N° 2305

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2020 (n° 2272)

 

 

 

TOME II

 

 

DÉFENSE

 

 

ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

PAR M. Didier BAICHÈRE

Député

——

 

Voir le numéro : 2301 (annexe 14)


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE

Un budget en hausse

I. le chemin tracÉ par le premier budget de la lÉgislature se poursuit

II. La prospective de dÉfense reprÉsente toujours Le cœur du programme 144

A. L’analyse stratÉgique

1. Différents types d’études

a. Les consultances

b. Les études prospectives et stratégiques

c. Les observatoires

d. Les contrats-cadres

2. Pour une programmation au plus près des besoins de la défense

3. Le programme « Personnalités d’avenir-défense », une stratégie d’influence internationale

B. La prospective des systÈmes de force

C. Les Études amont

1. Les différents domaines de recherche

a. Aéronautique et missiles

b. Information et renseignement classique

c. Information et renseignement espace

d. Naval

e. Terrestre, NRBC et santé

f. Innovation et technologies transverses

g. Dissuasion

2. Mais les crédits de recherche de défense ne relèvent pas tous du programme 144

3. Les aides aux laboratoires de recherche et aux entreprises

a. ASTRID et ASTRID MATURATION

b. RAPID

c. Le fonds d’investissement de défense

d. Les financements européens

D. Les soutiens et subventions

1. L’Office national d’études et de recherches aérospatiales

a. Des résultats en hausse

b. Des ressources humaines difficiles à recruter et à fidéliser

c. L’activité contractuelle

d. Les travaux de renforcement de la soufflerie S1MA

e. La mise à niveau des souffleries

f. Le regroupement des emprises franciliennes

2. L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

3. Les écoles sous tutelle de la Direction générale de l’armement

a. L’école Polytechnique

b. L’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace

c. L’ENSTA Paris

d. L’ENSTA Bretagne

e. Un nouvel acteur, l’Institut Polytechnique de Paris

III. Le renseignement demeure une priorité

A. La direction gÉnÉrale de la sÉcurité extÉrieure

B. La direction du renseignement et de la sÉcurité de dÉfense

IV. Les relations internationales et la diplomatie de dÉfense

A. La contribution versÉe À Djibouti

B. L’Évolution du budget de l’agence europÉenne de dÉfense

Deuxième partie  Les premiers pas de l’Agence de l’innovation de dÉfense

I. Les missions de l’agence

II. Sa gouvernance

III. Ses effectifs

IV. Son budget

V. Les actions menÉes par l’agence

A. Des projets lancÉs et de nouvelles mÉthodes

B. Des partenariats

C. Autour de L’Intelligence artificielle

D. Des Actions de communication et de développement de la culture d’innovation au sein du ministère des armées

VI. La crÉation de l’innovation dÉfense lab

A. Les moyens

B. Les actions

C. À la recherche de nouvelles façons de faire

VII. DÉbusquer l’innovation

A. La recherche acadÉmique

B. Des antennes en rÉgions pour sourcer les entreprises ?

VIII. L’innovation issue du terrain

A. Dans l’armÉe de terre

B. Dans la marine

C. Dans l’armÉe de l’air

D. Des amÉliorations À apporter

1. Créer une base de données de référence des innovations

2. Alléger les procédures d’achat

3. Mettre à disposition des capacités internes de fabrication et de maquettage

4. Faciliter le passage à l’échelle

5. Anticiper l’intégration d’innovations dans les systèmes d’armes en service

6. Mettre en place un véritable guichet unique et communiquer

7. Encourager la subsidiarité

8. Des lacunes sont déplorées dans le Document d’orientation d’innovation de défense

IX. Des attentes trÈs fortes

TroisiÈme partie  La recherche biomédicale des armÉes

I. La spÉcificitÉ de la recherche biomÉdicale militaire

II. OÙ se pratique-t-elle ?

III. L’institut de recherche biomÉdicale des armÉes

A. Des moyens adaptÉs

B. De nombreux partenariats

C. Le financement de l’IRBA

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de Mme Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie

II. EXAMEN des crÉdits

annexe  Liste des personnes auditionnées par lE rapporteur pour avis et déplacements


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   introduction

Le programme 144 porte une ambition essentielle pour la Nation : celle de préparer l’avenir, de soutenir l’effort indispensable d’innovation et d’irriguer constamment notre base industrielle et technologique de défense avec du sang neuf, les technologies nouvelles pour faciliter le travail de nos soldats sur les théâtres d’opération. Renseigner sur l’environnement présent et sur ses évolutions, préparer les systèmes d’armes de demain, mais également les protections face aux armes adverses, identifier les mutations géostratégiques, contribuer au maintien d’une recherche et d’une industrie de défense au meilleur niveau, former des ingénieurs, c’est toute l’ambition et les objectifs poursuivis par ce programme « Environnement et prospective de la politique de défense ».

Conformément aux engagements pris par la loi de programmation 2019‑2025, les crédits de ce programme croissent régulièrement et enregistrent une augmentation globale de 8 % en autorisations d’engagement et 5 % en crédits de paiement. Les crédits d’études amont suivent cette progression, en augmentation respective de 8 et 9 %. Fait marquant, ils atteignent déjà le milliard d’euros en autorisations d’engagement, en cohérence avec l’objectif fixé d’atteindre le milliard d’euros en crédits de paiement en 2022.

La première année d’activité de l’Agence de l’innovation de défense (AID) illustre un tournant dans l’appréhension de l’innovation et des interactions entre les entités du ministère des Armées et leurs partenaires extérieurs. Les défis sont nombreux et il est prématuré de tirer de quelconques conclusions, si ce n’est que les débuts sont prometteurs. L’AID devra faire sa place en se positionnant comme un acteur incontournable coordonnant les processus d’innovation planifiée et d’innovation ouverte sans que l’une se fasse au détriment de l’autre. Elle devra également accroître sa visibilité et s’imposer en externe comme l’interlocuteur naturel en matière de progrès technologiques, tant est forte la demande de guichet unique exprimée par les entreprises. Le rapporteur pour avis entend suivre avec attention les évolutions en la matière.

Le rapporteur pour avis s’est penché sur la recherche biomédicale, un aspect peu connu de l’activité du service de santé des armées. Cet intérêt est en lien direct avec l’innovation. En effet, si les moyens capacitaires permettent de conserver la supériorité opérationnelle, l’homme demeure au centre des actions menées. La numérisation du champ de bataille, et plus globalement de l’ensemble des matériels, modifie la perception de l’environnement et les interactions homme-machine mais aussi homme-homme et engendre des problématiques cognitives dont le rapporteur souhaite s’assurer qu’il leur est accordé l’importance appropriée et qu’elles sont prises en compte au moment adéquat lors des développements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2019, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 70 réponses sur 71 lui étaient parvenues, soit un taux de 99 %.


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   PREMIÈRE PARTIE

   Un budget en hausse

I.   le chemin tracÉ par le premier budget de la lÉgislature se poursuit

En cohérence avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire 2019-2025, ce budget voit ses crédits augmenter de 137,01 millions d’euros en autorisations d’engagements (AE) et de 71,67 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 8 et 5 %, le portant à 1,77 milliard d’euros en AE et 1,55 milliard d’euros en CP.

Le programme 144 par actions

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

Les équilibres traditionnels de ce programme demeurent inchangés. Les trois actions sont abordées ci-après par poids budgétaire décroissant.

 

II.   La prospective de dÉfense reprÉsente toujours Le cœur du programme 144

L’action 7, « prospective de défense » couvre tous les champs de l’anticipation dans le domaine des sciences et techniques et celui des sciences humaines et sociales. Par le financement d’analyses géostratégiques, d’études scientifiques et techniques, de mesures d’appui à l’industrie, de subventions à des instituts et des écoles et enfin de l’innovation, elle mobilise à la fois le milieu académique, les laboratoires de recherche et les entreprises, du grand groupe à la petite entreprise. Dotée de 1,33 milliard d’euros en AE et 1,14 milliard d’euros en CP, cette action enregistre la plus forte revalorisation des crédits de l’ensemble du programme, soit 7 % en AE et 6 % en CP, une hausse dont la plus grande part revient sans surprise aux études amont.

La prospective de défense est divisée en quatre sous-actions de nature différente relevant d’opérateurs distincts. Il s’agit :

A.   L’analyse stratÉgique

La DGRIS a notamment parmi ses missions l’analyse prospective du contexte international, tant géopolitique qu’industriel, destinée à informer la ministre des Armées des évolutions prévisibles, dont celles des menaces. Elle coordonne à ce titre les travaux nécessaires à l’actualisation régulière de la stratégie de défense française et la préparation des documents afférents.

La DGRIS commande pour ce faire des études à des prestataires, privés et publics, tout en soutenant la recherche académique avec la perspective de contribuer à l’émergence d’une filière universitaire d’études stratégiques, les war studies anglo-saxonnes qui n’existent pas en France, en s’appuyant sur le Pacte enseignement supérieur. Elle exerce également la tutelle de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) auquel un budget de 400 000 euros sera attribué en 2020.

Les études et analyses nourrissent la rédaction de documents d’analyse prospective, publics ou classifiés, et les travaux de différentes entités. Il s’agit notamment de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, dont la DGRIS assure le pilotage, des documents de prospective opérationnelle de l’état-major des armées dans le cadre du Groupe d’anticipation stratégiques (GAS) et du Groupe d’orientation de la stratégie militaire (GOSM) ainsi que du Document d’orientation de la S&T (DOST) mis à jour en mai 2018 et revu à chaque LPM ou si les orientations connaissent une inflexion majeure.

Les crédits de cette sous-action augmentent de 6 % en AE et de 1 % en CP, et atteignent respectivement 10,79 millions d’euros en AE et 9,75 millions d’euros en CP. Ces hausses significatives sont particulièrement destinées au soutien renforcé des centres académiques dans l’objectif de la labellisation de centres d’excellence prévue par le Pacte enseignement supérieur.

1.   Différents types d’études

Il existe plusieurs catégories d’études permettant d’adapter le cadre contractuel à la nature et à l’étendue du sujet traité.

a.   Les consultances

Les consultances sont des contrats d’un montant inférieur à 8 000 euros HT, ne nécessitant pas le lancement d’une procédure d’appel d’offres contrairement aux vecteurs suivants. Il en a été notifié 37 en 2018 et 12 à l’été 2019.

b.   Les études prospectives et stratégiques

Les études prospectives et stratégiques (EPS) sont dotées d’une enveloppe moyenne de 40 000 euros : elles furent 25 en 2018, 12 sont programmées en 2019.

c.   Les observatoires

Les observatoires (OBS) sont, eux, d’un montant moyen de 50 000 euros : huit ont été contractualisés en 2018 et 13 sont programmés en 2019.

d.   Les contrats-cadres

Les contrats-cadres pluriannuels (CC), d’une durée totale de trois à quatre ans, sont d’un montant annuel beaucoup plus élevé allant de 300 000 à 500 000 euros. Trois ont été lancés en 2018 et trois sont programmés en 2019. Ce nouveau vecteur contractuel a été introduit en 2016 dans le but de permettre à la fois l’étude de domaines d’ampleur, prioritaires pour le ministère des Armées, et la fidélisation d’experts de haut niveau en encourageant leur recrutement par les instituts. Les contrats-cadres lancés en 2018 portent, par exemple, sur les BITD émergentes (Chine, Inde, Russie, Brésil Corée du Sud, Turquie), la défense, la sécurité et les actions dans le cyberespace : enjeux, environnement, menaces, défis et la constitution et l’animation d’un réseau d’éducation et de sensibilisation sur le nucléaire de défense. Ce type de contrat s’est avéré très utile.

2.   Pour une programmation au plus près des besoins de la défense

La programmation 2018 témoigne de la pertinence des thèmes d’études et de leur lien direct avec l’actualité, d’une part, et des besoins d’anticipation en matière de défense, d’autre part.

Programmation 2018 des études prospectives et stratégiques

Intitulé

Type de prestation

Observatoire de la politique de défense des États-Unis

OBS

Le marché des drones en Afrique

EPS

La région de la mer Noire, un nouveau talon d’Achille pour l’Europe ?

EPS

Conséquences stratégiques du développement accéléré de nouveaux petits lanceurs spatiaux, fixes et mobiles

EPS

Observatoire stratégique sur la Chine

OBS

Observatoire de la Turquie

OBS

La sphère défense en 2030 : évolutions et enjeux

EPS

Iran. Évaluation du niveau de pénétration du réseau pasdaran dans l’appareil étatique iranien et de son influence sur le processus décisionnel.

EPS

Levant. La place et l’influence actuelle des tribus et réseaux tribaux dans les sociétés, les forces armées et la politique, en Syrie, Irak et Jordanie

EPS

Quels enseignements opérationnels retenir du conflit au Yémen ?

EPS

Quelle place pour les drones dans le combat aéroterrestre à l’horizon 2030 ?

EPS

Quelles stratégies des entreprises de défense étrangères en Europe ?

EPS

Le développement international des PME de défense française

EPS

Observatoire de la Syrie post-Daesh

OBS

L’ouverture des implantations de l’armée de l’air aux activités civiles. Quelles opportunités, quelles possibilités, quelles organisations, quel modèle économique ?

EPS

Évolution du fait aérien dans le cadre des opérations aéroterrestres et aéromaritimes d’ici 2040

EPS

Observatoire de la perception de l'action militaire de la France dans l'environnement informationnel

OBS

Modalités de création, fonctionnement et avenir des laboratoires d’innovation numérique dans les grandes organisations françaises

EPS

BITD émergentes (Chine, Inde, Russie, Brésil, Corée du Sud, Turquie)

CC

Défense, sécurité et actions dans le cyberespace : enjeux, environnement, menaces, défis

CC

Prévention et Lutte contre les trafics d’armes classiques (séminaire)

EPS

men. Le rôle des tribus au sein des forces loyalistes et de la rébellion, ainsi que l’impact du conflit sur l’organisation tribale traditionnelle au Yémen.

EPS

Benchmarking des corpus réglementaires « sécurité au travail » pour les militaires des armées engagées dans des opérations

EPS

Contre-mesures médicales au ministère des Armées

EPS

Prolifération numérique et NRBC

EPS

Financement des entreprises européennes de Défense

EPS

Fusion et acquisition dans le domaine de la défense

EPS

Processus de numérisation des systèmes d’armes dans les grandes nations (US, Russie, Chine, Israel, Japon…) et évolution des méthodes de qualification/certification liées à cette numérisation.

EPS

Quelle capacité de déni d’accès et d’interdiction de zone pour l’armée de l’air d’ici 2040 ?

EPS

Éléments constitutifs d’un concept d’emploi de drones de combat consommables

EPS

Quelle simulation pour l’armée de l’air dans le cadre du développement du SCAF et du combat collaboratif en général ?

EPS

Observatoire de l'Arctique

OBS

Observatoire de l’Afrique australe et des Grands Lacs

OBS

Comment les hélicoptères à grande vitesse peuvent transformer les opérations à l’horizon 2035 ?

EPS

Intérêts de sécurité des Européens

OBS

Constitution et animation d’un réseau d’éducation et de sensibilisation sur le nucléaire de défense

CC

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

Les prestataires ayant contractualisé avec la DGRIS en 2018 sont les suivants :

Classement des prestataires par montant des contrats remportés

 

Principaux prestataires

Nombre de contrats notifiés

Montants (en € TTC)

CEIS

6

1 955 803,80

IFRI

2

1 840 660,32

FRS

5

819 644,88

ARIANE GROUP

1

486 000,00

IRIS

6

418 128,00

AESMA

4

383 493,00

VENTURA

3

140 232,00

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

3.   Le programme « Personnalités d’avenir-défense », une stratégie d’influence internationale

Dans le cadre de la stratégie d’influence de la défense, la DGRIS conduit ce programme qui fête son dixième anniversaire en 2019. Très jeune, si on le compare à son équivalent américain « International Visitor Leadership Program » lancé en 1950, il permet d’accueillir des personnalités étrangères civiles et militaires afin de les acculturer à l’approche française des sujets de sécurité et de défense et d’entretenir ainsi un réseau d’influence durable. Sous la responsabilité de la DGRIS, qui participe au programme, interviennent également la direction générale de l’armement (DGA) et l’état-major des armées (EMA). Les attachés de défense effectuent la présélection des personnalités au regard de leur potentiel et de critères précis évoluant au gré des intérêts stratégiques français. Ainsi, 250 personnalités ont été reçues depuis 2009, soit entre 20 et 30 chaque année. L’enveloppe budgétaire consacrée à ce programme pour 2020 reste au niveau de 2019, soit 260 000 euros.

Il est important que ce programme s’ouvre à un large éventail de personnalités dans tous les domaines de la vie économique et intellectuelle.

La DGRIS soutient l’innovation dans le cadre de la recherche en sciences humaines et sociales

Le programme doctoral "innovation" vise à favoriser l’approche innovante, en sélectionnant des sujets libres, tant au niveau de la thématique d’études que de la démarche méthodologique ou de la dimension transdisciplinaire. Ce programme peut financer jusqu’à trois allocations par an.

Ces bourses soutiennent pendant trois ans de jeunes chercheurs engagés dans une thèse portant sur des enjeux de sécurité et de défense, quelle que soit la discipline universitaire en sciences humaines et sociales (géographie, économie, sciences politiques, droit, etc…) et comportant une prise de risque scientifique, soit sur le plan méthodologique (usage ou expérimentation de méthodes scientifiques innovantes, issues de différentes sciences humaines et sociales, voire empruntées à des sciences dites dures), soit sur le plan thématique (thématique de réflexion inédite dans le champ disciplinaire concerné, originalité du prisme scientifique choisi, renouvellement de la réflexion scientifique dans le domaine considéré).

La DGRIS verse une allocation au laboratoire de l’université dont dépend le doctorant, lui permettant de le salarier pendant trois ans, pour une rémunération nette mensuelle minimum de 1 550 euros.

L’IRSEM participe au suivi scientifique du doctorant, en complément du suivi et des formations assurés par le directeur de thèse et par son école doctorale.

Source : ministère des Armées.

B.   La prospective des systÈmes de force

Cette action contribue à la détermination de l’évolution des modes d’action adverses et du besoin militaire prévisible et, partant, à la définition des capacités des futurs outils de défense et celle de leur emploi. L’état-major des armées, par le biais des officiers de cohérence opérationnelle (OCO), diligente pour ce faire des études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qui viennent en complément des études amont, et constituent un outil d’aide à la décision en matière capacitaire, contribuant ainsi aux arbitrages. Elles participent à l’innovation technologique.

Les EOTO se répartissent en six domaines : dissuasion, commandement et maîtrise de l’information, engagement-combat, études transverses, projection-mobilité-soutien et protection-sauvegarde.

Crédits prÉvus par domaine pour les opÉrations stratÉgiques « dissuasion » et « prospective et prÉparation de l’avenir »

(en euros)

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G:\Budget\Budget 2020\144-Environnement et prospective  D. Baichère (MPMT)_Tome2\doc\EOTO.png

Source : projet annuel de performances de la mission défense pour 2020.

Le budget proposé pour 2020 est de 22,44 millions d’euros, montant identique en AE et CP mais en baisse de 1 % en AE et en augmentation de 3 % en CP par rapport à 2019.

L’encadré ci-dessous fait état d’une partie des résultats de l’EOTO MGCS-CIFS (Main ground combat system – Common indirect fire System), portant sur le futur système de combat terrestre franco-allemand et le système d’artillerie du futur, menée par la DGA, l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, Ardanti Défense, MBDA France, Nexter Systems, et SERA Ingénierie. Cet exemple indique en quoi les EOTO se distinguent des études amont, leur objectif étant bien la définition du besoin capacitaire. Il s’agit en l’occurrence de la contribution de l’Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis, l’un des instituts recevant une subvention de ce programme budgétaire.

Innovations technologiques et expertise de l’Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis au service du futur systÈme de combat terrestre franco-allemand

PUISSANCE DE FEU

• Technologies de tir disruptives pour augmenter la vitesse de bouche des projectiles et réduire les dispersions.

• Rupture technologique apportée par les nanomatériaux énergétiques pour l’allumage et les effets terminaux des têtes militaires.

• Briques innovantes pour munitions guidées : antennes miniatures, unités de navigation bas coût, actuateurs aérodynamiques ou pyrotechniques.

• Sources pour laser haute énergie.

SURVIVABILITÉ

• Solutions pour le blindage passif, réactif et actif contre les charges creuses, les projectiles flèches et les charges explosives.

• Protection des optiques et de l’équipage contre la menace laser par limitation optique.

• Sources laser uniques pour la contremesure infrarouge.

• Détection/identification des menaces par capteurs acoustiques, imagerie active et observation au-delà de la vue directe.

COMMUNICATION ET RÉSEAU

• Navigation autonome des véhicules par l’image • Intelligibilité accrue des communications.

COÛT-EFFICACITÉ ET DURÉE DE VIE

• Survivabilité accrue.

• Capteurs de surveillance bas coût.

• Réduction de l’empreinte logistique grâce aux munitions de précision.

• Briques technologiques bas coût pour les munitions guidées.

• Vieillissement maîtrisé des matériaux de protection.

Source : https://www.isl.eu/documents/flyers/FR/isl_MGCS_FR_nm.pdf

C.   Les Études amont

Pierre angulaire du programme, les études amont sont des recherches et des études appliquées à la satisfaction d’un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou développer la base industrielle et technologique de défense, la BITD, ainsi que l’expertise technique de l’État, nécessaires à la réalisation d’opérations d’armement. La progression constante des crédits de paiement d’études amont jusqu’au montant cible d’un milliard d’euros en 2022, ainsi que le prévoit la LPM, est respectée, ce dont se félicite le rapporteur pour avis.

Répartition des Crédits de la sous-action 7-3 « Études amont »

(en millions d’euros)

Opérations budgétaires

LFI 2019

PLF 2020

Évolution n+1/n (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

Dissuasion

215,0

171,0

23%

195,0

185,0

23%

8%

Aéronautique et missiles

279,9

248,5

33%

302,2

256,0

31%

3%

Information et renseignement classique

151,0

100,0

13%

139,5

106,0

13%

6%

Information et renseignement espace

29,0

14,0

2%

55,0

25,0

3%

79%

Naval

35,0

30,0

4%

51,5

51,0

6%

70%

Terrestre ; nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et santé

52,0

52,0

7%

73,5

58,0

7%

12%

Innovation et technologies transverses

158,0

143,0

19%

187,0

140,0

17%

-2%

Total

919,9

758,5

100%

1 003,7

821,0

100%

8%

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

On notera l’effort marqué pour les études dans les domaines spatial, + 79 % en CP, et naval, + 70 % en CP également. Si les CP marins connaissent une croissance notable, ils ne représentent malgré cela que 6 % de l’ensemble des études amont, et, si l’on considère qu’une grande partie sera consacrée au porte-avions de nouvelle génération, la part dévolue aux autres études est faible. Cette croissance est considérée par certains, certes comme un progrès, mais surtout comme un juste rattrapage pour le secteur naval. Le rapporteur pour avis sera vigilant quant à l’évolution de ces crédits dans le cadre du budget pour 2021.

Il demeure également étonnant, qu’au fil des exercices budgétaires, les études amont consacrées au terrestre, au NRBC et à la santé ne représentent, cumulées, que 7 % des crédits de paiement. L’armée de terre, la plus nombreuse numériquement, reste le parent pauvre de la recherche, avec environ 5 % des études amont, alors même que le champ de bataille se numérise et que le fantassin devient graduellement un fantassin 2.0 affrontant un défi cognitif inédit auquel le rapporteur pour avis souhaite que l’on s’intéresse très en amont des développements. Le rapporteur pour avis préconise une réévaluation des crédits d’études amont consacrés à l’armée de terre dans le budget 2021.

1.   Les différents domaines de recherche

Les études amont sont segmentées en agrégats sectoriels présentant une cohérence en termes d’objectifs capacitaires, industriels et technologiques. Les objectifs de ces six agrégats, complétés par la dissuasion, sont présentés ci‑dessous, tels qu’ils figurent dans le projet annuel de performance pour 2020. Le rapporteur pour avis observe qu’il conviendra peut-être de revoir, à terme, ces agrégats en cohérence plus étroite avec les axes d’efforts identifiés dans le Document d’orientation de l’innovation de défense réalisé par l’Agence de l’innovation de défense.

a.   Aéronautique et missiles

Dans le domaine de l’aviation de combat, la coopération avec l’Allemagne et l’Espagne concernant le système de combat aérien futur (SCAF) sera renforcée autour des travaux concernant les piliers technologiques du SCAF. Se poursuivront également les études de maturation des briques technologiques qui seront utilisées par les aéronefs du système de combat aérien futur. Les études contribuant à la préparation des évolutions du Rafale se poursuivront et donneront lieu à des études complémentaires, principalement dans les domaines de la localisation et la guerre électronique. Un projet de démonstrateur d’antenne radar multifonction nouvelle génération sera lancé. Les principaux résultats attendus du domaine concernent la guerre électronique ainsi que les leurres.

Dans le domaine des hélicoptères de combat et des aéronefs de transport, les principales études lancées en 2020 porteront sur l’autoprotection, ainsi que la gestion des drones.

Dans le domaine des missiles, les travaux concernant le démonstrateur de planeur hypersonique se poursuivront, ainsi que la maturation des technologies nécessaires aux futurs missiles longue portée (aérodynamique, autodirecteur). L’année 2020 verra également la poursuite des études concernant les matériaux énergétiques de défense (explosifs et propergols) ainsi que celle du partenariat d’innovation technologique franco-britannique dans le domaine des technologies de missiles.

b.   Information et renseignement classique

Dans les domaines du renseignement militaire et de la surveillance, les engagements portent en 2020 principalement sur des études de démonstrateurs optronique et radar aéroportés, ainsi que sur les traitements associés. Les travaux conduits dans le domaine du renseignement image et électromagnétique seront poursuivis, et donneront lieu au lancement de nouvelles études.

Dans les domaines des systèmes d’information et de communication et de la cyberdéfense, le partenariat d’innovation ARTEMIS se poursuivra, et donnera des premiers résultats en 2020 dans le domaine du traitement de données de masse, à l’aide notamment d’intelligence artificielle. Les autres engagements 2020 concernent le domaine des systèmes géographiques et hydrographiques, la radio logicielle du futur (avec notamment l’étude de l’apport de l’intelligence artificielle), les liaisons de données tactiques aéromaritimes, ainsi que les technologies de sécurité des systèmes d’information et de cyberdéfense.

Le projet ARTEMIS

Composante de la feuille de route Intelligence Artificielle (IA) du ministère des Armées, le programme ARTEMIS (Architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source) a pour objectif la mise en place au sein du ministère des Armées, d’une info-structure souveraine de stockage et de traitement massif des données, en cohérence avec les orientations de la LPM concernant le big data, l’intelligence artificielle et la captation de l’innovation dans ces domaines.

c.   Information et renseignement espace

Dans le domaine spatial, seront poursuivis en 2020 les travaux portant sur la préparation des moyens spatiaux futurs de renseignement d’origine image et électromagnétique, ainsi que sur le futur satellite de communication militaire, dont l’architecture de la charge utile sera définie dans le courant de l’année.

Les travaux concernant le renforcement des capacités de surveillance de l’espace seront également initiés, avec, en particulier, le lancement des expérimentations du démonstrateur de radar très longue portée.

d.   Naval

Les études lancées en 2018 sur le porte-avions de nouvelle génération fourniront des premiers résultats qui permettront d’orienter les choix pour la poursuite du projet. Des travaux seront également lancés pour préparer le futur avion de patrouille maritime en coopération avec l’Allemagne, ainsi que les technologies nécessaires à la rénovation à mi vie des frégates Horizon (en coopération avec l’Italie). Les travaux relatifs aux technologies de lutte sous la mer seront poursuivis, et donneront lieu à de nouvelles études.

e.   Terrestre, NRBC et santé

En 2020, les engagements porteront principalement sur les technologies nécessaires à la préparation du futur système de combat terrestre franco-allemand MGCS ainsi que sur les technologies avancées de protection. Les autres études concerneront notamment les technologies optroniques, robotiques intéressant les prochains incréments du programme SCORPION, ainsi que le fantassin.

Les travaux conduits dans le domaine de la défense NRBC et de la santé du militaire en opérations seront poursuivis en 2020.

f.   Innovation et technologies transverses

Conformément au document d’orientation de l’innovation de défense publié par le ministère en juillet 2019, le soutien à l’innovation ouverte et la conduite de projets d’accélération de l’innovation seront développés, avec notamment la mise en cohérence des dispositifs de soutien à l’innovation, l’exploration de nouvelles approches en termes d’acquisition.

Le soutien à l’innovation interne au ministère des armées et la prise de participation au capital de PME stratégiques via le fonds Definvest seront également maintenus en 2020.

En ce qui concerne les technologies transverses, de nouvelles études seront lancées en 2020, notamment dans le domaine des composants et des matériaux, en complément des travaux déjà lancés, qui se poursuivront.

Le programme 144 contribuera également au financement des travaux d’intérêt défense du plan interministériel « NANO 2022 ».

Le plan nano 2022

Le plan Nano2022 est un plan de soutien à l’industrie de la micro/nanoélectronique, qui doit permettre de consolider l’industrie nationale dans le domaine de la fabrication de composants électroniques.

Cette industrie, qui figure parmi les technologies clés génériques, est en effet stratégique tant pour son rôle initiateur dans le processus d’innovation des filières avales, que pour assurer à la production nationale une indépendance économique et une autonomie dans les domaines de souveraineté.

Ce plan vise à épauler les industriels nationaux dans le contexte d’une industrie nécessitant des investissements élevés pour rester dans la course à l’innovation, sur un marché très dynamique et en grande concurrence.

Il s’inscrit dans un projet européen ambitieux et structurant, Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) ou Important project of common european interest (IPCEI), pour la nanoélectronique. Cet IPCEI, conclu entre quatre pays (France, Allemagne, Royaume-Uni et Italie), est divisé en cinq sous-projets :

. les composants à faible consommation énergétique (FD-SOI),

. les composants de puissance,

. les capteurs intelligents,

. les équipements de fabrication de semi-conducteurs,

. les circuits en matériaux composites.

Le PIIEC est un dispositif dérogatoire au régime des aides d’État prévu par le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), qui permet notamment d’accorder des aides aux travaux de première industrialisation.

Source : https://www.entreprises.gouv.fr/numerique/presentation-du-plan-nano-2022.

 

g.   Dissuasion

Les crédits de l’opération stratégique « dissuasion » couvrent les études amont au profit de la dissuasion, qui portent sur les thèmes prioritaires suivants :

-          assurer la fiabilité dès la conception des systèmes complexes intégrant des technologies le plus souvent non duales ;

-          maintenir le niveau de fiabilité et de robustesse des systèmes de transmission stratégiques ;

-          assurer la préparation du renouvellement de la composante océanique à l’horizon de la fin de vie des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) actuellement en service ;

-          assurer le maintien du niveau d’invulnérabilité des SNLE en service ;

-          améliorer les performances des missiles balistiques (précision et capacités de pénétration principalement) ;

-          améliorer les performances des missiles stratégiques aéroportés (précision et capacités de pénétration principalement) ;

-          concourir au maintien des compétences des secteurs industriels critiques participant à la conception et à la réalisation des systèmes stratégiques.

2.   Mais les crédits de recherche de défense ne relèvent pas tous du programme 144

Pour appréhender la globalité des crédits consacrés à la recherche de défense, il convient de considérer également des crédits issus du programme 146 « Équipement des forces » et du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) ».

Le budget global prévu en 2020 est de 5 531 milliards d’euros en CP ; il se décompose ainsi :

     les études amont et les subventions de recherche et technologie, soit 952,5 millions d’euros en CP issus du programme 144,

     les études de défense, dont les transferts de crédits au CEA à fin de recherche, les études technico-opérationnelles, les études prospectives et stratégiques, les crédits pour la recherche duale, soit 515 millions d’euros,

     les développements réalisés dans le cadre des programmes d’armement relevant du programme 146, dont le budget inscrit dans le projet de loi de finances pour 2020 s’élève à 4 063,3 milliards d’euros en CP.

Évolution des crédits de recherche de défense

 

 

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI

2018

LFI

2019

PLF 2020

TOTAL R&D

TOTAL Études de défense

TOTAL R&T

TOTAL EA

Études amont

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

821,0

 

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

821,0

Subventions de R&T

124,8

128,0

130,3

131,7

129,0

131,5

 

863,7

834,5

850,7

854,8

887,4

952.5

Recherche CEA ([1])

505,3

488,5

527,0

494,0

332,73

329,53

EPS

5,5

5,5

5,6

8,8

9,1

9,1

EOTO

20,8

21,0

21,3

21,6

21,8

22,4

Recherche duale

192,1

180,1

180,1

179,5

179,5

154,0

 

1 587,4

1 529,5

1 584,7

1 558,8

1 430,5

1 467,6

Développements (programme 146)

2 051,6

2 255,2

3 343,2

3 117,0

3 426,3

4 063,3

 

3 639,0

3 784,7

4 927,9

4 675,8

4 856,9

5 530,9

(CP, en millions d’euros)

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

la recherche duale

La recherche duale relève du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) », placé sous la responsabilité du Délégué général pour l’armement. Il concerne des domaines de recherche dont les applications sont tout à la fois civiles et militaires, visant à maximiser les retombées civiles de la recherche de défense et, inversement, à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile.

Le programme, doté des 154 millions d’euros inscrits au PLF 2020 qui figurent dans le tableau ci-dessus, finance des actions d’intérêt pour la défense menées par les opérateurs suivants:

- le Centre national d'études spatiales (CNES) pour l'action « Recherche duale dans le domaine aérospatial » ;

- le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour les actions « Recherche duale en sciences du vivant », « Recherche duale en sciences et techniques de l’information et de la communication » et « Autres recherches et développement technologiques duaux ».

La baisse de 25 millions d’euros des crédits alloués par rapport à la loi de finances initiale 2019 se traduit par un recentrage des projets financés par le programme 191 sur des projets duaux intéressant directement la défense :

- concernant le CNES, un recentrage est opéré sur les activités labellisées d’intérêt Sécurité et Défense ;

- concernant le CEA, le financement du programme interministériel NRBC-E est maintenu au même niveau que les années précédentes (12 millions d’euros) ; en revanche, pour les autres domaines d’études, une nouvelle priorisation est effectuée.

Dans le domaine sécurité et défense du CNES, les principaux projets financés en 2020 sont le démonstrateur technologique TELEMAK (télécommunications, pré-développements technologiques duaux au profit de SYRACUSE IV), la poursuite des travaux du démonstrateur technologique OTOS (qui contribuent directement à la préparation des futures capacités d’observation militaires de la terre, dont le post CSO), le développement d’une constellation de mini-satellites optiques (CO3D), ainsi que des travaux de recherche et développement relatifs au projet CASTOR pour préparer les futures technologies de satellites de télécommunications (SATCOM). Il est prévu une participation au financement de la démonstration en orbite d’une mission AIS (automatic identification system) haute performance à l’aide d’une constellation de nano-satellites (Kinéis).

Pour le CEA, des recherches sont prévues en 2020 sur la photonique, les systèmes énergétiques embarqués et l’intelligence artificielle. Une partie des crédits attribués au CEA est identifiée au titre de la contribution au programme de recherche interministériel de lutte contre le terrorisme pour les menaces nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosives (NRBC-E).

Source : d’après le projet annuel de performances de la mission défense pour 2020.

3.   Les aides aux laboratoires de recherche et aux entreprises

Les dix principaux destinataires des crédits d’études amont ont été, en 2018, Thales, ArianeGroup, Dassault, MBDA, Safran, Naval Group, Airbus Group, l’ONERA, le CEA et Nexter. Cette répartition varie peu selon les exercices budgétaires. Si les études amont alimentent dans la durée la recherche pratiquée dans les bureaux d’études des grands groupes industriels afin de contribuer au maintien au meilleur niveau de l’industrie de défense française, les organisations professionnelles auditionnées par le rapporteur pour avis ont témoigné de la difficulté rencontrée par les PME et les ETI pour accéder aux études amont, ce que certaines auraient la capacité de faire, seules ou en association. Une partie des études de niveau de maturité technologique (TRL ([2])) inférieur à quatre devrait pouvoir être confiée aux PME et ETI. Il est attendu de l’Agence de l’innovation de défense une inflexion en la matière.

Les dispositifs d’aide du ministère des Armées aux entreprises sont souvent mal connus des entreprises du secteur civil dont les produits seraient susceptibles d’être déclinés dans une version défense ou intégrés à des matériels existants. Le rapporteur pour avis souligne la nécessité d’entreprendre une action pédagogique de grande envergure dans les régions afin de sensibiliser le tissu industriel aux besoins du ministère des Armées. Il convient tout à la fois d’apporter une information concrète et de démystifier le marché défense perçu comme opaque et complexe. Une action est également indispensable en direction du secteur bancaire particulièrement craintif dès qu’il s’agit de marchés de défense ou de sécurité, refusant parfois de rapatrier des fonds de l’étranger dans le cadre de ventes titulaires d’une licence délivrée par le ministre en charge des douanes, sur avis du Premier ministre après la consultation de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).

L’exportation

Les PME rencontrent des difficultés de plusieurs ordres en matière d’exportation, une démarche commerciale qui implique un coût financier conséquent et un cycle de vente particulièrement long et estimé inadapté de ce fait aux dispositifs de la Coface repris par Bpifrance, par exemple. La frilosité, voire le désengagement, des banques dès qu’il s’agit de l’exportation d’armement ou de produits en lien avec la sécurité, est déplorée par les entrepreneurs. Le délai, souvent particulièrement long, quand il n’aboutit pas à un refus, de délivrance de licence d’exportation est un autre obstacle pouvant conduire à l’annulation de certains contrats.

Une mesure est en revanche saluée. Il s’agit de la procédure dite de l’Article 90 qui consiste en un financement public, partiel et remboursable au fil des ventes. Il a pour objectif le soutien à l’exportation des matériels d’armement en minorant le risque supporté par les entreprises au cours de l’industrialisation. Elle consiste en :

- une avance portant sur le montant total des travaux d’industrialisation réalisés postérieurement à la date de signature du contrat, pouvant aller jusqu’à 50 % pour les grandes entreprises et 60 % pour les PME,

- une franchise d’intérêts sur les deux premières années, sans nantissement sur les brevets,

- la possibilité, en cas d’échec du programme, sous certaines conditions et après passage en commission interministérielle, d’obtenir la résiliation du contrat.

Si toutes les entreprises sont éligibles, la priorité est donnée aux PME et en premier lieu aux PME innovantes. Le projet doit remplir diverses conditions dont la réalisation de l’industrialisation en France et le classement des produits sur la liste des matériels de guerre.

Cette procédure repose sur les textes suivants :

- l’article 5 de la loi de finance rectificative n° 63-1293 du 21 décembre 1963 et le décret d’application n° 64-1123 du 12 novembre 1964,

- l’article 90 de la loi de finance n° 67-1114 du 21 décembre 1967 et le décret d’application n° 70-388 du 27 avril 1970,

- l’article 346 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.

Il est par ailleurs constaté que la DGA contractualise peu directement avec les PME/ETI qui interviennent majoritairement en tant que sous-traitants de grands groupes. Si cette logique s’impose dans le cadre de grands programmes d’armement, elle pourrait ne pas s’appliquer dans certaines situations. Le rapporteur pour avis souhaite que l’AID propose de nouveaux modes de contractualisation.

Les dispositifs de soutien fonctionnent. Il est néanmoins nécessaire que leur adéquation aux besoins du ministère, d’une part, et au marché, d’autre part, fasse l’objet d’une évaluation régulière.

a.   ASTRID et ASTRID MATURATION

Ces dispositifs conduits, depuis 2010 pour l’Accompagnement spécifique de travaux de recherche et d’innovation défense (ASTRID) et 2013 pour ASTRID MATURATION, en partenariat avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) sont destinés aux laboratoires académiques associés à des entreprises innovantes. Désormais gérés par l’Agence de l’innovation de défense, ils ont fait l’objet de la signature d’un nouvel accord de coopération de quatre ans signé le 9 mai 2019 entre l’AID et l’ANR. Cet accord comprend également le cofinancement défense des Appels à projets génériques de l’ANR ainsi que le financement par la défense de challenges mettant en compétition les solutions technologiques proposées par la communauté de recherche sur des cas d’expérimentations.

En ce qui concerne ASTRID, 25 à 30 projets sont financés tous les ans, pour un montant de huit millions d’euros en 2019.

ASTRID MATURATION s’attache à la valorisation de travaux scientifiques issus d’un programme antérieur dans le cadre d’un partenariat avec au moins une PME. Les travaux antérieurs peuvent être un programme ASTRID, une thèse ayant bénéficié d’un soutien financier de la DGA ou des projets issus d’écoles sous tutelle de la DGA. Il est financé autour de huit projets par an, pour un montant de quatre millions d’euros en 2019.

Dans le cadre de l’Appel à projets générique de l’ANR, l’AID cofinance à hauteur de 2,5 millions d’euros par an entre 10 et 15 projets d’intérêt particulier dans des domaines scientifiques d’intérêt pour le ministère des Armées.

b.   RAPID

Le Régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID) soutient des projets duaux menés par des PME ou des ETI de moins de 2 000 salariés, seules ou en association avec un laboratoire ou une autre entreprise. Le financement porte sur des travaux de R&D réalisés en France. La dotation annuelle du dispositif est de 50 millions d’euros par an depuis 2015. Plus de 580 projets ont été sélectionnés depuis 2009, dont 51 en 2018, pour un montant de plus de 410 millions d’euros.

Le ministère s’engage par ailleurs à un délai de traitement particulièrement bref, de quatre mois, entre le dépôt de dossier et le premier versement dans le cadre des projets éligibles. Les avis semblent toutefois partagés quant à la complexité de l’élaboration du dossier. Cette observation mise à part, le dispositif est unanimement salué par ses utilisateurs qui l’estiment adapté à leurs besoins.

Le FUI cède la place aux PSPC Régions

Le dernier appel à projets du Fonds unique interministériel (FUI) a eu lieu en 2018 ; destiné aux pôles de compétitivité, il a permis de retenir 43 projets qui ont reçu une aide de l’État de 27 millions d’euros et 29 millions d’euros des collectivités territoriales. La DGA suivra 17 nouveaux projets dont neuf en tant que chef de file.

Les Projets structurants pour la compétitivité (PSPC Régions), successeurs du FUI, feront l’objet d’une première sélection en février 2020. Ils se distinguent notamment du FUI par leur financement auquel ne participe plus le ministère des Armées et par la nature des fonds qui deviennent majoritairement des avances remboursables au lieu de subventions. Le budget, piloté par le secrétariat général pour l’investissement, ressort du Programme d’investissements d’avenir (PIA), Bpifrance assurant la responsabilité du suivi technique des projets.

c.   Le fonds d’investissement de défense

Le fonds Definvest a été lancé par la ministre des Armées et la Banque publique d’investissement (Bpifrance) afin de sécuriser le capital d’entreprises dont les innovations, le savoir-faire ou les connaissances sont estimés essentiels à l’industrie de la défense française. Il ne s’agit pas pour l’État de prendre le contrôle de ces sociétés, principalement des PME, mais de les accompagner à long terme, dans le cadre d’un co-investissement minoritaire. Les objectifs du fonds sont les suivants :

-          l’accompagnement du développement des entreprises stratégiques et innovantes de la filière,

-          l’amélioration de l’attractivité de la filière auprès d’investisseurs privés,

-          la consolidation et la pérennisation de la base industrielle et technologique de défense,

-          le suivi et l’accompagnement des sociétés dans les évolutions de leur capital.

Le fonds est doté de 10 millions d’euros par an durant cinq ans. Les investissements vont, selon le cas, de quelques centaines de milliers à quelques millions d’euros. L’intervention se fait, en fonction du profil de la société, sous forme de capital risque, capital développement ou capital transmission. À ce jour, Definvest a investi dans six entreprises :

-          la pépite française Kalray dans le secteur des micro-processeurs embarqués,

-          la société Fichou spécialisée dans les composants optiques de très haute précision,

-          la start-up bretonne Unseenlabs qui développe des services de renseignement électromagnétique depuis l'espace,

-          la start-up Sintermat, qui valorise 15 ans de recherche académique dans le domaine de la métallurgie des poudres,

-          la société Prolann, spécialisée dans les pièces aéronautiques et les capteurs infrasons.

-          la société Cailabs, concepteur et fabricant de composants photoniques innovants.

Il convient de souligner la cohérence et la continuité des dispositifs mis à disposition des entreprises par le ministère des Armées, quatre des six sociétés mentionnées ci-dessus ayant bénéficié d’un RAPID antérieurement. Le nombre de sociétés retenues peut sembler faible mais le fonds Definvest n’a que 18 mois d’existence durant lesquels il a examiné autour de 200 dossiers. Il s’entoure par ailleurs des mêmes précautions qu’un investisseur classique et considère la maturité des entreprises et celle du marché. Les sociétés sélectionnées devraient être plus nombreuses en 2020.

d.   Les financements européens

La dimension multilatérale européenne est appelée à se développer fortement avec l’émergence du Fonds européen de défense (FED). Son budget annuel est estimé à 500 millions d’euros pour le volet recherche et à un milliard d’euros pour le volet développement qui inclura également des études. L’objectif de la France est de capter au minimum 20 % de ces montants, l’accent étant mis sur le besoin capacitaire européen et le développement de filières industrielles et technologiques favorisant l’autonomie stratégique de l’Europe.

Les résultats obtenus depuis 2017 dans le cadre de l’action préparatoire de recherche de défense, destinée à préparer le volet recherche du FED, sont encourageants. L’industrie française participe à six des huit projets sélectionnés jusqu’ici, ce qui représente près de 25 %, soit environ 14,5 milliards d’euros, des montants attribués. Une dernière sélection de projets au titre de cette action aura lieu d’ici à fin 2019.

Plus largement, la France demeure l’un des pays les plus actifs en matière de projets européens de R&T, avec une participation à environ la moitié des projets conduits dans le cadre de l’AED en 2019. Parmi ces projets, on peut citer le projet ERA portant sur les standards de phases de roulage, de décollage et d’atterrissage automatiques, en vue de l’insertion des drones dans la circulation aérienne (participation française : 4 millions d’euros).

Le rapporteur pour avis estime néanmoins que la France est très en retard quant à la captation de fonds européen en matière de recherche en inadéquation avec le potentiel scientifique, technologique et industriel du pays. Il est indispensable revoir l’efficacité des canaux existants et de mettre en place des relais à même de fédérer des participations, ce qui s’avérera encore plus complexe dans le cadre transnational imposé par le FED, et d’apporter une aide concrète dans le cadre des démarches particulièrement lourdes. Là encore une action pédagogique en direction des entreprises est indispensable dans laquelle l’Agence de l’innovation de défense doit jouer un rôle de premier plan.

D.   Les soutiens et subventions

Le ministère des Armées accorde des subventions à des organismes de recherche et à des écoles d’ingénieurs afin de préserver des compétences humaines et des moyens techniques estimés critiques pour la défense et la sécurité.

1.   L’Office national d’études et de recherches aérospatiales

La mission centrale de l’ONERA est de développer, d’orienter et de coordonner les recherches dans le secteur aérospatial, dans ses différentes composantes que sont la défense, le transport aérien et les activités spatiales. L’office conçoit, réalise et met en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ces recherches et assure en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches. Il en favorise la valorisation par l'industrie aérospatiale et facilite leur application éventuelle en dehors du domaine aérospatial. L’ONERA est un partenaire clé de l’État et de l’industrie aéronautique et spatiale, militaire et civile.

L’office effectue les recherches les plus amont, et donc à risque, sur les crédits de la subvention pour charges de service public, et les valorise dans la partie la plus aval effectuée sur contrats.

a.   Des résultats en hausse

Il ressort des ressources de l’ONERA que l’activité contractuelle est en hausse constante depuis 2017.

Les chiffres clÉs du résultat de l’ONERA

 

2015

2016

2017

2018

Budget 2019

Subvention SCSP

105,0

105,0

104,7

104,7

104,7

Subvention exceptionnelle MINDEF

9,2

 

10,0

 

 

Recettes contractuelles

102,0

107,8

104,7

117,5

126,0

Autres produits

7,4

7,1

5,8

6,9

10,8

TOTAL PRODUITS

223,6

219,9

225,1

229,1

241,5

Charges de personnel

-154,4

-153,9

-152,9

-153,9

-154,1

Autres charges de fonctionnement

-53,5

-50,2

-52,0

-57,1

-61,1

TOTAL CHARGES

-207,9

-204,1

-204,9

-211,0

-215,2

Capacité ou Insuffisance d’Autofinancement (CAF / IAF)

+ 15,7

+ 15,8

+ 20,3

+ 18,1

+ 26,3

 

 

 

 

 

 

Flux hors trésorerie

-10,5

-11,0

-12,7

-15,5

-15,8

Résultat net comptable

+ 5,2

+ 4,8

+ 7,6

+ 2,6

+ 10,5

Source : ONERA.

La subvention prévue dans le budget 2020 est de 105,7 millions d’euros.

b.   Des ressources humaines difficiles à recruter et à fidéliser

Le président de l’ONERA a fait part au rapporteur pour avis du nombre important de démissions, 29 en 2018 et 22 à fin septembre 2019, parmi le personnel de l’institut et de la pyramide des âges défavorable indiquant un nombre conséquent de départs à la retraite dans les prochaines années. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) a prévu une diminution progressive des emplois de l’ONERA pour s’adapter à l’exécution du programme d’études tout en contenant l’évolution de la masse salariale. Ils sont donc progressivement passés de 1831 ETPT en 2013 à 1731 ETPT en 2018, une déflation importante ne portant guère les employés à l’optimisme quant à leurs perspectives de carrière.

Par ailleurs, les salaires sont par exemple, à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l’embauche, offre un salaire plus élevé que l’office. Il convient également d’observer que la subvention pour charges de service public de 105 millions d’euros représente non seulement moins de la moitié des ressources de l’office, contrairement à d’autres EPIC, mais ne couvre pas la masse salariale qui est de 154 millions d’euros.

Le contexte de la recherche aérospatiale est aujourd’hui très différent de celui dans lequel a été signé le COP en 2016. L’ONERA, ainsi que l’a annoncé la ministre des Armées en janvier 2019, devrait voir son rôle renforcé dans le cadre de l’innovation de défense et enregistrer davantage d’études contractuelles. Il n’est que de citer le système de combat aérien du futur ou le démonstrateur hypersonique. Ces travaux nécessiteront des recrutements. Dans ce contexte porteur, il semblerait nécessaire de revoir le COP en conséquence. Une solution doit donc être trouvée pour remédier à cette situation que le rapporteur pour avis trouve particulièrement préoccupante.

c.   L’activité contractuelle

La prévision d’activité contractuelle pour 2019 est de 126 millions d’euros, en progression de 8,5 millions d’euros par rapport à 2018.

L’ONERA augmente son niveau d’activité au profit de l’aviation civile pour laquelle l’office poursuit ses travaux sur les thèmes d’intérêt pour la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), à savoir le givrage, le crash, la foudre, le feu, les systèmes embarqués critiques. Concernant les activités avec le CNES, des « programmes d’intérêt commun » sont mis en place. Le niveau d’activité du secteur aérospatial repose pour moitié sur des projets impliquant les souffleries de l’ONERA. Des activités se déroulent également sur financements européens, dans le cadre du programme H2020 et de l’implication dans le programme CleanSky II.

Les commandes notifiées par la DGA à l’ONERA entre le 1er janvier et fin juillet 2019, pour un montant d’engagement d’environ 14 millions d’euros, concernent pour l’essentiel :

     des travaux d’expertise et de simulation dans le domaine des statoréacteurs de la composante aéroportée de la dissuasion,

     des travaux d’expertise dans les domaines suivants : modèles d’environnement électromagnétique, systèmes aéronautiques, systèmes de détection électromagnétique,

     des essais en soufflerie dans le domaine de l’aéronautique de combat.

d.   Les travaux de renforcement de la soufflerie S1MA

Les travaux de renforcement de la soufflerie S1MA de Modane-Avrieux, lancés en mars 2016, sont à présent en voie d’achèvement et seront terminés en 2020. L’équivalent d’un vide de trois mètres de hauteur a été comblé sous les 2 000 m2 du chantier et 155 colonnes en béton de 30 mètres de hauteur et d’un diamètre de un à deux mètres, transfèrent désormais le poids du bâtiment vers les roches solides en profondeur. Les travaux réalisés en 2019 concernent les renforts des poteaux de soutien par un chemisage en tissu carbone. Le ministère des Armées aura versé au total 20 millions d’euros dans le cadre de ces travaux.

e.   La mise à niveau des souffleries

L’office a lancé en 2018 une opération de rénovation de l’ensemble de son parc de souffleries qu’il a, conjointement avec sa tutelle, estimé indispensable de maintenir au meilleur niveau mondial. Il s’agit non seulement d’une rénovation physique pour en améliorer les performances mais aussi de développements métrologiques et méthodologiques, afin d’augmenter la densité et l’étendue des mesures et l’attractivité. Cette modernisation nécessite des investissements de 47 millions d’euros, financés par un prêt de la banque européenne d’investissement (BEI).

f.   Le regroupement des emprises franciliennes

Les trois sites franciliens de l’office se regrouperont à Palaiseau. L’opération, autorisée en conseil d’administration extraordinaire en septembre 2018 devrait être financée en grande partie, mais pas entièrement, par la vente des sites de Meudon et de Châtillon.

2.   L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

L'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a été créé par une convention franco-allemande en 1958 ayant acquis valeur de traité en 1959 dans le but de mettre en œuvre une coopération étroite entre les deux États en matière de recherches et d’études scientifiques et techniques dans le domaine de la défense et de la sécurité. En raison de son caractère binational, l’ISL n’est pas considéré comme un opérateur de l’État. La convention de 1958 stipule notamment que les gouvernements français et allemand contribuent à parts égales aux dépenses de l’institut, ces contributions prenant la forme de subvention et de contrats dits contrats gouvernementaux dont les résultats sont partagés entre les deux États. Les recherches de l’ISL portent principalement sur les armements terrestres, les munitions et la protection contre leurs effets.

L’institut peut aussi bénéficier de contrats de tiers, au profit exclusif de l’État commanditaire, et des contrats avec d’autres entités, industriels, agences, autres États. Sur le plan scientifique, les travaux de recherches de l’institut répondent aux orientations définies dans le Common Need Paper (CNP), document partagé par les deux nations dont la dernière version a été signée en juin 2016. Les travaux de réflexion et d’expression de besoin des deux nations pour les orientations de l’ISL postérieures à 2020 ont été initiés pour une mise à jour du CNP en 2020.

Après des années de contribution stable des tutelles et de modération de l’évolution des salaires des employés de l’ISL, les contributions de la France et de l’Allemagne ont été augmentées en 2018, passant à 22,124 millions d’euros en 2018, ce montant étant resté stable en 2019. Cette revalorisation était nécessaire pour le programme de recherches de l’ISL, pour l’entretien des installations de l’institut et pour la hausse du point d’indice des salaires de l’ISL dont l’attractivité devenait de plus en plus faible auprès des futurs employés, notamment les chercheurs allemands qui peuvent prétendre à des salaires bien plus élevés outre-Rhin.

En 2020, les contributions de la France et de l’Allemagne seront de 22,724 millions d’euros chacune, l’augmentation de 0,6 millions d’euros correspondant à la réalisation de travaux nécessaires à des mises aux normes en matière de pyrotechnie et de sécurité de défense sur le site.

Budget de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

En millions d’euros courants

 

2017

(réalisé)

2018

(réalisé)

2019

Contributions des États

42,848

44,248

44,248

Contrats de tiers

3,152

3,874

3,350

Autres recettes

0,670 

0,233

0,182

Report d'exercice

2,000

2,000

2,000

Total

48,670

50,355

49,780

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire

 

Le rapporteur pour avis est préoccupé, comme il a pu l’exprimer à propos de l’ONERA, par les problèmes de ressources humaines rencontrés par l’institut. Il observe également un fléchissement des commandes de tiers qui demeurent à un niveau très faible au regard de la contribution des États. Ceci semble d’autant plus étonnant que l’institut devrait trouver naturellement sa place et être particulièrement sollicité dans le cadre des projets franco-allemands de système de combat terrestre (MGCS) et de système d’artillerie du futur (CIFS).

Des discussions sont engagées entre les tutelles française et allemande de l’ISL pour définir une nouvelle stratégie commune à l’horizon 2025 ainsi que la trajectoire budgétaire pour l’Institut à moyen terme, prenant ainsi le relais du plan d’actions ISL actuel. Le délégué général pour l’armement et le secrétaire d’État allemand à la défense ont mandaté en 2019 les présidents du Conseil d’administration pour élaborer cette vision stratégique et faire des propositions visant à conserver à l’Institut toute l’attractivité nécessaire.

3.   Les écoles sous tutelle de la Direction générale de l’armement

a.   L’école Polytechnique

Le montant de la SCSP au titre du PLF 2020 s’élève à 85,3 millions d’euros dont 18 millions d’euros au titre de la solde des élèves. Le plafond d’emplois est de 2 649 ETPT dont 1 608 élèves ingénieurs français. L’école comptait 3 521 étudiants en 2018.

Les objectifs fixés par le COP sont poursuivis, avec notamment l’internationalisation, le développement de l’entrepreneuriat et la rénovation du campus. Une filière Bachelor a été ouverte en 2017, de nouvelles formations de Master of science and technology ont été mises en place, ainsi qu’un programme Executive master destiné aux futurs dirigeants.

Évolution des ressources de l’École polytechnique 

Nature de la dépense - M€ courants (CP)

LR 2018

LFI 2019

PLF 2020

Subventions pour charges de service public (P144)

88,1

90,3

85,3

Dotation en fonds propre (P144)

0

0

0

Dotation en fonds propre (P212)

16,0

9,0

0

Total* subvention/dotation

104,1

99,3

85,3

Prévisions COP

105,3

99,3

85,3

*la somme des arrondis est parfois différente de l’arrondi de la somme.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

b.   L’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace

Le montant de la SCSP au titre du PLF 2020 s’élève à 38,2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 1,9 millions d’euros de dotations en fonds propres afin de contribuer au financement des investissements immobiliers. Le plafond d’emplois est de 414 ETPT (+ 2). L’école comptait 1 663 étudiants en 2018. L’ambition du COP signé en 2016 est de faire de l’ISAE le leader mondial de l’enseignement supérieur dans le secteur aérospatial notamment grâce à la constitution d’une fédération avec l’ONERA et l’École nationale de l’aviation civile (ENAC) et à l’internationalisation accompagnée de la création de masters en anglais.

Évolution des ressources de L’ISAE

Nature de la dépense - M€ courants (CP)

LR 2018

LFI 2019

PLF 2020

Subventions pour charge de service public (P144)

35,5

37,0

38,2

Dotation en fonds propre (P144)

1,9

0

1,9

Total* subvention/dotation

37,4

37,9

40,1

Prévisions COP

37,9

39,1

40,1

*la somme des arrondis est parfois différente de l’arrondi de la somme.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

c.   L’ENSTA Paris

Le montant de la SCSP au titre du PLF 2020 s’élève à 17,4 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 0,5 millions d’euros de dotations en fonds propres pour la rénovation de bâtiments. Le plafond d’emplois est de 170 ETPT (- 2). L’école comptait 863 élèves en 2018. L’ENSTA Paris forme des ingénieurs à forte dominante technique, futurs responsables de projets techniques complexes dans des domaines de souveraineté tels que le transport, l’énergie et les systèmes complexes. Le COP signé en 2016 confirme la place de l’innovation et de l’entrepreneuriat au sein des formations. L’école a accueilli la première promotion d’apprentis à la rentrée 2019.

Évolution des ressources de l’ENSTA Paris 

Nature de la dépense - M€ courants (CP)

LR 2018

LFI 2019

PLF 2020

Subventions pour charge de service public (P144)

16,9

17,1

17,5

Dotation en fonds propre (P144)

0

0

0,5

Total* subvention/dotation

16,9

17,1

18,0

Prévisions COP

17,1

17,1

18,0

*la somme des arrondis est parfois différente de l’arrondi de la somme.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

d.   L’ENSTA Bretagne

Le montant de la SCSP au titre du PLF 2020 s’élève à 14,9 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 0,3 millions d’euros de dotation en fonds propres pour des travaux de mises aux normes de sécurisation des emprises. Le plafond d’emplois est de 179 ETPT. À dominantes navale, mécanique et électronique, l’école comptait 969 étudiants en 2018. En cohérence avec le COP signé en 2016 encourageant l’internationalisation, l’école a mis en place un double-diplôme avec l’université australienne d’Adelaïde dans le domaine des sous-marins.

Évolution des ressources de l’ENSTA Bretagne

Nature de la dépense - M€ courants (CP)

LR 2018

LFI 2019

PLF 2020

Subventions pour charges de service public (P144)

14,8

14,8

14,9

Dotation en fonds propre (P144)

0,3

0

0,3

Total* subvention/dotation

15,1

14,8

15,2

Prévisions COP

15,2

15,0

15,2

*la somme des arrondis est parfois différente de l’arrondi de la somme.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

e.   Un nouvel acteur, l’Institut Polytechnique de Paris

Conformément à l’annonce du Président de la République, lors de sa visite sur le plateau de Saclay le 25 octobre 2017, cinq écoles, l’École polytechnique, l’École nationale supérieure des techniques avancées, l’École nationale de la statistique et de l'administration économique, Télécom Paris et Télécom Sud Paris, fondent l’établissement public expérimental Institut Polytechnique de Paris (IP Paris) ([3]). Placé sous la tutelle conjointe du ministère des Armées et du ministère de l’Économie et des finances, cet établissement bénéficie d’une subvention en vertu de son action de formation de doctorants de très haut niveau et de ses activités de recherche, notamment dans le domaine de la défense. L’objectif poursuivi est le développement d’une entité d’une taille et d’un niveau lui permettant de rivaliser avec les meilleures universités mondiales.

La SCSP envisagée pour l’Institut Polytechnique de Paris s’élève à 4 millions d’euros, répartie entre le ministère des Armées (programme 144) à hauteur de 2,4 millions d’euros et le ministère de l’Économie et des finances à hauteur de 1,6 millions d’euros. En complément de cette subvention sont envisagés 750 000 euros de dotation en fonds propres pour l’aménagement du campus et des investissements informatiques. Le plafond d’emploi est de 20 EPTP.

Récapitulatif de l’Évolution de la subvention, de la dotation en fonds propre et des plafonds d’effectifs des opérateurs

Nature de la dépense - M€ courant, en CP

LFI 2019

PLF 2020

Subvention pour charge de service public (T3)

École polytechnique

90,3

85,3

dont solde des élèves

17,9

18,0

ISAE

37,0

38,2

ENSTA Paris

17,1

17,5

ENSTA Bretagne

14,8

14,9

IP Paris

0

2,4

ONERA

104,7

105,7

TOTAL SCSP

263,9

264,0

Dotations en fonds propres (T7)

École polytechnique (P212)

9,0*

0

ISAE

0

1,9

ENSTA ParisTech

0

0,5

ENSTA Bretagne

0

0,3

IP Paris

0

0,8

ONERA

2

0

Total dotations en fonds propres

11,0

3,5

Total SCSP et dotations en fonds propres

274,9

267,5

 

Emplois sous plafond - ETPT

LFI 2019

PLF 2020

Évolution 2019/2020

ISAE

412

414

2

École polytechnique

975

1 041

66

École polytechnique – élèves*

1 588

1 608

20

École polytechnique - total

2 563

2 649

86

ENSTA Bretagne

179

179

0

ENSTA Paris

172

170

- 2

IP Paris

0

20

20

ONERA

1760

1749

- 11

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

III.   Le renseignement demeure une priorité

Ainsi que l’indique la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, « L’ambition de notre pays repose également sur la préservation, au travers des services de renseignement, d’un degré d’indépendance d’évaluation de la situation, d’autonomie d’action et d’une capacité d’anticipation ». Cette ambition nécessite un renforcement des capacités des services de renseignement, tant en ressources humaines qu’en moyen techniques. Le contexte international n’a cessé, depuis la parution de la Revue stratégique, de conforter la nécessité de cette ambition.

L’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » enregistre une croissance de 14 % en AE, soit 399,13 millions d’euros et de 2 % en CP, soit 364,68 millions d’euros. La trajectoire de consolidation des services de renseignement se poursuit, l’augmentation de leur budget ayant été de 16 % en CP et de 9 % en AE entre 2018 et 2019. Cette action comprend deux sous-ensembles distincts, le renseignement extérieur, avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le renseignement de sécurité de défense, avec la direction du renseignement et de la sécurité de défense (DRSD).

A.   La direction gÉnÉrale de la sÉcurité extÉrieure

La DGSE remplit une mission de renseignement et d’action et s’inscrit, en tant que support à la décision gouvernementale, dans tous les champs des enjeux internationaux. L’instabilité de la situation internationale, qui tend à se confirmer, justifie pleinement l’augmentation de ses moyens actée par la loi de programmation militaire 2019-2025 qui prévoit notamment un niveau de recrutements important, soit 772 sur la durée de la LPM. Les programmes immobiliers de construction et de rénovation se poursuivent en conséquence. Parallèlement aux chantiers d’infrastructure s’effectue la montée en gamme des capacités techniques mutualisées au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement. La cyberdéfense, le développement de l’automatisation et de l’industrialisation des processus en sont des axes majeurs.

Les crédits de la DGSE se montent pour 2020 à 375,75 millions d’euros en AE et 348,30 millions d’euros en CP.

B.   La direction du renseignement et de la sÉcurité de dÉfense

La mission de la DRSD couvre la sécurité du personnel, des informations, des matériels et des installations défense sensibles ainsi que la fonction d’expert défense au profit des armées et de la base industrielle de défense. Sous les ordres de la ministre des Armées, elle participe au conseil national du renseignement. La dotation budgétaire de la DRSD connait une progression très importante de 49 % en AE et de 4 % en CP et atteint respectivement 23,4 et 16,4 millions d’euros. Ces crédits seront notamment consacrés à la conception d’une nouvelle base de souveraineté.

La DRSD assure, depuis 2017, l’instruction de l’habilitation de l’ensemble des sous-traitants de la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique, ce qui représente une charge de travail considérable. Une part des crédits sera employée au développement de capacités d’aide à la décision en lien avec le système d’information SOPHIA (synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation des industries et de l’administration) qui assure le traitement des demandes d’habilitation.

IV.   Les relations internationales et la diplomatie de dÉfense

La DGRIS assure le pilotage et la coordination de l’action internationale du ministère des Armées en matière de relations bilatérales avec les états étrangers et contribue à la définition des positions de la France au sein des organisations internationales en matière de défense. Elle valide les plans de coopération et coordonne les instructions aux attachés de défense et aux représentations militaires et de la défense auprès des organisations internationales. Dans le cadre de son action internationale, la DGRIS est chargée de définir la stratégie d’influence du ministère, d’identifier les postes à pourvoir à l’étranger, d’assurer les liaisons du ministère avec les missions de défense et les représentations militaires et de la défense françaises à l’étranger, ainsi qu’avec les attachés de défense étrangers en France.

Les crédits de l’action 8, « Relations internationales et diplomatie de défense », 39,96 millions d’euros en AE et 40,06 millions d’euros en CP augmentent respectivement de 4 % et de 2 % par rapport à la LFI en cours mais demeurent plus bas qu’en 2018 (42,87 millions d’euros en AE et en CP). Cette diminution est la conséquence de la mise en œuvre de la réforme du réseau de l’État à l’étranger et le transfert de crédits vers le programme 126 « Action de la France en Europe et dans le monde » en 2019 et 2020.

Outre les postes budgétaires majeurs que sont la contribution versée à Djibouti et la contribution française au budget administratif de l’AED, évoqués ci-après, le périmètre de l’action 8 comprend :

     la mise en œuvre de la diplomatie de défense et du réseau d’attachés de défense,

     la contribution aux actions de coopération bilatérales et multilatérales dans le cadre du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes,

     l’organisation du forum de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique,

     la contribution française au centre européen d’excellence sur les menaces hybrides mis en place en Finlande le 11 avril 2017,

     le financement d’un expert français associé au sein du Bureau de la représentation spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur les violences sexuelles dans les conflits.

A.   La contribution versÉe À Djibouti

La France est redevable d’une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros au gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l’implantation des forces françaises (FFDJ) sur son territoire.

Ce montant, fixé à l’origine dans la convention bilatérale de 2003, incluait les impôts et taxes versés sur place par les FFDJ, l’aide fournie au ministère djiboutien de la défense et le montant annuel des actions civilo-militaires réalisées au profit de la population civile djiboutienne, lesquelles venaient en déduction des versements effectués à partir des ressources de l’action 8 du programme 144, ce qui n’est plus le cas depuis le traité de coopération en matière de défense signé en 2011 et entré en vigueur en 2014.

L’évolution des sommes versées suit la modification des déductions fiscales de la contribution forfaitaire à Djibouti, avec un décalage de deux ans correspondant à l’intervalle entre la date de paiement des impositions et l’ajustement de la contribution différentielle due.

La ressource programmée en 2020 pour cette contribution est de 26,44 millions d’euros.

Évolution de la contribution versÉe À Djibouti

(en millions d’euros)

2015

2016

2017

2018

2019

prévision

Montant exécuté

19,00

26,17

25,50

25,84

26,14

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

B.   L’Évolution du budget de l’agence europÉenne de dÉfense

L’Agence européenne de défense (AED) devrait jouer demain un rôle déterminant dans la mise en œuvre du fonds européen de défense (FED) en contribuant à favoriser la convergence des priorités des États membres.

Le budget de l’AED est déterminé dans un cadre de planification triennal par le comité directeur de l’Agence. En conséquence les montants assignés aux deuxième et troisième années sont indicatifs. Le montant du budget de l’AED a été relativement stable de 2010 à 2017, autour de 31 millions d’euros par an. Les contributions françaises à l'Agence le sont demeurées également ces dernières années, ne fluctuant que sous l’effet de l’évolution du poids relatif de la richesse nationale, qui est la clé de répartition pour le calcul des contributions.

Le budget de l’AED augmente graduellement depuis 2017. L’Agence justifie cette hausse par ses missions de soutien au Fonds européen de défense et d’aide apportée aux États membres dans la mise en œuvre du CDP/SCC (Strategic Context Cases), de l’OSRA (Overarching Strategic Research Agenda) et de la coopération structurée permanente (CSP).

L'Évolution des contributions françaises au budget de l’AED

(en millions d’euros)

2015

2016

2017

2018

2019*

2020*

Montant exécuté

4,62

4,31

4,55

4,71

5,19

6,49

Budget global de l’AED

 

 

31,2

32,5

34,1

37,5

* Prévisions

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

Le budget proposé pour 2020 poursuit cette tendance haussière. Il est estimé à 37,5 millions d’euros, soit une augmentation de 3,4 millions d’euros par rapport à 2019. Cette revalorisation tient à des dépenses de personnel et de fonctionnement en lien avec les nouvelles missions de l’Agence dans la préparation du programme de développement industriel de défense (PEDID ou EDIDP) et la mise en place d’un système d’information propre à l’agence classifié niveau EU SECRET.

La contribution française est estimée à 6,49 millions d’euros pour 2020.



   Deuxième partie

Les premiers pas de l’Agence de l’innovation de dÉfense

Créée le 1er septembre 2018, l’Agence de l’innovation de défense (AID) est issue des orientations fixées par la loi de programmation militaire 2019-2025 plaçant l’innovation au centre de l’action du ministère des Armées.

I.   Les missions de l’agence

Les missions de l’AID sont ainsi définies :

 mettre en œuvre la politique ministérielle en matière d’innovation et de recherche scientifique et technique et faire toutes propositions utiles à son élaboration ; à ce titre, orienter les stratégies élaborées dans ce domaine par les états-majors, directions et services et participer aux travaux budgétaires associés ;

 coordonner et piloter la mise en œuvre des travaux d’innovation et de recherche scientifique et technique réalisés par les états-majors, directions et services dans le champ de leurs attributions respectives ; veiller à leur cohérence d’ensemble ; assurer la passation de procédures d’achat nécessaires à son activité ;

 conduire les dispositifs d’innovation et de recherche scientifique et technique qui lui sont confiés ;

 développer ou mettre en œuvre les partenariats et les coopérations internationales nécessaires avec les acteurs publics et privés.

Son rôle est de favoriser la captation, la maturation et l’accélération des projets d’innovation au profit de l’ensemble du ministère tout en assurant leur valorisation et leur partage au sein de la communauté de l’innovation.

II.   Sa gouvernance

L’AID est un service à compétence nationale (SCN) rattaché au délégué général pour l’armement (DGA) et doté d’une gouvernance collégiale, sous la forme d’un comité de pilotage réunissant, sous la présidence du délégué général pour l’armement, les représentants des états-majors, directions et services exerçant des attributions en matière d’innovation, ainsi que des personnalités qualifiées nommées pour une durée de trois ans ([4]), qui sont Mme Marie Meynadier, MM. Bernard Attali, Erik Grab et Roland Lehoucq.

Elle est dirigée par un directeur, assisté par un directeur adjoint et par deux adjoints spécialisés. L’agence comprend quatre divisions : « stratégie et technologies de défense », « innovation ouverte », « valorisation de l’innovation » et « financement et acquisition de l’innovation - affaires transverses ».

L’instruction ministérielle de l’innovation de défense (IM ID) est en cours de validation. Elle est le fruit d’une rédaction conjointe sous le pilotage de l’AID, entre l’ensemble des armées, directions et services (ADS), incluant la DGA, le SGA, l’EMA, les armées, la DGNUM et la DGRIS. Sa parution est très attendue et devrait notamment clarifier la relation entre les diverses entités du ministère ainsi que leurs prérogatives en matière d’innovation.

Dans son domaine de compétences, l’AID gère les relations du ministère avec ses partenaires : autres ministères, opérateurs de l’État (ONERA, écoles sous tutelle de la DGA, etc.), industrie et partenaires étrangers. Elle développe les synergies entre les entités du ministère engagées dans des démarches d’innovation d’une part, entre le ministère des Armées et la recherche civile, d’autre part.

Pour assurer ses missions, l’agence doit mettre en œuvre des leviers lui conférant une réactivité compatible avec celle qu’attendent les acteurs civils de l’innovation. Elle doit disposer d’outils à même de capter et d’animer l’innovation quelle que soit son origine pour irriguer les besoins du ministère et favoriser leur intégration dans ses systèmes et ses modes de fonctionnement. Elle doit également interagir avec les mondes académique et entrepreneurial pour créer les conditions nécessaires à l’émergence de l’innovation. En interne, l’AID s’appuie sur un réseau de correspondants innovation présents au sein de chaque entité.

Par ailleurs, intervenant dans tous les champs du ministère des armées, elle a pour rôle de créer des synergies et de rechercher une meilleure efficience des dispositifs d’innovation, contribuant ainsi à la modernisation du ministère.

III.   Ses effectifs

L’AID a été initialement armée par une soixantaine de personnels, issus de la DGA, des armées et du secrétariat général pour l’administration (SGA), provenant donc essentiellement des services préexistants dont elle a repris les missions : service des recherches et technologies de défense et de sécurité, bureau de la mission pour la recherche et l’innovation scientifique, mission pour le développement de l’innovation participative... Des personnels ont été recrutés en interne et en externe, afin de compléter les effectifs, notamment pour les nouvelles missions confiées à l’agence.

Actuellement, les effectifs de l’agence sont de 83 personnes, la cible étant fixée à une centaine. Au-delà de ses effectifs propres, l’agence s’appuie, pour conduire ses missions sur un réseau d’experts et de correspondants innovation dans les différentes armées, directions et services du ministère.

IV.   Son budget

En termes financiers, les crédits concernés (études amont, dispositifs de soutien à l’innovation, subventions aux opérateurs de recherche défense, recherche duale) s’élèvent à 1,2 milliard d’euros de CP en 2019 et progresseront durant la période couverte par la LPM pour atteindre 1,5 milliard d’euros dès 2022.

Le directeur de l’AID est responsable des unités opérationnelles : « Études amont », « Subventions et transferts » et « Recherche duale (civile et militaire) ». Le tableau ci-dessous présente le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances 2019, ainsi que leur consommation. Le niveau de consommation à fin août est globalement conforme aux prévisions initiales et il est prévu la consommation intégrale des crédits d’ici à la fin de l’année.

Consommation des crédits gérés par l’agenCe de l’innovation de défense à fin août 2019

 

PLF19

Consommation à fin août 2019

En millions d’euros

AE

CP

AE

CP

Études amont

919,9

758,5

404,5

560,2

Subventions et transferts

288,2

288,2

284,9

218,2

Recherche duale

179,5

179,5

174,5

119

Total

1 387,6

1 226,2

863,9

897,4

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

 

V.   Les actions menÉes par l’agence

L’élaboration du document d’orientation de l’innovation de défense (DOID), en concertation avec la DGA, l’EMA, les armées, directions et services est certainement l’action majeure de cette première année d’existence. Ce document, publié en juillet, constitue la pierre angulaire de la stratégie d’innovation du ministère des Armées. Il fixe les priorités des investissements en matière d’innovation, définit les thématiques d’actions et présente les leviers ministériels qui seront orchestrés par l’agence pour développer l’innovation au sein du ministère.

A.   Des projets lancÉs et de nouvelles mÉthodes

Il convient tout d’abord de préciser que les dispositifs existants ont été maintenus, qu’il s’agisse d’études amont, d’innovation participative, des dispositifs RAPID, ASTRID et ASTRID Maturation, du financement de thèses…

Au cours des douze derniers mois ont été lancées des études amont d’importance correspondant aux grandes priorités définies :

 démonstrateur de missile de type planeur ;

 architecture du système de combat aérien futur (SCAF) en coopération franco-allemande ;

 porte-avions de nouvelle génération (PANG) (esquisse et dossier de faisabilité du navire) ;

 partenariat innovant ARTEMIS dans le domaine du traitement des données massives et de l’intelligence artificielle (réalisation de démonstrateurs) ;

 études système et charge utile pour le futur satellite de communication militaire ;

 préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion.

L’orientation des études amont s’effectue désormais dans une démarche délibérément bi-directionnelle ou du haut vers le bas, « top-down », pour ce qui concerne l’analyse du besoin militaire prévisible en termes capacitaires, industriels et technologiques et du bas vers le haut, « bottom-up », pour capter les progrès à détecter et faire éclore des technologies, produits ou services, à l’origine de ruptures potentielles.

Plusieurs appels à projets ont été réalisés, parmi lesquels :

- l’appel à projets « Intelligence Artificielle » a permis de sélectionner des technologies candidates issues de PME-ETI ayant un intérêt opérationnel. Le financement de la montée en maturité de ces briques technologiques, notamment via des subventions RAPID, se termine et devrait donner lieu à des démonstrateurs dès 2020. D’autres appels à projets s’appuyant sur des subventions sont en cours au profit du COMCYBER et de la direction du renseignement militaire (DRM) pour des maquettes en 2020 ;

- le challenge « Spatial », destiné aux étudiants, a fait émerger des idées sur l’usage des données en sources ouvertes pour réaliser des cartographies d’objets spatiaux. Il a permis la mise au point de trois maquettes en trois mois dont l’une d’elles a été exposée au salon du Bourget et présentée au Président de la République. Cette expérimentation a permis au Commandement interarmées de l’espace (CIE) de connaître les possibilités d’exploitation des sources ouvertes apportant une contribution à sa mission de surveillance de l’espace.

Ces projets sont issus d’échanges d’information entre l’agence et les entités du ministère qui permettent d’identifier au plus tôt les innovations les plus pertinentes. Ils ont été conduits en expérimentant de nouvelles méthodes dans un souci d’efficacité et de réduction des délais, notamment en matière de contractualisation.

Par ailleurs, le Régime d’appui à l’innovation duale (RAPID) a connu une adaptation en 2018 pour permettre la réalisation d’expérimentations dans le cadre de la convention de subvention. Cette phase avait effectivement été identifiée comme manquante à l’issue d’un développement dans le cadre d’un RAPID. Cette disposition, attendue et appréciée, favorise l’appropriation de technologies nouvelles par les utilisateurs finaux et donc, l’intégration de ces technologies dans les futurs systèmes d’armes. Dix expérimentations RAPID ont été sélectionnées de janvier à juillet 2019 à des fins de tests. Elles feront l’objet de phases de test avec les forces à partir de fin 2019.

L’exercice de la tutelle des opérateurs ne semble pas avoir, à ce jour, connu d’inflexion des pratiques antérieures. Il est essentiel qu’un dialogue nourri s’instaure dans les deux sens afin que, d’un côté, l’agence s’assure du suivi des orientations définies et que, de l’autre côté, l’agence possède une connaissance approfondie de leurs moyens humains et techniques et considère les opérateurs comme des innovateurs, ce qu’ils sont par nature, susceptibles de proposer des innovations de rupture et pas uniquement comme contribuant à l’innovation planifiée, à même, elle aussi, de produire un résultat disruptif.

B.   Des partenariats

L’AID a noué des relations soutenues avec l’Agence nationale de la recherche dans le cadre d’un accord-cadre renouvelé au printemps 2019, et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ainsi qu’avec la Direction générale des entreprises et Bpifrance sur les sujets de financement innovants.

Elle a également conclu des accords de partenariat avec Singapour et l’Australie, et mène des discussions soutenues avec le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis. Enfin, elle contribue au positionnement du ministère et des industriels français dans le Fonds européen de défense, notamment son volet recherche, en relation avec la Commission européenne et l’Agence européenne de défense.

C.   Autour de L’Intelligence artificielle

Le ministère des armées vient de publier le rapport de la Task Force Intelligence Artificielle (IA) dont l’objectif consiste en un déploiement maîtrisé et accéléré de l’intelligence artificielle dans l’ensemble des armées, directions et services (ADS). Cet objectif a conduit à la mise en place d’un projet d’ensemble « IA », piloté par le coordinateur ministériel IA positionné à l’agence. Ce projet vise à regrouper et fédérer l’ensemble des actions et travaux menés au sein du ministère. L’action ministérielle en matière IA s’organise autour d’une cellule de coordination de l’intelligence artificielle de défense (CCIAD), créée au sein de l’agence, chargée d’animer les actions ministérielles en faveur de l’IA.

D.   Des Actions de communication et de développement de la culture d’innovation au sein du ministère des armées

L’AID a organisé le premier Forum Innovation Défense du 22 au 24 novembre 2018, au cours duquel les nombreuses innovations soutenues par le ministère des Armées, aussi bien dans les domaines scientifiques et techniques qu’opérationnels ou managériaux et organisationnels.

La participation au salon Viva Technologies en mai 2019 a permis de matérialiser la priorité donnée par le ministère à l’innovation.

La participation au salon du Bourget a également mis en valeur de nombreuses innovations.

Le tableau inaugural du défilé du 14 juillet avec des démonstrations remarquées du flyboard et de différents types de robots a permis d’illustrer auprès du grand public les innovations soutenues par le ministère.

VI.   La crÉation de l’innovation dÉfense lab

L’activité de l’Innovation Défense Lab repose sur les événements liés à l’innovation et les projets d’accélération d’innovation. Les locaux de l’Innovation Défense Lab ont été inaugurés le 23 novembre 2018 par la ministre des Armées.

A.   Les moyens

L’Innovation Défense Lab dispose d’une équipe ministérielle de manageurs de projets d’accélération d’innovations, complétée par des responsables réseau et une équipe de direction. Cette équipe de 10 personnes actuellement, et 14 à terme, s’appuie sur le soutien mutualisé de l’AID pour les actions de communication et les acquisitions. Les membres de l’Innovation Défense Lab ont été volontairement recrutés dans les rangs de plusieurs entités du ministère afin de disposer d’une culture multiple et d’un réseau de contacts très étendu dans l’ensemble du ministère.

Les locaux sont volontairement installés en dehors du ministère afin d’en faciliter l’accès tout en étant rapidement accessibles depuis Balard. La logistique de ces locaux, aménagement initial, accueil, gestion de l’agenda, entretien des locaux et des équipements, traiteur, etc, est assurée par la société Starburst qui mène cette action dans le cadre d’un marché public. Par ailleurs, ce contrat permet de solliciter la société Starburst à la demande pour animer certains ateliers et réaliser des études de marché sur des sujets prescrits par l’équipe ministérielle du Lab.

L’Innovation Défense Lab ne dispose pas de moyens financiers spécifiques. Ses actions sont financées, à l’instar des autres actions conduites par l’AID en termes d’innovation non programmée, par les crédits d’études amont du programme 144, opération budgétaire « Innovation et technologies transverses ».

B.   Les actions

Les événements organisés ou soutenus par l’Innovation Défense Lab, qui a repris les activités du DGA Lab, contribuent à l’animation de son réseau et au rayonnement de l’innovation au sein du ministère. Il s’agit de conférences, de démonstrations de produits ou de services existants, de séminaires ou d’ateliers thématiques qui se tiennent dans ses locaux.

En un an d’activité, les salles du Lab ont été réservées près de 250 fois et ont accueilli environ 4 000 visiteurs. Ce lieu fournit de plus un service nouveau : la possibilité de travailler en groupes de plus ou moins grande taille dans des espaces modulaires qui incitent à travailler autrement, avec ou sans accompagnement, et avec des moyens techniques qui n’existaient pas, ou peu, dans les emprises habituelles du ministère.

L’Innovation Défense Lab a aussi pour vocation de structurer, coordonner et/ou piloter des projets d’accélération d’innovation. Depuis janvier 2019, on l’a vu, 21 projets d’accélération d’innovation ont été labellisés par l’Agence de l’innovation de défense pour une exécution par le Lab. Douze d’entre eux sont en cours de réalisation à ce jour, deux sont terminés et la contractualisation des sept autres sera finalisée à l’automne 2019. Par ailleurs, l’équipe ministérielle du Lab a identifié, parmi l’ensemble des dossiers RAPID sélectionnés en 2019, dix nouveaux projets qui donneront lieu à des expérimentations réparties sur une période allant de 2019 à 2022.

Des projets ont été présentés au rapporteur pour avis :

     un exosquelette passif, un système mécanique qui renvoie les efforts sans source d’énergie extérieure dont un prototype devrait être expérimenté en 2020,

     un film hydrophobe à apposer sur des optiques,

     des munitions à l’étui en polymères, dont le poids est réduit de 20 % mais le taux de pénétration amoindri,

     des foils, initialement développées pour la plaisance, permettant au canot pneumatique semi-rigide des forces spéciales de « survoler » l’eau rapidement et discrètement, tout en tolérant mieux les eaux agitées et réduisant les secousses infligées au dos des marins.

C.   À la recherche de nouvelles façons de faire

Les manageurs de projets se chargent d’instruire les idées soumises à l’agence, de les structurer en projets avec un jalonnement technique et calendaire, de constituer une équipe ad hoc (experts, utilisateurs, responsables d’essais, équipes programmes associées, etc.) et de construire la stratégie contractuelle et financière adaptée. Le déploiement au plus près des utilisateurs est une préoccupation constante dans la structuration des projets. Cela signifie que les tâches directement utiles au déploiement sont réalisées directement par le Défense Lab qui, par exemple, initie la demande lorsqu’une homologation est nécessaire. Lorsque cela est possible, l’acquisition finale est prévue dès la phase d’expérimentation du prototype, en accord avec les états-majors d’armée et la DGA.

Le Lab agit comme un laboratoire de gestion de projet, recherchant de nouveaux modes d’action pour une exécution plus rapide et un management allégé afin de maximiser à terme le nombre de projets soutenables.

On peut citer, par exemple, une expérimentation de robots lourds menée en trois mois, en collaboration avec l’armée de Terre afin de statuer rapidement sur les usages éventuels des robots pour des opérations terrestres en zone urbaine ou encore un prototype de plateforme qui agrège des données sensibles issues de systèmes d’informations différents à des fins d’aide au commandement (projet C2IA) et en cours de déploiement.

La conduite des projets met en lumière des innovations managériales qui sont déployées au sein de l’agence avant leur diffusion au sein du ministère dans un second temps.

VII.   DÉbusquer l’innovation

Afin d’identifier des innovations en dehors de l’environnement Défense, l’AID a créé, au sein de son pôle innovation ouverte, une cellule dédiée, la cellule d’innovation ouverte (CIO). Sa mission est de détecter, de suivre et d’accompagner les startups prometteuses pour la filière Défense vers laquelle elles ne s’orienteraient pas naturellement.

Les startups sont particulièrement ciblées car elles sont les agents économiques les plus difficilement détectables, leur cycle de vie étant bien plus rapide que celui des PME ou des ETI. La stratégie mise en œuvre est la suivante :

a) « chasse » aux innovations en dehors de l’environnement Défense sur la base de priorités d’innovation ouverte élaborées à partir des irritants exprimés par les armées ;

b) veille opérationnelle sur les salons majeurs, échanges avec les structures de soutien à l’entrepreneuriat (incubateurs, accélérateurs, investisseurs) pour lesquelles les thématiques d’innovation ouverte du ministère représentent des opportunités de diversification ;

c) création et animation d’un réseau de veilleurs s’appuyant notamment sur les réseaux des Labs des armées, directions et services et sur celui des clusters de la direction technique de la DGA. Ce réseau permet de disposer de relais de l’AID en régions et ainsi de démultiplier l’action ;

d) communication régulière sur les maquettes ou démonstrateurs générés par la cellule d’innovation ouverte. Au-delà de la simple communication, il s’agit de montrer les réelles opportunités de diversification aux startups ou aux PME qui n’avaient pas envisagé les cas d’usage Défense, mais également de préparer le ministère à l’arrivée et à l’intégration de ces innovations qui n’ont pas nécessairement été anticipées lors de la programmation ou de la planification des feuilles de route technologiques ;

e) appel à partenariat auprès des acteurs de l’écosystème d’innovation (fonds d’investissement en capital risque, incubateurs, accélérateurs, etc…). Ces partenariats doivent permettre à l’agence de disposer d’un large vivier de startups et de consolider la veille exercée. L’appel à partenariat repose sur les thématiques prioritaires du ministère des Armées, validées par la ministre dans le dossier d’orientation de l’innovation de défense (DOID).

A.   La recherche acadÉmique

La veille passe également par le lien non seulement avec les entreprises mais également avec la recherche civile sur l’orientation de laquelle le ministère des Armées peut influer notamment grâce à sa participation aux travaux préparatoires du Conseil de la recherche installé par le Premier Ministre en 2013 et au siège qu’il occupe au Conseil de l’innovation installé en 2018.

L’agence poursuit ainsi les relations étroites entretenues par la DGA avec le ministère chargé de la recherche afin de développer les synergies avec le civil en matière de recherche et de technologie, démultiplier l’efficacité des ressources financières mises en commun et faire partager les enjeux de la défense à la communauté scientifique française.

Sans oublier le programme 191 géré par la DGA, le programme 144 met plusieurs vecteurs, précédemment évoqués, à disposition : le financement d’allocations de doctorat, de stages de recherche à l’étranger, les programmes ASTRID et ASTRID MATURATION pilotés par l’ANR, le financement de l’appel à projet générique de l’ANR, les challenges.

L’agence lance pour la première fois en 2019 un appel à candidatures pour la mise en place de chaires industrielles sur la thématique de l’intelligence artificielle, avec l’appui de l’ANR.

B.   Des antennes en rÉgions pour sourcer les entreprises ?

La ministre des Armées a inauguré la Cyberdéfense Factory, une antenne de l’Innovation défense lab de l’AID, à Rennes le 7 octobre 2019. Elle a, à cette occasion précisé sa vision des interactions entre le monde civil et le monde militaire : « La Cyberdéfense Factory n’a pas seulement vocation à capter les innovations du secteur civil. Car nous nous inscrivons dans cette démarche à double sens, un échange de bons procédés : notre objectif est aussi que les entreprises bénéficient de l’expertise dont nous disposons en interne. Et c’est par ces échanges que nous favoriserons les innovations duales, utiles tant pour la société civile que pour le monde militaire. C’est ainsi que nos startups et nos PME pourront non seulement survivre, grandir mais aussi devenir des acteurs incontournables du marché européen, ou même du marché mondial ».

Une veille efficace ne peut s’effectuer uniquement depuis Paris. Il est indispensable d’avoir des capteurs sur le territoire. Les clusters de la DGA ont été mentionnés en tant que possibles relais. Le rapporteur pour avis craint que cela ne soit pas suffisant et qu’il faille réfléchir à un maillage plus fin et à « l’évangélisation » des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et des Délégations à l’accompagnement régional (DAR) qui animent les Pôles régionaux à l’économie de défense (PRED). Un réseau de réservistes en charge de l’innovation déployé sur le territoire serait en cours de création, une idée excellente que salue le rapporteur pour avis.

VIII.   L’innovation issue du terrain

Foisonnante, pleine de vitalité, l’innovation est partout dans les forces. Confrontés à des difficultés pratiques qu’ils ont à cœur de résoudre, les militaires font preuve d’ingéniosité et d’esprit d’initiative pour résoudre des problèmes grâce à des solutions parfois très élaborées. Il est important de tenir compte de l’innovation venant du terrain car elle a peut-être davantage de chance de répondre à un besoin avéré qu’une suggestion extérieure aux armées.

De fait, chaque armée a mis au point un écosystème de l’innovation qui lui est propre. Il est important que l’AID mette en place un dialogue permanent avec les forces afin d’encourager et d’exploiter la créativité des militaires. Il convient également d’encourager les interactions afin que chacun n’innove pas dans son coin. La dynamique de l’innovation participative connaîtrait actuellement un creux mais il s’agit certainement de la conséquence de la mise en place d’une nouvelle organisation et du temps nécessaire à son appropriation.

A.   Dans l’armÉe de terre

 

L’armée de Terre s’est réorganisée pour accélérer l’innovation en créant le 1er juillet 2019 :

-          le pôle numérique et coordination de l’innovation (PNI), directement subordonné au major-général de l’armée de Terre (MGAT), avec en son sein la cellule de management de l’information pour l’innovation (CM2I). La mission du PNI est de tirer parti de la transformation numérique et de l’innovation ouverte pour améliorer l’efficacité et le fonctionnement de l’armée de terre. Au sein du PNI, la mission de la CM2I est de faire remonter toutes les idées en matière d’innovation dans tous les domaines, de simplification et de transformation numérique, pour validation et suivi des projets.

-          un réseau de référents, référents simplification-innovation-numérique (RSIN), a été mis en place dans toutes les unités pour permettre la captation des idées.

Le Battle Lab Terre, qui existait déjà, est subordonné au bureau plans de la sous-chefferie performance-synthèse mais en lien fonctionnel étroit avec le PNI ; il est en charge de la promotion des innovations technico-opérationnelles.

B.   Dans la marine

Une nouvelle organisation de l’innovation dans la marine a été mise en place en juillet 2019. Elle concerne l’innovation et la transformation digitale (ITD). Des pôles ITD existent pour chaque autorité et direction. Ces pôles sont coordonnés par l’officier général ITD, lui-même en charge du pôle ITD de l’état-major de la marine. Un comité innovation dit « de Broglie » se tient mensuellement.

Le MarineLab propose aux innovateurs des moyens de maquettage et de prototypage. Il s’appuie sur plusieurs entités :

-          le centre d’expertise unique des programmes d’armement naval (CEPN). Créé en 2013, le CEPN est composé d’une centaine de personnes qui travaillent au quotidien à l’innovation au travers de leurs expérimentations et dont une vingtaine, membres du « NavyL@ab », est chargée d’accompagner les innovateurs dans leur démarche de prototypage logiciel.

Le NavyL@b

Le NavyL@b consiste à mettre à la disposition des marins innovateurs des moyens de développement logiciel et un accompagnement afin qu’ils réalisent, sur leur lieu de travail, les prototypes des logiciels métier répondant à leur besoin. L’objectif est donc de capter le besoin au plus près des marins en promouvant l’innovation numérique, qu’il s’agisse d’une innovation technologique ou d’une innovation d’usage. En pratique, le NavyL@b fournit à chaque marin innovateur un kit de développement informatique (constitué d’un serveur, d’un ordinateur et de licences) puis il l’accompagne dans son projet (diffusion de bonnes pratiques, homologation et préparation à l’industrialisation des projets, en conformité avec les normes et standards ministériels). Le premier kit Navyl@b a été déployé à titre expérimental en février 2018 sur le Dixmude pour la mission Jeanne d’Arc. Depuis, 15 kits ont été déployés, y compris sur le porte-avions Charles de Gaulle. Ainsi, 17 projets ont été remontés par les innovateurs de terrain dont huit ont été sélectionnés par le Navyl@b pour expérimentation.

 - le centre d’expérimentation pratiques et de réception de l’aéronautique naval (CEPA 10S) ;

- le centre d’expertise spécifique pour les forces spéciales et les fusiliers marins (FUSCOL@B).

Ces trois entités sont localisées au plus près des marins, ce qui facilite les échanges entre concepteurs, experts et utilisateurs.

D’autres partenaires importants sont l’institut de recherche de l’école navale (IRENAV), en lien avec les officiers correspondants d’état-major (OCEM) associés à ses travaux portant notamment sur l’architecture navale, l’énergie-propulsion et les systèmes d’information maritimes, ainsi que les écoles et les instituts de recherche placés sous la tutelle de la marine.

La direction technique de la DGA a créé fin 2018 et début 2019 deux clusters dans le domaine naval : à Toulon, le cluster GIMNOTE (Groupe d’Innovation pour la Maîtrise Navale en Opération par la Technologie et l’Expérimentation) et à Brest, le cluster ORION (Organisation pour la Recherche et l’Innovation Opérationnelle Navale) ; un représentant de la marine assure la coprésidence des comités de pilotage. Ces clusters ont pour objectif d’informer sur les problématiques et les cas d’usage de la marine et de capter les innovations en mettant en relations le tissu industriel et académique local (start-up, PME, maitres d’œuvres, laboratoires) avec les entités régionales de la marine et de la DGA, en particulier le CEPN et DGA Techniques Navales, aux côtés de l’École navale et de l’ENSTA Bretagne sous tutelle DGA.

C.   Dans l’armÉe de l’air

Une cellule innovation et transformation numérique (CITN) est en place au sein de l’état-major de l’armée de l’air. L’armée de l’air dispose de plusieurs pôles d’innovation, rattachés à différentes entités, afin de valoriser au mieux le potentiel d’innovation interne. Le centre d’expertise aérienne militaire (CEAM), possède une division de l’innovation ouverte qui supervise et anime l’innovation opérationnelle et l’innovation liée à l’entraînement. Un système d’information dénommé HAPPI recense plus de 200 initiatives, idées et projets innovants. Le plan Air Innov 2022 mis en place avec le soutien de l’AID afin de soutenir la dynamique participative. Des correspondants innovation, dont ce n’est pas la tâche principale, sont en place dans les bases aériennes et les grands commandements.

Il existe par ailleurs de nombreux outils spécifiques intégrant une fonction de « Lab » au rang desquels on peut citer :

-          Smart Base concerne l’innovation dans le fonctionnement et les capacités opérationnelles de la base aérienne autour de trois axes, le numérique, les conditions de travail et de vie ;

-          la base pilote BA 105 Évreux teste un concept en cours de généralisation à l’ensemble du réseau des bases aériennes dont l’objectif est de faire, à terme, de chaque base aérienne l’équivalent d’un « Lab »local ;

-          la base pilote BA 705 Tours opère la Smart Base RH pour les innovations managériales et en ressources humaines ;

-          la Smart School et sa Digital Factory concernent les innovations et la digitalisation appliquées aux formations dans le cadre du plan DRH AA 4.0 ;

-          le centre d’analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) est en charge de l’innovation dans le cadre de la formation C2 Air ;

-          le centre d’excellence drone se spécialise dans l’innovation liée à l’emploi des drones avec le pôle recherche et innovation de l’École de l’Air.

Le rapporteur pour avis observe qu’il est indispensable que l’AID mette en place une coordination robuste de l’ensemble des dispositifs à l’œuvre dans les armées afin d’éviter les risques de duplication et d’assurer une cohérence à son action.

D.   Des amÉliorations À apporter

1.   Créer une base de données de référence des innovations

Il est exprimé le besoin, au sein du ministère, d’un outil unique de partage des informations, de capitalisation des projets d’innovation et de référencement de toutes les entreprises innovantes ou susceptibles d’apporter un soutien à l’innovation. Cette banque de données comporterait des fiches sur les produits, les compétences et serait un espace de partage pour les innovateurs du ministère. Car chaque armée, direction et service, recense encore ses projets d’innovations dans des outils qui lui sont propres. Le partage entre les différentes entités n’est pas facilité et peut fort bien ne jamais se faire. À titre d’illustration, l’armée de terre et la marine ont travaillé, à sept ans d’intervalle, sur une même innovation relative à un détecteur d’optique pointée (DOP) ; un outil commun aurait permis une mise en relation précoce ainsi qu’une continuité dans la maturation de cette technologie. Un outil unique serait un véritable atout pour que les démarches en matière d’innovations faites par les uns puissent servir aux autres.

L’AID travaillerait à la mise au point de cet outil. Les forces souhaiteraient toutefois être associées dès le départ à sa conception. Le rapporteur pour avis préconise la création de cette base de données qui permettrait des échanges et épargnerait un temps précieux en mettant à disposition de la communauté des innovateurs, ou candidats à l’innovation, des recherches déjà effectuées et des contacts.

2.   Alléger les procédures d’achat

Les modalités d’achat public ne sont guère adaptées à l’achat de prestations de prototypage auprès de PME innovantes. Les délais administratifs induits par l’achat public sont incompatibles avec le tempo de l’innovation et représentent de ce fait un frein à l’innovation. Une capacité financière, souple d’emploi, réactive, en boucle courte, à disposition des forces, serait nécessaire pour pallier cette difficulté. L’AID doit se montrer créative dans ce domaine.

3.   Mettre à disposition des capacités internes de fabrication et de maquettage

La capacité de fabrication et de maquettage autonome, interne au ministère, sans recourir à un marché est un facteur déterminant pour la rapidité de la conception et l’expérimentation d’innovations. Il existe des capacités, comme le Marine Lab et la mutualisation des moyens des centres d’expérimentation marine. Néanmoins, dans la majorité des cas, il est nécessaire de faire appel à l’industrie et donc de recourir à l’achat public, avec les difficultés évoquées plus haut.

4.   Faciliter le passage à l’échelle

La mise en service opérationnelle, et la dotation en exemplaires de série, après une expérimentation réussie, sont unanimement considérées comme le principal obstacle à l’innovation en raison de procédés encore trop longs et complexes, inadaptés, insuffisamment agiles, et d’une certaine rigidité notamment les mécanismes budgétaires qui rendent difficile la prise en compte de projets non prévus par la LPM ou transverses. La pérennité de nouvelles solutions innovantes est ainsi difficilement garantie, faute de processus fiable.

Le rôle de l’AID en la matière semble mal défini et mal compris par les innovateurs qui ont l’impression d’un blocage lors des phases d’avant-projet. Véritable écueil, la question du passage à l’échelle n’est pas résolue aujourd’hui. L’armée de terre la pose en ces termes : comment une innovation peut-elle équiper l’ensemble des forces terrestres ?

Le rapporteur pour avis estime indispensable de clarifier en amont ce point qui semble représenter un frein majeur à l’innovation.

5.   Anticiper l’intégration d’innovations dans les systèmes d’armes en service

Cette étape cruciale qui est souvent synonyme d’abandon total d’un projet innovant est, de l’avis général, pas ou peu anticipée. Or l’intégration implique des coûts importants, des opérations de tests et de validation. Il est absolument indispensable de la prévoir dès le départ et de l’évaluer très en amont dans un rapport coût/bénéfice.

6.   Mettre en place un véritable guichet unique et communiquer

Les militaires sont parfois hésitants quant à leur interlocuteur en matière d’innovation, notamment en matière numérique. Les compétences respectives de la DGNum, de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'informations (DIRISI) et de l’AID en matière d’innovation nécessitent une clarification. Elles devraient l’être par l’instruction ministérielle à venir.

Les entreprises, de leur côté, ne savent pas encore comment appréhender l’AID et vers qui s’adresser concrètement. Elles expriment, par ailleurs, la crainte de voir disparaître la direction PME de la DGA. Une place devra également être ménagée au dialogue avec les organisations professionnelles qui sont aussi des promoteurs de l’innovation.

D’une manière générale, il est indispensable que la communication de l’AID se concentre sur la diffusion, en interne et en externe, de ses attributions, de ses objectifs et du soutien qu’elle peut apporter.

7.   Encourager la subsidiarité

La subsidiarité devrait être renforcée. L’esprit des innovateurs nécessite une certaine agilité que seule peut permettre la déconcentration de budgets. Une première étape a été réalisée grâce au processus de « délégation de labellisation » de projets qui s’arrête cependant à la phase de maturation.

8.   Des lacunes sont déplorées dans le Document d’orientation d’innovation de défense

Le DOID ne peut bien évidemment pas reprendre l’ensemble des besoins exprimés qui sont priorisés. Mais, en cohérence avec des observations faites plus haut par le rapporteur pour avis, il est symptomatique que les manques relevés émanent de la marine et de l’armée de terre. Ils concernent en l’occurrence :

-          le jumeau numérique, ou environnement simulé de système d’armes,

-          les drones en essaim, ou bulle aéromaritime de systèmes autonomes

-          le marin augmenté,

Le marin augmenté

Parmi d’autres éléments, il s’agit notamment du suivi en temps réel des émotions, perceptions et actions des opérateurs, par eye tracking ou mesure de paramètres physiologiques. Ces comportements sont analysés au moyen de l’intelligence artificielle afin de détecter les pertes de vigilance, les surcharges mentales, le stress, la fatigue. In fine, cela permet de proposer des outils pour améliorer la concentration, réduire la charge visuelle, alerter plus intelligemment etc.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur pour avis.

-          les armes à énergie dirigée,

-          l’hypervélocité au profit de l’armement terrestre,

-          les études amont préparatoires au programme franco-allemand MGCS, qui seraient sous-dotées.

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IX.   Des attentes trÈs fortes

Il est bien évidemment beaucoup trop tôt pour faire un bilan de la plus‑value apportée par l’AID. Les débuts sont prometteurs. Si la création de l’AID a mis l’innovation en vedette, il est indispensable que des changements se fassent sentir sur le terrain et que les innovations en boucle courte y arrivent effectivement, au risque de décevoir.

Pour ce qui concerne l’innovation programmée, les interlocuteurs du rapporteur pour avis disent ne pas avoir enregistré de changement dans leurs relations avec la DGA qui pâtissent, selon certains, d’un manque de collégialité et d’un partage de l’information laissant à désirer. Il est attendu de l’agence un changement en la matière et une transparence accrue.

Un décloisonnement s’opère entre la DGA et les armées, dans le cadre de la réorganisation de la DGA et de la transformation du ministère. La mise en place d’un plateau de travail collaboratif, auquel la ministre des Armées a rendu visite le 14 octobre dernier, sur lequel sont co-localisés des architectes du service de préparation des systèmes futurs de la DGA et des officiers de cohérence opérationnelle de la division cohérence capacitaire de l’état-major des armées devrait favoriser la confrontation des idées ainsi que le rapprochement des besoins opérationnels et des contingences industrielles. Des liaisons sécurisées permettent l’interactivité avec les nombreux acteurs, internes et externes, participant à la démarche capacitaire.


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   TroisiÈme partie

La recherche biomédicale des armÉes

 

Recherche médicale et armées ne sont pas spontanément associées. Si la médecine militaire est connue pour le sauvetage pratiqué sur le champ de bataille et pour les hôpitaux militaires, que de très nombreux civils fréquentent puisqu’ils constituent 80 % de leur patientèle, l’activité de recherche des médecins militaires est pour ainsi dire inconnue.

Il est également naturel de s’interroger quant à la nécessité d’un pan militaire de la recherche médicale fort bien couverte par le secteur civil. Le militaire bénéficie des progrès de la recherche médicale civile comme tout un chacun mais, lorsqu’il est en fonction, il n’est plus tout à fait un citoyen comme les autres et se trouve confronté à des contraintes et des environnements particuliers. Les recherches menées dans les laboratoires du ministère des Armées s’attachent en conséquence à la santé du militaire et à la préservation de sa capacité opérationnelle.

I.   La spÉcificitÉ de la recherche biomÉdicale militaire

Cette recherche poursuit des objectifs stratégiques et traite des sujets de niche n’intéressant pas la recherche civile publique ou privée mais toujours autour de santé du militaire ou dans le cadre de la résilience nationale, avec les études portant sur le risque nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique (NRBC). Le service de santé des armées (SSA) ne se contente d’ailleurs pas de mettre au point des contre-mesures contre les risques NRBC mais fabrique dans la pharmacie centrale des armées certains médicaments, qui n’existent pas dans le commerce et qu’elle est seule autorisée à fabriquer, contre les risques NRBC mais également contre d’autres risques auxquels sont exposés les militaires.

Une autre caractéristique de cette recherche est l’étude de facteurs combinés alors que la tendance de la recherche et de la médecine d’aujourd’hui est l’hyperspécialisation. Des chirurgiens sur un théâtre d’opérations devront, par exemple, pouvoir intervenir, à deux, sur tous les types de blessures alors qu’un orthopédiste en métropole n’opérera que la main ou l’épaule. Il en va de même pour la recherche car le militaire en opérations n’est jamais soumis à une contrainte unique mais bien à un faisceau de contraintes : environnement, fatigue, poids des équipements, substances dégagées par les armes… Les études portant sur la protection physique de l’individu se font donc à l’échelle globale de l’organisme.

Les axes de recherche sont déterminés par le plan d’orientation de la recherche et de l’innovation 2019-2023 (PORI), un plan quinquennal glissant élaboré par la division « Expertise et stratégie santé de défense » de la direction centrale du SSA en concertation avec les forces. Un médecin général et un commissaire ancrage santé sont intégrés à l’AID. Au sein du SSA, un délégué innovation interagit avec l’agence.

II.   OÙ se pratique-t-elle ?

Les interlocuteurs du rapporteur pour avis ont répondu : partout. Si l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) en est le navire amiral, la recherche se pratique dans les huit hôpitaux d’instruction des armées (HIA), au centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), au centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA), à la pharmacie centrale des armées (PCA) et, au plus près du terrain, dans les centres médicaux des armées (CMA) répartis sur le territoire.

Cette recherche repose sur le service de santé des armées (SSA) où il est commun de dire que chaque praticien inclut la recherche dans l’exercice de son métier.

III.   L’institut de recherche biomÉdicale des armÉes

L’IRBA est l’établissement consacré à la recherche biomédicale de défense et de sûreté nationale. Il est le seul à avoir des activités d’études amont et des activités sur le modèle animal. Les recherches sur l’homme s’effectuent à l’IRBA, dans les HIA et les CMA. Installé à Brétigny-sur-Orge où ont été regroupées plusieurs entités, l’IRBA dispose de cinq unités distantes : une à Clamart, deux à Marseille, une à Toulon et une à Mont-de-Marsan.

Les recherches qui y sont menées répondent aux caractéristiques suivantes :

-          elles sont centrées sur les personnels, au plus près de la préoccupation des forces armées,

-          elles sont intégrées plutôt qu’analytiques, à visée préventive mais aussi curative,

-          elles portent sur des thèmes parfois délaissés par le monde civil,

-          elles sont adaptatives et régulièrement priorisées au regard des nouveaux concepts opérationnels et des nouvelles menaces,

-          elles sont agiles grâce aux compétences détenues, à la transversalité et au réseau de collaborations entretenues,

-          elles sont souvent duales.

La division santé du militaire en opération s’attache à trois domaines : les neurosciences et sciences cognitives (perception sous contrainte, réalité augmentée, gestion du risque et de l’erreur, prise de décision), les environnements opérationnels (gestion de la fatigue et des rythmes veille-sommeil, physiologie de l’exercice et des activités en conditions extrêmes), le soutien médico-chirurgical des forces (études des effets du blast et de la balistique lésionnelle, travaux sur le traumatisé grave de guerre, thérapie cellulaire et tissulaire, peau, muscle et os).

Des recherches portent sur l’adaptation de l’homme aux armes et sur leur ergonomie. Il est relevé à ce propos que l’avis des spécialistes n’est généralement pas requis suffisamment en amont mais seulement au moment où une difficulté devient patente et qu’une modification de l’équipement est alors complexe et coûteuse. Le rapporteur pour avis plaide pour que l’ergonomie et l’adaptation de l’arme à l’homme, et non l’inverse, soient considérés très en amont du développement.

Le rapporteur pour avis s’interroge à ce propos sur le combat numérisé et sur les limites cognitives de l’homme face à une grande quantité d’informations et à la nécessité d’une prise de décision rapide. En la matière, un apport du SSA a consisté à utiliser des capacités auditives humaines peu exploitées afin d’alléger la charge visuelle. Il s’agit en l’occurrence du recours à la localisation sonore et à la diffusion, à l’intérieur du casque, de sons différents à droite ou à gauche pour indiquer la provenance d’un objet ou d’une menace, pour remplacer la lecture d’un écran.

Un projet de recherche porte sur la tâche cognitive du fantassin qui est aujourd’hui hyperinformé et doit pouvoir poser un engagement en connaissance de cause. Le SSA conseille le concepteur quant au débit d’informations acceptable pour qu’elles demeurent compréhensibles.

Dans les domaines transverses, une étude a porté sur la fatigue des pilotes lors des vols de très longue durée sur les A400M et, avec le centre national des sports de la défense (CSND), sur la fatigue aux postes de travail.

La toxicologie environnementale est un sujet de recherche négligé aujourd’hui. Les produits propulseurs au moment d’un tir peuvent être inhalés, leur concentration pouvant varier selon les conditions atmosphériques. Il n’existe aucune norme en la matière. Ce type de préoccupation va croissant, de pair avec l’aspect écologique. Un autre exemple est la conjonction de nano-particules issues des moteurs diesel avec le rayonnement électro-magnétique de forte intensité destiné à isoler le convoi. On sait peu de choses de la combinaison de ces contraintes.

A.   Des moyens adaptÉs

Pour les études sur la personne humaine, l’IRBA dispose notamment d’un appartement climatique et sommeil, d’une centrifugeuse humaine, d’un laboratoire d’exercice à côté de laboratoires standard de biologie analytique et moléculaire, de biochimie ainsi que des services de recherche technologique et de prototypage.

Les plateaux techniques sont les suivants : défense NRBC, santé du militaire en opérations (perception sensorielle et exercice physique), contraintes environnementales, plateformes (capacité en bio-analyse, imagerie et calcul haute performance).

Les laboratoires de sécurité biologiques répondent à des exigences de confinement de différents niveaux selon la nature des toxiques étudiés, P2, P3 ou P4.

B.   De nombreux partenariats

L’IRBA noue de nombreux partenariats sous forme de conventions avec des universités, des entreprises, un projet de contrat-cadre avec le CEA est envisagé ainsi que la participation de l’IRBA à un cluster d’innovation NRBC, Ginco NRBC, pour Groupement d’innovation collaboratif.

Ces partenariats sont essentiels car la recherche militaire occupe une toute petite place au sein de la recherche nationale, tant en poids financier qu’en ressources humaines. L’IRBA participe à de nombreuses unités mixtes de recherche (UMR) et interagit avec environ 130 PME, une activité sous convention de partenariat étant active avec cinq d’entre elles.

C.   Le financement de l’IRBA

L’IRBA, dont les ressources prévisionnelles sont de 15,9 millions d’euros en AE pour 2019, tire la majeure partie de ses ressources du programme 178 « Préparation et emploi des forces », autour de 11 millions d’euros, et environ 3,47 millions d’euros du programme 144, dont des fonds au titre de la mission innovation participative (cinq projets sont en cours), et trois millions d’euros à celui des études amont biomédicales de défense BIOMEDEF. L’IRBA gère la totalité de la somme dont une partie, autour de 0,5 million d’euros est utilisée hors programme BIOMEDEF. Des fonds de concours sont également captés par les équipes de l’IRBA, parfois dans le cadre de dispositifs RAPID.

L’IRBA souligne par ailleurs les difficultés induites par les règles de gestion des finances publiques et la non fongibilité des dépenses de fonctionnement qui pénalise l’institut en matière de ressources humaines. Quand il ne dispose pas de la ressource interne, l’institut doit recourir à des prestataires et perd ainsi de la propriété intellectuelle. La recherche étant principalement basée sur le financement de projets, une souplesse encadrée des règles de gestion budgétaire apporterait de l’oxygène et des contrats à la recherche de défense. La piste d’un établissement à caractère industriel et commercial (EPIC) pourrait être explorée.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

I.   Audition de Mme Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie

 

La commission a entendu Mme Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie, sur le projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272), au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2019.

Le compte rendu de cette réunion est disponible sous le lien suivant :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-chef/19-20/c192006.asp

 

 


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II.   EXAMEN des crÉdits

 

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Didier Baichère, les crédits inscrits au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense » pour 2020, au cours de sa première réunion du mercredi 23 octobre 2019.

M. Didier Baichère, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense de la défense). Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » vise justement à soutenir l’innovation, en particulier celle des petites et moyennes entreprises (PME). Je reviendrai sur les crédits avant de me focaliser sur l’agence de l’innovation de défense (AID) créée il y a douze mois et sur la recherche biomédicale et cognitive, qui pèse budgétairement peu, mais est très intéressante.

Le budget de l’environnement et de la prospective de la politique de défense a une ambition essentielle : préparer l’avenir, soutenir l’effort indispensable d’innovation et irriguer notre base industrielle constituée de PME, mais aussi de grands groupes. Les technologies nouvelles doivent faciliter le travail de nos soldats.

Le budget du programme 144 augmente de 5 % en crédits de paiement et de 8 % en autorisations d’engagement, et passe ainsi de 1,5 à 1,7 milliard d’euros. Vous vous souvenez probablement des jalons de la loi de programmation militaire et de notre objectif d’un milliard d’euros en 2022 pour les études amont – principale dépense du programme. L’objectif sera largement tenu, ce qui est une excellente nouvelle compte tenu des défis que nos armées doivent relever.

La préparation de l’avenir est un concept assez large, puisque le programme 144 embrasse des domaines aussi différents que le renseignement, les études technologiques, les sciences humaines et cognitives, les instituts de recherche, les écoles et la contribution versée en raison de l’implantation des forces françaises à Djibouti – estimée à 26,44 millions d’euros pour 2020, stable d’une année sur l’autre.

Les équilibres traditionnels sont respectés en 2020 : le renseignement est toujours une priorité. Ses crédits vont augmenter de 14 % en AE et 2 % en CP, pour atteindre respectivement 399 et 364 millions d’euros. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) poursuit sa politique de rationalisation immobilière et de recrutement, la LPM prévoyant un important volume de recrutements pour le renseignement.

Les crédits de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) font un bond exceptionnel de plus de 49 % en AE, lié à la dotation d’une nouvelle base de souveraineté qui doit, notamment, nous permettre de développer nos capacités d’aide à la décision, grâce à un nouveau logiciel de traitement des habilitations.

La direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), en charge de l’analyse stratégique et des études, est dotée d’un budget de 10 millions d’euros, en hausse de 6 %. La DGRIS s’est fixé comme objectif de contribuer à long terme à la création d’une filière académique d’études stratégiques dans le domaine de la défense, qui nous fait cruellement défaut. Les précédentes LPM ayant été moins généreuses, le sujet avait été un peu laissé de côté.

Les crédits alloués aux études amont représentent la majeure partie du budget. Ils sont de 821 millions d’euros en CP – contre 758 en 2019 – et vont atteindre un milliard d’euros en AE. Les études amont, ce sont avant tout trois poids lourds, toujours les mêmes : la dissuasion, l’aéronautique et les missiles. Bien que j’aie repris récemment l’avis budgétaire, j’ai noté l’inquiétude de l’armée de terre : les crédits qui lui sont alloués ne représentent qu’environ 5 % des crédits des études amont. Or les opérations des militaires de l’armée de terre se numérisent massivement et les soldats doivent faire face à de nouveaux défis cognitifs : la masse d’informations à leur disposition est tellement importante qu’ils vont avoir besoin d’aide pour savoir gérer leur priorisation et leur utilisation. Les études manquent en la matière. Il me semble que ces 5 % sont insuffisants au regard des enjeux.

Une autre difficulté fait écho à la question posée tout à l’heure par M. Blanchet et a été très largement soulignée dans les auditions : celle que rencontrent les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour accéder directement aux marchés d’études amont. Nous l’avons déjà évoqué dans le cadre du groupe d’études sur les industries de la défense et j’avais alors fait des recommandations. Les 830 millions affectés à ces études sont largement « trustés » par les grands industriels même si, bien sûr, ils animent un écosystème de PME. Les PME duales ou celles du secteur civil rencontrent les mêmes difficultés, alors qu’elles pourraient développer de nouveaux produits intéressant l’armée.

Il faut faire preuve d’une intense pédagogie dans nos régions et nos territoires afin de sensibiliser le tissu industriel aux besoins des armées, mais aussi de l’informer des possibilités de financement accessibles aux PME. Enfin, le secteur bancaire est particulièrement frileux pour financer la défense. Or les PME travaillent avec les banques locales et ont donc beaucoup de difficultés à financer l’innovation, mais aussi, par exemple, à rapatrier les fonds issus de ventes à l’étranger, bien qu’elles soient titulaires d’une licence d’exportation.

Je l’avais également souligné dans le rapport du groupe d’études, les hausses de crédits du futur Fonds européen de défense – porté à plus de 13 milliards d’euros – vont encore complexifier son accès et sa compréhension pour les PME et les ETI françaises. Là encore, il faudra faire preuve de pédagogie et communiquer.

Je l’ai constaté au cours des auditions, le ministère des Armées a ces éléments en tête – la réorganisation en profondeur de la direction générale de l’armement (DGA) vise aussi à préparer cette transformation.

L’agence de l’innovation de défense (AID), créée il y a douze mois, héberge désormais le budget du programme 144 et dépend de la DGA. Elle gère les dispositifs existants, qui ont fait leurs preuves : l’accompagnement spécifique des travaux de recherche et d’innovation défense (ASTRID), très en amont en matière de recherche et développement, ASTRID maturation, pour la deuxième phase et ensuite le régime d’appui à l’innovation duale (RAPID) qui concerne bon nombre de nos PME.

En outre, le fonds Definvest, géré par Bpifrance, est désormais opérationnel et pourra investir à hauteur de 50 millions d’euros – 10 millions par an. Le deuxième versement de 10 millions va avoir lieu. Six entreprises en ont jusqu’à présent bénéficié, plutôt en phase de production, post-R & D. C’est essentiel, mais ces 50 millions d’euros ne sont pas à la hauteur des besoins ; il faudra y réfléchir au cours des prochaines années. Soulignons malgré tout la cohérence de l’accompagnement : plus de la moitié des entreprises qui ont bénéficié de Definvest avaient déjà bénéficié d’ASTRID ou de RAPID.

Les attentes des états-majors d’armées, comme des organisations professionnelles vis-à-vis de l’agence, sont très fortes – et pour cause, puisque tout est désormais centralisé au même endroit. Il conviendra d’observer avec attention comment se déroulent les interactions de l’agence avec l’écosystème en matière d’innovations ouvertes – il lui revient faire émerger un écosystème de start-up et d’innovation pour la défense – puis de mesurer combien de ces innovations ouvertes irriguent nos armées.

Au sein de l’AID, l’Innovation défense lab commence à trouver sa place. Nous pourrions d’ailleurs y organiser une réunion décentralisée de la commission de la défense. C’est un lieu moderne, qui doit assurer la visibilité, au sens marketing du terme, de la DGA auprès des start-up et des PME. Le plateau conjoint DGA-état-major, inauguré la semaine dernière à Balard, montre bien la volonté d’un travail conjoint d’innovation au service des forces armées.

Je passe aux crédits alloués aux instituts de recherche. Vous connaissez tous l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL). L’ONERA est un institut de recherche du ministère dans le domaine aérospatial. Son budget est fixé à 105,7 millions d’euros, soit un million d’euros de plus qu’en 2019. Sa soufflerie, à Modane, a été complètement rénovée suite à des effondrements – comme cela a été évoqué ici au cours des années passées. Le chantier est désormais terminé. Je suis, je l’avoue, assez inquiet de la situation de l’ONERA : il rassemble de compétences critiques dans le domaine aérospatial, mais le nombre considérable de départs à la retraite, auxquels, fait encore plus inquiétant, se sont ajoutées près de trente démissions de personnels recrutés depuis moins de trois ans, traduit un réel problème de positionnement. Je m’y pencherai l’an prochain, mais je préconise d’ores et déjà une révision du contrat d’objectifs et de performance. L’office, comme l’ISL, rencontrent des difficultés en termes de rémunération de leurs personnels. Ainsi, à l’institut, les rémunérations des chercheurs allemands sont plus élevées que celles des chercheurs français. À l’ONERA, le différentiel de rémunération est de 300 euros en moyenne avec la DGA.

Des écoles d’ingénieurs sous la tutelle du ministère sont également hébergées dans le programme 144. La création de l’Institut polytechnique de Paris va regrouper sur le plateau de Saclay l’École polytechnique, l’École nationale supérieure des techniques avancées, l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, Télécom Paris et Télécom Paris Sud. L’institut bénéficiera de 2,4 millions d’euros du ministère des armées et de 1,6 million d’euros du ministère de l’économie. Je serai attentif à son évolution, d’autant qu’il s’est désolidarisé du nouveau pôle universitaire du plateau de Saclay, issu de la fusion de trois universités. Il est important qu’il conserve des relations fortes avec ce tissu académique – c’était une des raisons de mettre en place cette opération d’intérêt national (OIN).

Pour finir, j’évoquerai la recherche biomédicale des armées. Elle représente un budget de trois  millions d’euros – à comparer au 1,7 milliard d’euros du programme. On pourrait légitimement se demander quel est l’intérêt de préserver une recherche spécifique aux armées – je m’étais moi-même posé la question. Mais lorsqu’on visite l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et que l’on discute avec les chercheurs, on se rend compte que l’armée a des besoins très spécifiques. La recherche biomédicale de défense se concentre sur la prévention et le maintien de la santé des militaires, confrontés en opérations à des conditions d’emploi peu fréquentes dans la vie civile : exposition aux accélérations des pilotes d’avion, immersion de très longue durée dans des eaux froides ou très chaudes pour les nageurs de combat, utilisation de systèmes d’armes complexes avec une surcharge informationnelle et environnementale dans un environnement hostile, exposition à des climats extrêmes – pensons à nos troupes au Mali –, cycles de sommeil très irréguliers, risques liés aux armes non conventionnelles, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)… Cette liste n’est pas exhaustive. En outre, l’IRBA effectue des recherches sur la multi-exposition des forces à ces facteurs de risque, ce qui n’est pas le cas de la recherche civile qui travaille davantage en silos.

Cette recherche biomédicale contribue également à la résilience nationale, notamment dans le domaine des risques NRBC. Le service de santé des armées est le seul à avoir l’autorisation de fabriquer certains médicaments dans sa pharmacie centrale. Enfin, malheureusement, ces dernières années, le service de santé des armées, dont l’IRBA, ont aussi été beaucoup sollicités au moment des attentats, compte tenu de son expertise en matière de blessés de guerre. Lorsque la France a été attaquée, il a fallu réagir et soigner des polytraumatisés.

Je reviendrai sur l’analyse cognitive dans un prochain avis, mais la surcharge informationnelle de nos combattants, liée au numérique, nécessite de travailler très en amont afin de les aider à traiter ces informations beaucoup plus nombreuses que par le passé.

L’IRBA n’est pas seul à pratiquer des activités de recherche. Il ne faut pas oublier tout l’écosystème qui l’entoure avec les huit hôpitaux d’instruction des armées ou le centre de transfusion sanguine des armées, qui a mis au point le plasma lyophilisé. Ils sont tous au service de la santé des soldats, vont sur le terrain, échangent avec les services médicaux en opérations extérieures (OPEX) pour y tester leurs expérimentations.

Cette recherche qui s’effectue en collaboration avec de nombreuses entités civiles, trouve pleinement sa place dans le budget du programme 144, sur lequel je vous demande de bien vouloir émettre un avis favorable.

M. Fabien Lainé. la DGRIS assure la contribution de la France au titre de la présence des forces armées stationnées, notamment à Djibouti pour laquelle le budget est d’environ 26 millions d’euros. Les Chinois, puissance stratégique rivale émergente, y sont également présents depuis un an. Le sujet est sensible, d’autant qu’ils s’installent ailleurs dans le monde. Pensez-vous que les moyens budgétaires alloués sont satisfaisants pour assurer notre présence et notre influence à l’étranger ?

M. Fabien Gouttefarde. La semaine dernière avait lieu à l’École militaire un colloque sur le « soldat augmenté », avec la réflexion éthique qui en découle. Avec ce soldat, nous ne touchons pas seulement à la place de l’homme dans son environnement : nous manipulons la nature même de l’homme. Le meilleur côtoie le moins bon, mais il n’est jamais utile ni souhaitable de refuser les révolutions technologiques, comme le battlefield super soldier suit, prototype d’uniforme qui permet d’administrer directement des médicaments aux soldats. Cela leur confère un avantage militaire certain, en augmentant leur vigilance ou en diminuant leur stress, par exemple. L’innovation de défense travaille-t-elle sur ces sujets ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Les programmes d’études amont (PEA) de la marine, comme ceux de l’armée de terre, seront dotés l’an prochain de 50 millions d’euros. Vous avez souligné l’inquiétude de l’armée de terre. Pour ma part, je suis inquiet pour la marine… Cinquante millions d’euros, est-ce suffisant pour financer les études d’un futur porte-avions ?

Quelles sont vos préconisations concernant les compensations industrielles (« offsets ») pour nos PME à l’étranger ? Le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) a publié un guide à leur attention sur ce thème et ces dernières demandent régulièrement plus de transparence sur les coefficients multiplicateurs, un accès aux grilles offset, le soutien d’un médiateur, etc.

M. Joachim Son-Forget. La dernière partie des propos du rapporteur m’a particulièrement intéressée, du fait des travaux scientifiques que j’ai menés au cours de mon ancienne vie professionnelle. Il est regrettable que cette recherche ne soit pas plus directement transposée dans les applications industrielles. Cela aurait par exemple évité la charge cognitive et physique à la limite du raisonnable des premiers systèmes FÉLIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés), au point de rendre des matériels militaires inutilisables. Comment faire pour que cette recherche fondamentale dans le domaine militaire soit intégrée à l’élaboration de nouveaux matériels afin d’en améliorer l’ergonomie ?

M. Loïc Kervran. Je salue la continuité de l’effort porté sur le renseignement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : + 14 % en autorisations d’engagement. C’est la clé de la souveraineté et de la sécurité de la France.

Le budget de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense connaît une progression importante. Avant même les événements à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, la gestion des habilitations était sensible car elle est au cœur de la détection des vulnérabilités de nos personnels. Avez-vous pu vous assurer que les moyens de la DRSD sont cohérents avec ses missions de plus en plus nombreuses, du fait de recrutements qui vont croissant, tout comme le besoin de protection de nos personnels ?

Mme la présidente Françoise Dumas. C’est une excellente question.

M. Didier Baichère, rapporteur pour avis. La DGRIS s’est largement réorganisée au cours des dernières années Notre implantation internationale, dans les bases et les ambassades, est suffisante. En outre, la hausse du budget démontre notre volonté de maintenir notre influence stratégique à l’international.

Concernant l’éthique, la ministre a souhaité créer un conseil d’éthique dédié aux armées. Les nouvelles technologies – intelligence artificielle, reconnaissance faciale, nouvelles armes, etc. – doivent nous conduire à nous poser des questions et à rester extrêmement vigilants : dans quelles situations nos soldats doivent-ils utiliser ces nouvelles technologies ? Quel est leur impact sur la population ? Je salue la décision de la ministre : c’est effectivement le chemin qu’il faut prendre. Et cela ne se limite pas au seul secteur de la défense : pour l’intelligence artificielle notamment, la plus grande vigilance éthique s’impose.

S’agissant des PEA, évitons les querelles budgétaires. En comparaison des grands consommateurs habituels, le terrestre est effectivement en retrait. Il faudra y être attentif.

Vous avez entièrement raison concernant les offsets : c’était d’ailleurs la troisième recommandation du rapport du groupe d’études « industrie de défense ». Vous l’avez mentionné, une des pistes envisagées est le recours au médiateur des entreprises du ministère des finances. La DGA a noué des contacts avec lui et recherche des personnels du ministère des Armées – mieux à même de comprendre les marchés de défense – afin qu’ils deviennent eux-mêmes médiateurs. C’est en très bonne voie, même si cela ne va peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions.

Monsieur Son-Forget, vous avez évoqué à juste raison le problème de la charge cognitive et le cas du programme FÉLIN. Désormais, ces études sont incluses dans les demandes de l’état-major ; c’est un saut gigantesque. L’analyse de la charge cognitive est déclinée dans le plan d’études stratégiques d’innovation de l’état-major, avant toute décision, et l’IRBA y contribue. Je vous invite à aller visiter son laboratoire dédié à la recherche cognitive, c’est tout à fait passionnant.

Enfin, le renseignement est effectivement la clé de notre souveraineté. C’est ce qui explique la progression exceptionnelle de 49 % du budget de la DRSD. Il s’agit de mettre en place une base de données améliorée afin de gérer l’ensemble des habilitations, qui sont effectivement en croissance très forte. Lorsqu’elle sera opérationnelle, la nouvelle base pourra répondre de manière satisfaisante aux demandes.

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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.

M. Joaquim Pueyo. Madame la présidente, je tiens à vous remercier de me donner la parole maintenant. Des impératifs m’obligent à quitter notre réunion vers onze heures cinquante.

Comme nous sommes plusieurs à nous exprimer sur ce budget, je ne vais pas revenir longuement sur les grandes évolutions budgétaires des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Je tiens à saluer l’augmentation de 1,6 milliard d’euros des crédits de la mission « Défense », ce qui place le budget à plus de 37 milliards d’euros pour l’année 2020, hors pensions. L’effort de notre pays permet de consacrer 1,86 % du produit intérieur brut aux dépenses de défense, ce qui nous rapproche de l’objectif de 2 % fixé à l’horizon 2025 par la LPM.

Plusieurs évolutions sont à saluer.

Les budgets relatifs à la défense sont spécifiques, nous le savons. Ils doivent être considérés sur le temps long. Les investissements matériels se développent sur plusieurs années. Il est donc essentiel de maintenir des budgets de recherche importants afin de concevoir les matériels du futur. Cela évitera des ruptures capacitaires qui viendraient mettre en cause l’autonomie de la France dans ses opérations. L’augmentation des crédits alloués aux études en amont est donc particulièrement pertinente.

Plusieurs livraisons de matériel attendues par nos soldats seront effectuées cette année. Citons 138 blindés dans le cadre du programme SCORPION et les hélicoptères NH90, particulièrement bienvenus car la fonction stratégique de protection pâtit des tensions sur le parc des aéronefs. La livraison des A400M Atlas et la commande du C-130 rénové viendront soulager le transport aérien.

Les évolutions positives des budgets consacrés à l’entretien programmé des matériels (EPM) et au maintien en condition opérationnelle (MCO) sont également appréciables.

Face à un engagement élevé des matériels sur des zones de combat éprouvantes, nous devons nous assurer que les personnels déployés disposent des équipements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Notons toutefois qu’une attention particulière devra être portée à la réforme du MCO aéronautique dans les mois à venir. Beaucoup d’aéronefs sont issus de programmes menés en coopération avec d’autres États européens et comme le précisait un avis budgétaire de 2018, « l’amélioration de la disponibilité de ces équipements dépend donc d’une démarche européenne et non du seul bon vouloir de la France ».

La création de 300 équivalents temps plein pour renforcer les services de renseignement et de cyberdéfense est à souligner. C’est une augmentation indispensable compte tenu de la conjoncture géopolitique qui évolue très vite. Face à la menace grandissante dans le domaine numérique, notre pays doit se doter de tous les moyens nécessaires pour se défendre et répondre aux agressions de plus en plus fréquentes venues d’États ou d’entités proches de certains pouvoirs.

Cependant, certains points appellent notre vigilance.

Se pose tout d’abord la question des restes à payer, que j’avais déjà soulignée lors des auditions. Le volume des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2018 connaît une croissance inédite : il atteint 3,8 milliards d’euros. La trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction du report de charges prévue par la LPM est de 16 % en 2019 et de 10 % d’ici à 2025. Cela reste un objectif ambitieux qui pose question.

Il y a ensuite la fidélisation. Nous reconnaissons les efforts consentis : 40 millions lui sont consacrés ainsi qu’à l’attractivité ; 12,5 millions d’euros sont dédiés à une prime de lien au service, qui permettra d’accorder entre 5 000 et 25 000 euros à des personnels opérant dans des spécialités sous tension face au privé. Cependant, c’est bien l’ensemble des militaires qui sont affectés par les défauts de fidélisation, notamment les militaires du rang. Il est donc temps de réfléchir sérieusement à étendre ces primes ou, de manière plus ambitieuse, à réévaluer le point d’indice afin d’améliorer le pouvoir d’achat des militaires.

Autre point important, l’immobilier. Je salue l’effort de 120 millions effectué dans le cadre de l’action soutenant la politique immobilière. Il permettra la création et l’adaptation de logements. Toutefois, nous assistons à une baisse du budget fléché vers les aides au logement, notamment celles destinées à soutenir les familles dans les zones tendues comme la région parisienne.

Enfin, certains matériels font toujours défaut, ce qui entame les contrats opérationnels. Je pense notamment aux MRTT ou aux nouveaux patrouilleurs outre-mer dont les premières livraisons ne sont prévues qu’après 2022, selon le bleu budgétaire.

Concernant les anciens combattants, j’ai trois motifs d’inquiétude, mais notre rapporteur a déjà donné des éléments de réponse.

Tout d’abord, les crédits de l’action « Politique de mémoire » du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » diminuent de 30 %. La ministre des anciens combattants m’avait donné à ce sujet une réponse dont je ne suis pas totalement satisfait. Cette baisse sera en partie compensée, nous dit-on, par des ressources prélevées sur la trésorerie de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Les documents budgétaires évoquent pour le service militaire volontaire 2,5 millions d’euros pour 1 000 stagiaires ; or le Gouvernement prévoit 1 200 stagiaires en 2019 et 1 500 pour 2020, avec un budget identique. C’est une bonne chose de développer le service militaire volontaire ; encore faudrait-il que son budget évolue suffisamment pour accueillir ces jeunes dans de bonnes conditions.

L’ONACVG se voit imposer plusieurs baisses, qu’il s’agisse des crédits qui lui sont dévolus en tant qu’opérateur de l’État, des montants affectés à la sous-action 03.34 « Action sociale en faveur du monde combattant », en diminution de 400 000 euros, ou de la ponction de 4,4 millions d’euros de trésorerie ; ce à quoi s’ajoute la suppression de trente-trois emplois. Nous nous inquiétons de cette évolution et tenons à rappeler que les actions de l’ONACVG doivent toujours être liées aux départements si nous voulons assurer un accompagnement au plus proche du terrain.

Pour répondre aux diverses préoccupations que je viens d’exprimer, nous avons déposé plusieurs amendements. Cela dit, nous abordons ce budget de manière très positive.

M. Fabien Gouttefarde. La guerre, dont Clausewitz a dit qu’elle était un véritable caméléon, connaît de nouvelles mutations : elle se réinstalle au premier plan de l’histoire mais, surtout, elle change de nature. Elle devient un état permanent, mêlant conflit et paix. Elle est hybride, à la fois intérieure et extérieure, civile et militaire, régulière et irrégulière.

Les mesures d’économie prises pour boucler la LPM précédente ont poussé sa cohérence aux limites de la rupture, d’autant que cette mise à la diète s’est opérée sans réévaluation globale de la stratégie de défense arrêtée en 2008. La nouvelle loi de programmation budgétaire, dans laquelle nous sommes engagés depuis deux ans, vise à remédier à de nombreuses fragilités capacitaires héritées de la période antérieure. Le projet de budget pour 2020 a ainsi pour objet de garantir qu’à chaque instant, la France est à la hauteur de sa mission suprême, celle de protéger les Français.

L’on dit généralement que l’encre d’une loi de programmation militaire n’est pas encore sèche que la loi de finances qui suit s’écarte déjà sensiblement des ambitions fixées. Le budget de 2020 pour la défense est un budget dont nous pouvons être fiers, car il est au rendez-vous des engagements pris. En hausse pour la troisième année consécutive, avec plus de 1,7 milliard de ressources nouvelles à périmètre constant, il s’approche un peu plus de l’objectif d’atteindre 2 % du PIB. C’est un budget encore plus sincère, puisqu’il prévoit des dépenses intégralement financées sur les crédits budgétaires et comporte 1,1 milliard d’euros de provisions pour les OPEX et les MISSINT en 2020 – contre, je vous le rappelle, 450 millions en 2017. Ainsi le financement des opérations est désormais mieux sécurisé.

Le budget des armées s’inscrit, par ailleurs, dans les territoires, au profit de ces derniers. L’État lui-même doit repenser son action sur le terrain en ayant une autre approche de sa présence dans le territoire. Le ministère des armées ne fait pas exception à cette règle et se délocalise, au plus près des Français : la cyberdéfense à Rennes, la direction des ressources humaines à Tours, le commandement de l’espace à Toulouse.

Le projet de budget profite à l’ensemble des territoires, sans exclusive : 2,5 milliards pour la Bretagne, 4 milliards pour la Nouvelle Aquitaine, près de 2 milliards pour le Grand Est. Cette lecture territoriale du budget peut également s’appliquer aux principales livraisons de matériel en 2020. Ainsi, 24 véhicules Griffon arriveront à Fréjus et deux Mirage 2000D rénovés à Nancy, tandis qu’Orléans accueillera deux A400M et Uzein, dans le Sud-Ouest, sept hélicoptères Caïman Terre.

Si le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est effectivement en diminution, l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation sont maintenus. Il n’est pas aberrant qu’un budget dont les dépenses d’intervention représentent 96 % des crédits – c’est-à-dire dont 96 % des crédits correspondent à des aides économiques, des transferts financiers aux anciens combattants ou à leurs ayants droit – s’adapte à la diminution du nombre de ses bénéficiaires.

Au demeurant, la majorité actuelle a fait beaucoup pour les anciens combattants : augmentation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance pour les Harkis en 2017, hausse de deux points de la retraite du combattant depuis le 1er septembre 2017, attribution de la carte du combattant au titre de la période 1962-1964, à propos de laquelle des membres de l’opposition nous disaient encore, il y a peu : « Il est regrettable que depuis si longtemps, les gouvernements se succèdent avec toujours la même rengaine, toujours la même ritournelle : cette mesure est toujours renvoyée aux calendes grecques ». Cette mesure, nous l’avons adoptée : 35 000 cartes seront produites fin 2019. Enfin, le monument aux morts en OPEX, qui, de l’avis de l’ensemble des groupes ici présents, aurait dû être édifié depuis de nombreuses années, sera inauguré par le Gouvernement dans quelques jours.

En conclusion, le redressement économique de la France et le rétablissement de la sécurité intérieure et extérieure sont indissociables. De fait, il n’existe pas de développement sans sécurité, non plus que de sécurité sans croissance, laquelle peut, seule, assurer l’effort financier requis pour notre défense.

C’est donc avec fierté que le groupe La République en Marche émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions.

M. Jean-Louis Thiériot. Le groupe Les Républicains a examiné très attentivement les crédits de ces missions, en ayant à l’esprit trois idées fortes.

Premièrement, la défense nationale est liée au rayonnement et à la puissance de la France dans le monde ; elle est au cœur de la souveraineté, du domaine régalien et de l’intérêt national. Son budget doit par conséquent être examiné avec le plus grand sang-froid, la plus grande attention et sans aucun esprit partisan.

Deuxièmement, la remontée en puissance de ce budget demande nécessairement du temps. Rappelons-nous les propos du général Lecointre qui, lors d’une audition par notre commission, a déclaré que l’effort consenti était « juste nécessaire » pour disposer d’un modèle d’armée complet, de nature à relever le nouveau défi que représente l’accroissement probable de la conflictualité et des risques dans les années qui viennent.

Enfin, troisièmement, nos décisions budgétaires ont un impact direct sur la vie des femmes et des hommes de nos armées, présents sur le terrain pour défendre la France, et peuvent se payer au prix du sang.

J’en viens au projet de budget lui-même. Premier constat : son augmentation de 5 % mérite d’être saluée. Pour la première fois depuis fort longtemps, la loi de programmation militaire respecte le Livre blanc et son exécution s’inscrit dans le même esprit. De fait, nous avons tous pu constater, lors de nos déplacements auprès de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, que nos soldats ont le sentiment que l’enjeu de la défense est à nouveau pris en compte.

Cette satisfaction mérite néanmoins d’être relativisée. Tout d’abord, compte tenu de l’inflation, le budget augmente, en fait, non pas de 5 %, mais de 3 %. Ainsi, l’ambition d’atteindre 2 % du produit intérieur brut, soit 50 milliards d’euros – ambition à laquelle nous souscrivons – ne se réalisera probablement pas dans les délais prévus, compte tenu du ralentissement de la croissance. En somme, pour nos armées, ce n’est ni Fontenoy ni Austerlitz, mais ce n’est pas non plus Sedan ou Gravelotte. Aussi notre groupe aurait-il tendance à voter ce budget.

Toutefois, le diable se cache dans les détails. J’exprimerai trois réserves à cet égard.

Premièrement, on sait que les réserves ont des conséquences très fâcheuses sur l’exécution des budgets ; elles doivent donc faire l’objet de la plus grande vigilance. Deuxièmement, nous saluons le fait qu’1,1 milliard d’euros soient inscrits dans le projet de budget pour 2020 au titre des OPEX, mais il reste 400 millions à trouver pour 2018 et 2019. Or, ils risquent fort d’être imputés sur le programme 146, consacré à l’équipement des forces. Troisièmement, le financement du Service national universel (SNU) demeure obscur. Ainsi, nous ne comprenons pas l’augmentation de 9 millions du budget des personnels chargés de la Journée défense et citoyenneté (JDC), puisque 30 000 jeunes de moins suivront cette journée. C’est pourquoi nous aurions souhaité, comme l’a demandé le président de la commission de la défense du Sénat, qu’une ligne spécifique soit consacrée au budget du SNU.

Ces éléments conduisent notre groupe à opter, à ce stade, en commission, pour une abstention positive, ce qui ne préjuge en rien de son vote en séance publique. Nous nous concerterons à ce sujet, mais je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’un certain nombre d’entre nous voteront ce budget, et que je serai l’un d’entre eux.

Mme Josy Poueyto. Je veux tout d’abord remercier l’ensemble des rapporteurs pour l’éclairage que nous ont apporté ces premiers éléments du contrôle parlementaire de l’exercice budgétaire.

Pour le groupe MODEM et apparentés, les documents budgétaires qui nous sont soumis se caractérisent par leur sincérité et leur cohérence avec nos travaux sur la LPM. À cet égard, je tiens à souligner les mesures qui, conformément à l’esprit de cette loi de redressement conçue à hauteur d’homme, témoignent de l’attention portée aux conditions de vie de nos forces et de l’importance accordée à l’investissement, que nous pouvons unanimement saluer après des années de restrictions.

La trajectoire de livraison des matériels suit son cours nominal tout en intégrant de nouveaux projets fondamentaux pour notre avenir, notamment dans le secteur spatial. Cohérent, programmé, le budget n’en est pas moins capable de s’adapter en fonction du contexte stratégique. On observe un maintien, à hauteur d’1,450 milliard, des efforts de soutien à l’innovation et à la commande publique, alors que nous savons la pression toujours plus grande qui s’exerce sur certains ministères. Rappelons cependant qu’au-delà du rôle inestimable de notre défense pour la nation, un euro investi dans la défense, c’est 2 euros dans le PIB à l’horizon de dix ans.

Nous saluons, par ailleurs, un budget sincère qui, avec une augmentation d’1,7 milliard à périmètre constant, suit la trajectoire de la LPM, y compris en ce qui concerne les OPEX, qui n’a jamais fait l’objet d’un tel effort de « sincérisation ».

Mais ce qui nous donne une plus grande confiance encore dans ce budget, c’est la capacité de nos ministres à allier ambition budgétaire et annonces concrètes. Nous saluons ainsi la possibilité, annoncée il y a quelques jours, pour les militaires de disposer de chambrées de quatre avec salle d’eau à leur niveau au lieu de chambrées de huit actuellement. Cet élément concret, parmi tant d’autres, témoigne de la solide ambition de la politique immobilière du ministère – que nos collègues Fabien Lainé et Laurent Furst évaluent en ce moment – au service des problématiques du quotidien de nos forces.

Saluons également la mise en œuvre du plan de rénovation énergétique, de dépollution et de déploiement des Énergies renouvelables (ENR) sur nos emprises. Ces investissements sont une source d’économies et de financements innovants et maintiennent notre pays dans le concert des nations responsables.

Sincérité et innovation sont des objectifs que nous soutiendrons toujours.

S’agissant de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », nous souhaitions souligner à nouveau la qualité de l’exécution du budget, notamment le succès des commémorations du centenaire de la Grande Guerre. Malgré la fin progressive de cette séquence, le budget présenté maintient un effort conséquent en vue des importantes commémorations qui auront lieu l’année prochaine, ce dont nous nous félicitons.

Le maintien du financement des dispositifs en faveur du monde combattant, notamment la carte du combattant 62-64 et la revalorisation de la pension militaire d’invalidité (PMI) des conjoints survivants de grands invalides, issues d’un travail de concertation sans précédent avec les associations, témoigne, là encore, de la détermination à maintenir un objectif commun de reconnaissance à l’égard du monde combattant pour toutes les générations du feu.

Notre groupe souscrit ainsi aux positions de notre collègue Philippe Michel-Kleisbauer, qui fait de la reconnaissance, du ciblage budgétaire et de la co-construction les maîtres mots de la confiance acquise dans ce domaine en 2018, en 2019 et maintenant en 2020.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », nous ne souhaitons pas commenter outre mesure sur le fond ce budget cohérent, caution faite de la question de mon collègue Cubertafon sur les réserves. Je me permettrai cependant de proposer, avec mes collègues du groupe MODEM et apparentés, que nous renforcions notre intérêt pour le continuum sécurité-défense, compte tenu des risques auxquels nous devons faire face.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous émettrons un avis favorable aux projets de budgets examinés par notre commission.

Selon Napoléon, « la guerre est un art simple mais tout d’exécution ». Nous voterons donc sans réserves ce budget cohérent, sincère et innovant, mais comptez sur notre groupe pour rester vigilants quant à son exécution, en particulier sur les sujets qui nous tiennent à cœur : condition des personnels, soutien au renouveau de la réserve opérationnelle, cohérence du lien entre innovation et rationalité budgétaire, et ce, jusqu’à la prise en compte effective d’un continuum stratégique entre l’économie, l’information, la culture, la sécurité et la défense.

M. Joachim Son-Forget. Puisque nous examinons le projet de budget correspondant à la deuxième année de mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2019-2025, votée en mars 2018, je tiens, tout d’abord, à saluer, en mon nom et au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, le Gouvernement qui, par ce budget, respecte les engagements qu’il a pris dans ce texte.

Nos armées, après avoir connu des décennies de lacunes budgétaires, d’abandons capacitaires et de réductions de leurs moyens humains, se réhabituent progressivement au fait que des déclarations politiques fortes peuvent être suivies d’actes concrets. Avec une augmentation des crédits de la mission « Défense » de 1,7 milliard par rapport à l’année 2019 et un budget qui atteint 37,5 milliards en 2020, la France progresse à un bon rythme vers son objectif de consacrer, comme elle s’y est engagée, 2 % du PIB aux dépenses de défense à l’horizon 2025. Cette augmentation de crédits mérite d’autant plus d’être saluée qu’elle s’inscrit, rappelons-le, dans un contexte budgétaire qui nous oblige à contenir les dépenses publiques.

Ainsi notre pays est en bonne voie pour disposer, à l’horizon 2030, d’un modèle d’armée équilibré, complet et efficient, permettant de répondre aux défis et aux menaces qui lui font face, comme le terrorisme, les crises migratoires, les démonstrations de force de grandes puissances militaires, la prolifération des armements ou encore les bouleversements climatiques. Gardons toutefois à l’esprit qu’un tel modèle d’armée ne sera jamais le gage d’une sécurité absolue. Il suffit pour s’en convaincre d’observer nos alliés Américains. Ceux-ci disposent depuis un certain temps maintenant de l’armée la plus complète et la plus équilibrée du monde. Pourtant, la diversité et l’intensité des menaces, tant intérieures qu’extérieures, auxquelles ils sont confrontés ne se sont jamais évanouies.

Même si toutes les qualités de ce budget ont été largement soulignées par les rapporteurs pour avis et les différents orateurs, je souhaite revenir sur certaines d’entre elles.

Premièrement, notre groupe salue la poursuite du déploiement du plan « Famille », qui contribue à l’amélioration des conditions de vie de nos soldats et de leur famille, de même que l’amélioration de leurs conditions d’hébergement et d’équipement. Face à la rude concurrence du secteur privé, nos armées doivent, plus que jamais, être capables d’attirer les talents de notre pays et de les conserver. Dans ces conditions, nous approuvons pleinement la création d’une enveloppe de 40 millions d’euros destinée à la fidélisation du personnel et à la préservation de l’attractivité des carrières. Par ailleurs, la création de 300 emplois nets contribuera au renforcement de nos armées dans des domaines aussi stratégiques et prioritaires que le renseignement et la cyberdéfense.

Au plan capacitaire, la livraison de nombreux équipements, tels que le premier sous-marin de classe Barracuda, les 128 véhicules Griffon, les quatre blindés Jaguar ou le ravitailleur MRTT Phénix supplémentaire, ainsi que les différentes commandes prévues par la programmation 2020 sont des signes visibles et concrets de la remontée en puissance de nos armées.

Alors que de nombreuses puissances militaires, reléguées hier au rang de puissances de seconde zone, luttent avec acharnement pour rattraper leur retard, nos armées se doivent de garder « un coup d’avance » pour faire, le cas échéant, la différence sur les théâtres d’opérations. Dans un secteur de plus en plus compétitif, innover demeure une question de survie. L’augmentation de 8,3 % des crédits alloués à l’innovation témoigne du fait que le Gouvernement semble avoir pris la mesure de l’urgence en la matière.

Concernant le financement des OPEX et des Missions intérieures, notre groupe ne peut que saluer l’effort de « sincérisation » et le respect des engagements pris dans le cadre de la LPM. Avec une réserve de 1,1 milliard, contre 850 millions en 2019 et 450 millions lors du précédent quinquennat, le financement des engagements de la France sera sécurisé et facilité.

Pour ce qui est de la mission « Anciens combattants », certains des députés de notre groupe estiment qu’un signal fort aurait pu être envoyé à nos vétérans en prolongeant, en 2020, le budget 2019. Toutefois, nous saluons les différentes mesures de justice et de bon sens que comportent les programmes de la mission, qu’il s’agisse du maintien des droits acquis à reconnaissance et réparation, de la revalorisation de la PMI pour les conjoints de grands invalides et de celle de l’indemnité de transport pour les jeunes convoqués à la JDC ou de la mise en œuvre d’actions pédagogiques de sensibilisation contre la haine et les préjugés à destination des plus jeunes.

Pour toutes ces raisons, ce projet de budget aura le plein soutien du groupe UDI, Agir et Indépendants.

M. Yannick Favennec Becot. Il faut reconnaître, et le groupe Libertés et territoires le reconnaît, que le projet de budget de la défense pour 2020 traduit fidèlement les orientations que nous avons votées dans la LPM 2019-2025. Le panorama des menaces établi tant par la revue stratégique que par la LPM est aujourd’hui marqué par une augmentation significative des crises et de l’instabilité internationale. Nous devons donc répondre à ces enjeux et assurer notre autonomie stratégique.

Ainsi une augmentation très significative des moyens était nécessaire. Cet effort budgétaire annuel de 1,7 milliard est important ; il le sera plus encore entre 2023 et 2025. Il doit permettre d’amorcer une remontée en puissance de nos armées ; c’est la fonction que nous lui avons attribuée. Cette hausse témoigne de l’engagement de la France de renforcer les moyens de nos armées, dans un contexte international instable et dangereux.

Je tiens à vous faire part de la satisfaction qu’inspire au groupe Libertés et territoires l’effort consenti en faveur de l’amélioration de l’hébergement des personnels militaires via le plan « Famille », dédié à l’amélioration des conditions de vie des familles et bien sûr des militaires eux-mêmes.

L’effort réalisé en faveur de l’équipement des forces est également particulièrement attendu. En augmentation de 1,3 milliard, il se concrétisera, en 2020, par la livraison du sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération Suffren, par le déploiement du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), la livraison du Griffon ou d’un avion ravitailleur MRTT supplémentaire. Permettez-moi néanmoins de m’interroger, comme chaque année, sur l’externalisation en OPEX et les affrètements, comme l’ont d’ailleurs révélé la Cour des comptes ainsi que plusieurs rapports parlementaires, notamment celui de notre collègue François Cornut-Gentille. Les contrats pluriannuels d’entretien, innovation de cet exercice, devront faire l’objet d’un suivi attentif, compte tenu des montants engagés.

Par ailleurs, 2019 a été marquée par la création d’un grand commandement de l’espace, qui montera progressivement en puissance au cours de la programmation, avec une équipe de 220 personnes. Notre groupe souhaite partager ses doutes quant aux moyens alloués à un tel programme. En effet, alors que les États-Unis souhaitent investir annuellement 8 milliards de dollars, la LPM française prévoit un budget de 3,6 milliards d’euros pour toute la durée de la programmation. Ces moyens semblent insuffisants face aux défis qui nous attendent.

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » joue, bien entendu, un rôle essentiel, en ce qu’elle incarne l’hommage que la nation rend à nos armées pour l’engagement et le sacrifice de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Ce budget est en baisse par rapport à l’année dernière en raison de la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires. Néanmoins, certaines dispositions permettent, dans certains cas, l’augmentation des droits ou l’extension du champ des bénéficiaires. Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 2019, les conditions d’attribution de la carte du combattant aux forces françaises présentes en Algérie ont été étendues aux soldats présents entre le 2 juillet 1962 et le 1er janvier 1964 ; nous nous en réjouissons, bien sûr. La montée en charge de cette mesure se poursuit, pour un coût budgétaire annuel estimé à 30 millions d’euros.

En outre, fin 2018, le gouvernement a présenté un plan Harkis prévoyant une revalorisation des dispositifs de reconnaissance et de réparation pour les anciens supplétifs et leurs ayants droit, des initiatives mémorielles et une aide personnalisée au retour à l’emploi. Cette mesure nous paraît juste et légitime, car très attendue ; il faut donc la saluer.

Parmi les revendications des anciens combattants, que j’ai l’occasion de rencontrer régulièrement dans mon département de la Mayenne, figure la revalorisation des prestations, le plus souvent calquée sur celle du point d’indice de la fonction publique. Une mesure nouvelle est prévue en 2020 afin de tenir compte, dans le calcul de la pension de réversion, des soins apportés par les conjoints survivants de grands invalides de guerre pendant une longue période. Je tiens à saluer, au nom de mon groupe, cette nouvelle mesure qui conduit à augmenter le montant de la pension perçue par les conjoints survivants de grands invalides ayant prodigué des soins constants pendant au moins quinze ans.

J’exprimerai cependant quelques regrets. Je pense notamment, je l’ai indiqué tout à l’heure, au fait qu’aucune mesure de réparation ne soit prévue pour les pupilles de la nation et les orphelins de guerre. Le rapporteur m’a apporté une réponse, que je comprends. J’espère néanmoins que ce dossier sera rouvert avant la fin du quinquennat. Autre regret : la non-revalorisation du point de retraite de nos anciens combattants, dont la progression est à nouveau bloquée alors qu’il s’agit d’une légitime reconnaissance de la nation.

Cela étant dit, au nom de l’intérêt de nos armées et des difficiles missions que nous leur demandons d’accomplir pour la défense de notre pays et pour notre sécurité et notre liberté, le groupe Libertés et territoires, qui restera vigilant sur les points que j’ai indiqués, votera ce projet de budget.

*

* *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

Article 38 et ÉTAT B

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

Avant l’article 47.

La commission examine l’amendement II-DN2 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conséquences économiques et sociales de la loi de programmation militaire 2019-2025. L’investissement dans la défense est régulièrement cité en exemple puisqu’il s’agirait d’euros investis utilement dans des emplois non délocalisables et au bénéfice d’industries d’excellence. Après avoir progressé de 1,8 milliard en 2018 et de 1,7 milliard en 2019, le budget de la défense doit continuer d’augmenter, suivant la trajectoire prévue par la LPM.

Si le budget de la défense n’est pas soumis cette année à l’effort général, il convient d’anticiper plutôt que de réagir au dernier moment. Il est temps de monter des barricades, chers collègues, et de faire savoir que les investissements réalisés par le ministère et les armées ont des conséquences économiques et sociales dans les territoires, notamment sur l’emploi. Conformons-nous au précepte de Sun Tzu, dans L’Art de la guerre, « Généralement celui qui occupe le terrain le premier et attend l’ennemi est en position de force, celui qui arrive sur les lieux plus tard et se précipite au combat est déjà affaibli ». Il ne s’agit pas de considérer les autres commissions comme des armées ennemies, mais d’anticiper, plutôt que de subir !

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas attendu pour souligner l’importance des investissements de défense dans nos territoires, et ce qu’ils apportent au tissu économique et social. Beaucoup d’études ont été réalisées sur le sujet, notamment par l’Observatoire économique de la défense (OED) et par la chaire « économie de défense » de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Notre commission joue aussi son rôle et éclaire nos concitoyens sur la question.

Il convient toutefois de rappeler que lorsque l’on investit dans les armements de défense, ce n’est pas simplement pour faire jouer le multiplicateur keynésien, mais pour répondre aux besoins de nos forces. Ce peut être un « achat sur étagère » de drones reaper, par exemple, mais cela peut aussi prendre la forme de coopérations européennes pour penser les équipements de demain. Il ne faut pas toujours penser local. Je vous invite à retirer cet amendement.

M. Didier Baichère, rapporteur pour avis. En présentant le programme 144 ce matin, nous avons souligné que la direction des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) souhaitait consacrer une part de ses crédits en augmentation au développement de l’économie de la défense. Cela signifie que des universitaires pourront continuer à travailler dans ce domaine et fournir ainsi les éléments que vous demandez par le biais de ce rapport.

M. Fabien Gouttefarde. En effet, il est très important de parler de l’impact économique de la LPM et du budget pour 2020 sur les territoires. J’aurais souhaité que cette évaluation se fasse dans le cadre du chapitre II du titre Ier de la LPM, qui comporte les dispositions relatives au contrôle parlementaire et prévoit une clause de revoyure en 2021.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je comprends vos préoccupations, que nous sommes nombreux à partager. La commission pourrait travailler sur cette question avant la clause de revoyure, en procédant à des auditions ou en lançant une mission flash.

M. Christophe Blanchet. Notre objectif est le même, réussir. Nous voulons que les crédits soient maintenus au même niveau et expliquer à nos compatriotes l’intérêt économique et social de ce budget, au-delà de sa dimension géopolitique et militaire. La journée défense et citoyenneté (JDC), par exemple, permet de repérer et de récupérer certains des 90 000 décrocheurs annuels, dont le coût pour la société est estimé à 220 000 euros, et de réaliser ainsi des économies.

Je souhaite vous soumettre une autre proposition. Il existe depuis 1999 à l’Assemblée nationale une mission d’évaluation et de contrôle (MEC), dont l’objet est de veiller à l’efficience de la dépense publique. Cette mission, coprésidée par un député de la majorité et un député de l’opposition, est composée de seize membres. Vous pourriez, Madame la présidente, demander à la commission des finances de charger la MEC d’évaluer la vertu économique de l’utilisation des crédits de la défense. Cela nous permettrait d’anticiper la clause de revoyure, servirait l’intérêt général et renforcerait la transparence que nous devons à nos concitoyens.

Mme la présidente Françoise Dumas. J’ai entendu votre proposition et me propose d’en examiner les modalités. Retirez-vous cet amendement ?

M. Christophe Blanchet. Il faut aller au bout de ses convictions et j’ai pour habitude de toujours défendre mes amendements.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 75.

La commission examine l’amendement II-DN4 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. La LPM précédente a entraîné d’importantes opérations de restructuration des sites de défense, avec la dissolution d’un certain nombre de régiments et la réorganisation des armées, laissant certains territoires en très grande difficulté. Dans ma circonscription, celle de Châlons-en-Champagne, 1 200 emplois militaires ont été supprimés en l’espace d’un an et 130 hectares de friches ont été libérés.

La loi de finances pour 2015 a prévu un dispositif qui permet à l’État de céder jusqu’en 2021 ces friches à l’euro symbolique, dans les territoires particulièrement touchés par ces opérations de restructuration. L’objet de cet amendement est de reporter la fin du dispositif à 2024. En effet, de nombreux sites n’ont pas encore été repris car trouver des porteurs de projets demande du temps.

Je précise que ce report, qui permettrait de laisser mûrir les projets de reconquête, représenterait une économie pour l’État et non une dépense supplémentaire. En effet, si l’État se voyait obligé de céder ses friches au prix des domaines, il ne trouverait pas de repreneur et serait contraint d’assumer les frais de gardiennage et de sécurisation des sites.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Cet amendement répond aux attentes des territoires concernés. Toutefois, sa rédaction n’est pas satisfaisante dans la mesure où il fait référence, en son I, à un alinéa 1, alors qu’il porte lui-même un article additionnel. Je vous propose de le retirer et de le présenter en séance sous une nouvelle rédaction.

M. Christophe Lejeune. Sur le territoire de la commune dont j’étais maire se trouve une enclave militaire, abandonnée par la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur. Nous aimerions reprendre cette friche mais cette volonté est contrariée par les prix et la mission pour les réalisations des actifs immobiliers (MRAI). Cet amendement nous ôterait une épine du pied.

M. Philippe Chalumeau. Quand on connaît le temps que prennent les procédures, qui font entrer en jeu notamment les architectes des bâtiments de France, et le montage des dossiers de financement, on ne peut que souhaiter que ce dispositif soit prolongé. Je voterai pour cet amendement.

M. Fabien Gouttefarde. Après avoir entendu nos collègues et à titre personnel, je voterai pour cet amendement.

Mme Josy Poueyto. Je voterai moi aussi pour cet amendement.

Mme Lise Magnier. Je vous remercie pour votre soutien. Effectivement, cet amendement comporte une erreur de forme ; nous avons beaucoup travaillé avec le cabinet de la ministre des armées sur son placement, en oubliant de supprimer la première phrase. Je vous suggère de le sous-amender, à défaut de quoi je le maintiendrai. Je souhaiterais en effet que votre commission prenne une position sur cet amendement, que je défendrai ce soir devant la commission des finances.

Mme la présidente Françoise Dumas. Cet amendement, sur le fond, fait l’unanimité. Je propose que, forte de notre soutien moral, vous le redéposiez en séance sous une autre forme ou que nous le sous-amendions ici même.

M. Joachim Son-Forget. Il est important de marquer le coup dans la mesure où nous avons trouvé un consensus. Pour une fois que notre commission n’est pas soumise au secret, il serait bon d’aller jusqu’au bout de notre démarche !

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je propose donc un sous-amendement visant à supprimer le premier alinéa.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

 

 


—  1  —

   annexe

Liste des personnes auditionnées par lE rapporteur pour avis et déplacements

(Par ordre chronologique)

 

1. Auditions

 Groupement des Industries de Construction et Activités Navales (GICAN)  M. François Lambert, délégué général, M. Jean-Marie Dumon, délégué défense et sécurité, M. Jacques Orjubin, délégué communication et relations publiques ;

 Marine nationale  M. l’ingénieur général de l’armement Reynald Rasset, officier général « Innovation et transformation digitale », Mme l’ingénieur en chef de l’armement Marie Magnaud, officier correspondant d’état-major en charge des études, sous-chefferie plans programmes de l’état-major de la marine ;

 Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)  Mme Alice Guitton, directrice générale, M. Philippe Perret, chef du pilotage des ressources et de l'influence, M. Patrick Seychelles, chef du bureau finances, M. le capitaine de frégate Jean-Bertrand Guyon, adjoint au chef de cabinet et Mme Patricia Lewin, déléguée au rayonnement ;

 Cluster EDEN  M. Guillaume Verney-Carron, directeur général de Verney-Carron, vice-président du Cluster EDEN ;

 Comité Richelieu– M. Philippe Bouquet, secrétaire général, et M. Thierry Gaiffe, président de la commission de la défense ;

 Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA)  M. Bruno Sainjon, président-directeur général, M. Jacques Lafaye, adjoint du président ;

 Direction générale de l’armement (DGA)  M. l’ingénieur général de l’armement Jean-Christophe Videau, chef du service de préparation des systèmes futurs et d’architecture (SPSA), directeur-adjoint, directeur de la stratégie par intérim ; M. l’ingénieur en chef de l’armement Christophe Debaert, sous-directeur coopération prospective au SPSA, M. le commissaire en chef des armées Sylvain Blothiaux, adjoint cohérence synthèse au chef du SPSA ;

 Service de santé des armées  Mme le médecin général Corinne Roumes, professeur agrégé du Val-de-Grâce, adjoint à la directrice centrale et chef de division « Expertise et stratégie santé de défense » (ESSD) à la direction centrale du SSA, M. le commissaire en chef de 1ère classe Éric Wable, référent ressources et performance au sein de la division ESSD ;

 M. David Lenoble, sous-directeur PME-PMI, service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE) de la DGA ; Bpifrance : M. Nicolas Berdou, expert défense au sein du fonds Definvest, M. JeanBaptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles à la direction des relations institutionnelles et médias.

 

2. Contributions écrites

 Armée de terre : M. le colonel Claude Chary, chef du pôle numérisation innovation à l’état-major de l’armée de terre ;

 Armée de l’air : M. le colonel Pierre Quéant, chef de la cellule innovation et transformation numérique à l’état-major de l’armée de l’air.

 

3. Déplacements

 11 octobre 2019 ‒ Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) : rencontre avec Mme le médecin général Anne Saillol, directrice, et ses équipes ;

 11 octobre 2019  Innovation Défense Lab : rencontre avec M. Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence de l’innovation de défense, Mme Élodie Contrastin, pilote de l’Innovation défense Lab.

 


([1])  Ne tient pas compte de dépenses n’entrant plus, depuis 2019, dans la catégorie des dépenses de R&D. La mise au format 2019 des données antérieures n’est pas disponible.

([2]) Technology readiness level. 

([3])  Décret en date du 31 mai 2019 publié au Journal Officiel le 2 juin 2019.

([4]) Arrêté du ministère des Armées du 29 mars 2019.