N° 2306

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2272)
de finances pour 2020

TOME VI

OUTRE-MER

PAR M. Philippe DUNOYER

Député

——

 

 Voir le numéro : 2301 – III – 31


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2019 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 7 réponses aux 29 questions adressées étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 


—  1  —

SOMMAIRE

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Pages

Avant-PROPOS............................................. 5

Première partieUne baisse sensible du budget des outre-mer

I. Des crédits de la mission Outre-mer en baisse

A. Le programme 138 « Emploi outre-mer »

B. Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

II. Les éléments saillants de lexercice 2020

A. Le premier bilan des réformes de lexercice précédent

1. Des conséquences qui restent à préciser

2. La question de la compensation des exonérations de charges patronales sociales

B. La sous-consommation des crédits budgétaires alloués

III. Les crédits globaux en faveur des outre-mer au sein du budget

A. Un montant très supérieur à la seule mission Outre-mer

B. Des crédits répartis sur l’ensemble des territoires

IV. LUnion européenne et ses concours financiers

A. Les concours européens aux régions ultrapériphériques

B. Les concours européens aux pays et territoires doutre-mer

Seconde partie – Deux politiques publiques spécifiques aux outre-mer

I. La continuité territoriale

A. La politique nationale de continuité territoriale à destination des outre-mer

1. Une création récente

2. Les dispositifs permettant la continuité territoriale

B. Un opérateur, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité

C. La position de votre rapporteur pour avis : relever le défi de la continuité intérieure

1. La question de la continuité intérieure

2. La question de la liaison vers d’autres destinations que la métropole

II. L’indemnité temporaire de retraite (ITR)

A. Un dispositif dont la loi a entériné la suppression

1. Une indemnité spécifique aux outre-mer

2. Une prestation très critiquée

a. Un mécanisme injuste et daté

b. Un financement coûteux

c. Des versements impossibles à contrôler

B. Une mise en extinction votée en 2008

1. Un plafonnement limité des ITR octroyées avant le 1er janvier 2009

2. Des conditions renforcées pour les bénéficiaires d’ITR octroyées entre 2009 et 2018

3. Une extinction progressive sur tous les territoires entre 2019 et 2028

4. Un dispositif désormais sous contrôle

C. La position de votre rapporteur pour avis : compenser les effets déstabilisateurs de la réforme

Examen en commission

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour l’année 2020 s’inscrit dans la continuité des décisions prises dans un passé récent pour le développement des outre-mer. Les orientations budgétaires qu’il met en œuvre sont, de fait, essentiellement déterminées par des votes antérieurs du Parlement et par les options de réforme précédemment privilégiées par le Gouvernement.

Ce budget se situe au carrefour de choix politiques qui en ont, en vérité, décidé la direction avant son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, avant même sa préparation par les services du ministère des finances et du ministère des outre-mer. Il fait partie intégrante de stratégies de long terme dont il constitue une mise en application :

–  les Assises des outre-mer, tenues entre l’automne 2017 et le printemps 2018, ont permis au Gouvernement de définir sa stratégie dans le Livre bleu présenté en juin 2018. 85 % de ses orientations sont désormais engagées, et le présent projet de loi de finances concourt à cette mise en œuvre ;

–  les contrats de convergence et de transformation prévus par la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi ÉROM », définissent un nouveau cadre partenarial dans la relation entre l’État et les collectivités ultramarines. Signés à partir de juillet 2019, les crédits qu’ils mobilisent figurent dans le projet de loi de finances ;

–  la mission Outre-mer est enfin appelée à transcrire dans les mois qui viennent des réformes d’envergure comme le changement de dimension du service militaire adapté dans le cadre du plan « SMA 2025 » signé en février 2018, la trajectoire outre-mer 5.0 lancée par le Gouvernement en avril 2019, ou encore la définition du plan « Logement outre-mer » au cours de l’été dernier.

Tous ces éléments stratégiques ne constituent plus des choix à effectuer dans la discussion budgétaire, mais des engagements à honorer pour construire la confiance sur les territoires et avec les populations.

Il existe un autre héritage qui inscrit ce budget dans un cadre général que nous ne pouvons ignorer : c’est la réforme réalisée au cours de l’exercice précédent dans les matières fiscales et sociales. Comme chaque année, la mission Outre-mer ne représente qu’une petite partie – moins de 12 % – des dépenses budgétaires nationales outre-mer par l’ensemble des ministères. Mais avec le choix du Gouvernement de privilégier les exonérations de cotisations sociales et le soutien à l’économie par des instruments communs à l’ensemble des territoires, il est devenu difficile de retracer la répartition des sommes allouées aux différentes collectivités. Alors que les crédits non répartis représentaient 176 millions d’euros en autorisations d’engagement dans la loi de finances pour 2018 (soit moins de 1 % de l’effort budgétaire global), ils atteindront en 2020 la somme de 2,5 milliards d’euros – 12 % de l’enveloppe totale.

Enfin, le Parlement doit s’attacher au respect de l’engagement pris par le Gouvernement lors des débats budgétaires de l’année 2019. Il a été indiqué, devant la Représentation nationale, que les crédits de la mission Outre-mer seraient sanctuarisés en volume à l’avenir.

C’est sur la base de ces éléments de contexte que votre rapporteur pour avis s’est livré à l’examen des crédits de la mission Outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Si les orientations soumises au Parlement s’inscrivent dans les stratégies sectorielles et globales précédemment définies, une attention particulière doit être portée à deux situations problématiques :

–  la dimension insatisfaisante du système actuel qui soumet la fixation des montants prévus en loi de finances pour les exonérations de cotisations sociales aux prévisions des organismes sociaux, prévisions dont le caractère imparfait et fluctuant est connu et qui fait peser une hypothèque lourde sur toutes les autres actions de la mission Outre-mer en cas de dérapage ;

–  la sous-consommation désormais chronique des crédits de paiement inscrits en loi de finances alors même que les besoins sur les territoires sont criants, ce qui nécessite une action résolue du Gouvernement et d’autres opérateurs publics, au premier rang desquels l’Agence française de développement, pour épauler les collectivités territoriales et les porteurs de projet dans la construction de leurs programmes et leur apporter le soutien en matière d’ingénierie qui paraît leur faire trop souvent défaut.

En considération de ces éléments et en soulignant l’impératif d’une évolution rapide sur les deux points qui viennent d’être évoqués, votre rapporteur pour avis se prononce en faveur de l’adoption des crédits de la mission Outre-mer.

*

*     *

 

   Première partie – Une baisse sensible du budget des outre-mer

I.   Des crédits de la mission Outre-mer en baisse

La mission Outre-mer du projet de loi de finances pour l’année 2020 regroupe les crédits dont dispose le ministère pour la conduite de ses actions dans les territoires ultramarins.

Évolution annuelle des crédits de la Mission Outre-mer

Numéro et intitulé (programme et action)

Autorisations dengagement
(millions deuros)

Crédits de paiement
(millions deuros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation

LFI 2019

PLF 2020

Variation

138

Emploi outre-mer

1 780,7

1 746,9

-1,90 %

1 784,0

1 750,2

-1,89 %

01

Soutien aux entreprises

1 505,4

1 470,7

-2,31 %

1 505,4

1 470,7

-2,31 %

02

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

249,7

249,8

+0,05 %

253,5

254,4

+0,36 %

03

Pilotage des politiques des outre-mer

2,1

2,1

0 %

2,1

2,1

0 %

04

Financement de l’économie (nouveau)

23,5

24,3

+3,42 %

23,0

23,0

+0,06 %

123

Conditions de vie outre-mer

880,5

808,8

-8,14 %

791,6

659,1

-16,73 %

01

Logement

222

215,0

-3,15 %

219,5

190,3

-13,31 %

02

Aménagement du territoire

184,9

196,8

+6,44 %

174,2

161,8

-7,09 %

03

Continuité territoriale

42,1

42,4

+0,90 %

41,8

42,7

+2,34 %

04

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

19,5

5,6

-71,16 %

21,2

5,6

-73,35 %

06

Collectivités territoriales

261,6

198,6

-24,09 %

236,5

171,2

-27,62 %

07

Insertion économique et coopération régionales

0,8

0,8

0 %

0,8

0,8

0 %

08

Fonds exceptionnel d’investissement

110,0

110,0

0 %

65,0

60,0

-7,69 %

09

Appui à l’accès aux financements bancaires

39,3

39,3

0 %

32,43

26,48

-18,32 %

Total Mission

2 661,3

2 555,8

-3,96 %

2 575,6

2 409,4

-6,45 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2020.

Deux programmes composent la mission Outre-mer :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » comprend quatre actions, puisqu’aux dotations destinées au soutien des entreprises ultramarines, aux dispositifs d’aide à la formation professionnelle et aux moyens de pilotage des politiques publiques s’ajoutent désormais les crédits consacrés au financement de léconomie dont l’objectif consiste à pallier les défauts du marché de l’offre bancaire d’investissement dans les outre-mer ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » compte huit actions dont les crédits destinés au financement des dispositifs propres aux outre‑mer (aménagement du territoire, fonds exceptionnel dinvestissement, aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, accès au financement bancaire) ainsi que le soutien à linvestissement des collectivités territoriales.

Le projet de loi de finances pour 2020 accuse une baisse sensible des crédits de la mission Outremer. Le budget de la mission s’élève à 2,555 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une diminution de près de 4 % par rapport à l’exercice précédent. Le recul des crédits de paiement (CP) est plus important : avec 2,409 milliards d’euros, il baisse de 6,45 %.

Crédits votés en loi de finances pour la mission Outre-mer

(en millions d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

CP

1 871

2 023

1 977

1 966

2 039

2 058

Année

2015

2016

2017

2018

2019

2020

CP

2 062

2 016

2 066

2 067

2 491

2 409

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement pour le projet de loi de finances pour 2017. Les chiffres suivants sont issus du projet annuel de performances de l’année.

Cette diminution sensible découle de la combinaison de plusieurs éléments. Si certains relèvent d’un simple effet de périmètre, d’autres traduisent des difficultés plus inquiétantes qui devront trouver une réponse dans les futures initiatives du Gouvernement.

A.   Le programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit son enveloppe reculer légèrement au regard de l’exercice 2019. Il atteint 1 746 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 750 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de lordre de 1,9 %.

      L’action n° 1 vise à soutenir l’économie ultramarine et à améliorer sa compétitivité en diminuant ses coûts de production. Elle prend la forme d’un allègement des charges sociales dont bénéficient les entreprises et les travailleurs indépendants. Elle représente 1 470,7 millions d’euros, soit près de 85 % du programme 138 et 60 % de lensemble de la mission Outre-mer, un montant renforcé au cours de l’exercice précédent avec la transformation en crédits budgétaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

•  Les crédits de l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle (action  2) connaissent une stabilité de leurs autorisations d’engagement et une très légère progression de leurs crédits de paiement (+ 0,36 %). Cette action abrite l’enveloppe allouée à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) afin de mener des programmes en matière de formation et de mobilité professionnelle. Elle met également en œuvre le service militaire adapté (SMA).

Le service militaire adapté est un dispositif destiné aux jeunes de 18 à 25 ans les plus éloignés de l’emploi dans les outre-mer, dont il participe à l’insertion sociale et professionnelle au moyen d’un environnement militaire. Il a atteint en 2017 l’objectif assigné de 6 000 personnes concernées chaque année, ce qui représente un doublement de la population accueillie par rapport à 2010.

Huit implantations accueillent les volontaires dans chacun des départements et régions d’outre-mer ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Elles dispensent une formation de dix mois et un suivi individualisé des volontaires pour un taux d’insertion professionnelle probant et en progression – de l’ordre de 82 %.

L’année 2020 marquera un tournant avec la mise en place progressive du plan SMA 2025 destiné à améliorer l’encadrement des jeunes gens et à harmoniser l’offre de formation avec les besoins géographiques. Il en découle un renforcement de l’encadrement des volontaires avec la poursuite d’un plan de recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 dès l’année 2020, et la création d’une nouvelle compagnie à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, qui vient répondre à la demande croissante exprimée dans les collectivités du Pacifique.

•  L’action n° 3 comprend les fonds destinés au pilotage des politiques publiques outre-mer. Il s’agit notamment du financement des dépenses de fonctionnement du ministère des outre-mer et de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer.

•  L’action n° 4 a été créée au cours de l’exercice budgétaire précédent. Dotée de 24,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23 millions d’euros en crédits de paiement, elle se compose à la fois de mesures antérieures transférées de l’action n° 1 – aide au fret et promotion à l’export notamment – et de dispositifs institués en 2019 à la suite des réformes fiscales portant suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) et limitation des abattements sur l’impôt sur le revenu. Le prêt de développement outre-mer pour 10 millions d’euros, les subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets pour 4 millions d’euros, le soutien au micro-crédit à hauteur de 2 millions d’euros figurent parmi ces mesures nouvelles reconduites par le présent projet de loi de finances.

 

B.   Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Les crédits des politiques publiques destinées à l’amélioration des conditions de vie outre-mer apparaissent au sein du programme 123. Celui-ci compte 808 millions d’euros en autorisations d’engagement et 659 millions d’euros en crédits de paiement, soit au regard de l’exercice précédent des baisses importantes de 8 % et 16 %.

Toutefois, ces diminutions apparaissent dues pour une bonne part à des modifications de périmètres en accord avec les collectivités ultramarines concernées :

–  conformément à l’engagement pris auprès des autorités polynésiennes par le Président de la République en 2016, la dotation globale dautonomie versée au territoire en compensation des déséquilibres liés à l’arrêt des activités du centre d’expérimentation du Pacifique, d’un montant annuel de 90,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, est transformée en prélèvement sur recettes à compter de 2020. Elle n’apparaît donc plus dans la mission Outre-mer ;

–  les crédits inscrits au contrat de convergence et de transformation conclu avec la Guyane – soit 7,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2,6 millions d’euros en crédits de paiement – ont été transférés dans la mission Cohésion des territoires afin de souligner leur caractère interministériel ;

–  à l’inverse le prélèvement sur recettes relatif à la compensation de loctroi de mer en Guyane, d’un montant de 27 millions d’euros, figure à nouveau sous la forme de crédits budgétaires.

•  Les crédits de l’action 1, relative au logement, connaissent une baisse de 3 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement. De nouveau ces chiffres doivent être relativisés puisque « le ministère en charge du logement propose de mettre en place, dans le cadre de la loi de finances 2020, une aide à l’accession logement et à la sortie de l’insalubrité outre-mer » ([1]). Ce nouveau dispositif fait l’objet de l’article 72 du présent projet de loi de finances ([2]).

•  L’action n° 2 relative à l’aménagement du territoire progresse de 12 millions d’euros en autorisations d’engagement pour atteindre 196 millions d’euros (+6,4 %), mais recule d’une somme équivalente en crédits de paiement pour s’établir à 161 millions d’euros (-7 %). Elle comprend notamment les fonds affectés aux contrats de convergence et de transformation prévus par la loi dite « ÉROM » ([3]), dont le niveau des autorisations d’engagement reste élevé (179,4 millions d’euros) afin de permettre le lancement des opérations structurantes dont les territoires ont besoin. Le niveau des crédits de paiement est lié au rythme d’avancement de ces projets ; les sommes prévues dans le projet de loi de finances permettront d’acquitter les règlements dus au titre des années antérieures.

•  Les dispositifs liés à la continuité territoriale sont financés au sein de l’action n° 3 dont les crédits progressent légèrement (+0,9 % en autorisations d’engagement, +2,34 % en crédits de paiement). Ces financements s’inscrivent dans la continuité de l’année précédente et continuent à bénéficier de l’affectation de 2 millions d’euros issus de la suppression de la TVA NPR et de la réforme de l’imposition sur le revenu outre-mer

•  L’action n° 4 relative aux politiques sanitaire, sociale, culturelle, sportive et à destination de la jeunesse subit une baisse supérieure à 70 % en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Elle passe d’une vingtaine de millions d’euros en 2019 à 5,6 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. L’explication de ce recul réside dans l’expiration de la convention conclue le 16 avril 2015 entre l’État et les autorités polynésiennes pour l’abondement par la loi de finances du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) et dans l’achèvement du projet triennal de modernisation du service d’oncologie de l’hôpital de Papeete.

•  Consacrée au soutien aux collectivités territoriales, l’action n° 6 connaît également une diminution importante : de 261 millions d’euros à 198 millions d’euros en autorisations d’engagement, de 236 millions d’euros à 171 millions d’euros en crédits de paiement. La transformation en prélèvement sur recette de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française (90,5 millions d’euros), et la budgétisation de la compensation de l’octroi de mer en Guyane (27 millions d’euros) expliquent cette variation. L’action continue d’abriter les crédits transcrivant les engagements pris envers la Guyane, avec la poursuite de l’effort de construction de lycées (50 millions d’euros) et la dotation spéciale d’équipement scolaire de ce territoire (15 millions d’euros), ainsi que la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires à Mayotte (10 millions d’euros) et la dotation équivalente versée à la Nouvelle-Calédonie pour la construction et l’équipement de ses collèges (11,8 millions d’euros).

• Les actions  7 sur l’insertion économique et les coopérations régionales,  8 sur le Fonds exceptionnel dinvestissement et 9 pour l’appui à l’accès aux financements bancaires par l’entremise de l’Agence française de développement (AFD) sont stables en autorisations d’engagement. Les actions n° 8 et n° 9 connaissent cependant un recul significatif de leurs crédits de paiement, de l’ordre de 7 % pour l’une et de 18 % pour l’autre, en raison de la sous-consommation des crédits qui a marqué l’exécution des précédents exercices budgétaires.

II.   Les éléments saillants de l’exercice 2020

A.   Le premier bilan des réformes de l’exercice précédent

1.   Des conséquences qui restent à préciser

Le projet de loi de finances pour 2019 avait été l’occasion de réformes fiscales et sociales structurelles qui avaient profondément modifié les équilibres de la mission Outre-mer :

–  la disparition du crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi (CICE) sur l’ensemble du territoire national ([4]) avait induit une redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l’outre-mer dès le 1er janvier 2019, avec pour conséquence une augmentation des crédits de la mission de 296 millions d’euros ;

–  l’abaissement du plafond de la réduction dimpôt sur le revenu pour domiciliation ultra-marine devait concerner 50 000 foyers fiscaux et dégager en année pleine 70 millions d’euros, intégralement réaffectés à la mission ;

–  le mécanisme de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) avait été supprimé et compensé par des crédits d’intervention pour un montant équivalent de 100 millions d’euros.

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2019 ([5]), votre rapporteur pour avis avait pris acte de la stratégie globale du Gouvernement tendant à substituer au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi des allègements de cotisations sociales. En revanche, il soulignait que l’abaissement du plafond de réduction d’impôt sur le revenu et la disparition de la TVA NPR engendraient des transferts de charges entre foyers, parmi les entreprises et entre les territoires d’outre-mer qui ne semblaient pas avoir été suffisamment expliqués aux parties prenantes et pouvaient légitimement jeter la suspicion.

Un an après le vote de ces réformes, leurs effets demeurent encore difficiles à évaluer en raison, principalement, de leur entrée en vigueur progressive.

Les représentants des entreprises ultramarines estiment que la combinaison des différents mouvements – TVA NPR, impôt sur les sociétés, zone franche, non-compensation intégrale du CICE – grève leurs résultats de cent à cent cinquante millions d’euros. Par ailleurs, l’exonération de charges bénéficie essentiellement aux secteurs dans lesquels la grille salariale est peu élevée, mais pénalise la compétitivité des domaines d’activités dans lesquels les rémunérations excèdent les seuils d’exonération. Alors que le tourisme, l’industrie et l’hôtellerie semblent avoir amélioré leurs résultats grâce à la réforme, « 85 % des entreprises de l'agroalimentaire sont perdantes avec parfois un renchérissement du coût du travail de 6% » selon le président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) ([6]).

Par ailleurs, alors que la TVA NPR constituait un moyen direct de soutien à l’activité ultramarine, les dispositifs qui lui ont succédé ont distendu le lien entre la dépense publique et son effectivité sur le territoire. Si le prêt de développement outre-mer (PRÉDOM) doté de 10 millions d’euros dans le cadre du programme 138 est globalement salué pour son efficacité, les autres dispositifs de subvention d’investissement, de soutien au microcrédit ou d’accompagnement des collectivités s’avèrent peu lisibles pour les opérateurs économiques.

2.   La question de la compensation des exonérations de charges patronales sociales

Au cours de l’année 2018, les prévisions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) avaient fait apparaître, au rythme des rattrapages effectués par les caisses générales de sécurité sociale pour corriger les blocages intervenus depuis 2016 dans le traitement des déclarations sociales, une accélération des sommes à imputer sur le programme 138, « Emploi outre-mer ». Ainsi les premiers mois de l’année avaient-ils vu la réalisation de corrections manuelles sur les exercices précédents équivalentes à un montant de 63 millions d’euros. Dans son avis précité sur le projet de loi de finances pour 2019, votre rapporteur pour avis redoutait « un besoin de financement nécessitant pour son règlement le dégel de la totalité de la réserve gouvernementale du programme 138 – soit 34,4 millions deuros en autorisations dengagement et 35,2 millions deuros en crédits de paiement – mais aussi une ouverture de crédits complémentaires ».

Le projet de loi de finances pour 2020 est fondé sur une hypothèse inverse. Les prévisions de l’ACOSS, effectuées au début de l’été, indiquent une variation à la baisse du montant total des exonérations de cotisations de l’ordre de 34 millions d’euros au regard de l’exercice précédent.

Cette situation est extrêmement inconfortable car elle prive les décideurs publics de toute visibilité sur le pilotage du budget de la mission Outre-mer :

–  sans que soient en cause les compétences des personnels de l’ACOSS, les prévisions réalisées sont par nature incertaines puisqu’elles dépendent directement de l’activité économique de l’année en cours, de sorte que le montant exact des exonérations ne peut être calculé qu’une fois l’exercice budgétaire achevé ;

–  or, les exonérations de charge comptent pour 60 % de l’ensemble de la mission Outre-mer, si bien qu’une légère évolution des sommes en jeu entraîne des reports massifs de crédits depuis les autres actions pour compenser le déséquilibre ;

–  afin de limiter ce risque, le ministère des Finances impose sur le programme 138 un taux de réserve de 4 % destiné à absorber le différentiel éventuel entre la prévision retenue et les montants effectivement mobilisés.

Votre rapporteur pour avis estime que ce mécanisme pénalise gravement l’action publique dans le cadre de la mission Outre-mer puisque des dépenses contraintes et imprévisibles viennent remettre en cause en cours d’exercice les initiatives par ailleurs acceptées par le Parlement dans tous les autres aspects de la vie des populations ultramarines. Il juge que d’éventuelles variations, à la hausse comme à la baisse, devraient être prises en compte au sein du budget de l’État – nettement plus conséquent et donc à même de les absorber sans que la trajectoire tendancielle s’en trouve altérée – et non sur la seule mission Outre-mer qui ne dispose pas de la surface nécessaire pour résister à de telles inflexions. Enfin, il s’inquiète des effets de périmètre qui pourraient découler des ajustements entre les différents programmes, les exonérations de cotisations sociales concernant une partie seulement des territoires ultramarins quand les actions appelées à compenser un éventuel déséquilibre peuvent viser l’ensemble des outre-mer.

B.    La sous-consommation des crédits budgétaires alloués

L’exercice budgétaire 2018 a fait apparaître des sous-consommations, portant essentiellement sur le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », à hauteur de 120,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 144,5 millions d’euros en crédits de paiement.

Sagissant des autorisations d’engagement, cette sous-consommation était seulement optique : après déduction des retraits des années antérieures, des montants correspondants aux fonds de concours à l’utilisation fléchée et reportables de droit sur l’exercice suivant, et la prise en compte des produits de cession des sociétés immobilières des départements d’outre-mer (SIDOM) ouverts en loi de finances rectificative, l’enveloppe des autorisations d’engagement du programme 123 a été consommée à hauteur de 99,86 %.

La situation est plus délicate en ce qui concerne les crédits de paiement : après corrections techniques, ce sont 70,4 millions qui nont pu être utilisés ni reportés.

Cette difficulté ne semble pas conjoncturelle puisqu’elle semble appelée à se répéter au cours de l’exercice en cours. À la fin du mois d’août 2019, le taux d’exécution des crédits du programme 123 était de 49,2 % en autorisations d’engagement et de 39,1 % en crédits de paiement, en fort recul par rapport aux chiffres de 2018 – respectivement 57,5 % et 47 % à la même date.

Si les opérations engagées ne sont aucunement remises en cause et si le maintien du volume des autorisations d’engagement fait que les seules conséquences sur le terrain sont un rallongement des délais de réalisation des opérations, cette sous-consommation chronique n’a pas échappé au ministère des Finances. Elle est responsable de la baisse marquée du volume de crédits de paiement de la mission Outre-mer dans le présent budget.

Le ministère des outre-mer a sollicité un retour d’expérience avec les territoires concernés par la sous-exécution afin d’en identifier les causes et d’en corriger les effets. Au plan local, les dialogues de gestion entre les responsables de programme et les maîtres d’ouvrages ont été renforcés, de façon à fiabiliser les prévisions de dépenses en crédits de paiement. Par ailleurs, des relances plus formelles sont adressées aux maîtres d’ouvrage concernant la production des factures et pièces justificatives nécessaires au règlement des factures. Dans certains cas, des modifications ont été apportées aux critères de programmation des opérations afin d’éviter des engagements budgétaires sur des opérations dont la maturité n’est pas garantie.

S’agissant du Fonds exceptionnel d’investissement (FEI), une consigne a été donnée pour privilégier en 2019 des projets prêts à être engagés et réalisés, au moins partiellement, dans l’année.

Votre rapporteur pour avis appelle l’attention de tous sur les difficultés dingénierie de projet signalées comme un facteur déterminant dans les retards de consommation. À Mayotte et en Guyane, des plateformes d’ingénierie ont été constituées afin d’accompagner les collectivités confrontées à ces difficultés. Plus généralement, le soutien apporté par l’Agence française de développement gagnerait à être renforcé.

Eu égard aux difficultés rencontrées par les populations ultramarines, il n’est pas acceptable que les crédits mobilisés par l’État – il en va de même pour les fonds de l’Union européenne – demeurent inutilisés. Ce ne sont pas les besoins de financements qui manquent, mais la technique juridique et administrative qui fait défaut. Ces carences peuvent être palliées facilement et à moindre coût : elles doivent l’être sans tarder. L’efficacité budgétaire ne saurait faire prévaloir une logique froide d’exécution sans mettre en œuvre une recherche dynamique de nouveaux outils d’accompagnement des collectivités ultramarines, notamment pour la conduite de projets.

III.   Les crédits globaux en faveur des outre-mer au sein du budget

A.   Un montant très supérieur à la seule mission Outre-mer

Le montant total des contributions budgétaires en autorisations d'engagement communiqué par les responsables de programme s'élève à 22,05 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances. L’effort global de la nation en faveur des outre-mer progresse donc légèrement en 2020 au regard de l’année 2019 (21,89 milliards d’euros) et de plus de 2 % par rapport à l’exercice 2018 (21,57 milliards d’euros).

Les missions Enseignement scolaire (24,8 %), Gestion des finances publiques (15,3 %), Outre-mer (11,6 %), Relations avec les collectivités territoriales (9,8 %) et Écologie (7,9 %) représentent à elles seules 68,9 % de l’effort de l’État en outre-mer.

Effort budgétaire et financier de l’État

Source : document de politique transversale Outre-mer, projet de loi de finances 2020.

Les missions Écologie et Enseignement scolaire connaissent, toujours au titre de l’effort de l’État en outre-mer, les hausses les plus importantes en valeur absolue, avec respectivement 129,7 millions d’euros et 110,5 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’exercice précédent.

La mission Outre-mer connaît la plus forte diminution en valeur absolue (105,5 millions d’euros) ([7]) suivie par la mission Justice (- 95,6 millions d’euros). Cette dernière baisse est la conséquence de l’achèvement en 2020 (21,9 millions d’euros) de l’effort en matière d’investissement sur le programme 107 « Administration pénitentiaire » qui s’était poursuivi en 2019 (170,8 millions d’euros).

B.   Des crédits répartis sur l’ensemble des territoires

La présentation des dotations budgétaires consacrées aux outre-mer doit prendre en considération les spécificités économiques, juridiques et humaines de chacune des collectivités concernées. Les défis auxquels sont confrontés les espaces d’outre-mer sont très différents. Par exemple, la question démographique posée aux Antilles, où Martinique et Guadeloupe connaissent un recul de leur population, appelle une action de l’État très différente de celle qu’impose la rapide croissance constatée en Guyane et à Mayotte. En outre, les différences statutaires ont des conséquences sur l’engagement de l’État, selon que des taxes nationales y sont prélevées ou non. Enfin, un évènement conjoncturel – climatique notamment – peut justifier des engagements budgétaires massifs qui n’ont pas vocation à s’inscrire dans la durée.

Évolution de l’effort budgétaire et financier de l’État par DROM-COM

en millions d’euros

AE 2018

AE 2019

AE 2020

Évolution 2020/2019

Guadeloupe

3 852

3 476

3 500

+0,7 %

Guyane

2 747

2 817

2 680

-4,8 %

Martinique

3 258

2 882

2 837

-1,6 %

La Réunion

7 183

6 480

6 322

-2,4 %

Mayotte

1 348

1 398

1 366

-2,3 %

Nouvelle-Calédonie

1 293

1 296

1 198

-7,5 %

Polynésie française

1 325

1 343

1 221

-9,1 %

Wallis et Futuna

137

139

149

+7,1 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

110

114

109

-4,4 %

Saint-Martin

112

120

91

-24,3 %

Saint-Barthélemy

5,00

2,19

0,09

-95,9 %

TAAF

27

14,5

15

+3,3 %

Non réparti

176

1 808

2 561

+41,6 %

Total (tous territoires)

21 579

21 895

22 054

+0,7 %

Source : document de politique transversale outre-mer, projet de loi de finances pour 2020.

Le tableau ci-dessus retrace l’engagement de l’État en faveur de chacun des territoires ultramarins et son évolution au cours des trois dernières années. Il appelle les commentaires suivants de la part de votre rapporteur pour avis ([8])  :

–  la baisse significative des autorisations d’engagement constatée au cours des trois dernières années dans certains territoires – La Réunion, Martinique et Guadeloupe notamment, même si cette dernière voit ses autorisations d’engagement croître légèrement dans le présent projet de loi de finances sans toutefois compenser les baisses antérieures – s’explique par la très forte croissance des crédits non répartis correspondants aux dispositifs de soutien à l’économie qui ne sont pas fléchés vers un territoire particulier, au contraire des dispositifs fiscaux auxquels ils ont succédé ;

–  la mobilisation des moyens de l’État afin de venir en aide aux territoires frappés par louragan Irma en 2018 s’est traduite par un brusque accroissement des enveloppes octroyées aux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. L’avancement des opérations de reconstruction explique le tarissement de ce financement par nature exceptionnel ;

–  parmi les départements et régions doutre-mer, dans lesquels les services de l’État exercent un grand nombre de compétences, les dotations sont logiquement plus importantes que dans les collectivités bénéficiant d’une large autonomie. Parmi ces dernières, la Polynésie française recule optiquement du fait de la transformation en prélèvement sur recettes de sa dotation globale d’administration.

Comme à l’occasion du précédent exercice budgétaire, votre rapporteur pour avis éprouve des difficultés à tirer des conclusions sur les différences de dotation moyenne par habitant et par territoire qui ressortent du document de politique transversale. Les montants présentés n’intègrent pas les crédits non répartis géographiquement ; or, depuis 2019, ces enveloppes représentent une part significative de l’action publique outre-mer – de l’ordre de 12 % du total, sans qu’il soit possible d’apprécier dans quelle mesure ce reliquat se répartit également ou non sur l’ensemble des territoires.

Ils font apparaître, en première analyse, que les départements et régions d’outre-mer recevront, en 2020, un soutien de l’État par habitant variant entre 5 052 et 9 859 euros entre Mayotte et la Guyane. Votre rapporteur pour avis se réjouit que les crédits alloués aux Mahorais, qui étaient inférieurs à 5 000 euros par habitant en 2018, excèdent pour la deuxième année consécutive ce seuil critique en dépit de la croissance continue de la population. Toutefois, le chemin à parcourir demeure important pour hisser Mayotte à un niveau de dépense moyenne par habitant comparable aux autres départements et régions d’outre-mer.

effort budgétaire et financier par DROM-COM et par habitant

 

Population

AE 2019
(en millions euros)

Ratio
(en euros par habitant)

Guadeloupe

400 170

3 500

8 746

Guyane

271 829

2 680

9 859

Martinique

382 294

2 837

7 421

La Réunion

862 814

6 322

7 327

Mayotte

‎270 372

1 366

5 052

Nouvelle-Calédonie

280 460

1 198

4 271

Polynésie française

‎ 283 007

1 221

4 233

Wallis et Futuna

11 558

149

12 891

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 246

109

17 451

Saint-Martin

36 527

91

2 491

Saint-Barthélemy

9 912

0,09

9

TAAF

(non permanents)

15

Non pertinent

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale, ministère des Outre-mer, Insee ([9]).

La situation de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution est, quant à elle, trop marquée par la disparité des territoires et des populations pour qu’il soit possible d’interpréter les chiffres présentés. On se bornera à constater que les dotations par habitant sont similaires entre les populations polynésiennes et calédoniennes, comparables en nombre.

IV.   L’Union européenne et ses concours financiers

La France distingue les collectivités doutre-mer en deux catégories : dune part, les départements et régions doutre-mer (DROM), collectivités régies par larticle 73 de la Constitution où sapplique un principe didentité législative, et, dautre part, la Nouvelle-Calédonie et les collectivités doutre-mer relevant de larticle 74 de la Constitution (COM) où prévaut une plus grande liberté dorganisation et de fonctionnement au regard du droit commun.

L’Union européenne opère, quant à elle, une distinction voisine entre les régions ultrapériphériques (RUP), où le droit européen s’applique par principe et où peuvent intervenir les fonds structurels européens, et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), où le droit européen s’applique avec une latitude variable, aux statuts déterminés spécifiquement et où les dotations du fonds européen de développement (FED) constituent la seule enveloppe financière accessible.

Ces distinctions se recoupent pour l’essentiel : au statut de DROM correspond celui de RUP, à celui de COM la qualification de PTOM ([10]).

Toutefois, bien qu’elle soit une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, Saint-Martin constitue par exception une région ultrapériphérique de l’Union européenne ([11]).

A.   Les concours européens aux régions ultrapériphériques

Les crédits alloués par l’Union européenne au titre de la politique de cohésion, de l’agriculture et de la pêche aux régions ultrapériphériques françaises atteignent des montants significatifs : ils correspondent à plus de 5 milliards d’euros pour la programmation 2014/2020.

Ces dotations proviennent :

–  du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui intervient dans les domaines de la prévention des risques, de la recherche, du développement économique, de l’environnement, de la culture et de l’édification d’infrastructures de transport et d’énergie ;

–  du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;

–  du Fonds social européen (FSE) ;

–  du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Les régions ultrapériphériques bénéficient également du programme Interreg de promotion de la coopération des régions européennes entre elles. Ses interventions de prédilection ont lieu dans le domaine de l’environnement et en faveur du développement économique.

Programmation 2014/2020

En millions deuros

Guadeloupe*

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

Total

*dont Saint-Martin

Programmes gérés par les régions ou collectivités uniques AG Région

610,8

392,6

521

0

1130,5

2654,9

0

FEDER

424,1

286,1

352

0

940,2

2002,4

0

Allocation RUP

97,8

52,1

93,1

0

190,3

433,3

0

FSE

86,7

54,4

73,4

0

0

214,5

0

Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par les régions ou collectivités

2,2

0

2,5

0

0

4,7

0

Programmes gérés par l’État (Préfets)

203,8

83,9

124,7

217,2

516,8

1146,4

54,4

FEDER

31,4

 

 

148,9

 

180,3

31,4

FSE

165,2

83,9

124,7

65,5

516,8

956,1

15,8

Allocation RUP

7,2

0

0

2,8

0

10

7,2

Total général FEDER-FSE

814,6

476,5

645,7

217,2

1647,3

3801,3

54,4

Programme national Initiative pour l’emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par l’État (Préfets)

19

13

15,4

10

73,2

130,6

1,2

IEJ

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

FSE

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

Total FEDER-FSE/IEJ

833,6

489,5

661,1

227,2

1720,5

3931,9

55,6

Total FEADER

171

112

130,2

60

385,5

858,7

3

Total FEAMP régionalisé

9,6

7,1

9,7

3

11,9

41,1

0,769

Total (Hors programmes de coopération)

1014,2

608,6

801

290,2

2117,9

4831,7

59,3

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Programmes EUROPéens de coopération territoriale 2014/2020

(en euros)

Océan indien

Caraïbes

Amazonie

Mayotte

Saint-Martin

Total

Transfrontalier

41 398 967

41 143 733

14 080 000

12 033 000

10 000 000

118 655 700

Transnational

21 788 162

23 179 821

4 827 317

 

 

49 795 300

Total

63 187 129

64 323 554

18 907 317

12 033 000

10 000 000

168 451 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

B.   Les concours européens aux pays et territoires d’outre-mer

Les sommes allouées par le fonds européen de développement (FED) sont nettement plus faibles que les dotations octroyées aux RUP : 286 millions d’euros sur l’exercice 2014-2020 pour les vingt-cinq PTOM de l’Union européenne. Les volets régional et thématique ont une approche par projets tandis que le volet territorial consiste en un appui budgétaire.

Le FED territorial verse 105,6 millions d’euros aux collectivités françaises (+ 27 % au regard de la programmation précédente).

FED territorial (2014-2020)

 

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Saint-Pierre-et-Miquelon

Secteur

Emploi et insertion professionnelle

Tourisme

Développement numérique

Tourisme durable et desserte maritime

Montant (en millions deuros)

29,8

29,95

19,6

26,3

Évolution /
2008-2013

+ 50,4%

+ 51%

+ 29%

+ 26,8%

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Quant aux programmes FED régional et thématiques, ils distribuent quelque 100 millions d’euros. Les collectivités françaises n’y sont pas identifiées.

FED régional et FED thématique (2014-2020)

 

FED Pacifique

FED Océan indien

FED Caraïbe

FED thématique

PTOM concernés

4 PTOM dont 3 français

Les TAAF
(seul PTOM bénéficiaire)

12 PTOM dont Saint-Barthélemy 

 

Les 25 PTOM

Secteur de concentration

Changement climatique et biodiversité

Écosystèmes terrestres et marins, énergies durables, biodiversité marine

Énergies durables et biodiversité marine

Changement climatique et énergies durables

Montant (en millions deuros)

36

4

40

16 à 18

Évolution /
2008-2013

+ 300%

+ 33,33% (malgré la sortie de Mayotte)

+ 42,85%

Nouveau programme

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.


   Seconde partie – Deux politiques publiques spécifiques aux outre-mer

Votre rapporteur pour avis a souhaité plus particulièrement consacrer ses travaux, cette année, à des politiques publiques et à des mécanismes applicables uniquement aux outre-mer et dont le périmètre a fait l’objet de réformes en cours d’implémentation.

Il s’est ainsi attaché à distinguer les succès, les échecs et les angles morts de la politique de continuité territoriale, dont la vocation consiste à prendre à la charge de l’État une partie des frais de transports acquittés par les ultramarins pour se déplacer sur le territoire national.

Il a également tiré un premier bilan de la réforme de l’indemnité temporaire de retraite votée en 2008 et dont l’entrée en vigueur sera achevée en 2028.

I.   La continuité territoriale

Le principe de continuité territoriale fut défini dans les années 1970 pour faciliter les liaisons entre la Corse et le continent. Conçue comme une extension du transport ferroviaire, elle a été appliquée à partir du 1er janvier 1976 au transport maritime et à partir de 1979 à certaines lignes aériennes.

A.   La politique nationale de continuité territoriale à destination des outre-mer

1.   Une création récente

Le cadre des premières aides au déplacement aérien a été défini par M. Jacques Chirac, Président de la République, dans un discours prononcé le 12 avril 2002. Les engagements pris alors se sont traduits par une circulaire du 8 août 2002 qui a créé le dispositif d’aide de l’État aux déplacements, par le mode aérien, des étudiants et des stagiaires de la formation professionnelle résidant outre-mer, appelé dès cette époque « passeport mobilité ».

Ce dispositif a été conforté par la loi  2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer qui instituait une dotation de continuité territoriale, dispositif d’aide financé essentiellement par l’État mais mis en œuvre par les collectivités ([12]).

Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur le développement économique et social de l’outre-mer, Paris, 12 avril 2002

Nous vivons dans une société d’échanges où le premier facteur de développement réside dans le contact avec l’extérieur. J’avais engagé en 1986 une politique des transports qui ouvrait la desserte aérienne de l’outre-mer à d’autres compagnies que la compagnie nationale. Cette politique doit être poursuivie, avec la volonté d’assurer, par une saine concurrence, une meilleure desserte avec la métropole.

Je m’engage à faire bénéficier les collectivités d’outre-mer d’un dispositif d’abaissement du coût des transports. Ce système, que nous mettrons en place grâce à un partenariat entre l’État, les collectivités locales et l’Europe, vaudra non seulement pour les billets d’avion, mais aussi pour les liaisons maritimes ou pour le fret à l’exportation.

Je m’engage aussi à créer pour les jeunes en cours d’études un « passeport mobilité » assurant la prise en charge de leurs billets d’avion, en combinant le système des bourses universitaires et les conventions avec des organismes de formation.

Cette politique volontariste pour abaisser le coût des transports entre la métropole et l’outre-mer réduira d’autant les inconvénients que représente, en terme de charges pour un employeur, le coût supplémentaire d’un salarié originaire d’outre-mer en raison du dispositif des congés bonifiés. Nous savons en effet que ce régime, sur lequel il n’est pas question de revenir, constitue un frein à l’emploi, dû à ce surcoût des frais de transport.

Très critiquée par la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2008 en raison de son caractère de subvention ([13]), de son hétérogénéité d’application selon les territoires et de son coût budgétaire d’une trentaine de millions d’euros exclusivement supporté par l’État ([14]), la dotation de continuité territoriale avec l’outre-mer » a fait place à un nouveau cadre juridique en 2009.

La loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodéom », pose les bases de la politique de continuité territoriale contemporaine ([15]). Celle-ci est désormais définie à l’article L. 18031 du code des transports, dont la rédaction a été complétée en 2017 par la loi dite « ÉROM » ([16]).

Article L. 1803‑1 du code des transports

Dans les conditions déterminées par les lois et règlements, les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer, au profit de l’ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies, une politique nationale de continuité territoriale.

Cette politique repose sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République. Elle tend à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d’outre-mer. Peuvent en bénéficier, dans des conditions prévues par la loi, des personnes résidant en France métropolitaine.

2.   Les dispositifs permettant la continuité territoriale

Les dispositifs prévus dans le cadre de la politique de continuité territoriale ont longtemps exclusivement concernées les personnes établies dans une collectivité d’outre-mer. Cette situation a évolué avec la loi ÉROM qui a institué, dans le domaine très spécifique de l’accompagnement funéraire, un principe de « continuité territoriale inversée » permettant à des résidents des départements européens de bénéficier d’une aide pour se rendre outre-mer.

La continuité territoriale se compose désormais :

–  de l’aide à la continuité territoriale (ACT) prévue à l’article L. 1803-4 du code des transports, aux termes duquel l’État concourt au financement d’une partie des titres de transport des personnes résidant outre-mer entre leur collectivité de résidence et le territoire métropolitain ;

– du passeport pour la mobilité des études (PME) de l’article L. 1803‑5 du code des transports, qui finance une partie du déplacement des étudiants de l’enseignement supérieur inscrits en dehors de leur collectivité de résidence, lorsque le cursus universitaire dans la filière choisie n’y est pas proposé. Le taux de prise en charge varie selon que le bénéficiaire est ou non titulaire d’une bourse d’État sur critères sociaux. Les lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy ont également accès à cette aide ([17]) ;

–  du passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP) prévu à l’article L. 1803-6 du code des transports, qui s’adresse aux jeunes ultramarins désireux de suivre une formation indisponible dans la collectivité dans laquelle ils résident. Le PMFP comprend une aide financière au déplacement et à l’installation, la prise en charge des frais liés à la formation, une allocation mensuelle pendant la durée des apprentissages et un accompagnement destiné à favoriser l’entrée dans l’emploi lors de l’obtention de la qualification ou du diplôme. Les bénéficiaires disposent de cinq ans pour retourner dans leur collectivité d’origine avec les compétences acquises ;

–  du passeport pour la mobilité en stage professionnel (PMSP) de l’article L. 1803‑5‑1 du code des transports, destiné aux élèves et étudiants inscrits en filière professionnelle qui, dans le cadre de leurs études, doivent effectuer un stage pour lequel le référentiel de formation impose une mobilité hors de la collectivité de résidence, ou pour lesquels les entreprises locales n’offrent pas le stage recherché ;

–  des deux nouveaux dispositifs funéraires des articles L. 1803-6-1 et L. 180362 du code des transports issus de la loi ÉROM précitée, qui ont pour particularité d’être accessibles aux résidents des outre-mer comme de métropole.

Les dispositifs funéraires de la politique de continuité territoriale

L’État accorde une aide à la continuité territoriale motivée par la participation à des obsèques ainsi qu’une aide au transport de corps de ou vers l’outre-mer.

Ces mesures ont été précisées par le décret n° 2018-155 du 1er mars 2018 pris pour l’application des articles L. 1803-1 à L. 1803-9 du code des transports. Il prévoit un dépôt de la demande d’aide dans un délai de trois mois à compter de la date du voyage aller vers le lieu des obsèques ou à compter du décès nécessitant un transport de corps.

Les montants versés et l’éligibilité à l’aide varient selon la liaison empruntée et les ressources du demandeur. Pour un déplacement effectué en vue de se rendre aux obsèques d’un parent, les montants s’étendent de 85 à 530 euros.

Pour le transport du corps, l’aide couvre la moitié des frais engagés pour le service de transport aérien du corps dans un plafond de 500, 1 000 ou 2 000 euros selon la distance à parcourir. Le transport de corps peut avoir lieu entre deux outre-mer lorsque le décès est intervenu au cours ou à la suite d’une évacuation sanitaire. Le soutien public n’est accordé qu’en cas de défaut d’assurance couvrant les frais de rapatriement du corps.

En raison des conditions d’urgence qu’exigent les situations de décès et d’obsèques, la demande d’aide peut être déposée a posteriori. Elle fonctionne donc par remboursement d’une partie de la dépense engagée par les familles. Or, eu égard aux conditions de ressources des potentiels bénéficiaires, les familles ont des difficultés à préfinancer la dépense. Un accompagnement a priori paraît par ailleurs impossible au vu du faible délai qui sépare habituellement un décès de funérailles.

À ce jour, une trentaine de demandes ont été formulées, essentiellement inéligibles. Ce premier bilan est particulièrement insatisfaisant.

Les aides sont attribuées sous condition de ressources. Les plafonds sont fixés par arrêtés conjoints du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’outre-mer, en tenant compte, notamment, du revenu moyen par habitant dans chacune des collectivités concernées et de la distance entre chacune d’elles et le territoire européen ([18]).

L’article L. 1803-2 du code des transports prévoit qu’un « fonds de continuité territoriale » finance ces différentes aides. Chaque année, la loi de finances fixe le montant des ressources qui lui sont affectées ([19]).

Les différents dispositifs de continuité territoriale

 

Aide à la continuité territoriale (ACT)

Passeport pour la mobilité des études (PME)

Passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP)

Passeport pour la mobilité en stage professionnel (PMSP)

Transport des corps

Public

Tout public

Étudiants

Personnes ayant un projet de formation ou d’insertion professionnelle en mobilité

Étudiants ou lycéens devant effectuer un stage en mobilité

Personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles

Lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy

Défaut de contrat d’assurance couvrant le risque

Conditions

Une aide tous les 4 ans

Étudiants de moins de 26 ans

Projet de formation ou d’insertion professionnelle en mobilité

Effectuer un stage en mobilité

Formation indisponible sur place

Une aide par an

Conditions de ressources

Oui

Destinations possibles

Métropole (outre-mer si obsèques)

Métropole, outre-mer, Union européenne

Métropole, outre-mer, Union européenne

Étranger (expérimentation 2019)

Métropole et outre-mer

Montant de l’aide

Variable suivant la collectivité de résidence

100 % du coût du transport pour les boursiers

100 % du coût du transport

+

aides à la formation

100 % du coût du transport

50 % du coût du transport (plafonné en fonction de la distance)

50 % du coût du transport pour les non-boursiers

Source : projet annuel de performance pour 2020, p. 94.

B.   Un opérateur, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité

La gestion des crédits du fonds de continuité territoriale, qui figurent au programme n° 123, est assurée :

– en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, par les services déconcentrés de l’État, à hauteur de 5,4 millions d’euros ;

–  en ce qui concerne les départements et régions d’outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, soit 26,05 millions d’euros, par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) ([20]).

LADOM est également chargée, dans le cadre du programme n° 138, de la recherche des offres de formation et du versement des aides à la formation destinées aux bénéficiaires du passeport pour la mobilité de la formation professionnelle, pour 24 millions d’euros.

L’Agence, opérateur unique du ministère des outre-mer, est un établissement public administratif depuis le 1er janvier 2016 ([21]).

Ressources budgétaires de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité

(En millions d’euros)

Programme

Enveloppe

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

138

Subvention pour charge de service public

7,50

7,50

7,20

7,20

7,20

7,20

138

Dotation en fonds propres

0

0

2,30

1,90

0,30

0,68

138

Passeport pour la mobilité de la formation professionnelle

25,31

26,03

25,24

26,00

23,90

24,62

123

Fonds de continuité territoriale

25,90

25,90

26,56

26,56

26,05

26,05

Total

58,71

59,43

61,30

61,66

57,01

58,22

Source : LADOM, projet annuel de performance pour 2020.

Les ressources dont dispose LADOM pour le financement de la continuité territoriale reculent légèrement. Cette situation résulte :

–  d’une situation conjoncturelle, l’Agence ayant achevé la modernisation de son système d’information qui avait justifié des dotations en fonds propres de l’ordre de deux millions d’euros en 2019 ;

–  d’une amélioration structurelle de l’offre de formation dans les territoires ultramarins, de sorte que les demandes de déplacement vers l’Europe sur ce fondement connaissent une baisse tendancielle.

C.   La position de votre rapporteur pour avis : relever le défi de la continuité intérieure

La politique de continuité territoriale constitue un volet essentiel de l’action de l’État outre-mer. Sans effacer les difficultés qui naissent de la distance, de l’insularité et d’une population limitée en nombre, elle garantit la possibilité pour les ultramarins d’acquérir des compétences dans les meilleures formations françaises, de se déplacer plus facilement vers l’Europe, de se sentir pleinement français dans l’espace national.

En 2018, ce sont près de 39 000 résidents des collectivités ultramarines qui ont bénéficié d’un des dispositifs de la continuité territoriale.

Nombre de personnes concernées par statut et par territoire en 2018

 

ACT

PME

PMFP

PMSP

Total

Guadeloupe, Saint-Martin, Saint Barthélémy

7 136

1 704

1 007

113

9 960

Martinique

9 199

1 401

1 029

30

11 659

Guyane

2 249

634

308

137

3 328

Réunion

32

1 608

1 505

94

3 239

Mayotte

1 377

3 793

484

17

5 671

Saint-Pierre-et-Miquelon

0

116

11

0

127

Wallis et Futuna

327

392

44

0

763

Polynésie Française

492

600

168

0

1 260

Nouvelle-Calédonie

1 689

947

236

0

2 872

Outre-mer

22 501

11 195

4 792

391

38 879

Source : ministère des outre-mer.

Votre rapporteur pour avis considère satisfaisantes les réponses apportées à ses craintes devant le recul du budget de LADOM. L’achèvement de la modernisation de l’instrument informatique en explique l’essentiel. Quant à la moindre nécessité d’une mobilité professionnelle du fait du développement constant des offres de formation sur place, elle constitue de toute évidence une bonne nouvelle pour les collectivités d’outre-mer et leurs populations.

Pour autant, la situation actuelle demeure perfectible.

Les nouveaux dispositifs de transport de corps et d’aide aux obsèques ont été manifestement mal conçus puisque la quasi-totalité des demandes formulées sont déclarées inéligibles.

Surtout, la compétence de l’État en matière de desserte aérienne porte sur les liaisons extérieures à chacune des collectivités. L’aide à la continuité territoriale se limite donc à la liaison entre l’aéroport international d’un territoire ultramarin et la France métropolitaine. Cette contrainte pose deux difficultés : la question de la continuité intérieure et celle des liaisons vers d’autres destinations plus proches.

1.   La question de la continuité intérieure

Seuls les voyageurs accompagnés dans le cadre d’un programme de formation professionnelle bénéficient d’un financement de leur pré-acheminement vers l’aéroport international du territoire. Les autres publics sont contraints d’assumer seuls les frais qui résultent de cette première partie de trajet. Or, les sommes en jeu peuvent atteindre des montants significatifs dans des territoires étendus, difficiles d’accès ou archipélagiques, et il n’apparaît pas juste de laisser les collectivités seules en charge d’aider les citoyens dans ces déplacements.

Cette opinion n’est pas seulement celle de votre rapporteur pour avis : elle est aussi l’expression de la volonté du législateur qui a expressément prévu, à l’article L. 1803‑4 du code des transports, la possibilité d’un dispositif de continuité intérieure : « L’aide à la continuité territoriale peut aussi financer une partie des titres de transport entre les collectivités mentionnées à l’article L. 18032 à l’intérieur d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité, en raison des difficultés particulières d’accès à une partie de son territoire. Un arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé de l’outre-mer définit les déplacements éligibles à cette aide en application du présent alinéa. »

Ces mesures ont cependant été restreintes au seul territoire de la Guyane par un arrêté du 13 décembre 2010 ([22]). L’État subventionne les billets des lignes intérieures ; il impose également à la compagnie Air Guyane des obligations de service public en termes de continuité de service et de régularité des dessertes ([23]). Depuis 2011, deux mille demandes d’aide ont été traitées par LADOM dans le cadre de ce dispositif.

Votre rapporteur pour avis approuve la décision de faire bénéficier la Guyane du dispositif de continuité intérieure, dans la mesure où le faible maillage routier du territoire contraint les habitants à recourir au transport aérien. Il considère toutefois que l’État pourrait légitimement intervenir également en faveur des populations des espaces archipélagiques confrontées à des difficultés comparables :

–  en Polynésie française, dont les 76 îles habitées sont dispersées sur 5,5 millions de kilomètres carrés ;

–  en Nouvelle-Calédonie, où les habitants des Îles Loyauté, de l’Île des Pins et de l’archipel des Bélep sont contraints de rallier la Grande-Terre avant d’embarquer en direction de l’Europe ;

–  à Wallis-et-Futuna, dans la mesure où les résidents de Futuna doivent d’abord se rendre à Wallis – distante de plus de 230 km – pour quitter le territoire ([24]).

2.   La question de la liaison vers d’autres destinations que la métropole

L’aide à la continuité territoriale ne peut normalement être sollicitée que pour la liaison entre une collectivité d’outre-mer et la France métropolitaine. Les voyages au sein des outre-mer où à destination de l’étranger n’y sont pas éligibles.

La géographie a imposé une exception dans le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon. En l’absence de liaison directe, les voyageurs sont dans l’obligation d’un transit par le Canada voisin qu’ils empruntent la voie maritime ou celle des airs. Cette connexion fait donc l’objet de délégations de service public et d’un financement de la réduction des tarifs sur la ligne reliant Saint-Pierre à Halifax.

Votre rapporteur pour avis considère que la possibilité d’accompagner les résidents ultramarins vers d’autres destinations que l’Europe devrait être envisagée pour faciliter les démarches à accomplir et, in fine, réduire les coûts budgétaires générés. Il appelle le Gouvernement à étudier plus particulièrement deux perspectives :

–  dans le cas de Wallis-et-Futuna, l’aide à la continuité territoriale pourrait couvrir le déplacement vers la Nouvelle-Calédonie s’il s’avère que la formation à suivre, les soins à recevoir ou les procédures à mener y sont accessibles ;

–  dans l’ensemble des outre-mer, il pourrait être judicieux d’approfondir l’expérimentation menée en 2019 pour l’accompagnement des formations en mobilité dans les États voisins de la collectivité concernée. Dès lors que les conditions sont réunies pour qu’un Guyanais étudie au Brésil, qu’un Antillais se forme dans les Caraïbes, qu’un Réunionnais reçoive des soins en Afrique du Sud, le plus souvent d’ailleurs pour des coûts financiers et environnementaux réduits au regard d’un vol vers Paris, les dispositifs de continuité territoriale devraient pouvoir s’y adapter.

II.   L’indemnité temporaire de retraite (ITR)

A.   Un dispositif dont la loi a entériné la suppression

1.   Une indemnité spécifique aux outre-mer

Deux décrets du 10 septembre 1952 ([25]) et du 24 décembre 1954 ([26]) ont instauré une indemnité temporaire au profit des pensionnés titulaires d’une pension de l’État et justifiant d’une résidence outre-mer. Cette « surpension » était fixée en pourcentage de la pension reçue et en fonction du territoire concerné : elle s’élevait à 35 % à La Réunion et à Mayotte, à 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon, et à 75 % dans les trois collectivités du Pacifique ([27]).

La perception de l’indemnité temporaire de retraite avait lieu suivant les régimes fiscaux particuliers applicables au territoire de résidence du pensionné. Hormis à La Réunion, collectivité départementale de droit commun, ni la contribution sociale généralisée (CSG) ni la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ne lui étaient appliquées. Elle échappait également à l’impôt sur le revenu ; des prélèvements spécifiques variables étaient cependant effectués.

La perception de l’indemnité temporaire de retraite était uniquement soumise à des « conditions de résidence effective dans un territoire relevant du ministère de la France d’outre-mer ou dans le département de La Réunion au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service » ([28]). Une instruction de 1982 détaillait les modalités d’appréciation du respect de cette exigence ([29]).

Le versement était subordonné à une période probatoire de six mois de présence ininterrompue sur le territoire et une manifestation d’intention du pensionné d’y résider au moins neuf mois ([30]). Par ailleurs, le bénéficiaire avait l’obligation de demeurer sur le territoire au cours de la plus grande partie de l’année :

–  lorsqu’il s’absentait « pour une durée ne dépassant pas, en une ou plusieurs fois, quarante jours pour l’année civile », l’indemnité lui était payée intégralement ;

–  en cas d’absence plus longue, l’indemnité était payable « au prorata du nombre de jours de présence » ;

–  lorsqu’une absence dépassait six mois, le paiement de l’indemnité n’était rétabli qu’après une nouvelle période de présence ininterrompue de neuf mois.

2.   Une prestation très critiquée

L’indemnité temporaire de retraite a fait l’objet de nombreuses critiques dans les années 2000. Elle a été jugé particulièrement injuste, excessivement coûteuse et impossible à contrôler pour les administrations.

a.   Un mécanisme injuste et daté

L’indemnité temporaire de retraite présentait un caractère doublement inégalitaire. D’une part, elle ne bénéficiait qu’aux pensionnés civils et militaires de l’État à l’exclusion des agents des autres fonctions publiques – hospitalière et territoriale – et des travailleurs du secteur privé. D’autre part, elle n’était pas applicable dans les trois départements et régions d’outre-mer de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane ([31]).

Par ailleurs, les situations des bénéficiaires d’une surpension apparaissaient très différentes en fonction des territoires ([32]) :

–  près des deux tiers des bénéficiaires d’une surpension installés à La Réunion en étaient originaires. À Saint-Pierre et Miquelon, quatre bénéficiaires sur cinq étaient dans une situation analogue ;

–  dans le Pacifique, la proportion de bénéficiaires originaires de métropole était de 83 % en Nouvelle-Calédonie et de 60 % en Polynésie française. Ces territoires étaient marqués par une présence élevée d’anciens militaires, dont certains pouvaient accéder assez jeunes à l’âge de la retraite.

Enfin, l’attribution de l’indemnité temporaire de retraite à un agent de l’État n’était en rien liée au fait d’avoir exercé outre-mer pendant tout ou partie de sa carrière. Elle découlait simplement de l’intention de s’établir dans l’un des territoires dans lequel s’appliquait le dispositif.

b.   Un financement coûteux

Le caractère longtemps confidentiel de l’indemnité temporaire de retraite a permis sa perpétuation sans heurt jusqu’à la fin du XXe siècle. Par la suite, la croissance rapide du nombre de bénéficiaires et du montant des prestations servies a appelé l’attention des parlementaires et des organismes de contrôle sur le dispositif.

Entre 1989 et 2005, le nombre d’indemnités temporaires de retraite a plus que triplé, passant de 9 618 à 29 861 surpensions servies. Cette progression a été particulièrement marquée à La Réunion avec un facteur 3,4. Les collectivités du Pacifique du Pacifique ont connu un rythme un peu moins soutenu – une multiplication par 2,7.

Cette croissance présentait une tendance à l’accélération. S’il avait fallu une décennie pour que le nombre d’indemnités servies progresse de 10 000 à 20 000, cinq années avaient ensuite suffi pour atteindre 30 000 prestations. Entre 2000 et 2005, l’augmentation constatée était de 10 % par an en moyenne, avec un rythme plus soutenu à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie.

Évolution du nombre de bénéficiaires d’une surpension

(hors invalidité)

 

1989

2000

2005

La Réunion

5 449

11 575

18 380

Mayotte

115

328

461

Saint-Pierre-et-Miquelon

155

245

299

Nouvelle-Calédonie & Wallis et Futuna

1 658

2 884

4 591

Polynésie française

2 241

4 400

6 130

Total

9 618

19 432

29 861

Source : rapport conjoint des corps d’inspection précité, novembre 2006.

La hausse soutenue du nombre de bénéficiaires va de pair avec celle des crédits mobilisés pour le versement de l’indemnité temporaire de retraite. Entre 2000 et 2005, le coût budgétaire a augmenté de plus de 70%, soit un rythme plus rapide que celui des bénéficiaires.

Il résultait de ces chiffres des indemnités d’un montant parfois élevé. La Cour des comptes fait état, pour l’année 2000, d’un montant moyen des surpensions civiles de 13 980 euros en Nouvelle-Calédonie, de 12 070 euros en Polynésie française, de 5 760 euros à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ([33]).

Évolution du montant global des indemnités temporaires de retraite

(hors invalidité, en millions d’euros)

 

2000

2005

Variation sur 5 ans

La Réunion

53,42

111,31

+108 %

Mayotte

1,33

2,23

+67 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

1,38

1,84

+33 %

Nouvelle-Calédonie & Wallis et Futuna

35,03

55,49

+58 %

Polynésie française

51,77

74,29

+43,5 %

Total

142,95

245,18

+71,5 %

Source : rapport conjoint des corps d’inspection précité, novembre 2006.

Le rapport conjoint des corps d’inspection précité laissait peu de doute quant à la probable persistance de la hausse du nombre de bénéficiaires du dispositif et, en conséquence, du dérapage des montants qui lui étaient consacrés. « Cette tendance a toutes chances de s’amplifier encore en raison des effets cumulés du bouche à oreille, de la difficulté des contrôles, du prix toujours à la baisse des transports et des habitudes qui se développent chez les retraités à ‘s’expatrier’ en des lieux où la vie est supposée moins chère, plus agréable... ou plus rémunératrice. »

c.   Des versements impossibles à contrôler

Le bénéfice de l’indemnité temporaire de retraite était soumis à des « conditions de résidence effective au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». L’instruction comptable précitée du 20 janvier 1982 exigeait ainsi une période probatoire de six mois et des absences limitées à 40 jours par année civile.

Toutefois, ainsi que le note la Cour des comptes, la condition de résidence « s’est avérée depuis vingt ans pratiquement impossible à contrôler » ([34]). La loi avait bien habilité « les services du Trésor à procéder aux contrôles des conditions de résidence effective » et précisé que « à cette fin, les administrations doivent leur communiquer les informations qu’elles détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel » ([35]). Mais la jurisprudence administrative avait interdit toutes les mesures de restriction de la circulation des nationaux, notamment la conception d’un fichier de suivi des entrées et sorties des territoires ultramarins ([36]).

Dans ces conditions, le contrôle de la condition de résidence se limitait à « une déclaration sur l’honneur […] déposée annuellement par le bénéficiaire de l’ITR. C’est ce dépôt qui fonde la reconduction annuelle de cette indemnité. Même si la loi du 5 juillet 1996 [précitée] a habilité les services du trésor à procéder au contrôle de l’obligation de résidence effective, ce contrôle est peu productif, faute de moyens pour l’exercer, en particulier d’une procédure adaptée d’information ou de contrôle. ([37]) »

Pour sa part, la Cour des comptes avait qualifié le contrôle de « totalement inopérant ». Elle avait mis en cause la logique même du dispositif, considérant impossible de définir de façon précise des conditions de résidence « imposées » à des personnes qui ont fait le choix délibéré de s’installer dans ces territoires, n’y ont aucune obligation de service et sont libres de leurs déplacements.

B.   Une mise en extinction votée en 2008

Les failles de l’indemnité temporaire de retraite au regard du principe d’égalité, la difficulté à le réformer et la disparition des éléments ayant motivé sa création ont conduit la Cour des comptes ([38]), des députés ([39]) et des sénateurs ([40]) à demander sa suppression. C’est finalement une mise en extinction progressive qui a été privilégiée par le législateur dans la loi de finances rectificative pour 2008 ([41]).

Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les nouvelles modalités d’attribution de l’indemnité temporaire de retraite ([42]), par ailleurs précisées par décrets ([43]).

La réforme laisse inchangé le principe d’une surpension résultant du produit de la pension et d’un coefficient variable en fonction des territoires. Ces coefficients demeurent de 35 % pour les collectivités de l’océan Indien, de 40 % pour Saint-Pierre-et-Miquelon et de 75 % pour les collectivités de l’océan Pacifique.

La résidence sur place reste obligatoire. Elle est formalisée par une déclaration annuelle auprès du comptable compétent pour le versement de l’indemnité. La période probatoire initiale de six mois perdure également. En revanche, le versement de la surpension n’est plus proratisé qu’à compter de trois mois d’absence au cours de l’année civile – contre quarante jours auparavant.

En revanche, le dispositif opère désormais une distinction entre plusieurs catégories de pensionnés en fonction de la date à laquelle ils sollicitent le bénéfice de l’indemnité temporaire de retraite.

1.   Un plafonnement limité des ITR octroyées avant le 1er janvier 2009

Les bénéficiaires d’une indemnité temporaire de retraite octroyée avant le 1er janvier 2009 continuent à la percevoir à vie. Il en va de même, par exception, des instituteurs et des professeurs des écoles ayant fait une demande de départ à la retraite avant le 1er janvier 2009 et maintenus en service au titre de l’année scolaire 2008-2009, ainsi que des fonctionnaires justifiant d’une date d’effet de la pension antérieure au 1er janvier 2009 mais maintenus en activité dans l’intérêt du service au-delà de cette date

Toutefois, les indemnités versées sont plafonnées à partir du 1er janvier 2018. Elles ne peuvent désormais excéder :

–  10 000 euros à La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

–  18 000 euros dans les collectivités du Pacifique.

Lorsque le montant de ces indemnités temporaires était supérieur au plafond, une réduction progressive a été mise en œuvre entre les années 2009 et 2018 sur la base d’un écrêtement de 10 % par an de l’écart entre le montant perçu en 2008 et le plafond susmentionné.

Ce mécanisme a permis d’éviter la remise en cause des situations acquises, hormis pour les très hauts revenus. À La Réunion, 82 % des bénéficiaires d’une surpension n’ont pas été affectés par la réforme ([44]).

2.   Des conditions renforcées pour les bénéficiaires d’ITR octroyées entre 2009 et 2018

À compter du 1er janvier 2009, l’attribution de nouvelles indemnités temporaires est réservée aux pensionnés ayants droit remplissant, à la date d’effet de leur pension, l’une des deux conditions suivantes :

–  soit justifier de quinze ans de services effectifs dans une ou plusieurs des collectivités dans lesquelles est versée l’indemnité temporaire de retraite ;

–  soit détenir sur le territoire de la collectivité de résidence le centre de leurs intérêts matériels et moraux apprécié pour l’octroi de congés bonifiés ([45]).

Par ailleurs, le montant de l’indemnité servie est soumis à un plafond réduit en fonction de l’année au cours de laquelle elle a commencé à être perçue :

–  pour les bénéficiaires de La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, à 8 000 € quelle que soit l’année de perception entre 2009 et 2018 ;

–  pour les bénéficiaires établis dans les collectivités du Pacifique, à 17 000 € pour une première perception en 2009, 15 000 € pour 2010, 13 000 euros pour 2011, 12 000 euros pour 2012, 10 000 euros pour 2013 et 2014, et 8 000 euros pour 2015 à 2018.

L’ITR attribuée dans ce cadre continue à être allouée à vie aux pensionnés qui en bénéficient.

3.   Une extinction progressive sur tous les territoires entre 2019 et 2028

Les personnels éligibles à l’indemnité temporaire de retraite à compter du 1er janvier 2019 sont soumis aux conditions d’attribution renforcées détaillées précédemment – soit quinze années de services effectifs ou un centre des intérêts matériels et moraux dans une collectivité concernée par le dispositif.

Le montant de l’ITR qui leur est allouée – également à vie – est plafonné en fonction de l’année de sa première perception. Mais il connaît une diminution régulière jusqu’à sa disparition définitive au 31 décembre 2027.

Plafond de l’indemnité temporaire

 selon la date de première mise en paiement

(en euros)

Années

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

Plafond

7 200

6 400

5 600

4 800

4 000

3 200

2 400

1 600

800

0

Source : article 5 du décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l’indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite.

4.   Un dispositif désormais sous contrôle

À l’issue des dix premières années de la réforme de 2008, qui correspondent à la phase de plafonnement de l’indemnité temporaire de retraite et qui précèdent le temps de l’extinction proprement dite débuté en 2019, il est possible de tirer un premier bilan des mesures en vigueur.

Les nouveaux critères introduits par la réforme avaient pour vocation de stabiliser progressivement le nombre de bénéficiaires du dispositif. La tendance constante depuis 2012 voit ce nombre varier faiblement entre 33 000 et 34 000 personnes. La légère baisse constatée dans les collectivités du Pacifique est compensée par une hausse inverse à La Réunion.

nombre de bénéficiaires de l’Indemnité temporaire de retraite

 

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

La Réunion

Saint-Pierre-et-Miquelon

Mayotte

Total

2010

5 170

6 782

21 222

293

505

33 972

2011

5 054

6 708

21 780

306

459

34 307

2012

4 932

6 613

21 644

300

444

33 933

2013

4 881

6 472

21 908

299

396

33 956

2014

4 815

6 432

22 022

303

353

33 925

2015

4 800

6 366

22 022

304

300

33 792

2016

4 643

6 244

22 310

306

309

33 812

2017

4 615

6 176

22 628

315

282

34 016

2018

4 582

6 030

22 683

309

265

33 869

Notes : effectif arrêté au 31 décembre de chaque année sauf en 2018 (31 août), bénéficiaires de Wallis-et-Futuna inclus dans les données de la Nouvelle-Calédonie.

Source : direction générale des finances publiques, service des retraites de l’État.

Par ailleurs, le coût global de l’indemnité temporaire de retraite a atteint son point d’inflexion en 2009 avec un total de 327,2 millions d’euros. Depuis cette date, les sommes en jeu décroissent régulièrement du fait du plafonnement des nouvelles prestations servies qui viennent remplacer les versements plus élevés auparavant octroyés aux pensionnés plus âgés.

Financement de l’indemnité temporaire de retraite

 

Montants (en millions d’euros)

Variations

2015

2016

2017

2018

2019

2015/

2014

2016/

2015

2017/

2016

2018/

2017

La Réunion

150,86

151,35

151,96

153,30

153,70

+0,3 %

+0,4 %

+0,9 %

+0,3 %

Mayotte

1,91

1,78

1,65

1,50

1,40

-7 %

-7 %

-9,6 %

-6,7 %

Nouvelle-Calédonie & Wallis-et-Futuna

59,67

57,40

55,00

52,60

50,50

-3,8 %

-4,2 %

-4,4 %

-4,0 %

Polynésie française

82,78

80,05

77,44

75,00

72,40

-3,3 %

-3,3 %

-3,2 %

-3,5 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

2,09

2,09

2,09

2,10

2,10

+0,4 %

-0,2 %

+0,3 %

0,0 %

Soldes non ventilées

0,35

0,25

0,20

0,20

0,10

-28,4 %

-18 %

-3,2 %

-50,0 %

Total

297,68

292,95

288,37

284,70

280,20

-1,6 %

-1,6 %

-1,3 %

-1,6 %

Note : exécution en 2015, 2016 et 2017 ; prévision en 2018 et 2019.

Source : direction générale des finances publiques, service des retraites de l’État.

Les crédits prévus pour l’année 2019 se montent à 280,2 millions d’euros. Les prestations versées à La Réunion continuent de croître à un faible rythme. En revanche, la diminution est particulièrement sensible dans les collectivités du Pacifique, où l’indemnité maximale est passée de 18 000 euros en 2008 à 8 000 euros à partir de 2015.

C.   La position de votre rapporteur pour avis : compenser les effets déstabilisateurs de la réforme

Au moment de la réforme, le Gouvernement s’est engagé à accompagner la suppression de l’ITR d’un système de compensation, équitable et financièrement équilibré, afin que la disparition progressive du dispositif ne vienne pas susciter des situations de fragilité chez les retraités concernés.

Déposé en application du VIII de l’article 137 de la loi du 30 décembre 2008 précitée, un rapport a présenté en mai 2010 les perspectives d’instauration ou d’extension de ce dispositif de retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant outre-mer ([46]). Il qualifie la réforme de « progressive et équitable » et, pour cette raison, écarte l’opportunité d’en atténuer les effets par une quelconque compensation ([47]). Cette position est toujours celle du Gouvernement, qui entend désormais mener la réforme à son terme dans les conditions arrêtées en 2008.

Comme il s’en est précédemment ouvert au Gouvernement à l’occasion d’une question écrite ([48]), votre rapporteur constate que les effets néfastes de la réforme sont sous-estimés et que les populations ultramarines ne manqueront pas d’être fragilisées par son application exhaustive. Il souhaite que soient distinguées les deux phases de la réforme de 2008, qui répondent à des objectifs différents et qui peuvent être analysées séparément.

La première période de la réforme s’est étalée sur dix années, entre 2009 et 2018. Elle a permis de mettre un frein à la dérive du dispositif original de l’indemnité temporaire de retraite. En imposant un plafonnement des surpensions servies à 8 000 euros annuels, soit 666 euros mensuels –, elle est parvenue à préserver les finances publiques de coûts manifestement excessifs. Surtout, en conditionnant le bénéfice de l’indemnité à une résidence antérieure sur le territoire – par l’exigence de quinze années de service ou d’un centre des intérêts matériels et moraux sur place –, elle a mis un terme à l’effet d’aubaine qui voyait un nombre croissant de personnes sans lien avec le territoire y élire domicile à la seule fin de rémunération accrue.

Votre rapporteur souligne que cette analyse est confirmée par les chiffres : le nombre de bénéficiaires de l’ITR est désormais stabilisé depuis près d’une décennie ; les sommes que consacre l’État au paiement des surpensions diminuent régulièrement. Il n’est donc plus à craindre de dépenses excessives désormais.

La seconde période de la réforme, commencée au 1er janvier 2019, est toute différente : elle ne vise pas à la stabilisation, mais à l’extinction à terme du principe même des surpensions. Or, votre rapporteur ne peut admettre l’argumentation développée au soutien de cette décision en 2008, selon laquelle le dispositif imaginé dans les années 1950 était rendu obsolète par les progrès de la technique et les avancées de la mondialisation. D’une part, s’il est vrai que les voyages sont aujourd’hui plus rapides qu’hier, ils n’en sont pas moins onéreux. D’autre part, les changements monétaires intervenus dans les dernières décennies n’ont pas fait disparaître la cherté de la vie dans ces territoires :

–  dans un récent rapport présenté devant la commission des Lois, notre collègue Mansour Kamardine indiquait que le coût de la vie était significativement plus élevé à Mayotte que pour la moyenne des Français ([49]) ;

–  les prix en Nouvelle-Calédonie sont dans leur ensemble 33 % supérieurs à ceux de la métropole, avec un différentiel variant de 2 % pour les transports à 64 % pour les communications et 73 % pour les produits alimentaires ([50]).

Il en va de même dans l’ensemble des territoires ultramarins, marqués par l’éloignement et le plus souvent par l’insularité. Or, si cette cherté de la vie était compensée auparavant par l’indemnité temporaire de retraite, la disparition progressive de ce complément de revenus pour les anciens agents de l’État ne peut manquer de fragiliser leur situation économique, voire de les inciter à retourner en Europe où la même pension leur garantira un niveau de vie plus élevé.

Afin d’éviter cette situation qui porterait fortement préjudice aux sociétés des territoires ultramarins et qui contribuerait à briser leur lien avec le reste des Français, lien dont les agents publics ont été et sont les premiers garants, votre rapporteur appelle le Gouvernement à honorer l’engagement qui fut le sien il y a dix ans. La réforme de l’ITR, dont la première phase a eu des effets positifs, doit donner lieu à des compensations équitables qui embrassent, contrairement au dispositif des années 1950, l’ensemble des collectivités d’outre-mer.

 


—  1  —

   Examen en commission

Lors de sa réunion du lundi 28 octobre 2019, la Commission auditionne Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2020 (M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8326722_5db70a78238ad.commission-des-lois--mme-annick-girardin-ministre-des-outre-mer-28-octobre-2019

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Outre-mer ». Madame la ministre je vous laisse la parole pour un propos liminaire qui sera suivi de l’intervention de notre rapporteur pour avis, M. Philippe Dunoyer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Après avoir accompagné le Président de la République durant quatre jours à Mayotte et à La Réunion puis, dans la foulée, le Premier ministre en Guadeloupe, je suis heureuse de me trouver à vos côtés pour répondre à l’ensemble de vos questions.

La présentation du budget devant les commissions est un moment privilégié. Il nous permet de débattre des questions budgétaires, généralement une semaine avant la discussion en séance publique. Elle nous permet d’affiner nos présentations et d’apporter des réponses. Je serai brève afin de laisser le plus de temps possible aux échanges et aux questions.

Le 17 octobre, j’ai eu l’occasion de réaffirmer au Sénat que l’acte II de mon mandat serait la Trajectoire outre-mer 5.0, une dynamique lancée le 18 avril en présence du Président de la République et du Premier ministre. Après le Livre bleu des outre-mer, cette trajectoire constitue la feuille de route du Gouvernement face aux défis du XXIe siècle que sont l’inclusion des populations – la trajectoire prévoit un objectif « zéro exclusion » –, l’accès à l’eau, la gestion des déchets, la résilience, la démographie, le numérique ou les questions environnementales.

Les territoires d’outre-mer sont au centre de tous ces défis. Nous devons les relever. La Trajectoire 5.0 a été pensée en ce sens. Elle est aussi la reprise des dix-sept objectifs de développement durable qui conduiront la France à retrouver en 2030 l’ensemble des pays de l’Organisation des Nations unies qui ont validé cette initiative pour faire le bilan de leurs engagements.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons engagé depuis mai 2017, en cohérence avec le Livre bleu et la Trajectoire 5.0. Pour ce qui est de la mission « Outre-mer », je commencerai par vous donner quelques chiffres.

À périmètre constant et hors exonérations de charges, le budget s’établit à 2,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement. Les chiffres sont donc maintenus au niveau élevé atteint en 2019. Ils sont présentés à périmètre constant car trois importantes mesures affectent le budget cette année, entraînant une diminution faciale des crédits.

Tout d’abord, à la demande des élus polynésiens, la dotation globale d’autonomie du territoire, jusqu’ici financée sur les crédits du ministère des outre-mer, est transformée en prélèvement sur les recettes de l’État. Un montant identique, de 90,5 millions d’euros, est débasé au profit du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Par ailleurs, conformément aux engagements qu’a pris le Président de la République lors de sa visite en Guyane, l’État se modernise et s’adapte aux spécificités de ce territoire : une nouvelle organisation budgétaire répond à la nouvelle organisation fonctionnelle. Un nouveau programme d’intervention territorialisé de l’État (PIT) est créé au sein du ministère de l’intérieur. Il regroupe l’ensemble des crédits d’intervention en faveur de la Guyane. Pour sa part, le ministère des outre-mer reverse 7,2 millions d’euros en autorisations d’engagement, somme transférée au programme 162 du ministère de l’intérieur.

Enfin, à l’inverse, une nouvelle dotation de 27 millions d’euros est créée à destination de la collectivité territoriale de Guyane. Il s’agit de mieux l’accompagner dans la démarche de performance qu’elle a engagée et que nous soutenons pleinement. Ce montant représente une compensation sur les recettes d’octroi de mer, un engagement pris par le Président de la République qui n’avait pas été inscrit dans le temps, ce que nous faisons aujourd’hui.

Au-delà de ces différents mouvements de périmètre, la préservation des autorisations d’engagement est un signal fort de la confiance et de l’ambition du Gouvernement pour les territoires d’outre-mer.

C’est un signal de confiance tout d’abord. Lorsque les restes à payer sont en augmentation et que le rythme de décaissement des crédits ralentit, la logique voudrait que l’on ajuste à la baisse les autorisations d’engagement. Or, ce n’est pas le cas : nous souhaitons garder une dynamique et pousser à davantage de transformations dans les territoires. C’est pourquoi nous maintenons les autorisations d’engagement à leur niveau de 2019.

C’est une marque d’ambition, ensuite, car ces autorisations d’engagement (AE) traduisent aussi une vision d’avenir : elles financeront la Trajectoire 5.0 et les projets des territoires. Nous préservons intégralement les moyens et nous soutenons les initiatives locales. Nous ne relâchons absolument pas nos efforts pour répondre aux besoins.

L’ajustement du montant des crédits de paiement (CP) est loin d’être une fatalité. Ce budget pour 2020 compte 100 millions d’euros de crédits de paiement de moins que celui établi l’année dernière. Vous le savez : il est hors de question de laisser des impayés où que ce soit. S’il était nécessaire de faire évoluer cette enveloppe à la hausse, nous le ferions. Pour l’instant, d’après les AE déjà en réalisation dans les territoires et qui appelleront les CP, une diminution de 100 millions d’euros a été prévue.

Le budget pour 2020 poursuit plusieurs objectifs.

Le quotidien des ultramarins, d’abord, est la principale inquiétude de nos concitoyens, celles que vous entendez certainement s’exprimer sur le terrain, dans les repas de famille, entre amis ou dans vos permanences. Nos concitoyens veulent que nous puissions résoudre leurs problèmes de tous les jours – l’inscription de leurs enfants à l’école comme nous l’avons abordé à Mayotte, l’accès à l’eau qui vient d’être évoqué en Guadeloupe, les sargasses dont il a été question avec l’ensemble des États insulaires du bassin des Caraïbes ainsi qu’avec la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Nous devons apporter des réponses au quotidien.

C’est aussi pour cela que nous avions institué un fonds exceptionnel d’investissement (FEI) de 110 millions d’euros, que le projet de loi de finances pour 2020 maintient à ce niveau – contre 40 millions d’euros en 2018. Nous avons donc la possibilité d’aller plus vite dans la transformation et nous continuons à y travailler. Parmi les projets soutenus, certains sont en lien avec l’électrification, les infrastructures sportives, la voirie, c’est-à-dire des préoccupations se rapportant à la vie quotidienne des ultramarins.

S’agissant des constructions scolaires, vous l’avez vu, nous maintenons un effort de 90 millions d’euros qui s’ajoute aux crédits du ministère de l’éducation nationale.

L’accompagnement des territoires est un autre domaine prioritaire. Il passe par le soutien à l’ingénierie et le montage de dossiers, qui sont fondamentaux. Nous venons de constater, lors de la discussion sur le règlement du budget 2018, qu’un accompagnement avait fait défaut. Je souhaite que nous puissions aller au-delà de ce que nous avions fait. D’une part, j’ai décidé d’augmenter les crédits dédiés à l’ingénierie confiés à l’Agence française du développement (AFD) : ils passeront de 3 à 7 millions d’euros et seront mis à la disposition des acteurs du territoire pour concrétiser leurs projets. D’autre part, 85 millions d’euros supplémentaires seront apportés en cinq ans sous la forme de dotations de péréquation aux différentes collectivités, selon un engagement pris par le Président de la République le 1er février, à l’Élysée, lors de la réception des élus des communes. Une première tranche de 17 millions d’euros est budgétisée. Un rapport, en cours d’élaboration, nous permettra de calibrer au mieux les prochaines tranches.

Par ailleurs, une conférence sur le logement outre-mer a rassemblé les élus des territoires ainsi que les opérateurs, nationaux et locaux. Deux phases ont été menées. La conférence a souhaité maintenir l’effort de la ligne budgétaire unique (LBU) au-delà de l’engagement minimal annuel de 200 millions d’euros. Il est de 215 millions d’euros pour 2020, un seuil qu’il nous reviendra de faire évoluer selon les besoins des territoires et le développement des projets.

Le PLF prévoit aussi le rétablissement, pour les seuls départements et régions d’outre-mer (DROM), d’une allocation pour l’accession à la propriété et à la rénovation. Les paramètres sont donc entièrement rétablis. C’est la reconnaissance non seulement de la spécificité des territoires d’outre-mer, mais aussi de la fragilité de leurs populations. C’est pourquoi cette aide qui existait auparavant dans l’ensemble de nos territoires est rétablie.

Je n’oublie pas le Plan d’investissement volontaire d’Action logement, qui prévoit un volet spécifique pour les outre-mer de 1,5 milliard d’euros sous forme de prêts et de subventions. Cela ne signifie pas que les outre-mer sont exclus des autres volets – au contraire, puisqu’ils ont accès l’ensemble des dispositifs.

Le dernier domaine prioritaire, très sensible dans l’ensemble des territoires d’outre-mer, est le soutien à l’emploi. C’était un axe fort du déplacement du Président de la République à La Réunion. Conformément à l’engagement pris sur place, le Gouvernement a sous-amendé et soutenu les amendements d’origine parlementaire qui proposaient d’élargir le bénéfice des exonérations de charges dans les secteurs renforcés jusqu’à deux fois le salaire minimum de croissance (SMIC). L’an dernier, une réforme importante des exonérations de charges avait été menée, qui comportait une clause de revoyure. Des réunions se sont tenues en juillet dernier, pour lesquelles certaines informations manquaient. Ces données ont été reçues récemment, ce qui nous a permis d’agir. Ce sont donc 35 millions d’euros d’allégements supplémentaires qui ont été décidés pour les entreprises ultramarines. Ces montants viennent aussi en soutien à la presse – une décision attendue notamment aux Antilles et à La Réunion où ce secteur rencontre de grandes difficultés du fait de l’évolution rapide des canaux d’information. La presse est désormais placée intégralement en secteur renforcé dans ces territoires.

Il convient de saluer ces avancées qui accompagnent la réforme d’ampleur de l’an passé. Je me suis toujours engagée à effectuer rapidement une évaluation du dispositif et à le modifier si nécessaire.

Le Président de la République a également annoncé à La Réunion un nouveau plan d’accompagnement pour l’emploi – le plan Pétrel – sur lequel je reviendrai si vous le souhaitez. La lutte contre le travail dissimulé est aussi au cœur de nos travaux puisque nous avons constaté qu’il minait les entreprises par une concurrence déloyale.

D’autres actions sont prévues, comme flécher 24 millions d’euros pour des outils spécifiques d’aide aux entreprises, qu’il s’agisse du microcrédit avec une convention de 1,8 million d’euros avec l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), ou de l’augmentation des montants prêtés qui passent de 12 000 à 15 000 euros. Ce dispositif, expérimenté à Mayotte et étendu à La Réunion, sera mis en place dans tous les territoires. Plusieurs petites entreprises y ont accès.

Nous avons aussi lancé des appels à projets, élargi les conditions d’accès au prêt de développement outre-mer et augmenté les crédits de l’aide au fret.

Comme nous avons pu le dire à Mayotte, à La Réunion et en Guadeloupe, le combat pour l’emploi est un beau combat que nous devons mener ensemble. Il vise à réduire les inégalités, mais aussi à redonner de la fierté aux jeunes à travers la formation et le développement de leur territoire.

Je dirai un dernier mot sur les contrats de convergence et de transformation issus de la loi de programmation du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer et du Livre bleu. Nous avons tous acquis la conviction que les outre-mer doivent se transformer pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés. Ces contrats ont été signés le 8 juillet dernier avec presque tous les départements et régions d’outre-mer (DROM) et certaines collectivités d’outre-mer (COM). Ils représentent une enveloppe de 2,1 milliards d’euros jusqu’en 2022. Nous sommes donc au rendez-vous des attentes de l’ensemble de nos interlocuteurs – citoyens, collectivités, entreprises – qui développent le territoire, et surtout, qui luttent contre le chômage pour permettre à chacun de trouver une place.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Nous examinons la mission « Outre-mer » qui regroupe les crédits dont dispose le ministère dans la conduite de ses actions pour l’ensemble des territoires ultramarins. Elle ne représente qu’une part – moins de 12 % – de l’effort global de la nation en faveur des outre-mer, qui s’élève à 22,05 milliards dans le projet de loi de finances pour 2020, soit une légère progression, de 2 %, par rapport à 2019.

Il me semble important d’aborder l’examen de cette mission en se fondant sur certains éléments de contexte.

Comme Mme la ministre l’a détaillé, la mission doit s’organiser et se comprendre dans le cadre des stratégies de long terme qui découlent de choix politiques – Livre bleu, contrats de convergence et de transformation, changement de dimension du service militaire adapté dans le cadre du plan « SMA 2025 », Trajectoire outre-mer 5.0 ou plan Logement outre-mer. Ces éléments stratégiques sont autant d’engagements que le Gouvernement devra honorer pour construire la confiance dans les territoires et avec les populations.

Par ailleurs, ce budget s’inscrit dans le prolongement de la réforme importante réalisée au cours de l’exercice précédent dans les matières fiscale et sociale – redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l’outre-mer dès 2019 en conséquence de la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), abaissement du plafond de la réduction d’impôt sur le revenu pour les foyers des outre-mer, suppression du mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable (TVA NPR). Le Gouvernement a fait le choix de privilégier les exonérations de cotisations sociales et le soutien à l’économie par des instruments communs à l’ensemble des territoires. En raison de ce choix, il est devenu difficile de retracer la répartition des sommes allouées aux différentes collectivités : les crédits non répartis, qui représentaient 176 millions d’euros d’autorisations d’engagement et moins de 1 % de l’effort budgétaire global dans la loi de finances pour 2018, atteindront en 2020 une somme de 2,5 milliards d’euros représentant 12 % de l’enveloppe totale.

Enfin, nous examinons ce budget dans le cadre de l’engagement pris par le Gouvernement, lors des débats budgétaires de l’année 2019, de sanctuarisation des crédits de la mission « Outre-mer ».

J’en viens à présent à l’analyse des crédits de la mission, dans son ensemble, d’abord, puis de ceux de chacun des deux programmes qui la composent.

La mission « Outre-mer » connaît une baisse faciale de ses crédits. En autorisations d’engagement, le budget s’élève à 2,555 milliards d’euros, soit une diminution de 4 %. Le recul des crédits de paiement est plus important puisque le budget de 2,409 milliards d’euros baisse de 6,54 %, soit 166 millions de moins.

Il résulte toutefois de l’analyse globale de cette mission, corrigée des effets de périmètre, que la baisse des crédits n’en est pas vraiment une. Elle représente en réalité 20 millions d’euros, soit 0,8 %. À l’inverse, la loi de finances pour 2019 affichait une hausse substantielle qui n’était qu’apparente. En deux ans, la mission a connu des modifications importantes de périmètre qui rendent sa lecture complexe et incertaine.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit son enveloppe reculer légèrement au regard de l’exercice 2019, avec une baisse de l’ordre de 1,9 %. Cette baisse ne porte cependant que sur une seule action, l’action 01 « Soutien aux entreprises » qui représente 60 % de la mission. Les prévisions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), effectuées au début de l’été, indiquent une variation à la baisse du montant total des exonérations de cotisations de l’ordre de 34 millions d’euros au regard de l’exercice précédent. Cette inscription impérative prive les décideurs publics de toute visibilité sur le pilotage du budget de la mission « Outre-mer » puisque le moindre ajustement en cours d’année devrait être comblé par la recherche des crédits nécessaires dans d’autres actions.

Je propose qu’à l’avenir, les éventuelles variations, qui sont presque certaines chaque année, soient prises en compte au sein du budget de l’État afin de gommer les effets d’échelle, non sur la seule mission « Outre-mer ».

L’action 02 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » abrite notamment l’enveloppe allouée au service militaire adapté (SMA), marqué en 2020 par la mise en place progressive du plan « SMA 2025 ». Il prévoit le recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 dès l’année 2020, et la création d’une nouvelle compagnie à Bourail, en Nouvelle-Calédonie – permettez-moi, avec un peu de chauvinisme, de le saluer. (Sourires.)

Enfin, l’action 04 « Financement de l’économie » est maintenue au même niveau. Elle se compose à la fois de mesures anciennes – aide au fret et promotion à l’export notamment – et de dispositifs institués en 2019 à la suite des réformes fiscales, comme le prêt de développement outre-mer dont la dotation augmente de 7,5 à 10 millions d’euros afin de l’élargir aux entreprises situées dans les collectivités du Pacifique. Je tiens également à saluer cet effort.

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » subit des diminutions de crédits un peu plus importantes, avec des baisses de 8 % pour les autorisations d’engagement et de 16 % pour les crédits de paiement. Si l’on retire les effets de périmètre – suppression du financement de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française, transfert des crédits inscrits au contrat de convergence et de transformation conclu avec la Guyane dans la mission « Cohésion des territoires », compensation de l’octroi de mer en Guyane, fin de l’abondement du régime de solidarité de la Polynésie française –, la baisse ne serait que de 50 millions d’euros en crédits de paiement.

En outre, Mme la ministre a signalé que le Gouvernement propose de rétablir une aide à l’accession au logement dans la mission « Logement ». La baisse de crédits sur la mission « Outre-mer » sera compensée à due concurrence par la mission « Logement » à hauteur d’une trentaine de millions d’euros.

Trois actions du programme 123 sont néanmoins affectées à la baisse en raison de la sous-consommation des crédits alloués en 2018 et certainement aussi en 2019. Il s’agit de l’action 02 relative à l’aménagement du territoire, l’action 08 sur le fonds exceptionnel d’investissement et l’action 09 sur l’appui à l’accès aux financements bancaires.

Si la logique implacable consistant à baisser le niveau des crédits de paiement en fonction de leur taux d’exécution peut s’entendre d’un strict point de vue budgétaire, je recommande au Gouvernement de faire preuve de la même tolérance que celle qu’il affiche à l’égard de la marge d’erreur de l’ACOSS dans la prévision du coût des exonérations de charges. Si on tolère de l’ACOSS qu’elle se trompe de 30 à 50 millions d’euros chaque année, on peut accepter que les collectivités bénéficient de la même indulgence, d’autant que les difficultés sont réelles dans ces territoires. À Mayotte et en Guyane, des plateformes d’ingénierie ont été constituées afin d’atténuer ces difficultés. Il pourrait en aller de même dans d’autres territoires.

Ces difficultés en termes de consommation de crédits ne peuvent pas nous faire oublier les besoins de financement réels que les territoires ont exprimés, même si la technique juridique et administrative conduisant à les utiliser leur fait défaut. Ces carences peuvent être facilement palliées, à moindre coût, si l’AFD et les services de l’État conduisent un effort conjoint.

Je tiens en outre à noter deux points positifs au sein des actions 01 et 02 de ce programme : d’abord, l’accompagnement de la mise en place dans chaque territoire d’un observatoire local du logement et de l’habitat ; ensuite, le doublement des crédits alloués au fonctionnement de l’ensemble des observatoires des prix, des marges et des revenus, pour 600 000 euros. Ce sont des structures importantes dans l’ensemble des territoires.

Je regrette cependant que les crédits alloués à la protection de l’environnement dans cette mission, qui ne poursuit pas cet objectif principal, demeurent insuffisants. C’est le cas pour les fonds de l’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) au sein des actions 01 et 02 ainsi que pour ceux qui concernent le Fonds vert, de l’action 09. J’ai déposé sur ces sujets des amendements que nous étudierons tout à l’heure.

Je terminerai par les deux éléments que j’ai souhaité mettre en exergue dans le rapport pour avis – la politique de continuité territoriale et l’indemnité temporaire de retraite (ITR).

La politique de continuité territoriale est un volet essentiel de l’action de l’État outre-mer. Cependant, ainsi que cela a été rappelé lors de la récente remise d’un rapport de la délégation aux outre-mer, le dispositif reste perfectible à plusieurs titres. J’insisterai plus particulièrement sur le nécessaire développement de la continuité intérieure – qui fait partie des objectifs assignés par la loi relative à l’égalité réelle outre-mer (ÉROM) – et sur le développement de la liaison vers d’autres destinations plus proches de ces territoires.

Le législateur a expressément prévu la possibilité d’une continuité intérieure. Mais, pour le moment, seule la Guyane en bénéficie. C’est bien pour ce territoire puisqu’il dispose d’un faible maillage routier. Mais je crois que l’État devrait également intervenir en faveur des populations des espaces archipélagiques confrontées à des difficultés comparables. Je pense en particulier à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à Wallis-et-Futuna dans une moindre mesure, puisque cette collectivité bénéficie déjà d’un accompagnement pour les déplacements entre les deux îles.

De même, je considère que la possibilité d’accompagner les ultramarins vers d’autres destinations que l’Europe, dans le cadre d’une politique de formation professionnelle reposant sur l’intégration régionale, devrait être envisagée pour faciliter les démarches à accomplir et réduire les coûts budgétaires.

Quant à l’indemnité temporaire de retraite, c’est un dispositif qui a bénéficié à plusieurs pensionnés de l’État pendant un certain temps. Le législateur a fait, en 2008, le choix de sa mise en extinction progressive. Je n’ai rien à dire sur ce choix si ce n’est qu’il produit un effet important : depuis le 1er janvier 2019, les nouveaux pensionnés connaîtront une diminution régulière de l’indemnité temporaire de retraite, jusqu’à sa disparition totale prévue en 2027. Cela ne pose pas de problème pour ceux qui ont fait valoir leurs droits avant cette date. Mais, pour ceux qui partent depuis le 1er janvier 2019, l’objectif affiché de la stabilisation budgétaire est plus qu’atteint puisqu’on en arrive à une extinction du dispositif. Pourtant, les fondements de la création de l’ITR sont toujours justifiés, au premier rang desquels la cherté de la vie, problématique essentielle dans les territoires concernés. Si cette cherté n’est plus compensée, il en résultera inévitablement une paupérisation des anciens agents de l’État. Le Gouvernement devrait à tout prix l’éviter en honorant l’engagement pris il y a dix ans, celui de prévoir un système de compensation équitable et financièrement équilibré.

Je conclurai mon rapport en indiquant à la Commission mettre un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des crédits de la mission.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. La répartition des crédits et leur traçabilité apparaissent en effet moins clairement, territoire par territoire. Mais je publierai une note explicative pour apporter des éléments complémentaires.

Sur le dérapage du programme 138, j’ai obtenu l’étanchéité de cette ligne par rapport aux autres, alors qu’on avait tendance à imputer tout dépassement des prévisions de l’ACOSS sur le programme 123. Il est acquis aujourd’hui que le programme 138 repose sur une estimation de l’ACOSS et que nous rouvrirons des crédits en cas de nécessité. Ainsi, en 2019, 133 millions d’euros ont été ouverts sur le programme 138 pour en réévaluer le montant, au fur et à mesure des estimations de l’ACOSS. C’est vrai que cette différence entre les réalisations et les prévisions est surprenante. J’en discute avec l’ACOSS. Mais, à partir du moment où l’étanchéité du programme 138 est garantie, je crois les risques sous contrôle.

Sur les autorisations d’engagement et sur les interrogations au regard de la diminution des crédits de paiement, je veux redire que les crédits de paiement bénéficieront de nouvelles ouvertures si nécessaire. Pour l’instant, ils sont estimés à moins de 100 millions d’euros. Actuellement, quelque 1,6 milliard d’euros en autorisations d’engagement n’ont pas appelé de crédits de paiement dans les territoires. Ce sont autant de projets en attente de réalisation ou d’achèvement. Et on estime que, sur cette somme, il faut s’interroger sur un volant d’à peu près 600 millions de crédits, qui correspond à des opérations prenant trop de retard.

Sur la continuité intérieure et la loi ÉROM, vous le savez, je défends toujours les engagements pris pour les territoires d’outre-mer, dans un grand respect du législateur et de ses intentions. Mais, en l’occurrence, il n’y a pas de disposition suffisamment précise sur laquelle je puisse m’appuyer. Je pense aux problèmes de continuité intérieure, dans les archipels ou dans les différents territoires. La loi ÉROM indique ainsi : « Le plan de convergence de Nouvelle-Calédonie prévoira une révision du dispositif. » D’abord, cela ne vise que la Nouvelle-Calédonie. Ensuite, ce n’est pas très précis… Je sais combien la situation est compliquée pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et la Guyane. N’est-on pas venu apporter un complément dans des contrats négociés avec ce dernier territoire ? Cela mérite des débats sur le sujet.

Sur l’ITR, cette indemnité va être mise en extinction progressive d’ici à 2027. Nous commençons à subir les effets de sa diminution. J’en parle d’autant plus facilement que je fais partie de ceux qui ont manifesté, dans leur territoire, contre cette décision annoncée il y a tout de même très longtemps. Peu de personnes avaient réagi alors. Nous sommes aujourd’hui confrontés à la difficulté. Les réactions se font plus nombreuses au fur et à mesure que des concitoyens sont touchés. C’est dommage. On nous avait promis il y a dix ans un dispositif de substitution qui n’a jamais fait l’objet d’une réflexion. Il n’est pas facile de revenir sur le sujet dix ans après. Peut-être la réforme des retraites offrira-t-elle l’occasion d’en débattre ? J’ai posé quelques questions à cet égard : les fonctionnaires des territoires d’outre-mer bénéficiant d’une surrémunération cotiseront-ils aussi sur cette surrémunération ? Quid des bonifications de retraite pour les territoires d’outre-mer ? J’en débats régulièrement avec mes collègues et avec vous.

Enfin, j’ai ouvert une réflexion sur la réforme de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM). Cela ne va pas assez vite pour moi. En tout cas, nous porterons en 2020 une réforme de cet organisme, réforme à laquelle je continuerai de vous associer.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, vous répétez à l’envi que, conformément aux engagements du Président de la République le 8 juillet dernier, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2020 sont préservés et ne portent aucune mesure d’économie. Mais ce n’est pas parce qu’on le répète qu’un artifice devient vérité.

Vous nous dites que la baisse ne concerne que 100 millions d’euros en crédits de paiement, avant d’ajouter que cette baisse ne vous est pas vraiment imputable puisque ce serait de la faute des porteurs de projets et, en particulier, de nos collectivités qui ne seraient pas capables de consommer les crédits, faute d’ingénierie. Permettez-moi d’émettre des doutes face à cette affirmation, quand on sait le poids des restes à payer par l’État outre-mer, lesquels dépassent allègrement 1,68 milliard d’euros !

Ensuite, au lieu de rejeter la faute sur les ultramarins, peut-être serait-il temps de s’interroger sur la responsabilité de l’État face à un tel désastre. De toute évidence, il s’agit ici au minimum d’une responsabilité partagée... Encore cela reste-t-il à voir, car prendre d’une main ce que l’on donne de l’autre ne peut tenir lieu de politique publique responsable.

À en croire les documents budgétaires fournis par Bercy – cette fois dans des délais acceptables –, ce ne sont pas 100 millions d’euros mais bien 166 millions d’euros qui manquent à l’appel en crédits de paiement. Mais, surtout, les autorisations d’engagement sont en baisse d’à peu près 105 millions d’euros. Comment l’expliquer ? Comment le justifier alors que le budget global de l’État augmente cette année de 4,6 milliards d’euros ?

C’est toujours plus pour les riches et encore moins pour les territoires ultramarins, déjà parmi les plus éprouvés de la République. D’ailleurs, vous les faites passer pour des privilégiés, avec un ardent désir de vous attaquer aux quelques avantages sociaux et fiscaux qui leur permettent à peine de surnager – et à leurs habitants de survivre dans la dignité. Je vous rappelle qu’avec ses coups de rabots contre nos entreprises et contre l’abattement fiscal outre-mer, votre budget 2019 avait déjà réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui : même le rapporteur spécial, qui siège pourtant dans votre majorité, s’était abstenu. C’est dire si la situation était dramatique ! Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement cette année, tant les attaques contre nos citoyens sont perfides. Même si elles sont moins brutales, ce sont autant de « coups de canif » pour reprendre l’expression du sénateur Victorin Lurel.

Madame la ministre, pour 2019, vous nous annonciez 70 millions d’euros récupérés sur la démodulation de l’abattement sur l’impôt sur le revenu. Vous nous promettiez également une réforme des exonérations de charges patronales indolore pour nos entreprises, malgré de gros cafouillages sur les différentes projections fournies. Finalement, rien que pour la Guyane, ce ne sont pas moins de 19 millions d’euros qui s’étaient évanouis. Certes, nous avons réussi à les rattraper la semaine dernière sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Cependant, nous aurons perdu un an et nos entreprises en souffrance ont dû certainement beaucoup apprécier !

Dès lors, comment aborder cet exercice budgétaire en confiance ? C’est d’autant plus difficile qu’en justifiant la baisse des crédits de paiement par leur sous-consommation l’année dernière, vous ouvrez la boîte de Pandore. En effet, après avoir diminué les budgets pour 2020, on aura très probablement de nouveau une sous-consommation mécanique. À n’en point douter, cela permettra de justifier une nouvelle baisse, et ainsi de suite…

Vous affirmez que votre budget ne souffre d’aucune mesure d’économie. Mais alors où sont passés les 89 millions d’euros d’autorisations d’engagements et les 150 millions d’euros de crédits de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU) outremer, qui se sont quasiment volatilisés ?

Lors du lancement de l’Opération d’intérêt national (OIN) en Guyane en 2016, il était prévu que la LBU monte en puissance jusqu’à être doublée en 2020, à hauteur de 60 millions d’euros. Qu’en-est-il aujourd’hui ? L’engagement a-t-il été tenu, dans un contexte de baisse de l’enveloppe globale ?

Quid de l’OIN à Mayotte cette fois ? Sur quel périmètre et avec quels financements ? Quid également des crédits de l’action 04, « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ». Ils fondent plus vite que le beurre sous le soleil d’équateur en perdant 73 % de leur volume ! Un comble quand on connaît le profil de nos territoires !

Certains diront que la Guyane s’en sort bien. Il n’empêche que l’effort budgétaire et financier de l’État y est en baisse de 1 % en crédits de paiement et de 5 % en autorisations d’engagement – soit 137 millions d’euros, c’est-à-dire de quoi construire trois lycées. Madame la ministre, ne croyez surtout pas qu’il s’agisse d’une attaque personnelle car je sais à quel point vous manœuvrez contre des vents contraires au sein de ce Gouvernement. Mais vous n’êtes manifestement pas entendue par Bercy, qui continue allègrement sa casse des outre-mer – un peu, à vrai dire, comme il le fait en toute matière en remplaçant les financements par des slogans. En attendant, si les slogans apportent beaucoup de likes et de retweets sur les réseaux sociaux, ils n’ont jamais fait avancer les territoires, ni amélioré la vie de nos concitoyens.

Je réitère donc ma requête pour que le Gouvernement nous dise, un jour, ce que coûtent et ce que rapportent les outre-mer à la France. Que cessent enfin ces comptes d’apothicaire !

Pour terminer, je dirai que les divergences d’analyse que nous observons devraient nous conduire à changer radicalement les modalités d’étude des budgets, puisque les moyens de la mission « Outre-mer » ne représentent que 12 % des crédits fléchés pour nos territoires. Cela doit certainement biaiser notre regard et, par voie de conséquence, nos analyses et nos conclusions. J’espère vraiment que nous aurons un jour la possibilité d’analyser de manière beaucoup plus globale tous les crédits fléchés pour les territoires d’outre-mer.

M. Jean-Hugues Ratenon. Quand on reprend les chiffres et qu’on les corrige avec l’inflation et l’augmentation de la population, nous constatons que le budget outre-mer est en régression de presque 8 %. Ce sont donc 100 millions d’euros qui vont encore manquer à nos territoires.

Alors que le chômage a augmenté de deux points outre-mer entre 2016 et 2018, on peut voir que le programme 138 « Emploi outre-mer » recule de 3,5 % – attendons de voir quelle sera son évolution. Pour le logement : moins 29 millions d’euros. Pour l’aménagement du territoire : moins 12,4 millions d’euros. Concernant le domaine sanitaire et social, la culture et le sport : moins 15,5 millions d’euros.

Le Président de la République est venu très récemment à La Réunion après être passé par Mayotte. À cette occasion, il a voulu nous faire croire que tout irait bien et que de grandes mesures seraient mises en place. Mais, en fait, il ne s’agit que de demi-mesures, de fausses solutions et de choses déjà annoncées. Bref, c’était une grande opération de communication, très loin des préoccupations des Réunionnais.

Je veux cependant saluer la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) puisque je formule cette demande depuis le début de mon mandat – et je n’étais pas le seul à le faire. Cela étant, allez-vous éponger la dette d’un milliard d’euros que l’État doit au département de La Réunion ? Je parle, bien entendu, de la dette accumulée.

Rien d’autre n’est à saluer dans les annonces du Président de la République. Il veut nous faire croire qu’en formant 10 000 chômeurs de plus, ils pourront trouver du travail ! Ce n’est pas simplement un problème de compétences – comme vous le savez, l’outre-mer est plein de talents. Il faut surtout créer de l’emploi et, pour cela, il faut créer de la demande, ce qui ne se produira pas avec votre politique et encore moins avec votre budget.

Autre tour de passe-passe : le Président de la République a annoncé vouloir stabiliser le nombre d’emplois aidés à 12 000 par an jusqu’en 2022. Rappelons que c’est toujours nettement moins que ce que nous avions avant son arrivée au pouvoir ! Même l’INSEE l’indique : depuis que vous gouvernez, notre territoire a perdu au moins 6 500 contrats aidés… C’est autant d’emplois qui nous font défaut pour lutter contre l’épidémie de dengue – qui fait des ravages à La Réunion –, mais aussi pour assurer le fonctionnement des écoles, des associations humanitaires, des hôpitaux… Bref, autant de services en moins pour la population !

En vérité, à la souffrance des gens, vous répondez par des manœuvres budgétaires détestables qui ne font illusion pour personne. Le Gouvernement a pris dans nos poches et, maintenant, il jette quelques miettes pour essayer d’apaiser la population. Rien de nouveau, rien d’exceptionnel !

Ce budget, comme les annonces du Président de la République, constitue une véritable déception pour les populations. Ces orientations n’ambitionnent pas de régler le durcissement de la pauvreté chez les personnages âgées, chez les jeunes ou dans les familles. Il est donc difficile d’approuver ce projet de loi de finances, comme il est difficile d’apprécier cet exercice budgétaire en confiance.

M. Guillaume Vuilletet. Le décalage est impressionnant entre les différentes tonalités d’intervention... Pour ma part, je commenterai ce budget avec beaucoup d’humilité et une connaissance sans doute imparfaite de la réalité de terrain. Je me fonderai sur le document budgétaire et l’avis de notre rapporteur.

Je relève que, en cohérence avec le Livre bleu et la Trajectoire 5.0, les niveaux d’engagement de l’État restent extrêmement ambitieux. Cela se traduit par un maintien des autorisations d’engagement, ce qui n’est pas anodin dans une période où chacun voit les difficultés à boucler le budget. Cela montre l’engagement de l’État en matière d’outre-mer.

Une question se pose, effectivement, à propos des crédits de paiement. Beaucoup d’explications ont été données. Je ne reviens pas sur les effets de périmètre qui ont déjà été évoqués. La sous-consommation des crédits de paiement existe aussi en métropole : compte tenu des cycles électoraux, on consomme davantage au cours des 3e et 4e années d’un mandat et en peu moins au cours des années suivantes. C’est vrai partout et on voit bien quelle est l’explication si on a fait un peu de gestion municipale. Cela dit, il serait faux de croire qu’il n’y a pas de singularité outre-mer. Il y a des difficultés, notamment en matière d’ingénierie, pour faire aboutir les projets. Le signaler ne revient pas à mettre en accusation les collectivités locales. Il faut tout simplement pouvoir les accompagner différemment et mieux, comme le souhaite le Gouvernement.

Au-delà des 40 millions d’euros alloués aux mesures de soutien aux collectivités locales mises en œuvre par l’AFD, pouvez-vous revenir sur les dispositions prévues ? Il y a notamment une augmentation de 85 millions d’euros de la péréquation, ce qui n’est pas rien. Par ailleurs, le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique va permettre de revenir sur le verrou lié à la participation minimale – de 20 % – des communes au montant total des financements publics. Cela permettra aussi de mieux consommer les crédits. En ce qui concerne l’ingénierie, comment fera-t-on pour mieux accompagner les collectivités locales ?

Vous avez déjà répondu en ce qui concerne les exonérations pour les entreprises. Il faudrait clarifier les règles afin que tout le monde puisse les connaître. Le mécanisme est un peu subtil.

Je voudrais saluer le fait que l’État continue à accompagner les outre-mer en matière d’innovation et de recherche : 170 millions d’euros ont été mobilisés depuis un an pour les projets en faveur de la transition écologique et énergétique, de l’aménagement du territoire et de la formation, dont 67 millions d’euros pour le déploiement du réseau à très haut débit.

Pour ce qui est du logement, il y a des singularités outre-mer, mais on est aussi dans une période particulière partout sur le territoire national : les projets de construction et la délivrance des permis de construire sont ralentis à l’heure actuelle. Il est vrai, néanmoins, que le foncier constitue un sujet complexe outre-mer. Notre collègue Serge Letchimy a fait adopter une bonne proposition de loi dans ce domaine. Il y a un problème fondamental qu’on ne peut pas résoudre du jour au lendemain. Il faut saluer l’engagement pris par Action Logement dans ce domaine, en lien avec l’État.

Ce budget pour l’outre-mer mérite d’être soutenu car il traduit, une fois corrigé des effets de périmètre, un engagement puissant de l’État.

Je veux également souligner l’action conduite pour lutter contre le logement indigne. Vous connaissez mon attachement à cette cause – j’ai très récemment rendu un rapport au Premier ministre sur ce sujet.

Enfin, je voudrais revenir un instant sur les récents déplacements des plus hautes autorités de l’État outre-mer. Le Premier ministre s’est rendu en Guadeloupe, le week-end dernier, pour clore la conférence internationale sur la lutte contre les sargasses et pour visiter le site du futur centre hospitalier universitaire (CHU). Il y a une volonté de faire évoluer des situations enkystées depuis longtemps et de traiter des problèmes qui pèsent lourdement sur les collectivités locales. L’intérêt et l’investissement de l’État s’inscrivent dans la durée mais aussi dans des circonstances particulières, quand c’est nécessaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je voudrais également vous poser une question, madame la ministre.

Je me suis rendue très récemment en Guyane avec notre collègue Philippe Gosselin, vice-président de la Commission. Nous avons constaté un engagement formidable des services de l’État et beaucoup d’agilité pour faire face à des situations hors norme. On nous a beaucoup parlé, à propos de la lutte contre l’orpaillage illégal, de la nécessité d’adapter le code minier. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Que pensez-vous de l’adaptation du droit aux réalités locales dans certains territoires ? Nos règles sont parfois totalement décalées par rapport aux particularités qui peuvent exister, notamment sur le plan géographique.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Vous avez dit, monsieur Serville, qu’il faudrait enfin savoir ce que coûtent et rapportent les outre-mer. Ce n’est pas un coût, ce sont des investissements pour l’avenir. J’essaie d’éviter de parler de « coût » : vous trouverez rarement ce terme dans mon vocabulaire – je l’ai laissé passer dans un discours il y a peu de temps et j’en suis restée gênée pendant plusieurs jours. Il est normal que la France s’engage outre-mer et qu’elle y investisse pour l’avenir.

Vous laissez entendre que certaines entreprises seraient en difficulté parce qu’il y a eu une réforme importante l’an dernier. Ce n’est pas possible : la réforme n’a pu être mise en œuvre qu’assez tardivement, à partir du mois de juillet – c’est d’ailleurs ce qui explique les chiffres récents et un peu perturbants de l’ACOSS. Moins de trois mois après le début de l’entrée en application, la clause de revoyure nous permet d’apporter une réponse à la hauteur de ce qui était attendu. Je m’étais engagée sur ce sujet et nous sommes au rendez-vous. On ne va payer aucune charge dans les territoires d’outre-mer jusqu’à deux SMIC – soit le double de ce qui est possible en métropole, ce qui est légitime compte tenu de la situation. Nous avons répondu au besoin d’engagement de l’État aux côtés des entreprises. Cela représente à peu près 35 millions d’euros supplémentaires pour les territoires d’outre-mer.

Y a-t-il une responsabilité de l’État pour ce qui est des baisses de crédits de paiement ? L’État est au rendez-vous : j’ai souhaité l’an dernier qu’il y ait une veille, tous les mois, sur l’utilisation des crédits de paiement et les besoins d’accompagnement des collectivités. Les services de l’État peuvent être en partie responsables de certains retards, tout simplement parce qu’ils ne sont pas suffisamment dotés en ingénierie : la déconcentration et la décentralisation ont conduit à une baisse dans ce domaine. C’est pourquoi nous avons créé des plateformes à Mayotte et en Guyane. Les territoires d’outre-mer n’étaient pas nécessairement prêts à l’évolution qui a eu lieu – elle a été trop rapide. Nous devons être en mesure de répondre aux besoins. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ingénierie dans les territoires d’outre-mer, mais qu’elle n’est pas nécessairement au service des projets.

J’ai regardé les projets bloqués : sur le montant de 1,6 milliard d’euros évoqué tout à l’heure, je m’inquiète pour 600 millions d’euros – quand on voit que le foncier n’a toujours pas été mis à disposition ou que les permis de construire n’ont pas été délivrés. Il y a des réponses à apporter. C’est pourquoi nous prévoyons de faire passer les moyens de l’AFD de 3 à 7 millions d’euros. Il faut aller plus vite dans le domaine du logement, surtout dans les territoires à la démographie importante. On perd du terrain tous les jours car on n’est pas à la hauteur des annonces faites. Nous devons tous ensemble agir vigoureusement.

Je n’ai pas de difficulté à dire que les responsabilités sont multiples. On peut se poser des questions sur nos modes de fonctionnement et sur l’organisation du budget. Les crédits de paiement (CP) sont annuels alors que les autorisations d’engagement (AE) peuvent s’étaler sur plusieurs années. On peut discuter ensemble pour regarder comment évoluer.

Cela étant, cette année est la plus belle que nous ayons connue depuis longtemps au ministère des outre-mer en ce qui concerne la consommation des crédits de paiement – je vous donnerai des chiffres précis dès que nous les aurons. Nous sommes aux côtés des collectivités et des porteurs de projets au jour le jour. On ne se contente pas d’attendre et de dire ce qui ne va pas : on demande que les projets soient transmis au plus vite et on aide à les finaliser. C’est la volonté qui m’anime même si ce n’est pas toujours facile. L’idée n’est pas de chercher à rejeter la responsabilité sur d’autres acteurs. Il faut voir comment utiliser les crédits mis à disposition des territoires d’outre-mer pour de véritables investissements pour l’avenir.

S’agissant plus particulièrement de la Guyane, l’État est au rendez-vous. En matière de logement, les crédits sont passés de 30 à 50 millions d’euros. En 2017-2018, 200 millions d’euros ont été alloués à l’accompagnement de cette collectivité. Par ailleurs, 27 millions d’euros figurent dans ce projet de loi de finances en compensation de l’octroi de mer. Il y a un accompagnement dans la durée, à côté de la montée en puissance à laquelle nous travaillons en matière de performance.

La baisse de 166 millions d’euros du budget des outre-mer évoquée comprend, en réalité, l’ajustement lié à la consommation des crédits, les prévisions de l’ACOSS au sujet des exonérations de charges à compenser – nous intégrons une variation de 35 millions d’euros – et les mesures de périmètre. Sur ce dernier point, j’ai expliqué tout à l’heure que certains éléments ne figurent plus dans le budget des outre-mer mais dans ceux qui relèvent, d’une part, du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et, d’autre part, du ministère de l’intérieur. Il faut arriver à se mettre d’accord sur ce que l’on compare sinon il n’y a pas de discussion possible.

En ce qui concerne les crédits alloués au Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) en lien avec la réforme de l’impôt sur le revenu, le montant ne s’est élevé en 2019 qu’à 23 millions d’euros – au lieu de 70 – parce qu’il a fallu du temps pour mettre en œuvre le dispositif. Cela représente donc 23 millions d’euros sur quatre mois. Le montant sera un peu supérieur en 2020 parce qu’il y aura un rattrapage. Peu importe le rendement de l’impôt sur le revenu : 70 millions d’euros seront versés au FEI chaque année, c’est garanti jusqu’à la fin du quinquennat.

En ce qui concerne l’emploi, monsieur Ratenon, il faut commencer par l’éducation et la formation : on doit faire en sorte qu’il y ait davantage de jeunes, et de moins jeunes, qui soient formés à La Réunion. Nous y avons conclu un plan de formation dans le cadre duquel l’État doit apporter 253 millions d’euros. Le plan Pétrel, annoncé par le Président de la République, fait de l’emploi la priorité. Les mesures prévues représentent 700 millions d’euros. On n’en fait jamais assez compte tenu du taux de chômage dans les territoires d’outre-mer, mais l’État n’a jamais mis aussi peu de temps à réagir face aux besoins. C’est un investissement nécessaire et utile.

Le taux de chômage est élevé, c’est vrai, mais il y a eu 2 000 chômeurs en moins à La Réunion en un an. Ce n’est pas considérable si on rapporte ce chiffre à la population, mais ce sont quand même 2 000 personnes... On constate une hausse de 35 % des reprises d’emploi et de 47 % des entrées en formation. On observe aussi une baisse du chômage chez les jeunes. Ce sont des résultats fragiles, mais on avance dans la bonne direction ! On renforce la dynamique en agissant en matière de formation, de création d’emploi et d’accompagnement économique. On n’avait pas vu de telles évolutions depuis longtemps. Je ne dis pas que ces résultats ne sont pas également le fruit des années précédentes, mais il faut en tout cas se féliciter que l’on aille dans un autre sens que les pertes d’emplois antérieures.

En ce qui concerne l’accompagnement, on peut étudier la question de l’élargissement des plateformes d’ingénierie à toutes les collectivités. Certains territoires en ont besoin. De quoi s’agit-il ? Des hommes et des femmes vont aller à Mayotte et en Guyane pour servir ces territoires : c’est de l’ingénierie fixe si je puis dire. D’autres collectivités qui ont des besoins ponctuels peuvent demander des crédits et bénéficier d’une ingénierie via des entreprises ou en recrutant elles-mêmes du personnel pour certaines opérations. Comme le Président de la République l’a rappelé à Mayotte, nous utilisons le levier de l’AFD pour que les actions menées soient rapides. Le défi réside, en effet, dans la rapidité d’exécution : nous sommes trop lents. C’est pourquoi j’ai souhaité une dotation complémentaire pour l’AFD.

Je me demande s’il ne faut pas aller plus loin : j’ai demandé au Président de la République si l’on pourrait faire en sorte que les outils employés par l’AFD dans les pays en développement soient également mis à la disposition des collectivités d’outre-mer. Nous utilisons les outils de l’aide publique au développement (APD) à l’international. Certains territoires, comme Mayotte et la Guyane, en ont aussi besoin pour l’accompagnement des collectivités, des ONG et des associations ou encore des entreprises. Je crois que ces outils ont également vocation à intervenir outre-mer. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : l’AFD ne fait que de l’ingénierie et des prêts bonifiés dans ces territoires. Tous ses outils ne sont pas au service de l’outre-mer car cela n’entre pas dans sa mission. Doit-on aller plus loin ? Le Président est d’accord pour Mayotte, la Guyane et les territoires qui le demanderont. Je reste prudente car il s’agit d’un organisme pour les pays en développement – vous voyez bien ce que cela peut impliquer. Mais je crois, honnêtement, qu’on a besoin de ces outils et je n’ai pas de scrupule, en tant qu’ultramarine, à les demander. S’il faut aller plus vite, on doit trouver les moyens nécessaires pour y arriver.

En ce qui concerne les délais de paiement, le foncier et la manière dont lever les freins à la réalisation des projets, il faut travailler sur les modes d’organisation dans nos territoires afin d’aller, je le répète, plus vite.

Madame la présidente, vous avez raison, l’adaptation du droit est une nécessité : je le constate tous les jours sur le terrain. Si je connaissais les freins sur mon territoire, je découvre petit à petit ceux auxquels tous les territoires ultramarins sont confrontés. Nous manquons par exemple de moyens législatifs s’agissant de la démolition de l’habitat informel. Sur la demande d’asile, on a bien vu qu’à Mayotte ou en Guyane, cette question était porteuse de défis différents de ceux auxquels la métropole est confrontée. Peut-être devons-nous aller plus loin dans la prise en compte de certaines particularités ? Le phénomène des « mules » concerne plus particulièrement la Guyane mais le trafic de drogue se développe aussi en Guadeloupe et en Martinique. Comment prendre en compte ces spécificités ? Devons-nous aller plus loin en matière législative ? Il faut prévoir à chaque fois des procédures adaptées aux territoires d’outre-mer – c’est ce que j’appelle le réflexe outre-mer.

Nombre de dispositifs ne sont pas suffisamment efficaces sur le terrain car ils nécessitent d’être adaptés. Faut-il pour cela imaginer un projet de loi relatif aux outre-mer afin de les régulariser sur l’ensemble des sujets ? Rouvrir l’ensemble des sujets me pose personnellement un problème. Faut-il au contraire glisser dans chaque projet de loi une législation dédiée en faveur des territoires d’outre-mer ?

J’en viens à la réforme du code minier : elle est en cours. Là encore, j’ai souhaité que l’Assemblée nationale puisse faire des propositions. Cette réforme comportera certainement un titre spécifique à la Guyane. Par ailleurs, un « M. Mines », M. Didier Le Moine, a été nommé en Guyane : il est placé auprès du préfet et devra alimenter au plus près du terrain la réflexion relative à la réforme du code minier.

Concernant La Réunion, je dois encore vous indiquer que les PEC (Parcours emploi compétences) y sont confirmés à hauteur de douze mille places, ce qui représente 15 % de l’enveloppe nationale. Le Président de la République l’a souligné sur place : certaines réformes nationales ont davantage d’impact sur les territoires ultramarins en raison de leur plus grande fragilité. Cela ne devrait pas vous étonner outre mesure puisque nombre d’entre vous étaient montés au créneau sur ces sujets. Eh bien, sur la question du logement, ou de l’emploi, avec les PEC, on en revient à des dispositifs ayant existé précédemment ! Ainsi, à La Réunion, l’État s’engage fortement sur les PEC affectés à la lutte contre la dengue puisque le pourcentage de prise en charge des emplois concernés augmente significativement.

S’agissant du FEI, grâce à lui, cette année, l’État a financé à 100 % des projets dans certaines communes en grande difficulté. Je ne pense pas qu’il faille le faire systématiquement. Un tel mécanisme doit cependant être mis en œuvre lorsque des collectivités sont incapables d’apporter leur part de financement de 20 % et qu’il est absolument nécessaire que le projet en question soit réalisé. Nous restons là aussi à l’écoute de toutes les collectivités.

Il me semble avoir fait le tour des questions qui ont été abordées. Si certaines étaient restées sans réponse, je les intégrerai dans mon discours au moment où les crédits de la mission « Outre-mer » seront examinés en séance publique.

À l’issue de l’audition de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis).

Article 38 et État B : Crédits du budget général

La Commission est saisie de l’amendement II-CL66 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL66 porte sur le Fonds de secours doté, en 2020 comme en 2019, de 10 millions d’euros. Comme son nom l’indique, il est appelé à être mobilisé sur des territoires victimes de catastrophes naturelles.

Or, un rapport d’information du Sénat portant sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer a évalué les besoins de financement à hauteur de 20 millions d’euros. Il considère que, si elle demeure bienvenue, la dotation budgétaire de 10 millions d’euros reste malheureusement très en deçà du coût des dégâts subis par les territoires lors des passages de cyclones ou d’ouragans – nous avons tous en mémoire des exemples récents.

Je ne veux pas paraître un oiseau de mauvais augure, mais la prudence et l’expérience justifient que nous nous montrions plus volontaristes dans la dotation de ce fonds en la faisant passer de 10 millions à 20 millions d’euros.

M. Guillaume Vuilletet. Nous entendons l’argument de la meilleure prise en compte du changement climatique dont les manifestations sont toujours plus violentes et présentent toujours plus de risques. Pour autant, nous considérons que le budget a atteint un équilibre et qu’il prend en compte ces aléas. Nous serons donc défavorables à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CL67 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL67 porte sur l’équivalent du Fonds vert pour le climat. Créé dans le cadre de la COP21, il ne concerne pas, bizarrement, les territoires d’outre-mer qui sont peut-être les plus exposés aux conséquences du changement climatique. Ceux-ci ne bénéficient pas non plus du fonds Barnier relatif à la prévention des risques naturels majeurs.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit un recul des crédits de paiement prévus au titre de l’action 09 « Appui à l’accès aux financements bancaires » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » abritant la dotation budgétaire de cet équivalent. Or, le réchauffement climatique ne recule pas malheureusement – loin s’en faut.

Afin d’aider un peu plus ces collectivités du Pacifique, qui ne peuvent donc pas faire appel au Fonds vert, et les outre-mer en général, l’amendement propose de doter de 7 millions d’euros les trois territoires auxquels je pense et qui n’auront pas de trop de ces crédits pour mener des actions visant à s’adapter aux effets du changement climatique.

M. Guillaume Vuilletet. Avis défavorable : des outils existent déjà. J’ajoute que la ministre a pris l’engagement que les crédits de paiement suivront si cela s’avérait nécessaire.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-CL33 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Le présent amendement concerne les plafonds d’éligibilité à l’aide à la continuité territoriale. Comme je l’ai dit tout à l’heure – j’ai d’ailleurs consacré un développement à ce sujet dans mon avis – on constate, avec le recul, que les territoires les plus éloignés bénéficient, de manière surprenante, d’une aide moindre, alors que les déplacements sont, par définition, plus onéreux. La difficulté – que l’on retrouvera en examinant un amendement relatif aux bourses d’enseignement supérieur – tient au fait que le plafond d’éligibilité, fixé de manière homogène pour l’ensemble des territoires, ne tient pas compte des différences de revenus ni, surtout, de la cherté de la vie. Si tous les territoires d’outre-mer souffrent d’un coût de la vie supérieur, ils ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. La Nouvelle-Calédonie a vu le nombre des bénéficiaires de l’aide à la continuité territoriale divisé par trois en l’espace de cinq ans. Cette évolution s’explique non pas, malheureusement, par l’augmentation du niveau de vie des Calédoniens, mais par le fait que nous ne sommes pas encore parvenus à ouvrir une discussion avec le Gouvernement sur la différenciation des plafonds d’éligibilité. Peut-être faudrait-il envisager une pondération en fonction du coût de la vie ?

L’amendement vise à abonder les crédits de l’action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 pour préparer le relèvement – qui n’est pas encore engagé – des plafonds d’éligibilité. C’est un appel à la vigilance.

M. Guillaume Vuilletet. Tous les amendements du rapporteur pour avis ciblent des sujets particulièrement sensibles. En l’occurrence, le problème évoqué a fait l’objet d’un examen approfondi dans différents rapports. Cela justifie qu’on en discute ; la ministre y a d’ailleurs très largement répondu. Dans le cadre de ce budget, il ne semble pas opportun de modifier l’affectation des crédits. Nous voterons donc contre votre amendement d’appel.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CL34 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Cet amendement porte sur le même sujet mais il a trait, cette fois, à la continuité inter-îles. J’ai noté que Mme la ministre acceptait l’augure d’un débat, tant sur la continuité inter-îles que sur celle reliant les parties d’un même territoire. Par sa réponse, elle ne donne pas un accord explicite à l’amendement que je présente, mais elle laisse ouverte la possibilité qu’une disposition soit adoptée à ce sujet.

Contrairement à ce que j’ai cru comprendre, il est bien inscrit dans la loi que l’État peut assurer la continuité territoriale intérieure. C’est précisément ce que le Gouvernement fait et continuera de faire, en 2020, entre Wallis et Futuna, deux îles reliées par une liaison aérienne dont le coût est compensé par l’État. Cela existe donc déjà mais seulement dans certains territoires. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie rencontrent des difficultés de même nature, mais dans des proportions différentes. Je souhaiterais que le dispositif de la continuité territoriale, qui a été modifié à trois reprises depuis sa création par le Président Jacques Chirac, continue d’être adapté, en particulier, à l’évolution du coût de la vie. Un ménage aux revenus modestes habitant sur l’une des îles Loyauté et devant se rendre, pour des raisons médicales ou administratives, sur la Grande Terre, renonce parfois à accomplir cette démarche compte tenu du prix – entre 200 et 300 euros – d’un billet d’avion. Ce n’est pas cosmétique. Les collectivités territoriales participent déjà assez largement. J’espère que la proposition sera entendue et que l’amendement sera voté en séance publique.

M. Guillaume Vuilletet. Pour avoir été rapporteur des projets de loi relatifs à la Polynésie française, je sais ce qu’est le rapprochement inter-îles. Mais je ne saurais paraphraser la ministre qui a tenu des propos assez complets. Je pense qu’elle vous aurait demandé de retirer l’amendement ou, à défaut, qu’elle aurait donné un avis défavorable.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je voudrais ajouter, puisque je reviens de Guyane, que le problème de la continuité territoriale ne se pose pas seulement entre les îles. Certains territoires continentaux ne bénéficient pas, par exemple, d’un réseau routier développé. Le problème de liaison aérienne les concerne donc tout autant.

M. Guillaume Vuilletet. J’avais déposé une proposition de loi à la suite des projets de loi relatifs à la Polynésie française, dont l’une des dispositions concernait l’aéroport. Nous sommes donc parfaitement conscients de cet enjeu.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Compte tenu de vos prises de position et de vos engagements, je vais retirer l’amendement pour le redéposer en séance publique. Je note, au vu de vos constats et de vos propositions, que vous avez commencé à poser les jalons de la réforme de la continuité territoriale.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit de l’amendement II-CL35 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. Cet amendement part du même constat que précédemment. Le barème déterminant l’attribution de bourses pour étudier dans l’enseignement supérieur est uniforme au niveau national. Il ne fait l’objet d’aucune pondération en fonction du coût de la vie. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la proportion de boursiers parmi les étudiants calédoniens de l’enseignement supérieur est de 27 % contre 38 % en moyenne nationale et 65 % à Mayotte. Ces chiffres, relativement constants, traduisent manifestement l’absence de prise en compte du coût d’un déplacement entre Nouméa et Paris, soit 2 500 euros. Seule la moitié des frais engagés par un étudiant non boursier est prise en charge : il s’agit d’une dépense considérable pour des familles modestes. Cet amendement d’appel vise à susciter la vigilance du Gouvernement et à permettre l’organisation d’un débat, en vue de l’adoption par décret d’un barème plus adapté à nos territoires.

M. Guillaume Vuilletet. Avis défavorable sur le fondement des mêmes arguments que précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CL65 du rapporteur pour avis.

M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis. J’avais déjà déposé cet amendement l’année dernière ; il avait été adopté par la Commission avant d’être rejeté en séance publique. Je le représente car je considère que la situation n’a pas évolué. Il concerne l’IFRECOR, établissement public administratif en charge de la protection et de la gestion durable des récifs coralliens et des écosystèmes associés – sujet d’actualité s’il en est. Cette institution célèbre en 2019 la vingtième année de sa création. Elle supporte deux charges particulières : l’élaboration d’un cinquième programme d’action et la réalisation d’un bilan de l’état de santé des récifs coralliens. Les comités locaux, que nous avons consultés, regrettent que l’IFRECOR manque des moyens humains et financiers qui lui permettraient d’assumer pleinement ses missions. Par ailleurs, l’établissement fait appel au mécénat pour financer ses projets ; une trentaine d’entre eux sont en attente de prise en charge pour 2,5 millions d’euros.

La proposition que nous faisons est bien en deçà de cette somme mais, symboliquement, ces 300 000 euros témoigneraient de l’attention que l’État porte à la préservation, à la sauvegarde et à la connaissance des récifs coralliens. Ceux-ci sont très spécifiques, symboliques et emblématiques de nos territoires. Or, ils subissent une détérioration progressive. L’amendement a pour objet de réaliser un petit transfert de crédits et constitue un modeste témoignage en faveur de nos récifs. J’en appelle à la fibre récifale de l’ensemble des membres de la Commission. (Sourires.)

M. Guillaume Vuilletet. J’avoue que, dans le Val-d’Oise, cette fibre est parfois ténue. (Sourires.) C’est avec beaucoup d’humilité que je réagis à la proposition du rapporteur pour avis, qui nous a décrit le parcours de cet amendement l’année dernière. Même si les sommes en jeu sont très symboliques, il me semble qu’il conviendrait que nous en discutions avec la ministre. À ce stade notre avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Conformément aux conclusions de M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2020.

 


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   Personnes entendues

   Mme Raphaëlle Séguin, conseillère budget

   Mme Sandra-Élise Reviriego, conseillère parlementaire

   M. Emmanuel Berthier, directeur général

   M. Marc Demulsant, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

   M. Éric Azoulay, sous-directeur adjoint de l’évaluation de la prospective et de la dépense de l’État

   M. Étienne Desplanques, sous-directeur des politiques publiques

   M. Nicolas Laurain, chef de la section droit public

   M. Florus Nestar, directeur général

   M. Laurent Renouf, directeur des affaires économiques et fiscales

   Mme Justine Bertheau, chargée de mission zone Pacifique

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Projet annuel de performance 2020 pour la mission Outre-mer, p. 80.

([2]) « Une aide à l’accession sociale et à la sortie de l’insalubrité peut être accordée en Guadeloupe,  en Guyane, à la Martinique,   à   La Réunion,   à   Mayotte,   à   Saint-Barthélemy   et   à   Saint-Martin   pour   la   prise   en   charge   des   dépenses assimilées   aux   loyers   visées   à   l’article   L. 823-3   du   code   de   la   construction   et   de   l’habitation   pour   les   personnes mentionnées à l’article L. 822-2 du même code qui accèdent à la propriété d’un local à usage exclusif d’habitation et constituant leur résidence principale à compter du 1er janvier 2020, ou qui l’améliorent, dans des conditions fixées par décret et par référence aux dispositions applicables aux aides au logement prévues au livre VIII du même code.

Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2020. »

Le document de politique transversale sur l’outre-mer annexé au présent projet de loi de finances indique que cette nouvelle action mobilise 15,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16,7 millions d’euros en crédits de paiement au sein du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

([3]) Loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([4]) Article 86 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([5]) Rapport pour avis à la commission des Lois sur les crédits de la mission Outre-mer (n° 1307), 12 octobre 2018.

([6]) Aides aux entreprises ultramarines : Annick Girardin veut de "véritables résultats" pour l'emploi, La 1ère, 17 juillet 2019.

([7]) Comme indiqué précédemment, ces baisses découlent essentiellement de la transformation de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française en prélèvement sur recettes et des estimations à la baisse des montants de cotisations sociales bénéficiant d’une exonération de droit.

([8]) Les données communiquées dans le document de politique transversale pour la répartition entre les territoires sont à considérer avec précaution. L’attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur le fait que, lorsqu’un responsable de programme ne communique pas ses chiffres avant la date limite assignée pour la publication, les sommes correspondantes sont ramenées à zéro pour le calcul global. Tel est le cas, par exemple, pour les crédits de paiement consacrés à la Nouvelle-Calédonie au titre du programme 152 « Gendarmerie nationale » de la Mission Sécurités, sans qu’il faille en déduire une absence totale d’action de la gendarmerie nationale sur le territoire calédonien pour l’année 2020.

([9]) Pour les territoires couverts, les chiffres de population sont issus du décret n° 2018-1328 du 28 décembre 2018 authentifiant les chiffres des populations de métropole, des départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, et des collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les données relatives aux autres populations ont été collectées auprès de sources diverses et peuvent présenter un caractère approximatif.

([10]) Quand la France a prononcé la départementalisation de la collectivité de Mayotte, transférant celle-ci de l’article 74 à l’article 73 de la Constitution, elle passa en conséquence du statut de PTOM à celui de RUP par décision du Conseil européen du 12 juin 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte (EUCO 112/12).

([11]) Alors que l’île de Saint-Martin est partagée entre la France et les Pays-Bas, la partie française applique donc le droit de l’Union européenne en tant que région ultrapériphérique alors que la partie néerlandaise, Sint Maarten, est placée sous le statut de pays et territoire d’outre-mer de l’Union européenne. Il en résulte une différence de législation entre les deux entités alors même que règne sur l’île un accord de libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648.             

([12]) Article 60 de la loi précitée. Le décret n° 2004-100 du 30 janvier 2004 relatif à la dotation de continuité territoriale instituée par l’article 60 de la loi de programme pour l’outre-mer (n° 2003-660 du 21 juillet 2003) précisait les modalités de calcul de la dotation.

([13]) Dans sa décision n° 2003­‑474 DC du 17 juillet 2003, Loi de programme pour l’outre-mer, le Conseil constitutionnel qualifiait la dotation de continuité territoriale de « subvention versée par l’État aux collectivités d’outre-mer pour l’exercice d’une compétence facultative » (cons. n° 21). Il précisait également que « le principe dit de continuité territoriale n’a valeur constitutionnelle ni en lui-même ni comme corollaire du principe d’indivisibilité de la République » (cons. n° 13).

([14]) « Il était prévu à l’origine que l’enveloppe de l’État soit abondée à parité par des crédits européens et une contribution des collectivités concernées, portant ainsi le financement total du dispositif à 9 millions d’euros. Ce principe de financement tripartite a été repris par le Conseil constitutionnel dans les considérants de sa décision susmentionnée. Or, aucune collectivité d’outre-mer n’a souhaité participer financièrement et l’Union européenne n’a pas donné suite aux attentes des autorités françaises » (Cour des comptes, rapport public annuel 2008, p. 325).

([15]) Art. 49 à 52 de la loi précité.

([16]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([17]) Les étudiants de Mayotte qui s’engagent dans le programme « cadres de Mayotte » prévu aux articles L. 1803‑17 et L. 1803‑18 du code des transports bénéficient également de la prise en charge de leurs frais d’installation (montant maximal de 800 euros) et d’une indemnité mensuelle pendant une durée maximale de cinq ans dont les modalités de calcul sont fixées par le décret n° 2018-780 du 10 septembre 2018 relatif à la politique de formation des cadres exerçant dans le département de Mayotte.

([18]) Article L. 1803-3 du même code.

([19]) Article L. 1803-9 du même code.

([20]) LADOM a été créée par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodéom ».

([21]) Articles 4 et 6 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

([22]) Arrêté du 13 décembre 2010 pris en application du deuxième alinéa de l’article L. 1803‑4 du code des transports et définissant les déplacements éligibles : « les déplacements effectués à l’intérieur de la Guyane entre les communes de : Cayenne et Maripasoula ; Cayenne et Grand-Santi ; Cayenne et Saül ; Saint-Laurent-du-Maroni et Grand-Santi ; Saül et Maripasoula. »

([23]) Rapport d’information (n° 2289) de M. Lénaïck Adam, Mme Nathalie Bassire, Mme Monica Michel et Mme Nicole Sanquer au nom de la délégation de l’Assemblée nationale aux Outre-mer, 3 octobre 2019.

([24]) L’État n’est pas resté inactif ici puisqu’une concession de service public allouée à Air Calédonie international donne lieu au versement d’une subvention annuelle cofinancée à parité par l’État et par la collectivité territoriale.

([25]) Décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 portant attribution d’une indemnité temporaire aux personnels retraités tributaires du code des pensions civiles et militaires et de la caisse de retraites de la France d’outre-mer en résidence dans les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer ou dans le département de La Réunion.

([26]) Décret n° 54-1293 du 24 décembre 1954 portant attribution d’une indemnité temporaire aux pensionnés au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre en résidence dans les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer ou dans le département de La Réunion.

([27]) Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et îles Wallis-et-Futuna. Les textes réglementaires des années 1950 mentionnaient d’autres territoires qui ont accédé depuis à l’indépendance.

([28]) Article 1er des deux décrets précités.

([29]) Instruction comptable n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 relative aux conditions de paiement de l’indemnité temporaire payable au titre des pensions civiles et militaires de retraite et des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre dont les titulaires résident dans certains départements et territoires d’outre-mer.

([30]) Cette condition supplémentaire n’est pas applicable aux pensionnés originaires du territoire qui s’y réinstallent, aux pensionnés qui résidaient déjà dans le territoire lors de l’entrée en jouissance de leur pension, ni aux pensionnés qui viennent exercer une activité professionnelle dans le territoire.

([31]) À sa création dans les années 1950, le dispositif concernait les territoires d’outre-mer dans lesquels avaient cours le franc CFA (ce qui explique l’application à La Réunion) et le franc Pacifique. Il convenait alors de compenser les effets du mode de calcul des pensions défavorables à leurs bénéficiaires. Cette justification a disparu avec le temps : aucun territoire français n’emploie plus le franc CFA tandis que le franc Pacifique est désormais aligné sur l’Euro.

([32]) Rapport conjoint de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration et du contrôle général des armées sur l’indemnité temporaire de retraite des fonctionnaires de l’État outre-mer, novembre 2006.

([33]) Les pensions des fonctionnaires civils de l’État : rapport au Président de la République suivi des réponses des administrations intéressées, Cour des comptes, avril 2003, pp. 181-186.

([34]) Rapport précité, avril 2003.

([35]) Article 60 de la loi n° 96- 609 du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer.

([36]) Conseil d’État (Ass.), 20 décembre 1995, Mme Vedel et M. Jannot, req. n° 132183.

([37]) Rapport conjoint des corps d’inspection précité, novembre 2006. 

([38]) Rapport précité, avril 2003.

([39]) Rapport d’information de M. Marc Laffineur à la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur la fonction publique d’État et la fonction publique locale outre-mer (n° 1 094), 25 septembre 2003.

([40]) Proposition de loi n° 366 (Sénat, 2006-2007) mettant fin à l’indemnité temporaire majorant la retraite des fonctionnaires de l’État dans certains territoires d’outre-mer.

([41]) Article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. Le dispositif avait préalablement été adopté à l’article 96 de la loi n° 2008‑1330 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2009, mais le Conseil constitutionnel avait jugé la procédure contraire à la Constitution dans la mesure où d’une part, le dispositif adopté n’avait pas un caractère permanent et où, d’autre part, il n’avait pas suffisamment d’impact sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement (décision n° 2008‑571 DC du 11 décembre 2008, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, cons. n° 25).

([42]) Le Conseil constitutionnel affirme notamment que « s’il existe un intérêt général à encourager des fonctionnaires métropolitains à venir servir outre-mer, le maintien ou la venue outre-mer de fonctionnaires retraités ne constituait plus un tel intérêt » (décision n° 2010‑4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre).

([43]) Décrets n° 2009‑114 du 30 janvier 2009 relatif à l’indemnité temporaire relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite et n° 2009‑290 du 13 mars 2009 relatif à l’indemnité temporaire accordée aux pensionnés relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

([44]) Données collectées par le Snuipp-FSU de La Réunion, http://974.snuipp.fr/IMG/pdf/R-forme_de_l-ITR.pdf

([45]) Le droit à congé bonifié est établi en fonction de certains critères justifiant que le « centre des intérêts matériels et moraux » (CIMM) de l’intéressé se trouve réellement dans le territoire dans lequel il a l’intention de se déplacer. Divers éléments peuvent le justifier : le domicile des père et mère, la propriété ou la location de biens fonciers, le domicile avant l’entrée dans l’administration, le lieu de naissance ou encore le bénéfice antérieur d’un congé bonifié. La notion de CIMM apparaît notamment à l’article 10 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([46]) La réforme de l’indemnité temporaire de retraite, mai 2010, document consultable sur http://annickgirardin.n.a.f.unblog.fr/files/2010/06/rapportitrmai2010.pdf

([47]) « Dans son principe, l’objectif de traitement égal des assurés est consubstantiel à la réforme de l’ITR. Vouloir créer un nouveau dispositif, qui avantagerait une catégorie de citoyens, ne serait ni conforme aux objectifs qui ont prévalu lors de la définition de la réforme, ni souhaitable au regard de la dépense publique qui en découlerait » (p. 27). Le rapport met également en avant les avantages accordés aux agents publics au cours de leurs fonctions outre-mer pour estimer suffisantes les compensations déjà existantes – bonifications, indemnité de sujétion géographique et assiette de cotisation élargie.

([48]) Question n° 8329 au ministère de l’action et des comptes publics, 15 mai 2018 (réponse le 28 août 2018).

([49]) « Or, selon une étude de l’Insee publiée en 2015, le coût de la vie est plus élevé à Mayotte qu’il ne l’est en France métropolitaine ( ). Les prix hors loyers sont de 6,9 % plus élevés qu’en métropole ; les produits alimentaires et boissons non alcoolisées consommés habituellement en métropole coûtent 42 % plus cher à Mayotte. Il en va de même pour la plupart des dépenses de la vie quotidienne : biens et services de communications (+ 35 %), loisirs et culture (+ 27 %), équipement (+ 25 %) et même services de santé (+ 12 %) » (rapport à la commission des Lois de l’Assemblée nationale n° 2029 sur la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte, 12 juin 2019).

([50]) « Nouvelle-Calédonie: prix 33% plus élevés qu’en Métropole », Le Figaro, 3 juillet 2018.