N° 3403

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360)

 

 

TOME I

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Action de la France en Europe et dans le monde ;

Français à l’étranger et affaires consulaires

 

 

PAR M. Christophe Di POMPEO

Député

 

——

 

Voir le numéro : 3360.


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : un budget pour 2021 qui tire les conséquences de la pandémie mondiale

I. La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur l’exécution du budget du Quai d’Orsay en 2020

A. Sur le programme 105, le centre de crise et de soutien a dû faire l’objet d’un soutien financier important

B. Le plan de soutien aux communautés françaises de l’étranger est venu renforcer le programme 151

C. La crise sanitaire a eu un impact limité sur la masse salariale, mais a mis les personnels sous pression

II. Le budget pour 2021 engage la stabilisation des effectifs et le renforcement des moyens de fonctionnement du MEAE

A. Le programme 105 porte le renforcement des moyens de fonctionnement du ministère

B. Stabilisé, le programme 151 pourrait faire l’objet de certains ajustements en gestion

C. En 2021, les effectifs du ministère ne diminueront pas pour la première fois depuis vingt ans

Deuxième partie : Le Quai d’Orsay au défi de la révolution numérique

I. Jusqu’à ce jour, le Quai d’Orsay n’a pas fait du numérique une de ses priorités

A. Le Quai d’Orsay dispose d’une organisation numérique propre dont les moyens sont faibles

1. Les enjeux du numérique au MEAE sont spécifiques

2. La DNUM a des responsabilités importantes

a. Des missions nombreuses au service de l’action extérieure de l’État

b. Le pilotage du réseau numérique à l’étranger

c. La gestion d’outils très variés

3. Les moyens que le MEAE consacre au numérique sont faibles

a. Des moyens budgétaires insuffisants

b. Des ressources humaines volatiles

B. Les progrès réalisés dans le domaine du numérique concernent surtout l’administration consulaire

1. Le « consulat numérique » connait de premières réalisations

2. La DFAE est engagée dans plusieurs grands projets de dématérialisation

3. L’action consulaire ne peut se passer de l’humain

II. La crise sanitaire doit être une opportunité pour que le MEAE fasse sa « révolution numérique »

A. La crise sanitaire doit permettre au ministère de mieux conjuguer sécurité et transformation numérique

1. Le Quai d’Orsay doit assurer sa sécurité informatique

a. Le MEAE est une des principales cibles des attaques informatiques en France

b. Le MEAE met en œuvre un dispositif de sécurité informatique

i. Les moyens en prévention

ii. Les moyens en réaction

2. La DNUM a dû faire preuve de souplesse pour assurer la continuité de l’activité pendant la crise sanitaire

3. La crise a accéléré la définition d’une stratégie numérique pour le Quai d’Orsay

B. Il est nécessaire de donner une véritable ambition à la transformation numérique du Quai d’Orsay

1. Le « plan numérique » doit être porté à un niveau élevé et s’accompagner de moyens suffisants

a. Un pilotage à haut niveau

b. Des moyens conséquents

2. Le « plan numérique » doit s’attaquer aux différentes faiblesses de l’organisation numérique du ministère

a. Renouveler le parc informatique et téléphonique

b. Développer les outils de mobilité

c. Équilibrer sécurité et souplesse des usages numériques

i. La sécurité informatique doit être prise au sérieux

ii. Mais la sécurité informatique doit être proportionnée

d. Moderniser les applications

e. Renforcer la formation au numérique

i. La formation aux outils numériques

ii. La sensibilisation à la sécurité informatique

Contribution présentée au nom du groupe Agir ensemble

Travaux de la commission

I. Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

Annexe 1 : Propositions du groupe de travail « Réseaux » créé par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour suivre les conséquences de l’épidémie de Covid-19

Annexe 2 : Les services bureautiques du MEAE

Annexe 3 : Les infrastructures informatiques du MEAE

 


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   Introduction

Dès le 17 mars 2020, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé la création d’une mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19. Les commissions permanentes ont été chargées de nourrir les travaux de cette mission d’information dans leurs domaines de compétence respectifs. Dans ce contexte, la commission des affaires étrangères a créé plusieurs groupes de travail. Le groupe de travail animé par votre rapporteur a eu la responsabilité d’assurer le suivi des conséquences de la pandémie mondiale sur le réseau diplomatique et consulaire de la France ([1]). Ces travaux ont beaucoup pesé sur l’élaboration de ce rapport.

La crise sanitaire a fortement impacté le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), compte tenu de l’exposition mondiale du réseau diplomatique et consulaire et de la nécessité d’articuler une réponse à la pandémie à l’international. D’un point de vue strictement budgétaire – puisque tel est l’exercice dans le cadre de ce rapport –, le centre de crise et soutien (CDCS) a dû bénéficier d’un soutien financier important pour mettre en œuvre les opérations d’aide au retour des ressortissants français bloqués à l’étranger et le « plan santé » à destination des Français de l’étranger parmi les plus fragiles. Plus globalement, un plan de soutien aux communautés françaises à l’étranger, dont l’objet est notamment d’apporter un soutien sanitaire, social et éducatif aux Français de l’étranger, a été inscrit dans le troisième collectif budgétaire pour 2020.

Le budget pour 2021 tire les conséquences de la crise sanitaire sur le plan des moyens et des effectifs du Quai d’Orsay. Le MEAE, dont les personnels ont été fortement éprouvés par la gestion de crise, verra ses effectifs stabilisés pour la première fois depuis vingt ans. Les moyens de fonctionnement du ministère, sur le plan de l’immobilier, de la sécurité et du numérique, seront par ailleurs renforcés.

Votre rapporteur tire plusieurs leçons des travaux conduits dans le cadre du groupe de travail « Réseaux » et de la préparation du budget pour 2021.

Il souhaite d’abord saluer l’extraordinaire mobilisation des personnels du MEAE face à une crise inédite tant par son ampleur que par sa durée. Les personnels du ministère n’ont pas compté leurs heures pour accompagner le retour en France d’environ 250 000 compatriotes entre la mi-mars et la mi-juin. Dans cette crise, le Quai d’Orsay a donné l’image d’un ministère de service public, au service des intérêts français et de nos concitoyens.

La crise sanitaire a par ailleurs mis en lumière un certain nombre de rigidités qui ont pu entraver l’action du ministère au moment où le besoin de souplesse et de réactivité était le plus important. Tel a notamment été le cas dans le domaine du numérique. La rigidité des outils numériques du Quai a conduit des agents à devoir utiliser, dans l’urgence, des outils « classiques », comme WhatsApp ou Google Doc, avec d’importants risques en termes de sécurité. De façon plus générale, votre rapporteur a relevé l’inadéquation des moyens du ministère, notamment des moyens numériques, à la gestion de la crise sanitaire.

La crise sanitaire est une opportunité unique pour que le Quai d’Orsay opère, enfin, sa transformation numérique. Les autorités politiques et administratives du ministère sont pleinement conscientes de l’importance de cet enjeu. Au mois de mai, le secrétaire général du Quai d’Orsay, M. François Delattre, annonçait, dans la commission des affaires étrangères, un « plan numérique » pour le ministère. Le budget pour 2021 prévoit une hausse de 22 % des crédits du numérique pour concrétiser la nouvelle stratégie du MEAE.

La mise en œuvre de ce projet sera semée d’embûches. Votre rapporteur s’est donc attaché à identifier, dans cet avis budgétaire, les conditions de la réussite de la transformation numérique du Quai d’Orsay. Cette réussite est un impératif, pour la diplomatie française comme pour l’action consulaire, pour les personnels comme pour les usagers, dans ce grand ministère de service public.

 


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   Première partie : un budget pour 2021 qui tire les conséquences de la pandémie mondiale

La crise sanitaire de Covid-19 a fortement impacté le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) compte tenu de l’exposition du réseau diplomatique et consulaire à l’étranger et de la nécessité d’articuler une réponse à la pandémie à l’international, notamment au travers de l’aide au retour des Français de passage à l’étranger et de l’aide aux pays en voie de développement (PED). Le budget du ministère pour 2021 s’inscrit dans le cadre de la crise sanitaire dont il tire les conséquences sur le plan des moyens et des effectifs. 

I.   La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur l’exécution du budget du Quai d’Orsay en 2020

Le MEAE a été proportionnellement très impacté par la crise sanitaire de par l’importance de la présence française à l’étranger et l’ambition portée par le Président de la République d’articuler une réponse internationale à la pandémie.

Pendant toute la période de la crise et jusqu’aujourd’hui, la direction générale de l’administration et de la modernisation (DGAM), qui est responsable des « fonctions supports » du ministère au niveau central, a été très active pour encadrer, donner des instructions et répondre aux interrogations des postes. Les procédures budgétaires et comptables auxquelles sont soumis les postes ont été allégées au maximum, en lien avec les secrétaires généraux d’ambassade (SGA).

Au niveau agrégé, la crise sanitaire s’est traduite par des économies et des surcoûts, ainsi que par un nombre important de redéploiements de crédits.

A.   Sur le programme 105, le centre de crise et de soutien a dû faire l’objet d’un soutien financier important

Pour rappel, le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde rassemble une part importante des moyens dévolus au MEAE pour conduire la politique étrangère de la France. Il regroupe notamment les crédits de fonctionnement du ministère, en administration centrale comme dans les postes diplomatiques et consulaires, les contributions de la France aux organisations européennes et internationales et les dépenses d’investissement du ministère, notamment en matière de systèmes d’information et de travaux immobiliers. En 2020, les crédits de paiement du programme 105 étaient à peu près stables à 1,784 Mds€ dont 1,113 Mds€ pour les crédits hors masse salariale.

La plupart des crédits au service de l’action diplomatique n’ont été que faiblement impactés par la pandémie mondiale. Ainsi en est-il des dépenses réalisées au titre des contributions européennes et internationales, qui représentent les deux tiers des crédits hors titre 2 du programme 105. De même, bien que les activités du service du protocole ont été fortement affectées par la crise sanitaire, celui-ci ne dégage toutefois pas d’économies. D’une part, des dépenses concernant plusieurs sommets – notamment les sommets Afrique-France, France-Océanie et de la Francophonie –, désormais reportés à 2021, avaient déjà été engagées. D’autre part, les crédits non utilisés sont sanctuarisés pour être reportés en 2021.

La crise s’est traduite pour le ministère par plusieurs sources d’économies. Certaines sont liées à l’annulation de formations et de missions d’expertise conduites par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD). D’autres portent sur les frais de mission et de représentation des services centraux ou sur les formations et les crédits de fonctionnement des ambassades. Au total, la crise sanitaire permet de faire apparaître des économies brutes à hauteur de 24 M€.

Ces économies seront toutefois déployées, en plus du dégel d’une partie de la réserve de précaution du programme 105, à hauteur de 39 M€, pour faire face aux surcoûts engendrés par la crise et à certains aléas de fin de gestion.

S’agissant des surcoûts, ce sont les activités du centre de crise et de soutien (CDCS) qui ont été les plus touchées en termes de masses de crédits. Ce service a été abondé à hauteur de 36 M€ afin de financer, à parts à peu près égales, le retour des Français de passage à l’étranger – au total, 250 000 Français ont bénéficié d’une aide au retour en France – et le plan de soutien sanitaire ([2]) destiné à accompagner les Français résidant à l’étranger les plus fragiles. Une partie de la somme engagée pour les opérations d’aide au retour devrait être récupérée grâce aux remboursements des passagers et de l’UE, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile. M. Eric Chevallier, directeur du CDCS, fait valoir que la France a pu aider un plus grand nombre de ressortissants que l’Allemagne à un prix par ailleurs plus faible grâce à l’excellente collaboration avec Air France, qui a permis de maximiser les vols commerciaux et de limiter les vols affrétés.

S’agissant des aléas de fin de gestion, la France doit notamment faire face à la hausse non anticipée des appels à contributions votés par l’Assemblée générale des Nations Unies, en juillet, à hauteur de 17 millions d’euros. Un million d’euros est par ailleurs nécessaire pour couvrir le surcoût anticipé sur les indemnités de changement de résidence et les voyages et missions statutaires.

Au total, les économies de constatation et la mobilisation de la réserve de précaution compensent les surcoûts induits par la crise et les aléas de fin de gestion. Les remboursements des passagers et de l’UE dans le cadre des opérations d’aide au retour ne sont pas inclus dans ce calcul. Ces ressources pourraient être préservées pour faire face à de nouvelles dépenses liées au rebond épidémique.

B.   Le plan de soutien aux communautés françaises de l’étranger est venu renforcer le programme 151

Le programme 151 rassemble les crédits destinés à financer les affaires consulaires mises en œuvre, au niveau central, par la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), et sur le terrain, par les 206 postes consulaires et les 500 consulats honoraires dans le monde. Les affaires consulaires se caractérisent par des actions à destination de différents publics – les Français de passage à l’étranger, les Français résidant à l’étranger et les étrangers à l’étranger à travers les demandes de visas – et une grande diversité de tâches. Selon Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, la France est « l’un des pays qui accorde le plus à ses ressortissants étrangers, notamment en matière d’aide sociale ». Pour assurer l’ensemble des missions qui reposent sur la DFAE, les moyens du programme 151 ont été stabilisés en 2020 à 373 M€ dont 136 M€ pour les crédits hors titre 2.

La crise sanitaire a principalement eu des répercussions sur les lignes budgétaires relatives aux élections, aux affaires sociales et aux bourses scolaires.

D’abord, la pandémie mondiale a conduit à reporter, à l’année prochaine, les élections des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires ainsi que des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger ([3]), de même que l’élection pour le renouvellement du mandat de six sénateurs des Français de l’étranger ([4]). En conséquence, les crédits non engagés en 2020 au titre de ces élections, soit l’équivalent de 2,2 M€, seront reportés en 2021.

Par ailleurs, les conséquences économiques de la pandémie sur les Français de l’étranger ont conduit le Gouvernement à annoncer, le 30 avril dernier, un plan de soutien aux communautés françaises de l’étranger. Ce plan comprend notamment 50 M€ pour l’aide à la scolarité et 50M € pour le financement de l’aide sociale en direction de nos compatriotes de l’étranger affectés par la crise sanitaire. Le financement de ces 100 M€ additionnels sur le programme 151 a été anticipé dans le cadre de la 3e loi de finances rectificative (LFR) pour 2020 ([5]).

S’agissant de l’aide sociale, un certain nombre de Français en difficulté pendant la crise ont pu bénéficier du soutien apporté par des « organismes locaux d’entraide et solidarité » (OLES), eux-mêmes subventionnés par le MEAE à travers le programme 151. Compte tenu de la situation provoquée par la pandémie, le MEAE a décidé de réaffecter l’intégralité des crédits ouverts au titre du mécanisme de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE), à savoir 1,92 M€, vers les subventions attribuées aux OLES.

En sus de l’aide sociale apportée par les OLES, un dispositif de « secours occasionnel de solidarité » à destination des foyers les plus modestes a été mis en place. Ce dispositif, qui tient compte des différences de pouvoir d’achat au niveau local, est versé dans des conditions similaires à l’aide exceptionnelle de solidarité ouverte pour certains bénéficiaires de prestations sociales sur le territoire national. La 3e LFR a abondé ce dispositif de 50 M€ mais ce montant a été « gelé » par la direction du budget dans la mesure où le MEAE disposait encore de marges suffisantes au titre de l’aide sociale à l’étranger.

Compte tenu d’un manque de communication et de conditions d’octroi trop restrictives, les demandes de secours individuels ont été peu nombreuses jusqu’à présent. Aussi, comme l’explique Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), les conditions d’octroi du « secours occasionnel de solidarité » ont été récemment assouplies. En particulier, l’aide sociale « n’est plus soumise à une condition de subsidiarité, à savoir l’absence d’aide locale ou d’une aide de la famille ». 

Par ailleurs, dans un contexte de ralentissement économique dans de nombreux pays, de nombreuses familles sont susceptibles de solliciter une bourse scolaire ou une révision des quotités qui leur ont été accordées. Aussi la 3e LFR ouvre-t-elle 50 M€ supplémentaires sur l’enveloppe des bourses scolaires, qui était déjà dotée de 105 M€ dans le cadre de la LFI pour 2020. Par ailleurs, le calendrier d’examen des demandes de bourses scolaires a été prolongé et, pour tenir compte de l’incidence de la crise sur les revenus, la situation économique des parents d’élèves sera évaluée sur 2020, et non plus sur l’année N-1.

Dans ses réponses écrites au questionnaire adressé par votre rapporteur, le MEAE estime que « s’agissant des crédits ouverts en LFR3 au titre de l’aide sociale et de l’aide à la scolarité, le montant des reports sollicités en 2021 ne sera connu qu’en fin de gestion, en fonction des besoins identifiés et lorsque les effets de la crise sanitaire seront plus précisément mesurés. Le cas échéant, l’inscription d’un article en PLF permettant de majorer le plafond de reports de crédits de paiement en 2021 ou un ajustement en gestion 2021 pourraient être envisagés. »

C.   La crise sanitaire a eu un impact limité sur la masse salariale, mais a mis les personnels sous pression

La crise sanitaire a eu de très fortes conséquences sur le fonctionnement du Quai d’Orsay. M. Philippe Errera, directeur général des affaires politiques et de sécurité (DGAPS) du Quai d’Orsay, évalue entre « 10 et 12 % » le nombre d’effectifs en présentiel en administration centrale pendant le confinement. À l’étranger, aucun poste n’a fermé, mais la plupart des postes ont dû mettre en œuvre un plan de continuité d’activité (PCA) pour concilier la continuité de l’activité et la protection de la santé des agents et des usagers. À ce jour, la majorité des ambassades n’ont pu retrouver un mode de fonctionnement normal.

Malgré ces restrictions d’activité, les personnels du ministère ont été fortement mobilisés pendant la crise, en particulier pour accompagner le retour des touristes français bloqués à l’étranger. Votre rapporteur a pu constater, au travers des auditions menées avec plusieurs ambassadeurs et consuls généraux ces derniers mois, l’état de fatigue des personnels dans certains pays. Afin de préserver ses personnels, qui constitue la grande richesse du Quai d’Orsay, le ministère doit accélérer dans la mise en œuvre d’indicateurs de suivi des troubles psychosociaux pour quantifier la surcharge de travail qui pèse sur certains agents.

Les conséquences de la crise sanitaire sur les mobilités internationales ont pesé sur le Quai d’Orsay. Le ministère a fait le choix, pendant la crise, de maintenir le plus d’agents possibles dans les postes, mais a dû accompagner le retour des agents vulnérables. Par ailleurs, le mouvement des agents a été perturbé et nombre d’entre eux ont eu des difficultés à rejoindre leur poste.

Votre rapporteur a déposé un amendement au 3e projet de LFR destiné à compenser la perte de l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) des agents du MEAE bloqués en France. Pour rappel, les personnels du Quai d’Orsay dans l’incapacité de rejoindre leur pays d’affectation sont placés par le ministère en position d’appel spécial. En vertu d’un décret du 28 mars 1967, cette position administrative a pour conséquence une décroissance progressive de l’IRE, qui s’éteint complètement au bout de trois mois. Selon le Quai d’Orsay, au 5 juin 2020, 122 personnels étaient placés en position d’appel spécial ; de mars à mai, le ministère a ainsi réalisé une économie de 370 000 euros. En conséquence de l’appel spécial, un certain nombre de personnels du ministère ont enregistré une perte significative de leurs revenus alors même qu’ils étaient souvent confrontés à une double charge financière, qui résulte des loyers et des factures à payer en France et dans leur pays d’affectation. Des situations difficiles en ont résulté.

Malheureusement, cet amendement s’est heurté à des difficultés juridiques et financières et n’a pas été adopté. Le MEAE a néanmoins institué, par le décret du 14 mai 2020 ([6]), une « prime Covid » qui a été versée à certains agents au regard de l’importance de leur contribution à la continuité du service public à l’étranger. Les montants décaissés à ce titre, sur les programmes 105 et 151, ont été, respectivement de 700 000 euros et de 470 000 euros.

II.   Le budget pour 2021 engage la stabilisation des effectifs et le renforcement des moyens de fonctionnement du MEAE

En 2021, les moyens globaux du MEAE augmentent de près de 8 %, et en valeur absolue de 411 M€, pour atteindre 5,411 Mds€. Cette hausse reste largement portée par la trajectoire ascendante de l’aide publique au développement (+344,8 M€) que le Président de la République s’est engagé à porter à 0,55 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2022.

Si l’on laisse de côté les crédits consacrés à l’aide publique au développement (APD) ([7]), la mission Action extérieure de l’État, qui représente 54 % du budget du ministère, enregistre une hausse de crédits de 66,4 M€ (+2,3 %). Cette hausse bénéficie principalement au programme 105 tandis que les moyens des programmes 151 et 185 ([8]) restent plus ou moins stables.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT EN 2021

(en million d’euros)

Programme

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Total pour la mission

  2 868

   2 935

+2,31 %

dont P.105 Action de la France en Europe et dans le monde

    1779

    1844

+ 3,65 %

dont P.151 Français de l’étranger et affaires consulaires

    373

     373

+ 0,09 %

dont P.185 Diplomatie culturelle et d’influence

    717

    718

+ 0,16 %

 

Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

Comme il a été indiqué, outre les crédits attendus de la loi de finances initiale, le MEAE bénéficiera en 2021 de crédits supplémentaires en gestion au titre d’actions prévues en 2020 et différées en tout ou partie à l’année prochaine en raison de la pandémie mondiale, comme l’organisation des élections consulaires, la tenue de sommets et de conférences internationales mais aussi les actions de soutien au bénéficie des Français résidant à l’étranger.

De manière générale, le budget pour 2021 tire les enseignements de la crise sanitaire sur le plan des effectifs et des moyens du ministère. Le ministère, qui a montré l’importance de ses missions de service public à destination des Français à l’étranger pendant la crise, verra ses effectifs stabilisés pour la première fois en vingt ans. Par ailleurs, les moyens de fonctionnement du ministère, sur le plan de l’immobilier, de la sécurisation et du numérique, seront renforcés.

A.   Le programme 105 porte le renforcement des moyens de fonctionnement du ministère

En 2021, les crédits de paiement du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde augmentent de près de 4 % pour atteindre 1,844 Mds€ dont 1,157 Mds€ pour les crédits hors masse salariale. Cette hausse traduit le renforcement des moyens de fonctionnement du ministère, notamment à l’étranger, dans les domaines de l’immobilier, de la sécurité et du numérique.

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 105

Action

HT2

LFI

2020

T2

LFI

2020

Total

LFI

2020

HT2

PLF

2021

T2

PLF

2021

Total

PLF

2021

Évolution

FDC et ADP

2020

FDC et ADP 2021

01– Coordination de l’action diplomatique

25,9

 66,3

92,1

26,3

66,9

93,2

+1,18%

0,1

0,2

02 – Action européenne

45,7

 11,3

57,0

45,7

11,3

57,0

-0,14%

_

_

04 – Contributions internationales

671,4

  _

671,4

672,9

672,9

 

+0,22%

 _

 _

05 – Coopération de sécurité et de défense

36,3

67,2

103,6

38,1

67,2

105,4

+1,74%

1,1

4,8

06 – Soutien

107,6

125,4

233,1

119,1

125,6

244,7

+5,00%

0,5

0,4

07 – Réseau diplomatique

220,8

400,8

621,6

254,6

416,1

670,6

+7,88%

9,1

2,4

Total

1107,8

671,1

1778,9

1156,6

687,2

1843,8

+ 3,65%

10,7

7,7

Source : PAP Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

L’action 1 regroupe les dépenses dites « d’état-major » du ministère : fonctionnement des cabinets, protocole, communication, presse et protection de nos ressortissants à l’étranger grâce à l’action du CDCS. Ces crédits sont à peu près stables et s’établissent à 26,3 M€, hors titre 2.

L’action 2 et 3 regroupent les dépenses réalisées au titre des contributions européennes et internationales, qui représentent les deux tiers des crédits hors titre 2 du programme 105 comme nous l’avons déjà rappelé. Ce bloc de contributions européennes et internationales reste stable à 718 M€.

Dans le détail, la part des crédits consacrée aux contributions obligatoires de la France aux organismes internationaux est en baisse de 16 M€. Cette diminution s’explique par un renforcement de l’euro face au dollar, ce qui réduira le coût des contributions versées en devises en 2021. Une mesure nouvelle de 17 M€, au bénéfice des contributions volontaires du programme, sera consacrée au renforcement de l’influence de la France dans certaines organisations dédiées à la sécurité internationale, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) et l’Organisation d’interdiction des armes chimiques (OIAC), dans lesquelles « nous sommes très en retrait » selon M. Philippe Errera.

L’action 5 porte les crédits de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), qui met en œuvre des projets destinés à renforcer les capacités de nos partenaires à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Les moyens dédiés à la coopération de sécurité et de défense augmentent légèrement, à 38,1 M€, ce qui atteste de la volonté de poursuivre les investissements dans notre sécurité nationale.

L’action 6 finance le fonctionnement de l’administration générale, les dépenses liées à la gestion des ressources humaines et aux systèmes d’information et de télécommunication ainsi que la politique immobilière et les opérations de sécurisation des emprises situées en France. Les crédits hors titre 2 de l’action 6 augmentent de 5 % pour atteindre 119,1 M€.

Ces crédits se caractérisent par une certaine rigidité, en raison du poids des dépenses sur lesquelles le MEAE ne dispose que de faibles marges de manœuvre à court terme, comme les dépenses de gaz et d’électricité. La hausse des crédits permet tout de même d’engager d’importants chantiers, dont celui de la transformation numérique du ministère à laquelle la deuxième partie de ce rapport est consacrée. Comme nous le verrons, les moyens de la direction du numérique (DNUM) du ministère augmentent de 8,8 M€ (+22 %) pour atteindre 49,4 M€, dans le cadre d’un effort d’investissement pluriannuel de 13 M€.

L’action 7 regroupe les dépenses de fonctionnement et d’investissement des postes diplomatiques et consulaires, des frais de représentation aux véhicules, en passant par l’immobilier et la sécurisation des emprises. Les crédits hors titre 2 de l’action 7 sont en hausse de près de 8 % et avoisinent 255 M€ compte tenu des moyens consacrés à l’immobilier et à la sécurisation des emprises.

Depuis quelques années, les produits de cessions immobilières du Quai d’Orsay diminuent ([9]), ce dont votre rapporteur peut se féliciter car il démontre la fin d’une approche court-termiste consistant pour le ministère à vendre nos biens immobiliers à l’étranger afin de financer les dépenses d’entretien des immeubles – de moins en moins nombreux – restant en notre possession. Cette raréfaction des produits de cession a rendu nécessaire, en contrepartie, d’augmenter les crédits budgétaires consacrés à l’entretien immobilier.

Le budget immobilier est passé de 72 à 80 M€ cette année, ce qui représente une hausse des moyens de 7,5 M€, dont 5 M€ pour l’entretien lourd des ambassades et des consulats. En 2021, l’effort sera encore plus important puisque les crédits pour l’immobilier seront portés à 107 M€, en hausse de 27 M€ (+33 %), dont l’essentiel porte sur l’immobilier à l’étranger. Votre rapporteur considère que cet effort, à condition d’être poursuivi dans la durée, permettra de remettre à niveau et d’entretenir correctement le patrimoine immobilier du ministère.

Aux côtés des investissements dans l’immobilier, les crédits consacrés à la sécurité des postes à l’étranger sont également augmentés. Avec un total de 52,2 M€ prévus pour 2021, ces crédits sont en hausse de 7,4 M€ (+ 17 %). Pour financer les investissements de 100 M€ programmés en 2019 et en 2020 destinés à parer les menaces qui pèsent sur les implantations immobilières à l’étranger, le ministère a eu recours à une avance sur le compte d’affectation spéciale 723 Gestion du patrimoine immobilier de l’État, dont les remboursements, au moyen des produits de cessions immobilières, doivent s’étaler entre 2021 et 2025. En 2021, et comme c’était le cas jusqu’en 2018, les nouveaux investissements seront financés depuis l’action 7 du programme 105.

Enfin, le budget pour 2021 reconduit une innovation introduite en 2020 : la création d’une mesure de compensation du différentiel d’inflation entre la France et le reste du monde au bénéfice des moyens de fonctionnement des postes à l’étranger. Ce dispositif, qui repose sur une mesure établie par pays et sur la base des anticipations d’inflation du Fonds monétaire international (FMI), compense en partie les économies de fonctionnement dégagées au titre de la poursuite de la rationalisation dans le cadre de la réforme des réseaux de l’État à l’étranger.

B.   Stabilisé, le programme 151 pourrait faire l’objet de certains ajustements en gestion

En 2021, les moyens du programme 151 Français de l’étranger et affaires consulaires seront stabilisés à 373 M€ dont 136 M€ d’euros pour les crédits hors masse salariale. Le programme 151 pourra être abondé en gestion en fonction des conséquences économiques de la crise sanitaire sur les Français de l’étranger.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 151

Action

HT2

LFI

2020

T2

LFI

2020

Total

LFI

2020

HT2

PLF

2021

T2

PLF

2021

Total

PLF

2021

Évolution

FDC et ADP

2020

FDC et ADP 2021

01 – Offre d’un service public de qualité aux

Français             

à l’étranger

30,4

181,9

212,2

30,8

181,3

212,0

-0,11%

  _

  _

02 – Accès des élèves français au réseau AEFE

105,3

   _

105,3

105,3

  _

105,3

    _

  _

  _

03 – Instruction des demandes de visa

  _

55,0

55,0

  _

55,5

55,5

+1,01%

0,3

0,4

Total

135,7

236,8

372,5

136,1

236,8

372,9

+0,09%

0,3

0,4

Source : PAP Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

L’action 1 retrace les crédits des principaux pôles de l’administration consulaire : l’assemblée des Français de l’étranger (AFE), les dépenses liées au service public consulaire, la modernisation du service public consulaire, les affaires sociales et les élections. Les moyens regroupés au sein de l’action 1 sont à peu près stables à 212 M€, dont 181,3 M€ pour les dépenses de titre 2 et 30,8 M€ pour les dépenses hors titre 2. L’action 1 bénéficiera en outre des reports de 2,2 M€ de crédits au titre de l’organisation des élections reportées en 2021.  

Une part des dépenses hors titre 2 de l’action 1 sera consacrée, comme les années passées, à la poursuite des projets de dématérialisation de l’administration consulaire qui sera abordée en deuxième partie de ce rapport. Les moyens qui étaient destinés à la mise en place, à titre expérimental, d’une plateforme d’accueil consulaire en 2020 sont reportés en 2021. La modernisation numérique de l’administration consulaire aboutira à terme à des gains importants de performance en même temps qu’elle permettra d’assurer un service public de meilleure qualité. La poursuite du projet de registre de l’état-civil électronique (RECE) permettra par exemple de dégager une économie de 0,5 M€ l’année prochaine.

La dotation pour les affaires sociales, qui est portée par l’action 1 du programme 105, sera augmentée à 20 M€ (+17 %) en 2021 afin de constituer une provision permettant de faire face aux incertitudes économiques engendrées par la crise sanitaire pour les Français de l’étranger.

L’action 2 porte les moyens destinés à favoriser l’accès des élèves au réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Cette enveloppe, qui intègre surtout les bourses scolaires, est maintenue à 105 M€ en 2021.

Comme indiqué précédemment, ces deux lignes budgétaires – l’aide sociale et les bourses scolaires – pourront être ajustées, l’an prochain, du report d’une partie des crédits ouverts en 3e LFR, au titre du plan de soutien aux communautés françaises de l’étranger, qui n’auraient pas été dépensés en 2020.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 151
HORS MASSE SALARIALE

P.151 (HT2) Français à l’étranger et affaires consulaires

Exécution 2019*

LFI 2020

PLF 2021

Variation 2020/2021

AE

CP

AE = CP

CP

En M€

En %

Total (en millions d’euros)

131,4

131,3

135,7

136,1

+0,4

+ 0,3%

Assemblée des Français de l’étranger

2,1

2,1

2,3

2,3

0

+ 0,9%

Service public consulaire

3,8

4,1

4,3

3,7

- 0,5

- 12,5%

Modernisation de l’administration consulaire

3

2,7

4,3

4,3

0

-  0,7%

Affaires sociales

16,6

16,6

17,1

20

+ 2,9

+ 17%

Élections

4,2

4,2

2,4

0,4

- 2

- 81,5%

Aide à la scolarité

101,6

101,6

105,3

105,3

0

0%

* l’exécution 2019 n’intègre pas l’action 3 du P151 (fonds de concours visas), qui ne dispose pas de crédits.

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères – réponse au questionnaire budgétaire.

Enfin, l’action 3 porte essentiellement les crédits des personnels de la sous-direction pour la politique des visas, ainsi que des agents chargés de l’instruction des demandes de visas dans le réseau consulaire. Les crédits de l’action 3 sont quasiment stables à 55,5 M€. À côté des dépenses, votre rapporteur rappelle que les droits de visa apportent des recettes directes au budget de l’État ([10]). Ces recettes, qui avoisinaient 218 M€ en 2018, s’effondrent cette année compte tenu de l’impact de la pandémie mondiale sur les mobilités internationales.

C.   En 2021, les effectifs du ministère ne diminueront pas pour la première fois depuis vingt ans

Les dépenses de personnel du ministère, tous programmes confondus mais hors opérateurs, représentent 1,16 Md€, soit 21 % du budget, et sont en hausse de 15 M€. Hors CAS Pensions, la masse salariale du Quai d’Orsay est de 991 M€.

Le PLF prévoit que, pour la première fois depuis vingt ans, le MEAE ne réduira pas ses effectifs l’an prochain. Le plafond d’emplois du ministère s’établit ainsi à 13 563 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT). Le ministère sera en outre autorisé à pourvoir jusqu’à 90 emplois non pérennes, en vue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne du premier semestre 2022.

En cause, la contribution du MEAE à la mobilisation du pays pour faire face à la crise sanitaire, notamment dans sa dimension internationale, a rappelé que le Quai d’Orsay était aussi un ministère de service public. La crise a mis en évidence les risques associés à la poursuite d’une diminution des effectifs.

La crise sanitaire marque-t-elle la fin de l’exercice « Action publique 2022 » au sein du Quai d’Orsay?

Pour rappel, l’exercice « Action publique 2022 » devait permettre d’ici 2022 un effort total d’économies sur la masse salariale des agents de l’État à l’étranger de 90,6 M€ dont 45,1 M€ à la charge du MEAE ([11]).

Au sein du réseau diplomatique, la mise en œuvre d’« AP 2022 » devait se traduire par un objectif de suppression de 416 équivalents temps plein (ETP) d’ici 2022. Au total, 250 ETP ont été supprimés sur la période 2018-2019 et l’année 2020 doit se traduire par une réduction de 81 ETP supplémentaires. 

Le MEAE fait valoir que, sur un strict plan comptable, un peu plus des trois quarts des objectifs assignés au ministère auront été atteints fin 2020, tant en termes de suppressions d’ETP que d’économies sur la masse salariale. Aussi M. Errera juge-t-il que le MEAE a été un « bon élève » et a « rempli le contrat ».

Après vingt ans de réduction constante des moyens du Quai d’Orsay, la crise sanitaire a montré que le ministère n’était plus en mesure de réaliser de nouvelles coupes dans ses effectifs. Selon le directeur général des affaires politiques et de sécurité, « on est passé pas loin de la catastrophe » pendant la crise sanitaire. La directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire estime par ailleurs que « la crise a eu pour effet de mettre un coup de projecteur sur l’action des personnels consulaires » dont les moyens ont diminué mais dont les missions n’ont cessé de s’élargir. Aussi Mme Haguenauer a-t-elle alerté votre rapporteur sur « l’importance de stabiliser les effectifs ».

Selon les réponses écrites par l’administration, l’« arrêt des réductions d’effectifs à l’étranger ne remettra pas en cause les réformes prévues dans le cadre d’AP2022 qui ont en effet été menées à leur terme :

 l’adéquation des réseaux aux priorités géographiques et sectorielles de la politique extérieure de la France a été renforcée grâce à un transfert d’effectifs vers les pays prioritaires ;

 les ambassadeurs sont désormais les « patrons » de l’ensemble des services de l’État à l’étranger, comme la gestion de la crise actuelle vient de le montrer ;

 le taux de fonctions soutien a été réduit par des mutualisations et des rationalisations. »

Outre la stabilisation des effectifs, les crédits de rémunération, hors contributions au CAS Pensions, augmentent légèrement sur les programmes 105 et 151. La hausse des crédits s’explique, d’abord, par 4,3 M€ de mesures catégorielles à destination des personnels diplomatiques et consulaires. Elle s’explique, en outre, par des provisions de 11 M€ au titre, d’une part, des effets de l’inflation mondiale sur la rémunération des agents de droit local (3,4 M€) et, d’autre part, du change-prix sur les indemnités de résidence à l’étranger (7,6 M€). Ces deux provisions s’inscrivent dans le cadre du dispositif de couverture du risque de change et de prix sur les rémunérations des agents du ministère, adopté par la loi de finances initiale pour 2020 et qui se trouve donc reconduit en 2021. Ce dispositif améliore la sincérité du budget du ministère en identifiant ce qui relève de facteurs d’évolution de la masse salariale exogènes à la gestion du MEAE.

 


—  1  —

   Deuxième partie :
Le Quai d’Orsay au défi de la révolution numérique

Aucune organisation dans le monde ne pense aujourd’hui la transformation sans le numérique. De manière singulière, l’administration française reste toutefois très réticente à intégrer le numérique dans son organisation. Les réflexions sur la modernisation de l’État continuent de séparer la transformation organisationnelle et la modernisation numérique. En témoigne l’éclatement de cette politique publique entre la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la direction interministérielle du numérique (DINUM).

Certaines administrations sont, semble-t-il, plus promptes que d’autres à opérer leur transition vers le numérique. Des témoignages recueillis par votre rapporteur, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) seraient un des ministères les moins enclins à faire sa transformation numérique.

Comment expliquer la difficulté de l’administration à passer à l’ère du numérique ? Selon M. Hugues Tourel, senior partner au sein du cabinet Accenture Strategy, la principale explication tiendrait au fait que « le secteur public n’est pas assez « disrupté » ». Alors que la transformation numérique est une condition de survie pour les entreprises, soumises à un fort environnement concurrentiel, le secteur public n’évolue « que sous l’effet des crises ».

Votre rapporteur estime que la crise du Covid-19 est une opportunité pour la modernisation numérique de l’État. Alors que la modernisation numérique se heurtait jusqu’ici trop souvent à des considérations, parfois excessives, liées à la sécurité, la crise sanitaire a mis l’accent sur la nécessité d’assurer la continuité de l’activité, obligeant à introduire davantage de souplesse. Si la sécurité informatique n’est pas une « option », il faut espérer que les directions des systèmes d’information de l’État soient plus pragmatiques après la crise.

Malgré son retard dans ce domaine, le Quai d’Orsay se mobilise pour saisir l’opportunité d’une véritable transformation numérique. Le secrétaire général du MEAE, M. François Delattre, a annoncé au printemps, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, un « plan numérique » pour le ministère. La direction du numérique (DNUM) ([12]) a été renforcée dans l’organigramme du ministère et ses moyens sont en passe d’être renforcés dans le cadre de la programmation budgétaire pour 2021.

Votre rapporteur a souhaité identifier les conditions de la réussite de la transformation numérique au sein du Quai d’Orsay. Il s’agit d’un impératif pour la diplomatie française comme pour l’action consulaire ([13]), pour les personnels comme pour les usagers, dans ce grand ministère de service public.

I.   Jusqu’à ce jour, le Quai d’Orsay n’a pas fait du numérique une de ses priorités

Le Quai d’Orsay s’est dotée d’une organisation numérique pour répondre aux spécificités de l’action diplomatique et consulaire, dont la confidentialité des échanges et l’étendue du réseau à l’étranger. Néanmoins, la direction du numérique (DNUM) du ministère n’a pas les moyens nécessaires pour répondre à l’ensemble des besoins des administrations « métiers ». L’effort de modernisation concerne surtout l’administration consulaire, pour tenir compte notamment de l’éloignement de leur consulat de nombreux Français établis à l’étranger.

A.   Le Quai d’Orsay dispose d’une organisation numérique propre dont les moyens sont faibles

La transformation numérique du Quai d’Orsay doit nécessairement tenir compte des spécificités des missions assurées par le ministère, notamment sur le plan de la sécurisation des communications et de l’ouverture à une communauté française dispersée de par le monde. Pour soutenir le ministère dans ses missions, la DNUM est mise au défi d’assurer la connectivité de l’ensemble du réseau et de gérer des outils variés et spécifiques. Les moyens de cette direction ne sont toutefois pas à la hauteur d’une réelle prise en compte du numérique.

1.   Les enjeux du numérique au MEAE sont spécifiques

La transformation numérique n’est pas un enjeu propre au MEAE. Néanmoins, comme l’explique M. Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique (DINUM), les enjeux du numérique au Quai d’Orsay sont différents de ceux des autres ministères. Le Quai d’Orsay fait face à trois enjeux spécifiques :

● La sécurité, qui suppose de maintenir la résilience des communications et la confidentialité des échanges ;

● L’ouverture à la communauté des Français établis à l’étranger ;

● La concurrence avec d’autres administrations dans le monde, par exemple dans le domaine des visas qui est un enjeu d’attractivité vis-à-vis des étudiants étrangers.

Comme nous le développerons plus loin, la sécurité ne doit pas occulter les autres enjeux auxquels fait face le ministère. La qualité de l’expérience des agents et des usagers, de même que la concurrence avec les autres administrations, obligent à être volontariste du point de vue de la performance et de la simplification. La réussite de l’Estonie, pays souvent cité comme un modèle sur le plan de la « e-administration », montre qu’il est possible de faire beaucoup de progrès dans le domaine du numérique malgré les menaces et, en l’occurrence, pour l’Estonie, la menace liée à la proximité avec le voisin russe.

Par ailleurs, comme le rappelle le secrétaire général du MEAE, M. François Delattre, le MEAE a de nombreuses spécificités liées à son réseau diplomatique et consulaire à l’étranger qui limitent la mise en œuvre de solutions numériques développées à l’échelle interministérielle. À titre d’exemples, les applications financières ou de ressources humaines développées en interministériel ne prennent pas en compte les paiements en devises ou la situation spécifique des agents de droit local (ADL). Aussi la DNUM du MEAE est-elle bien souvent obligée de développer des solutions numériques propres au ministère.

2.   La DNUM a des responsabilités importantes

a.   Des missions nombreuses au service de l’action extérieure de l’État 

La DNUM est la direction compétente sur les enjeux relatifs au numérique au sein du MEAE. Elle dispose de nombreuses missions, parmi lesquelles :

● l’assistance du ministre dans l’organisation et le pilotage des actions du ministère en matière de numérique, en administration centrale et dans le réseau ;

● le développement, la maintenance et l’exploitation du système d’information ([14]) et de communication du ministère ;

● le développement d’équipements et de solutions numériques, soit en encadrant des prestataires à qui la maitrise d’ouvrage est confiée, soit en mobilisant les moyens de développement interne au ministère.

La DNUM entretient également des relations avec les administrations qui participent à l’action extérieure de l’État à l’étranger. Si les administrations basées sur le territoire national sont raccordées à un réseau mutualisé unique, le réseau interministériel de l’État (RIE), les services français à l’étranger sont reliés à un réseau spécifique géré par le Quai d’Orsay ([15]). Les autres ministères à l’étranger dépendent des serveurs de l’ambassade. La DNUM peut mettre certains outils à disposition des autres ministères à l’étranger, même si ces derniers disposent le plus souvent de leur propre matériel et outils informatiques.

b.   Le pilotage du réseau numérique à l’étranger

Compte tenu de l’extension du réseau, la DNUM est mise au défi d’assurer un soutien numérique à des sites diplomatiques et consulaires multiples situés dans des environnements très différents. Le dispositif de la DNUM repose ainsi, outre les services centraux ([16]), sur un réseau de 22 centres régionaux d’assistance des systèmes d’information et de communication (CRASIC) situés à l’étranger.

Les CRASIC sont des pôles d’assistance technique auprès des postes diplomatiques et consulaires situés dans une aire régionale donnée. Les agents des CRASIC ont des missions très polyvalentes : assistance aux usagers, maintenance préventive ou dépannage d’urgence, gestion de projets, formation et sensibilisation au numérique, supervision des infrastructures, etc. Comme l’explique M. Gaëtan Lehuic, chef du CRASIC de Londres, les CRASIC « concentrent toutes les attributions de la DNUM localement ». Ce dernier regrette néanmoins – et c’est une préoccupation exprimée également au niveau central par le directeur de la DNUM – de ne pas avoir assez de temps à consacrer au développement de solutions en interne pour répondre aux besoins des usagers.

Réseau des CRASIC du MEAE

Source : MEAE

Les effectifs des CRASIC sont, pour l’essentiel, des spécialistes des systèmes d’information et de communication (SIC) appartenant aux corps des attachés des SIC ou des secrétaires des SIC. Chaque CRASIC compte en moyenne quatre agents et couvre environ dix pays. Les différences qui existent entre CRASIC en termes d’effectifs et de postes couverts sont liées à des facteurs comme les contraintes de sécurité et de cybersécurité, les distances et liaisons aériennes pour rejoindre les postes satellites et la présence ou non de « grands postes » avec un nombre élevé d’agents, d’équipements et de besoins spécifiques.

Nombre d’agents et de postes satellites pour chaque CRASIC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : MEAE

Chaque poste comprend, enfin, des correspondants des systèmes d’information (CSI), appelés « agents-ressources », qui sont dans leur grande majorité des agents titulaire de la fonction publique de catégorie C ([17]). Les agents SI situés dans les postes exercent des missions simples de maintenance des infrastructures et des serveurs et d’assistance aux usagers. Ils sont un relai pour les CRASIC pour accomplir certaines tâches qu’il est impossible de réaliser à distance. Les CRASIC assurent, en tant que de besoin, des actions de formation aux outils, logiciels ou matériels aux correspondants SI dans les postes.

c.   La gestion d’outils très variés

À côté de ses responsabilités en matière de services bureautiques (ordinateurs, imprimantes, téléphones) ([18]) et d’infrastructures informatiques (transport de données, hébergement, sécurité des systèmes d’information) ([19]), la direction du numérique intervient sur tous les stades du cycle de vie des services applicatifs. La DNUM demeure en charge de plus de 280 produits et services numériques, malgré un effort de réduction du nombre d’applications utilisées par le ministère. Certaines applications sont ouvertes au grand public, d’autres à l’ensemble des agents du ministère, d’autres enfin à un public sélectionné.

Le Quai d’Orsay s’appuie principalement sur des outils développés en propre par la DNUM pour des besoins spécifiques du ministère, soit avec des ressources internes, soit avec le concours de prestataires extérieurs. Le ministère utilise également, quand cela est possible, des outils interministériels comme la messagerie instantanée « Tchap ». Le ministère a également recours, quand celles-ci répondent suffisamment au besoin des directions métiers, représentent un avantage en termes de coût et répondent aux contraintes de sécurité, à des solutions « sur étagère » développées par des entreprises privées.

Parmi les outils, logiciels et applications emblématiques développés pour le ministère, on peut mentionner :

● les équipements de mobilité sécurisés, comme l’ordinateur portable « Itineo » ou encore la valise « Consuleo » qui permet de recueillir les demandes de passeports à l’occasion des tournées consulaires ;

● le portail interministériel de la correspondance diplomatique « Diplomatie » ;

● les applications de gestion de crise comme « Fil d’Ariane », sur lequel les voyageurs peuvent s’enregistrer pour recevoir des informations de sécurité, ou « Crisenet », qui permet d’assurer le suivi des victimes en cas de crise ;

● des applications pour les fonctions support dans le domaine des ressources humaines, des affaires financières, de la gestion du parc immobilier, etc.


Carte des principaux services numériques
référencés par la DNUM

Source : MEAE

Les outils de communication du Quai d’Orsay

Le ministère et ses agents disposent tous d’outils de communication tels que la messagerie professionnelle, la messagerie instantanée et le téléphone, qui peuvent en fonction des besoins, disposer de fonctions de chiffrement, y compris en mobilité.

 

La messagerie demeure l’outil de communication le plus utilisé pour les échanges courants et informels. Chaque jour, les agents du MEAE envoient en moyenne 200 000 mails.

 

En ce qui concerne la téléphonie fixe, le ministère dispose, outre les moyens de téléphonie classiques via les opérateurs locaux, d’un réseau « privé » protégé par des équipements de chiffrement de niveau « diffusion-restreinte » et d’un réseau de communications protégées de niveau « confidentiel-défense ». La téléphonie mobile est aussi largement déployée au sein de l’administration centrale et des postes.

 

Pour les communications officielles, le ministère dispose d’une application appelée « Diplomatie » accessible à l’interministériel, permettant les échanges d’informations et d’instructions entre l’administration centrale et les représentations françaises à l’étranger. Ces communications sont protégées jusqu’au niveau « diffusion restreinte ». Pour des communications officielles de niveau « confidentiel défense », le MEAE s’appuie et utilise le réseau de stations ISIS déployé dans toutes les ambassades ayant à traiter de sujets sensibles nécessitant une protection de ce niveau.

La communication numérique est une priorité pour le ministère pour expliquer et valoriser auprès du grand public l’action diplomatique de la France, consolider l’image et l’attractivité de la France sous ses différentes formes et souligner la dimension « service public » du ministère et les contributions concrètes apportées aux citoyens français.

 

Le ministère fait partie des premières institutions françaises qui, dès 1995, ont disposé d’un site web. Le site France Diplomatie totalise aujourd’hui près de 1,8 million de visites par mois (pour sa version en français) dont près d’un tiers concernent son service phare : « Conseils aux Voyageurs ». Ce service a été fortement sollicité pendant la crise du Covid‑19, notamment pendant la campagne d’aide au retour des ressortissants français et européens.

 

Concernant les réseaux sociaux, le ministère est présent sur toutes les grandes plateformes et dispose d’une force de frappe significative, avec un total de 7,8 millions d’abonnés au 30 juin 2020. Le compte Twitter du ministère en français (@francediplo) est suivi par 1,15 million d’abonnés, ce qui en fait le premier compte ministériel du gouvernement français et le premier parmi les ministères des affaires étrangères européens.

Source : MEAE

3.   Les moyens que le MEAE consacre au numérique sont faibles

a.   Des moyens budgétaires insuffisants

Le Quai d’Orsay souffre de la faiblesse des moyens consacrés au numérique. Or, sans investissement, il n’est pas possible d’engager la transformation nécessaire. Alors que le numérique est devenue une priorité de plus en plus pressante, les crédits de la DSI, puis de la DNUM, n’ont pas progressé depuis plusieurs années. En 2019, le budget de la DNUM était de 40 millions d’euros au titre du programme 105 ([20]), auquel il fallait ajouter les moyens au titre des projets de dématérialisation de l’administration consulaire conduits par la DFAE (2,6 millions d’euros sur le programme 151) ou menés conjointement entre la DFAE et le ministère de l’Intérieur (7 millions d’euros sur le programme 303).

Si le niveau des moyens est resté stable, les demandes de la part des administrations « clientes » n’ont cessé d’augmenter. Comme l’explique M. Fabien Fieschi, directeur du numérique du Quai d’Orsay, « les besoins non couverts se sont accumulés ces dernières années ». En 2019, par exemple, la DNUM disposait de 40 millions d’euros pour répondre à des demandes équivalant à 48 millions d’euros : au total, 8 millions d’euros de demandes n’ont pas été pourvues. Dans ce contexte, « l’incapacité à répondre à toutes les demandes oblige à reporter l’investissement ou à mettre en place des rustines ».

b.   Des ressources humaines volatiles

Au cours des dernières années, le nombre des personnels travaillant à la DSI, puis à la DNUM, a peu varié, oscillant aux alentours de 275 postes de travail en centrale et 300 postes de travail à l’étranger. En revanche, le niveau de recrutement et de qualification des personnels travaillant à la DNUM n’a cessé d’augmenter : au cours des cinq dernières années, en administration centrale, les emplois de catégorie A ont ainsi augmenté de plus de 20 % au détriment des emplois de catégorie B (-18 %) et de catégorie C (-11 %).

Répartition par catégorie d’agents en administration centrale et à l’étranger sur la période 2015-2020 à la DNUM

 

Administration centrale

Étranger

 

2015

2020

2015

2020

cat A

113

138

28

28

cat B

98

80

87

94

cat C

64

57

161

166

VIA

 

 

32

17

Total

275

275

308

305

Source : MEAE

Ces moyens humains restent toutefois insuffisants, obligeant la DNUM à recourir plus à l’externalisation qu’elle ne le souhaiterait, au détriment du développement interne. Selon M. Nadi Bou Hanna, le MEAE est par ailleurs « un des ministères dont les effectifs sont les plus volatiles ». Le ministère a adapté sa politique de ressources humaines pour pérenniser les effectifs à l’étranger en remplaçant les VIA informaticiens par des agents de catégories B ou C. Le MEAE reste confronté à un défi en matière de fidélisation des équipes informatiques, notamment en centrale, compte tenu de la fréquence des départs à l’étranger. M. Bou Hanna propose de flécher davantage de contractuels sur les postes en centrale, car ces derniers sont moins enclins que les titulaires à partir à l’étranger.

B.   Les progrès réalisés dans le domaine du numérique concernent surtout l’administration consulaire

Malgré la faiblesse des moyens consacrés au numérique, la DSI a été en mesure de maintenir un système d’information globalement satisfaisant, de renforcer les capacités de cybersécurité, de conduire plusieurs chantiers de développement applicatif et de déployer un parc important d’outils de mobilité. Néanmoins, c’est dans le champ consulaire que les principaux progrès ont été réalisés, au bénéfice des agents et des usagers. La DFAE a su se donner une véritable ambition en matière de transformation numérique et constitue, à ce titre, un exemple à suivre pour les autres administrations du ministère. La pandémie mondiale, qui entrave la capacité des usagers de se rendre physiquement dans les postes consulaires, est venue valider a posteriori cette stratégie.

1.   Le « consulat numérique » connait de premières réalisations

La transformation numérique est un enjeu particulièrement important pour l’administration consulaire. Comme l’explique M. Bou Hanna, le consulat doit être capable d’offrir les mêmes services qu’une mairie ; or, la France ne peut proposer le même maillage territorial pour les consulats que pour les mairies. Ceci oblige l’administration consulaire « à se projeter davantage vers le canal numérique ». Par ailleurs, les Français établis à l’étranger sont une population propice aux expérimentations sur le plan du numérique, compte tenu de sa taille et du fait que la gestion de cette population est moins liée à l’interministérialité : ce qui réussit pour cette population pourra ainsi être dupliquée au plan national.

Le projet du « consulat numérique » connait déjà certaines concrétisations. Depuis 2016, l’inscription au Registre des Français établis hors de France peut s’effectuer en ligne via le portail Service-Public ([21]). Depuis sa mise en place, ce dispositif d’inscription en ligne a montré son intérêt, en particulier durant le confinement imposé par la crise sanitaire, qui a souvent empêché les usagers de venir réaliser leurs démarches personnelles auprès des postes consulaires. Ainsi, entre le 1er janvier et le 31 juillet 2020, le nombre d’inscriptions au registre en ligne a augmenté de 16,3% de plus qu’en 2019 à la même période.

Autre chantier concrétisé : le MEAE déploie auprès des postes, depuis plusieurs années, des stations mobiles permettant le recueil de demandes de passeports et de cartes d’identité lors des tournées consulaires. Ces matériels, dont la troisième génération appelée « Consuléo » est en cours de déploiement, permettent d’offrir un service de proximité destiné aux Français établis à l’étranger les plus fragiles et aux usagers résidant dans des zones éloignées des postes. À l’été 2020, 48 valises « Consuléo » étaient utilisées dans les postes, en complément de 34 dispositifs de recueil mobiles de deuxième génération.

2.   La DFAE est engagée dans plusieurs grands projets de dématérialisation

La DFAE conduit plusieurs projets de dématérialisation de long terme qui constituent des axes importants de modernisation de l’action consulaire.

Le premier chantier, qui est le plus prêt d’aboutir, est celui du vote par internet, qui vise à permettre à tous les Français établis à l’étranger d’exercer leurs droits électoraux. En plus des modalités de vote classiques, le code électoral permet aux Français établis à l’étranger inscrits sur les listes électorales consulaires de voter par internet pour les élections consulaires et les élections législatives ([22]). La DFAE fait valoir que « la solution est désormais opérationnelle et prête à être utilisée » lors des élections consulaires, initialement prévues en mai 2020 et reportées à mai 2021 en raison de la crise sanitaire du Covid-19. En cas de succès, cette solution pourrait également être mise en œuvre pour les élections législatives en 2022.

Le deuxième projet est celui de la dématérialisation complète de l’état-civil. En vertu d’une ordonnance du 10 juillet 2019 ([23]), le MEAE est autorisé, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à dématérialiser l’établissement, la conservation, la gestion et la délivrance des actes de l’état civil. Ce projet, intitulé registre d’état-civil électronique (RECE), poursuit un objectif de modernisation de l’État en donnant à un acte d’état civil numérique, déposé sur un portefeuille électronique, la même valeur authentique qu’un acte papier signé de façon manuscrite par un officier d’état-civil. Le RECE a aussi pour objectif de simplifier les démarches pour les usagers qui pourront disposer, dans de meilleurs délais, des copies ou extraits d’actes électroniques dont ils ont besoin. Enfin, ce projet permettra une réduction des coûts de production et de gestion des actes ([24]).

Troisième chantier : la DFAE conduit, conjointement avec le ministère de l’Intérieur, le projet « France-Visas », qui vise à numériser le processus de délivrance des visas au bénéfice des demandeurs comme des agents consulaires. La mise en œuvre de ce projet très lourd a été décomposée en trois étapes. La première étape, qui porte sur le « front-office », a été franchie avec la mise en place d’un portail permettant aux usagers de déposer une demande de visa en ligne ([25]). La deuxième étape, qui consiste à intégrer le guichet (le prestataire extérieur), a fait l’objet d’une expérimentation dans neuf pays en 2019. La prochaine étape sera la numérisation du « back-office », à savoir de l’instruction de la demande de visa. Si « France-Visas » a d’abord été bénéfique pour les demandeurs, les agents consulaires – qui doivent actuellement attendre 48 heures avant de toucher un visa compte tenu du Covid-19 – bénéficieront pour l’essentiel de ce chantier lorsque celui-ci sera intégralement achevé, à horizon 2022.

Le dernier projet, qui résulte d’une proposition faite par Mme Anne Genetet dans son rapport sur la mobilité internationale des Français ([26]), est la mise en place d’un service d’accueil consulaire centralisé en France, joignable par courriel et par téléphone 24 heures sur 24. Cette plateforme consulaire vise à mettre fin à la saturation des consulats, en veillant à ce qu’ils ne reçoivent que les demandes qui nécessitent un accueil physique, une expertise de terrain et un suivi local. Le consul général de France à Londres, M. Guillaume Bazard, s’attend néanmoins à certaines difficultés dans le filtrage des demandes. Compte tenu d’un retard induit par la gestion de la crise sanitaire, ce nouveau service reste encore à la phase d’étude de projet. En vertu du nouveau calendrier, il doit être déployé de façon progressive en commençant, en 2021, par quelques pays européens.

Plusieurs projets de dématérialisation ont été contraints à un glissement de calendrier du fait de la pandémie mondiale. Au nombre des difficultés induites par la crise sanitaire, M. Fabien Fieschi fait valoir les contraintes immobilières dans le centre de développement informatique du ministère situé à Nantes. La distanciation sociale oblige à réduire le nombre de personnels sur site alors que de nombreuses tâches ne peuvent être déportées en télétravail. Pour gérer cette difficulté, M. Fieschi souhaite que le développement informatique, lorsqu’il implique le recours à des prestataires, se fasse davantage dans les locaux de ces derniers que dans les locaux du ministère. De manière générale, votre rapporteur appelle à veiller aux besoins immobiliers des équipes SI du Quai d’Orsay.

3.   L’action consulaire ne peut se passer de l’humain

Votre rapporteur rappelle que l’action consulaire ne peut basculer dans le « tout-numérique ». Si les évènements récents n’ont montré qu’une chose, c’est le besoin de contact humain : la crise des « gilets jaunes » a montré l’importance de la proximité des services publics, puis la crise du Covid-19 a souligné la persistance d’une « fracture numérique » au sein de la population, même si la communauté française de l’étranger présente des caractéristiques propres.

Le numérique doit être un outil de facilitation qui ne peut remplacer la proximité physique, qui est un des points forts du réseau consulaire français. Votre rapporteur restera vigilant à ce que la numérisation ne soit pas un moyen de poursuivre la réduction des effectifs consulaires mais une manière d’améliorer le bien-être des agents et la qualité du service rendu aux usagers.

II.   La crise sanitaire doit être une opportunité pour que le MEAE fasse sa « révolution numérique »

Au sein du Quai d’Orsay, le besoin de progrès numérique se heurte souvent à des rigidités liées à l’importance de la sécurité informatique. La crise sanitaire est venue renforcer l’importance du numérique pour assurer la continuité de l’activité. Cette crise appelle à appliquer avec plus de discernement la doctrine de sécurité informatique, sans relativiser l’importance de cette préoccupation. Le « plan numérique » en cours de préparation devra être adossé sur un pilotage fort et des moyens conséquents et répondre aux principales faiblesses du ministère.

A.   La crise sanitaire doit permettre au ministère de mieux conjuguer sécurité et transformation numérique

Le Quai d’Orsay est confronté à des menaces informatiques de plus en plus importantes, ce qui exige de ne pas baisser pas la garde. Pour autant, l’expérience de la crise sanitaire, qui a conduit à rechercher d’importantes souplesses pour assurer la continuité de l’activité, montre que le Quai d’Orsay fait une application parfois excessivement tatillonne de l’exigence de sécurité. Le « plan numérique » annoncé par le Quai d’Orsay vise à accélérer la transformation numérique du ministère en recentrant la sécurité sur ce qui exige d’être protégé.

1.   Le Quai d’Orsay doit assurer sa sécurité informatique

a.   Le MEAE est une des principales cibles des attaques informatiques en France

La menace informatique sur le MEAE est beaucoup plus forte que sur la plupart des autres administrations étatiques. D’une part, le MEAE traite beaucoup d’informations politiques ou de sécurité sensibles, classées « Diffusion-Restreinte », ainsi que des informations à caractère économique et scientifique pouvant représenter un intérêt pour des attaquants. D’autre part, de par leur caractère déconcentré et leur déploiement à l’étranger, les systèmes d’information du MEAE sont soumis à une surface d’attaque d’ampleur mondiale. Les menaces pèsent aussi bien sur les centres de données situés en France que sur les réseaux de communication nationaux et mondiaux, les infrastructures situées dans les postes à l’étranger, les postes de travail et terminaux téléphoniques des agents en France et à l’étranger et les infrastructures des sous-traitants.

La menace informatique sur le MEAE est plus diffuse que la menace physique. Outre les menaces involontaires comme des accidents ou des actes d’imprudence pouvant entrainer une interruption de service ou une perte de données, les principales menaces informatiques proviennent des États et des sociétés paraétatiques privées qui peuvent mener des actions d’espionnage, de sabotage ou de déstabilisation. Ces menaces proviennent surtout de pays qui ne sont pas des alliés de la France mais, ainsi que l’affaire « Snowden » l’a montré, nos alliés ne se privent pas non plus d’espionner le réseau diplomatique français. Comme l’explique M. Philippe Errera, directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère, deux tendances impliquent de renforcer aujourd’hui nos moyens de sécurité : l’agressivité des pays en termes de collecte de données et la généralisation des moyens fondés sur l’intelligence artificielle pour traiter les données à grande échelle. Le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), M. Guillaume Poupard, évoque, enfin, le développement d’autres formes d’attaques, notamment criminelles, appuyé sur un niveau technique très élevé et des moyens de type « ransomware », même si le Quai d’Orsay n’est pas la première cible de ce type d’attaques.


Un sujet connexe : la souveraineté numérique

Le directeur de l’ANSSI évoque aussi le sujet connexe, mais distinct, de la souveraineté, au plan juridique, sur les outils numériques utilisés par l’administration française. M. Poupard souligne que, sans cette souveraineté, une juridiction étrangère peut demander à un opérateur du même pays de lui transmettre les données du Quai d’Orsay, avec une grave mise en danger pour notre diplomatie. Or, nous avons, en tant que Français et Européens, d’importants retards à combler sur la souveraineté numérique. La technologie du « cloud », par exemple, est dominée par des acteurs américains et, de manière croissante, par des acteurs chinois, avec des difficultés à faire émerger un « cloud européen ».  

Ceci ne signifie pas, pour le directeur de l’ANSSI, qu’il faille systématiquement développer des « outils franco-français », mais il est nécessaire d’avoir les moyens de contrôler son réseau. Alors qu’il y a quelques années, le numérique était considéré comme une fonction de soutien externalisable, M. Poupard constate avec satisfaction que les ministères se dotent de plus en plus d’informaticiens compétents capables soit de développer des solutions internes soit d’avoir un dialogue exigeant avec les prestataires extérieurs.

b.   Le MEAE met en œuvre un dispositif de sécurité informatique

Au sein du MEAE, la direction de la sécurité diplomatique (DSD) définit la politique de sécurité des systèmes d’information du ministère et veille à sa mise en œuvre par la DNUM. Au niveau interministériel, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) audite et certifie la sécurité des systèmes et solutions informatiques développées par la DNUM et contribue, en réactif, à la détection, l’analyse et la remédiation des cyberattaques.

i.   Les moyens en prévention

Comme l’explique M. Eric Gérard, directeur de la sécurité diplomatique, « la réponse [à la menace informatique] est dans la globalité de l’approche sur toute la chaine de sécurité ». Le réseau interministériel de l’État (RIE) protège les données circulant entre le ministère et les autres administrations de l’État et, entre l’administration centrale du ministère et les postes à l’étranger, les données circulent de manière chiffrée sur un réseau de communication « privé ». Le Quai d’Orsay a également mis en place un ensemble d’équipements de sécurité des systèmes d’information permettant de protéger les applications, les postes de travail et les données contre les différentes menaces informatiques. Enfin, la formation et la sensibilisation des agents en matière de cybersécurité est un des moyens essentiels pour assurer la sécurité des systèmes d’information.

ii.   Les moyens en réaction

Selon M. Eric Gérard, « la préoccupation de la sécurité informatique [au Quai d’Orsay] est ancienne » avec la création, dès 2007, d’une entité pour faire face au développement de la menace cyber. Depuis 2017, la lutte contre les menaces informatiques repose sur un dispositif de sécurité de haut niveau, le centre opérationnel de sécurité (COSAE), localisé au Quai d’Orsay. Ce dispositif fournit des capacités de supervision en temps réel du réseau et organise l’analyse et la réponse aux agressions informatiques ainsi que le paramétrage de l’architecture et des équipements de sécurité. Le COSAE dispose d’outils – pare-feux, sondes, collecteurs de données, outils algorithmiques – pour assurer ces missions opérationnelles. Le COSAE est en contact constant avec les acteurs de la sécurité informatique au sein de la DSD et de l’ANSSI.

2.   La DNUM a dû faire preuve de souplesse pour assurer la continuité de l’activité pendant la crise sanitaire

Le Quai d’Orsay a sans doute été l’un des ministères les plus impactés par la crise sanitaire. Comme l’indique M. Fabien Fieschi, directeur de la DNUM, « les systèmes d’information du MEAE ont été conçus dans un cadre où les gens travaillent au bureau, dans un lieu sécurisé ». Or, la crise sanitaire a placé le système d’information du ministère dans une « situation inédite et imprévisible, très différente de celle pour laquelle il avait été conçu ». Cette situation inédite a été marquée par le passage subit et massif au télétravail en France et à l’étranger, la gestion d’une crise consulaire simultanée dans l’ensemble des postes et la disruption des liaisons aériennes et du service de la valise diplomatique. Compte tenu du « stress test » généré par cette crise sur les systèmes d’information, la DNUM a dû se recentrer sur ses missions essentielles, à savoir celles consistant à assurer la disponibilité de l’information et des applications en tout point du réseau.

Selon M. Bou Hanna, la crise aura eu pour effet positif de conduire les directions du numérique ministérielles à ne plus regarder uniquement les risques de sécurité mais aussi l’importance d’assurer la continuité de l’activité. De fait, la DNUM du Quai d’Orsay a dû faire preuve d’une très grande souplesse pour résoudre les nombreux problèmes induits par la crise, parmi lesquels :

● des pics de consultation inédits sur les sites et applications du ministère, nécessitant un renforcement « en direct » des capacités des serveurs informatiques concernés. Le ministère a par exemple enregistré, aux alentours du 16 mars, un record de 600 000 connexions simultanées sur le site des « Conseils aux voyageurs » ;

● la gestion d’envois de courriels massifs – jusqu’à 700 000 par jour – des consulats à destination des communautés françaises, avec le soutien d’une équipe de supervision ;

● la mise en place d’une réponse téléphonique efficace en administration centrale, via un numéro dédié et un appui apporté au centre de crise et de soutien (CDCS) et dans les postes dont de nombreux agents ont basculé en télétravail, nécessitant la programmation du renvoi sur les téléphones portables des agents ;

● la dotation des agents non équipés en solutions de mobilité pour permettre le travail à distance. Selon M. Fieschi, les équipes de la DNUM ont dû « faire feu de tout bois » pour accompagner le télétravail, que ce soit par la configuration des ordinateurs portables en solutions complètes de mobilité « Itineo », l’augmentation de la capacité globale d’établissement de tunnels de chiffrement individuels « VPN » ou la distribution de « token » permettant l’accès à certaines applications du ministère à partir d’équipements personnels ;

● la gestion des pannes matérielles dans les postes avec le soutien des CRASIC dans un contexte où les livraisons et les missions de soutien étaient très contraintes.

Selon M. Fieschi, « l’investissement continu dans les SI depuis des années et la forte mobilisation des équipes » a permis au ministère de surmonter la crise de Covid-19 et de pallier les principaux risques, dont celui d’un effondrement des réseaux de communication en cas d’absence de bande passante suffisante. Le recentrage de la DNUM sur ses missions essentielles et l’incompatibilité du développement informatique avec le travail à distance a néanmoins conduit la DNUM à prendre du retard dans les projets de développement numérique.

Le développement de solutions numériques
par les postes pendant la crise

En dépit de l’agilité dont la DNUM a fait preuve, les postes ont parfois été contraints de développer des solutions numériques locales pour faire face à des besoins spécifiques rencontrés pendant la crise sanitaire.

Le principal besoin ayant émergé durant cette période émanait d’une forte demande consulaire sur des formulaires électroniques permettant de recenser les Français de passage à l’étranger afin de faciliter les opérations d’aide au retour. En l’absence de solution ad hoc, de nombreux postes ont fait le choix de solutions « toutes faites » fournies par Google Forms ou Framaforms.

Les CRASIC ont accompagné ces initiatives et contribué à les orienter vers des solutions présentant de meilleures garanties de protection des données personnelles. La DNUM a fini par développer et mettre à disposition des postes une solution homogène et répondant à la fois aux normes de sécurité du ministère et de conformité au règlement général sur la protection des données (RGPD).

Selon la DNUM, ces initiatives locales, qui ont également porté sur des moyens de visioconférence ou de renvoi automatisé d’appels téléphoniques, ont fait l’objet de nombreux échanges permettant d’assurer un retour d’expérience et, soit de faire émerger des services numériques à l’échelle mondiale, soit de reproduire des expériences locales réussies dans d’autres zones. Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, met toutefois en garde contre la tentation de « centralisation à outrance » qui pourrait concerner des solutions non transposables d’un pays à un autre.

3.   La crise a accéléré la définition d’une stratégie numérique pour le Quai d’Orsay

Si les systèmes d’information du MEAE ont bien résisté au « stress test » qu’a constitué la crise sanitaire, cette dernière a aussi mis en évidence un certain nombre de besoins de modernisation numérique. Selon le directeur du numérique, la crise a accéléré « une prise de conscience du ministre [sur la nécessité] d’accélérer la définition de la stratégie numérique du ministère ».

Un « plan numérique » est donc en cours de définition, avec pour objectif d’initier une nouvelle stratégie numérique d’ici la fin de l’année. Selon le secrétaire général du MEAE, M. François Delattre, la crise sanitaire a mis « le vent dans les voiles » à un projet de transformation numérique en gestation. Ce « plan numérique » n’a pas été élaboré suivant une logique « top down », qui a montré ses limites par le passé. Cette fois-ci, le projet de modernisation numérique a pour point de départ la « démarche cliente » et s’inscrit dans une « dimension partenariale », ce qui est indispensable pour créer un « esprit du numérique » à l’échelle du ministère. Pour M. François Delattre, « l’esprit du numérique est l’esprit de la réforme que l’on souhaite faire au Quai d’Orsay ».

La stratégie d’adaptation des systèmes d’information du ministère – jugée « très ambitieuse » – devrait suivre cinq axes prioritaires :

● le développement massif des outils de mobilité pour développer le télétravail ;

● la modernisation du réseau de communication et de téléphonie pour lui donner plus de souplesse ;

● le développement des visioconférences avec l’extérieur pour faciliter la participation aux travaux multilatéraux post-Covid-19 ;

● le renforcement de la sécurité opérationnelle des systèmes d’information ;

● la rénovation et le redéveloppement de certaines applications pour les rendre plus ergonomiques et permettre, lorsqu’il ne s’agit pas d’applications sensibles, un accès non-sécurisé (en mode web).

B.   Il est nécessaire de donner une véritable ambition à la transformation numérique du Quai d’Orsay

La mise en œuvre de la nouvelle stratégie numérique est aussi importante que son contenu. Sa réussite est conditionnée, sur la forme, à un pilotage fort et des moyens budgétaires suffisants. Sur le fond, le « plan numérique » devra s’attaquer aux différentes faiblesses de l’organisation numérique du Quai d’Orsay.

1.   Le « plan numérique » doit être porté à un niveau élevé et s’accompagner de moyens suffisants

a.   Un pilotage à haut niveau

M. Hugues Tourel, senior partner chez Accenture Strategy, observe un vrai désir de transformation numérique des agents publics. Cependant, « la culture hiérarchique dans la fonction publique est limitatrice de la capacité d’innovation des agents ». En effet, l’encadrement intermédiaire « ne laisse pas l’innovation passer » par crainte de la remise en cause et des réorganisations administratives que la transformation numérique peut engendrer. Il serait nécessaire d’accompagner et de récompenser les agents qui sont force de propositions.

Même lorsqu’elle est menée par le haut, la transformation numérique dans le secteur public échoue souvent car elle oblige à repenser l’organisation du travail, et notamment l’utilité de l’encadrement intermédiaire. Selon M. Bou Hanna, « ce travail de perestroïka au sein de l’État n’a pas encore été initié ».  Votre rapporteur estime donc que le « plan numérique » du Quai d’Orsay exige une impulsion des états-majors du ministère afin de dépasser les résistances internes au changement et assurer une mise en œuvre homogène entre les services.

À ce titre, votre rapporteur se félicite du renforcement de la DNUM qui, comme dans les autres ministères ([27]), a succédé à la DSI au 1er janvier 2020. La DNUM n’a plus seulement la charge, comme l’ancienne DSI, de fournir des services informatiques, mais également de piloter la transformation numérique du ministère et de développer les usages, l’innovation et le potentiel des données. Comme l’explique le secrétaire général du Quai d’Orsay, M. François Delattre, la création de la DNUM est destinée à faire passer « une étape supérieure, quantitative et qualitative, dans la transformation numérique » du ministère.

Pour tirer les conséquences de ce renforcement des missions, la DNUM a été directement rattachée au secrétariat général du ministère, alors que la DSI dépendait auparavant de la direction générale de l’administration et de la modernisation (DGAM), qui regroupe toutes les fonctions de soutien du ministère. Votre rapporteur appelle le secrétaire général à porter lui-même la mise en œuvre du « plan numérique » à l’échelle du ministère.

b.   Des moyens conséquents

Comme nous l’avons vu, le MEAE a longtemps sous-investi dans les systèmes d’information, ce qui explique une modernisation numérique assez lente.

Compte tenu du plan de numérisation en cours d’élaboration, le Quai d’Orsay demande des moyens budgétaires supplémentaires pour les années à venir. Pour rappel, après des moyens stables pendant plusieurs années, l’année 2020 a déjà été caractérisée par une hausse des crédits de paiement (CP) de 5 % à 40,5 M€. Cette hausse des moyens est appelée à se poursuivre puisque le budget pour 2021 prévoit de porter les CP de la DNUM à 49 M€, ce qui représente une augmentation de 9 M€. La hausse est encore plus marquée sur les autorisations d’engagement (AE), qui augmenteront de 13 M€ en 2021.


Répartition des crédits des systèmes d’information
du MEAE en 2021 (AE et CP)

SYSTÈMES D’INFORMATION (total)

53 671 000

49 431 000

 

 

 

Services bureautiques

20 650 000

19 830 000

Postes de travail

15 200 000

14 680 000

Solutions d’impression

750 000

750 000

Télécommunications individuelles

4 700 000

4 400 000

Services d’infrastructures

22 100 000

18 680 000

Services d'hébergement applicatif

4 200 000

4 000 000

Services de transport de données

15 900 000

12 680 000

Services de sécurité du SI

2 000 000

2 000 000

Services applicatifs

10 700 000

10 700 000

Domaine ressources humaines

2 000 000

2 000 000

Domaine finances

2 500 000

2 500 000

Domaine gestion documentaire

1 500 000

1 500 000

Domaine action diplomatique

1 800 000

1 800 000

Domaine des moyens généraux

500 000

500 000

Domaine gestion du système d’information

2 400 000

2 400 000

Services mutualisés

 221 000

 221 000

Source : MEAE

Le « plan numérique » du MEAE doit être mise en œuvre sur une base triennale, sur la période 2021 à 2023. De fait, les AE ouvertes en 2021 devront garantir la poursuite des investissements les années suivantes. Le MEAE n’exclut pas la nécessité de prolonger, si nécessaire, l’effort de modernisation au-delà du prochain plan triennal. Votre rapporteur souligne l’importance de garantir cette dynamique à un horizon pluriannuel pour aboutir à une véritable transformation. Le nombre de projets lancés nécessitera par ailleurs des renforts humains.

2.   Le « plan numérique » doit s’attaquer aux différentes faiblesses de l’organisation numérique du ministère

a.   Renouveler le parc informatique et téléphonique

L’effort de modernisation doit d’abord concerner les services bureautiques du ministère afin d’améliorer le confort et la productivité des agents.

Les personnels du ministère travaillent sur du matériel informatique ancien. M. Gaëtan Lehuic, chef du CRASIC de Londres, appelle à renouveler le parc informatique plus régulièrement car « un ordinateur ne dure pas plus de cinq ans ». Ce dernier regrette la complexité des règles de la commande publique, qui conduisent à une mutualisation certes profitable au niveau du prix payé par l’État, mais qui se traduisent par un allongement considérable des délais d’acquisition, qui n’est pas compatible avec la rapidité de l’évolution en informatique. Il est aussi nécessaire, dans certains cas, d’être plus attentif aux besoins des administrations utilisatrices. Le consul général de France à Londres, M. Guillaume Bazard, évoque par exemple le cas de l’introduction de nouvelles vignettes pour les visas qui ne passaient pas dans les imprimantes du poste, un problème qui a mis plusieurs mois avant d’être réglé.

Les personnels doivent aussi composer avec des standards téléphoniques qui sont « des usines à gaz ». Selon M. Bazard, les personnels du CRASIC ont dû suivre une formation à Paris pour comprendre la manière de changer un message sur le répondeur. Pendant le confinement, les renvois téléphoniques à domicile devaient être faits par un agent du CRASIC dans les locaux du CRASIC. Votre rapporteur estime donc que la modernisation de l’infrastructure téléphonique, pour la rendre plus souple, qui est prévue dans le « plan numérique », est une priorité. Cette modernisation permettra de résoudre les difficultés précitées mais aussi d’ouvrir de nouvelles fonctionnalités, comme celle de téléphoner sur ordinateur.

b.   Développer les outils de mobilité

La crise sanitaire et la publication du décret du 5 mai 2020 ([28]) ont largement amplifié le développement du télétravail au sein de l’État. Toutefois, le développement du télétravail au Quai d’Orsay s’est heurté à une dotation insuffisante des agents du ministère en outils de mobilité, notamment les ordinateurs portables sécurisés « Itineo ». Le directeur de la DNUM rappelle qu’« Itineo » a été conçu pour les diplomates négociateurs qui partent en mission à l’étranger, et non pas pour le télétravail des agents. De ce fait, seulement 30 % des agents du ministère en bénéficient. Les personnels responsables des fonctions supports, qui jouent un rôle essentiel en période de crise, sont très peu nombreux à être équipés. Nombre d’entre eux n’ont ainsi pas été en mesure de télétravailler en plein cœur de la crise. Selon M. Fieschi, « les outils numériques du ministère sont adaptés à la gestion de crise, mais pas à la gestion de crise à distance. »

Le besoin d’augmenter massivement la dotation des agents du ministère en équipements de mobilité, afin de lever les freins au développement du télétravail, est une priorité désormais bien identifiée par le ministère. L’objectif de la DNUM, dans le cadre du plan de numérisation du ministère, est de disposer d’ici la fin de l’année 2020 d’un stock supplémentaire de 2 000 PC « Itineo », permettant de faire passer le taux d’équipement des agents de 30 % à près de 50 %. Votre rapporteur appelle à bien veiller à doter les agents des fonctions supports. Les agents qui continueront à ne pas en bénéficier, notamment pour des raisons de sécurité, doivent disposer de moyens alternatifs pour pouvoir travailler à distance.

c.   Équilibrer sécurité et souplesse des usages numériques

i.   La sécurité informatique doit être prise au sérieux

La transformation numérique du MEAE ne doit pas conduire à relativiser l’importance de la sécurité des systèmes d’information du ministère. « Des cyberattaques d’ampleur arriveront » selon M. Eric Gérard, directeur de la sécurité diplomatique, d’où l’importance de rester vigilant en matière de sécurité informatique. Pour M. Philippe Errera, la crise sanitaire a même mis en lumière plusieurs risques supplémentaires par rapport à la situation ante crise. D’une part, le risque d’espionnage et d’interception a été renforcé par le fait que la crise a contraint à l’imprudence dans certaines situations. D’autre part, la crise a mis en lumière le risque de déni d’accès par un pays qui empêcherait les communications écrites et verbales entre l’administration centrale et l’ambassade dans ce pays. M. Errera fait valoir le « besoin de tirer les leçons de la crise Covid en se préparant à une crise qui pourrait être pire [pour le Quai d’Orsay] ».

Aujourd’hui, une des principales faiblesses du Quai d’Orsay en matière de sécurité informatique porte, selon le directeur de l’ANSSI, M. Guillaume Poupard, sur les réseaux internet de certaines ambassades alors même que le ministère dispose, autrement, d’un réseau interne « plutôt bien sécurisé ». M. Poupard évoque notamment le cas de postes qui ont recours à des prestataires extérieurs pour travailler sur le réseau internet local avec des volontés, parfois, de connecter le réseau local aux réseaux beaucoup plus sécurisés de l’ambassade, ouvrant ainsi des brèches de sécurité. Pour répondre à cette préoccupation, le Quai d’Orsay prévoit d’accélérer le projet « Réseau Internet des Postes » (RIP) qui doit permettre d’offrir aux postes un accès local Internet sécurisé en filaire et en Wifi, sous surveillance du centre opérationnel de sécurité (COSAE) du ministère. Ce projet, qui a été ralenti par la contrainte budgétaire, doit impérativement être mis en œuvre dans tous les postes à l’étranger d’ici 2021.

Plus largement, le MEAE travaille actuellement sur une doctrine de protection et de sécurité de l’information. Cette doctrine, qui répond conjointement aux objectifs de sécurité des systèmes d’information et de protection des données personnelles, doit être déployée avant la fin de l’année. Selon M. Gerard, cette doctrine vise à « sécuriser toute la chaine » en définissant « une bonne gouvernance » qui repose sur la direction de la sécurité diplomatique et les officiers de sécurité des SI dans chaque direction et dans chaque poste ([29]). Elle vise aussi à responsabiliser l’ensemble des personnels à ces problématiques en « donn[ant] à l’utilisateur la capacité d’être un acteur de la sécurité ».

ii.   Mais la sécurité informatique doit être proportionnée

Selon M. Bou Hanna, hormis la sphère culturelle qui bénéficie d’un traitement différencié ([30]), le paradigme historique du ministère consiste à « sécuriser toute la chaine : réseaux, postes de travail et applications ».

Cette doctrine de sécurité informatique est la source de nombreuses rigidités. En effet, toute une série d’applications et de services ne peuvent être utilisés que sur une station sécurisée : les personnels ne peuvent, par exemple, consulter leur messagerie avec un téléphone portable classique. À l’extrême, selon le directeur de la sécurité diplomatique, « si tout est sécurisé, on ne fait plus rien. » Pire, les personnels seront susceptibles de contourner les systèmes trop sécurisés, y compris pour réaliser des activités sensibles. Le fort besoin de souplesse pendant la crise sanitaire a d’ailleurs conduit de nombreux agents à utiliser Google Docs, Zoom ou WhatsApp, avec des risques réels de sécurité.

Votre rapporteur considère que la culture de la sécurité reste plus prégnante que la culture du service au sein de l’État. M. Bou Hanna fait valoir que les agents des systèmes d’information sont trop souvent évalués sur l’absence de faille informatique et trop peu sur leur capacité à répondre aux besoins des utilisateurs. Le directeur de l’ANSSI avance que le cœur de métier de l’agence est la sécurité tout en reconnaissant « qu’une sécurité maximale qui ne tient pas compte des usages est inefficace » et « qu’il est nécessaire de faire des compromis », sous peine de quoi on court le risque de laisser se développer des usages imprudents. Trouver un équilibre entre sécurité et ergonomie est « une ligne de crête, mais qui est possible ». Il faut accepter que la sécurité informatique ne puisse être totale tout en compensant cette insuffisance par des moyens de détection « quand quelqu’un a sauté la clôture ».

À la recherche d’une certaine souplesse, le Quai d’Orsay a déployé des stations différentes utilisées par différents agents selon le niveau de sécurité et de sensibilité de leur activité. Les ambassades ayant à traiter de sujets de niveau « confidentiel-défense » disposent de stations très sécurisées appelées « ISIS » ([31]). La plupart des personnels du ministère travaillent sur des stations « Éole » (cf. infra), permettant de communiquer jusqu’au niveau « Diffusion-Restreinte ». Enfin, les outils informatiques classiques et plus souples, qui fonctionnent sur le « mode Web », peuvent être utilisés pour les activités non sensibles.

La plupart des activités des personnels du ministère doivent être réalisées sur des stations « Eole ». Comme on l’a vu, le nombre de personnels qui disposent de matériels de mobilité sécurisés, permettant l’accès au réseau « Eole » à distance, reste limité, ce qui a posé d’importantes difficultés récemment. Pour des raisons de sécurité, tous les personnels ne peuvent être dotés d’ordinateurs sécurisés « Itineo ». Il est parfois difficile de donner de tels outils à des agents de droit local (ADL), qu’ils soient français ou étrangers, pour des raisons de confiance mais aussi pour protéger ces personnels contre des pressions qui pourraient être exercées par leur pays de résidence. Les ADL, qui étaient déjà un sujet de ressources humaines, sont devenus un sujet informatique.

Compte tenu des limites de la politique de dotation en outils de mobilité sécurisés, votre rapporteur appelle à analyser plus finement le niveau de protection dont les applications ont besoin. Il s’avère en effet que le Quai d’Orsay a tendance à « sur-sécuriser » ce qui n’exige pas de l’être autant. Selon M. Guillaume Bazard, consul général à Londres, la France a « un cahier des charges de sécurité plus contraignant que d’autres pays qui ont pourtant les mêmes besoins ». M. Bazard estime, par exemple, que seulement 10 à 15 % de la production de télégrammes diplomatiques mériterait d’être sécurisée. Comme le résume M. Errera, « ce n’est pas le besoin de sécurité qui doit être affaibli », mais il faut « focaliser la sécurité sur les activités qui ont besoin d’être sécurisées ».

Votre rapporteur regrette en particulier que le réseau « Eole » soit la porte d’entrée de la plupart des applications du ministère. Pour rappel, « Eole » ([32]) est un environnement informatique créé pour homogénéiser, dans un cadre sécurisé, les équipements et les applications utilisés par les agents. La création d’« Eole » au début des années 2000 a ainsi permis de rationaliser la gestion du parc informatique et de résoudre d’importantes failles de sécurité. La contrepartie du niveau de sécurité offert par l’univers Eole est la nécessité d’utiliser des équipements dédiés, ce qui limite l’accès distant à leur univers de travail pour les personnels non éligibles à une dotation en équipement de mobilité « Itineo ».

Aujourd’hui, l’enjeu n’est donc pas de s’affranchir d’« Eole », mais de redévelopper de nombreuses applications qui ne présentent pas un caractère sensible pour permettre leur accès à partir d’un simple navigateur internet. De nombreuses applications professionnelles utilisées dans le cadre des fonctions supports, comme celles relatives à la gestion des ressources humaines ou des finances, doivent ainsi être accessibles à distance. Le directeur du numérique, M. Fieschi, souligne l’intérêt de faire communiquer les deux environnements, l’univers sécurisé et l’univers non sécurisé, sur un même équipement afin d’éviter les failles de sécurité. Il s’agit en effet d’éviter que les utilisateurs soient tentés d’utiliser l’équipement le plus souple, à savoir le moins sécurisé, pour toutes leurs activités, y compris les communications sensibles.

Les visioconférences au Quai d’Orsay

Le Quai d’Orsay dispose d’un outil de visioconférence sécurisé qui a été conçu pour un usage strictement interne. Or, dans le contexte de la pandémie mondiale, les visioconférences avec l’extérieur du ministère sont devenues un véritable besoin tant pour la conduite des affaires diplomatiques que pour la relation avec les usagers. Selon M. Errera, en l’absence de moyens de communication sécurisés avec l’extérieur, l’administration centrale est contrainte de communiquer avec chaque ambassade qui doit porter l’information sous pli sécurisé à nos partenaires. Les consuls généraux sont quant à eux dépourvus de moyens d’échanger avec les élus consulaires ou leurs collègues européens.

Dans le contexte de l’urgence de la crise sanitaire, les personnels en poste ont été contraints d’utiliser des solutions de visioconférence proposées par Zoom ou WhatsApp. Ces derniers ont ensuite été orientés par l’administration centrale vers la « Webconf de l’État » développé par la DINUM qui a toutefois donné des signes de saturation compte tenu de la demande massive d’organisation de visioconférences. Les CRASIC ont dû prendre le relai en fournissant des plateformes construites à partir de logiciels libres hébergées sur leurs zones géographiques et permettant d’assurer ce service avec une plus grande disponibilité et une supervision adaptée aux horaires des pays couverts. Les équipes du CRASIC de Londres ont par exemple mis au point un tel outil de visioconférence entièrement sécurisé, que votre rapporteur a pu essayer.

Afin d’aboutir à une solution homogène qui fonctionne sur le long terme, le MEAE est engagé dans la modernisation de son infrastructure de visioconférence avec, pour priorité depuis la crise, l’interconnexion avec le monde extérieur. Votre rapporteur appelle à faire de la réorientation de ce chantier une opportunité pour converger avec nos partenaires européens sur un même instrument de visioconférence.

d.   Moderniser les applications

Le Quai d’Orsay est engagé dans un effort de modernisation des applications du ministère, qu’elles soient destinées au grand public ou aux agents. Dans la grande majorité des cas, le ministère estime moins avoir besoin de nouveaux outils que de moderniser, de rendre plus ergonomique et d’amplifier la capacité des outils existants. L’intelligence artificielle, qui n’en est qu’à ses débuts, devrait permettre à moyen terme une meilleure utilisation des données (visualisation et aide au pilotage) ainsi que le développement de capacités prédictives. M. Fieschi donne l’exemple d’outils de prédiction des crises sociales et, dans le domaine consulaire, d’aide à la décision pour réduire les biais.

La crise sanitaire a rendu indispensable de moderniser les applications relatives aux Français à et de l’étranger et à la gestion de crise : « Conseils aux voyageurs », « Fil d’Ariane », registre des Français de l’étranger et « CriseNet ».

MODERNISER L’OUTIL « FIL D’ARIANE »

« Fil d’Ariane » est un outil sur lequel les Français de passage à l’étranger peuvent s’inscrire pour recevoir des informations et des consignes de sécurité. Selon M. Eric Chevallier, directeur du centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d’Orsay, « Ariane » a une double-vertu : retrouver des personnes en perdition et prévenir les Français à l’étranger d’éventuels dangers.

« Ariane » a montré son utilité à plusieurs reprises, y compris pendant la crise sanitaire ([33]). Néanmoins, cet outil se caractérise par plusieurs insuffisances :

● un manque d’incitation à l’inscription, qui reste facultative. Plusieurs consuls généraux ont expliqué à votre rapporteur avoir privilégié la communication sur les réseaux sociaux compte tenu du faible pourcentage de voyageurs inscrits sur « Ariane ». Pendant la crise sanitaire, de nombreux Français ne se sont pas signalés aux autorités françaises avant plusieurs semaines ;

● une gestion centralisée par le CDCS, qui ne permet pas aux postes d’individualiser la gestion des Français de passage dans leur pays de compétence. La gestion d’« Ariane » est centralisée car elle est destinée aux voyageurs, alors que les ambassades s’occupent surtout des résidents via le registre. La pandémie mondiale a remis en cause cette distinction car les ambassades sont principalement venues au secours des Français de passage à l’étranger. La crise interroge ainsi l’opérationnalité et les modalités d’utilisation d’« Ariane » ;

 un défaut d’intégration avec les autres outils de gestion de crise, comme « Conseils aux voyageurs » ([34]), « CriseNet » ou les sites des consulats ;

● un manque d’ergonomie et de fonctionnalités.

Le Quai d’Orsay a engagé un chantier de modernisation d’« Ariane » afin de renforcer la sécurité de l’outil ([35]), de le rendre plus ergonomique et accessible sur une application mobile ([36]). La refonte de l’application, programmée pour septembre 2020, a dû être repoussée dans le contexte de la crise.

Votre rapporteur appelle le ministère à plus d’ambition. Il reprend à son compte la proposition de Mme Anne Genetet d’envisager la création d’une application mobile spécifique à la mobilité internationale qui intègre tout ce qu’un Français a besoin de savoir à l’étranger (alerte sécurité, assurance santé, actualité des consulats, etc.) et qui permette aux postes d’envoyer des notifications en cas d’urgence. Cette nouvelle application pourrait concerner aussi bien les Français de passage que les Français résidant à l’étranger. Sous réserve de l’accord du détenteur du téléphone, l’application pourrait permettre de le géolocaliser et ses coordonnées pourraient être transmises automatiquement au consulat ([37]). Enfin, la gestion de cette application pourrait être partagée entre le CDCS et les postes.

e.   Renforcer la formation au numérique

L’ensemble des actions nécessaires pour accompagner la transformation numérique du MEAE est susceptible d’échouer sans un effort sur la formation. Selon le directeur du numérique, « la formation est un peu notre point faible ». Le chef du CRASIC de Londres estime quant à lui que le niveau de formation des personnels est « très largement insuffisant » et que « souvent, le minimum n’est pas connu ». Selon ce dernier, cette faible appropriation du numérique « n’est pas seulement générationnelle » : cela ne se résoudra donc pas avec le temps.

i.   La formation aux outils numériques

Investir dans la formation et les compétences est indispensable pour que les agents du ministère s’approprient les nouveaux outils mis à leur disposition. La formation doit permettre de rompre les habitudes, souvent tenaces, acquises sur les anciennes solutions pour s’en approprier de nouvelles. Le lancement de nombreux projets dans le domaine consulaire (cf. supra) supposera un important travail de formation et de communication. Un tel effort sera aussi nécessaire pour accélérer le passage de WhatsApp vers l’application « Tchap » développée par la DINUM.

Votre rapporteur appelle, en particulier, à renforcer la formation aux outils de gestion de crise. La pandémie mondiale a montré l’intérêt de cette formation. Le CDCS assure la formation des postes à l’outil « CriseNet » qui permet d’individualiser les personnes qui se signalent comme victimes et de conserver la traçabilité des actions entreprises vis-à-vis de celles-ci. Les postes qui ont bénéficié d’une formation du CDCS ont dans l’ensemble bien géré la crise ; ceux qui ne savaient pas utiliser « CriseNet » ont dû faire l’impasse sur cet outil.

L’élévation du niveau de compétences des personnels sur le numérique suppose une gestion active des ressources humaines au sein du ministère. La création d’une épreuve liée au numérique dans les concours de catégorie B et C pourrait être envisagée. L’École nationale d’administration (ENA) et l’Institut diplomatique et consulaire (IDC) doivent par ailleurs s’attacher à renforcer la culture numérique des diplomates. Des programmes de mentorat et d’immersion dans des structures d’innovation seraient enfin utiles pour insuffler une vision de la transformation digitale à l’encadrement supérieur du ministère.   

ii.   La sensibilisation à la sécurité informatique

Dans un contexte de renforcement des inquiétudes en matière de cybersécurité, les agents doivent s’approprier, non seulement la gestion des outils numériques, mais aussi les menaces auxquels le ministère est confronté. Les agents doivent avoir connaissance de la sensibilité des données sur lesquels ils travaillent afin de pouvoir adapter l’outil informatique en conséquence. L’utilisation des applications non sécurisées comme WhatsApp doit rester possible, mais à condition de développer une conscience des failles de sécurité.

Selon M. Philippe Errera, les agents tendent à perdre de vue le risque à force de manipuler des informations sensibles quotidiennement. Or, moins les personnels font attention, plus la tentation sera grande d’imposer de nouvelles contraintes, avec un risque in fine de rigidifier l’ensemble du système.

Aussi est-il nécessaire de développer la conscience de la sécurité informatique par tous les moyens. Des formations à la sécurité de l’information sont proposées par la direction de la sécurité diplomatique. Des actions de communication sont menées sur « Diplonet » ([38]) et par les correspondants de sécurité dans chaque direction et dans chaque poste. Des rappels de sécurité apparaissent dans les applications utilisées par les agents.

Le directeur de la sécurité diplomatique met en garde vis-à-vis du « risque de démotivation liée à l’idée que [la sécurité informatique] serait très complexe ». Selon M. Gerard, il faut présenter aux agents la menace et des gestes simples en évitant de présenter la sécurité informatique comme un objet trop contraignant.

 


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   Contribution présentée
au nom du groupe Agir ensemble

Dans un contexte international instable et incertain, marqué par la multiplication des zones de crises et de conflit, la mission « Action Extérieure de l’État » (composée des programmes 105, 151 et 185) confiée au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est au cœur de la diplomatie d’influence de la France. Tout au long du confinement, le programme 151 a même été au cœur de l’action du Quai d’Orsay, alors que bien souvent nous échappe le fait que près de 3,5 millions de nos compatriotes vivent à l’étranger.  À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir de la réapparition lors du dernier remaniement d’un Secrétariat d’État aux Français de l’Étranger, en charge également du Tourisme et de la Francophonie. Ce fut un signal important adressé à la communauté française qui réside à l’international.

Il est souvent commun de parler du caractère universel de notre réseau diplomatique et consulaire, avec ses 160 ambassades, ses 89 consulats généraux et consulats ou ses 112 sections consulaires d’ambassades, sans que l’on puisse en appréhender toute la dimension. Or, nul autre pays que la France ne peut se targuer d’avoir pu permettre le retour de plus de 370 000 de ses citoyens, qui se sont retrouvés du jour au lendemain bloqués partout dans le monde sans aucune possibilité de rapatriement. Tout le long, notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères a fait preuve d’ingéniosité et de disponibilité, pour répondre à un certain nombre de situations dramatiques, pour lesquelles nous avons presque tous été sollicités dans nos circonscriptions.

Nos compatriotes ont ainsi pu mesurer tout l’engagement de nos diplomates en général, et de nos agents consulaires en particulier. Avec un total de 136 millions d’euros hors dépenses de personnel, les moyens de l’action consulaire s’en trouvent ainsi stabilisés (+ 0,3 M€). Les conséquences économiques de la pandémie sur les Français de l’étranger ont fait l’objet de mesures budgétaires anticipées avec l’adoption de la loi de finances rectificative de juillet 2020. Ainsi 100 millions d’euros additionnels ont été ouverts sur le programme 151, dont 50 millions d’euros pour l’aide à la scolarité et 50 millions d’euros pour le financement d’un secours occasionnel de solidarité à nos compatriotes de l’étranger affectés par la crise sanitaire.

Ces aides ont été plus que salutaires pour notre réseau d’établissements français à l’étranger et pour les parents d’élèves. En effet, fin septembre 100% du budget annuel de l’enveloppe de bourse a été consommée, alors qu’habituellement le ratio est de 70 % à la même époque. Cet exercice a été mené conjointement entre l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et les postes consulaires, dans un souci constant de rigueur et d’humanité face à une précarisation de certains Français privés de revenus depuis le mois de mars et ne pouvant bénéficier des mêmes plans d’aide que leurs concitoyens de l’hexagone.

Le projet de loi de finances pour 2021 porte donc la dotation pour les affaires sociales à 20 M€. Elle est en hausse de 2,9 M€ (+ 17%) par rapport à l’année 2020, afin de constituer une provision face aux incertitudes économiques. Dans le même temps, l’enveloppe des bourses, qui favorise la scolarisation des enfants français, est maintenue à 105 M€. Ces deux lignes budgétaires sont amenées à évoluer pendant la gestion de l’exercice 2021. En effet, au regard de l’évolution de la pandémie, les moyens nécessaires à la poursuite du soutien de nos compatriotes à l’étranger doivent être actualisés pour coller au plus près à leurs besoins, alors que la situation diffère d’un pays à l’autre.

La crise sanitaire a impacté le bon déroulement de notre démocratie. Ce fut le cas pour les élections municipales, sur le territoire national, mais également à l’étranger pour les élections consulaires, différées aussi en raison de la pandémie. Le programme bénéficiera d’un report des crédits votés en 2020 sur 2021. Ce contretemps doit toutefois accélérer notre réflexion sur la mise en place du vote électronique, prévu pour ces élections. Il s’agit là d’une véritable urgence démocratique, à l’heure où d’élection en élection le taux d’abstention ne cesse d’augmenter, celui-ci étant encore plus fort à l’étranger en raison en partie des contraintes de déplacement pour accéder à un bureau de vote, dans certains pays vastes comme des continents.

Nous profitons de l’occasion qui nous est donné pour saluer le travail quotidien, souvent méconnu, des élus consulaires auprès de nos compatriotes, eux qui ne comptent pas leurs heures de présence au plus près de la communauté française alors que les enjeux éducatifs, sécuritaires, environnementaux, culturels ou économiques se multiplient. 

Dans le même temps, il nous faut poursuivre les réformes de modernisation de l’administration consulaire. La mise en place, à titre expérimental, d’une plateforme d’accueil consulaire a été différée de 2020 à 2021 en raison de la crise sanitaire alors que l’avancement du projet de registre de l’état-civil électronique (RECE) devrait permettre de dégager une économie de 0,5 M€.

Dans le cadre du plan de relance et du monde d’après, il parait important d’intégrer pleinement cette communauté de 3,5 millions « d’ambassadeurs » du savoir-faire et du savoir être français qui a souvent tendance à se sentir oubliée. Les données disponibles sur les transferts de fonds des Français de l’étranger vers la France montrent que ceux-ci sont souvent sous-estimés ils représentant 24 milliards d’euros en 2016. Ils sont en augmentation régulière, comme a pu le rappeler notre collègue Anne Genetet dans son rapport sur « La mobilité internationale des Français » remis en juin 2018 au Gouvernement. L’importance de ces rentrées d’argent sur le sol français ne peut être négligée. Cela représente une richesse qui doit participer activement à l’économie française. Il faut donc leur proposer des solutions et faciliter au mieux ces transferts d’argent.

L’Europe et l’international sont profondément ancrés dans l’ADN du Groupe Agir Ensemble. Dans le cadre du plan de relance, notre Groupe a ainsi présenté au Premier ministre pas moins de 6 propositions relatives aux affaires étrangères, dont la numéro 17 qui concerne tout particulièrement les Français de l’étranger en suggérant de créer un label francophone dédié aux entreprises de la diaspora française « Entrepreneurs du Monde » qui permettrait de faciliter leur accès au financement bancaire.

Notre Groupe propose même d’aller plus loin en avançant l’idée d’une « Convention » des Français de l’étranger (du nom du site du MEAE où se trouve la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire), sur le modèle du Ségur pour la santé ou du Grenelle pour le travail, qui pourrait être organisé très prochainement afin de réunir tour les acteurs politiques, associatifs, administratifs ou encore civil qui traitent du sujet.

En effet, pour y faire leurs études ou y occuper un emploi, les Français n’ont jamais été aussi nombreux à vivre à l’étranger. Loin des fantasmes qui leur sont souvent accolés, ils constituent une richesse indéniable pour la France et nous offrent souvent un regard différent sur notre pays à l’image de l’ancien Président de notre Assemblée, Jacques Chaban Delmas qui disait « aller en Chine pour mieux voir la France et ses problèmes ».

Pour la première fois depuis 20 ans, le Quai d’Orsay ne connaîtra pas de baisse de ses effectifs. Attentif à ce que cette conjoncture soit pérennisée, voire amplifiée dans les prochaines lois de finances, le Groupe Agir Ensemble votera les crédits de la mission Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires.

 

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Au cours de sa réunion du mardi 13 octobre 2020, la commission reçoit en audition M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Nous remercions Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, de revenir devant nous moins d’une semaine après une audition qui nous a permis de faire un large tour d’horizon de la situation internationale, pour nous présenter cette fois les crédits du projet de loi de finances pour 2021 alloués à son ministère.

Je tiens à excuser notre présidente, Marielle de Sarnez, qui ne peut être présente pour des raisons de santé et je lui souhaite, en notre nom à tous, un très bon rétablissement.

Comme chaque année depuis le début de la législature, notre commission a désigné neuf rapporteurs budgétaires pour donner un avis sur les crédits finançant l’action diplomatique de la France et notre présence à l’étranger. Trois d’entre eux ont pour mission d’examiner les programmes pilotés directement par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères : il s’agit de Christophe Di Pompeo, pour les programmes 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », et 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », de Frédéric Petit, pour les crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », et de Valérie Thomas, pour le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère seront stabilisés et augmenteront même légèrement en équivalents temps plein. La mission « Action extérieure de l’État » verra ses moyens augmenter, notamment pour renforcer le réseau à l’étranger dans les domaines de la sécurité et de l’immobilier. La direction du numérique disposera de moyens renforcés et les crédits de fonctionnement des ambassades seront augmentés. Conformément à l’engagement du Président de la République, l’aide publique au développement poursuivra sa progression en crédits de paiement – plus 17 % pour le programme 209 –, aussi bien pour la coopération bilatérale que pour la coopération multilatérale. À ce propos, nous souhaiterions connaître le calendrier d’examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Notre commission, qui a engagé une réflexion très en amont sur le sujet, vous a transmis ses priorités.

Autre grand sujet d’actualité que nous n’avons pu aborder la semaine dernière : le Brexit et nos futures relations avec le Royaume-Uni. Ces questions ne sont d’ailleurs pas sans lien avec la loi de finances, eu égard au prélèvement européen et à l’évolution des ressources propres pour le financement du plan de relance.

Concernant le Brexit, je dois exprimer les inquiétudes de mes collègues quant aux décisions qui pourraient être prises demain et après-demain par le Conseil européen concernant la pêche, certains États étant prêts à accepter que le Royaume-Uni accorde des droits de pêche dans ses eaux territoriales sur une base annuelle. Pour assurer le suivi de ces négociations, notre commission a créé une mission d’information confiée à Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd et constitué un groupe de travail auquel participent l’ensemble des groupes politiques. Dans ce cadre, monsieur le ministre, la présidente Marielle de Sarnez vous avait adressé, en février dernier, les recommandations de notre commission.

Nous aimerions donc vous entendre sur l’ensemble de ces questions.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Mesdames, messieurs les députés, j’ai toujours plaisir à revenir devant vous. À ce propos, je souhaite que nous nous revoyions au début du mois novembre, peu après l’examen du budget de mon ministère en séance publique, d’abord parce que les crises, nombreuses, continuent d’évoluer, ensuite parce que nous serons à un moment crucial du Brexit.

J’adresse tous mes vœux de rétablissement à Mme de Sarnez, votre présidente en titre.

Je dois dire, madame la présidente, que je suis un peu perplexe, car vous avez déjà presque tout dit du budget de mon ministère. En hausse de 3 % en 2020, il augmentera encore de 8 % en 2021, pour atteindre 5,411 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 411 millions de plus que l’an dernier.

Il est composé de deux missions : d’une part, la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits, qui s’établissent à 2,93 milliards, bénéficient d’une augmentation non négligeable de 66 millions d’euros ; d’autre part, le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », dont l’augmentation est très significative puisqu’elle est de 16 %, soit 344 millions supplémentaires en crédits de paiement.

Je suis donc satisfait de ce budget, qui présente une véritable amélioration, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. J’y insiste car, l’an dernier, vous avez été nombreux à exprimer des inquiétudes – fondées, selon moi – sur les moyens dont dispose notre diplomatie pour agir. Grâce au PLF pour 2021, nous nous inscrivons dans une dynamique de renforcement de nos moyens pour rétablir dans la durée, je l’espère, le poids et la force budgétaires indispensables au Quai d’Orsay pour mener à bien les missions qui lui sont confiées.

Ce budget est au service des cinq orientations majeures que j’ai définies pour notre diplomatie : des moyens nouveaux pour donner plus d’efficacité à l’action de la France à l’étranger ; une diplomatie à même de faire face à la brutalisation du monde et des relations internationales en défendant la paix, en pesant sur les règlements des crises et en soutenant le système multilatéral ; des services consulaires renforcés aux côtés de nos compatriotes dans cette période difficile ; un nouvel élan donné à notre diplomatie culturelle afin de mieux défendre nos intérêts, nos valeurs et notre modèle français et de gagner les batailles nouvelles de l’influence ; enfin, un effort soutenu en faveur de l’aide publique au développement.

Première orientation, donc : des moyens nouveaux pour une meilleure efficacité de l’action extérieure de l’État. Moyens humains, tout d’abord : pour la première fois depuis vingt ans, j’y insiste, les effectifs du ministère seront stabilisés. En la matière, l’élément déclencheur a été, me semble-t-il, la mobilisation exemplaire dont nos agents ont fait preuve au moment de la crise sanitaire pour permettre le retour en France des quelque 370 000 Français de passage et apporter un soutien sanitaire, social et éducatif aux communautés françaises à l’étranger. Le dévouement et les compétences irremplaçables dont ils ont fait la démonstration ont contribué à la décision de revenir sur l’orientation initialement prévue et de stabiliser les effectifs du Quai d’Orsay en 2021. Il était en effet urgent d’enrayer l’hémorragie – certains d’entre vous avaient employé le mot « saignée ». J’avais annoncé que je me battrais pour y mettre fin ; si le combat n’est pas gagné définitivement, il l’est en tout cas pour 2021, puisque notre plafond d’emplois sera maintenu à 13 563 équivalents temps plein et notre masse salariale maîtrisée, s’établissant à 990 millions d’euros hors cotisations et hors transfert. C’est une décision salutaire au service de nos priorités.

Je précise que cette masse salariale sera augmentée de quelque 15 millions, en raison notamment de l’intégration dans le projet de budget d’une enveloppe spéciale de 11 millions destinée à couvrir le risque de change et de prix pesant sur les rémunérations des agents du ministère et à garantir ainsi leur pouvoir d’achat face aux fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l’étranger, fluctuations qui sont souvent, pour ce qui est de l’inflation, très supérieures à ce que l’on observe en France. Jusqu’à présent, la prise en compte de ces éléments n’intervenait qu’en fin d’exercice, et nous rencontrions des difficultés parfois assez vives pour bénéficier de la réelle affectation des crédits correspondants. Le dispositif de provisions, qui existait déjà en partie l’année dernière, est désormais conforté, car il a fait la preuve de son efficacité : il permet une plus grande transparence et garantit le pouvoir d’achat de nos agents à l’étranger.

Outre ces 11 millions, les crédits de personnel bénéficient d’une enveloppe supplémentaire de 4,3 millions destinée à financer des mesures essentielles en matière de gestion des ressources humaines. Il s’agit, d’une part, de revaloriser la rémunération des agents de droit local dans certains pays et, d’autre part, d’assurer une plus grande égalité entre agents titulaires et contractuels. Je tenais à souligner cette avancée, car elle est sans précédent.

Cette stabilisation de nos moyens humains s’accompagne d’un renforcement de nos moyens de fonctionnement, en particulier dans trois domaines cruciaux pour l’efficacité de l’action diplomatique : l’immobilier, la sécurité et le numérique. Les crédits des services centraux enregistrent ainsi une forte hausse, de 46 millions d’euros.

S’agissant de l’immobilier, nous allons poursuivre, comme je m’y étais engagé, le réinvestissement dans notre patrimoine, notamment à l’étranger. Vous accordez, je le sais, une grande importance au financement de notre politique immobilière ; j’ai veillé à ce que soient prises en compte les préoccupations, parfaitement fondées me semble-t-il, que vous avez exprimées quant à l’entretien de ce patrimoine exceptionnel. Les moyens alloués à l’entretien des quelque 1 800 biens que compte notre parc immobilier seront donc substantiellement augmentés.

Quant aux modalités de financement de notre politique immobilière, elles seront revues en profondeur afin de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions. Le budget immobilier augmentera ainsi de 33 %, pour atteindre 107 millions sur le programme 105. Ces crédits nous permettront de lancer de nouvelles opérations en complément de celles déjà engagées ou reportées. Ces opérations, au nombre de vingt-cinq, porteront notamment sur la rénovation des emprises à Lagos, la rénovation de l’immeuble le Grenoble à Naples, la relocalisation de notre ambassade à Kiev, la rénovation des façades du palais Farnèse, la relocalisation de l’ambassade à Manille, la restructuration de l’institut français à Mexico – nous pourrons en communiquer la liste complète à vos rapporteurs pour avis, s’ils le souhaitent.

Par ailleurs, nous avons durement négocié avec le ministère de l’action et des comptes publics et la direction de l’immobilier de l’État pour bénéficier d’un droit de retour à 100 % du produit des cessions des biens du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723. Nos investissements immobiliers bénéficient ainsi de deux sources de financement : le programme 105 et le CAS 723, soit un total de 121,3 millions cette année. C’est une bonne nouvelle : rappelez-vous le débat que nous avions eu il y a deux ans sur la vente des « bijoux de famille ».

La sécurité des postes à l’étranger est l’une de mes principales préoccupations depuis que j’occupe mes fonctions. Je vous confirme que le plan quadriennal de sécurisation de nos ambassades et des lycées français sera finalement achevé en 2021, en raison de l’impact de la crise du covid sur notre plan de charge en 2020. À ce jour, 100 % des emprises dans les pays en crise ont été renforcées, 93 % d’entre elles l’ont été dans les pays soumis à une menace terroriste prégnante et 82 % dans les pays en proie à des instabilités politiques, sociales ou criminelles. Les crédits que nous venons de recevoir de la direction de l’immobilier de l’État et le rebasage de la subvention que nous verserons à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2021 nous permettront de finaliser l’ensemble de ces travaux. Les crédits consacrés à la sécurité augmenteront de 7,4 millions en 2021.

Enfin, face aux défis mis en lumière par la crise sanitaire, le ministère investira l’an prochain 9 millions supplémentaires dans la numérisation de ses activités pour porter le budget total à près de 50 millions d’euros, soit une augmentation de 22 %. Ce renforcement répond à un triple besoin. Un besoin de sécurité, d’abord, car notre ministère est l’un des sites ministériels les plus exposés aux attaques en raison de la nature même de son réseau informatique. Un besoin technique, ensuite : il est urgent de renforcer nos outils de mobilité et de communication dont j’ai constaté l’insuffisance durant la crise – nous allons ainsi doter nos agents d’ordinateurs portables dits Itineo, qui permettent le télétravail. Un besoin de modernisation du service que nous rendons à nos usagers, enfin : il s’agit notamment de simplifier les démarches administratives des Français ; j’y reviendrai.

Nous avons ainsi conçu un plan pluriannuel doté de 13 millions en autorisations d’engagement pour acquérir des outils de mobilité supplémentaires, sécuriser davantage le flux de données, moderniser notre réseau informatique et développer de nouvelles applications.

Deuxième orientation : la poursuite de notre engagement en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons les deux tiers des crédits du programme 105, soit 718 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France. Les secondes s’élèveront ainsi, l’an prochain, à près de 673 millions, dont plus des trois quarts sont versés à l’Organisation des Nations unies (ONU), opérations de maintien de la paix, qui représentent 294 millions, incluses. Cependant, le renforcement de l’euro face au dollar nous permet de dégager une marge de 16 millions, que nous utiliserons pour marquer notre soutien aux organisations internationales œuvrant pour la paix et la sécurité internationale, en l’espèce l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et le Fonds pour la consolidation de la paix, qui intervient au nom de l’ONU lors des phases transitoires qui suivent la fin d’une situation conflictuelle. Il s’agit là de nos fondamentaux. Nous occupons une place importante aux Nations unies, dont le département des opérations de paix est dirigé par l’un de nos compatriotes, et la non-prolifération nucléaire et chimique a besoin d’un soutien significatif.

Troisième priorité : le renforcement de notre action consulaire.

Certes, le budget de l’action consulaire au service des Français résidant à l’étranger, qui relève du programme 151, reste stable, à 136 millions. Mais cette stabilité masque l’important effort financier engagé en 2020 pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise pour les Français de l’étranger. En effet, 200 millions additionnels ont été débloqués, grâce au Parlement, fin juillet pour apporter à nos compatriotes de l’étranger un appui social et éducatif. Cet appui a pris la forme, sur le programme 151, d’un secours de solidarité doté de 50 millions et d’un renforcement des bourses scolaires pour un montant identique, sur le programme 185, d’une aide exceptionnelle de 50 millions de subventions supplémentaires pour aider les familles qui ont fait le choix de l’enseignement français à l’étranger et, sur le programme 823, de 50 millions additionnels sous la forme d’avances de France Trésor destinées à aider nos établissements. Ces crédits sont en cours de consommation, sachant qu’une partie d’entre eux ont vocation à être reportés sur 2021 dans la mesure ils ont été surtout mobilisés au moment de la rentrée.

Les moyens de l’aide sociale seront, quant à eux, renforcés de 17 % en 2021, pour atteindre 20 millions, afin de continuer à apporter tout le soutien nécessaire aux communautés françaises à l’étranger et de répondre aux incertitudes économiques exacerbées par la crise sanitaire qui pèsent sur leur quotidien. Nous allons nous battre pour que soit garanti le report en 2021 d’une partie des crédits obtenus en 2020 pour l’année scolaire 2020-2021, en veillant à ce qu’ils ne fassent pas l’objet de prélèvements qui ne seraient pas conformes à leur destination – mais nous pouvons compter sur la vigilance de vos rapporteurs pour avis.

Le budget pour 2021 permettra également de poursuivre la modernisation de notre action consulaire. Plus de 4 millions seront ainsi dédiés à des projets emblématiques tels que le vote par internet, qui se concrétisera avec les élections consulaires de mai 2021 ; la mise en place du service France consul@ire, centre de réponse téléphonique et courriel unique dont l’expérimentation, initialement prévue en 2020, a dû être reportée d’un an ; le registre des actes de l’état civil électronique (RECE), dont la première phase débutera début 2021 – cet outil sera très utile pour tous nos compatriotes, qu’ils vivent à l’étranger ou sur le territoire national, et l’antenne du ministère située à Nantes va devenir en quelque sorte la première mairie de France pour tout ce qui regarde l’état civil. Quant au développement du projet France-Visas, qui relève du budget du ministère de l’intérieur, il sera poursuivi avec un objectif d’achèvement en 2022.

Quatrième orientation : la diplomatie d’influence.

Dans le contexte d’intensification et d’extension de la compétition internationale à tous les domaines, il est en effet essentiel de consolider nos outils de diplomatie culturelle et d’influence. Ce budget nous permettra de faire un pas supplémentaire en ce sens. Vous le savez, je considère la diplomatie culturelle et d’influence comme un élément essentiel de notre diplomatie globale – j’allais dire : de notre arsenal diplomatique. Cette métaphore est, à l’heure où nous parlons, parfaitement justifiée car l’influence est désormais l’un des marqueurs de la puissance. Négliger la première, c’est affaiblir la seconde. C’est pourquoi je me bats, depuis le début du quinquennat, pour que ces crédits ne jouent plus, comme c’était le cas chaque année auparavant, le rôle de variable d’ajustement. Je me suis donc efforcé de maintenir ce budget en l’état. Ce sera à nouveau le cas en 2021 : les crédits que nous allons lui consacrer progressent même légèrement, de 3 millions, hors dépenses de personnels.

Pour 2021, nous avons défini trois priorités : la promotion et la diffusion de la langue française et l’impulsion d’une nouvelle dynamique de développement de l’enseignement français à l’étranger ; le rayonnement culturel et artistique, qui passe notamment par la diffusion et l’exportation de nos industries culturelles et créatives, les ICC ; la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques, auxquels je suis particulièrement attaché – je pense singulièrement à l’université franco-sénégalaise et à l’université de Tunis –, et l’attractivité de notre pays dans la formation des talents étrangers.

Là encore, il nous a paru indispensable de consentir un effort supplémentaire de modernisation numérique pour développer des offres innovantes de cours et produits culturels à distance, en complément des ressources offertes sur place au public par nos établissements, les activités dites en présentiel étant directement affectées par la crise. Cet effort de transition numérique se poursuit en lien avec l’Institut français de Paris et la Fondation des Alliances françaises.

S’agissant de nos opérateurs, nous augmentons légèrement notre appui. Les moyens de l’AEFE sont en hausse de 9 millions, en particulier pour la sécurisation des écoles. Je fais observer que, conformément à ce que j’avais indiqué l’an dernier, la dotation de l’agence consolide en base la dotation exceptionnelle de 26,4 millions en faveur du développement de l’enseignement français à l’étranger, que vous avez votée en 2019 et dont certains doutaient de la prolongation. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le développement maîtrisé du réseau d’établissements d’enseignement français à l’étranger n’a pas été perturbé par la crise sanitaire, puisque près de quinze homologations supplémentaires sont d’ores et déjà intervenues cette année. Le mouvement se poursuit donc, même s’il est plus lent que prévu.

Je vous confirme également que, sur le programme 151, l’enveloppe des bourses scolaires sera maintenue à hauteur de 105 millions d’euros, comme les années précédentes. Bien entendu, l’enveloppe exceptionnelle de 50 millions que j’ai évoquée tout à l’heure peut être mobilisée, le cas échéant. Et si d’aventure se présentait une difficulté, nous recourrions à la soulte accumulée par l’AEFE et liée à la sous-consommation de cette ligne les années passées. Les subventions à Campus France et à l’Institut français de Paris sont, pour leur part, maintenues. Par ailleurs, pour tenir compte de la baisse conjoncturelle du nombre d’étudiants liée à la crise, le programme des bourses pour étudiants étrangers est réduit temporairement de 6 millions et s’élèvera à 58 millions. Je prendrai les mesures correctives qui s’imposent dès l’an prochain pour augmenter cette ligne budgétaire clé pour l’attractivité de notre pays.

J’ajoute que notre opérateur Atout France bénéficiera d’une subvention de 28,7 millions en 2021, en complément des fonds exceptionnels ouverts en juillet pour développer l’opération « Cet été, je visite la France ».

Enfin, le budget pour 2021 traduit un effort soutenu en faveur de l’aide publique au développement (APD).

Hors dépenses de personnel, les crédits budgétaires du ministère consacrés à ce secteur progressent de 344 millions, soit une hausse de 17 %. Cette progression nous permettra de maintenir une trajectoire ascendante dans la perspective de consacrer à l’aide publique au développement 0,55 % de notre richesse nationale d’ici à 2022. Quant au projet de loi de programmation relatif à la politique de développement et de lutte contre les inégalités mondiales, initialement prévu pour mars dernier, il sera présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, au moment où se tiendra le Forum de la paix, du 11 au 13 novembre – à savoir soit le mercredi précédent, soit le mercredi suivant –, de manière à l’inscrire dans cette dynamique générale d’action en faveur de la paix. Nos engagements seront donc tenus, et cela malgré la pandémie.

Conformément aux orientations du Président de la République, la composante bilatérale de l’APD – dont le renforcement est une de nos préoccupations majeures – augmentera fortement en 2021. Ainsi, la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire le don-projet et les dons ONG, qui reste notre ligne centrale de l’aide bilatérale, se poursuit. Ces moyens sont portés, en crédits de paiement, à 733 millions, soit une augmentation de 154 millions. Il s’agit, pour la première fois, du poste budgétaire le plus important, devant les crédits dédiés au Fonds européen de développement (FED). Les nouveaux engagements sur le don-projet AFD resteront, quant à eux, supérieurs à 1 milliard d’euros en 2021, pour assurer le maintien de cette dynamique et mettre en œuvre des projets dans les secteurs prioritaires de notre action : santé, crises, égalité femmes-hommes, éducation, climat et environnement. J’avais pris l’engagement que la subvention en dons-ONG mise en œuvre par l’AFD doublerait d’ici à la fin du quinquennat : l’augmentation de 20 millions en autorisations d’engagement de cette subvention, qui atteindra 130 millions, s’inscrit dans cette dynamique.

Le renforcement de la composante bilatérale de notre APD passe aussi par les projets du Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain, le FSPI, qui permettent de financer des projets immédiats lorsqu’un conflit ou une crise se termine, par exemple. Ces fonds sont mis à la disposition des ambassadeurs pour qu’ils contribuent, souvent par anticipation, au financement de projets très concrets, en conformité avec les engagements de Ouagadougou et en complément de l’action de l’AFD, dont les projets s’inscrivent plutôt dans un moyen terme. J’apprécie la réactivité de nos ambassadeurs dans ce domaine.

Quant à l’aide humanitaire, elle bénéficiera d’un nouvel effort budgétaire de 82,4 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, pour s’établir à 329 millions l’an prochain. Je m’étais engagé à atteindre 500 millions en 2022 ; je crois que nous y parviendrons – et nous sommes partis de loin ! Cette aide prend trois formes : le Fonds d’urgence humanitaire, géré par le Centre de crise et de soutien, le CDCS ; l’aide alimentaire programmée, gérée par la direction générale de la mondialisation ; des contributions volontaires aux organisations internationales qui participent à l’aide humanitaire, notamment le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

Par ailleurs, les crédits relatifs à l’appui à la coopération décentralisée seront stabilisés à hauteur de 11,5 millions, en raison d’une sous-consommation liée aux élections municipales et à la crise sanitaire. Ils augmenteront à nouveau lorsque les projets pourront être mis en œuvre. Nous avons besoin de l’expertise des collectivités locales et j’espère que nous pourrons rétablir rapidement une collaboration étroite ; je pense notamment à l’Alliance pour le Sahel, qui doit prendre une place significative.

Notre action en matière de développement s’inscrit également bien entendu dans une logique multilatérale.

Pour confirmer notre appui au multilatéralisme, nos contributions volontaires augmenteront de 36 % l’an prochain, pour s’établir à 317 millions d’euros en crédits de paiement, et seront centrées sur trois priorités.

Premièrement, les questions humanitaires, via notamment le bureau de coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations unies.

Deuxièmement, les biens publics mondiaux, et singulièrement la santé, qui bénéficiera en 2021 de crédits du programme 209, de financements du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont les ressources sont issues de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, et de 50 millions de la mission « Plan de relance ». Concrètement, ces crédits nous permettront de financer le maintien de notre contribution au fonds français Muskoka, qui améliore l’accès des femmes et des enfants aux soins de santé primaire, notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – à hauteur de 50 millions sur le programme 209 et de 263 millions sur le FSD – et une contribution additionnelle exceptionnelle à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 25 millions, dans le contexte de la crise sanitaire. Cette contribution fait suite à une première contribution exceptionnelle d’un même montant versée cette année dans le cadre de notre soutien à ACT-A (Access to covid-19 tools) qui, sur l’initiative du Président de la République, de la Commission européenne et de l’OMS, réunit des États, des organisations internationales et des acteurs philanthropiques pour lutter contre la pandémie – la France y a contribué à hauteur de 510 millions.

Nous financerons également, l’an prochain, des actions au service des autres biens publics mondiaux que sont, d’une part, l’éducation, en contribuant au Partenariat mondial pour l’éducation, et, d’autre part, le climat, avec notamment une contribution à l’initiative CAFI (Central african forest initiative), qui protège les forêts d’Afrique centrale, et au Fonds mondial pour les récifs coralliens.

Troisièmement, les droits de l’homme. Nous mettrons l’accent sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera au cœur du Forum Génération Égalité que la France coorganisera avec le Mexique et accueillera en 2021. De même, nous contribuerons au programme Affirmative finance action for women in Africa (AFAWA), initiative prise à l’occasion du G7 de Biarritz et qui vise à réduire le coût de l’accès au crédit pour les femmes en Afrique, en mettant à disposition des prêts à des taux plus abordables, et, à hauteur de 2,6 millions, au fonds Mukwege, qui soutient les victimes de violences sexuelles dans les conflits.

Je n’oublie pas, en cette année du cinquantenaire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la contribution statutaire et volontaire que nous versons aux opérateurs de la francophonie, en particulier à l’OIF, dont le montant progresse légèrement afin de permettre à celle-ci d’organiser le sommet qui se tiendra en Tunisie en 2021 – il devait avoir lieu en décembre mais a été reporté en raison des circonstances – et qui marquera la force de la francophonie.

Enfin, notre politique de développement se déploie dans une logique européenne. Plus du tiers du programme est destiné à financer le Fonds européen de développement (FED), qui est appelé à changer de statut. Jusqu’à présent, le FED était destiné aux pays signataires de la Convention de Lomé et de l’accord de Cotonou, dits pays ACP – pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique –, avec pour objectifs de combattre la pauvreté, de promouvoir le développement durable et d’intégrer progressivement les pays signataires dans l’économie mondiale. Nous sommes le deuxième contributeur à ce fonds. Nous veillerons à ce que nos priorités soient bien prises en considération dans le futur cadre financier pluriannuel européen et le futur instrument unique européen, qui réunira le Fonds européen de développement et des fonds jusqu’à présent affectés aux politiques de voisinage, en particulier au Partenariat oriental et aux partenaires du Sud – mais je crois que ce sera à peu près le cas.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir exposé vos priorités. Vous avez montré que les exigences que nous avions pu avoir les années précédentes avaient bien été prises en considération. Je ne doute pas que mes collègues vont se faire à présent les hérauts de nouvelles, car ces questions tiennent à cœur à beaucoup d’entre nous.

Mme Valérie Thomas. Avant toute chose, je veux exprimer, au nom du groupe La République en marche, toute notre amitié à notre présidente Marielle de Sarnez et lui dire combien elle nous manque.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de la satisfaction du groupe LaREM concernant ce PLF pour ce qui regarde les crédits alloués au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en hausse de 8 % pour l’année 2021. Cette dynamique se concrétise tout particulièrement dans les crédits de la mission « Aide publique au développement », le programme 209 bénéficiant d’une hausse de 17 %. La régularité de cette hausse traduit un engagement fort de la France et du Président de la République, celui d’affecter en 2022 0,55 % de la richesse nationale brute à l’aide publique au développement ; jamais encore ce budget n’avait connu une telle trajectoire. Elle reflète également les engagements pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018. Nous attendons désormais ardemment l’examen par le Parlement du projet de loi d’orientation et de programmation qui viendra réaffirmer l’engagement de la France en faveur de la solidarité internationale.

Au-delà, je souhaiterais vous interroger sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), alimenté par la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et par la taxe sur les transactions financières (TTF). Eu égard à la crise que nous traversons et à la diminution importante des échanges internationaux par voie aérienne, une baisse du produit de la TSBA est à craindre. Quelles sont les projections dont vous disposez concernant cette taxe et en quoi cela peut-il fragiliser le financement du FSD ? Concernant la TTF, selon les chiffres fournis par la direction du budget, elle devrait rapporter 1,745 milliard d’euros en 2020, au lieu de 1,130 milliard, comme prévu dans le PLF pour 2020, et rapporter 1,572 milliard d’euros en 2021, soit nettement plus que les années précédentes. Néanmoins, comme les années précédentes, seuls 528 millions d’euros seront affectés au FSD. Serait-il envisageable d’augmenter le montant du produit de cette taxe alloué au FSD, étant donné que les crises sanitaire, économique et sociale vont creuser les inégalités et développer la pauvreté ?

Enfin, de plus en plus de voix s’élèvent chez nos homologues européens ainsi qu’au sein de la Commission européenne pour réclamer l’instauration d’une TTF commune qui pourrait contribuer au plan de relance européen. Cette TTF européenne pourrait-elle également participer à la solidarité internationale ?

M. Michel Herbillon. Il y a dans la présentation du budget que vous avez faite, monsieur le ministre, quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons que nous réjouir : la stabilisation des effectifs, le renforcement des moyens de fonctionnement et une augmentation générale du budget. Nous ne pouvons aussi que soutenir les cinq orientations majeures que vous avez définies. Il faut maintenant regarder dans le détail, car, c’est bien connu, c’est parfois là que se niche le diable ; nous allons donc essayer de le débusquer en vous posant quelques questions complémentaires.

S’agissant des crédits immobiliers, les moyens dégagés sont-ils suffisants pour assurer à la fois l’entretien de notre patrimoine à l’étranger, qui en a bien besoin, et la sécurisation de nos ambassades et de nos lycées ? Quel est le calendrier retenu pour la réalisation de ce programme ?

Par ailleurs, je constate une diminution des crédits de modernisation de nos consulats, alors même qu’il serait nécessaire d’améliorer le service public qui y est délivré – notre commission est, vous le savez, particulièrement sensible à cette question. Plusieurs projets sont en cours, notamment la mise en place d’un registre des actes de l’état civil électronique, le déploiement de France-Visas en vue d’aboutir à un traitement entièrement dématérialisé des demandes de visa ou encore l’installation, initialement prévue pour 2020, de la plateforme d’accueil consulaire. Où en sont ces différents projets ?

J’en viens à la diplomatie culturelle et d’influence. Nous étions plusieurs commissaires à vous avoir proposé la création d’une ligne budgétaire nouvelle unique au sein du programme 185 concernant la sauvegarde des réseaux d’influence, pour qu’au-delà des mesures d’urgence, nous anticipions sur le moyen terme les difficultés à venir du fait de la pandémie. Vous deviez lancer une évaluation précise des besoins du réseau de coopération et d’action culturelle, avec un appui budgétaire complémentaire dès 2020. Où en est-on ?

D’autre part, l’agence de développement touristique de la France, Atout France, qui est le seul opérateur de l’État dans le secteur du tourisme, connaît à nouveau une diminution de ses crédits. Pourquoi cela, alors même que l’on peut estimer que l’année 2021 sera une année capitale pour la relance du tourisme dans notre pays ?

Quant à l’aide publique au développement, je vous donne acte de l’augmentation de ses crédits ; on ne peut que s’en féliciter. Toutefois, vous aviez évoqué le doublement des crédits de la coopération décentralisée d’ici à 2022 ; or nous constatons que son budget restera stable en 2021. Cela signifie-t-il que cet objectif est différé ? Vous avez dit que le projet de loi de programmation relatif à l’aide au développement, sans cesse reporté, serait sans doute présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, mais avez-vous une idée plus précise du calendrier parlementaire ? À quel moment notre assemblée pourra-t-elle l’examiner ?

M. Bruno Joncour. Le budget qui vient de nous être présenté tire un certain nombre d’enseignements de la crise, ou plutôt des crises que nous traversons. Nous constatons ainsi avec satisfaction la fin de la dégradation des effectifs du ministère, que nous demandions depuis de nombreuses années. Cela faisait trop longtemps que le nombre de ses agents diminuait, alors même que les besoins étaient de plus en plus pressants. Nous savons votre engagement en la matière, monsieur le ministre, et saluons l’inversion de la courbe que vous avez réussi à enclencher. Nous appelons désormais de nos vœux un réarmement des moyens humains du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui apparaît inévitable tant les crises successives démontrent clairement que l’action de notre diplomatie devra être à l’avenir encore plus active. Ces moyens humains, nous les avons vus à l’œuvre durant la crise sanitaire ; je tiens à saluer l’action extraordinaire de tous ceux qui se sont mobilisés pour soutenir nos concitoyens partout, jusque très loin dans le monde.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a probablement été l’un des ministères qui s’est le plus réformé ces dernières décennies. Il est plus que nécessaire de lui procurer désormais les moyens de renforcer son potentiel d’action ; c’est vrai en ce qui concerne tant les moyens humains que l’immobilier ou la sécurité des points essentiels, qui constituent des enjeux majeurs.

Crise sanitaire, crise politique, enjeux militaires, multiplication des zones de conflit, politique de développement : tout cela doit nous amener à réfléchir à une nouvelle ambition pour notre diplomatie – ce à quoi vous vous employez activement et avec constance. Cela passera d’abord par la diplomatie culturelle et d’influence. Là encore, beaucoup a été fait pour réformer un secteur essentiel pour notre pays. Ainsi les crédits votés dans le PLF pour 2020 seront-ils non seulement maintenus, mais renforcés en 2021. Si nous connaissons les difficultés de l’AEFE, qui ont été accrues par la crise sanitaire, beaucoup a été entrepris pour soutenir notre réseau.

Enfin, jamais l’utilité de l’aide publique au développement n’aura été aussi évidente : on voit bien qu’aujourd’hui, les pays ont un destin commun. C’est pourquoi nous saluons le respect de l’engagement du Président de la République de renforcer notre politique de développement. Après une hausse inédite des autorisations d’engagement l’année dernière, les crédits de paiement atteignent cette année un niveau qui l’est tout autant. Nous devons désormais avancer rapidement sur la loi d’orientation et de programmation de l’aide publique au développement ; si nous voulons que les efforts budgétaires soient réellement suivis d’effets, nous devons tenir cet engagement, car les attentes sont fortes – nous avons déjà largement échangé sur le sujet, monsieur le ministre. Le groupe du MODEM et démocrates apparentés compte aborder cette question dès le début de l’examen du texte en séance ; il est désormais urgent que les choses se concrétisent.

Monsieur le ministre, il est aisé de penser que votre ministère est largement sous-doté, tant les crises dans le monde se multiplient et semblent de plus en plus violentes, nécessitant une action toujours plus résolue de la France, mais pour y faire face, il faut, outre le budget, des outils efficaces et durables. Votre action démontre que vous vous saisissez pleinement de la question. Nous devons poursuivre cette dynamique ; le groupe MODEM et démocrates apparentés vous soutiendra dans cette voie.

M. Alain David. Je souhaiterais revenir sur le plan de relance associé au projet de loi de finances et ses déclinaisons dans le domaine de l’audiovisuel extérieur, qui, vous le savez, me tient beaucoup à cœur.

Le plan de relance prévoit 70 millions d’euros pour l’audiovisuel public ; sur cette somme, 500 000 euros seulement iront à France Médias Monde. Il ne s’agit pas pour moi de contester la participation de l’audiovisuel extérieur aux mesures d’économies imposées à l’ensemble de l’audiovisuel public. Néanmoins, j’appelle à un sursaut du Gouvernement s’agissant des moyens alloués à ce formidable outil d’information et d’influence, car, dans le contexte d’une concurrence internationale toujours plus intense, qui prend parfois la forme d’une guerre de l’information, le recours à la désinformation fait rage.

De fait, nos sociétés de l’audiovisuel extérieur ont été fortement touchées par les effets de la crise sanitaire et sont malheureusement les grandes oubliées du plan de relance. Le Gouvernement serait-il prêt à soutenir des amendements visant à abonder les crédits prévus par le plan de relance en leur faveur ?

Mme Aina Kuric. L’an prochain, pour la première fois depuis vingt ans, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne verra pas ses effectifs diminuer ; c’est à saluer.

S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le niveau des autorisations d’engagement hors dépenses de personnel se stabilise à 2,6 milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement continuent à croître à un rythme soutenu pour la troisième année consécutive : ils augmenteront de 344 millions d’euros, soit une hausse de 17 % par rapport à 2020, qui bénéficiera notamment aux domaines de la santé et de l’aide humanitaire.

La rénovation de la politique d’aide publique au développement devrait être consacrée par le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui, avez-vous dit, devrait être présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre. Ma question rejoint celle de mon collègue Herbillon : pourriez-vous apporter des précisions sur le calendrier de la discussion parlementaire ?

Les priorités thématiques et géographiques fixées en 2018 continueront de bénéficier de crédits supplémentaires en 2021. Les dix-huit pays prioritaires d’Afrique subsaharienne et Haïti seront les premiers bénéficiaires des moyens accordés pour la prévention des crises, la lutte contre les effets du changement climatique, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, le renforcement du système de santé ou la promotion de l’éducation.

Malgré un effort historique en faveur de la solidarité internationale, la France n’a toujours pas honoré l’engagement, vieux de cinquante ans, d’allouer au moins 0,7 % de sa richesse nationale brute (RNB) à l’aide publique au développement, cette part stagnant autour de 0,4 % depuis 2011, le niveau le plus bas ayant été atteint en 2014 et 2015 avec seulement 0,37 % du RNB alloué à la solidarité internationale. En volume, elle se classe à la cinquième position mondiale, avec une aide d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2019, loin derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis. Les moyens alloués sur le plan mondial, d’un total de 153 milliards de dollars en 2019, se trouvent bien en deçà du montant nécessaire pour répondre aux défis humanitaires et à la crise économique et sociale consécutive à l’épidémie de covid-19. Pour faire face à la pandémie, les Nations unies avaient appelé dès avril 2020 à la constitution d’un fonds d’aide d’urgence de 500 milliards de dollars en faveur des services de santé et des programmes d’aide sociale. Selon les calculs de l’ONG Oxfam, la France devrait abonder ce fonds de près de 15 milliards d’euros pour contribuer à la hauteur de son rang au sein de l’économie mondiale. Comment pourrait-on atteindre cet ambitieux objectif ? Quand on voit les sommes impressionnantes qui sont déjà distribuées, il est tout à fait légitime de s’interroger sur l’efficacité de ces dépenses. Quel regard portez-vous sur cette question ?

M. Meyer Habib. Monsieur le ministre, notre réseau consulaire a subi de très fortes contraintes ces derniers mois dans le contexte de la pandémie. Je tiens à rendre un hommage vibrant et sincère à tous les fonctionnaires de votre ministère, qui ont accompli un travail remarquable au service non seulement de nos compatriotes établis hors de France, mais aussi de ceux qui étaient bloqués à l’étranger. Le réseau commence à montrer des signes de fatigue après des mois d’une mobilisation maximale ; les agents, soumis à un fort stress, n’ont souvent pas pu prendre de congés – sans parler de ceux qui ont été touchés par le virus. Le réseau a en outre adapté son organisation et son fonctionnement dans le cadre de plusieurs chantiers de modernisation, notamment en matière de dématérialisation et de simplification des procédures. Il est vrai que le programme 151 de la mission « Action extérieure de l’État » prévoit une stabilisation, voire une légère hausse des effectifs. Toutefois, certains agents sont à bout. Cette stabilisation des effectifs marque-t-elle avec certitude la fin de la politique de rabot menée depuis tant d’années, qui a épuisé notre réseau consulaire ?

Le plafond d’emplois de l’AEFE est cette année encore en forte baisse, avec la suppression de soixante et onze équivalents temps plein. On continue à transformer les postes de résidents en contrats de droit local. Résultat, on crée des inégalités entre, d’un côté, le personnel expatrié ou détaché et, de l’autre, des titulaires non-résidents. Si tous accomplissent la même mission de service public, les personnes recrutées sous contrat local perdent leurs droits à l’avancement, des points d’ancienneté, la sécurité sociale, parfois les cotisations de retraite et l’indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale. Sur le terrain, on ressent un certain ras-le-bol. J’ai été saisi du problème par de nombreux professeurs, agrégés pour certains – je vous ai d’ailleurs adressé une question écrite sur le sujet au mois de juin dernier.

La qualité et l’attractivité de notre réseau d’enseignement à l’étranger tiennent à l’excellence de ses personnels. C’est un sujet essentiel pour les Français de l’étranger et un instrument majeur de notre diplomatie d’influence. Comment attirer, retenir et motiver les fonctionnaires titulaires non-résidents, qui ont le sentiment que leur travail n’est pas assez reconnu, pas assez valorisé ? Le Quai d’Orsay va-t-il enfin créer, en liaison avec le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, un statut unifié pour valoriser les carrières de tous les enseignants du réseau de l’AEFE ?

M. Jean-Paul Lecoq. En vous écoutant, monsieur le ministre, je me disais qu’il y aurait deux sortes de députés : ceux qui boiraient vos paroles et s’exclameraient : « C’est génial ! Parfait ! Exceptionnel ! », et les autres, qui diraient : « Peut mieux faire ». Pour ma part, je me rangerai dans cette deuxième catégorie.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « A déjà fait beaucoup, mais peut faire encore mieux », voulez-vous dire, monsieur Lecoq ? (Sourires.)

M. Jean-Paul Lecoq. Pour une fois, vous avez résisté aux attaques de Bercy : rien que pour cela, on peut vous féliciter ! Votre budget ne diminue pas et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle. Il est néanmoins dommage qu’il ait fallu attendre une pandémie sans précédent pour que votre gouvernement – mais on pourrait en dire autant des précédents – comprenne toute l’importance du ministère des affaires étrangères.

En outre, le fait que le ministère disposant d’un budget stable n’en fera pas automatiquement un outil d’amitié entre les peuples, si vous persistez dans la politique que vous menez. Votre quasi-absence en Palestine, votre silence coupable au Sahara occidental, votre ambiguïté au Kurdistan et vos amitiés avec les autocrates locaux en Côte d’Ivoire, aux Comores ou au Cameroun ne grandissent pas la France. Heureusement qu’il y a, pour compenser, l’abondement du Fonds pour la consolidation de la paix – mais j’ai cru comprendre qu’un militant Français était à sa tête, ce qui va d’ailleurs peut-être contribuer à faire bouger les choses – et des crédits versés à l’AIEA ; il ne faudrait pas toutefois que le fait de verser des fonds supplémentaires à l’AIEA exonère la France de son travail en faveur du désarmement. De même, les investissements dans l’immobilier, la sécurité et le numérique améliorent les conditions de travail et de sécurité des agents du ministère, mais ne font pas une politique. J’espère qu’on verra bouger les choses.

Beaucoup de collègues sont intervenus sur la question de l’aide publique au développement. Comme tous les ans, les députés communistes pensent que l’augmentation du budget est trop timide : il est stable, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, en autorisations d’engagement et n’augmente que de 344 millions d’euros en crédits de paiement. L’objectif de consacrer 0,55 % du PIB à l’APD ne doit pas être atteint grâce à une récession sans précédent, parce que l’économie française se serait écroulée. Il ne faudrait pas s’en satisfaire, car si notre économie s’écroule et la misère augmente chez nous, imaginons ce que ça doit être dans le reste du monde ! J’ose espérer, monsieur le ministre, que dans votre logique comptable et financière, vous ne restez pas arc-bouté sur le pourcentage, mais que vous êtes partisan d’une augmentation de cette aide et d’une meilleure répartition des richesses – mais je ferme la parenthèse.

Il faut donc maintenir un véritable effort pour que la crise internationale se résorbe le plus rapidement possible. À ce titre, les députés communistes regrettent eux aussi que la taxe sur les transactions financières n’ait pas été augmentée cette année, ni que son élargissement aux échanges intrajournaliers n’ait été proposé. Si faire contribuer davantage les entreprises cotées en bourse pour lutter contre la faim et pour la santé mondiale ne semble pas dénué de sens pour les députés communistes, il semblerait que cela ne paraisse pas logique à tous – en tout cas, pas à vous, ce qui est très regrettable.

Enfin, je voudrais dire un mot de l’initiative ACT-A, le dispositif pour accélérer le développement, la production et l’accès équitable aux nouveaux diagnostics, thérapies et vaccins contre le covid-19. Au-delà du fait que la France n’y a contribué, en piochant dans d’autres budgets, qu’à hauteur de 510 millions d’euros, le Président de la République a fait beaucoup de communication autour de cette initiative ; il souhaite que le vaccin devienne un bien public mondial, permettant aux pays les plus fragiles de disposer de vaccins et de la recherche en cours. Pour l’instant, on a eu beaucoup de mots, mais peu d’actes, puisqu’il n’y a pas encore de vaccin. Pourriez-vous nous indiquer quels dispositifs seront utilisés pour garantir la mise en commun des résultats de la recherche, le partage de la propriété intellectuelle et un prix juste ?

M. Jean-Michel Clément. Je ne sais si l’on a bu les paroles du ministre, mais ce qui est certain, c’est que quand on examine un budget, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Il faut donc entrer dans les détails ; or la lecture d’un budget m’a toujours paru singulière en ce sens que j’ai chaque fois l’impression de lire un rébus dont la réponse ne sera trouvée que dans le budget de l’année suivante, puisqu’il faut mettre à leur place respective les crédits de paiement et les autorisations d’engagement, étant entendu que, d’une année sur l’autre, cela peut changer. Cela témoigne d’un art consommé de la part de ceux qui élaborent les budgets.

Ce qu’on peut noter en première approximation, c’est que, globalement, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères se trouve conforté, ce qui peut être de nature à satisfaire tout un chacun, vu le contexte économique et sanitaire.

Je veux saluer moi aussi l’action du réseau consulaire, qui a été très mobilisé durant la crise sanitaire. Pour nos compatriotes qui ont été touchés et ont dû être rapatriés ou qui se sont retrouvés bloqués à l’étranger, le retour en France a parfois été long, mais il a toujours été réussi, avec un soutien psychologique important, quel que soit le pays concerné.

Vous avez annoncé le 29 avril 2020 la mise en place d’un dispositif de soutien aux Français de l’étranger, afin de répondre aux besoins des plus démunis de nos compatriotes, fragilisés financièrement par les crises sanitaires. Ce plan comporte un volet d’aide à la scolarité et un volet d’aide social, inscrits dans le programme 151. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

La France a perdu 50 % de ses recettes touristiques au cours du premier semestre 2020, ce qui s’est accompagné d’une baisse de 27 % du nombre de visas délivrés. Comme nous avions soulevé, il y a quelque temps, au sein de cette commission, le problème des délais de délivrance des visas, nous pourrions nous en réjouir : s’il y a 27 % de visas en moins du fait de la crise sanitaire, on peut imaginer que le délai de délivrance des autres en a été amélioré. Qu’en est-il ? La réponse pourrait intéresser nos collègues M’jid El Guerrab et Sira Sylla, corapporteurs de la mission d’information sur la politique des visas.

M. Sébastien Nadot. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit que le budget global du ministère de l’Europe et des affaires étrangères augmentera de 8 %, soit une hausse de 411 millions d’euros, pour s’établir à 5,4 milliards d’euros. Avec 344 millions d’euros supplémentaires, l’aide publique au développement est la principale bénéficiaire des hausses de crédits annoncées. L’effort est appréciable, mais il semble plutôt relever d’un début de rattrapage après plusieurs années d’affaissement de l’outil diplomatique de la France. En matière d’aide publique au développement, la France restera encore en 2021 très en deçà des objectifs des Nations unies et loin derrière l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Plus préoccupant, le groupe Écologie démocratie solidarité ne voit pas d’inflexion stratégique ambitieuse pour la diplomatie française dans ce projet de loi de finances. Où est notre ambition en matière de diplomatie culturelle et d’audiovisuel ? Quelle est notre stratégie en matière de rayonnement de la recherche à l’international, notamment en sciences sociales ? Comment combler notre retard en matière d’aide publique au développement ? À quand la nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale qui nous est promise depuis si longtemps ? En attendant, cette politique budgétaire d’esprit gestionnaire fait écho au sentiment d’un égarement de la politique étrangère de la France depuis plusieurs années.

Au Moyen-Orient, beaucoup de communication – mais pour quelle réussite ? Le récent empiétement français au Liban est dans toutes les têtes – mais pour quel résultat ? Dans le Caucase ou en Biélorussie, des jolis mots – mais quelle crédibilité, quand, d’un côté, on plaint les Arméniens et que, dans le même temps, on autorise les exportations d’armes à hauteur de près de 200 millions d’euros vers l’Azerbaïdjan, leur adversaire ? En Afrique, la France prend le contre-pied du discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 ; il faudra bien un jour abandonner la nostalgie de la Françafrique quand il s’agit d’accompagner les élections et les transitions politiques en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Mali ou ailleurs. Je pense au Cameroun, dont vous semblez ignorer le drame anglophone et où vous ne condamnez pas le fait que le principal opposant politique, Maurice Kamto, soit actuellement en résidence surveillée. Je pense à la République démocratique du Congo : bien que le rapport du projet Mapping des Nations unies dresse un constat alarmant en matière de droits de l’homme, dans une déclaration au Quai d’Orsay, vous abandonnez les populations à leur sort. Et que dire des pays du Sahel et du rôle qu’y joue la France, si mal perçu qu’il nourrit un puissant sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest ?

Les errements de notre diplomatie sur le continent africain s’accompagnent des mauvais comportements d’entreprises françaises à l’étranger, que ce soit le groupe Bolloré au Cameroun ou Total au Yémen ou au Mozambique. Soyons clairs : nous ne rivaliserons pas avec les Chinois ou les Russes sur le terrain de la corruption des élites africaines. La France doit jouer la carte de la responsabilité sociale et environnementale pour ses grandes entreprises, comme elle doit jouer la carte du droit international et de l’accompagnement des sociétés pour son action diplomatique.

Je terminerai néanmoins par une note positive. Cela m’avait échappé à la lecture du PLF, mais je veux saluer le dispositif de mise en œuvre rapide de projets, à la main des ambassadeurs, que vous avez évoqué tout à l’heure, Il y a matière à faire dans le cadre de la diplomatie culturelle, environnementale, éducative ou sanitaire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La progression de la part de la richesse nationale consacrée à l’aide au développement n’est pas une parenthèse, monsieur Lecoq, c’est pour moi une préoccupation majeure, comme l’a remarqué Mme Thomas. Certes, Mme Kuric et M. Nadot ont raison : en la matière, nous ne sommes pas les premiers – je reviendrai ultérieurement sur la somme de louanges que m’a décernée M. Nadot, car il est un peu lourd pour moi d’être porteur d’une politique d’« égarement ».

M. Sébastien Nadot. Je n’ai pas dit cela.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si, monsieur le député, c’est le terme – extrême – que vous avez employé. Merci du compliment !

En la matière, il faut tout de même se souvenir d’où nous venons ; je remercie par conséquent ceux qui ont bien voulu reconnaître l’effort extrêmement important que nous avons fourni et que nous continuons à fournir. J’entends dire que 344 millions d’euros, ce n’est pas grand-chose, mais si l’on ajoute cette somme-là aux autres, nous sommes au rendez-vous de nos exigences. Je suis très vigilant là-dessus, et je souhaiterais qu’on reconnaisse de temps en temps cet effort totalement inédit que nous fournissons, et cela avant même que la loi de programmation n’ait été adoptée.

Je partage votre avis, monsieur Lecoq : il faut être vigilant concernant les pourcentages ; mais c’est l’OCDE qui fixe les règles, pas nous. J’indique d’abord qu’en 2019, nous étions à 0,44 % – sachant que nous venions de 0,37 %. J’ai toujours dit qu’il fallait atteindre 0,55 % en 2022, et que ce ne serait qu’une marche vers 0,7 %. Le risque, comme M. Lecoq l’a souligné, c’est que du fait de la crise liée à la pandémie, la baisse du revenu national brut ne fasse grimper le pourcentage – c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer. Mon objectif est d’atteindre 0,55 % en 2022 toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sur la base du PIB français tel qu’il était prévisible en 2019 et tel qu’il est envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise. Il faut que les engagements soient clairs, et que l’on évite les ambiguïtés. Nous pourrons en débattre soit au moment de la discussion budgétaire, soit durant l’examen du projet de loi de programmation, qui, pour répondre à la question posée par plusieurs d’entre vous, sera présenté en Conseil des ministres vers la mi-novembre – je n’ai pas la date exacte, parce que ce n’est pas moi qui fixe l’ordre du jour ; il faudra ensuite inscrire son examen à l’ordre du jour du Parlement, probablement au premier semestre 2021, étant entendu que les engagements financiers prévus dans le PLF anticipent sur ce que pourra dire la loi.

S’agissant des recettes de la TSBA et de la TTF, vous savez que 210 millions d’euros de recettes de la TSBA et 528 millions d’euros de recettes de la TTF alimentent le FSD, qui lui-même alimente les grands fonds verticaux, en particulier ceux destinés à la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ceux pour l’environnement ou l’éducation, ou encore l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI). Votre observation, madame Thomas, est juste : avec la crise, les recettes de la TSBA ont considérablement diminué ; toutefois, la perte a été compensée en 2020 et je souhaite que nous obtenions la même compensation en 2021, que ce soit par un transfert du produit de la TTF ou par un financement spécifique. Si cela n’était pas fait, nous ne disposerions plus des moyens financiers nécessaires pour abonder les grands fonds verticaux en faveur desquels nous nous mobilisons. Nous partageons donc votre vigilance sur ce point.

Monsieur Herbillon, je sais que vous êtes très vigilant à la question du patrimoine immobilier de nos postes et à leur sécurisation – je le suis également.

La sécurisation des ambassades, lycées, instituts français et centres culturels dans les pays à risque sera achevée à la fin de l’année 2021. Chaque équipement fait l’objet d’un diagnostic par une personne chargée de la sécurité diplomatique. Celle-ci formule des préconisations que nous appliquons. Nous avions lancé un plan quadriennal ; si tout va bien, il sera achevé à la fin de l’année 2021. Nous avons bien fait de prendre de telles mesures – et je crois y être pour quelque chose –, car elles nous ont évité quelques drames. Je pense notamment à l’attaque qui a eu lieu il y a un an et demi à Ouagadougou.

Quant à la dimension plus classique du programme immobilier, je pourrais vous donner la liste des programmes que nous envisageons de mettre en œuvre en 2021. Nous sommes à peu près au rendez-vous. Je craignais le pire et m’étais ému devant vous, l’année dernière et celle d’avant, des difficultés que nous rencontrions et des risques qu’elles nous faisaient courir. Je pense que tout cela est derrière nous.

Les chiffres du CAS 723 pour l’année 2021 que je vous ai donnés n’incluent pas les sommes prévues pour les travaux du Quai d’Orsay lui-même, dans le cadre de l’opération Quai d’Orsay 21. Celles-ci sont déjà réservées, indépendamment du budget pour 2021, et ne seront mobilisées qu’en 2022.

Certes, on pourrait demander encore plus pour l’immobilier, mais nous sommes d’ores et déjà en mesure de rompre avec la logique de paupérisation que nous avions constatée et à laquelle nous avions commencé à remédier dès l’année dernière, même si cela va nettement mieux cette année. Il faudra faire en sorte que les travaux soient réalisés dans les meilleurs délais, tout en sachant que cela dépend des situations locales, y compris sur le plan sanitaire, avec le coronavirus.

En ce qui concerne les consulats, je crois vous avoir dit, mais peut-être n’ai-je pas été suffisamment clair, que la première phase du RECE commencerait au début de l’année 2021. Le service central de réponse téléphonique dénommé « France consul@ire » a dû être reporté d’un an en raison du coronavirus. Le vote par internet devrait être ouvert en mai 2021, au moment des élections consulaires.

La stagnation des crédits de la coopération décentralisée s’explique à la fois par les élections municipales et le coronavirus. L’objectif est bien de doubler ces crédits, comme je l’ai dit lors du rassemblement de Cités unies France (CUF). Nous avons besoin de l’expertise des collectivités dans ce domaine.

Nous avons été très vigilants au fonctionnement du réseau culturel pendant la crise. Certains instituts ont été fermés parce que toute activité y était devenue impossible. Nous avons néanmoins essayé d’éviter les fermetures et d’adapter les conditions d’accès à notre offre culturelle, en particulier par la numérisation du réseau. Nous avons mobilisé 3 millions d’euros à cette fin : la numérisation nous a permis de compenser les difficultés d’accès aux lieux culturels – car la situation que nous connaissons en France existe aussi ailleurs ; c’est la dure réalité de la pandémie.

La baisse des crédits dévolus à Atout France était déjà engagée l’année dernière. Elle porte sur des crédits de fonctionnement interne : c’est une économie de gestion, qui se déroule d’ailleurs assez bien. Cela n’empêche pas que, parallèlement, une aide de 5 millions d’euros a été octroyée à l’opérateur pour mener la campagne « Cet été je voyage en France », par la mise en œuvre des fonds spécifiques de lutte contre le coronavirus, en application des dispositions prises au mois de juillet. Atout France, malgré tout, se porte bien, et a su accompagner la saison touristique en France, qui, en définitive, n’a pas été aussi mauvaise qu’on le craignait – c’est maintenant que les difficultés arrivent.

En ce qui concerne l’idée d’une ligne budgétaire dédiée à l’influence, je ne suis pas convaincu, mais je suis prêt à l’étudier. Je sais que vous avez rédigé un rapport sur la question : nous allons examiner vos propositions avec beaucoup d’intérêt.

Monsieur Joncour, vous avez insisté sur l’engagement à travers la loi d’orientation et de programmation relative à l’aide publique au développement. Ce n’est pas uniquement une question de trajectoire : c’est une nouvelle approche du développement, avec plus de partenariat, de cohérence, de pilotage, de « redevabilité » et d’évaluation. M. Nadot me demandait comment on peut faire en sorte de vérifier le bon usage des fonds investis dans tel ou tel pays : dans la loi à venir, il y a des éléments relatifs à la redevabilité et à l’évaluation, sur laquelle nous devons être plus exigeants. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Monsieur David, France Médias Monde est en cotutelle et n’est donc pas financé exclusivement par mon ministère. Cela dit, je rejoins votre préoccupation quant au fait que le plan de relance n’a pas été à la hauteur des exigences. Je suis tout à fait convaincu de l’enjeu que représente l’audiovisuel extérieur : France 24, notamment, qui propose dans l’ensemble des programmes de qualité, est un outil d’influence dans le monde. C’est le sentiment que j’ai eu en lançant à Bogotá sa version en espagnol. Il peut paraître surprenant de diffuser France 24 en espagnol, mais l’influence française ne passe pas uniquement par notre langue : l’audiovisuel en tant que tel y participe également. Le nombre d’heures de diffusion de France 24 en espagnol va tripler en raison du dynamisme que cela peut entretenir. Je partage donc votre vigilance sur ce point, monsieur David, et suis prêt à agir si vous en sentez la nécessité.

Madame Kuric, je crois avoir déjà répondu en ce qui concerne l’efficacité de l’argent dépensé au titre de l’APD. Cela fait partie des dispositifs d’accompagnement qui figureront dans la loi. Les priorités restent les mêmes, ainsi que la géographie des pays prioritaires. Ce sera une étape importante dans la vie du ministère que je dirige que de constater une véritable montée en puissance de la politique de développement, laquelle devient une réalité perçue par les uns et par les autres.

Monsieur Lecoq, je serai un peu long dans ma réponse concernant le dispositif ACT-A car c’est pour moi un enjeu très important. La forme même est très originale : c’est une coalition d’États, d’organisations internationales et de fonds philanthropiques ayant pour objectif d’accélérer les réponses mondiales apportées à la covid-19. L’initiative en revient au président Macron, à la Commission européenne de Mme von der Leyen et au directeur général de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus. L’ACT-A est soutenu par de nombreux pays. Son pilotage politique, coordonné par l’OMS, réunit l’ensemble des acteurs. Il y a dix coprésidents, dont la France, l’Allemagne et la Norvège. C’est un dispositif de grande ampleur qui est en train d’être mis en œuvre. Il était très important que l’OMS y trouve sa place, qui doit être majeure – il en va de même pour l’Union européenne.

Il y a quatre piliers dans l’initiative ACT-A. Le premier concerne les vaccins, avec un dispositif de financement de la recherche et d’achat au prix coûtant, mais aussi le système de distribution, qui s’appuie sur le GAVI. Le deuxième consiste dans la recherche de traitements. Le troisième œuvre pour la fourniture de diagnostics. Enfin, le quatrième vise au renforcement des systèmes de santé. Chacun de ces pôles se développe de son côté, mais les quatre se complètent et, sans le quatrième, qui est transversal, la recherche de vaccins, la fourniture de diagnostics et la recherche de traitements n’auraient pas beaucoup de sens : il faut disposer des réseaux et des leviers pour faire en sorte que les vaccins soient distribués et les traitements dispensés.

La France participe directement au financement du paquet ACT-A, à hauteur de 510 millions. À cela s’ajoutent 50 millions pour l’OMS et 500 millions pour le GAVI – plus une tranche de 100 millions qui sera débloquée lorsque le vaccin aura été trouvé. Il y a là une mobilisation très importante pour permettre que le vaccin soit considéré comme un bien commun, ce qui suppose l’achat au prix coûtant et des outils de redistribution évitant ce que j’ai appelé récemment le « nationalisme vaccinal » – l’expression fait florès.

Monsieur Habib, j’espère que la stabilisation des effectifs marque la fin de la politique de rabot. En tout cas, je compte sur vous pour que la dynamique initiée dès l’an passé et renforcée cette année se poursuive. Le rôle du Parlement en la matière sera tout à fait essentiel.

S’agissant du personnel enseignant de l’AEFE, je suis bien d’accord avec vous : il faut retenir les titulaires. Il ne peut pas y avoir que des agents de droit local, même si je reconnais leur rôle. Mon collègue Jean-Michel Blanquer a pris des engagements importants pour augmenter le nombre de professeurs titulaires : nous les avions annoncés lors du lancement du programme d’activation de l’enseignement du français à l’étranger. Certes, c’était avant la crise, mais la préoccupation reste la même. Le rôle des enseignants titulaires sera aussi de contribuer à la formation des recrutés locaux. Ces derniers ont un rôle important, mais encore faut-il qu’ils soient formés.

Monsieur Clément, le nombre de visas délivrés a effectivement chuté, ce qui a eu pour conséquence d’amenuiser les financements qui en découlaient. La demande de visas a chuté de 71 %. C’est beaucoup. Manifestement, d’après ce que je comprends, la question des délais pour obtenir un rendez-vous ne se pose plus réellement en raison de la faible demande. Nous avons essayé d’être vigilants pour permettre aux étudiants, en particulier, d’obtenir des visas aussi rapidement que possible au cours de l’été, pour poursuivre notre action en faveur de l’attractivité de notre pays. Par ailleurs, le retour des étudiants étrangers en France ne tenait pas seulement à la délivrance d’un visa : il y avait aussi des questions d’autorisation et de contrôle sanitaire. Nous y avons été extrêmement vigilants.

Merci du soutien que vous avez manifesté à l’égard des agents du ministère, qui se sont beaucoup dévoués pour faire en sorte que les Français de passage à l’étranger puissent rentrer. Si un jour j’écris mes mémoires, je raconterai des histoires extrêmement folkloriques sur le retour de Cuzco, ou encore d’îles perdues de l’Indonésie. Quoi qu’il en soit, nous avons réussi à ramener tous nos compatriotes.

Monsieur Nadot, je ne polémiquerai pas avec vous. En ce qui concerne la politique d’« égarement » que je conduis, je vous donnerai simplement un conseil…

M. Sébastien Nadot. Je regrette de devoir vous contredire, monsieur le ministre, mais ce ne sont pas les propos que j’ai tenus.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ah si !

M. Sébastien Nadot. Non ! Je ne peux vraiment pas vous laisser dire cela.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous verrons au compte rendu. En tout cas, ce n’étaient pas des propos d’une très grande aménité.

M. Sébastien Nadot. J’ai dit que la politique budgétaire faisait « écho au sentiment d’un égarement de la politique étrangère ». Si vous n’acceptez pas qu’il puisse y avoir des nuances dans la langue française, j’en suis vraiment désolé.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quand on utilise des mots, il faut les assumer, monsieur Nadot. Moi, j’assume ceux que j’emploie.

M. Sébastien Nadot. Cette politique « fait écho au sentiment d’un égarement » : voilà les mots que j’ai utilisés.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui, c’est cela : donc je mène une politique d’égarement. Nous ne sommes pas dans la même logique.

M. Sébastien Nadot. Disons que nous n’interprétons pas la langue française de la même manière…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Eh bien, nous prendrons ensemble des cours de grammaire. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, je n’ai aucune envie de polémiquer avec vous. Ce que je vous propose, c’est d’aller voir un jour l’action de l’Alliance pour le Sahel, dont nous sommes à l’origine.

M. Sébastien Nadot. Je prends rendez-vous !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous pourrez alors constater qu’il se trouve parfois, en Afrique, des gens qui apprécient l’action de la France.

Mme Marion Lenne. Cette année, compte tenu de la crise sanitaire, les demandes de visa étudiant n’ont été traitées prioritairement qu’à partir du 15 août. Par ailleurs, le budget du programme de bourses pour les étudiants étrangers, doté de 58 millions d’euros, a été temporairement réduit de 6 millions. Au-delà de l’impact de la pandémie de covid-19 sur la mobilité étudiante, qu’il s’agisse du budget du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » ou du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », force est de constater qu’un écart se creuse entre ce que nous votons au Parlement, ce qui est réellement dépensé et la manière dont les crédits sont utilisés. Est-il donc possible de contrôler et d’assurer un suivi efficace de ces dépenses, en toute transparence, notamment grâce au numérique ?

M. Hugues Renson. Le dispositif ACT-A, dont vous venez de parler, a été lancé fin avril 2020, notamment à l’initiative de la France. Il vise à accélérer la recherche d’un vaccin et de traitements pour combattre la pandémie de covid-19, puis à assurer leur distribution équitable. Vous n’avez pas encore parlé, en revanche, des montants qui doivent être mobilisés. Pour qu’il puisse remplir sa mission, le dispositif doit être doté de 38 milliards de dollars, dont 15 milliards dès 2020. Lors de la conférence des donateurs du 4 mai dernier, la France a annoncé que sa contribution serait de 510 millions d’euros, dont 10 millions via UNITAID, et 50 millions pour l’OMS. Nous pouvons tous, me semble-t-il, saluer cet engagement. Toutefois, on est encore loin d’atteindre l’objectif fixé : au total, seuls 3 milliards de dollars ont été mobilisés. Comment la France compte-t-elle contribuer à remédier à ce problème de financement ?

Mme Bérengère Poletti. Comme je n’ai qu’une minute pour m’exprimer, je ferai l’impasse sur les compliments que je voulais vous adresser, monsieur le ministre. (Sourires.)

Je me concentrerai sur l’APD, plus particulièrement envisagée sous l’angle de la transparence. Celle-ci n’est assurée ni pour nos concitoyens ni pour les parlementaires : comme vous le savez, seule une partie de l’APD est visible quand on vote le budget. Qu’il s’agisse de l’AFD ou même de votre ministère, il reste quelques progrès à faire en matière de transparence. Certes, l’AFD a fait des efforts, passant de la 35e à la 30e place, mais le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, quant à lui, a reculé de la 37e à la 42e place, selon un classement établi chaque année. Le projet de loi de programmation sur lequel nous travaillerons bientôt doit absolument nous permettre de progresser dans ce domaine.

En ce qui concerne l’augmentation de l’aide publique au développement, qu’il faut évidemment saluer, vous dites qu’elle est historique. Or l’APD était déjà à 0,5 % du PNB en 2010, même s’il est vrai qu’elle a baissé par la suite, notamment entre 2012 et 2017. Par ailleurs, les chiffres de l’OCDE montrent que si l’on exclut les coûts d’accueil des réfugiés sur notre territoire – dont les modalités de calcul ont d’ailleurs été modifiées –, les bourses et frais d’écolage, mais aussi les instruments du secteur privé, l’augmentation réelle de ce que l’on peut considérer comme le cœur de l’aide publique au développement n’a été, entre 2017 et 2019, que de 1,4 %, soit 112 millions d’euros, sur une augmentation totale de 1,153 milliard au cours de la même période. Cela signifie que les 98,6 % restants sont allés financer les premiers éléments que je mentionnais.

Enfin, j’essaie d’obtenir, en vain, un certain nombre de renseignements auprès du Trésor concernant les remises de dettes accordées. Celles qui émanent de l’AFD sont parfaitement encadrées, tout est transparent quand on demande des explications, et le mécanisme est assorti d’une conditionnalité. En revanche, pour celles qui sont pratiquées par le Trésor, il est impossible d’avoir les détails.

Je voulais vous interpeller sur ces problèmes de transparence : il me semble important d’y remédier pour que nous soyons parfaitement informés de la réalité des augmentations que vous annoncez.

Mme Liliana Tanguy. La semaine dernière, nos échanges ont porté sur les dossiers internationaux, mais, compte tenu de la densité de l’actualité, vous n’avez pas eu le temps d’évoquer la situation européenne, notamment la question du Brexit. Comme vous nous avez dit que nous pourrions l’aborder aujourd’hui, je me permets de vous interroger sur l’avancée des négociations relatives au Brexit, à l’approche du prochain Conseil européen : celui-ci se réunira après-demain et portera sur l’accord sur la relation future avec le Royaume-Uni.

L’espoir d’un accord commercial est-il encore permis, en particulier concernant le secteur de la pêche, sur lequel subsiste un désaccord très important avec les Britanniques ? Je sais que vous prêtez une attention particulière à l’impact désastreux qu’aurait un « no deal » pour l’activité des pêcheries françaises, en particulier bretonnes. Moi-même, je puis d’ailleurs témoigner de l’inquiétude des pêcheurs de ma circonscription, dans le Finistère, qui craignent de ne plus avoir accès aux eaux britanniques. Les armements du port de Lorient sont eux aussi inquiets. Dans un tel contexte, et sachant que la France et le Royaume-Uni sont des alliés historiques, quelle est votre vision de l’avenir de la continuité de la coopération franco-britannique, notamment en matière militaire, mais aussi dans le domaine maritime ?

Mme Nicole Le Peih. Je souhaite revenir sur les moyens accordés à la direction du numérique. Ils augmentent de 22 %, ce qui est important. C’est le signe de la transformation de notre administration, mais également de l’ampleur des défis qui l’attendent. Pourriez-vous nous détailler les nouvelles actions qui seront déployées grâce à ces crédits supplémentaires, pour quel type d’investissements dans nos infrastructures, pour quelles ressources humaines dont les compétences feraient défaut au sein du ministère ?

M. Hubert Julien-Laferrière. À la suite d’autres collègues, je salue l’augmentation des crédits consacrés à l’aide publique au développement, mais je voudrais aussi revenir sur ce qui a été dit concernant les conséquences de la contraction du PIB : comme vous en avez convenu, l’augmentation de l’aide doit être mesurée en valeur absolue. Peut-on se mettre d’accord sur une enveloppe de l’ordre de 14 à 15 milliards ? C’est ce qui était prévu lorsque, au début de la législature, vous aviez annoncé l’objectif de 0,55 % du PNB – je parle bien de l’ensemble de ce qui est comptabilisé par l’OCDE, et non pas seulement des crédits budgétaires.

J’ai une question précise à propos du Fonds de solidarité pour le développement et la taxe sur les transactions financières. Nous sommes dans une situation paradoxale : alors que la taxe a été créée pour financer le développement, la part de ses recettes affectée à cet objectif est plafonnée à 528 millions d’euros. En 2016, la moitié des recettes étaient ainsi consacrées à l’aide au développement ; désormais, c’est plutôt un tiers, voire un quart. Cela veut dire que l’augmentation de la recette profite au budget général, et non pas à ce pour quoi elle a été créée. Qui plus est, contrairement à ce qui se passe pour la TSBA, les recettes de la TTF vont connaître une augmentation importante en 2020 – on en était déjà à 1,7 milliard au mois d’août. M. le rapporteur général du budget n’avait visiblement pas les bons chiffres quand je l’ai interrogé en commission des finances : je proposais, par voie d’amendement, d’augmenter légèrement la part consacrée au développement, et il m’a répondu que le montant que je voulais lui affecter était supérieur aux recettes elles-mêmes – mais peu importe. Je sais que votre ministère défend, à côté de l’augmentation des crédits budgétaires, l’outil de la taxe sur les transactions financières. Je présenterai donc à nouveau, comme chaque année, un amendement visant à augmenter la part de la TTF consacrée au développement, car la taxe a été créée à cet effet.

Enfin, il serait bien de faire un jour un bilan d’étape de ce qui a été décidé sur le terrain au titre du programme « Covid-19 – santé en commun » .

M. Jacques Maire. Ma question porte sur l’évaluation de l’efficacité de l’aide au développement, notamment dans le cadre extrêmement complexe et difficile du Sahel. C’est précisément l’objet des travaux de la Chaire Sahel : il s’agit d’effectuer une évaluation indépendante pour les parties prenantes – les bénéficiaires aussi bien que les financeurs. Or les résultats sont assez alarmistes pour ce qui nous concerne, comme le montrent les quatre exemples suivants. Concernant la traçabilité de l’aide française dans certains pays, seuls 20 % se retrouvent dans les comptes du pays bénéficiaire. Concernant le délai de démarrage, on est en général à près d’un an entre la signature et le premier décaissement. Le délai moyen de décaissement pour les projets est de cinq ans. Quant à la proportion de fonds décaissés à la fin du projet, elle est en général de 60 %. Autrement dit, les analyses montrent la quasi-impossibilité de mener à bien des évaluations de façon satisfaisante. Nous sommes en première ligne et voulons embarquer les autres bailleurs. Au vu des moyens limités que vous avez donnés à la Chaire Sahel, comment peut-on faire de l’évaluation un enjeu partagé pour l’Alliance Sahel ? Comment peut-on faire de la Chaire Sahel un outil réellement efficace, offrant la possibilité de progresser ? Car sans évaluation, l’aide au Sahel ne progressera pas.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Lenne, vous avez raison : il faut vraiment améliorer la consommation des bourses pour les étudiants. Je vais m’y employer, et les services y travaillent eux aussi. Merci d’avoir identifié le problème.

Madame Poletti, je veux bien tout ce qu’on veut, mais si on enlève les critères de l’OCDE pour définir l’aide publique au développement, il faut le faire pour tout le monde, pas seulement pour la France. Si vous changez les normes, il faut créer un autre outil pour identifier ce qu’est l’aide au développement. Pour l’instant, je m’en tiens aux normes de l’OCDE, qui sont reconnues par tous et qui établissent la mobilisation financière pour les différents aspects que vous avez évoqués, lesquels font bel et bien partie du développement.

En ce qui concerne la transparence et le classement que vous évoquez, donnez-moi les références : je ferai en sorte d’y remédier. Je suis pour la transparence totale concernant l’aide au développement. C’est tout à fait essentiel. Sinon, il n’y a plus de développement : on perd totalement sa crédibilité. Cela m’amène à ce que disait Jacques Maire : la transparence et la traçabilité de l’aide sont tout à fait essentielles. Les décaissements ne sont pas assez rapides, j’en suis d’accord, et la conséquence en est qu’on ne peut plus tracer l’aide. Je voudrais qu’à cet égard l’Alliance Sahel soit exemplaire, et je suis prêt à prendre les mesures nécessaires. Cela doit être une référence : une aide publique au développement bien comprise, ne fonctionnant pas en silos, efficace. Pour vous être rendu sur place, monsieur Maire, vous savez l’importance que cela revêt. Le financement potentiel est de 11,6 milliards : il est indispensable qu’on y voie clair. Je vais m’y employer.

J’ai bien pris note de votre remarque concernant les remises de dettes, madame Poletti. Elles devraient être retracées dans le programme 110, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la relance. Si elles n’y figurent pas, cela pose question.

Monsieur Renson, je confirme vos chiffres. Effectivement, il faut mobiliser les financements. C’est un enjeu considérable, et qui ne concerne pas seulement la France ou les autres pays : un certain nombre d’associations philanthropiques et d’entreprises sont contributrices. C’est un mouvement mondial. Voilà pourquoi le Président de la République a décidé d’organiser, à l’occasion des cérémonies du 11-Novembre, dans le cadre du Forum de Paris, une grande manifestation consacrée à l’ACT-A et destinée à mobiliser des financements, en particulier pour le vaccin. C’est la condition pour que celui-ci soit reconnu comme un bien commun de l’humanité, qu’il soit partagé et que nous anticipions, de manière à sortir de la crise renforcés. Je sais que la Banque mondiale est prête à donner beaucoup, de même que la Fondation Bill et Melinda Gates.

Madame Tanguy, même s’il est un peu tard pour commencer à parler du Brexit, je voudrais faire plusieurs remarques. Ce n’est pas obligatoirement le 15 octobre que les choses vont se nouer. C’est le Premier ministre Boris Johnson qui l’a annoncé, mais ce n’est pas la position du Conseil européen, lequel se réunit effectivement jeudi et vendredi. Pour l’instant, les négociations n’ont presque pas avancé sur les trois points qui continuent à poser problème.

Premièrement, il y a la question de l’égalité de la concurrence au sein du marché intérieur européen, autrement dit le fait que les normes de concurrence, les règles en matière d’aides d’État ou encore les normes environnementales soient prises en compte par le Royaume-Uni. No tariffs, no quotas, no dumping : cela suppose que les règles de concurrence soient mises à plat et soient loyales. Deuxièmement, il y a la pêche – je vais y revenir ; troisièmement, les conditions de gouvernance. Nous en sommes à la neuvième semaine de négociations et les lignes bougent très peu sur ces trois points. En l’état actuel des choses, malheureusement, l’hypothèse d’un « no deal » est très crédible – mais on sait que les Britanniques sont de redoutables tacticiens.

Je voudrais, à la fin de cette audition, faire passer deux messages concernant le Brexit.

D’une part, l’heure n’est plus à la tactique. On a fini de jouer. L’échéance arrive – elle a été fixée à la fin de l’année. Cela veut dire que tout doit se jouer entre le 15 octobre et la mi-novembre. Le « no deal » n’est pas l’hypothèse qui nous paraît être la plus favorable pour les Britanniques, mais nous nous sommes préparés à toutes les éventualités. J’étais hier matin à Luxembourg pour une réunion des ministres des affaires étrangères, lors de laquelle nous avons parlé d’un certain nombre de questions, dont celle-là. Or je constate que les Européens restent unis, y compris par rapport à l’initiative prise par Boris Johnson de faire adopter une loi relative au marché intérieur contraire à l’accord de retrait signé avec l’Union européenne il y a un an : ce texte est inacceptable, et tout le monde le dit.

D’autre part, la pêche ne doit pas être la variable d’ajustement de l’accord. Je suis pour ma part extrêmement vigilant à cette question : l’accès privilégié au marché unique que souhaite le Royaume-Uni est indissociable des garanties obtenues pour nos pêcheurs. Je le dis avec beaucoup de fermeté. Il faut maintenant faire en sorte que les Britanniques comprennent que la pêche n’est pas un dossier à part : il n’y a pas d’accord séparé sur le sujet. Telle est la position du Président de la République, qu’il défendra si la question est abordée après-demain au Conseil européen. S’agissant des conditions d’accès aux eaux et aux ressources, nous devrons également avoir une discussion vigoureuse avec les Britanniques pour obtenir une prévisibilité pluriannuelle et des normes techniques communes, éviter les distorsions de concurrence et tenir compte des droits historiques et des quotas. C’est un sujet lourd, sur lequel nous nous battons. Pour avoir eu, dans une vie antérieure, la responsabilité de la mer, j’y suis particulièrement vigilant : c’est un enjeu auquel je suis attaché.

Monsieur Julien-Laferrière, entre 14 et 15 milliards, je tope. Quant au FSD, je partage votre constat, comme je l’ai déjà dit en réponse à Mme Thomas. On observe effectivement une baisse des recettes de la taxe sur les billets d’avion et une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières. La solution pourrait être simple ; j’attends avec intérêt vos observations lorsque le moment sera venu.

Madame Le Peih, j’ai déjà évoqué dans mon propos introductif le plan de 13 millions d’euros que nous allons mettre en œuvre pour renforcer le numérique : modernisation du réseau de communication, développement des visioconférences avec l’extérieur, renforcement de la sécurité opérationnelle des systèmes d’information du ministère, acquisition d’outils de mobilité. J’ai également parlé du RECE, en réponse à M. Herbillon. Le numérique est un enjeu important : nous l’avons constaté avec la crise de la covid-19. Nous allons donc investir massivement.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Merci beaucoup pour vos réponses, monsieur le ministre, et surtout pour votre disponibilité. Vous pouvez compter sur nous pour rester vigilants et mobilisés.

 

II.   Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Au cours de sa réunion du 21 octobre 2020, la commission des affaires étrangères examine le présent avis budgétaire.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Nous allons entendre notre collègue Christophe Di Pompeo présenter son rapport, puis la contribution du groupe Agir ensemble.

Nous pouvons nous féliciter que les moyens du ministère de l’Europe et des affaires étrangères augmentent de 8 % l’an prochain. Au sein des 411 millions d’euros de crédits supplémentaires, 344 millions seront affectés à l’aide publique au développement. Néanmoins, l’Action extérieure de l’État, qui absorbe 54 % du budget du ministère, est en augmentation de 2,3 %. Ces nouveaux crédits sont essentiellement concentrés sur le programme 105 dont le budget augmente de près de 4 %. Je rappelle que ce programme, dénommé Action de la France en Europe et dans le monde, permet au ministère de conduire la politique étrangère de la France en finançant le réseau diplomatique, les dépenses des directions politiques et géographiques, les contributions internationales et européennes et les actions de coopération de sécurité et de défense.

Ce budget pour 2021 tire les enseignements de la crise sanitaire. Les effectifs du ministère sont stabilisés. C’est une première depuis vingt ans.

Les moyens de fonctionnement et d’investissement des postes augmenteront de près de 8 %. Comme l’a souligné Jean-Yves Le Drian la semaine dernière, avoir obtenu que la totalité du produit des cessions immobilières revienne au ministère est un grand motif de satisfaction.

On notera, enfin, la mobilisation de moyens pour la transformation numérique du ministère, pour laquelle nous avons tous milité au travers de nos groupes de travail au printemps dernier. Les crédits sont en augmentation de 22 %. Notre rapporteur Christophe Di Pompeo en a fait, à juste titre, le thème de son étude thématique. Car la numérisation, au-delà de l’amélioration de l’efficacité de la gestion administrative, permet d’accroître la qualité du service rendu aux usagers et ne peut donc s’accompagner d’une réduction de la présence humaine dans les postes.

Je donne la parole à Christophe Di Pompeo.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il me revient de vous présenter le budget du Quai d’Orsay dans sa composante diplomatique et consulaire, qui figure aux programmes 105 et 151 de la mission Action extérieure de l’État.

Mon avis s’est très largement nourri d’un groupe de travail créé par Marielle de Sarnez. Au moment de la crise, en effet, le président Richard Ferrand avait souhaité créer une commission chargée de vérifier l’ensemble des conséquences de la pandémie dans toutes ses composantes. Marielle de Sarnez s’en était saisie et avait créé plusieurs groupes de travail, dont un consacré au réseau diplomatique et consulaire à l’étranger.

Avec Didier Quentin, Anne Genetet et M’jid El Guerrab, nous avons fait passer un certain nombre d’auditions pendant la crise. Celles-ci nous ont conduits à orienter, dans un deuxième temps, cet avis budgétaire sur le numérique du quai d’Orsay. Il est apparu, en effet, que le numérique n’était pas toujours au rendez-vous en temps de crise et qu’il posait problème.

Je tiens à souligner l’exceptionnel dévouement des diplomates dans les différents postes. Ils n’ont pas compté leurs heures pour assurer le rapatriement de 250 000 Français de l’étranger, souvent avec des effectifs réduits – seulement 12 % des diplomates étaient en poste dans les ambassades – et des moyens qui n’étaient pas au rendez-vous pour faire du télétravail. Cet important travail a été effectué avec l’appui du Centre de crise et de soutien, de façon remarquable. On a souvent vu des équipes consulaires sur le tarmac, munies de papiers et de crayons, pour faire embarquer nos ressortissants vers la France.

Je souhaite également dire que nous avons ressenti une ambiance « équipe de France ». Des acteurs comme Air France ont vraiment joué le jeu. Dans certains pays voisins, les compagnies aériennes n’ont pas toujours été au rendez-vous. Mais Air France et les pouvoirs publics français étaient là. Je tiens à les remercier et les féliciter pour le travail accompli.

Ainsi que nous l’avons vu lors des budgets rectificatifs, les Français de l’étranger ont beaucoup souffert pendant la crise. Aussi avons-nous créé deux fonds, de 50 millions de crédits supplémentaires pour les bourses scolaires et du même montant pour l’aide sociale. Avec le recul, force est de constater qu’ils ont été très peu consommés, par manque de communication mais aussi du fait de la rigidité administrative qui s’observe parfois dans l’attribution de fonds supplémentaires. Le ministère en est conscient. Aussi a-t-il souhaité assouplir très largement les conditions d’attribution de ces aides et de lancer une communication forte. On peut aussi penser que les effets de la crise continueront à se faire sentir. Ces fonds seront donc les bienvenus.

La crise sanitaire a aussi eu de très fortes conséquences sur le fonctionnement du ministère, puisque 90 % de ses effectifs ont basculé en télétravail. Malgré cela, aucun poste n’a fermé à l’étranger. Les ambassades ont fait leur travail, et la crise continue de les impacter. Nous pouvons donc les remercier pour le travail qu’elles effectuent.

Le budget pour 2021 tire les enseignements de la crise, tant pour les effectifs que pour les moyens du ministère. Aussi augmente-t-il de 8 %, pour atteindre 5,411 milliards d’euros – une hausse en grande partie portée par l’aide publique au développement ainsi que nous nous y étions engagés voilà quelques années.

Dans le champ strict de la mission Action extérieure de l’État, qui représente la moitié des crédits du ministère, les moyens sont en augmentation de 2 %. Cette hausse bénéficie principalement au programme 105, tandis que les moyens des programmes 151 et 185 restent plus ou moins stables. L’augmentation de 65 millions d’euros dans le programme 105 renforcera les moyens de fonctionnement du ministère, à savoir l’immobilier, la sécurité et le numérique. Les moyens du programme 151 sont certes stables, mais le ministère prévoit que celui-ci puisse être abondé en gestion pour tenir compte des conséquences économiques de la crise pour les résidents français à l’étranger.

Le fait le plus marquant de ce budget est sans aucun doute la stabilisation des effectifs du ministère. Ainsi que nous l’avons dit à plusieurs reprises, le plan Action 2022 prévoyait une dégression de chacun des ministères. Celui de l’Europe et des affaires étrangères s’y est plié. Mais la crise a permis de rendre toute leur grandeur aux ambassades et aux consulats, et il est apparu qu’il fallait cesser de « dégraisser » des services qui ont toute leur place et produisent un travail exemplaire et utile. Ainsi, en 2021 et depuis très longtemps, il n’y aura plus de baisse des effectifs au Quai d’Orsay. C’est une bonne chose. Il faut simplement espérer que l’on s’en souvienne l’année prochaine et les suivantes. C’est, en tout cas, la meilleure des nouvelles de ce budget.

J’en viens à la partie thématique de mon avis budgétaire, que j’ai voulu consacrer à la transformation numérique du Quai d’Orsay. Lors de la crise, nous avons constaté de réelles difficultés dans nos différents postes dans le monde. Le ministère des affaires étrangères est l’un des plus attaqués au plan numérique, car les communications y sont très sécurisées, voire un peu trop. Elles rendent notamment très difficile le télétravail. De fait, sur le terrain, les personnes en charge de nos ressortissants ont dû employer d’autres moyens non sécurisés, comme Zoom, WhatsApp ou des pages Facebook.

Un important travail avait déjà été effectué en matière de numérique. D’importants chantiers de dématerialisation ont été lancés, comme le vote par internet ou « France-Visas ». Ces projets prennent toutefois du temps, et la crise sanitaire a conduit à reporter leur échéance. Mais face aux conséquences de la pandémie et aux difficultés liées aux outils, le ministère s’est engagé à améliorer le numérique – non pas en changeant ou en ajoutant du matériel, mais en changeant de philosophie. L’Angleterre, par exemple, travaille à différents niveaux de sécurité, donc avec différents outils. Elle utilise également le cloud Microsoft 365. Or l’absence de cloud français ou, au moins, européen, pose un problème de souveraineté. En tout état de cause, l’optique du ministère est bien celle d’un changement de philosophie.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Je donne à présent la parole à Aina Kuric, pour qu’elle nous présente la contribution écrite du groupe Agir ensemble.

Mme Aina Kuric. Dans un contexte international instable et incertain, marqué par la multiplication des zones de crises et de conflit, la mission Action extérieure de l’État confiée au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est au cœur de la diplomatie d’influence de la France. Tout au long du confinement, le programme 151 a même été au cœur de l’action du Quai d’Orsay, alors que bien souvent nous échappe le fait que près de 3,5 millions de nos compatriotes vivent à l’étranger. À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir de la réapparition, lors du dernier remaniement, d’un secrétariat d’État aux Français de l’étranger également en charge du tourisme et de la francophonie. Ce fut un signal important adressé à la communauté française qui réside à l’international.

Il est souvent commun de parler du caractère universel de notre réseau diplomatique et consulaire, avec ses 160 ambassades, ses 89 consulats généraux et consulats ou ses 112 sections consulaires d’ambassade, sans que l’on puisse en appréhender toute la dimension. Or nul autre pays que la France ne peut se targuer d’avoir pu permettre le retour de plus de 370 000 de ses citoyens, qui se sont retrouvés du jour au lendemain bloqués partout dans le monde sans aucune possibilité de rapatriement. Notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères a fait preuve d’ingéniosité et de disponibilité pour répondre à un certain nombre de situations dramatiques, pour lesquelles nous avons presque tous été sollicités dans nos circonscriptions.

Nos compatriotes ont ainsi pu mesurer tout l’engagement de nos diplomates en général, et de nos agents consulaires en particulier. Avec un total de 136 millions d’euros hors dépenses de personnel, les moyens de l’action consulaire s’en trouvent ainsi stabilisés. Les conséquences économiques de la pandémie sur les Français de l’étranger ont fait l’objet de mesures budgétaires anticipées avec l’adoption de la loi de finances rectificative de juillet 2020. Ainsi, 100 millions d’euros additionnels ont été ouverts dans le programme 151, dont 50 millions pour l’aide à la scolarité et 50 millions pour le financement d’un secours occasionnel de solidarité à nos compatriotes de l’étranger affectés par la crise sanitaire.

Ces aides ont été plus que salutaires pour notre réseau d’établissements français à l’étranger et pour les parents d’élèves. En effet, fin septembre, le budget annuel de l’enveloppe de bourse a été intégralement consommé, alors qu’habituellement le ratio est de 70 % à la même époque. Cet exercice a été mené conjointement par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, et les postes consulaires, dans un souci constant de rigueur et d’humanité face à une précarisation de certains Français privés de revenus depuis le mois de mars et ne pouvant bénéficier des mêmes plans d’aide que leurs concitoyens de l’hexagone.

Le PLF 2021 porte donc la dotation pour les affaires sociales à 20 millions. Elle est en hausse de 17 % par rapport à l’année 2020. Dans le même temps, l’enveloppe des bourses, qui favorise la scolarisation des enfants français, est maintenue à 105 millions d’euros. Ces deux lignes budgétaires sont amenées à évoluer pendant la gestion de l’exercice 2021. En effet, au regard de l’évolution de la pandémie, les moyens nécessaires à la poursuite du soutien de nos compatriotes à l’étranger doivent être actualisés pour coller au plus près des besoins, alors que la situation diffère d’un pays à l’autre.

La crise sanitaire a impacté le bon déroulement de notre démocratie. Ce fut le cas pour les élections municipales sur le territoire national, mais également à l’étranger pour les élections consulaires, différées aussi en raison de la pandémie. Le programme bénéficiera d’un report pour 2021 des crédits votés en 2020. Ce contretemps doit toutefois accélérer notre réflexion sur la mise en place du vote électronique, prévu pour ces élections. Il s’agit là d’une véritable urgence démocratique, à l’heure où d’élection en élection, le taux d’abstention ne cesse d’augmenter, celui-ci étant encore plus fort à l’étranger en raison en partie des contraintes de déplacement pour accéder à un bureau de vote, dans certains pays aussi vastes que des continents.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer le travail quotidien, souvent méconnu, des élus consulaires auprès de nos compatriotes. Ils ne comptent pas leurs heures de présence au plus près de la communauté française alors que les enjeux éducatifs, sécuritaires, environnementaux, culturels ou économiques se multiplient.

Ainsi, il nous faut poursuivre les réformes de modernisation de l’administration consulaire. La mise en place, à titre expérimental, d’une plateforme d’accueil consulaire a été différée de 2020 à 2021 en raison de la crise sanitaire, alors que l’avancement du projet de registre de l’état civil électronique devrait permettre de dégager une économie d’un demi-million d’euros.

Dans le cadre du plan de relance, il paraît important d’intégrer pleinement cette communauté de 3,5 millions « d’ambassadeurs du savoir-faire français » qui a souvent tendance à se sentir oubliée. Les données disponibles quant aux transferts de fonds des Français de l’étranger vers la France montrent que ceux-ci sont souvent sous-estimés. Ils représentaient 24 milliards d’euros en 2016. Ils sont en augmentation régulière, comme a pu le rappeler notre collègue Anne Genetet dans son rapport relatif à la mobilité internationale des Français, remis en juin 2018 au Gouvernement. L’importance de ces rentrées d’argent sur le sol français ne peut être négligée. Cette richesse doit participer activement à l’économie française. Il faut donc proposer des solutions et faciliter au mieux ces transferts d’argents.

L’Europe et l’international sont profondément ancrés dans l’ADN du groupe Agir Ensemble. Dans le cadre du plan de relance, nous avons ainsi présenté au Premier ministre six propositions relatives aux affaires étrangères, dont la n° 17 qui concerne tout particulièrement les Français de l’étranger en suggérant de créer un label francophone dédié aux entreprises de la diaspora française – « Entrepreneurs du Monde » – qui permettrait de faciliter leur accès au financement bancaire.

Notre groupe propose même d’aller plus loin en avançant l’idée d’une convention des Français de l’étranger, sur le modèle du Ségur pour la santé ou du Grenelle pour le travail, qui pourrait être organisée très prochainement afin de réunir tous les acteurs politiques, associatifs, administratifs ou encore civils qui traitent du sujet.

Pour y faire leurs études ou y occuper un emploi, les Français n’ont jamais été aussi nombreux à vivre à l’étranger. Loin des fantasmes qui leur sont souvent accolés, ils constituent une richesse indéniable pour la France et nous offrent souvent un regard différent sur notre pays à l’image de l’ancien Président de notre Assemblée, Jacques Chaban Delmas, qui disait « aller en Chine pour mieux voir la France et ses problèmes ».

Pour la première fois depuis vingt ans, le Quai d’Orsay ne connaîtra pas de baisse de ses effectifs. Attentif à ce que cette conjoncture soit pérennisée voire amplifiée dans les prochains PLF, le groupe Agir Ensemble votera les crédits de la mission Action de la France en Europe et dans le monde.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Merci, chère collègue, pour cette belle contribution.

La parole est aux orateurs des groupes.

Mme Anne Genetet. Ce qu’Aina Kuric a dit à propos de la communauté des Français qui résident à l’étranger, qui sont autant de pépites pour notre influence actuelle et surtout future, est fondamental.

Je félicite mon collègue Christophe Di Pompeo pour son rapport et l’accent qu’il a mis sur le numérique. Je vous invite tous à aller regarder la page qui montre le plan d’occupation des sols des outils numériques du ministère des affaires étrangères. Ce plan est à la fois édifiant et intéressant.

Je me réjouis que, pour la deuxième année consécutive, les moyens de la mission Action extérieure de l’État progressent. Une hausse de 8 % est considérable. Je me réjouis également que les effectifs du ministère soient stabilisés. C’est une excellente nouvelle. Députée d’une vaste circonscription comptant 49 pays et 153 000 Français officiellement enregistrés au registre – probablement largement plus de 200 000 officieusement –, je n’ai fait que constater, depuis la fin du mois de janvier 2020, combien notre réseau diplomatique et consulaire était toujours essentiel, vital à la sauvegarde des intérêts de la France partout dans le monde. Il est tout aussi essentiel à nos compatriotes, mais aussi à vous qui souhaitez vous rendre à l’étranger même si vous ne le pouvez pas en ce moment.

Combien de drames, de vrais drames, ont pu être évités grâce à ce réseau ? Année après années, notre commission et nos prédécesseurs ont été amenés à regretter la réduction des moyens de ce ministère, la réduction de son plafond d’emplois et celle de la taille des postes – parfois pour des motifs valables, dont acte, cela se justifie, mais d’autres fois pour des motifs davantage budgétaires, vision que je ne partage pas du tout. Cette tendance ancienne pose systématiquement le même problème : comment défendre notre diplomatie, une activité dont le cœur de métier ne peut s’apprécier uniquement par des indicateurs chiffrés – ce que Bercy aimerait pourtant beaucoup ?

Aujourd’hui, la question ne se pose plus. Elle s’est fracassée sur le mur de cette pandémie mondiale, qui s’étirera toute l’année 2021, partout dans le monde. Au seul mois de mars, notre réseau a permis de ramener en France 150 000 de nos concitoyens, sans compter de nombreux citoyens européens. La situation est très difficile pour nos entrepreneurs basés à l’étranger, qui nous ont pourtant aidé à faire venir en France des masques, du matériel médical et des médicaments, alors que la demande internationale était très forte. C’est aussi le maintien de notre réseau diplomatique qui a permis d’entretenir des échanges constants avec toutes les autorités locales, partout et dans des conditions difficiles. Chapeau à notre réseau diplomatique et consulaire ! Ce sont des jours, des nuits, des énergies incroyables dépensées par tous nos agents, dont je tiens à saluer l’engagement sans faille malgré les vents et les marées auxquels ils ont dû faire face. Aujourd’hui, ils font encore face à une situation compliquée, davantage en interne qu’avec les autorités locales, pour essayer de faire revenir en France les conjoints étrangers de nos ressortissants français. Le blocage n’est pas à l’extérieur mais à l’intérieur, chez nous, au ministère de l’intérieur.

L’universalité du réseau, qui a été évoquée, n’est pas une formule magique pour « faire joli » ou qui évoque la nostalgie d’une grande puissance qui ne serait plus. Elle nous permet de faire face à des situations comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Nous en avons plus que jamais besoin.

S’agissant des bourses scolaires (programme 151), dont le budget a été abondé, les critères ont été modifiés mais ils ne prennent en compte que les trois premiers mois de revenus de 2020. Or la situation de nos Français à l’étranger, comme celle de nos Français de France, se dégradera au fil du temps, durant tout 2020 et 2021. Pouvons-nous avoir la garantie que ces critères s’assoupliront encore pour prendre en compte les ruptures brutales de revenus ?

Par ailleurs, les bourses qui ont été créées n’ont pas été intégralement consommées. J’aimerais que l’on puisse accélérer cette consommation.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Je vous invite à conclure votre intervention.

Mme Anne Genetet. Ces crédits pourront-ils être réabondés en 2021, car les situations vont évoluer ? Il faudra actualiser les crédits, et pas seulement les reporter. Il faudra pouvoir en ajouter l’an prochain, puisque les situations vont continuer à se dégrader.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Je vous invite à être plus rapides dans vos interventions.

M. Michel Herbillon. Je salue l’excellent rapport de notre collègue Christophe Di Pompeo. J’ai conscience que le travail n’est pas simple pour les administrateurs, mais dans un souci d’efficacité et de meilleure information des parlementaires et de contrôle législatif pour notre commission, il serait souhaitable que les rapports soient envoyés plus tôt afin que nous ayons le temps de les examiner.

Notre réseau diplomatique et d’influence a été lourdement affecté par la crise de la covid, parfois révélatrice de l’inadéquation entre les moyens affectés et les missions qui doivent être conduites par le personnel diplomatique. On peut toutefois souligner que notre système a tenu, ainsi que l’excellence de notre réseau diplomatique et la capacité de l’ensemble des fonctionnaires du Quai à répondre à cette crise. Au nom de mon groupe Les Républicains, je rends hommage à l’action de notre réseau diplomatique durant toute la crise. Je pense notamment au travail extraordinaire conduit jour après jour, nuit après nuit, pour rapatrier un certain nombre de Français indépendamment de leur localisation dans le monde. Je tenais donc à rendre hommage à nos diplomates.

S’agissant du budget, on peut se féliciter qu’après plusieurs années de baisse ou de stabilité, alors que nous étions « à l’os » il y a quelques années, pour citer le Premier ministre, les crédits sont enfin en légère augmentation. Elle n’est pas très importante, à 2 %, mais je tiens à souligner ce changement, de même que la stabilisation des effectifs, alors que de nombreux postes ont été supprimés. Depuis 2017, nous dénoncions les inconstances budgétaires sur les actions et les programmes, qui traduisaient en réalité un exercice comptable, pour ne pas dire un exercice de gestion de la pénurie des moyens du ministère. Nous ne pouvons que nous féliciter que cette tendance ait été stoppée. J’espère que nous continuerons dans cette voie dans les années à venir, car le ministère des affaires étrangères a suffisamment contribué, de mon point de vue, à l’effort de réduction de la dépense publique.

Pour autant, si l’hémorragie est stoppée, les moyens accordés ne permettent pas d’assumer pleinement l’ambition qui doit être celle de la France dans le monde et le fait que le réseau diplomatique français est l’un des plus importants au monde.

Je suis intervenu à plusieurs reprises au sujet du patrimoine immobilier du Quai d’Orsay. Le ministre a précisé que la politique consistant à vendre « des bijoux de famille » ne pouvait plus continuer. Les besoins sont importants. On ne peut pas afficher à la fois une ambition diplomatique et de politique étrangère, ce qui est le cas de la France, et disposer de moyens immobiliers qui se réduisent. J’ai le sentiment d’une certaine opacité. Il faut que notre commission se saisisse du sujet, d’autant que nous sommes à un moment où les modalités de financement de notre politique immobilière sont revues en profondeur. Une stratégie immobilière est nécessaire. Il faut que les moyens alloués à l’entretien, à la rénovation et à la sécurisation des 1 800 biens de notre parc immobilier soient assurés dans la durée et dans la transparence. Avez-vous reçu du ministère la liste des opérations et des chantiers qui seront menés en 2021, ainsi que celle des biens qui, par hypothèse, devraient être cédés l’année prochaine ?

Concernant la politique du numérique, je rejoins votre avis et je me réjouis qu’enfin, on mette des moyens pour faire du numérique une priorité. La crise sanitaire a eu bon dos pour justifier intégralement les retards pris dans ce domaine. En réalité, il a fallu attendre la quatrième année du quinquennat pour qu’un plan numérique d’ensemble soit annoncé – mais pas encore présenté. Quand le sera-t-il ? Vous avez très bien rappelé, dans votre rapport, les enjeux et les besoins très importants dans ce domaine. La prise de conscience est salutaire, mais elle arrive bien tardivement.

M. Bruno Fuchs. Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport. Je salue les propositions de la contribution du groupe Agir ensemble et d’Aina Kuric, qui vont au-delà du rapport. Je salue également le travail de tout le personnel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pendant la crise sanitaire. Dans ma circonscription, j’ai moi-même eu affaire à plusieurs reprises aux services du ministère dans de nombreux pays. Dans une grande partie des cas, la volonté de faire revenir les Français bloqués notamment au Maroc, en Tunisie ou en Thaïlande s’est concrétisée. Je m’associe donc aux remerciements de mes collègues.

La crise sanitaire a renforcé une idée que j’ai toujours défendue avec le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés : baisser les effectifs du ministère des affaires étrangères n’est pas souhaitable. Mes collègues et moi saluons la stabilisation de la masse salariale au sein du Quai d’Orsay – une première dans un budget depuis vingt ans. La suspension de la trajectoire Action publique 2022 et les coupes dans les effectifs devenaient incompatibles avec les enjeux actuels, dont les principaux sont la possible survenance de nouvelles crises internationales dans lesquelles le personnel consulaire et diplomatique devra assurer une mission de charge des Français à travers le monde, l’ambition française de rester un moteur du multilatéralisme ou encore l’accroissement du nombre de francophones à travers le monde, qui nous obligera à renforcer encore notre engagement diplomatique dans cette voie.

Je partage les interrogations quant à la démarche numérique, qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Ces défis n’étant pas limités à 2021, il faudra continuer dans la démarche de stabilisation de la masse salariale voire, au cas par cas, entreprendre une augmentation des effectifs quand cela est nécessaire pour des missions spécifiques. Nous espérons que ce gel ne sera pas un gel d’urgence pour 2021, décidé par Bercy.

Nous voterons ces crédits.

M. Christian Hutin. Le groupe Socialistes et apparentés votera ces crédits. Nous félicitons M. Di Pompeo de la qualité de son rapport, et de tenir la constance de ce que nous avons décidé depuis trois ans dans cette commission, inquiète de constater la baisse des crédits de nos ambassades, consulats et services extérieurs. Cette baisse, que nous avions tous observée lors de nos voyages, était assez grave, ne serait-ce que pour l’allure et le prestige de la République. Que ces crédits soient maintenus depuis deux ans, et pourquoi pas un jour augmentés, est une excellente chose.

Je félicite les services extérieurs qui ont rapatrié des concitoyens, parfois grâce au système D. Beaucoup de personnes sont reconnaissantes à nos services extérieurs d’avoir réussi à organiser ces rapatriements de citoyens de nos circonscriptions dans des conditions extrêmement complexes.

Voter ces crédits est important y compris au regard des circonstances internationales. La France, c’est quelque chose. Ce qui s’y passe fait parler d’elle. Cette universalité est un fait. Ce que nous représentons au niveau international est essentiel. Nos ambassades constituent un élément de lumière dans certains pays qui en ont beaucoup moins.

Nous avons tous voyagé, car c’est le rôle et notre commission des affaires étrangères dans de nombreux consulats et ambassades. Je me souviens qu’au consulat de Palestine, la voiture qui servait au consul datait de 1975 – et peut-être même s’agissait-il d’une voiture américaine blindée. Les portes qui ne s’ouvrent plus évitent l’enlèvement, mais quand même !

Il serait intéressant que nous sachions, ambassade par ambassade, ce qui manque, ce qui est en trop et ce qui convient. Dresser ce panorama ne doit pas être facile, mais il serait bon que nous y parvenions, dans cette commission.

Enfin, je partage la contribution d’Agir ensemble. J’attends que vienne dans l’hémicycle le rapport sur les enfants sans identité de Mmes Kuric et Dumont.

M. Jean-Paul Lecoq. Je remercie M. Di Pompeo pour son rapport clair. Je centrerai mon propos sur le budget en tant que tel. Il est très rare, pour un député communiste, de voir quelque chose de positif dans un projet de loi de finances ! Le budget du ministère des affaires étrangères n’est pas le dindon de la farce de Bercy, ni la cinquième roue du carrosse. Cela fait bien longtemps que le Quai souffre de suppressions de postes et que le personnel est en souffrance également. Les recrutements de cette année et les budgets supplémentaires sont donc très importants. Mais quel dommage d’avoir attendu si longtemps ! Quel dommage de ne pas avoir entendu les nombreuses alertes de tous les collègues dans cette salle, depuis des années. Les députés communistes le disent tous les ans : il ne faut pas se satisfaire d’un budget correct, pas en baisse, stable cette année – comme si la situation de sous-effectif était unanimement reconnue comme critique l’année dernière, avec un peu plus de 13 500 équivalents temps plein. Elle l’est tout aussi cette année, même s’il y a 39 équivalents temps plein supplémentaires.

N’oublions pas que nous ne reviendrons pas en un seul exercice budgétaire à des niveaux suffisants pour recréer la force et le rayonnement de notre réseau diplomatique antérieur. Pour être à la hauteur de nos ambitions internationales, le Gouvernement devrait s’employer à créer une trajectoire haussière, connue de tous – et non pas une potentielle année d’embauche dans un océan de suppressions de postes. Avec une hausse de 8 %, à 2,93 milliards d’euros, le budget du Quai est positif. Mais les députés communistes redoutent qu’une fois passé le plan de relance, l’austérité et l’obsession de Bercy pour la dette ne reprennent le dessus. Ces recrutements n’auraient alors été qu’un coup d’épée dans l’eau. Car l’utilité de notre réseau consulaire et diplomatique est indéniable.

Avec la crise, nous avons bien vu comment la France pouvait rapatrier rapidement ses ressortissants, quand certains d’autres pays peinaient à retrouver leur foyer. La France, fidèle à sa tradition, a su être solidaire dans cette période. Nous saluons nous aussi le travail des représentations consulaires, jour et nuit, ainsi que leur humble engagement. On parle toujours des personnels de santé et de logistique, mais l’on oublie les fonctionnaires qui étaient sur le pont – notamment ceux du ministère des affaires étrangères, qui ne s’arrêtent jamais puisqu’il fait toujours jour sur notre pays.

Au-delà de la crise, il est du devoir de l’État de faire en sorte que toutes les demandes de ressortissants français à l’étranger, qu’ils soient touristes ou expatriés, soient traitées. Cela impose d’améliorer notre réseau consulaire, en renforçant notre présence partout dans le monde et en facilitant les contacts. Le travail consacré aux questions numériques, dans le rapport, est très important à souligner et à défendre.

Nous pensons que le budget 2021 sera confirmé dans les années à venir.

Nous saluons aussi la contribution particulièrement détaillée et précise de notre collègue Kuric. Une telle qualité convient bien à notre commission, qui dispose ainsi de documents de référence. À cet égard, que deviennent nos rapports, notamment celui relatif aux enfants sans identité ? Ne devons-nous pas porter le travail effectué par nos collègues au-delà des murs de la salle de la commission des affaires étrangères, pour qu’il éclaire la politique de notre nation ?

Il sera difficile pour moi de voter pour ces crédits, car je les trouve insuffisants au regard de ce qu’il serait nécessaire d’avoir. Pour autant, nous ne voterons pas contre.

Mme Frédérique Dumas. Je félicite à mon tour le rapporteur et tous mes collègues qui, chaque année, se battent pour ces sujets. Ils ont en partie obtenu satisfaction. Je remercie aussi le travail extrêmement précieux de tous les personnels du Quai d’Orsay et du réseau diplomatique et consulaire. Nous savons à quel point il a été important pendant la crise, et à quel point il continue à l’être.

La crise sanitaire a mis en lumière l’importance d’un service consulaire adapté et rapide pour les Français basés à l’étranger. La baisse des mobilités justifie une baisse des crédits pour certaines missions du programme 185. S’agissant du programme 151 relatif aux Français à l’étranger et affaires consulaires, le ministre avait annoncé une baisse de 71 % des demandes de visas dans le monde par rapport à 2019, du fait de la crise sanitaire. Cela étant, une reprise progressive des activités est prévue en 2021, laquelle justifie une stabilisation des crédits alloués pour les actions de ce programme, dont le budget est en légère augmentation par rapport à 2020. Cette stabilisation est une bonne chose.

Il est également particulièrement bienvenu que l’enveloppe dédiée aux aides aux personnes ait été augmentée. Cependant, nous nous interrogeons quant aux crédits dédiés aux OLES, les organismes locaux d’entraide et de solidarité de l’action 01 « offre d’un service public de qualité aux Français à l’étranger ». En effet, l’évolution de la crise sanitaire en 2021 est incertaine. De plus, comme l’indique le PLF pour 2021, « indépendamment de la crise sanitaire, une partie des Français résidant à l’étranger continue de se paupériser ». Aussi, la dotation de 410 000 euros réservée aux OLES, qui reste stable par rapport à 2020, et alors que ceux-ci ont été fortement mobilisés pour venir en aide à nos compatriotes fragilisés par la crise sanitaire, devrait être augmentée. À ce titre, le programme 151 et le budget qui lui est alloué, en légère augmentation, ne semblent pas poser de problème particulier.

En revanche le programme 105 « actions de la France en Europe et dans le monde » interroge. À l’heure où le multilatéralisme est mis en danger, les contributions internationales sont souvent en légère augmentation et les crédits alloués à l'action européenne en légère diminution. Il existe un décalage important entre les augmentations ou les stabilisations légères des cinq premières actions de ce programme, et la hausse assez importante des actions au soutien au réseau diplomatique. Pouvez-vous nous donner plus d’informations sur ce qui justifierait de tels décalages ?

Par ailleurs, je rejoins la demande de mon collègue Jean-Paul Lecoq. Nous nous félicitons de cette hausse – dont certains ont souligné qu’il n’y en avait pas eu de cette nature depuis vingt ans –, mais il serait intéressant d’avoir une trajectoire, puisque nous savons qu’elle n’est pas suffisante.

Je souligne le travail de notre collègue Aina Kuric au nom du groupe Agir ensemble. Nous soutiendrons les propositions qui ont été faites en complément, qui sont très intéressantes.

Je soutiens aussi la demande de notre collègue Christian Hutin pour que le rapport de nos deux collègues sur les enfants sans identité soit présenté dans l’hémicycle. Nous savons à quel point nos concitoyens sont intéressés par ces sujets. Il est dommage que cela ne soit pas pris en compte.

S’agissant du numérique, je n’ai pas été vraiment rassurée par ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur. Vous avez parlé de changement de logiciel. Je pense que lorsque le numérique ne fonctionne pas dans les administrations, c’est en raison d’un manque de personnes compétentes. Avons-nous l’assurance que des compétences seront apportées au ministère, pour que tout cela puisse se mettre en ordre de manière déficiente ?

Enfin, nous voterons en faveur des crédits.

Mme Marion Lenne. Merci, monsieur le rapporteur, pour ce travail très approfondi, notamment la partie thématique très pointue consacrée au « Quai d’Orsay au défi de la révolution numérique » – vaste programme ! Comme vous le mentionnez, aucune organisation dans le monde ne pense aujourd’hui sa transformation sans le numérique.

Si le numérique au sens large, fondamental et opérationnel, est essentiel au développement d’une structure, il implique aussi une transformation en profondeur. Vous avez même parlé de changement de philosophie. Cette transformation en profondeur, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères semble avoir des difficultés à l’engager et à passer au tout numérique. Cela rappelle un certain archaïsme européen en la matière, reflet d’une incapacité à répondre aux demandes des usagers, notamment en matière de transparence, d’une culture hiérarchique de la fonction publique et d’un réflexe de « pose de rustines ».

Cela peut s’entendre. Ce ministère est l’une des principales cibles des attaques informatiques en France, avec une ampleur extraterritoriale. En effet, les menaces pèsent aussi bien sur les centres de données situés en France que sur les réseaux de communication nationaux et mondiaux, les infrastructures situées dans les postes à l’étranger, les postes de travail et les terminaux téléphoniques des agents en France et à l'étranger et les infrastructures de nos sous-traitants. Pour autant, ce ministère s’adapte et devient de plus en plus résilient. Il nous le démontre chaque jour de cette crise sanitaire qui s’éternise un peu plus, avec une grande réactivité des services que, comme vous, je tiens à saluer. J’en profite pour souligner que notre commission, sous l’élan de sa présidence Marielle de Sarnez, a été la première à reprendre ses travaux en mars, grâce à la visioconférence.

Dans le budget de 2021, 9 millions d’euros sont mobilisés pour les moyens de fonctionnement du numérique. Alors que les données personnelles sont l’une des ressources les plus stratégiques de notre époque, un investissement plus conséquent est-il envisageable ?

M. Rodrigue Kokouendo, président. Merci de tenir dans les deux minutes.

Mme Amélia Lakrafi. Je me joins à mes collègues pour saluer la qualité du rapport, notamment au regard de l’évolution notamment des crédits dédiés aux Français de l’étranger et aux affaires consulaires.

La crise que nous traversons nous rappelle que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est aussi un ministère de service public. Il l’a démontré en mobilisant fortement ses équipes, qu’il s’agisse du centre de crise et de soutien ou la direction des Français à l’étranger, pour organiser les retours que tout le monde a cités et félicités. Il l’a également démontré en mettant en place les mesures de soutien financier que vous avez rappelées, destinées aux Français résidant à l’étranger, ou en venant au secours au réseau d’établissements scolaires français, très affecté par la crise. Il l’a aussi démontré en se mobilisant lors de la tragédie survenue à Beyrouth.

Je me réjouis donc du maintien des effectifs de ce ministère et je rappelle l’importance de notre réseau consulaire, qui maintient un lien essentiel avec nos 3,5 millions de concitoyens qui vivent à l’étranger. Je salue également la hausse de la dotation pour les affaires sociales en 2021, dans le programme 151.

La crise a-t-elle conduit à redéployer des emplois, notamment d’agents titulaires ou en CDI, dans le réseau de l'administration consulaire ? Ce sont ces personnels, particulièrement ceux qui sont en charge des aides sociales, qui sont en mesure de rencontrer et d’assister nos Français établis à l’étranger les plus fragilisés. Dans votre rapport, vous précisez que la crise sanitaire traversée ne met pas fin à l’exercice Action 2022, qui devrait se traduire par la suppression de 416 équivalents temps plein au sein de notre réseau. Pouvez-vous revenir sur les perspectives d’évolution des effectifs ?

Je me réjouis du report des 50 millions d’euros dédiés à l’aide sociale.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Chère collègue, pouvez-vous conclure ?

Mme Amélia Lakrafi. Vous soulignez, dans la partie de votre rapport consacrée au numérique, qu’on ne peut pas se passer de l’humain. Au fil de mes déplacements, j’ai estimé que le service consulaire pourrait venir à nos résidents étrangers en mettant à leur disposition des ordinateurs. Cela a-t-il été étudié dans le cadre du rapport ?

M. Rodrigue Kokouendo, président. Chers collègues, merci de tenir dans le temps de parole de deux minutes.

Mme Liliana Tanguy. Le budget du programme 105, relatif aux contributions européennes et internationales, reste stable. La France est l’un des principaux contributeurs en la matière. Dans la mesure où mes Nations unies considèrent que les efforts faits pour promouvoir les objectifs environnementaux ne sont pas suffisants et où le Président de la République souligné qu’il fallait être plus volontariste dans les contributions internationales – évaluées à 4,25 % pour 2021 – qui y concourent, ce budget vous semble-t-il suffisant ?

M. Jean-Louis Bourlanges. Je me félicite, comme tous, de l’arrêt de l’hémorragie des crédits. Vouloir faire des économies pour des petits budgets, comme celui du Quai d’Orsay, dans la même proportion que pour les grands est une aberration, car on atteint tout de suite l’os, mettant ainsi en cause la capacité des ministères à assumer leurs obligations. Il faut véritablement préserver les crédits des administrations qui en ont fort peu.

En revanche, je suis préoccupé, comme nombre de nos collègues, par le fait que dans le passé, on a gagé les économies sur la vente des « bijoux de famille ». Je voudrais que soit dressé un inventaire des ventes immobilières qui se souvent traduites, pour des raisons fonctionnelles souvent mesquines, par une réduction importante de la qualité et du prestige de nos représentations à l’étranger. Le patrimoine immobilier qui permet d’afficher l’action de la France a été très sérieusement endommagé. Il faut cesser cette hémorragie criminelle et suicidaire pour un pays qui vit autant de son image que de sa puissance.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Les revenus des parents pris en considération pour l’attribution des bourses scolaires seront ceux de l’année N et non plus de l’année N-1. Les situations réelles, affectées par la crise, pourront donc être prises en compte dès à présent. Par ailleurs, ces bourses pourront être abondées. Les 50 millions d’euros qui n’ont pas été consommés cette année seront reportés en 2021, avec l’assouplissement que j’ai évoqué tout à l’heure. Il sera également possible de mobiliser les réserves de l’AEFE.

S’agissant du patrimoine immobilier, le budget 2020 montre que la part des ventes des « bijoux de famille » a considérablement réduit.

M. Pierre Cordier. Il n’y a peut-être plus rien à vendre.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il n’y a plus rien à vendre. Nous sommes allés au bout de cette politique. La nécessaire amélioration de la situation est prise en considération.

M. Michel Herbillon. Des ventes sont-elles envisagées en 2021 ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. À ma connaissance, non. Le budget dédié à l’entretien du patrimoine immobilier avait déjà évolué en 2020, passant de 72 à 80 millions. En 2021, il sera encore augmenté de 27 millions. La volonté et la prise de conscience sont réelles.

M. Michel Herbillon. Il est important que notre commission se saisisse de ce sujet. Il existe une certaine opacité. Nous avons tous réprouvé la politique suivie jusqu’alors, qui a consisté à vendre des éléments importants de nos outils diplomatiques. C’était une politique à courte vue. Il serait intéressant de demander des informations plus précises au ministère.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il importe, en effet, que nous disposions d’une vision globale de notre patrimoine et des moyens de nos 160 ambassades. J’ai été nommé rapporteur pour avis jusqu’à la fin du mandat. L’an prochain, je pourrai orienter le point de vue sur le patrimoine immobilier de notre réseau diplomatique.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Nous suivrons ce sujet.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Le ministère des affaires étrangères avait commencé sa mutation numérique avant la crise. Mais celle-ci a montré ô combien elle était nécessaire et ô combien il fallait changer de braquet. Le sujet des compétences numériques est compliqué. Depuis l’année dernière, une direction numérique a été créée dans les ministères qui le souhaitaient. Le ministère des affaires étrangères s’en est saisi. Désormais, un ambassadeur gère le numérique accompagné d’un ingénieur. Le numérique comme un outil comme un autre. Il change les pratiques et l’organigramme. Il révolutionne ce ministère, dont le secrétaire général avait d’ailleurs informé notre commission qu’il mènerait ce changement numérique. La prise de conscience et la volonté sont là. Aussi le ministère s’est-il doté de compétences, la difficulté venant de la forte volatilité des profils.

Concernant l’aide sociale, la loi de finances rectificative 3 avait prévu 50 millions d’euros supplémentaires. Dans le PLF 2021, ces crédits sont encore augmentés de 2,9 millions, qui pourront être abondés au besoin.

S’agissant d’Action publique 2022, la volonté d’arrêter l’hémorragie de nos diplomates est réelle. Je pense qu’elle sera durable. On ne peut plus penser qu’en réduisant les effectifs, le réseau fonctionnera de la même façon.

Il n’est pas prévu de mettre des ordinateurs à disposition de ressortissants. Le plan du ministère concerne uniquement ses agents.

Les contributions représentent les deux tiers des crédits du programme 105 et restent stables, à 718 millions d’euros.

Mme Liliana Tanguy. Ce budget est-il suffisant au regard des objectifs que nous nous sommes fixés au plan international ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il me semble suffisant dans la mesure où je n’ai pas observé de nouveaux besoins. Personne ne demande que ces contributions soient augmentées.

M. Frédéric Petit. Ces 718 millions d’euros ne sont pas choisis. Ce montant nous est imposé à 80 %, sur lesquels nous n’avons aucune influence. En effet, les contributions sont décidées par d’autres organismes.

M. Rodrigue Kokouendo, président. La discussion générale sur les crédits de la mission Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires est close. Nous allons passer aux crédits de la mission Diplomatie culturelle et d’influence et de la Francophonie, M. Frédéric Petit en étant le rapporteur pour avis. Nous examinerons les amendements sur la mission Action extérieure de l’État après ce débat.

[…]

M. Rodrigue Kokouendo, président. La discussion générale sur les crédits de la mission Diplomatie culturelle et d’influence et de la Francophonie est close. Nous passons à l’examen des articles et des amendements.

En accord avec la présidente Marielle de Sarnez, nous avons décidé de permettre aux députés de prendre la parole lors de la discussion des amendements s’ils le souhaitent. Dès lors que le vote interviendra, leur participation cessera.

Article 33, état B : Action exétrieure de l’État

La commission est saisie des amendements AE6, AE5 et AE7 de M. Alain David.

M. Christian Hutin. Ils sont défendus. Je précise que je les présenterai plus en détail, cet après-midi, en commission des finances.

M. Christophe di Pompeo, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La situation du fonds citoyen franco-allemand a changé puisqu’il est doté de 2,4 millions.

En ce qui concerne l’action de la France dans le monde, l’enveloppe des bourses pour 2021 est de 105 millions d’euros. Les 50 millions d’euros qui n’ont pas été dépensés sont également reportés.

Quant au budget en faveur de l’aide à la scolarité des enfants français, il a été augmenté de 2,9 millions. Les 50 millions qui avaient été votés dans le cadre du budget rectificatif mais qui n’ont pas été dépensés seront eux aussi reportés.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je ferai la même réponse que M. di Pompeo sur l’amendement AE5. Il y a bien report.

Sur les 50 millions à date, on a réussi à utiliser 1,7 million. Il reste donc encore de la marge. De toute façon, cet argent sera versé avant la fin de l’année à l’AEFE qui pourra à son tour procéder à un report. Ce n’est pas un report dans les lignes de l’État.

S’agissant de l’amendement AE7, je crois que les budgets des opérateurs que vous citez augmentent. Au mois de novembre, nous disposerons du budget interne de ces opérateurs qui serait concerné par vos amendements.

Avis défavorable sur les amendements AE5 et AE7.

M. Christian Hutin. Je remercie les rapporteurs pour leurs précisions, ce qui ne m’empêchera pas de les présenter cet après-midi en commission des finances.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement AE14 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il s’agit de retirer la petite somme symbolique de 30 000 euros sur l’action 05 « Coopération de sécurité et de défense » du programme 105, et de l’inscrire sur la ligne budgétaire de l’AEFE, afin de permettre la mise en place d’un système de contrôle qualité au niveau de l’AEFE. Je reprends là la recommandation 57 du rapport de Samantha Cazebonne.

Un effort de contrôle et d’évaluation a été fait au sein de l’éducation nationale, mais il est nécessaire qu’il soit renforcé à l’étranger par un travail de contrôle et de certification international pour deux raisons. D’une part, à la différence des établissements sur le sol national, à l’étranger les écoles sont financées à 75 % par des familles qui choisissent d’y mettre leurs enfants. Nos concurrents font ce travail de certification.

D’autre part, nous venons de vivre une crise qui a parfois bousculé la compréhension et la confiance dans un lycée français. Tous les députés qui représentent les Français de l’étranger sont convaincus qu’une certification extérieure serait une garantie d’apaisement de tensions, surtout si cette certification est faite par un organisme international, comme le font tous nos concurrents.

Mme Anne Genetet. Pour obtenir le label AEFE, il faut déjà remplir certains critères. Qu’est-ce que cette évaluation de qualité apporterait de plus à l’homologation AEFE ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Ce n’est pas une homologation AEFE, elle est faite par le ministère de l’éducation nationale. Effectivement, on est un lycée français si on est homologué. Ce que je pense indispensable, c’est une homologation internationale qui permette aux familles de comparer le lycée français aux lycées allemand, anglais, etc. Le certificateur ne serait pas juge et partie et il certifierait que la formation des cadres administratifs est faite, que nous avons des procédures environnementales, etc. Ces éléments vont plus loin que l’homologation stricte faite par l’éducation nationale.

Mme Anne Genetet. Ce genre de certification existe pour l’enseignement supérieur – des établissements d’enseignement supérieur, par exemple dans le domaine économique, ont une certification internationale –, mais avez-vous déjà identifié un organisme international qui pourrait établir cette certification et en connaissez-vous le coût ? Je suis à l’étranger depuis très longtemps. Je sais que les écoles internationales anglo-saxonnes, américaines, ont leur diplôme, l’IB, c’est-à-dire le baccalauréat international, mais je n’ai encore jamais vu la certification de l’établissement en tant que tel. Je serais curieuse de savoir où et comment cela se passe.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il existe des établissements privés certifiés iso par des organismes comme TÜV. Notre centre de crise, au ministère, a été certifié par un organisme extérieur, de même que le service des étrangers dans une préfecture que j’ai visitée. On peut donc garantir à un usager qui n’est pas nécessairement membre de la communauté nationale que le service rendu n’est pas certifié uniquement par l’État français, et qu’il fait bien ce qu’il dit. Je pourrai vous fournir des exemples d’établissements scolaires privés qui ont une certification iso.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, elle rejette successivement les amendements AE4 et AE8 de M. Alain David.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » ainsi modifiés.

 


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   Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

Auditions

 

 

 

 

 

Déplacement « virtuel » à Londres

 

 

 

 

 


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   Annexe 1 : Propositions du groupe de travail « Réseaux » créé par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour suivre les conséquences de l’épidémie de Covid-19

I.   Propositions du sous-groupe « Réseau diplomatique et consulaire »

A.   Consolider les ressources humaines du Quai d’Orsay

  1. Suspendre la mise en œuvre des objectifs de réduction des effectifs et de la masse salariale du Quai d’Orsay inscrits dans le plan « Action publique 2022 », dont trois quart des objectifs ont déjà été atteints.
  2. Reconsidérer la politique consistant à accroitre la part des agents de droit local dans le total des effectifs du ministère, dans un contexte où la gestion de la crise consulaire a largement reposé sur les personnels expatriés.
  3. Mettre en place des indicateurs de suivi des troubles psychosociaux pour quantifier la surcharge de travail qui pèse sur certains personnels.
  4. Compenser, par la création d’une prime ponctuelle, la perte de l’indemnité de résidence à l’étranger des agents bloqués en France du fait des conséquences de la crise sanitaire sur les mobilités internationales.

B.   Accélérer la transformation numérique du ministère

  1. Donner une véritable ambition à la transformation numérique du Quai d’Orsay, à travers un « plan numérique » accompagné de moyens suffisants, qui cible en particulier l’administration consulaire (état civil et visas).
  2. Moderniser les outils numériques et les applications du ministère, dont le site « Ariane » et l’application de gestion de crise « CriseNet ».
  3. Renforcer l’effort de formation à la gestion de crise, notamment dans le domaine de la gestion des outils numériques et de l’utilisation des réseaux sociaux, y compris dans les postes considérés comme moins exposés.
  4. Recenser les solutions numériques mises en œuvre, de manière autonome, par les postes pour affronter la crise consulaire, afin d’étudier celles qui pourraient être reprises au niveau mondial.
  5. Augmenter massivement la dotation des agents du ministère en équipements de mobilité, en particulier les ordinateurs portables sécurisés « Itineo », afin de lever les freins au développement du télétravail.
  6. Lancer une réflexion sur une évolution de la doctrine de sécurité informatique du ministère, qui apparait parfois inutilement rigide.
  7. Développer des environnements informatiques différenciés selon le niveau de sécurité afin de permettre aux agents du ministère de travailler sur des activités non-sensibles dans un environnement informatique plus souple.
  8. Développer un outil de visioconférence adapté aux conférences avec des personnes extérieures au ministère, afin d’améliorer la relation à l’usager et la conduite des affaires diplomatiques.
  9. Renforcer la conscience de la sécurité informatique parmi les agents du ministère (formations, campagnes intranet, messages instantanés, etc.).
  10. Accélérer le déploiement de la plateforme téléphonique mondiale 24h/24 destinée à décharger les consulats des questions les plus courantes.
  11. Envisager la création d’une application mobile spécifique à la mobilité internationale qui intègre tout ce qu’un Français a besoin de savoir à l’étranger (alerte sécurité, assurance santé, actualité des consulats, etc.) et qui permette aux postes diplomatiques d’envoyer des notifications en cas d’urgence.

C.   Soutenir les communautés françaises de l’étranger

  1. Augmenter l’enveloppe d’aides sociales à disposition des postes pour répondre aux besoins des Français de l’étranger en difficulté au-delà de ce que prévoit le plan d’aide aux communautés françaises de l’étranger afin d’accompagner les effets tardifs attendus de la crise.
  2. Transmettre au Parlement le bilan trimestriel poste par poste des versements d’aide sociale exceptionnelle ainsi que le bilan annuel des versements d’aide sociale hors aide exceptionnelle.
  3. Conduire, a posteriori, un travail d’évaluation, poste par poste, de l’aide apportée aux Français de l’étranger pendant la crise sanitaire.
  4. Renforcer le rôle des élus consulaires, qui doivent notamment être associés à l’étude des dossiers d’aide sociale, et le rôle des chefs d’îlot de sécurité à l’étranger, qui ont la responsabilité d’assurer l’interface entre les services consulaires et les Français à l’étranger en cas de crise.

 

II.   Propositions du sous-groupe « Réseaux culturels et d’influence »

  1. Diffuser l’aide financière apportée au réseau d’enseignement français à l’étranger le plus largement possible.
  2. Solliciter les services compétents des postes diplomatiques pour fournir une assistance juridique aux associations de droit local et aux familles non françaises, afin qu’elles puissent se saisir des possibilités offertes au plan local.
  3. Permettre les redéploiements de crédits rendus possibles sur le programme budgétaire 185 Diplomatie culturelle et d’influence pour qu’ils soient mobilisés pour apporter une aide d’urgence.
  4. Créer dans le prochain projet de loi de finances, pour répondre aux besoins créés par la crise, une ligne budgétaire nouvelle unique dans le programme budgétaire 185, au titre de l’action Sauvegarde des réseaux d’influence.
  5. Prévoir pour chaque poste diplomatique l’élaboration d’un plan de crise portant sur les différentes dimensions de la diplomatie d’influence.
  6. Prévoir, dans un second temps, l’établissement par chaque poste, sur cinq ans, des « plans post-covid-19 » dans les différents domaines de la diplomatie d’influence (éducation, francophonie, coopération scientifique et universitaire, etc.).
  7. À moyen terme, engager une réflexion sur l’avenir des réseaux et des opérateurs de la diplomatie d’influence.

 


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  Annexe 2 : Les services bureautiques du MEAE

I.   Les ordinateurs

La direction du numérique du MEAE gère un parc d’environ 15.000 ordinateurs personnels (PC), environ 5.000 en administration centrale et 10.000 à l’étranger, l’immense majorité d’entre eux étant intégrés dans l’univers de travail unifié et protégé « Eole ».

Jusqu’à la crise de la Covid-19, les dotations en PC portables sécurisés « Itineo » répondaient essentiellement à un besoin pour les personnels partant en mission à l’étranger ou devant travailler hors du bureau (représentations auprès des organisations internationales). Les « Itineo » représentaient environ 30% du parc informatique. L’effort en cours pour doter davantage d’agents d’équipements portables et faciliter ainsi le télétravail a déjà permis d’atteindre la cible de 50% des agents équipés en administrations centrale. De la même manière, des dotations sont en cours pour nos postes à l’étranger. Ces nouvelles dotations sont aussi l’occasion de renouveler notre parc informatique avec des équipements plus performants dans le cadre de la migration de Windows7 vers Windows10. La durée moyenne d’utilisation d’un PC au MEAE est de 5 à 6 ans.

Les stations fixes comme les ordinateurs portables fonctionnaient jusqu’au début de l’année 2020 sous Windows7. À l’exception de stations nécessitant l’utilisation de logiciels pour lesquels une version pleinement compatible avec Windows10 est encore en attente, une partie importante du parc aura migré sous Windows10 avant la fin de l’année 2020 (cette modernisation a pris du retard suite à la crise Covid). Cette migration se poursuivra en début d’année 2021. À noter que dans cet univers, sont mis à disposition des agents à la fois les suites bureautique Microsoft Office et Libre Office (logiciel libre).

II.   La téléphonie

Dans le domaine de la téléphonie, les agents disposent en administration centrale comme à l’étranger de téléphones fixes dont les données circulent sur le réseau privé du MEAE et bénéficient de ce fait d’un premier niveau de protection. Le système de visioconférence interne, basé sur des salons de visioconférence (86 systèmes et 7 en déploiement en administration centrale et 156 systèmes et 1 en déploiement dans nos postes à l’étranger) auxquels peuvent également se connecter les agents à partir d’un Itineo (Viséo : 3240 agents y ont accès à ce jour - 1/3 au département, 2/3 en poste), bénéficie également d’un niveau de protection « diffusion restreinte ».

Au-delà de la solution Itineo, la DNUM offre aux agents du MEAE l’accès à d’autres terminaux mobiles : smartphone (« dPhone » ; 400 téléphones déployés, dont 150 centrale) et tablette (« dPad » ; 450 tablettes déployées, dont 200 en centrale) sécurisés au niveau diffusion restreinte, smartphone non chiffré mais bénéficiant d’une supervision de sécurité (« Smarteo » ; 3201 unités - 1424 en administration centrale et 1777 à l’étranger).

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères – direction du numérique.

 


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  Annexe 3 : Les infrastructures informatiques du MEAE

Les infrastructures centrales du MEAE ont profondément évolué au cours de la dernière décennie. Un premier axe d’évolution a été le développement massif de la virtualisation des serveurs, avec un peu plus de 900 serveurs virtualisés en production et 2000 hors production sur un total d’environ 3000, permettant de leur donner une plus grande souplesse et d’optimiser leur utilisation. Un deuxième axe a été de renforcer leur robustesse et leur disponibilité en assurant une redondance complète entre les serveurs parisiens et nantais et en assurant des exercices réguliers de bascule entre les deux centres de données. Un troisième axe enfin a été le renforcement de la sécurité avec la montée en puissance du Centre opérationnel de sécurité des affaires étrangères (COSAE) et de ses instruments de supervision de l’ensemble des flux de données entrant, sortant ou transitant dans les systèmes d’information.

L’ensemble des sites parisiens sont reliés par un réseau privé (MAN – Metropolitan area network), lui-même connecté au Réseau interministériel de l’État (RIE). La dernière décennie a également vu le développement du WiFi sur les sites métropolitains, permettant aux agents de connecter automatiquement leurs équipements en tout point du ministère (salles de réunion, etc.).

L’administration centrale est reliée aux postes par un réseau privé (WAN – Wide area network) reposant principalement sur des liens terrestres dédiés, fourni par l’opérateur Orange Business Services (environ 350 liens terrestres à l’étranger). Afin d’assurer à la fois redondance, optimisation et adaptation à des contextes locaux très hétérogènes, les postes sont équipés de liens complémentaires dont la nature peut varier : liaison satellite VSAT (environ 110 liaisons), abonnement auprès d’un fournisseur d’accès Internet local, valise satellite BGAN. L’ensemble des données circulant sur ces réseaux sont préalablement chiffrées.

Globalement, le taux de disponibilité de notre réseau à l’étranger et en centrale est supérieur à 99%.

Les ambassades à l’étranger disposent de serveurs locaux, à l’exception des postes de présence diplomatique (PPD), pour lesquels il a été décidé d’héberger les serveurs en administration centrale et de leur éviter ainsi d’avoir à accomplir des tâches d’administration des serveurs et réseaux parfois complexes. Ce fonctionnement n’est pas reproductible dans de plus grands postes qui génèrent des volumes de données plus importants et assument des missions plus diverses (dans le domaine consulaire notamment). Les PPD continuent de bénéficier au quotidien du soutien des Centres régionaux d’administration des systèmes d’information et de communication (CRASIC).

Le réseau de téléphonie à l’étranger repose sur une infrastructure de téléphonie classique reposant sur des autocommutateurs. Certains équipements sont cependant vieillissant, de même que l’infrastructure de câblage dans certains postes. Le passage à la technologie de voix sur internet VoIP a été engagé, de même que la régionalisation de l’infrastructure téléphonique. Cet effort doit néanmoins être accéléré pour permettre à nos postes de bénéficier de davantage de souplesse et de nouveaux services.

À noter que les postes disposent également de moyens de téléphonie de crise (Irridium, etc.) gérés par le Centre de crise et de soutien (CDCS).

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères – direction du numérique.

 

 

 


([1])  Les propositions du groupe de travail « Réseaux » sont rappelées à l’annexe 1 du présent rapport. 

([2])  Ce « plan santé », qui s’intègre dans le cadre du plan de soutien aux communautés françaises de l’étranger annoncé le 30 avril dernier, comprend des services de télémédecine, des abonnements pour prendre rendez-vous avec des médecins ou encore, exceptionnellement, des rapatriements sanitaires.

([3]) Loi n°2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

([4]) Loi organique n°2020-976 du 3 août 2020 portant report de l’élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

([5]) Loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.  

([6])  Décret n°2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([7]) Les crédits du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement fait l’objet d’un avis budgétaire distinct présenté par notre collègue Valérie Thomas.

([8]) Le programme 185 fait l’objet d’un avis budgétaire distinct présenté par notre collègue Frédéric Petit.

([9]) Les produits de cessions immobilières sont retracés dans le compte d’affectation spéciale 723 Gestion du patrimoine immobilier de l’État, ce qui permet de les réaffecter, en tout ou partie, au MEAE. En 2021, le MEAE s’est vu confirmer le bénéfice d’un retour à 100 % du produit de ses cessions immobilières.

([10]) Les droits de chancellerie apportent également des recettes directes au budget de l’État. Ceux-ci ont représenté 21 M€ en 2018.   

([11]) Ainsi que 20,5 M€ à la charge des autres ministères et 25 M€ à la charge des opérateurs.

([12]) La direction des systèmes d’information (DSI) du MEAE a été renommée direction du numérique (DNUM) au 1er janvier 2020.  

([13])  Votre rapporteur ne traite pas des systèmes d’information des réseaux d’influence du MEAE.

([14]) Le système d’information du ministère est l’ensemble des infrastructures et services logiciels informatiques permettant de collecter, traiter, transmettre et stocker les données sous forme numérique.  

([15]) Les infrastructures de transmission de l’information du MEAE sont, selon les contextes, filaires ou satellitaires.  

([16])  La direction du numérique comprend cinq missions : la mission de l’administration générale, la mission de la stratégie et de l’innovation numérique, la mission des projets des systèmes d’information, la mission de l’infrastructure, des déploiements et des acquisitions et la mission de l’exploitation des systèmes et de la satisfaction des utilisateurs.

([17]) Environ la moitié des « agents-ressources » exercent une autre fonction que la gestion des systèmes d’information.

([18])  Les services bureautiques du Quai d’Orsay sont présentés à l’annexe 2 du présent rapport.

([19])  Les infrastructures informatiques du Quai d’Orsay sont présentés à l’annexe 3 du présent rapport.

([20]) Dont 2 millions d’euros au titre des recettes liées aux services rendus à d’autres administrations.

([21]) Les démarches d’actualisation du dossier et de radiation peuvent aussi se réaliser par ce biais.  

([22]) Article L. 330-13 du code électoral.  

([23]) Ordonnance n°2019-724 du 10 juillet 2019 relative à l’expérimentation de la dématérialisation des actes de l’état civil établis par le MEAE.

([24]) Une économie d’environ 1,2 million d’euros par an est attendue pendant la phase d’expérimentation, puis de 2 millions par an après l’expérimentation.  

([25]) Ce portail reçoit actuellement chaque mois plus de deux millions de visites, avec un tiers de navigation par smartphones.  

([26]) Rapport remis au Premier Ministre par Mme Anne Genetet sur la mobilité internationale des Français en juin 2018.   

([27]) Décret du 25 octobre 2019 relatif au système d’information et de communication de l’État, à la direction interministérielle du numérique, et aux directions ministérielles du numérique.

([28])  Décret du 5 mai 2020 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature.

([29])  L’officier de sécurité est le « numéro 2 » de l’ambassade.

([30]) En 2010, les Instituts français ont été sortis du réseau informatique sécurisé du ministère.

([31]) Le réseau de stations ISIS est géré par l’opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés (OSIIC).

([32]) L’acronyme Eole signifie « Environnement et Organisation Logicielle Évolutive ».  

([33]) 827 000 courriels ont été envoyés via « Ariane » au premier semestre 2020.  

([34]) Les « Conseils aux voyageurs » ont totalisé 20 millions de visites entre le 1er janvier et le 31 août, contre 10 millions pour toute l’année 2019.

([35]) « Ariane » a notamment fait l’objet d’un piratage informatique en 2019.

([36]) « Conseils aux voyageurs » dispose déjà d’une déclinaison sur application mobile.

([37]) Cette option, qui éviterait à chacun de s’inscrire sur « Ariane » à chaque nouveau déplacement à l’étranger, est en cours d’étude par le ministère. Sa mise en œuvre suppose de régler deux difficultés. La première est liée à la protection des données personnelles : la géolocalisation doit pouvoir être désactivée. Le deuxième concerne la limitation de la responsabilité de l’État : en cas de crise, l’État, qui saurait localiser la plupart de ses ressortissants à l’étranger, risque de se voir opposer une obligation juridique de porter assistance, alors que le sauvetage des Français à l’étranger est aujourd’hui une décision politique.

([38]) « Diplonet » est l’intranet du MEAE.