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N° 2298

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME IX

ÉCONOMIE

ENTREPRISES

PAR M. Rémi Delatte

Député

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 20).


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. PrÉsentation des PRINCIPALES dispositions financiÈres relatives aux entreprises DU PROGRAMME 134

A. leS évolutions de crédits du programme 134 TRADUISENT UNE FORME DE Désengagement de létat sur les questions de soutien et daccompagnement aux entreprises

1. La maquette budgétaire nassure pas la bonne lisibilité de largent public consacré aux entreprises

a. Une maquette insatisfaisante

b. Les transferts de crédits

2. Une hausse trompeuse des crédits du programme 134

a. Hors dispositif de compensation carbone, les crédits du programme 134 sont une nouvelle fois à la baisse

b. Le détail de lévolution des dépenses par titres

c. Le détail de lévolution des dépenses par actions

i. Action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique »

ii. Action  7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire »

iii. Action n° 8 « Expertise, conseil et inspection »

iv. Action n° 23 « Industrie et services »

v. Action 15 « Mise en œuvre du droit de la concurrence » et n° 24 « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur »

vi. Action n° 22 « Contrats à impact social »

B. des dÉpenses fiscales Éparses et des dÉcisions sectorielles contestables

II. redynamiser lÉconomie de proximitÉ

A. les difficultÉS DE LÉconomie de proximitÉ et le risque de dévitalisation commerciale

B. lACTION EN FAVEUR DE LA revitalisation commerciale : des discours qui peinent À se traduire en acteS

1. La suppression de plusieurs dispositifs emblématiques

2. De nouveaux outils pour la revitalisation des territoires qui nont pas encore fait leurs preuves

a. Les opérations de revitalisation territoriale (ORT) et le programme « Action Cœur de ville » : de bonnes intentions qui peinent à convaincre sur le terrain

b. Les articles 47 et 48 du PLF 2020 : un dispositif à la portée opérationnelle qui paraît très limitée

3. LAgence nationale de cohésion des territoires (ANCT), une opportunité à saisir

a. Une réforme louable dans son principe, mais dont les conditions de mises en œuvre restent aujourdhui très floues, en particulier sur le volet « économique »

i. La reprise et lélargissement des missions de lÉtablissement public national daménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA)

ii. Repenser le pilotage de laction en matière de revitalisation commerciale et artisanale

C. DES LEVIERS POUR MIEUX SOUTENIR LES Métiers de lartisanat et du commerce de proximité

1. Faire de la formation un axe damélioration

a. Garantir le bon fonctionnement du Fonds dassurance formation des chefs dentreprise artisanale (FAFCEA) pour les années à venir

b. Rétablir le stage de préparation à linstallation, ou un dispositif équivalent

2. Des attentes importantes concernant le plan en faveur du commerce et de lartisanat annoncé par le Gouvernement

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées


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   Introduction

 

Cette année encore, les efforts consentis par lÉtat pour encourager la compétitivité de nos entreprises et la vitalité économique de nos territoires reculent. La plupart des dispositifs de soutien existants baissent ou sont supprimés de la maquette budgétaire. Ce mouvement témoigne d’un désengagement préoccupant de lÉtat sur ces sujets pourtant essentiels pour la croissance et lemploi dans les territoires.

Dans la première partie de son avis, votre rapporteur analyse les crédits du programme 134. Avec 1,03 milliard d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE) et 1,05 Md€ en crédits de paiement (CP), le montant total du programme 134 enregistre une progression mesurée par rapport à l’année précédente. Toutefois, cette hausse traduit uniquement la montée en puissance du dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro-intensives soumises à la concurrence, dont la dotation dépend de l’évolution du marché des quotas d’émissions carbone. En dehors de cette augmentation, la quasi-totalité des dispositifs sont soumis à des coupes budgétaires, alors que l’année précédente avait déjà été marquée par la suppression de deux lignes essentielles pour le soutien aux entreprises de proximité, à savoir la dotation budgétaire pour soutenir l’activité de garantie de Bpifrance et la suppression du fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC).

Pour ces raisons, lavis de votre rapporteur sur les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne les entreprises et plus particulièrement le programme 134, est donc défavorable.

Dans la seconde partie de son avis, votre rapporteur a souhaité porter son attention sur la question du soutien à léconomie de proximité. La dévitalisation commerciale et artisanale des territoires fait l’objet de préoccupations croissantes de la part de nos concitoyens. Le législateur s’est également saisi de cet enjeu au travers de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN). Ce nouveau cadre peine pour l’heure à produire des effets positifs concrets sur le terrain. En outre, et alors même que la lutte contre la fracture territoriale et la revitalisation des centres-villes sont affichées comme des priorités politiques, lÉtat se retire de certains dispositifs stratégiques dans les territoires.

Dans ce contexte, votre rapporteur invite à ne pas faire de la création de lAgence nationale de la cohésion des territoires une occasion manquée. La mise en place de cette nouvelle agence doit être saisie comme une opportunité pour repenser l’efficacité des actions menées pour revitaliser l’économie de proximité.


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I.   PrÉsentation des PRINCIPALES dispositions financiÈres relatives aux entreprises DU PROGRAMME 134

A.   leS évolutions de crédits du programme 134 TRADUISENT UNE FORME DE Désengagement de l’état sur les questions de soutien et d’accompagnement aux entreprises

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » figure au sein de la mission « Économie ». Ce programme comporte dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) des crédits à hauteur de 1,033 Md€ en AE et de 1,047 Md€ en CP. Les politiques publiques inscrites sur le programme 134 visent selon les objectifs fixés par le Gouvernement à développer la compétitivité des entreprises et à assurer la régulation des marchés. Outre une maquette loin d’être satisfaisante, le programme 134 est également marqué depuis plusieurs années par une diminution de crédits qui traduit le recul de l’État dans un champ de l’action publique pourtant stratégique en matière de croissance et d’emploi.

1.   La maquette budgétaire n’assure pas la bonne lisibilité de l’argent public consacré aux entreprises

a.   Une maquette insatisfaisante

Les crédits du programme 134 sont pilotés par trois directions du ministère de l’économie et des finances, à savoir, la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et la direction générale du Trésor (DGT). Ils financent également de nombreux opérateurs et autorités administratives indépendantes. À travers ces crédits, l’État met en place un certain nombre de dispositifs de soutien aux entreprises, qui ont vu leur périmètre se rétrécir considérablement au cours des dernières années.

Contrairement à l’année précédente, marquée par de profonds bouleversements et la suppression de plusieurs actions significatives, la maquette du programme 134 reste globalement stable cette année. Elle est toutefois loin dêtre satisfaisante. Le programme 134 ne permet pas d’appréhender l’ensemble des dépenses publiques faites en faveur des entreprises, ce qui ne va pas sans poser des difficultés en matière de lisibilité et de transparence budgétaire. En effet, certains organismes fonctionnent essentiellement par laffectation de taxes. C’est le cas du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI), du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), des centres techniques industriels (CTI) et comités professionnels de développement économique (CPDE). En outre, de nombreux dispositifs de soutien aux entreprises sont aujourdhui débudgétisés, car gérés directement par des opérateurs publics au premier rang desquels Bpifrance. Enfin, des crédits budgétaires de soutien à l’innovation, qui bénéficient pourtant directement à la compétitivité des entreprises, ne figurent pas dans le programme 134 mais dans le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Cet éparpillement des crédits est regrettable, à la fois au regard de l’objectif de la bonne lisibilité des crédits qui garantit l’efficacité du contrôle parlementaire, mais également au regard de l’objectif de performance de l’action publique.

b.   Les transferts de crédits

Le programme 134 est marqué par un certain nombre de transferts de crédits qu’il convient de répertorier brièvement.

Dune part, le programme 134 enregistre un certain nombre de transferts entrants, dont notamment les crédits consacrés à la gouvernance des pôles de compétitivité (pour 3,53 M€), les crédits consacrés au financement des actions de communication de la « French tech » ([1]) (pour 80 000 €), les crédits correspondant à la masse salariale de 12 agents d’Atout France ([2]) (pour 1,50 M€) et les crédits alloués à la modernisation de la distribution de la presse ([3]) (pour 225 000 €).

Dautre part, le programme 134 compte également un certain nombre de transferts sortants. Le principal transfert est lié à la mise en place de lAgence nationale de cohésion des territoires (lANCT). Cette agence doit assurer le regroupement sous un même établissement public des missions aujourd’hui remplies par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), et l’Agence du numérique. Les crédits de personnels de l’Agence du numérique (1,97 M€) ([4]) et les crédits de l’EPARECA (5,80 M€) sont en conséquence transférés au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ». D’autres transferts plus subsidiaires sont également mis en œuvre, avec notamment la contribution de la DGGCRF à la création des secrétariats généraux communs (2,34 M€).

2.   Une hausse trompeuse des crédits du programme 134

a.   Hors dispositif de compensation carbone, les crédits du programme 134 sont une nouvelle fois à la baisse

Les crédits du programme 134 « développement des entreprises et régulation » marquent en apparence une hausse importante des crédits en comparaison avec lannée précédente. Le PLF 2020 prévoit en effet une dotation du programme 134 de 1,03 Md€ en AE et de 1,05 Md€ en CP, contre respectivement 898,24 M€ en AE et de 912,27 M€ ouverts en loi de finances pour 2019, soit une hausse de 15,1 % en AE et de 14,8 % en CP.

Toutefois, cette évolution reflète essentiellement la hausse du dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro-intensives, qui figure dans laction n° 23 « Industrie et service ».               Il s’agit là d’une hausse mécanique, qui traduit l’évolution du marché des systèmes déchange de quotas démissions, comme explicité ci-après dans lanalyse des crédits action par action.

Le dispositif de compensation carbone mis de côté, les crédits du programme 134 enregistrent en réalité une nouvelle baisse puisqu’ils passent de 791,50 M€ en AE et de 805,6 M€ en CP à 754,60 M€ en AE et 768 M€ en CP ([5]). En loi de finances pour 2019, le programme 134 avait déjà souffert de baisses importantes de crédits, de l’ordre de 13,2 % en AE et de 7,8 % en CP.

Votre rapporteur note avec inquiétude que le programme 134 semble se vider dannée en année. Avec la mise en extinction du fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC) et la fin de la dotation budgétaire versée à Bpifrance au titre de son activité de garantie ([6]), la précédente loi de finances a entériné la suppression de deux lignes budgétaires particulièrement utiles pour les entreprises présentes sur les territoires. Votre rapporteur a déposé en ce sens deux amendements de crédits pour rétablir ces lignes.

Cette année, l’État se désengage du soutien apporté aux métiers d’art et aux centres techniques et industriels (CTI). Le devenir du soutien budgétaire apporté aux pôles de compétitivité est incertain. Les crédits consacrés au financement de l’EPARECA sont transférés au programme 112. L’effort budgétaire consenti en faveur de l’aide aux entreprises de soutien à l’export diminue également. Le programme 134 est aussi concerné par des restrictions fortes sur l’emploi public, avec un schéma de réduction qui équivaut à une suppression de 155 équivalents temps plein (ETP).

Certaines des restrictions budgétaires sont présentées comme étant la conséquence logique de la décentralisation. Le programme 134 est ainsi marqué par la baisse des moyens alloués aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), recentrées sur un périmètre d’action plus restreint, dans le but d’éviter les doublons avec les actions mises en place par les régions. Le Gouvernement affiche ainsi un objectif de recentrage des missions, sans pour autant assurer le transfert des crédits correspondants aux collectivités territoriales. Si l’effort de rationalisation de la dépense publique est une démarche louable, la décentralisation ne saurait être utilisée comme un « cache misère » de la baisse des moyens de lÉtat. Votre rapporteur rappelle que le transfert de compétences doit s’accompagner de transferts de ressources, comme le prévoit l’article 72 de la Constitution.

b.   Le détail de l’évolution des dépenses par titres

Comme en 2019, les dépenses de fonctionnement diminuent. Elles représentent 212,139 M€ en AE et 216,90 M€ en CP, soit une baisse de l’ordre de 3 %.

Les dépenses de personnel sont également revues à la baisse, avec 300 000 € (AE = CP) contre 500 000 € en LFI 2019.

Seules les dépenses dintervention augmentent sensiblement en AE comme en CP, en passant de 287,69 M€ AE et 298,23 M€ CP en loi de finances pour 2019 à 432,94 M€ AE et 445,71 M€ CP en 2020, soit une augmentation respective de 52,23 % et de 49,79 %. Cette augmentation est principalement liée à la hausse des crédits consacrés à la compensation carbone des entreprises électro‑intensives.

Comme en 2019, les dépenses de personnel poursuivent une trajectoire à la baisse. Elles représentent 383,52 M€ (AE = CP) en 2020 contre 389,43 M€ en loi de finances pour 2019, soit une baisse de 1,2 %.

Le plafond demploi du programme sélève dans le PLF 2020 à 4610 équivalents temps plein (ETP), contre 4802 en 2019, soit une baisse de 192 ETP.

Celle-ci s’explique en partie seulement par les transferts des personnels de l’Agence du numérique et de l’EPARECA précédemment décrits (78 ETP résultent de mesure de transferts). Le schéma demploi prévoit une baisse de 155 ETP ([7]), qui s’explique principalement par la réforme profonde de la DGE. La DGCCRF est également concernée par un plan stratégique de transformation (2020-2025), qui vise à recentrer ses missions. Le schéma demploi doit générer 5,2 M€ déconomie en 2020. Les missions des DIRECCTE sont recentrées en 2019 sur un nombre restreint de priorités.

Il s’agit là de coupes substantielles, qui interrogent votre rapporteur sur les capacités des administrations concernées à remplir efficacement les missions qui leur incombent.

c.   Le détail de l’évolution des dépenses par actions

Les crédits du programme 134 se répartissent en 8 actions distinctes, détaillées ci-dessous.

i.   Action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique »

Laction 4 « développement des postes, des télécommunications et du numérique » couvre 16,4 % du total des crédits budgétaires du programme 134. Elle comporte pour 2020 des crédits à hauteur de 167,95 M€ en AE et 167,95 M€ en CP, contre 176,4 M€ en AE et 181,38 M€ en CP ouverts en loi de finances pour 2019. Les crédits enregistrent donc une baisse de 4,79 % en AE et de 7,41 % en CP ([8]).

Cette action permet notamment le financement de la plateforme « francenum.gouv.fr », initiative pilotée par la DGE à destination des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Cette plateforme s’accompagne de la mise en place d’un réseau d’experts du numérique sur l’ensemble du territoire national. Elle doit également permettre la création de nouveaux contenus de sensibilisation et de formation, ainsi qu’un dispositif de mentorat entre TPE, afin d’encourager  la transformation numérique. 0,7 M€ en AE et CP sont consacrés au financement de ce dispositif.

ii.   Action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire »

L’action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire », représente 13,9 % du programme 134. Ces crédits passent de 149,93 M€ (AE = CP) ouverts en 2019 à 143,79 M€ (AE = CP) prévus dans le PLF 2020, soit une baisse de 4,09 %.

L’action n° 7 permet le financement de plusieurs dispositifs de soutien pour l’internationalisation des entreprises, avec des dotations pour Business France, Bpifrance assurance export, et le financement d’événements internationaux de promotion de l’économie française à l’international. Une réforme globale du service public à l’export a été engagée l’année précédente autour du projet « Team France export », l’objectif étant de rapprocher les différents services publics existants dans une logique de guichet unique.

La baisse des crédits de cette action s’explique principalement par la fin de la présidence française du G7 et par la réduction des moyens apportés à Business France, opérateur chargé du soutien à l’internationalisation des entreprises françaises, via le soutien du dispositif de volontariat international en entreprise (VIE), du développement de projets d’investissements étrangers, et de la mise en place d’actions de promotion de l’image économique de la France. La subvention pour charges de service public accordée dans le cadre du programme 134 à Business France poursuit en effet une diminution entamée depuis plusieurs années. Elle représente selon le projet annuel de performance 90,12 M€ contre 92,6 M€ prévus dans le bleu budgétaire de l’année précédente ([9]).

Votre rapporteur considère que la contraction des moyens dévolus à Business France est particulièrement malvenue, dans un contexte où la France peine à combler son déficit extérieur.

iii.   Action n° 8 « Expertise, conseil et inspection »

Laction n° 8 « Expertise, conseil et inspection », couvre 1,7 % du programme 134. Cette action a pour objet d’assurer le financement du conseil général de l’économie de l’industrie, chargé d’éclairer les décideurs publics par des avis et des recommandations émis dans le champ des politiques économiques et industrielles. Avec 18,80 M€ (AE = CP), les crédits baissent de 4,1 %. Il est regrettable que cette baisse ne soit pas expliquée dans l’annexe budgétaire.

iv.   Action n° 23 « Industrie et services »

La dotation de laction n° 23 « Industrie et services » augmente sensiblement dans le PLF 2020, en raison de lévolution des crédits consacrés à la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives exposées à la concurrence.

Les crédits s’élèvent dans le cadre du présent PLF à 435,26 M€ en AE et 444, 93 M€ en CP, alors que les montants ouverts lors de la précédente loi de finances prévoyaient 278,75 M€ en AE et 286,47 M€ en CP, soit une augmentation de 56,15 % en AE et de 55,32 % en CP. L’action n° 23 représente désormais 42,1 % du total des crédits du programme, contre 31,4 % lors du précédent PLF.

Les crédits consacrés aux dispositifs de compensation carbone représentent pour lannée 2019 279,4 M en AE et en CP contre 106,7 M lannée précédente. Ce dispositif d’accompagnement, mis en place depuis 2014, permet de compenser le coût des quotas carbone liés à la production de l’électricité qu’utilisent les industries électro-intensives, dont l’activité est délocalisable et soumise à une concurrence internationale. Ces coûts indirects sont compensés à hauteur de 80 %, conformément au plafond fixé par la Commission européenne. Le montant de la compensation carbone est directement lié à la consommation dénergie des bénéficiaires ainsi quà la moyenne annuelle du prix de marché du quota carbone. Or, le quota a connu une très forte augmentation en 2018 passant de 8 € la tonne en janvier à plus de 25 € la tonne en fin d’année. La compensation des coûts indirects 2019 versée en 2020 est évaluée à 279,80 M€ avec un prix de marché 2018 du quota carbone à 16,15 € par tonne.

Le dispositif de compensation carbone mis à part, les crédits de l’action n° 23 marquent plutôt une tendance à la baisse. Votre rapporteur regrette particulièrement les évolutions suivantes :

 

 la poursuite de la gestion extinctive du FISAC : amorcée en 2018, la gestion extinctive se poursuit dans le cadre du présent PLF. Aucun crédit nest prévu en AE, tandis que les crédits en CP représentent 2,80 M€ pour les engagements contractés les années précédentes. Votre rapporteur déplore vivement la suppression du FISAC (cf. la seconde partie du présent rapport), et a déposé un amendement de crédits visant à rétablir le fonds dans les montants de 2018, soit 14 M€ en AE et 5 M€ en CP ;

– La ligne visant les « Actions du développement des PME », avec des crédits estimés à 2,25 M€ en AE et CP est supprimée de la maquette. Cette suppression signe le désengagement de lÉtat en matière de soutien aux métiers dart. Les métiers d’art, reconnus par le législateur à l’occasion de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, participent au rayonnement économique, culturel et touristique français, et représentent en France 60 000 entreprises, 120 000 emplois, et 15 milliards d’euros ([10]). La ligne « Actions du développement des PME » contribuait au financement de l’Institut supérieur des métiers (ISM) et de l’Institut national des métiers d’art (INMA). Il abondait également le label « Entreprises du patrimoine vivant ». À la suite des précisions demandées par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué vouloir « rationaliser et rendre plus efficace la politique de formation et daccompagnement aux métiers dart ». Dans le cadre de cette réforme, l’INMA absorbera les fonctions de l’ISM, avec pour objectif que cet institut devienne l’organisme de référence pour les métiers d’art et du patrimoine vivant. Votre rapporteur estime que ce rapprochement, d’ailleurs préconisé dans le rapport des députés MM. Philippe Huppé et Raphaël Gérard « France métiers d’excellence », est une démarche positive, qui va dans le sens de la simplification. Toutefois, la suppression de la dotation et l’objectif d’un financement sur ressources propres pour 2022([11]) interrogent votre rapporteur, qui déplore le retrait de l’État de la politique de soutien à la formation aux métiers d’art, alors même que le rapport précité appelait à une nouvelle impulsion politique en la matière. Ce désengagement se traduit également par le non‑renouvellement du crédit d’impôt en faveur des métiers (CIMA) en 2020 ([12]) ;

– Votre rapporteur considère en outre que le Gouvernement devrait clarifier ses intentions sur lavenir des pôles de compétitivité. Le PLF pour 2020 prévoit pour le moment une ligne budgétaire consacrée aux crédits liés à la gouvernance des pôles de compétitivité, dotée de 13,92 M€ en AE et 16,06 M€ en CP. L’année précédente, le soutien à la gouvernance des pôles de compétitivité s’élevait à 14 M€ en AE et CP. Toutefois, les crédits prévus l’année dernière ne comprenaient pas les crédits des programmes 112, 144, et 149 également consacrés aux pôles de compétitivité, et désormais transférés dans le programme 134 pour un montant total de 3,53 M€ (AE = CP). Votre rapporteur note donc une légère baisse de ces crédits, alors que le rapport rendu par la commission des finances dans le cadre du printemps de l’évaluation ([13])  faisait déjà état d’une budgétisation potentiellement insuffisante de ces dispositifs.

Les pôles de compétitivité ont désormais entamé leur phase IV. En février 2019, 56 pôles ont été labellisés (48 pôles pour quatre ans et 8 autres pour un an ([14])). Aujourdhui, ladministration centrale de lÉtat assure le secrétariat de ces pôles, tandis que la mise en œuvre opérationnelle est largement assurée par les acteurs locaux et notamment les régions. Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15ème congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits aux régions dès 2020. Force est de constater que ce transfert nest pour le moment pas effectif pour ce qui concerne les crédits du programme 134. Votre rapporteur appelle à une clarification de la part du Gouvernement concernant le calendrier de cette réforme, et souligne que le transfert complet des pôles de compétitivité aux régions doit s’accompagner des transferts financiers compensatoires nécessaires ;

 Les centres techniques industriels (CTI) et organismes assimilés voient leur dotation baisser, avec une ligne budgétaire abondée à hauteur de 7,85 millions deuros dans le cadre du PLF 2020, soit une diminution de l’ordre de 1,1 million d’euros par rapport à l’année précédente. Ces dotations budgétaires n’assurent toutefois qu’une faible partie du financement des centres, majoritairement financés par un mécanisme de taxe affectée. Selon les informations fournies dans l’annexe budgétaire, et en lien avec les recommandations du rapport « CattelotGrandjean-Tolo », rendu en juin 2019 ([15]), un abandon des dotations budgétaires est prévu à compter de 2021, avec un financement reposant sur le principe d’une ressource affectée.

v.   Action n° 15 « Mise en œuvre du droit de la concurrence » et n° 24 « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur »

– Laction n° 15 assure le fonctionnement de lAutorité de la concurrence, autorité administrative indépendante chargée de veiller au fonctionnement concurrentiel des marchés par ses actions de contrôles et d’expertises. Les crédits qui lui sont alloués augmentent légèrement et s’élèvent à 21,75 M€ en AE et 23,05 M€ en CP.

– Laction n° 24 correspond principalement au financement des activités de la DGCCRF, qui visent à assurer le respect des règles de concurrence, à fournir aux consommateurs la garantie d’une information claire et loyale et à garantir la sécurité physique et la santé des consommateurs. Comme l’année précédente, les crédits de cette action sont de nouveau à la baisse. Ils représentent dans le cadre du présent PLF, 226,02 M€ en AE et 226,72 M€ en CP, soit une diminution par rapport à l’année précédente de 2,66 % en AE et de 1,70 % en CP. Avec 212,88 M€ inscrits au titre des dépenses de personnels, celles-ci représentent l’essentiel de l’action n° 24. Par ailleurs, le soutien aux mouvements consuméristes baisse de 1 M€.

vi.   Action n° 22 « Contrats à impact social »

L’action n°22 auparavant intitulée « Économie sociale et solidaire », est désormais devenue « Contrats à impact social » (CIS) dans le cadre du nouveau PLF. Elle représente un faible volume de crédits du programme 134 (30 000 euros en AE et 34 377 euros en CP). Votre rapporteur s’interroge sur la pertinence du maintien de cette action au sein du programme 134, dans la mesure où les CIS ont davantage vocation à être financés dans le cadre de l’action n° 14 du programme 159. Pour assurer la lisibilité budgétaire, un transfert de ces crédits vers l’action n° 14 du programme 159 semblerait opportun.

B.    des dÉpenses fiscales Éparses et des dÉcisions sectorielles contestables

Le programme 134 comporte 68 dépenses fiscales rattachées. Les dépenses fiscales rattachées ont représenté 26,9 Md€ en 2019, et le chiffrage estimé pour 2020 est de 16,427 Md€, cette baisse s’expliquant par la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement de charges.

La voie fiscale joue un rôle prépondérant dans le soutien aux entreprises. C’est notamment le cas des taux réduits qui s’appliquent pour le secteur hôtelier et celui de la restauration, des mesures de soutien à la création, à la transmission et à la reprise d’entreprises, et des dispositions pour orienter l’épargne vers le capital-risque. L’on peut toutefois regretter que 20 de ces dépenses fiscales restent non chiffrables, ce qui limite considérablement l’évaluation de la performance et de l’efficacité de ces dépenses publiques.

Le crédit dimpôt en faveur de la compétitivité et lemploi (CICE) constitue toujours dans le cadre du PLF 2020, la première dépense fiscale rattachée au programme 134. Elle devrait s’élever pour 2020 à 9,019 Md€, contre 19,178 Md€ l’année précédente. Cette importante diminution s’explique par la transformation progressive du CICE en allègement de charges pérenne ([16]), actée dans le cadre du précédent PLF. Les 9,019 Md€ inscrits correspondent aux créances de CICE non encore imputées ou remboursées, qui seront imputables sur l’impôt relatif aux trois exercices. Les entreprises qui disposeront d’une ou plusieurs créances de CICE non imputées au 31 décembre 2018 (hors entreprises qui ont d’ores et déjà bénéficié d’un remboursement immédiat de leurs créances), bénéficieront donc d’un effet de trésorerie en 2019, 2020 et 2021.

Par ailleurs, certaines évolutions fiscales contenues dans le cadre du présent PLF, sans être rattachées au programme 134, sont susceptibles davoir des effets néfastes conséquents pour certaines entreprises. Cest particulièrement le cas pour le secteur du bâtiment avec la réforme sur la taxation du gazole non routier (GNR). En effet et à l’exception de certains secteurs, le taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le GNR doit s’accroître progressivement pour rejoindre au 1er janvier 2022 le taux applicable au gazole routier. Cette mesure représente une charge supplémentaire de 215 M€ l’an prochain, et de 900 M€ en 2022. Pour le seul secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), cette mesure devrait impliquer une hausse des coûts de lordre de 428 M€ ([17]). Si le Gouvernement considère que ces coûts seront reportés sur les donneurs d’ordres, les entreprises artisanales du bâtiment ont fait part à votre rapporteur de difficultés importantes craintes et anticipées par les entreprises de ce secteur déjà fortement fragilisé.


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II.   redynamiser l’Économie de proximitÉ

Léconomie de proximité est un secteur qui contribue de façon substantielle au dynamisme et à lattractivité des territoires. Les entreprises artisanales et commerciales de proximité sont soumises à des difficultés croissantes, qui sont à la fois le symptôme et le déclencheur du risque de dévitalisation. Les initiatives et les outils existants pour juguler ce risque manquent d’efficacité et une réflexion d’ampleur sur cette thématique mérite d’être menée.

A.   les difficultÉS DE L’Économie de proximitÉ et le risque de dévitalisation commerciale

Les entreprises qui s’inscrivent dans le cadre de l’économie de proximité sont principalement les entreprises de petites tailles (TPE ou PME), qui œuvrent dans le secteur artisanal et commercial. L’économie de proximité fait aujourd’hui face à des difficultés d’ordre structurel, qui tiennent aux mutations nombreuses que connaît le secteur du commerce ces dernières années. Quil sagisse du développement de la grande distribution en périphérie des villes ou de lessor pris par le commerce en ligne, les changements dans les habitudes de consommation bouleversent les modèles économiques de léconomie de proximité. À titre d’exemple, le chiffre d’affaires du commerce en ligne a été multiplié par huit entre 2005 et 2015. En 2019, le chiffre d’affaires dépasse la barre des 90 Md€ selon la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). Si la vente en ligne peut également constituer un nouveau débouché pour les commerces de proximité, les petites entreprises bénéficient significativement moins que les autres des possibilités offertes par ce canal. Une étude de l’INSEE montre ainsi que les TPE reçoivent plus rarement que les autres des commandes via un site web : seulement 6 % d’entre elles ont effectué des ventes en ligne en 2016 ([18]), contre 17 % pour les entreprises de plus de 10 salariés.

Lensemble de ces difficultés nourrissent le risque de dévitalisation commerciale des centres-villes et des centres-bourgs. Celle-ci est déjà une réalité dans de nombreux territoires, y compris ruraux. Le Gouvernement estime ainsi que plus de « 25 % des habitants en milieu rural vivent dans une commune dépourvue de tout commerce et sont obligés de parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un magasin alimentaire ou une pharmacie » ([19]). Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la « revitalisation commerciale des centres-villes » ([20]), fait le constat d’un taux de vacance commerciale globalement en hausse dans les centres des villes moyennes. Selon, l’institut Procos ([21]), le taux de vacance commerciale dans les centres-villes de France a atteint les 11,9 % en 2018, contre 7,2 % en 2012.

Les pouvoirs publics ont récemment envoyé plusieurs signes positifs en faveur du commerce de proximité, témoignant d’une prise de conscience qu’il convient de saluer. Toutefois, l’action du Gouvernement reste empreinte d’ambiguïtés et de contradictions, et de nombreux dispositifs pourtant salués sur les territoires sont aujourd’hui menacés.

B.   l’ACTION EN FAVEUR DE LA revitalisation commerciale : des discours qui peinent À se traduire en acteS

1.   La suppression de plusieurs dispositifs emblématiques

 

Prévu à l’article L. 750-1-1 du code de commerce et créé par la loi n° 891008 du 31 décembre 1989, le FISAC a vocation à répondre aux menaces pesant sur l’existence des services artisanaux et commerciaux de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales. Concrètement, le FISAC permet de verser des subventions aux collectivités ou aux entreprises ([22]) pour financer des dépenses en faveur de la revitalisation du commerce.

Jusqu’en 2002, le dispositif a fonctionné via la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat (TACA), selon le principe de solidarité entre les petites entreprises commerciales et artisanales et la grande distribution. Ce mécanisme a pris fin en 2003, remplacé par une dotation budgétaire. Le dispositif a ensuite été profondément refondu à l’occasion de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à lartisanat, au commerce et aux très petites entreprises. À cette occasion, une logique d’appel à projet s’est substituée à la logique de guichet qui prévalait. Des priorités thématiques et géographiques préalablement établies permettent de sélectionner les projets. Les opérations privilégiées ces dernières années ont porté sur la question de la revitalisation commerciale et de la transformation numérique des entreprises.

Comme cela a été dit dans la première partie de ce rapport, le Gouvernement a placé depuis la loi de finances pour 2019 le FISAC en gestion extinctive. Cette suppression est largement regrettée par les acteurs de terrain. Les arguments avancés par le Gouvernement ne convainquent pas votre rapporteur :

– la suppression du FISAC correspondrait au recentrage des politiques économiques menées par lÉtat en lien avec la décentralisation, étant entendu que la région est désormais compétente en matière de développement économique. Votre rapporteur tient à rappeler que la suppression du FISAC ne s’est accompagnée d’aucun transfert de fonds équivalent aux régions et considère que si la recherche de la complémentarité entre les actions menées par l’État et les collectivités est louable, l’État doit garder un rôle stratège en matière de soutien à l’économie de proximité ;

– il reviendrait désormais au programme « Action Cœur de ville » (détaillé ci-après) la mission de soutenir l’artisanat et le commerce de proximité dans les zones dévitalisées. Votre rapporteur note que si le programme « Action Cœur de ville » permet effectivement le financement d’actions semblables à celles du FISAC, le périmètre d « Action Cœur de ville » est beaucoup plus restreint et ne se superpose que très partiellement à celui du FISAC.

Créées par la loi du 4 février 1995 dorientation pour laménagement et le développement du territoire, les zones de revitalisation rurale (ZRR) visent à favoriser le développement des entreprises sur les territoires ruraux à travers des mesures fiscales et sociales. Au total, ce sont 17 mesures fiscales, 2 mesures dexonération de charges sociales, 2 mesures de majoration de dotations aux collectivités et 21 autres dispositifs dassouplissement réglementaire qui sont associés à ce dispositif ([23]). Le zonage repose sur un double critère de densité de population et de revenu par habitant ([24]). Aujourdhui, 17 976 communes sont concernées par le classement ZRR, soit environ 50 % des communes françaises.

L’avenir des ZRR fait l’objet d’incertitudes qui inquiètent les acteurs concernés par ce dispositif, comme votre rapporteur a pu le noter à l’occasion des auditions. Les ZRR sont en effet aujourdhui à la « croisée des chemins » ([25]), puisque 4 074 communes doivent sortir du dispositif au 1er juillet 2020, et que l’ensemble des dispositifs d’exonération fiscale ZRR arrivent à échéance au 31 décembre 2020.

Le zonage des ZRR et les mesures financières associées peuvent certainement gagner en lisibilité et en efficacité. Toutefois, envisager la suppression pure et simple de ces dispositifs, souvent plébiscités sur le terrain, sans étude dimpact préalable et sans proposer de solutions alternatives paraît déraisonnable. Votre rapporteur s’associe ici aux craintes exprimées par les sénateurs MM. Bernard Delcros, Mme Frédérique Espagnac et M. Rémy Pointereau qui proposent la prorogation des dispositifs jusqu’au 31 décembre 2021, le temps de réfléchir aux dispositifs alternatifs les plus pertinents. À plus long terme, une réflexion doit être menée pour envisager lavenir du soutien à lactivité économique dans les territoires ruraux.

Par ailleurs et de façon plus indirecte, plusieurs évolutions récentes risquent également de limiter lefficacité de la politique de soutien à la revitalisation artisanale et commerciale :

– le recul des moyens accordés aux réseaux consulaires et particulièrement aux CCI apparaît problématique. Le projet de loi de finances pour 2020 poursuit la réduction des moyens des CCI. L’abaissement progressif du plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) doit conduire à une économie de 400 M€ d’ici 2022. Ces moyens diminuent d’année en année, sans que ces réductions ne s’accompagnent toujours de réforme structurelle pour renforcer l’efficacité de ces réseaux, qui jouent un rôle clé dans l’accompagnement aux entreprises de proximité. À terme, cette logique de rabot sans véritable stratégie risque de conduire à la diminution du nombre d’actions menées par les chambres. Dans la même optique, les DIRECCTE voient également leurs moyens budgétaires se réduire alors quelles constituent un interlocuteur de proximité pour les entreprises implantées localement ;

– la suppression de la dotation publique pour financer lactivité de garantie de Bpifrance pourrait conduire cet opérateur à réduire le nombre de garanties octroyées ou à en augmenter le prix, avec un impact direct pour les petites entreprises, en particulier celles du commerce, de l’artisanat et du secteur touristique qui peuvent aujourd’hui grâce à cet outil emprunter plus facilement auprès des banques pour financer leur projet d’investissement ou pallier des difficultés de trésorerie. Les TPE représentent 60 % du montant total des garanties otroyées par Bpifrance et 90 % des entreprises bénéficiaires.

2.   De nouveaux outils pour la revitalisation des territoires qui n’ont pas encore fait leurs preuves

a.   Les opérations de revitalisation territoriale (ORT) et le programme « Action Cœur de ville » : de bonnes intentions qui peinent à convaincre sur le terrain

Les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ont été créées par la loi  2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de laménagement et du numérique, dite loi « ELAN ». Elles ont pour objectif la mise en place de projets globaux de territoires pour répondre aux problèmes de dévitalisation des centres-villes de taille moyenne. Le dispositif a une vocation généraliste et vise donc à aborder les enjeux de revitalisation commerciale, mais également les problématiques liées à l’habitat, à la mobilité, et aux services publics. Les ORT donnent lieu à la conclusion d’une convention entre l’État, les collectivités impliquées, ainsi que toute personne publique ou privée qui pourrait être concernée par le projet. Au sein du périmètre d’une ORT, des mesures exorbitantes de droit commun peuvent être mises en place pour favoriser le dynamisme du centre-ville, comme notamment des possibilités d’exemption d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC), ou encore un dispositif de moratoire attribué au préfet qui permet de suspendre sous certaines conditions les projets de construction de centres commerciaux en périphérie qui pourraient menacer le dynamisme du centre-ville.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, près de 400 communes portent des projets de conventions d’ORT qui seront signées d’ici la fin de l’année 2019 ou début 2020. Elles concernent pour moitié des projets d’homologation de conventions-cadre « Action Cœur de ville » signées en 2018.

Ce nouvel outil juridique se combine avec le programme « Action cœur de ville », pour lequel 222 centres-villes de villes moyennes ont été sélectionnés. Ce programme apporte une traduction financière à ce renouvellement de l’action publique en faveur de la revitalisation. L’objectif du programme est de mobiliser plus de 5 Md€ sur 5 ans, dont 1,7 Md€ de la Caisse des dépôts et consignations (1 Md€ en fonds propres et 700 M€ en prêts), 1,5 Md€ d’Action Logement et 1,2 Md€ de l’Agence nationale pour le logement (ANAH). Au 30 juin 2019, 4 500 actions ont été financées, pour un montant total de 460 M€ ([26]).

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Si ces outils permettent des avancées louables, votre rapporteur tient à exprimer plusieurs craintes et réserves, qui découlent notamment des propos tenus en audition par les acteurs de terrain :

 les acteurs locaux (collectivités, réseaux consulaires, associations de commerçants) semblent avoir été insuffisamment associés aux conventions. Selon le retour de Régions de France, entendu par votre rapporteur, « le programme « Action Cœur de ville » a été défini sans implication des régions alors quelles sont chef de file du développement économique et soutiennent les projets des villes moyennes. De plus, sur le terrain le programme avance lentement et les résultats suscitent beaucoup de scepticisme quant à la pertinence de ce dispositif » ([27]) ;

– le périmètre des opérations de revitalisation urbaine et du programme « Action Cœur de ville » est trop restreint. À travers ces dispositifs ce sont bien les villes moyennes qui sont visées. Les enjeux relatifs aux petites villes des territoires ruraux ne font pas l’objet de la même mobilisation du côté des pouvoirs publics. Le Gouvernement a annoncé un nouveau programme pour cibler les centres-bourgs, intitulé « Petite ville de demain ». Toutefois, pour l’heure, les moyens de ce futur programme ne sont déterminés et ses contours paraissent encore bien flous ;

– les enjeux de revitalisation économique napparaissent pas prioritaires. Comme cela ressort des informations transmises par le Gouvernement et des auditions menées par votre rapporteur, les actions se sont pour le moment surtout concentrées sur des thématiques de logement et d’aménagement, si bien que les enjeux de revitalisation commerciale semblent relégués au second plan. Selon le Gouvernement, un deuxième volet concernant les problématiques de « commerce et développement économique » doit aujourd’hui s’ouvrir. Ce volet doit permettre le financement d’actions telles que la mise en place d’observatoires, la valorisation des commerces et artisans de centre‑ville, le recrutement de managers de centre-ville (voir infra) ou encore la rénovation de halles. Votre rapporteur note que ces actions sont semblables à celles qui étaient menées grâce au FISAC, sans toutefois, comme cela a déjà été mentionné, que les périmètres du FISAC et du programme « Action Cœur de ville » ne se recoupent pleinement.

b.   Les articles 47 et 48 du PLF 2020 : un dispositif à la portée opérationnelle qui paraît très limitée

L’article 47 du projet de loi de finances ouvre la possibilité pour les collectivités d’exonérer les activités commerciales situées dans des communes rurales isolées de contribution économique territoriale et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Les activités commerciales concernées sont celles exercées par des entreprises de moins de 11 salariés, avec moins de 2 millions de chiffre d’affaires. Les territoires visés sont les communes comptant dix commerces ou moins et non intégrées à une aire urbaine. L’article 48 prévoit le même dispositif pour les activités commerciales situées dans des opérations de revitalisation des territoires (ORT). Il est prévu que ces dispositifs s’appliqueront jusqu’en 2023.

Votre rapporteur considère que la portée de ces dispositions sera largement limitée dans la pratique du fait de leur caractère facultatif. Alors que les collectivités territoriales font déjà état de pressions budgétaires importantes et que les collectivités visées par les dispositifs peuvent, par définition, être soumises à des difficultés budgétaires plus fortes que la moyenne, il est peu probable que les collectivités prennent la décision de se priver de recettes. Votre rapporteur estime que pour avoir une véritable portée, ces exonérations devraient être rendues obligatoires, avec en conséquence une compensation faite par l’État.

3.   L’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), une opportunité à saisir

a.   Une réforme louable dans son principe, mais dont les conditions de mises en œuvre restent aujourd’hui très floues, en particulier sur le volet « économique »

La loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, a été promulguée le 22 juillet 2019. Le décret en Conseil d’État qui précisera les conditions de mise en œuvre de cette réforme et qui permettra son entrée en vigueur devrait être publié au début du mois de novembre ([28]). Nouvel établissement public de l’État, l’ANCT a vocation à s’affirmer comme l’agence unique pour l’action territoriale de l’État. Elle reprend à ce titre les fonctions auparavant exercées par le CGET, l’Agence du numérique, et l’EPARECA. Compétente sur l’ensemble du territoire, ses actions ont vocation à être ciblées, en priorité, sur les territoires en difficulté.

Votre rapporteur voit la création de cette agence comme une opportunité pour repenser laction publique menée en matière de soutien au commerce et à lartisanat de proximité. Le développement de l’activité commerciale et artisanale pour revitaliser les territoires les plus fragiles, est annoncé comme l’un des axes forts du rôle de la future ANCT. Cette mission est notamment explicitement prévue à l’article 2 créant la nouvelle agence. Toutefois, les moyens et modalités mis en œuvre pour parvenir à cet objectif sont assez peu détaillés à lheure actuelle.

i.   La reprise et l’élargissement des missions de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA)

La loi prévoit la reprise au sein de lANCT des missions auparavant exercées par lEPARECA. Cet opérateur est un acteur historique de la politique de la ville (QPV), mais ses missions se sont peu à peu élargies et depuis la loi dite « ELAN », l’EPARECA a notamment vocation à intervenir, à titre expérimental, au sein des ORT et dans les territoires concernés par le programme « Action Cœur de ville ».

La nouvelle agence intègre comme le prévoit la loi, lensemble des missions auparavant exercées par lEPARECA. Ces dispositions sont codifiées à l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales. Son périmètre d’intervention géographique est élargi non seulement aux ORT mais aussi à l’ensemble des territoires fragiles ([29]). Son champ d’intervention couvre également les services complémentaires à l’activité commerciale, afin de permettre à l’EPARECA d’assurer la maîtrise d’ouvrage de maisons du service public, ou de cabinets médicaux par exemple. Votre rapporteur porte un regard positif sur l’élargissement du périmètre pouvant faire l’objet d’une intervention de l’EPARECA, qui apporte une souplesse bienvenue au dispositif et pourrait notamment permettre d’intervenir dans des territoires ruraux dévitalisés. Cette évolution est donc encourageante, à condition que les moyens qui y soient consacrés évoluent en conséquence. Votre rapporteur estime quil faudra veiller à la pleine intégration des missions de lEPARECA dans le cadre de la nouvelle ANCT.

L’EPARECA

 

Créé en 1998 à la suite de la loi de 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville de 1996, l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la double tutelle du ministère de la cohésion des territoires et du ministère de l’économie et des finances. L’opérateur a pour mission l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les territoires les plus fragiles. Dans ses fonctions historiques, l’EPARECA intervient dans les quartiers faisant partie de la géographie prioritaire de la politique de la ville (quartier QPV), ou concerné par un PNRQAD.

L’EPARECA intervient lorsque l’initiative privée fait défaut en qualité de promoteur, investisseur et exploitant des espaces commerciaux. L’EPARECA investit en fonds propres aux côtés des collectivités et s’assure de la maîtrise des locaux sur le long terme. Une fois les activités pérennisées et une rentabilité d’ensemble dégagée, la surface commerciale ou artisanale est mise sur le marché de l’immobilier privé.

 

 

Source : site internet de l’EPARECA

 

L’EPARECA est aujourd’hui actif sur plus de 160 opérations, dont 90 sont en cours d’études, 29 ont été mises en investissement et sont en cours de production et 41 sont en exploitation (directement par l’EPARECA ou par le biais de ses filiales).

Le champ d’intervention de l’EPARECA a été élargi à compter de la loi ELAN, qui permet à l’opérateur d’exercer ses missions dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) à titre expérimental pour une durée de 3 ans. L’EPARECA a adapté ses modalités de saisine et ajusté sa doctrine d’intervention pour participer aux études préalables nécessaires à la définition d’une programmation commerciale. L’EPARECA a été saisi par 46 collectivités concernées par le dispositif Action Cœur de ville. Deux investissements ont été validés par son conseil d’administration : Lunéville (8,10 M€) et Vierzon (3,90 M€).

 

ii.   Repenser le pilotage de l’action en matière de revitalisation commerciale et artisanale

La mise en place de l’ANCT doit s’accompagner d’une réflexion plus large pour repenser les outils du pilotage de l’action en matière de revitalisation commerciale et artisanale.

Sur le plan stratégique, des réflexions doivent encore être conduites afin de trouver de nouveaux outils à même de fédérer les acteurs. La démarche partenariale entre acteurs publics et privés est essentielle pour créer une dynamique qui bénéficie à l’activité commerciale du cœur de ville. Les représentants des commerces de proximité entendus par votre rapporteur souhaitent voir émerger des instances de dialogue nouvelles pour favoriser la concertation entre les élus, les acteurs locaux et leurs représentants. Le rapport précité de l’IGF sur la revitalisation commerciale des centres-villes dresse le même constat : « la coordination des acteurs du commerce de centre-ville a besoin dêtre renforcée par le développement de structures arrangées autour dun projet collectif au niveau local. Ainsi, le centre-ville doit mettre en place un fonctionnement mieux coordonné et une plus large concertation entre acteurs de la cité ».

L’épreuve du temps démontrera ou non l’efficacité des ORT pour assurer cette démarche partenariale. En attendant, des innovations se déploient sur certains territoires, en s’inspirant notamment du modèle québécois des sociétés de développement commercial (SDC).

Le modèle québécois des sociétés de développement commercial (SDC)

Les SDC sont des réseaux pour la revitalisation commerciale et artisanale mis en place au Québec. Les commerçants doivent obligatoirement adhérer à cette structure. Leur financement est assuré par une cotisation obligatoire perçue par la mairie. La SDC est composée d’une majorité de commerçants, ce qui constitue « la condition permettant au groupement de devenir un interlocuteur légitime et un acteur déterminant pour la redynamisation commerciale du centre-ville ». La municipalité détermine par règlement les zones commerciales au sein desquelles pourront être créées des SDC, elle reçoit les demandes des commerçants, et organise la concertation avec les acteurs concernés. Face au succès de ce modèle, certains territoires cherchent aujourd’hui à mettre en place des systèmes proches.

 

Cest en ce sens que certains territoires voient émerger la structuration des acteurs du centre-ville via une société coopérative dintérêt collectif (SCIC). Ce modèle permet de regrouper les acteurs économiques, publics, consulaires, salariés et citoyens dans un territoire pour mener des actions de revitalisation selon les objectifs fixés collectivement. Une SCIC a ainsi été mise en place en avril 2018 sur le territoire de la ville de Langogne, en Lozère. Concrètement, la SCIC a déjà permis la création dune plateforme en ligne pour mettre en relation les acteurs, et des projets sont envisagés pour favoriser lappui à linstallation dentreprises et de commerçants, ou encore lachat de locaux à mettre à la disposition de professionnels en activité ou en création.

Sur un plan plus opérationnel, les managers de centres-villes peuvent, sous certaines conditions, incarner sur le terrain cette démarche partenariale. Mis en place par de nombreuses collectivités, les managers de centres-villes coordonnent les efforts et les ressources des acteurs publics et privés en vue de promouvoir le commerce et l’artisanat, d’attirer les investisseurs et d’améliorer le parcours et l’acte d’achat en centre-ville. Le dispositif suscite globalement des réactions positives de la part des fédérations d’entreprises et de l’ensemble des acteurs que votre rapporteur a pu rencontrer lors de ses auditions. Ainsi, pour l’EPARECA, « cest un outil indispensable et complémentaire aux opérations immobilières. La professionnalisation des managers est une réponse essentielle prescrite par lEPARECA quand elle fait défaut ».

Deux axes de progression peuvent être envisagés pour assurer le succès de ces dispositifs :

 inscrire ces dispositifs dans une démarche pleinement partenariale : le manager de centre-ville doit se situer à l’interface des acteurs publics et privés œuvrant pour le dynamisme d’un centre-ville. Pour cela, si le manager de centre‑ville est normalement attaché à la collectivité, il est indispensable qu’il travaille en lien étroit avec les commerçants, les unions commerciales, et les réseaux consulaires du territoire ;

– professionnaliser cette fonction, en créant un référentiel métier et en précisant les missions que doivent remplir les managers. Un accompagnement pour encourager le partage d’expérience entre managers et la diffusion de bonnes pratiques peut en outre être utilement mis en place par les CCI, comme c’est déjà le cas sur certains territoires ([30]).

C.   DES LEVIERS POUR MIEUX SOUTENIR LES Métiers de l’artisanat et du commerce de proximité

Au côté des dispositifs de soutien à la revitalisation commerciale et artisanale, des leviers peuvent également être identifiés pour encourager et simplifier ces activités.

1.   Faire de la formation un axe d’amélioration

a.   Garantir le bon fonctionnement du Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) pour les années à venir

Le Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et les conseils de la formation (CDF) financent respectivement les formations techniques métiers et les formations généralistes. Institués auprès des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) régionales, le financement de ces dispositifs reposent sur une contribution à la formation professionnelle (CFP), qui représente 115 € par an et par chef d’entreprise non micro-entrepreneur. Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, le système de recouvrement de la CFP des artisans non micro-entrepreneurs a été modifié. En conséquence, depuis 2019, cette collecte est réalisée par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et non plus par les directions régionales des finances publiques (DRFIP).

Le changement de collecteur a entraîné pour l’année 2018 une chute de ressources importante pour le FAFCEA et les conseils de la formation (CDF). Par rapport à 2017, la baisse de ressources pour ces organismes a été respectivement de 23,40 M€ et de 17,20 M€. Deux facteurs d’explication principaux permettent de comprendre cette baisse :

– une différence du calendrier de collecte entre les URSSAF et les DRFIP entraînant des difficultés de trésorerie ;

– le changement de collecteur a également entraîné une obligation de déclaration nouvelle pour les artisans de cette contribution sur la déclaration sociale nominative, de ce fait, comme l’explique le Gouvernement « de nombreux artisans salariés, assujettis à la contribution à la formation professionnelle à la fois en tant que travailleur indépendant (cotisation versée au FAFCEA) et en tant que salarié (cotisation versée à leur opérateur de compétences), ont refusé de déclarer la première sur la DSN et ainsi de sen acquitter, contestant leur double assujettissement ».

Des avances versées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ainsi qu’un prêt de l’Agence France Trésor (AFT) ont permis d’assurer la continuité de ces dispositifs. Un prochain rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) devrait formuler des perspectives et des pistes d’amélioration pour la gestion, le financement, et les modalités de suivi et de contrôle du FAFCEA. Dans cette perspective, plusieurs des acteurs rencontrés par votre rapporteur ont souligné qu’une fusion de l’ensemble des FAF ne serait pas opportune.

b.   Rétablir le stage de préparation à l’installation, ou un dispositif équivalent

Définis à l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans, les stages de préparation à l’installation (SPI) sont des formations d’une durée de 30 heures, qui ont pour objet de sensibiliser les futurs artisans à l’importance des fonctions supports dans le cadre de leur future profession. Le SPI est assuré par des organismes de formation agréés par les CMA, pour un coût moyen de 194 euros et représente environ 2 % des ressources des CMA. Les stagiaires doivent acquérir par ce biais des connaissances théoriques et administratives concernant notamment les conditions de l’installation et leurs obligations administratives et financières.

Jusque la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « PACTE », le SPI était une condition obligatoire, sauf certaines exceptions ([31]), pour pouvoir senregistrer au répertoire des métiers et donc obtenir le statut dartisan.

La loi dite « PACTE » a supprimé le caractère obligatoire du SPI. Les artisans peuvent désormais s’immatriculer au répertoire des métiers sans avoir au préalable réalisé ce stage, qui devient facultatif. Cette mesure est présentée comme une mesure de simplification qui permet de réduire les coûts et les délais de la création d’entreprise artisanale. Votre rapporteur estime que le SPI constituait un dispositif très utile qui permettait daccompagner les futurs artisans afin que ces derniers puissent sinstaller dans les meilleures conditions. Le SPI offre un cadre protecteur, à la fois pour le futur entrepreneur, mais également pour ses futurs clients et prestataires. Il faut en outre rappeler que cette formation paraît particulièrement nécessaire dans un contexte où trois activités artisanales sur dix n’atteignent pas l’âge de 3 ans ([32]).

2.   Des attentes importantes concernant le plan en faveur du commerce et de l’artisanat annoncé par le Gouvernement

À l’occasion de la 4ème édition des Rendez-vous de l’artisanat qui s’est tenue vendredi 11 octobre 2019, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances a annoncé une nouvelle stratégie nationale pour l’artisanat. Selon le dossier de presse, cette stratégie s’articule autour de cinq objectifs :

– améliorer le financement des TPE et simplifier le choix du statut le plus adapté ;

– faciliter la transition numérique ;

– simplifier les procédures ;

– accompagner la transition énergétique et écologique ;

– promouvoir l’artisanat et le commerce de proximité dans les territoires.

Le plan comprend un certain nombre de mesures déjà annoncées par ailleurs, comme, par exemple, les nouvelles exonérations fiscales facultatives prévues aux articles 47 et 48 du présent PLF. Le plan prévoit également la diffusion plus large d’outils déjà existants, comme les « prêts croissance TPE » et les « prêts Flash TPE » mis en place par Bpifrance. Sur le plan fiscal, il est prévu que l’exonération de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (ACRE) soit étendue aux cotisations sociales du conjoint collaborateur.

Des mesures de simplification sont également annoncées, dont notamment le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de marchés publics à 40 000 € hors taxe, dans le but de faciliter l’accès des artisans à la commande publique.

Votre rapporteur est particulièrement sensible aux mesures annoncées pour favoriser la transition numérique des TPE. Le Gouvernement signale que de nouveaux financements doivent être dégagés en ce sens avec l’appui de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de Bpifrance. La question de la numérisation des entreprises commerciale et artisanale est au cœur des défis à relever aujourd’hui pour rester compétitif demain. Comme le note une étude de l’INSEE, « les sociétés estiment que le principal frein pour vendre sur le web est le coût de mise en place élevé par rapport aux bénéfices attendus ou réalisés. Ce motif est cité par 25 % des sociétés ne vendant pas sur le web, mais également par 18 % des acteurs de la vente web. Ces coûts au regard des bénéfices sont plus difficiles à supporter pour les petites sociétés que pour les grandes. Parmi les sociétés vendant sur le web, 20 % de celles de 10 à 49 personnes partagent ce constat, contre 9 % de celles qui occupent 250 personnes ou plus ». Cet enjeu mérite donc d’être priorisé dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie du Gouvernement.

Votre rapporteur considère que nombre des évolutions prévues méritent d’être saluées. Toutefois, le plan annoncé semble manquer d’ambition, de vision stratégique, et de moyens. À ce jour, aucun financement supplémentaire n’est envisagé pour ces mesures comme l’a indiqué le Gouvernement. Une grande partie des mesures prévues ne représenterait aucun coût budgétaire direct. En termes de moyens humains, la DGE consacre l’équivalent de cinq ETP à cette stratégie. Enfin, votre rapporteur appelle à une forme de cohérence dans les actions menées par le Gouvernement. Il semble essentiel qu’un lien soit fait entre les actions menées dans le cadre de ce plan et les actions de revitalisations commerciales prévues dans le cadre de la future ANCT.

 


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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Rémi Delatte (Entreprises), de M. Sébastien Jumel (Industrie), de M. Antoine Herth (Commerce extérieur), et de Mme Christine Hennion (Communications électroniques et économie numérique), les crédits de la mission « Économie ».

M. Mickaël Nogal, président. La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de quatre budgets relevant de la mission « Économie » : ceux alloués aux entreprises, à l’industrie, au commerce extérieur, ainsi que ceux attribués aux communications électroniques et à l’économie numérique.

Nous passons dès à présent à l’examen des crédits consacrés aux entreprises, inscrits dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». En 2020, un peu plus d’un milliard d’euros sont consacrés à ces politiques publiques, dont le rôle est essentiel pour la croissance de notre économie, la compétitivité des entreprises et l’emploi dans les territoires. Le programme 134 est marqué cette année par une hausse conséquente des crédits, qui s’explique principalement par l’augmentation de la ligne budgétaire consacrée au dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro‑intensives. Ce montant est fonction de l’évolution du marché des quotas d’émissions carbone. Pour le reste, le programme 134 réalise un effort certain pour renforcer l’efficacité de la dépense publique et les dispositifs de soutien aux entreprises.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis, consacre la deuxième partie de son rapport au soutien public à l’économie de proximité, en particulier dans les territoires ruraux soumis aux risques de dévitalisation. Son travail présente une analyse des récentes politiques conduites en la matière et formule plusieurs suggestions.

Monsieur le rapporteur, avant de vous laisser la parole, je souhaiterais vous poser deux questions : L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) devrait bientôt voir le jour. Comment pourra-t-elle renforcer l’efficacité de l’action menée en faveur de la revitalisation commerciale et artisanale ? Par ailleurs, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances a annoncé une nouvelle stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité. Quelles actions mériteraient, selon vous, de faire l’objet d’une priorité ?

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Nous examinons les crédits consacrés aux entreprises, prévus dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Je souhaite d’abord vous livrer les principaux éléments tirés de l’analyse des crédits du projet de loi de finances pour 2020. Avant d’en venir au fond, je dirai un mot de la maquette du programme, qui reste largement insatisfaisante. En effet, ce programme ne reflète que partiellement l’action publique menée en faveur des entreprises. Les crédits restent épars et de nombreux dispositifs de soutien sont débudgétisés, car gérés directement par des opérateurs publics comme Bpifrance. C’est un frein important à l’efficacité du contrôle parlementaire sur le bon usage des deniers publics.

Venons-en maintenant aux crédits consacrés aux entreprises dans le cadre du projet de loi de finances. Cette année encore, force est de constater que les efforts consentis par l’État pour encourager la compétitivité des entreprises et la vitalité économique des territoires reculent. Ce désengagement sur des sujets pourtant stratégiques pour notre économie doit nous inquiéter.

Avec un peu plus d’un milliard d’euros, le montant total du programme 134 enregistre une légère progression par rapport à l’année précédente, mais, comme vous l’avez indiqué M. le Président, cette hausse traduit essentiellement la montée en puissance du dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro‑intensives soumises à la concurrence, dont les variations sont totalement dépendantes de l’évolution du marché des quotas d’émissions carbone. En dehors de cette augmentation, la quasi-totalité des dispositifs financés par le programme sont soumis à des restrictions budgétaires.

Le constat est sans appel : chaque année, le programme 134 se vide un peu plus de sa substance. Quelques exemples suffisent pour s’en convaincre : après la suppression de l’activité de garantie et celle du fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC) l’an dernier, cette année signe le retrait de l’État en matière de soutien aux métiers d’art. J’y suis particulièrement sensible car ceux-ci représentent 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d’euros en France. Ils participent à la préservation des savoir-faire, ainsi qu’au rayonnement économique, culturel et touristique de notre pays. La fin du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, auquel il faut ajouter la suppression de la dotation budgétaire aux organismes de formation, sont de mauvais coups portés à ce secteur d’excellence.

L’effort budgétaire consenti en faveur du soutien à l’export pour les entreprises diminue également, tandis que le soutien apporté aux pôles de compétitivité apparaît largement incertain. Le programme 134 est aussi concerné par des restrictions fortes d’emplois publics, le schéma de réduction équivalant à la suppression de 155 équivalents temps plein (ETP).

Analyser l’évolution des crédits du programme revient à faire une liste à la Prévert des coupes budgétaires dont les petites entreprises sont les premières victimes. S’il n’est pas illogique que l’État repense ses modalités d’actions en faveur des entreprises, dans un contexte de décentralisation, les transferts de compétences doivent s’accompagner de transferts de ressources – c’est une obligation constitutionnelle. La décentralisation ne saurait être utilisée comme écran face à la baisse des moyens de l’État. Si l’effort de rationalisation de l’usage des deniers publics est une démarche louable, la logique du rabot budgétaire sans véritable stratégie de dépense et d’efficacité de l’action publique est très regrettable.

J’ai déposé plusieurs amendements de crédits, qui seront discutés ultérieurement, afin de réallouer des moyens vers plusieurs dispositifs essentiels à la dynamique économique. Vous l’aurez compris, j’émets donc un avis défavorable sur les crédits consacrés aux entreprises dans le projet de loi de finances pour 2020.

J’en viens au soutien à l’économie de proximité, auquel j’ai consacré la seconde partie de mon rapport. Ce secteur contribue de façon substantielle au dynamisme et à l’attractivité des territoires. Il fait face à des difficultés structurelles connues, qui tiennent aux mutations nombreuses de ces dernières années. Qu’il s’agisse du développement de la grande distribution en périphérie des villes ou de l’essor pris par le commerce en ligne, les changements dans les habitudes des consommateurs bouleversent les modèles de l’économie de proximité.

Les difficultés qu’elle rencontre nourrissent le risque de dévitalisation commerciale et artisanale : 25 % des habitants en milieu rural vivent dans une commune dépourvue de tout commerce – ce sont les chiffres du Gouvernement. Le taux de vacance commerciale dans les centres-villes de France aurait atteint 11,9 % en 2018, contre 7,2 % en 2012. Cette dévitalisation, vous le savez, préoccupe de plus en plus nos concitoyens – les mouvements sociaux de l’année dernière l’ont hélas souligné.

Les pouvoirs publics ont récemment envoyé plusieurs signes positifs en faveur du commerce de proximité, témoignant d’une prise de conscience que je tiens à relever. Toutefois, l’action du Gouvernement reste empreinte d’ambiguïtés et de contradictions, et de nombreux dispositifs pourtant reconnus dans les territoires sont abandonnés.

Je déplore l’obstination à diminuer les moyens accordés au réseau consulaire, notamment aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Je regrette également la mise en gestion extinctive du FISAC : ce fonds permet pourtant de soutenir des actions de revitalisation qui ont montré toute leur utilité sur le terrain – je sais que plusieurs d’entre vous en sont aussi convaincus. Nous y reviendrons à l’occasion de la discussion des amendements.

Je tiens à souligner les incertitudes liées au devenir des zones de revitalisation rurales (ZRR). Ce dispositif de zonage permet de favoriser le développement des entreprises dans les territoires ruraux, par le biais de mesures fiscales et sociales. Or, 4 074 communes doivent sortir du dispositif au 1er juillet 2020, et les exonérations arrivent à échéance le 31 décembre 2020.

Un mot des nouveaux outils mis en place par le Gouvernement : il ressort des auditions que j’ai menées qu’ils peinent à convaincre et à produire des effets sur le terrain. Ainsi, le programme « Action Cœur de ville » constitue une bonne initiative, mais sa mise en pratique souffre de nombreuses lacunes. 222 centres‑villes de villes moyennes ont été sélectionnés et 5 milliards d’euros doivent être mobilisés sur cinq ans, dont 1,7 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations. Le programme pourrait considérablement gagner en efficacité opérationnelle si les parties prenantes – en particulier les collectivités – étaient mieux associées à la signature des conventions. Pour le moment, le volet économique passe au second plan, l’accent étant plutôt mis sur le logement. En outre, ce programme est incomplet : les centres-bourgs et les territoires ruraux sont les grands oubliés de cette politique de revitalisation commerciale et artisanale amorcée par le Gouvernement. Je propose dans mon rapport qu’une politique au moins aussi ambitieuse que celle prévue dans le cadre du programme « Action Cœur de ville » soit menée pour les territoires ruraux. Un programme « Petite ville de demain » doit voir le jour, selon les informations que nous avons pu obtenir du Gouvernement, mais ses contours et les moyens alloués restent pour le moment floues.

Les autres outils proposés par le Gouvernement pour lutter contre le risque de dévitalisation sont en deçà des enjeux. L’une des principales mesures du projet de loi de finances – un nouveau dispositif d’exonération fiscale – concerne les communes rurales isolées et les territoires faisant l’objet d’une opération de revitalisation du territoire. Mais les exonérations seront facultatives ! Il y a peu de chances que les collectivités concernées, déjà confrontées à des difficultés financières, décident de se priver de recettes…

Une nouvelle impulsion doit donc être engagée en matière de revitalisation commerciale et artisanale. La mise en place de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est une occasion que nous ne pouvons pas manquer ! La future ANCT devra pleinement intégrer les missions auparavant exercées par l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Opérateur historique de la revitalisation dans les quartiers de la politique de la ville, les compétences de cet établissement public se sont peu à peu élargies et l’EPARECA est désormais compétent pour intervenir dans les opérations de revitalisation. Une nouvelle évolution positive a été actée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, puisque les interventions seront désormais ouvertes dans tous les territoires fragiles.

La création de l’ANCT doit également être l’occasion de repenser de manière plus large le pilotage de la revitalisation artisanale et commerciale. Les marges de progression sont nombreuses. La démarche partenariale entre acteurs privés et acteurs publics doit être généralisée. À ce titre, sous certaines conditions, les managers de centre-ville se révèlent particulièrement utiles. Sur le terrain, ils peuvent incarner la démarche publique-privée inhérente aux enjeux de revitalisation économique. Pour cela, ils doivent se situer à l’interface entre les deux secteurs. Dans mon avis, je dégage des pistes pour professionnaliser ce métier.

Les difficultés de l’économie de proximité nécessitent également de mener une réflexion transversale sur les autres leviers à actionner pour soutenir les acteurs du secteur. À ce titre, nous devrions porter une attention particulière à la formation des artisans. Nous en avions discuté lors des débats parlementaires autour de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE ». La suppression du caractère obligatoire du stage de préparation à l’installation (SPI) était une fausse bonne idée. Les artisans peuvent désormais s’immatriculer au répertoire des métiers sans avoir au préalable réalisé ce stage, devenu facultatif. Or le SPI constituait un dispositif très utile d’accompagnement des futurs artisans afin qu’ils puissent s’installer dans les meilleures conditions. Il offrait un cadre protecteur, à la fois pour le futur entrepreneur, mais également pour ses futurs clients et prestataires. La formation des artisans pourrait faire l’objet d’un volet particulier de la nouvelle stratégie annoncée par la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances pour le commerce et l’artisanat de proximité.

Monsieur le président, pour répondre à votre question, cette stratégie se décline en cinq axes : l’amélioration du financement des très petites entreprises (TPE) et la simplification du choix du statut le plus adapté ; la facilitation de la transition numérique ; la simplification des procédures ; l’accompagnement vers la transition énergétique et écologique ; la promotion de l’artisanat et du commerce de proximité dans les territoires.

Il faut saluer certaines mesures de bon sens, qui apportent des réponses à des difficultés régulièrement soulignées par les acteurs. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances a ainsi annoncé le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de marchés publics à 40 000 euros hors taxes. Cela va dans la bonne direction et permettra de faciliter l’accès des artisans à la commande publique. Afin de renforcer la cohérence de l’action publique, un lien doit être établi entre cette stratégie et les actions de l’ANCT, en particulier sur le dernier volet de la stratégie qui doit concerner la promotion de l’artisanat et du commerce dans les territoires.

Si ces mesures de bons sens sont largement bienvenues, le plan manque malgré tout d’ambition, de vision stratégique et de moyens. À ce jour, aucun financement supplémentaire n’est envisagé pour ces mesures, comme l’a indiqué le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous devrons donc nous assurer que les bonnes intentions se traduiront véritablement en actions car l’annonce de cette stratégie suscite des attentes fortes sur le terrain.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Nous examinons le premier volet de la mission « Économie », principale mission budgétaire de soutien à l’activité de nos entreprises. Elle n’est pas la seule, puisque de nombreux dispositifs de soutien à la compétitivité et à l’innovation figurent dans la mission « Recherche et enseignement supérieur ». La mission s’inscrit dans la continuité de l’objectif que nous nous sommes fixé depuis 2017 : retrouver une dynamique de conquête en matière économique. Nous n’avons cessé de replacer les entreprises au cœur des politiques publiques. Cela a été notamment le cas grâce au vote de la loi PACTE, en mai dernier, avec la clarification des seuils applicables aux petites et moyennes entreprises (PME), la simplification des formalités administratives liées à la création d’entreprises – notamment par la création d’un guichet unique numérique – ou encore la création d’un fonds pour l’innovation de rupture.

Je voudrais saluer les crédits du programme 134, sur lesquels les travaux du rapporteur se sont portés, puisqu’ils sont en hausse sur un an : 1,03 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) – + 15,1 % – et 1,05 milliard d’euros en crédits de paiement (CP) – + 14,8 %. Nous sommes bien conscients que cette hausse est notamment imputable à l’augmentation de la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives. Mais, au‑delà des dépenses budgétaires, les dépenses fiscales rattachées jouent un rôle primordial dans le soutien aux entreprises. Elles sont estimées à plus de 16 milliards d’euros en 2020.

Le rapporteur a choisi de s’intéresser à la redynamisation de l’économie de proximité. Cela illustre le fait que l’État n’est pas le seul acteur qui doit accompagner les très petites entreprises (TPE) et PME. L’accompagnement passe tout d’abord par les régions, nombreuses à s’être saisies de leurs compétences en matière de développement économique. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe), elles ont mis en place des dispositifs de soutien ; nous devons nous en féliciter.

L’accompagnement passe également par différents programmes, comme « Action Cœur de ville », même si vous notez l’insuffisance de concertation avec les acteurs locaux pour la signature des conventions ou le caractère trop restreint de son périmètre.

Enfin il passera de plus en plus par l’Agence nationale de la cohésion des territoires qui devra accompagner et soutenir les projets portés par les collectivités territoriales.

M. Daniel Fasquelle. Je félicite notre collègue Rémi Delatte pour l’excellence de son rapport et la précision de ses remarques. Je ne le fais pas parce qu’il est issu des rangs des Républicains ! Il m’arrive aussi de saluer le travail des députés de la majorité ou de députés communistes – nous avons fait un excellent rapport sur la pêche avec M. Sébastien Jumel.

Le rapporteur pour avis a raison, les crédits sont épars ; il est complexe de disposer d’une vision globale et cela ne facilite pas le contrôle parlementaire.

C’est un mauvais budget pour les entreprises, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) l’ont déploré et estiment qu’il menace de faire caler le moteur de la croissance. On abandonne la politique de l’offre au milieu du quinquennat : les cadeaux liés au mouvement des « gilets jaunes » conduisent à renoncer à soutenir les entreprises, contrairement à ce que le Gouvernement avait commencé à faire depuis deux ans.

Désormais, la politique est très brouillonne – ce n’est plus vraiment une politique de l’offre, mais pas non plus vraiment une politique de soutien à la consommation. C’est du gloubi-boulga ! D’ailleurs, aujourd’hui même, la Commission européenne a demandé à la France des explications concernant son budget 2020. Au même titre que l’Italie, nous sommes accusés de ne pas faire suffisamment d’efforts. Mesdames et Messieurs de la majorité, écoutez ces avertissements de Bruxelles !

Le budget alloué aux entreprises marque un désengagement de l’État, la hausse étant artificielle et les économies mal choisies : quand on taille dans le budget de soutien aux pôles de compétitivité ou à l’exportation, comme l’a dénoncé M. Rémi Delatte, on fait de mauvaises économies. Ces économies de court terme pour le budget de l’État, ce sont, demain, des recettes supplémentaires qui ne rentreront pas…

Nous partageons également le constat de M. Rémi Delatte concernant l’économie de proximité et déplorons la disparition du FISAC, qui a pourtant rendu d’immenses services. Dans ma circonscription, très rurale – 164 communes –, je déplore la disparition des commerces et la difficulté à en réimplanter.

Enfin, la loi PACTE a porté de mauvais coups aux réseaux consulaires. Je pense notamment à la suppression du stage préalable à l’installation, à celle programmée des centres de formalités des entreprises affaiblissant les CCI – les chambres d’agriculture ont été sauvées in extremis. Le rapporteur a raison de le rappeler, nous avons besoin des réseaux consulaires pour soutenir les entreprises sur le terrain.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. La mission « Économie » fixe les grandes priorités économiques du Gouvernement, au service de l’investissement, de la croissance et de la compétitivité de nos entreprises. Les crédits alloués à la mission « Économie » doivent permettre à l’État de poursuivre son soutien au développement et à la compétitivité de nos entreprises.

L’ambition doit être double : d’une part, faire croître et transformer les entreprises et, d’autre part, poursuivre la transformation de l’action publique. Sur le premier volet, la loi PACTE a permis de construire un nouveau modèle de croissance pour les entreprises, reposant sur la compétitivité, la libération de l’économie et l’innovation. Il est prématuré d’en mesurer les effets, car les décrets ne seront intégralement publiés qu’à la fin de l’année. Mais les créations d’entreprises sont positives, même dans une région comme la mienne, confrontée à d’énormes difficultés.

Monsieur le rapporteur, quels choix ont été faits cette année pour soutenir l’innovation d’application, qui permettrait à nos entreprises de monter en gamme ?

S’agissant du financement des TPE, qui représentent 96 % du tissu productif national, nous avions noté fin 2018 une amélioration de leur accès au crédit, mais cet accès restait globalement très compliqué. Un an plus tard, comment évaluez-vous le financement des investissements matériels des TPE et leur accès au crédit de trésorerie ?

Sur le deuxième volet, celui de la transformation de l’action publique, nous avions beaucoup parlé l’année dernière de l’arrêt du FISAC. La ministre nous avait expliqué que cette extinction était progressive et ne signifiait pas que les projets lancés devaient se terminer. La décision d’arrêter le FISAC tenait compte des nouvelles compétences de l’ANCT, appelée à accompagner les zones les plus fragiles. Nous sommes attentifs à la concrétisation des nouvelles missions de l’ANCT en termes de maintien des commerces dans les territoires ruraux et à la mise en place des opérations « Action Cœur de ville », qui semble inégale selon les régions.

Enfin, je terminerai sur le fléchage des investissements dans le numérique et la robotisation des entreprises. Le numérique et ses innombrables applications sont en effet apparus comme l’un des marqueurs des inégalités entre nos concitoyens. La couverture de la totalité du territoire en très haut débit d’ici à trois ans est un facteur clé pour lutter contre les fractures territoriales. Le déploiement de la 5G sur le territoire, ainsi que le plan France très haut débit, auront des incidences notables sur la numérisation des entreprises.

Mme Valérie Rabault. Je remercie le rapporteur pour son rapport qui pointe les difficultés de la mission « Économie » dans ce budget 2020. L’action n° 20 « Financement des entreprises » a été supprimée lors du projet de loi de finances pour 2019. Il ne vous aura pas échappé que le Gouvernement a aussi décidé de supprimer tous les crédits budgétaires relatifs à cette mission pour les transférer à Bpifrance, sans lui donner de moyens supplémentaires. Cela signifie que Bpifrance a dû puiser 150 millions d’euros dans ses dividendes exceptionnels pour financer ces actions de soutien. Ce financement « exceptionnel » est donc bien différent des crédits budgétaires pérennes auparavant mobilisés.

C’est d’autant plus étonnant que la majorité affirme régulièrement – ainsi dans la loi PACTE – vouloir soutenir les entreprises. Manifestement, ce ne sera pas au moyen de crédits budgétaires…

Concernant l’industrie, on constate des écarts notables entre les annonces du Gouvernement et les crédits du projet de loi de finances. Je ne reviendrai pas sur le FISAC, mes collègues l’ont déjà évoqué. Ils ont raison : il a longtemps permis de soutenir des projets intéressants dans les petites communes – réouverture de boulangeries, de boucheries, etc.

S’agissant du commerce extérieur, durant les débats sur la loi PACTE, vous avez martelé que la France devait renforcer son écosystème sous la bannière « Team France Export ». Mais, six mois plus tard, dans le projet de loi de finances pour 2020, les crédits de Business France baissent, passant de 92,8 à 90,1 millions d’euros, comme ceux de Bpifrance Assurance Export – 51 millions d’euros pour 2020 contre 59 millions l’année dernière.

Le rapporteur pour avis consacre la partie thématique de son rapport aux conséquences potentielles du CETA – Comprehensive economic and trade agreement ou accord économique et commercial global – et de l’accord avec le MERCOSUR – Mercado común del sur ou marché commun du Sud – sur les exportations de produits agricoles. Il a listé pour chaque filière les risques et les avantages de ces accords. Pourriez-vous nous rappeler de manière très précise tous les désavantages de ces accords pour l’agriculture ?

M. Mickaël Nogal, président. Madame Rabault, M. Delatte n’est pas rapporteur pour avis sur les crédits du commerce extérieur. M. Antoine Herth, rapporteur pour avis sur ces crédits, pourra vous répondre lors de leur examen, en fin d’après-midi.

Mme Sylvia Pinel. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Les crédits alloués au programme « Développement des entreprises et régulations » sont en augmentation par rapport à 2019 – tant en AE qu’en CP – mais, ne nous leurrons pas, cette hausse n’est due qu’au triplement du prix de la tonne de carbone. Avec le renchérissement du coût de la compensation carbone, l’action « Industrie et services » est automatiquement réévaluée, et avec elle l’ensemble du programme. Vous n’avez d’ailleurs pas manqué de le souligner, Monsieur le rapporteur.

L’État se désengage de l’économie de proximité. Les dispositifs d’accompagnement de proximité des entreprises souffrent de coupes budgétaires qui mettent en péril leur continuité et leur efficacité. Je pense notamment au FISAC, dont la suppression a été actée l’an passé. Je le regrette d’autant plus que, lorsque j’étais au gouvernement, je m’étais engagée pour sa sauvegarde et avais opéré une réforme d’ampleur pour restaurer son efficacité et résorber le stock de dossiers. Il reviendrait désormais au programme « Action Cœur de ville » d’accomplir ce que le FISAC faisait en son temps. Toutefois, en amorçant un changement d’opérateur, le Gouvernement a également substantiellement réduit son périmètre et sa capacité à revitaliser nos centres-villes.

Concernant l’artisanat toujours, je partage la volonté du rapporteur de rétablir le caractère obligatoire du stage de préparation à l’installation qui permettait aux artisans de s’installer dans des conditions favorables. En le rendant facultatif, la loi PACTE a réduit sa portée, mais également la pérennité des entreprises, car la formation des artisans est importante.

De même, je plaide pour la reconnaissance des métiers d’art, dont les savoir-faire uniques font la singularité de la France et de son économie. Ils sont eux aussi menacés par une diminution des dotations qui affecte l’Institut supérieur des métiers (ISM) et l’Institut national des métiers d’arts (INMA).

Enfin, je souhaite vous alerter sur la réforme du dispositif du mécénat d’entreprise annoncée fin août par le Gouvernement. La baisse du taux de la réduction d’impôt pour le mécénat d’entreprise, de 60 % à 40 % au-delà de 2 millions d’euros de dons annuels, est un nouveau coup porté aux associations et aux fondations. Pourtant, dans un contexte budgétaire contraint, leur rôle est essentiel : là où l’État et les collectivités, ont reculé, le secteur associatif a bien souvent pris le relais. Les associations et les fondations s’illustrent dans des domaines aussi divers et essentiels que l’éducation, la solidarité nationale et internationale, la culture ou le sport. Mais, afin de porter pleinement son effet, leur engagement nécessite une stabilité financière. Or elle n’est plus assurée. Le Gouvernement a-t-il évalué l’effet de cette réforme sur le secteur associatif ?

M. Sébastien Jumel. La confusion qui préside à l’appréhension des différents avis – je risque d’en être moi-même victime – m’amène à une conclusion simple : ceux qui avaient fait l’apologie de l’évaluation aboutissent à une évaluation « bidon » ! Il est compliqué pour le Parlement de contrôler l’action gouvernementale – j’aurai l’occasion de développer mon point de vue lors de l’examen des crédits relatifs à l’industrie.

S’agissant des crédits alloués aux entreprises, je souhaite appeler votre attention sur quelques points. D’abord, vous avez « flingué » le réseau consulaire en métropolisant les chambres de commerce et d’industrie. Dans une ville moyenne comme la mienne – Dieppe –, la chambre de commerce s’est retirée de la gestion de l’aérodrome, du lien transmanche, qui emploie pourtant 400 marins et fait vivre la zone d’activité, et de l’organisation de la Solitaire du Figaro. Les collectivités locales ont dû reprendre la gestion de ces trois activités stratégiques…

Deuxième sujet : le FISAC. Avec « Action Cœur de ville », le Gouvernement est certes au chevet des villes moyennes et ceux qui sont dans le dispositif le mesurent avec satisfaction. Mais le FISAC était un dispositif intelligent qui permettait de tricoter du sur-mesure – notamment en milieu rural – et d’être au chevet des commerces, outils du vivre-ensemble. « Flinguer » le FISAC, c’est accentuer l’abandon des territoires ruraux. C’est ce que nous appelons le déménagement du territoire. Je suis attentif à la permanence d’une République une et indivisible, présente partout et pour tous, à la République qui prend aussi soin des entreprises. Votre décision de supprimer 155 emplois à la direction générale des entreprises souligne votre désengagement. Les intercommunalités sont offensives et volontaristes, mais elles sont perturbées par la suppression du FISAC, et ce renoncement de l’État.

Le transfert de la compétence économique aux régions ne doit pas conduire l’État à être spectateur, à renoncer à ses outils stratégiques et à sa fonction d’aménageur du territoire, de régulateur de la vie des entreprises, qui font la sève de nos territoires. Il n’y a pas que les métropoles dans la vie ! Il faut préserver et consolider l’intelligence, la vitalité, l’énergie et les emplois des territoires non métropolitains qui sont aussi la France et font sa diversité, ses atouts et ses savoir-faire. Ces pépites méritent notre attention. Je partage l’avis du rapporteur et sa dénonciation intelligente des désengagements de l’État.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients de l’importance du secteur et de ce levier que constitue le soutien de l’État aux entreprises. Nos interprétations divergent un peu lorsqu’il s’agit d’apprécier les variations du budget. Certains estiment qu’il est en hausse. Certes, mais n’oublions pas que la seule action en hausse concerne les entreprises grandes consommatrices d’électricité et est liée à la compensation carbone. Pour le reste, et vous avez été nombreux à le rappeler, ce budget consacre un véritable et préoccupant désengagement de l’État.

Monsieur le président, vous m’interrogiez sur les missions de l’ANCT et l’intégration de celles de l’EPARECA. Vous avez raison, c’est essentiel. Dans mon avis, à la suite des auditions que j’ai menées, j’insiste également sur le rôle des managers de centres‑villes, sous réserve qu’ils soient bien préparés et suffisamment agiles pour connaître les deux cultures – privée et publique – afin d’intervenir sur l’ensemble des sujets qui touchent les entreprises.

La secrétaire d’État, Mme Agnès Pannier-Runacher, l’a évoqué dans ses priorités, la numérisation des entreprises est importante. Ce sujet met en lumière la fragilité des plus petites entreprises, qui manquent de temps et de compétences pour s’engager dans la transition numérique. C’est tout l’intérêt d’apporter une aide de proximité pour soutenir les chefs d’entreprise.

Dans les propositions de la secrétaire d’État, le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de marchés publics est essentiel car les artisans et les très petites entreprises ont encore beaucoup de mal à accéder à la commande publique, même si l’allotissement les y aide.

Certains d’entre vous regrettent que la région soit chef de file de l’accompagnement des entreprises et des actions de revitalisation. Je ne partage pas votre avis, mais je considère que, dès lors que l’État transfère des compétences aux régions, il doit accompagner ce transfert de moyens. C’est une obligation constitutionnelle.

On voit bien, comme l’a dit M. Daniel Fasquelle, que l’État, contrairement à ce qu’il avait annoncé, semble abandonner la politique de l’offre. En particulier, il n’octroie pas les moyens nécessaires aux pôles de compétitivité, dont les régions doivent reprendre l’animation, ce qui traduit son désengagement.

Quant à la fin de la dotation de l’État pour financer la garantie de Bpifrance, elle portera un coup dramatique à nos petites entreprises, qui pouvaient accéder à des financements, parfois peu élevés, mais indispensables tant à leur fonctionnement qu’à leur investissement. Par nos propositions, nous aurons à cœur d’aller contre cette évolution.

Nous sommes en outre tous d’accord pour déplorer la fin du FISAC, un élément essentiel de proximité, qui permettait de s’adapter à la situation de chaque commune, de chaque commerce ou bassin d’activité.

S’agissant des métiers d’art, le point de vue de Mme Pinel rejoint entièrement le mien. Ces métiers sont non pas une niche mais un savoir-faire essentiel en France, qui nous permet de bénéficier d’un patrimoine exceptionnel. Les dispositions de ce budget leur portent un mauvais coup. De même, la réforme du mécénat ne permettra plus à nos entreprises d’abonder des lignes financières pour les associations et fondations.

Enfin, les remarques concernant l’innovation sont un peu hors sujet puisqu’elles concernent le programme 192.

Les amendements nous donneront l’occasion de revenir sur certains points pour voir comment amender ces dispositions.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 38 et État B

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CE48 de M. Sébastien Jumel et II-CE76 de M. Rémi Delatte, et l’amendement II-CE49 de M. Sébastien Jumel.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE76 a pour objet de transférer 20 millions d’euros au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée dans le projet de loi de finances pour 2020.

Bpifrance garantit les banques à hauteur de 40 à 70 % pour encourager l’octroi de prêts aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Ces crédits financent des opérations de création, de développement et d’innovation qui couvrent des besoins de trésorerie et permettent le financement de projets qui n’auraient pu voir le jour en l’absence de ce dispositif. Il s’agit donc d’un outil qui permet de combler une faille de marché et constitue par là un soutien important à l’investissement, à l’innovation et à la croissance.

La suppression de la dotation budgétaire de l’État pour soutenir le financement de cette activité pose deux difficultés majeures. D’abord, la débudgétisation des moyens de Bpifrance amoindrit largement la capacité de contrôle parlementaire et paraît porter atteinte au principe de transparence budgétaire. Ensuite, la suppression de la ligne de crédits menace la pérennité de l’activité de garantie de Bpifrance.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE48 est identique à celui que vient de défendre M. Delatte.

Pour ma part, j’insisterai sur deux points. Premièrement, 90 % des entreprises qui bénéficient de la garantie de Bpifrance sont des TPE, dont l’accès au crédit reste difficile en dépit des faibles taux pratiqués actuellement. Deuxièmement, comme nous l’ont confirmé toutes les personnes que nous avons auditionnées, notamment en région, la garantie apportée par Bpifrance joue un rôle de levier important : un euro de dotation publique permet en effet de lever plus de vingt euros de financements pour les entreprises concernées. Ainsi, en 2018, ce sont 9 milliards d’euros qui ont pu être mobilisés pour les entreprises grâce à la garantie de Bpifrance, ce qui montre bien que cet amendement, d’un coût relativement peu élevé, et financé par des crédits prélevés sur des objets moins opérationnels, permettra d’apporter une aide bienvenue aux TPE dans des conditions d’efficacité reconnues par tous. J’espère donc que cet amendement fera consensus au sein de notre commission.

L’amendement II-CE49 est un amendement de repli, qui a pour objet de transférer 10 millions d’euros, au lieu de 20 millions dans les précédents amendements, au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée par le projet de loi de finances pour 2020.

Il s’agit de rétablir la dotation allouée à Bpifrance pour son activité de garantie aux prêts contractés par des entreprises. L’absence de rétablissement de l’action n° 20 contraindrait Bpifrance à financer cette activité par le recyclage de dividendes, ce qui n’est pas suffisant et ne peut pas être une solution de long terme. De plus, les moyens de Bpifrance, banque publique, doivent rester transparents et soumis au contrôle parlementaire.

J’insiste à nouveau sur le fait que le programme de garanties de Bpifrance est d’autant plus important qu’il permet de susciter un important effet de levier sur l’investissement privé.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à ces trois amendements.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Dans le cadre du PLF pour 2019, le Gouvernement avait initialement souhaité supprimer cette action contribuant au développement des PME grâce à des interventions de Bpifrance ; cependant, face à l’inquiétude exprimée par les députés, il avait réintroduit en séance un amendement visant à maintenir cette ligne budgétaire.

Au sein de la commission des finances, les rapporteurs spéciaux Xavier Roseren et Olivia Grégoire mènent actuellement des travaux qui prendront en compte cette problématique en vue de l’examen de cette mission budgétaire en commission des finances et en séance publique. À ce stade, le groupe La République en Marche votera donc contre les amendements qui viennent d’être présentés, estimant qu’il convient de privilégier le travail qui sera effectué en commun avec la commission des finances.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle rejette l’amendement II-CE49.

Elle examine l’amendement II-CE50 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE50 a pour objet de transférer 3,5 millions d’euros à l’action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Il s’agit en fait de rétablir, au même niveau que l’an dernier, les crédits centrés sur l’animation et la gouvernance des pôles de compétitivité, qui permettent à l’État de cofinancer avec les régions le fonctionnement de ces pôles. La baisse des crédits semble incohérente avec les objectifs du Gouvernement en matière de développement industriel et d’innovation annoncés dans le Pacte productif.

L’objectif de cet amendement est également de pousser le Gouvernement à prendre explicitement position. Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15e congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l’État en ce domaine aux régions dès 2020. Si telle est bien l’intention du Gouvernement, il faudra alors supprimer en ce domaine les crédits de l’État, et surtout prévoir une compensation financière pour les régions.

Comme nous l’ont confirmé toutes les régions auditionnées, le retrait des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) dans la mise en œuvre des politiques des pôles va entraîner une charge de travail et des coûts de fonctionnement supplémentaires pour les conseils régionaux.

L’amendement II-CE50 vise à amortir cet effet pour l’année qui vient.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je suis désolé, Monsieur Jumel, mais le groupe La République en Marche sera défavorable à cet amendement, que je vous invite à redéposer en commission des finances ou en séance, afin d’avoir l’avis du ministre, que nous ne connaissons pas à ce jour.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Si tout n’est pas perdu, je ne peux que m’en féliciter. Cela dit, le Parlement est souverain, et notre commission peut parfaitement adopter cet amendement avant que le ministre ne fasse connaître son avis en séance. Dès lors que notre commission s’est saisie pour avis sur des sujets aussi importants que ceux que nous évoquons actuellement, nous devons émettre des avis, et non attendre que la commission des finances et le ministre donnent les leurs ! Si notre commission n’est saisie que pour faire croire que l’élaboration de la loi de finances se fait dans le cadre d’une concertation entre la commission des finances et les autres commissions, je ne vois pas bien pourquoi nous sommes réunis ce soir…

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pour ce qui est de déposer des amendements en commission des finances, je crois que nous sommes déjà hors délais. Il n’y a guère qu’en séance que cela pourrait être fait…

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je vous rassure, Monsieur Jumel, le Parlement est effectivement souverain, et nous prendrons nos décisions en conscience. Cependant, puisque votre amendement indique clairement que son objectif est de pousser le Gouvernement à prendre position sur le transfert de la gestion des pôles de compétitivité, il est logique que nous attendions de connaître la position du Gouvernement avant de nous prononcer.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Le fait que le ministre n’ait pas donné d’avis ne signifie pas que notre commission n’a pas à faire connaître le sien. Au contraire, il me semble que nous pourrions utilement éclairer M. le ministre en donnant aujourd’hui un avis favorable à l’amendement de notre collègue Sébastien Jumel.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE51 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE51, qui a pour objet de transférer 150 000 euros à l’action n° 23 du programme 134, est similaire dans son esprit aux amendements II-CE54 de Mme Rabault et II-CE55 de M. Potier qui, eux, portent sur l’action n° 24 du même programme 134.

L’objectif est d’augmenter les crédits alloués à la surveillance des marchés. Le Gouvernement nous a lui-même confirmé, dans sa réponse au questionnaire budgétaire que nous lui avons adressé, que trop de produits non conformes aux réglementations nationales ou européennes parviennent encore à pénétrer le marché français. Faire en sorte de se doter des moyens de contrôler ce phénomène constitue donc un véritable enjeu.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Les crédits relatifs à la surveillance des marchés qui permettent de lutter contre la concurrence déloyale et la non-application des réglementations européennes sont en hausse cette année de 700 000 euros en crédits de paiement, soit 150 000 euros de plus sur un an. On ne voit pas ce qui justifierait d’y ajouter encore plusieurs dizaines de milliers d’euros, c’est pourquoi notre groupe votera contre cet amendement.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Si les crédits sont en hausse par rapport à l’an dernier, ils reviennent en fait à peine à leur niveau de 2018… Or, les enjeux relatifs à l’entrée de produits non conformes aux normes sont considérés comme une priorité par le Gouvernement lui-même : dès lors, il faut se doter de moyens supplémentaires par rapport à ceux qui avaient été identifiés en 2018. J’espérais que le nouvel état d’esprit présidant aux travaux de notre commission depuis quelque temps permettrait à certains amendements de prospérer, mais manifestement je me berçais d’illusions…

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE54 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE54 vise à renforcer les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 100 équivalents temps plein (ETP) afin de lui permettre de faire face à l’accroissement de ses missions et des besoins de contrôle dans un contexte de multiplication des fraudes relevées sur la sécurité, la qualité ou la conformité des produits, notamment alimentaires.

Afin d’assurer la recevabilité du présent amendement au titre de l’article 40 de la Constitution, il est proposé d’abonder l’action n° 24 du programme 134 à hauteur de 6 millions d’euros par une diminution à due concurrence des crédits inscrits à l’action n° 5 du programme 220. Cependant, nous ne voulons évidemment pas diminuer ces crédits, c’est pourquoi nous demandons également au Gouvernement de lever le gage afin de ne pas pénaliser le programme 220.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Comme vous, je note dans mon rapport les effets pervers que l’on peut craindre de la rédaction drastique des effectifs prévus dans le PLF. Cependant, on ne peut ignorer l’objectif de rationalisation de la dépense publique et, dans cette optique, le rétablissement de 100 ETP me semble très sincèrement hors de portée et même déraisonnable, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Je soutiens cet amendement, car il faut savoir ce qu’on veut. Le budget qui nous est présenté prévoit la suppression de dix emplois à la DGCCRF, ce qui signifie que l’on va priver l’État de sa capacité à effectuer des contrôles. Nous devons donner à la DGCCRF les moyens, notamment humains, d’accomplir sa mission : à défaut, nous continuerons à entendre dire que l’État se contente de regarder passer les trains ou d’enregistrer les mauvais points. Utilement mobilisés, ces moyens peuvent se révéler extrêmement rentables, y compris pour les finances publiques.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE55 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE55 vise à créer une police unifiée de l’alimentation placée auprès de la DGCCRF.

Les crises sanitaires et médiatiques qui affectent le secteur agroalimentaire nuisent à l’image des filières de production et contribuent à entretenir une défiance des consommateurs à l’égard de leur alimentation. Si les exploitants sont les premiers responsables de la sécurité des produits mis sur le marché, il ne fait pas de doute que l’efficacité et la crédibilité des contrôles mis en place par les services de l’État sont des conditions essentielles de la confiance des consommateurs ainsi que de nos partenaires commerciaux.

La répartition des missions sanitaires entre la direction générale de l’alimentation (DGAL) et la DGCCRF découle de l’application de protocoles de coopération entre les deux ministères. Elle conduirait, par exemple, à confier le contrôle de la culture des pommes de terre et des tomates à la DGAL, alors que la DGCCRF surveillerait les frites et le ketchup… Dans ces conditions, le contrôle de l’utilisation des produits phytosanitaires et de la présence de leurs résidus dans les denrées alimentaires ne peut être efficient.

Cette organisation, qui s’appuie sur un morcellement des compétences entre plusieurs administrations, est une source de perte d’efficacité pour l’action de l’État. En mars 2000, la commission d’enquête parlementaire « sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France » avait déjà recommandé une « unité de commandement » afin de mettre un terme à une situation « où nul n’est responsable en bloc et tous le sont dans le détail ».

Il est donc proposé par le présent amendement la création d’une police unifiée de l’alimentation – que les 100 ETP prévus par l’amendement précédent avaient vocation à venir renforcer.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Si l’objectif de cet amendement est tout à fait intéressant, il me semble qu’il a vocation à faire l’objet d’un débat beaucoup plus large, ainsi que d’une étude d’impact. Passer par un simple amendement au PLF ne me semble pas être le moyen adéquat de mettre en œuvre la mesure proposée, d’autant que son enjeu ne réside pas tant dans les moyens disponibles que dans les attributions et compétences des administrations concernées. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cette proposition, issue du rapport de la commission d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis, semble de nature à répondre à plusieurs dysfonctionnements rencontrés au cours des dernières années. Cependant – je suis désolée de vous décevoir une fois de plus, Madame Battistel –, nous allons proposer de voter contre cet amendement car, comme l’a souligné le rapporteur à l’instant, il ne paraît pas souhaitable de décider de créer cette nouvelle police unifiée au détour d’un amendement au projet de loi de finances. Il est en effet indispensable de mener une large concertation avec les ministères concernés – finances, agriculture et santé –, mais également avec les agents des différentes directions aujourd’hui chargées de la sécurité alimentaire. C’est ce que fait actuellement notre collègue Grégory Besson‑Moreau : laissons-le mener ce travail et revenir vers nous une fois que toutes les parties prenantes auront été consultées.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Une commission d’enquête, c’est six mois de travail, d’investigations et de regards croisés, nourris par les avis des experts. Je rappelle que la commission d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis a statué et émis des préconisations à l’unanimité : en d’autres termes, les groupes que nous représentons ont estimé, dans leur ensemble, qu’il était pertinent et même urgent, après l’affaire Lactalis, de constituer une police de sécurité sanitaire unifiée.

Si je comprends bien, on se fait plaisir en créant une commission d’enquête sous le coup de l’émotion et de l’agitation médiatique, ce qui peut laisser penser qu’on a saisi l’ampleur du problème, mais quand il s’agit de prendre des décisions dans le cadre de la loi de finances, il n’y a plus personne ! Les discussions ayant précédé la loi EGALIM ont montré que, face à des géants de l’industrie agroalimentaire tels que Lactalis, Bigard ou Danone, les services de l’État sont désarmés, mal organisés et incapables de contredire les expertises produites par ces groupes.

Faut-il attendre le prochain drame, qui sera seulement l’occasion de réunir une nouvelle commission d’enquête et de faire des ronds dans l’eau plutôt que d’avancer ? Pour moi, il n’est ni cohérent, ni responsable de ne pas rendre concrète une décision prise à l’unanimité par la commission d’enquête Lactalis.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La majorité est défavorable à cet amendement au motif que la proposition émise aurait fait l’objet d’un travail insuffisant et ne reposerait pas sur une étude d’impact. Or, comme vient de le dire M. Jumel, un travail très important a été effectué dans le cadre de la commission d’enquête Lactalis, et l’amendement que je présente constitue l’aboutissement de ce travail plutôt que le début d’un processus qui aurait pour finalité d’étudier la pertinence de créer une police unifiée de l’alimentation. Je regrette donc beaucoup que cet amendement ne recueille pas l’accord du groupe La République en Marche.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Si je trouve cet amendement extrêmement intéressant, je dois dire que je comprends mal la méfiance qu’il semble exprimer de façon sous-jacente à l’égard de notre industrie agroalimentaire. Certes, il est normal que des organismes soient chargés de contrôler les entreprises relevant de ce secteur, et que des réformes viennent modifier le système existant afin de le rendre plus performant. Cela dit, comme l’ont montré les réformes déjà mises en œuvre dans le domaine du commerce extérieur, cela peut se faire en fusionnant certains services ou en mettant leurs moyens en commun, donc sans forcément mettre en œuvre des moyens supplémentaires.

Afin que nous soyons en mesure de faire face aux conséquences du Brexit, le budget du ministère de l’agriculture prévoit la création de 320 ETP afin d’assurer le contrôle aux frontières, car le danger pour les consommateurs français se situe bien là, dans l’entrée de marchandises produites en dehors de nos frontières – et même de celles de l’Union européenne. C’est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts et, de ce point de vue, l’amendement qui nous est présenté n’est pas à la hauteur de la situation. Je rappelle que, dans le cadre des débats que nous avons eus ici même au sujet du CETA (accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada) – lors desquels vous vous êtes montré particulièrement loquace, Monsieur Jumel –, c’est bien la méfiance à l’égard des produits importés qui s’était majoritairement exprimée, et c’est précisément à cela que nous devons répondre par des moyens supplémentaires.

En résumé, c’est un vrai sujet, mais votre amendement ne me semble pas y répondre de façon adéquate.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Dans le cadre de cet examen pour avis, nous avons la possibilité d’octroyer plus de crédits, mais il ne nous appartient pas de créer une police unifiée de l’alimentation, si utile soit-elle : cela ne pourrait se faire qu’à l’issue d’une discussion s’appuyant sur une véritable étude d’impact. Je maintiens par conséquent mon avis défavorable.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Les postes créés au sein du budget de l’agriculture, que vient d’évoquer M. Herth, sont destinés à renforcer les services d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), notamment dans la zone transmanche. Cela n’a rien à voir avec la police unifiée de l’alimentation qu’il est ici proposé de créer afin d’établir des protocoles harmonisés et mieux imbriqués entre la DGAL et la DGCCRF. Il ne s’agit pas de faire preuve de suspicion à l’égard des industriels, mais simplement d’être mieux armés pour faire face à de nouvelles catastrophes alimentaires – un domaine dans lequel nos concitoyens sont de plus en plus exigeants. Considérer que le Parlement n’a pas vocation à s’emparer des conclusions d’une commission d’enquête – elle-même constituée à la suite d’un scandale alimentaire aux conséquences dramatiques – pour coordonner et rendre plus efficaces les moyens de contrôle dans ce domaine, revient pour moi à prendre acte de l’inutilité de ce parlement.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. C’est un débat passionnant…

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Vous le dites sur un ton qui laisse penser le contraire, Madame la présidente… Nous ressortirons la vidéo de cette séance lorsque surviendra le prochain drame alimentaire !

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. … mais nous devons passer au vote sur l’amendement II-CE55.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques II-CE75 de M. Rémi Delatte et II-CE56 de Mme Valérie Rabault.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC) n’est plus abondé en autorisations d’engagement depuis la loi de finances pour 2019, le dispositif étant placé en gestion extinctive. Cette suppression est regrettée par les acteurs de terrain, le FISAC ayant largement fait montre de son efficacité en termes de préservation du tissu économique.

L’amendement II-CE75 vise donc à rétablir le FISAC dans les montants prévus en 2018, en procédant à une ouverture de crédits de 14 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5 millions en crédits de paiement sur l’action n° 23 « Industrie et service » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE56 est identique à celui que vient de présenter M. Delatte. Nous sommes tous convaincus que, depuis sa création en 1989, le FISAC a joué un rôle déterminant en matière de lutte contre la désertification économique et commerciale en zone rurale, et contre la dévitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, d’autant que l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) n’est pas encore pleinement opérationnelle.

Dans ces conditions, il nous semble essentiel de maintenir un dispositif de soutien au commerce et à l’activité de proximité dans le cadre du PLF pour 2020. Tel est l’objet de l’amendement II-CE56, qui vise à rétablir les moyens qui avaient reçu un avis favorable du rapporteur général, Joël Giraud, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2019, avant que le Gouvernement ne s’oppose à leur mise en œuvre. Dans le cadre de l’année de transition que nous abordons, il nous semble que maintenir ces crédits est la moindre des choses.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine l’amendement II-CE80 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE80 vise à rétablir les crédits de l’action n° 23, consacrée au soutien public des métiers d’art, à hauteur de 2,25 millions d’euros, soit le montant voté l’année précédente.

Les métiers d’art, reconnus par le législateur à l’occasion de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, participent au rayonnement économique, culturel et touristique de notre pays, où ils représentent 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d’euros – ce qui montre bien tout l’intérêt économique de ce secteur d’excellence.

La ligne « Actions du développement des PME » de l’action n° 23 « Industrie et services », prévue pour soutenir les organismes de formation et pour abonder le label « entreprises du patrimoine vivant » promu au cours des dernières années, est purement et simplement supprimée dans le cadre du présent projet de loi de finances.

La suppression de la dotation paraît largement dommageable pour l’avenir des métiers d’art. Les pouvoirs publics envoient des signaux tout à fait négatifs au secteur, dans un contexte où le Gouvernement n’a pas souhaité renouveler le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art (CIMA) en 2020.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. N’étant ni rancunier, ni sectaire, je soutiens cet amendement. Au-delà de ce qu’a dit M. Delatte au sujet de l’impact des métiers d’art sur l’économie réelle, je veux insister sur l’intérêt de la préservation de ces métiers du point de vue de l’attractivité touristique : un grand nombre de territoires profitent de l’existence de ces métiers, notamment grâce au label « Villes et pays d’art et d’histoire », qui repose sur la capacité des territoires à préserver les savoir-faire et à accompagner leur transmission aux nouvelles générations. Pour ma part, j’estime donc pertinent de maintenir les crédits consacrés à cet objectif.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Je soutiens l’amendement de mon collègue Delatte. La reconstruction de Notre-Dame-de-Paris nous a fait redécouvrir l’importance de la transmission des savoir-faire ancestraux, en particulier dans le domaine des métiers d’art. Il est important de soutenir ces filières car ces chantiers s’inscrivent dans la très longue durée : des savoir-faire peuvent se perdre si ceux qui sont chargés de les transmettre n’en ont pas les moyens.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cet amendement fait l’objet d’une belle unanimité car nous le soutenons également. Cela me donne l’occasion de saluer le travail de notre collègue Philippe Huppé sur les métiers d’art et les entreprises du patrimoine vivant.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. M. Huppé, retenu en circonscription, aurait été ravi de voter avec nous cet amendement !

La commission adopte l’amendement.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Les rapporteurs peuvent-ils nous donner leur avis sur les crédits de la mission « Économie » ?

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Nos amendements ayant été refusés, j’émets un avis défavorable.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. La question du financement de Bpifrance n’est pas réglée. J’étudierai ce que la commission des finances décidera demain à ce propos ; peut-être la majorité souhaitera-t-elle aborder ce sujet. À défaut, je déposerai un amendement en séance pour remédier à la sous-dotation de Bpifrance. Dans cette attente, je m’en tiens à un avis de sagesse.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. Avis favorable.

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » modifiés.

Après l’article 76

La commission examine l’amendement II-CE57 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement ne coûte rien : j’ai donc l’espoir que l’avis sera favorable ! Il a pour objet la remise d’un rapport au Parlement sur les conséquences du mode de collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la trésorerie des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Nous en avions longuement débattu lors de l’examen de la loi PACTE : le décalage entre le versement de la TVA à la facturation et l’encaissement des factures fait supporter aux entreprises une charge de trésorerie qui nuit très fortement à leur développement et entraîne des frais de gestion.

Outre un panorama précis de cette situation, le rapport aurait vocation à proposer des modalités de collecte de la TVA réduisant la charge de trésorerie des TPE et PME, par exemple en reportant son versement après le paiement effectif des prestations auxquelles elle est applicable. J’ose donc imaginer que cet amendement sera adopté, comme le précédent, à l’unanimité !

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’objectif de ce rapport est de mieux appréhender les conséquences du versement de la TVA pour les petites entreprises. La proposition que vous faites pourrait conduire à une réforme ayant un effet positif sur les trésoreries de petites et très petites entreprises. Avis favorable.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je suis au désespoir de devoir dire une nouvelle fois à ma collègue que le groupe La République en Marche votera contre. Un rapport n’est pas nécessaire : il conviendrait plutôt d’engager, si tel est le souhait du groupe Socialistes et apparentés, une mission d’information commune à la commission des finances et à la commission des affaires économiques sur ce sujet.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Quand nous proposons des amendements de mise en œuvre, l’on nous répond qu’il faudrait réaliser au préalable une étude d’impact. Mais quand nous demandons un rapport afin de fonder nos propositions sur une étude d’impact, l’avis est défavorable ! J’invite mes collègues à prendre en considération le souci de la trésorerie des petites entreprises. Nous avons la possibilité de demander une étude d’impact et de trouver des solutions adaptées : il est regrettable que l’avis soit défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNées

EPARECA

Mme Valérie Lasek, directrice générale

Confédération des commerçants de France (CDF) *

M. Francis Palombi, président

Mme Bénédicte Boudet-Corric, déléguée générale

Bpifrance *

M. Arnaud Caudoux, directeur général adjoint

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Régions de France *

M. Bernard Kleynhoff, conseiller régional de la région Sud

M. Mickaël Vaillant, conseiller

CPME *

M. Xavier Douais, vice-président Commerce

M. Henry Brin, vice-président Artisanat

Mme Jennifer Bastard, juriste à la direction affaires économiques, juridiques et fiscales

Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission Affaires publiques

Confédération de lartisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) *

M. Henry Halna du Fretay, secrétaire général

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

Union des entreprises de proximité (U2P) *

M. Alain Griset, président

M. Pierre Burban, secrétaire général

Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Raphael Keller, secrétaire général

CMA France *

M. Bernard Stalter, président

M. Jacques Garau, directeur général

M. Samuel Deguara, directeur des relations institutionnelles

CCI France *

Mme Sandrine Wehrli, directrice générale déléguée

Mme Corine Manerouck, responsable juridique à la direction des affaires publiques

M. Pierre Dupuy, chargé de mission Affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


([1]) Issus du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières »

([2]) Issus du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence »

([3]) Issus du programme 308 « Protection des droits et libertés », en lien avec les nouvelles missions qu’exercera l’ARCEP sur la régulation de la distribution de la presse.

([4]) À l’exception des crédits de l’agence consacrés au financement du projet « French tech », qui restent inscrit dans le programme 134 

([5]) Chiffres obtenus en soustrayant aux crédits votés en 2019 et aux crédits prévus pour 2020 la dotation correspondante du dispositif de compensation carbone

([6]) Supprimée initialement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, la ligne budgétaire consacrée à l’activité de garantie de Bpifrance a été maintenue par voie d’amendement, mais pour un montant largement symbolique de 10 000 euros.

([7]) L’écart d’1 ETP par rapport au chiffre globale de 192 s’explique selon l’annexe budgétaire par des corrections techniques apportées pour 2020.

([8]) Pour une présentation exhaustive des crédits de l’action n° 4, votre rapporteur renvoie à l’avis budgétaire de Mme Christine Hennion. Cet avis présente également le détail des crédits consacrés à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), intégrés dans le champ du programme 134, mais exclus du champ du présent rapport.

([9]) Pour une analyse exhaustive des crédits de l’action n° 7, votre rapporteur renvoie à l’avis budgétaire de M. Antoine Herth sur le commerce extérieur.

([10]) Selon les chiffres de l’institut des métiers d’art (INMA) cités dans le rapport « France métiers d’excellence » rendus au Gouvernement par les députés MM. Philippe Huppé et Raphaël Gérard

([11]) Hors gestion de dispositifs étatiques confiés à cet organisme  comme le dispositif « maître d’art ‑ élève »

([12]) Le crédit d'impôt représente 10 % des dépenses liées à la conception de nouveaux produits ou au dépôt et la protection juridique des dessins ou modèles de ces nouveaux produits. Il est porté à 15 % pour les entreprises titulaires du label « Entreprises du patrimoine vivant ». Ce crédit d’impôt arrive à expiration au 31 décembre 2019.

([13]) Annexe n° 20 « Économie : développement des entreprises et du tourisme » des rapporteurs spéciaux Mme Olivia Grégoire et M. Xavier Roseren sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019

([14]) https://www.cget.gouv.fr/actualites/56-poles-de-competitivite-labellises-pour-la-phase-iv

([15]) « Plateformes d’accélération vers l’industrie du futur : organisation, missions et financements des centres techniques industriels (CTI) et comités professionnels de développement économique (CPDE) », Mme Anne-Laure Cattelot, députée, M. Bruno Grandjean, Président de l’agence industrie du futur (AIF), et M. Jean-Pierre Tolo, dirigeant d’entreprise remis à la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher

([16]) Le nouveau dispositif combine 6 points d’allègements uniformes jusqu’à 2,5 SMIC à partir du 1er janvier 2019 et 4 points supplémentaires au niveau du SMIC à partir du 1er octobre 2019, dégressifs jusqu’à 1,6 SMIC sur le modèle des allègements généraux sur les bas salaires.

([17]) Selon les chiffres du Gouvernement cités dans le rapport du rapporteur général de la commission des finances sur la première partie du projet de loi de finances pour 2020

([18]) « Le commerce électronique », note parue le 2 mai 2018 et disponible au lien suivant : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3541557

([19]) Étude d’impact de la loi de finances pour 2020

([20]) Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Inspection générale des finances (IGF), « La revitalisation commerciale des centres-villes », octobre 2016

([21]) Fédération du commerce spécialisé

([22]) En faveur d’entreprises économiquement viables et à condition de ne pas induire de distorsion de concurrence

([23]) Selon la communication des rapporteures de la mission flash « zones de revitalisation rurale » réalisée par les députées Mme Anne Blanc et Mme Véronique Louwagie, présentée le 28 novembre 2018

([24])Pour être classé en ZRR, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) doit avoir une densité de population inférieure ou égale à 63 hab/km² et un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à 19 111 €

([25]) Selon l’expression retenue dans le récent rapport sénatorial de  MM. Bernard Delcros, Mme Frédérique Espagnac et M. Rémy Pointereau : « Sauver les ZRR, un enjeu pour 2020 »

([26]) Selon les réponses apportées par le Gouvernement à votre rapporteur

([27]) Contribution écrite envoyée à votre rapporteur

([28]) Selon les informations transmises par le Gouvernement

([29]) Zones mentionnées à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et à l'article 1465 A du code général des impôts

([30]) La CCI de région Auvergne Rhône-Alpes, le conseil régional et la DIRECCTE ont souhaité mettre œuvre une démarche d’expérimentation de management de centre-ville, animé par un responsable réseau, qui a pour mission d’aider les acteurs du management de centre-ville au quotidien, de répertorier et de suivre les expérimentations proposées par les territoires et de capitaliser leurs expériences.

([31]) Un chef d’entreprise pouvait être exempté du SPI s’il avait reçu une formation à la gestion d’un niveau équivalent à celui du stage, ou encore s’il avait déjà exercé une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance équivalent, pendant au moins trois ans.

([32]) Selon la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)