« ampleur » est préféré à celui d’« envergure » au niveau régional, tandis que celui d’« intérêt » remplace celui d’« envergure » à l’échelle intercommunale.

2.   L’examen en séance publique

Les équilibres de l’article n’ont pas évolué en séance publique.

Le Sénat a adopté, après un double avis favorable, un amendement n° 193 de M. Ronan Dantec (Écologiste – Solidarité et territoires) visant à appliquer les dispositions de l’article aux documents de niveau régional des collectivités qui ne sont pas dotées de Sraddet : le plan d’aménagement et de développement durables de Corse (Padduc), les schémas d’aménagement régionaux (SAR) des régions d’outre-mer et le schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif).

A aussi été adopté un amendement n° 176 de M. Christian Redon-Sarrazy (Socialiste, écologiste et républicain) qui supprime l’avis motivé du conseil régional sur les demandes des communes quant à la qualification d’ampleur régionale d’un de leurs projets. Dans un souci de simplification, la délibération motivée est remplacée par une information des collectivités ayant soumis des projets, des choix retenus et des motivations qui ont conduit à les retenir ou à ne pas les retenir.

II.   les dispositions adoptÉES par la commission

La commission a adopté, après un avis favorable de son rapporteur, un amendement CE329 du Gouvernement, portant suppression de l’article 5. Un projet de décret, mis en consultation la veille, a été préparé par le Gouvernement pour adapter les dispositions réglementaires relatives aux Sraddet, notamment la mutualisation des projets d’envergure régionale.

 

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—  1  —

Chapitre III
Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

Article 6 (supprimé)
Renforcement de la prise en compte des efforts passés de de sobriété foncière

Supprimé par la commission

 

La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.

L’article 6 vise à mieux prendre en compte les efforts passés de réduction de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers avant 2031, ainsi que des efforts de réduction de l’artificialisation à compter de 2031, dans la déclinaison des objectifs de lutte contre l’artificialisation au sein des Sraddet.

Cet article a été supprimé par adoption d’un amendement du Gouvernement par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

I.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Cette trajectoire progressive est à décliner territorialement dans les documents de planification et d’urbanisme.

Afin de prévenir une application uniforme de l’objectif de réduction de l’artificialisation de - 50 % pour la période 2021-2031 qui négligerait de prendre en compte la diversité et les spécificités des territoires, un dispositif de territorialisation a été intégré lors de la navette parlementaire, à l’échelon du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et du schéma de cohérence territoriale. Ainsi, l’article 194 de la loi « Climat et résilience » précise que cet objectif de réduction de l’artificialisation inscrit au Sraddet « est décliné entre les différentes parties du territoire régional ». Cette déclinaison territoriale a ensuite été précisée par voie réglementaire dans le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.

Parmi ces critères, le décret n’inclut pas directement les efforts réalisés par le passé par les collectivités territoriales pour limiter l’artificialisation. Or, une moindre consommation peut témoigner d’une plus grande sobriété foncière passée. Dans le cas d’une commune vertueuse ayant peu artificialisé, une application uniforme de l’objectif de réduction de moitié de l’artificialisation conduirait à contraindre plus fortement des communes ayant déjà réalisé d’importants efforts, qui devraient désormais atteindre dès 2031 la « quasi zéro artificialisation nette ». M. Pascal Delteil, président du SCoT du Bergeracois et animateur de la conférence des SCoT de Nouvelle-Aquitaine, a indiqué au rapporteur pour avis que son SCoT avait déjà fixé un objectif de diminution de l’artificialisation du foncier de 50 % en 2014, auquel est venu s’ajouter l’objectif de réduire de 50 % cette trajectoire avec la loi « Climat et résilience ». Cet exemple démontre, s’il en était besoin, la nécessité de prendre en compte les efforts passés dans le cadre de la territorialisation de l’objectif de ZAN. Par ailleurs, les communes rurales et peu denses disposent par nature d’une moindre surface déjà artificialisée : le recyclage foncier y est donc plus difficile et une plus grande proportion des constructions y résulte forcément de l’artificialisation. Le Sénat a ainsi fait état de sa volonté d’éviter la « muséification » des zones rurales cumulant déjà plusieurs contraintes.

Le présent article prévoit donc de compléter l’article L. 4251‑1 du code général des collectivités territoriales afin de tenir compte des efforts de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisés par les collectivités compétentes en matière d’urbanisme au cours des vingt dernières années et traduits au sein de leurs documents d’urbanisme. À compter de 2031 et pour chaque tranche de dix années, il est également tenu compte de l’effort de réduction de l’artificialisation constaté au cours de la tranche des dix années précédentes. Concrètement, cela implique que lors de la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation pour 2021-2031, les Sraddet devront prendre en compte les efforts de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur la période 2001-2021. Lors de la déclinaison des objectifs à compter de 2031, ils devront prendre en compte les efforts de réduction de l’artificialisation réalisés lors de la décennie précédente.

Il convient cependant de souligner que les efforts passés des collectivités sont déjà pris en compte dans les SCoT. L’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, tel que modifié par l’article 194 de la loi « Climat et résilience », a en effet prévu sept critères de territorialisation dont doivent tenir compte les schémas de cohérence territoriale dans la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation. Le cinquième critère porte précisément sur les « efforts de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisés par les collectivités compétentes en matière d’urbanisme au cours des vingt dernières années et traduits au sein de leurs documents d’urbanisme ».

Cependant, il n’existe pas de dispositif similaire parmi les critères de territorialisation inscrits à l’article R. 4251-3 du code général des collectivités territoriales relatif à la déclinaison des objectifs de lutte contre l’artificialisation par les Sraddet. Le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires qui définit ces critères indique néanmoins, dans sa notice, que le Sraddet prévoit « de fixer les modalités de la déclinaison infrarégionale des objectifs, prenant en compte les efforts de réduction du rythme d’artificialisation des sols déjà réalisés au niveau infrarégional ». Cependant, à l’inverse du dispositif en vigueur pour les SCoT, les efforts de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers entrepris pendant la période 2001-2021 ne sont pas explicitement pris en compte dans la déclinaison territoriale des objectifs de lutte contre l’artificialisation. L’article 6 de la proposition de loi propose donc de mettre au même niveau les Sraddet et les SCoT au regard de la prise en compte des efforts passés en matière d’artificialisation.

Le présent article soulève toutefois plusieurs difficultés. La première réside dans le fait que remonter jusqu’à vingt années pour prendre en compte les efforts passés constitue un véritable défi en matière d’accès aux données. Interrogé par le rapporteur pour avis, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) estime que ces données n’existent pas sous une forme fiable à si longue échéance. En effet, l’État ne dispose pas de données fiables ou formalisées sur la surface urbanisée de chaque commune française, raison pour laquelle cette donnée n’est pas incluse dans la base de données publique de l’Observatoire de l’artificialisation. Par ailleurs, la définition des critères de prise en compte des efforts passés revêt aussi une importance majeure. Passer par la voie législative pour prévoir cette prise en compte risquerait ainsi, selon l’AMF, de poser deux difficultés a priori contradictoires : d’une part, le risque serait de figer des principes dont l’application est très complexe et nécessite de la souplesse ; d’autre part, la loi ne peut probablement pas aller dans un niveau de détail suffisant pour fixer ces critères. À cet égard, une modification directe du décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols pourrait présenter l’avantage d’une certaine souplesse dans la définition des critères et des objectifs, sans contraindre excessivement les autorités en charge de l’élaboration du Sraddet.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission a adopté un amendement du rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (Les Républicains), qui supprime l’alignement des critères de territorialisation dont doivent tenir compte les Sraddet sur ceux applicables aux SCoT, mais qui renforce la prise en compte des efforts passés, afin de la rendre totale, avant et après 2031, et identique entre Sraddet et SCoT. Cet amendement vise à garantir la prise en compte équivalente, par les SCoT et les Sraddet, des efforts déjà réalisés par les collectivités, dans le cadre de la déclinaison territoriale des objectifs du « ZAN ».

2.   L’examen en séance publique

Le Sénat a adopté en séance l’article dans sa rédaction issue des travaux de la commission.

II.   Les DISPOSITIONS ADOPTÉES par la commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement CD126 du Gouvernement qui supprime l’article 6. En effet, l’article 6 porte sur la prise en compte des efforts passés des collectivités en matière de réduction de l’artificialisation pour fixer les objectifs des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et des schémas de cohérence territoriale (SCoT). Dans le prolongement des travaux conduits ces derniers mois avec les deux chambres du Parlement et les associations d’élus, un projet de décret a été préparé par le Gouvernement et soumis à consultation publique le 13 juin 2023 pour adapter les dispositions réglementaires relatives aux Sraddet et aux SCoT, notamment pour renforcer les critères de territorialisation. Les efforts passés, sur les dix ans précédant la tranche en cours, voire sur les vingt années antérieures lorsque les données sont disponibles, feront partie des critères mentionnés dans ce projet de décret. Le recours à la voie réglementaire permettra ainsi d’affiner les critères de prise en compte des efforts passés en matière de sobriété foncière et de les adapter en fonction des spécificités territoriales avec plus de souplesse.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article, conformément au vote de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 

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Article 7
Enveloppe minimale d’artificialisation d’un hectare garantie à chaque commune dans le cadre de la première période décennale

  Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 7 instaure une « surface minimale de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers » d’un hectare, garantie à chaque commune dans le cadre de la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation de la première période décennale (2021-2031).

La commission des affaires économiques a modifié les conditions d’éligiblité à cette « garantie rurale », en précisant que seules peuvent en bénéficier les communes peu denses et très peu denses dotées d’un document d’urbanisme avant le 22 août 2026.

I.   le dispositif proposÉ

Cet article important vient répondre à l’inquiétude, souvent ressentie à l’échelle locale, selon laquelle, du fait de leur trajectoire urbanistique passée, les communes historiquement sobres en foncier, notamment certaines communes rurales, pourraient se trouver, du fait de l’application des règles prévues à l’article 194 de la loi Climat et résilience, avec des « enveloppes » d’artificialisation réduites et insuffisantes pour assurer leur développement futur.

Votre rapporteur considère que cette appréhension légitime, souvent résumée par l’expression « 50 % de zéro égale zéro », doit être entendue et que le législateur doit établir de la sérénité dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation, ce qui justifie la mise en place d’une forme de « garantie rurale ».

Le législateur avait prévu, dès la loi Climat et résilience, plusieurs mesures visant à s’assurer que les communes ne seraient pénalisées pour leur sobriété passée :

– au niveau du Sraddet, « afin de tenir compte des périmètres des schémas de cohérence territoriale existant sur leur territoire et de la réduction du rythme d’artificialisation des sols déjà réalisée, l’autorité compétente associe les établissements publics mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme à la fixation et à la déclinaison des objectifs » (4° du III de l’article 194) ;

– la répartition opérée dans le SCoT doit tenir compte des « efforts de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisés par les collectivités compétentes en matière d’urbanisme au cours des vingt dernières années » (5° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme, codifié par le II de l’article 194).

Toutefois, ces mesures sont manifestement d’une précision insuffisante pour rassurer l’ensemble des communes concernées, et doivent donc être davantage clarifiées.

A.   le texte initial

L’article 7 entend protéger les communes rurales et dispose à cet effet, sur le modèle de ce que la loi Climat et résilience avait prévu pour le SCoT, que, dans le Sraddet, « la déclinaison [régionale des objectifs de réduction de l’artificialisation] tient également compte de la diversité des territoires urbains et ruraux, des stratégies et des besoins liés au développement rural ainsi qu’à la revitalisation des zones rurales et des communes rurales ».

De manière plus précise, l’état initial de l’article 7 prévoyait aussi un dispositif à deux étages de définition d’une enveloppe d’artificialisation minimale par commune, dans lequel :

– dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT, est défini une « surface minimale de développement communal », qui ne peut être inférieure à un hectare (nouvel article L. 141-8-1 du code de l’urbanisme). De ce fait, la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation par secteur géographique qui doit être faite dans le SCoT ne peut conduire une commune à devoir réduire son artificialisation en‑deçà de cette surface ;

– en l’absence de SCoT ou lorsque le SCoT ne définit pas une telle surface, le Sraddet la définit, dans la même limite inférieure d’un hectare (deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales).

Il est important de noter que toutes les communes, quel que soit leur statut d’urbanisme, sont concernées par le présent dispositif, et que des dispositions de coordination prévoient qu’aussi bien les plans locaux d’urbanisme que les cartes communales devront respecter cette garantie.

Il est prévu aussi que, au sein de la conférence régionale des SCoT, avant le 22 août 2026, soit établi « un bilan de l’application de la ou des surfaces minimales de développement communal », lors duquel « des pistes d’évolution de cette ou de ces surfaces peuvent être formulées ».

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article (COM-77), déposé par son rapporteur M. Jean-Baptiste Blanc (LR), avec pour objectif la simplification de ses dispositions :

– en premier lieu, l’obligation faite aux Sraddet et aux SCoT de fixer une surface minimale territorialisée, pouvant être supérieure à un hectare, est supprimée, au profit d’un dispositif simplifié, qui inscrit directement dans la loi la garantie d’un hectare par commune proposée par le texte ;

– en deuxième lieu, la rédaction précise que la surface minimale de développement communal n’est ni une autorisation aveugle d’artificialiser un hectare au mépris des règles d’urbanisme, puisque celles-ci devront bien être respectées, par exemple en ce qui concerne les règles applicables aux zones agricoles et naturelles, ni une obligation de consommer un hectare au cours de la période décennale, une commune pouvant choisir de ne pas consommer son enveloppe minimale si aucun projet ne le justifie, ni une dérogation aux règles de réduction de l’artificialisation, puisque cette garantie sera bien comptabilisée au sein des enveloppes régionales et locales ;

– en outre, la rédaction clarifie utilement que cette garantie n’est égale à un hectare que pour la première période décennale (2021-2031) : à l’issue de celle-ci, une surface minimale plus réduite pourra être fixée pour les périodes ultérieures, dans la logique de la réduction tendancielle de l’artificialisation nette des sols qui est celle des article 191 et 192 de la loi Climat et résilience. À cette fin, l’amendement précise la disposition prévoyant qu’un bilan de l’application de la surface minimale soit conduit au sein de la conférence régionale de gouvernance. Ce bilan devra notamment permettre d’examiner si les enveloppes minimales d’un hectare ont effectivement été consommées, et de formuler des propositions d’évolution de la surface minimale au cours des périodes décennales suivantes.

2.   L’examen en séance publique

Outre des modifications rédactionnelles, le Sénat n’a adopté qu’un seul amendement de fond, le n° 80, qui entend, selon ses auteurs M. Cédric Vial (LR) et ses collègues, « éviter que la législation vienne ralentir le dynamisme de création des communes nouvelles ».

En effet, les auteurs estiment que, si la mise en mise en place d’une surface minimale de développement communal d’un hectare est une garantie utile pour les petites communes, toutefois, en cas de fusion dans le cadre de la création d’une commune nouvelle, ces petites communes perdront leur garantie d’un hectare, puisque cette garantie bénéficiera à la nouvelle commune fusionnée et non aux anciennes communes.

Pour cette raison, une majoration est proposée, à hauteur de 0,5 hectare par commune déléguée au sein d’une commune nouvelle issue d’une fusion, tout en plafonnant cette majoration à 2 hectares. Cette mesure s’applique pour toutes les communes nouvelles dont l’arrêté de création aurait été pris à partir du 1er janvier 2011 (et non uniquement aux communes nouvelles créées à partir de la promulgation de la loi).

II.   les dispositions adoptÉES par la commission

La commission a souhaité clarifier les conditions à respecter afin de pouvoir bénéficier de la « garantie rurale ». Ainsi, elle a adopté un amendement CE436 du rapporteur, déposé à l’identique par Mme Lisa Belluco et le groupe Écologiste – NUPES (CE425) et sous-amendé par M. Pascal Lavergne et le groupe Renaissance (CE491).

Cet amendement prévoit que ne sont éligibles que les communes qui remplissent deux conditions cumulatives :

– être classées peu denses ou très peu denses au sens de la grille de densité établie par l’Insee ;

– avoir prescrit, arrêté ou approuvé, avant le 22 août 2026, un PLU(i) ou une carte communale.

Un amendement CE257 de M. Mickaël Cosson et du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) a précisé qu’à la demande des maires, les communes disposant de cette surface minimale de développement communal peuvent choisir de les mutualiser entre elles ou à l’échelle intercommunale.

 

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Article 8 (supprimé)
Instauration d’une part réservée au développement territorial

Supprimé par la commission

 

La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.

Cet article vise à instaurer, aux niveaux de la région, du schéma de cohérence territoriale et de l’intercommunalité, une « part réservée au développement territorial ». Cette mise en réserve d’une partie de l’enveloppe affectée à chaque niveau de la déclinaison territoriale des objectifs de réduction de l’artificialisation permettrait d’autoriser, en cours de période décennale, des projets non anticipés et d’abonder l’enveloppe propre de communes ou d’EPCI pour leur permettre d’accueillir des projets d’intérêt pour le développement territorial.

Cet article a été supprimé par adoption d’un amendement du Gouvernement par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

I.   Le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

La fixation d’objectifs quantitatifs de réduction de l’artificialisation, applicables par période décennale, au sein de chaque document régional et de chaque document d’urbanisme local implique un travail important de planification et d’anticipation des besoins des collectivités territoriales. Le dispositif « en cascade » prévu par la loi est à ce titre contraignant car il impose de réviser l’ensemble des documents d’urbanisme de niveau régional, territorial et local afin d’adapter la répartition des objectifs quantitatifs initialement prévue. Or, les procédures d’évolution des documents d’urbanisme sont lourdes, tant en termes de délais que de coûts.

Les documents de planification de l’échelon régional sont d’abord tenus d’être modifiés d’ici le 22 février 2024, et devront intégrer un objectif de réduction de l’artificialisation au moins égal à 50 % par rapport à celle observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi « Climat et résilience ». Par le biais du rapport de compatibilité qui soumet les schémas de cohérence territoriale élaborés à l’échelon intercommunal aux Sraddet, les SCoT devront à leur tour fixer des objectifs de réduction de l’artificialisation dans leur périmètre, cohérents avec les objectifs régionaux d’ici 2026. Enfin, de la même manière, les documents communaux et intercommunaux (plans locaux d’urbanisme et cartes communales) devront intégrer des objectifs compatibles avec ceux inscrits dans le SCoT au plus tard en 2027.

La trajectoire de réduction qui sera établie d’ici 2027 contraindra donc les possibilités de construction et d’aménagement jusqu’en 2031, pour ce qui concerne la première tranche décennale de réduction de 50 % prévue par la loi « Climat et résilience ». Pour les tranches suivantes, il faudra là aussi prévoir, jusqu’à dix ans à l’avance, les projets envisagés et déterminer en conséquence la répartition de l’effort régional ou territorial ainsi que les objectifs applicables à chaque commune ou établissement public de coopération intercommunale. Le Sénat a estimé que cette rigidité à long terme faisait porter un risque significatif sur les projets locaux d’intérêt communal et intercommunal, qui peuvent plus difficilement être anticipés et ne bénéficieront pas toujours d’une pleine reconnaissance au sein des SCoT et des Sraddet. De plus, entre 2011 et 2021, 9 811 communes françaises ont consommé moins de 1 hectare, dont 993 n’ayant pas artificialisé du tout. La trajectoire de réduction prévue leur laisserait donc peu de marges de manœuvre pour accueillir de nouveaux projets d’équipements publics ou de développement économique, même dans le cas où ceux-ci présenteraient un intérêt réel pour le territoire.

Le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 a cependant organisé une possibilité de mutualisation de la consommation d’espaces ou de l’artificialisation résultant de projets dits d’envergure nationale ou régionale. En outre, ce même décret prévoit des critères de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation. L’article 3 du décret modifie ainsi l’article R. 4251-3 du code général des collectivités territoriales en intégrant quatre critères de territorialisation :

1° Les enjeux de préservation, de valorisation, de remise en bon état et de restauration des espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que des continuités écologiques ;

2° Le potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà artificialisés, en particulier par l’optimisation de la densité, le renouvellement urbain et la réhabilitation des friches ;

3° L’équilibre du territoire, en tenant compte des pôles urbains, du maillage des infrastructures et des enjeux de désenclavement rural ;

4° Les dynamiques démographiques et économiques prévisibles au vu notamment des données disponibles et des besoins identifiés sur les territoires.

Le présent article propose de réserver, à chaque étape de déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation, une part de l’enveloppe globale au profit de projets d’intérêt pour le développement territorial. Cette réserve serait dénommée « part réservée au développement territorial ». Cette part réservée serait ajoutée à la liste des critères de territorialisation définie à l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme. Par ailleurs, un nouvel article L. 141-8-1 serait ajouté au code de l’urbanisme afin de préciser que le document d’orientation et d’objectifs des SCoT définit une part réservée au développement territorial pour chaque tranche de dix années prévue dans le cadre de la réduction de l’artificialisation. L’article 8 compléterait ainsi le dispositif prévu à l’article 7 de la présente proposition de loi qui garantit déjà une surface minimale de développement communal à hauteur d’un hectare.

Dans le cas de l’article 8, la part réservée au développement territorial serait décidée par l’échelon correspondant, c’est-à-dire par délibération de l’organe délibérant de l’EPCI, de l’établissement chargé du SCoT ou de la région, selon les cas. Pour les communes qui se situent en dehors des territoires dotés de SCoT et de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), le Sraddet serait le cadre désigné pour fixer le dispositif de part réservée, ce qui reviendrait à donner aux régions une responsabilité dans le développement communal dont l’association Régions de France a indiqué au rapporteur pour avis qu’elle n’était pas demandeuse. Dans tous les cas, la délibération serait tenue à une obligation de justification des projets retenus, au regard de leur intérêt pour le développement local. L’incompatibilité d’un projet avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation de la commune devra aussi être démontrée, afin d’assurer le bon ciblage de la part réservée. Cette part réservée est prélevée sur l’enveloppe d’artificialisation permise par le Sraddet, le SCoT ou le PLUi : elle ne vient pas s’y ajouter et ne constitue donc pas une dérogation à la comptabilisation de l’artificialisation.

La catégorie de « projet d’intérêt pour le développement territorial » créée par l’article 8 n’existe pas en droit positif et les critères pour la définir apparaissent trop flous selon votre rapporteur pour avis. L’AMF et d’autres représentants de collectivités locales ont en outre indiqué au rapporteur pour avis que le recours à la voie réglementaire permettrait plus de flexibilité si des ajustements se révélaient nécessaires au regard de l’application complexe et nécessairement différenciée des dispositions relatives à l’objectif de ZAN. Selon la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), l’addition des dispositions de l’article 7 et de l’article 8 pourrait représenter un risque réel pour l’atteinte de l’objectif de réduction de l’artificialisation, en multipliant les cas d’exemption. Les projets visés par le présent article pourraient en effet intégrer la part d’artificialisation minimale prévue dans le cadre de l’article 7. Toutefois, le rapporteur pour avis pense qu’il serait utile de réfléchir à mentionner explicitement dans le décret relatif aux Sraddet, en cours de réforme, la création d’une réserve territoriale au profit des EPCI disposant d’un PLUi.

B.   les modifications aDOPtÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

La commission a adopté trois amendements de clarification.

Un premier amendement, présenté par M. Cédric Vial (Les Républicains), a conduit à supprimer la possibilité d’instaurer une part réservée à l’échelon intercommunal (onzième alinéa). La juxtaposition des parts réservées intercommunales et territoriales est en effet source de complexité et susceptible de constituer un doublon.

Sur proposition du rapporteur, la commission a également adopté un amendement COM-78 précisant, au dixième alinéa du présent article, que la part réservée au développement territorial n’emporte aucune dérogation à la comptabilisation de l’artificialisation des sols : elle sera bien prélevée, selon les cas, sur l’enveloppe régionale ou celle du SCoT, sans y ajouter de droits supplémentaires.

Enfin, à l’initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement  renforçant, au huitième alinéa du présent article, les exigences de justification de la qualification des projets d’intérêt pour le développement territorial et visant à s’assurer qu’un projet éligible à la part réservée ne pourrait pas être réalisé dans les espaces déjà urbanisés de la commune d’accueil.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements de coordination juridique présentés par le rapporteur.

II.   Les DISPOSITIONS ADOPTÉES par la commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement CD127 du Gouvernement qui supprime l’article 8. En effet, l’article 8 de la proposition de la loi permet la création de « réserves pour le développement territorial » dans les SCoT (ou à défaut de SCoT, dans les Sraddet) pour les projets d’intérêt « supracommunal ». Les textes en vigueur n’interdisent pas la constitution de telles « réserves de développement territorial ». Cet article ajoute donc de la complexité. En outre, ce type de projets pourra reposer sur la mutualisation de la surface minimale de développement communal prévue par l’article 7. Le recours à la voie réglementaire permettra ainsi d’affiner les critères de prise en compte et de les adapter en fonction des spécificités territoriales avec plus de souplesse.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article, conformément au vote de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

 

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Article 9 (supprimé)
Modification de la nomenclature des surfaces artificialisées et institution de périmètres emportant franchise de décompte de l’artificialisation

Supprimé par la commission

 

L’article 9 modifie la nomenclature des surfaces artificialisées établie par la loi Climat et résilience afin que les parcs et jardins soient systématiquement comptabilisés comme des surfaces non artificialisées. En outre, il crée un dispositif de « périmètres de densificatione et de recyclage foncier » qui permet aux collectivités, au sein de périmètres qu’ils délimitent dans leur aire urbaine, de ne pas comptabiliser l’artificialisation engendrée par un projet de construction.

La commission des affaires économiques a supprimé l’article.

I.   L’État du droit

L’article 192 de la loi Climat et résilience a intégré dans les principes généraux du droit de l’urbanisme, qui encadrent l’action de toutes les collectivités publiques dans ce domaine, un objectif général de réduction de l’artificialisation des sols. À cette fin, l’artificialisation est définie par référence à l’altération pérenne des qualités d’un sol : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

Est dès lors établi le principe d’une distinction entre le sol artificialisé et le sol non artificialisé, qui doit permettre leur décompte respectif et ainsi un suivi périodique chiffré des dynamiques d’artificialisation en vérifiant les flux de passage d’une catégorie à l’autre, le bilan surfacique, qui peut par exemple se faire lors de la réalisation du rapport triennal sur l’artificialisation ([21]).

 

 

 

 

COMPARAISON DES TYPOLOGIES de sols artificialisÉs et de sols
non artificialisÉs PRÉVUES PAR LA LOI ET LE DÉCRET

LÉGISLATEUR
ARTICLE L. 101-2-1 DU CODE DE L’URBANISME

POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

ANNEXE À L’ARTICLE R. 101-1 DU
CODE DE L’URBANISME

SURFACES ARTIFICIALISÉES

Surfaces imperméabilisées

– en raison du bâti

1° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations)

– en raison d’un revêtement

2° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles)

Surfaces stabilisées et compactées

3° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux

Surfaces constituées de matériaux composites

4° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux)

 

5° Surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon

SURFACES NON ARTIFICIALISÉES

Surfaces naturelles

– nues

6° Surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d’activités extractives de matériaux en exploitation), soit couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace

– couvertes d’eau

Surfaces végétalisées

– constituant un habitat naturel

7° Surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées (agriculture, sylviculture) ou en eau (pêche, aquaculture, saliculture)

– utilisées à usage de culture

8° Surfaces naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel, qui n’entrent pas dans les catégories 5°, 6° et 7°

Source : commission des affaires économiques, rapport d’information n° 749 sur la mise en application de la loi n° 20211104, 18 janvier 2023, déposé par Mmes Florence Goulet et Sandra Marsaud.

L’article 192 esquisse donc à cet effet une nomenclature des sols considérés comme artificialisés et non artificialisés mais ajoute qu’elle doit être précisée par décret, en sachant que cette nomenclature ne trouvera pas à s’appliquer pour la première période décennale (2021-2031) : pendant cette période transitoire, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Le décret en Conseil d’État prévu, publié en avril 2022, a précisé notamment, en matière de nomenclature des sols, que :

– le solde est réalisé entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces désartificialisées sur le périmètre du document de planification ou d’urbanisme, et sur une période donnée. Afin de mesurer ce solde, toutes les surfaces couvertes par ces documents sont qualifiées comme artificialisées ou non artificialisées selon les huit catégories d’une nomenclature annexée, établie au regard de la distinction opérée par la loi ;

– ces surfaces sont appréciées compte tenu de l’occupation des sols observée, qui résulte du croisement de la couverture et de l’usage ([22]). Cette précision est fournie par la note de présentation du projet de décret, qui indique aussi que le classement est effectué « selon l’occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme ».

La catégorie mentionnée au 5° du tableau ci-dessus, ajoutée par le pouvoir réglementaire, concerne les surfaces « dont les sols sont couverts par une végétation herbacée [non boisée] » et définies par leur usage résidentiel, productif ou infrastructurel. Cette catégorie recouvre donc les jardins résidentiels, qui doivent donc être considérés comme des espaces artificialisés. Elle pourrait aussi, toutefois, être comprise comme concernant les parcs non boisés attenants au bâti, comme par exemple des jardins publics à faible couverture boisée.

Cette précision, qui vise à permettre les démarches de construction de la ville sur la ville et de densification urbaine en ne les comptabilisant pas comme des démarches artificialisantes, a suscité des réactions contrastées. La volonté de favoriser a densification a été comprise : en effet, si les jardins sont d’ores et déjà considérés comme artificialisés, la construction sur ces parcelles ne suscitera pas des flux supplémentaires du non-artificialisé vers l’artificialisé, et ne pèsera donc pas sur le bilan surfacique de la collectivité. Mais le choix inverse pourrait aussi bien se justifier, au profit d’une meilleure préservation de la nature en ville.

 

 

II.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

Le texte se propose, dans l’exposé des motifs de ses auteurs, de « concilier l’objectif de préservation de la nature en ville et du cadre de vie avec l’objectif de densification du tissu urbain existant et de recyclage foncier, sans lequel la " zéro artificialisation nette " ne pourra être atteinte ».

1.   Le classement des jardins résidentiels en surfaces non artificialisées

Il entend donc, d’une part, régler le différend de la classification des jardins résidentiels en prévoyant à l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme qu’est considérée « non artificialisée une surface à usage résidentiel, de loisirs, ou de production secondaire ou tertiaire, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée » [I de l’article 8].

Cette rédaction assimile donc les pelouses des espaces résidentiels, industriels et tertiaires, qui font l’objet d’un classement spécifique dans la nomenclature adoptée par décret, aux « surfaces végétalisées constituant un habitat naturel » qui sont d’ores et déjà considérées comme non artificialisées. La rédaction proposée par le Sénat revient à proposer que toutes les pelouses, quelles que soient leurs qualités écologiques, soient considérées comme des espaces non artificialisés, dans ce que le Réseau Action Climat appelle « un objectif affiché de préserver ces espaces de la construction, alors que des outils urbanistiques existent déjà pour limiter les risques d’emprise bâtie maximale sur les parcs et jardins (les zonages du PLU, les obligations réelles environnementales, etc. » ([23]).

2.   La création de périmètres en franchise de décompte d’artificialisation

D’autre part, en regard de cette disposition qui emporterait, si elle n’était compensée, le désavantage de rendre plus difficile toute construction en dent creuse ou autre démarche de densification, le texte introduit un nouveau dispositif qui entend faciliter ces initiatives. Il crée à cet effet la faculté, pour l’autorité compétente en matière de document d’urbanisme, de délimiter en son sein des « périmètres de densification et de recyclage foncier ».

Au sein de ces périmètres, qui pourraient être délimités et révisés par modification simplifiée, il est tout simplement prévu que « les aménagements, les constructions, les installations ou les travaux ayant pour effet de transformer des surfaces non artificialisées en surfaces artificialisées ne sont pas pris en compte pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols » [nouvel article L. 101-2-2 du code de l’urbanisme, prévu au II de l’article 8].

Dans les communes dotées d’un PLU ou d’une carte communale, cette faculté concernerait les zones U ou les secteurs constructibles, les secteurs de taille et capacité d’accueil limitée (Stecal), et les friches. Pour les communes soumises à la loi « Littoral », elle pourrait concerner les secteurs déjà urbanisés (SDU), les hameaux et les groupes d’habitations nouveaux intégrés à l’environnement.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission spéciale a adopté deux modifications sur proposition de son rapporteur M. Jean-Baptiste Blanc (LR).

En premier lieu, un amendement COM-81 prévoit que les parcelles polluées doivent être considérées comme artificialisées, afin, selon son auteur, « de créer une incitation à y conduire des opérations de dépollution permettant de les réutiliser pour des projets nouveaux de construction ou d’aménagement ou à les renaturer, permettant d’améliorer le solde net d’artificialisation de la collectivité ». L’exposé sommaire de l’amendement souligne que les terrains dont l’état de pollution les rend incompatibles avec les usages résidentiels, récréatifs ou agricoles constituent de fait des zones artificialisées, au sens où l’altération de la qualité de leurs sols a amoindri leurs fonctions écologiques et réduit la biodiversité qu’ils accueillent. Ce dernier point est sujet à débat, puisque certaines friches laissées à l’abandon et à une renaturation spontanée accueillent une riche biodiversité.

En second lieu, un amendement COM-80 exclut les surfaces à usage de production secondaire et tertiaire de la liste des surfaces considérées comme non artificialisées dès lors que leur sol est couvert par une végétation herbacée. L’exposé sommaire explique en effet qu’en l’état de la rédaction, « l’extension d’une usine ou d’un entrepôt sur la parcelle existante, en densification, serait considérée comme artificialisante, si ces espaces ont été laissés enherbés ». Une telle situation serait contraire aux objectifs de réindustrialisation et de relocalisation de productions stratégiques dont se réclame l’auteur de l’amendement, pouvant « nuire à l’objectif de densification industrielle et économique, voire encourager les entreprises à imperméabiliser au préalable les parcelles en anticipation de besoins d’extension futurs, générant des effets négatifs notamment sur la biodiversité et le cycle de l’eau qui pourraient être évités ».

Cette évolution a pour effet de rapprocher le texte de la situation qui prévaut actuellement du fait de l’écriture réglementaire en vigueur.

Le même amendement inclut à l’inverse, dans la catégorie des surfaces non artificialisées, les surfaces à couverture herbacée affectées à des infrastructures de transport, par exemple les talus ou les dépendances vertes. Selon l’auteur de l’amendement, une telle évolution reflète « le fait qu’une grande partie de l’emprise totale de ces infrastructures peut consister en des talus ou étendues herbacées ».

2.   L’examen en séance publique

Le Sénat a adopté une série d’amendements portant des modifications à la manière dont sont considérés certaines parcelles :

– un amendement n° 75 du président Jean-François Longeot et des membres du groupe Union centriste prévoit que les friches sont considérées comme artificialisées. Les friches ont été définies à l’article 222 de la même loi Climat et résilience comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables » ;

– des amendements n° 29 de M. Bernard Delcros et des membres du groupe Union centriste, n° 66 de M. Jean-Claude Anglars et des membres du groupe LR, et n° 175 de Mme Angèle Préville et des membres du groupe SER, prévoient que toute surface « occupée par des constructions, installations et aménagements nécessaires à l’exploitation agricole » est considérée comme non artificialisée. Cet amendement vise à donc explicitement exclure les bâtiments agricoles et leurs abords des surfaces artificialisées, afin, selon leurs auteurs, d’« éviter des situations locales particulièrement préjudiciables aux territoires ruraux, à l’avenir de l’agriculture et à la souveraineté alimentaire française ». Il est argumenté que l’installation de jeunes agriculteurs en serait facilitée afin de pouvoir agrandir ou moderniser leurs exploitations ;

– un autre amendement n° 226 de M. Bernard Delcros et des membres du groupe Union centriste ajoute que toute surface à usage agricole dont les sols sont couverts par une végétation herbacée doit être considérée comme non artificialisée.

Les exploitations agricoles bénéficient d’ores et déjà de dispositions dérogatoires fortement avantageuses par rapport au droit commun. En effet, les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, ainsi qu’au stockage et à l’entretien du matériel sont autorisées en dehors des espaces urbanisés de la commune, que ce soit dans une commune couverte par un PLU ou une carte communale ou dans une commune au règlement national d’urbanisme.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

Six amendements de suppression de l’article 9 ont été déposés par le rapporteur (CE440), le Gouvernement (CE330), M. Guy Bricout (Liot), Mme Mathilde Hignet et le groupe La France insoumise - NUPES (CE168), Mme Lisa Belluco et le groupe Écologiste - NUPES (CE333) et M. Pascal Lavergne et le groupe Renaissance (CE412), et l’article a donc été supprimé.

La commission a notamment considéré qu’en présumant, en toute circonstance, du caractère non artificialisé de pelouses résidentielles et tertiaires, dont les fonctionnalités écologiques sont souvent nettement diminuées, les dispositions de cet article inhiberaient les démarches de densification urbaine et encourageraient le lotissement en étalement, ce qui n’est pas la logique souhaitée par les députés. De la même façon, les exclusions a priori du décompte de l’artificialisation pour certaines catégories d’équipements, à l’instar des bâtiments agricoles, sans que de telles exclusions ne soient fondées au regard de l’altération des sols observées, n’a pas convaincu les membres de la commission.

La commission a également considéré qu’en créant le dispositif de « périmètres de densification et de recyclage foncier », le Sénat a octroyé aux collectivités la faculté de sortir des zones entières du décompte de l’artificialisation, consacrant de ce fait un droit discrétionnaire à la dérogation aux objectifs environnementaux fixés par la loi Climat et résilience. La commission n’a pas partagé cette intention.

 

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Article 10
Prise en compte des spécificités des communes littorales soumises
à l’érosion côtière dans les documents d’urbanisme

  Adopté par la commission avec modifications

 

La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.

Cet article vise à décompter du calcul de l’artificialisation les parcelles rendues inutilisables en raison de l’érosion côtière et à ne pas comptabiliser la consommation foncière due à une relocalisation de parcelles touchées par le recul du trait de côte.

Il inscrit la prise en compte des spécificités des communes littorales, des communes de montagne ainsi que des territoires ultramarins dans les documents d’urbanisme.

Enfin, le présent article prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement devant évaluer l’impact de l’application de l’objectif « zéro artificialisation nette » dans les départements et régions d’outre-mer.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté deux amendements du rapporteur pour avis supprimant le double décompte des parcelles rendues inutilisables en raison du recul du trait de côte.

I.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LE TEXTE INITIAL

1.   Adapter le mode de calcul de l’artificialisation pour les communes littorales soumises à l’érosion côtière

a.   Les communes littorales sont soumises à un régime d’extension urbaine spécifique

L’article L. 321-2 du code de l’environnement définit les communes littorales comme les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares, ainsi que celles riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’État, après consultation des conseils municipaux intéressés.

Depuis la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « littoral », les communes littorales sont soumises à un régime d’extension urbaine spécifique.

Le régime de la loi « Littoral »

La loi « littoral » distingue trois zones :

1° Sur l’ensemble des territoires communaux, l’extension urbaine doit être réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants (article L. 121-8 du code de l’urbanisme). Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages, une extension peut être réalisée uniquement à des fins d’amélioration de l’offre de logements ou d’hébergement et d’implantation de services publics ;

2° Dans les espaces proches du rivage, seule une extension limitée de l’urbanisation est admise ;

3° Dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage, deux régimes peuvent s’appliquer :

– en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites, de même que l’extension de constructions ou d’installations existantes ;

– les espaces déjà urbanisés sont considérés comme des espaces proches du rivage et l’extension de l’urbanisation y est donc limitée.

L’article L. 121-1 du code de l’urbanisme précise que l’ensemble des dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral s’appliquent aux communes littorales ainsi qu’aux communes participant aux équilibres économiques et écologiques littoraux et qui en font la demande. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’État, après avis du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.

b.   Le régime d’extension urbaine des communes littorales a été adapté pour prendre en compte le recul du trait de côte

L’érosion littorale affecte près de 20 % des côtes françaises, équivalents à un linéaire côtier d’environ 920 kilomètres, dont 270 kilomètres présentent une vitesse de recul de plus de cinquante centimètres par an. Selon une étude du Cerema ([24]), 31 800 bâtiments et près de 47 300 logements pourraient être atteints par le recul du trait de côte à l’échéance 2100. Les communes littorales sont ainsi soumises à deux phénomènes concomitants : une pression anthropique importante favorisant une urbanisation croissante et une érosion du littoral qui expose à un risque de submersion les activités et personnes installées le long des zones côtières.

L’amplification de l’érosion côtière a conduit le gouvernement à adopter, en 2012, une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC) définissant les principes communs pour une gestion intégrée des zones côtières : anticipation des évolutions naturelles du littoral, prise en compte des défis socio-économiques et environnementaux et élaboration de projets de territoire et de documents de planification cohérents et concertés. La loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a consacré au niveau législatif cette stratégie aux articles L. 321-13A et suivants du code de l’environnement.

L’article 239 de la loi « Climat et résilience » a renforcé l’identification des communes vulnérables au risque d’érosion côtière en inscrivant à l’article L. 321‑15 du code de l’environnement l’obligation de fixer, par décret, une liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme doit être adaptée à l’érosion du trait de côte. Le décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral a ainsi identifié 126 communes directement concernées par ce phénomène.

L’article 242 de la loi « Climat et résilience » a, de plus, établit deux régimes d’urbanisme s’appliquant en fonction de la temporalité du risque :

– dans les zones où le recul du trait de côte peut survenir dans moins de trente ans, seules peuvent être autorisées les constructions nouvelles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité de l’eau, ainsi que l’extension de constructions existantes, à condition qu’elles soient démontables ;

– dans les zones où l’érosion côtière peut survenir entre trente et cent ans, la destruction de toute nouvelle construction ainsi que la remise en état du terrain, aux frais du propriétaire, pourront être ordonnées par arrêté du maire lorsque la sécurité des personnes n’est plus assurée (article L. 121-22-5 du code de l’urbanisme).

Ces dispositions ont été complétées par l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte. L’article 7 de l’ordonnance inscrit, dans les articles L. 312-8 à L. 312-10 du code de l’urbanisme, la possibilité pour les communes incluses dans le régime spécifique au recul du trait de côte et qui sont engagées dans une démarche de projet partenarial d’aménagement (PPA) ([25]), de déroger à titre subsidiaire à certaines règles, notamment l’obligation de construire en continuité de l’urbanisation existante lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation de biens ou d’activités menacées dans des espaces éloignés du rivage, moins soumis à l’érosion.

c.   Le dispositif proposé : élargir les dérogations accordées aux communes littorales en matière de calcul des zones artificialisées

L’article 194 de la loi « Climat et résilience » fixe un objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols. Il prévoit, pour la première tranche de dix années, une obligation de réduction de la moitié du rythme d’artificialisation observée par rapport aux dix dernières années à compter de la promulgation de la loi, soit 2021-2031. Ce rythme d’artificialisation est calculé en fonction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf).

L’article 10 de la présente proposition de loi vise, en insérant un 3° ter au III de l’article 194 de la loi « Climat et résilience », à permettre aux communes littorales de décompter de l’artificialisation ou de la consommation d’Enaf constatée, les surfaces artificialisées rendues impropres à l’usage en raison de l’érosion côtière, à la condition que ces zones aient fait l’objet d’une renaturation au sens de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme ([26]).

L’article 10 prévoit également que dans l’ensemble des communes concernées, l’artificialisation des sols ou la consommation d’Enaf résultant de projets de relocalisation liés au recul du trait de côte n’est pas prise en compte dans l’enveloppe territoriale servant à évaluer l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ou de la consommation d’espaces intégrés aux documents de planification.

Auditionnés par votre rapporteur pour avis, le Cerema, France Nature Environnement ainsi que la Fondation pour la nature et l’homme soulignent le risque d’un double décompte des projets de relocalisation foncière. Ces mêmes organisations soulignent également le fait que cette disposition s’appliquerait à l’ensemble des communes littorales. Il leur semble plus logique de cibler cette dérogation vers celles engagées dans une recomposition spatiale de leur territoire en raison du recul du trait de côte dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

2.   Inscrire la prise en compte des spécificités des territoires de montagne dans les documents d’urbanisme actuels

L’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi « montagne », définit les zones de montagne comme celles se caractérisant par « des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques ». Ces zones comprennent les communes où les possibilités d’utilisation des terres sont considérablement limitées et où les coûts des travaux sont accrus du fait de l’altitude.

Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité que les différents documents d’urbanisme, lors de leur révision au regard des objectifs de sobriété foncière, tiennent compte des spécificités des territoires de montagne et des communes littorales pouvant souffrir de conditions géographiques handicapantes. À cet effet, le présent article inscrit cette prise en compte :

– à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales relatif au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ;

– à l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme relatif au document d’orientation et d’objectifs contenu dans le schéma de cohérence territoriale ;

– ainsi qu’à l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme relatif au projet d’aménagement et de développement durable contenu dans le plan local d’urbanisme.

3.   La difficile évaluation de la mise en œuvre de l’objectif « zéro artificialisation nette » dans les régions et départements d’outre-mer

L’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales dispose que les départements et régions d’outre-mer élaborent un schéma d’aménagement régional (SAR) fixant les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement. Ce schéma doit notamment prendre en compte l’objectif d’artificialisation nette inscrit à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme.

Cependant, la loi « Climat et résilience » a introduit un principe d’adaptation pour les territoires ultramarins. Ainsi, contrairement aux régions soumises à un Sraddet, la loi laisse le soin aux départements et régions d’outre-mer de fixer leur propre objectif de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour la décennie 2021-2031 et n’impose pas un objectif de - 50 %. Cela, à la condition que les SAR soient modifiés dans un délai de trente mois à compter de la promulgation de la loi, soit avant le 24 février 2024.

Votre rapporteur pour avis note que cette mesure peut sembler disproportionnée alors que les collectivités ultramarines peinent à mettre en œuvre une planification urbaine en raison de modes d’habitat particuliers et du fait d’un habitat spontané exponentiel qui tend à rogner les surfaces agricoles et forestières ([27]).

Ainsi, afin de permettre une évaluation des besoins spécifiques des communes ultra-marines, le présent article prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement relatif à l’application des objectifs de « ZAN » dans ces territoires. Ce rapport devra présenter des éléments chiffrés d’appréciation, ainsi que des solutions visant à mieux prendre en compte les spécificités des régions et départements d’outre-mer en termes de droit de l’urbanisme, d’insularité, de diversité des types d’habitat, de recul du trait de côte, de topographie et de développement économique et touristique.

B.   Les MODIFICATIONS adoptÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

Lors de l’examen de la présente proposition de loi, la commission spéciale a adopté l’amendement COM-83 du rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (Les Républicains), garantissant le fait que les surfaces artificialisées rendues impropres à l’usage en raison du recul du trait de côte fassent l’objet d’actions ou d’opérations effectives de restauration avant d’être considérées comme renaturées. Votre rapporteur pour avis salue l’adoption de ce dispositif qui vise à concilier les difficultés des communes littorales exposées à l’érosion côtière et les exigences quant à la gestion des terrains perdus afin de ne pas perturber ou polluer les écosystèmes côtiers et marins.

La commission a également adopté l’amendement COM-84 du rapporteur complétant l’alinéa 3 de l’article 10. Cet amendement prévoit que les relocalisations des aménagements et constructions rendues nécessaires en raison du recul du trait de côte fassent l’objet d’une étude préalable de densification prévue à l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme, afin de déterminer les espaces les plus appropriés à la relocalisation.

Enfin, la commission a adopté deux amendements identiques, COM-19 de Mme Viviane Malet (Les Républicains) et COM-33 de Mme Cécile Cukierman (Communiste, républicain, citoyen et écologiste). Ces deux amendements complètent l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales en spécifiant que le schéma d’aménagement régional (SAR) tient compte des contraintes propres et des efforts déjà réalisés par les communes littorales ultramarines soumises à un schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) ([28]). Ce schéma prescrit des sujétions particulières pour la protection du milieu marin, dans l’objectif de concilier développement des activités liées à la mer et préservation des espaces naturels. L’article L. 4433-7-2 précise que le SAR tient lieu, pour les secteurs qu’il détermine, de schéma de mise en valeur de la mer.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté deux amendements de coordination juridique du rapporteur. L’amendement 256 renvoie l’étude de densification des zones urbanisées à l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme. L’amendement 257 coordonne les modifications apportées à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales par l’article 10 de la présente proposition de loi avec les modifications apportées par les articles 6 et 7 de cette même proposition de loi. Ces deux amendements ont reçu un avis défavorable du Gouvernement.

II.   Les DISPOSITIONS ADOPtÉes par la commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, a adopté les amendements CD181 et CD186 du rapporteur pour avis, M. Lionel Causse (Renaissance). Ces deux amendements ont reçu un avis favorable du Gouvernement.

L’amendement CD181 intègre, d’une part, les enjeux liés au recul du trait de côte dans les critères de territorialisation des objectifs chiffrés contre l’artificialisation des sols. D’autre part, cet amendement permet à aux communes littorales inscrites sur la liste prévue à l’article L. 321-15 du code de l’environnement, de considérer comme désartificialisées des surfaces qui ne le seraient pas encore, dès lors qu’elles se situent dans une zone exposée au recul du trait de côte d’ici à trente ans et que ces surfaces ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral faisant l’objet d’un projet partenarial d’aménagement.

L’amendement CD186 supprime en conséquence les alinéas 4 et 6 à 8 de l’article 10 qui prévoyaient d’une part, la prise en compte des spécificités littorales et des zones de montagne dans les documents d’urbanisme et, d’autre part, la remise d’un rapport sur l’application de l’objectif « zéro artificialisation nette » aux territoires ultra-marins. La prise en compte des spécificités des zones de montagne sera intégrée dans le prochain décret relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, actuellement soumis à consultation publique.

La commission des affaires économiques a adopté cet article ainsi modifié.

 

 

 


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Chapitre IV
Prévoir les outils pour faciliter la transition vers l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE441 modifiant le titre du chapitre, afin de le mettre en conformité avec les termes retenus aux articles 191, 192 et 194 de la loi Climat et résilience.

Article 11 (supprimé)
Mise à disposition des données relatives à l'artificialisation

Supprimé par la commission

 

L’article 11 prévoit la mise à disposition par l’État des données portant sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espaces naturels, forestiers et agricoles. Il permet, par ailleurs, aux collectivités territoriales, qui le souhaitent, de continuer à utiliser les données recueillies à l’échelle locale pour apprécier la trajectoire et l’atteinte de leurs objectifs d’artificialisation.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de suppression du Gouvernement.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

L’accès aux données relatives à l’artificialisation et à la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers est un sujet majeur pour les collectivités territoriales. Ces données sont, en effet, indispensables pour réaliser le suivi et l’évaluation de l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation.

Conscient de cet enjeu, le législateur a prévu, à l’article 206 de la loi Climat et Résilience, une obligation pour le maire ou le président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) couvert par un document d’urbanisme d’établir un rapport tous les trois ans, qui présente le rythme d’artificialisation de leur territoire. Il précise également qu’un décret déterminera les indicateurs et données devant figurer dans le rapport local, ainsi que les conditions dans lesquelles l’État met à la disposition des collectivités les données de l’observatoire de l’artificialisation. Le projet de décret ([29]), soumis à consultation, précise en particulier que :

 les collectivités compétentes peuvent librement et gratuitement disposer des données de l’observatoire de l’artificialisation, qui est une plateforme nationale pour l’accès dématérialisé aux données sur la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et sur l’artificialisation des sols ;

– les données transmises par l’État sont mises à disposition sans préjudice de celles résultant de dispositifs d’observation développés et mis en œuvre localement.

Ainsi, l’État accompagne les collectivités territoriales par la transmission de données portant sur :

– la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, résultant de la base de données MAJIC gérée par les services fiscaux et retraitée par le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Les « fichiers fonciers » sont ensuite mis à disposition sur le portail de l’artificialisation et peuvent être analysés via différents visualisateurs (cartographies et tableau de bord) ;

– l’occupation et l’usage des sols à grande échelle (OCSGE), dont le référentiel national est en cours de développement par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et pourrait couvrir l’ensemble du territoire en 2024.

 

 

 

 

 

 

Outils à disposition des collectivités territoriales en faveur de la réduction de l’artificialisation des sols

L’État a développé plusieurs outils numériques à destination des élus locaux facilitant le suivi et l’évaluation de la trajectoire d’artificialisation :

– le portail de l’artificialisation permet d’accéder à une présentation globale des thématiques de l’artificialisation, des documents informatifs et des données de consommation d’espace, en accès libre ;

– Cartagene est un tableau de bord co-développé par le ministère de la transition écologique et le Cerema, qui permet l’accès libre à des chiffres précis par commune ;

– l’outil numérique service de portrait de l’artificialisation des territoires (Sparte) sera, à terme, une plate-forme numérique pour accompagner les acteurs de l’aménagement dans l’analyse de l’artificialisation des sols du territoire ;

– Cartofriches est un outil conçu par le Cerema pour mieux accompagner les collectivités à l’identification des friches ;

– UrbanSimul est un outil d’aide à l’élaboration de la stratégie foncière des collectivités.

À l’échelle locale, les collectivités et agences de l’urbanisme ont également développé des dispositifs d’observation foncière. À titre d’exemple, la région Île-de-France dispose d’un inventaire numérique d’occupation des sols (MOS et MOS+) permettant une analyse plus fine et précise des processus d’aménagement territoriaux (la nomenclature pouvant retenir jusqu’à 81 postes d’occupation des sols).

Source : Commission des affaires économiques et Cerema

II.   le dispositif proposÉ

A.   le texte initial

L’article 11 de la présente proposition de loi vise à renforcer l’information des élus locaux par la mise à disposition, gratuite et sous format numérique, des « données de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, d’artificialisation et de renaturation des sols constatées sur la période de référence décennale, ainsi que des données et cartographies relatives aux friches établies par l’État ». Les données transmises doivent être actualisées périodiquement, selon des modalités précisées par décret.

Par ailleurs, l’article prévoit qu’à défaut de mise à disposition de ces données dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, les collectivités territoriales peuvent utiliser les données de consommation ENAF établies à l’échelle communale, intercommunale ou régionale, pour évaluer les trajectoires et l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols qui s’imposent à elles.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission spéciale a adopté trois amendements identiques COM-85 de son rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc (LR), COM-14 de M. Christian Redon‑Sarrazy (SER), COM-23 de Mme Dominique Estrosi-Sassone (LR), visant à préciser que les données transmises par l’État ne sont pas exclusives d’autres données de consommation foncière recueillies par les collectivités territoriales à l’échelle locale ou régionale. Comme l’expliquent les auteurs de l’amendement, certains territoires ont, en effet, développé des dispositifs d’observation foncière qui permettent une analyse plus fine et précise de leur trajectoire d’artificialisation, notamment en intégrant un plus grand nombre de postes de consommation et en mesurant la consommation d’espaces engendrée par les infrastructures et les bâtiments non-cadastrés, ce qui n’est actuellement pas garanti par les fichiers fonciers.

En outre, la commission a adopté un amendement COM-17 de Mme Angèle Préville (SER), qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement portant sur le recensement des terrains à renaturer à l’échelle nationale. En particulier, le rapport devra évaluer la localisation, la qualité et le coût estimatif des opérations de renaturation de friches ou de terrains.

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission spéciale et de sagesse du Gouvernement, un amendement n° 54 rect. de Mme Daphné Ract-Madoux (UC), qui intègre l’échelon départemental parmi les données pouvant être utilisées par les collectivités territoriales dans la mesure de l’artificialisation et de la consommation foncière.

III.   leS DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La commission des affaires économiques a adopté, avec un avis favorable de son rapporteur, un amendement CE331 du Gouvernement visant à supprimer l’article 11.

Votre rapporteur estime que la mise à disposition des données d’artificialisation et de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, doit être précisée par voie réglementaire, et non législative, comme le prévoit l’article 206 de la loi Climat et résilience.

Le projet de décret relatif au suivi et à l’évaluation de l’artificialisation des sols ([30]), actuellement soumis à la consultation du public, prévoit que l’élaboration du rapport local s’appuie sur des données mises à disposition par l’État à travers l’observatoire national de l’artificialisation des sols. Les communes ou intercommunalités pourront également mobiliser les données recueillies à partir d’observatoires fonciers locaux.

 

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Article 12
Création d’un sursis à statuer, d’un droit de préemption et d’un motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols

  Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 12 prévoit d’introduire trois nouveaux outils de maîtrise foncière au bénéfice du bloc communal : un sursis à statuer relatif aux projets artificialisants, un droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier, et enfin la création d’un motif de refus d’autorisation d’urbanisme au titre de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols.

La commission des affaires économiques a supprimé le droit de préemption créé à l’article, ainsi que la faculté de refuser l’octroi d’un permis de construire, et a modifié les dispositions concernant le sursis à statuer.

I.   le DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   le texte initial

L’article 12 de la présente proposition de loi a pour vocation de doter les élus locaux de nouveaux outils de maîtrise foncière permettant de « ménager des réserves foncières nécessaires à leurs projets futurs, notamment sur des terrains artificialisés situés en dehors de l’enveloppe urbaine ou de s’opposer à des projets fortement consommateurs d’espaces. »

1.   La création d’un droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier

Afin de réaliser, dans l’intérêt général, des opérations d’aménagement ou d’équipement, les communes et les EPCI disposent d’un droit de préemption urbain (DPU) applicable sur les zones urbaines ou à urbaniser spécifiques qui ont été délimitées par la collectivité dans son document d’urbanisme ([31]). Toutefois, constatant la nécessité d’assurer aux élus locaux un accès à un foncier artificialisé pouvant être situé en dehors de l’enveloppe urbaine définie par la collectivité, la mission sénatoriale de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette » souligne que le régime juridique du DPU apparait inadapté, notamment pour la réalisation de projets de renaturation.

En conséquence, le dispositif proposé à l’article 12 crée un nouveau droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier, qui permet de mettre en œuvre et atteindre les objectifs environnementaux ([32]) des collectivités territoriales en matière d’urbanisme [nouvel article L. 216-2 du code de l’urbanisme].

Le droit de préemption relève de la compétence de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de document d’urbanisme, mais celui-ci peut néanmoins être délégué dans les conditions définies par le droit commun ([33]). L’autorité compétente délimite, au sein du règlement du plan local d’urbanisme, les zones présentant un fort enjeu pour la politique de lutte contre l’artificialisation des sols dans lesquelles est applicable ledit droit de préemption. Dans ces zones identifiées, peuvent être préemptés les biens et droits immobiliers :

« – contribuant à la préservation de la nature en ville, notamment lorsqu’il s’agit de surfaces végétalisées ou naturelles situées au sein des espaces urbanisés ;

« – présentant un potentiel fort en matière de renaturation et de recyclage foncier ou constituant des friches ».

2.   La faculté de refuser l’octroi d’une autorisation d’urbanisme au titre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols

Aux termes de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente a la faculté de refuser l’octroi d’un permis de construire ou d’aménager lorsque les travaux projetés ne sont pas conformes aux règles d’urbanisme en vigueur ou compatibles avec une déclaration d’utilité publique.

Le présent article complète donc cette disposition en y intégrant un nouveau motif de refus au titre du ZAN. Concrètement, jusqu’à l’adoption des documents d’urbanisme modifiés pour prendre en compte les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, l’autorité compétente peut refuser une demande de permis de construire ou d’aménager, lorsqu’il est justifié que celle-ci :

– a une incidence significative en matière de consommation foncière ;

– compromet la capacité de l’autorité compétente à répondre aux besoins d’aménagement et de construction anticipés sur son territoire, dans le respect des objectifs de réduction de l’artificialisation et la consommation foncière qui s’imposent à elle.

3.   Le sursis à statuer relatif aux projets artificialisants

Le code de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà un sursis à statuer permettant à la collectivité compétente de refuser d’examiner temporairement une demande d’autorisation d’urbanisme, en vue notamment de ne pas porter atteinte aux opérations d’aménagement engagées. En particulier, l’article L. 153-11 prévoit la faculté de surseoir à statuer dans le cas où le projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un plan local d’urbanisme en cours d’élaboration ou de révision, dès lors que le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) a été tenu. Toutefois, la mission sénatoriale de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette » souligne que cette disposition apparait restrictive puisqu’« il sera impossible aux communes et EPCI de recourir au sursis à statuer pour cause d’évolution de document d’urbanisme avant 2027 ».

En conséquence, l’article 12 crée un nouveau sursis à statuer applicable aux projets « susceptibles de compromettre l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols de la commune ou de l’EPCI d’implantation ». Ce dispositif transitoire et dérogatoire au droit commun est encadré par trois conditions :

– le plan local d’urbanisme (PLU) ou la carte communale de la commune ou de l’EPCI compétent doit être modifié ou révisé pour prendre en compte les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols ;

– le débat sur les orientations générales du PADD du projet de PLU n’a pas encore été tenu ;

– l’autorité compétente fait état, par délibération, d’un plafond de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) sur son périmètre jusqu’au 21 août 2031.

B.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

1.   L’examen en commission

La commission spéciale du Sénat a approuvé l’orientation de l’article 12. Sur proposition de son rapporteur, plusieurs amendements ont toutefois été adoptés afin de préciser les dispositifs de droit de préemption et de sursis à statuer.

a.   Droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier

Un amendement COM-86 du rapporteur précise que la justification des zones à fort enjeu visées par le droit de préemption intervient dès la délimitation de celles-ci dans le document d’urbanisme élaboré par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent. Il confirme également que les biens et droits pouvant faire l’objet de la préemption sont ceux visés par le droit commun ([34]).

En outre, l’amendement COM-87 du rapporteur prévoit d’inclure aux opérations de renaturation, justifiant la préemption, celles liées à la préservation ou la restauration des continuités écologiques.

b.   Sursis à statuer relatif aux projets artificialisants

La commission spéciale, sur proposition de son rapporteur, a adopté un amendement COM-88 qui vise à réécrire le dispositif de sursis à statuer relatif aux projets artificialisants, aboutissant aux modifications suivantes :

le sursis à statuer pourra être utilisé par les élus locaux jusqu’au 22 août 2028, c’est-à-dire la date limite fixée pour la modification des plans locaux d’urbanisme ou des cartes communales intégrant les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (alinéa 19) ;

le sursis à statuer est invoqué lorsque trois conditions sont réunies :

enfin, par dérogation au droit commun ([35]), la durée maximale du sursis à statuer, lorsqu’il est décidé par la commune ou l’EPCI, est portée à quatre ans. Avant cette échéance, l’autorité compétente doit néanmoins se prononcer dans un délai de deux mois lorsque le PLU ou la carte communale modifié est adopté (alinéa 29).

2.   L’examen en séance publique

Outre un amendement rédactionnel n° 258 du rapporteur, le Sénat a adopté, avec un avis défavorable du Gouvernement, un amendement n° 57 rect. de Mme Daphné Ract-Madoux (UC) permettant à la commune ou l’EPCI d’instaurer le droit de préemption par délibération motivée, et non plus par modification du règlement du plan local d’urbanisme. L’auteur de l’amendement estime, en effet, que la modification du document d’urbanisme, dans la rédaction initiale du dispositif, apparait « inefficace et peu adaptable » pour répondre aux attentes des élus locaux.

Enfin, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, un amendement n°220 rect. de Mme Berthet visant à limiter la faculté de refuser l’octroi d’une autorisation d’urbanisme aux seuls projets dont l’impact n’est pas compensé par une action de renaturation.

II.   les dispositions adoptÉES par la commission

Votre rapporteur partage la nécessité de doter les territoires d’outils de maîtrise foncière leur permettant d’agir plus rapidement et de mieux appréhender l’atteinte de leurs objectifs de réduction d’artificialisation. Toutefois, le rapporteur a souhaité proposer plusieurs évolutions visant à conforter et mieux articuler l’article 12 avec le droit existant. Par conséquent, la commission a adopté :

– un amendement CE503 du rapporteur qui vise à supprimer le droit de préemption portant sur les espaces propices à la renaturation et au recyclage foncier. Le rapporteur estime, en effet, que les droits de préemption existants permettent de couvrir les enjeux visés à l’article 12, notamment au regard des finalités prévues à l’article L. 300‑1 du code de l’urbanisme pour le droit de préemption urbain (DPU). La création d’un nouveau droit de préemption pourrait donc fragiliser l’articulation des dispositifs existants, comme ont pu le faire remarquer les acteurs auditionnés par votre rapporteur ;

– quatre amendements identiques CE442 du rapporteur, CE337 de M. Pascal Lavergne (RE), CE56 de M. Jean-Yves Bony (LR) et CE138 de M. Thibault Bazin (LR), visant à supprimer le motif de refus d’une autorisation d’urbanisme au titre de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. Au regard de la faculté de surseoir à statuer, introduite à l’article 12, les auteurs des amendements expliquent qu’une telle disposition est disproportionnée et pourrait conduire à une paralysie des projets de construction dans l’attente de l’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme ;

– un amendement CE443 du rapporteur qui vise à réécrire et conforter le dispositif de sursis à statuer relatif aux projets artificialisants, aboutissant aux modifications suivantes :

 

 

 

 

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Article 12 bis (supprimé)
Comptabilisation sur la période 2011-2021 de l’artificialisation des projets autorisés ou appartenant à des opérations autorisées avant 2021

Supprimé par la commission

 

L’article 12 bis, créé par la commission spéciale, prévoit de comptabiliser pour la période de référence 2011-2021, les projets ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme déposés ou prévus dans le programme d’opération d’aménagement d’ensemble créé avant la loi « Climat et Résilience », lorsqu’il s’agit de zones d’aménagament concerté (ZAC), de grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations d’intérêt national (OIN).

Au cours de son examen au Sénat, le dispositif proposé a été élargi aux déclarations d’utilité publique et de projet datant d’avant la loi.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article.

I.   le dispositif proposÉ

1.   La création en commission

L’article 194 de la loi Climat et Résilience impose aux collectivités territoriales un objectif de réduction de 50 % de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) entre 2021 et 2031, par rapport à la période de référence 2011-2021. Alors que la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols repose sur la consommation effective d’espaces ([36]), certaines opérations d’aménagement urbain engagées ou autorisées, avant la promulgation de ladite loi, pourraient donc conduire à dégrader le solde d’artificialisation des communes concernées pour la première période décennale. En effet, un projet d’aménagement peut être autorisé plusieurs années préalablement à la loi, alors que la construction n’intervient qu’au titre de la période 2021-2031, ce qui est de nature à pénaliser les efforts de planification des élus locaux. À cet égard, le rapporteur de la commission spéciale identifie deux cas de figure :

– d’une part, les autorisations d’urbanisme, tels que les permis de construire ou d’aménager, dont la durée de validité est de trois ans ;

d’autre part, les grandes opérations d’aménagement du territoire, telles que les zones d’aménagement concerté (ZAC) ([37]), les grandes opérations d’urbanisme (GOU) ([38]) ou les opérations d’intérêt national (OIN) ([39]), dont l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de constructions et d’équipements publics peuvent prendre plusieurs années.

L’article 12 bis, adopté en commission spéciale sur proposition de son rapporteur M. Jean-Baptiste Blanc, prévoit donc que l’artificialisation ou la consommation d’ENAF résultant de projets autorisés ou créés, avant la promulgation de la loi du 22 août 2021, soit imputée à la période décennale de référence. Ce mode de comptabilisation s’applique aux travaux, constructions, aménagements et installations :

– réalisés au sein du périmètre d’une zone d’aménagement concerté, d’une grande opération d’urbanisme ou d’une opération d’intérêt national ;

– ou ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme délivrée avant le 22 août 2021.

Considérant que le droit en vigueur remettrait en cause le principe de non-rétroactivité de la loi, le rapporteur de la commission spéciale soutient que cette mesure permettra d’éviter « de pénaliser les collectivités territoriales pour avoir autorisé des projets préalablement à la loi, alors même qu’aucune obligation ni objectif n’était alors anticipé ».

2.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission spéciale et défavorable du Gouvernement, deux amendements identiques n°50 rect. bis de M. Laurent Burgoa (LR) et n° 143 rect. sexies de M. Michel Canévet (UC), visant à préciser que la consommation d’espace découlant d’une autorisation d’urbanisme déposée – et non plus délivrée – avant la loi du 22 août 2021 soit imputée à la période décennale de référence.

En outre, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission spéciale et défavorable du Gouvernement, un amendement n° 128 rect. sexies de Mme Sylviane Noël (LR), permettant d’élargir le champ d’application de l’article 12 bis aux déclarations d’utilité publique et de projet intervenues avant la loi « Climat-Résilience ».

Enfin, un amendement n° 259 de précision juridique, présenté par le rapporteur de la commission spéciale, a été adopté.

II.   leS DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté, avec un avis favorable du rapporteur, quatre amendements identiques CE332 du Gouvernement, CE338 de M. Pascal Lavergne et du groupe Renaissance, CE365 de Mme Lisa Belluco et du groupe Écologiste - NUPES et CE179 de M. Perceval Gaillard et du groupe La France insoumise - NUPES), visant à supprimer l’article 12 bis.

Votre rapporteur estime, en effet, que les dérogations introduites à l’article 12 bis sont manifestement disproportionnées et de nature à remettre en cause l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. En effet, les estimations transmises par les services de la direction générale de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) font état d’une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers de l’ordre de 40 000 hectares pour les autorisations d’urbanisme déposées avant la loi Climat ou de 10 000 hectares pour les déclarations d’utilité publique prises par l’État

. Par ailleurs, il a été souligné que ces dérogations de droit commun pénaliseraient les communes et intercommunalités qui, avant l’adoption de la loi Climat et résilience, avaient d’ores et déjà engagé une démarche de sobriété foncière et de maîtrise de l’artificialisation des sols.

Enfin, si le rapporteur soutient la non-comptabilisation des zones d’aménagement concerté (ZAC) créées avant la loi Climat et résilience, dans la mesure où celles-ci traduisent un effort de planification des élus locaux, cette disposition est satisfaite par le droit en vigueur et doit faire l’objet d’une instruction technique de la part du ministère de la transition écologique.

 

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Article 13
Prise en compte des efforts de renaturation avant 2031

  Adopté par la commission avec modifications

 

La commission des affaires économiques, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur cet article.

Cet article donne la possibilité aux communes et à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de prendre dès à présent en compte les actions et opérations de renaturation mises en œuvre.

Lors de l’examen de la proposition de loi, le Sénat a introduit une disposition visant à ne pas considérer, à partir de 2031, les surfaces utilisées temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements comme des surfaces artificialisées au sens de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté six amendements et un sous-amendement à cet article, afin d’inscrire le principe d’un décompte des actions de renaturation à l’échelle de l’ensemble des échelons et des documents d’urbanisme.

I.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LE TEXTE INITIAL

La mesure de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers avant 2031 ne prend pas en compte les opérations de renaturation.

1.   L’objectif de réduction de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers avant 2031

Afin d’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette », l’article 192 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le changement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit un nouvel article L. 101-2-1 au sein du code de l’urbanisme. Cet article inscrit le principe d’une distinction entre le sol artificialisé et le sol non artificialisé en définissant l’artificialisation nette des sols comme « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnée ». Cette distinction vise à permettre le suivi des dynamiques d’artificialisation en chiffrant le passage d’une catégorie à l’autre.

L’artificialisation est définie à l’article L. 101-2-1 comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Sont ainsi considérées comme artificialisées au sein des documents de planification et d’urbanisme, les surfaces dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites. À l’inverse, sont considérées comme non artificialisées, les surfaces naturelles, nues ou couvertes d’eau, ou végétalisées, constituant un habitat naturel ou encore celles utilisées à usage de cultures.

La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste, pour sa part, en « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ».

Le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme a précisé la nomenclature de ces surfaces et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme. Ces surfaces sont appréciées compte tenu de l’occupation des sols observée qui résulte à la fois de leur couverture et de leur usage. Le décret a ainsi précisé que les surfaces herbacées à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures sont considérées comme artificialisées, y compris lorsqu’elles sont en chantier ou à l’état d’abandon. À l’inverse, les surfaces d’agriculture urbaine et les surfaces boisées ou arbustives dans l’espace urbain sont considérées comme non artificialisées.

Cependant, cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi « Climat et résilience ». Pendant cette période transitoire, les objectifs portent uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

L’article 194 impose ainsi, pour la décennie 2021-2031, un effort de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers de moitié par rapport à la décennie précédente. Le III de l’article 194 précise que le rythme d’artificialisation pour la présente décennie ne peut dépasser la moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers observés dans la décennie précédente pour l’ensemble des régions soumises à un Sraddet.

La consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés. Cette notion participe à une démarche de plus en plus étayée d’observation et de suivi de la consommation de l’espace, notamment à travers le portail de l’artificialisation ([40]).

2.   Permettre la prise en compte les opérations de renaturation avant 2031

Le calcul de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ne prend actuellement pas en compte les opérations de renaturation effectuées avant 2031.

Afin de prendre en compte ces efforts, l’article 13 de la présente proposition de loi propose de retrancher du calcul de la consommation d’Enaf, les surfaces ayant fait l’objet d’actions de renaturation. Cette prise en compte devrait ainsi inciter les autorités compétentes à conduire de telles actions. Cependant, le Cerema, auditionné par votre rapporteur pour avis, alerte sur la difficulté de comptabiliser cette « déconsommation » qui appelle à créer une base spécifique des espaces renaturés.

B.   Les modifications adoptÉes par le sÉnat

1.   L’examen en commission

La commission spéciale a adopté l’amendement COM-90 du rapporteur, M. Jean-Baptiste Blanc. Cet amendement complète le 5° du III de l’article 194 de la loi « Climat et résilience » en permettant de décompter des surfaces artificialisées les espaces utilisés temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements puis restitués à la même catégorie de surfaces non artificialisées. Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions seront précisées par un décret en Conseil d’État.

2.   L’examen en séance publique

Les dispositions de l’article 13 ont été élargies en séance publique par l’adoption des amendements 260 du rapporteur et l’amendement 102 rectifié quater de M. Philippe Tabarot (Les Républicains). Ces deux amendements ont reçu un avis défavorable du Gouvernement.

L’amendement 260 a précisé d’une part, que le fait de retrancher de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, la transformation effective d’espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers du fait d’une renaturation, revient à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale. Votre rapporteur pour avis regrette que la prise en compte de la renaturation ne puisse être également menée au niveau des Sraddet et des SCoT, documents de planification et d’urbanisme en charge de la mise en œuvre de l’objectif de sobriété foncière.

D’autre part, l’amendement a précisé que la prise en compte de la renaturation n’est pas automatique mais relève du choix de la commune ou de l’EPCI. En effet, le rapporteur, Jean-Baptiste Blanc, a estimé que l’automaticité de la prise en compte de la renaturation pourrait être problématique pour certaines zones, notamment les friches envahies par la végétation.

L’amendement 102 rectifié quater a assoupli les conditions de restitution des espaces utilisés temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements. Alors que l’amendement adopté en commission prévoyait que cette restitution se fasse dans des conditions identiques à celles d’origines, conformément à la nomenclature précisée par le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022, l’amendement a élargi les conditions de la restitution à l’ensemble des catégories de cette nomenclature.

II.   Les dispositions adoptÉes par la commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté, avec avis favorable du Gouvernement, les amendements identiques CD103 de Mme Pascale Boyer (Renaissance), CD134 de M. Vincent Thiébaut (Horizons et apparentés) et CD137 de Mme Aude Luquet (Démocrate – MoDem et Indépendants), après adoption du sous-amendement CD192 du rapporteur pour avis, M. Lionel Causse.

Les amendements identiques permettent la prise en compte du décompte de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers renaturés par l’ensemble des collectivités, et non uniquement par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale. Le sous-amendement CD192 du rapporteur pour avis simplifie la rédaction de ces amendements en ne posant que le principe d’une déduction de la consommation des surfaces renaturées. En effet, il n’existe pas de principe de répartition de la « déconsommation ». Le décompte s’applique, de fait, à l’ensemble des échelons et des documents d’urbanisme, quelle que soit la collectivité porteuse d’un projet de renaturation. 

La commission saisie pour avis a également adopté les amendements identiques CD189 de Mme Pascale Boyer (Renaissance), CD190 de M. Vincent Thiébaut (Horizons et apparentés) et CD191 de Mme Aude Luquet (Démocrate – MoDem et Indépendants) ayant reçu un avis favorable du rapporteur pour avis et du Gouvernement. Ils suppriment les alinéas 3 et 4 de l’article 13 introduits par le Sénat qui visaient à décompter des surfaces artificialisées les espaces utilisés temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements. Cette disposition relève de la nomenclature des surfaces artificialisées fixée par voie réglementaire. 

La commission des affaires économiques a adopté l’article 13 ainsi modifié.

 

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Article 14
Clause de revoyure quinquennale sur la mise en œuvre du dispositif de lutte contre l’artificialisation des sols

  Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 14, introduit par le Sénat, prévoit la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement portant sur le renforcement des outils d’ingénierie publique territoriale nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols par les collectivités terriroriales.

La commission des affaires économiques a rédigé intégralement l’article afin de renforcer le rapport quinquennal prévu à l’article 207 de la loi Climat et résilience en le transformant en clause de revoyure.

I.   le dispositif proposÉ

En séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, deux amendements identiques n° 92 rect. bis de Mme Sonia de La Provôté (UC) et n° 244 de Mme Guylène Pantel (RDSE) demandant la remise d’un rapport au Parlement sur le renforcement des outils d’ingénierie publique territoriale nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols par les collectivités territoriales.

Comme l’expliquent les auteurs de l’amendement, il s’agit d’évaluer et améliorer l’accompagnement juridique et technique des collectivités, notamment des communes peu denses et très peu denses, dans la mise en œuvre de l’objectif ZAN. En particulier, le rapport porte sur les outils dont disposent les territoires en matière d’ingénierie et d’expertise :

– pour l’observation et la planification foncière, via les agences de l’urbanisme, les parcs naturels régionaux (PNR) ou les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) ;

– pour le portage et la maitrise foncière, via les établissements publics fonciers (EPF) ou les outils d’aménagement locaux.

II.   leS DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté un amendement CE448 de son rapporteur M. Bastien Marchive, visant à réécrire l’article 14 afin d’introduire une clause de revoyure au rapport quinquennal remis par le Gouvernement au Parlement, en application de l’article 207 de la loi Climat et résilience.

Le rapport doit contenir des recommandations et des pistes d’évolutions concernant :

– la territorialisation des objectifs économes de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols ;

– la mise en œuvre du mécanisme visant à garantir une superficie minimale de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ;

– la mise en œuvre de la comptabilisation à l’échelle nationale des projets d’envergure nationale ou européenne, ainsi que de la comptabilisation à l’échelle régionale ou intercommunale des projets d’intérêt général ;

– l’impact de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols sur la production de logements, notamment sociaux, et sur la réalisation de projets concourant à la transition écologique ou au développement économique des territoires ;

– l’impact de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols sur la préservation de l’environnement et de la biodiversité ;

– et la mise en œuvre des dispositifs, notamment fiscaux, mobilisés par les collectivités ou leurs groupements pour l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Sur ce point, la commission a adopté un sous‑amendement CE505 de M. Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés – membre de l’intergroupe NUPES) visant à préciser que les dispositifs mis en œuvre par l’État sont également soumis à une évaluation prévue dans le cadre de la clause de revoyure.

 

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La commission des affaires économiques a adopté deux amendements identiques CE446 de M. Bastien Marchive, rapporteur de la commission des affaires économiques et CE431 de M. Lionel Causse, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui modifient le titre afin de le mettre en cohérence avec les termes retenus aux articles 191, 192 et 194 de la loi Climat et résilience.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Au cours de ses réunions du mercredi 14 juin 2023, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (n° 958) (M. Bastien Marchive, rapporteur).

1.   Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 9 heures 30

M. le président Guillaume Kasbarian. Dans notre pays, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année. La loi « Climat et résilience » a fixé un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021, et l’atteinte d’une artificialisation nette de 0 % à l’horizon 2050. Très vite après leur publication, les décrets d’application de la loi ont suscité tant d’interrogations de la part des collectivités territoriales que les parlementaires se sont saisis des sujets soulevés : une proposition de loi du groupe Renaissance visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols, pour l’Assemblée nationale, et une mission conjointe de contrôle sur la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), pour le Sénat, dont les travaux ont débouché sur la proposition de loi dont nous commençons l’examen ce matin et qui est inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée le mercredi 21 juin en soirée et le jeudi 22 juin.

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 3, 6, 8, 10 et 13. Les amendements portant sur les articles ainsi délégués au fond ou qui avaient pour objet de créer des articles additionnels en lien avec ces articles devaient obligatoirement être déposés auprès de cette dernière. Soixante-quatre amendements déposés à tort auprès de notre commission ont donc dû être déclarés irrecevables à ce titre.

Selon l’usage, la procédure de la délégation au fond nous impose d’accepter les décisions prises par la commission du développement durable sur les articles qui lui ont été délégués. Non seulement nous ne pouvons pas les amender, mais nous nous sommes engagés à voter les vingt-quatre amendements que cette commission a adoptés. Je les mettrai aux voix au tout début de l’examen des articles.

Sur les articles non délégués, cinquante-cinq amendements m’ont été présentés comme susceptibles de constituer des cavaliers législatifs au titre de l’article 45 de la Constitution. Considérant, comme toujours dans le cadre de cet examen, que le doute doit bénéficier à l’auteur de l’amendement, j’ai choisi d’en repêcher seize.

Je précise que, pour statuer sur la recevabilité des amendements, je me suis appuyé sur la position suivie par la présidente de la commission spéciale du Sénat saisie de ce texte, Mme Valérie Létard, qui a délibérément choisi d’écarter les dispositions de nature financière et fiscale. Dès lors, aucun article de la proposition de loi ne contient de telles dispositions. Comme vous le savez tous, ce sont les articles d’un texte qui servent de référence pour définir l’existence d’un lien, et non son intitulé.

En conclusion, ont donc été déclarés irrecevables trente-neuf amendements au titre de l’article 45 et seize amendements au titre de l’article 40. Nous aurons à nous prononcer sur 331 amendements.

M. Bastien Marchive, rapporteur. En adoptant la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », le Parlement a fait preuve de courage et d’ambition pour préserver nos espaces naturels agricoles et forestiers en luttant contre l’artificialisation des sols.

Pouvait-il faire autrement ? La France est de loin le plus mauvais élève en matière de sobriété foncière en Europe, avec pas moins de 3,5 millions d’hectares urbanisés, dont une part significative ces cinquante dernières années, et une surface artificialisée moyenne de plus de 450 mètres carrés par habitant. Nous sommes très loin devant nos voisins européens : c’est 15 % de plus qu’en Allemagne, qui est bien plus peuplée que la France, et 57 % de plus qu’au Royaume-Uni, dont la population est semblable. Il devenait donc urgent d’agir.

L’artificialisation des sols n’est pas sans conséquence pour notre environnement. Nos sols sont les garants de la préservation de la biodiversité, du respect du cycle de l’eau, de notre souveraineté alimentaire ou du stockage du CO2. L’artificialisation à outrance fragilise tout cet écosystème. En fixant le cap d’une division par deux du rythme de l’artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, jusqu’à zéro artificialisation nette en 2050, la loi « Climat et résilience » est à la hauteur de l’enjeu. Restait donc à décliner ces objectifs au sein des territoires, dans leurs différents documents d’urbanisme : schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), plan local d’urbanisme (PLU), plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), schéma de cohérence territoriale (SCoT) et carte communale.

Diverses préoccupations ont été exprimées, à juste titre : la crainte de ne plus pouvoir se développer pour répondre aux besoins en matière de logement, de développement économique ou de déploiement des services publics ; la crainte que les communes rurales soient les grandes oubliées et ne puissent plus rien construire ; un mécanisme qui sanctionnerait les bons élèves ayant peu consommé de foncier ces dernières années, en comparaison de ceux qui ont beaucoup consommé et qui auraient un droit à construire supérieur ; des complexités, des coûts, des besoins d’ingénierie auxquels ont du mal à faire face les communes les plus rurales.

Ces inquiétudes ont été entendues. Je tiens à saluer la décision de M. le ministre Christophe Béchu de suspendre les décrets d’application de la loi « Climat et résilience ». Sa présence aujourd’hui en commission est l’illustration de la mobilisation totale dont il fait preuve sur ce sujet depuis maintenant plusieurs mois. La suspension des décrets a permis d’ouvrir une période de réflexion et de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : associations d’élus, associations environnementales, agriculteurs, promoteurs, acteurs du logement et du monde économique et, plus globalement, tous ceux qui sont directement affectés par ces objectifs ambitieux.

Si le jargon que nous allons utiliser peut paraître technique, il n’en est pas moins fondamental pour dessiner les contours de l’aménagement de la France de demain. À nous maintenant de mettre à profit le temps qui nous est accordé pour aboutir à un meilleur accompagnement des élus locaux, sans pour autant renier nos ambitions environnementales.

Je veux partager avec vous les grandes orientations de cette proposition de loi. Tout d’abord, il me semble primordial que les engagements environnementaux que nous avons pris dans la loi « Climat et résilience » soient tenus, car ils traduisent de grandes ambitions. Il est de notre responsabilité collective de les tenir pour relever le grand défi de la transition environnementale. Je serai donc défavorable à tous les amendements qui les remettraient en cause.

Ensuite, il convient de s’assurer que cela n’entrave pas l’accomplissement d’autres politiques publiques non moins ambitieuses telles que la construction de logements, la réindustrialisation, la transition énergétique ou encore la réalisation des grandes infrastructures de demain. Enfin, ce texte doit être l’occasion de renforcer l’accompagnement des élus locaux et les outils à leur disposition pour décliner ces objectifs et les territorialiser au mieux. C’est la raison d’être première de ce texte, avec le soutien à l’accompagnement de l’État, en leur faisant confiance, toujours, mais jamais en faisant à leur place ni en reniant leurs libertés et leurs compétences en matière d’aménagement territorial.

Telles sont donc les trois grandes orientations qui m’ont guidé dans l’appréhension de ce texte. Il me semble important d’appeler votre attention sur les grands mécanismes qui vous seront proposés pour y parvenir. L’article 4 a pour objet de définir et de mutualiser à l’échelle du pays les projets d’envergure nationale ou européenne, l’objectif étant de garantir leur réalisation, sans pour autant renier le droit à construire global, en particulier pour les communes qui accueilleront ces projets. Il faut en effet éviter qu’elles refusent un projet, pourtant vecteur de dynamisme local, parce que cela affecterait de manière trop importante le droit à construire qu’elles souhaitent consacrer à d’autres projets. À l’article 7, nous aurons à traiter de la question de l’équilibre territorial de l’urbanisation, avec en particulier l’idée d’une garantie rurale dont il nous faudra préciser les contours et les conditions d’éligibilité. L’article 12 a vocation à donner une boîte à outils opérationnelle aux communes pour décliner ces objectifs.

Au vu de certains amendements, je me dois de vous préciser ce que cette proposition de loi n’est pas. Le foncier non bâti disponible à la construction va mécaniquement se raréfier, entraînant des phénomènes de spéculation et de rétention qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la libération des terrains et leur constructibilité. Même si nous souhaitons tous débattre de ce sujet, le présent texte ne me semble pas être le cadre idoine pour en traiter. Le texte n’a pas non plus vocation à s’écarter de sa raison d’être, à savoir la mise en œuvre de l’objectif de moins 50 % sur la période 2021-2031. Il faudra naturellement s’interroger sur la période suivante, de 2031 à 2050, mais là encore cette question n’est pas à l’ordre du jour. Le législateur devra le faire en son temps, à l’aune des données chiffrées dont il disposera. Une clause de revoyure vous sera proposée, qui permettra, à mi-chemin de l’échéance de 2031, de faire le bilan de l’avancement de ces objectifs.

Sauvegarde de nos objectifs environnementaux, meilleur accompagnement des élus locaux et prise en compte des défis économiques et sociaux qui se posent à nous, tels sont les trois piliers de ce texte. J’espère que nos débats seront riches et qu’ils nous permettront de parvenir au consensus nécessaire à la bonne déclinaison de ces objectifs.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La lutte contre l’artificialisation des terres regroupe toutes les grandes luttes environnementales et climatiques. Une terre non artificialisée stocke du carbone, permet au cycle de l’eau de s’accomplir de manière normale, préserve la biodiversité, constitue un îlot de fraîcheur là où son artificialisation provoque un îlot de chaleur… Lutter contre l’étalement urbain et les centres commerciaux qui s’allongent aux portes de nos villes permet, en outre, de préserver et notre souveraineté agricole et la beauté de nos paysages et de nos forêts.

Nous avons plus artificialisé en cinquante ans qu’en cinq cents ans. Il y a quelques siècles, on faisait grossir le bourg en construisant une maison contre le mur de la précédente, tant pour limiter l’impact en matériaux que pour préserver les espaces permettant de se nourrir. Il faut revenir à une forme de bon sens. Cela ne signifie pas qu’il faut arrêter de construire mais que nous devons retrouver un rythme d’artificialisation compatible avec nos ressources.

Si l’on divise par deux le rythme de ces dix dernières années, cela laisse encore la possibilité d’artificialiser 125 000 hectares, sans compter les friches existantes qui représentent 170 000 hectares – et c’est une estimation basse. Le principe de l’intensification de la lutte contre l’étalement urbain a été adopté dans la loi « Climat et résilience », mais le mode d’emploi doit encore être précisé. Des inquiétudes se sont manifestées depuis le vote de ce texte, les plus petites communes redoutant d’être la variable d’ajustement du renforcement des métropoles, dans lequel les territoires les plus grands pourraient construire le plus.

Par ailleurs, nous avons besoin d’espaces pour rapatrier les activités qui ont été délocalisées. À quoi servirait, en effet, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre chez nous si nous importons des produits fabriqués à l’autre bout du monde, dans des usines utilisant le charbon, et nécessitant du kérosène pour leur transport ? La transition écologique passe par la réindustrialisation de notre pays.

Le Gouvernement, sans rien lâcher de ses ambitions écologiques, souhaite que ce texte soit applicable début juillet, avant l’interruption des travaux au Sénat, mi-juillet, en raison des élections sénatoriales. Adoptée à une écrasante majorité par les sénateurs, cette proposition de loi transpartisane répond aux inquiétudes et aux attentes de l’AMF et de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Ainsi, elle ne conteste pas la nécessité de lutter contre l’étalement urbain – cela a d’ailleurs déjà commencé puisque nous sommes passés de 60 000 hectares urbanisés dans les années 1980 à 40 000 dans les années 1990, 30 000 au début des années 2000 et 20 000 en moyenne ces dix dernières années.

Il nous faut trouver le chemin de crête permettant d’aboutir dans un temps législatif contraint. Nous vous proposons donc une méthode qui a recueilli l’assentiment tant de l’AMF que du Sénat, consistant à traiter la moitié du texte par voie réglementaire et l’autre moitié par voie législative. Dans un souci de transparence, nous avons publié hier matin le texte des projets de décret : vous pourrez ainsi vérifier que les articles de la proposition de loi dont nous demandons la suppression y figurent bien. Si nous ne procédions pas de la sorte, nous ne serions pas en mesure de terminer l’examen au Parlement en juillet et la loi ne serait pas applicable avant la fin de l’année.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission du développement durable a été saisie sur cinq articles. Elle a voté en faveur de la suppression de l’article 6, relatif à la prise en compte des efforts passés, et de l’article 8, qui permet la constitution d’une réserve territoriale, car ils seront entièrement repris dans les futurs décrets, qui ont été travaillés par le Gouvernement en concertation avec le Sénat, l’Assemblée nationale et les associations d’élus. Ces dernières en avaient manifesté le souhait, lors des auditions, afin d’assurer une certaine souplesse et de s’adapter à l’évolution prévisible du ZAN.

Les trois autres articles ont été modifiés par la commission. L’article 3 concerne la conférence régionale, dont la composition a été renforcée. L’article 10 vise à mieux prendre en compte le recul du trait de côte dans les communes littorales. Il est proposé de travailler essentiellement avec les communes ayant une stratégie locale, c’est-à-dire qui sont identifiées dans la stratégie nationale votée dans la loi « Climat et résilience ». Enfin, l’article 13 porte sur la renaturation. Prévue dans la loi « Climat et résilience » à partir de 2031, il est proposé de la mettre en œuvre entre 2021 et 2031 pour que les élus locaux s’engagent dès à présent sur cet objectif. C’est un premier pas, dont nous aurons l’occasion de débattre en séance.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Pascal Lavergne (RE). Les enjeux environnementaux et de protection de la biodiversité ont été pleinement pris à bras-le-corps par le groupe Renaissance et l’ensemble de la majorité présidentielle. Ces enjeux, par leur transversalité, touchent tous les secteurs des politiques publiques. En tant qu’ancien maire d’une commune rurale et vice-président d’une communauté de communes, chargé de l’urbanisme, j’ai pu mesurer toute la passion qui entoure les sujets de construction, car c’est évidemment l’avenir des territoires qui se joue. J’ai pu également constater que l’on admettait trop facilement que développer un territoire revenait à grignoter des terres agricoles, souvent celles qui ont la plus grande valeur économique, au profit d’un désir de maison individuelle ou d’un jardin de 2 500 mètres carrés, enfermant les populations dans des contraintes pendulaires souvent non anticipées.

Entre 2011 et 2021, plus de 250 000 hectares ont été consommés, soit plus de l’équivalent du département des Yvelines. Le foncier renvoie à des enjeux multiples au cœur des politiques d’aménagement du territoire : la répartition équilibrée des hommes et des activités, les enjeux agricoles et la souveraineté alimentaire, la production énergétique verte ou encore le développement d’infrastructures de transport, de services ou industriels. La loi « Climat et résilience » a formulé un double objectif : réduire de moitié le rythme d’artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente et atteindre le ZAN d’ici à 2050.

Tout cela va dans le bon sens. Les objectifs de ce texte sont clairs : favoriser le dialogue territorial au sein d’une conférence régionale qui renforce la gouvernance décentralisée et l’action locale ; accompagner les projets structurants de demain, la comptabilisation des projets nationaux et régionaux permettant à chacun de prendre ses responsabilités et d’être en phase avec son besoin de développement sans obérer celui du territoire supra ou infra ; mieux prendre en compte les spécificités des territoires avec la garantie rurale qui accordera un minimum de surface urbanisable pour respecter chaque commune, celui-ci devant dépendre, à mon sens, de critères tels que la disponibilité en eau ou la présence de services publics plutôt que du nombre d’habitants – mais faisons confiance aux territoires pour coopérer et trouver de bonnes solutions à partir des projets construits collectivement ; prévoir les outils de transition vers le ZAN.

Le texte issu du Sénat permet un meilleur équilibre entre les projets nationaux, régionaux et locaux. Sur ces sujets, la tentation électoraliste pourrait être forte, mais c’est l’intérêt national de ce dispositif qui doit être apprécié.

M. Christophe Béchu, ministre. Le ZAN ne condamne pas une forme de construction, il impose une trajectoire de sobriété. J’entends dire que le ZAN, c’est la fin du pavillon ou de la maison individuelle : c’est faux. La moitié de l’artificialisation en France depuis dix ans est consacrée à des lotissements avec huit logements par hectare, c’est-à-dire des jardins de 1 200 mètres carrés. Il suffirait que la moyenne passe à 600 mètres carrés pour que l’on tienne la trajectoire de sobriété foncière. Ayons un débat vrai, mais en regardant la réalité.

Mme Christine Engrand (RN). Dès le départ, les objectifs prévus par la loi « Climat et résilience » en matière de réduction de la consommation de surfaces auront été une gageure à définir, à expliquer et à appliquer. De ces objectifs les plus drastiques d’Europe, la plupart des maires ne retiennent que l’injustice qui en découle. Les communes qui ont le plus artificialisé ces dernières années peuvent toujours le faire, tandis que les communes rurales ou peu peuplées, qui n’artificialisent que très peu, sont d’ores et déjà condamnées, pour 9 811 d’entre elles, à une consommation d’espaces inférieure à la moitié d’un hectare jusqu’en 2031. C’est à ce décalage que tente de répondre le texte assouplissant l’application des objectifs du ZAN, sans pour autant le remettre en cause radicalement.

Si nous nous accordons tous sur la pertinence de la maîtrise foncière pour protéger les terres, qu’elles soient naturelles, agricoles ou forestières, il faut toutefois affirmer sans détour que le ZAN ne peut être l’alpha et l’oméga de l’urbanisation de demain. Sans autre principe directeur que l’attrition, le ZAN menace gravement le développement des services essentiels – infrastructures sportives, centres de soins, services publics – dans nombre de communes qui ont toujours artificialisé avec parcimonie.

Pour ces raisons, nous plaiderons en faveur d’un ZAN raisonnable et cohérent, qui s’attache à faire peser les contraintes sur les mauvais élèves et à récompenser ou, tout au moins, à ne pas handicaper inutilement les nombreuses communes exemplaires qui n’ont pas attendu le législateur pour faire preuve de sobriété foncière.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Vous évoquez les dispositions législatives « les plus drastiques » d’Europe. Or la France est le plus mauvais élève européen, car nous consommons beaucoup plus que nos voisins européens. Il aurait été souhaitable de construire de façon responsable, comme cela a été fait pendant des siècles, en évitant de trop consommer. Ces cinquante dernières années, on a oublié ce principe. Il est donc fondamental d’adopter un texte encadrant ces constructions.

Vous évoquez également les communes rurales. C’est évidemment une des principales préoccupations. Nous aborderons ce sujet fondamental, non seulement à travers la garantie rurale, mais aussi de l’éventualité de projets d’intérêt intercommunal et, plus globalement, de mécanismes de péréquation et d’équilibrage territorial du droit à construire.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous devons aborder cette discussion avec gravité. Stopper l’artificialisation des sols est une condition pour préserver le seul écosystème compatible avec la vie humaine. Cela implique de mettre un terme à une course folle : nous artificialisons chaque jour l’équivalent d’une centaine de terrains de football pour mettre en œuvre un modèle de développement d’un autre âge – autoroutes, supermarchés, parkings et lotissements pavillonnaires en plein champ. Un sol artificialisé n’est plus capable de remplir ses fonctions écologiques, à savoir contribuer au cycle de l’eau et du carbone. Pire, l’artificialisation décuple les conséquences des catastrophes climatiques que sont les canicules et les inondations. La pleine terre est une ressource non renouvelable que l’humanité doit apprendre à préserver.

Ce propos liminaire me permet de justifier ce qui sera la ligne directrice de mon groupe parlementaire lors de cette discussion : à aucun moment nous n’accepterons la remise en cause, l’affaiblissement ou le recul de l’objectif « zéro artificialisation nette ». On ne négocie pas avec les limites de la biosphère. Il ne s’agit pas de nier les difficultés de mise en œuvre du ZAN, qui étaient d’ailleurs prévisibles. Il a été demandé aux collectivités d’opérer une véritable révolution écologique et urbanistique sans être accompagnées et soutenues par l’État. Je ne citerai qu’un seul exemple : où est le plan Marshall pour la réhabilitation des logements vacants dans les centres-villes des communes rurales, demandé par l’AMRF ? L’État regarde ailleurs ou plutôt il préfère soutenir de grands projets inutiles, consommateurs de pleine terre tels que le projet d’autoroute Toulouse-Castres, qui menace 400 hectares de terres naturelles, ou la ligne 17 du Grand Paris Express, qui artificialise des terres parmi les plus fertiles d’Europe sur le plateau de Saclay. Le présent texte n’apporte aucune solution à ces problèmes, au contraire : en affaiblissant le ZAN sans remédier aux problèmes qu’il soulève, il constitue une double peine.

Nous ne sommes pas plus convaincus par la position gouvernementale. La méthode consistant à substituer aux articles de loi des projets de décret sur un sujet aussi important nous paraît cavalière. C’est d’autant plus problématique si l’objectif est d’exonérer du ZAN les gigafactories d’Elon Musk, comme le souhaite le ministre de l’économie Bruno Le Maire. Sur ce point, monsieur le ministre, vous nous direz si vous avez remporté l’arbitrage.

En résumé, notre priorité sera de défendre le ZAN, c’est-à-dire de défendre un monde vivable.

M. Christophe Béchu, ministre. L’enjeu est de ne pas remettre en cause l’objectif et de préserver les sols, ce qui impose de tenir la trajectoire de sobriété foncière. Toute une partie du texte concerne la répartition des 125 000 hectares. Savoir s’il faut en donner plus aux communes rurales ou tenir compte du rythme de construction, sont, par exemple, des questions sur lesquelles des consensus pourront être trouvés.

J’assume pleinement la méthode que nous avons choisie, qui est la seule à même d’aboutir rapidement. Son caractère « cavalier » est compensé par la transparence que nous faisons sur l’exercice. Nous aurons un débat sur l’article 4 et sur les grands projets d’envergure nationale. La position du Gouvernement est que l’on ne peut pas ne pas compter des projets qui artificialisent ; nous défendons le forfait parce qu’il nous faut un mécanisme simple.

En revanche, il faut se simplifier la vie pour les projets qui permettent de décarboner. La question est de savoir qui détermine si un projet est utile ou inutile. Vous avez cité quelques projets, que vous rangez dans cette dernière catégorie. Pour ma part, je crois aux déclarations d’utilité publique, je crois aux juges. De ce point de vue, nous avons sans doute quelques divergences, mais elles sont la preuve que le débat politique est possible entre nous.

M. Vincent Rolland (LR). L’utilisation plus vertueuse des terres est une ambition partagée. Nous pouvons toujours nous améliorer, mais, de grâce, veillons à ne pas tomber dans l’incantatoire en adoptant des lois hors-sol et en écartant un principe aussi fondamental que celui de réalité, sans quoi la suite de nos débats conduirait à de nombreuses frustrations et déceptions. Nos collègues sénateurs l’ont bien compris en présentant cette proposition de loi, fruit d’un travail transpartisan, des LR aux communistes, et qui est une réponse aux injonctions irréalistes, conduisant à une logique de décroissance, votées sous la législature précédente. Notre groupe entend s’inscrire dans le même état d’esprit pour examiner ce texte.

Dans les territoires ruraux, l’inquiétude ne cesse de croître concernant l’application du ZAN. Les risques sont multiples, dont celui de stopper net le développement économique de ces territoires au profit des pôles urbains et, surtout, d’entraver la construction d’habitats permanents au moment même où les Français n’arrivent plus à se loger. C’est mécanique : la trajectoire vers le zéro artificialisation nette en 2050 par tranches de moins 50 % tous les dix ans va raréfier le foncier et les prix ne vont cesser d’augmenter.

Le défi est de répartir l’effort territorialement sans que nos petites communes en pâtissent et de préserver l’équilibre entre le développement rural et l’urbain. Des communes du littoral en passant par les plus rurales, sans oublier celles de montagne, auxquelles vous savez mon attachement, il convient de tenir compte de leurs spécificités afin de préserver leur attrait économique et touristique.

Nous abordons ce texte avec bienveillance, sous réserve que nous puissions procéder par coconstruction sur certains points qui appellent notre vigilance – je pense notamment à l’enveloppe nationale, la garantie ruralité et la non-prescriptibilité du Sraddet.

M. Christophe Béchu, ministre. Le Sraddet, la garantie rurale et les grands projets d’envergure nationale sont en effet les trois murs porteurs du texte. De la manière dont on va traiter ces questions dépendront la possibilité de concilier cohérence et souplesse et, en définitive, l’approche globale adoptée. Je comprends votre vigilance et suis pressé que nous en arrivions à l’examen de ces articles.

Mme Marina Ferrari (Dem). S’il fait désormais consensus que l’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale est due pour partie à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols, il est également admis que nous devons trouver le juste équilibre pour à la fois atteindre les objectifs de non-artificialisation fixés par la loi « Climat et résilience » et assurer, de manière pragmatique, la bonne application de ses dispositions. En effet, nous avons tous été interpellés à plusieurs reprises par les élus locaux sur les objectifs du ZAN, en particulier par les élus de la ruralité, du littoral et de la montagne. Après la publication des décrets d’application, le constat est unanime : les consignes sont trop contraignantes, voire rendent inapplicables certaines dispositions. On estime par exemple qu’environ 15 % de l’enveloppe d’artificialisation prévue d’ici à 2031 pourrait être consommée par les grands projets d’État, dont les liaisons ferroviaires à grande vitesse ; pour compenser leur impact, certaines collectivités seraient tenues de réduire non pas de 50 %, mais de 85 % le rythme d’artificialisation à l’horizon 2031 ! Cela constitue une entrave importante à la liberté des maires en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Nombre de territoires risquent de se voir privés de toute possibilité de produire de l’habitat, en ces temps de crise du logement.

Pourtant, le ZAN, dont notre groupe partage la philosophie, pourrait être un outil efficace d’aménagement du territoire, si les élus locaux se l’appropriaient. Il serait un levier intéressant pour rénover les 170 000 hectares de friches – soit plus que l’enveloppe totale du ZAN – que compte la France. Les friches, considérées comme des terrains artificialisés, constituent une réserve foncière importante, qu’il convient de mobiliser en priorité.

Nous devons agir rapidement compte tenu des enjeux et du temps législatif qui nous est imparti. Notre groupe salue l’esprit de responsabilité qui a prévalu lors des discussions entre les députés, les sénateurs, les représentants des collectivités locales et le Gouvernement. Les amendements de suppression déposés par la majorité sont ainsi le fruit d’un travail collectif. Le groupe Démocrate, par la voix de notre collègue Mickaël Cosson, proposera de donner plus de souplesse aux territoires dans l’application du ZAN, sans revenir pour autant sur ses objectifs, par exemple à travers la possibilité de mutualiser les surfaces de développement communal. Par ailleurs, ce qui a été fait par voie réglementaire doit pouvoir être modifié par la même voie, afin d’assurer une mise en application rapide. Les décrets qui ont déjà été portés à la connaissance du public sont d’ailleurs conformes à l’esprit du texte sénatorial.

Enfin, nous tenons à saluer le travail des sénateurs, qui répond à la fois aux attentes des élus locaux et aux objectifs de la non-artificialisation.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Merci de rappeler le cap fixé. Il convient en effet de concilier le maintien des ambitions environnementales, la poursuite du développement du pays, notamment à travers les grandes infrastructures, et la nécessaire réponse aux préoccupations des élus. Je vous informe d’emblée que je réserverai un bon accueil à votre proposition de mutualiser le droit à construire des communes, en particulier rurales. Si l’on veut privilégier une approche aussi territoriale et cohérente que possible, il faut laisser la main aux élus locaux. Faisons-leur confiance et accompagnons-les, sans pour autant bloquer leurs initiatives quand elles sont vertueuses.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je tiens à remercier le rapporteur pour l’état d’esprit constructif dans lequel il a mené ses travaux et pour nos échanges en amont de l’examen du texte. J’espère que les constats partagés permettront d’aboutir à des solutions de compromis, mon groupe souhaitant contribuer à l’adoption de dispositions instaurant un objectif de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050.

Eu égard à la réduction importante de la biodiversité, aux enjeux de la préservation de la ressource en eau et à l’adaptation au changement climatique, nous ne pouvons plus artificialiser 20 000 à 30 000 hectares par an. Pour atteindre les objectifs du ZAN, à commencer par celui d’une réduction de moitié du rythme d’artificialisation au cours de la prochaine décennie, il nous faut cependant rendre ces dispositions opérationnelles, en levant tant les difficultés techniques liées aux délais et aux procédures que les doutes d’un nombre croissant d’élus locaux, pour qui la mise en œuvre indiscriminée du ZAN est une négation de la diversité des réalités locales et efface tout potentiel de développement des communes les plus rurales. Équilibrer la transition écologique et la vitalité des territoires, créer des emplois et des logements tout en réduisant notre empreinte sur les espaces naturels, tels sont les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Le Sénat a utilement remis sur le métier les dispositions encadrant le ZAN, mais les solutions proposées ne sont pas toujours adaptées aux enjeux. Il en va ainsi de la garantie rurale, qui apparaît comme une concession nécessaire pour que le dispositif soit un succès, mais qui, pour fonctionner, suppose une certaine souplesse et une adaptabilité à la grande diversité de nos territoires. Nous formulerons à cet égard une proposition équilibrée et différenciante, visant à autoriser les mutualisations tout en conservant l’esprit du dispositif conçu par les sénateurs.

Pour limiter l’extension urbaine, nous devons en outre disposer d’outils permettant de transformer le foncier déjà artificialisé : friches, dents creuses, habitats dégradés ou à l’abandon. Le Sénat a proposé, avec un droit de préemption et un mécanisme de sursis à statuer, des solutions pertinentes, que nous contribuerons à améliorer. Cependant, et ce sera l’un des enjeux de la prochaine loi de finances, nous devrons aussi disposer d’outils et de financements publics afin que les communes puissent transformer ces espaces pour construire, densifier ou renaturer. Des outils fiscaux seront également nécessaires pour éviter que la raréfaction du foncier induite par le ZAN ne provoque une spéculation foncière incontrôlée. Je regrette à ce titre qu’un de nos amendements sur le sujet, qui se contentait d’appliquer la règle, ait été déclaré cavalier. On voit bien que certains articles de notre Constitution ne sont plus adaptés à notre époque.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous n’épuiserons pas la question de la transition fiscale en quelques minutes de discussion générale. Il s’agit assurément de l’angle mort de ce texte, dont l’objet est d’apporter des correctifs à la loi « Climat et résilience », laquelle ne comporte pas de dispositions fiscales. Quel instrument fiscal pouvons-nous utiliser pour accompagner la lutte contre l’artificialisation ? Si l’on ne renchérit pas le coût de l’artificialisation et qu’on n’alimente pas ce qui permettrait de financer la dépollution, on se heurtera à une difficulté. Rendez-vous à la discussion budgétaire !

M. Luc Lamirault (HOR). Nul besoin de rappeler les conséquences d’une artificialisation massive sur l’environnement, la biodiversité et les risques de ruissellement, comme en témoignent les inondations du week-end dernier. Ce constat posé, nous avons fait le choix de définir une trajectoire, qui ne peut pas se faire en un jour. Nous souhaitons réduire de 50 % notre consommation de terres d’ici à 2031, puis cesser toute nouvelle consommation à partir de 2050. Si cet objectif avait fait l’objet d’un consensus au sein de la commission mixte paritaire, il se heurte à des difficultés de mise en œuvre sur le terrain.

Certaines régions ont fait le choix d’être très vertueuses en fixant dans leur Sraddet des objectifs supérieurs à ceux prescrits par la loi, faisant ainsi peser sur les communes une pression supplémentaire. Justifier, expliquer et convaincre de cette nécessité implique un travail pédagogique de leur part.

La déclinaison de la trajectoire de sauvegarde des sols soulève d’autres enjeux que la proposition de loi tend à prendre en considération. Je pense notamment au soutien des politiques de renaturation ou de réhabilitation des friches, à la création d’espaces végétalisés et au changement de la nature des sols, de manière à leur redonner leur fonction de sol nu, à la désimperméabilisation, au développement des entreprises et à la fourniture de logements. Aux côtés de la majorité, le groupe Horizons soutiendra ce texte tout en proposant deux amendements, l’un sur la définition des projets d’envergure nationale ou européenne, l’autre sur le statut des hectares qui s’y rapportent.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il existe en effet un principe général du droit selon lequel les collectivités territoriales peuvent être plus prescriptives ou plus ambitieuses que ce qui est prévu par la loi. La loi « Climat et résilience » ayant déjà fixé des objectifs très ambitieux, si une collectivité territoriale décide d’aller plus loin, elle le fait de manière tout à fait légitime : c’est conforme au principe de libre administration des collectivités. La question est de savoir quels outils on met à la disposition des élus locaux pour concrétiser ces ambitions et faire face aux difficultés rencontrées.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Après avoir exposé hier les conséquences environnementales de l’artificialisation, je veux insister aujourd’hui sur les effets de ce phénomène sur l’agriculture. Je pense qu’aucun ni aucune d’entre nous ne peut s’ériger en défenseur de notre souveraineté alimentaire et des agriculteurs s’il ne défend pas d’abord leur terre. D’un point de vue quantitatif, cette terre est menacée : chaque année, 25 000 hectares sont enfouis sous le béton. D’un point de vue qualitatif, l’artificialisation concerne dans une proportion de 45 % des terres à fort potentiel agricole ; les tristes exemples des terres de Gonesse et du plateau de Saclay sont révélateurs.

Plus largement, artificialiser, c’est altérer durablement les fonctions écologiques d’un sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique, par son occupation ou par son usage. En empêchant l’eau de s’infiltrer dans les nappes phréatiques, en accélérant l’érosion des sols, en contribuant activement au déclin de la biodiversité, l’artificialisation prive les agriculteurs de ressources en eau, dégrade les sols et amoindrit leur résilience face aux ravageurs et aux pathogènes. Au quotidien, elle conduit à la fragmentation des terres agricoles par l’habitat ou par les infrastructures de transport et multiplie les zones de contact entre l’agriculture et les territoires artificialisés, ce qui provoque gênes et nuisances réciproques et peut perturber l’activité agricole.

Enfin, c’est parce qu’ils sont mal rémunérés que les paysans sont incités à céder leurs terres. Il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire, pas plus que de politiques favorables à l’agriculture, sans une lutte contre l’artificialisation des sols. Pourtant, l’idée paradoxale que le développement rural ne pourrait passer que par la destruction des terres agricoles reste présente. Il convient de la déconstruire. Il n’y a aucune corrélation, aucun lien de cause à effet entre l’artificialisation et le dynamisme économique ou démographique. C’est logique : ce que recherchent nos concitoyens, c’est la proximité de leur famille, d’un travail ou de services publics, éventuellement de l’aménité, ce n’est pas la présence de lotissements pavillonnaires ou de plateformes Amazon. C’est en remettant les services publics dans les bourgs, en revitalisant les petites lignes, en développant les emplois locaux dans l’artisanat ou dans la production alimentaire que nous garantirons un développement rural sain.

Nous défendrons prioritairement la suppression des dispositions qui marquent un fort recul des ambitions de la loi « Climat et résilience ». Nous proposerons de les rehausser, par exemple en matière de renaturation. Nous défendrons l’idée d’une véritable planification de l’artificialisation, afin de garantir aux élus locaux la possibilité de construire ensemble des projets sobres et utiles pour leur territoire.

M. Christophe Béchu, ministre. L’enjeu agricole est indéniable. La priorité est de préserver des terres pour l’agriculture. Il faut ensuite faire évoluer les pratiques de manière à améliorer la cohabitation. Que l’on soit préoccupé par la biodiversité, attaché à la souveraineté de notre pays ou partisan de l’adaptation au changement climatique, nous devrions avoir la volonté commune de concrétiser la trajectoire de sobriété et d’en assurer la cohérence.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). Cette PPL arrive à point nommé. Même si nous partageons les objectifs ambitieux de préservation des terres agricoles, des espaces naturels et forestiers, de la biodiversité et de l’eau, il faut rappeler que la loi « Climat et résilience » a été imposée d’en haut, sans concertation et en faisant l’impasse sur les enjeux d’aménagement du territoire, notamment de différenciation territoriale. C’est une loi qui, comme on dit chez nous, arrose là où c’est mouillé.

Monsieur le ministre, j’ai pris bonne note de votre amour subit pour les territoires ruraux. Dites à vos collègues que, s’ils partagent cet amour, il faut qu’ils cessent de fermer les services publics, notamment les écoles, dans ces territoires. Depuis le covid, un désir de campagne s’exprime. Il convient d’assurer le développement et l’aménagement de ces territoires, et nous pensons que cette PPL peut y contribuer. La garantie rurale et la mise à l’écart des projets nationaux nous semblent de bonnes choses. Attention cependant au pilotage des Sraddet par la région : il serait nécessaire que l’État garde la main sur la question. Dans ma région, les relations avec le président du conseil régional sont compliquées. Il importe qu’un encadrement minimal assure l’aménagement équilibré des territoires.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Pour qu’il y ait développement durable, il faut qu’il y ait développement – sinon c’est du sous-développement qui dure. La politique en matière d’artificialisation est une ligne de crête.

Vous avez évoqué 170 000 hectares de friches. Comment aide-t-on les communes à s’approprier les dents creuses et les friches industrielles ? Les petites communes, en particulier, n’ont pas toujours, en dépit de l’existence d’établissements publics fonciers (EPF), ni les ronds pour préempter ni l’ingénierie nécessaire. De même, passer du règlement national d’urbanisme (RNU) à la carte communale, afin d’être éligible au 1 hectare de droit à construire, coûte environ 14 000 euros. Et je ne vous parle pas du coût prohibitif du plan local d’urbanisme ! Comment comptez-vous accompagner les communes dans une logique de développement du territoire plus pertinent ? Pour le recul du trait de côte, je le dis en passant, il faut abonder le fonds Robien.

Enfin, s’agissant des projets d’envergure nationale, je vous signale que pour la centrale nucléaire de Penly, si l’on additionne les parkings, les logements et les infrastructures, on a besoin de 175 hectares. Il faudra faire attention à la manière dont on comptabilise les besoins fonciers…

M. Christophe Béchu, ministre. Il est un peu facile d’affirmer que nous découvrons la ruralité… Je vous invite à suivre demain avec attention la présentation de France ruralité par la Première ministre – que Dominique Faure, secrétaire d’État chargée de la ruralité, et moi accompagnerons. Cela vous permettra de mesurer la cohérence entre les annonces, la garantie rurale et une partie de ce qui a d’ores et déjà été décidé.

Ce que vous évoquez en matière de projets d’ampleur nationale, monsieur Jumel, est crucial. Plus largement, cela soulève la question de la transition écologique : certaines des solutions envisageables supposent du terrain – je pense à la décarbonation des infrastructures de transport et au changement des modes de production. Ces défis seront au cœur de l’article 4 de la proposition de loi.

M. Paul Molac (LIOT). Des comparaisons ont été faites avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais la France, contrairement à ces derniers, reste un pays de ruraux ; c’est une de ses spécificités.

Quand je vous écoute, je ressens parfois comme une culpabilité, et je redoute l’effet de balancier – que nous avons connu, par exemple, avec le remembrement : alors qu’il y avait des parcelles de moins de 1 hectare, on en trouve aujourd’hui de 24 hectares sur lesquelles il ne reste plus que trois arbres ; évidemment, on ne s’est soucié ni de l’hydrologie ni de l’érosion des sols. Je ne voudrais pas que la même chose se produise avec le ZAN. Il existe des dents creuses, dans lesquelles on sait très bien qu’on ne verra jamais aucun tracteur, mais on ne peut pas y construire. J’ai parfois l’impression qu’on veut en faire trop dans l’autre sens.

Cette proposition de loi sénatoriale vient mettre de l’huile dans les rouages. Il y a eu la loi « Climat et résilience », ensuite les décrets, qui l’ont durcie, ensuite encore l’application par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) – et je peux vous dire que ça a toussé. Dans ma région, on compte 20 000 habitants de plus par an : il faut bien qu’on les mette quelque part – sinon, il faut leur dire de rester chez eux, mais je ne suis pas sûr qu’ils apprécient. On va aussi avoir besoin de terrains pour décarboner l’industrie. Tout cela est délicat.

On a évoqué l’histoire. Il y eut une époque, les élus locaux avaient la main. Sont-ils aujourd’hui conscients de la nécessité d’économiser la terre ? La plupart, oui ; ils ne remettent pas en cause la nécessité de consommer deux fois moins de terres agricoles. Cependant, il importe de mettre un peu d’huile dans les rouages.

Épargnez-nous certains discours sur les métropoles où il faudrait concentrer tout le monde. Les métropoles ont des externalités extrêmement négatives et coûtent cher. Elles bénéficient d’ailleurs de dotations bien plus élevées que les milieux ruraux, ce qui pose la question de l’égalité des Français par rapport à celles-ci.

Comme on dit en Bretagne, il ne faut pas être plus mouillé que l’humidité !

M. Bastien Marchive, rapporteur. Une commune sur deux en Europe est française. Non seulement nous ne le nions pas, mais cela fait notre fierté : c’est de là aussi que la France tire son originalité, et peut-être est-ce pourquoi elle est le pays le plus visité au monde.

Il ne s’agit pas non plus d’opposer développement de la ruralité et zéro artificialisation nette. Mieux construire ne veut pas dire moins construire. L’enjeu est de réévaluer les modes de construction à l’aune des grands défis environnementaux.

Enfin, la garantie rurale a précisément pour objet d’assurer un équilibre territorial et d’éviter le phénomène d’hypermétropolisation des populations.

Comment accompagne-t-on les élus locaux ? Tel est, précisément, l’enjeu du texte.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Ce texte arrive à point nommé. Il permettra de mieux associer les collectivités territoriales et de tenir compte des réalités locales – grâce, notamment, à la garantie rurale. Mais pour les territoires ruraux et, surtout, pour les territoires de montagne, ce n’est pas suffisant. Ces territoires ont été exemplaires en matière de sobriété foncière, notamment avec la loi « montagne » et l’interdiction de construire en discontinuité. Alors que ce sont de bons élèves, ils seront les premiers pénalisés. N’oubliez donc pas les territoires de montagne, monsieur le ministre. Tenez compte de leurs spécificités et permettez-leur de se développer et de vivre.

M. Hervé de Lépinau (RN). Il est difficile de décorréler l’objectif de ZAN du code de l’urbanisme, et les réformes successives en matière de gestion du foncier ne jouent que sur le bâton, jamais sur la carotte. Dès lors que vous restreignez le foncier constructible, certaines communes ne pourront plus répondre aux exigences de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose la construction de logements sociaux. Elles devront payer des pénalités sans possibilité de se dégager de leurs obligations. Comment vont-elles faire ?

M. Romain Daubié (Dem). Certains territoires perdent des habitants, d’autres sont en forte croissance. Des traitements différenciés seraient-ils concevables ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il faudra en effet, monsieur le ministre, prévoir des mesures fiscales. Airbnb gèle du foncier dans les territoires littoraux et touristiques ; la pression sur l’offre de logement est préoccupante. Les besoins de financement des EPF doivent être, à mon avis, comblés en jouant sur l’assiette de la taxe d’aménagement. Bref, sans leviers fiscaux, pas de politique efficace d’aménagement du territoire ni d’artificialisation équilibrée des sols. J’entends que ce n’est pas l’objet du texte, mais prendrez-vous au banc des engagements fermes en la matière ?

M. Nicolas Ray (LR). Cette PPL nous donne l’espoir qu’on pourra desserrer l’étau qui pèse sur les communes rurales et sur leur développement économique depuis l’instauration du ZAN. La mesure fixant un plancher de 1 hectare par commune prévue à l’article 7 a l’intérêt d’être claire, mais l’inconvénient d’être uniforme. Or c’est bien l’uniformité que nous souhaiterions éviter. Cette garantie ne prend pas en considération la superficie variable des communes, ni les efforts ou les dérapages constatés. Ne faudrait-il pas opter pour un plancher variable, qui tienne compte de la superficie totale et des surfaces déjà artificialisées ?

Veillons, en outre, à mener une politique de réhabilitation des friches, ce qui permettrait de donner des marges de manœuvre aux communes rurales.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous avez dit : « Mieux construire ne veut pas dire moins construire ». Je voudrais vous rappeler que l’objectif de zéro artificialisation nette se décline de la manière suivante : éviter, réduire, compenser. Éviter et réduire, voilà les priorités. L’objectif en matière d’artificialisation des sols est la sobriété – dans un esprit de justice et d’égalité territoriale, bien évidemment. J’avais déposé à ce sujet un certain nombre d’amendements qui, malheureusement, ont été déclarés irrecevables.

Qu’en est-il des outils à la disposition des communes rurales, notamment en matière de rénovation thermique du bâti ancien et de régulation des maisons secondaires et des plateformes de location touristique ? Il s’agit de leviers majeurs pour libérer du bâti pour celles et ceux qui veulent habiter durablement dans les territoires ruraux.

M. Perceval Gaillard (LFI-NUPES). Confirmez-vous que les outre-mer ne sont pas concernés par ce texte ? À aucun moment, on ne mentionne les schémas d’aménagement régionaux (SAR). Quand serons-nous concernés par la politique menée en matière d’artificialisation ?

M. Christophe Béchu, ministre. Monsieur Vigier, la montagne est évidemment au cœur de nos préoccupations. C’est si ce texte n’est pas adopté que nous restons dans la situation où l’on n’en tient pas compte. Il est fait explicitement mention des territoires de montagne dans les décrets et dans une partie des articles de la proposition de loi. L’article 6 précise que l’on doit tenir compte des dynamiques passées. C’est la meilleure des garanties : compte tenu de la sobriété de ces territoires, l’effort qu’on leur demandera sera nécessairement moindre, en pourcentage.

Monsieur de Lépinau, il n’est pas exact que le ZAN empêchera de construire des logements sociaux. D’abord, 86 % des logements sociaux construits sont de type collectif – contre 44 % pour l’ensemble des logements. Les logements sociaux ont toujours été les plus économes en foncier, ne serait-ce que parce qu’ils sont bien plus souvent construits dans les villes que dans la ruralité.

J’ajoute que le parc social ne se développe pas seulement par la construction de logements neufs. Les bailleurs achètent aussi des logements dans le parc existant – 10 % du parc social proviennent de ces acquisitions, sur les dix dernières années.

Le ZAN n’interdit pas de construire. La densité moyenne doit augmenter, ce qui n’interdit pas le maintien de maisons individuelles : si on divise tout par deux, la taille moyenne du jardin dans la moitié des constructions pavillonnaires sera de 600 mètres carrés plutôt que de 1 200 mètres carrés.

Le ZAN n’empêche pas non plus de respecter le SRU. J’ajouterai même que des milliers de communes sont déjà conformes au ZAN, simplement parce qu’elles n’ont plus un seul mètre carré pour construire !

J’en viens aux évolutions démographiques. Le Parlement a choisi, lorsqu’il a voté la loi « Climat et résilience », de respecter la philosophie de la Convention citoyenne, c’est-à-dire de définir une règle nationale. Les parlementaires ont tout de même estimé qu’on ne pouvait pas imposer à tout le monde une division par deux : on aurait permis beaucoup à des gens qui ont beaucoup artificialisé, et presque rien à des gens qui ont été sobres. Vous avez donc décidé que la répartition serait opérée au niveau des régions. Mais aucune différence n’a été faite entre les régions selon qu’elles gagnent ou perdent des habitants : on a considéré que les trajectoires seraient divisées par deux. Par ailleurs, les pertes démographiques ne sont pas définitives, il y a des dynamiques qui peuvent s’inverser, grâce aux projets de réindustrialisation par exemple. La perspective, c’est donc bien celle d’une division par deux, reflétée par les enveloppes régionales. L’application dépendra de la pression démographique, qui n’est pas la même partout.

En ce qui concerne la fiscalité, je souligne le succès du fonds « friches » – il va falloir compléter les crédits. Je crois au principe pollueur-payeur, donc au principe artificialisateur-désartificialisateur : il faudrait imposer une sorte de surtaxe au moment de l’artificialisation pour abonder un fonds. S’il y a une privatisation de la rente et une nationalisation de la dépollution, on ne s’en sortira pas ! La fiscalité doit accompagner nos actions, c’est très clair.

Les friches ne doivent pas seulement être dépolluées, mais répertoriées : nous devons établir une stratégie. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, et moi-même avons confié une mission en ce sens à M. Rollon Mouchel-Blaisot, père du plan Action Cœur de ville. Les friches devront être prioritaires pour des projets de réindustrialisation : il y a des routes, de l’électricité, des réseaux, donc tout peut aller très vite.

Monsieur Ray, sur la question de la garantie rurale, vous me demandez s’il est juste de donner la même chose à tout le monde. Je vais vous faire une confidence : c’est la ligne que j’ai tenue au Sénat avant d’être mis en minorité de telle façon que j’ai compris que le « 1 % » avait moins de chance de prospérer que le « 1 hectare ». Je ne défends plus le 1 %, car j’ai compris que les territoires ruraux voulaient savoir tout de suite à quoi ils avaient droit. Le calcul en pourcentage revient à la même chose – 1 % de l’artificialisation totale du pays, cela fait 35 000 hectares, or nous avons 35 500 communes –, mais avec des disparités extrêmes, car on donne alors très peu à certaines communes rurales, par exemple des communes de montagne qui ont des obligations de continuité fortes, et beaucoup à d’autres, qui ont pourtant parfois beaucoup artificialisé. Le 1 % n’est pas forcément une récompense de la vertu. J’assume donc qu’il serait souhaitable d’aller vers le 1 hectare.

Madame Pochon, nous ne traiterons pas tous les problèmes en un seul texte ! Le président Kasbarian défendra à l’automne, avec Mme Le Meur notamment, un texte qui portera en particulier sur les locations saisonnières.

En ce qui concerne la rénovation, Olivier Klein, Agnès Pannier-Runacher et moi‑même avons déjà fait quelques annonces. Nous annoncerons plus tard les crédits budgétaires attribués à cette politique : il n’y a pas que les maisons individuelles ; il faut aussi traiter de l’accompagnement du logement social – même si le parc moyen est de meilleure qualité – et du bâti public – 1 milliard de mètres carrés tertiaires sont concernés.

S’agissant enfin des outre-mer, nous vous proposerons une modulation des règles, rendue nécessaire tant par l’évolution démographique que par la réalité des documents d’urbanisme.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons à l’examen des articles 3, 6, 8, 10 et 13, qui ont été délégués à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Je vous rappelle que nous reprenons la totalité des amendements adoptés par cette commission, comme nous nous y sommes engagés.

 

Chapitre Ier
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

 

Article 3 (examen délégué) : Conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

La commission adopte successivement les amendements CE465, CE467, CE468, CE469, CE470, CE471, CE472, CE473, CE474, CE475, CE476, CE477, CE478, CE479, CE480, CE481, CE482 et CE483 de la commission du développement durable.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous n’avons pas pu nous exprimer sur cette série d’amendements ! Notre groupe voulait défendre ses positions. Nous aurions dû pouvoir le faire. Le petit jeu de votes à toute vitesse est un peu ridicule et n’est pas à la hauteur des enjeux.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Martinet, ce qui n’est pas à la hauteur, c’est de mépriser la procédure de délégation sur le fond. Quand notre commission délègue des articles à une autre commission, nous nous engageons à respecter les votes de cette commission. Nos votes sont donc formels : nous tenons simplement notre parole. Manifestement, cela ne vous amuse pas. Mais c’est une procédure tout à fait classique, utilisée par toutes les commissions : nous reprenons les votes de la commission à laquelle nous avons délégué des articles, sans discussion – même le rapporteur pour avis de la commission du développement durable ne s’est pas exprimé. Sinon, cela ne marche plus !

Vous pourrez vous exprimer dans l’hémicycle, modifier, ajouter, casser, amender, rejeter sur tous les articles.

Je sais que vous aimez les polémiques, mais tous ceux ici qui ont un peu de bouteille le savent parfaitement : c’est une procédure connue et que nous respectons à la lettre.

 

Chapitre II
Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

 

Article 6 (examen délégué) : Renforcement de la prise en compte des efforts passés de sobriété foncière

 

La commission adopte l’amendement de suppression CE489 de la commission du développement durable.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

 

 

Article 8 (examen délégué) : Instauration d’une part réservée au développement territorial

 

La commission adopte l’amendement de suppression CE490 de la commission du développement durable.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

 

 

Article 10 (examen délégué) : Prise en compte des spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière, des zones de montagne et des communes ultramarines dans les documents d’urbanisme

La commission adopte successivement les amendements CE484 et CE485 de la commission du développement durable.

 

Elle adopte l’article 10 modifié.

 

Chapitre IV
Prévoir les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN »

 

Article 13 (examen délégué) : Prise en compte des efforts de renaturation avant 2031 et non-comptabilisation des espaces temporairement artificialisés

 

La commission adopte successivement les amendements CE487 et CE488 de la commission du développement durable.

 

Elle adopte l’article 13 modifié.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux articles que nous examinons au fond.

 

Chapitre Ier
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

 

Avant l’article 1er

 

Amendements identiques CE59 de M. Jean-Yves Bony, CE126 de M. Vincent Descoeur, CE141 de M. Thibault Bazin et CE201 de M. Philippe Lottiaux.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). Cette proposition de loi entend lever les difficultés rencontrées pour appliquer la loi « Climat et résilience ». Nous proposons de rédiger l’article 191 de cette dernière en écrivant « afin de tendre vers l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 » plutôt que « afin d’atteindre ».

M. Nicolas Ray (LR). L’objectif de la loi doit rester incitatif, programmatique, a fortiori eu égard au caractère lointain de l’année 2050.

M. Thibault Bazin (LR). On peut se fixer des objectifs à très long terme – l’année 2050 entre dans cette catégorie. L’intérêt des lois de programmation est de fixer des objectifs à cinq ans. Il faut distinguer les deux. Dans le premier cas, il est préférable d’écrire que l’on « tend » vers un objectif ; dans le second, je comprends que le législateur soit plus prescriptif.

Derrière cet amendement, il y a une question juridique. Les contentieux se développent ; je pense notamment à « l’affaire du siècle » : l’État a été assigné en justice pour inaction. Or il paraît difficile de mener des actions en fonction d’objectifs aussi lointains. Cet amendement sécuriserait notre dispositif.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous n’allons pas refaire la loi « Climat et résilience » ! Vous proposez de revenir sur des objectifs que nous nous sommes fixés il y a deux ans, alors qu’ils le sont pour trente ans et que nous avons à peine commencé à les décliner. Ce n’est pas à la hauteur des discussions que nous avons eues en amont sur les enjeux environnementaux de ce texte. Avis très défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable. Même la majorité sénatoriale n’est pas allée jusque-là, or j’aimerais que les deux chambres s’accordent sur un texte. J’entends votre argument sur la sécurité juridique, monsieur Bazin, mais voter cet amendement serait perçu comme une volonté de retour en arrière. Cet amendement inutilement déclaratif ne répond pas au besoin de souplesse et ne nous permettra pas d’avancer.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Monsieur le ministre, vous voulez établir des règles par décret par souci d’efficacité. Nous trouvons le texte plutôt bien, donc nous ne protestons pas trop fort, mais ne prenez pas la mauvaise habitude de priver le Parlement de sa capacité à légiférer !

Reconnaissez qu’un décret n’a pas force de loi, et ne peut pas remettre en cause la loi « Climat et résilience ». Les objectifs de ZAN dans les Sraddet y ont valeur prescriptive. Vous pouvez difficilement, pour rassurer les sénateurs avant les élections sénatoriales, prétendre que vous allez pouvoir les assouplir par décret !

M. Christophe Béchu, ministre. Remplacer la loi par des décrets n’est pas une méthode générale, je vous l’accorde ! Les décrets ne proposent que des précisions. Mais cela nous permet, par exemple, d’écarter les cibles chiffrées, vécues comme une tutelle des régions sur les communes.

M. Thibault Bazin (LR). Notre amendement ne remet pas en cause l’objectif ! Nous proposons d’écrire que l’on « tend vers » l’objectif. On ne peut pas mentir : nous allons agir pour tendre vers l’objectif.

Vous voulez un accord avec le Sénat. Mais le texte des sénateurs est déjà un compromis, pas le texte idéal qu’aurait voulu la majorité sénatoriale. Ils auraient voulu assouplir bien davantage !

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE184 de M. Philippe Lottiaux.

 

Amendement CE23 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout (LIOT). Cet amendement vise à préciser que les objectifs de réduction de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) et d’artificialisation ne concernent pas les parties actuellement urbanisées.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement est en partie satisfait. Je vous rassure, on parle bien d’artificialisations nouvelles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE99 de M. Paul Molac et CE368 de M. André Chassaigne (discussion commune).

M. Paul Molac (LIOT). Je m’inquiète des dynamiques démographiques. Certaines régions sont très attractives ; la Bretagne accueille ainsi 20 000 nouveaux habitants par an, même si on leur dit bien qu’il pleut tout le temps ! Cela crée déjà une pression sur le foncier. Une explosion des prix aurait des conséquences sociales et économiques délétères. Or la politique de réduction de l’artificialisation entraînera une raréfaction du foncier, ce qui ne peut que faire augmenter les prix.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il est juste de mener une politique différenciée et territorialisée en matière de ZAN, mais il faut aussi promouvoir un aménagement équilibré du territoire. C’est ce que vise à préciser l’amendement du président Chassaigne.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous partageons vos préoccupations : les objectifs de la loi « Climat et résilience » doivent être déclinés au plus près des territoires. Il ne s’agit pas d’appliquer de façon uniforme une formule mathématique !

Vos amendements sont en grande partie satisfaits par l’article 191 de cette même loi, qui prévoit que « ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée ». Cela relève des régions et des intercommunalités, qui établissent les documents d’urbanisme. Notre approche, c’est de faire confiance aux élus, qui sont les plus à même de savoir comment répartir au mieux les droits à construire au sein de leur territoire : ils connaissent les enjeux en matière de développement ou de logement notamment.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous voulons, nous aussi, un aménagement équilibré, monsieur Jumel. Nous nous efforçons de le promouvoir notamment grâce à la garantie rurale.

Monsieur Molac, je le dis sans malice, la région Bretagne nous a dit vouloir réussir le ZAN dès 2040. Elle subit en effet une pression démographique importante. Loin de moi l’idée de me faire l’avocat du diable, mais si l’on attribue davantage de foncier pour accueillir des habitants, alors nous en aurons moins pour préserver nos espaces naturels et agricoles ; or ceux-ci font partie du charme de nos régions, et ils ont besoin du ZAN. Nous avons fait le choix de considérer que les dynamiques démographiques peuvent changer : il n’y a pas de certitude du déclin des territoires de l’Est ou du Nord. Nous voudrions sortir de la prédestination tout en préservant nos espaces naturels.

M. Vincent Rolland (LR). Ce qui est rare est cher, et la raréfaction du foncier va accroître les prix des logements. Or nombre de nos concitoyens ont déjà du mal à se loger.

Lorsqu’on construit, il serait peut-être utile de donner la priorité au logement destiné à l’habitation permanente, avant l’hébergement touristique – sans interdire ce dernier, car les communes ont besoin de vivre.

M. Paul Molac (LIOT). J’appelle votre attention sur les tensions qui se font jour sur certains territoires, en Corse, en Bretagne ou ailleurs. Certains citoyens locaux se sentent dépossédés de la possibilité de s’y loger. Gouverner, c’est prévoir, mais en matière de logement je vois que l’on tarde. Je crains une explosion sociale, et je voudrais absolument l’éviter.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Vous dites que l’objectif d’aménagement équilibré du territoire est inscrit dans la loi. J’ai fait des Sraddet, j’ai fait des PLU, j’ai participé à l’élaboration des SCoT – bref, j’ai eu la chance d’occuper tous ces mandats et cela me permet de savoir de quoi je cause. Avec la loi NOTRe – la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République –, nous avons été confrontés à une métropolisation, à un véritable déménagement du territoire : vouloir rééquilibrer l’aménagement du territoire, même lorsqu’il s’agit d’appliquer la loi « Climat et résilience », ne me paraît pas déconnecté de la réalité ! Si nous l’écrivons dans la loi, les préfets devront y veiller.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous traiterons de la question des meublés touristiques et des équilibres lors de l’examen de la proposition de loi portée par Mme Le Meur.

Monsieur Molac, s’agissant de la spéculation, nous aborderons tout à l’heure les dispositions relatives au droit de préemption renforcé et sur le sursis à statuer ZAN.

Nous attribuons des hectares, et non des habitants : le fait qu’il y ait bientôt 400 000 habitants de plus en Bretagne pose surtout la question des formes urbaines.

Monsieur Jumel, d’autres que vous ont été confrontés à ces documents d’urbanisme. Écrire en début de texte que l’aménagement est équilibré me paraît moins utile que d’installer des garde-fous qui éviteront des interprétations préfectorales divergentes : c’est la garantie rurale que nous examinerons tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE370 de M. Davy Rimane.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). M. Rimane demande que la Guyane n’ait pas à atteindre les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Le territoire de la Guyane, qui est à plus de 90 % la propriété de l’État, fait en effet face à une dynamique démographique et des enjeux de développement manifestement incompatibles avec une réduction significative de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement est satisfait. Les outre-mer doivent évidemment être traités de manière particulière, et ils ne sont pas soumis à l’objectif de réduction de moitié à l’horizon 2031. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Cibler la Guyane, qui abrite une partie de l’Amazonie, me semble une mauvaise idée. Je préfère que la loi prévoie un traitement différencié pour tous les territoires ultramarins.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE32 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout (LIOT). La loi « Climat et résilience » fixe des objectifs chiffrés globaux : l’artificialisation d’une parcelle cultivée en périphérie de village ou d’une prairie au cœur d’un corridor écologique sera comptabilisée de la même manière que le comblement d’une dent creuse sans enjeu agricole ou un cœur d’îlot en centre urbain.

Cette vision réductrice de la gestion de l’espace éloigne les élus des véritables enjeux auxquels doivent répondre les documents d’urbanisme : protéger la ressource en eau, pérenniser l’activité agricole, soutenir la transition énergétique, répondre aux besoins en logements.

Pour atteindre l’équilibre défini dans les principes généraux du code de l’urbanisme, une approche qualitative et pas seulement quantitative permettrait de mieux tenir compte de la valeur écologique et agronomique des sols.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Les dents creuses et les cœurs d’îlot ne sont pas considérés comme des espaces naturels, agricoles et forestiers ; ils ne sont pas concernés jusqu’en 2031.

Je salue votre volonté de préserver la valeur agricole des sols. La loi « Climat et résilience », comme les décrets relatifs à la nomenclature, prennent cet aspect en considération.

L’amendement étant en grande partie satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. Paul Molac (LIOT). S’agissant des dents creuses, tout dépend de l’interprétation de la direction départementale des territoires et de la mer. Certaines DDTM veulent limiter les constructions à la campagne et encadrent fortement la définition : pour qu’ils acceptent qu’une parcelle est une dent creuse, il faut qu’elle soit à l’intérieur d’un village et entièrement entourée par des maisons. J’ai vu des situations curieuses, où l’on a une maison à droite, une maison à gauche, mais où la parcelle du milieu n’est pas considérée comme une dent creuse. Pourtant, je sais bien qu’on n’y verra jamais de tracteur, surtout s’il y a un bois derrière ! Il faudrait revoir les définitions. Les parcelles simplement à l’abandon entre deux maisons sont nombreuses, et il me paraît étrange qu’on n’arrive pas à les urbaniser.

M. Christophe Béchu, ministre. Vous avez raison, il faut clarifier techniquement ce point dans les instructions, car il ne s’agit pas d’artificialisation dans un cœur de bourg. Urbaniser une dent creuse plutôt qu’un espace autour de la commune répond au plus élémentaire bon sens.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 1er : Allongement des délais d’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents de planification et d’urbanisme, et simplification de l’évolution du Sraddet

 

Amendement de suppression CE304 de Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’article 1er constitue une régression à plusieurs niveaux du droit de l’environnement, notamment des acquis et des objectifs de la loi « Climat et résilience », puisqu’il reporte à nouveau l’adaptation des Sraddet, des SCoT et des PLUi aux objectifs de sobriété foncière. Il réduit le délai d’approbation par le préfet du Sraddet, ce qui empêchera un examen minutieux du document, et il prévoit une consultation simultanée des personnes publiques associées et du public, alors que celle des premières est supposée se tenir avant celle du second pour l’éclairer.

Je sais, monsieur le rapporteur, que vous partagez certains de ces arguments, donc je vous propose que nous supprimions ensemble cet article.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il ne faut en effet pas reporter pour reporter et il n’est pas nécessaire de reporter à nouveau les délais pour les SCoT, les PLU et les PLUi : chaque collectivité territoriale sait depuis 2021 qu’elle devra modifier ses documents d’ici à 2026 ou 2027, horizon suffisamment éloigné pour mener cette tâche à bien. Plus on se rapproche de 2031, échéance à laquelle l’objectif de réduction de 50 % du rythme d’artificialisation doit être atteint, plus il est difficile d’intégrer cette cible dans les documents d’urbanisme.

Néanmoins, en souhaitant supprimer l’intégralité de l’article, vous proposez de supprimer aussi les délais accordés pour les Sraddet. Il est vrai qu’ils ont déjà été revus, mais la proposition de loi cherche à avoir un effet sur les outils à décliner et comporte, pour ce faire, un volet important sur la territorialisation. Il me semble préférable d’accorder un léger délai aux Sraddet, que nous aurons l’occasion d’évoquer plus tard. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne souhaite pas que l’article soit supprimé. On a besoin d’un temps de discussion pour les Sraddet. Il ne doit certes pas être infini – ma ligne rouge est celle des échéances de 2031 et de 2050 –, mais il est souhaitable de se laisser quelques mois de plus pour avancer, compte tenu, entre autres, des amendements que vous avez fait adopter hier, madame Belluco, qui visent à élargir la conférence du ZAN à des personnalités extérieures qui renseigneront les trajectoires.

Combien de temps durera cette prolongation ? Six mois ? Neuf mois ? Les positions sont diverses, mais je suis en tout cas opposé au refus de donner un peu de temps aux régions pour discuter avec les communes, du moment que l’on ne touche pas à l’échéance de 2031.

M. Thibault Bazin (LR). Depuis les dernières lois sur l’environnement, des événements imprévus se sont produits ; certains d’entre eux ont compliqué les rencontres et les échanges – la crise sanitaire a même empêché les premières pendant un temps –, et l’installation des conseils municipaux et intercommunaux a été retardée. L’inflation a engendré des défis pour les collectivités territoriales et a mobilisé leur attention.

La concertation requiert du temps et des moyens – elle n’est pas gratuite –, et les élus locaux ont dû faire face à des changements de périmètre de différentes structures. Les retours du terrain nous enjoignent de donner du temps supplémentaire pour construire des stratégies partagées. Je souhaite que l’on maintienne le report et je voterai donc contre l’adoption de cet amendement de suppression.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il ne faudrait pas non plus mettre en difficulté les collectivités territoriales en leur laissant trop de temps. Plus on en prend pour élaborer les objectifs, les trajectoires et les documents, plus on se rapproche de l’échéance de 2031 et plus on risque de voir une collectivité territoriale approuver son document, par exemple en 2028, et se rendre compte que son enveloppe d’artificialisation est vide jusqu’à 2031.

Les régions ont bien avancé sur les Sraddet – je sais, en tout cas, que
la Nouvelle‑Aquitaine est allée loin dans la définition de la trajectoire de réduction de l’artificialisation d’ici à 2031 –, mais j’entends qu’un petit délai supplémentaire puisse leur être accordé.

Je fais confiance au rapporteur et je retire l’amendement.

L’amendement est retiré ainsi que l’amendement CE305 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendements CE211 de M. Stéphane Delautrette, CE164 de Mme Mathilde Hignet, amendements identiques CE14 de M. Guy Bricout, CE212 de M. Stéphane Delautrette et CE421 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques CE272 de M. Julien Dive et CE318 de M. Vincent Rolland, et amendement CE188 de M. Vincent Descoeur (discussion commune).

M. Stéphane Delautrette (SOC). Mon amendement devrait recueillir l’assentiment du rapporteur puisqu’il vise à reporter l’entrée en vigueur des Sraddet modifiés pour intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation d’Enaf. Toutefois, le délai supplémentaire, si nécessaire qu’il soit, doit être contenu et nous proposons de le réduire de quarante-deux mois à trois ans après la promulgation de la loi « Climat et résilience ».

Nous ne souhaitons pas que les SCoT, les PLU et les documents d’urbanisme des communes bénéficient d’un même report, car les délais qui ont été accordés pour leur élaboration sont suffisants. En outre, il faut tenir compte du calendrier électoral que les prochains élus doivent avoir le temps de déployer.

M. René Pilato (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer le report d’un an de l’entrée en vigueur des documents régionaux de planification modifiés en vue d’intégrer les objectifs et les trajectoires relatifs à la lutte contre l’artificialisation des sols.

Ce report constituerait un énième recul pour ces documents régionaux de planification, dont le délai d’élaboration sera ainsi passé de deux ans à trente mois, puis à quarante-deux mois. Ces reculs envoient un signal négatif alors qu’il est urgent de restaurer les milieux humides et de limiter au maximum l’artificialisation des sols. Je comprends que la concertation nécessite un peu de temps, mais il faut maintenant agir.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement de repli CE212 ne porte que sur les Sraddet.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). L’amendement de M. Dive vise à porter le délai de quarante-deux à quarante-huit mois.

M. Vincent Rolland (LR). Cet amendement identique vise à donner plus de temps à la concertation pour ne pas tomber dans la précipitation ; il faudra également revoir certaines échéances fixées dans d’autres textes.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Il vise à reporter d’un an supplémentaire le délai d’entrée en vigueur des objectifs de réduction d’artificialisation fixés par les documents d’urbanisme locaux pour le porter à cinquante-quatre mois. Le but est d’éviter les contentieux liés aux consultations des personnes publiques ainsi que la réduction du temps de consultation.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je suis favorable à un report du délai pour les Sraddet puisque le texte aura une incidence importante – du moins, je l’espère – sur la territorialisation, au travers notamment de l’introduction de projets d’intérêt régionaux, que nous aborderons tout à l’heure. Il serait déraisonnable de maintenir l’échéance de février 2024 pour l’adoption des Sraddet : nous sommes en juin 2023, une commission mixte paritaire (CMP) se prononcera sur le texte, une fois celui-ci promulgué, il faudra prendre des décrets, puis les acteurs locaux devront s’en saisir et lancer les consultations ; pour avoir été conseiller régional, je ne vois pas comment tout pourrait être accompli avec sérieux avant février 2024.

Je soutiens un report de six mois pour les Sraddet, jusqu’à août 2024 : ce délai me semble raisonnable, d’autant que les régions ont déjà commencé leur réflexion. Sur la façon de décliner les objectifs, elles ont déjà dû avancer ; en revanche, elles devront se pencher sur l’intégration des projets d’intérêt régionaux et sur le degré de territorialisation. Il me semble possible de traiter ces questions d’ici à août 2024.

J’ai déjà dit que je ne suis pas favorable à un report des SCoT et des PLUi.

Sur le fond, je suis favorable à l’amendement CE211 de M. Delautrette, qui traduit cette double position. Les amendements de repli CE14 et identiques et CE449, qui n’a pas encore été présenté, découplent le délai du Sraddet et celui des SCoT et des PLUi : sur le fond, mon avis ne change évidemment pas, mais je tiens à vous alerter sur le fait que l’adoption du CE211 ferait tomber plusieurs amendements dont l’un porte sur les outre-mer. Ce serait dommage, donc je vous demande, monsieur Delautrette, de retirer votre amendement pour que nous puissions débattre de l’ensemble des sujets, au profit des amendements CE14 et identiques.

M. Christophe Béchu, ministre. Dès lors que l’on décide d’allonger le délai, je m’en remets à la sagesse de la commission pour déterminer le report idoine.

M. Bastien Marchive, rapporteur. J’aimerais que M. Delautrette retire l’amendement CE211 pour que nous puissions examiner les amendements suivants, qui traitent également des SCoT et des Plui, mais aussi des outre-mer – ces territoires sont importants.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je suis surpris de cette demande : si un amendement reçoit un avis favorable, on le vote. Cela ne doit pas pour autant priver les collègues de s’exprimer sur les sujets qu’ils jugent opportuns, notamment en séance publique. Je ne retire pas mon amendement.

M. Christophe Béchu, ministre. Dans ce cas, je serai défavorable à son adoption, car celle-ci conduirait à traiter les outre-mer comme le reste de la métropole. Or des engagements précis ont été pris en faveur de ces territoires, dans le cadre du compromis que nous sommes en train de bâtir.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le groupe GDR accorde une attention très particulière aux outre-mer, donc j’entends votre argument, monsieur le rapporteur. Pourquoi ne pas sous-amender l’amendement de M. Delautrette ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Une fois la discussion d’un amendement engagée, on ne peut plus amender celui-ci en commission. En revanche, si l’amendement de M. Delautrette était maintenu et adopté, il ferait tomber de nombreux amendements ; libre à vous ensuite d’amender sa rédaction en vue de la séance publique.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous sommes évidemment attachés à la prise en compte des outre-mer. Monsieur le président, je vous demande de suspendre la réunion quelques instants afin de trouver une solution.

 

La réunion est suspendue quelques minutes.

 

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je ne suis pas convaincu par la méthode, mais je retire l’amendement, car nous sommes très attachés aux territoires ultramarins.

L’amendement CE211 est retiré.

Successivement, la commission rejette l’amendement CE164 et adopte les amendements identiques CE14, CE212 et CE421.

En conséquence, les amendements CE272, CE318 et CE188 tombent.

 

Amendement CE132 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit d’un amendement de coordination avec différents textes de loi, notamment avec le projet de loi relatif à l’industrie verte. Il convient d’intégrer dans ce texte des objectifs de développement industriel – le Président de la République a fait des annonces à ce sujet. Pour produire à nouveau en France, il faudra déployer des politiques d’accompagnement. Je suis sûr que vous serez sensible à cet amendement, monsieur le président.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous sommes évidemment sensibles au développement industriel du pays, qui constitue l’une de nos priorités. Toutefois, si un besoin de coordination se faisait jour, le moment opportun pour y procéder serait l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte. Au reste, bien que nos intentions soient claires, les débats sur le projet de loi relative à l’industrie verte n’ayant pas commencé, il ne faut pas préjuger de son contenu. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je retire de mon expérience de la précédente législature que nous avons parfois voté des textes qui n’étaient pas forcément cohérents entre eux. En particulier, les dispositions sur le logement de la loi « Climat et résilience » ne correspondaient pas à celles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan).

Nous fixons souvent des objectifs sans prévoir les moyens de les atteindre, une erreur qu’il ne faudrait pas commettre dans la loi relative à l’industrie verte, dont un des enjeux sera foncier. Il n’est pas évident de reconstruire des sites d’industrie chimique à des endroits qui n’en accueillaient pas auparavant.

Si nous n’assurons pas la coordination entre les textes, le développement pourrait s’en trouver menacé. Je maintiens mon amendement, car le projet de loi relatif à l’industrie verte a déjà été déposé ; il est donc possible d’assurer une coordination avec cette proposition de loi, et la navette parlementaire en serait l’occasion.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Votre alerte est fondée, mais respectons la chronologie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE395 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac (LIOT). Cet amendement, dont je crains qu’il soit celui qui a empêché l’adoption du CE211 de M. Delautrette, vise à fixer une trajectoire d’artificialisation des sols pour les territoires d’outre-mer, en adaptant la loi « Climat et résilience ».

M. Bastien Marchive, rapporteur. C’est bien cet amendement que je voulais sauver. L’avis est donc favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE432 de M. Bastien Marchive, CE165 de Mme Catherine Couturier et CE449 de Mme Lisa Belluco.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il vise à ne pas reporter les délais pour les SCoT et les PLUi – je ne reviens pas davantage sur le sujet.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Il faut avancer, et je regrette à ce titre le retrait de l’amendement CE211 de M. Delautrette. Des discussions sont déjà engagées pour l’intégration des objectifs d’artificialisation des sols dans les Sraddet. J’ai entendu la préoccupation du ministre de donner aux régions le temps de consulter tous les partenaires pour élaborer ces documents, mais le délai actuellement prévu me paraît suffisant, d’autant que les capacités d’ingénierie techniques sont disponibles.

L’amendement vise à ne pas reporter l’élaboration des SCoT et des PLUi : certains territoires n’ont pas élaboré ces documents, et il aurait été bon de maintenir le même délai pour l’ensemble des objectifs.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CE451 de M. Vincent Descoeur tombe.

 

Amendement CE92 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). En Corse, on considère que l’absence de SCoT est palliée par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc), qui est un Sraddet renforcé sur le plan réglementaire puisqu’il permet de créer des espaces stratégiques avec lesquels les documents d’urbanisme doivent être compatibles. Il n’y a qu’un SCoT approuvé à ce jour en Corse, deux autres étant en gestation ; la situation est très spécifique puisque 58 % des communes sont soumises au règlement national d’urbanisme.

Le contentieux relatif à l’interprétation du Padduc étant important, il semble nécessaire de préciser clairement que le Padduc s’applique là où il n’y a pas de SCoT.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Vous considérez que le Padduc peut se soustraire aux documents d’urbanisme d’un rang plus élevé lorsque ceux-ci n’ont pas été adoptés. C’est en fait déjà le cas, donc l’amendement est satisfait. J’entends le besoin de clarification que vous exprimez, mais la loi ne laisse pas place au doute sur ce point. Nous pouvons regarder, d’ici à la séance publique, si quelques précisions sont nécessaires, mais votre requête est déjà satisfaite. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). J’insiste parce que le contentieux est important, preuve que les choses ne sont pas si claires. Si cela va sans dire, écrivons-le ! Cette clarté aidera le tribunal administratif. Les enjeux de spéculation foncière et immobilière sont énormes, donc je souhaiterais que l’on insère une telle précision dans le texte.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous propose que nous regardions la question avec le ministère compétent en la matière d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE15 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout (LIOT). Il vise à ce qu’un délai supplémentaire soit accordé pour l’élaboration des PLU, dont le calendrier actuel devrait être maintenu, en cas de procédure de PLUi prescrite à compter de la promulgation de la loi « Climat et résilience ». L’objectif est d’inciter les communes encore non couvertes à se doter de ce document pour réduire le nombre de communes régies par le RNU. Les territoires entrant dans cette démarche bénéficieraient d’un délai supplémentaire de deux ans pour élaborer leur PLU.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je partage votre volonté d’encourager l’ensemble des communes à se doter de documents d’urbanisme : elles se rendraient ainsi service, en particulier à l’aune des enjeux que nous évoquons aujourd’hui. Néanmoins, le délai que vous proposez me semble excessif : la décennie actuelle prend fin en 2031, donc une échéance fixée à 2029 me paraît trop tardive pour intégrer les objectifs de la loi « Climat et résilience ». Cela engendrerait une forme de gel du développement et de la capacité à construire de la commune dans les deux dernières années de la période. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE93 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Cet amendement est crucial. Il vise à ce que les objectifs de réduction de la consommation d’espaces soient définis en Corse dans le Padduc et s’appliquent au RNU, ce que ne prévoit pas la loi générale.

Dans notre île, 58 % des communes sont soumises au RNU : les exclure reviendrait à donner une prime à celles qui n’ont pas adopté de document d’urbanisme. Dans un contexte de spéculation foncière et immobilière, de nombreuses communes littorales, qui concentrent 80 % des transactions immobilières en Corse, sont régies par le RNU et ont bénéficié d’une permissivité assez déconcertante de la part des services de l’État durant de nombreuses années. L’ampleur de l’artificialisation des sols donne le vertige, puisque sa croissance a atteint 39 % dans certaines communes en dix ans. Le parc de logements neufs croît, à l’inverse de la situation hexagonale, et il est principalement constitué de résidences secondaires.

Certaines communes restent au RNU car leur petite taille ne leur offre pas l’ingénierie suffisante, d’autres parce qu’elles sont la proie de l’appétit financier de la voyoucratie – les maires renoncent à se prononcer sur la constructibilité d’un terrain dans un document d’urbanisme.

Il faut donc que le Padduc comporte une clause stipulant que ses objectifs s’appliquent également aux communes soumises au RNU : il s’agit d’un enjeu sociétal crucial pour l’île.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Vous soulevez beaucoup de sujets importants. Une commune au RNU est soumise à des règles plus dures puisqu’elle doit recevoir l’accord de la préfecture pour chaque projet. L’État veille à la déclinaison des objectifs en la matière. Quelque part, votre amendement est satisfait, et le cadre actuel est même plus protecteur que votre proposition.

En outre, nous évoquerons tout à l’heure la garantie rurale, notamment son conditionnement à l’engagement d’élaborer un document d’urbanisme permettant de sortir des difficultés que vous évoquez.

Derrière votre question, il y a aussi celle de l’accompagnement en matière d’ingénierie. Cet aspect n’entre pas dans le champ de la proposition de loi, même si nous aborderons tout à l’heure la mise à disposition des données, mais il s’agit d’un élément central pour que les communes élaborent des documents d’urbanisme propres à dissiper les doutes. Reste que les textes sont clairs : une commune au RNU doit prendre en compte certaines orientations dans le cadre de ses projets, et la préfecture y veille.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). J’insiste, car la situation crée des tensions très importantes. J’ai parlé de voyoucratie.

Je répète les chiffres que le ministère de l’intérieur connaît : 80 % des transactions immobilières concernent trente-cinq communes, la plupart situées sur le littoral et soumises au RNU ; l’artificialisation des sols des communes a augmenté de 39 % en dix ans, soit 4 437 mètres carrés artificialisés par habitant gagné, 85 % des habitations étant des résidences secondaires, le tout avec l’autorisation préfectorale. La dérogation est devenue la règle.

Pour mettre un terme à cette dérive qui ne dit pas son nom, le juge de paix démocratique est le Padduc, qui doit s’appliquer aux communes régies par le RNU.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Toutes les mentions figurent dans l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme. Si vous introduisez une disposition spécifique sur la Corse, on en déduit a contrario qu’elle ne vaut pas pour l’Hexagone. Le régime national s’applique.

Je vous propose néanmoins que nous évoquions ensemble, avant la séance, les dysfonctionnements sur lesquels vous avez alerté par le biais de plusieurs amendements, en dépit de la clarté apparente de la loi.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement CE91 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Il s’agit d’affirmer la déclinaison territoriale du Padduc, à l’instar de ce qui existe pour les Sraddet. On nous dit que par déduction, elle s’applique déjà, mais nous serions rassurés s’il était mentionné dans l’article consacré au Padduc – article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Cet objectif est décliné entre les différentes parties du territoire de la Corse. »

M. Bastien Marchive, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, les dispositions nationales s’appliquent à la Corse. Votre demande est donc déjà satisfaite.

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis de l’avis du rapporteur. Je me tiens néanmoins à la disposition de M. Acquaviva.

M. Thierry Benoit (HOR). J’ai été très sensible à l’argumentation de M. Acquaviva pour défendre l’amendement CE93 en vertu duquel les objectifs contraignants en matière d’artificialisation s’appliqueraient aux communes soumises au RNU en Corse. Il faut mettre fin à la spéculation et aux dérives que peut connaître aussi le littoral breton.

Monsieur le ministre, vous devez prendre l’engagement de vous assurer que la loi répond bien à la demande formulée dans l’amendement et d’en discuter avec les élus corses. Le sujet mérite d’être pris très au sérieux.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Je remercie M. Benoit pour son soutien. Nous ne pouvons en effet pas en rester là.

Si je suis votre raisonnement, il faut supprimer toutes les dispositions du CGCT relatives au Padduc. Pourquoi introduire le principe de la déclinaison territoriale pour les Sraddet et pas pour le Padduc ? L’argument de l’uniformité nationale a ses limites puisqu’on a jugé utile de créer le Padduc, lequel permet, à la différence du Sraddet, de définir des espaces stratégiques. Les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec le Padduc, ce qui confirme sa spécificité réglementaire. En refusant de reconnaître la déclinaison territoriale du Padduc, vous prenez le risque d’ouvrir des contentieux dans un domaine spéculatif. Nous voulons clarifier les règles. Qui peut le plus peut le moins.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons quelques jours avant la séance pour nous assurer de la validité de notre raisonnement. Je fais droit à la demande de M. Benoit de vérifier que les objectifs d’artificialisation s’appliquent au Padduc. Nous voulons, comme vous, freiner la spéculation.

J’ai le sentiment que le problème porte davantage sur l’effectivité de la mise en œuvre de la loi au plan local que sur son contenu.

Il y a quelques jours, des discussions ont eu lieu sur les nouvelles souplesses institutionnelles qui pourraient être données à la Corse. Monsieur Acquaviva, je prends l’engagement de vérifier les divers points, et si nécessaire, de vous voir afin que des réponses claires soient apportées à votre questionnement légitime.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE433 de M. Bastien Marchive, CE334 de M. Pascal Lavergne et CE361 de Mme Lisa Belluco.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le Sénat a décidé de réduire à un mois le délai de consultation des personnes publiques associées sur les Sraddet. Compte tenu du nombre de collectivités qui soumettront pour avis, probablement de manière concomitante, des documents souvent volumineux, il semble déraisonnable de raccourcir des délais qui sont déjà brefs.

L’amendement vise donc à revenir au délai de droit commun de trois mois pour approuver le Sraddet.

M. Pascal Lavergne (RE). Les régions auront des difficultés pour délibérer dans un délai d’un mois. Je suis favorable à l’accélération des procédures mais le délai de trois mois me semble raisonnable pour faire un travail de qualité dans le respect des règles démocratiques.

La commission adopte les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE434 de M. Bastien Marchive, rapporteur.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 : Rapport de prise en compte entre les règles du Sraddet concernant la lutte contre l’artificialisation des sols et les documents d’urbanisme locaux et justification des choix retenus en matière de territorialisation régionale

 

Amendements de suppression CE435 de M. Bastien Marchive, CE328 du Gouvernement, CE166 de M. Perceval Gaillard, CE335 de M. Pascal Lavergne et CE362 de Mme Lisa Belluco.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’article 2 concerne le lien juridique entre les Sraddet et les documents infrarégionaux en matière d’artificialisation des sols.

La loi « Climat et résilience » et les décrets d’application consacrent la compatibilité, laquelle présente le double avantage d’éviter toute contrariété du document inférieur au document supérieur et de laisser la marge nécessaire à la territorialisation des objectifs du Sraddet.

Le Sénat a affaibli ce lien en exigeant une simple prise en compte des objectifs régionaux en matière d’artificialisation des sols. Je vous propose donc de supprimer l’article.

M. Christophe Béchu, ministre. À la demande de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et dans le souci de souplesse manifesté par le Sénat, nous supprimons le caractère prescriptif du Sraddet afin d’éviter une tutelle des régions sur les communes et les intercommunalités. Cela ne correspond ni à l’esprit de la loi ni à celui de la CMP et un recours a été engagé contre le décret qui impose le caractère prescriptif.

Il est proposé de renvoyer à un décret, négocié et approuvé par l’AMF, la définition d’un lien de compatibilité entre l’échelon régional, qui doit conserver un rôle d’orientation, et les communes. Il s’agit d’affirmer la trajectoire de sobriété foncière en laissant davantage de souplesse dans la mise en œuvre au niveau communal.

M. Perceval Gaillard (LFI-NUPES). En vertu de l’article 2, les documents d’urbanisme doivent seulement prendre en compte et non plus être compatibles avec les dispositions relatives au ZAN contenues dans les Sraddet et les schémas d’aménagement régional (SAR). Il s’agit d’un recul majeur.

Nous veillerons à ce que le décret évoqué par M. le ministre ne reprenne pas des éléments de l’article dont nous demandons la suppression.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Très attaché au principe de libre administration des collectivités territoriales, je supporte mal la tutelle d’une collectivité sur une autre.

Peut-être ai-je mal compris, mais je ne suis pas totalement rassuré par les explications du ministre.

Vous prétendez supprimer le caractère prescriptif du Sraddet, mais le décret ne modifie pas les objectifs qui sont assignés au schéma par la loi « Climat et résilience » et qui, eux, s’imposent. En outre, dans le même décret, la déclinaison territoriale du Sraddet devient une faculté pour la région. Toutefois, si celle-ci choisit de l’exercer, le schéma redevient prescriptif.

Nous savons que le texte a vocation à rassurer les maires à la veille des élections sénatoriales. J’aimerais que des garanties sérieuses leur soient données.

M. Vincent Rolland (LR). Il s’agit pour nous d’un point dur. Nous sommes favorables à la suppression mais nous serons très vigilants sur la rédaction du décret – il n’est pas rare que les décrets disent de manière subtile l’inverse de ce que le législateur souhaitait.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’intention de l’exécutif est-elle de conserver un lien de compatibilité dans le cas du Padduc ? Les élus y tiennent absolument. Si vous ouvrez la boîte de Pandore, ce sera la catastrophe. Compte de la situation particulière de la Corse, une clarification est nécessaire.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous soutenons la suppression de l’article. Sans compatibilité, nous n’avons plus d’assurance que les objectifs ZAN seront suffisamment pris en compte dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Nous prenons le risque de revenir sur l’un des seuls acquis forts de la loi « Climat et résilience ».

Nous tenons à alerter sur la suppression, dans le décret, du caractère prescriptif du Sraddet. Vous avez précisé que les régions devront fixer des règles de répartition pour atteindre l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation en 2031 ; que le préfet aura recours au contrôle de légalité pour s’assurer du respect de la trajectoire dans les différents documents d’urbanisme ; et que la société civile pourra attaquer devant la juridiction administrative les documents d’urbanisme non conformes à la trajectoire. Un point nous inquiète néanmoins : la norme sera-t-elle suffisamment impérative pour que le contrôle puisse s’exercer ?

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous soutenons la suppression de l’article qui remet en cause le caractère prescriptif des objectifs ZAN.

Je note toutefois que les attentes des groupes politiques favorables à la suppression de l’article sont bien différentes. C’est la difficulté de l’exercice. Le décret, en reprenant une partie du contenu de l’article, contribue à affaiblir les objectifs ZAN. Cela fait mon insatisfaction et la satisfaction des collègues sur les bancs de la droite. La méthode consistant à supprimer l’article pour confier la plume au Gouvernement nous prive d’un débat démocratique.

M. Mickaël Cosson (Dem). Le groupe Démocrate soutient la suppression de l’article puisque le décret comportera les éléments nécessaires. En outre, nous faisons confiance à la préfecture pour exercer le contrôle de légalité. Si tel n’était pas le cas, les associations ne manquent pas dans notre pays pour empêcher les projets de voir le jour. Je ne suis pas inquiet, l’objectif de 50 % sera atteint.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CE167 de M. William Martinet et CE51 de M. Sébastien Jumel tombent.

 

Chapitre II
Accompagner les projets structurants de demain

 

Article 4 : Exclusion du décompte de l’artificialisation pour les projets d’ampleur nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur

 

Amendement de suppression CE359 de Mme Lisa Belluco.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Nous demandons la suppression de l’article pour trois raisons.

D’abord, le périmètre des projets d’intérêts nationaux ou européens, qui seront décomptés du ZAN, n’est pas clair. Il est à craindre que, d’une façon ou d’une autre, tous les projets soient retranchés. Ensuite, en admettant que ce ne soit pas le cas, la surface restante susceptible d’être artificialisée sera limitée, ce qui affectera nécessairement la capacité des communes à mener des projets. Enfin, et plus généralement, nous contestons le bien-fondé des grands projets souvent inutiles. Nous refusons que les consultations, les avis critiques et la coconstruction citoyenne soient contournés pour imposer aux territoires des projets incompatibles avec la transition écologique.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je vous rejoins sur un point : l’article mérite d’être précisé. C’est l’objet des amendements qui vont suivre. Il convient notamment de clarifier la définition des grands projets et les modalités de leur décompte de l’objectif national de 50 %. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. C’est un article clé. Conformément à l’engagement pris par la Première ministre, il répond aux demandes de Régions de France et des associations des maires, et il satisfait le Sénat.

Quelle est la philosophie ? Aujourd’hui, le poids de certains projets publics est tel que la part qui resterait aux collectivités pour mener leurs projets serait presque réduite à néant. Le meilleur exemple, c’est la région des Hauts-de-France : sur les 10 000 hectares qui sont autorisés dans le cadre de la trajectoire ZAN, 6 000 concernent des grands projets – le canal Seine-Nord Europe représente la plus grande part de l’artificialisation.

Carole Delga, la présidente de Régions de France, fait valoir que les territoires ayant bénéficié de grands projets par le passé auront le droit d’artificialiser sur une surface équivalente à la moitié, tandis que ceux n’ayant pas eu cette chance seront privés non seulement du bonus mais aussi de la capacité à accueillir des habitants. Personne ne peut se satisfaire de ce que les grands projets viennent ôter aux élus toute marge de manœuvre. C’est un angle mort de la territorialisation.

Forts de ce constat, nous avons choisi de compter à part les grands projets, considérant aussi qu’une région n’a pas à supporter seule l’artificialisation liée à un projet qui profitera à tout le territoire. Dans le cas de Seine-Nord Europe, la Normandie,
l’Île-de-France et nous tous bénéficierons de l’amélioration du transport fluvial et de la diminution du nombre de camions. De la même manière – le sujet est plus clivant –, nous aurons besoin d’espace pour construire des centrales nucléaires dont toute la France profitera grâce à l’interconnexion du réseau électrique.

Ensuite, nous ne sommes pas favorables à l’idée défendue par certains d’ajouter les grands projets au volume d’artificialisation défini par la trajectoire. Nous proposons donc la solution suivante : on liste les grands projets publics et les grands projets privés liés à la réindustrialisation du pays et on définit une enveloppe forfaitaire, ce qui permet d’indiquer immédiatement aux régions les droits à construire dont elles disposent. Sans forfait, il faudrait, chaque année, réviser les trajectoires autorisées pour prendre en considération les évolutions – une éventuelle flambée positive de projets utiles pour la transition écologique du pays. Le forfait a le mérite de donner les règles du jeu à tout le monde dès le début et de ne pas faire fi de l’artificialisation.

J’entrerai plus dans le détail par la suite, mais voilà la philosophie du dispositif pour les grands projets que toutes les associations d’élus, sans exception, et le Sénat appellent de leurs vœux.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE447 de M. Bastien Marchive, CE406 du Gouvernement, CE416 de M. Pascal Lavergne, CE427 de Mme Marina Ferrari et CE429 de M. Luc Lamirault, et sous-amendements CE501 de Mme Lisa Belluco, CE458 de M. Stéphane Delautrette, CE494 de Mme Lisa Belluco, CE459 de M. Stéphane Delautrette, CE498 de Mme Annaïg Le Meur, CE456, CE463, CE457 de M. Sébastien Jumel et CE495 de Mme Lisa Belluco.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement vise à établir une liste des « projets d’envergure nationale ou européenne ». Ici, il s’agit de préciser les critères définissant les projets, lesquels feront l’objet d’un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme.

Un autre amendement indiquera comment ces projets seront pris en compte dans l’enveloppe nationale des droits à construire.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CE501 tend à supprimer l’alinéa 4 aux termes duquel les travaux ou les opérations déclarés d’utilité publique font partie des projets d’envergure. Cela conduit à prendre en compte des projets routiers totalement incompatibles avec nos objectifs de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.

Ces projets menacent également nos engagements en matière de lutte contre la pollution de l’air, sujet sur lequel la France a pourtant déjà été plusieurs fois condamnée, faute de respect des normes. Ils accélèrent l’effondrement de la biodiversité : selon l’Institut français de l’environnement (Ifen), les infrastructures font obstacle au déplacement des animaux à la recherche des conditions favorables à leur reproduction et à la survie des jeunes. Une enquête du média Reporterre a révélé que l’ensemble des projets routiers contestés en France artificialiseraient au moins 4 488 hectares.

Enfin, l’incompatibilité avec la lutte contre l’artificialisation est évidente. Cette disposition encourage les élus locaux à poursuivre la politique de bétonnage des espaces naturels, agricoles et forestiers.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souscrivons à la philosophie exposée par le ministre. Toutefois, la rédaction de l’amendement nous semble encore un peu floue.

Le sous-amendement CE458 vise donc à restreindre le champ des projets d’envergure nationale ou européenne aux seuls projets déclarés d’utilité publique. Compte tenu de la raréfaction du foncier qu’implique le ZAN, il est essentiel que les projets bénéficiant de surfaces réservées soient bien d’utilité publique.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CE494 a pour objet d’alerter sur le risque que les projets liés à la relocalisation de l’industrie contribuent à artificialiser davantage. Nous lançons un appel au ministre afin qu’il s’assure que les porteurs de projet seront fortement incités à s’installer sur les friches et les zones déjà artificialisées.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le sous-amendement CE459 a pour objet de préciser la nature des projets industriels éligibles. Il doit s’agir de « projets industriels d’intérêt national majeur pour l’indépendance énergétique, technologique et en matière de santé publique ».

Nous ne souhaitons évidemment pas faire barrage à la relocalisation : les projets qui contribuent à la stratégie de souveraineté bénéficieront du statut de projet d’envergure tandis que les autres entreront dans le décompte des zones artificialisées.

Mme Annaïg Le Meur (RE). Le sous-amendement CE498 vise à ajouter aux projets industriels mentionnés « ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ».

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Dans mon territoire de Normandie, l’aménagement du territoire doit composer avec de nombreuses contraintes : loi littoral, zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff), plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), retrait du trait de côte. C’est un casse-tête chinois pour les élus et si vous y ajoutez un projet d’envergure nationale tel qu’une paire d’EPR…

Le sous-amendement CE456 vise à reconnaître aux EPR le statut de projet d’envergure nationale.

Le projet d’EPR à Penly, à proximité de la centrale nucléaire de Paluel, ainsi que les futurs carénages impliquent l’accueil de près de 10 000 salariés – donc la construction de parkings, de logements provisoires et définitifs mais aussi d’infrastructures ferroviaires, routières et portuaires – ainsi que des entreprises qui participent à ces grands chantiers. Cela nécessite au total 150 hectares, dont 12,5 réversibles.

Il est indispensable d’anticiper et de tenir compte des besoins de foncier connexes induits par les projets pour garantir leur exemplarité environnementale et sociale ainsi que leur acceptabilité. C’est l’objet de mes sous-amendements qui se veulent pragmatiques.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Avec le sous-amendement CE495, il s’agit de supprimer la possibilité de modifier l’arrêté pour ajouter un nouveau projet. Cette faculté risque de rendre plus difficile encore l’atteinte des objectifs.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Ne nous tirons pas une balle dans le pied en dénaturant l’amendement. L’enjeu est de dresser une liste de projets répondant aux besoins et correspondant aux opportunités, notamment économiques, et d’en garantir la réalisation. Plus on limite la définition d’un projet d’intérêt national, plus on s’empêche – c’est bien l’intention de certains – d’y intégrer des éléments structurants pour l’avenir du point de vue des politiques publiques. Cela ne veut pas nécessairement dire que les projets ne se feront pas ; mais, s’ils se font, ils prendront sur le droit à construire des territoires qui les accueillent, par exemple des régions s’ils sont considérés comme des projets d’intérêt régional : paradoxalement, l’effort ne sera pas national alors même que ces projets peuvent être jugés d’envergure nationale, voire européenne.

Je suis donc défavorable à tous les sous-amendements qui tendent à restreindre la définition du projet d’envergure nationale ou européenne.

Monsieur Jumel, on doit évidemment se soucier des constructions impliquées par l’accueil de tels projets dans les territoires – une usine d’industrie verte qui emploie 10 000 personnes crée un besoin de logements, de services publics et d’infrastructures –, mais doit-on considérer ces équipements comme d’intérêt national ? Ne sont-ils pas d’intérêt régional ou intercommunal, dès lors que les retombées en seront territoriales ? C’est notre approche.

Il est très difficile d’estimer le nombre de constructions rendues nécessaires par ce type de projet, donc la quantité à artificialiser. Pour 10 000 emplois créés, combien de logements ? Cela dépend du taux de chômage local, du lieu d’origine des travailleurs, de la surface nécessaire, donc de la typologie de leurs familles. Comment comptabiliser cette quantité dans un forfait ? Or il faut bien le faire pour pouvoir répartir le droit à construire à l’échelle nationale. C’est tout l’enjeu de l’amendement à venir sur le mode de calcul, et c’est un prérequis pour rester dans les limites du décompte national de 125 000 hectares. Si on lâche à ce sujet, on ne tient plus le cap fixé par la loi « Climat et résilience » d’une réduction de 50 %.

Je serai donc défavorable à vos propositions en ce sens.

En revanche, je serai favorable au sous-amendement CE498 de Mme Le Meur, qui précise le contenu de la liste et étend celle-ci pour y intégrer des projets revêtant un intérêt du point de vue du développement durable.

Quant à votre sous-amendement CE463, monsieur Jumel, la rédaction actuelle intègre déjà les projets de construction d’un réacteur nucléaire. Je n’y suis pas défavorable pour autant ; j’émettrai un avis de sagesse.

Avis défavorable à tous les autres sous-amendements.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis également favorable au CE498, qui répond aux questions soulevées par M. Delautrette et par Mme Pochon en précisant une partie du dispositif.

Le CE463 est satisfait : le nucléaire est intégré à la liste des grands projets d’envergure nationale, car il fait partie de ce dont nous avons besoin pour réussir la transition écologique.

Comme au rapporteur, tout ce qui restreint la liste me pose une difficulté, car cela risque de nous faire manquer des opportunités. Mais il ne faut pas l’allonger trop non plus. Essayons de rester sur ce chemin de crête.

Il faut que nous construisions moins de routes, cela ne veut pas dire que nous ne devons plus en construire. Les routes concernées ne sont pas faites par les élus locaux, mais relèvent du niveau national. Le gouvernement allemand, qui compte des écologistes à son bord, vient d’autoriser 144 projets routiers. De même que la dimension sociale, l’objectif de désenclavement doit nous préoccuper autant que l’enjeu climatique dans certaines situations.

Le sous-amendement le plus problématique à mes yeux est le CE456 de M. Jumel. Dès lors qu’un territoire accueille un réacteur nucléaire, l’installation de tous les équipements afférents doit-elle être accompagnée de la même façon ? Je ne peux l’accepter, car nous raisonnons selon le foncier, non selon le nombre de personnes concernées. Accorder tous les hectares, c’est s’interdire les calculs de densité et s’épargner la sobriété. Où s’arrêterait-on ? Aux sous-traitants indispensables à une partie de l’activité ? Aux magasins d’alimentation qui nourrissent ceux qui travaillent ? C’est un engrenage.

La totalité de ce qui est prévu par le programme de relance du nucléaire n’aura pas abouti en 2031. Nous aurons largement le temps de nous revoir d’ici là pour vérifier que nous ne sommes pas en train de créer des blocages. La clause de revoyure prévoit un premier rendez-vous en 2026.

Avis défavorable aux autres sous-amendements.

Mme Maud Bregeon (RE). L’objet du sous-amendement CE463 de M. Jumel a été abondamment débattu lors de l’examen du projet de loi sur le nucléaire. Il importe d’intégrer les éléments auxquels il fait référence. Une telle démarche répond à une vraie difficulté pour les territoires concernés, et elle est pleinement conforme à la volonté présidentielle de tendre à la neutralité carbone d’ici à 2050 – ce qui implique de s’adapter dans certains domaines. L’inscrire dans la loi représenterait un message important.

Quant aux deux autres sous-amendements, je m’en tiendrai à l’avis du rapporteur, mais ils sont marqués au coin du bon sens. Lors du chantier de Flamanville 3, les besoins de logements, mais aussi de voies d’accès et de parkings, n’avaient pas été suffisamment anticipés : des milliers de personnes allaient travailler chaque jour sans que les parkings nécessaires aient été construits, ce qui a créé d’énormes goulets d’étranglement à l’entrée des sites et considérablement allongé le temps de trajet des salariés.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je remercie le rapporteur de son avis de sagesse sur le premier de mes sous-amendements, et Maud Bregeon de son intervention. Mes calculs n’ont pas été faits sur un coin de table au bistrot : voilà dix-huit mois qu’avec le préfet, les élus du territoire et l’opérateur, pour anticiper et sans préjuger de la décision finale, nous travaillons à évaluer le foncier dont nous aurons besoin. Indépendamment de la question de savoir d’où viendront les salariés, et même en tenant compte d’une politique, pour laquelle je milite, de développement de transports urbains très intégrés, associée à des parkings de dissuasion, nous avons besoin de 13 hectares de parkings. Ce n’est pas une invention : ils sont ciblés, localisés, le préfet les a identifiés. De même pour les logements : sur 9 000 salariés requis, sans compter les carénages de Penly et de Paluel, la moitié doit venir du cru, mais l’autre moitié de l’extérieur ; cela correspond aux calculs faits à Flamanville et à l’objectif politique que tout le monde se fixe. Il faut donc des logements provisoires, sur 10 hectares.

Le rapporteur parle de rabattre ces projets d’équipement vers les intercommunalités, mais l’agrandissement de la RD925 ou la construction d’une voie ferroviaire sont liés au port de colis lourds, lui-même inhérent au projet d’EPR. Les hectares nécessaires doivent donc être connectés à celui-ci.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’enveloppe nationale s’entend dans le cas d’une LGV ou d’une prison, pour lesquelles la commune n’a pas à supporter l’impact de l’artificialisation induite par un projet national. Mais cela ne vaut pas des projets routiers, qui ne sont pas d’intérêt national. En disant aux communes – de tels projets sont toujours soutenus par les élus locaux – « faites des routes, cela ne comptera pas dans votre enveloppe », on les y encourage alors que c’est totalement incompatible avec nos objectifs. Il faut exclure les routes du périmètre national. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura plus : il y en aura toujours, mais elles compteront dans l’artificialisation dépendant des communes, qui y réfléchiront donc à deux fois.

Quant au désenclavement de nos territoires ruraux, ce n’est pas le tout-voiture qui le permettra, mais le développement d’autres mobilités que la voiture individuelle, qui coûte cher à l’achat, à l’entretien et en carburant, ce qui empêche les ruraux de se déplacer. Des milliers de nos concitoyens renoncent ainsi à des déplacements. Selon une étude récente, un Français sur deux vit avec moins de 200 euros à partir du 10 du mois !

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous sommes d’accord avec l’idée qu’il faut une méthode permettant d’intégrer au ZAN les grands projets d’intérêt national, afin d’éviter un gros problème d’aménagement du territoire. Mais il ne faut pas que cela conduise à dépasser l’enveloppe d’artificialisation possible avant 2031 – sur ce point, nous tomberons d’accord –, ni que la liste des projets d’intérêt national inclue des projets écocides – c’est un point à propos duquel nous divergeons. Le cas des autoroutes est significatif : il est contradictoire de demander aux communes des efforts considérables pour limiter l’artificialisation pendant que l’État conduit de grands projets très consommateurs de pleine terre.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Monsieur le ministre, les points de désaccord entre vous et Bruno Le Maire ne nous ont pas échappé. Je suis donc surpris du soutien que vous apportez au CE498 : ce sous-amendement Le Meur pourrait presque être rebaptisé sous-amendement Le Maire, tant il reprend les dispositions souhaitées par le ministre de l’économie.

Notre sous-amendement CE458 propose une mesure raisonnable, qui comporte une définition claire. Je ne comprends pas que la définition des projets soit si ouverte alors que l’on affiche la volonté de respecter le ZAN : les mots « en raison de leur nature ou de leur importance » sont flous et ouvrent la porte à beaucoup de choses.

Mme Marina Ferrari (Dem). Nous voterons pour le sous-amendement CE463 de M. Jumel. Respectons l’ordre chronologique : on a voulu une loi sur le nucléaire, il faut prendre en considération ce qu’elle contient et le transposer dans le ZAN. L’enjeu est majeur pour la décarbonation de notre pays. Nous pourrons y revenir dans les textes futurs sur la réindustrialisation verte.

M. Thibault Bazin (LR). Nous préférons, pour notre part, la rédaction du Sénat. Dans les amendements en discussion, la liste des secteurs éligibles me semble trop limitée.

Quant à la méthode, l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur le ministre, mentionne l’avis des collectivités, mais le dispositif lui-même ne prévoit que l’avis des conseils régionaux et de la conférence régionale. Autrement dit, vous avez supprimé de la rédaction du Sénat l’avis des communes et intercommunalités concernées par les projets – il n’était prévu que de les consulter, mais ce n’est même plus le cas ici. C’est préjudiciable : les grands projets doivent être acceptés à l’échelon territorial. Par ailleurs, qui choisit, le ministre ou la région ?

M. Bastien Marchive, rapporteur. Quelles qu’en soient les modalités, la comptabilisation se fonde sur des prévisions, qui impliquent elles-mêmes certaines formes urbaines. Treize hectares de parkings n’occupent pas la même surface selon qu’ils sont étagés ou non. Il est donc difficile de faire des estimations précises, compte tenu de la nécessité d’une réflexion sur les nouvelles formes urbaines. Le ZAN n’empêche pas de construire, il implique de construire différemment.

En outre, plus on étend la liste de ce qui doit faire partie des projets d’envergure nationale, plus on prend sur l’enveloppe de droits à construire répartie à l’échelle du territoire pour répondre aux besoins plus généraux de logements et de services publics.

M. Christophe Béchu, ministre. Ce n’est pas parce que la presse s’est fait l’écho d’une différence éventuelle d’appréciation entre Bruno Le Maire et moi-même quant à la manière de calculer le compté à part que nous divergeons au sujet de la liste. Sur ce dernier point, le sous-amendement CE498 correspond exactement à la vision commune au ministère de la transition écologique et au ministère de l’économie et des finances.

C’est si on avait intégré à cette liste n’importe quel projet industriel que l’on aurait ouvert la porte à tout. Par rapport à la rédaction actuelle, qui se contente de mentionner les grands projets industriels, la liste a le mérite de préciser et de fixer un cadre législatif, qui pourra évoluer si besoin.

La conférence du ZAN, dont la création est une innovation du Sénat, permet d’associer les collectivités à la démarche. Comment consulter sans ralentir des projets industriels et d’infrastructures que l’on considère comme urgents pour le pays ? C’est le point d’équilibre que nous avons trouvé, même si les discussions se poursuivront.

Enfin, il serait problématique d’intégrer à la liste la construction de tous les logements liés au nucléaire si les équipements liés à des gigafactories, par exemple, n’y figurent pas. La question des chantiers a été traitée hier en commission du développement durable : un chantier temporaire n’est pas considéré comme un espace d’artificialisation, puisque le terrain retrouve ensuite une autre vocation. Une voie ferroviaire qui dessert un site relève des grands projets : elle n’est pas comptabilisée. Au bout du compte, il reste le besoin de logements, dont la comptabilisation dans l’enveloppe nationale pose problème si elle existe dans un domaine et non dans les autres.

Puisque l’essentiel se jouera, comme je l’ai dit, après 2031, tenons-nous en à une liste qui permet d’affirmer l’importance du nucléaire au sein des grands projets d’envergure nationale, sans aller si loin que cela pourrait se retourner contre ces projets. On a largement les 25 hectares nécessaires, qui seront à répartir.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le ministre, votre avis défavorable à tous les autres sous-amendements que le CE498 concerne-t-il le CE463 de M. Jumel, qui fait l’objet d’un avis de sagesse du rapporteur ?

M. Christophe Béchu, ministre. Il est satisfait, je n’émets donc pas un avis favorable. On peut considérer cela comme un avis de sagesse.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements CE501, CE458, CE494 et CE459, adopte le sous-amendement CE498, rejette le sous-amendement CE456, adopte le sous-amendement CE463 et rejette les sous-amendements CE457 et CE495.

Elle adopte les amendements sous-amendés.

En conséquence, les amendements suivants, jusqu’à l’amendement CE90, tombent.

2.   Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 17 heures

M. le président Guillaume Kasbarian. Chers collègues, il nous reste 223 amendements à examiner. Nous reprenons nos travaux à l’amendement CE445 à l’article 4.

CHAPITRE II
Accompagner les projets structurants de demain

 

Article 4 (suite) : Exclusion du décompte de l’artificialisation pour les projets d’ampleur nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur

 

Amendements identiques CE445 de M. Bastien Marchive, CE415 de M. Pascal Lavergne, CE428 de Mme Marina Ferrari, amendement CE215 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune).

M. Bastien Marchive, rapporteur. Nous avons adopté tout à l’heure une liste précise des projets d’envergure nationale ou européenne. Il s’agit maintenant de savoir comment on les comptabilise. L’idée est d’appliquer un forfait permettant de garantir la réalisation de ces projets fondamentaux pour l’avenir du pays. On estime qu’ils représentent environ 15 000 hectares, qui seraient donc déduits des 125 000 hectares représentant le droit à construire pour la période 2021-2031, le solde étant réparti entre les collectivités. Je vous propose d’entériner ce mode de calcul, qui permet de préserver la trajectoire fixée par la loi « Climat et résilience » de réduction de moitié du rythme d’artificialisation d’ici à 2031.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous demandons que le dispositif relatif aux projets d’envergure nationale ou européenne et que les surfaces effectivement consommées fassent l’objet tous les trois ans d’un rapport au Parlement.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Sur le principe, l’idée d’un rapport me semble intéressante. À l’article 14, nous examinerons d’ailleurs une clause de revoyure, comprenant notamment le suivi de l’enveloppe consommée par les projets d’envergure nationale ou européenne. L’amendement CE215 me semblant satisfait, je vous suggère donc de le retirer.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Avis favorable sur les amendements identiques. L’amendement CE215 est intéressant, mais il est satisfait. La clause de revoyure permettra de dresser un bilan global, et pas uniquement du forfait. On pourra ainsi savoir comment sont utilisés – s’ils sont adoptés – la garantie rurale et les outils antispéculatifs. Cela me semble préférable à des points d’étape triennaux sur chacun des articles. Si jamais cette clause n’était pas adoptée, vous pourriez y remédier à l’occasion de l’examen du texte en séance – mais je pense qu’il y aura unanimité quant à l’intérêt de disposer en 2026 d’un point d’étape.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Nous sommes rassurés que les grands projets nationaux soient comptabilisés dans l’enveloppe globale de l’artificialisation. Néanmoins, nous venons, dans l’hémicycle, de valider la construction d’une autoroute de 16 kilomètres, parce que le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) était non conforme. De tels projets, qui répondent à des demandes locales, entrent-ils dans les projets d’envergure nationale ? Leur conférer le statut d’autoroute suffit-il pour les inclure dans l’enveloppe ?

M. Christophe Béchu, ministre. L’essentiel est de consacrer le fait qu’il n’y a pas d’exemption d’artificialisation. Si l’on veut tenir compte des grands projets nationaux ou européens, il n’y a pas beaucoup d’autres possibilités que le forfait : il serait compliqué de calculer chaque année la part de grands projets effectivement réalisés que les régions devraient déduire de leurs enveloppes d’artificialisation… De surcroît, cela rendrait la planification territoriale quasiment impossible. J’ajoute que l’échéance est prévue en 2031 et que nous sommes déjà en 2023…

Aux termes de ce que vous avez adopté ce matin, les autoroutes ne sont pas exclues du dispositif. Il existe un double filtre : la déclaration d’utilité publique en Conseil d’État et la liste prise par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme. Je ne peux pas vous dire avec précision ce qu’il en sera pour les 16 kilomètres que vous évoquez, mais je ne veux pas pour autant vous laisser croire que, par nature, toutes les autoroutes n’entreront pas dans le cadre du dispositif. Les projets seront examinés au cas par cas et certains pourront être jugés intéressants compte tenu de ce qu’ils apporteront en matière de désenclavement ou de réduction de la pollution.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous examinerons avec attention la rédaction de la clause de revoyure. En attendant, je retire mon amendement. Nous le redéposerons le cas échéant en séance.

L’amendement CE215 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CE19 de M. Guy Bricout, CE302 de M. Hervé de Lépinau, CE190 de M. Vincent Descoeur, CE71 de M. Bertrand Sorre, CE108 de M. Pierre Cordier, CE426 de Mme Valérie Bazin-Malgras et CE189 de M. Vincent Descoeur tombent.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE9 de Mme Géraldine Grangier.

 

Amendement CE263 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert (RE). Cet amendement – dont la rédaction est certainement à revoir – vise à mettre en cohérence ce que nous allons adopter avec les différentes politiques menées actuellement, notamment les programmes Petites Villes de demain, Action cœur de ville, etc. Par exemple, on pourrait imaginer des exemptions pour densifier le peuplement autour des gares, ce qui permettrait la reconquête des petites gares aujourd’hui quelque peu isolées.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je partage votre préoccupation. Il serait bon d’avoir des secteurs autour des gares qui soient attractifs, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans le cadre du plan Action cœur de ville, de nombreuses communes ont engagé des réflexions sur ces secteurs. Cela étant, les terrains concernés sont souvent déjà artificialisés : on ne va donc pas consommer des espaces naturels, agricoles ou forestiers, ce qui limite l’intérêt de l’amendement. C’est pourquoi je suggère que vous le retiriez ; à défaut, mon avis serait défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement répond à une préoccupation d’utilité publique. C’est pourquoi nous avons missionné l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour soutenir les collectivités en matière d’ingénierie afin de densifier les quartiers de gare, sur le modèle du plan Action cœur de ville.

Néanmoins, l’enjeu est plutôt d’économiser le foncier et de construire la ville sur elle-même, plutôt que de créer de toutes pièces un quartier autour d’une gare dans des espaces naturels, agricoles et forestiers. Si dans, trois ans, on s’aperçoit qu’il y a un blocage, on pourra se poser la question, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée que de lancer une expérimentation alors que le dispositif d’appui en ingénierie n’est pas encore déployé. Je préférerais moi aussi que vous retiriez l’amendement.

M. William Martinet (LFI-NUPES). J’apporte mon total soutien au ministre. Il vaut mieux construire la ville sur la ville plutôt que de créer des gares en plein champ et d’artificialiser des espaces naturels, agricoles ou forestiers. C’est d’ailleurs pour cette raison que je m’oppose à certaines lignes du Grand Paris Express, en particulier à la ligne 18 et à la gare qu’il est prévu de construire au milieu des champs, sur le plateau de Saclay, alors que ce dernier comprend des terres qui sont parmi les plus fertiles d’Europe. Ce faisant, on s’attaque à la souveraineté alimentaire de l’Île-de-France ainsi qu’à la biodiversité. Je prends donc votre remarque, Monsieur le ministre, comme un soutien politique fort aux opposants au projet qui vise à bétonner le plateau de Saclay.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert (RE). Cela montre la nécessité d’étudier les dossiers au cas par cas… L’ANCT semble effectivement le bon interlocuteur pour cela. Nous serons vigilants aux moyens qui lui seront donnés dans le prochain projet de loi de finances.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE417 de Mme Marina Ferrari.

Mme Marina Ferrari (Dem). Cet amendement vise à appliquer aux projets d’envergure régionale la même logique de mutualisation qu’à ceux d’envergure nationale, afin de ne pas pénaliser les territoires qui les accueillent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE363 de Mme Marie Pochon tombe.

 

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

 

Après l’article 4

 

Amendement CE315 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland (LR). Cet amendement prévoit, dans un souci de développement durable, de pondérer à la baisse le taux d’artificialisation des projets liés à la gestion et à la valorisation des déchets.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Pour être franc avec vous, la pondération en fonction de la destination du sol est une piste que nous avions envisagée avec le rapporteur pour avis et le groupe de travail que nous avions constitué au sein de la majorité, de manière à encourager la réalisation de certains projets. Nous y avons renoncé parce que nous nous sommes aperçus qu’il faudrait prendre en considération beaucoup d’activités : gestion des déchets, mais aussi écoles, logements sociaux, commissariats, hôpitaux… Où fixer la limite ? Comment aboutir à une nomenclature cohérente ? Nous avons finalement décidé de nous en tenir à un principe général, avec un mode de calcul global, étant entendu que l’objectif de la loi « Climat et résilience » est de lutter contre l’artificialisation des sols, quelle qu’en soit la destination. En revanche, nous tenons compte du fait qu’il existe des projets qui sont fondamentaux à l’échelle d’une intercommunalité, d’une région ou d’un pays.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends la philosophie de l’amendement, mais il me semble délicat d’introduire un nouveau critère, qui aboutirait à appliquer aux grands projets nationaux non pas un forfait, mais un taux d’artificialisation, en fonction de leur nature et de leur destination.

Certains des projets de gestion et de valorisation des déchets se trouveront inclus dans les projets d’envergure nationale ou régionale que nous avons listés. Il ne restera que des cas marginaux, parce que ce qui consomme le plus d’espace, ce sont les décharges, qui sont considérées comme des espaces artificialisés. Or nous allons vers une diminution des mises en décharge afin d’améliorer le taux de recyclage. Je ne pense donc pas que, dans les faits, une telle mesure trouverait à s’appliquer fréquemment.

M. Vincent Rolland (LR). Nous n’évoquons dans notre amendement que les infrastructures de gestion et de valorisation des déchets, et non les écoles et autres bâtiments que vous avez cités, Monsieur le rapporteur.

Si nous souhaitons consommer moins d’espace, c’est aussi pour lutter contre le changement climatique. Dès lors que certaines activités permettent d’agir concrètement et fortement en ce sens, je trouve dommage qu’on ne leur applique pas une pondération. Par exemple, quand on entrepose sur des plateformes des déchets verts pour en faire du compost, il y a certes artificialisation, mais la démarche est plutôt vertueuse.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 5 : Précision concernant la comptabilisation séparée, à l’échelle régionale, des projets d’ampleur régionale, et la place des projets d’intérêt intercommunal

 

Amendement de suppression CE329 du Gouvernement.

M. Christophe Béchu, ministre. Il s’agit de laisser la faculté à une région, au lieu de ventiler la totalité de ses espaces, d’en conserver certains pour un projet régional, quel qu’en soit le thème : sport, recyclage des déchets, gastronomie… On entre toujours dans le cadre de l’enveloppe, mais on laisse la région prendre la décision et éventuellement attendre le moment idoine pour positionner territorialement le projet, le temps par exemple qu’une consultation aboutisse.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je suis d’autant plus favorable à cet amendement que l’amendement de Mme Ferrari que nous venons d’adopter satisfait la disposition initialement prévue par l’article 5, à savoir la possibilité de mutualiser les projets à l’échelle régionale. Il s’agit d’un exemple concret d’outil mis à la disposition des élus pour décliner au mieux les objectifs de la loi « Climat et résilience ».

M. William Martinet (LFI-NUPES). Le débat n’est pas très différent de celui que nous avons eu à l’article précédent. Il est nécessaire de donner les moyens d’un aménagement du territoire, cette fois-ci à l’échelle régionale, donc de créer une enveloppe dédiée pour ces projets.

Se pose néanmoins la question de la libre administration des communes par rapport à la région, le risque étant que la région, en décidant de projets d’intérêt régional, « écrase » certaines communes. C’est pourquoi nous étions en désaccord avec la rédaction de l’article. Nous aurions aimé pouvoir en proposer la modification en séance, mais s’il est supprimé, ce ne sera pas possible. Nous aurions notamment attribué au préfet un rôle d’arbitrage dans la coconstruction des politiques à l’échelle régionale, afin d’éviter le risque que je viens de signaler. Nous allons donc voter l’amendement de suppression, mais nous serons aussi en désaccord avec le décret que vous comptez prendre. On atteint là les limites de la méthode que vous proposez.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé et les amendements CE216 de M. Stéphane Delautrette, CE87 de M. Jean-Félix Acquaviva et CE20 de M. Guy Bricout tombent.

 

 

Après l’article 5

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE407 de M. Paul-André Colombani.

 

CHAPITRE III
Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

 

Article 7 : Enveloppe minimale d’artificialisation d’un hectare garantie à chaque commune dans le cadre de la première période décennale

 

Amendements CE393 de M. Jérôme Nury et CE298 de M. Lopez-Liguori (discussion commune).

M. Vincent Rolland (LR). L’amendement CE393 est un amendement d’appel qui vise à assurer une meilleure répartition de l’effort. Nous proposons de fixer, à l’échelon régional et à l’échelon communal, un taux moyen d’artificialisation. Les territoires qui se situent en dessous de la moyenne bénéficieraient d’un rehaussement du droit à construire.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le dispositif alternatif que vous proposez est intéressant dans son principe. L’objectif est de compenser le fait que les bons élèves, ceux qui ont peu construit au cours de la période précédente, ne pourront pas, en vertu de la règle des 50 %, beaucoup construire au cours de la période suivante. Revenir sur un mode de calcul déjà établi risque néanmoins d’apporter de la confusion, d’autant que les données sont désormais disponibles et que certaines communes ont commencé à modifier leurs documents d’urbanisme.

D’autre part, une commune dont le taux d’artificialisation serait supérieur au reste du territoire parce qu’elle est plus dynamique que les autres – en tout cas, parce qu’elle a davantage de besoins en matière de construction – se trouverait pénalisée, tandis que celles qui ont peu construit, soit parce que ce sont de bons élèves, soit parce qu’elles ont peu de besoins, disposeraient d’un droit à construire plus important. On aurait un effet de balancier excessif, un déséquilibre même, alors même que nous proposons la garantie rurale pour compenser le risque que vous pointez. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je donne un avis défavorable à l’amendement CE298, qui est contraire à l’esprit de la garantie rurale. Exclure les communes de moins de 1 500 habitants de l’objectif ZAN va trop loin dans l’autre sens et aboutirait à l’effet inverse de celui recherché.

L’amendement CE393, intelligent au premier abord, se heurte à des difficultés sitôt qu’il s’agit de l’appliquer sur le terrain. J’en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable.

Une approche fondée sur le taux moyen d’artificialisation des sols aurait du sens si toutes les communes de France avaient la même taille. Certaines communes de très petite taille, même en milieu rural, peuvent avoir un taux d’artificialisation élevé, non parce qu’elles ont beaucoup artificialisé, mais parce qu’il y a peu d’espaces naturels autour de leur centre-bourg. Ainsi, Candé, l’une des plus petites communes du Maine-et-Loire, est une ville-centre qui compte plus de 5 000 habitants, mais a peu d’espace. Mais Arles, qui est la plus vaste commune de France métropolitaine, pourrait, d’un strict point de vue théorique, puiser largement dans la Camargue avant d’atteindre le taux régional d’artificialisation !

Intellectuellement, je comprends la volonté d’assurer une forme de rapport d’équité entre les territoires, mais il faut tenir compte de la diversité des situations, sous peine de passer à côté du sujet et d’induire des effets pervers.

M. Vincent Rolland (LR). Je maintiens l’amendement, qui vise surtout à appeler l’attention du Gouvernement et du rapporteur sur la nécessité de procéder à un rééquilibrage de l’urbain vers la ruralité et des bons élèves vers les moins bons, afin que les communes ayant consommé beaucoup d’espace au cours de la dernière décennie ne soient pas favorisées.

M. William Martinet (LFI-NUPES). L’amendement CE393 a le mérite d’ouvrir le débat sur ce que signifie être un « bon » ou un « mauvais » élève du point de vue de l’objectif ZAN. Le taux d’artificialisation des sols n’est pas un bon critère, car il peut être aussi élevé dans une commune où l’étalement urbain est important que dans une autre où l’habitat est dense, ce qui, du point de vue du ZAN, est plus vertueux.

Il faut donc se concentrer sur la densité du bâti. Au demeurant, demander le respect du ZAN tout en permettant le développement des communes a mathématiquement pour effet de favoriser la densité.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE217 de M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit de proposer une version modifiée de la garantie rurale adoptée au Sénat, pour tenir compte au mieux de la diversité des territoires et de la nécessité d’être agile pour bénéficier du dispositif ZAN.

En premier lieu, l’amendement vise à sanctuariser le principe d’une surface minimale garantie pour les communes peu et très peu denses. Si ces communes appartiennent à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d’urbanisme, elles ne peuvent en bénéficier qu’à condition d’être couvertes par un plan local d’urbanisme intercommunal applicable ou en cours d’élaboration. Ainsi, celles qui n’ont pas transféré la compétence « Urbanisme » à l’EPCI ne seront pas pénalisées et bénéficieront de la garantie rurale, même si nous considérons que l’absence de PLUi dans les communes relevant du règlement national d’urbanisme (RNU) ou disposant d’une carte communale ou d’un plan local d’urbanisme (PLU) est un frein à la bonne utilisation du sol.

En deuxième lieu, l’attribution automatique d’un hectare à toutes les communes concernées, adoptée par le Sénat, induit une application indiscriminée de l’objectif ZAN. Se fonder sur un pourcentage de surface urbanisée nous semble préférable pour tenir compte de la réalité des communes.

En troisième lieu, la clause de revoyure envisagée pour 2026 pourrait être l’occasion d’une affectation à la réalisation de projets identifiés, à l’échelle intercommunale, des surfaces non consommées, au bénéfice du développement du territoire.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je partage l’objectif, vertueux, de restreindre le champ de la garantie rurale et d’inciter les communes à se doter de documents d’urbanisme. Toutefois, faire dépendre le bénéfice de la garantie rurale de l’existence ou de l’élaboration d’un PLUi, lorsque l’établissement public de coopération intercommunale est compétent en matière d’urbanisme, me semble trop restrictif. Trop peu de communes sont concernées. C’est presque une désincitation à faire partie d’un tel établissement. Un PLUi ne se faisant pas en deux jours, celles qui voudraient en élaborer un bénéficieraient de la garantie rurale trop tard au regard de l’échéance de la proposition de loi. Par ailleurs, renvoyer à un décret la fixation du pourcentage de surface urbanisée nous prive d’un débat sur une piste intéressante. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je souscris à l’idée de ne pas ouvrir trop largement la porte, ce qui suppose de définir quelques critères, mais l’amendement va un peu trop loin dans ce sens, s’agissant de la nécessité d’un PLUi comme des autres dispositions proposées. D’autres amendements à suivre seront plus équilibrés.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous interprétez la rédaction de l’amendement. Si la compétence « Urbanisme » a été transférée à l’établissement public de coopération intercommunale, le PLUi est approuvé, dixit la loi.

L’amendement ne fait pas dépendre la garantie rurale de l’approbation d’un PLUi. Il prévoit que, si l’établissement public de coopération intercommunale est compétent en matière d’urbanisme, une délibération démontrant l’intention de se mettre en conformité en matière de transfert de compétences suffit pour en bénéficier. Les communes qui n’ont pas fait ce transfert à l’établissement public de coopération intercommunale en bénéficient aussi.

M. Christophe Béchu, ministre. Il ne faudrait pas freiner certaines communes en leur disant qu’elles n’auront la garantie rurale que si elles ne transfèrent pas la compétence de l’urbanisme à l’intercommunalité. Votre dispositif est susceptible de générer deux types d’effets pervers : soit des transferts de compétences donnant lieu à un PLUi en cours d’élaboration, soit des communes qui renoncent au transfert qu’elles envisageaient afin de bénéficier de la garantie rurale. Nous sommes d’accord sur la nécessité d’en restreindre l’accès, mais je crains que les dispositions de l’amendement aient l’effet inverse de celui recherché.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE436 de M. Bastien Marchive, et sous-amendements CE502 de Mme Christine Engrand et CE491 de M. Pascal Lavergne.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il s’agit de réécrire les dispositions relatives à la garantie rurale, en la soumettant à plusieurs conditions. L’enjeu est de savoir qui peut en bénéficier et à quelles conditions.

Les bénéficiaires sont les communes peu ou très peu denses au sens de l’Insee, soit environ 30 000 communes. La condition est d’être doté d’un document d’urbanisme – carte communale, PLU, PLUi – ou de prescrire son élaboration, pour inciter les communes à s’en doter. Dès lors que la garantie rurale donnera aux communes des droits à construire, parfois de façon significative, il semble logique qu’elles se demandent où elles les utiliseront.

M. Pascal Lavergne (RE). Le sous-amendement CE491 fixe à 2026 l’échéance d’élaboration d’un document d’urbanisme.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement CE491 et défavorable au sous-amendement CE502.

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur et au sous-amendement CE491 : ils arrivent au bon équilibre. Avis défavorable au sous-amendement CE502.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Comment les communes relevant du RNU seront-elles traitées ?

Mme Marina Ferrari (Dem). L’amendement s’écarte un peu de l’esprit du texte adopté par le Sénat, qui n’attachait aucune condition au bénéfice de la garantie rurale. S’il est évident que nous devons inciter nos communes à adopter des documents d’urbanisme, cela suppose de les aider, notamment en matière d’ingénierie – donc de financements.

Monsieur le ministre, je crois savoir que vous avez mandaté une mission à ce sujet. Il serait dommage d’inscrire dans la loi une disposition plus restrictive que celle du texte initial.

M. Bastien Marchive, rapporteur. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne s’applique pas aux communes relevant du RNU, qui sont soumises à la règle dite de la « constructibilité limitée ». Si elles veulent construire, elles vont toquer à la porte de la préfecture pour savoir si leur projet s’inscrit dans les objectifs fixés par les documents d’urbanisme de rang supérieur. Je ne vois pas de raison de déroger à ce principe fixé depuis des décennies, ce qui le fragiliserait.

Comme cela a déjà été dit, une carte communale s’élabore rapidement, avec une ingénierie limitée. Son coût est de 15 000 euros. Pour en faire une, il faut déterminer où l’on veut construire et pour ce faire, on élabore ce que les urbanistes appellent un « patatoïde ». Il ne s’agit pas de se poser de grandes questions, par exemple sur les modes de déplacement, mais juste d’orienter l’aménagement. À l’heure de la loi « Climat et résilience » et de la lutte contre l’artificialisation, le minimum, avant de construire, est tout de même de se demander où on va le faire.

M. Christophe Béchu, ministre. Tout se tient. Avec une carte communale, une commune peut sortir du RNU. Il est logique de considérer que l’hectare attribué par la garantie rurale ne peut pas être placé n’importe où, attribué à n’importe quel habitant, fût-il loin du bourg – ce qui pose des problèmes de raccordement – ou bénéficier au premier à l’avoir demandé. Il faut un minimum de visibilité.

La façon dont le rapporteur décrit les choses est techniquement juste et correspond à la réalité du terrain. Il faudra sans doute préciser les dispositions qu’il propose dans le cadre de la navette parlementaire, mais cela n’enlève rien à la valeur de l’amendement. Que l’Assemblée nationale se montre capable de préciser la garantie rurale en introduisant quelques contreparties est un signal très fort.

La question de l’ingénierie, que Mme Marina Ferrari a raison de soulever, est plus large. De façon générale, la réflexion sur l’appui à l’ingénierie de toutes nos communes, quels que soient leur taille et les problèmes qu’elles connaissent, est devant nous.

La commission rejette le sous-amendement CE502.

Elle adopte le sous-amendement CE491, puis l’amendement CE436 sous-amendé.

En conséquence, les amendements CE63 de M. Jean-Pierre Vigier, CE204 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE119 et CE116 de Mme Danielle Brulebois et CE293 de Mme Christine Engrand tombent.

 

Amendement CE294 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Cet amendement vise à pérenniser la surface minimale de développement communal fixée par la loi.

D’après le rapport de la commission spéciale du Sénat saisie au fond de la proposition de loi, sur plus de 5 000 communes comptant de 1 000 à 2 000 habitants, quelques centaines seulement ont consommé moins de deux hectares pendant la décennie 2011-2021. Diminuer progressivement la surface minimale d’artificialisation donnera donc inévitablement un coup d’arrêt au développement des petites communes, qui ont besoin d’attirer des habitants pour conserver une école, faire fonctionner des commerces ou attirer des médecins. L’application stricte du ZAN signerait leur lente agonie. Il faut donc que la surface de développement communal ne puisse être revue à la baisse.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable. Votre disposition se fixe un horizon à trente ans, alors que le présent texte se concentre sur la décennie en cours – et c’est déjà assez difficile comme ça. Nos successeurs disposeront des données permettant de légiférer pour la suite.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable. Je ne suis pas opposé au renforcement de la garantie rurale, mais nous ne connaissons pas encore la surface que nous pourrons artificialiser de 2031 à 2041. Nous ne pouvons pas en pérenniser une partie avant d’avoir arrêté la trajectoire. Mener une réflexion avant 2031 est souhaitable ; accorder une garantie aux seules communes rurales est impossible.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE257 de M. Mickaël Cosson et sous-amendement CE455 de M. Pascal Lavergne, amendement CE418 de M. Mickaël Cosson, amendement CE283 de Mme Françoise Buffet (discussion commune).

M. Mickaël Cosson (Dem). Il s’agit de renforcer l’efficacité de la garantie rurale telle qu’elle est prévue et de la mutualiser, après accord des maires concernés, au profit d’un projet commun ayant besoin d’une assiette foncière supérieure à un hectare. L’ambition est de renforcer l’attractivité de l’espace rural sans compromettre les projets d’une commune bénéficiant de la garantie rurale. L’amendement CE418 est un amendement de repli prévoyant un accord de la conférence des maires, qui se réunit à l’échelon intercommunal.

Mme Françoise Buffet (RE). Le texte adopté par le Sénat décline la notion de projet d’intérêt national aux échelles régionale et intercommunale, mais pas à l’échelle de quelques communes. Le présent amendement introduit une disposition souple permettant à des communes contiguës de mutualiser la consommation d’espaces naturels dans le cadre d’un projet commun, selon une clé de répartition qu’elles choisiront librement.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement CE257 procède d’une idée intéressante. Mutualiser à l’échelle intercommunale des projets d’intérêt également intercommunal est une avancée. C’est aussi cela, l’intégration et la solidarité entre les communes. J’y suis favorable, sans préjudice de précisions que nous pourrons adopter en séance publique.

L’amendement CE283 est satisfait par l’amendement CE257.

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis totalement en phase avec l’amendement Cosson. L’amendement Buffet, qui est intelligent, est satisfait, non seulement par ce dernier, mais aussi à droit constant. Rien ne s’oppose en effet à la mise en œuvre de la disposition proposée, même sans vote, hors ZAN, dans le cadre d’un schéma de cohérence territoriale (SCoT), d’un PLUi ou d’un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), ce que les élus ne savent pas toujours – sans doute faut-il davantage les en informer.

Le sous-amendement CE455 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE257.

En conséquence, les amendements CE418 et CE283 tombent.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CE453 de M. Bastien Marchive, rapporteur.

En conséquence, les amendements CE369 de M. André Chassaigne, CE26 de M. Guy Bricout, CE420 de Mme Lisa Belluco, CE25 de M. Guy Bricout, et CE438 et CE439 de M. Bastien Marchive tombent.

 

La commission adopte l’amendement de cohérence CE437 de M. Bastien Marchive, rapporteur.

 

Amendements CE231, CE233 et CE234 de M. Jean-François Lovisolo.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Je voudrais avec ces amendements faire état d’injonctions législatives contradictoires – à tout le moins, difficiles à concilier – entre la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU), qui impose de construire des logements sociaux, et la présente proposition de loi, qui amène à moins construire et à lutter contre l’étalement urbain. Certaines communes soumises aux pénalités prévues par la loi SRU ont de grandes difficultés à assumer leurs responsabilités. L’amendement CE231 vise à exonérer du ZAN les constructions de logements sociaux imposées par la loi SRU.

L’amendement CE233 prévoit des dérogations dans les zones dépourvues de foncier économique et de friches industrielles susceptibles d’être réhabilitées, afin de faciliter, notamment dans les territoires ruraux périurbains, la création de zones d’activité économique (ZAE).

L’amendement CE234 introduit des dérogations applicables aux projets d’accession publique à prix maîtrisé à la propriété en zone tendue, au bénéfice notamment des jeunes.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cher collègue, je vous sais très attaché à la lutte contre l’artificialisation des sols. Je partage votre souci d’encourager la construction de logements sociaux, la création de ZAE et l’accession publique à la propriété. Toutefois, limiter les surfaces constructibles ne limite pas mécaniquement le nombre de constructions, s’agissant du moins de leurs fonctionnalités. L’enjeu est de revoir les modes d’aménagement et d’essayer de faire en sorte que chaque construction nouvelle soit envisagée à l’aune des objectifs de la loi « Climat et résilience ».

Les dérogations que vous proposez auraient mécaniquement pour effet de rogner les objectifs quantitatifs de la loi « Climat et résilience ». Or ils ont été fixés en fonction d’enjeux environnementaux absolument prépondérants – tels que le cycle de l’eau, la préservation de la biodiversité ou notre souveraineté alimentaire. La question n’est pas de savoir quelles dérogations on peut admettre, si fondées soient-elles sur le plan intellectuel – qui peut remettre en cause l’utilité de construire des logements sociaux ? Elle est de savoir de quelle façon nous construirons demain en consommant moins. D’autres pays y arrivent, nous devons y arriver également.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Il me coûte de donner un avis défavorable à trois amendements de M. Jean-François Lovisolo. Mais, d’abord, l’article 7 est relatif à la garantie rurale. La plupart des communes concernées ne sont pas soumises à la loi SRU. Je rappelle que le logement social est à 86 % de l’habitat collectif.

L’accession publique à la propriété est un beau sujet, qui inclut la lutte contre la spéculation et la définition des outils adéquats. Nous gagnerions à nous demander – lorsque nous nous pencherons, dans les mois à venir, sur des sujets tels que ceux des meublés de tourisme ou du blocage des loyers – comment accompagner tout cela. Nous devrons sans doute sortir de nos conforts habituels. Mais encore une fois, l’article 7 n’est pas le meilleur endroit pour cela. Il s’agit plus de l’acquisition et de la préemption pour des projets en cours que de lancements de construction sur des terrains vierges.

L’objectif visé est louable, mais les dispositions proposées sont inadéquates : les blocages en la matière sont moins imputables au ZAN qu’au caractère inopérant des outils ou à l’insuffisance des soutiens.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Je retire les trois amendements. Je comprends que l’objectif ZAN soit l’alpha et l’oméga des politiques publiques, puisqu’il est fondé sur des préoccupations que nous partageons, mais il ne faut pas oublier que l’accès au logement, notamment en zone tendue, et la construction de logements sociaux, sont de vrais problèmes nationaux. Les politiques publiques doivent être équilibrées.

Lors de l’examen du texte en séance publique, je demanderai une évaluation des conséquences de l’application stricte du ZAN dans les territoires. Nous devons avoir ce débat à l’Assemblée nationale.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je suis complètement d’accord avec vous. L’article 14 prévoit spécifiquement de tenir compte des impacts de la loi « Climat et résilience » sur la construction de logements et sur le développement économique.

Si nous constatons, en 2026, que l’application stricte du ZAN a des conséquences fortes dans ces domaines, nous dresserons le constat d’un dysfonctionnement et réfléchirons à un meilleur accompagnement. Pour l’instant, nous devons parvenir à remettre en cause nos modes de construction. Si nous n’y arrivons pas, la clause de revoyure nous permettra de le constater et d’envisager des solutions ensemble.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’article 7 modifié.

 

 

Après l’article 7

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE300 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

 

Amendement CE236 de M. Jean-François Lovisolo.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Dans le cadre de la commission départementale de conciliation, il serait intéressant d’évaluer les projets d’intérêt local et d’obtenir du préfet une dérogation à la règle du ZAN.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Demande de retrait. Cela me semble plutôt relever de l’article 8, qui a été examiné par la commission du développement durable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE258 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). La loi « Climat et résilience » prévoit de larges dérogations en faveur des centres commerciaux. Or les centres-villes et centres-bourgs souffrent depuis des années et voient disparaître les petits commerces. Nous proposons de ne pas favoriser l’expansion des grandes surfaces et donc d’abroger ces dérogations.

M. Bastien Marchive, rapporteur. En général, les maires veulent redynamiser les centres-villes et centres-bourgs plutôt que développer les zones d’activité économique hors des villes. Le régime de dérogation est déjà très contraignant. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. La première mesure que j’ai prise comme président de la communauté urbaine d’Angers a été un moratoire sur toutes les nouvelles zones commerciales, pour défendre le centre-bourg et ses commerçants, et éviter l’étalement urbain. Je partage donc votre ambition.

Mais la loi « Climat et résilience » a fixé des règles très contraignantes. Il n’y a presque plus de développement de zones commerciales : cette loi n’a que deux ans et produit déjà ses effets. Dès lors, utiliser le ZAN pour en durcir l’article 215 ne me paraît pas judicieux ; on peut avoir besoin d’un tout petit peu de souplesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE403 de Mme Christine Engrand, CE282 de M. Philippe Lottiaux, CE401, CE404 et CE405 de Mme Christine Engrand et CE281 de M. Philippe Lottiaux (discussion commune).

Mme Christine Engrand (RN). Ce sont des amendements de repli.

L’amendement CE403 vise ainsi à exclure de l’application du ZAN les communes situées en zone de revitalisation rurale ainsi que les petites communes de moins de 1 000 habitants. Cela ne devrait pas enrayer la politique de réduction de l’artificialisation qui concerne avant tout les métropoles et les communes qui artificialisent à tour de bras.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable. Pourquoi casser les objectifs de la loi « Climat et résilience » alors que la garantie rurale s’adresse justement à ces petites communes de moins de 1 000 ou 1 500 habitants et leur redonnera des droits à construire, ce qui sera supporté par les territoires plus urbanisés ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avec ces amendements, 25 000 communes pourraient être exonérées du ZAN : c’est trop, vous l’avouerez.

Par ailleurs, certaines communes peu denses se situent dans des aires de métropolisation. Certains de ces amendements, selon leur rédaction, pourraient profiter à des territoires plutôt urbains.

Je vous invite à vous rallier au dispositif de la garantie rurale, qui est une avancée importante. Nous aurons tout loisir, grâce à la clause de revoyure, d’examiner si cela a suffi à bien répartir l’artificialisation dans notre pays.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

Article 9 : Modification de la nomenclature des surfaces artificialisées et institution de périmètres emportant franchise de décompte de l’artificialisation

 

Amendements de suppression CE440 de M. Bastien Marchive, CE330 du Gouvernement et CE412 de M. Pascal Lavergne.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cet article revient sur les modalités de décompte des zones artificialisées ou non artificialisées. Il prévoit notamment que les pelouses soient considérées comme non artificialisées. Il exonère également du ZAN les bâtiments agricoles. Il prévoit même des « périmètres de densification et de recyclage foncier » au sein desquels les élus pourraient faire ce qu’ils veulent sans que cela soit pris en compte.

Nous vous proposons de le supprimer.

M. Christophe Béchu, ministre. Cette nomenclature est complexe. Le meilleur moyen de la définir, c’est un décret qui prévoira la totalité des cas, ce qui n’est pas possible dans la loi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 9 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 9

 

Amendements CE297 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CE301 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune).

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Le ZAN n’est pas responsable de l’absence de construction de logements sociaux : nous n’avons aucune raison d’en exonérer des communes.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE287 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). La loi « Climat et résilience » permet de ne pas comptabiliser l’installation de certains panneaux photovoltaïques. Un projet de décret d’application a été soumis à consultation publique en mai 2022. Les observations émanant d’associations, de collectifs citoyens, de professionnels et de citoyens qui y ont été annexées sont sans appel : six contributeurs seulement sont favorables au projet, vingt-deux demandent davantage de précisions et des gages de protection des espaces agricoles, soixante-sept y sont totalement défavorables.

Nous proposons donc de supprimer cette dérogation accordée aux panneaux photovoltaïques, qui n’est pas acceptée par nos concitoyens et qui va à l’encontre de la volonté de protéger les espaces naturels, agricoles et forestiers.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable. Il faut distinguer trois situations. Les panneaux photovoltaïques peuvent être installés sur des toits : la zone est à l’évidence artificialisée. En zone agricole, l’agrivoltaïsme n’est autorisé que s’il permet l’exploitation agricole en dessous : puisqu’elle est cultivée, la zone n’est pas artificialisée. Le dernier cas est celui d’une friche : le décret sur la nomenclature indique qu’elle est considérée comme artificialisée, quelle qu’ait été sa destination et quel que soit son état – à moins qu’elle n’ait été renaturée, mais alors il n’y a pas de panneaux photovoltaïques.

Je suis donc favorable au maintien des dispositions de la loi « Climat et résilience ».

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis. Les règles sont strictes, et nous avons besoin d’énergies renouvelables pour sortir des énergies fossiles.

M. Thibault Bazin (LR). Il est parfois envisagé de poser des panneaux photovoltaïques sur des friches, notamment très polluées. Or le décret de définition des friches n’est toujours pas paru. J’espère qu’en séance, nous pourrons supprimer le renvoi à un décret prévu à l’article L. 111‑26 du code de l’urbanisme. Il y a là de vraies possibilités de développement économique.

M. Christophe Béchu, ministre. La consultation des parties prenantes sur le décret a commencé. Je vous en ferai parvenir le texte très vite, et en tout cas avant l’examen en séance publique. Il va, je crois, dans le sens que vous souhaitez.

La commission rejette l’amendement.

 

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures trente à dix-huit heures quarante-cinq.

 

CHAPITRE IV
Prévoir les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN »

 

Avant l’article 11

 

La commission adopte l’amendement de cohérence légistique CE441 de M. Bastien Marchive, rapporteur.

 

 

Article 11 : Dispositions relatives aux données d’artificialisation

 

Amendement de suppression CE331 du Gouvernement.

M. Christophe Béchu, ministre. L’article 11 dispose que le Gouvernement fournit aux collectivités territoriales les données d’artificialisation, après avoir pris un décret qui précise les modalités de ce processus. Nous vous proposons d’aller plus vite en passant directement au décret. Il ne nous paraît pas utile d’inscrire cette disposition dans la loi.

M. Bastien Marchive, rapporteur. La mise à disposition des données est une bonne chose, mais je ne vois pas de raison de l’inscrire dans la loi, d’autant que la voie réglementaire permet d’ajuster la nature des données transmises en fonction de besoins qui pourraient être constatés au fur et à mesure. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 11

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE12 de Mme Géraldine Grangier.

 

Amendement CE183 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement est satisfait par le règlement actuel de plan local d’urbanisme (PLU).

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE177 de Mme Catherine Couturier.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Nous souhaitons accroître la transparence en mettant à disposition du public, sur le site de l’Observatoire de l’artificialisation, les objectifs chiffrés de réduction de l’artificialisation intégrés aux documents de planification territoriaux. Il s’agit de renforcer le droit de participation et d’information du public.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’idée de mieux informer le public me paraît bonne. Certaines données sont déjà publiques. En revanche, il semble qu’il faille améliorer la rédaction de l’amendement. Je vous propose d’y travailler ensemble en vue de la séance. Je vous invite donc à retirer à l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. La transparence est une excellente chose, et je partage pleinement votre objectif. Mes services me disent que l’amendement est satisfait. Nous allons le vérifier.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 12 : Création d’un sursis à statuer, d’un droit de préemption et d’un motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols

 

Amendement CE503 de M. Bastien Marchive.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cet article propose une sorte de boîte à outils au bénéfice des communes : droit de préemption, sursis à statuer, droit au refus. C’est une démarche qui me paraît très bonne.

Je propose de supprimer le droit de préemption. Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) craignent des conflits avec le droit de préemption urbain comme avec leur propre droit de préemption.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse. J’entends ce que dit le rapporteur ainsi que les doutes des Safer. L’idée du ZAN est de préserver les espaces agricoles, donc de faciliter la vie des Safer… Je suis favorable aussi à la lutte contre la spéculation foncière, donc à donner de nouveaux outils aux maires. Il faudra travailler sur ce sujet en vue de la commission mixte paritaire.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Nous voyons là deux politiques publiques qui entrent en contradiction. Le monde agricole, en particulier les Safer, s’inquiète. Nous leur avons donné de nouveaux droits pour faire face aux risques de concentration sociétaire. Le droit de préemption des maires est important, mais il faut en exclure les usages agricoles afin que les Safer puissent faire leur travail, c’est-à-dire aider de jeunes agriculteurs à s’installer. La souveraineté prioritaire demeure l’une de nos priorités.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Ces outils doivent permettre aux collectivités de travailler sur l’urbanisation de leur territoire en évitant de nouvelles artificialisations. Il y a des situations qui ne sont pas simples : on a parlé des « dents creuses » qui sont considérées comme artificialisées ; en milieu rural, il y a aussi des bâtiments à l’abandon, avec plusieurs propriétaires… Le droit de préemption est important pour les maires, qui doivent réfléchir à l’aménagement de leur territoire. Il faut aussi préserver les terres agricoles et la forêt : vous ne serez pas surpris de me l’entendre dire. J’ajoute que les Safer travaillent souvent en partenariat avec les élus locaux. Je soutiens cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE5 de M. Dino Cinieri, CE123 de M. Vincent Descoeur, CE137 de M. Thibault Bazin, CE155 de M. Vincent Descoeur, CE218 de M. Dominique Potier, CE252 de M. André Chassaigne, CE327 de Mme Anne-Laurence Petel, CE35 et CE34 de M. Guy Bricout, CE288 de Mme Christine Engrand, CE41 de M. Lionel Tivoli et CE219 de M. Stéphane Delautrette tombent.

 

Amendements identiques CE442 de M. Bastien Marchive et CE337 de M. Pascal Lavergne.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Il s’agit cette fois de supprimer les alinéas 15 et 16, c’est-à-dire le droit au refus.

Les sénateurs ont voulu donner aux élus le droit de refuser un permis de construire, de manière discrétionnaire, si le projet semble de nature à empêcher la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale d’atteindre ses objectifs de la loi « Climat et résilience ». Il me semble toutefois que le sursis à statuer suffit à atteindre cet objectif, même s’il faudra l’encadrer. On ne pourra pas reprocher à un élu de surseoir, le temps d’y voir plus clair ; lui donner la possibilité de refuser un projet définitivement me semble disproportionné.

M. Pascal Lavergne (RE). Pour avoir été maire et vice-président d’une communauté de communes dont le PLU a mis sept ans à voir le jour, l’outil du sursis à statuer me semble très utile et beaucoup moins violent pour les administrés qu’un refus. Il permet aussi la discussion entre élus, ainsi qu’avec les porteurs de projet.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE178 de Mme Mathilde Hignet, CE222 de M. Stéphane Delautrette, CE364 de Mme Lisa Belluco et CE290 de Mme Christine Engrand tombent.

 

 

Partie déjà relue par Thierry

 

Amendement CE443 de M. Bastien Marchive et sous-amendement CE462 de M. Stéphane Delautrette.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement a pour objet de prévoir un sursis à statuer spécifique, pour laisser le temps aux élus d’intégrer les objectifs de la loi « Climat et résilience » dans leurs documents d’urbanisme. Tant que cela n’est pas fait, on ne saurait leur reprocher de ne pas parvenir à prendre une décision sur une demande de permis de construire. La demande étant faite pour un terrain spécifique, chaque collectivité devra s’interroger sur les terrains constructibles qui lui restent.

L’enjeu est d’encadrer le sursis à statuer qui a été consacré par les sénateurs, de manière fondée. Pour cela, il convient d’abord de le limiter dans le temps. Logiquement, la limite doit être le moment où l’on a adopté le document d’urbanisme, puisque son adoption a nécessité de définir les terrains constructibles, la trajectoire, les ambitions pour les différentes parties du territoire.

Ensuite, le sursis à statuer doit être motivé par le risque que l’autorisation de construire sollicitée compromette l’atteinte des objectifs de réduction de la consommation d’espaces. L’amendement précise que l’arrêté est motivé en considération de l’ampleur de la consommation résultant du projet ou de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation.

Enfin, il faudra réfléchir d’ici à la séance à la façon dont on peut prendre en compte un ensemble de projets qui viendraient perturber la trajectoire fixée dans le document d’urbanisme et les objectifs de la loi « Climat et résilience » alors que, par nature, une autorisation d’urbanisme est délivrée pour un projet pris isolément.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le sous-amendement vise à supprimer la possibilité, pour le propriétaire des terrains auquel a été opposé un refus d’autorisation de construire ou d’utilisation du sol, de mettre en demeure la collectivité ou le service public d’en faire l’acquisition. On comprend la logique du sursis à statuer et de l’obligation d’acquisition pour une zone d’aménagement concerté ou tout projet que souhaite conduire la collectivité. Mais le paradigme est différent dans le cadre du ZAN : le sursis à statuer peut être utilisé pour faire obstacle à un projet qui serait contraire à ce que la collectivité souhaite sans qu’elle veuille en faire un autre à la place, ou pour réserver un terrain à la renaturation – dont le bilan environnemental, par ailleurs, n’est pas toujours positif.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je comprends l’idée du sous-amendement : il ne faudrait pas, en effet, que le sursis à statuer soit moins utilisé de crainte qu’on enjoigne à la commune d’immobiliser une partie significative de ses deniers publics, alors qu’elle souhaite simplement surseoir à statuer le temps de réaliser une analyse plus approfondie.

Il ne faut cependant pas oublier que le sursis à statuer porte une atteinte importante au droit de propriété puisque, pour le propriétaire du foncier, il gèle la possibilité de disposer de son bien comme il l’entend pendant la période. Le sous-amendement présente un risque d’inconstitutionnalité, en tant qu’il constitue une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Pour ces raisons, je lui donne un avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je partage la crainte d’inconstitutionnalité. L’amendement semble apporter des garanties au dispositif. Aller plus loin, c’est prendre le risque d’être retoqué par le Conseil constitutionnel.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Qu’on le veuille ou non, l’application du ZAN entraînera un changement de paradigme. La propriété et le droit à l’utilisation seront profondément modifiés dans les années qui viennent.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE6 de M. Dino Cinieri, CE135 de M. Thibault Bazin, CE156 de M. Vincent Descoeur et CE101 de M. Paul Molac tombent.

 

Amendement CE396 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac (LIOT). Le présent amendement prévoit que le sursis à statuer dont traite l’article 12 ne peut être utilisé pour s’opposer à la réalisation d’un programme de logements locatifs sociaux.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je comprends et partage votre démarche. Il ne faut pas assimiler le ZAN à un frein à la construction de logements sociaux, mais il pourrait servir de prétexte à des élus pour refuser de tels projets. C’est cette dérive qu’envisage votre amendement. Toutefois, si l’on commence à introduire une dérogation pour le logement social, il est à craindre qu’en séance, d’autres demandes ne soient formulées, par exemple pour le logement en général. C’est pourquoi j’émets un avis de sagesse.

M. Christophe Béchu, ministre. La dérogation se comprend si le programme n’inclut que des logements sociaux, mais il y a beaucoup d’opérations mixtes, avec, par exemple, 20 % de logements sociaux et 80 % de logements privés. On peut certainement travailler d’ici à la séance pour préciser les contours du dispositif. En l’état, la porte risque d’être un peu large puisqu’un seul logement social dans l’opération suffirait à rendre impossible le sursis à statuer.

M. Paul Molac (LIOT). La disposition doit-elle figurer dans la loi ou est-elle du domaine réglementaire ? Le Gouvernement pourrait déterminer par décret la part de logement social qui doit figurer dans l’opération. Le pourcentage pourrait alors facilement être revu. Il n’en ira pas de même s’il faut modifier la loi.

M. Christophe Béchu, ministre. L’atteinte au droit de propriété relève du domaine législatif. On ne peut pas traiter une évolution du sursis à statuer au niveau réglementaire dès lors que cela porte atteinte au droit de propriété : nous devons rester au niveau législatif.

M. Dominique Potier (SOC). Le défaut majeur de la proposition de loi est de manquer d’éléments de programmation. L’amendement de M. Molac apporte une partie de la réponse pour concilier les impératifs écologique et social. Si sa rédaction est maladroite, on peut le sous-amender. Pour répondre à la préoccupation très justifiée du ministre, il faudra notamment préciser que l’opération de construction est « principalement » ou « majoritairement » constituée de logements locatifs sociaux.

L’atteinte au droit de propriété serait levée dès lors que le pouvoir législatif se serait exprimé en apportant cette précision.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous ne sous-amenderons pas l’amendement en commission. S’il est adopté, nous apporterons ces précisions en séance.

Mme Marina Ferrari (Dem). Nous ne soutiendrons pas l’amendement. M. le ministre l’a rappelé, plus de 50 % des logements sociaux sont construits dans le cadre d’opérations privées : on ne peut pas considérer que la construction d’immeubles comprenant dix logements sociaux suffirait à lever le sursis à statuer.

Je rejoins M. Potier sur la nécessité de disposer d’éléments de programmation. Toutefois, nous avons aussi besoin de temps pour respecter les équilibres, qu’ils soient sociaux, de construction ou de densité par exemple. L’intention est louable, mais il est à craindre qu’elle n’entraîne des effets pervers.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je partage la préoccupation de M. Molac : le nouveau cadre législatif et réglementaire du ZAN ne doit pas être un obstacle à la production de logements sociaux. Je crains cependant qu’avec cet amendement, on ne donne des arguments à ceux qui ne veulent pas construire de logements sociaux, qui se serviront du ZAN pour se justifier.

En réalité, il est possible d’atteindre les objectifs de production de logements sociaux de la loi SRU en respectant le ZAN, par exemple en densifiant et en élaborant des projets adaptés. Nous ne soutiendrons donc pas l’amendement, car ce n’est pas rendre service au logement social que de l’opposer au ZAN.

M. Grégoire de Fournas (RN). Avec cet amendement, les communes qui n’ont plus la possibilité de construire du logement conventionnel à cause du ZAN n’auraient plus que la possibilité de construire du logement social. La disposition risque donc de remettre en cause le principe de mixité sociale, ce qui n’est pas une bonne idée.

M. Frédéric Descrozaille (RE). La réponse du rapporteur est éclairante : avec un tel amendement, nous hiérarchisons le droit – ce qui manque terriblement dans les lois et les codes que nous adoptons. Nous disons que le nouveau droit est subordonné au droit existant, qu’il ne doit pas être un prétexte pour ne pas construire de logements sociaux, en particulier pour ne pas respecter la loi SRU.

Quant à la précision juridique de M. le ministre, sans être constitutionnaliste ni juriste de formation, je sais en tant que député que nous « sur-légiférons » : nous adoptons en permanence des lois. Je le dis, car je suis personnellement favorable à l’amendement. Le groupe Renaissance, suivant l’avis de sagesse du rapporteur, devrait être plutôt pour.

M. Thibault Bazin (LR). L’article pose un problème : il prévoit un nouveau cas de sursis à statuer, spécifique au ZAN, alors qu’on a déjà un sursis à statuer de droit commun, qui permet de s’opposer à un projet s’il risque de compromettre des objectifs – de production, de mixité, de morphologie de logements. On a donc déjà les outils nécessaires. Parce qu’on en ajoute un, on s’aperçoit qu’il n’est pas coordonné avec le reste des objectifs, qui sont souvent intégrés au plan local d’urbanisme intercommunal valant programme local de l’habitat (PLUiH), aux programmations, aux équilibres. À un moment, on risque de mettre un verrou qui bloque les objectifs globaux d’aménagement durable et de mixité. Il faut être très prudent ; les maires le savent bien.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le débat est très intéressant. Le sursis à statuer reste un outil mis à la disposition des élus. Pour avoir signé de nombreux permis et avoir été confronté à des projets qui, bien que conformes aux documents d’urbanisme, ne « collaient » pas, je sais que les élus locaux sont souvent dans l’embarras. C’est leur quotidien.

L’enjeu est de mettre à leur disposition des outils qui leur permettent, dans un cadre légal et réglementé, d’appréhender les dossiers à l’aune des différents documents d’urbanisme, de leurs grandes orientations et de leurs objectifs politiques. Souvent, il y a un décalage dans le temps : l’élu doit reprendre le document d’urbanisme de son prédécesseur – à moins d’être élu depuis longtemps ! Ici, il s’agit non de répondre à ce décalage, mais d’éviter que les élus ne se retrouvent devant la nécessité d’arbitrer si un projet peut être validé sans avoir les documents d’urbanisme qui conviennent. Car, tant que les documents d’urbanisme n’intègrent pas les objectifs de la loi « Climat et résilience », les élus ne peuvent pas savoir si, demain, tel ou tel terrain restera constructible. D’où l’intérêt du sursis à statuer et la nécessité de l’encadrer en exigeant que le document d’urbanisme ait été adopté.

S’agissant du logement social, le sursis à statuer est très encadré. Le cas où un élu l’utiliserait pour bloquer un projet de logements sociaux existe, mais il n’est pas majoritaire. Il faut aussi rappeler que si l’on ne respecte pas la loi SRU, on est sanctionné – sursis à statuer ou pas.

Il est donc important de maintenir le sursis à statuer. Chacun votera en son âme et conscience, mais nous avons eu de nombreuses alertes. Dans tous les cas, il faudra apporter des précisions en vue de la séance, pour savoir quel taux s’applique, si un logement social suffit à lever le sursis – cela ne semble pas souhaitable – ou s’il faut se référer au taux indiqué dans la loi SRU. Ainsi, il serait cohérent de dire que si l’opération contient 20 % ou 25 % de logements sociaux, selon le territoire, on ne peut pas surseoir à statuer et on ne la bloque pas, car elle va dans le sens des objectifs SRU. Je suis néanmoins sensible à l’approche qui consiste à éviter d’opposer logement social et ZAN.

M. Christophe Béchu, ministre. Ces débats m’éclairent au moins sur la nécessité de donner ma position : elle sera défavorable en l’état. Je suis en effet sensible aux arguments de M. Martinet, qui met en garde contre le fait d’établir un lien entre ZAN et logement social. Alors que nous avons discuté d’amendements expliquant qu’à cause du ZAN, il fallait diminuer les taux de SRU, et compte tenu de ce que j’ai entendu au Sénat et dans certains secteurs, j’estime que l’on met un doigt dans cet engrenage.

Au fur et à mesure que la discussion avance, on voit qu’il va falloir construire une cathédrale, avec des pourcentages d’entrée, des leviers, etc. Nous allons devoir entrer dans une complexité qui devrait normalement être de niveau réglementaire, mais qui est remontée au niveau législatif par l’atteinte au droit de propriété. Je préférerais que l’on sorte de commission sans dispositif, que chacun prenne un temps de réflexion avant l’hémicycle, plutôt que de voter un mécanisme bancal dont on risquerait de chercher ensuite à sortir car la somme des avantages serait inférieure à la somme des inconvénients.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE419 de Mme Lisa Belluco.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel vise à enclencher un débat sur l’ouverture à l’urbanisation des zones à urbaniser. Certaines de ces zones ont été définies il y a plusieurs années, alors que l’objectif ZAN n’existait pas. Étant donné l’importance de ralentir au plus vite l’artificialisation des sols, il paraît opportun de s’interroger sur des zonages devenus caducs avec la création du nouvel objectif. C’est pourquoi il faut discuter d’un moratoire sur l’ouverture d’espaces d’artificialisation. La zone à urbaniser du PLU est une zone de transition, qui permet de transformer progressivement des espaces non bâtis en terrains constructibles.

Avec ces nouveaux objectifs de sobriété foncière, nous proposons de réfléchir systématiquement avant d’ouvrir à l’urbanisation de nouveaux espaces. L’ouverture de nouveaux espaces constructibles doit être mise en pause, pour repenser l’aménagement local d’un territoire.

Cette demande est notamment soutenue par Terre de liens, et va de pair avec une consultation citoyenne locale sur l’ensemble de ces zonages. Cette consultation devrait faire apparaître que certains sont obsolètes et méritent d’être repensés. Ce n’est que pour les zonages qui restent pertinents que le moratoire pourrait être levé.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’ouverture de nouveaux terrains à l’urbanisation est déjà très encadrée, notamment par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) ou par les orientations d’aménagement et de programmation, qui doivent conditionner l’ouverture de nouvelles surfaces en matière d’usages.

En outre, ce n’est pas parce que l’on ouvre un terrain à la construction que la consommation d’espaces augmente : on peut imaginer que, dans le cadre de réflexions globales, on ferme deux hectares à la construction tout en en ouvrant un autre, dans un projet d’aménagement du territoire cohérent. Le moratoire empêcherait cela. Par exemple, si, hier, on avait un projet urbain pour 10 hectares de droits à construire, et que demain on doit renoncer à ce projet parce qu’on n’a plus que 5 hectares, on peut avoir besoin de concentrer les droits à construire ailleurs sur la commune, ce qui ne serait pas possible avec le moratoire.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends l’intérêt et la philosophie de votre amendement, mais on a maintenant « ceinture et bretelles » : on a le nombre d’hectares, le sursis à statuer, qui est une occasion supplémentaire de bloquer des projets, et, dans le droit existant, des dispositions allant dans le même sens. Je considère votre amendement comme satisfait.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de zones classées AU (à urbaniser) dans les PLU, qui ne sont pas encore artificialisées. Parfois, des projets y ont été prévus, qui n’ont plus lieu d’être ou méritent d’être repensés. C’est pourquoi cet amendement d’appel vise à déclasser ces zones qui ne sont pas encore construites. Il s’agit de rouvrir la réflexion sur l’ensemble des zones, y compris celles classées en AU.

M. Mickaël Cosson (Dem). Il existe déjà des dispositions qui vont dans ce sens. Les zones classées 2AU deviennent des zones agricoles dès lors que le PLU a été validé depuis plus de neuf ans : on a bien « ceinture et bretelles » ! Les services de l’État rendent déjà, mécaniquement, impossible à des communes d’urbaniser comme cela était prévu.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 12 modifié.

 

 

Après l’article 12

 

Amendements identiques CE312 de M. Vincent Rolland et CE391 de M. Julien Rancoule.

M. Vincent Rolland (LR). Il s’agit de donner aux communes peu ou très peu denses au sens de la grille communale de densité de l’Insee la possibilité d’acquérir des biens sans maître ou présumés tels. Cela faciliterait la mobilisation du foncier dans le cadre du ZAN.

M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit en effet d’étendre à tous les territoires ruraux la réduction du délai pour récupérer les biens sans maître. Le nouvel objectif de zéro artificialisation nette impose aux communes rurales un effort extraordinaire pour réhabiliter la totalité du foncier bâti existant. Nous devons mieux les accompagner face à cet objectif qui a été imposé de manière identique dans toute la France, sans prendre en considération les réalités locales, qui sont très disparates.

La réduction est déjà en œuvre dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), souvent critiquées pour leur ciblage, qui ne prend pas en compte la totalité des territoires ruraux. Cet amendement a été proposé par l’Association des maires ruraux de France.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Depuis ce matin, nous parlons de la lutte contre l’artificialisation des sols. Je ne vois pas ce que cette disposition vient faire dans le texte. Je ne dis pas que la question des biens sans maître n’est pas importante, mais la proposition de loi n’est pas le lieu pour l’aborder. Par ailleurs, vous l’avez dit, les communes des ZRR sont déjà concernées par la réduction. Elles représentent une commune sur deux en France. Il ne semble pas pertinent d’étendre la mesure à toutes les communes.

M. Christophe Béchu, ministre. L’application de ce dispositif concernerait 30 476 communes, contre 17 000 aujourd’hui. Je n’en écarte pas le principe, et je comprends l’intérêt, mais je pense que la proposition de loi n’est pas le bon véhicule. La Première ministre effectuera demain un déplacement consacré à la ruralité, où elle annoncera un projet « France ruralité ». Des amendements de ce type, qui posent la question de l’homogénéisation et déplacent le curseur du droit de propriété pour 13 000 communes, seraient plus à leur place dans une loi « Ruralité » que dans une loi « ZAN ».

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Dans les petits bourgs, le fait de pouvoir récupérer rapidement les biens sans maître constitue un enjeu pour les élus locaux. En réduisant les délais, on permettrait de reconstruire sur du bâti ; à défaut, on continue à artificialiser.

M. Dominique Potier (SOC). J’avais été à l’initiative d’une disposition de la loi Alur qui a élargi aux EPCI à fiscalité propre la compétence en matière de gestion des biens sans maître. Ces établissements ont seuls la capacité technique de le faire, dans le cadre d’une programmation et conformément aux règles du PLUi. L’objectif peut être de conduire des restructurations agricoles à haute valeur ajoutée ou des projets urbains. Si l’on devait faire évoluer le droit, il faudrait plutôt encourager la planification écologique dans le cadre des EPCI, ce qui devrait s’inscrire dans un débat plus vaste sur la ruralité.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE221 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Le présent amendement, issu d’une proposition des chambres d’agriculture, vise à ce que le porteur d’un projet sollicitant une autorisation d’urbanisme ne puisse l’obtenir si l’étude agricole et la compensation agricole collective n’ont pas été mises en œuvre. Afin de garantir l’effectivité du dispositif, il serait possible de saisir le juge pour lui demander d’ordonner la réalisation des mesures de compensation sous astreinte. Actuellement, cette compensation n’est pas contraignante, ce qui incite certains porteurs de projets à s’en affranchir, sans conséquence. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de préserver les terres agricoles, leur capacité à nourrir la population et à fournir des services écosystémiques. Il serait donc incompréhensible que la compensation demeure facultative. Les porteurs de projets doivent faire face à leurs responsabilités : la perte d’une terre agricole doit être justifiée par une création de valeur, après une étude agricole rigoureuse.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cet amendement vise à imposer un avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sur les projets agricoles. À l’heure actuelle, le préfet décide après avoir entendu l’ensemble des acteurs du monde agricole et les élus locaux compétents en matière de planification.

Votre amendement présente un lien assez ténu avec le texte. En outre, les territoires disposent déjà de plusieurs outils pour protéger les espaces agricoles, à l’image des zones agricoles protégées et des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains. Pour avoir siégé au sein d’une CDPENAF, je peux vous assurer que le préfet tient toujours compte de l’avis des experts – les Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), les chambres d’agriculture, les syndicats d’agriculteurs… Le système actuel fonctionnant de manière satisfaisante, je ne vois pas l’intérêt de prévoir un avis conforme.

M. Christophe Béchu, ministre. Chaque hectare supprimé par l’artificialisation est une perte de potentiel nourricier et écosystémique. C’est ce qui guide toute notre réflexion. Mais la présente disposition va trop loin, et porterait atteinte à l’équilibre que nous essayons de construire. Comme l’a dit le rapporteur, dans l’écrasante majorité des cas, on suit l’avis de la CDPENAF. Lui laisser le dernier mot serait excessif. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel nous demandant d’être attentifs aux dispositifs de préservation du monde agricole, mais je ne peux y donner un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE220 de M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement, qui a été élaboré avec France urbaine, vise à étendre le sursis à statuer aux procédures de modification des PLU qui auraient pour objectif de fermer des zones ouvertes à l’urbanisation à des fins de réduction de la consommation d’espace et de l’artificialisation des sols.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement est satisfait par celui que nous avons adopté à l’article 12 sur le sursis à statuer, à une nuance près : votre rédaction pérennise le droit de surseoir à statuer, alors que nous l’avons conditionné à l’adoption du document d’urbanisme, qui le justifie. Demande de retrait ou défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE264 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert (RE). L’amendement autorise la délivrance d’un permis d’aménager portant sur plusieurs sites pour réaliser une opération d’aménagement qui artificialiserait d’un côté, mais compenserait en rendant à la nature, de l’autre, 50 % de la surface du projet. Ce serait une opération neutre, en cohérence avec l’objectif poursuivi à l’horizon 2050. L’idée serait de donner un peu de souplesse aux projets, sur le modèle des opérations de revitalisation de territoire.

M. Bastien Marchive, rapporteur. À l’heure actuelle, la loi ne permet de mener des projets d’aménagements multisites que pour réaliser du bâti. Puisque la renaturation fera partie intégrante de l’aménagement de demain, il serait en effet intéressant d’élargir cette faculté à ce type d’opération. Cela étant, la rédaction de votre amendement nécessite un examen plus approfondi. Je vous propose de le retirer afin que nous en discutions d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

 

 

Article 12 bis : Comptabilisation sur la période 2011-2021 de l’artificialisation des projets autorisés ou appartenant à des opérations autorisées avant 2021

 

Amendements de suppression CE332 du Gouvernement, CE179 de M. Perceval Gaillard, CE338 de M. Pascal Lavergne et CE365 de Mme Lisa Belluco.

M. Christophe Béchu, ministre. L’article 12 bis porte sur trois types de projets. S’agissant de ceux qui sont réalisés dans des zones d’aménagement concerté créées avant la loi « Climat et résilience », nous voulons préciser les règles par une instruction technique. Pour les autres, l’article ne se justifie pas, en particulier parce que les opérations d’intérêt national (OIN) concernent souvent une zone d’artificialisation très étendue. D’où la demande de suppression.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer cet article, qui soustrait à la comptabilisation des espaces artificialisés les projets déposés avant l’entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience », et qui donnerait ainsi un droit à artificialiser supplémentaire. Je ferai observer que l’article 13, dont certaines dispositions ont été supprimées hier, prend en compte les surfaces renaturées par les collectivités territoriales depuis l’adoption de la loi « Climat et résilience ». Il obéit ainsi à la même logique que l’article 12 bis, à savoir étendre la surface pouvant être artificialisée.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article entraînerait une régression car il introduit de la souplesse dans la comptabilisation des espaces artificialisés, notamment ceux ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP) ou d’une déclaration de projet avant le 22 août 2021 : ils seraient décomptés dans la période 2011-2021.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Les espaces concernés représentent pas moins de 60 000 hectares ! Avis favorable à la suppression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 12 bis est supprimé et les autres amendements tombent.

 

 

Article 14 : Rapport au Parlement sur l’ingénierie publique territoriale en faveur de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols

 

Amendement CE448 de M. Bastien Marchive, et sous-amendements CE504 et CE505 de M. Stéphane Delautrette.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cet amendement vise à introduire la clause de revoyure dont nous avons parlé, afin de dresser un bilan à mi-chemin, en 2026. Ce sera l’occasion d’examiner l’application des dispositions relatives aux projets d’envergure nationale et à la garantie rurale, l’impact de la loi « Climat et résilience » sur le logement, la préservation de la biodiversité et le développement économique, mais aussi des sujets fiscaux et d’ingénierie, sans oublier de nombreuses autres questions qui ont fait l’objet de demandes de rapport, auxquelles je donnerai donc un avis défavorable.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le sous-amendement CE504 vise à préciser le contenu de cette clause, afin de vous rappeler les engagements que vous avez pris tout à l’heure.

M. Dominique Potier (SOC). Le sous-amendement CE505 vise à étendre le champ de l’amendement aux dispositifs mobilisés par l’État. À cette précision près, nous soutenons pleinement l’amendement du rapporteur, car nous pensons que la proposition de loi rate complètement sa cible. Si l’objectif était d’instituer une garantie rurale, il ne fallait pas le faire de la manière proposée par le Sénat. Nous n’avons pas eu le courage, collectivement – ni, peut-être, les moyens politiques – d’inventer un autre dispositif, ce que nous regrettons profondément. La clause de revoyure devrait être l’occasion de refaire de la planification urbanistique à l’échelle intercommunale, dans l’intérêt général, et de sortir de cette garantie rurale démagogique qui déformera nos territoires et offrira des possibilités néfastes à des promoteurs.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Je suis favorable au sous-amendement CE505, qui répare un oubli, à savoir la prise en compte des données transmises par l’État. Le sous-amendement CE504, quant à lui, est déjà satisfait, puisque l’on écrit expressément que les projets d’envergure nationale seront intégrés au bilan.

M. Christophe Béchu, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Le bilan permettra de vérifier que le dispositif a été correctement calibré. Je comprends le point de vue de M. Potier, mais je ne le partage pas. Nous devons enclencher l’application du ZAN en visant l’horizon 2050. M. Potier, qui est à l’origine d’un SCoT assez impressionnant et précurseur avec une forme de droit à l’hectare et un encadrement, sait mieux que personne que les schémas de cohérence territoriale ne se font pas en un jour. Il ne faut pas rejeter d’emblée la garantie rurale : nous verrons comment les maires s’en saisiront. Mais je ne crois pas un instant qu’un promoteur ira voir le maire d’une commune de quinze habitants pour réclamer de construire quelque chose sur son hectare disponible.

M. Dominique Potier (SOC). Le projet que vous évoquez a dix ans ! Nous y avons passé des années, pour finir par un vote à l’unanimité. Mais maintenant, il faut passer à une nouvelle étape : nous devons faire face à l’urgence climatique, aux impératifs de sauvegarde de la biodiversité. Il faut accélérer. Nous avions des propositions, avec les écologistes, qui auraient favorisé l’acceptabilité du ZAN dans les territoires ruraux, mais des contraintes politiques nous ont empêchés de les présenter. Nous le regrettons vivement. Mais au moins la clause de revoyure nous permettra d’être à la hauteur des défis.

La commission rejette le sous-amendement CE504.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE505 et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’article 14 est ainsi rédigé et les amendements CE207 de M. Vincent Rolland et CE31 de M. Guy Bricout tombent.

 

 

Après l’article 14

 

Amendement CE79 de Mme Marie Pochon.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à instaurer un moratoire sur la délivrance des permis de construire ayant pour objet la construction, l’élargissement ou le prolongement d’autoroutes ou de routes à chaussées séparées par un terre-plein central. Les projets routiers sont le deuxième facteur d’artificialisation des sols : ils entraînent notamment la destruction de terres agricoles, de zones humides et de forêts. Leurs promoteurs mettent souvent en avant le gain de temps et la fluidification du trafic. Or, il n’en est rien. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a montré, en 2021, que la création de voies de circulation engendre une demande supplémentaire de trafic automobile, qui entraîne des effets négatifs en termes d’émissions et de qualité de l’air. Le collectif « La déroute des routes » estime que les projets routiers menacent près de 4 500 hectares de terres. Le secteur des transports est un des premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre, majoritairement du fait du transport routier.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Cette proposition de loi ne me paraît pas être le véhicule juridique adapté pour traiter ce sujet. Elle vise à encadrer la quantité d’artificialisation sans se prononcer sur la destination des surfaces artificialisées, comme on l’a vu, tout à l’heure, lors du débat sur le sursis à statuer concernant les logements sociaux. En outre, les enjeux de mobilité, de développement économique et de désenclavement de la ruralité rendent nécessaire la construction de routes.

M. Christophe Béchu, ministre. Dans cette matière, on ne peut pas adopter une position unique pour l’ensemble du pays. Certes, il faut construire moins de routes et accroître notre résilience, mais prononcer un moratoire reviendrait à mépriser les réalités locales.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, les amendements que nous avons examinés sur les logements sociaux visaient à les exclure de la comptabilisation de l’artificialisation des sols. Ce serait l’opposé de ce que nous voulons pour les projets autoroutiers. Mais en l’occurrence, puisque ces projets sont le deuxième facteur d’artificialisation, nous voulons tout simplement que les engagements pris se traduisent en actes : or le ministre Clément Beaune a indiqué que notre priorité devait être le développement du transport ferroviaire et non plus la construction d’autoroutes. On ne désenclave pas par les routes, mais par les gares.

M. Mickaël Cosson (Dem). Je comprends la philosophie de l’amendement, mais je rappelle qu’une route n’est pas soumise à l’exigence de la délivrance d’un permis de construire : cet amendement n’a rien à faire ici.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE389 de M. Julien Rancoule.

M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement, issu d’une proposition de l’Association des maires ruraux de France, vise à nommer des référents ZAN au sein du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), pour apporter aux communes une ingénierie spécifique. Les maires des petites communes sont parfois empêchés de mener à bien leurs projets, d’abord du fait de l’insuffisance de leurs ressources budgétaires, mais aussi du manque d’assistance en ingénierie. Ils se sentent démunis devant la complexité des projets. Les référents permettraient de mieux les accompagner.

M. Bastien Marchive, rapporteur. Ce n’est pas en nommant un référent ZAN que vous réglerez tous ces problèmes. Le Cerema met déjà des données à disposition. L’Ademe et l’Agence nationale de la cohésion des territoires accompagnent les collectivités. De leur côté, les préfectures et sous-préfectures sont proches des élus locaux et très disponibles, à l’instar des associations d’élus locaux. Enfin, je ne suis pas certain qu’il faille un référent spécifique au ZAN. L’enjeu réside plutôt dans l’élaboration d’un document d’urbanisme qui permette de planifier l’aménagement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE173 et CE172 de M. William Martinet.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Par l’amendement CE173, nous souhaitons que le rapport d’évaluation de la politique de limitation de l’artificialisation des sols soit établi annuellement et non pas, comme c’est le cas actuellement, tous les cinq ans. Cela permettrait d’améliorer l’évaluation de la politique menée et de mieux coordonner les actions de réduction de l’artificialisation. L’amendement CE172 vise à intégrer l’aspect social du ZAN.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement CE172 est satisfait, puisque la clause de revoyure prendra en compte le logement. S’agissant de l’amendement CE173, l’urbanisme ne s’appréhende pas annuellement mais sur le temps long, pour mesurer les effets des politiques menées. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE390 de M. Julien Rancoule.

M. Julien Rancoule (RN). Dans la même logique que mon amendement précédent, celui-ci vise à nommer un référent ZAN auprès de chaque préfet de département pour accompagner les communes. Les maires des petites communes, qui font un travail remarquable, sont demandeurs. Ils ont de bons projets, mais ils ne parviennent pas toujours à les mener à bien en raison d’un manque d’ingénierie. En tant que délégués départementaux de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, les préfets sont particulièrement indiqués pour les accompagner vers ce type de prestations, qui leur permettrait d’appliquer l’objectif ZAN.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE180 de Mme Catherine Couturier.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport relatif aux conséquences de l’objectif « Zéro artificialisation nette » sur la biodiversité.

Certes, les questions liées à l’urbanisme supposent de réfléchir sur le temps long mais cela n’interdit en rien de disposer de mises à jour régulières, d’où notre proposition d’annualisation. L’objectif ZAN, qui nous semble lointain, arrivera très vite. Sur une première période de dix ans, en l’état, il n’y aura qu’un seul rapport pour nous permettre de réorienter les politiques publiques. Les dates butoirs de 2031 et 2050 nous imposent d’être plus réactifs.

M. Bastien Marchive, rapporteur. L’amendement CE448, qui rédige l’article 14, prévoit une clause de revoyure avec un rapport qui « contient un examen approfondi des conséquences de ce régime sur la préservation de l’environnement naturel et de la biodiversité, et formule des préconisations pour la renforcer ». Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

L’année 2026 viendra également très vite, et ce sera encore durant cette législature : que vaudrait un rapport avec des Sraddet qui ne seraient pas votés ? En 2027, en revanche, le jeu démocratique permet à chacun de penser qu’il sera aux manettes et qu’il pourra faire valoir sa propre vision. Nous sommes dans notre rôle en offrant une visibilité jusqu’aux prochaines élections municipales.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Titre

 

Amendements CE446 de M. Bastien Marchive et CE324 de M. Vincent Rolland (discussion commune).

M. Bastien Marchive, rapporteur. La notion de ZAN n’étant pas juridique, je propose comme titre : « Proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols ».

M. Vincent Rolland (LR). Nous proposons : « Proposition de loi visant à rendre les objectifs de zéro artificialisation nette compatibles avec les objectifs du développement durable ».

M. Bastien Marchive, rapporteur. Le présent texte concerne les objectifs de la loi « Climat et résilience » visant à diminuer de 50 % l’artificialisation des sols de 2021 à 2031, et non l’objectif ZAN, qui est à horizon 2050. De surcroît, je le répète, la notion de ZAN n’a pas de valeur juridique. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis de sagesse sur l’amendement CE446 et avis défavorable à l’amendement CE324.

M. Dominique Potier (SOC). Je ne voterai pas en faveur de l’amendement CE446. C’est un titre « bonne conscience », alors que nous avons besoin d’une clause de revoyure plus précoce et régulière. Nous sommes contraints par le Sénat, nous ne pouvons pas mener un véritable travail de planification, mais celui-ci devra néanmoins être accompli le plus tôt possible. Un véritable accompagnement aurait imposé de corriger la couverture des SCoT et des PLUi à l’échelle nationale, seuls dispositifs vertueux permettant de mettre en œuvre notre assurance vie : la planification écologique.

La commission adopte l’amendement CE446.

En conséquence, l’amendement CE324 tombe.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du terrIToire

Au cours de ses réunions du mardi 13 juin 2023, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (n° 958) (M. Lionel Causse, rapporteur pour avis).

1.   Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17 heures

M. le président Jean-Marc Zulesi. La commission des affaires économiques nous a délégué l’examen au fond des articles 3, 6, 8, 10 et 13. Je remercie M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de sa présence parmi nous.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. L’artificialisation des sols est devenue, au fil des années, un sujet incontournable dans la problématique de la transition écologique et de l’aménagement durable de nos territoires. Je m’en réjouis, car elle constitue l’une des premières causes de destruction de la biodiversité dans le monde.

En quarante ans, la surface artificialisée de la France métropolitaine a presque doublé, passant de 2,9 millions à plus de 5 millions d’hectares, tandis que l’évolution de la population française a progressé de moins d’un tiers sur la même période. Ce rythme effréné est illustré par une donnée simple et saisissante : nous consommons près de 25 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (Enaf) par an : c’est plus de deux fois la surface de la ville de Paris qui est artificialisée chaque année !

L’artificialisation altère durablement les fonctions écologiques des sols, dont nous dépendons tous : accès à l’eau, stockage du carbone, maintien de la biodiversité et production alimentaire. Dans un contexte de changement climatique accéléré et de tensions géopolitiques, protéger les sols et les terres agricoles est une priorité.

C’est avec la volonté de préserver ces ressources inestimables que le principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN) a été inscrit, en 2011, dans la feuille de route de la Commission européenne. En 2016, avec la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages présentée par Mme Ségolène Royal, la sobriété foncière devient une compétence régionale : peu à peu, des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ambitieux prévoiront une réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. En 2018, l’objectif du ZAN est repris par la majorité présidentielle dans le plan biodiversité, présenté par le ministre Nicolas Hulot : il alertait, à l’époque, sur le risque de disparition de 40 % des espèces vivantes au milieu du siècle prochain, si l’on ne faisait rien.

Engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la protection de la biodiversité, nous avons agi concrètement, en 2021, en adoptant la loi « climat et résilience ». Qu’on se le dise, cette loi, plus particulièrement les mesures ayant trait à la lutte contre l’artificialisation des sols, est l’une des plus ambitieuses que ce pays ait connue en matière de transition écologique. Je suis fier d’y avoir contribué en tant que rapporteur thématique.

Toutefois, près de deux ans après sa promulgation, des difficultés de mise en œuvre apparaissent. Il faut les entendre et y répondre si nous voulons atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés. Après la constitution d’une mission d’information commune au Sénat, la Chambre haute a déposé une proposition de loi allant dans le sens d’une facilitation de la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

Le texte initial adopté au Sénat comportant de nombreuses lignes rouges remettant en cause l’atteinte de nos objectifs ainsi que notre calendrier, le ministre M. Christophe Béchu, que je remercie pour son implication sur le sujet, nous a demandé de constituer à l’Assemblée nationale un groupe de réflexion chargé de trouver des solutions pour accompagner les élus locaux dans la mise en œuvre du ZAN, en 2050. C’est ainsi qu’est née une seconde proposition de loi : mon collègue Bastien Marchive, que je remercie également pour son travail, et moi-même l’avons déposée en février dernier.

L’objectif étant d’appliquer rapidement les mesures à prendre, il fallait trouver une porte de sortie susceptible de convenir aux deux chambres. Le dialogue avec le Sénat, qui n’a jamais cessé, nous conduit aujourd’hui à examiner cinq articles de la proposition de loi que lui-même avait adoptée. Ce même dialogue constant, entretenu également avec le Gouvernement et les associations d’élus, trouve son illustration dans l’accord auquel nous sommes parvenus, consistant à alléger la proposition de loi afin de prendre le plus rapidement possible les mesures urgentes par voie réglementaire.

C’est ainsi que deux des articles dont nous sommes saisis, ayant vocation à être traduits par décret, feront l’objet d’amendements de suppression de la part du Gouvernement. Il s’agit de l’article 6 qui prévoit une meilleure prise en compte des efforts déjà réalisés par les collectivités pour réduire leur rythme d’artificialisation, et de l’article 8 qui prévoit la définition d’une part réservée au développement territorial au sein des enveloppes fixées par les documents régionaux – les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). Ces amendements de suppression correspondent aux attentes des élus locaux, qui souhaitent de la souplesse et de la rapidité.

Les projets de décret ont été rédigés en étroite collaboration avec les associations d’élus, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) en tête. Ils vont nous permettre d’agir vite, de sorte que nous puissions respecter notre trajectoire de lutte contre l’artificialisation des sols. Aussi, ces deux amendements de suppression n’ont pas vocation à enterrer le débat, ni à brider la représentation nationale, mais à faciliter la mise en œuvre de mesures qui font consensus, afin d’accompagner au mieux les élus en première ligne de la lutte contre l’artificialisation des sols.

Nous sommes également saisis sur l’article 3, qui vise à transformer les conférences des SCoT en « conférences régionales de gouvernance ». Ces nouvelles instances traduisent la volonté des sénateurs d’inclure davantage d’élus dans le suivi et l’application des mesures de lutte contre l’artificialisation. Leur composition devrait faire l’objet de débats au sein de cette commission : je ne suis pas fermé à l’idée de les ouvrir davantage, au risque de créer une structure composée de nombreuses organisations.

Je rappelle toutefois que les conférences des Scot étaient une initiative sénatoriale lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience », et que la nouvelle instance qu’il vous est proposé de créer n’aura pas d’incidence, ni sur les objectifs, ni sur le calendrier. Je suis donc à l’écoute de vos propositions, si vous souhaitez l’enrichir avec la volonté ne pas dénaturer l’esprit initial de l’article, puisque ces conférences ont toujours vocation à rester des espaces de dialogue consultatifs.

L’article 10 est très important en ce qu’il prend en compte les spécificités des territoires littoraux et de montagne. Les spécificités des territoires de montagne ont été prises en compte dans les projets de décret portés à votre connaissance ce week-end, mais le cas des communes littorales exposées au recul du trait de côte requiert une attention particulière.

L’article prévoit de décompter de l’artificialisation constatée sur le périmètre de la commune les parcelles rendues inutilisables en raison de l’érosion côtière, et de les considérer comme de la renaturation. Or les sénateurs avaient introduit un double comptage faisant en sorte qu’en parallèle, les projets de relocalisation dans de nouvelles zones des aménagements et constructions sur les parcelles touchées par le recul du trait de côte ne soient pas comptabilisés au regard de l’artificialisation. Ce double comptage a été dénoncé par de nombreuses associations d’élus auditionnées ainsi que par des organisations non gouvernementales (ONG) : dans un souci de cohérence, il sera proposé de le supprimer.

Par ailleurs, je présenterai un amendement visant à conditionner la considération de désartificialisation des surfaces se situant dans les zones les plus exposées et ayant vocation à être renaturées, à une contractualisation avec l’État, pour adapter les actions des communes en matière d’urbanisme et leurs politiques d’aménagement aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral. Il est essentiel que nous accompagnions les élus qui se montrent responsables et qui décident d’engager des actions de planification pour s’adapter au recul du trait de côte.

Enfin, l’article 13 prévoit que les efforts de renaturation conduits par les collectivités dès l’adoption de la loi « climat et résilience » seront pris en compte pour évaluer l’atteinte de leurs objectifs ZAN. En effet, le calcul de la consommation des Enaf ne prend actuellement pas en considération les opérations de renaturation effectuées avant 2031. Seraient donc retranchées du calcul de la consommation des Enaf les surfaces ayant fait l’objet d’actions de renaturation – cela devrait inciter les autorités compétentes à conduire de telles actions.

Toutefois, certaines personnes auditionnées ont exprimé des doutes quant à la possibilité de comptabiliser cette « déconsommation », qui appelle à créer une base spécifique des espaces renaturés. Je vous proposerai donc de réécrire cet article, en posant le principe d’une déduction de la consommation des surfaces renaturées à l’échelle des territoires, et pas uniquement au niveau des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Par ailleurs, le Sénat a introduit une disposition visant à décompter des surfaces artificialisées les espaces utilisés temporairement pour les besoins de travaux ou d’aménagements, puis restitués à la même catégorie de surfaces non artificialisées. Cette disposition relève de la nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées, qui est traitée par voie réglementaire. Je vous proposerai donc de supprimer les alinéas y faisant référence.

Je vous inviterai, par ailleurs, à créer un article additionnel pour mieux prendre en considération les difficultés propres aux territoires d’outre-mer dans l’atteinte des objectifs ZAN.

Je sais que certains de nos collègues souhaitent revenir sur ce fameux ZAN ; je connais leurs arguments et je les entends, mais je ne les partage pas tous. Quand nous artificialisons près de deux fois plus rapidement que la population n’augmente, quand la loi SRU, relative à la solidarité et au renouvellement urbains, n’est pas respectée dans de nombreuses communes, alors qu’elle date de 2000, quand des élus se font élire sur la promesse de ne pas construire et se plaignent des mesures adoptées en 2021, le lien avec les dispositions de la loi « climat et résilience » n’est ni avéré, ni sérieux.

En tant que responsables politiques, je pense que nous partageons tous la volonté d’apporter un meilleur cadre de vie à nos concitoyens. Cela passe inévitablement par une lutte sans merci contre l’artificialisation des sols et par un accompagnement des élus locaux, au plus près du terrain. Je vous invite donc à réserver un accueil favorable à cette proposition de loi, fruit d’un consensus qui répond aux attentes des élus et qui nous permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, en respectant le calendrier et les objectifs de la loi « climat et résilience ».

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Tout l’enjeu – et cela peut sembler original au regard de la méthode qui vous est proposée – est d’obtenir un dispositif clarifié, qui puisse entrer en vigueur partout sur le territoire avant la mi-juillet – date qui marquera la fin des travaux du Sénat jusqu’au début du mois d’octobre.

Le temps législatif dont nous disposons suppose qu’une partie des sujets ne soit pas évoquée dans l’hémicycle. Il vous sera donc proposé de supprimer certains articles pour les renvoyer au niveau réglementaire. Afin que l’Assemblée nationale puisse bénéficier de la même transparence que le Sénat et l’AMF, le contenu de toutes les mesures qu’il est proposé d’adopter par la voie décrétale est public : les projets de décret ont été mis en ligne ce matin, non pas à des fins de publication, mais pour que la discussion puisse également porter sur la partie réglementaire. De cette façon, si la commission mixte paritaire (CMP) est conclusive, l’ensemble du dispositif sera opérationnel.

Si nous devons agir ainsi, c’est en raison du temps dont nous disposons, mais aussi de la complexité d’une partie des sujets, liée à la définition de nomenclatures précises de beaucoup de situations. Cette méthode a reçu l’assentiment de l’AMF, ce qui, bien sûr, ne vaut absolument pas prescription pour les parlementaires. Simplement, sans remettre en cause l’objectif du ZAN, l’AMF s’était émue des décrets d’application qui rendaient sa mise en œuvre complexe. En suspendant les décrets et en proposant un nouveau dispositif de réécriture et d’assouplissement, nous tenons compte de sa position et de celle de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), qui a été le partenaire des services du ministère pour réécrire la nomenclature sur la base d’un constat partagé avec des communes.

L’enjeu est également simple : assouplir, mais tenir une trajectoire de sobriété foncière qui devrait tous nous réunir. Si vous êtes sincèrement préoccupés par le dérèglement climatique et inquiets pour le cycle de l’eau, il est urgent d’arrêter de bétonner des espaces qui, pour le premier, créent des îlots de chaleur qui ne stockent plus le carbone, et, pour le second, empêchent les nappes phréatiques de se remplir et la terre de jouer son rôle d’éponge, accélérant les phénomènes de ruissellement. Si vous êtes attachés à la biodiversité, sachez que l’artificialisation est la première cause d’érosion et de perte de biodiversité. Et si vous êtes attachés à la souveraineté de notre pays, la disparition d’espaces agricoles permettant notre souveraineté alimentaire devrait vous préoccuper – l’espace agricole utile a reculé de 2 millions d’hectares depuis le milieu des années 1980.

On veut faire porter au ZAN une responsabilité qu’il n’a pas, ne serait-ce que parce qu’il est en vigueur depuis seulement deux ans et que sa mise en œuvre n’a pas réellement commencé. D’abord, dire que le ZAN est la fin de la maison individuelle, est faux. La moitié de l’artificialisation a été constituée au cours des dix dernières années, par des zones pavillonnaires comprenant huit logements par hectare, soit une moyenne de 1 200 mètres carrés de jardin. Si, sans autre changement, on se contentait d’une artificialisation à raison de 600 mètres carrés par jardin, la trajectoire de sobriété serait tenue – étant précisé que les 1 200 mètres carrés sont une moyenne pour un taux d’urbanisation de 52 % : en réalité, un tiers des terrains ont une surface de 2 500 mètres carrés en moyenne.

Ensuite, les 125 000 hectares dont nous disposons jusqu’en 2031 dans le cadre de la trajectoire ne sont qu’une partie du disponible ; 170 000 hectares de friches ont été recensés dans notre pays. En outre, une dent creuse dans un bourg n’est pas comptabilisée comme de l’artificialisation : l’espace est déjà artificialisé, et la construire ne consomme pas d’Enaf. On ne peut donc pas dire que le ZAN va à l’encontre d’une économie du foncier de bon sens.

Je n’entrerai pas dans tous ces détails aujourd’hui ; mon objectif est plutôt de répondre à certaines questions, d’attester de la clarté et de la transparence de la méthode selon laquelle nous avons travaillé au Sénat, avec tous les groupes. Le texte qui vous est transmis, qui ne me convient pas dans sa totalité, a été voté par tous, sauf deux : les écologistes et le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI). En raison de la position commune qu’ont prise quelque 300 sénateurs communistes, socialistes, centristes et de la droite, mon souhait est que nous puissions parvenir à une CMP conclusive, ce qui suppose de trouver des compromis.

La ligne rouge, ce sont les 125 000 hectares. Que l’on en donne davantage au milieu rural, que l’on assouplisse le texte pour éviter une tutelle des régions sur les communes, que l’on crée des souplesses sur le plan local, que l’on fournisse des outils anti-spéculatifs aux communes, c’est ce qui vous est donné à discuter, aujourd’hui en commission, la semaine prochaine en séance publique. Mais la philosophie, c’est bien de respecter la tendance de sobriété foncière, en réglant les choses aux deux bouts de la chaîne – pour les plus petites communes et pour les plus grands projets – avec des éléments de souplesse, par la concertation et la concorde, de sorte à atteindre cet objectif sans crispation.

Je ne serai pas plus long. Je veux saluer l’énorme travail fourni par Lionel Causse et Bastien Marchive, qui ont mené une concertation avec les sénateurs et beaucoup échangé avec les associations d’élus – AMF et Association des maires ruraux de France (AMRF) –, mais aussi environnementales. Ces dernières disposent du texte et du chemin qui vous sont présentés depuis une quinzaine de jours : vous aurez remarqué qu’elles ont exprimé leur vigilance sur certains points, mais qu’elles ont également compris la nécessité de faire évoluer le dispositif.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Pascale Boyer (RE). Chaque jour, les conséquences du dérèglement climatique nous somment d’agir. Du fait de l’activité humaine, la France perd chaque année 20 000 à 30 000 hectares d’Enaf. Cette artificialisation sans frein des terres menace l’atteinte de nos objectifs de neutralité carbone. Pour répondre à cette urgence absolue, le Gouvernement a décidé d’accompagner la réduction de l’artificialisation, d’abord par le plan biodiversité, puis par l’adoption de la loi « climat et résilience », fruit des débats de la Convention citoyenne pour le climat.

L’ambition est de réduire de moitié le rythme d’artificialisation des sols d’ici à 2031 par rapport à la décennie précédente, afin d’atteindre l’absence de toute artificialisation nette en 2050. Toutefois, certains de nos territoires rencontrent des difficultés réelles, sur lesquelles il ne faut pas fermer les yeux, pour faire appliquer les dispositions dans les délais demandés. Sans qu’il soit question de remettre en cause les objectifs de ZAN, il est fondamental d’écouter nos élus et les acteurs de terrain. L’application de la loi suscite en effet de vives inquiétudes et des critiques de la part des élus, qui demandent davantage de lisibilité et d’adaptabilité aux réalités des territoires. C’est la raison pour laquelle le Sénat a déposé une proposition de loi faisant en sorte d’améliorer la maîtrise de l’outil ZAN par les élus. Ce texte a fait l’objet de nombreux échanges entre le Sénat et le Gouvernement, afin de garantir une application rapide des nouvelles adaptations et de maintenir l’ambition du ZAN.

Je remercie le ministre M. Christophe Béchu pour son écoute et toute l’attention qu’il a apportée à ce que le texte fournisse aux élus locaux les outils nécessaires à la mise en application de la loi, notamment en rendant d’ores et déjà disponibles à la consultation certains projets de décret. Je remercie également Lionel Causse et Bastien Marchive pour l’ensemble de leur travail, en particulier au sein du groupe de travail créé à l’Assemblée nationale, qui tente depuis plusieurs mois de trouver une solution consensuelle pour concilier l’objectif de réduction de l’artificialisation et les particularismes locaux. Notre groupe est favorable à cette proposition de loi, qui permettra d’appliquer plus efficacement et de préserver les ambitions du ZAN, auxquelles nous tenons.

Mme Annick Cousin (RN). Il est indéniable que nous devons agir pour protéger notre environnement, préserver nos Enaf et limiter l’expansion urbaine incontrôlée. Cependant, nous devons différencier les métropoles et les grandes villes des petites communes. Celles-ci, souvent situées en zone rurale, peuvent être affectées de manière disproportionnée par des mesures strictes de limitation de l’artificialisation. Leurs ressources limitées rendent difficile la mise en œuvre de politiques complexes et coûteuses. L’objectif ZAN risque de les condamner à une stagnation économique et à une dépopulation accrue, dont les conséquences seraient dramatiques pour les habitants et des territoires entiers.

Il est essentiel que les décisions prises dans le cadre de la proposition de loi ne s’éloignent pas de la réalité du terrain et s’appuient sur les maires, qui sont la cheville ouvrière de l’aménagement du territoire. Or, avec la gestion centralisée du ZAN prévue à l’article 3, les maires ne seront plus majoritaires au sein de la gouvernance régionale, ce qui leur procurera un sentiment d’impuissance. C’est pourquoi notre groupe propose un amendement de suppression de cet article.

C’est en conciliant la protection de notre environnement avec la réalité des territoires, en adoptant une approche plus inclusive et en impliquant les acteurs locaux dans les décisions que nous pourrons préserver notre patrimoine naturel tout en garantissant le développement durable et équilibré de nos territoires.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Des autoroutes, des parkings, des grandes surfaces, des entrepôts Amazon, des lignes à grande vitesse (LGV) inutiles, des zones pavillonnaires à tout-va : voilà ce qu’est devenu notre territoire depuis l’explosion de la bétonisation et du tout-voiture. Sur la période de 1981 à 2022, l’artificialisation a augmenté de plus de 70 %, quand, dans le même temps, la hausse de la population n’a été que de 19 % ; la vacance de logements est aujourd’hui de 8,3 %.

Comment en est-on arrivé là ? Alors que l’artificialisation des sols empêche toute infiltration d’eau, alors qu’elle tue la biodiversité et qu’elle augmente la pollution dans les sols, alors qu’elle réduit nos capacités agricoles et renforce les îlots de chaleur en zone urbaine, le Gouvernement a choisi de reprendre une proposition de loi clientéliste et peu ambitieuse. Ce texte revient sur à peu près tous les principes du fameux ZAN : cela sent les élections sénatoriales… Une fois de plus, comme d’habitude, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne sera consultée que sur des articles à faible valeur stratégique et environnementale.

Ce texte permet à l’État de s’accaparer un droit à artificialiser pour ses grands projets, en dehors de toute enveloppe nationale d’artificialisation. Alors que les petites communes rurales sacrifient leurs projets urbains au nom de l’intérêt collectif, le Gouvernement s’autorise une nouvelle fois à être au-dessus des lois. Vos deux dernières condamnations pour inaction climatique auraient pourtant dû vous servir de leçon. En utilisant le 49.3 lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF), vous avez refusé 12 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments, une mesure qui aurait permis la réhabilitation au lieu de consommer plus de foncier.

Encore une fois, la Macronie s’attaque aux conséquences sans se pencher sur les causes du problème. Notre groupe parlementaire a proposé des solutions, à la fois pour préserver nos objectifs ambitieux en matière d’artificialisation des sols et pour garantir l’équité entre nos territoires. Nous prendrons donc nos responsabilités. À vous de faire de même.

M. Vincent Descoeur (LR). Le ZAN, inscrit dans la loi il y a deux ans, alimente depuis les débats des associations de maires et nourrit la contestation des élus locaux. Celle-ci s’est amplifiée avec la parution des décrets du 29 avril 2022, qui ont dénaturé le message du législateur, rendant notamment les Sraddet opposables aux Scot et aux PLU. Le Gouvernement, qui s’était dit prêt à revoir sa copie, n’a finalement pas bougé. C’est le Sénat, à la suite d’une mission de contrôle présidée par Valérie Létard, qui est à l’initiative de cette proposition de loi visant à assouplir le ZAN et à faciliter sa mise en œuvre dans les territoires. Ce texte propose notamment de détendre le calendrier du ZAN, de supprimer le caractère prescriptif des Sraddet et d’instaurer une surface minimale d’un hectare pour chaque commune. Il s’emploie à corriger ce qui, à nos yeux, est une anomalie, en proposant que les grands projets portés par l’État n’impactent pas les droits à construire des collectivités.

Le ZAN est-il pour autant supportable par la grâce de cette proposition de loi ? Rien n’est moins sûr, car si celle-ci introduit de la souplesse dans le dispositif, elle n’écarte pas totalement, selon nous, le risque d’accentuation des inégalités territoriales. Comme l’a rappelé le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) devant le rapporteur pour avis, 28 % des communes situées en zone rurale sont à l’origine de seulement 5 % de l’artificialisation, quand 7 % des communes, toutes urbaines, en ont produit 40 %. N’eut-il pas été plus juste et plus efficace de cibler les communes responsables d’une artificialisation excessive plutôt que les plus vertueuses, qui pourraient se voir condamnées à renoncer à leurs projets d’accueil de nouvelles populations ?

À l’heure où notre pays traverse une crise du logement sans précédent, notre groupe est très attaché à plusieurs dispositions assouplissant le ZAN : le traitement spécifique des bâtiments agricoles, qui ne doivent pas obérer l’enveloppe de 1 hectare, ou les grands projets nationaux, qui ne peuvent pas affecter les projets des collectivités. Du sort réservé à ces propositions et à un certain nombre de nos amendements dépendra la position de notre groupe.

Mme Aude Luquet (Dem). En 2021, avec la loi « climat et résilience », nous avons fixé des objectifs forts et ambitieux pour préserver notre environnement, en particulier en rationalisant l’artificialisation galopante des sols, qui éloigne toujours plus les populations des centres et des services, mais surtout qui grignote progressivement nos espaces naturels avec les impacts négatifs que nous connaissons sur la biodiversité. Notre cap est clair : diviser par deux l’artificialisation des sols d’ici à 2031, pour parvenir, en 2050, à zéro artificialisation nette.

Ne plus voir le sol comme une simple surface, mais considérer pleinement ses fonctions écologiques, voilà ce que nous devons intégrer dans notre façon d’aménager nos territoires. Mieux penser l’aménagement, c’est limiter les impacts sur l’environnement, mais aussi nous adapter au changement climatique, grâce au bénéfice de la multifonctionnalité des sols – réduction des îlots de chaleur, captation des pluies, filtration des polluants.

Sans revenir sur nos engagements, la proposition loi d’initiative sénatoriale doit nous permettre de mieux encadrer et faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN. Nous devons aussi apporter des réponses aux craintes des élus locaux de nos territoires volontaires pour accélérer sur la transition écologique, sans porter préjudice à la dynamique ou à la redynamisation de leurs communes, notamment dans les territoires ruraux. Il nous faut donc trouver un juste équilibre, pour concilier protection de la biodiversité et attractivité de nos territoires, face aux enjeux de la réindustrialisation. Ce texte permettra d’aborder les projets d’intérêt national, régional ou intercommunal, le droit minimal à construire, ainsi que la prise en compte des efforts passés.

On peut regretter que notre commission ne soit saisie que sur cinq articles. Le groupe Démocrate défendra deux amendements : le premier vise à intégrer les députés et les sénateurs dans la conférence régionale de gouvernance du ZAN, le second à une plus large prise en compte de la renaturation.

En conclusion, nous sommes favorables à des ajustements sur la mise en œuvre du ZAN, en prenant en compte les spécificités des territoires et en permettant une meilleure adéquation entre les objectifs de sobriété foncière et ceux de décarbonation.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Selon un rapport de France Stratégie de juillet 2019, chaque année, entre 20 000 et 30 000 hectares de terres naturelles et agricoles sont affectés par le phénomène de l’artificialisation, soit plus de quatre terrains de football par heure. Il y a urgence à agir pour inverser cette tendance, et donc à tenir la trajectoire du zéro artificialisation nette à l’horizon 2050.

Pour cela, améliorer la concertation à l’échelle territoriale est indispensable. C’est la raison pour laquelle nous proposerons de renforcer la composition des conférences régionales de gouvernance sur ce sujet. Nous pensons que ces instances doivent également accueillir des spécialistes de la gestion de l’eau, de la protection des espaces naturels, comme de la santé. In fine, tout est question d’aménagement du territoire.

Tous les territoires ne sont pas égaux face à l’artificialisation : 20 % des communes françaises sont responsables de 81,7 % de la consommation d’espace. Plutôt que de les stigmatiser, il s’agit bien de trouver des solutions. Le principal objectif que nous défendrons est donc la lutte contre la dévitalisation des territoires ruraux. Derrière la question du ZAN se cache, pour nous, le vrai sujet : l’aménagement du territoire.

De plus, la raréfaction des terres à bâtir va inexorablement conduire à une explosion des prix, qu’il faudra maîtriser. C’est la question de la régulation du foncier : la préemption et une forte taxation des plus-values réalisées lorsque les terres deviennent constructibles seront nécessaires pour garder le contrôle. Les bras armés que sont les établissements publics fonciers devront également être mieux utilisés au service des collectivités, notamment des territoires ruraux. Enfin, nous proposerons de dédier une enveloppe de consommation foncière aux projets de développement de pistes cyclables en zone rurale. Sur la question de l’érosion du trait de côte, nous porterons une attention toute particulière à l’amendement CD181.

Pour conclure, nous sommes convaincus que l’objectif ZAN doit être envisagé comme une opportunité, pour une consommation sobre du foncier au profit de projets structurants permettant de vitaliser nos centres-villes et nos bourgs, tout en offrant un cadre de vie durable à nos concitoyens.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Préserver les sols, lutter contre leur artificialisation, voilà les enjeux des prochaines années dans la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité et de l’environnement. Telle était l’ambition de la loi « climat et résilience », qui fixait comme objectif une réduction de moitié du rythme d’artificialisation des sols en 2031. Cette ambition, nous devons la tenir.

Toutefois, nous avons constaté que son application soulevait beaucoup de questions parmi les collectivités territoriales. Il était donc nécessaire d’aménager ses dispositions. Tel est l’objectif du Sénat et je me réjouis que nous étudiions la présente proposition de loi. Les efforts passés sont pris en compte, ce qui n’était pas le cas dans la loi « climat et résilience ». L’article 13 comptabilise les efforts de renaturation dès 2021, et non 2031. Enfin, les territoires concernés par la montée des eaux et par le recul du trait de côte ne subiront pas de double peine, puisque l’article 10 prévoit de considérer les parcelles touchées comme renaturées.

Certains articles de la proposition de loi pourraient néanmoins remettre en cause notre ambition de zéro artificialisation nette et la trajectoire que nous nous sommes fixée pour l’atteindre. C’est pourquoi le groupe Horizons soutiendra divers amendements visant à faciliter l’application du ZAN dans les territoires et à préserver le haut niveau d’ambition que nous promouvons.

Je salue la qualité du travail fourni par notre rapporteur pour avis et la méthode employée par le ministre. Le groupe Horizons et apparentés soutiendra la proposition de loi.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Plutôt que « scier la branche sur laquelle on est assis », on pourrait tout aussi bien dire « artificialiser le sol qui nous nourrit »… Artificialiser, c’est altérer durablement les fonctions écologiques d’un sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique, par son occupation ou par son usage. Quand on artificialise 25 000 hectares de sols agricoles, naturels ou forestiers par an, c’est notre souveraineté alimentaire qui s’en trouve affectée. Quand on imperméabilise un sol, on empêche l’eau de s’infiltrer et de recharger les nappes phréatiques, on amplifie les risques d’inondation et de pollution des eaux. Quand on bétonne les sols, qui comptent parmi les meilleurs puits de carbone, on relâche dans l’atmosphère jusqu’à 80 tonnes de carbone par hectare. Quand on tue un sol, on détruit des millions de micro-organismes, sources de fertilité, qui limitent le lessivage des sols, le décompactent et régulent les ravageurs et pathogènes. Plus largement, l’artificialisation des sols est une cause directe de l’effondrement de la biodiversité du fait du rétrécissement des milieux naturels et de la fragmentation des habitats qu’elle implique.

Il existe depuis des décennies des politiques de lutte contre l’artificialisation dans notre pays. Aucune n’a porté ses fruits et enrayé la mise à mort de nos sols. Pour la première fois, avec l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici à 2050 et la réduction de moitié du rythme de l’artificialisation au cours de la décennie actuelle, nous avons un espoir de l’enrayer. C’est un des rares acquis de la loi « climat et résilience », qu’il faut à tout prix préserver.

Alors que nous sommes encore très loin de la sobriété foncière, le texte adopté par les sénateurs détricote cet objectif. Nous défendrons la suppression des dispositions qui constituent un fort recul des ambitions environnementales, comme les constructions décomptées du ZAN ou les dérogations pour les grands projets inutiles, et le rehaussement des objectifs concernant la renaturation. Un développement local autre que le tout-artificialisation est possible, par la revitalisation des bourgs. Enfin, nous proposerons de construire une véritable planification de l’artificialisation, afin de permettre aux élus locaux de construire des projets sobres et utiles pour leur territoire.

M. Guy Bricout (LIOT). La présente proposition de loi sénatoriale est indispensable pour nombre de territoires confrontés à un double enjeu : d’une part, le respect des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, qui est évidemment prioritaire, d’autre part, leur nécessaire développement économique. Si nous partageons l’objectif de zéro artificialisation nette, nous estimons qu’il ne peut être atteint n’importe comment, et sûrement pas au détriment de certains territoires, en particulier les plus ruraux d’entre eux. D’ailleurs, avant même l’adoption du ZAN, les élus locaux avaient tiré le signal d’alarme, expliquant que les mécanismes prévus étaient trop rigides, qu’ils ne prenaient pas en considération les physionomies des territoires et étaient en inadéquation avec leurs besoins. Cette proposition de loi bienvenue permet de concilier enfin, comme nous étions nombreux à le souhaiter, sobriété foncière et développement des territoires – rappelons que nous sommes un cas unique en Europe.

Je reviendrai sur deux points. D’abord, en tant qu’élu d’un secteur très rural, je suis attaché à la possibilité pour les plus petits territoires de bénéficier de la répartition de l’effort ; à cet égard, l’idée d’une surface minimum de développement communal proposée par le Sénat me semble aller dans le bon sens. Ensuite, il convient d’examiner comment comptabiliser les projets d’envergure, comme celui du canal Seine-Nord, qui est primordial pour mon territoire. Le Sénat a prévu un compte spécial pour ceux d’envergure nationale, ce dont on ne peut que se féliciter. J’ai déposé un amendement visant à aller plus loin encore, en englobant dans la définition des projets d’ampleur nationale ou européenne les constructions et aménagements concourant à la transition climatique.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. La trajectoire définie ne concerne pas que la France, puisqu’elle a été fixée dès 2011 par la Commission européenne. Cette proposition de loi est le troisième texte la concernant. En 2016, la compétence en matière de sobriété foncière a été attribuée aux régions, à travers les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. En 2021, la loi « climat et résilience » a déterminé un calendrier et des objectifs chiffrés, et prévu quelques outils pour la mise en œuvre. Cette proposition de loi en apporte d’autres. Permettra-t-elle de résoudre tous les problèmes, de répondre aux spécificités de chacun des territoires ? Certainement pas. Sera-t-elle le dernier texte que nous aurons à examiner d’ici à 2050 ? Certainement pas. Mais nous avançons progressivement – et notre responsabilité est d’avancer. On ne peut espérer atteindre en 2050 l’objectif de zéro artificialisation nette, imposé aux États membres de l’Union européenne, sans un minimum d’anticipation et de préparation.

L’objectif de réduction de moitié du rythme d’artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente paraissant déjà trop compliqué à atteindre pour certains territoires, imaginez ce qui se passerait si nous ne définissions pas rapidement des règles du jeu ! Le débat concernant l’adaptation de l’objectif à la réalité de la ruralité et de certains territoires, nous l’avons déjà eu en 2021. Nous avions à l’époque adopté de nombreux amendements, notamment de notre collègue André Chassaigne, portant sur la ruralité. La territorialisation du ZAN a été conçue pour répondre à cette problématique. Les conférences régionales des schémas de cohérence territoriale, destinées à identifier les enjeux propres à chaque territoire, ont rendu leur copie à la fin de l’année dernière. Leurs propositions devraient être – il n’y a aucune raison qu’elles ne le soient pas – intégrées aux Sraddet. Nous avons donc donné la main aux élus locaux, aux Scot et aux régions pour définir la territorialisation. Je rappelle qu’avant la loi « climat et résilience », les régions imposaient leur volonté à au moins la moitié, voire à la totalité des communes. La territorialisation et les projets régionaux sont donc un plus.

Nous vous proposons d’aller plus loin en prévoyant des enveloppes nationales, en travaillant avec les élus locaux, en prenant autant que possible en considération la renaturation à l’échelle des collectivités, etc. Nous examinerons comment mieux adapter le dispositif aux spécificités de la ruralité et comptabiliser les grands projets nationaux. Cela relèvera des travaux de la commission des affaires économiques, demain. Pour ce qui est de notre commission, les dispositions que nous avons à examiner sont des outils supplémentaires très attendus et importants. Nous avançons, et nous continuerons à avancer – j’espère que ce sera collectivement –, mais notre responsabilité aujourd’hui, en tant que députés, est de faire en sorte que nos territoires puissent atteindre le ZAN en 2050 dans les meilleures conditions. La France, à travers de tels textes, montre la voie. Soyons-en fiers.

M. Christophe Béchu, ministre. S’agissant des grands projets d’envergure nationale, ce que vous dites, madame Couturier, est faux : nous ne voulons pas ne pas les comptabiliser, nous prévoyons de les comptabiliser à part, dans le cadre d’un forfait. La position du Gouvernement n’est pas de considérer que ce qui est fait par l’État n’est pas de l’artificialisation ; nous proposons un dispositif qui évite que les régions soient pénalisées par ces projets. J’y reviendrai demain, devant la commission des affaires économiques, puis, la semaine prochaine, dans l’hémicycle.

Aucune des dispositions parmi celles qui sont présentées devant votre commission ne remet en cause le seuil des 125 000 hectares. Il ne s’agit que de mesures d’assouplissement visant à redonner du pouvoir aux communes par rapport aux régions. Elles formeront l’essentiel du contenu de la discussion que nous aurons dans le cadre de cet examen pour avis. Le reste, notamment tout ce qui concerne la garantie rurale et les grands projets, nécessitera une attention particulière, mais nous en parlerons demain.

 

Chapitre Ier
Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

 

Article 3 : Conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

 

Amendement de suppression CD129 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). L’article 3 n’est pas à la hauteur de ses promesses. Premièrement, la conférence n’intègre pas de manière satisfaisante les maires des communes dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU), d’une carte communale ou étant soumises au règlement national d’urbanisme (RNU) : ils n’en représentent pas la moitié des membres. Deuxièmement, la région ne semble pas être l’interlocuteur approprié pour présider la conférence ; l’échelon départemental aurait, à nos yeux, beaucoup plus de sens. Malheureusement, la rédaction du B bis du V de l’article 194 de la loi « climat et résilience », qui ouvre la possibilité pour la conférence de se réunir au niveau départemental, ne gage pas de sa composition à cet échelon, de la force de ses propositions, ni même de son application. Si la conférence des Scot n’intègre pas suffisamment les petites communes, au moins ne dilue-t-elle pas les compétences communales au niveau régional. Plutôt qu’aller de mal en pis, nous préférons un pis-aller.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Cet article permettra de renforcer le débat et les relations entre les élus locaux et les services de l’État. Les conférences régionales des Scot, que vous citez, avaient pour mission de définir la territorialisation avant la fin de l’année dernière. Elles ne se réuniront à nouveau que dans un an, pour dresser le bilan de la territorialisation. Elles n’ont pas vocation à assurer de suivi ni à faire le lien entre les élus et les services de l’État.

Supprimer la conférence proposée par le Sénat serait une grave erreur. Si vous considérez que sa composition n’est pas à la hauteur, discutons-en – nombre d’amendements ont été déposés sur le sujet –, mais cette instance est attendue, tant par les élus locaux que par les services de l’État.

Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne donnerai pas mon avis sur tous les amendements déposés sur l’article parce que je considère que la recherche de la forme adéquate de concertation relève de la sagesse des parlementaires. Néanmoins, je ne comprends pas l’intérêt qu’il y aurait à supprimer une telle instance. Dans cette hypothèse, la région serait potentiellement seule à établir le Sraddet. Il serait préférable qu’il existe un lieu de discussion, comportant éventuellement des experts, des associations, des élus locaux… Cela permettrait que le dispositif soit partagé.

Certes, d’autres options existent, mais le Gouvernement est favorable à la mise en place de conférences régionales des ZAN. Leur composition doit-elle être déterminée à l’échelon national ou régional ? Le débat est ouvert. Je suis, pour ma part, favorable à la souplesse et à la concertation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD151 et CD168 de Mme Lisa Belluco (discussion commune).

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’objet de l’amendement CD151 est de garantir que l’objectif de réduction du rythme de l’artificialisation sera bien intégré aux documents de planification régionaux autres que les Sraddet. Certains territoires, comme l’Île-de-France, la Corse ou les outre-mer disposent en effet de documents qui leur sont propres. Il convient de préciser qu’ils sont eux aussi concernés par cet objectif.

Je ne rappellerai pas les enjeux écologiques et agronomiques qui justifient la lutte contre l’artificialisation des sols, mais je voudrais appeler votre attention sur les enjeux de biodiversité propres à l’outre-mer. L’extension de l’artificialisation risquerait de créer des fragilités, notamment en relation avec l’élévation du niveau de la mer dans un certain nombre d’endroits. Il importe d’être prudent et d’aller aussi vers le ZAN dans ces territoires.

L’amendement CD168 est de repli : il vise à soumettre au moins l’Île-de-France à cet objectif.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. L’Île-de-France, la Corse et les outre-mer sont tenus d’atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050. Ce qui a été décidé dans la loi « climat et résilience », c’est de ne pas les soumettre à l’objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de l’artificialisation au cours de la première tranche de dix années, afin de tenir compte des fortes spécificités de ces territoires. En outre-mer, en particulier, il est difficile de disposer de données permettant de mesurer avec précision l’artificialisation – mais le ZAN en 2050 demeure l’objectif. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable : l’amendement est satisfait par la loi « climat et résilience ». La présente proposition de loi n’apporte aucune modification en la matière.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Certes, le ZAN est applicable à ces territoires, mais comment fait-on si l’on ne mesure pas l’évolution de l’artificialisation ?

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Même question. Pourquoi sortir du dispositif l’Île-de-France, qui compte quand même pour beaucoup dans l’artificialisation des sols ? C’est incompréhensible.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je le répète, le ZAN s’appliquera à tous les territoires en 2050, c’est l’objectif intermédiaire qui ne concerne pas ceux que vous citez, en raison de leurs spécificités et parce que les données concernant l’artificialisation y sont beaucoup plus difficiles à mesurer.

M. Charles de Courson (LIOT). Cela signifie donc que la « zanification » du territoire ne s’appliquera pas à l’Île-de-France jusqu’en 2050 ? Si tel était le cas, il s’agirait d’un encouragement à l’hyperconcentration en Île-de-France.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Quelques chiffres pour démontrer que ces territoires, en particulier l’Île-de-France, sont bien soumis à l’objectif du ZAN. Ils consomment aujourd’hui 590 hectares par an, contre 1 057 en 2009. Ils se sont donc déjà inscrits volontairement dans la démarche du ZAN – et même au-delà de ce que nous avions fixé comme objectif intermédiaire.

M. Christophe Béchu, ministre. La proposition de loi ne revient pas sur l’objectif de zéro artificialisation nette. Il avait été décidé, il y a deux ans, dans la loi « climat et résilience », à la suite d’un compromis entre députés et sénateurs, que le schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) ne serait pas concerné par la période de réduction par deux du rythme de l’artificialisation des sols, sur la base de deux principes : premièrement, l’Île-de-France a participé au cours des dix dernières années à hauteur de 4 % à l’artificialisation du pays, soit, rapportée au nombre d’habitants, l’augmentation la plus faible de France ; deuxièmement, dès lors que le Sdrif prévoyait déjà cette réduction par deux en passant de 1 100 à 550 hectares, la condition était satisfaite jusqu’au début de la période suivante.

La trajectoire du ZAN comporte deux étapes. La première est en 2031 ; on a considéré que le Sdrif satisfaisait à la trajectoire de réduction par deux et de sobriété foncière opposable devant un tribunal administratif. La deuxième est celle de zéro artificialisation nette en 2050. L’angle mort, dont personne ne parle, c’est la période entre 2031 et 2050. On sait qu’il faut réduire par deux le rythme de l’artificialisation des sols jusqu’en 2031, que la nomenclature sera modifiée après 2031, que les règles s’appliquant aux espaces gagnés par la mer vont être précisées, qu’en 2050 on devra en être à zéro artificialisation nette, mais les trajectoires qui concerneront l’ensemble des territoires français entre 2031 et 2050 n’ont pas été déterminées. Le fait qu’on dispose dès 2019 d’une visibilité concernant la trajectoire propre de l’Île-de-France a conduit le législateur à considérer que les conditions étaient satisfaites. Voilà pourquoi le Sénat n’est pas revenu sur ce point et que nous n’avons pas déposé d’amendement.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, s’est engagée à réduire le rythme d’artificialisation de 20 %, et non de 50 %, arguant du fait que l’Île-de-France avait déjà été vertueuse. Pourquoi un objectif censé valoir pour toutes les régions ne s’applique-t-il pas à l’Île-de-France ?

M. Christophe Béchu, ministre. La vertu est un sujet dont il est complexe de discuter au sein d’une commission parlementaire…

Le principe, repris à l’article 6, est de considérer que les territoires dans lesquels l’artificialisation, en nombre de mètres carrés rapporté au nombre d’habitants, a déjà fait l’objet d’une réduction, doivent être traités avec discernement. Qu’est ce qui a amené le législateur à considérer en 2021 que les dynamiques devaient s’apprécier par région, et non par commune ? C’est qu’il y avait des communes dans lesquelles on avait beaucoup artificialisé et qu’il n’aurait pas été juste de leur donner la possibilité de poursuivre sur un rythme qui, même réduit de moitié, restait élevé, alors que d’autres, qui avaient fait preuve de sobriété, auraient été pénalisées du fait de leur vertu. L’Assemblée nationale et le Sénat avaient en parallèle considéré que la trajectoire dans laquelle s’était engagée l’Île-de-France se conformait aux objectifs à atteindre. Si vous souhaitez revenir dessus, vous le pouvez, mais je me trouve contraint de défendre le compromis conclu il y a deux ans par l’Assemblée nationale et le Sénat, avec l’aval du Gouvernement.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD171 du rapporteur pour avis.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-neuf heures cinq.

 

Amendements identiques CD28 de M. Vincent Descoeur, CD29 de M. JeanYves Bony, CD31 de M. Guy Bricout et CD82 de Mme Christine Engrand.

M. Vincent Descoeur (LR). De nombreux départements étant fortement impliqués dans la réduction de leur consommation foncière, il serait souhaitable qu’ils siègent au sein de la conférence régionale.

M. Jean-Yves Bony (LR). Cela permettrait de les impliquer davantage encore.

M. Guy Bricout (LIOT). Nous souhaitons revenir ainsi à la rédaction initiale de l’article.

Mme Christine Engrand (RN). En l’état, cet article laisse au conseil régional le pouvoir de délibérer sur la composition de la conférence régionale de gouvernance. Cette délibération, pour être suivie d’effet, doit recevoir l’avis favorable de la majorité des communes et des EPCI compétents en matière de plan local d’urbanisme. Cette rédaction à première vue équilibrée dissimule assez mal que rien n’assure que les communes rurales ou peu peuplées participeront en nombre à la composition de la conférence. L’échelon régional paraît souvent trop lointain aux communes de quelques centaines ou de quelques milliers d’habitants.

Par ailleurs, cette conférence, en raison de son intitulé et du fait qu’elle en remplace une autre avec des compétences nouvelles, présente tous les atours d’un instrument technocratique rebutant pour de nombreux élus municipaux. Nous ne voulons pas laisser le hasard influencer la composition d’une instance agglomérant des compétences importantes en matière de territorialisation du ZAN. C’est pourquoi nous proposons de la fixer dans la loi.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Au-delà de la question de l’intégration des départements, vous souhaitez figer la composition de la conférence. Or cette compétence revient aux régions, à travers le Sraddet. Je pense que c’est pourquoi le Sénat, dans sa grande sagesse, a souhaité leur laisser la main, après avis favorable des EPCI. Il me semble préférable de laisser l’article en l’état, sinon nous imposerions que la commission intègre toutes les personnes citées, sans prendre en considération les spécificités régionales – je pense en particulier à la Corse.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. J’ai dit que je m’en remettrai à la sagesse de la commission. Toutefois, je suis surpris qu’on veuille décider nationalement de la composition des commissions sans même laisser la possibilité de conclure des accords locaux, qui pourraient d’ailleurs inclure les départements. Vous « flinguez » toute possibilité d’un accord régional au profit d’une sorte de jardin à la française, sans prendre en considération les spécificités locales.

M. Vincent Descoeur (LR). Notre intention n’est pas de « flinguer » quoi que ce soit ! Je suis départementaliste, vous le fûtes : nous interprétons votre appel à la sagesse comme un encouragement à adopter ces amendements.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD172 du rapporteur pour avis.

 

Amendements CD71 de M. David Valence et CD173 du rapporteur pour avis (discussion commune).

M. David Valence (RE). Mon amendement est en réalité une demande de clarification. La rédaction du texte laisse en effet entendre que l’avis favorable des intercommunalités sur la composition de la commission régionale permettrait à un ou plusieurs EPCI de bloquer celle-ci – mais je ne demande qu’à être rassuré.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Mon amendement vise précisément à remplacer « avis favorable » par « avis conforme ». Votre interprétation est la bonne. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse sur le CD71, avis favorable sur le CD173.

M. David Valence (RE). Je vais retirer mon amendement, mais j’appelle votre attention sur le fait que l’avis conforme des EPCI en matière de composition de la conférence régionale ouvre la voie à des blocages. Tous les EPCI ne sont pas de bonne foi.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. L’avis sera émis à la majorité des EPCI : si quelques-uns seulement n’y sont pas favorables, ils ne pourront pas bloquer le système.

L’amendement CD71 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD173.

 

Amendements identiques CD145 de M. Vincent Descoeur et CD169 de M. Nicolas Ray.

M. Vincent Descœur (LR). La conférence ayant vocation à se prononcer sur la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols sur l’ensemble du territoire régional, cet amendement, qui émane des maires ruraux, vise à ce que les communes dotées d’une carte communale ou soumises au RNU soient associées au choix de ses membres.

M. Nicolas Ray (LR). Ces communes, nombreuses, sont directement concernées par ce texte. Leurs avis doivent être pris en compte.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Dans la rédaction actuelle, toutes les communes sont concernées, y compris celles dotées d’une carte communale ou soumises au RNU. Une telle précision me semble inutile. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse.

Une entière liberté est laissée dans le cadre des accords locaux et ces communes ne sont pas exclues par principe. Toutes sont potentiellement concernées. Il serait surprenant de préciser certaines catégories seulement.

La vraie garantie pour les communes rurales et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) sera la surface minimale de développement communal de 1 hectare, qui vous sera présentée demain.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CD32 de M. Nicolas Ray et CD14 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

M. Nicolas Ray (LR). Il s’agit de s’assurer que la composition de la conférence régionale inclut toutes les parties prenantes à la mise en place de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. Il importe que cette instance soit la plus complète possible. L’amendement CD32 prévoit la représentation des départements, des métropoles et des parlementaires du périmètre régional.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Dès lors que 18 millions de Français vivent dans des métropoles, il est indispensable que ces territoires en tension accueillant une population croissante soient associés à la gouvernance territoriale du ZAN.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Dès lors que le président de l’exécutif régional préside la conférence régionale, il est envisageable d’y inclure les métropoles, les EPCI et les départements.

Y inclure l’ensemble des parlementaires de la région semble excessif ; à tout le moins, il est raisonnable d’en limiter le nombre, comme le prévoient plusieurs amendements dont l’examen suit. Par ailleurs, les métropoles y sont représentées par le biais des EPCI et des communes qui les composent. Sagesse.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse. Dans les faits, j’imagine mal les régions ne pas inclure dans la conférence régionale au moins les quelques métropoles de leur territoire.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD33 de Mme Anaïs Sabatini.

Mme Annick Cousin (RN). L’artificialisation des sols est la conséquence de l’extension de la construction de nouveaux habitats, notamment en périphérie des villes et, de plus en plus, en zone rurale. Ce phénomène menace non seulement la biodiversité, mais également notre souveraineté alimentaire. En réduisant les surfaces agricoles, l’artificialisation des sols entraîne une perte de productivité et limite la production alimentaire. Depuis 1982, près de 70 000 hectares de terres agricoles, en moyenne, ont été perdus chaque année, soit 4,3 % de la superficie du territoire métropolitain.

D’ici à dix ans, un agriculteur sur quatre partira à la retraite, ce qui représente 20 % des terres agricoles à céder. Compte tenu de la pression foncière et des problèmes liés aux droits de succession, toutes ne seront pas récupérées par des agriculteurs. D’ores et déjà, les promoteurs font grimper les prix du foncier agricole, qui ont doublé en vingt ans. Localement, il existe des pressions fortes pour qu’une terre agricole devienne constructible.

C’est pourquoi il importe que les chambres d’agriculture soient pleinement associées aux conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols. L’amendement prévoit que chacune inclut au moins un représentant de la chambre d’agriculture.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. La gestion des sols a un impact important sur les enjeux agricoles, la souveraineté alimentaire et les activités économiques. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD174 du rapporteur pour avis.

 

L’amendement CD72 de M. David Valence est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD175 du rapporteur pour avis.

 

Amendement CD125 de Mme Annick Cousin.

Mme Annick Cousin (RN). Les régions n’étant pas toutes de la même taille, il importe que le nombre d’élus siégeant au sein de la conférence régionale soit défini par décret.

Cet amendement tend à établir une représentativité en pourcentage, à l’exclusion du représentant de l’État et des élus des départements. Il est essentiel que ces derniers représentent la majorité de la conférence régionale de gouvernance, car c’est à eux qu’incombe la mise en œuvre de l’objectif ZAN.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. La composition de la conférence régionale est fixée prioritairement par la région, après avis conforme de la majorité des EPCI et des communes du périmètre régional concernés. En l’absence d’accord, sa composition est fixée par la loi. L’amendement complexifie le processus et exclut toute option d’élargissement de la conférence régionale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD124 de Mme Annick Cousin.

Mme Annick Cousin (RN). Il s’agit, par souci de clarté, de préciser la nature des représentants de chaque partie prenante à la conférence régionale, en substituant, à chaque occurrence du mot « élu », le mot « représentant ».

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD176 du rapporteur pour avis.

 

Amendements CD121 de M. Dominique Potier et CD73 de M. David Valence (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan (SOC). Les amendements CD121, CD188 et CD187 visent à modifier la composition de la conférence régionale et à la renforcer, afin de mener la politique de réduction de l’artificialisation des sols que nous souhaitons. Il s’agit de donner plus de voix aux représentants des communes ayant établi des schémas de cohérence territoriale ou un plan local d’urbanisme intercommunal.

Pour les élus d’Intercommunalités de France, la généralisation des PLUi est le meilleur moyen de porter l’enjeu de sobriété foncière tout en tenant compte des besoins de développement des communes de toutes tailles. À l’heure actuelle, 633 intercommunalités sont compétentes en matière de plan local d’urbanisme et 568 PLUi sont opposables ou en cours d’élaboration, couvrant 53,5 % des communes et 45,1 % de la population.

Pour assurer une réelle maîtrise du foncier, la voie de la coconstruction et du dialogue entre la commune et le bloc communal est la plus souhaitable et la plus réaliste. L’urbanisme de demain doit être pensé à l’échelle intercommunale.

La question n’est pas de savoir si l’on raisonne en termes de pouvoir ou de lutte d’institutions, mais de débattre sereinement, à l’échelle pertinente, pour penser la planification des sols à un moment où il faut dégager des terrains pour construire, maîtriser les prix, limiter nos consommations foncières excessives et en finir avec la périurbanisation désordonnée des trois dernières décennies.

M. David Valence (RE). Plus de 77 % de la population de notre territoire est couverte par un Scot. Parmi les territoires, ruraux le plus souvent, qui ne le sont pas, plusieurs sont engagés dans la définition d’un périmètre et dans une démarche volontariste visant à lui donner un contenu.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 7 offre une surreprésentation relative aux territoires qui ne sont pas couverts par un Scot, en leur accordant au moins cinq représentants au sein de la conférence régionale. Cette disposition semble assez peu représentative de la réalité démographique de notre territoire et favorise les territoires les moins engagés dans une démarche de projet pour la maîtrise du foncier.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les deux amendements ont pour effet de réduire la part des communes dans la conférence régionale. Or si nous nous sommes mobilisés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, c’est notamment parce que de nombreuses municipalités ne se sentent pas représentées et écoutées s’agissant de la mise en place de l’objectif ZAN. Par ailleurs, le renforcement de la représentation des intercommunalités risque de déséquilibrer la conférence régionale.

Je suggère de retravailler les amendements d’ici à l’examen du texte en séance publique pour trouver le bon équilibre. Sagesse.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse bienveillante. Il y a une forme de logique à rééquilibrer les poids relatifs des communes couvertes par un Scot et des autres, pour que la représentation des territoires soit à peu près conforme à la réalité.

La commission adopte l’amendement CD121.

En conséquence, l’amendement CD73 tombe.

 

Amendements CD188 de M. Dominique Potier et CD83 de Mme Christine Engrand (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit de renforcer la représentation des élus des communes disposant de documents d’urbanisme et ayant travaillé sur une planification territoriale. L’amendement CD188 vise à réduire le nombre de représentants des communes compétentes en matière de documents d’urbanisme, pour augmenter celui des élus des communes dotées de documents d’urbanisme planifiés.

Mme Christine Engrand (RN). Les amendements CD83 et CD90 visent à ajouter treize représentants des communes à la conférence régionale. Nous souhaitons augmenter le poids des communes, notamment celui des petites communes, dans les délibérations de la conférence, en ajoutant un représentant d’une commune ayant un PLU aux dix prévus par le Sénat, six représentants des communes ayant une carte communale aux cinq prévus par le Sénat et six représentants de communes soumises au règlement national d’urbanisme aux cinq prévus par le Sénat, soit un total de trente-trois représentants des communes sur soixante-huit. Il s’agit de rapprocher au maximum le nombre d’élus des communes de la majorité des voix, afin d’asseoir leur contrôle en matière de déclinaison de l’objectif ZAN.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Sur l’amendement CD188, qui prévoit de réduire la représentation des communes au profit des intercommunalités, j’émets un avis de sagesse. Les amendements CD83 et CD90 renforcent trop le bloc communal, qui est aussi représenté par les EPCI. J’y suis défavorable.

La commission adopte l’amendement CD188.

En conséquence, l’amendement CD83 tombe.

 

Amendement CD74 de M. David Valence.

M. David Valence (RE). Cet amendement procède du même esprit que l’amendement CD188, avec lequel il aurait pu être présenté en discussion commune, bien davantage que l’amendement CD83. Il s’agit de limiter la double représentation des communes couvertes par des documents d’urbanisme rédigés à l’échelle intercommunale.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD90 de Mme Christine Engrand et CD187 de M. Dominique Potier tombent.

 

Amendement CD43 de M. Francis Dubois.

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement vise à inclure des membres de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) dans la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols. La CDPENAF est l’un des garants de la stratégie de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles. Par son expertise, elle a une vision stratégique des terrains à protéger.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. La représentation de la CDPENAF est aussi justifiée que celle des chambres d’agriculture et des chambres consulaires. Avis favorable.

M. Christophe Béchu, ministre. La représentation de la CDPENAF réduirait celle de l’État, alors même que ses membres n’en sont pas des représentants. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD34 de Mme Anaïs Sabatini.

Mme Annick Cousin (RN). L’objectif ZAN ne doit pas amener à renoncer à aménager la ruralité. Les territoires ruraux doivent avoir le droit et la possibilité de continuer à se développer. Peu construits, ils risquent d’être privés davantage encore de constructions demain. Les élus locaux souhaitent bénéficier de davantage de souplesse et être mieux associés à la mise en œuvre de l’objectif ZAN, afin de l’adapter aux réalités vécues dans la ruralité.

Viser l’objectif ZAN ne doit pas conduire à exclure les élus locaux et à mettre de côté la voix des territoires. Il ne faudrait pas que les communes rurales, qui sont les moins artificialisées, se voient imposer les contraintes les plus fortes. Il existe, parmi les maires des communes rurales, une véritable demande de souplesse et de responsabilisation. Les territoires ruraux doivent avoir la possibilité de s’aménager et de se développer.

C’est pourquoi chaque conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols devrait comprendre cinq représentants de communes de moins de 1 500 habitants. C’est le sens de l’amendement.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La territorialisation de l’objectif ZAN sera assurée par l’introduction d’une garantie rurale, qui sera travaillée pour apporter une réponse aux communes concernées.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable. Nous prenons au sérieux le sujet de la ruralité, dont la prise en compte ne dépend pas de la composition de la conférence régionale de gouvernance ni de l’introduction d’un nombre minimal de représentants de communes d’une certaine taille, dont la définition est au surplus arbitraire. À nos yeux, le socle de leur prise en compte, c’est la garantie rurale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD39 de Mme Marie Pochon et CD92 de Mme Mathilde Hignet, amendements CD37 de Mme Marie Pochon, CD165 de M. Antoine Vermorel-Marques, et amendements identiques CD60 de M. Stéphane Delautrette et CD105 de Mme Lisa Belluco (discussion commune).

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le respect de l’objectif ZAN est essentiel pour lutter contre le changement climatique – les sols contiennent trois fois plus de carbone que l’atmosphère ou la végétation –, préserver la biodiversité et protéger la ressource en eau. Le taux d’extinction des espèces est aujourd’hui entre 100 et 1 000 fois plus élevé que son rythme naturel. Depuis 1970, 68 % des populations de vertébrés ont disparu. En quarante ans, 800 millions d’oiseaux ont disparu en Europe, soit un effondrement de 25 % des populations, notamment du fait de la perte de leurs habitats. En France, 50 % de la surface des zones humides a disparu entre 1960 et 1990. Les sols eux-mêmes sont une ressource naturelle limitée et particulièrement fragile. Il faut de 10 000 à 100 000 ans à un sol moyennement profond pour se former, alors qu’il peut être dégradé de façon quasi irréversible en quelques heures de travaux.

Il est important que les conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols soient pluridisciplinaires.

Cet amendement permet d’élargir la composition de ces conférences aux acteurs qui œuvrent en faveur de la préservation de la biodiversité et de l’environnement. Nous proposons qu’y siègent des représentants des organismes compétents en matière de gestion ou de protection des espaces naturels et des représentants des associations de protection de l’environnement, ainsi qu’un représentant de l’agence régionale de santé (ARS), dans le cadre d’une approche « Une seule santé », faisant notamment le lien entre les dynamiques d’urbanisation et les enjeux de santé publique et environnementale. En outre, il est proposé d’ajouter un représentant de l’agence de l’eau, afin de mieux articuler les orientations de planification urbaine avec les évolutions de la disponibilité de la ressource en eau et des risques d’inondation.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Ma collègue a très bien présenté cet amendement.

Je me permets de réagir à vos propos, monsieur le ministre : mes observations lors de la discussion générale visaient seulement le texte initial, pas les propositions que vous avez soumises au vote.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’amendement de repli CD37 prévoit au minimum que des représentants d’organismes ou d’associations agissant pour la protection de l’environnement participent aux conférences régionales de gouvernance.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Mon amendement vise à donner une application concrète à l’article 7 de la Charte de l’environnement voulue par le Président de la République Jacques Chirac. Il s’agit de garantir le dialogue environnemental et de permettre à toute personne qualifiée de participer à l’élaboration des décisions publiques qui ont une incidence sur l’environnement. Pour cela, nous proposons que les acteurs de la biodiversité soient associés aux conférences régionales de gouvernance.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CD60 propose également d’intégrer des représentants d’organismes compétents en matière de gestion ou de protection des espaces naturels dans la composition des conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols. Je pense en particulier au rôle important joué par les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les aires protégées, les agences régionales de la biodiversité ou encore aux membres du comité régional de la biodiversité (CRB). Autant d’acteurs qui contribuent à la préservation des zones naturelles et des écosystèmes. Ils doivent être associés à la planification de l’objectif ZAN.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous pensons que l’expertise de ces acteurs permettra d’assurer la légitimité de la conférence.

Les parcs naturels régionaux de France ont publié une excellente étude intitulée Objectif ZAN. Le projet de développement local, un levier de sobriété foncière. Elle peut d’ailleurs s’appliquer au-delà des seuls parcs naturels et pourrait notamment inspirer le développement en zone rurale.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Si les amendements CD39 et CD92 sont adoptés, ils feront tomber tous les amendements en discussion commune ainsi que les suivants, jusqu’à l’amendement CD108 inclus.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. J’entends votre souhait d’enrichir la composition de la conférence régionale. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis favorable au fait que les acteurs publics et privés participent aux débats en son sein.

Avis favorable aux amendements identiques CD39 et CD92. Les autres amendements sont ainsi satisfaits et j’en demande le retrait.

M. Christophe Béchu, ministre. Il est en effet utile que des représentants extérieurs participent à cette conférence. Je m’en remets à la sagesse de la commission pour fixer leur nombre.

La commission adopte les amendements CD39 et CD92.

En conséquence, les autres amendements tombent, ainsi que les amendements CD61 de M. Stéphane Delautrette, CD106 de Mme Lisa Belluco, CD62 de M. Stéphane Delautrette, CD107 de Mme Lisa Belluco, CD63 de M. Stéphane Delautrette et CD108 de Mme Lisa Belluco.

 

Amendements identiques CD9 de M. Dino Cinieri et CD166 de M. Antoine Vermorel-Marques.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Les conférences régionales de gouvernance auront notamment pour mission de rendre un avis sur l’inscription dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) des projets prévus par les articles 4 et 5 de la présente proposition de loi.

Parmi ces projets, nombreux sont ceux qui présentent un intérêt majeur pour les acteurs économiques des territoires, voire qui sont défendus directement par ces acteurs. C’est le cas notamment des implantations d’unités industrielles visées à l’article 4 qui valorisent l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourent à la transition énergétique ou relèvent de l’indépendance nationale.

L’inscription de ces projets devrait venir utilement compléter le travail de planification du développement des activités industrielles prévu dans les Sraddet, tel que cela est proposé par le projet de loi relatif à l’industrie verte. Dès lors, il est important que les acteurs économiques puissent être associés à ces décisions.

L’amendement propose, par conséquent, que ces conférences comprennent six représentants des trois chambres consulaires régionales.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les chambres consulaires ont toute leur place dans ces conférences régionales. Avis favorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CD147 de Mme Aude Luquet et CD1 de Nicolas Ray (discussion commune).

Mme Aude Luquet (Dem). Si les députés et les sénateurs étaient membres de droit de la conférence régionale, nous pourrions être associés aux travaux sur l’objectif ZAN qui concernent nos circonscriptions.

M. Nicolas Ray. Il s’agit d’intégrer des parlementaires dans la conférence régionale. Nous votons la loi et sommes aussi censés suivre son application.

J’ai bien entendu l’argument du ministre sur le nombre de parlementaires. C’est la raison pour laquelle mon amendement limite leur participation à un député et un sénateur du périmètre régional.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Demande de retrait de l’amendement CD147 et avis favorable au CD1.

Nous pourrons en discuter d’ici à la séance publique, mais les députés et les sénateurs doivent avoir leur place au sein de cette conférence.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis favorable à l’amendement CD1.

Mme Aude Luquet. On voit que des problèmes se manifestent lorsque l’ensemble des députés et sénateurs d’un département ne sont pas membres de la commission d’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Tout le monde ne dispose alors pas du même degré d’information. Il me paraît donc difficile de ne prévoir qu’un député et un sénateur par conférence régionale.

Je relève que la loi permet désormais aux parlementaires d’assister aux conseils de surveillance des hôpitaux de leur circonscription. C’est mieux pour nous que de devoir nous informer par l’intermédiaire d’un parlementaire d’une autre circonscription.

La commission rejette l’amendement CD147 et adopte l’amendement CD1.

 

Amendement CD96 de M. Jorys Bovet.

Mme Annick Cousin (RN). Cet amendement tend à intégrer des représentants des communes forestières au sein de la conférence régionale.

La filière bois est porteuse d’un enjeu majeur. La forêt peut être défrichée et donc subir une artificialisation. Il nous paraît cohérent que les communes forestières, où l’enjeu d’artificialisation est fort, aient toute leur place dans le dispositif proposé. Je pense particulièrement à la Gironde qui a été affectée par les incendies. Il ne faudrait pas que des communes soient artificialisées de ce fait.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je l’ai dit tout à l’heure, il ne me semble pas opportun de préciser davantage les types de communes représentées.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable pour les mêmes raisons. N’entrons pas dans cet engrenage, sans quoi il nous faudrait aussi mentionner les communes dont le potentiel agricole est important, les communes littorales… Ce serait beaucoup trop compliqué.

Nos efforts visent précisément à préserver les massifs forestiers.

M. Hubert Ott (Dem). Défricher, ce n’est pas forcément artificialiser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD84 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Il ne nous semble pas envisageable que la conférence régionale de gouvernance soit présidée par le président de région. Nous proposons donc qu’elle le soit par un élu des communes représentées en son sein, tiré au sort.

Le législateur enverrait ainsi à nos élus municipaux un message clair en faveur de la démocratie, ce qui susciterait leur intérêt pour ces conférences qui les concernent au premier chef.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La loi prévoit que ce sont les régions qui établissent le Sraddet. Il semble logique que le président de la région préside également la conférence régionale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD69 de M. Bertrand Sorre.

M. Bertrand Sorre (RE). Cet amendement vise à assurer le respect de l’objectif de recyclage des friches de 5 % par an à l’échelle régionale, qui est pertinente. Il rend la conférence régionale de gouvernance compétente pour son application.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La conférence régionale a été construite par le Sénat comme un espace de dialogue : lui transférer des compétences qui relèvent des collectivités territoriales serait une erreur.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends votre intention, mais demander à la conférence régionale d’assurer le respect de cet objectif serait lui conférer une responsabilité qu’elle n’aurait pas les moyens d’assumer.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD3 de M. Nicolas Ray.

M. Nicolas Ray (LR). Dans la même logique que l’amendement CD1, celui-ci vise à s’assurer qu’un sénateur et un député de chaque département soient toujours intégrés à la conférence régionale.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Dans la mesure où nous avons voté l’amendement CD1, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement est satisfait.

M. Nicolas Ray (LR). Pas tout à fait, dans la mesure où l’amendement CD1 ne couvre pas toutes les hypothèses. Je le retire néanmoins.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD85 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Il s’agit d’un amendement d’appel. Nous approuvons la philosophie de cet alinéa prévoyant que le président peut réunir la conférence au niveau départemental pour les sujets liés à l’application de la politique de réduction de l’artificialisation des sols au niveau communal ou intercommunal. Nous sommes, en revanche, opposés à la rédaction actuelle, trop imprécise et trop peu sûre quant à la force et l’usage qui sera fait des propositions de cette réunion.

Nous proposons donc un travail de réécriture, qui pourrait être mené conjointement par les groupes qui y consentiront, afin de consolider ce recours aux départements.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous avons déposé des amendements rédactionnels qui visent à préciser la rédaction de cet alinéa 18. Sur le fond, donner la possibilité de réunir une formation départementale de la conférence régionale pour examiner une situation particulière me semble une bonne idée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD148 de M. Vincent Descoeur et CD170 de M. Nicolas Ray.

M. Vincent Descoeur (LR). Afin de favoriser la concertation sur l’aménagement équilibré du territoire, nous proposons que les maires puissent se réunir au niveau départemental dès qu’ils l’estiment nécessaire.

M. Nicolas Ray (LR). Cet amendement vise à élargir la possibilité de convoquer une réunion au niveau départemental à « une majorité de membres de la conférence régionale ». Les élus souhaitent des réunions plus proches de leur lieu d’élection.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Laissons la main aux régions. Le président du conseil régional est, à mon sens, le mieux placé pour organiser ces réunions départementales.

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse, mais je suis d’accord avec le rapporteur sur le fait qu’il faut faire confiance aux présidents de région et à cette conférence régionale.

La commission rejette les amendements.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD177 et CD178 du rapporteur pour avis.

 

Amendement CD97 de M. Jorys Bovet.

Mme Annick Cousin (RN). Cet amendement vise à inclure des représentants des communes forestières. Je le redis, la filière bois et forêt est cruciale pour notre pays. Elle souffre des défrichements. S’il est vrai que le défrichement ne mène pas forcément à l’artificialisation, c’est souvent le cas, et il vaut mieux prévenir que guérir. Les communes forestières doivent occuper toute leur part dans ce dispositif.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les communes forestières sont intégrées aux EPCI, qui feront entendre leur voix. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD179 et CD180 du rapporteur pour avis.

 

Amendement CD46 de M. Nicolas Ray.

M. Nicolas Ray (LR). Il s’agit d’intégrer au bilan prévu aux alinéas 20 à 24 des éléments de comparaison. Il serait notamment intéressant de disposer des taux d’artificialisation des sols aux niveaux national, régional et départemental, mais aussi pour l’ensemble des bassins de vie de la région.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Cela ne semble pas utile : l’article précise déjà que le bilan devra permettre « d’apprécier les modalités et les critères de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation retenus au niveau régional », notamment au regard des trajectoires retenues dans les Scot et des besoins territoriaux constatés.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends votre idée, mais il y aura de nombreux moyens d’obtenir des chiffres : l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) fournira à chaque commune un bilan annuel, un rapport annuel sera remis au Parlement, il y aura des bilans d’étape. Inutile de rendre le processus plus complexe.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD101 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet (LR). Cet amendement précise que le bilan présente les conséquences socio-économiques des politiques de réduction de l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je comprends votre intention, mais les critères objectifs manquent pour apprécier ces conséquences. En outre, on peut certainement trouver des données dans les Scot. Sagesse.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement est intéressant, mais la précision gagnerait à prendre place dans le bilan d’étape national présenté au Parlement en 2026, prévu à l’article 14, plutôt que dans chaque conférence régionale. Le législateur aurait ainsi une vue globale.

M. Emmanuel Maquet (LR). Les deux échelles sont pertinentes, je crois.

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis défavorable à cette précision placée à cet endroit du texte, car les conférences régionales auront d’abord le rôle d’établir le schéma initial. En outre, les bilans régionaux seront dressés après le premier bilan national.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD4 de M. Nicolas Ray.

M. Nicolas Ray (LR). Il s’agit de préciser que le bilan dressé par la conférence régionale est rendu public, afin d’améliorer la transparence et de faire mieux accepter ces politiques. Pour réussir, nous devons sensibiliser la population à ces enjeux.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je préférerais à nouveau que cette précision figure plutôt à l’article 14, afin que l’approche soit transversale. Je crains la multiplication des approches régionales, forcément partielles, d’autant que les projets d’envergure nationale font l’objet d’une stratégie et d’une politique nationale. C’est la position que défend par ailleurs le groupe Les Républicains ! Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable. J’y serais en revanche favorable si l’amendement portait sur l’article 14.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD130 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). La Corse est une collectivité territoriale à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, et en 2018, les deux départements et la collectivité territoriale ont été fusionnés. L’Assemblée de Corse élabore le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc), qui est, comme vous le savez, un Sraddet renforcé. Une « chambre des territoires » permet la concertation entre la collectivité de Corse et l’échelon local. Il n’y a aujourd’hui qu’un seul Scot en Corse, et deux sont en gestation ; 58 % des communes sont régies par le règlement national d’urbanisme.

Le ZAN est essentiel en Corse, en raison de la pression de la spéculation foncière et immobilière. La chambre des territoires nous paraît être la bonne instance de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols ; une nouvelle conférence ne paraît pas utile, d’autant que sa composition ne refléterait pas forcément la réalité du terrain. S’il faut élargir la composition de cette instance lorsqu’elle traite de ces enjeux précis, nous pourrons y réfléchir d’ici à la séance publique.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis favorable. La chambre des territoires fonctionne bien et me semble en effet pouvoir jouer le rôle d’instance de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation. Il faudra néanmoins réfléchir à un élargissement à des ONG, à l’agence régionale de santé, etc.

M. Christophe Béchu, ministre. Dans l’état actuel du texte, il revient à chaque assemblée régionale de déterminer la composition de la conférence. La collectivité corse pourrait donc, dans l’état actuel du texte, s’appuyer sur la chambre des territoires. Mais je sais que le souhait exprimé par M. Acquaviva est largement partagé au sein de la collectivité. J’émets donc un avis favorable.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Merci.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

 

2.   Réunion du mardi 13 juin 2023 à 21 heures 30

 

Chapitre III
Mieux prendre en compte les spécificités des territoires

 

Article 6 : Renforcement de la prise en compte des efforts passés de sobriété foncière

Amendement de suppression CD126 du Gouvernement.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Pour que le texte soit applicable dès le mois de juillet, nous devons traiter certains articles par voie réglementaire afin que le chemin législatif ne soit pas trop long. Cette méthode a été présentée aux sénateurs, qui la comprennent même si elle n’a pas leur préférence, et à l’AMF – Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France –, dont l’objectif est avant tout de disposer d’un texte opérationnel.

Nous proposons donc de supprimer l’article 6, tout en le reprenant en l’état dans le décret relatif au Sraddet – schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – car la prise en compte des efforts passés fait consensus. Du fait de son caractère réglementaire, celle-ci pourra constituer un élément d’appréciation de la trajectoire de sobriété foncière en cas de contentieux devant le juge administratif.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Vincent Descoeur (LR). Plusieurs amendements visent à reconnaître les efforts passés des collectivités de montagne, accomplis en application de l’une des premières lois de sobriété foncière : la loi « montagne » – loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Si l’article 6 est supprimé, ce cas particulier sera-t-il pris en considération dans le futur décret ?

M. Christophe Béchu, ministre. La prise en compte vaut pour tous les types de collectivités. Néanmoins, le décret comportera bien une référence à la montagne en raison du caractère particulier de ces espaces, qui ont déjà fait des efforts importants de sobriété.

M. Vincent Descoeur (LR). Les décrets sont-ils en ligne et consultables ?

M. Christophe Béchu, ministre. Depuis ce matin, neuf heures trente.

M. Emmanuel Maquet (LR). Des amendements relatifs aux communes littorales vont passer à la trappe alors qu’elles sont confrontées à des questions importantes – tourisme, érosion, risque de submersion. La loi « littoral » – loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral – et divers dispositifs tels que les plans de prévention des risques rendent certains de leurs terrains non constructibles. Pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?

M. Christophe Béchu, ministre. Nous vous proposons de conserver l’article 10, qui traite du littoral, afin qu’il fasse l’objet d’un débat dans l’hémicycle. Il est en effet souhaitable de préciser certains points, en particulier sur l’érosion du trait de côte, et d’envoyer un signal aux 975 communes concernées.

La ligne de partage est donc claire : nous conservons le littoral, dont les spécificités sont plus marquées, dans le débat législatif, tout en accélérant la procédure lorsque la notion d’efforts passés est aisément compréhensible.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Les communes en milieu rural ou celles qui se sont montrées économes en constructions ont le sentiment d’être davantage sanctionnées par l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) que celles qui ont beaucoup construit. La suppression de l’article 6 et son remplacement par un décret qui prévoit une plus juste répartition répondent donc à l’attente des élus locaux sur ce texte qui faisait débat.

Reconnaissez toutefois qu’il est compliqué pour le législateur d’analyser des projets de décret qui lui sont présentés le jour-même où il étudie le texte. Ainsi, j’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi l’exposé des motifs du projet de décret précise que les mesures mises en place pour le Sraddet seront également mobilisables pour le schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif), les schémas d’aménagement régionaux (SAR) et le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc), alors que nous avons débattu un peu plus tôt de l’exclusion du Sdrif et des schémas concernant la Corse.

M. Christophe Béchu, ministre. La discussion que nous avons eue tout à l’heure portait sur la période 2021-2031 ; le décret relatif au Sraddet va au-delà de 2031.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Vous avez dit que l’AMF était favorable à ce projet de décret. Pouvez-vous nous indiquer quels arguments l’ont convaincue ?

M. Christophe Béchu, ministre. L’AMF a compris qu’il fallait trouver un accord avant l’interruption des travaux parlementaires liée aux élections sénatoriales, faute de quoi le texte ne serait pas applicable avant la fin de l’année. Le fait de passer par un décret dont elle peut discuter le contenu avec nous lui convient car il présente l’avantage de la célérité.

Il n’y a jamais eu la moindre dissension concernant les efforts passés. L’attente de l’AMF porte sur la suppression de la tutelle exercée par les régions sur les documents locaux d’urbanisme au moyen des prescriptions du Sraddet.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Lors des auditions, l’AMF et d’autres associations d’élus ont manifesté le souhait que certaines dispositions soient traitées par voie de décret pour des raisons de souplesse et de rapidité.

Mme Annick Cousin (RN). Vous nous aviez promis que cela profiterait aux plus petites communes. Or vos explications démontrent l’inverse : les agglomérations et les grandes communes tireront avantage du dispositif.

M. Christophe Béchu, ministre. On ne peut pas le préjuger. Notre objectif est d’éviter que les collectivités ayant beaucoup artificialisé conservent la moitié de leur capacité à construire et que celles ayant très peu artificialisé se retrouvent avec la moitié de presque rien.

C’est donc l’inverse : cette disposition, souhaitée par l’Association des maires ruraux de France (AMRF), va dans votre sens. En tenant compte de la réalité de la consommation, nous pourrons accompagner et protéger les communes ayant peu artificialisé. C’est factuel.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 6.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article 6 tombent.

 

Article 8 : Instauration d’une part réservée au développement territorial

Amendement de suppression CD127 du Gouvernement.

M. Christophe Béchu, ministre. L’article 8 vise à donner la faculté de créer une réserve dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) pour la réalisation d’un projet d’intérêt supracommunal. Le Sénat a imaginé deux cas : le premier à l’échelle des schémas de cohérence territoriale (SCoT), le second à l’échelle des PLU. Nous proposons de conserver la faculté accordée aux intercommunalités et de la traiter par décret pour éviter les discussions à l’infini sur la manière dont cette réserve fonctionnera.

L’AMF est favorable à une faculté plutôt qu’à une obligation qui aurait dépouillé certaines communes de leur capacité à agir. Si la réserve à l’échelle du PLU a du sens, elle peut se discuter à l’échelle du SCoT : il n’est donc pas question pour nous de prendre un décret tant que nous n’aurons pas obtenu un accord avec l’AMF. Si nous n’atteignons pas un consensus, je n’aurai pas de difficulté à ne pas le retenir, le SCoT n’étant pas un document établi par une collectivité territoriale spécifique et la superposition des dispositifs finissant par rendre le dispositif un peu complexe.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Vincent Descoeur (LR). Le Sénat a-t-il fait part de son assentiment à la suppression des articles 6 et 8 ?

M. Christophe Béchu, ministre. Oui, car nous reprenons dans le projet de décret des dispositions que les sénateurs ont eux-mêmes inscrites dans la proposition de loi. Le débat avec le Sénat porte sur la garantie rurale et sur les grands projets d’envergure nationale ; il porte moins sur le Sraddet, sur lequel nous avons un point de convergence, et un peu sur quelques aspects très techniques de la nomenclature.

M. Vincent Descoeur (LR). Ils sont donc d’accord pour supprimer les articles qu’ils avaient eux-mêmes introduits dans le texte.

M. Francis Dubois (LR). Si je conçois bien l’idée d’une réserve à l’échelle du PLU ou du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), je ne la comprends pas à l’échelle du SCoT.

M. Christophe Béchu, ministre. Il est logique que vous ne le compreniez pas puisque le dispositif n’existe pas. Il s’agit de créer la faculté de ne pas attribuer tous les hectares à l’échelle du SCoT entre les intercommunalités qui le composent. Si 150 hectares doivent être inscrits dans une trajectoire, vous n’en ventilez que 135 et vous en gardez 15 à l’échelle du Scot, en considérant qu’une révision permettra de compléter ce que vous avez déjà attribué. Ces 15 hectares sont justifiés par le fait qu’il y aura, à l’échelle de votre pôle métropolitain, un projet d’une importance particulière qui n’est pas encore totalement arrêté.

L’AMF est d’accord pour faire des réserves dans le cadre d’une intercommunalité mais pas d’un SCoT, qui générera des révisions. Si, de plus, la région fait sa propre réserve, le risque sera celui de l’atrophie foncière et d’une somme d’espaces en réserve qui peuvent finir par trop contraindre la trajectoire de sobriété.

M. Francis Dubois (LR). C’est donc le décret qui va définir la réserve à l’échelle du SCoT. Prévoira-t-il un ratio ?

M. Christophe Béchu, ministre. Nous n’avons pas retenu les SCoT dans le projet de décret, l’AMF nous ayant fait part de son hostilité.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 8.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article 8 tombent.

 

Après l’article 8

Amendement CD163 de M. Jean-François Lovisolo.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Cet amendement vise à créer une commission départementale que le maire aurait la possibilité de saisir pour s’exonérer du dispositif du ZAN en cas de projet qualifié d’intérêt pour le développement territorial. La commission, présidée par le préfet, donc par l’État, serait ainsi amenée à juger de l’opportunité de tels projets.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. La notion de projet qualifié d’intérêt pour le développement territorial ne correspond à aucune catégorie juridique, ce qui pourrait être source de contentieux. Il vaut mieux laisser aux collectivités le soin de gérer le principe de mutualisation, tout en garantissant une surface minimale pour le développement communal. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable. Il y aura une procédure spécifique pour les grands projets d’envergure nationale ; si on ajoute des projets d’intérêt général avec une commission départementale dont il faudra arrêter la composition et le mode fonctionnement, je crains que l’on n’atteigne pas notre objectif de simplifier la procédure, créant ainsi de l’inquiétude. Concentrons-nous sur les grands projets d’envergure nationale, mais ne créons pas un dispositif départemental qui s’y opposerait.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Je comprends bien l’objectif de la proposition de loi. L’inquiétude tient à la verticalité du dispositif et à sa rigidité. Je crains que cela ne crée des blocages dans des territoires locaux ou périurbains ayant peu consommé de foncier. On risque de passer à côté de projets d’intérêt général pour les territoires, comme des zones d’activité à créer ou à requalifier. Il s’agit donc d’apporter un peu de souplesse à ce dispositif qui pourrait être d’intérêt départemental. Si la notion d’intérêt territorial ne convient pas, je propose d’ajouter celle d’intérêt général.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD64 de M. Stéphane Delautrette, CD93 de M. William Martinet et CD128 de Mme Lisa Belluco.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à favoriser le développement de réseaux cyclables dans les territoires ruraux. Pour ce faire, nous souhaitons réserver une part de 5 % de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (Enaf) aux pistes cyclables intercommunales. Il s’inscrit dans la logique du plan Vélo annoncé par la Première ministre et contribue à sa réalisation matérielle.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à accélérer le développement des voies cyclables intercommunales, dont nous avons grandement besoin pour faciliter le développement du vélo dans les zones les moins denses.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je peux comprendre votre volonté de développer les pistes cyclables dans notre pays, mais fixer un chiffre pour l’ensemble du territoire ne serait pas adapté à la diversité des topographies et ne respecterait pas la liberté d’administration des communes.

Il n’y a pas d’impact des voies cyclables en termes d’artificialisation dans les Enaf : elles ne changent pas la nature naturelle ou urbanisée de l’espace dans lequel elles sont aménagées. Dans les décrets en cours d’élaboration, les bandes de moins de 5 mètres de large ne seront pas considérées comme artificialisées.

Les amendements étant satisfaits, j’émets un avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Le projet de décret va plus loin que ces amendements. Réserver 5 % de la consommation d’Enaf aux voies cyclables revient à créer un conflit ente les usages, là où pas un mètre carré de piste cyclable ne sera considéré comme de l’artificialisation dans les décrets, comme le club des villes et territoires cyclables et marchables (CVTCM) nous l’a demandé. Une question se pose pour les pistes dont la largeur est supérieure à 5 mètres ; nous avons trouvé un compromis, avalisé par l’AMF, le Sénat et le CVTCM, par lequel une consommation d’Enaf pour une piste d’une largeur de 5 mètres n’est pas une artificialisation.

M. Pierre Meurin (RN). J’aime beaucoup le vélo, mais des amendements de ce type, qui ne prennent aucunement en compte la diversité des territoires et qui fixent le même pourcentage de voies cyclables dans les Enaf pour tous les SCoT, sont étrangers au bon sens le plus élémentaire.

Les amendements visent à développer l’usage du vélo dans les territoires ruraux, où l’on ne peut pas l’utiliser pour les mobilités du quotidien : feriez-vous 20 kilomètres à vélo pour emmener vos enfants à l’école ou 30 kilomètres à vélo pour aller au travail ? Je refuse la vision idéologique du cyclable et la détestation des automobilistes qui sous-tendent ces amendements abscons et jacobins. C’est toujours la même chose avec la gauche : elle a une vision géométrique et uniforme de la France, qui fait passer ses partisans à côté des vrais sujets. La question importante dans les zones rurales a trait à l’état des routes secondaires : commençons par les rénover pour que les gens n’aient plus d’accident de la route, plutôt que de faciliter les promenades touristiques à vélo de deux personnes durant l’été.

M. Emmanuel Maquet. Je comprends ces amendements, mais vous avez raison, monsieur le ministre, d’exclure les voies cyclables du quota d’artificialisation des sols ; cela vaut-il pour tous les revêtements de piste cyclable ? Ce sujet a fait polémique dans mon département où l’on a bitumé des pistes en pleine nature, choix qui apparaît peu pertinent.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Monsieur Meurin, nous avons en effet une vision géométriquement et diamétralement – prenez l’adverbe qui vous convient – opposée à la vôtre. Vos propos déforment l’esprit dans lequel nous voulons promouvoir l’usage du vélo. Nous n’opposons pas les modes de déplacement entre eux et nous n’avons jamais dit qu’il représentait le seul mode de transport à favoriser dans tous les territoires ; en revanche, force est de constater que de plus en plus de Françaises et de Français utilisent le vélo comme moyen de déplacement : il est de notre devoir de faciliter et de développer la pratique du vélo pour répondre aux besoins exprimés par nos concitoyens.

Le débat se situe bien davantage sur les matériaux utilisés pour aménager les pistes cyclables. Certaines d’entre elles peuvent porter atteinte à l’artificialisation comme à la biodiversité. Nous serons attentifs aux dispositions que contiendra le décret. L’erreur de ces amendements tient à l’oubli des PLU, qui sont peut-être l’outil idoine pour aborder cette question. Nous aurons le temps d’y travailler d’ici à la séance publique.

M. Mickaël Cosson (Dem). Le projet de décret prévoit déjà qu’une piste cyclable dont la largeur est inférieure à 5 mètres n’entre pas dans l’artificialisation des sols. Une voie large de 5 mètres correspond plutôt à une voie routière en milieu rural, la largeur des pistes cyclables excédant rarement 3,5 ou 4 mètres.

Dans la commune dont j’ai été le maire, nous avons installé un collège sur un terrain de 1,7 hectare, superficie qui n’est pas négligeable dans une commune rurale. Si nous avions été soumis au régime du ZAN, il aurait été impossible d’y construire cet établissement, fréquenté par des enfants vivant dans six communes à dominante rurale. Grâce au collège, nous avons aménagé des pistes cyclables, dont la largeur est inférieure à 4 mètres et qui relient cinq bourgs. Les collégiens peuvent ainsi se rendre en toute sécurité dans leur établissement et les actifs peuvent rejoindre à vélo les transports en commun ; le week-end, les gens peuvent aller dans les commerces des bourgs, qui ne sont pas éloignés de 20 kilomètres mais, avec ce travail de maillage, de 5 kilomètres, distance qui permet le déplacement à vélo.

Nous avons commencé par faire des revêtements sableux, qui ne sont pas forcément plus écologiques car ils nécessitent une extraction de sable tous les cinq ans et ils ne peuvent accueillir les personnes se déplaçant en trottinette ou en roller. Nous avons donc changé et adopté un revêtement lisse. Nous avons également ajouté une haie, alimentée par l’écoulement des eaux, le long de la voie cyclable pour soutenir la biodiversité.

Le projet de décret me semble plus ambitieux que ces amendements.

M. Christophe Béchu, ministre. Je constate que ce sujet génère un certain enthousiasme. Déployer le plan Vélo ne doit pas entraîner d’obligation qui pourrait poser des difficultés dans certains territoires.

La question des revêtements n’est pas l’objet du ZAN ; autrement, le décret devrait aborder tous les sujets – les routes, la construction en ville, la garantie que les places de parking soient respirantes pour l’infiltration des nappes, etc. –, ce qui n’est pas possible. Nous calculons la trajectoire et nous faisons confiance aux élus locaux pour la respecter. Nous sanctuarisons la possibilité d’aménager des pistes cyclables, en faisant en sorte que le ZAN ne représente pas un obstacle à leur réalisation.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD48 de Mme Annie Genevard et CD79 de Mme Pascale Boyer.

M. Francis Dubois (LR). Cet amendement vise à trouver un équilibre entre les terres agricoles et les forêts dans les surfaces qui peuvent être artificialisées. Il faut prendre en compte les difficultés supplémentaires auxquelles font face les zones de montagne : fortes pentes, altitude et croissance soutenue des surfaces boisées au détriment des terres agricoles.

Ces spécificités requièrent une application différenciée de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols, en veillant à ce que les documents d’urbanisme chargés de décliner les trajectoires foncières assurent une consommation équitable entre les surfaces forestières et agricoles.

Mme Pascale Boyer (RE). Je présente cet amendement au nom de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), que je préside. Il vise à prendre en considération le critère de la nature des surfaces au moment de la répartition par secteur de l’effort de réduction de l’artificialisation dans le SCoT.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les principes de lutte contre l’artificialisation des sols, définis dans la loi « Climat et résilience », n’imposent pas de répartition spécifique de la consommation d’espaces entre les zones agricoles et naturelles. Ce partage est à la main des collectivités territoriales. La précision proposée n’apparaît pas nécessaire.

En outre, vous motivez les amendements par les contraintes propres aux territoires de montagne, mais la mesure que vous proposez serait appliquée de manière indifférenciée dans tout le pays. L’avis est défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Le dispositif des amendements va à l’encontre du but recherché car il impose un équilibre là où les élus locaux pourraient ne pas en vouloir. Il convient peut-être de jouer sur l’espace forestier dans un territoire et sur l’espace agricole dans un autre : obliger les maires à retenir une répartition égale entre les surfaces forestières et agricoles brimerait leur liberté de décision. L’adoption de ces amendements leur enverrait un signal de défiance : les élus de montagne seraient moins capables que les autres de déterminer ce qui est bon pour leur territoire.

Je comprends le souci de prendre en compte la spécificité de la montagne, mais elle fait déjà l’objet de mesures dans les PLU et les SCoT. Ajouter une disposition dans le cadre du ZAN restreindrait la liberté des élus de montagne. Je suis totalement défavorable aux amendements.

Mme Pascale Boyer (RE). Les élus de ces territoires sont contraints depuis de nombreuses années par les lois « montagne » de 1985 et « montagne 2 ». La loi sur le ZAN doit prendre en compte les spécificités des territoires de montagne, notamment leur topographie, comme d’autres contraintes dans d’autres territoires. Je retire néanmoins mon amendement.

L’amendement CD79 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD48.

Amendement CD77 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur (LR). Cet amendement vise à prendre en compte le critère topographique, sans distinction entre surface agricole et boisée, dans la répartition de l’effort de réduction de l’artificialisation dans le SCoT. Il importe de retenir ce critère pour les territoires de montagne.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les besoins en termes de voirie et d’infrastructures sont déjà identifiés dans les SCoT et dans le décret en cours d’élaboration relatif aux Sraddet, dont le périmètre englobera évidemment les zones de montagne. Votre demande étant satisfaite, j’émets un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement est en effet satisfait, grâce aux efforts de sobriété exceptionnels que les secteurs de montagne ont consentis et aux autres dispositions figurant dans les projets de décret.

M. Vincent Descoeur (LR). Ancien président de l’Association nationale des élus de la montagne, j’aime bien que les dispositions importantes pour ces territoires figurent dans les textes. La montagne a des spécificités qu’il est bon de reconnaître par écrit.

M. Christophe Béchu, ministre. Les objectifs en matière de lutte contre l’artificialisation des sols sont fixés en considérant « l’équilibre du territoire, en tenant compte des pôles urbains, du maillage des infrastructures et des enjeux de revitalisation et de désenclavement des territoires, notamment des communes rurales ainsi que des particularités géographiques locales pour les communes littorales et les zones de montagne définies à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ». Je viens de citer le chapitre mentionné dans l’article 1er du décret relatif à la mise en œuvre du ZAN, qui traduit votre requête par écrit, monsieur Descoeur.

M. Vincent Descoeur (LR). Bien qu’il manque le mot « topographie », ma demande est à moitié satisfaite et je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CD131 de Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement, que j’ai élaboré avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), vise à inscrire dans chaque PLU ou PLUi la première brique d’une politique de préservation de la biodiversité adaptée à chaque territoire. Il ajoute une condition d’absence d’atteinte à la biodiversité pour les dérogations à l’inconstructibilité dans les Enaf. La préservation de ceux-ci et la renaturation constituent l’autre face de la lutte contre l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les enjeux de protection de la biodiversité sont importants, mais les documents d’urbanisme s’en saisissent déjà : les projets d’aménagement et de développement durables (Padd) et les PLU poursuivent un objectif de protection de la biodiversité, quand la trame verte et bleue (TVB) représente également un cordon pour la biodiversité. Ces documents satisfont votre requête, donc je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je partage l’avis du rapporteur pour avis. Les conférences régionales du ZAN, qui compteront en leur sein des spécialistes de l’environnement local, prendront en compte cette préoccupation, qui irrigue toute la philosophie du ZAN. Quant à la crédibilité de la lutte pour la préservation de la biodiversité, elle réside dans la baisse de notre consommation. Il faut ensuite éviter les zones humides et privilégier les surfaces présentant le moins d’intérêt agricole. L’amendement est satisfait, donc j’en demande le retrait.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je ne le retire pas car il porte sur un sujet précis, celui des dérogations à l’inconstructibilité. Il existe en effet beaucoup de politiques de préservation de la biodiversité, mais un manque de lien persiste entre l’application du code de l’environnement et celle du code de l’urbanisme. L’intégration de dispositions sur la biodiversité dans ce dernier constituerait une avancée bienvenue.

La commission rejette l’amendement.

Article 10 : Prise en compte des spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière

Amendement de suppression CD132 de Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’article 10 prévoit de décompter du ZAN les espaces perdus du fait de l’élévation du niveau de la mer et les zones artificialisées pour relocaliser les installations exposées au recul du trait de côte. Nous n’acceptons pas cette double exclusion, que vous avez dit vouloir retirer. Nous proposons la suppression totale de l’article – même si j’ai déposé un amendement de repli –, puisque l’ensemble de ses dispositions concourt à ce double comptage.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. J’ai en effet déposé un amendement visant à supprimer le double comptage, qui pose un réel problème – vous avez entièrement raison sur ce point. Les enjeux d’érosion côtière sont élevés : la loi « Climat et résilience » consacrait d’ailleurs un chapitre entier au sujet. Nous avons demandé aux communes affectées de définir des stratégies locales ayant vocation à s’intégrer dans la stratégie nationale : c’est à leur échelle que doit être pensée la renaturation, surtout pour celles qui se situent dans les zones touchées entre maintenant et un horizon de 30 ans ou entre 30 et 100 ans. L’avis est défavorable car les communes littorales doivent conserver les outils leur permettant de mener à bien des projets de recomposition spatiale. Je vous invite à adopter l’amendement CD181 que j’ai déposé et qui réécrit les alinéas 2 et 3 de l’article 10.

M. Christophe Béchu, ministre. Votre amendement suit une certaine logique mais son adoption jetterait, sans mauvais jeu de mots, le bébé avec l’eau du bain. Refuser le double comptage est souhaitable, mais supprimer un article portant spécifiquement sur le littoral et l’érosion du trait de côte constituerait une erreur compte tenu des défis qui nous attendent.

Actuellement, 975 communes sont concernées par la montée de la mer : elles seront gagnées, dans des proportions variables, par l’érosion du trait de côte. Cette évaluation repose sur un réchauffement de 2 degrés Celsius. Si le réchauffement atteint 4 degrés Celsius, l’augmentation du niveau de la mer et l’impact sur les communes seront plus élevés. Certes, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne prévoit cette situation que pour la fin du siècle, mais nous ne pouvons pas éluder cette perspective.

Nous demandons aux communes concernées de s’inscrire dans un dispositif fixé par décret, visant à geler les possibilités de construire dans les zones affectées par l’érosion. L’État les soutient pour qu’elles construisent à l’intérieur des terres. Il faut éviter le double comptage, mais il est également souhaitable de décaler l’urbanisation hors du littoral. La rédaction que propose le rapporteur pour avis avec l’amendement CD181 trouve cet équilibre.

L’avis est défavorable sur cet amendement, et favorable sur celui du rapporteur.

M. Jimmy Pahun (Dem). Nous avons beaucoup investi dans la démarche « France vue sur mer » lors du dernier quinquennat : je ne suis pas certain que l’on ait pris en compte le recul du trait de côte, alors que certains sentiers littoraux sont désormais grignotés par la mer, pas plus que l’atteinte à la biodiversité. Il importe que les prochains projets, dont certains ont été définis par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), intègrent cette dimension.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Une fois n’est pas coutume, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

L’amendement CD133 de Mme Lisa Belluco est retiré.

Amendement CD181 du rapporteur pour avis et sous-amendement CD193 de M. Stéphane Delautrette.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols prévus par la loi « Climat et résilience » doivent être déclinés territorialement dans le cadre des documents de planification et d’urbanisme. Leur fixation implique de pouvoir prendre en compte différents éléments objectifs et propres aux territoires concernés. En s’appuyant sur le cadre fixé par cette loi, l’amendement propose de réécrire l’article 10. La rédaction prévoit, pour les communes s’inscrivant dans le dispositif prévu à l’article L. 321-15 du code de l’environnement, d’intégrer plus explicitement les enjeux liés au recul du trait de côte dans les critères de territorialisation des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols, de considérer comme désartificialisées des surfaces qui ne le seraient pas encore dans les faits dès lors qu’elles se situent dans les zones les plus exposées – à savoir celles qui seront affectées dans une période comprise entre maintenant et trente ans – et de dédier ces surfaces à la renaturation dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral.

L’inscription de la prise en compte des spécificités des zones de montagne dans les documents d’urbanisme sera, quant à elle, intégrée au décret du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Sraddet.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Mon sous-amendement vise à renforcer l’exigence en matière de renaturation des espaces artificialisés. L’amendement du rapporteur pour avis laisse en effet à penser que le simple fait que des zones artificialisées aient vocation à être renaturées suffirait à les considérer comme désartificialisées.

Dans un souci de rigueur, le sous-amendement précise que la désartificialisation ne sera reconnue que si la renaturation a bien été effectuée.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Il convient de laisser de la souplesse aux communes littorales qui sont engagées dans un travail de planification territoriale dans lequel elles doivent identifier les zones impactées par le réchauffement climatique. Mon amendement leur permet d’anticiper, tandis que votre sous-amendement les contraint à agir en temps réel. La planification demande du temps et de la concertation. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Vous allez un peu trop loin dans la rigueur, monsieur le député.

Si, pour donner droit à compensation, un terrain doit déjà avoir été renaturé, vous ôtez au littoral sa spécificité et vous entrez dans le champ d’application de l’article 13.

Partout en France, afin d’encourager la désartificialisation, le fait de renaturer un espace artificialisé rétablit une possibilité de construire. En vertu de la spécificité du littoral, les espaces qui seront recouverts du fait de l’érosion du trait de côte ouvriront droit à construction dans les communes concernées afin de relocaliser les personnes que l’érosion aura contraintes à quitter leur domicile. Mais ce n’est pas « open bar ».

D’abord, les communes doivent être inscrites sur la liste fixée par décret : à l’heure où nous parlons, 126 communes sur les 975 concernées par l’érosion du trait de côte le sont – elles seront prochainement 253 à la faveur de l’actualisation de la liste.

Ensuite, aux termes de l’amendement du rapporteur pour avis, l’éventuel droit à reconstruire est très encadré : on ne prend pas en considération la perspective à la fin du siècle mais les trente ans à venir et on s’appuie sur des études ; il est conditionné à un projet de recomposition spatiale du territoire littoral.

Enfin, seuls les espaces artificialisés donnent le droit à compensation et non la surface recouverte par la mer.

L’amendement et le décret garantissent un encadrement solide. À force de rigueur, votre sous-amendement risque de dévitaliser l’intérêt pour les communes d’anticiper. C’est un outil puissant et indispensable pour réussir dans plusieurs endroits confrontés à l’érosion du trait de côte. Rassurez-vous, l’artificialisation n’augmentera pas, le solde reste à zéro.

Mon avis est donc favorable à l’amendement du rapporteur pour avis et défavorable au sous-amendement.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je l’admets, la rédaction que je propose est peut-être trop stricte. Pour autant, celle du rapporteur pour avis ne garantit pas que les surfaces concernées seront effectivement renaturées. Il y a sans doute un équilibre à trouver.

M. Christophe Béchu, ministre. La garantie existe, à moins de remettre en cause l’érosion du trait de côté. Si vous estimez que les calculs sur la montée de la mer sont faux, vous avez raison de prévoir un mécanisme. Dans le cas contraire, vous avez la garantie que la nature reprendra ses droits, ce qui oblige à anticiper.

Là où le texte issu du Sénat organisait un double comptage trop permissif, votre position est marquée par un excès de rigueur. L’amendement du rapporteur pour avis propose un chemin médian.

M. Emmanuel Maquet (LR). Je souscris au raisonnement de M. le ministre.

Il faut être confronté au problème pour comprendre ce qu’il en est. La baie de Somme, qui est située dans ma circonscription, est un bon exemple.

J’ajoute que les enjeux financiers sont tout autres sur le littoral. La valeur du foncier est considérable pour les maisons face à la mer. Les propriétaires ont du mal à accepter une relocalisation un kilomètre plus loin. À ce jour, nous n’avons pas de réponse satisfaisante à leur apporter.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Il est demandé aux élus de travailler sur les trois périodes du ZAN, mais aussi d’identifier les secteurs protégés. Cette démarche permet d’affronter les défis qui vont se présenter rapidement. Il faut faire confiance aux élus locaux et s’appuyer sur les stratégies locales qu’ils définissent.

Toutefois, monsieur Delautrette, je suis à votre disposition, d’ici à la séance publique, pour réfléchir à d’éventuelles améliorations de la rédaction.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je retire le sous-amendement.

Le sous-amendement ayant été retiré, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD58 de Mme Sophie Panonacle, CD7 de M. Nicolas Ray, CD94 de M. Perceval Gaillard, CD135 de Mme Lisa Belluco et CD65 de M. Stéphane Delautrette tombent.

Amendement CD186 du rapporteur pour avis.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols doivent être déclinés territorialement dans le cadre des documents de planification et d’urbanisme.

Cet amendement poursuit la réécriture de l’article 10 afin, pour les communes inscrites sur la liste précitée, d’intégrer plus explicitement les enjeux liés au recul du trait de côte dans les critères de territorialisation des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols ; de pouvoir considérer comme désartificialisées des surfaces qui ne le seraient pas encore dans les faits, dès lors qu’elles se situent dans les zones les plus exposées et qu’elles ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral.

La reconnaissance des spécificités des zones de montagne dans les documents d’urbanisme est renvoyée au décret précité du 29 avril 2022.

M. Christophe Béchu, ministre. Le rapporteur pour avis continue son salutaire travail de toilettage. Pour une plus grande lisibilité, les territoires ultramarins feront ainsi l’objet d’un article spécifique. Leur mention dans l’article 10 est donc supprimée.

La commission adopte l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.

 

Après l’article 10

Amendements identiques CD36 de Mme Marie Pochon et CD95 de Mme Catherine Couturier.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’eau aménage nos territoires. C’est autour des fleuves, des lacs, des rives, des océans et des mers que se structurent villes et campagnes. Il est absolument crucial, lors de la planification, d’anticiper la disponibilité de la ressource en eau afin de s’assurer, dans les projets de développement urbain, de la capacité des territoires à subvenir aux besoins vitaux des habitants.

Le ZAN doit aider à planifier l’urbanisation et l’artificialisation restante d’ici à 2050. Les sécheresses, les risques d’inondation et tous les impacts des changements climatiques risquent d’interdire l’urbanisation. Mais les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir, disait Jacques Chirac...

Cet amendement a donc pour objet de prendre en considération, dans les documents d’urbanisme, « les impacts des dérèglements climatiques sur l’habitabilité des territoires, notamment du point de vue de la disponibilité de la ressource en eau, de l’évolution du trait de côte et des risques d’inondation et de submersion ».

Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation qui est déjà satisfaite par la loi « Climat et résilience ». Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.

D’une part, la carte des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) n’est pas complète. D’autre part, nous devrions disposer, dans un an, d’un outil de modélisation de la ressource disponible – Explore 2070 deviendra Explore2 avec le concours de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Sans ces outils, les données manquent pour accompagner les élus. La disposition que vous proposez n’est donc pas applicable dès maintenant.

La commission rejette les amendements.

 

Chapitre IV
Prévoir les outils pour faciliter la transition vers le « ZAN »

 

Article 13 : Prise en compte des efforts de renaturation avant 2031

Amendement de suppression CD91 de M. William Martinet.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). L’article 13 représente une régression disproportionnée pour l’objectif de réduction de l’artificialisation pour la période 2021-2031. Le fait de prendre en considération, dès maintenant, les opérations de renaturation l’affaiblit considérablement.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. L’article 13 ne remet pas en cause l’objectif auquel nous tenons.

La loi « Climat et résilience » ne prend en considération les actions de renaturation qu’à partir de 2031. En étendant à la période 2021-2031, l’article cherche à inciter les collectivités – communes, intercommunalités mais aussi régions – à renaturer dès à présent des espaces. Sa suppression aurait donc un effet néfaste. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet article a donné lieu à une totale unanimité au Sénat pour une raison simple : il corrige un effet pervers de la loi.

Si celle-ci reste en l’état, il n’y a pas d’intérêt à dépolluer les friches avant 2031 : en effet, si vous renaturez une friche aujourd’hui, cela ne vous donne droit à rien ; si vous le faites à partir de 2031, vous obtenez le droit de construire sur une surface équivalente.

Pour être vertueux, il faut appliquer dès maintenant la compensation. Sinon, on risque d’inciter à conserver des espaces pollués jusqu’en 2031, date à laquelle les règles changeront.

Je comprends ce que M. Martinet a voulu dire après avoir fait une lecture rapide de l’article. Mais celui-ci n’augmente pas l’enveloppe d’artificialisation – cela reste un hectare constructible pour un hectare dénaturé. Autrement dit, si vous transformez une fiche en espace agricole, une surface équivalente est constructible ; si vous construisez sur une friche, cela n’est pas comptabilisé.

Il s’agit vraiment de corriger une coquille. C’est la raison pour laquelle sénateurs, associations et élus locaux ont unanimement approuvé cette disposition. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Jusqu’en 2031, l’objectif est bien de réduire de 50 % l’artificialisation.

Pour éviter de consommer des surfaces, le droit à construire doit s’appliquer prioritairement sur les friches. Vous l’avez dit, 170 000 hectares de friches sont aujourd’hui disponibles pour continuer à construire sans artificialiser de nouveaux espaces.

Dans le même ordre d’idées, il faudra sans doute préciser la notion de dent creuse. De nombreuses communes appliquent encore le règlement national d’urbanisme et c’est toujours un peu aléatoire.

Dès lors que vous accordez un droit de compensation, vous encouragez mécaniquement l’artificialisation et vous remettez en cause l’objectif de 50 %. C’est l’idée que l’amendement conteste, même si la rédaction mérite peut-être d’être reprise.

Vous offrez des possibilités supplémentaires à des communes qui ont déjà artificialisé. Dans le même temps, nous en avons parlé tout à l’heure, vous n’apportez pas de réponse aux communes vertueuses qui risquent d’être pénalisées et privées de droit à compensation.

M. Christophe Béchu, ministre. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), WWF, Humanisme et biodiversité, personne ne conteste la nécessité d’adopter l’article qui corrige l’effet pervers que vous dénoncez.

La sobriété consiste à ne pas dépasser 125 000 hectares d’artificialisation sur dix ans, autrement dit à ne pas enlever plus de 125 000 hectares aux espaces naturels, agricoles ou forestiers.

L’objectif de zéro artificialisation nette ne signifie pas qu’on ne peut plus toucher au moindre centimètre carré ; il impose, pour prendre un hectare quelque part, d’être capable de le rendre à la nature ailleurs.

La coquille législative tient à ce que jusqu’en 2031, on doit diviser par deux l’artificialisation ; ensuite, la renaturation donne droit à une surface de construction équivalente. Tous les spécialistes considèrent que cette règle est un pousse-au-crime : elle incite à conserver les friches jusqu’en 2031, au moment où elles ouvriront des droits à compensation. In fine, on n’artificialise pas davantage, puisque le total de ce qui peut être artificialisé jusqu’en 2050 – les trajectoires successives d’artificialisation et les 170 000 hectares de friches – ne change pas. Mieux, à court terme, on encourage à commencer par la dépollution des friches.

M. Hubert Ott (Dem). Certaines renaturations permettent de recréer des environnements favorables à la biodiversité. Je pense aux milieux humides restaurés à l’issue de l’exploitation de carrières et de gravières. Nous avons tout à gagner à encourager la renaturation de zones artificialisées de ce type.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD103 de Mme Pascale Boyer, CD134 de M. Vincent Thiébaut et CD137 de Mme Aude Luquet ; sous-amendement CD192 du rapporteur pour avis.

Mme Pascale Boyer (RE). L’amendement CD103 vise, d’une part, à prendre en considération l’ensemble du territoire concerné pour comptabiliser la renaturation – pas seulement la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale – ; d’autre part, à renvoyer au niveau réglementaire la nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées.

M. Vincent Thiébaut (HOR). L’article 13 est essentiel pour éviter la capitalisation foncière et inciter les communes à exploiter les friches afin d’atteindre l’objectif ZAN. L’amendement CD134 vise à élargir le périmètre pris en compte pour apprécier la renaturation.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Je suis favorable aux amendements sous réserve du sous-amendement, qui a pour objet d’en simplifier la rédaction. La déduction de la consommation des surfaces renaturées sera ainsi comptabilisée à l’échelle des territoires.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

En conséquence, les amendements CD110 de Mme Lisa Belluco, CD66 de M. Stéphane Delautrette et CD111 de Mme Lisa Belluco tombent.

Amendements identiques CD189 de Mme Pascale Boyer, CD190 de M. Vincent Thiébaut et CD191 de Mme Aude Luquet

Mme Pascale Boyer (RE). Il s’agit de préciser la rédaction du Sénat en supprimant les alinéas 3 et 4, qui apportent des précisions qui relèvent du règlement.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Le règlement permet davantage de souplesse sur ces sujets de nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Avis favorable. Le Sénat a introduit à l’article 13 une disposition visant à ne pas considérer comme artificialisés les espaces utilisés temporairement pour des travaux ou des aménagements, puis restitués à la même catégorie de surfaces non artificialisées. Cette disposition relève de la nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées, donc de la voie réglementaire. Les surfaces qui sont temporairement artificialisées au sens de cette nomenclature seront considérées comme non artificialisées une fois qu’elles auront fait l’objet d’opérations de renaturation.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CD123 de M. Philippe Lottiaux, CD67 de M. Stéphane Delautrette, CD149 de M. Philippe Lottiaux, CD53 de M. Pierre Cordier et CD75 de M. Bertrand Sorre tombent.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

 

Après l’article 13

Amendement CD42 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit de remplacer l’obligation de renaturation par une obligation de désimperméabilisation ou de végétalisation. En effet, la renaturation, au sens de l’article L. 101‑2‑1 du code de l’urbanisme, est une opération complexe et coûteuse. Elle est punitive pour des départements comme la Corrèze qui ont su protéger leur environnement. Je ne sais pas comment les communes feront pour mener à bien des renaturations.

Je propose donc un assouplissement.

M. Lionel Causse, rapporteur pour avis. Les actions de désimperméabilisation et de végétalisation font partie des actions de renaturation. Le décret relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols précisera la nomenclature. En particulier, les surfaces végétalisées à usage de parc ou jardin public, quel que soit le type de couvert, pourront être considérées comme non artificialisées. Votre amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CD40 de M. Francis Dubois

M. Francis Dubois (LR). Il s’agit d’une demande de rapport au sujet du problème posé par l’amendement précédent. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

*

*     *

 

 

 

 


—  1  —

   liste des personnes auditionnÉES par le rapporteur
de la commission des affaires Économiques

(par ordre chronologique)

 

 

Table ronde :

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité

M. Guy Geoffroy, vice-président de l’AMF, maire de Combs-la-Ville et président des maires de Seine-et-Marne

Association des maires ruraux de France

M. Sébastien Gouttebel, membre du Bureau de l’AMRF

M. François Descœur, membre du conseil d’administration de l’AMRF

Fédération nationale des agences d’urbanisme

Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale

Mme Zoé Chaloin, chargée de mission urbanisme et université

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale

Mme Françoise Rossignol, première vice-présidente de la Fédération nationale des SCoT et présidente du SCoT de l’Arrageois

Mme Stella Gass, directrice

Intercommunalités de France

M. Sébastien Miossec, président

Mme Carole Ropars, responsable du pôle aménagement

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Régions de France

Mme Laurence Fortin, vice-présidente du conseil régional de Bretagne

Table ronde :

Fondation pour la nature et l’homme *

M. Rémi Guidoum, responsable biodiversité

France Nature Environnement *

M. Michel Jacod, membre du réseau Territoires et mobilités durables

Humanité et Biodiversité *

M. Étienne Jaunin, chargé de mission transition écologique et biodiversité

Ligue pour la protection des oiseaux *

M. Tanguy Borgarelli, responsable de projets Nature En Ville

Notre affaire à tous *

Mme Céline Le Phat Vinh, juriste Recours locaux

Table ronde :

Chambres d’agriculture France

M. François Beaupere, vice-président

Coordination rurale *

M. Max Bauer, secrétaire général

Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

Mme Muriel Gozal, directrice de la FNSafer

M. Gilles Flandin, secrétaire général de la FNSafer

M. Pierre Marcille, président de la Safer Île-de-France

Mme Sabine Agofroy, chargée des relations publiques et internationales

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles *

M. Bertrand Lapalus, administrateur de la FNSEA

M. Xavier Jamet, responsable des Affaires publiques

M. Romain Rousselot, chargé de mission Politiques Foncières

Jeunes agriculteurs *

M. Maxime Buizard-Blondeau, membre du conseil d’administration

Mme Mathilde Roby, responsable du service économique et international

 

 

 

 

Table ronde :

Fédération française du bâtiment *

M. Jonathan Prévereaud, vice-président à l’aménagement du pôle habitat

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

M. Yann Le Corfec, délégué national à l’aménagement et au foncier du pôle habitat

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

M. Stéphane Chenuet, chef du service urbanisme

Mme Léa Lignères, chargée d’études

Fédération nationale des travaux publics *

M. Julien Guez, directeur général

Mme Sophie Cahen, directrice Influence

Mme Camille Roux, directrice des affaires juridiques

M. Stéphane Rutard, directeur développement durable

Fédération française des constructeurs de maisons individuelles *

M. Olivier Burot, administrateur

Fédération des promoteurs immobiliers *

M. Didier Bellier-Ganière, délégué général

Mme Bérengère Joly, directrice juridique

Audition commune :

Action Logement Groupe

Mme Nadia Bouyer, directrice générale

Union sociale pour l’habitat *

Mme Raphaële d’Armancourt, directrice adjointe en charge du pôle des politiques territoriales et urbaines

M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

Audition commune :

Société du Canal Seine-Nord Europe

M. Jérôme Dezobry, président du directoire

SNCF Réseau

Mme Isabelle Hazard, directrice juridique et de la conformité

M. Yann Freson, adjoint du directeur délégué à la stratégie du Réseau

Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire du groupe SNCF

Société du Grand Paris

M. Frédéric Brédillot, membre du directoire

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. François Adam, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur à l’aménagement durable

M. Vincent Montrieux, sous-directeur à la qualité du cadre de vie

Audition commune :

France urbaine

M. Philippe Angotti, délégué adjoint

Mme Sarah Bou Sader, conseillère relations parlementaires

Grand Paris Aménagement

M. Jean-Philippe Dugoin-Clément, président

M. Stéphan De Faÿ, directeur général

M. Jean-Baptiste Corteel, directeur de cabinet

Réseau national des établissements publics fonciers de l’État

Mme Sophie Lafenêtre, directrice générale de l’établissement public foncier d’Occitanie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


   liste des CONTRIBUTIONS ÉCRITES reçues
par le rapporteur de la commission des affaires Économiques

(par ordre alphabétique)

 

 

M. Philippe Dehan, professeur des universités

M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet, chargé de la mission interministérielle de mobilisation pour le foncier industriel

Aix Marseille Provence Métropole

Assemblée des départements de France

Association des toitures et façades végétales (Adivet) *

Association française de l’immobilier logistique (Afilog) *

Association nationale des établissements publics fonciers locaux

Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema)

Chambres d’agriculture France

Conseil national de l’Ordre des architectes

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (MTECT/DGALN/DHUP)

Électricité de France

Fédération des élus des entreprises publiques locales

Fédération des promoteurs immobiliers *

Fédération des sociétés anonymes d’Hlm *

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale

Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles *

Fédération nationale des travaux publics *

Fondation de la nature et de l’homme *

France Industrie *

France Logistique *

France Nature Environnement *

France urbaine

Institut national de l’information géographique et forestière (IGN)

Intercommunalités de France (AdCF)

Mouvement des entreprises de France *

Régions de France

Société du Canal Seine‑Nord Europe

Société du Grand Paris

Syndicat des énergies renouvelables *

Transport et Logistique France *

Union nationale des entreprises de valorisation *

Union sociale pour l’habitat *

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

.

 


  1  

   Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur pour avis de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

(par ordre chronologique)

Table ronde de représentants des collectivités locales :

Régions de France

Mme Laurence Rouède, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle‑Aquitaine

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, président de l’agglomération du Bassin de Bourg-en-Bresse et membre de l’AMF

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (SCoT) *

M. Pascal Delteil, vice-président de la Fédération nationale des SCoT, président du SCoT du Bergeracois, animateur de la conférence des SCoT de Nouvelle‑Aquitaine

Mme Stella Gass, directrice

Audition conjointe :

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema)

M. Pascal Berteaud, directeur général

Mme Annabelle Ferry, directrice « Territoires et ville »

Fédération nationale des agences d’urbanisme *

Mme Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale

Mme Zoé Chaloin, chargée de mission « Urbanisme et université »

Audition conjointe :

France Nature Environnement *

M. Michel Jacod, membre du réseau « Territoires et mobilités durables »

Fondation pour la nature et l’homme *

M. Rémi Guidoum, responsable « Biodiversité »

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


  1  

   ANNEXE 1
TEXTES MODIFIÉS À L’occasion de l’examen de la présente proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéros d' article

1er

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

Code de l’urbanisme

Article L. 132-14

3

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

4

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

Code de l’urbanisme

Article L. 141-8

7

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

10

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

Code général des collectivités territoriales

Article L. 4433-7

12

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

13

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 194

14

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Article 207

 

 


([1]) Proposition de loi du 14 février 2023 visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols (n° 854).

([2]) https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/

([3]) Les groupements concernés sont les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la métropole de Lyon, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, les syndicats mixtes ou pôles d’équilibre territorial et rural porteurs de schémas de cohérence territoriale.

([4]) Documents tenant lieu de Sraddet pour l’application de l’article 194 : plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc), schémas d’aménagement régional (SAR) des régions d’outre‑mer, schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif).

([5]) Article 114 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (« 3DS »), résultant de l’adoption d’amendements identiques n° 3223 du groupe La République en Marche et n° 3338 du Gouvernement. Cette évolution a également permis de préciser les modalités de désignation des deux représentants, au sein de ces conférences régionales, des groupements et communes non couverts par un SCoT arrêté, qui sont respectivement nommés par les présidents d’Intercommunalités de France (AdCF) et de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

([6]) Sénat, présentation des travaux de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette » (ZAN), 14 décembre 2022.

([7]) Tel que le dispose l’article L.4251-7 du code général des collectivités territoriales issu de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

([8]) Ces lois ont notamment confié aux Sraddet le soin de définir des objectifs ou stratégies régionales dans un nombre important de domaines tels que les énergies renouvelables, la planification logistique ou encore les infrastructures aéroportuaires.

([9]) Les Sraddet sont composés d’un rapport d’objectifs, qui s’impose avec un lien de prise en compte aux documents infrarégionaux et, d’un fascicule de règles générales, qui s’imposent avec un lien de compatibilité. Ces règles sont prévues pour contribuer à l’atteinte des objectifs.

([10]) Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Sraddet.

([11]) Communiqué de presse de la commission des affaires économiques du Sénat, 14 mars 2022.

([12]) Communiqué de presse de l’AMF, 22 juin 2022.

([13]) Conseil d’État, Assemblée, 28 juin 2004, n° 256511.

([14]) Projet de décret relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, en consultation du 13/06/2023 au 04/07/2023.

([15]) Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, rapport d’information n° 749 sur la mise en application de la loi n° 2021-1104, 18 janvier 2023, déposé par Mmes Florence Goulet et Sandra Marsaud.

([16]) Si le décompte de l’artificialisation ne connaît pas d’exception, il n’en va pas de même du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) qui prévaut pour la période décennale s’étendant de 2021 à 2031. Elle concerne les installations de production d’énergie photovoltaïque dès lors que celles-ci répondent à une double condition : ne pas affecter durablement les fonctionnalités écologiques des sols ; ne pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain d’implantation. Cette exception a été justifiée par un souci de mieux mettre en cohérence le décompte de l’artificialisation et celui de la consommation des espaces NAF. En effet, là où les panneaux solaires sont consommateurs d’espaces, ils n’artificialisent pas pour autant les sols au sens de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, dès lors qu’ils n’affectent pas durablement leurs fonctionnalités écologiques.

 

([17]) Exposé sommaire de l’amendement COM-67 du rapporteur.

([18]) Cette procédure peu claire est apparue dans la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, et a ensuite été intégrée à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et précisée par deux décrets du 9 juin 2004 et du 22 mars 2010.

([19]) Article L. 5312-1 du code des transports.

([20]) Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Sraddet : article R. 4251-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales.

([21]) L’appréciation de l’occupation des sols est réalisée à l’échelle de polygones en fonction de seuils de référence, à définir par un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme et révisés autant que de besoin en fonction de l’évolution des standards du Conseil national de l’information géographique (CNIG).

 

([22]) Note de présentation du décret relatif à la définition et la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

([23]) Réseau Action Climat, « Pour une proposition de loi " zéro artificialisation nette " à la hauteur des enjeux », janvier 2023.

([24]) Cerema, « Connaissance du trait de côte, évaluation prospective des enjeux affectés par le recul du trait de côte », 2020.

([25]) Créé par la loi dite « Elan », le projet partenarial d’aménagement (PPA) est un outil contractuel entre l’État et une ou plusieurs communes ou intercommunalités, ainsi que leur établissement public. Les parties prenantes s’engagent sur les aspects opérationnels et financiers d’une opération d’aménagement. Les « PPA trait de côte » ont été introduits par la loi « Climat et résilience » afin de permettre des opérations de relocalisation d’activités et de biens.

([26]) La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.

([27]) Rapport d’information n° 5033 de l’Assemblée nationale fait au nom de la délégation aux outre-mer sur l’habitat en outre-mer, février 2022.

([28]) Introduit par l’article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

([29]) Projet de décret relatif au rapport local de suivi de l’artificialisation des sols, 4 mars 2022, avec son rapport de présentation.

([30]) Projet de décret relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols, 13 juin 2023 et son rapport de présentation.

([31]) Article L. 211-1 du code de l’urbanisme.

([32]) Sont visés au 6° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme : « la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ».

([33]) L’article L. 213-3 du code de l’urbanisme prévoit que le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l’État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement.

([34]) Les biens et droits soumis au droit de préemption de droit commun sont ceux mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 213-1 et aux articles L. 213-1-1 et L. 213-1-2 du code de l’urbanisme.

([35]) L’article L. 424-1 du code de l’urbanisme prévoit que le sursis à statuer ne peut excéder deux ans.

([36]) La consommation d’espaces est définie par l’article 194 de la loi « Climat-Résilience » comme « la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné ».

([37]) La zone d’aménagement concerté est une opération d’urbanisme, initiée par une personne publique, permettant à une collectivité ou un établissement public de réaliser l’aménagement et l’équipement de terrains bâtis ou non bâtis (articles L. 311-1 et suivants du code de l’urbanisme).

([38]) Les grandes opérations d’urbanisme sont des opérations d’aménagement prévues par un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA) et dont la réalisation requiert un engament conjoint de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’une établissement public cocontractant (articles L. 312-3 à L. 312-7 du code de l’urbanisme).

([39]) L’opération d’intérêt national est une opération d’aménagement qui nécessite l’engagement de l’État et fait l’objet d’une qualification par décret en Conseil d’État (articles L. 102-12 à L. 102-15 du code de l’urbanisme).

([40]) https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/suivi-consommation-espaces-naf