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N° 2298

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2020 (n° 2272)

TOME X

ÉCONOMIE

INDUSTRIE

PAR M. Sébastien Jumel

Député

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 Voir les numéros : 2272 et 2301 (Tome III, annexe 20).


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

PremiÈre partie : analyse des crÉdits

I. l’extinction regrettable des aides pilotÉes en administration centrale

II. une forte incertitude quant au financement de la gouvernance des pôles de compétitivité

III. une baisse des crÉdits consacrÉs à la normalisation

IV. une hausse insuffisante des crédits consacrés à la surveillance du marché

V. Une baisse des dotations budgÉtaires des centres techniques industriels

VI. Une forte hausse de la compensation carbone liée à la hausse du prix du quota

VII. des dépenses fiscales encore trop élevées

seconde partie : COMMENT AMÉLIORER LE SOUTIEN DE LÉTAT AUX ENTREPRISES industrielles EN DIFFICULTÉ ?

I. Les outils de lÉtat gagneraient À sappuyer sur une stratÉgie industrielle claire et ambitieuse

A. DES OUTILS NOMBREUX MAIS PARFOIS INSUFFISANTS

1. Le nombre dentreprises en difficulté reste important

2. Une large palette doutils au service des entreprises en difficulté

a. Un dispositif juridique qui privilégie la poursuite de lactivité et la sauvegarde de lemploi

b. Des acteurs publics à tous les niveaux pour accompagner les entreprises en difficulté

c. Les différents dispositifs de soutien

i. Un soutien strictement encadré par les règles européennes

ii. Des dispositifs variés

3. La relative incapacité de lÉtat à venir en aide aux entreprises en difficulté

B. La dÉfinition dune stratÉgie industrielle claire et partagÉe simpose

1. LÉtat doit pouvoir cibler ses interventions auprès des entreprises en difficulté

2. Cette stratégie doit être transparente et partagée

C. Une coordination plus importante entre acteurs et une harmonisation des dispositifs daide sont indispensables

1. Lamélioration de la détection, en amont, des difficultés

2. Une meilleure coordination entre acteurs

3. Une plus grande harmonisation des dispositifs sur les territoires

II. Le fonds de dÉveloppement Économique et social (FDES) : un outil peu adaptÉ pour soutenir les entreprises en difficultÉ

A. une enveloppe de prÊts en forte baisse ces derniÈres annÉes

B. des taux dintÉRÊt que lon pourrait qualifier de taux d’usuriers

1. Des taux bien supérieurs aux taux de marché

2. La principale raison : des règles européennes très strictes

3. Des banques bien souvent absentes du tour de table

C. LutilitÉ des prÊts du FDES en question

1. Le FDES a permis de financer la continuation de quelques projets industriels stratégiques et porteurs demplois

2. Un outil qui est loin dêtre toujours efficace

III. approfondir le soutien de lÉtat aux entreprises en difficultÉ

A. rassurer les fournisseurs et les crÉanciers des entreprises en difficultÉ

1. Réformer lordre des privilèges attachés aux créances

2. Mettre en place les conditions de succès dun plan de sauvegarde ou de redressement

3. Renforcer le dispositif de garantie de BPIfrance

B. encourager le dÉveloppement dinvestisseurs industriels

1. Créer un label pour les fonds de retournement responsables

2. Mettre en place un fonds public-privé de retournement

3. Prévoir des fonds, spécialisés par filière, venant en aide aux entreprises fragilisées

Examen en commission

liste des Personnes auditionnÉes


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   Introduction

Votre rapporteur souhaiterait, avant tout, vivement remercier M. Fabien Roussel, parlementaire membre de la commission des finances et co-auteur du présent rapport.

Les chiffres sont connus : la faible part de l’industrie manufacturière dans le produit intérieur brut (PIB) français (10,1 % en 2017) est le résultat d’un long processus de désindustrialisation. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fatalité. Après dix-sept années de baisse, l’emploi industriel est finalement reparti à la hausse depuis deux ans. L’action de l’État doit permettre de poursuivre sur cette dynamique, de protéger et de développer nos industries.

 Le Gouvernement dit avoir fait de lindustrie lune de ses priorités. Dans le cadre du Pacte productif, il s’est même fixé pour objectif de faire passer la part de l’industrie et de l’agriculture à 15 % du PIB d’ici 2025 et à 20 % d’ici 2035. Pourtant, force est de constater que le budget alloué à lindustrie dans le PLF 2020 nest pas cohérent avec ce discours et nest pas à la hauteur des enjeux. Votre rapporteur s’est concentré sur les crédits de l’action n° 23 du programme 134 ([1]) qui rassemble les financements des actions de soutien à la politique industrielle. La hausse apparente des crédits de cette action est essentiellement due à l’augmentation de la compensation carbone des sites électro‑intensifs. Les autres dépenses dintervention en faveur de lindustrie sont, quant à elles, en baisse de 13,3 % par rapport aux crédits votés l’an dernier ! Cela est insuffisant au vu des défis que l’industrie française doit relever.

La partie thématique de cet avis budgétaire porte sur la question des aides apportées par lÉtat aux entreprises en difficulté. Ce sujet revêt une importance particulière alors que l’industrie française est confrontée depuis plusieurs années à une profonde mutation fragilisant de nombreuses entreprises. Il est possible d’imaginer demain, en France, une industrie moderne, qui n’exploite ni les hommes ni la planète. Il est, pour cela, vital de se donner aujourd’hui les moyens de préserver notre savoir-faire industriel. Les aides apportées par l’État aux entreprises en difficulté sont nombreuses et reposent sur un maillage d’acteurs important. Elles ne sont cependant pas toujours efficaces ni suffisantes. Elles doivent même nous interroger quand ces aides peuvent conduire l’État à prêter à des taux pouvant atteindre 20 % pour des entreprises en difficulté ! Ce rapport propose douvrir une réflexion sur les faiblesses du dispositif actuel et sur les moyens de le renforcer.

Au terme de son analyse, votre rapporteur émet un avis défavorable à ladoption des crédits de la mission « Économie » pour ce qui concerne lindustrie.


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   PremiÈre partie : analyse des crÉdits

CRÉDITS BUDGÉTAIRES du programme 134 consacrés à l’industrie

(En millions deuros)

 

AE (1) votées en LFI (2) pour 2019

CP (3) votés en LFI pour 2019

AE prévues en PLF 2020

CP prévus en PLF 2020

Évolution des crédits de paiement entre 2019 et 2020

Dépenses de fonctionnement

15,00

12,10

5,49

6,40

- 47,34 %

 Dont, surveillance du marché

0,68

0,68

0,70

0,70

+ 2,94 %

Dépenses dintervention

139,62

144,57

310, 51

316,67

+ 119 %

 Dont, contributions aux organismes internationaux

2,75

2,75

2,68

2,68

- 2,55 %

 Dont, comité français daccréditation

0,17

0,17

0,18

0,18

+ 5.88 %

 Dont, association française de normalisation

7,50

7,50

6,40

6,40

‑ 14.27 %

 Dont, centres techniques industriels et organismes assimilés

8,95

8,95

7,85

7,85

- 12.29 %

 Dont, politiques industrielles mises en œuvre en administration centrale – action de soutien à la compétitivité hors prix des PME

0,00

4,50

0,00

4,00

‑ 11,11 %

 Dont, actions de politique industrielle mises en œuvre et financées en région par les services déconcentrés des DIRECCTE (4)

14,00

14,00

13,90

16,06

+ 14.7 %

 Dont, compensation carbone des sites très électro-intensifs

106,70

106,70

279,50

279,50

+ 161,95 %

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur.

(1) Autorisations d’engagement

(2) Loi de finances initiale

(3) Crédits de paiement

(4) Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi


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La hausse apparente des crédits de l’action n° 23 est essentiellement due à l’augmentation de la compensation carbone des sites électro-intensifs. Les autres dépenses d’intervention en faveur de l’industrie sont, quant à elles, en baisse de 13,3 % par rapport aux crédits votés l’an dernier. Les dépenses de fonctionnement du programme 134 sont aussi considérablement réduites. Ce sont ainsi 155 emplois qui seront supprimés. Votre rapporteur espère que cette réduction ne portera pas préjudice aux actions mises en place par la direction générale des entreprises (DGE).

I.   l’extinction regrettable des aides pilotÉes en administration centrale

Les « actions de politiques industrielles », pilotées et mises en œuvre par la DGE, ont été mises en gestion extinctive à compter de 2019. L’ouverture des crédits de paiement en PLF 2020 permettra uniquement de couvrir les restes à payer sur les engagements antérieurs au 31 décembre 2018. Ces aides soutenaient, principalement sous forme d’appels à projets, des opérations initiées par les filières professionnelles, plus particulièrement en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), pour faire face à des enjeux de compétitivité. Votre rapporteur regrette que le transfert aux régions de compétences en matière économique par la loi NOTRe ([2]) se soit traduit par un désengagement de lÉtat sur des actions favorisant pourtant la compétitivité des entreprises françaises.

II.   une forte incertitude quant au financement de la gouvernance des pôles de compétitivité

Les autorisations d’engagement (AE) ([3]) relatives aux actions pilotées par le réseau déconcentré de l’État sont stables par rapport à 2019 et s’élèvent à 14 millions d’euros (M€). Elles sont ciblées sur l’animation et la gouvernance des pôles de compétitivité et permettent à l’État de cofinancer avec les régions le fonctionnement de ces pôles. Cette stabilité cache, en réalité, une baisse d’environ 3,50 M€ des crédits consacrés à la gouvernance des pôles gérés par l’ensemble des ministères (économie, agriculture, aménagement du territoire et armées). Ces crédits ont en effet été « interministérialisés » en 2020 et le programme 134 a bénéficié des transferts des autres ministères, lesquels finançaient jusqu’à présent la gouvernance des pôles à hauteur de 3,50 M€. Votre rapporteur rappelle que ces pôles jouent un rôle important dans l’innovation de l’industrie française. Il souligne l’incohérence de la baisse des crédits avec les objectifs du Gouvernement en matière de développement industriel et d’innovation annoncés dans le Pacte productif.

Une forte incertitude règne quant au possible désengagement de l’État du financement de la gouvernance des pôles de compétitivité au profit des régions. Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15ème congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l’État aux régions dès 2020. Il est possible que le Gouvernement dépose un amendement au PLF 2020 prévoyant ce désengagement. Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le Gouvernement n’a malheureusement pas souhaité clarifier sa position.

III.   une baisse des crÉdits consacrÉs à la normalisation

La normalisation (au sens de lélaboration des normes volontaires) constitue un des outils au service de la compétitivité et de la croissance des entreprises. L’Association française de normalisation (AFNOR), association loi 1901, a une mission d’intérêt général consistant à orienter, animer et coordonner l’élaboration des normes françaises, européennes et internationales. Le PLF 2020 prévoit une dotation pour l’AFNOR de 6,43 M€ avant mise en réserve, soit une diminution de 1,11 M€ par rapport à la LFI 2019 et une diminution de 3,55 M€ depuis 2018. Cela est regrettable, d’autant plus que les missions de l’AFNOR se sont élargies. Il est essentiel de se donner les moyens de promouvoir un système européen de normalisation qui soit conçu pour répondre pleinement aux besoins des entreprises et de la société.

L’État s’appuie de plus en plus sur l’accréditation pour garantir la compétence technique et l’impartialité des organismes d’évaluation de la conformité des produits. L’État soutient financièrement le comité français d’accréditation (COFRAC), organisme unique d’accréditation français. Ce soutien, en hausse de 5,6 % par rapport à la LFI 2019, retrouve le niveau quil avait en 2018.

IV.    une hausse insuffisante des crédits consacrés à la surveillance du marché

Les actions publiques de surveillance du marché permettent de lutter contre la non-conformité à la règlementation des produits commercialisés sur le marché français ou entrant, via la France, sur le marché intérieur européen. Les crédits prévus par le programme 134 doivent permettre de financer une partie des essais réalisés sur des produits industriels prélevés par les autorités de contrôle. Ils sont en légère hausse par rapport à 2019 (+ 150 000 €), ce qui leur permet de revenir à leur niveau de 2018. La hausse de ces crédits parait insuffisante par rapport à limportance des contrôles à réaliser. Trop de produits non conformes aux règlementations nationales ou européennes parviennent encore à pénétrer le marché français.

V.   Une baisse des dotations budgÉtaires des centres techniques industriels

Les centres techniques industriels (CTI) et les comités professionnels de développement économique (CPDE) sont des établissements d’intérêt général qui exercent diverses missions de développement économique et technique au service des entreprises d’une filière. Ils sont financés essentiellement par des taxes affectées, mais certains continuent toutefois à être financés par des dotations budgétaires. Votre rapporteur regrette que les dotations budgétaires effectives pour 2018, après rabots et gels budgétaires, sélèvent uniquement à 6,61 M€. Cette baisse de 33 % par rapport au montant voté par le Parlement en LFI 2018 n’est pas justifiée.

Pour 2020, les dotations budgétaires s’élèvent à 7,85 M€. Elles sont donc en baisse de plus de 12 % par rapport à la prévision faite en LFI 2019. Cette baisse ne s’explique pas par le passage au financement par taxe affectée de certains CTI ou CPDE. Votre rapporteur s’inquiète de cette baisse de financements apportés par l’État, et ce d’autant plus qu’un récent rapport ([4]) réaffirme d’ailleurs le rôle essentiel des CTI et CPDE dans l’accompagnement de notre tissu industriel.

Votre rapporteur salue néanmoins les amendements qui, en séance à l’Assemblée, ont permis de supprimer le mécanisme de plafonnement des taxes fiscales affectées au centre technique des industries mécaniques et du décolletage (CETIM), au centre technique industriel de la construction métallique (CTICM), au centre technique des industries de la fonderie (CTIF), au centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (CERIB) et au centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC). Il regrette toutefois que les autres CTI et CPDE ne puissent pas bénéficier, dès l’année prochaine, de ce déplafonnement et sera attentif à ce que cela soit prévu par le PLF 2021.

VI.   Une forte hausse de la compensation carbone liée à la hausse du prix du quota

La « compensation carbone » est un dispositif en faveur des entreprises électro-intensives (sidérurgie, papier/carton, chimie, etc.) exposées à un risque significatif de délocalisation en raison des coûts du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l’électricité. La compensation des coûts indirects 2019 versée en 2020 est évaluée à 279,8 M€ dans le PLF 2020 (+ 162 % par rapport à la LFI 2019). Cette forte hausse sexplique par laugmentation du prix du quota carbone : 16,15 € par tonne (au lieu de 5,88 € dans la budgétisation de l’an dernier).

Si ce dispositif est nécessaire à la compétitivité de nombreuses entreprises, il ne fait que compenser la répercussion des quotas carbone sur le prix de l’électricité et nest pas suffisant pour accompagner pleinement le secteur industriel dans sa transition environnementale. Votre rapporteur rappelle que ce dispositif n’est prévu que jusqu’en 2021 et sinterroge sur le manque de visibilité actuelle quant à son évolution.

VII.   des dépenses fiscales encore trop élevées

Les dépenses fiscales sur impôts d’État de la mission « Économie » sont évaluées, en 2020 à 16,4 milliards d’euros (Md€) (contre 26,9 Md€ en 2019). Cette baisse s’explique essentiellement par la diminution de la dépense fiscale associée au crédit d’impôt pour la compétitivité et de l’emploi (CICE) dont le montant était évalué à 19Md€ en 2019 contre 9 Md€ en 2020. Cette diminution traduit la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales. Les 9 Md€ de crédits d’impôt prévus en 2020 s’expliquent par le fait que les créances de CICE non encore imputées ou remboursées au 31 décembre 2018 sont imputables sur l’impôt relatif aux trois exercices suivants, soit jusqu’en 2021.

Votre rapporteur sinterroge sur les effets de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales sur l’industrie. Selon un certain nombre de rapports ([5]), l’industrie serait la grande perdante de cette transformation.


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   seconde partie : COMMENT AMÉLIORER LE SOUTIEN DE L’ÉTAT AUX ENTREPRISES industrielles EN DIFFICULTÉ ?

Votre rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de cet avis aux aides apportées par l’État aux entreprises industrielles en difficulté. La conservation des outils et du savoir-faire industriel déjà présent sur le territoire français apparaît, en effet, comme une nécessité de premier ordre.

Si l’État dispose déjà d’un nombre important de dispositifs pour soutenir les entreprises en difficulté, force est de constater qu’il n’est pas toujours à même de venir en aide aux entreprises dont il juge pourtant le projet industriel intéressant, voire stratégique, et viable sur la durée. Il convient donc de réfléchir aux moyens d’améliorer l’efficacité des outils à la disposition de l’État et de les mettre au service d’une stratégie industrielle ambitieuse et clairement définie.

I.   Les outils de l’État gagneraient À s’appuyer sur une stratÉgie industrielle claire et ambitieuse

Les conséquences des difficultés des entreprises sur le plan social, économique et territorial peuvent être fortement déstabilisatrices si les entreprises ne sont pas suffisamment bien accompagnées. C’est pourquoi les acteurs publics se sont organisés pour être en mesure de détecter les cas d’entreprises en difficulté et de leur proposer différentes formes d’accompagnement. Les outils mis en place souffrent néanmoins d’une grande faiblesse : ils ne sont pas suffisamment mis au service d’une stratégie industrielle clairement définie.

A.   DES OUTILS NOMBREUX MAIS PARFOIS INSUFFISANTS

1.   Le nombre d’entreprises en difficulté reste important

Entre août 2018 et août 2019, le nombre de défaillances d’entreprises industrielles s’est élevé à 3 706 (– 0,3 % par rapport à l’année dernière). Au-delà de cette relative amélioration exprimée dans les statistiques de défaillance, le nombre dentreprises en difficulté reste important. Les défaillances d’entreprises ne représentent, en effet, qu’une petite partie des entreprises en difficulté.

La notion d« entreprise en difficulté » nest pas juridiquement définie au plan national. Pendant longtemps, un seul critère a prévalu pour définir les entreprises en difficulté, à savoir l’ouverture d’une procédure judiciaire. De nombreux critères économiques (la diminution du carnet de commandes, les incidents de paiement, le chômage technique, les demandes de licenciement économique, etc.) sont désormais pris en compte pour qualifier, au plan national, une entreprise comme étant en difficulté.

Au plan européen, la définition est plus stricte. Une entreprise est considérée en difficulté lorsqu’il est pratiquement certain qu’en l’absence d’intervention de l’État, elle sera contrainte de renoncer à son activité à court ou à moyen terme.

Les entreprises en difficulté au sens du droit européen ([6])

Une entreprise est considérée comme en difficulté quand au moins une des conditions énumérées ci-dessous est remplie :

– s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, lorsque plus de la moitié de son capital social souscrit a disparu en raison des pertes accumulées ;

– s’il s’agit d’une société dont certains associés au moins ont une responsabilité illimitée pour les dettes de la société, lorsque plus de la moitié des fonds propres, tels qu’ils sont inscrits dans les comptes de la société, a disparu en raison des pertes accumulées ;

– lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité à la demande de ses créanciers ;

– dans le cas d’une entreprise autre qu’une PME, lorsque depuis les deux exercices précédents: le ratio emprunts/capitaux propres de l’entreprise est supérieur à 7,5 et le ratio de couverture des intérêts de l’entreprise, calculé sur la base de l’EBITDA, est inférieur à 1,0.

2.   Une large palette d’outils au service des entreprises en difficulté

a.   Un dispositif juridique qui privilégie la poursuite de l’activité et la sauvegarde de l’emploi

Afin d’accompagner les entreprises fragilisées ou en difficulté au sens du droit européen, la France s’est dotée d’un cadre juridique unique et novateur. À la différence d’autres pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, le droit français se caractérise par la priorité donnée au maintien de lactivité et à la sauvegarde de lemploi par rapport au remboursement des créanciers. Il s’articule autour de deux familles de procédures.

Les procédures amiables interviennent en amont des difficultés de lentreprise, lorsque celle-ci est fragilisée mais na pas encore connu dincident de paiement. Elles peuvent prendre deux formes, la procédure de mandat ad hoc et la procédure de conciliation, qui se distinguent par la plus grande confidentialité de la première et les garanties supplémentaires dont bénéficient les nouveaux apports financiers réalisés dans le cadre de la seconde ([7]). Depuis 2014, la loi prévoit la possibilité de la préparation, dans le cadre d’une procédure amiable, de la cession de tout ou partie des actifs du débiteur dans une procédure collective ultérieure dans le cadre du dispositif de « prepack cession ». Selon les données du conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ), 3 599 procédures amiables ont été ouvertes en 2018 et 70 % d’entre elles ont débouché sur un accord.

Les procédures collectives interviennent davantage en aval des difficultés de lentreprise. Elles permettent de s’affranchir de la règle d’unanimité des créanciers pour la conclusion d’un accord, et rendent possible le dessaisissement du directeur de l’entreprise. Ces procédures sont publiques et peuvent prendre plusieurs formes :

– si l’entreprise n’est pas en situation de cessation de paiement, mais rencontre des difficultés financières sérieuses, elle peut bénéficier, à la demande de son dirigeant, d’une procédure de sauvegarde. Cette procédure permet l’adoption d’un plan de sauvegarde et peut prévoir l’étalement des créances pour une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans ;

– dès lors que l’entreprise est en cessation de paiement, la procédure de redressement vise à permettre le maintien de l’activité, la sauvegarde de l’emploi et l’apurement des dettes de l’entreprise ;

– si le rétablissement de l’entreprise est jugé impossible, le tribunal de commerce pour ordonner la mise en liquidation. Cette procédure met fin à l’activité de l’entreprise, organise la vente de ses actifs, rembourse les créanciers et procède au licenciement des salariés.

En 2017, plus de 55 000 procédures collectives ont été ouvertes en France ([8]). Dans deux cas sur trois, l’entreprise en difficulté est entrée en liquidation judiciaire directe. Il s’agissait alors majoritairement d’entreprises de petite taille (85 % employant moins de 10 salariés). Dans un cas sur trois, l’entreprise en difficulté est entrée en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde.

b.   Des acteurs publics à tous les niveaux pour accompagner les entreprises en difficulté

Différents acteurs publics accompagnent les entreprises fragilisées et en difficulté.

Au niveau national, le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) intervient auprès des entreprises en difficulté de plus de 400 salariés. Il réalise un diagnostic sur les difficultés de l’entreprise, développe un plan d’affaires pour y répondre et mène une action de médiation auprès des partenaires financiers pour permettre le financement du plan d’affaires. Le CIRI peut alors octroyer des prêts du fonds de développement économique et social (FDES), dans l’espoir d’un effet de levier sur des financements privés ([9]). En 2018, le CIRI est intervenu auprès de 42 nouvelles entreprises en difficulté représentant 60 638 emplois ([10]). Son intervention a permis de préserver plus de 40 000 emplois.

Le délégué interministériel aux restructurations dentreprises (DIRE) a pour fonction d’assurer la coordination de l’aide de l’État aux entreprises en difficulté. Il est notamment chargé d’animer le réseau des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), et peut intervenir directement, à la manière du CIRI, sur les dossiers les plus importants.

La banque publique dinvestissement BPIfrance n’est pas habilitée, en vertu de sa doctrine approuvée par le Parlement à venir en aide aux entreprises en situation de difficulté avérée ou à celles qui ne sont pas à jour de leurs cotisations sociales et fiscales. Elle peut, cependant, intervenir en amont en facilitant l’accès au financement d’une entreprise fragilisée grâce à son offre de garanties de crédits bancaires. De même, dans le cadre du plan d’investissement d’avenir (PIA), BPIfrance est en charge du fonds de fonds de retournement : elle peut ainsi investir dans des fonds de retournement qui, eux-mêmes, investissent dans des entreprises en difficulté.

La direction générale des finances publiques (DGFIP) a pour mission de rechercher les solutions que peuvent apporter les créanciers publics aux entreprises en difficulté. Elle s’appuie pour cela sur deux instances interministérielles déclinées dans chaque département : les commissions des chefs de services financiers (CCSF) et les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). L’intervention de la DGFIP reste assujettie au souci de préservation de l’équilibre des finances publiques. Les CCSF, regroupent les différents créanciers de l’État et proposent des solutions, soit d’échelonnement, soit de remise de dettes fiscales et sociales aux entreprises en difficulté. Au niveau départemental, les CODEFI sont des structures visant à accompagner les entreprises de moins de 400 salariés en difficulté.

Les 22 CRP interviennent auprès des entreprises de moins de 400 salariés, et en priorité de plus de 50 salariés, pour les aider à trouver des solutions adaptées. Ils peuvent agir aussi bien en amont (détection, alerte et prévention) que dans les procédures de restructuration et dans les démarches auprès du tribunal de commerce. Depuis leur création en 2012, les CRP ont accompagné 4 028 entreprises en difficulté, représentant 270 000 emplois ([11]). L’activité des CRP se concentre principalement sur les PME (62 % des cas en 2018) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). En 2018, moins de 10 % des entreprises accompagnées par les CRP ont été placées en liquidation judiciaire.

Depuis la loi du 7 août 2015, dite « loi NOTRe » ([12]), les régions sont, au niveau territorial, les principaux acteurs venant en aide aux entreprises en difficulté. Les conseils régionaux mettent en place de nombreux dispositifs d’aide, tels que le financement des services de conseil, la garantie de crédit, l’offre de prêt à taux zéro, voire même des subventions. D’autres collectivités, en particulier les communes et les communautés de communes peuvent participer au financement de l’intervention régionale ([13]).

c.   Les différents dispositifs de soutien

i.   Un soutien strictement encadré par les règles européennes

Le droit européen de la concurrence interdit les aides publiques, lesquelles sont incompatibles avec le marché commun et sont donc normalement prohibées. L’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit ainsi « les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui affectent les échanges entre États membres et qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Le droit européen n’interdit pas pour autant toute action de l’État en faveur des entreprises. L’État est autorisé à intervenir s’il adopte le comportement normal d’un investisseur privé en économie de marché.

Le droit européen est encore plus réticent à légard des aides aux entreprises considérées en difficulté. Pour la Commission européenne, ces aides comptent parmi les aides d’État qui génèrent le plus de distorsion de concurrence. La Commission européenne a donc, dans ses lignes directrices du 31 juillet 2014 ([14]), déterminé de manière très rigoureuse les conditions dans lesquelles les aides aux entreprises en difficulté peuvent, en dérogation au principe d’interdiction, être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Les aides doivent se présenter sous la forme appropriée pour résoudre les difficultés du bénéficiaire et doivent être dûment rémunérées.

Afin de s’assurer du respect du TFUE, toute « aide nouvelle » (soit une aide créée entièrement, soit une aide existante, mais modifiée) doit être notifiée à la Commission, laquelle peut alors déclarer l’aide illégale si elle estime qu’il s’agit d’une aide d’État. Sont exonérées de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne les interventions qui respectent les conditions fixées par le règlement du 18 décembre 2013 ([15]) relatif aux aides de minimis. Il en est ainsi lorsque le montant cumulé des aides versées au profit d’une entreprise, par l’ensemble des autorités publiques, n’excède pas 200 000 euros pendant les trois derniers exercices comptables.

Les aides aux entreprises en difficulté au sens du droit européen

Trois aides peuvent être accordées :

– les aides au sauvetage sont des aides à la liquidité temporaires prenant la forme de garanties de crédits ou de crédits. Le coût financier total des crédits garantis, incluant le taux d’intérêt des crédits et la prime de garantie, doit respecter certaines conditions ;

– les aides à la restructuration peuvent prendre la forme souhaitée par l’État membre. Le montant et l’intensité des aides à la restructuration doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la réalisation de la restructuration en fonction des disponibilités financières du bénéficiaire, de ses actionnaires ou du groupe auquel il appartient ;

– le soutien à la restructuration consiste en une aide à la liquidité destinée à soutenir la restructuration d’une entreprise en donnant au bénéficiaire la possibilité de concevoir et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour rétablir sa viabilité à long terme. Seules les PME et les petites entreprises publiques peuvent bénéficier d’un soutien temporaire à la restructuration.

ii.   Des dispositifs variés

Au-delà des prêts du FDES (auxquels le II de la présente seconde partie est consacrée) et des aides mises en place par les collectivités territoriales, un certain nombre de dispositifs viennent en aide aux entreprises fragilisées ou en difficulté au sens du droit européen. Une forme de gradation s’opère en fonction de la procédure, les dispositifs les plus protecteurs n’étant accessibles qu’en procédure collective.

Les entreprises fragilisées ou rencontrant des difficultés avérées peuvent bénéficier d’un échelonnement de leurs dettes fiscales et sociales (parts patronales). Ce dispositif a démontré son efficacité puisqu’il a permis à plus de la moitié des entreprises l’ayant sollicité de régler leurs difficultés sur la période 2012-2014. En 2018, les CCSF ont accordé 2 100 plans d’apurement du passif fiscal et social. La durée moyenne de ces plans d’échelonnement était de 22 mois. Le montant total des dettes publiques faisant l’objet de plans d’étalement s’élevait à 516 M€ au 31 décembre 2018.

Si elles sont engagées dans une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les entreprises peuvent, en plus d’un étalement, bénéficier d’une remise de dettes fiscales ou sociales, autorisée par les CCSF dans le cadre de l’article L. 626-6 du code de commerce. Cette procédure reste cependant marginale. Elle est soumise à règlementation européenne en matière de concurrence et l’État ne peut l’utiliser que lorsqu’il est en mesure de démontrer qu’il agit conformément au principe du créancier privé en économie de marché. Il peut pour cela soit appliquer les mêmes remises que les autres créanciers privés de l’entreprise, soit montrer que ses propres pertes seraient plus grandes en l’absence de remise de dettes. Le montant total des remises de dettes en 2018 n’a pas été communiqué à votre rapporteur.

D’autres dispositifs fiscaux existent, comme le remboursement anticipé des créances de crédit dimpôt recherche (CIR) pour les entreprises en conciliation et en procédure collective ([16]) ou le remboursement immédiat des créances nées dun report en arrière de déficit ([17]) en cas de procédure collective.

3.   La relative incapacité de l’État à venir en aide aux entreprises en difficulté

Le dispositif mis en place pour venir en aide aux entreprises en difficulté ne permet pas toujours de garantir le maintien de l’activité. La mise en liquidation judiciaire de lentreprise de papèterie Arjowiggins en mars 2019 illustre ses limites.

Fondée en 1824, la papeterie appartenant au groupe Séquana a été durement frappée par la crise en 2009.  Arjowiggins a bénéficié d’une première intervention de l’État grâce à un apport de fonds propre de 140 millions d’euros de BPIfrance. Cette première intervention n’a pas suffi et l’entreprise s’est retrouvée à nouveau en difficulté à partir de 2018. L’État est alors intervenu une seconde fois, en promettant 25 millions d’euros d’aides, sous forme de prêts de l’État et de la région et d’effacement de dettes fiscales, à condition que l’entreprise trouve un volume d’investissement privé équivalent.

En l’absence des investissements privés nécessaires, lentreprise a été mise en liquidation judiciaire en mars 2019. Le coût d’une telle disparition est extrêmement important pour l’emploi, les familles concernées, les sous-traitants, la filière papetière et la collectivité. La procédure a abouti au licenciement de plus de 700 salariés et à la mise en difficulté dune cinquantaine de fournisseurs entrant, pour certains, en redressement judiciaire. D’après des articles de presse ([18]), la puissance publique perdrait 20 M€ de dettes fiscales et sociales non remboursées ; BPIfrance perdrait, elle, 180 M€.  Au-delà, la disparition de cette entreprise signe la perte d’un savoir-faire unique et d’une production utile à l’économie française. À aucun moment la responsabilité des dirigeants du groupe n’a été engagée, ce qui est extrêmement regrettable. Où est passé l’argent public versé ? Cette affaire, extrêmement grave, doit nous interroger sur les critères d’attribution des aides publiques et sur les moyens dont dispose l’État pour préserver des filières indispensables pour notre pays.

B.   La dÉfinition d’une stratÉgie industrielle claire et partagÉe s’impose

Un constat a fait l’unanimité lors des auditions menées par votre rapporteur : le ciblage des aides aux entreprises en difficulté pourrait être amélioré. Il faut centrer l’argent et le soutien public, avec des critères mieux définis, sur les entreprises susceptibles d’être « retournées » et porteuses d’un projet s’inscrivant dans une stratégie industrielle bien définie.

1.   L’État doit pouvoir cibler ses interventions auprès des entreprises en difficulté

La décision de sauver ou non certaines entreprises et certains secteurs ne peut ni dépendre de pressions médiatiques, ni être prise par des opérateurs privés financiers, tant l’industrie peut avoir un impact structurant pour notre économie et notre territoire. Les entreprises en difficulté sont de plus en plus soumises à des offres de reprises ou de recapitalisation formulées par des entreprises financières sans stratégie industrielle. Le seul but de ces entreprises financières est de créer à court terme de la valeur, sans se préoccuper de l’avenir d’une filière. En matière industrielle, l’État stratège doit se substituer à un État en retrait. La stratégie industrielle que nous devons définir doit être offensive et permettre lidentification de filières structurantes pour l’avenir de l’industrie française. Elle doit être cohérente avec l’objectif de relocalisation des productions et doit également nous permettre de tenir nos objectifs climatiques. Le pacte productif proposé par le Gouvernement gagnerait à prendre pleinement en compte cette problématique.

L’élaboration de cette stratégie doit reposer sur une analyse en coûts complets : il est essentiel de prendre en compte lensemble des coûts induits sur les différents territoires par la disparition des entreprises industrielles. Une telle disparition engendre un coût humain très important (pertes d’emplois, de savoir‑faire ou de compétences), un coût social pour les collectivités et l’État, mais également d’autres types de coûts, comme le coût climatique associé à la nécessité d’importer depuis l’étranger des biens qui ne sont plus produits en France.

2.   Cette stratégie doit être transparente et partagée

Au-delà de la définition d’un cadre stratégique clair, l’action publique gagnerait à être plus transparente, pour être mieux comprise et mieux connue, tant des entreprises en difficulté que des potentiels investisseurs privés.

Une meilleure communication doit accompagner les actions de lÉtat en faveur des entreprises en difficulté. Du fait de leur appartenance à l’administration fiscale ou au Trésor, le CIRI, les CCSF et les CODEFI pâtissent d’un déficit d’image qui nuit à leur intervention. Dans le cas du CCSF, cela se traduit par une diminution du nombre de dossiers reçus alors même que le nombre d’entreprises entrant en procédure judiciaire augmente. L’État gagnerait à mieux communiquer sur les outils à disposition des entreprises, notamment en mettant en avant des exemples d’entreprises ayant réussi leur retournement.

Il ressort des auditions que le manque de doctrine claire sur l’aide aux entreprises en difficulté ainsi que la multiplicité des acteurs (CIRI, DIRE, régions...) nuisent parfois à la confiance des investisseurs privés dans les projets de reprise des entreprises. La procédure d’engagement d’argent public n’est pas suffisamment transparente.

C.   Une coordination plus importante entre acteurs et une harmonisation des dispositifs d’aide sont indispensables

1.   L’amélioration de la détection, en amont, des difficultés

Lanticipation des difficultés dune entreprise est un facteur essentiel de la réussite de son retournement. Elle a pour principal avantage de permettre l’utilisation d’outils (aides de BPIfrance, aides de droit commun des régions notamment) dont sont exclues, en vertu du droit européen, les entreprises connaissant des difficultés avérées.

Malheureusement, la prise en charge en amont des entreprises en difficulté est complexe. Les chefs d’entreprise n’ont pas toujours les compétences nécessaires pour évaluer les difficultés de leurs entreprises avant qu’elles ne deviennent trop évidentes. Ils sont aussi souvent réticents à faire part de leurs difficultés suffisamment en amont, craignant la méfiance de leurs partenaires.

LÉtat a développé une stratégie de détection des difficultés des entreprises : le programme « Signaux faibles » repose sur le traitement, par le biais d’algorithmes, des données relatives aux entreprises dont disposent les différents services de l’État. Ces résultats sont partagés au sein d’une plateforme uniquement ouverte aux différents partenaires, à savoir la direction générale des entreprises (DGE), la Banque de France, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). L’objectif est de détecter le risque de défaillance d’une entreprise à 18 mois.

Force est de constater que la stratégie dintervention des acteurs publics une fois lentreprise détectée par « Signaux faibles » reste encore floue. Il apparaît nécessaire de veiller à la coordination entre les acteurs pour permettre le succès de cette initiative. Votre rapporteur souhaiterait également que soit évaluée lopportunité douvrir le partage des résultats de lanalyse « Signaux faibles » aux acteurs régionaux. Les régions ont, en effet, un rôle majeur à jouer dans la détection des entreprises en difficulté.

2.   Une meilleure coordination entre acteurs

La plupart des personnes rencontrées par votre rapporteur ont appelé de leurs vœux une meilleure coordination entre acteurs.

Au niveau territorial, les régions interviennent souvent seules. Il serait opportun que les différents échelons de collectivités locales autorisés à participer au financement des aides aux entreprises fragilisées interviennent davantage ensemble.

Les représentants des conseils régionaux auditionnés par votre rapporteur ont exprimé leurs grandes difficultés à coordonner leur action avec celle des CODEFI, dont les procédures sont jugées trop complexes. Les démarches auprès des CODEFI et CCSF pourraient être simplifiées. Le rôle de chaque acteur gagnerait à être clarifié afin de mettre en place une réelle synergie au niveau local entre les différents acteurs.

De même, la coordination entre acteurs régionaux et nationaux pourrait être améliorée. Les représentants des régions souhaiteraient être associés au comité de suivi mis en place par le CIRI. Ils souhaiteraient également que le CIRI et le DIRE communiquent davantage sur leurs dossiers communs, surtout lorsque les régions apportent une aide importante. Votre rapporteur y est également favorable.

3.   Une plus grande harmonisation des dispositifs sur les territoires

Certaines régions mettent en place des dispositifs innovants pour venir en aide aux entreprises fragilisées, c’est-à-dire aux entreprises qui connaissent des difficultés sans pour autant relever de la définition européenne des « entreprises en difficulté ». Des aides finançant des diagnostics stratégiques nécessaires pour définir un plan de redressement et de sortie de crise sont mises en place. Ainsi, la région Nouvelle-Aquitaine finance les frais de conseil pour permettre aux entreprises de bénéficier des services d’un cabinet externe. Des prêts, avances remboursables et subventions peuvent également être accordés par les régions. À titre d’exemple, la région Normandie octroie des prêts à taux nul sans garantie, remboursés en une à cinq annuités, au terme d’un différé de remboursement d’une durée maximale de deux ans. Ils sont plafonnés à 500 000 € pour le financement de besoin en fonds de roulement et à 1 500 000 € pour les investissements.

Certaines régions mettent également en place des dispositifs régionaux spécifiques pour les entreprises relevant du statut européen dentreprises en difficulté. C’est le cas, par exemple, de la région Occitanie qui, pour les PME en procédure collective d’insolvabilité, a mis en place un fonds leur octroyant des avances remboursables. Ces avances sont limitées à 70 M€ et doivent être remboursées sur une période maximale de 10 ans.

Certaines régions sont particulièrement impliquées et cherchent à compléter les dispositifs mis en place au niveau national. C’est le cas de la région Hauts-de-France qui, dans le dossier Ascoval, est allée jusqu’à proposer de compléter l’offre de prêt du FDES par un prêt de la région d’un montant de 12 M€.

Mais toutes les régions ne sont pas également actives en matière de soutien aux entreprises en difficulté. Ces disparités sont sources de fortes inégalités entre entreprises, selon le territoire sur lesquelles elles se trouvent. Votre rapporteur insiste ainsi sur l’importance d’encourager le dialogue entre régions, la diffusion des bonnes pratiques, voire l’harmonisation, autant que possible, des dispositifs. Votre rapporteur rappelle également que l’implication des territoires passe par la préservation des effectifs des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

II.   Le fonds de dÉveloppement Économique et social (FDES) : un outil peu adaptÉ pour soutenir les entreprises en difficultÉ

Les prêts du fonds de développement économique et social (FDES) sont, avec l’échelonnement et la remise de dettes fiscales et sociales, l’un des principaux outils financiers dont dispose l’État pour aider les entreprises en difficulté. Néanmoins, ces prêts sont très peu mobilisés et, quand ils le sont, ne sont pas toujours adaptés à la situation des entreprises aidées.

A.   une enveloppe de prÊts en forte baisse ces derniÈres annÉes

Les prêts FDES sont des prêts accordés par le CIRI ou par les CODEFI pour venir en aide à des entreprises fragilisées ou en difficulté avérée qui disposent néanmoins de perspectives de résultat et d’un marché. Un prêt FDES doit uniquement servir à financer l’avenir de l’entreprise, dans le cadre d’un plan de restructuration. La doctrine d’emploi de ces prêts a été précisée par la circulaire du 9 juin 2015 ([19]) : ils doivent permettre de compléter un tour de table après des négociations financières avec l’ensemble des partenaires privés exposés dans le devenir de l’entreprise.

Lenveloppe de crédits disponibles pour loctroi de tels prêts est fixée par le programme budgétaire 862, au sein de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Pour 2020, 75 M€ sont prévus en AE et en CP, en hausse de 50 % par rapport à la LFI 2019. Votre rapporteur salue cette revalorisation. Il regrette cependant la taille limitée du dispositif au regard des enjeux auxquels il cherche à répondre et de ses dotations passées. Il rappelle ainsi que le FDES était doté de 310 M€ en 2014.

CRÉDITS BUDGÉTAIRES du fonds FDES

(En millions d’euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

310

200

150

100

100

50

75

Selon le Gouvernement, la baisse des dotations par rapport à 2014 se justifie par le la volonté d’adapter les moyens budgétaires à l’amélioration du contexte économique. L’augmentation des demandes d’aide adressées par les entreprises en difficulté au CIRI semble pour autant contredire quelque peu cet argument.

B.   des taux d’intÉRÊt que l’on pourrait qualifier de taux d’usuriers

1.   Des taux bien supérieurs aux taux de marché

Au-delà du montant de l’enveloppe de prêts que peut octroyer l’État, la vraie question est celle des taux auxquels lÉtat prête aux entreprises en difficulté. Les conditions des prêts du FDES (taux, maturité, conditions de remboursement, garanties) ne sont pas publiques mais d’après les auditions menées par votre rapporteur, les taux d’intérêt des prêts FDES pourraient aller jusqu’à près de 20 %.

Cela signifie qu’alors même que ces entreprises éprouvent des difficultés à se financer sur le marché privé, lÉtat leur prête de largent à des taux... bien supérieurs aux taux du marché ! L’État ne s’en cache d’ailleurs pas. La circulaire du 9 juin 2015 précitée indique que « le taux est délibérément supérieur à ceux du marché » puisqu’« il s’agit d’exclure tout effet de substitution par rapport aux financements bancaires ».

Le tableau ci-dessous recense les taux de marché proposés ces derniers mois par les établissements de crédit et les sociétés de financement résidentes pour les crédits nouveaux ([20])  octroyés aux sociétés non financières ([21]). Les taux d’intérêt recensés sont des taux effectifs au sens étroit (TESE) et correspondent à la composante « intérêt » du taux effectif global (TEG).

Taux des crÉdits nouveaux des sociÉtÉs non financiÈres (hors dÉcouverts)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Banque de France

Ces taux dintérêt extrêmement élevés demandés par le FDES rendent plus difficile le retournement des entreprises. Certes, quand l’État estime que la trésorerie d’une entreprise ne permet pas d’assumer le paiement d’échéances, ni en capital ni en intérêts, il peut consentir à demander un remboursement du capital in fine, et à charger des intérêts « PIK » (payment in kind). À la différence des intérêts dits « cash », les intérêts PIK ne sont pas payés à l’échéance mais capitalisés, et remboursés à la maturité du prêt. Néanmoins, cette technique n’est qu’un pis-aller qui ne compense pas la difficulté que représentent, pour les entreprises fragiles, des taux d’intérêt aussi élevés !

Seul l’État gagne à octroyer des prêts associés à de tels taux d’intérêt. De 2016 à août 2019 inclus, l’État aurait ainsi perçu, d’après le CIRI, environ 21 M€ d’intérêts. Ce n’est néanmoins pas la raison pour laquelle l’État impose de tels taux d’intérêts aux entreprises en difficulté. Il le fait car les règles européennes l’y obligent.

2.   La principale raison : des règles européennes très strictes

Afin d’être compatibles avec le régime d’aide d’État européen, les prêts FDES « ne doivent pas conduire l’État à prendre en charge un risque anormal par rapport aux autres créanciers de l’entreprise » ([22]). Les taux d’intérêt sont donc calculés selon les deux méthodes suivantes :

– la première méthode consiste, pour l’État, à prêter aux mêmes conditions (taux dintérêt, sûretés) que les prêteurs privés impliqués dans le tour de table. Cette approche a, par exemple, prévalu dans le dossier Arc International, où l’État s’est aligné sur les conditions financières imposées par le consortium de fonds souverains pour leur réinvestissement de 25M€ (intérêts PIK de 12 % par an, d’après les auditions menées par votre rapporteur) ;

– de manière subsidiaire, en l’absence d’investisseur privé, l’État est autorisé à octroyer un prêt s’il respecte les taux indiqués dans la communication de la Commission européenne relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d’actualisation ([23]). Pour les entreprises en difficulté, les taux dintérêt oscillent entre le taux Euribor ([24]) (un an) + 4 % et Euribor (un an) + 10 % selon la qualité des garanties que peut offrir lentreprise.

La Commission opère un contrôle vigilant et quasi systématique du respect de la réglementation en matière d’aide d’État à chaque nouveau prêt FDES. Elle a ainsi déjà demandé à lÉtat daugmenter le taux dintérêt proposé. En 2014, elle a estimé qu’un taux de 6.5 %, initialement proposé par l’État à une entreprise en difficulté, était indûment bas, car l’entreprise ne fournissait pas de suretés suffisantes pour garantir son prêt. Elle a donc enjoint les autorités françaises à aligner le taux d’intérêt du FDES sur le taux Euribor + 10 % (soit, au taux Euribor actuel, environ 9.7 %). La Commission a rendu en novembre 2015 une décision déclarant illégal un prêt FDES, estimant le niveau du taux non conforme à un taux de marché (estimé par la Commission à 10,53 %).

3.   Des banques bien souvent absentes du tour de table

Selon l’adage bien connu, les banques ne prêtent qu’aux riches ! C’est pourtant la réalité dans de nombreux cas où des entreprises se retrouvent bien seules  quand elles sont en difficulté et en recherche de financement pour porter un nouveau projet industriel. Dans ce cas, en l’absence des banques, des industriels sont obligés de se tourner vers des opérateurs financiers qui n’ont d’autres préoccupations que de gagner beaucoup d’argent en très peu de temps. Leurs taux sont très élevés. Dans ce cas, le FDES s’aligne sur ces opérateurs financiers et prête à ces même taux. La responsabilité des banques, par leur absence, est donc posée.

C.   L’utilitÉ des prÊts du FDES en question

Les prêts FDES sont-ils adaptés au soutien des entreprises en difficulté ?

1.   Le FDES a permis de financer la continuation de quelques projets industriels stratégiques et porteurs d’emplois

Malgré ces montants limités, le FDES permet de financer la continuation de projets industriels essentiels dans nos territoires. D’après les réponses du CIRI apportées à votre rapporteur, le fonds FDES aurait, en 2019, permis d’octroyer :

– un prêt de 16 M€ (AE/CP) dans le dossier Arc International Holding, groupe verrier, leader mondial des arts de la table. Cette entreprise, implantée à Arques (Pas-de-Calais) depuis 1825, emploie 10 000 salariés dans le monde, dont 5 000 en France ;

– un prêt de 25 M€ (CP) dans le dossier Presstalis (1 200 emplois en France), leader de la distribution de la presse en France et premier exportateur de presse française dans le monde ;

– un prêt de 25 M€ en AE et 15 M€ en CP dans le dossier British Steel SAS pour le sauvetage de l’entreprise sidérurgique Ascoval (280 emplois à Saint‑Saulve) ;

– un prêt 2 M€ (AE) dans le dossier TIM SAS, producteur de cabines et de pièces métalliques pour engins de travaux publics, fondé en 1948 et implantée à Bergues (310 emplois en France).

2.   Un outil qui est loin d’être toujours efficace

Le FDES ne semble pas toujours à même daider efficacement les entreprises en difficulté. Les effets de levier sur les capitaux privés ne se concrétisent pas toujours. Ainsi, pour 2019, la prévision de l’effet de levier n’est que de 1,5, soit bien en deçà de la cible de 5. La pérennité des entreprises soutenues par le FDES, mesurée par le taux de remboursement des prêts pour le développement économique et social accordés en n-3, n’est pas toujours satisfaisante. Le niveau de consommation des crédits du FDES n’est pas nécessairement élevé chaque année, alors même que de nombreuses entreprises en difficulté cherchent des financeurs. Enfin, et surtout, les taux d’intérêt des prêts sont extrêmement élevés, ce qui pèse sur la trésorerie des entreprises en difficulté. De manière plus générale, les apports en fonds propres semblent bien plus efficaces que les prêts pour aider les entreprises en difficulté.

La moindre efficacité du FDES tient en réalité beaucoup à labsence de banques et dinvestisseur privé proposant des taux relativement bas et permettant à lÉtat de saligner sur ses conditions. Même lorsque l’État est convaincu de l’importance de l’entreprise et de la viabilité de son projet, il ne peut pas toujours trouver de contrepartie privée pour financer le retournement, en raison de l’absence d’investisseur privé qui accepte de prêter ou, encore mieux, d’apporter des fonds propres à l’entreprise en difficulté.

Dans ce contexte, l’action de l’État dépend souvent de celle du seul investisseur disponible. L’État est parfois contraint à proposer des taux abusivement élevés, même si cela risque de fragiliser l’entreprise qu’il cherche à aider. Il est donc plus que nécessaire de favoriser l’émergence, en France, d’investisseurs industriels avisés à même de contribuer à préserver nos industries.

III.   approfondir le soutien de l’État aux entreprises en difficultÉ

Afin de faciliter le retournement des entreprises, il est nécessaire de rassurer davantage les fournisseurs et créanciers susceptibles d’apporter à l’entreprise en difficulté des capitaux lui permettant de poursuivre son activité. Il est tout aussi essentiel de faire émerger davantage d’investisseurs avisés de long terme cherchant à préserver les savoir-faire et les compétences du tissu industriel français et à même d’investir dans les entreprises en difficulté.

A.   rassurer les fournisseurs et les crÉanciers des entreprises en difficultÉ

Les difficultés rencontrées par une entreprise, notamment l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, provoquent par définition une inquiétude des clients, des fournisseurs et des financeurs. La réforme de l’ordre des privilèges ou le renforcement du dispositif de garanties de BPIfrance sont des outils clés pour rassurer les partenaires de l’entreprise en difficulté.

1.   Réformer l’ordre des privilèges attachés aux créances

En 2018, selon le classement Doing business de la Banque mondiale ([25]), la France était en 28ème position en termes d’efficacité de ses procédures d’insolvabilité, loin derrière l’Allemagne à la 4ème place. Si la France s’est dotée d’un des systèmes juridiques les plus performants d’Europe pour encourager la prise en charge en amont des difficultés des entreprises, lordre des privilèges appliqué lors de la liquidation de lentreprise fragilise parfois la confiance entre lentreprise et ses créanciers, constituant alors un obstacle à la réussite du retournement.

Dans le dispositif actuel, le remboursement des créanciers est organisé à la suite de la vente de l’actif de l’entreprise. Si lactif savère insuffisant pour le remboursement de lensemble du passif, un ordre défini sapplique au traitement des créances. Les salaires et primes des salariés bénéficient d’un super privilège et sont systématiquement payés en premier. Viennent ensuite les frais de justice antérieurs au jugement d’ouverture de la liquidation, puis les éventuels apports supplémentaires (new money) issus de la procédure de conciliation dont l’accord a été homologué et qui bénéficient donc du privilège de conciliation. Sont ensuite remboursées les créances bénéficiant de privilèges généraux (permettant d’être payés en priorité sur le produit de la réalisation de tous les biens), dont le Trésor public et les organismes sociaux et caisses de retraite sont les principaux bénéficiaires ; ils sont ainsi prioritaires sur les créances hypothécaires. Viennent ensuite les créances disposant de privilèges spéciaux (qui disposent d’une priorité sur le produit de la réalisation d’un bien spécifique). Finalement, les créanciers ne disposant pas de privilège, dits créanciers chirographaires, sont pris en compte dans la limite de la disponibilité des liquidités.

Les fournisseurs sont généralement considérés comme chirographaires, car ils ne disposent souvent pas de garantie sur les avances qu’ils concèdent à leurs clients. Dans ce contexte, ils sont presque certains, en cas de difficulté de leur client, de ne pas se voir rembourser leurs créances. Cela se traduit généralement par une rupture du lien de confiance entre le fournisseur et son client au moment de lentrée en procédure judiciaire de ce dernier. Cette situation crée un handicap supplémentaire pour l’entreprise en difficulté, ses fournisseurs ne lui faisant plus confiance demandant alors à être payés à la livraison et n’acceptant généralement plus de faire d’avances. En cas de mise en liquidation de l’entreprise cliente, les fournisseurs n’étant pas remboursés se trouvent à leur tour en difficulté, créant un risque de contagion pour tout un secteur ou tout un territoire.

En Allemagne, les fournisseurs sont mieux protégés par le droit des sûretés. L’État et les régions (les Länder) sont chirographaires et participent ainsi à absorber une partie des couts induits par la faillite d’une entreprise sur le reste de l’économie. Les fournisseurs sont donc moins incités à quitter le tour de table, font plus confiance à l’entreprise dans son processus de retournement et sont moins fragilisés par son éventuelle mise en liquidation.

Votre rapporteur propose que la réforme du droit des suretés prévue par voie dordonnance ([26]) soit loccasion de réfléchir à modifier quelque peu le privilège du Trésor tel quil est appliqué aujourdhui. Il pourrait être opportun de ne plus privilégier les créances publiques sur celle des fournisseurs.

La directive « Restructuration et insolvabilité » (1)

L’intégration dans le droit français de cette directive ne devrait pas restructurer en profondeur les procédures françaises d’insolvabilité mais elle apportera des modifications aux règles de décision en cas de restructuration de l’entreprise. Les comités de créanciers, existant dans le système français actuel, et regroupant d’une part les créanciers financiers et d’autre part les fournisseurs, seront remplacés par des classes de créanciers, regroupées en fonction de communautés d’intérêt. La nouvelle procédure conditionnera l’adoption du plan de restructuration à l’accord de l’ensemble des classes. Une nouvelle procédure dite « d’application forcée interclasse » permettra de valider un plan si la majorité des classes se prononcent en sa faveur et que cette décision est au moins aussi favorable envers les classes réfractaires. Cette nouvelle procédure viendra remplacer le besoin d’acceptation par au moins 75 % de chacun des comités de créanciers aujourd’hui appliqué en France.

(1) Directive (UE) 2019/2023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019

2.   Mettre en place les conditions de succès d’un plan de sauvegarde ou de redressement

Afin de permettre à une entreprise en difficulté de relancer son activité, il est nécessaire de parvenir à une réduction massive de sa dette. Cela doit passer par un effort d’abandon de créances de la part des créanciers privés mais également de la part de la puissance publique ([27]).

Pour autant, de nombreux acteurs jugent que les règles encadrant l’obtention de remise de dettes publiques sont inapplicables en pratique. En cas d’ouverture d’une procédure de conciliation, le débiteur ou le conciliateur doit saisir la CCSF de sa demande de remise de dettes dans un délai de deux mois, sous peine de forclusion ([28]). Ce délai de deux mois n’est pas toujours compatible avec le calendrier de la négociation en conciliation. Il est trop court pour permettre à l’entreprise de faire part de sa demande et rend donc rarissimes les remises de créances par l’État. L’effort d’abandon est aujourd’hui essentiellement supporté par les créanciers privés. Votre rapporteur préconise daugmenter le délai de forclusion de deux à six mois. Les conséquences pour les finances publiques seront limitées, puisque les remises de dettes permettent d’éviter des liquidations judiciaires, lesquelles conduisent le plus souvent à ce que les acteurs publics ne récupèrent quasiment rien de leurs créances.

3.   Renforcer le dispositif de garantie de BPIfrance

BPIfrance, en vertu de sa doctrine et en conformité avec le droit européen, n’est pas autorisée à intervenir auprès des entreprises en situation de difficulté avérée. Elle intervient cependant en faveur des entreprises fragilisées en facilitant leur accès au financement grâce à un système de garantie.

Cette offre peut prendre deux formes : soit BPIfrance garantit les prêts des financeurs privés à hauteur de 40 à 70 % pour les inciter à financer les entreprises dans les phases les plus risquées, soit BPIfrance offre un crédit sans garantie aux entreprises (sans caution personnelle du dirigeant, ni sûreté sur les actifs de l’entreprise). En 2018, 8,7 Md€ ([29]) de prêts bancaires privés ont été garantis ainsi par BPIfrance, bénéficiant à plus de 60 000 entreprises.

L’activité de garantie des prêts aux entreprises de BPIfrance bénéficiait, jusqu’à présent, des crédits de l’action n° 20 « Financement des entreprises » du programme 134 de la mission budgétaire « Économie ». Votre rapporteur regrette sa suppression prévue dans le PLF 2020 et a déposé un amendement pour la rétablir. Les autres sources de financement, que sont la réallocation des excédents de provisionnements d’autres fonds ou le recyclage des dividendes de l’État, ne sont pas suffisantes et ne peuvent pas être envisagées comme des solutions de long terme. De plus, les moyens de BPIfrance, banque publique, doivent rester transparents et soumis au contrôle parlementaire. Votre rapporteur insiste également sur le fait que le programme de garanties de BPIfrance permet de générer un effet de levier important sur l’investissement privé (1€ d’argent public, permet l’octroi de 10,2  € de garanties BPIfrance et permet de lever 21,4 € d’investissement privé) et qu’il est orienté en priorité vers les entreprises fragilisées.

Au-delà du rétablissement des crédits budgétaires, votre rapporteur considère qu’il pourrait être opportun de permettre à BPIfrance, dans certains secteurs, de garantir les prêts des financeurs privés à plus de 70 %.

B.   encourager le dÉveloppement d’investisseurs industriels

L’action de l’État, conformément aux règles européennes en matière de concurrence, doit s’inscrire en complémentarité d’une action privée. Pourtant, dans le domaine du retournement des entreprises, la France est caractérisée par un nombre très faible d’acteurs privés susceptibles d’intervenir. L’action de l’État s’en trouve ainsi limitée. Il paraît donc utile que l’État favorise l’émergence de nouveaux acteurs sur lesquels il pourra s’appuyer pour venir en aide aux industries en difficulté.

D’après les auditions menées par votre rapporteur, trois raisons expliquent la faiblesse du marché du retournement en France :

– un problème déchelle : la plupart des fonds de retournement existants considèrent qu’il n’est pas intéressant d’investir dans des petites entreprises pour des montants inférieurs à 10 millions d’euros. Il n’existe donc actuellement pas réellement de marché du retournement en France pour les entreprises de moins de 200 salariés ;

– un problème de rentabilité : les objectifs de rentabilité fixés par les fonds d’investissement ne sont pas adaptés aux entreprises en difficulté, qui, du fait de leur niveau de risque élevé, ne sont souvent pas jugées intéressantes ;

– un problème de compétence : le retournement d’une entreprise industrielle nécessite des compétences qui vont bien au-delà des compétences financières habituellement mobilisées par les investisseurs. Il s’agit d’être en mesure de comprendre l’outil et le secteur industriel pour réorganiser l’entreprise en profondeur. Les institutions financières traditionnelles ne disposent pas toujours de ces compétences et, devant la complexité de ces opérations, préfèrent se concentrer sur des activités plus classiques.

1.   Créer un label pour les fonds de retournement responsables

Afin de favoriser l’émergence de fonds de retournement en France et de protéger nos industries contre d’éventuels fonds vautours, il est nécessaire de renforcer la relation de confiance entre les acteurs du retournement, lÉtat et les entreprises. La création d’un label identifiant les fonds de retournement responsables pourrait être une piste à étudier.

Les fonds de retournement labellisés comme responsables seraient alors assurés de la participation financière de lÉtat à leurs côtés en cas dinvestissement dans une entreprise en difficulté. Les acteurs du retournement auditionnés dans le cadre de la préparation de ce rapport ont, en effet, indiqué que le manque de lisibilité de l’intervention de l’État représentait un frein important à leurs investissements. La mise en place d’un label pourrait permettre de rassurer les investisseurs, en leur offrant la garantie du soutien de l’État sur leurs opérations.

LÉtat gagnerait alors à fixer des conditions strictes, en matière de sauvegarde de lemploi, de responsabilité environnementale et de maintien de lactivité en France, que le fonds de retournement s’engagerait à respecter pour obtenir sa labellisation. L’État se réserverait le droit de retirer le label aux fonds de retournement ne respectant pas ces engagements.

Ce dispositif permettrait également de protéger les entreprises en situation de difficulté de certains fonds étrangers dont les intérêts ne sont pas nécessairement alignés avec les leurs.

2.   Mettre en place un fonds public-privé de retournement

Une autre option serait, non plus de labelliser des investisseurs privés, mais de créer un fonds public-privé de retournement. Cette idée n’est pas nouvelle, elle avait même été évoquée en 2015 par M. Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie !

Une autre voie avait été prise à lépoque, avec la création du fonds de fonds de retournement ([30]). Force est de constater que ce fonds de fonds n’est pas parvenu à dynamiser le marché du retournement. Il a uniquement permis, jusqu’à présent, le financement de deux fonds de retournement ([31]). La fin de ce programme prévue pour 2020 doit inciter à réfléchir à la mise en place d’une nouvelle stratégie.

Il serait ainsi dopportun de réfléchir à mettre en place un fonds publicprivé de retournement abondé par lÉtat, les grandes entreprises et le secteur bancaire. Les entreprises privées pourraient participer au financement du projet dans une démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ce fonds pourrait permettre de marier l’expertise du public et du privé, notamment celle des industriels et des salariés.

Ce fonds public-privé pourrait utilement se différencier des fonds privés comme les fonds de LBO (leverage buy out) qui suivent une logique purement spéculative. S’il était décidé de créer un tel fonds, il faudrait réfléchir à définir des horizons temporels de rentabilité beaucoup plus longs et plus adaptés à la situation des entreprises en difficulté. Il faudrait inscrire l’action de ce fonds dans le cadre de la stratégie industrielle de l’État.

Laction dun fonds de retournement public-privé viendrait finalement compléter celles des autres acteurs publics. En augmentant les fonds propres des entreprises en difficulté, le fonds leur permettrait d’accéder plus facilement aux dispositifs de prêts mis en place par les régions. Pour cela, il est important que le fonds n’intervienne pas que sur le capital de l’entreprise mais puisse aussi racheter son fonds de commerce, qui est la principale garantie utilisée par les régions. La possibilité de rachat des parts sociales de l’entreprise par le fonds public‑privé serait à prévoir, de manière à favoriser la reprise de l’entreprise sous forme de structure coopérative par ses salariés.

3.   Prévoir des fonds, spécialisés par filière, venant en aide aux entreprises fragilisées

Une alternative à un fonds public privé de retournement national serait la mise en place de fonds de retournement au niveau des filières industrielles considérées comme stratégiques. Participeraient à ces fonds l’État ou BPIfrance ainsi que les grandes entreprises industrielles, lesquelles financeraient ainsi le retournement de leurs sous-traitants en difficulté. La présence des grands donneurs d’ordres est nécessaire pour garantir la réussite de cette initiative.

Il sagirait de sinspirer du fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) ([32]), créé en 2009, avec pour mission de contribuer au développement et à la consolidation des équipementiers stratégiques pour la filière automobile. Ce dispositif a montré son efficacité et a permis d’éviter les dépôts de bilan en chaîne dans le secteur automobile pendant la crise de 2009. Beaucoup d’entreprises du secteur ont d’ailleurs encore l’ex-FMEA comme actionnaire. Ce fonds doit aujourd’hui évoluer pour permettre à la filière automobile de faire face à ses nouveaux enjeux, notamment à la fin annoncée des ventes de véhicules thermiques.             

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L’ambition du présent rapport, co-rédigé avec M. Fabien Roussel, est d’apporter un éclairage sur les nombreux outils mis en place aux niveaux national et territorial pour soutenir nos entreprises en difficulté. Ces dispositifs ne sont malheureusement pas toujours efficaces et de trop nombreuses entreprises industrielles, pourtant porteuses de projets viables et stratégiques, doivent cesser leur activité. Votre rapporteur espère que les différentes propositions faites dans ce rapport permettront d’ouvrir une réflexion nouvelle sur la manière d’améliorer l’efficacité des moyens à la disposition de l’État pour venir en aide aux entreprises en difficulté.             


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   Examen en commission

  Au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2019, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Rémi Delatte (Entreprises), de M. Sébastien Jumel (Industrie), de M. Antoine Herth (Commerce extérieur), et de Mme Christine Hennion (Communications électroniques et économie numérique), les crédits de la mission « Économie ».

M. Mickaël Nogal, président. Nous examinons à présent les crédits consacrés à l’industrie de la mission « Économie ». Relevant de l’action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », ces crédits visent à améliorer la compétitivité de l’industrie française, en soutenant l’innovation et en agissant sur l’environnement économique des entreprises industrielles.

Pour l’exercice 2020, le projet de loi de finances prévoit de doter cette action de 435 millions d’euros, un montant qui est plus du double de celui alloué l’année dernière. Cela s’explique essentiellement par l’augmentation de la compensation carbone, le dispositif en faveur des entreprises électro-intensives exposées à un risque significatif de délocalisation. Cette augmentation est due à une très forte hausse du prix du quota carbone.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis de ces crédits, a souhaité centrer la partie thématique de son rapport sur une analyse des moyens dont dispose l’État pour venir en aide aux entreprises industrielles en difficulté. Il fera des propositions visant à en améliorer l’efficacité.

La sauvegarde de nos entreprises est un enjeu important de notre politique industrielle. Pour autant, l’État ne peut pas intervenir auprès de toutes les entreprises en difficulté. Comment peut-il, selon vous, cibler ses interventions ?

Par ailleurs, vous proposez de créer un fonds public-privé de retournement. Pourriez‑vous préciser cette proposition et expliquer en quoi ce fonds constituerait une piste pour surmonter les obstacles dans l’accès aux financements que rencontrent les entreprises en difficulté ?

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Avant toute chose, je souhaiterais remercier M. Fabien Roussel, et l’associer à mes propos. Membre de la commission des finances, il a conduit à mes côtés – ou vice versa – le rapport que je présente aujourd’hui.

Nous examinons le budget consacré à l’industrie dans un contexte bien particulier, marqué par les drames sociaux. Les difficultés de l’aciérie Ascoval ou la mise en liquidation judiciaire d’Arjowiggins justifient à elles seules le zoom que nous avons décidé. Nous connaissons tous dans nos territoires des entreprises industrielles forcées de cesser leur activité. Les chiffres de l’Institut national de la statistique économique et des études économiques (INSEE), parus en juillet, montrent que l’activité de l’industrie manufacturière ralentit par rapport aux années précédentes, de façon plus marquée que pour le reste de l’économie. Il y a donc une forme d’urgence à agir davantage pour soutenir nos industries.

La semaine dernière, le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, a évoqué le « risque d’un déclassement productif », rappelant que la France est le pays de l’Union européenne qui a le plus délocalisé ses productions dans les vingt dernières années – les trente dernières années, aurait-il pu dire. Le décalage entre cette prétendue prise de conscience du Gouvernement et les actions qu’il mène semble important. Aucune décision fiscale ne sera prise avant le PLF pour 2021. Pourquoi attendre encore ? Dans le PLF pour 2020, le budget alloué à l’industrie n’est pas non plus cohérent avec ce discours du ministre, et il n’est pas à la hauteur des enjeux.

Nous nous sommes concentrés sur les crédits de l’action n° 23 du programme 134, qui rassemble les financements des actions de soutien à la politique industrielle, soit 315 millions d’euros environ. Comme vous l’avez souligné, Monsieur le président, la hausse apparente des crédits de cette action est essentiellement due à l’augmentation – automatique – des quotas carbone des sites électro-intensifs, passés de 8 euros par tonne en janvier 2018 à 25 euros par tonne à la fin de l’année 2018. Ce dispositif, je le rappelle, ne fait que compenser la répercussion des quotas carbone sur le prix de l’électricité. Il n’est donc pas suffisant pour accompagner pleinement le secteur industriel dans cette transition environnementale pourtant nécessaire, urgente et attendue.

Les autres dépenses d’intervention en faveur de l’industrie du programme 134 sont en baisse, de 13,3 % par rapport aux crédits votés l’an dernier. Les actions de politique industrielle, que l’administration centrale pilote et met en œuvre, sont supprimées. Ces aides soutenaient des opérations initiées par les filières professionnelles, plus particulièrement en faveur des petites et moyennes entreprises. Je regrette que le transfert aux régions de compétences en matière économique dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, se traduise dans le même temps par un désengagement de l’État d’actions qui favorisent pourtant la compétitivité de la France.

Une forte incertitude règne aussi quant au possible désengagement de l’État du financement de la gouvernance des pôles de compétitivité au profit des régions. Lors de son discours au congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l’État aux régions dès 2020. Néanmoins, aucune compensation financière n’est aujourd’hui prévue pour les régions. Il faut donc que l’exécutif clarifie sa position à ce sujet.

Les crédits qui permettent de lutter contre la non-conformité à la réglementation des produits commercialisés sur le marché français ne sont pas suffisants. De trop nombreux produits non conformes aux réglementations nationales et européennes parviennent encore à pénétrer notre marché, ce qui pose évidemment problème à nos entreprises. Les dotations budgétaires des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE) sont eux aussi en baisse par rapport à la loi de finances pour 2019 alors qu’un rapport récent remis au Gouvernement, corédigé par une députée, Mme Anne-Laure Cattelot, membre de la majorité, réaffirme le rôle essentiel des CTI et des CPDE dans l’accompagnement de notre tissu industriel.

Quant aux dépenses fiscales, elles sont encore trop élevées, d’autant que nombre d’entre elles, comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), méritent d’être évalués car elles ne produisent pas les effets promis. Pour toutes ces raisons, je me vois contraint de donner un avis défavorable au budget consacré à l’industrie, tel qu’il nous est présenté.

Avec M. Fabien Roussel, nous avons choisi de centrer la partie thématique de ce rapport sur le soutien que l’État apporte aux entreprises industrielles en difficulté. L’État dispose d’un nombre important de dispositifs pour soutenir ces entreprises. Malgré cela, il n’est pas en situation de venir en aide aux entreprises fragilisées, dont il juge le projet industriel intéressant, voire stratégique et viable dans la durée, ce qui est une façon de répondre à votre question, Monsieur le président.

Nous avons en particulier étudié les prêts du fonds de développement économique et social (FDES), que l’État accorde pour venir en aide à des entreprises fragilisées ou en difficulté avérée, bien qu’elles disposent de perspectives de résultats et d’un marché. L’enveloppe de prêts que peut accorder l’État a fortement baissé par rapport à 2014.

Ce sont les taux d’intérêt associés à ces prêts d’usuriers, du moins exorbitants de droit commun, qui avaient motivé M. Fabien Roussel à les étudier. D’après les auditions que nous avons menées, ces taux pourraient aller jusqu’à près de 20 %, alors qu’ils sont décidés par la puissance publique. Cela signifie que l’État prête de l’argent à des entreprises qui éprouvent des difficultés à se financer sur le marché privé, à des taux supérieurs ou égaux à ceux du marché. Étant extrêmement élevés, ces taux rendent plus difficile le retournement des entreprises.

La principale raison pour laquelle l’État prête à des taux aussi élevés tient aux règles européennes : l’État doit prêter aux mêmes conditions que les prêteurs privés impliqués dans le tour de table. Or la France manque de banques et de fonds d’investissement privés proposant des taux relativement bas, qui permettraient à l’État de s’aligner sur des conditions plus efficaces, plus pertinentes, plus proches des intérêts des entreprises. Il paraît donc utile que l’État favorise l’émergence de nouveaux acteurs sur lesquels il pourra s’appuyer pour venir en aide aux industries en difficulté. Il faut à tout prix éviter que nos industries ne tombent entre les mains des fonds d’investissement vautours, les LBO (pour leverage buy out, rachat avec effet de levier) qui, vous le savez, lorsqu’ils s’attaquent à une entreprise, siphonnent, vendent par appartement et démantèlent des pans entiers de notre savoir-faire dans les territoires.

La première piste consiste à créer un label identifiant des fonds de retournement responsables respectant des conditions strictes en matière de sauvegarde de l’emploi, de responsabilité environnementale et de maintien de l’activité en France. Le fonds de retournement labellisé comme responsable serait alors assuré de la participation financière de l’État à ses côtés, en cas d’investissement dans une entreprise en difficulté.

Deuxième piste : nous suggérons de créer un fonds public-privé de retournement. Vous demandez, Monsieur le président, quelle serait l’utilité de ce fonds ? Je rappelle que cette idée n’est pas nouvelle. Un certain Emmanuel Macron, ministre de l’économie, l’avait même été évoquée, en 2015. L’idée serait de mettre en place un fonds abondé par l’État, les grandes entreprises et le secteur bancaire. Ce fonds se différencie des fonds privés, comme des fonds LBO, qui suivent une logique purement spéculative. Nous reprenons donc cette idée, qui n’est pas politiquement correcte, mais je prends ce risque, avec la caution de M. Fabien Roussel. (Sourires.)

Troisième piste : il s’agit de prévoir des fonds spécialisés par filière, qui viendraient en aide aux entreprises fragilisées. L’idée serait de s’inspirer du fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), créé en 2009 et utile pendant la crise de 2008 à 2009, qui avait laminé le secteur, une fois les donneurs d’ordre placés en difficulté.

Vous avez raison, Monsieur le président, l’État ne peut pas tout, toujours, partout. Nous pensons toutefois que l’État ne peut pas rien et qu’il ne doit pas être spectateur. Il faut définir des critères précis pour son intervention, centrer l’argent public sur les entreprises susceptibles d’être retournées, qui portent un projet s’inscrivant dans une stratégie industrielle déterminée, même lorsque l’on décide que le secteur est stratégique, simplement pour la souveraineté de l’État.

Ce rapport insiste sur la nécessité d’élaborer une stratégie industrielle offensive, permettant d’identifier les filières structurantes pour l’avenir de l’industrie française. La décision de sauver certaines entreprises ou certains secteurs ne peut ni prétendre dépendre des pressions médiatiques, ni être prise par les opérateurs financiers, sans aucune vision industrielle.

Dans ce rapport, nous présentons également certaines propositions, pour rassurer davantage les fournisseurs et les créanciers susceptibles d’apporter à une entreprise en difficulté des capitaux, lui permettant de poursuivre son activité. Pour rassurer les créanciers qui prêtent aux entreprises en difficulté, il paraît essentiel de préserver le dispositif de Bpifrance, peut-être en le rendant plus réactif et plus efficace, pour qu’il puisse garantir jusqu’à 70 % des prêts du secteur bancaire aux entreprises fragilisées. Avec M. Fabien Roussel, nous avons déposé un amendement en ce sens.

Pour rassurer les fournisseurs d’une entreprise en difficulté, il paraît opportun de revoir quelque peu l’ordre des privilèges appliqués lors de la liquidation de l’entreprise. Aujourd’hui, vous le savez, les fournisseurs étant souvent remboursés en dernier, ils sont donc presque certains, en cas de difficulté de leur client, de ne pas se voir rembourser leurs créances. En cas de mise en liquidation effective de l’entreprise cliente, ils se trouvent à leur tour en difficulté. Cela crée un effet papillon pour tout un secteur ou un territoire. La réforme du droit des sûretés, prévue par voie d’ordonnance en 2021, gagnerait vraiment à aborder cette question.

En conclusion, j’espère que les différentes propositions pragmatiques qu’offre ce rapport permettront d’ouvrir une réflexion sur la manière d’améliorer l’efficacité des moyens dont dispose l’État pour venir en aide aux entreprises en difficulté. Il faut, d’une certaine manière, passer du renoncement productif au redressement productif, voire à la reconquête industrielle. Telle est l’ambition de ce rapport.

M. Damien Adam. Je souhaitais tout d’abord rappeler l’attachement du Gouvernement et de la majorité à l’industrie, un sujet sur lequel nous nous sommes mobilisés, pour mettre fin à ces trente dernières années, où notre pays a perdu plus de 2 millions d’emplois industriels.

Comme vous le rappelez dans votre rapport, Monsieur Jumel, après dix-sept ans de baisse, l’emploi industriel est reparti à la hausse depuis deux ans. La majorité demeure pleinement engagée pour renforcer la compétitivité de notre industrie, à l’image de la présentation du Pacte productif 2025 pour le plein emploi, annoncé en avril par le Président de la République, et qui a fait l’objet de près de six mois de consultations des parlementaires, du patronat, des syndicats, des élus locaux et, surtout, des industriels.

La commission des affaires économiques s’est donc saisie pour avis du volet « Industrie » de la mission « Économie » de ce PLF pour 2020, qui représente 42 % des crédits du programme 134. Les crédits de l’action n° 23 « Industrie et services », mis en œuvre par la direction générale des entreprises (DGE) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ont augmenté depuis un an, avec 444 millions d’euros de crédits de paiement, bien que, comme M. le président l’a rappelé, cette hausse soit principalement liée à l’augmentation de la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives.

Bien que ces crédits soient faibles, il faut se féliciter de la hausse du budget relatif à la surveillance des marchés, qui permet de lutter contre la concurrence déloyale et la non-application réglementaire européenne, avec 700 000 euros de crédits de paiement, soit une progression de 150 000 euros par rapport à l’année précédente.

Par ailleurs, concernant le financement des CTI, les centres les plus engagés dans une logique de performance bénéficieront d’un déplafonnement de leur taxe affectée, dès 2020. Des amendements en ce sens ont été votés en première partie de ce PLF.

La seconde partie, thématique, du rapport aborde les aides que l’État apporte aux entreprises industrielles en difficulté. Il pointe notamment l’absence de stratégie industrielle claire et partagée.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de louer votre talent pour occulter une partie de la réalité, afin qu’elle ressemble à votre vision du monde. Je ne sais pas si des lunettes spéciales, communistes, vous empêchent de voir cette réalité…

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Des jumelles ! (Sourires.)

M. Damien Adam. … mais je me dois de souligner les actions qui sont menées depuis 2017.

Les politiques industrielles se sont multipliées pour servir une ambition clairement affichée : la reconquête industrielle et le développement de tous nos territoires. Je citerai tout d’abord la loi PACTE que nous avons votée pour faciliter la croissance et la transformation des entreprises, notamment industrielles.

Je citerai aussi le lancement des territoires d’industrie, au bénéfice de 144 territoires, dont pas moins de trois dans votre département, Monsieur Jumel – plus de 1,3 milliard d’euros sont orientés prioritairement, afin de lancer la réindustrialisation ; les cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles , identifiées dans un rapport que notre collègue Guillaume Kasbarian a remis au Premier ministre ; et, dernièrement, le Pacte productif, pour réconcilier industrie et transition écologique, et engager une baisse des impôts de production afin de rapatrier les capacités de production en France.

J’aurais également pu parler d’innovation de rupture, de politique numérique et de notre ambition européenne pour l’industrie, dans le secteur des batteries, par exemple.

Je souhaiterais conclure mon propos par un mot d’actualité. Il est aujourd’hui difficile de parler d’industrie sans évoquer l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen. La mission d’information dont je suis rapporteur a commencé ses travaux ce matin, avec l’audition du président directeur général (PDG) de Lubrizol Corporation. Nous travaillerons à ce que cette mission parlementaire fasse toute la lumière sur l’incendie du 26 septembre, et apporte des réponses concrètes pour améliorer la prévention et, à défaut, la gestion des accidents industriels. Cela représente une énorme inquiétude des Français, à laquelle nous devons répondre.

M. Daniel Fasquelle. Globalement, comme pour les entreprises, c’est un mauvais budget pour l’industrie car ce qui est mauvais pour les entreprises est mauvais pour les entreprises industrielles. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et d’autres organes ont dénoncé un budget qui « risque de faire caler le moteur de la croissance », selon les termes même de ces responsables économiques.

Il faut rappeler, comme l’a déjà fait M. Rémi Delatte, que l’État a abandonné la politique de l’offre, alors que le Président de la République lui affichait pourtant clairement son soutien. Il se voulait le Président qui aiderait enfin les entrepreneurs, en particulier les start-up, et les entreprises, au sein de la start-up nation. Dans les faits, nous sommes aujourd’hui très loin de ce discours. Un virage a été opéré : la politique actuelle n’est plus vraiment une politique de l’offre, et pas vraiment une action de soutien à la consommation. Cette politique de Gribouille désoriente forcément les chefs d’entreprise qui, pourtant, ont un moment cru dans la parole du Président de la République.

Si vous n’êtes pas convaincu par la parole du député d’opposition que je suis, regardez vers Bruxelles qui, en milieu de journée, a adressé un carton – peu importe sa couleur – à la France, seul pays avec l’Italie à être ainsi pointé, pour qu’elle clarifie son budget, dénonçant son incapacité à améliorer ses finances publiques. Ainsi, après nous être moqués de la dérive budgétaire des Italiens, nous sommes aujourd’hui placés sur le même plan qu’eux par Bruxelles.

M. Damien Adam. La dette a doublé pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy !

M. Daniel Fasquelle.  Peut-être faudrait-il évoluer, sans revenir toujours à Nicolas Sarkozy. Il y a eu tout de même un quinquennat entre les deux !

Monsieur Adam, je ne vous ai pas invectivé lorsque vous êtes intervenu, même si je n’étais pas nécessairement d’accord avec vos propos. Au bout de deux ans et demi, il faut apprendre à débattre et à s’écouter les uns les autres.

Ce que je vais dire rejoint pourtant votre intervention : le secteur industriel est capital en France. De ce point de vue, il y a eu une érosion incroyable, puisque l’industrie représente aujourd’hui 10 % du produit intérieur brut (PIB), contre 25 % dans les années soixante-quinze, alors que la moyenne européenne se situe à 20 %. Cette évolution est extrêmement préoccupante. La France est devenue le pays d’Europe qui a la plus faible part d’industrie dans le PIB.

Vous dites que les emplois industriels sont en train d’augmenter et que tout va merveilleusement bien. Pourtant, des clignotants s’allument : après cinq années de croissance consécutive, les effectifs des intérimaires employés dans l’industrie ont chuté, passant de 328 000 à 301 000.

Il faut que nous prenions conscience collectivement de la nécessité de soutenir l’industrie dans notre pays. Or ce budget n’apporte pas les réponses requises. Il n’est pas à la hauteur du défi que vous avez clairement posé en soulignant le rôle majeur joué par l’industrie ou la perte de nombreux emplois industriels. Vous faites le minimum, pas le maximum. Vous ne traitez pas certains sujets dans votre budget de budget pour 2020. Ainsi, celui-ci ne consacre pas un mot, pas une ligne, pas une mesure aux impôts de production, régulièrement dénoncés, qui plombent l’industrie française. Nous voyons bien que le compte n’y est pas.

Indépendamment de ce budget, il faudra lancer de nombreux autres chantiers. Je souhaite que l’on puisse donner suite, le plus rapidement possible, à l’excellent rapport que j’ai remis, avec M. Denis Sommer, sur la sous-traitance et la formation. Le drame de l’industrie réside dans la difficulté à recruter des jeunes. Les industriels nous le disent sur le terrain.

On voit qu’il s’agit d’un vaste chantier, pour lequel nous devons tous nous retrousser les manches, afin de faire passer les feux au vert. Cela suppose que, cette année, du moins l’année prochaine, nous ayons un budget qui soit à la hauteur de nos ambitions communes.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Aujourd’hui, les signes d’inquiétude pour l’économie mondiale se multiplient, en dépit de quoi l’économie française semble résister aux perturbations et aux pressions mondiales. Si les menaces qui pèsent sur l’économie française sont loin de s’apaiser, l’Institut national de la statistique économique et des études économiques (INSEE) a maintenu sa prévision de croissance de PIB à 1,3 % pour 2019. Le projet de loi de finances pour 2020 vient confirmer ce cap.

Dans ce contexte, nous trouvons opportun que le Gouvernement veille à ce que les ressources publiques, qui financent les différentes organisations, y compris les centres techniques industriels, soient rééquilibrées, le plus précisément possible, afin de répondre aux besoins de nos industries.

Notons aussi l’ambition de l’État d’aider les entreprises électro-intensives. L’augmentation du prix du quota est très importante. Ce système, lié à la compensation carbone, permettra à de nombreuses entreprises de retrouver une compétitivité. Nous souhaitons que ce dispositif soit pérennisé.

Je salue également, au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM), toutes les mesures que finance le programme d’investissements d’avenir (PIA). En effet, par ce programme, le secteur industriel bénéficie du Fonds d’innovation de 10 milliards d’euros et du Grand plan d’investissement.

À ce propos, je souhaite appeler votre attention sur la définition de l’innovation et sur ses caractéristiques. Je propose que celles-ci soient plus souples et mieux appropriées aux différents secteurs de l’industrie. En effet, une innovation révolutionnaire dans une entreprise d’un secteur donné peut mériter d’être soutenue, alors qu’elle n’aurait pas vocation à l’être auprès d’une entreprise d’un autre secteur.

Je souhaiterais aussi rebondir sur les pistes qu’a évoquées notre rapporteur pour aider les entreprises en difficulté, qui sont trop nombreuses. Les entreprises en redressement judiciaire rencontrent un problème lorsqu’elles perdent l’accès aux marchés publics. En surmontant le sacro-saint principe de précaution, les collectivités donneuses d’ordre devraient aider au redressement de ces entreprises et leur donner une chance de rebondir en concourant à ces marchés publics, au lieu de les rayer de la liste de leurs fournisseurs. Cela ne nécessite pas d’argent public : c’est une question de volonté.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés rappelle sa volonté de présenter un budget correspondant aux normes européennes. Il soutient la priorité de ce quinquennat, de mener la France au premier rang en termes d’attractivité, tout en lui donnant les moyens d’anticiper et d’accompagner les mutations économiques de nos industries et des territoires.

Mme Sylvia Pinel. Je remercie notre rapporteur pour son exposé, dont je partage le constat. Chaque année, lorsque nous discutons de cette mission, nous déplorons le déclin industriel français. En vingt ans, le poids de l’industrie dans notre PIB est passé de 17 % à 12 %. Cette désindustrialisation grève notre balance commerciale, occasionne un retard dans nos capacités de recherche et développement. Surtout, elle a accentué la fracture territoriale.

Des régions entières ont en effet vu disparaître leurs usines, ce qui entraîne chômage et dévitalisation. Tous les pays développés n’ont pourtant pas subi ce déclin irréversible. Nos voisins allemands et italiens sont ainsi parvenus à maintenir un fort taux d’industrialisation. Dans le cadre du Pacte productif pour retrouver le plein emploi, le Gouvernement s’est fixé des objectifs de développement industriel et d’innovation. Nous partageons naturellement cette ambition. Des questions naissent cependant sur la stratégie de reconquête industrielle et les moyens mobilisés.

L’action « Industrie et services » au sein de la mission « Économie » est loin d’offrir les solutions nécessaires. Principalement centrée sur le mécanisme de compensation carbone pour les industries électro-intensives, elle est caractérisée par la baisse des autres dépenses d’intervention, de 13 % par rapport aux crédits votés l’année dernière, et aucune solution novatrice n’est présentée.

Au-delà de ce budget, la stratégie industrielle du Gouvernement interroge. Nous avons pris connaissance du déplafonnement de la taxe affectée aux centres techniques industriels. Cela ne semble pas suffire à enrayer la baisse tendancielle des moyens des CTI, comme ceux des comités professionnels de développement économique. D’autres aspects suscitent l’inquiétude. C’est notamment le cas de la répartition des rôles entre l’État et les régions. À cet égard, je partage la crainte du rapporteur, quant à l’avenir des pôles de compétitivité.

S’agissant du dispositif « territoires d’industrie », si nous sommes convaincus de la nécessité de redonner la main aux collectivités, notamment aux régions, il demeure que sans les dotations suffisantes, les effets seront moindres. Un montant de 1,4 milliard d’euros réparti en 144 territoires ne pourra suffire à relancer l’industrie française, d’autant qu’il s’agit d’un redéploiement de fonds déjà existants, qui seront éparpillés en différents programmes.

Au-delà de cette mission, il n’est pas inutile de s’interroger sur la fiscalité et sur les dépenses fiscales, notamment le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et son remplacement par des baisses de charges. Avec le désengagement de longue date du Gouvernement pour rétablir la compétitivité de l’industrie française et la diminution des impôts de production, les incertitudes demeurent. Ce chantier sera-t-il totalement abandonné ?

M. Fabien Roussel. Je remercie mon collègue, M. Sébastien Jumel, d’avoir accepté de partager la rédaction de ce rapport, qui me tenait à cœur. L’objectif ambitieux, fixé par le Gouvernement, est de faire passer la part de l’industrie dans notre PIB de 12 % aujourd’hui à 15 % en 2025, et 20 % en 2035. Il nécessite que l’on définisse une stratégie et que l’on y mette les moyens.

Je ne m’attarderai pas sur tout ce qu’il faudrait faire en termes de politique fiscale, puisque tel n’est pas l’objet de ce rapport. J’évoquerai plutôt les moyens que l’État s’est donné pour accompagner les entreprises en difficulté. Si nous voulons augmenter la part de l’industrie dans notre PIB, il faut d’abord soutenir les entreprises en difficulté, qui sont menacées de faillite. Entre août 2018 et août 2019, 3 706 défaillances d’entreprises industrielles ont été recensées. C’est beaucoup ! Devant une hémorragie, on place un garrot. En l’espèce, quand on se bat pour l’industrie, on fait tout pour éviter que les entreprises ne ferment.

Le rapport développe les moyens dont dispose l’État pour agir : échelonnement, voire annulation, des dettes sociales et fiscales ; entrée au capital des entreprises ; accompagnement par des prêts. C’est sur ce point que nous avons souhaité nous attarder.

Nous pensons en effet que ces dispositifs ne sont pas totalement efficaces, voire qu’ils relèvent d’un bricolage, à la limite d’une aide véritable que nous pouvons apporter aux entreprises. Ainsi, il est écrit dans la doctrine que Bpifrance n’aide que les entreprises qui n’ont pas de dettes sociales et fiscales. Elle ne peut donc pas entrer dans le capital d’une entreprise en difficulté, y compris lorsque celle-ci est indispensable à la survie d’une filière, et qu’il faudrait pouvoir la maintenir en activité.

Parfois, un prêt est nécessaire pour accompagner un nouveau projet industriel. J’ai rencontré ce cas plusieurs fois dans ma région, notamment avec Ascoval. Lorsqu’un industriel se présente avec un projet, les banques doivent se rassembler autour de la table pour apporter l’argent. Aujourd’hui, elles ne sont pas présentes, et Bpifrance ne peut pas participer, dès qu’il existe une dette sociale. Eh oui, les banques ne prêtent qu’aux riches, y compris dans l’économie et dans l’industrie.

Lorsque les banques sont absentes, c’est l’État qui agit, par l’intermédiaire du FDES. Mais ce fonds, à cause des règles imposées par l’Union européenne, ne peut souvent prêter qu’à des taux supérieurs de 10 points au taux Euribor. À l’heure actuelle, les taux Euribor sont négatifs, de l’ordre de - 0,3 %, donc l’État prête environ à 9,7 %. Ces dernières années, il a même pu prêter à des taux allant de 10 à 20 % à des entreprises en difficulté. Il soutient donc les entreprises sans les aider véritablement, comme la corde soutient le pendu.

Dès lors, soit nous modifions les traités européens, comme le souhaite ma formation politique ; soit nous disposons d’une banque publique pour faire ce que ne fait pas Bpifrance, en nationalisant une banque publique ou en changeant les règles de Bpifrance. Dans un cas comme dans l’autre, cela ne se fera pas tout de suite. C’est pourquoi nous proposons notamment la création d’un fonds de retournement public-privé, une proposition qui n’est pas très orthodoxe pour un communiste. Mais cela donne la possibilité d’agir notamment en faisant en sorte que ce fonds puisse intervenir directement dans le capital d’une entreprise, même si celle-ci a des dettes sociales et fiscales.

Nous avons auditionné des représentants du fonds, entièrement privé, Butler Capital Partners : ils se trouvent eux aussi parfois bloqués. Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) leur demande parfois d’intervenir dans le capital d’une entreprise en difficulté mais ils sont libres d’accepter ou non. S’il existait un fonds public-privé, comprenant des financements publics, l’État pourrait intervenir directement, donc accompagner ces entreprises.

Enfin, il faut de toute façon définir une véritable stratégie pour la France en matière industrielle. Aujourd’hui, nous n’en avons pas. En transférant la compétence du développement économique aux régions, la France pourrait présenter treize stratégies différentes voire 144, selon les pôles de compétitivité. Voilà ce qu’il faut définir en premier lieu.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Je veux d’abord rassurer notre collègue, Damien Adam. Je n’ai chaussé aucune lunette orthodoxe. D’ailleurs, je ne regarde l’avenir qu’avec des jumelles. (Sourires.)

M. Fabien Roussel l’a dit, notre rapport s’appuie sur notre sens des réalités et notre sens des territoires dans lesquels nous exerçons nos responsabilités. Je suis moi-même élu d’un territoire où la part des industries s’élève à 22 % du PIB. Je sais donc ce que signifie se mobiliser avec pragmatisme, aux côtés des acteurs économiques, politiques, industriels, sociaux, afin de définir un cap industriel.

Le rapport ne propose pas de faire la révolution. Nous avons des choses à dire sur ce qui pourrait définir une véritable politique industrielle, en particulier pour y adosser la formation initiale et continue, afin de prendre en compte les besoins des filières d’avenir.

Tel n’est cependant pas l’objet du rapport, que nous avons décidé de centrer sur un sujet très pragmatique, très concret : comment, lorsqu’une entreprise est en difficulté, peut‑elle se voir prêter à des taux qui ne lui permettent pas de surmonter ses difficultés ?

Je ne sais pas quelles lunettes vous avez chaussées, mais faut-il ne jamais chausser de lunettes pessimistes et toujours porter celles qui nous font croire que tout va bien et qu’aucune entreprise ne ferme ? Le PDG de Renault, auditionné par notre commission, a tenu certes des propos déterminés, volontaristes, mais il a tout de même tiré la sonnette d’alarme sur les turbulences qui risquent d’agiter le secteur de l’automobile dans les mois et les années qui viennent, notamment avec le virage défavorable au diesel.

Lorsque Bercy, en juillet 2019, annonce que 54 entreprises de cette filière, et 13 900 emplois risquent d’être touchés à très court terme, ce n’est pas Sébastien Jumel qui chausse des lunettes pessimistes, c’est Bercy qui alerte sur le fait que des filières, des territoires entiers, des savoir-faire immenses risquent de s’envoler si l’État n’est pas au rendez-vous des mutations, du virage, d’une stratégie et d’un cap, en matière industrielle.

Je veux aussi relayer la préoccupation de notre collègue Sylvia Pinel sur le dispositif « territoires d’industrie ». Il peut être un outil intéressant – on le développe dans le nord de ma circonscription –, à condition que ce ne soit pas avec les moyens de droit commun, rhabillés pour la circonstance. Lorsque l’on transfère à la région des responsabilités de chef de file, l’État ne doit pas se contenter d’être le spectateur, qui regarde passer les trains. C’est évidemment de cela qu’il s’agit lorsque l’on prétend être au chevet des entreprises.

Nous avons déposé des amendements concrets, qui ne sont pas révolutionnaires mais qui s’appuient sur les auditions que nous avons menées, malgré le peu de temps et de moyens dont nous disposons dans le cadre d’un avis budgétaire. Nous avons notamment auditionné, non pas le Soviet suprême, mais des vice-présidents de conseils régionaux, chargés de l’économie, de diverses tendances politiques ainsi que des acteurs qui sont mobilisés concrètement dans leurs territoires. Ils ont nourri nos réflexions et les propositions que nous formulons, car elles nous ont semblé refléter l’efficacité, au service du bon sens.

J’ai beaucoup de respect pour Bpifrance mais il va falloir que cet opérateur soit efficace et utile s’il veut continuer à exister : il doit démontrer sa capacité à entrer dans le capital des entreprises. Celles-ci nous disent plus ou moins poliment que Bpifrance ne prête qu’aux riches et qu’on fait appel à cette banque quand on n’a besoin de rien. Il faut corriger la situation – c’est le sens de mon rapport.

La DGE dit elle-même que trop de produits non conformes arrivent sur le marché et que la baisse des moyens alloués aux contrôles n’est pas à la hauteur des enjeux. On revient en la matière au niveau des crédits qui étaient prévus en 2018 alors que certains traités de libre-échange pourraient justifier une vigilance accrue afin de protéger nos industries, nos savoir-faire et les consommateurs.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 38 et État B

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques IICE48 de M. Sébastien Jumel et II-CE76 de M. Rémi Delatte, et l’amendement IICE49 de M. Sébastien Jumel.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE76 a pour objet de transférer 20 millions d’euros au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée dans le projet de loi de finances pour 2020.

Bpifrance garantit les banques à hauteur de 40 à 70 % pour encourager l’octroi de prêts aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Ces crédits financent des opérations de création, de développement et d’innovation qui couvrent des besoins de trésorerie et permettent le financement de projets qui n’auraient pu voir le jour en l’absence de ce dispositif. Il s’agit donc d’un outil qui permet de combler une faille de marché et constitue par là un soutien important à l’investissement, à l’innovation et à la croissance.

La suppression de la dotation budgétaire de l’État pour soutenir le financement de cette activité pose deux difficultés majeures. D’abord, la débudgétisation des moyens de Bpifrance amoindrit largement la capacité de contrôle parlementaire et paraît porter atteinte au principe de transparence budgétaire. Ensuite, la suppression de la ligne de crédits menace la pérennité de l’activité de garantie de Bpifrance.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE48 est identique à celui que vient de défendre M. Delatte.

Pour ma part, j’insisterai sur deux points. Premièrement, 90 % des entreprises qui bénéficient de la garantie de Bpifrance sont des TPE, dont l’accès au crédit reste difficile en dépit des faibles taux pratiqués actuellement. Deuxièmement, comme nous l’ont confirmé toutes les personnes que nous avons auditionnées, notamment en région, la garantie apportée par Bpifrance joue un rôle de levier important : un euro de dotation publique permet en effet de lever plus de vingt euros de financements pour les entreprises concernées. Ainsi, en 2018, ce sont 9 milliards d’euros qui ont pu être mobilisés pour les entreprises grâce à la garantie de Bpifrance, ce qui montre bien que cet amendement, d’un coût relativement peu élevé, et financé par des crédits prélevés sur des objets moins opérationnels, permettra d’apporter une aide bienvenue aux TPE dans des conditions d’efficacité reconnues par tous. J’espère donc que cet amendement fera consensus au sein de notre commission.

L’amendement II-CE49 est un amendement de repli, qui a pour objet de transférer 10 millions d’euros, au lieu de 20 millions dans les précédents amendements, au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée par le projet de loi de finances pour 2020.

Il s’agit de rétablir la dotation allouée à Bpifrance pour son activité de garantie aux prêts contractés par des entreprises. L’absence de rétablissement de l’action n° 20 contraindrait Bpifrance à financer cette activité par le recyclage de dividendes, ce qui n’est pas suffisant et ne peut pas être une solution de long terme. De plus, les moyens de Bpifrance, banque publique, doivent rester transparents et soumis au contrôle parlementaire.

J’insiste à nouveau sur le fait que le programme de garanties de Bpifrance est d’autant plus important qu’il permet de susciter un important effet de levier sur l’investissement privé.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à ces trois amendements.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Dans le cadre du PLF pour 2019, le Gouvernement avait initialement souhaité supprimer cette action contribuant au développement des PME grâce à des interventions de Bpifrance ; cependant, face à l’inquiétude exprimée par les députés, il avait réintroduit en séance un amendement visant à maintenir cette ligne budgétaire.

Au sein de la commission des finances, les rapporteurs spéciaux Xavier Roseren et Olivia Grégoire mènent actuellement des travaux qui prendront en compte cette problématique en vue de l’examen de cette mission budgétaire en commission des finances et en séance publique. À ce stade, le groupe La République en Marche votera donc contre les amendements qui viennent d’être présentés, estimant qu’il convient de privilégier le travail qui sera effectué en commun avec la commission des finances.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle rejette l’amendement II-CE49.

Elle examine l’amendement II-CE50 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE50 a pour objet de transférer 3,5 millions d’euros à l’action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Il s’agit en fait de rétablir, au même niveau que l’an dernier, les crédits centrés sur l’animation et la gouvernance des pôles de compétitivité, qui permettent à l’État de cofinancer avec les régions le fonctionnement de ces pôles. La baisse des crédits semble incohérente avec les objectifs du Gouvernement en matière de développement industriel et d’innovation annoncés dans le Pacte productif.

L’objectif de cet amendement est également de pousser le Gouvernement à prendre explicitement position. Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15e congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l’État en ce domaine aux régions dès 2020. Si telle est bien l’intention du Gouvernement, il faudra alors supprimer en ce domaine les crédits de l’État, et surtout prévoir une compensation financière pour les régions.

Comme nous l’ont confirmé toutes les régions auditionnées, le retrait des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) dans la mise en œuvre des politiques des pôles va entraîner une charge de travail et des coûts de fonctionnement supplémentaires pour les conseils régionaux.

L’amendement II-CE50 vise à amortir cet effet pour l’année qui vient.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je suis désolé, Monsieur Jumel, mais le groupe La République en Marche sera défavorable à cet amendement, que je vous invite à redéposer en commission des finances ou en séance, afin d’avoir l’avis du ministre, que nous ne connaissons pas à ce jour.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Si tout n’est pas perdu, je ne peux que m’en féliciter. Cela dit, le Parlement est souverain, et notre commission peut parfaitement adopter cet amendement avant que le ministre ne fasse connaître son avis en séance. Dès lors que notre commission s’est saisie pour avis sur des sujets aussi importants que ceux que nous évoquons actuellement, nous devons émettre des avis, et non attendre que la commission des finances et le ministre donnent les leurs ! Si notre commission n’est saisie que pour faire croire que l’élaboration de la loi de finances se fait dans le cadre d’une concertation entre la commission des finances et les autres commissions, je ne vois pas bien pourquoi nous sommes réunis ce soir…

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pour ce qui est de déposer des amendements en commission des finances, je crois que nous sommes déjà hors délais. Il n’y a guère qu’en séance que cela pourrait être fait…

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je vous rassure, Monsieur Jumel, le Parlement est effectivement souverain, et nous prendrons nos décisions en conscience. Cependant, puisque votre amendement indique clairement que son objectif est de pousser le Gouvernement à prendre position sur le transfert de la gestion des pôles de compétitivité, il est logique que nous attendions de connaître la position du Gouvernement avant de nous prononcer.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Le fait que le ministre n’ait pas donné d’avis ne signifie pas que notre commission n’a pas à faire connaître le sien. Au contraire, il me semble que nous pourrions utilement éclairer M. le ministre en donnant aujourd’hui un avis favorable à l’amendement de notre collègue Sébastien Jumel.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE51 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE51, qui a pour objet de transférer 150 000 euros à l’action n° 23 du programme 134, est similaire dans son esprit aux amendements II-CE54 de Mme Rabault et II-CE55 de M. Potier qui, eux, portent sur l’action n° 24 du même programme 134.

L’objectif est d’augmenter les crédits alloués à la surveillance des marchés. Le Gouvernement nous a lui-même confirmé, dans sa réponse au questionnaire budgétaire que nous lui avons adressé, que trop de produits non conformes aux réglementations nationales ou européennes parviennent encore à pénétrer le marché français. Faire en sorte de se doter des moyens de contrôler ce phénomène constitue donc un véritable enjeu.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Les crédits relatifs à la surveillance des marchés qui permettent de lutter contre la concurrence déloyale et la non-application des réglementations européennes sont en hausse cette année de 700 000 euros en crédits de paiement, soit 150 000 euros de plus sur un an. On ne voit pas ce qui justifierait d’y ajouter encore plusieurs dizaines de milliers d’euros, c’est pourquoi notre groupe votera contre cet amendement.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Si les crédits sont en hausse par rapport à l’an dernier, ils reviennent en fait à peine à leur niveau de 2018… Or, les enjeux relatifs à l’entrée de produits non conformes aux normes sont considérés comme une priorité par le Gouvernement lui-même : dès lors, il faut se doter de moyens supplémentaires par rapport à ceux qui avaient été identifiés en 2018. J’espérais que le nouvel état d’esprit présidant aux travaux de notre commission depuis quelque temps permettrait à certains amendements de prospérer, mais manifestement je me berçais d’illusions…

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE54 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE54 vise à renforcer les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 100 équivalents temps plein (ETP) afin de lui permettre de faire face à l’accroissement de ses missions et des besoins de contrôle dans un contexte de multiplication des fraudes relevées sur la sécurité, la qualité ou la conformité des produits, notamment alimentaires.

Afin d’assurer la recevabilité du présent amendement au titre de l’article 40 de la Constitution, il est proposé d’abonder l’action n° 24 du programme 134 à hauteur de 6 millions d’euros par une diminution à due concurrence des crédits inscrits à l’action n° 5 du programme 220. Cependant, nous ne voulons évidemment pas diminuer ces crédits, c’est pourquoi nous demandons également au Gouvernement de lever le gage afin de ne pas pénaliser le programme 220.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Comme vous, je note dans mon rapport les effets pervers que l’on peut craindre de la rédaction drastique des effectifs prévus dans le PLF. Cependant, on ne peut ignorer l’objectif de rationalisation de la dépense publique et, dans cette optique, le rétablissement de 100 ETP me semble très sincèrement hors de portée et même déraisonnable, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Je soutiens cet amendement, car il faut savoir ce qu’on veut. Le budget qui nous est présenté prévoit la suppression de dix emplois à la DGCCRF, ce qui signifie que l’on va priver l’État de sa capacité à effectuer des contrôles. Nous devons donner à la DGCCRF les moyens, notamment humains, d’accomplir sa mission : à défaut, nous continuerons à entendre dire que l’État se contente de regarder passer les trains ou d’enregistrer les mauvais points. Utilement mobilisés, ces moyens peuvent se révéler extrêmement rentables, y compris pour les finances publiques.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CE55 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE55 vise à créer une police unifiée de l’alimentation placée auprès de la DGCCRF.

Les crises sanitaires et médiatiques qui affectent le secteur agroalimentaire nuisent à l’image des filières de production et contribuent à entretenir une défiance des consommateurs à l’égard de leur alimentation. Si les exploitants sont les premiers responsables de la sécurité des produits mis sur le marché, il ne fait pas de doute que l’efficacité et la crédibilité des contrôles mis en place par les services de l’État sont des conditions essentielles de la confiance des consommateurs ainsi que de nos partenaires commerciaux.

La répartition des missions sanitaires entre la direction générale de l’alimentation (DGAL) et la DGCCRF découle de l’application de protocoles de coopération entre les deux ministères. Elle conduirait, par exemple, à confier le contrôle de la culture des pommes de terre et des tomates à la DGAL, alors que la DGCCRF surveillerait les frites et le ketchup… Dans ces conditions, le contrôle de l’utilisation des produits phytosanitaires et de la présence de leurs résidus dans les denrées alimentaires ne peut être efficient.

Cette organisation, qui s’appuie sur un morcellement des compétences entre plusieurs administrations, est une source de perte d’efficacité pour l’action de l’État. En mars 2000, la commission d’enquête parlementaire « sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France » avait déjà recommandé une « unité de commandement » afin de mettre un terme à une situation « où nul n’est responsable en bloc et tous le sont dans le détail ».

Il est donc proposé par le présent amendement la création d’une police unifiée de l’alimentation – que les 100 ETP prévus par l’amendement précédent avaient vocation à venir renforcer.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Si l’objectif de cet amendement est tout à fait intéressant, il me semble qu’il a vocation à faire l’objet d’un débat beaucoup plus large, ainsi que d’une étude d’impact. Passer par un simple amendement au PLF ne me semble pas être le moyen adéquat de mettre en œuvre la mesure proposée, d’autant que son enjeu ne réside pas tant dans les moyens disponibles que dans les attributions et compétences des administrations concernées. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cette proposition, issue du rapport de la commission d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis, semble de nature à répondre à plusieurs dysfonctionnements rencontrés au cours des dernières années. Cependant – je suis désolée de vous décevoir une fois de plus, Madame Battistel –, nous allons proposer de voter contre cet amendement car, comme l’a souligné le rapporteur à l’instant, il ne paraît pas souhaitable de décider de créer cette nouvelle police unifiée au détour d’un amendement au projet de loi de finances. Il est en effet indispensable de mener une large concertation avec les ministères concernés – finances, agriculture et santé –, mais également avec les agents des différentes directions aujourd’hui chargées de la sécurité alimentaire. C’est ce que fait actuellement notre collègue Grégory Besson‑Moreau : laissons-le mener ce travail et revenir vers nous une fois que toutes les parties prenantes auront été consultées.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Une commission d’enquête, c’est six mois de travail, d’investigations et de regards croisés, nourris par les avis des experts. Je rappelle que la commission d’enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis a statué et émis des préconisations à l’unanimité : en d’autres termes, les groupes que nous représentons ont estimé, dans leur ensemble, qu’il était pertinent et même urgent, après l’affaire Lactalis, de constituer une police de sécurité sanitaire unifiée.

Si je comprends bien, on se fait plaisir en créant une commission d’enquête sous le coup de l’émotion et de l’agitation médiatique, ce qui peut laisser penser qu’on a saisi l’ampleur du problème, mais quand il s’agit de prendre des décisions dans le cadre de la loi de finances, il n’y a plus personne ! Les discussions ayant précédé la loi EGALIM ont montré que, face à des géants de l’industrie agroalimentaire tels que Lactalis, Bigard ou Danone, les services de l’État sont désarmés, mal organisés et incapables de contredire les expertises produites par ces groupes.

Faut-il attendre le prochain drame, qui sera seulement l’occasion de réunir une nouvelle commission d’enquête et de faire des ronds dans l’eau plutôt que d’avancer ? Pour moi, il n’est ni cohérent, ni responsable de ne pas rendre concrète une décision prise à l’unanimité par la commission d’enquête Lactalis.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La majorité est défavorable à cet amendement au motif que la proposition émise aurait fait l’objet d’un travail insuffisant et ne reposerait pas sur une étude d’impact. Or, comme vient de le dire M. Jumel, un travail très important a été effectué dans le cadre de la commission d’enquête Lactalis, et l’amendement que je présente constitue l’aboutissement de ce travail plutôt que le début d’un processus qui aurait pour finalité d’étudier la pertinence de créer une police unifiée de l’alimentation. Je regrette donc beaucoup que cet amendement ne recueille pas l’accord du groupe La République en Marche.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Si je trouve cet amendement extrêmement intéressant, je dois dire que je comprends mal la méfiance qu’il semble exprimer de façon sous-jacente à l’égard de notre industrie agroalimentaire. Certes, il est normal que des organismes soient chargés de contrôler les entreprises relevant de ce secteur, et que des réformes viennent modifier le système existant afin de le rendre plus performant. Cela dit, comme l’ont montré les réformes déjà mises en œuvre dans le domaine du commerce extérieur, cela peut se faire en fusionnant certains services ou en mettant leurs moyens en commun, donc sans forcément mettre en œuvre des moyens supplémentaires.

Afin que nous soyons en mesure de faire face aux conséquences du Brexit, le budget du ministère de l’agriculture prévoit la création de 320 ETP afin d’assurer le contrôle aux frontières, car le danger pour les consommateurs français se situe bien là, dans l’entrée de marchandises produites en dehors de nos frontières – et même de celles de l’Union européenne. C’est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts et, de ce point de vue, l’amendement qui nous est présenté n’est pas à la hauteur de la situation. Je rappelle que, dans le cadre des débats que nous avons eus ici même au sujet du CETA (accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada) – lors desquels vous vous êtes montré particulièrement loquace, Monsieur Jumel –, c’est bien la méfiance à l’égard des produits importés qui s’était majoritairement exprimée, et c’est précisément à cela que nous devons répondre par des moyens supplémentaires.

En résumé, c’est un vrai sujet, mais votre amendement ne me semble pas y répondre de façon adéquate.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Dans le cadre de cet examen pour avis, nous avons la possibilité d’octroyer plus de crédits, mais il ne nous appartient pas de créer une police unifiée de l’alimentation, si utile soit-elle : cela ne pourrait se faire qu’à l’issue d’une discussion s’appuyant sur une véritable étude d’impact. Je maintiens par conséquent mon avis défavorable.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Les postes créés au sein du budget de l’agriculture, que vient d’évoquer M. Herth, sont destinés à renforcer les services d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), notamment dans la zone transmanche. Cela n’a rien à voir avec la police unifiée de l’alimentation qu’il est ici proposé de créer afin d’établir des protocoles harmonisés et mieux imbriqués entre la DGAL et la DGCCRF. Il ne s’agit pas de faire preuve de suspicion à l’égard des industriels, mais simplement d’être mieux armés pour faire face à de nouvelles catastrophes alimentaires – un domaine dans lequel nos concitoyens sont de plus en plus exigeants. Considérer que le Parlement n’a pas vocation à s’emparer des conclusions d’une commission d’enquête – elle-même constituée à la suite d’un scandale alimentaire aux conséquences dramatiques – pour coordonner et rendre plus efficaces les moyens de contrôle dans ce domaine, revient pour moi à prendre acte de l’inutilité de ce parlement.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. C’est un débat passionnant…

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Vous le dites sur un ton qui laisse penser le contraire, Madame la présidente… Nous ressortirons la vidéo de cette séance lorsque surviendra le prochain drame alimentaire !

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. … mais nous devons passer au vote sur l’amendement II-CE55.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques II-CE75 de M. Rémi Delatte et II-CE56 de Mme Valérie Rabault.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC) n’est plus abondé en autorisations d’engagement depuis la loi de finances pour 2019, le dispositif étant placé en gestion extinctive. Cette suppression est regrettée par les acteurs de terrain, le FISAC ayant largement fait montre de son efficacité en termes de préservation du tissu économique.

L’amendement II-CE75 vise donc à rétablir le FISAC dans les montants prévus en 2018, en procédant à une ouverture de crédits de 14 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5 millions en crédits de paiement sur l’action n° 23 « Industrie et service » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE56 est identique à celui que vient de présenter M. Delatte. Nous sommes tous convaincus que, depuis sa création en 1989, le FISAC a joué un rôle déterminant en matière de lutte contre la désertification économique et commerciale en zone rurale, et contre la dévitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, d’autant que l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) n’est pas encore pleinement opérationnelle.

Dans ces conditions, il nous semble essentiel de maintenir un dispositif de soutien au commerce et à l’activité de proximité dans le cadre du PLF pour 2020. Tel est l’objet de l’amendement II-CE56, qui vise à rétablir les moyens qui avaient reçu un avis favorable du rapporteur général, Joël Giraud, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2019, avant que le Gouvernement ne s’oppose à leur mise en œuvre. Dans le cadre de l’année de transition que nous abordons, il nous semble que maintenir ces crédits est la moindre des choses.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine l’amendement II-CE80 de M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE80 vise à rétablir les crédits de l’action n° 23, consacrée au soutien public des métiers d’art, à hauteur de 2,25 millions d’euros, soit le montant voté l’année précédente.

Les métiers d’art, reconnus par le législateur à l’occasion de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, participent au rayonnement économique, culturel et touristique de notre pays, où ils représentent 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d’euros – ce qui montre bien tout l’intérêt économique de ce secteur d’excellence.

La ligne « Actions du développement des PME » de l’action n° 23 « Industrie et services », prévue pour soutenir les organismes de formation et pour abonder le label « entreprises du patrimoine vivant » promu au cours des dernières années, est purement et simplement supprimée dans le cadre du présent projet de loi de finances.

La suppression de la dotation paraît largement dommageable pour l’avenir des métiers d’art. Les pouvoirs publics envoient des signaux tout à fait négatifs au secteur, dans un contexte où le Gouvernement n’a pas souhaité renouveler le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art (CIMA) en 2020.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. N’étant ni rancunier, ni sectaire, je soutiens cet amendement. Au-delà de ce qu’a dit M. Delatte au sujet de l’impact des métiers d’art sur l’économie réelle, je veux insister sur l’intérêt de la préservation de ces métiers du point de vue de l’attractivité touristique : un grand nombre de territoires profitent de l’existence de ces métiers, notamment grâce au label « Villes et pays d’art et d’histoire », qui repose sur la capacité des territoires à préserver les savoir-faire et à accompagner leur transmission aux nouvelles générations. Pour ma part, j’estime donc pertinent de maintenir les crédits consacrés à cet objectif.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Je soutiens l’amendement de mon collègue Delatte. La reconstruction de Notre-Dame-de-Paris nous a fait redécouvrir l’importance de la transmission des savoir-faire ancestraux, en particulier dans le domaine des métiers d’art. Il est important de soutenir ces filières car ces chantiers s’inscrivent dans la très longue durée : des savoir-faire peuvent se perdre si ceux qui sont chargés de les transmettre n’en ont pas les moyens.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cet amendement fait l’objet d’une belle unanimité car nous le soutenons également. Cela me donne l’occasion de saluer le travail de notre collègue Philippe Huppé sur les métiers d’art et les entreprises du patrimoine vivant.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. M. Huppé, retenu en circonscription, aurait été ravi de voter avec nous cet amendement !

La commission adopte l’amendement.

Mme Valéria Faure-Muntian, présidente. Les rapporteurs peuvent-ils nous donner leur avis sur les crédits de la mission « Économie » ?

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Nos amendements ayant été refusés, j’émets un avis défavorable.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. La question du financement de Bpifrance n’est pas réglée. J’étudierai ce que la commission des finances décidera demain à ce propos ; peut-être la majorité souhaitera-t-elle aborder ce sujet. À défaut, je déposerai un amendement en séance pour remédier à la sous-dotation de Bpifrance. Dans cette attente, je m’en tiens à un avis de sagesse.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. Avis favorable.

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » modifiés.

Après l’article 76

La commission examine l’amendement II-CE57 de Mme Valérie Rabault.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement ne coûte rien : j’ai donc l’espoir que l’avis sera favorable ! Il a pour objet la remise d’un rapport au Parlement sur les conséquences du mode de collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la trésorerie des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Nous en avions longuement débattu lors de l’examen de la loi PACTE : le décalage entre le versement de la TVA à la facturation et l’encaissement des factures fait supporter aux entreprises une charge de trésorerie qui nuit très fortement à leur développement et entraîne des frais de gestion.

Outre un panorama précis de cette situation, le rapport aurait vocation à proposer des modalités de collecte de la TVA réduisant la charge de trésorerie des TPE et PME, par exemple en reportant son versement après le paiement effectif des prestations auxquelles elle est applicable. J’ose donc imaginer que cet amendement sera adopté, comme le précédent, à l’unanimité !

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis. L’objectif de ce rapport est de mieux appréhender les conséquences du versement de la TVA pour les petites entreprises. La proposition que vous faites pourrait conduire à une réforme ayant un effet positif sur les trésoreries de petites et très petites entreprises. Avis favorable.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je suis au désespoir de devoir dire une nouvelle fois à ma collègue que le groupe La République en Marche votera contre. Un rapport n’est pas nécessaire : il conviendrait plutôt d’engager, si tel est le souhait du groupe Socialistes et apparentés, une mission d’information commune à la commission des finances et à la commission des affaires économiques sur ce sujet.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Quand nous proposons des amendements de mise en œuvre, l’on nous répond qu’il faudrait réaliser au préalable une étude d’impact. Mais quand nous demandons un rapport afin de fonder nos propositions sur une étude d’impact, l’avis est défavorable ! J’invite mes collègues à prendre en considération le souci de la trésorerie des petites entreprises. Nous avons la possibilité de demander une étude d’impact et de trouver des solutions adaptées : il est regrettable que l’avis soit défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 


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   liste des Personnes auditionnÉes

Ministère de léconomie et des finances

M. Louis Margueritte, comité interministériel de restructuration industrielle

Mme Adèle Liéber, sous-directrice du conseil fiscal, financier et économique

Mme Christelle Borg, cheffe du bureau « expertise et action économiques et financières »

M. Marc Glita, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises

M. Rémi Lalaste, chef du bureau des restructurations d’entreprise à la direction générale des entreprises

Les cabinets de conseil Roland Berger et Secafi

M. Olivier de Panafieu, managing partner de Roland Berger

M. Alain Chagnaud, partner de Roland Berger

M. Julien Nathan, partner de Roland Berger

M. Ambroise Lecat, partner de Roland Berger

M. Pierre Ferraci, président du groupe Alpha

M. Patrick Taler, associé du groupe Alpha

M. Olivier Guillou, directeur associé du groupe Alpha

Conseils régionaux

Mme Nadia Pellefigue, vice-présidente de la région Occitanie en charge du développement économique, de l’innovation, de la recherche et de l’enseignement supérieur

M. Francis Wilsius, conseiller régional de Nouvelle Aquitaine à la restructuration économique

Mme Laure Marzouk, conseillère économique au sein du cabinet du président du conseil régional des Hauts-de-France

M. Hervé Salomon, responsable de l’unité « entreprise en retournement » à la région Nouvelle Aquitaine

Fonds dinvestissement Butler Capital Partners

M. Walter Butler, président directeur général du groupe Butler Industries

Mme Elena Petit, analyste

Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires (CNAJMJ)

Maître Christophe Thevenor, président

Maître Christophe Basse, vice-président

M. Alain Damais, directeur général

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

BPIfrance *

M. Daniel Demeulenaere, directeur de la stratégie

M. Jean-Baptiste Martin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.


([1]) À noter que le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » au sein de la mission « Investissements d’avenir » contient également des crédits budgétaires consacrés à l’industrie.

([2]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

([3]) Les crédits de paiement (CP) sont, eux, plus élevés, car ils comprennent les restes à payer au titre des conventions signées en 2019 entre l’État et les pôles de compétitivité.

([4]) « Les plateformes d’accélération vers l’industrie du futur : organisation, missions et financements des centres techniques industriels (CTI) et des comités de développement économique (CPDE) », co-écrit par Anne‑Laure Cattelot, députée du Nord, et Bruno Grandjean, président de l’Alliance Industrie du futur et président-directeur général du groupe Redex, remis au Gouvernement et publié en juin 2019

([5]) L’institut Rexecode prévoyait, en octobre 2018, dans son rapport « Perspectives 2019 : consolider les réformes dans un environnement économique incertain », que l’industrie verrait l’allègement de charges diminuer de près d’un quart avec la transformation du CICE en baisse de charges.

([6]) « Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers », 31 juillet 2014

([7]) En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation, un nouvel apport en trésorerie au débiteur sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances. C’est le privilège de conciliation.

([8]) « Les procédures collectives de traitement des difficultés financières des entreprises en France », France Stratégie, avril 2018

([9]) Le II de la présente seconde partie du rapport détaille le dispositif des prêts FDES

([10]) « Rapport d’activité 2018 », CIRI, juillet 2019

([11]) Réponses au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur au Gouvernement

([12]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

([13]) Certaines collectivités infrarégionales sont en effet autorisées à participer au financement de l’intervention régionale dans la mesure où l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que « la métropole de Lyon, les communes et leurs groupements peuvent participer au financement des aides dans le cadre d’une convention passée avec la région ». Une telle possibilité n’est cependant pas ouverte aux départements.

([14]) Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers, 31 juillet 2014

([15]) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([16]) Article 199 ter B du code général des impôts

([17]) Article 220 quinquies du code général des impôts

([18]) « Arjowiggins, cas d’école du déclin industriel français », Les Échos, 10 juin 2019

([19]) Circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d’accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement

([20]) Les crédits sont ceux recensés par le service central des risques, c’est-à-dire les crédits d’un montant unitaire de plus de 25 000 euros.

([21]) Les sociétés non financières comprennent toutes les entreprises ayant pour activité principale la production marchande de biens et services non financiers à l’exclusion des entrepreneurs individuels.

([22]) Circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d’accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement

([23]) Communication de la Commission relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d’actualisation (2008/C 14/02)

([24]) Le taux Euribor correspond au taux de référence auquel les banques de la zone euro se prêtent de l’argent entre elles. Ce taux est fixé en concertation avec une cinquantaine de grandes banques européennes. Les taux Euribor existent sur 5 maturités différentes : une semaine, 1, 3, 6 et 12 mois. Ils varient actuellement, à la date de rédaction du rapport, entre – 0.45 % (taux à 1 mois) et-0.3 % (taux à 12 mois).

([25]) https://francais.doingbusiness.org/fr/data/exploretopics/resolving-insolvency

([26]) La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », autorise le gouvernement à réformer le droit des sûretés par voie d’ordonnance, d’ici mai 2021.

([27]) Les abandons de créances par la puissance publique sont prévus à l’article L.626-6 du code du commerce.

([28]) Article D.626-12 du code de commerce

([29]) « Bilan d’activité 2018 », BPIfrance, 31 janvier 2019

([30]) Il s’agit d’un fonds, géré par BPIfrance, qui lui-même investit dans des fonds intervenant sur le segment du capital-retournement et dont la stratégie d’investissement vise à investir dans des entreprises sous performantes ou surendettées présentant néanmoins des perspectives de rebond.

([31]) Ces deux fonds sont :

– le fonds Hivest, qui a atteint sa taille maximale de près de 120 M€, dont 10 M€ apportés par le fonds de fonds de retournement, aux côtés des fonds propres de BPIfrance (20 M€). Le fonds a déjà investi dans 4 sociétés et est appelé à hauteur de 40 % ;

– le fonds France Industries I SLP, qui a réalisé son premier closing début 2018 à hauteur de 64M€. Il vise une taille cible de 100M€, mais la levée n’a pour l’instant pas progressé. Le fonds est appelé à date à hauteur de 15 % et a réalisé un investissement.

([32]) Ce fonds a été renommé Fonds Avenir Automobile (FAA).