N° 3403

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

TOME III

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PAR Mme Valérie THOMAS

Députée

——

 

 Voir le numéro : 3360


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

PremiÈre partie : LES CRÉDITS DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

I. La poursuite de la relance de l’aide française

A. Une forte impulsion politique accompagnÉe d’un effort budgÉtaire sans prÉcédent

1. Une aide française loin de se réduire à la mission « Aide publique au développement »

2. Un saut qualitatif et quantitatif à la suite du CICID de 2018

B. Les engagements de la France en 2020

1. L’initiative ACT-Accelerator : un multilatéralisme renouvelé

2. L’initiative de suspension du service de la dette

II. Le projet de loi de finances pour 2021

A. Le respect des engagements du CICID

1. La poursuite de la hausse des moyens budgétaires

2. Une réorientation progressive de l’aide vers les priorités géographiques et sectorielles

B. Les programmes de la mission « Aide publique au développement »

1. Le programme 110 - Aide économique et financière au développement

2. Le programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

a. L’aide bilatérale

i. L’aide-projet

ii. Le Fonds de solidarité pour les projets innovants

iii. L’aide humanitaire

iv. La coopération décentralisée

b. L’aide multilatérale

c. L’Europe

3. Le programme 365 – Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

4. Le financement du Fonds de solidarité pour le développement

deuxiÈme partie : « L’Équipe France » du dÉveloppement

I. l’influence retrouvÉE de « L’Équipe France »

A. Des atouts français indÉniables

1. Le nexus « défense, diplomatie, développement »

2. Un leadership incontestable dans le domaine du climat et de la santé

3. Une expertise française recherchée

a. Le rôle pivot de l’AFD dans l’équipe « France »

b. Un écosystème du développement d’excellence

B. le bilan positif de la rÉforme de l’expertise

1. Expertise France a incontestablement trouvé sa place dans « l’équipe France »

2. Le rapprochement opportun entre Expertise France et l’Agence française de développement

C. des rapprochements institutionnels BIENVENUS

1. Le rapprochement entre l’AFD et La Caisse des dépôts et consignations

2. Le partenariat entre Proparco et Bpifrance

II. la nÉcessaire poursuite de la restructuration de « l’Équipe France » du dÉveloppement

A. un pilotage POLITIQUE ET stratÉgique de l’aide française À renforcer

1. Un dispositif institutionnel complexe

2. Une tutelle de l’État sur l’AFD insuffisamment stratégique

3. Une gouvernance lacunaire

4. Un décalage entre les priorités affichées et les financements octroyés

a. Une grande dispersion sectorielle

b. Un déséquilibre entre les prêts et les dons

B. Mieux associer tous les acteurs du dÉveloppement

1. Les collectivités territoriales

2. Les organisations de la société civile

3. La recherche

4. Les citoyens

5. Le secteur privé et les acteurs philanthropiques

C. AmÉliorer l’Évaluation de l’aide publique

1. Un suivi plus quantitatif que qualitatif

2. Une politique d’évaluation morcelée

3. La nécessaire création d’une commission d’évaluation indépendante

Travaux de la commission

I. Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Annexe 1  Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE

Annexe 2  Évolution de la répartition géographique l’APD bilatérale

Annexe 3   dix premiers États étrangers récipiendaires DE l’APD bilatérale nette française et deS AIDES multilatéraleS netteS françaiseS imputéeS À l’APD en 2018


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   introduction

 

L’année 2020 a été marquée par plusieurs évolutions au niveau international, certaines liées à la crise de la Covid-19 et d’autres déjà latentes, mais renforcées par la situation. L’imbrication des crises (sanitaires, environnementales, sociales, humanitaires et sécuritaires), l’effacement des frontières entre le hard et le soft power, et la crise du multilatéralisme contribuent à la contestation toujours plus forte des règles internationales dans de nombreux domaines, y compris celui du développement. Une forme de « concurrence » règne, notamment en Afrique, où se confrontent intérêts, valeurs et objectifs divergents. Ainsi, lors de la crise de la Covid-19, derrière la « diplomatie du masque », une logique de compétition a souvent prévalu au nom de la coopération internationale.

Parallèlement, des dissensions et polarisations croissantes, dans des domaines comme la santé ou le climat, ont succédé au relatif consensus qui prévalait depuis 2015 sur les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations unies et l’Accord de Paris.

Dans ce contexte, la politique de développement apparaît plus que jamais comme un pilier de la politique étrangère de la France, un instrument privilégié pour défendre ses valeurs et ses priorités à l’international. Son efficacité dépendra de la capacité de la France à affirmer une stratégie fédérant les différents acteurs du développement, et à adopter les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

À cet égard, le budget 2021 de l’aide publique au développement s’inscrit dans une période de remontée en puissance historique, annoncée lors de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, qui a prévu une trajectoire conduisant les dépenses d’aide de la France à représenter 0,55 % de notre revenu national brut (RNB) en 2022. La crise sanitaire mondiale rend cet effort budgétaire encore plus nécessaire et justifie le maintien par la France des objectifs d’augmentation en volume, effort d’autant plus notable qu’il intervient dans un contexte de dégradation des finances publiques. L’APD est ainsi la politique publique qui enregistre la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat : après une progression de 14 % des crédits de la mission aide publique au développement entre 2017 et 2020, le projet de loi de finances pour 2021 amplifie cette progression avec une hausse de 17 % des crédits.

Cette montée en puissance a contribué à faire de la France un acteur incontournable et influent du développement au niveau international : elle est le troisième bailleur du G7 en termes de pourcentage de RNB consacré à l’APD, et l’activité de l’AFD est désormais sensiblement supérieure à celles de nombreux bailleurs bilatéraux. La relance de l’APD a été favorisée par une impulsion politique au plus haut niveau, qui a permis à la France de jouer un rôle moteur durant les réunions et travaux du G7 et du G20, dans le cadre de la réponse économique internationale à la crise, notamment en faveur des pays les plus vulnérables.

Pour que la politique d’aide au développement joue tout son rôle, l’augmentation des moyens doit toutefois aller de pair avec une restructuration de son organisation, afin que tous les acteurs du développement puissent être au service d’une stratégie politique claire et cohérente. Une rationalisation de l’écosystème français du développement a été engagée depuis 2014, avec notamment la réforme de l’expertise et le renforcement de la logique partenariale entre les différents acteurs du développement. Parallèlement, le CICID de 2018 a affirmé des priorités géographiques (l’Afrique et les pays prioritaires) et sectorielles (égalité hommes/femmes, climat, éducation, santé, stabilité internationale).

Cependant, le mouvement de rationalisation et de renforcement du pilotage politique de l’aide publique au développement reste au milieu du gué. L’adoption d’une stratégie claire, la réaffirmation du pilotage politique de l’aide au développement et la mise en place d’une politique d’évaluation indépendante permettraient de renforcer son efficacité et sa cohérence. L’examen tant attendu du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales devrait permettre d’avancer en ce sens. Dans cette perspective, votre rapporteure a choisi de consacrer une partie de cet avis budgétaire à l’analyse des forces et des faiblesses de « l’équipe France » du développement.

 

 

 


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   PremiÈre partie : LES CRÉDITS DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

I.   La poursuite de la relance de l’aide française

A.   Une forte impulsion politique accompagnÉe d’un effort budgÉtaire sans prÉcédent

1.   Une aide française loin de se réduire à la mission « Aide publique au développement »

Avant d’analyser les crédits de la mission Aide publique au développement (APD), il convient de faire une précision de méthode. L’aide publique au développement correspond à l’agrégation de dépenses très diverses, dont le recensement obéit aux critères établies par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Elle concerne les dépenses de recherche dans le domaine du développement et les dépenses relatives aux réfugiés, qui sont inscrites dans d’autres programmes budgétaires. S’y ajoutent des flux financiers : prêts de l’Agence française de développement (AFD) comptabilisables en APD, prêts de la France à des institutions multilatérales, part des financements français transitant par l’Union européenne, etc.

Au sein de cet ensemble, la mission budgétaire « APD », qui correspond pour l’essentiel aux dépenses pilotables, ne compte que pour un tiers environ du total.  

Elle est elle-même composée de ses deux programmes historiques : le programme 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie et des finances, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Un nouveau programme est ajouté dans le projet de loi de finances pour 2021 : le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement.

Des dépenses importantes comme celles relatives à la composante civile des opérations de maintien de la paix ne sont pas comptabilisées en APD.

2.   Un saut qualitatif et quantitatif à la suite du CICID de 2018

Le CICID de février 2018 marque un saut tant qualitatif que quantitatif dans l’aide française, et une rupture dans le déclin régulier qu’elle avait enregistré depuis 2010, comme le rappelle le tableau suivant :

 

(versements, en millions de dollars)

Année

APD nette totale
des pays du CAD

APD nette
de la France

Ratio APD en % RNB de la France

2010

128 484

12 915

0,50

2011

135 111

12 997

0,46

2012

127 030

12 028

0,45

2013

134 847

11 339

0,41

2014

137 581

10 620

0,37

2015

131 555

9 039

0,37

2016*

142 619

9 501

0,38

Source : OCDE CAD1.

Cette trajectoire descendante pendant de trop nombreuses années, qui s’est stabilisée à la faveur des annonces faites à New-York, en 2015, par le Président de la République, François Hollande, s’était traduite par une perte d’influence de la France tant dans les instances multilatérales que dans les pays partenaires.

Le CICID du 8 février 2018 a prévu une augmentation graduelle de l’APD :

– 0,44 % en 2018 ;

– 0,44 % en 2019 ;

– 0,47 % en 2020 ;

– 0,51 % en 2021 ;

– 0,55 % en 2022.

En outre, le CICID a arrêté les principales orientations suivantes :

- la hausse des moyens alloués à l’AFD, avec 1 milliard d’autorisations d’engagement supplémentaires dès 2019, dans le cadre d’un effort « soutenu sur l’ensemble du quinquennat » ;

- l’accroissement de l’aide humanitaire, qui devra être portée à 500 millions d’euros en 2022 ;

- le doublement (en valeur absolue) des fonds transitant par les ONG entre 2017 et 2022 ;

- la concentration de notre aide sur 19 pays prioritaires et 5 secteurs : santé, éducation, égalité femmes-hommes, fragilités et crises, environnement et climat ;

- le doublement des fonds destinés au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales d’ici 2022.

B.   Les engagements de la France en 2020

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la France s’est engagée dans la voie de la coordination internationale en mobilisant ses partenaires du G7 et du G20 autour de trois grandes priorités : une réponse sanitaire permettant de vaincre le virus, une réponse économique permettant de surmonter la crise et un soutien accru aux pays les plus vulnérables, tout particulièrement en Afrique.

1.   L’initiative ACT-Accelerator : un multilatéralisme renouvelé

Avec l’initiative « Access to COVID‐19 Tools Accelerator » (ACT-A), la France promeut notamment l’idée de faire du vaccin un bien public mondial, dans une approche renouvelée du multilatéralisme.

L’initiative ACT-A a été lancée fin avril 2020 par l’OMS, le Président français, la Commission européenne et la Fondation Bill & Melinda Gates. Elle rassemble des gouvernements, des organisations du secteur de la santé, des scientifiques, des entreprises, la société civile et des philanthropes qui ont uni leurs forces pour lutter contre la pandémie de la covid-19. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance mondiale pour les vaccins (GAVI) et l’Organisation internationale d’achats de médicaments UNITAID sont quelques-unes des organisations qui ont rejoint l’initiative ACT Accelerator.

Piloté par l’OMS et dix coprésidents, parmi lesquels figurent la France et l’Allemagne, ACT-A a pour mission d’accélérer les efforts de collaboration entre les organisations existantes. L’initiative s’organise autour de quatre axes d’action majeurs :

- le développement et la distribution d’un vaccin, avec un dispositif de financement de la recherche et des distributeurs de vaccins, afin de permettre la fabrication de doses accessibles et à moindre coût. Cet objectif est mené par COVAX, organisme co-piloté par GAVI, l’OMS et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) ;

- la recherche de traitement ;

- la fourniture de diagnostics ;

- le renforcement des systèmes de santé.

GAVI, l’Alliance du vaccin, joue un rôle prépondérant en veillant à ce que les vaccins soient mis au point le plus rapidement possible, fabriqués dans les quantités voulues sans compromettre leur innocuité et livrés à ceux qui en ont le plus besoin. L’objectif est de fabriquer 2 milliards de doses de vaccins, dont 50 % iront aux pays à revenus faibles ou intermédiaires, avant fin 2021.

ACTA-Accelerator est financé par la France à hauteur de 660 millions d’euros : 510 millions d’euros pour les quatre piliers d’ACT-A, 50 millions d’euros de contributions à l’OMS, et 100 millions d’euros de contribution s’ajoutant aux 500 millions annoncés pour l’alliance GAVI qui seront activés quand le vaccin sera trouvé. Selon les estimations du FMI, les travaux d’ACT-A coûtent moins d’un dixième des pertes que la pandémie inflige chaque mois à l’économie mondiale. Néanmoins, ce dispositif n’a reçu que 3 des 38 milliards de dollars nécessaires pour financer deux milliards de doses de vaccins, 245 millions de traitements et 500 millions de tests d’ici la fin 2021.

Selon Bill Gates, si un vaccin était trouvé dans les prochaines semaines, les pays à revenus faibles ou moyens, qui représentent la moitié de la population mondiale, ne pourront à ce stade vacciner que 14 % de leur population. La mobilisation importante des différentes parties doit permettre la reconnaissance d’un vaccin comme bien commun et permettre sa distribution à l’ensemble de la population, notamment via des mesures de ventes des doses à prix coûtant.  

Une levée de fonds organisée par le Président de la République pour financer ACT-A aura lieu en novembre 2020, en marge du Forum de Paris sur la paix.

2.   L’initiative de suspension du service de la dette

Sur le plan de la réponse économique, les travaux des ministres des finances du G20 ont permis d’adopter, le 15 avril 2020, l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD), accord historique réunissant pour la première fois le Club de Paris et les créanciers du G20 non membres du Club de Paris. Cet accord prévoit un report du paiement du service de la dette entre le 1er mai et le 31 décembre 2020 aux créanciers publics officiels, pour 73 pays parmi les plus pauvres (dont 38 africains). Ce moratoire vise à répondre aux besoins immédiats de liquidité des pays les plus pauvres. Au total, l’ISSD pourrait représenter 11,5 Mds$ de service de la dette dû à des créanciers bilatéraux en 2020.

La France a joué un rôle clé dans la conduite des négociations, et a plaidé pour une action coordonnée au niveau international, partagée par un périmètre large de créanciers, au-delà du Club de Paris. Le 14 octobre dernier, le G20 se sont accordés pour une prolongation de six mois de l’ISSD au-delà de 2020. Autre avancée majeure, un cadre commun a été établi dans lequel la Chine est, pour la première fois, partie prenante. En outre, ce cadre lie les créanciers publics et les créanciers privés, qui participeront donc également à l’effort.

Cette initiative s’inscrit dans la réflexion plus large de la France sur la manière de restaurer la soutenabilité de la dette des pays les plus endettés, dans un cadre multilatéral et au cas par cas. Les besoins de financement des pays à faibles revenus pour les prochaines années, en particulier en Afrique, devraient en effet être considérables, alors même que la capacité d’endettement de nombreux pays est très limitée par l’état de leurs finances publiques. Dans un contexte également marqué, depuis le début du siècle, par la diversification des bailleurs, accroître la visibilité de l’action de la France dans les pays bénéficiaires se fera notamment par sa capacité à influer sur la définition d’une nouvelle approche de financement du développement visant à concilier réponse aux besoins et soutenabilité à long terme, en ralliant tous les partenaires du développement.

La France organisera au printemps prochain un sommet sur le développement des pays africains, qui sera l’occasion d’évoquer le problème de l’endettement.

II.   Le projet de loi de finances pour 2021

A.   Le respect des engagements du CICID

1.   La poursuite de la hausse des moyens budgétaires

L’APD est la politique publique qui enregistre la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat. Après une progression de 14 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » entre 2017 et 2020, le projet de loi de finances pour 2021 amplifie cette progression, avec une hausse de 17 % des crédits par rapport à 2020, ce qui constitue un effort très significatif dans un contexte de dégradation des finances publiques. En 2021, ces crédits sont complétés par ceux dédiés à la coopération sanitaire internationale inclus dans la mission « Plan de relance » (50 millions d’euros).

La trajectoire d’APD pour les années 2020 à 2022 prévue à la fin de l’année 2019 était conforme à la trajectoire définie par le CICID, en pourcentage de RNB. L’impact de la crise sur le revenu national brut tend à accroître fortement la part d’APD dans le RNB, de manière mécanique. L’APD devrait ainsi s’établir à 0,56% du RNB en 2020 (contre 0,47% initialement prévu) et 0,69% en 2021 (contre 0,50% initialement prévu). La hausse de la prévision d’APD en pourcentage de RNB pour l’année 2021 est liée, en plus de l’impact de la baisse du RNB, à d’importantes prévisions d’allègements de dette dans le cadre du Club de Paris. Cette prévision ne tient compte que des annulations en cours de négociation, et qui devraient être réalisées en 2021. Elle ne tient pas compte des éventuels annulations ou rééchelonnements qui pourraient intervenir dans les prochains mois, dans le contexte de fortes tensions sur les dettes souveraines auxquelles un nombre important de pays en développement doit faire face, suite à la crise de la Covid-19.

 


Trajectoire d’aide publique au développement 2017 - 2021


Source : DGT/DGM

2.   Une réorientation progressive de l’aide vers les priorités géographiques et sectorielles

En termes de composition, la montée en charge de l’APD française respecte les orientations définies par le CICID.

Il s’agit d’une part d’un renforcement des dons. En vue d’engager la hausse des dons projets vers les pays prioritaires, l’AFD a bénéficié de moyens accrus, notamment d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagements additionnels dès 2019, dans le cadre d’un effort global sur l’ensemble du quinquennat. Afin d’accompagner la hausse de l’aide française, des moyens supplémentaires seront consacrés par l’AFD au renforcement des capacités et à l’aide à la préparation des projets. Ainsi, la composante bilatérale de l’APD française est renforcée, conformément à l’objectif de cibler plus efficacement les pays prioritaires.

Les deux-tiers de la hausse moyenne cumulée des autorisations d’engagement de la mission budgétaire d’APD d’ici à 2022 contribueront à la composante bilatérale. Cette augmentation doit être faite en articulant avec plus d’efficience les activités bilatérale et multilatérale, et en concentrant les moyens bilatéraux en priorité dans les secteurs où la France dispose d’un avantage comparatif clair, notamment en termes d’expertise, de savoir-faire ou de stratégie.

Le projet de loi de finances reflète ces orientations. L’augmentation de l’APD française est principalement portée par l’aide bilatérale, qui poursuit sa hausse (+16,9%), en particulier sous forme de dons. Plus précisément, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse :

- des crédits accordés à la composante bilatérale de l’APD, via l’aide-projet de l’AFD (816 M€ en crédits de paiement contre 660 M€ en 2020, dont 617 M€ dédiés à l’aide-projet transitant par le programme 209 et le Fonds de solidarité pour le développement et 115 M€ dédiés au guichet ONG) mais aussi via les Fonds de solidarité pour les projets innovants (70 M€, soit une augmentation de 10 M€ par rapport à 2020) ;


- des crédits dédiés aux organisations et aux fonds multilatéraux, acteurs indispensables pour la préservation des biens publics mondiaux, conformément aux engagements pris par le président de la République lors de la présidence française du G7 en 2019 et dans le cadre de la réponse internationale à la crise liée à la pandémie de Covid-19 ;- des crédits dédiés à l’aide humanitaire, en hausse de 48 M€ via divers dispositifs (Fonds d’urgence humanitaire du Centre de crise et de soutien, aide alimentaire programmée, contributions aux Nations Unies). 

(Annexe au projet de loi de finances pour 2021)

En outre, l’aide cible davantage les pays correspondant aux priorités géographiques. Ainsi, l’APD bilatérale de la France allouée aux pays du G5 Sahel s’élève à 362,1 M€ en 2019, soit une augmentation de 34 % par rapport à 2018.  La France est le troisième bailleur mondial des pays du G5 Sahel, derrière les États-Unis (609 M€) et l’Allemagne (559 M€). L’APD française vers les pays du G5 Sahel est pour moitié bilatérale (55 %) et essentiellement allouée sous la forme de dons (75 % de l’APD bilatérale) dans les secteurs de l’éducation (53 M€), de la santé (37 M€), de la distribution d’eau et l’assainissement (27 M€) et de l’agriculture et de la sécurité alimentaire (24 M€).

Évolution des vingt premiers États étrangers récipiendaires de l’APD bilatérale française de 2015 à 2019

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018*

2019*

1

Colombie

414

Maroc

274

Irak

396

Côte d’Ivoire

301

Côte d’Ivoire

326

2

Maroc

193

Jordanie

258

Turquie

368

Maroc

259

Cameroun

268

3

République dominicaine

179

Cameroun

215

Maroc

299

Cameroun

183

Maroc

250

4

Brésil

163

Égypte

187

Cameroun

241

Sénégal

154

Sénégal

180

5

Cameroun

146

Colombie

171

Égypte

196

Algérie

119

Viet Nam

124

6

Mali

134

Mexique

133

Indonésie

168

Colombie

116

Chine (République populaire de)

121

7

Afrique du Sud

111

Inde

125

Mexique

168

Inde

113

Tunisie

119

8

Jordanie

105

Brésil

113

Inde

160

Cuba

112

Inde

117

9

Sénégal

99

Turquie

92

Jordanie

141

Chine (République populaire de)

110

Algérie

114

10

Madagascar

90

Algérie

80

Brésil

138

Turquie

110

Brésil

109

11

Viet Nam

76

Sénégal

79

Sénégal

112

Maurice

96

Wallis-et-Futuna

102

12

Égypte

75

Arménie

74

Bolivie

106

Indonésie

92

Équateur

99

13

Équateur

74

Équateur

74

Cuba

90

Tunisie

89

Cambodge

99

14

Tchad

70

Cuba

71

Pakistan

85

Viet Nam

73

Burkina Faso

88

15

Gabon

65

Ghana

68

Mali

84

Burkina Faso

72

Mali

85

16

Kenya

64

Niger

66

Tchad

82

Brésil

70

Tchad

84

17

Chine (République populaire de)

62

Tunisie

62

Cambodge

82

Tchad

67

Gabon

73

18

Burkina Faso

60

Burkina Faso

59

Burkina Faso

76

Cisjordanie et bande de Gaza

67

Égypte

72

19

Indonésie

60

Mali

54

Gabon

75

Égypte

65

Niger

71

20

Cambodge

59

Nigéria

53

Algérie

73

Mali

65

Kenya

71

Source : DG Trésor

B.   Les programmes de la mission « Aide publique au développement »

1.   Le programme 110 - Aide économique et financière au développement

Le programme 110, dont les crédits s’élèvent pour 2021 à 1,39 milliard d’euros en autorisation d’engagement et 1,47 milliard d’euros en crédits de paiement, traduit les objectifs généraux de l’APD en trois actions, intégrant les spécificités économiques et financières de l’action du ministère de l’économie, des finances et de la relance. Il présente notamment la particularité de concentrer une part importante de crédits destinés à des institutions multilatérales de développement (action 1 « Aide économique et financière multilatérale » pour 219,1 M€ en AE et 968,5 M€ de CP) ainsi qu’au financement des annulations de dette bilatérales et multilatérales, décidées parfois il y a plusieurs années (action 3 « Traitement de la dette des pays pauvres » pour  97,3 M€ de CP). Il comprend également des crédits d’aide bilatérale (action 2 « Aide économique et financière bilatérale »).

Les crédits d’aide multilatérale portés par le programme 110 augmentent de 36 % par rapport à 2020. Le besoin en autorisations d’engagement est quant à lui moindre qu’en 2020 (de 2,6 Mds€ environ). Cette baisse « mécanique » suit en effet une hausse importante des autorisations d’engagement en 2020 à la suite des reconstitutions triennales de trois grands fonds multilatéraux : l’Association internationale de développement (AID), le Fonds africain de développement (FAD) et le Fonds vert pour le climat.

Ces trois fonds importants, qui représentent la moitié de la totalité des crédits de paiement du programme 110 en 2021, servent les principales priorités de la politique de développement française :

- De par le volume de ses engagements, l’AID est le premier guichet de financement du développement en Afrique. L’AID est le guichet concessionnel de la Banque mondiale, ouvert à 77 pays dont 39 en Afrique subsaharienne. En s’engageant en 2019 à apporter 1,6 Mds$ pour trois ans, la France conserve son rang de 5ème contributeur de l’AID avec 7 % des contributions totales des donneurs, derrière le Royaume-Uni (16,6 %), le Japon (13,6 %), les États-Unis (12,7%) et l’Allemagne (7,6 %).

- Le FAD est le seul guichet concessionnel uniquement consacré aux pays africains. En s’engageant fin 2019 à apporter 537 millions de dollars pour trois ans, la France est le troisième contributeur du FAD avec 10,5 % des contributions totales des donneurs, derrière le Royaume-Uni (15,6 %) et l’Allemagne (11,5 %), mais devant les États-Unis (9,8%). 

- Le président de la République a fait du climat une priorité du G7 de Biarritz et a annoncé le doublement de la contribution française au Fonds vert pour la période 2020-2023, à hauteur de 1 548 M€ (1 743 M$). Cet engagement fort place la France au rang de troisième contributeur en élément-don à la reconstitution derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Les principales reconstitutions prévues en 2021 sont celles du Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (FMPM) et du Fonds international de développement agricole (FIDA). Le montant de la contribution française à ces fonds n’est pas encore fixé. Il ne devrait pas dépasser 60 M€ pour 2021-2023 pour le FMPM et une ouverture de 80 M€ d’autorisations d’engagement est proposée pour le FIDA.

Par ailleurs, pour aider les pays pauvres affectés par les conséquences de la crise sanitaire, il est prévu en 2021 une contribution de 40 M€ au fonds pour l’assistance et la lutte contre les catastrophes (CCRT) du FMI qui a vocation à couvrir les échéances de dette auprès du FMI de pays pauvres dans le contexte de forte tension sur les dettes souveraines suite à la pandémie de Covid-19.

2.   Le programme 209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

a.   L’aide bilatérale

i.   L’aide-projet

Le projet de loi de finances pour 2021 marque une augmentation significative des moyens de l’AFD au titre des dons-projets et des dons-ONG.

Les crédits de paiement des dons-projet sont portés à 733 millions d’euros, soit une hausse de 154 millions d’euros, en cohérence avec l’octroi de 1 milliard d’autorisations d’engagement en 2019. Les autorisations d’engagement resteront supérieures à 1 milliard d’euros.

S’agissant des dons-ONG mis en œuvre par les l’AFD, le projet de loi de finances marque une progression vers l’objectif de les doubler d’ici à 2022. Les autorisations d’engagement progressent de 20 millions d’euros pour s’établir à 130 millions d’euros.

En 2019, le montant global recensé de l’APD transitant par les organisations de la société civile (OSC) s’est élevé à 460 millions d’euros (6,57 % de l’APD bilatérale), soit une augmentation de 86 M€ par rapport à 2017. En 2022, conformément à la trajectoire du CICID, l’APD transitant par les OSC atteindra 620 M€.

 

Montant en M €

2015

2016

2017

2018

2019

APD bilatérale française transitant par la société civile française et internationale

Source DGM/CIV

168,7

241,7

310,4

374,2

460

Part de l’APD bilatérale française transitant par la société civile française et internationale  

Source DGM/CIV

3,63%

4,44%

5,31%

6,57%

6,96%

Figure 1 - Montant de l’APD française transitant par les OSC sur la période 2015-2019    (source : DGM)

ii.   Le Fonds de solidarité pour les projets innovants

 Les moyens consacrés localement aux projets initiés par les ambassades, le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) progresse de 10 millions d’euros pour s’établir à 70 millions d’euros. Ces moyens sont mis à la disposition des ambassadeurs pour financer des projets et de court terme, quand les projets de l’AFD s’inscrivent davantage dans le moyen et long terme. C’est donc un instrument qui permet d’être réactif sur le terrain en complétant ou anticipant l’action de l’AFD.

iii.   L’aide humanitaire

Conformément à l’objectif fixé le CICID de consacrer 500 millions d’euros à l’aide humanitaire en 2022, les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 82,4 millions en 2021, pour s’établir à 329 millions d’euros. Les trois principaux canaux d’acheminement de l’aide voient leurs crédits progresser respectivement de 32 millions d’euros pour les contributions volontaires aux Nations unies, de 30 millions d’euros pour le Fonds d’urgence humanitaire et de 20 millions d’euros pour l’aide alimentaire programmée.

iv.   La coopération décentralisée

L’objectif fixé par le CICID de 2018 est un doublement des crédits affectés à la coopération décentralisée en 2022. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, les crédits attribués à la DAECT se sont stabilisés à 11,5 millions d’euros en raison de la sous-consommation des crédits en 2020. La crise de la Covid-19 et les élections municipales ont en effet freiné le dynamisme des collectivités territoriales en la matière. Comme l’a indiqué le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères le 13 octobre dernier, ces crédits devraient à nouveau augmenter lorsque le contexte sera plus favorable.

b.   L’aide multilatérale

Avec une augmentation de 36 % pour atteindre 317 millions d’euros en crédits de paiement, la France confirme son soutien au multilatéralisme, avec trois priorités : l’aide humanitaire, la défense des biens publics mondiaux et les droits de l’homme.

Un accent particulier sera porté sur la santé et la défense des biens publics mondiaux en 2021, avec les engagements pris antérieurement à la crise sanitaire en faveur du Fonds mondial de lutte de contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou du Fonds français Muskoka (destiné notamment à réduire la mortalité maternelle, néonatale et infantile). Exceptionnellement, en réponse à la pandémie, 50 millions d’euros du plan de relance financeront des dispositifs de sécurité sanitaire et le déploiement de traitements et de vaccins. En réponse à la crise, elle est à l’initiative, avec la Commission européenne et l’OMS, du programme ACT-A, qui associe l’ensemble des parties acteurs du développement dans un multilatéralisme renouvelé en faveur de l’accès universel au vaccin.

Enfin, s’agissant des droits de l’homme et de l’égalité entre les hommes et les femmes, l’année 2021 sera marquée par la tenue du Forum Génération égalité. Dans la continuité des engagements pris par la France lors du G7 de Biarritz, elle poursuivra ses versements en faveur de l’initiative AFAWA, destiné à réduire le coût de l’accès au crédit pour l’entreprenariat féminin en Afrique, et du fonds Mukwege, qui a vocation à venir en aide aux victimes de violences sexuelles dans les conflits. L’année 2021 sera en outre marquée par la reconstitution du cycle du partenariat mondial pour l’éducation.

c.   L’Europe

En raison de l’intégration du Fonds européen de développement et d’une partie des fonds de la politique de voisinage dans le nouvel instrument de coopération européen (NDICI), qui sera financé sur le budget général, la part du programme consacrée à la coopération communautaire s’amenuisera progressivement jusqu’à extinction des projets démarrés dans le cadre du 11e FED. Pour 2021, 713,7 millions d’euros seront consacrés au financement de ces projets.

La France a veillé à ce que ses priorités en matière de développement soient bien prises en compte dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel et de ce nouvel instrument. À cet égard, nous salons la détermination affichée par le Conseil européen, le 16 octobre dernier, à renforcer et renouveler le Partenariat stratégique de l’Union européenne avec l’Afrique, en vue du sommet avec l’Union africaine, prévu en décembre prochain.

3.   Le programme 365 – Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

Les dépenses du programme 365 permettent de doter en capital l’Agence française de développement (AFD) en 2021. Les besoins croissants de fonds propres de l’AFD s’expliquent par trois facteurs : l’application des règles prudentielles, les conséquences de la crise économique sur les résultats de l’agence, et la hausse des activités de cette dernière, dans la dynamique globale d’augmentation de l’aide française décidée au début du mandat.  

En effet, une évolution législative européenne introduit une modification de la comptabilisation des fonds propres : pour être considérés comme des fonds propres, les prêts de l’État à l’AFD doivent être transformés en capital. Le budget 2021 traduit cette conversion, qui est neutre pour le budget de l’État. Techniquement, elle prendra notamment la forme d’une conversion en fonds propres de base des prêts de ressources à condition spéciale (RCS), ressources très concessionnelles octroyées par l’État à l’AFD via le programme 853 « Prêts à l’Agence Française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » de la mission « Prêts à des États étrangers ».

Ce nouveau programme comporte une action unique. En 2021, il est doté en autorisations d’engagement et en crédits de paiement d’un montant égal aux versements de ressources à condition spéciale (RCS) à l’AFD effectués entre 2017 et 2021, à mesure des décaissements par l’AFD des prêts concessionnels aux États étrangers adossés à des RCS, soit 953 M€. Symétriquement, ces prêts seront remboursés de façon anticipée par l’Agence sur le programme 853.

Cette opération est essentielle pour l’AFD pour respecter les obligations prudentielles auxquelles elle est soumise en tant que société de financement.  En outre, elle a d’autant plus besoin de fonds propres que la crise a pesé cette année sur ses résultats et qu’elle ne pourra donc pas en transformer une partie en fonds propres. Il semblerait que les 953 millions d’euros prévus soient encore insuffisants pour combler les besoins.

4.   Le financement du Fonds de solidarité pour le développement

Une partie du produit de la taxe sur les billets d’avion et du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) est affectée au financement du Fonds de solidarité pour le développement, qui finance plusieurs fonds multilatéraux dans les domaines de la santé (le Fonds mondial sida), de l’éducation (le Partenariat mondial pour l’éducation) et du climat (le Fonds vert). Cependant, alors même que ces taxes innovantes avaient été créées notamment pour financer le développement et lutter contre les excès de la mondialisation, les recettes affectées au FSD sont plafonnées à 210 millions d’euros pour la taxe sur les billets d’avion et à 528 millions pour la TTF.

Or, la crise sanitaire a fait chuter le produit de la taxe sur les billets d’avion, amputant le financement du FSD de 140 millions d’euros. Le produit de la TTF a, quant à lui, significativement augmenté : la direction du budget estime ses recettes à 1,745 Md€ en 2020 (contre 1,130 milliard d’euros prévus dans la loi de finances initiale pour 2020) et 1,572 Md€ en 2021. Dans ce contexte, votre rapporteure estime nécessaire d’affecter 50 % des recettes de la TTF au FSD et soutiendra un amendement en ce sens.


—  1  —

   deuxiÈme partie : « L’Équipe France » du dÉveloppement

En août 2018, le député Hervé Berville remettait au Gouvernement son rapport sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, qui appelait notamment à l’adoption d’un cadre stratégique et au renforcement du pilotage politique de la politique de développement. Un grand nombre de ses préconisations ont inspiré le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont l’examen par le Parlement, prévu au printemps 2020, a été reporté en raison de la crise sanitaire.

Or, les conséquences dramatiques de cette crise sur les pays du sud rendent d’autant plus urgent et impératif l’examen de ce projet de loi, que tous les acteurs du développement attendent avec impatience pour disposer d’un mandat à la hauteur de leurs ambitions.

En effet, si la France dispose d’atouts indéniables dans sa politique d’aide au développement, elle souffre encore d’un manque de vision stratégique claire, malgré les réformes engagées au cours de ces dernières années dans l’écosystème français du développement. L’efficacité de l’aide dépendra de la capacité à fixer des priorités, donc à faire des choix, et à approfondir la logique partenariale, afin de valoriser l’expertise de tous les acteurs de « l’équipe France ».

La restructuration de cette équipe reste donc au milieu du gué, dans l’attente de la loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui visera à la refonder.

I.   l’influence retrouvÉE de « L’Équipe France »

A.   Des atouts français indÉniables

1.   Le nexus « défense, diplomatie, développement »

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, deuxième contributeur européen au budget des opérations de maintien de la paix, disposant d’une armée fortement impliquée, notamment au Sahel, la France joue un rôle diplomatique et militaire majeur dans la gestion et la résolution des crises.

Dans ce contexte, l’influence de la France est incontestablement liée à sa capacité à adopter une approche liant défense, développement et diplomatie, logique indispensable à la gestion des suites d’un conflit ou des périodes de transition. Cette approche dite « 3D » vise à décloisonner les trois politiques et à coordonner l’action aves les acteurs non gouvernementaux, dans un contexte d’imbrication des crises (sécuritaires, économiques et sociales.) Dans des zones géographiques comme le Sahel, la forte structuration de tous les acteurs de l’équipe France et son rôle incontournable sont reconnus par nos partenaires internationaux.

C’est d’ailleurs pour mieux articuler politique étrangère et politique de développement que la Grande-Bretagne fusionne le ministère de la coopération et le ministère des affaires étrangères, réforme que la France a faite en 1998.

De même, l’influence de la France s’accroît en raison de la hausse des moyens constatés depuis 2017 et de la forte impulsion politique donnée par le Président de la République à des projets prioritaires. En outre, certains événements mobilisateurs ont eu un rôle déterminant dans la structuration de l’équipe France, comme en témoigne le dynamisme de l’action collective constatée lors de la reconstitution du Fonds mondial, en 2019, ou dans le cadre de la réponse à la crise de la Covid-19, en 2020. L’enjeu, pour les acteurs du développement français, est d’être suffisamment structurés pour continuer à jouer en équipe au-delà de l’impulsion présidentielle ou de ces événements ponctuels.

Enfin, la crise du multilatéralisme renforce paradoxalement l’influence de la France dans les instances multilatérales. Ainsi, c’est notamment à son initiative qu’a été adoptée à l’unanimité, le 1er juillet 2020, la résolution de l’ONU sur la pandémie de Covid-19 en faveur d’une cessation des hostilités, d’une pause humanitaire et de la solidarité internationale.

2.   Un leadership incontestable dans le domaine du climat et de la santé

L’engagement politique de la France dans la défense du climat et de l’environnement est fort et constant. Son leadership est incontesté depuis l’accord universel conclu à Paris, en 2015, le lancement du Pacte mondial sur l’environnement à l’initiative du Président de la République, Emmanuel Macron, et l’organisation, en 2017, du premier sommet international pour le climat « One Planet Summit ».

En matière de santé, la France privilégie le canal multilatéral. La crise de la Covid-19 a été l’occasion de démontrer la structuration et la cohérence des acteurs de l’équipe France. Ainsi, la France a démontré sa capacité à conjuguer les différents canaux de son APD pour démultiplier l’impact de son action sur le terrain : son engagement auprès de l’OMS s’est traduit par un soutien financier important annoncé dans le cadre du lancement de l’initiative innovante de partenariat public-privé « Access to COVID-19 Tools Accelerator » (ACT-A) (visant à assurer une distribution mondiale équitable des diagnostics, traitements et futurs vaccins, et un renforcement des systèmes de santé), ou encore par la mise en œuvre sur le terrain d’un FSPI en coopération avec l’OMS au Sahel.

La France gagnerait à compléter son dynamisme dans la défense de l’accès au vaccin par une action volontaire dans le domaine essentiel de l’état civil.

À cet égard, votre rapporteure est favorable aux recommandations issues de l’excellent rapport d’information sur les enfants sans identité de Mmes Laurence Dumont et Aina Kuric présenté au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale :

- Ajouter un volet enregistrement des naissances dans les actions humanitaires et les projets de développement qui concernent la maternité et la pédiatrie ;

- Défendre la création d’un sous-secteur dédié à l’état-civil dans la base de données sur les activités d’aide « SNPC » de l’OCDE ;

- Intégrer l’enregistrement des naissances dans les projets d’enrôlement de la population et de création de base de données biométriques financés par l’AFD et par CIVIPOL.

En outre, la France a œuvré pour que la réponse « Équipe Europe » coordonnée par l’Union européenne, prête une attention particulière à l’Afrique, dans le prolongement de l’Initiative pour l’Afrique lancée par le président de la République avec des chefs d’État africains en avril 2020.

Par ailleurs, la France est à l’initiative d’outils de financements innovants, comme « L’Initiative» (anciennement « Initiative 5 % ») dans le cadre du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui permet d’apporter de l’expertise francophone à la demande des pays éligibles et assure un lien entre soutien aux institutions multilatérales et priorités géographiques françaises. De même, le fonds français Muskoka finance des projets dans le domaine de la santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile dans dix pays d’Afrique de l’Ouest francophone, en s’appuyant sur un cadre conjoint de planification, de suivi et d’évaluation entre les quatre agences des Nations unies le composant.

Dans la même logique, Esther Duflo, prix nobel d’économie, a été sollicitée pour piloter un fonds d’innovation en faveur des politiques de développement, qui sera lancé en 2021. Ce fonds traduira le renouveau de l’approche partenariale défendu par le gouvernement et le projet de loi de programmation sur le développement solidaire et les inégalités mondiales. Il aura pour rôle, en s’appuyant particulièrement sur la recherche et sur une démarche d’expérimentation ouverte et collaborative, de favoriser les approches partenariales incluant le secteur privé, les acteurs de la société civile, le monde philanthropique et les fondations, les collectivités territoriales, les acteurs publics français et des pays partenaires.

3.   Une expertise française recherchée

a.   Le rôle pivot de l’AFD dans l’équipe « France »

En plaçant l’AFD, une institution financière soumise au régime des établissements de crédit, comme opérateur pivot de son dispositif bilatéral d’aide publique au développement, la France se distingue par un modèle original parmi les autres grands bailleurs de l’OCDE. L’AFD réunit en effet les rôles de banque et d’agence de mise en œuvre de la politique d’aide au développement de la France. Chez nos principaux partenaires, les agences de développement sont le plus souvent des agences publiques placées sous l’autorité directe du gouvernement et dotées de crédits budgétaires.

En Allemagne par exemple, l’aide transite principalement à travers deux agences de mise en œuvre, la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), chargée de la coopération technique, et la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), établissement de crédit pour la coopération financière. Cette distinction marquée entre assistance technique et assistance financière n’est pas sans poser des problèmes d’articulation en raison de la multiplicité des acteurs chargés de leur mise en œuvre. En Grande-Bretagne, le faible recours aux prêts pour l’aide au développement explique largement l’absence d’une institution financière spécialisée.

Le système étranger qui se rapproche le plus du système français est celui du Japon, depuis la fusion en 2008 en une agence unique, la Japan International Cooperation Agency (JICA), de l’entité précédemment chargée depuis 1974 de l’assistance technique et de la gestion des dons et de la banque JBIC (proche du modèle de la KfW) accordant les prêts.

La large gamme d’instruments financiers que l’AFD propose (prêts, garanties, dons, fonds propres) en fait un acteur de premier plan, en lui permettant de s’adapter à différents types d’acteurs et de besoins. Le rapprochement avec Expertise France permettra en outre à l’AFD de disposer d’une offre d’expertise publique et privée cohérente avec sa capacité financière.

Par ailleurs, en matière climatique, l’AFD fait figure de pionnière. Son objectif est de devenir la première agence « 100 % Accord de Paris », en s’assurant systématiquement de la cohérence de tous ses financements, dans chaque pays, avec un développement bas carbone résilient au sens de l’Accord de Paris. En 2019, les financements climats octroyés par l’AFD se sont établis à 6 milliards d’euros, et 33 % ont été alloués à l’adaptation aux changements climatiques.

En raison d’une forte croissance de son activité en 2018 et 2019, l’activité de l’AFD est désormais sensiblement supérieure à celles de nombreux bailleurs bilatéraux. En 2019, alors que le Groupe AFD a octroyé près de 13 milliards d’euros de financements (hors outre-mer), quand l’activité du DFID britannique avoisinait 10 milliards d’euros.

b.   Un écosystème du développement d’excellence

Outre son principal opérateur, la France peut s’appuyer sur une diversité d’acteurs (ONG, collectivités territoriales, recherche, institutions spécialisées, secteur privé) dont l’expertise est reconnue sur la scène internationale, et qui joue un rôle central dans la politique d’aide au développement, d’autant que les ministères et l’AFD développent une logique de plus en plus partenariale en les associant plus étroitement.

La part de l’activité non souveraine (entreprises, collectivités territoriales, ONG) a connu une forte croissance et atteint désormais 54 % des engagements de l’agence. L’enveloppe de la Facilité de financement des collectivités territoriales françaises (FICOL) atteint 9 millions d’euros en 2020. Son portefeuille comprend 72 projets pour un montant de cofinancement AFD de 42 millions d’euros. Par ailleurs, l’instrument de soutien aux projets des ONG, « initiatives ONG » a permis, en 2019, l’engagement en cofinancement de 93 millions d’euros, pour soutenir plus de 90 ONG françaises, dans des secteurs variés (égalité femme-homme, agriculture, santé, gouvernance, droits humains, éducation, biodiversité), majoritairement dans les pays en développement (80 % de projets terrain), ou en France, au titre de l’éducation au développement et à la solidarité internationale et de l’appui à la structuration du milieu associatif.  Cette croissance va de pair avec l’augmentation du budget transitant par la société civile, le CICID de 2018 ayant fixé l’objectif de doubler le budget consacré aux dons-ONG mis en œuvre par les l’AFD d’ici à 2022.

En outre, la France a la chance de pouvoir s’appuyer sur une recherche de pointe sur les questions de développement, et notamment sur deux opérateurs dédiés à la coopération scientifique : l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement pour le développement (CIRAD).

Le réseau universitaire est très dynamique, comme peuvent l’illustrer les activités de la chaire sur le Sahel de la Fondation pour les études et recherche sur le développement international (FERDI), en partenariat notamment avec l’AFD, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’économie et des finances. À cet égard, votre rapporteure salue la décision d’implantation du Global development network (GDN) à Clermont-Ferrand et la création d’une ligne budgétaire dédiée dans le programme 210.

Dans le cadre de la réponse à la crise de la Covid-19, le réseau public de recherche français travaille en collaboration étroite avec des hôpitaux ainsi que des instituts de recherche locaux, dont le réseau des Instituts Pasteur en Afrique. Dès janvier 2020, l’Institut Pasteur a lancé une Task Force Coronavirus, responsable de la coordination des recherches pasteuriennes sur l’infection par le nouveau coronavirus. Cet organisme privé reconnu d’utilité publique, ayant engagé près de 2 millions d’euros en soutien à son réseau depuis le début de la crise, déploie une dizaine de chercheurs français sur le continent africain.

L’aide publique au développement française s’appuie également sur des ONG et des institutions spécialisées d’excellence. Les ONG ont à nouveau illustré leur réactivité et leur expertise dans le cadre de la réponse à la crise sanitaire, avec notamment les ponts aériens humanitaires organisés en partenariat avec le Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Ainsi, dans le domaine de la transition énergétique, l’ADEME est engagée dans des partenariats dynamiques avec l’AFD ou avec des organisations de la société civile, comme le GRET. Par exemple, dans le cadre de la « Convention des Maires pour l’Afrique subsaharienne », projet financé par l’Union européenne et destiné à soutenir les villes d’Afrique subsaharienne dans leur lutte contre les changements climatiques et dans leurs efforts pour assurer l’accès à l’énergie propre pour leurs populations, l’ADEME apporte une aide à la conception et le groupe AFD contribue à la mise en œuvre, dans un partenariat impliquant également la coopération allemande et espagnole. Autre exemple, l’ADEME est partenaire du GRET en Mauritanie sur un projet de valorisation du typha, qui est une plante invasive, afin d’en faire un combustible ou un matériau de construction.

Sur le terrain, les ambassadeurs et leurs conseillers, avec un rôle sectoriel spécifique attribué notamment aux conseillers en santé mondiale, jouent un rôle crucial de coordination et d’animation des acteurs. Il en va de même, dans les instances multilatérales, pour les représentations françaises, qui sont l’un des rouages essentiels de notre politique d’influence.

Il conviendrait dès lors de renforcer et consolider les moyens humains du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Enfin, la démarche partenariale de la France à l’égard des acteurs du secteur privé s’exprime également dans le soutien au Pacte mondial des Nations unies (Global Compact) et au réseau français, qui rassemblent agences des Nations unies, entreprises et organisations non gouvernementales autour de dix principes universellement reconnus pour construire des sociétés plus stables et inclusives, et accompagnent la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et l’appropriation des ODD par les acteurs économiques.

L’initiative « Santé en commun » :
exemple de la réactivité de l’équipe France face à la crise sanitaire

Dans le cadre des actions de soutien en faveur des pays les plus sévèrement touchés par la crise de la Covid-19, la France a lancé, en avril dernier, l’Initiative « Covid-19 - Santé en commun », qui devait permettre de mobiliser plus de 1,2 milliard d’euros d’ici à l’été 2020 en réponse à la crise sanitaire mondiale, en apportant une réponse ciblée et partenariale à la crise que traversent les pays en développement. Ce dispositif, complémentaire des actions des bailleurs de fonds multilatéraux et européens, cible en priorité le continent africain.

Concrètement, l’initiative prévoit de mobiliser 150 millions d’euros sous forme de dons et 1 milliard d’euros sous forme de prêts afin de répondre aux enjeux de court terme des pays ou des banques publiques de développement partenaires de l’AFD. Ce dispositif doit permettre d’agir pour le renforcement des réseaux régionaux de surveillance épidémiologique, participer aux plans nationaux de réponse au Covid-19, dégager des fonds pour le renforcement des systèmes de santé, et soutenir les principaux acteurs de la réponse au Covid-19 : organisations de la société civiles, fondations, réseaux, organismes de recherche, etc.

Certains projets sont déjà en cours. Ils mobilisent des partenaires expérimentés et déjà actifs sur le terrain : l’Institut de recherche pour le développement (IRD), la Commission de l’océan Indien (COI), l’Institut Pasteur, la Fondation Mérieux, le Centre de recherche, d’étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) et l’Alliance for International Medical Action (ALIMA). À titre d’exemple, le projet d’appui à la recherche-action sur la pandémie et à la définition de la riposte africaine à l’épidémie de Covid-19 « ARIACOV », lancé en avril 2020 et développé au Bénin, au Cameroun, au Ghana, en Guinée, en République démocratique du Congo et au Sénégal, mobilise plus de 2,2 millions d’euros. Il a pour objectif l’accompagnement des autorités dans l’élaboration et le renforcement des stratégies nationales de riposte à l’épidémie. 

B.   le bilan positif de la rÉforme de l’expertise

1.   Expertise France a incontestablement trouvé sa place dans « l’équipe France »

La réforme engagée par la loi de 2014 avec la création d’Expertise France est un indéniable succès. L’agence est désormais clairement identifiée comme l’agence publique de référence de la coopération technique internationale française et un acteur clef de l’action extérieure de l’État. La croissance de son activité lui a permis d’atteindre une taille critique européenne. Elle est présente sur des sujets et des terrains sensibles, comme le Sahel avec la mise en œuvre de l’appui de l’Union européenne à la force G5 Sahel, l’équipement des camps de la MINUSMA dans le cadre de l’appui aux opérations de maintien de la paix et des projets d’appui au retour de l’État et de stabilisation dans les régions fragiles.

En outre, son action s’inscrit dans des problématiques au cœur de la politique de développement bilatéral de la France comme la santé (mise en œuvre de « l’initiative 5% » du Fonds mondial), la gouvernance des États (lutte contre la corruption et mobilisation des ressources intérieures) et le climat et la biodiversité (accompagnement des pays du Sud à la préparation de la COP 15 sur la biodiversité en Chine en 2021).

Enfin, elle remplit sa mission d’influence au service de la politique de l’État en mobilisant de l’expertise française, en appuyant la mise en place de programmes de jumelages sur financement européen et en diffusant des normes et des modes de faire, notamment lorsqu’elle intervient en soutien aux politiques de modernisation des finances publiques, à la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, au développement de systèmes de protection sociale, en matière de climat, de gouvernance ou de renforcement des systèmes sanitaires.

2.   Le rapprochement opportun entre Expertise France et l’Agence française de développement

L’intégration de Justice coopération internationale (JCI) au sein d’Expertise France au 1er janvier 2021, puis le rapprochement entre Expertise France et l’AFD au 1er juillet 2021 viendront consolider la réforme engagée en 2014. Ce sera l’un des enjeux du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

L’adossement d’Expertise France à l’AFD permettra de construire une offre française d’aide au développement plus complète et cohérente. Le rapprochement débouchera sur un opérateur unifié et plus facilement identifiable de la politique du développement, à l’instar de la JICA japonaise. Il offrira l’avantage de la lisibilité vis-à-vis des bénéficiaires étrangers et des bailleurs tiers. Le rapprochement renforcera le continuum d’outils d’aide de la nouvelle entité, lui permettant de couvrir l’ensemble du cycle projet. L’AFD sera dotée d’une offre complète en adjoignant à son offre financière une composante expertise mobilisable non seulement pour la mise en œuvre de prestations mais aussi pour l’instruction de projets.

Cette offre d’expertise technique devra notamment permettre à l’AFD de renforcer la compétitivité « hors prix » de son activité sur prêt et d’affirmer son positionnement en matière de « définition, pilotage et mise en œuvre des politiques publiques » conformément aux dispositions du CICID du 8 février et à son Plan d’orientation stratégique. L’intégration d’EF au sein du groupe AFD pourrait permettre une utilisation accrue de l’assistance technique comme modalité de l’aide publique au développement aux pays bénéficiaires. Le rapprochement facilitera par ailleurs la collaboration entre les deux opérateurs, qui pourront agir de concert sans se faire concurrence.

La perspective du rapprochement a déjà modifié la tendance puisque les projets attribués par l’AFD à EF ont dépassé l’objectif, fixé par les tutelles, d’un volume de commande de l’AFD à EF de 25 millions d’euros. Entre 2017 et 2019, le montant de l’activité confiée à EF a augmenté de 7,5 millions d’euros à 137 millions d’euros, soit un total de près de 180 millions d’euros sur trois ans. Les engagements de l’AFD auprès d’EF pourraient atteindre 100 M € par an à horizon 2022. 

Si le bilan du rapprochement est globalement positif, il n’en reste pas moins qu’il faut veiller à ce que cette intégration ne diminue pas la capacité des tutelles à orienter l’action de cet opérateur.

C.   des rapprochements institutionnels BIENVENUS

1.   Le rapprochement entre l’AFD et La Caisse des dépôts et consignations

En 2016, le président de la République a décidé de rapprocher l’AFD et le Groupe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) afin de permettre à l’AFD de disposer, à l’instar de ses partenaires bilatéraux, de moyens accrus pour le pour le financement international du développement et du climat. La « charte d’alliance stratégique » entre la CDC et l’AFD a été signée le 6 décembre 2016. Ce texte a été complété par la signature le 5 juillet 2017 d’une « convention de mobilisation croisée des réseaux », qui précise les responsabilités, modalités de travail en commun et rôles des réseaux respectifs. Cette convention prévoit de maximiser leur convergence, notamment sur les questions territoriales et internationales en s’appuyant sur leurs réseaux et partenariats respectifs.

Le croisement sur les métiers et les expertises sont réguliers entre les équipes sur les sujets de la « smart city », de la ville durable, du climat, des ODD et dans une moindre mesure du logement, de la transition écologique et énergétique et de l’innovation. Au plan territorial en France, l’alliance AFD-CDC cherche à appuyer l’internationalisation des territoires. La CDC, et plus particulièrement la Banque des Territoires, accompagnent les collectivités, notamment au moyen de son offre en ingénierie territoriale, potentiellement couplée aux subventions de l’AFD via la FICOL, facilité de financement pour les collectivités locales. La CDC accompagne toute collectivité qui sollicite ce soutien (par exemple Angoulême, La Rochelle, Tours) et veille à promouvoir, par son maillage territorial, les outils développés en commun avec l’AFD. En outre, la CDC et l’AFD soutiennent conjointement des acteurs de la coopération décentralisée dont CUF (Cité Unies France) et la FEPL (fédération des entreprises publiques locales).

Les convergences internationales constituent un axe structurant de cette Alliance. La CDC a développé des relations fortes avec les Caisses du continent africain, auxquelles elle apporte son expérience et des conseils stratégiques et opérationnels. La CDC et l’AFD se coordonnent étroitement pour faciliter l’émergence et le financement de projets d’investissement des CDC en Afrique. Le programme d’appui au démarrage des Caisses du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire, qui sera financé hauteur de 3 M€ par l’AFD et mis en œuvre en septembre 2020 par Expertise France, est une illustration de ce partenariat à l’international. Pour les Caisses africaines en activité (Maroc, Gabon, Sénégal, Tunisie, …), la CDC cherchera en 2020/2021 à développer de nouvelles coopérations tripartites répondant aux objectifs de développement durable (ODD), à l’image de la collaboration réussie autour du projet Anava, fonds de fonds pour le développement des startups en Tunisie. 

Le véhicule d’investissement commun STOA, créé en novembre 2017 avec un apport initial de 600 M€, poursuit sa croissance avec un rythme d’engagement annuel de 100 M€ par an sur ses deux premiers exercices. STOA investit dans des infrastructures d’accès aux services essentiels sur des nouveaux projets dans les secteurs de l’énergie, du transport, de l’eau, des télécoms, des infrastructures sociales avec une priorité pour les projets associant des opérateurs français, principalement sur le continent africain (50 %) ainsi qu’en Amérique du Sud et en Asie. Une réflexion stratégique commune avec l’AFD est en cours et permettra d’envisager à l’automne 2020 des suites opérationnelles pour ce fonds après la période d’investissement qui s’achève en 2022. 

Dans ce contexte, le rapprochement de l’AFD avec la Caisse des dépôts mérite d’être approfondi pour favoriser une meilleure implantation de l’agence dans les territoires et une meilleure coopération avec les collectivités territoriales en matière de développement.

2.   Le partenariat entre Proparco et Bpifrance

Grâce à une volonté de coopération des dirigeants des deux groupes, Proparco et Bpifrance travaillent en bonne intelligence et disposent notamment de fonds d’investissement en commun, afin notamment de soutenir les investissements entre la France et l’Afrique. L’objectif est non seulement d’accompagner le développement international des acteurs français, mais aussi les entreprises des pays partenaires qui veulent investir en France.

DEUX EXEMPLES DE COOPÉRATION ENTRE PROPARCO ET BPIFRANCE

Averroès Africa : après la création d’un premier fonds en 2003 permettant de structurer un marché du capital investissement naissant, le partenariat a été poursuivi co-sponsorisant des fonds comme Averroès Finance II (30 M€ en 2009), puis Averroès Finance III (75M€, en 2015) couvrant pour la première fois le continent africain dans son intégralité. Averroès Finance III s’est attaché à soutenir des fonds focalisés sur des entreprises africaines à fort potentiel, de la start-up à l’ETI, et gérés par des équipes de gestion expérimentées. À ce jour, le dispositif Averroès a permis de lever la somme de 135 M€ auprès de Bpifrance, de Proparco et d’investisseurs tiers privés et d’investir dans 19 fonds de capital investissement, dont 10 ciblant l’Afrique du Nord, 5 étant panafricains, 2 ciblant l’Afrique subsaharienne uniquement, 1 fonds MENA et 1 fonds mono-pays Turquie. De manière indirecte, les fonds de fonds Averroès financent ainsi plus de 150 entreprises africaines de croissance dans une quarantaine de pays sur le continent.

Les parties ont décidé de créer le fonds Averroès Africa, successeur d’Averroès Finance III, d’ici la fin 2020. L’objectif sera aussi d’investir dans des fonds de capital investissement généralistes ayant une dimension multi-pays, régionale ou panafricaine et gérés par des équipes de gestion expérimentées, avec toutefois un appétit accru pour les fonds de capital-risque et pour la première fois la possibilité d’investir dans des fonds dits sectoriels dans les services financiers, la santé et l’agrobusiness. Dans la continuité de ses prédécesseurs, le fonds Averroès Africa permettra de développer une communauté d’entreprises performantes de la start-up à l’ETI sur sa zone cible, l’Afrique, lesquelles ont vocation à être mises en réseau, par Bpifrance, avec les entreprises françaises soutenues par Bpifrance et soucieuses de se développer sur ces marchés en croissance.

Le Fonds franco-africain - Bpifrance et Proparco ont souscrit, respectivement à hauteur de 23 M€ et 10 M€ au fonds d’investissement franco-africain géré par l’équipe de gestion AfricInvest. Ce fonds a investi dans les entreprises françaises ayant un projet de développement en Afrique et réciproquement dans les entreprises africaines ayant un projet de développement en France. Cette initiative a démontré sa pertinence en permettant de financer notamment 8 entreprises françaises pour les accompagner dans leur développement en Afrique.

Il convient de consolider cette coopération en donnant une impulsion politique au partenariat entre BPI France et Proparco

II.    la nÉcessaire poursuite de la restructuration de « l’Équipe France » du dÉveloppement 

A.   un pilotage POLITIQUE ET stratÉgique de l’aide française À renforcer

1.   Un dispositif institutionnel complexe

Le comité d’aide au développement de l’OCDE a souligné, dans sa revue par les pairs de la politique de développement française de 2018, la complexité du dispositif institutionnel français en matière de développement, malgré la rationalisation du dispositif central intervenue en 2014.  Le dispositif français comprend une instance de coordination (CICID) et trois acteurs principaux – le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), le ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR) et l’Agence française de développement (AFD), dont le MEAE et le MEFR assurent la cotutelle, auxquels s’ajoutent une dizaine d’autres ministères, d’opérateurs et d’instances spécialisées et des partenariats.

Comme l’a rappelé le député Hervé Berville dans son rapport de 2018 sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, « la bicéphalie du dispositif participe aux difficultés du pilotage, ce qui ne remet pas en cause cette partition qui répond à une distribution spécifique au sein de l’administration française de compétences existantes et requises pour assurer la mise en œuvre de cette politique ». Cependant, cette organisation peut fragiliser la cohérence globale et la lisibilité de l’action de l’État : certains acteurs non gouvernementaux auditionnés ont clairement déploré l’absence d’un interlocuteur identifié au sein du Gouvernement sur les questions de développement.

En outre, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes de 2020 sur le pilotage stratégique des opérateurs de l’action extérieur de l’État, l’absence de ministère référent conduit l’AFD à entretenir des relations avec l’ensemble des autorités publiques : des demandes d’instructions d’un projet particulier lui sont faites directement par les plus hautes autorités de l’État. En définitive, avec l’extension progressive de son champ d’intervention, l’AFD apparaît « comme l’héritière institutionnelle du ministère qui a été supprimé en 1998 », au point d’empiéter sur les prérogatives du MEAE, comme en témoignent les fortes réticences de l’AFD devant la volonté du ministère d’introduire la notion d’enveloppe limitative par instrument pour les fonds budgétaires confiés au titre des dons-projets, qui ont été dotés d’un milliard d’euros supplémentaire en 2019.

Ainsi, le rapport de la Cour des comptes indique que « l’asymétrie des relations de l’AFD et du MEAE, en l’absence d’un ministère de la coopération de plein exercice, s’explique par des choix structurels portant sur les institutions elles-mêmes, qui conduisent à affaiblir durablement le MEAE dans l’exercice de la tutelle de l’AFD et de favoriser, au contraire, l’autonomie de celle-ci. »

Au niveau local, la Cour constate que les ambassadeurs parviennent à coordonner la stratégie de l’ensemble des acteurs de l’action extérieure française. Cependant, cette coordination semble parfois dépendre davantage des personnes en place et de leur volonté de coopérer que d’une véritable structuration des politiques et des institutions.

Dans ce contexte, il convient de renforcer l’incarnation du ministre de l’Europe et des affaires étrangères comme « chef d’équipe » de la politique du développement ;

Sur le terrain, le rôle d’animateur et de coordinateur des ambassadeurs doit être conforté et les moyens d’interventions humains et financiers des ambassades renforcés ;

Dans un souci de cohérence de l’action gouvernementale, il convient également de s’assurer de la présence de représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au sein de la représentation française auprès des banques régionales de développement.

 

L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE EN ALLEMAGNE ET AU ROYAUME-UNI

En Allemagne, la politique de développement est élaborée par un ministère dédié (BMZ), également chargé, depuis 2012, d’assurer la coordination et la cohérence de l’APD au sein du gouvernement. Les fonds engagés par le BMZ représentent de loin la plus importante part de l’APD allemande (près de 40 % du budget), devant le ministère des affaires étrangères, en charge de l’assistance humanitaire (8 % du budget) et les ministères sectoriels. Le ministère des finances assure les garanties publiques du groupe KfW, mais ne participe pas au pilotage. L’Allemagne a développé une activité importante de prêts mis en œuvre par la KfW, mais elle représente une part moins importante du volume d’activité que pour l’AFD (85 % de l’activité de l’AFD mais moins de 50 % des crédits budgétaires mis en œuvre par l’AFD). 

Au Royaume-Uni (avant la fusion, annoncée en juin 2020, du DFID et du FCO), le département du développement international (DFID) était le ministère responsable de la politique de développement, chargé de la définition de la stratégie et de la gestion de l’essentiel de l’APD britannique (87,8 % en 2013). Les autres ministères concernés par la politique de développement sont le ministère de l’énergie et du changement climatique (DECC) (3,6 % du budget de l’APD en 2013) et les politiques étrangères et de Commonwealth Office (FCO) (2,5 %). Le Royaume-Uni utilise uniquement l’outil des subventions.

2.   Une tutelle de l’État sur l’AFD insuffisamment stratégique

Dans son rapport de juin 2020 sur le pilotage stratégique des opérateurs de l’action extérieure de l’État, la Cour des comptes met en évidence les faiblesses de l’exercice de la tutelle des ministères concernés sur l’AFD, dans un contexte d’autonomie affirmée de l’AFD et de moyens budgétaires accrus : carences du contrat d’objectifs et de moyens, qui reflète la « propre vision de l’établissement et de ses dirigeants quant à son déploiement international », multiplication des objectifs et indicateurs de suivi des résultats ne permettant pas de mesurer l’action de l’agence, absence d’évaluation annuelle du directeur général, absence d’instance adaptée pour le pilotage stratégique de l’agence, relations asymétriques entre le MEAE et l’AFD, etc.

En outre, le rapport souligne que l’abondance des ressources de l’AFD lui permet d’apparaître comme une « caisse universelle » ayant « vocation à intervenir partout et sur tous les sujets, sur la base d’objectifs de développement durable à vocation holistique ». L’agence ne se présente pas comme un opérateur sous tutelle, mais comme « une plateforme pour la politique de développement », qui « tend à développer ses propres stratégies internationales, en s’appuyant sur la direction stratégique dont elle s’est dotée, et sa propre communication, mise au service de son déploiement international. »

Dans la logique des préconisations de la Cour des comptes, votre rapporteure soutient les recommandations suivantes :

- veiller à ce que la future convention-cadre État / AFD contienne les dispositions appropriées à l’exercice de la tutelle sur l’AFD, tant au niveau local qu’au niveau central, afin, notamment, de mieux encadrer l’activité de dons financée sur crédits budgétaires ;

- renforcer l’attractivité et le professionnalisme des fonctions liées à l’exercice de la tutelle et assurer l’application à tous les agents de droit public, y compris les contractuels, des règles déontologiques en cas de mutation vers un opérateur ;

- adresser une lettre annuelle d’objectifs au directeur général de l’AFD et réunir régulièrement le conseil d’orientation stratégique de l’AFD.

3.   Une gouvernance lacunaire

Depuis 2012, la Cour des comptes dénonce le caractère « intermittent » du pilotage de la politique de développement, constat repris par le député Hervé Berville dans son rapport de 2018, qui déplore l’absence de cadre stratégique de référence et les lacunes du Comité interministérielle pour la coopération internationale et le développement (CICID), dont la mission est notamment de fixer les priorités de l’aide publique au développement et d’en assurer le suivi et l’évaluation. Or non seulement ces priorités varient considérablement d’un CICID à l’autre, mais son relevé de conclusions ne peut tenir lieu d’une stratégie globale de politique de développement, tant dans son contenu que dans sa présentation, peu adaptée à un exercice de communication grand public. Quant au Conseil de développement, il ne s’est jamais réuni.

La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale de 2014 n’est, quant à elle, qu’une loi d’orientation, sans volet « programmation », et se réduit à une liste d’enjeux non hiérarchisés qui ne peut faire office de stratégie de référence.

Ainsi, la France compte quasiment autant de stratégies que de secteurs d’aide, ce qui nuit à la cohérence d’ensemble de la politique de développement, d’autant que l’AFD dispose souvent de ses propres stratégies.

En conséquence, l’aide publique de la France se singularise par le nombre élevé de pays bénéficiaires et un manque de prévisibilité lié à son insuffisante programmation, quand des pays comme la Suisse ciblent un nombre de pays très limité, avec une programmation pluriannuelle.

4.   Un décalage entre les priorités affichées et les financements octroyés

a.   Une grande dispersion sectorielle

Dans un paysage multilatéral de plus en plus concurrentiel, la France manque encore de vision stratégique. Elle continue, dans le discours, d’adopter une logique universelle du développement, englobant tous les objectifs, ce qui se traduit par un éclatement de ses financements, facteur non seulement d’inefficacité mais de perte d’influence car les moyens ne suivent pas. Ainsi, la contribution de la France à des agences des Nations unies comme l’UNICEF et le PNUD s’établit à une quinzaine de millions d’euros, contre plus de 400 millions pour l’Allemagne.

Ainsi, la dispersion sectorielle s’est longtemps faite au détriment des secteurs sociaux, notamment la santé et l’éduction de base. Cependant, depuis deux ans, la tendance s’infléchit nettement : la France avait déjà réinvesti le champ de la santé avant la crise de la Covid-19, avec notamment l’augmentation de 20 % de la contribution au Fonds mondial lors de la reconstitution de 2019, et cette remontée en puissance s’est accélérée en 2020, grâce notamment aux initiatives ACT-A ou « Santé en commun ». S’agissant de l’éducation de base, la France a, en 2018, multiplié par plus de dix sa contribution au Partenariat mondial pour l’éducation en la portant à 200 millions d’euros.

Cette remontée en puissance se traduit également par une augmentation des contributions volontaire dans le projet de loi de finances pour 2021. L’enveloppe des contributions volontaires s’élève à 183,3 millions d’euros sur le programme 209. Ces contributions, recentrées sur un nombre limité d’organisations, se concentrent sur trois priorités : les questions humanitaires, les biens publics mondiaux et les droits de l’Homme.

Les contributions volontaires aux organisations humanitaires sont en augmentation de 32,2 millions d’euros, conformément à l’ambition du CICID de 2018 de porter les crédits à 500 millions d’euros d’ici à 2022 tous canaux confondus. Ces crédits additionnels doivent notamment permettre de renforcer la réponse de la France au respect du droit international humanitaire, à la question des réfugiés et des migrations et aux crises alimentaires. Un effort particulier est consenti en faveur de la Syrie, notamment via le Bureau de coordination de l’action humanitaire (BCAH) des Nations Unies qui permet de faire parvenir de l’aide sur le terrain sans passer par le régime de Damas.

En matière de droits de l’Homme, la France attache une importance particulière à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera au cœur du Forum Génération Égalité, que la France co-organisera et accueillera en 2021, et dans le cadre duquel elle a choisi de prendre la tête de la coalition sur la liberté de disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs. Sur le plan budgétaire, la France s’appuiera sur l’agence des Nations unies pour les populations (FNUAP), avec une contribution à 18 millions d’euros.

Au-delà de ces trois grandes priorités, les contributions volontaires financent notre appui à l’UNESCO, en augmentation de 2,5 millions d’euros, conformément à notre engagement en faveur d’une éducation de qualité pour tous.

En complément des contributions volontaires aux Nations Unies, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 130,6 millions d’euros (soit une augmentation de 33,3 millions d’euros par rapport à 2020) d’« autres contributions volontaires » qui répondent notamment à des engagements pris dans le cadre du G7, en soutien à de grands fonds multilatéraux et axés sur les priorités définies lors du dernier CICID.

RÉPARTITION SECTORIELLE DE L’ACTIVITÉ DES INSTITUTIONS
DE FINANCEMENT EN 2018


(en millions d’euros)

Source : DG Trésor

 

b.   Un déséquilibre entre les prêts et les dons

Les prêts constituent environ 75 % des financements du groupe AFD. En conséquence, comme les autres institutions financières dont le modèle financier repose fortement sur l’octroi de prêts, l’AFD investit en priorité dans les infrastructures et dans des pays à revenus intermédiaires, comme le Brésil ou la Turquie.

De leur côté, les institutions britanniques, qui interviennent principalement sous forme de dons, orientent leurs financements sur l’aide d’urgence (23 %) et les secteurs sociaux (24 %).

Certes, dans un contexte d’augmentation des crédits, la part des dons a augmenté en valeur absolue, mais la part relative entre les prêts et les dons restent la même. Dans un contexte où la crise a accru la vulnérabilité d’un grand nombre de pays partenaires, ce modèle mérite d’être débattu, tant sur le plan des priorités de l’aide que du point de vue financier, puisque cela se traduit par des besoins croissants de recapitalisation de l’AFD.

RÉPARTITION DE L’ACTIVITÉ DES INSTITUTIONS DE FINANCEMENT
PAR INSTRUMENTS EN 2018

(en millions d’euros)


Source : DG Trésor

 

Dans de ce contexte, il apparaît plus que jamais indispensable que le Parlement adopte un cadre de partenariat global définissant des priorités géographiques et sectorielles claires, qui sera assorti d’un volet de programmation pluriannuelle faisant coïncider les financements avec les priorités politiques. Tel est le principal enjeu du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont nous souhaitons l’examen dès que possible par le Parlement.

Dans la même logique, il convient de rééquilibrer la part des dons et des prêts dans les activités de l’AFD, afin que l’agence cible davantage nos priorités géographiques et sectorielles.

B.   Mieux associer tous les acteurs du dÉveloppement

1.   Les collectivités territoriales

Dans le cadre de la « coopération décentralisée », les collectivités territoriales sont très impliquées dans l’aide publique au développement, et le partage d’expérience entre partenaires du même échelon est un outil très précieux, qui permet des échanges dont chacun des partenaires bénéficie. En 2019, 121,5 millions d’euros ont été consacrés par les collectivités territoriales aux pays du sud, dont 51,4 en Afrique, ce qui fait de la France le troisième pays de l’OCDE pour la contribution de ses collectivités au développement. 

Le dynamisme des collectivités territoriales s’explique également par leur capacité à mobiliser plus facilement que les États les compétences locales, et la rapidité de décision et d’exécution, y compris financière. Ainsi, les projets se sont multipliés en réponse à la crise sanitaire : à Moundou, au Tchad, la ville de Poitiers finance une production locale de masque ; à Zinder, au Niger, le département du Val-de-Marne finance les savons et désinfectants des lieux publics ; dans un des quartiers défavorisés de Porto-Novo, au Bénin, la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise finance un projet d’amélioration de l’accès à l’eau potable.  De même, plusieurs régions ont débloqué rapidement une aide d’urgence pour le Liban, après l’explosion qui a frappé Beyrouth en août dernier.

Les collectivités territoriales ont un rôle particulier à jouer dans la promotion de l’agroécologie, mission qui fait partie des compétences des régions sur leur territoire. L’agroécologie, moins consommatrice d’eau, prend un sens particulier dans un continent disposant de 1050 millions d’hectares cultivables, qui pourraient être davantage valorisées pour les besoins alimentaires de l’Afrique, et alors que la Chine manifeste un intérêt particulier pour ces terres. Cette coopération a en outre des effets bénéfices mutuels, dans un contexte où l’on redécouvre l’intérêt écologique de pratiques séculaires.

L’exemple de l’engagement de la région Bretagne au Burkina Faso

La Bretagne a développé en 2014 un projet de soutien à la structuration de la filière maraichère dans la région Centre du Burkina Faso (Ouagadougou). Ce projet reposait sur plusieurs actions : une aide à la structuration des producteurs en coopérative ; une aide à la formation des producteurs (notamment aux pratiques d’agro-écologie) ; la réhabilitation d’un ancien entrepôt en local frigorifique à Ouagadougou, destiné à stocker une partie de la production et à assurer un meilleur prix de vente aux producteurs en vendant les produits hors saison ; une identification des marchés d’écoulement des produits.

Le projet a bénéficié de la toute première facilité de financement des collectivités territoriales (FICOL) attribuée par l’AFD et est actuellement en cours d’audit : la partie amont (structuration des producteurs, formation…) a été une réussite globale ; la réhabilitation de l’entrepôt a dû être interrompue suite à des risques trop importants de fraude localement (la région doit prochainement verser à l’AFD la partie non consommée de ces crédits ) ; plusieurs enquêtes de marché ont été effectuées démontrant l’existence d’un marché pour ce type de produits.

En outre, un rapprochement a été envisagé avec la ville de Grenoble, qui dispose d’un partenariat avec la ville de Ouagadougou notamment sur l’alimentation dans les cantines scolaires. L’objectif serait de leur fournir des produits issus des exploitations soutenues par la région Bretagne, qui sont de qualité (agriculture biologique ou respectueuse de l’environnement).

Les collectivités ont également un rôle particulier à jouer dans l’Alliance Sahel. À cet égard, nous nous réjouissons de la priorité donnée à la feuille de route Sahel en capitalisant notamment sur la création de l’Association des pouvoirs locaux au Sahel (30 août 2019) et l’organisation des premières assises de la coopération décentralisée franco-sahéliennes à Poitiers (octobre 2019).

Pour encourager la coopération décentralisée, il convient de sortir de l’assiette des dépenses de fonctionnement soumises à « régulation » budgétaire les subventions de l’État, de ses opérateurs et de l’Union.

2.   Les organisations de la société civile

Le rapport d’Hervé Berville appelle à faire passer les organisations de la société civile (OSC) de « prestataires » à de véritables partenaires de l’aide au développement, ce qui implique non seulement d’accroître le volume d’aide transitant par ces dernières, mais aussi de les associer davantage à la conception des projets. Or si le budget de l’aide transitant par la société civile est en augmentation (6,9 % de l’APD bilatérale totale en 2019, avec une cible à 9 % en 2023), il reste inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, dont l’APD bilatérale transitant par les organisations de la société civile s’élève à 15 %.

En outre, les OSC mériteraient d’être davantage associées à la gouvernance de la politique de développement. À cet égard, le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale est un espace de dialogue important pour les ONG, où elles disposent d’un collège. Cependant, les recommandations qui en résultent manquent de suivi et d’articulation avec les autres instances de pilotage de la politique de développement.

En outre, si les ONG sont généralement consultées dans le cadre de la construction des différentes stratégies de l’AFD (notamment les stratégies pluriannuelles dédiées aux ONG), il ne s’agit que d’une consultation qui n’a pas de caractère systématique, et qui ne fait pas l’objet d’un suivi dédié qui les associerait.

Par ailleurs, il est regrettable que les ONG ne disposent actuellement pas de représentant ni au conseil de surveillance d’Expertise France, ni au Conseil d’administration de l’AFD.

S’agissant des organisations de la société civile, votre rapporteure soutient les propositions suivantes :

- réserver un siège aux ONG dans les instances de pilotage de l’AFD et d’Expertise France ;

inclure dans les lettres de mission des ambassadeurs l’objectif d’associer la société civile aux projets de développement ;

- inclure un représentant des organisations de la société civile dans les délégations ministérielles lors des déplacements internationaux des ministres.

3.   La recherche

La France dispose d’une recherche d’excellence en matière de développement, qui doit être plus étroitement associée tant dans la conception et la mise en œuvre des projets que dans leur évaluation. Il ressort de certaines de nos auditions que les chercheurs sont davantage perçus comme des « consultants » que comme de véritables partenaires.

Sur le terrain, la coopération entre les acteurs de la recherche et l’AFD est souvent tributaire des personnes en place et n’a pas de caractère systématique, en l’absence de coopérations structurées. Le recours par les bailleurs à leur service de recherche interne et le manque de culture scientifique de certains acteurs du développement expliquent également l’insuffisante prise en compte des résultats de la recherche externe avant le lancement ou la mise l’échelle des projets de développement.

Le recours à la recherche interne présente, en outre, un risque de conflits d’intérêts : une évaluation par l’AFD d’un projet qu’elle finance peut poser un problème d’objectivité.

Par ailleurs, les données et résultats des évaluations publiques manquent de transparence, alors même qu’ils sont un élément essentiel de la redevabilité et constituent un outil précieux pour l’ensemble des chercheurs.

Enfin, contrairement à d’autres pays, il n’y a pas de guichet unique pour le financement de la recherche en développement.

Votre rapporteure est donc favorable aux propositions suivantes :

 - rendre systématique l’évaluation indépendante des projets d’envergure : consacrer à la recherche externe une partie des financements des projets importants ;

- diffuser en accès libre tous les résultats des évaluations des projets ;

instaurer un guichet unique, au sein de l’Agence nationale de recherche, pour le financement de la recherche dans les pays du Sud.

 

4.   Les citoyens

Contrairement au Royaume-Uni, où les questions de développement ont une place importante dans le débat public, elles restent en France principalement réservées aux spécialistes. Or l’imbrication des destins des citoyens du Sud et de ceux du Nord ainsi que l’effort budgétaire croissant consacré à la politique de développement justifient que la politique de développement prenne davantage de place dans le débat public.

Parmi les citoyens, deux types de population méritent une attention particulière : les jeunes et les diasporas.

Comme le rappelle Hervé Berville dans le rapport précité, « le soutien au volontariat des jeunes est marqué par un manque d’ambition et s’s’inscrit dans un cadre institutionnel peu lisible », et la politique de développement laisse peu de place à l’initiative des jeunes, alors qu’ils doivent constituer une « force motrice de l’action à long terme » et que leur engagement est une voie privilégiée de la sensibilisation des citoyens aux enjeux du développement.

À cet égard, il conviendrait qu’une partie des jeunes engagés dans un service civique puisse le faire dans un projet de développement à l’international.

De même, les diasporas sont un atout précieux qu’il faut mieux valoriser dans la politique d’aide au développement, sur le modèle des initiatives d’Expertise France.

LA MOBILISATION DE LA DIASPORA PAR EXPERTISE FRANCE

Expertise France est engagée dans deux programmes pour mobiliser les talents et les ressources de la diaspora vivant en Europe ou nouvellement réinstallée en Afrique :

- le dispositif Meet Africa II, qui vise à favoriser la création d’entreprises et d’emplois en Afrique notamment en accompagnant sur le plan technique les entrepreneurs pour la création ou le développement de leur entreprise, le financement de projets portés par la diaspora et l’identification de dispositifs financiers complémentaires mobilisables. Le projet est cofinancé par l’Union européenne et l’AFD, pour une montant de 8,5 millions d’euros, de 2020 à 2023 ;

- le dispositif des cadres en mobilité volontaire en Afrique (CMVA) vise à placer les diasporas africaines au cœur de la relation entre la France et l’Afrique via la promotion de la mobilité de l’expertise et la valorisation des compétences des diasporas euro-africaines en réponse à des besoins identifiés dans et par les pays partenaires. Les cadres recherchés devront justifier d’un lien fort avec l’Afrique et le dispositif cible des experts, des fonctionnaires ou des personnes hautement qualifiées travaillant ou ayant travaillé dans des administrations françaises ou européennes. Ils seront déployés sur le court, moyen ou long terme en Afrique. La flexibilité de cet outil permet à la fois de répondre à des demandes spécifiques et d’être associé à des projets de la coopération française et internationale. Ce dispositif sera opéré par Expertise France sur financement de l’AFD.

5.   Le secteur privé et les acteurs philanthropiques

Dans un contexte de contraintes budgétaires et de besoins croissants des pays prioritaires à la suite de la crise, le secteur privé et les acteurs philanthropiques apparaissent encore insuffisamment associés à la politique de développement.

Ainsi, le MEAE souhaite davantage impliquer les acteurs philanthropiques, qui sont, par leurs pratiques innovantes et pérennes, devenus incontournables dans le domaine de la coopération internationale. C’est l’objet de la stratégie « Philanthropie et Développement » du MEAE, qui sera publiée d’ici la fin de l’année 2020. La France entretient un partenariat actif avec la Fondation Aga Khan, une des entités du pilier social du Réseau Aga Khan pour le développement (AKDN). Cette coopération a été formalisée par la signature en 2008 d’une convention de partenariat entre le Département, l’Agence française de développement (AFD) et l’AKDN. L’accord prévoit des interventions conjointes dans plusieurs secteurs (éducation, santé, soutien au secteur privé, microfinance, culture, environnement, développement rural et sécurité alimentaire, etc.) et s’est concrétisé par la mise en œuvre d’une cinquantaine de projets, tous secteurs et géographies confondus. Ce partenariat porte, entre autres, sur l’Institut médical français pour la mère et l’enfant (IMFE) en Afghanistan, créé en 2006 avec l’ONG française la Chaîne de l’Espoir, qui contribue à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 en Afghanistan.

La France entretient également un partenariat avec la Fondation Bill & Melinda Gates (FBMG) qui est, de loin, la première fondation contribuant au développement, tant par son capital (46,8 Mds USD) que par ses capacités de financement de projets (4 Mds$ en 2018). Formalisé en 2010 sous la forme d’un plan d’action conjoint, le partenariat entre la France et la Fondation Gates est dynamique et diversifié (santé, genre, énergie, développement agricole et sécurité alimentaire, eau et assainissement, inclusion financière, financements innovants), avec une priorité partagée pour l’Afrique subsaharienne. Un accord-cadre de coopération lie également l’AFD et la Fondation Gates depuis 2016.

C.   AmÉliorer l’Évaluation de l’aide publique

1.   Un suivi plus quantitatif que qualitatif

L’indicateur de suivi de l’aide publique au développement, basé sur les règles de comptabilisation de l’OCDE, mesure le volume de dépenses en pourcentage du RNB, ce qui a plusieurs effets pervers : d’une part, certaines dépenses comptabilisées ne concernent pas directement le développement, comme les frais administratifs des États bailleurs de fonds ; d’autre part, certaines dépenses qui pourraient relever de la politique de développement ne sont pas incluses, comme les activités de maintien de la paix. Surtout, un tel indicateur ne permet pas de mesurer l’impact et la qualité de l’aide.

2.   Une politique d’évaluation morcelée

Le rapport d’Hervé Berville avait déjà souligné le caractère morcelé de l’évaluation de l’aide : trois pôles distincts réalisent le suivi interne (l’unité d’évaluation des activités de développement du ministère de l’économie et des finances, le pôle de l’évaluation et de la performance du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le département de l’évaluation et de l’apprentissage de l’Agence française de développement). Surtout, le cadre évaluatif est lacunaire : les évaluations menées se concentrent davantage sur l’organisation institutionnelle, la gestion et les enjeux financiers que sur la cohérence, l’efficacité et l’impact de l’aide.

Plusieurs institutions réalisent également un suivi externe de l’aide (notamment le Parlement, la Cour des comptes et l’OCDE). Les ONG publient également des analyses régulières, qui contribuent à l’appropriation de la politique de développement par les citoyens.

Par ailleurs, la fragmentation budgétaire de la mission « APD » nuit à sa bonne évaluation.

3.   La nécessaire création d’une commission d’évaluation indépendante

Dans le contexte de la hausse des moyens consacrés à l’aide publique au développement, le CICID de 2018 a annoncé la mise en œuvre d’une politique ambitieuse d’évaluation de l’aide au développement, avec pour objectif une redevabilité accrue sur les résultats des projets et la prise en compte des enseignements tirés des évaluations dans les nouveaux projets. En 2017 et 2018, deux rapports parlementaires ([1]) ont souligné la nécessité de mettre en place un dispositif d’évaluation plus performant de l’APD française et recommandé en particulier la mise en place d’une commission indépendante d’évaluation, sur le modèle de l’organisme dédié britannique.

LA COMMISSION INDÉPENDANTE D’ÉVALUATION BRITANNIQUE

Créée en 2011, l’Independant committee on aid impact (ICAI) est indépendante du ministère du développement international. Elle est dirigée par un collège de trois commissaires nommés par le secrétaire d’État au développement international pour un mandat de quatre ans non renouvelable, qui déterminent la politique d’évaluation, la programmation et le suivi, par le gouvernement, des recommandations émises. L’ICAI dispose d’un secrétariat qui coordonne les travaux des équipes d’évaluation et fait appel aux services de consultants privés pour la conduite des évaluations. Le budget annuel de la commission s’élève à environ 5 millions d’euros, dont plus des trois quarts sont consacrés à la rémunération de consultants. L’ICAI réalise chaque année une dizaine d’évaluations, qui donnent lieu à des rapports publics et à des recommandations auxquelles les ministères doivent répondre dans un délai de six mois. Chaque évaluation est publiée sur le site de l’ICAI et suivie d’une audition devant la sous-commission parlementaire pour le développement international de la Chambre des communes.

Le modèle français d’évaluation de l’APD pourrait s’inspirer de ce modèle. Le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit la création d’une commission d’évaluation indépendante de la politique de développement afin de mieux évaluer son impact ainsi que les coûts de gestion des différents canaux d’acheminement de l’aide. Le renforcement de la transparence et de la visibilité de la politique de développement favorisera par ailleurs une meilleure appropriation citoyenne des enjeux de l’aide.

Votre rapporteure est très favorable à la création d’une commission d’évaluation indépendante, qui inclurait la présence de parlementaires, dans le cadre du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Au cours de sa réunion du mardi 13 octobre 2020, la commission reçoit en audition M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Nous remercions Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, de revenir devant nous moins d’une semaine après une audition qui nous a permis de faire un large tour d’horizon de la situation internationale, pour nous présenter cette fois les crédits du projet de loi de finances pour 2021 alloués à son ministère.

Je tiens à excuser notre présidente, Marielle de Sarnez, qui ne peut être présente pour des raisons de santé et je lui souhaite, en notre nom à tous, un très bon rétablissement.

Comme chaque année depuis le début de la législature, notre commission a désigné neuf rapporteurs budgétaires pour donner un avis sur les crédits finançant l’action diplomatique de la France et notre présence à l’étranger. Trois d’entre eux ont pour mission d’examiner les programmes pilotés directement par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères : il s’agit de Christophe Di Pompeo, pour les programmes 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », et 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », de Frédéric Petit, pour les crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », et de Valérie Thomas, pour le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère seront stabilisés et augmenteront même légèrement en équivalents temps plein. La mission « Action extérieure de l’État » verra ses moyens augmenter, notamment pour renforcer le réseau à l’étranger dans les domaines de la sécurité et de l’immobilier. La direction du numérique disposera de moyens renforcés et les crédits de fonctionnement des ambassades seront augmentés. Conformément à l’engagement du Président de la République, l’aide publique au développement poursuivra sa progression en crédits de paiement – plus 17 % pour le programme 209 –, aussi bien pour la coopération bilatérale que pour la coopération multilatérale. À ce propos, nous souhaiterions connaître le calendrier d’examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Notre commission, qui a engagé une réflexion très en amont sur le sujet, vous a transmis ses priorités.

Autre grand sujet d’actualité que nous n’avons pu aborder la semaine dernière : le Brexit et nos futures relations avec le Royaume-Uni. Ces questions ne sont d’ailleurs pas sans lien avec la loi de finances, eu égard au prélèvement européen et à l’évolution des ressources propres pour le financement du plan de relance.

Concernant le Brexit, je dois exprimer les inquiétudes de mes collègues quant aux décisions qui pourraient être prises demain et après-demain par le Conseil européen concernant la pêche, certains États étant prêts à accepter que le Royaume-Uni accorde des droits de pêche dans ses eaux territoriales sur une base annuelle. Pour assurer le suivi de ces négociations, notre commission a créé une mission d’information confiée à Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd et constitué un groupe de travail auquel participent l’ensemble des groupes politiques. Dans ce cadre, monsieur le ministre, la présidente Marielle de Sarnez vous avait adressé, en février dernier, les recommandations de notre commission.

Nous aimerions donc vous entendre sur l’ensemble de ces questions.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Mesdames, messieurs les députés, j’ai toujours plaisir à revenir devant vous. À ce propos, je souhaite que nous nous revoyions au début du mois novembre, peu après l’examen du budget de mon ministère en séance publique, d’abord parce que les crises, nombreuses, continuent d’évoluer, ensuite parce que nous serons à un moment crucial du Brexit.

J’adresse tous mes vœux de rétablissement à Mme de Sarnez, votre présidente en titre.

Je dois dire, madame la présidente, que je suis un peu perplexe, car vous avez déjà presque tout dit du budget de mon ministère. En hausse de 3 % en 2020, il augmentera encore de 8 % en 2021, pour atteindre 5,411 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 411 millions de plus que l’an dernier.

Il est composé de deux missions : d’une part, la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits, qui s’établissent à 2,93 milliards, bénéficient d’une augmentation non négligeable de 66 millions d’euros ; d’autre part, le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », dont l’augmentation est très significative puisqu’elle est de 16 %, soit 344 millions supplémentaires en crédits de paiement.

Je suis donc satisfait de ce budget, qui présente une véritable amélioration, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. J’y insiste car, l’an dernier, vous avez été nombreux à exprimer des inquiétudes – fondées, selon moi – sur les moyens dont dispose notre diplomatie pour agir. Grâce au PLF pour 2021, nous nous inscrivons dans une dynamique de renforcement de nos moyens pour rétablir dans la durée, je l’espère, le poids et la force budgétaires indispensables au Quai d’Orsay pour mener à bien les missions qui lui sont confiées.

Ce budget est au service des cinq orientations majeures que j’ai définies pour notre diplomatie : des moyens nouveaux pour donner plus d’efficacité à l’action de la France à l’étranger ; une diplomatie à même de faire face à la brutalisation du monde et des relations internationales en défendant la paix, en pesant sur les règlements des crises et en soutenant le système multilatéral ; des services consulaires renforcés aux côtés de nos compatriotes dans cette période difficile ; un nouvel élan donné à notre diplomatie culturelle afin de mieux défendre nos intérêts, nos valeurs et notre modèle français et de gagner les batailles nouvelles de l’influence ; enfin, un effort soutenu en faveur de l’aide publique au développement.

Première orientation, donc : des moyens nouveaux pour une meilleure efficacité de l’action extérieure de l’État. Moyens humains, tout d’abord : pour la première fois depuis vingt ans, j’y insiste, les effectifs du ministère seront stabilisés. En la matière, l’élément déclencheur a été, me semble-t-il, la mobilisation exemplaire dont nos agents ont fait preuve au moment de la crise sanitaire pour permettre le retour en France des quelque 370 000 Français de passage et apporter un soutien sanitaire, social et éducatif aux communautés françaises à l’étranger. Le dévouement et les compétences irremplaçables dont ils ont fait la démonstration ont contribué à la décision de revenir sur l’orientation initialement prévue et de stabiliser les effectifs du Quai d’Orsay en 2021. Il était en effet urgent d’enrayer l’hémorragie – certains d’entre vous avaient employé le mot « saignée ». J’avais annoncé que je me battrais pour y mettre fin ; si le combat n’est pas gagné définitivement, il l’est en tout cas pour 2021, puisque notre plafond d’emplois sera maintenu à 13 563 équivalents temps plein et notre masse salariale maîtrisée, s’établissant à 990 millions d’euros hors cotisations et hors transfert. C’est une décision salutaire au service de nos priorités.

Je précise que cette masse salariale sera augmentée de quelque 15 millions, en raison notamment de l’intégration dans le projet de budget d’une enveloppe spéciale de 11 millions destinée à couvrir le risque de change et de prix pesant sur les rémunérations des agents du ministère et à garantir ainsi leur pouvoir d’achat face aux fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l’étranger, fluctuations qui sont souvent, pour ce qui est de l’inflation, très supérieures à ce que l’on observe en France. Jusqu’à présent, la prise en compte de ces éléments n’intervenait qu’en fin d’exercice, et nous rencontrions des difficultés parfois assez vives pour bénéficier de la réelle affectation des crédits correspondants. Le dispositif de provisions, qui existait déjà en partie l’année dernière, est désormais conforté, car il a fait la preuve de son efficacité : il permet une plus grande transparence et garantit le pouvoir d’achat de nos agents à l’étranger.

Outre ces 11 millions, les crédits de personnel bénéficient d’une enveloppe supplémentaire de 4,3 millions destinée à financer des mesures essentielles en matière de gestion des ressources humaines. Il s’agit, d’une part, de revaloriser la rémunération des agents de droit local dans certains pays et, d’autre part, d’assurer une plus grande égalité entre agents titulaires et contractuels. Je tenais à souligner cette avancée, car elle est sans précédent.

Cette stabilisation de nos moyens humains s’accompagne d’un renforcement de nos moyens de fonctionnement, en particulier dans trois domaines cruciaux pour l’efficacité de l’action diplomatique : l’immobilier, la sécurité et le numérique. Les crédits des services centraux enregistrent ainsi une forte hausse, de 46 millions d’euros.

S’agissant de l’immobilier, nous allons poursuivre, comme je m’y étais engagé, le réinvestissement dans notre patrimoine, notamment à l’étranger. Vous accordez, je le sais, une grande importance au financement de notre politique immobilière ; j’ai veillé à ce que soient prises en compte les préoccupations, parfaitement fondées me semble-t-il, que vous avez exprimées quant à l’entretien de ce patrimoine exceptionnel. Les moyens alloués à l’entretien des quelque 1 800 biens que compte notre parc immobilier seront donc substantiellement augmentés.

Quant aux modalités de financement de notre politique immobilière, elles seront revues en profondeur afin de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions. Le budget immobilier augmentera ainsi de 33 %, pour atteindre 107 millions sur le programme 105. Ces crédits nous permettront de lancer de nouvelles opérations en complément de celles déjà engagées ou reportées. Ces opérations, au nombre de vingt-cinq, porteront notamment sur la rénovation des emprises à Lagos, la rénovation de l’immeuble le Grenoble à Naples, la relocalisation de notre ambassade à Kiev, la rénovation des façades du palais Farnèse, la relocalisation de l’ambassade à Manille, la restructuration de l’institut français à Mexico – nous pourrons en communiquer la liste complète à vos rapporteurs pour avis, s’ils le souhaitent.

Par ailleurs, nous avons durement négocié avec le ministère de l’action et des comptes publics et la direction de l’immobilier de l’État pour bénéficier d’un droit de retour à 100 % du produit des cessions des biens du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723. Nos investissements immobiliers bénéficient ainsi de deux sources de financement : le programme 105 et le CAS 723, soit un total de 121,3 millions cette année. C’est une bonne nouvelle : rappelez-vous le débat que nous avions eu il y a deux ans sur la vente des « bijoux de famille ».

La sécurité des postes à l’étranger est l’une de mes principales préoccupations depuis que j’occupe mes fonctions. Je vous confirme que le plan quadriennal de sécurisation de nos ambassades et des lycées français sera finalement achevé en 2021, en raison de l’impact de la crise du covid sur notre plan de charge en 2020. À ce jour, 100 % des emprises dans les pays en crise ont été renforcées, 93 % d’entre elles l’ont été dans les pays soumis à une menace terroriste prégnante et 82 % dans les pays en proie à des instabilités politiques, sociales ou criminelles. Les crédits que nous venons de recevoir de la direction de l’immobilier de l’État et le rebasage de la subvention que nous verserons à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2021 nous permettront de finaliser l’ensemble de ces travaux. Les crédits consacrés à la sécurité augmenteront de 7,4 millions en 2021.

Enfin, face aux défis mis en lumière par la crise sanitaire, le ministère investira l’an prochain 9 millions supplémentaires dans la numérisation de ses activités pour porter le budget total à près de 50 millions d’euros, soit une augmentation de 22 %. Ce renforcement répond à un triple besoin. Un besoin de sécurité, d’abord, car notre ministère est l’un des sites ministériels les plus exposés aux attaques en raison de la nature même de son réseau informatique. Un besoin technique, ensuite : il est urgent de renforcer nos outils de mobilité et de communication dont j’ai constaté l’insuffisance durant la crise – nous allons ainsi doter nos agents d’ordinateurs portables dits Itineo, qui permettent le télétravail. Un besoin de modernisation du service que nous rendons à nos usagers, enfin : il s’agit notamment de simplifier les démarches administratives des Français ; j’y reviendrai.

Nous avons ainsi conçu un plan pluriannuel doté de 13 millions en autorisations d’engagement pour acquérir des outils de mobilité supplémentaires, sécuriser davantage le flux de données, moderniser notre réseau informatique et développer de nouvelles applications.

Deuxième orientation : la poursuite de notre engagement en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons les deux tiers des crédits du programme 105, soit 718 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France. Les secondes s’élèveront ainsi, l’an prochain, à près de 673 millions, dont plus des trois quarts sont versés à l’Organisation des Nations unies (ONU), opérations de maintien de la paix, qui représentent 294 millions, incluses. Cependant, le renforcement de l’euro face au dollar nous permet de dégager une marge de 16 millions, que nous utiliserons pour marquer notre soutien aux organisations internationales œuvrant pour la paix et la sécurité internationale, en l’espèce l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et le Fonds pour la consolidation de la paix, qui intervient au nom de l’ONU lors des phases transitoires qui suivent la fin d’une situation conflictuelle. Il s’agit là de nos fondamentaux. Nous occupons une place importante aux Nations unies, dont le département des opérations de paix est dirigé par l’un de nos compatriotes, et la non-prolifération nucléaire et chimique a besoin d’un soutien significatif.

Troisième priorité : le renforcement de notre action consulaire.

Certes, le budget de l’action consulaire au service des Français résidant à l’étranger, qui relève du programme 151, reste stable, à 136 millions. Mais cette stabilité masque l’important effort financier engagé en 2020 pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise pour les Français de l’étranger. En effet, 200 millions additionnels ont été débloqués, grâce au Parlement, fin juillet pour apporter à nos compatriotes de l’étranger un appui social et éducatif. Cet appui a pris la forme, sur le programme 151, d’un secours de solidarité doté de 50 millions et d’un renforcement des bourses scolaires pour un montant identique, sur le programme 185, d’une aide exceptionnelle de 50 millions de subventions supplémentaires pour aider les familles qui ont fait le choix de l’enseignement français à l’étranger et, sur le programme 823, de 50 millions additionnels sous la forme d’avances de France Trésor destinées à aider nos établissements. Ces crédits sont en cours de consommation, sachant qu’une partie d’entre eux ont vocation à être reportés sur 2021 dans la mesure ils ont été surtout mobilisés au moment de la rentrée.

Les moyens de l’aide sociale seront, quant à eux, renforcés de 17 % en 2021, pour atteindre 20 millions, afin de continuer à apporter tout le soutien nécessaire aux communautés françaises à l’étranger et de répondre aux incertitudes économiques exacerbées par la crise sanitaire qui pèsent sur leur quotidien. Nous allons nous battre pour que soit garanti le report en 2021 d’une partie des crédits obtenus en 2020 pour l’année scolaire 2020-2021, en veillant à ce qu’ils ne fassent pas l’objet de prélèvements qui ne seraient pas conformes à leur destination – mais nous pouvons compter sur la vigilance de vos rapporteurs pour avis.

Le budget pour 2021 permettra également de poursuivre la modernisation de notre action consulaire. Plus de 4 millions seront ainsi dédiés à des projets emblématiques tels que le vote par internet, qui se concrétisera avec les élections consulaires de mai 2021 ; la mise en place du service France consul@ire, centre de réponse téléphonique et courriel unique dont l’expérimentation, initialement prévue en 2020, a dû être reportée d’un an ; le registre des actes de l’état civil électronique (RECE), dont la première phase débutera début 2021 – cet outil sera très utile pour tous nos compatriotes, qu’ils vivent à l’étranger ou sur le territoire national, et l’antenne du ministère située à Nantes va devenir en quelque sorte la première mairie de France pour tout ce qui regarde l’état civil. Quant au développement du projet France-Visas, qui relève du budget du ministère de l’intérieur, il sera poursuivi avec un objectif d’achèvement en 2022.

Quatrième orientation : la diplomatie d’influence.

Dans le contexte d’intensification et d’extension de la compétition internationale à tous les domaines, il est en effet essentiel de consolider nos outils de diplomatie culturelle et d’influence. Ce budget nous permettra de faire un pas supplémentaire en ce sens. Vous le savez, je considère la diplomatie culturelle et d’influence comme un élément essentiel de notre diplomatie globale – j’allais dire : de notre arsenal diplomatique. Cette métaphore est, à l’heure où nous parlons, parfaitement justifiée car l’influence est désormais l’un des marqueurs de la puissance. Négliger la première, c’est affaiblir la seconde. C’est pourquoi je me bats, depuis le début du quinquennat, pour que ces crédits ne jouent plus, comme c’était le cas chaque année auparavant, le rôle de variable d’ajustement. Je me suis donc efforcé de maintenir ce budget en l’état. Ce sera à nouveau le cas en 2021 : les crédits que nous allons lui consacrer progressent même légèrement, de 3 millions, hors dépenses de personnels.

Pour 2021, nous avons défini trois priorités : la promotion et la diffusion de la langue française et l’impulsion d’une nouvelle dynamique de développement de l’enseignement français à l’étranger ; le rayonnement culturel et artistique, qui passe notamment par la diffusion et l’exportation de nos industries culturelles et créatives, les ICC ; la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques, auxquels je suis particulièrement attaché – je pense singulièrement à l’université franco-sénégalaise et à l’université de Tunis –, et l’attractivité de notre pays dans la formation des talents étrangers.

Là encore, il nous a paru indispensable de consentir un effort supplémentaire de modernisation numérique pour développer des offres innovantes de cours et produits culturels à distance, en complément des ressources offertes sur place au public par nos établissements, les activités dites en présentiel étant directement affectées par la crise. Cet effort de transition numérique se poursuit en lien avec l’Institut français de Paris et la Fondation des Alliances françaises.

S’agissant de nos opérateurs, nous augmentons légèrement notre appui. Les moyens de l’AEFE sont en hausse de 9 millions, en particulier pour la sécurisation des écoles. Je fais observer que, conformément à ce que j’avais indiqué l’an dernier, la dotation de l’agence consolide en base la dotation exceptionnelle de 26,4 millions en faveur du développement de l’enseignement français à l’étranger, que vous avez votée en 2019 et dont certains doutaient de la prolongation. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le développement maîtrisé du réseau d’établissements d’enseignement français à l’étranger n’a pas été perturbé par la crise sanitaire, puisque près de quinze homologations supplémentaires sont d’ores et déjà intervenues cette année. Le mouvement se poursuit donc, même s’il est plus lent que prévu.

Je vous confirme également que, sur le programme 151, l’enveloppe des bourses scolaires sera maintenue à hauteur de 105 millions d’euros, comme les années précédentes. Bien entendu, l’enveloppe exceptionnelle de 50 millions que j’ai évoquée tout à l’heure peut être mobilisée, le cas échéant. Et si d’aventure se présentait une difficulté, nous recourrions à la soulte accumulée par l’AEFE et liée à la sous-consommation de cette ligne les années passées. Les subventions à Campus France et à l’Institut français de Paris sont, pour leur part, maintenues. Par ailleurs, pour tenir compte de la baisse conjoncturelle du nombre d’étudiants liée à la crise, le programme des bourses pour étudiants étrangers est réduit temporairement de 6 millions et s’élèvera à 58 millions. Je prendrai les mesures correctives qui s’imposent dès l’an prochain pour augmenter cette ligne budgétaire clé pour l’attractivité de notre pays.

J’ajoute que notre opérateur Atout France bénéficiera d’une subvention de 28,7 millions en 2021, en complément des fonds exceptionnels ouverts en juillet pour développer l’opération « Cet été, je visite la France ».

Enfin, le budget pour 2021 traduit un effort soutenu en faveur de l’aide publique au développement (APD).

Hors dépenses de personnel, les crédits budgétaires du ministère consacrés à ce secteur progressent de 344 millions, soit une hausse de 17 %. Cette progression nous permettra de maintenir une trajectoire ascendante dans la perspective de consacrer à l’aide publique au développement 0,55 % de notre richesse nationale d’ici à 2022. Quant au projet de loi de programmation relatif à la politique de développement et de lutte contre les inégalités mondiales, initialement prévu pour mars dernier, il sera présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, au moment où se tiendra le Forum de la paix, du 11 au 13 novembre – à savoir soit le mercredi précédent, soit le mercredi suivant –, de manière à l’inscrire dans cette dynamique générale d’action en faveur de la paix. Nos engagements seront donc tenus, et cela malgré la pandémie.

Conformément aux orientations du Président de la République, la composante bilatérale de l’APD – dont le renforcement est une de nos préoccupations majeures – augmentera fortement en 2021. Ainsi, la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire le don-projet et les dons ONG, qui reste notre ligne centrale de l’aide bilatérale, se poursuit. Ces moyens sont portés, en crédits de paiement, à 733 millions, soit une augmentation de 154 millions. Il s’agit, pour la première fois, du poste budgétaire le plus important, devant les crédits dédiés au Fonds européen de développement (FED). Les nouveaux engagements sur le don-projet AFD resteront, quant à eux, supérieurs à 1 milliard d’euros en 2021, pour assurer le maintien de cette dynamique et mettre en œuvre des projets dans les secteurs prioritaires de notre action : santé, crises, égalité femmes-hommes, éducation, climat et environnement. J’avais pris l’engagement que la subvention en dons-ONG mise en œuvre par l’AFD doublerait d’ici à la fin du quinquennat : l’augmentation de 20 millions en autorisations d’engagement de cette subvention, qui atteindra 130 millions, s’inscrit dans cette dynamique.

Le renforcement de la composante bilatérale de notre APD passe aussi par les projets du Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain, le FSPI, qui permettent de financer des projets immédiats lorsqu’un conflit ou une crise se termine, par exemple. Ces fonds sont mis à la disposition des ambassadeurs pour qu’ils contribuent, souvent par anticipation, au financement de projets très concrets, en conformité avec les engagements de Ouagadougou et en complément de l’action de l’AFD, dont les projets s’inscrivent plutôt dans un moyen terme. J’apprécie la réactivité de nos ambassadeurs dans ce domaine.

Quant à l’aide humanitaire, elle bénéficiera d’un nouvel effort budgétaire de 82,4 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, pour s’établir à 329 millions l’an prochain. Je m’étais engagé à atteindre 500 millions en 2022 ; je crois que nous y parviendrons – et nous sommes partis de loin ! Cette aide prend trois formes : le Fonds d’urgence humanitaire, géré par le Centre de crise et de soutien, le CDCS ; l’aide alimentaire programmée, gérée par la direction générale de la mondialisation ; des contributions volontaires aux organisations internationales qui participent à l’aide humanitaire, notamment le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

Par ailleurs, les crédits relatifs à l’appui à la coopération décentralisée seront stabilisés à hauteur de 11,5 millions, en raison d’une sous-consommation liée aux élections municipales et à la crise sanitaire. Ils augmenteront à nouveau lorsque les projets pourront être mis en œuvre. Nous avons besoin de l’expertise des collectivités locales et j’espère que nous pourrons rétablir rapidement une collaboration étroite ; je pense notamment à l’Alliance pour le Sahel, qui doit prendre une place significative.

Notre action en matière de développement s’inscrit également bien entendu dans une logique multilatérale.

Pour confirmer notre appui au multilatéralisme, nos contributions volontaires augmenteront de 36 % l’an prochain, pour s’établir à 317 millions d’euros en crédits de paiement, et seront centrées sur trois priorités.

Premièrement, les questions humanitaires, via notamment le bureau de coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations unies.

Deuxièmement, les biens publics mondiaux, et singulièrement la santé, qui bénéficiera en 2021 de crédits du programme 209, de financements du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont les ressources sont issues de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, et de 50 millions de la mission « Plan de relance ». Concrètement, ces crédits nous permettront de financer le maintien de notre contribution au fonds français Muskoka, qui améliore l’accès des femmes et des enfants aux soins de santé primaire, notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – à hauteur de 50 millions sur le programme 209 et de 263 millions sur le FSD – et une contribution additionnelle exceptionnelle à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 25 millions, dans le contexte de la crise sanitaire. Cette contribution fait suite à une première contribution exceptionnelle d’un même montant versée cette année dans le cadre de notre soutien à ACT-A (Access to covid-19 tools) qui, sur l’initiative du Président de la République, de la Commission européenne et de l’OMS, réunit des États, des organisations internationales et des acteurs philanthropiques pour lutter contre la pandémie – la France y a contribué à hauteur de 510 millions.

Nous financerons également, l’an prochain, des actions au service des autres biens publics mondiaux que sont, d’une part, l’éducation, en contribuant au Partenariat mondial pour l’éducation, et, d’autre part, le climat, avec notamment une contribution à l’initiative CAFI (Central african forest initiative), qui protège les forêts d’Afrique centrale, et au Fonds mondial pour les récifs coralliens.

Troisièmement, les droits de l’homme. Nous mettrons l’accent sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera au cœur du Forum Génération Égalité que la France coorganisera avec le Mexique et accueillera en 2021. De même, nous contribuerons au programme Affirmative finance action for women in Africa (AFAWA), initiative prise à l’occasion du G7 de Biarritz et qui vise à réduire le coût de l’accès au crédit pour les femmes en Afrique, en mettant à disposition des prêts à des taux plus abordables, et, à hauteur de 2,6 millions, au fonds Mukwege, qui soutient les victimes de violences sexuelles dans les conflits.

Je n’oublie pas, en cette année du cinquantenaire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la contribution statutaire et volontaire que nous versons aux opérateurs de la francophonie, en particulier à l’OIF, dont le montant progresse légèrement afin de permettre à celle-ci d’organiser le sommet qui se tiendra en Tunisie en 2021 – il devait avoir lieu en décembre mais a été reporté en raison des circonstances – et qui marquera la force de la francophonie.

Enfin, notre politique de développement se déploie dans une logique européenne. Plus du tiers du programme est destiné à financer le Fonds européen de développement (FED), qui est appelé à changer de statut. Jusqu’à présent, le FED était destiné aux pays signataires de la Convention de Lomé et de l’accord de Cotonou, dits pays ACP – pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique –, avec pour objectifs de combattre la pauvreté, de promouvoir le développement durable et d’intégrer progressivement les pays signataires dans l’économie mondiale. Nous sommes le deuxième contributeur à ce fonds. Nous veillerons à ce que nos priorités soient bien prises en considération dans le futur cadre financier pluriannuel européen et le futur instrument unique européen, qui réunira le Fonds européen de développement et des fonds jusqu’à présent affectés aux politiques de voisinage, en particulier au Partenariat oriental et aux partenaires du Sud – mais je crois que ce sera à peu près le cas.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir exposé vos priorités. Vous avez montré que les exigences que nous avions pu avoir les années précédentes avaient bien été prises en considération. Je ne doute pas que mes collègues vont se faire à présent les hérauts de nouvelles, car ces questions tiennent à cœur à beaucoup d’entre nous.

Mme Valérie Thomas. Avant toute chose, je veux exprimer, au nom du groupe La République en marche, toute notre amitié à notre présidente Marielle de Sarnez et lui dire combien elle nous manque.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de la satisfaction du groupe LaREM concernant ce PLF pour ce qui regarde les crédits alloués au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en hausse de 8 % pour l’année 2021. Cette dynamique se concrétise tout particulièrement dans les crédits de la mission « Aide publique au développement », le programme 209 bénéficiant d’une hausse de 17 %. La régularité de cette hausse traduit un engagement fort de la France et du Président de la République, celui d’affecter en 2022 0,55 % de la richesse nationale brute à l’aide publique au développement ; jamais encore ce budget n’avait connu une telle trajectoire. Elle reflète également les engagements pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018. Nous attendons désormais ardemment l’examen par le Parlement du projet de loi d’orientation et de programmation qui viendra réaffirmer l’engagement de la France en faveur de la solidarité internationale.

Au-delà, je souhaiterais vous interroger sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), alimenté par la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et par la taxe sur les transactions financières (TTF). Eu égard à la crise que nous traversons et à la diminution importante des échanges internationaux par voie aérienne, une baisse du produit de la TSBA est à craindre. Quelles sont les projections dont vous disposez concernant cette taxe et en quoi cela peut-il fragiliser le financement du FSD ? Concernant la TTF, selon les chiffres fournis par la direction du budget, elle devrait rapporter 1,745 milliard d’euros en 2020, au lieu de 1,130 milliard, comme prévu dans le PLF pour 2020, et rapporter 1,572 milliard d’euros en 2021, soit nettement plus que les années précédentes. Néanmoins, comme les années précédentes, seuls 528 millions d’euros seront affectés au FSD. Serait-il envisageable d’augmenter le montant du produit de cette taxe alloué au FSD, étant donné que les crises sanitaire, économique et sociale vont creuser les inégalités et développer la pauvreté ?

Enfin, de plus en plus de voix s’élèvent chez nos homologues européens ainsi qu’au sein de la Commission européenne pour réclamer l’instauration d’une TTF commune qui pourrait contribuer au plan de relance européen. Cette TTF européenne pourrait-elle également participer à la solidarité internationale ?

M. Michel Herbillon. Il y a dans la présentation du budget que vous avez faite, monsieur le ministre, quelques bonnes nouvelles dont nous ne pouvons que nous réjouir : la stabilisation des effectifs, le renforcement des moyens de fonctionnement et une augmentation générale du budget. Nous ne pouvons aussi que soutenir les cinq orientations majeures que vous avez définies. Il faut maintenant regarder dans le détail, car, c’est bien connu, c’est parfois là que se niche le diable ; nous allons donc essayer de le débusquer en vous posant quelques questions complémentaires.

S’agissant des crédits immobiliers, les moyens dégagés sont-ils suffisants pour assurer à la fois l’entretien de notre patrimoine à l’étranger, qui en a bien besoin, et la sécurisation de nos ambassades et de nos lycées ? Quel est le calendrier retenu pour la réalisation de ce programme ?

Par ailleurs, je constate une diminution des crédits de modernisation de nos consulats, alors même qu’il serait nécessaire d’améliorer le service public qui y est délivré – notre commission est, vous le savez, particulièrement sensible à cette question. Plusieurs projets sont en cours, notamment la mise en place d’un registre des actes de l’état civil électronique, le déploiement de France-Visas en vue d’aboutir à un traitement entièrement dématérialisé des demandes de visa ou encore l’installation, initialement prévue pour 2020, de la plateforme d’accueil consulaire. Où en sont ces différents projets ?

J’en viens à la diplomatie culturelle et d’influence. Nous étions plusieurs commissaires à vous avoir proposé la création d’une ligne budgétaire nouvelle unique au sein du programme 185 concernant la sauvegarde des réseaux d’influence, pour qu’au-delà des mesures d’urgence, nous anticipions sur le moyen terme les difficultés à venir du fait de la pandémie. Vous deviez lancer une évaluation précise des besoins du réseau de coopération et d’action culturelle, avec un appui budgétaire complémentaire dès 2020. Où en est-on ?

D’autre part, l’agence de développement touristique de la France, Atout France, qui est le seul opérateur de l’État dans le secteur du tourisme, connaît à nouveau une diminution de ses crédits. Pourquoi cela, alors même que l’on peut estimer que l’année 2021 sera une année capitale pour la relance du tourisme dans notre pays ?

Quant à l’aide publique au développement, je vous donne acte de l’augmentation de ses crédits ; on ne peut que s’en féliciter. Toutefois, vous aviez évoqué le doublement des crédits de la coopération décentralisée d’ici à 2022 ; or nous constatons que son budget restera stable en 2021. Cela signifie-t-il que cet objectif est différé ? Vous avez dit que le projet de loi de programmation relatif à l’aide au développement, sans cesse reporté, serait sans doute présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre, mais avez-vous une idée plus précise du calendrier parlementaire ? À quel moment notre assemblée pourra-t-elle l’examiner ?

M. Bruno Joncour. Le budget qui vient de nous être présenté tire un certain nombre d’enseignements de la crise, ou plutôt des crises que nous traversons. Nous constatons ainsi avec satisfaction la fin de la dégradation des effectifs du ministère, que nous demandions depuis de nombreuses années. Cela faisait trop longtemps que le nombre de ses agents diminuait, alors même que les besoins étaient de plus en plus pressants. Nous savons votre engagement en la matière, monsieur le ministre, et saluons l’inversion de la courbe que vous avez réussi à enclencher. Nous appelons désormais de nos vœux un réarmement des moyens humains du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui apparaît inévitable tant les crises successives démontrent clairement que l’action de notre diplomatie devra être à l’avenir encore plus active. Ces moyens humains, nous les avons vus à l’œuvre durant la crise sanitaire ; je tiens à saluer l’action extraordinaire de tous ceux qui se sont mobilisés pour soutenir nos concitoyens partout, jusque très loin dans le monde.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a probablement été l’un des ministères qui s’est le plus réformé ces dernières décennies. Il est plus que nécessaire de lui procurer désormais les moyens de renforcer son potentiel d’action ; c’est vrai en ce qui concerne tant les moyens humains que l’immobilier ou la sécurité des points essentiels, qui constituent des enjeux majeurs.

Crise sanitaire, crise politique, enjeux militaires, multiplication des zones de conflit, politique de développement : tout cela doit nous amener à réfléchir à une nouvelle ambition pour notre diplomatie – ce à quoi vous vous employez activement et avec constance. Cela passera d’abord par la diplomatie culturelle et d’influence. Là encore, beaucoup a été fait pour réformer un secteur essentiel pour notre pays. Ainsi les crédits votés dans le PLF pour 2020 seront-ils non seulement maintenus, mais renforcés en 2021. Si nous connaissons les difficultés de l’AEFE, qui ont été accrues par la crise sanitaire, beaucoup a été entrepris pour soutenir notre réseau.

Enfin, jamais l’utilité de l’aide publique au développement n’aura été aussi évidente : on voit bien qu’aujourd’hui, les pays ont un destin commun. C’est pourquoi nous saluons le respect de l’engagement du Président de la République de renforcer notre politique de développement. Après une hausse inédite des autorisations d’engagement l’année dernière, les crédits de paiement atteignent cette année un niveau qui l’est tout autant. Nous devons désormais avancer rapidement sur la loi d’orientation et de programmation de l’aide publique au développement ; si nous voulons que les efforts budgétaires soient réellement suivis d’effets, nous devons tenir cet engagement, car les attentes sont fortes – nous avons déjà largement échangé sur le sujet, monsieur le ministre. Le groupe du MODEM et démocrates apparentés compte aborder cette question dès le début de l’examen du texte en séance ; il est désormais urgent que les choses se concrétisent.

Monsieur le ministre, il est aisé de penser que votre ministère est largement sous-doté, tant les crises dans le monde se multiplient et semblent de plus en plus violentes, nécessitant une action toujours plus résolue de la France, mais pour y faire face, il faut, outre le budget, des outils efficaces et durables. Votre action démontre que vous vous saisissez pleinement de la question. Nous devons poursuivre cette dynamique ; le groupe MODEM et démocrates apparentés vous soutiendra dans cette voie.

M. Alain David. Je souhaiterais revenir sur le plan de relance associé au projet de loi de finances et ses déclinaisons dans le domaine de l’audiovisuel extérieur, qui, vous le savez, me tient beaucoup à cœur.

Le plan de relance prévoit 70 millions d’euros pour l’audiovisuel public ; sur cette somme, 500 000 euros seulement iront à France Médias Monde. Il ne s’agit pas pour moi de contester la participation de l’audiovisuel extérieur aux mesures d’économies imposées à l’ensemble de l’audiovisuel public. Néanmoins, j’appelle à un sursaut du Gouvernement s’agissant des moyens alloués à ce formidable outil d’information et d’influence, car, dans le contexte d’une concurrence internationale toujours plus intense, qui prend parfois la forme d’une guerre de l’information, le recours à la désinformation fait rage.

De fait, nos sociétés de l’audiovisuel extérieur ont été fortement touchées par les effets de la crise sanitaire et sont malheureusement les grandes oubliées du plan de relance. Le Gouvernement serait-il prêt à soutenir des amendements visant à abonder les crédits prévus par le plan de relance en leur faveur ?

Mme Aina Kuric. L’an prochain, pour la première fois depuis vingt ans, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne verra pas ses effectifs diminuer ; c’est à saluer.

S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le niveau des autorisations d’engagement hors dépenses de personnel se stabilise à 2,6 milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement continuent à croître à un rythme soutenu pour la troisième année consécutive : ils augmenteront de 344 millions d’euros, soit une hausse de 17 % par rapport à 2020, qui bénéficiera notamment aux domaines de la santé et de l’aide humanitaire.

La rénovation de la politique d’aide publique au développement devrait être consacrée par le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui, avez-vous dit, devrait être présenté en Conseil des ministres à la mi-novembre. Ma question rejoint celle de mon collègue Herbillon : pourriez-vous apporter des précisions sur le calendrier de la discussion parlementaire ?

Les priorités thématiques et géographiques fixées en 2018 continueront de bénéficier de crédits supplémentaires en 2021. Les dix-huit pays prioritaires d’Afrique subsaharienne et Haïti seront les premiers bénéficiaires des moyens accordés pour la prévention des crises, la lutte contre les effets du changement climatique, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, le renforcement du système de santé ou la promotion de l’éducation.

Malgré un effort historique en faveur de la solidarité internationale, la France n’a toujours pas honoré l’engagement, vieux de cinquante ans, d’allouer au moins 0,7 % de sa richesse nationale brute (RNB) à l’aide publique au développement, cette part stagnant autour de 0,4 % depuis 2011, le niveau le plus bas ayant été atteint en 2014 et 2015 avec seulement 0,37 % du RNB alloué à la solidarité internationale. En volume, elle se classe à la cinquième position mondiale, avec une aide d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2019, loin derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis. Les moyens alloués sur le plan mondial, d’un total de 153 milliards de dollars en 2019, se trouvent bien en deçà du montant nécessaire pour répondre aux défis humanitaires et à la crise économique et sociale consécutive à l’épidémie de covid-19. Pour faire face à la pandémie, les Nations unies avaient appelé dès avril 2020 à la constitution d’un fonds d’aide d’urgence de 500 milliards de dollars en faveur des services de santé et des programmes d’aide sociale. Selon les calculs de l’ONG Oxfam, la France devrait abonder ce fonds de près de 15 milliards d’euros pour contribuer à la hauteur de son rang au sein de l’économie mondiale. Comment pourrait-on atteindre cet ambitieux objectif ? Quand on voit les sommes impressionnantes qui sont déjà distribuées, il est tout à fait légitime de s’interroger sur l’efficacité de ces dépenses. Quel regard portez-vous sur cette question ?

M. Meyer Habib. Monsieur le ministre, notre réseau consulaire a subi de très fortes contraintes ces derniers mois dans le contexte de la pandémie. Je tiens à rendre un hommage vibrant et sincère à tous les fonctionnaires de votre ministère, qui ont accompli un travail remarquable au service non seulement de nos compatriotes établis hors de France, mais aussi de ceux qui étaient bloqués à l’étranger. Le réseau commence à montrer des signes de fatigue après des mois d’une mobilisation maximale ; les agents, soumis à un fort stress, n’ont souvent pas pu prendre de congés – sans parler de ceux qui ont été touchés par le virus. Le réseau a en outre adapté son organisation et son fonctionnement dans le cadre de plusieurs chantiers de modernisation, notamment en matière de dématérialisation et de simplification des procédures. Il est vrai que le programme 151 de la mission « Action extérieure de l’État » prévoit une stabilisation, voire une légère hausse des effectifs. Toutefois, certains agents sont à bout. Cette stabilisation des effectifs marque-t-elle avec certitude la fin de la politique de rabot menée depuis tant d’années, qui a épuisé notre réseau consulaire ?

Le plafond d’emplois de l’AEFE est cette année encore en forte baisse, avec la suppression de soixante et onze équivalents temps plein. On continue à transformer les postes de résidents en contrats de droit local. Résultat, on crée des inégalités entre, d’un côté, le personnel expatrié ou détaché et, de l’autre, des titulaires non-résidents. Si tous accomplissent la même mission de service public, les personnes recrutées sous contrat local perdent leurs droits à l’avancement, des points d’ancienneté, la sécurité sociale, parfois les cotisations de retraite et l’indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale. Sur le terrain, on ressent un certain ras-le-bol. J’ai été saisi du problème par de nombreux professeurs, agrégés pour certains – je vous ai d’ailleurs adressé une question écrite sur le sujet au mois de juin dernier.

La qualité et l’attractivité de notre réseau d’enseignement à l’étranger tiennent à l’excellence de ses personnels. C’est un sujet essentiel pour les Français de l’étranger et un instrument majeur de notre diplomatie d’influence. Comment attirer, retenir et motiver les fonctionnaires titulaires non-résidents, qui ont le sentiment que leur travail n’est pas assez reconnu, pas assez valorisé ? Le Quai d’Orsay va-t-il enfin créer, en liaison avec le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, un statut unifié pour valoriser les carrières de tous les enseignants du réseau de l’AEFE ?

M. Jean-Paul Lecoq. En vous écoutant, monsieur le ministre, je me disais qu’il y aurait deux sortes de députés : ceux qui boiraient vos paroles et s’exclameraient : « C’est génial ! Parfait ! Exceptionnel ! », et les autres, qui diraient : « Peut mieux faire ». Pour ma part, je me rangerai dans cette deuxième catégorie.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « A déjà fait beaucoup, mais peut faire encore mieux », voulez-vous dire, monsieur Lecoq ? (Sourires.)

M. Jean-Paul Lecoq. Pour une fois, vous avez résisté aux attaques de Bercy : rien que pour cela, on peut vous féliciter ! Votre budget ne diminue pas et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle. Il est néanmoins dommage qu’il ait fallu attendre une pandémie sans précédent pour que votre gouvernement – mais on pourrait en dire autant des précédents – comprenne toute l’importance du ministère des affaires étrangères.

En outre, le fait que le ministère disposant d’un budget stable n’en fera pas automatiquement un outil d’amitié entre les peuples, si vous persistez dans la politique que vous menez. Votre quasi-absence en Palestine, votre silence coupable au Sahara occidental, votre ambiguïté au Kurdistan et vos amitiés avec les autocrates locaux en Côte d’Ivoire, aux Comores ou au Cameroun ne grandissent pas la France. Heureusement qu’il y a, pour compenser, l’abondement du Fonds pour la consolidation de la paix – mais j’ai cru comprendre qu’un militant Français était à sa tête, ce qui va d’ailleurs peut-être contribuer à faire bouger les choses – et des crédits versés à l’AIEA ; il ne faudrait pas toutefois que le fait de verser des fonds supplémentaires à l’AIEA exonère la France de son travail en faveur du désarmement. De même, les investissements dans l’immobilier, la sécurité et le numérique améliorent les conditions de travail et de sécurité des agents du ministère, mais ne font pas une politique. J’espère qu’on verra bouger les choses.

Beaucoup de collègues sont intervenus sur la question de l’aide publique au développement. Comme tous les ans, les députés communistes pensent que l’augmentation du budget est trop timide : il est stable, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, en autorisations d’engagement et n’augmente que de 344 millions d’euros en crédits de paiement. L’objectif de consacrer 0,55 % du PIB à l’APD ne doit pas être atteint grâce à une récession sans précédent, parce que l’économie française se serait écroulée. Il ne faudrait pas s’en satisfaire, car si notre économie s’écroule et la misère augmente chez nous, imaginons ce que ça doit être dans le reste du monde ! J’ose espérer, monsieur le ministre, que dans votre logique comptable et financière, vous ne restez pas arc-bouté sur le pourcentage, mais que vous êtes partisan d’une augmentation de cette aide et d’une meilleure répartition des richesses – mais je ferme la parenthèse.

Il faut donc maintenir un véritable effort pour que la crise internationale se résorbe le plus rapidement possible. À ce titre, les députés communistes regrettent eux aussi que la taxe sur les transactions financières n’ait pas été augmentée cette année, ni que son élargissement aux échanges intrajournaliers n’ait été proposé. Si faire contribuer davantage les entreprises cotées en bourse pour lutter contre la faim et pour la santé mondiale ne semble pas dénué de sens pour les députés communistes, il semblerait que cela ne paraisse pas logique à tous – en tout cas, pas à vous, ce qui est très regrettable.

Enfin, je voudrais dire un mot de l’initiative ACT-A, le dispositif pour accélérer le développement, la production et l’accès équitable aux nouveaux diagnostics, thérapies et vaccins contre le covid-19. Au-delà du fait que la France n’y a contribué, en piochant dans d’autres budgets, qu’à hauteur de 510 millions d’euros, le Président de la République a fait beaucoup de communication autour de cette initiative ; il souhaite que le vaccin devienne un bien public mondial, permettant aux pays les plus fragiles de disposer de vaccins et de la recherche en cours. Pour l’instant, on a eu beaucoup de mots, mais peu d’actes, puisqu’il n’y a pas encore de vaccin. Pourriez-vous nous indiquer quels dispositifs seront utilisés pour garantir la mise en commun des résultats de la recherche, le partage de la propriété intellectuelle et un prix juste ?

M. Jean-Michel Clément. Je ne sais si l’on a bu les paroles du ministre, mais ce qui est certain, c’est que quand on examine un budget, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Il faut donc entrer dans les détails ; or la lecture d’un budget m’a toujours paru singulière en ce sens que j’ai chaque fois l’impression de lire un rébus dont la réponse ne sera trouvée que dans le budget de l’année suivante, puisqu’il faut mettre à leur place respective les crédits de paiement et les autorisations d’engagement, étant entendu que, d’une année sur l’autre, cela peut changer. Cela témoigne d’un art consommé de la part de ceux qui élaborent les budgets.

Ce qu’on peut noter en première approximation, c’est que, globalement, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères se trouve conforté, ce qui peut être de nature à satisfaire tout un chacun, vu le contexte économique et sanitaire.

Je veux saluer moi aussi l’action du réseau consulaire, qui a été très mobilisé durant la crise sanitaire. Pour nos compatriotes qui ont été touchés et ont dû être rapatriés ou qui se sont retrouvés bloqués à l’étranger, le retour en France a parfois été long, mais il a toujours été réussi, avec un soutien psychologique important, quel que soit le pays concerné.

Vous avez annoncé le 29 avril 2020 la mise en place d’un dispositif de soutien aux Français de l’étranger, afin de répondre aux besoins des plus démunis de nos compatriotes, fragilisés financièrement par les crises sanitaires. Ce plan comporte un volet d’aide à la scolarité et un volet d’aide social, inscrits dans le programme 151. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

La France a perdu 50 % de ses recettes touristiques au cours du premier semestre 2020, ce qui s’est accompagné d’une baisse de 27 % du nombre de visas délivrés. Comme nous avions soulevé, il y a quelque temps, au sein de cette commission, le problème des délais de délivrance des visas, nous pourrions nous en réjouir : s’il y a 27 % de visas en moins du fait de la crise sanitaire, on peut imaginer que le délai de délivrance des autres en a été amélioré. Qu’en est-il ? La réponse pourrait intéresser nos collègues M’jid El Guerrab et Sira Sylla, corapporteurs de la mission d’information sur la politique des visas.

M. Sébastien Nadot. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit que le budget global du ministère de l’Europe et des affaires étrangères augmentera de 8 %, soit une hausse de 411 millions d’euros, pour s’établir à 5,4 milliards d’euros. Avec 344 millions d’euros supplémentaires, l’aide publique au développement est la principale bénéficiaire des hausses de crédits annoncées. L’effort est appréciable, mais il semble plutôt relever d’un début de rattrapage après plusieurs années d’affaissement de l’outil diplomatique de la France. En matière d’aide publique au développement, la France restera encore en 2021 très en deçà des objectifs des Nations unies et loin derrière l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Plus préoccupant, le groupe Écologie démocratie solidarité ne voit pas d’inflexion stratégique ambitieuse pour la diplomatie française dans ce projet de loi de finances. Où est notre ambition en matière de diplomatie culturelle et d’audiovisuel ? Quelle est notre stratégie en matière de rayonnement de la recherche à l’international, notamment en sciences sociales ? Comment combler notre retard en matière d’aide publique au développement ? À quand la nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale qui nous est promise depuis si longtemps ? En attendant, cette politique budgétaire d’esprit gestionnaire fait écho au sentiment d’un égarement de la politique étrangère de la France depuis plusieurs années.

Au Moyen-Orient, beaucoup de communication – mais pour quelle réussite ? Le récent empiétement français au Liban est dans toutes les têtes – mais pour quel résultat ? Dans le Caucase ou en Biélorussie, des jolis mots – mais quelle crédibilité, quand, d’un côté, on plaint les Arméniens et que, dans le même temps, on autorise les exportations d’armes à hauteur de près de 200 millions d’euros vers l’Azerbaïdjan, leur adversaire ? En Afrique, la France prend le contre-pied du discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 ; il faudra bien un jour abandonner la nostalgie de la Françafrique quand il s’agit d’accompagner les élections et les transitions politiques en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Mali ou ailleurs. Je pense au Cameroun, dont vous semblez ignorer le drame anglophone et où vous ne condamnez pas le fait que le principal opposant politique, Maurice Kamto, soit actuellement en résidence surveillée. Je pense à la République démocratique du Congo : bien que le rapport du projet Mapping des Nations unies dresse un constat alarmant en matière de droits de l’homme, dans une déclaration au Quai d’Orsay, vous abandonnez les populations à leur sort. Et que dire des pays du Sahel et du rôle qu’y joue la France, si mal perçu qu’il nourrit un puissant sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest ?

Les errements de notre diplomatie sur le continent africain s’accompagnent des mauvais comportements d’entreprises françaises à l’étranger, que ce soit le groupe Bolloré au Cameroun ou Total au Yémen ou au Mozambique. Soyons clairs : nous ne rivaliserons pas avec les Chinois ou les Russes sur le terrain de la corruption des élites africaines. La France doit jouer la carte de la responsabilité sociale et environnementale pour ses grandes entreprises, comme elle doit jouer la carte du droit international et de l’accompagnement des sociétés pour son action diplomatique.

Je terminerai néanmoins par une note positive. Cela m’avait échappé à la lecture du PLF, mais je veux saluer le dispositif de mise en œuvre rapide de projets, à la main des ambassadeurs, que vous avez évoqué tout à l’heure, Il y a matière à faire dans le cadre de la diplomatie culturelle, environnementale, éducative ou sanitaire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La progression de la part de la richesse nationale consacrée à l’aide au développement n’est pas une parenthèse, monsieur Lecoq, c’est pour moi une préoccupation majeure, comme l’a remarqué Mme Thomas. Certes, Mme Kuric et M. Nadot ont raison : en la matière, nous ne sommes pas les premiers – je reviendrai ultérieurement sur la somme de louanges que m’a décernée M. Nadot, car il est un peu lourd pour moi d’être porteur d’une politique d’« égarement ».

M. Sébastien Nadot. Je n’ai pas dit cela.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si, monsieur le député, c’est le terme – extrême – que vous avez employé. Merci du compliment !

En la matière, il faut tout de même se souvenir d’où nous venons ; je remercie par conséquent ceux qui ont bien voulu reconnaître l’effort extrêmement important que nous avons fourni et que nous continuons à fournir. J’entends dire que 344 millions d’euros, ce n’est pas grand-chose, mais si l’on ajoute cette somme-là aux autres, nous sommes au rendez-vous de nos exigences. Je suis très vigilant là-dessus, et je souhaiterais qu’on reconnaisse de temps en temps cet effort totalement inédit que nous fournissons, et cela avant même que la loi de programmation n’ait été adoptée.

Je partage votre avis, monsieur Lecoq : il faut être vigilant concernant les pourcentages ; mais c’est l’OCDE qui fixe les règles, pas nous. J’indique d’abord qu’en 2019, nous étions à 0,44 % – sachant que nous venions de 0,37 %. J’ai toujours dit qu’il fallait atteindre 0,55 % en 2022, et que ce ne serait qu’une marche vers 0,7 %. Le risque, comme M. Lecoq l’a souligné, c’est que du fait de la crise liée à la pandémie, la baisse du revenu national brut ne fasse grimper le pourcentage – c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer. Mon objectif est d’atteindre 0,55 % en 2022 toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sur la base du PIB français tel qu’il était prévisible en 2019 et tel qu’il est envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise. Il faut que les engagements soient clairs, et que l’on évite les ambiguïtés. Nous pourrons en débattre soit au moment de la discussion budgétaire, soit durant l’examen du projet de loi de programmation, qui, pour répondre à la question posée par plusieurs d’entre vous, sera présenté en Conseil des ministres vers la mi-novembre – je n’ai pas la date exacte, parce que ce n’est pas moi qui fixe l’ordre du jour ; il faudra ensuite inscrire son examen à l’ordre du jour du Parlement, probablement au premier semestre 2021, étant entendu que les engagements financiers prévus dans le PLF anticipent sur ce que pourra dire la loi.

S’agissant des recettes de la TSBA et de la TTF, vous savez que 210 millions d’euros de recettes de la TSBA et 528 millions d’euros de recettes de la TTF alimentent le FSD, qui lui-même alimente les grands fonds verticaux, en particulier ceux destinés à la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ceux pour l’environnement ou l’éducation, ou encore l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI). Votre observation, madame Thomas, est juste : avec la crise, les recettes de la TSBA ont considérablement diminué ; toutefois, la perte a été compensée en 2020 et je souhaite que nous obtenions la même compensation en 2021, que ce soit par un transfert du produit de la TTF ou par un financement spécifique. Si cela n’était pas fait, nous ne disposerions plus des moyens financiers nécessaires pour abonder les grands fonds verticaux en faveur desquels nous nous mobilisons. Nous partageons donc votre vigilance sur ce point.

Monsieur Herbillon, je sais que vous êtes très vigilant à la question du patrimoine immobilier de nos postes et à leur sécurisation – je le suis également.

La sécurisation des ambassades, lycées, instituts français et centres culturels dans les pays à risque sera achevée à la fin de l’année 2021. Chaque équipement fait l’objet d’un diagnostic par une personne chargée de la sécurité diplomatique. Celle-ci formule des préconisations que nous appliquons. Nous avions lancé un plan quadriennal ; si tout va bien, il sera achevé à la fin de l’année 2021. Nous avons bien fait de prendre de telles mesures – et je crois y être pour quelque chose –, car elles nous ont évité quelques drames. Je pense notamment à l’attaque qui a eu lieu il y a un an et demi à Ouagadougou.

Quant à la dimension plus classique du programme immobilier, je pourrais vous donner la liste des programmes que nous envisageons de mettre en œuvre en 2021. Nous sommes à peu près au rendez-vous. Je craignais le pire et m’étais ému devant vous, l’année dernière et celle d’avant, des difficultés que nous rencontrions et des risques qu’elles nous faisaient courir. Je pense que tout cela est derrière nous.

Les chiffres du CAS 723 pour l’année 2021 que je vous ai donnés n’incluent pas les sommes prévues pour les travaux du Quai d’Orsay lui-même, dans le cadre de l’opération Quai d’Orsay 21. Celles-ci sont déjà réservées, indépendamment du budget pour 2021, et ne seront mobilisées qu’en 2022.

Certes, on pourrait demander encore plus pour l’immobilier, mais nous sommes d’ores et déjà en mesure de rompre avec la logique de paupérisation que nous avions constatée et à laquelle nous avions commencé à remédier dès l’année dernière, même si cela va nettement mieux cette année. Il faudra faire en sorte que les travaux soient réalisés dans les meilleurs délais, tout en sachant que cela dépend des situations locales, y compris sur le plan sanitaire, avec le coronavirus.

En ce qui concerne les consulats, je crois vous avoir dit, mais peut-être n’ai-je pas été suffisamment clair, que la première phase du RECE commencerait au début de l’année 2021. Le service central de réponse téléphonique dénommé « France consul@ire » a dû être reporté d’un an en raison du coronavirus. Le vote par internet devrait être ouvert en mai 2021, au moment des élections consulaires.

La stagnation des crédits de la coopération décentralisée s’explique à la fois par les élections municipales et le coronavirus. L’objectif est bien de doubler ces crédits, comme je l’ai dit lors du rassemblement de Cités unies France (CUF). Nous avons besoin de l’expertise des collectivités dans ce domaine.

Nous avons été très vigilants au fonctionnement du réseau culturel pendant la crise. Certains instituts ont été fermés parce que toute activité y était devenue impossible. Nous avons néanmoins essayé d’éviter les fermetures et d’adapter les conditions d’accès à notre offre culturelle, en particulier par la numérisation du réseau. Nous avons mobilisé 3 millions d’euros à cette fin : la numérisation nous a permis de compenser les difficultés d’accès aux lieux culturels – car la situation que nous connaissons en France existe aussi ailleurs ; c’est la dure réalité de la pandémie.

La baisse des crédits dévolus à Atout France était déjà engagée l’année dernière. Elle porte sur des crédits de fonctionnement interne : c’est une économie de gestion, qui se déroule d’ailleurs assez bien. Cela n’empêche pas que, parallèlement, une aide de 5 millions d’euros a été octroyée à l’opérateur pour mener la campagne « Cet été je voyage en France », par la mise en œuvre des fonds spécifiques de lutte contre le coronavirus, en application des dispositions prises au mois de juillet. Atout France, malgré tout, se porte bien, et a su accompagner la saison touristique en France, qui, en définitive, n’a pas été aussi mauvaise qu’on le craignait – c’est maintenant que les difficultés arrivent.

En ce qui concerne l’idée d’une ligne budgétaire dédiée à l’influence, je ne suis pas convaincu, mais je suis prêt à l’étudier. Je sais que vous avez rédigé un rapport sur la question : nous allons examiner vos propositions avec beaucoup d’intérêt.

Monsieur Joncour, vous avez insisté sur l’engagement à travers la loi d’orientation et de programmation relative à l’aide publique au développement. Ce n’est pas uniquement une question de trajectoire : c’est une nouvelle approche du développement, avec plus de partenariat, de cohérence, de pilotage, de « redevabilité » et d’évaluation. M. Nadot me demandait comment on peut faire en sorte de vérifier le bon usage des fonds investis dans tel ou tel pays : dans la loi à venir, il y a des éléments relatifs à la redevabilité et à l’évaluation, sur laquelle nous devons être plus exigeants. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Monsieur David, France Médias Monde est en cotutelle et n’est donc pas financé exclusivement par mon ministère. Cela dit, je rejoins votre préoccupation quant au fait que le plan de relance n’a pas été à la hauteur des exigences. Je suis tout à fait convaincu de l’enjeu que représente l’audiovisuel extérieur : France 24, notamment, qui propose dans l’ensemble des programmes de qualité, est un outil d’influence dans le monde. C’est le sentiment que j’ai eu en lançant à Bogotá sa version en espagnol. Il peut paraître surprenant de diffuser France 24 en espagnol, mais l’influence française ne passe pas uniquement par notre langue : l’audiovisuel en tant que tel y participe également. Le nombre d’heures de diffusion de France 24 en espagnol va tripler en raison du dynamisme que cela peut entretenir. Je partage donc votre vigilance sur ce point, monsieur David, et suis prêt à agir si vous en sentez la nécessité.

Madame Kuric, je crois avoir déjà répondu en ce qui concerne l’efficacité de l’argent dépensé au titre de l’APD. Cela fait partie des dispositifs d’accompagnement qui figureront dans la loi. Les priorités restent les mêmes, ainsi que la géographie des pays prioritaires. Ce sera une étape importante dans la vie du ministère que je dirige que de constater une véritable montée en puissance de la politique de développement, laquelle devient une réalité perçue par les uns et par les autres.

Monsieur Lecoq, je serai un peu long dans ma réponse concernant le dispositif ACT-A car c’est pour moi un enjeu très important. La forme même est très originale : c’est une coalition d’États, d’organisations internationales et de fonds philanthropiques ayant pour objectif d’accélérer les réponses mondiales apportées à la covid-19. L’initiative en revient au président Macron, à la Commission européenne de Mme von der Leyen et au directeur général de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus. L’ACT-A est soutenu par de nombreux pays. Son pilotage politique, coordonné par l’OMS, réunit l’ensemble des acteurs. Il y a dix coprésidents, dont la France, l’Allemagne et la Norvège. C’est un dispositif de grande ampleur qui est en train d’être mis en œuvre. Il était très important que l’OMS y trouve sa place, qui doit être majeure – il en va de même pour l’Union européenne.

Il y a quatre piliers dans l’initiative ACT-A. Le premier concerne les vaccins, avec un dispositif de financement de la recherche et d’achat au prix coûtant, mais aussi le système de distribution, qui s’appuie sur le GAVI. Le deuxième consiste dans la recherche de traitements. Le troisième œuvre pour la fourniture de diagnostics. Enfin, le quatrième vise au renforcement des systèmes de santé. Chacun de ces pôles se développe de son côté, mais les quatre se complètent et, sans le quatrième, qui est transversal, la recherche de vaccins, la fourniture de diagnostics et la recherche de traitements n’auraient pas beaucoup de sens : il faut disposer des réseaux et des leviers pour faire en sorte que les vaccins soient distribués et les traitements dispensés.

La France participe directement au financement du paquet ACT-A, à hauteur de 510 millions. À cela s’ajoutent 50 millions pour l’OMS et 500 millions pour le GAVI – plus une tranche de 100 millions qui sera débloquée lorsque le vaccin aura été trouvé. Il y a là une mobilisation très importante pour permettre que le vaccin soit considéré comme un bien commun, ce qui suppose l’achat au prix coûtant et des outils de redistribution évitant ce que j’ai appelé récemment le « nationalisme vaccinal » – l’expression fait florès.

Monsieur Habib, j’espère que la stabilisation des effectifs marque la fin de la politique de rabot. En tout cas, je compte sur vous pour que la dynamique initiée dès l’an passé et renforcée cette année se poursuive. Le rôle du Parlement en la matière sera tout à fait essentiel.

S’agissant du personnel enseignant de l’AEFE, je suis bien d’accord avec vous : il faut retenir les titulaires. Il ne peut pas y avoir que des agents de droit local, même si je reconnais leur rôle. Mon collègue Jean-Michel Blanquer a pris des engagements importants pour augmenter le nombre de professeurs titulaires : nous les avions annoncés lors du lancement du programme d’activation de l’enseignement du français à l’étranger. Certes, c’était avant la crise, mais la préoccupation reste la même. Le rôle des enseignants titulaires sera aussi de contribuer à la formation des recrutés locaux. Ces derniers ont un rôle important, mais encore faut-il qu’ils soient formés.

Monsieur Clément, le nombre de visas délivrés a effectivement chuté, ce qui a eu pour conséquence d’amenuiser les financements qui en découlaient. La demande de visas a chuté de 71 %. C’est beaucoup. Manifestement, d’après ce que je comprends, la question des délais pour obtenir un rendez-vous ne se pose plus réellement en raison de la faible demande. Nous avons essayé d’être vigilants pour permettre aux étudiants, en particulier, d’obtenir des visas aussi rapidement que possible au cours de l’été, pour poursuivre notre action en faveur de l’attractivité de notre pays. Par ailleurs, le retour des étudiants étrangers en France ne tenait pas seulement à la délivrance d’un visa : il y avait aussi des questions d’autorisation et de contrôle sanitaire. Nous y avons été extrêmement vigilants.

Merci du soutien que vous avez manifesté à l’égard des agents du ministère, qui se sont beaucoup dévoués pour faire en sorte que les Français de passage à l’étranger puissent rentrer. Si un jour j’écris mes mémoires, je raconterai des histoires extrêmement folkloriques sur le retour de Cuzco, ou encore d’îles perdues de l’Indonésie. Quoi qu’il en soit, nous avons réussi à ramener tous nos compatriotes.

Monsieur Nadot, je ne polémiquerai pas avec vous. En ce qui concerne la politique d’« égarement » que je conduis, je vous donnerai simplement un conseil…

M. Sébastien Nadot. Je regrette de devoir vous contredire, monsieur le ministre, mais ce ne sont pas les propos que j’ai tenus.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ah si !

M. Sébastien Nadot. Non ! Je ne peux vraiment pas vous laisser dire cela.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous verrons au compte rendu. En tout cas, ce n’étaient pas des propos d’une très grande aménité.

M. Sébastien Nadot. J’ai dit que la politique budgétaire faisait « écho au sentiment d’un égarement de la politique étrangère ». Si vous n’acceptez pas qu’il puisse y avoir des nuances dans la langue française, j’en suis vraiment désolé.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quand on utilise des mots, il faut les assumer, monsieur Nadot. Moi, j’assume ceux que j’emploie.

M. Sébastien Nadot. Cette politique « fait écho au sentiment d’un égarement » : voilà les mots que j’ai utilisés.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui, c’est cela : donc je mène une politique d’égarement. Nous ne sommes pas dans la même logique.

M. Sébastien Nadot. Disons que nous n’interprétons pas la langue française de la même manière…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Eh bien, nous prendrons ensemble des cours de grammaire. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, je n’ai aucune envie de polémiquer avec vous. Ce que je vous propose, c’est d’aller voir un jour l’action de l’Alliance pour le Sahel, dont nous sommes à l’origine.

M. Sébastien Nadot. Je prends rendez-vous !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous pourrez alors constater qu’il se trouve parfois, en Afrique, des gens qui apprécient l’action de la France.

Mme Marion Lenne. Cette année, compte tenu de la crise sanitaire, les demandes de visa étudiant n’ont été traitées prioritairement qu’à partir du 15 août. Par ailleurs, le budget du programme de bourses pour les étudiants étrangers, doté de 58 millions d’euros, a été temporairement réduit de 6 millions. Au-delà de l’impact de la pandémie de covid-19 sur la mobilité étudiante, qu’il s’agisse du budget du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » ou du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », force est de constater qu’un écart se creuse entre ce que nous votons au Parlement, ce qui est réellement dépensé et la manière dont les crédits sont utilisés. Est-il donc possible de contrôler et d’assurer un suivi efficace de ces dépenses, en toute transparence, notamment grâce au numérique ?

M. Hugues Renson. Le dispositif ACT-A, dont vous venez de parler, a été lancé fin avril 2020, notamment à l’initiative de la France. Il vise à accélérer la recherche d’un vaccin et de traitements pour combattre la pandémie de covid-19, puis à assurer leur distribution équitable. Vous n’avez pas encore parlé, en revanche, des montants qui doivent être mobilisés. Pour qu’il puisse remplir sa mission, le dispositif doit être doté de 38 milliards de dollars, dont 15 milliards dès 2020. Lors de la conférence des donateurs du 4 mai dernier, la France a annoncé que sa contribution serait de 510 millions d’euros, dont 10 millions via UNITAID, et 50 millions pour l’OMS. Nous pouvons tous, me semble-t-il, saluer cet engagement. Toutefois, on est encore loin d’atteindre l’objectif fixé : au total, seuls 3 milliards de dollars ont été mobilisés. Comment la France compte-t-elle contribuer à remédier à ce problème de financement ?

Mme Bérengère Poletti. Comme je n’ai qu’une minute pour m’exprimer, je ferai l’impasse sur les compliments que je voulais vous adresser, monsieur le ministre. (Sourires.)

Je me concentrerai sur l’APD, plus particulièrement envisagée sous l’angle de la transparence. Celle-ci n’est assurée ni pour nos concitoyens ni pour les parlementaires : comme vous le savez, seule une partie de l’APD est visible quand on vote le budget. Qu’il s’agisse de l’AFD ou même de votre ministère, il reste quelques progrès à faire en matière de transparence. Certes, l’AFD a fait des efforts, passant de la 35e à la 30e place, mais le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, quant à lui, a reculé de la 37e à la 42e place, selon un classement établi chaque année. Le projet de loi de programmation sur lequel nous travaillerons bientôt doit absolument nous permettre de progresser dans ce domaine.

En ce qui concerne l’augmentation de l’aide publique au développement, qu’il faut évidemment saluer, vous dites qu’elle est historique. Or l’APD était déjà à 0,5 % du PNB en 2010, même s’il est vrai qu’elle a baissé par la suite, notamment entre 2012 et 2017. Par ailleurs, les chiffres de l’OCDE montrent que si l’on exclut les coûts d’accueil des réfugiés sur notre territoire – dont les modalités de calcul ont d’ailleurs été modifiées –, les bourses et frais d’écolage, mais aussi les instruments du secteur privé, l’augmentation réelle de ce que l’on peut considérer comme le cœur de l’aide publique au développement n’a été, entre 2017 et 2019, que de 1,4 %, soit 112 millions d’euros, sur une augmentation totale de 1,153 milliard au cours de la même période. Cela signifie que les 98,6 % restants sont allés financer les premiers éléments que je mentionnais.

Enfin, j’essaie d’obtenir, en vain, un certain nombre de renseignements auprès du Trésor concernant les remises de dettes accordées. Celles qui émanent de l’AFD sont parfaitement encadrées, tout est transparent quand on demande des explications, et le mécanisme est assorti d’une conditionnalité. En revanche, pour celles qui sont pratiquées par le Trésor, il est impossible d’avoir les détails.

Je voulais vous interpeller sur ces problèmes de transparence : il me semble important d’y remédier pour que nous soyons parfaitement informés de la réalité des augmentations que vous annoncez.

Mme Liliana Tanguy. La semaine dernière, nos échanges ont porté sur les dossiers internationaux, mais, compte tenu de la densité de l’actualité, vous n’avez pas eu le temps d’évoquer la situation européenne, notamment la question du Brexit. Comme vous nous avez dit que nous pourrions l’aborder aujourd’hui, je me permets de vous interroger sur l’avancée des négociations relatives au Brexit, à l’approche du prochain Conseil européen : celui-ci se réunira après-demain et portera sur l’accord sur la relation future avec le Royaume-Uni.

L’espoir d’un accord commercial est-il encore permis, en particulier concernant le secteur de la pêche, sur lequel subsiste un désaccord très important avec les Britanniques ? Je sais que vous prêtez une attention particulière à l’impact désastreux qu’aurait un « no deal » pour l’activité des pêcheries françaises, en particulier bretonnes. Moi-même, je puis d’ailleurs témoigner de l’inquiétude des pêcheurs de ma circonscription, dans le Finistère, qui craignent de ne plus avoir accès aux eaux britanniques. Les armements du port de Lorient sont eux aussi inquiets. Dans un tel contexte, et sachant que la France et le Royaume-Uni sont des alliés historiques, quelle est votre vision de l’avenir de la continuité de la coopération franco-britannique, notamment en matière militaire, mais aussi dans le domaine maritime ?

Mme Nicole Le Peih. Je souhaite revenir sur les moyens accordés à la direction du numérique. Ils augmentent de 22 %, ce qui est important. C’est le signe de la transformation de notre administration, mais également de l’ampleur des défis qui l’attendent. Pourriez-vous nous détailler les nouvelles actions qui seront déployées grâce à ces crédits supplémentaires, pour quel type d’investissements dans nos infrastructures, pour quelles ressources humaines dont les compétences feraient défaut au sein du ministère ?

M. Hubert Julien-Laferrière. À la suite d’autres collègues, je salue l’augmentation des crédits consacrés à l’aide publique au développement, mais je voudrais aussi revenir sur ce qui a été dit concernant les conséquences de la contraction du PIB : comme vous en avez convenu, l’augmentation de l’aide doit être mesurée en valeur absolue. Peut-on se mettre d’accord sur une enveloppe de l’ordre de 14 à 15 milliards ? C’est ce qui était prévu lorsque, au début de la législature, vous aviez annoncé l’objectif de 0,55 % du PNB – je parle bien de l’ensemble de ce qui est comptabilisé par l’OCDE, et non pas seulement des crédits budgétaires.

J’ai une question précise à propos du Fonds de solidarité pour le développement et la taxe sur les transactions financières. Nous sommes dans une situation paradoxale : alors que la taxe a été créée pour financer le développement, la part de ses recettes affectée à cet objectif est plafonnée à 528 millions d’euros. En 2016, la moitié des recettes étaient ainsi consacrées à l’aide au développement ; désormais, c’est plutôt un tiers, voire un quart. Cela veut dire que l’augmentation de la recette profite au budget général, et non pas à ce pour quoi elle a été créée. Qui plus est, contrairement à ce qui se passe pour la TSBA, les recettes de la TTF vont connaître une augmentation importante en 2020 – on en était déjà à 1,7 milliard au mois d’août. M. le rapporteur général du budget n’avait visiblement pas les bons chiffres quand je l’ai interrogé en commission des finances : je proposais, par voie d’amendement, d’augmenter légèrement la part consacrée au développement, et il m’a répondu que le montant que je voulais lui affecter était supérieur aux recettes elles-mêmes – mais peu importe. Je sais que votre ministère défend, à côté de l’augmentation des crédits budgétaires, l’outil de la taxe sur les transactions financières. Je présenterai donc à nouveau, comme chaque année, un amendement visant à augmenter la part de la TTF consacrée au développement, car la taxe a été créée à cet effet.

Enfin, il serait bien de faire un jour un bilan d’étape de ce qui a été décidé sur le terrain au titre du programme « Covid-19 – santé en commun » .

M. Jacques Maire. Ma question porte sur l’évaluation de l’efficacité de l’aide au développement, notamment dans le cadre extrêmement complexe et difficile du Sahel. C’est précisément l’objet des travaux de la Chaire Sahel : il s’agit d’effectuer une évaluation indépendante pour les parties prenantes – les bénéficiaires aussi bien que les financeurs. Or les résultats sont assez alarmistes pour ce qui nous concerne, comme le montrent les quatre exemples suivants. Concernant la traçabilité de l’aide française dans certains pays, seuls 20 % se retrouvent dans les comptes du pays bénéficiaire. Concernant le délai de démarrage, on est en général à près d’un an entre la signature et le premier décaissement. Le délai moyen de décaissement pour les projets est de cinq ans. Quant à la proportion de fonds décaissés à la fin du projet, elle est en général de 60 %. Autrement dit, les analyses montrent la quasi-impossibilité de mener à bien des évaluations de façon satisfaisante. Nous sommes en première ligne et voulons embarquer les autres bailleurs. Au vu des moyens limités que vous avez donnés à la Chaire Sahel, comment peut-on faire de l’évaluation un enjeu partagé pour l’Alliance Sahel ? Comment peut-on faire de la Chaire Sahel un outil réellement efficace, offrant la possibilité de progresser ? Car sans évaluation, l’aide au Sahel ne progressera pas.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Lenne, vous avez raison : il faut vraiment améliorer la consommation des bourses pour les étudiants. Je vais m’y employer, et les services y travaillent eux aussi. Merci d’avoir identifié le problème.

Madame Poletti, je veux bien tout ce qu’on veut, mais si on enlève les critères de l’OCDE pour définir l’aide publique au développement, il faut le faire pour tout le monde, pas seulement pour la France. Si vous changez les normes, il faut créer un autre outil pour identifier ce qu’est l’aide au développement. Pour l’instant, je m’en tiens aux normes de l’OCDE, qui sont reconnues par tous et qui établissent la mobilisation financière pour les différents aspects que vous avez évoqués, lesquels font bel et bien partie du développement.

En ce qui concerne la transparence et le classement que vous évoquez, donnez-moi les références : je ferai en sorte d’y remédier. Je suis pour la transparence totale concernant l’aide au développement. C’est tout à fait essentiel. Sinon, il n’y a plus de développement : on perd totalement sa crédibilité. Cela m’amène à ce que disait Jacques Maire : la transparence et la traçabilité de l’aide sont tout à fait essentielles. Les décaissements ne sont pas assez rapides, j’en suis d’accord, et la conséquence en est qu’on ne peut plus tracer l’aide. Je voudrais qu’à cet égard l’Alliance Sahel soit exemplaire, et je suis prêt à prendre les mesures nécessaires. Cela doit être une référence : une aide publique au développement bien comprise, ne fonctionnant pas en silos, efficace. Pour vous être rendu sur place, monsieur Maire, vous savez l’importance que cela revêt. Le financement potentiel est de 11,6 milliards : il est indispensable qu’on y voie clair. Je vais m’y employer.

J’ai bien pris note de votre remarque concernant les remises de dettes, madame Poletti. Elles devraient être retracées dans le programme 110, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la relance. Si elles n’y figurent pas, cela pose question.

Monsieur Renson, je confirme vos chiffres. Effectivement, il faut mobiliser les financements. C’est un enjeu considérable, et qui ne concerne pas seulement la France ou les autres pays : un certain nombre d’associations philanthropiques et d’entreprises sont contributrices. C’est un mouvement mondial. Voilà pourquoi le Président de la République a décidé d’organiser, à l’occasion des cérémonies du 11-Novembre, dans le cadre du Forum de Paris, une grande manifestation consacrée à l’ACT-A et destinée à mobiliser des financements, en particulier pour le vaccin. C’est la condition pour que celui-ci soit reconnu comme un bien commun de l’humanité, qu’il soit partagé et que nous anticipions, de manière à sortir de la crise renforcés. Je sais que la Banque mondiale est prête à donner beaucoup, de même que la Fondation Bill et Melinda Gates.

Madame Tanguy, même s’il est un peu tard pour commencer à parler du Brexit, je voudrais faire plusieurs remarques. Ce n’est pas obligatoirement le 15 octobre que les choses vont se nouer. C’est le Premier ministre Boris Johnson qui l’a annoncé, mais ce n’est pas la position du Conseil européen, lequel se réunit effectivement jeudi et vendredi. Pour l’instant, les négociations n’ont presque pas avancé sur les trois points qui continuent à poser problème.

Premièrement, il y a la question de l’égalité de la concurrence au sein du marché intérieur européen, autrement dit le fait que les normes de concurrence, les règles en matière d’aides d’État ou encore les normes environnementales soient prises en compte par le Royaume-Uni. No tariffs, no quotas, no dumping : cela suppose que les règles de concurrence soient mises à plat et soient loyales. Deuxièmement, il y a la pêche – je vais y revenir ; troisièmement, les conditions de gouvernance. Nous en sommes à la neuvième semaine de négociations et les lignes bougent très peu sur ces trois points. En l’état actuel des choses, malheureusement, l’hypothèse d’un « no deal » est très crédible – mais on sait que les Britanniques sont de redoutables tacticiens.

Je voudrais, à la fin de cette audition, faire passer deux messages concernant le Brexit.

D’une part, l’heure n’est plus à la tactique. On a fini de jouer. L’échéance arrive – elle a été fixée à la fin de l’année. Cela veut dire que tout doit se jouer entre le 15 octobre et la mi-novembre. Le « no deal » n’est pas l’hypothèse qui nous paraît être la plus favorable pour les Britanniques, mais nous nous sommes préparés à toutes les éventualités. J’étais hier matin à Luxembourg pour une réunion des ministres des affaires étrangères, lors de laquelle nous avons parlé d’un certain nombre de questions, dont celle-là. Or je constate que les Européens restent unis, y compris par rapport à l’initiative prise par Boris Johnson de faire adopter une loi relative au marché intérieur contraire à l’accord de retrait signé avec l’Union européenne il y a un an : ce texte est inacceptable, et tout le monde le dit.

D’autre part, la pêche ne doit pas être la variable d’ajustement de l’accord. Je suis pour ma part extrêmement vigilant à cette question : l’accès privilégié au marché unique que souhaite le Royaume-Uni est indissociable des garanties obtenues pour nos pêcheurs. Je le dis avec beaucoup de fermeté. Il faut maintenant faire en sorte que les Britanniques comprennent que la pêche n’est pas un dossier à part : il n’y a pas d’accord séparé sur le sujet. Telle est la position du Président de la République, qu’il défendra si la question est abordée après-demain au Conseil européen. S’agissant des conditions d’accès aux eaux et aux ressources, nous devrons également avoir une discussion vigoureuse avec les Britanniques pour obtenir une prévisibilité pluriannuelle et des normes techniques communes, éviter les distorsions de concurrence et tenir compte des droits historiques et des quotas. C’est un sujet lourd, sur lequel nous nous battons. Pour avoir eu, dans une vie antérieure, la responsabilité de la mer, j’y suis particulièrement vigilant : c’est un enjeu auquel je suis attaché.

Monsieur Julien-Laferrière, entre 14 et 15 milliards, je tope. Quant au FSD, je partage votre constat, comme je l’ai déjà dit en réponse à Mme Thomas. On observe effectivement une baisse des recettes de la taxe sur les billets d’avion et une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières. La solution pourrait être simple ; j’attends avec intérêt vos observations lorsque le moment sera venu.

Madame Le Peih, j’ai déjà évoqué dans mon propos introductif le plan de 13 millions d’euros que nous allons mettre en œuvre pour renforcer le numérique : modernisation du réseau de communication, développement des visioconférences avec l’extérieur, renforcement de la sécurité opérationnelle des systèmes d’information du ministère, acquisition d’outils de mobilité. J’ai également parlé du RECE, en réponse à M. Herbillon. Le numérique est un enjeu important : nous l’avons constaté avec la crise de la covid-19. Nous allons donc investir massivement.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Merci beaucoup pour vos réponses, monsieur le ministre, et surtout pour votre disponibilité. Vous pouvez compter sur nous pour rester vigilants et mobilisés.

II.   Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2020, la commission des affaires étrangères examine le présent avis budgétaire.

Michel Herbillon, président. Nous terminons ce matin l’examen du projet de loi de finances pour 2021 par l’examen de nos trois derniers avis budgétaires. Nous commençons par l’avis budgétaire sur l’aide publique au développement, qui est attendu. Notre rapporteure a d’ailleurs placé son étude thématique dans la perspective de l’examen, annoncé pour le premier semestre 2021, du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, en proposant une évaluation des forces et des faiblesses du dispositif français de l’aide publique au développement. Dans cette commission, au-delà des sensibilités politiques de chacun, nous formons le vœu que ce projet de loi, si souvent annoncé, si souvent repoussé, vienne à l’ordre du jour de notre assemblée.

Chère Valérie, vous vous interrogez, à juste titre, sur la gouvernance de notre dispositif, sur la dispersion de nos aides aussi bien géographiquement que sectoriellement, et sur les excès des prêts par rapport aux dons. Sur ces questions, je rappelle que notre commission a mis en place un groupe de travail animé par nos collègues Hervé Berville et Bérangère Poletti, dont les travaux ont commencé en début d’année et vont reprendre prochainement.

Au regard des crédits budgétaires, notre rapporteure relève avec satisfaction la poursuite de la montée en puissance du volume des aides versées par la France, pour atteindre 0,55 % de notre revenu national brut – RNB. Depuis 2017, les crédits de la mission « Aide publique au développement » – APD – se sont accrus de 14 % et le projet de loi de finances – PLF – pour 2021 propose de les augmenter de 17 % par rapport à 2020. Nous devons cependant nous interroger sur l’effet mécanique financier provoqué par le tassement de notre produit intérieur brut – PIB – sur l’objectif en part de RNB que la France s’est fixé.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Avant toute chose, je souhaiterais transmettre à notre Présidente toute mon amitié et lui souhaiter tous mes vœux de rétablissement. Je sais combien le sujet que nous allons aborder lui est cher et je tiens à lui dire que nous pensons très fort à elle.

Je suis heureuse de vous présenter aujourd’hui les crédits de la mission « Aide publique au développement », car ils traduisent un effort historique en faveur de la politique de développement. Jamais notre pays ne s’était autant engagé en faveur de la solidarité internationale : après une progression de 14 % des crédits de la mission aide publique au développement entre 2017 et 2020, le projet de loi de finances pour 2021 amplifie encore cette augmentation, avec une hausse de 17 % des crédits. L’APD est ainsi la politique publique qui enregistre la plus forte hausse sur l’ensemble du quinquennat. Cet effort est d’autant plus important qu’il intervient dans un contexte particulier : après vingt ans d’une baisse tendancielle de l’extrême pauvreté, cette dernière est repartie à la hausse en raison des conséquences de la crise de la Covid-19.

Pour ce qui concerne le budget 2021, je me contenterai de souligner quelques traits saillants : Premièrement, il permet de respecter les engagements, tant quantitatifs que qualitatifs, pris dans le cadre du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID – ­de 2018, qui a marqué une rupture dans la trajectoire déclinante que connaissait l’APD française.

D’abord, les objectifs en volume sont, en effet, atteints, et même dépassés : l’APD devrait ainsi s’établir à 0,56 % du revenu national brut en 2020 (contre 0,47 % initialement prévu) et 0,69 % en 2021 (contre 0,50 % initialement prévu). L’impact de la crise sur le RNB tend à accroître fortement la part d’APD dans le RNB, de manière mécanique. En outre, la hausse de la prévision d’APD est également liée à d’importantes prévisions d’allégements de dette. Cette trajectoire nous met sur la bonne voie pour l’atteinte des 0,7 % du RNB consacré au développement. Mes chers collègues, la trajectoire annoncée est bien respectée, et la baisse de notre RNB ne s’est pas traduite par une baisse en volume des crédits de l’APD.

Ensuite, en termes de composition de l’aide, les engagements du CICID sont également respectés :

- L’augmentation de l’APD française est principalement portée par l’aide bilatérale, en augmentation de 16,9 %, en particulier sous forme de dons. On constate une augmentation significative des moyens de l’AFD au titre des dons-projets – + 154 millions d’euros – et des dons-ONG (+ 20 millions d’euros).

- Des secteurs qui étaient jusqu’alors les parents pauvres de la politique de développement, font à nouveau l’objet de financements. Je pense notamment à l’augmentation de l’aide humanitaire, qui s’établit à 329 millions d’euros, une augmentation conforme à l’objectif du CICID de lui consacrer 500 millions d’euros en 2022. Ainsi, les trois canaux d’acheminement de l’aide voient leurs crédits progresser : les contributions volontaires aux Nations unies, le Fonds d’urgence humanitaire et l’aide alimentaire programmée.

De même, on constate un net réinvestissement du champ de la santé, qui s’est accéléré en raison de la crise sanitaire. A titre d’exemple, l’initiative Access to COVID‐19 Tools Accelerator – ACT-A –, à laquelle la France consacre au total 660 millions d’euros, traduit le combat de la France contre le nationalisme vaccinal et pour faire du vaccin un bien public universel, dans une approche renouvelée du multilatéralisme : l’initiative unit en effet dans un même partenariat tous les acteurs, qu’ils soient publics, privés, ou issus de la société civile.

Deuxièmement, le projet de loi de finances se singularise par la création d’un nouveau programme, le programme 365, destiné au renforcement des fonds propres de l’AFD, à hauteur de 953 millions d’euros. Ce besoin en fonds propres a trois explications : la mise en conformité de l’agence avec de nouvelles règles prudentielles, les conséquences de la crise économique sur ses résultats, et la croissance des activités de l’AFD, dans la dynamique globale d’augmentation de l’aide française décidée au début du mandat.

Troisièmement, je tiens à exprimer mon inquiétude quant à la fragilisation du financement du Fonds de solidarité pour le développement – FSD. Ce fonds finance les grands fonds « verticaux » dans les domaines de la santé (le Fonds mondial), de l’éducation (le Partenariat mondial pour l’éducation) et du climat (Fonds vert). Il est financé par un pourcentage plafonné de la taxe sur les billets d’avion – TBA – et de la taxe sur les transactions financières – TTF. Or la crise a fait chuter les recettes de TBA, amputant le financement du FSD de 140 millions d’euros. De son côté, le produit de la TTF a considérablement augmenté, passant de 1,13 milliard d’euros prévu en 2020 à une réévaluation de 1,745 milliard d’euro. La prévision pour 2021 se situe à un peu plus d’1,5 milliard d’euros.

On pourrait s’interroger sur la légitimité même d’instaurer un plafond pour des taxes conçues pour lutter contre les excès de la mondialisation. A minima, il conviendrait, dans un contexte d’augmentation des recettes de la TTF, d’en affecter 50 % à l’aide au développement. Je défendrai un amendement en ce sens lors de la nouvelle lecture du PLF, et je vous enjoins à adopter une démarche commune.

J’en viens à la deuxième partie de mon rapport. En effet, il ne suffit pas d’augmenter considérablement les moyens ; encore faut-il que les acteurs français du développement, « l’équipe France », soient suffisamment structurés pour pouvoir les mettre en œuvre de manière efficiente. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’approfondir le thème de « l’équipe France » du développement, et de faire un bilan de ses forces et faiblesses, deux ans après la présentation au gouvernement par notre collègue Hervé Berville de son rapport sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale.

L’équipe France, qu’est-ce que c’est ? Ce sont d’abord des femmes et des hommes, dont nous devons souligner et saluer le travail au quotidien en France, mais également sur le terrain. Ce sont aussi des structures diverses : agences, chercheurs, organisations non gouvernementales – ONG–, collectivités territoriales. Ce sont également des programmes : je ne citerai, à titre d’exemple, que le fonds Muskoka. Ce qui les réunit toutes et tous, c’est une volonté farouche de rendre notre APD la plus efficace possible.

Il ressort d’abord des auditions que j’ai conduites que l’équipe France retrouve une influence sur la scène internationale, en raison de la hausse des moyens accordés, mais aussi en raison d’un certain nombre d’évolutions en cours dans l’écosystème français du développement : réforme de l’expertise, avec la place reconnue d’Expertise France et son rapprochement avec l’Agence française de développement – AFD –, renforcement de la logique partenariale, par exemple entre l’AFD et les organisations de la société civile, des institutions spécialisées comme l’ADEME, ou la Caisse des dépôts et consignations.

Outre un écosystème d’excellence composé d’acteurs très complémentaires – recherche, réseau universitaire, ONG, collectivités territoriales, ambassades… –, qui ont notamment montré leur capacité à travailler en équipe lors de la réponse à la crise sanitaire, elle dispose d’une approche liant diplomatie, défense et développement, l’approche dite « 3D ».

Enfin, elle cible davantage ses priorités sectorielles et géographique. Son leadership est devenu incontestable dans le domaine du climat, qui fait l’objet d’un engagement fort et constant, et désormais de la santé.

Cependant, si la France dispose d’un écosystème d’excellence en matière de développement, elle souffre encore d’un manque de vision stratégique claire et de pilotage politique de l’APD, comme l’avait déjà souligné Hervé Berville dans son rapport : dispositif institutionnel complexe, tutelle de l’État insuffisamment stratégique, gouvernance « intermittente », décalage entre les priorités affichées et les financements octroyés.

Je tiens à cet égard à appeler votre attention sur l’AFD. La France a choisi un modèle original, parmi les pays de l’OCDE, en faisant de l’AFD, une institution financière soumise au régime des établissements de crédits, l’opérateur pivot de son dispositif bilatéral d’APD, et l’agence a un rôle central dans l’accroissement des crédits intervenus pendant le mandat. Ce choix a de nombreux avantages : la large gamme d’instruments que l’AFD propose, encore élargie par le rapprochement avec Expertise France, en fait un acteur de premier plan sur la scène internationale. L’activité de l’AFD est désormais sensiblement supérieure à celles de nombreux bailleurs bilatéraux.

Cette dynamique nous impose une meilleure évaluation de son activité, notamment dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD. D’une part, il s’agira de rééquilibrer la part entre les dons et les prêts, la part prépondérante de ces derniers engendrant un certain décalage entre les activités de l’agence et nos priorités. D’autre part, la tutelle de l’État sur son opérateur doit être davantage stratégique. À cet égard, je reprends un certain nombre de préconisations du rapport de la Cour des comptes de février 2020.

Surtout, la restructuration de l’équipe France ne pourra faire l’économie du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui a vocation à refonder la politique d’aide au développement. Son examen, prévu initialement au printemps, a été reporté en raison de la crise sanitaire. Or les conséquences dramatiques de la crise sur les pays partenaires rendent encore plus urgent l’adoption de ce projet de loi, qui donnera aux acteurs du développement une vision stratégique claire. Il devra permettre de renforcer le pilotage politique de l’aide, de mieux associer tous les acteurs du développement, et d’améliorer l’évaluation de l’aide, en instaurant notamment une commission d’évaluation indépendante, dont je souhaite qu’elle comprenne des parlementaires.

Les efforts budgétaires que nous consentons nous imposent de renforcer la redevabilité de cette politique, ce qui contribuera à la meilleure appropriation de ses enjeux par nos concitoyens. Sur tous ces sujets, je formule plusieurs recommandations, qui seront, je l’espère, prises en compte dans le projet de loi. L’efficacité des moyens apportés à l’APD dépendra en effet de notre capacité à fixer des priorités, donc à faire des choix, et à approfondir la logique partenariale en incluant tous les acteurs, des collectivités territoriales au monde de la recherche en passant par la société civile, avec un rôle particulier des jeunes et des diasporas, afin de valoriser l’expertise de tous les acteurs de l’équipe France.

Mme Bérangère Poletti. La commission a toujours été unanime et a toujours soutenu la proposition du président de la République d’augmenter significativement l’aide publique au développement. Pourtant, elle n’étudie que le tiers de ce que fait la France en matière de solidarité internationale. Plusieurs questions se posent donc à nous députés au moment de voter les crédits.

Tout d’abord, celle de la transparence. En effet, les députés devraient disposer de l’ensemble des éléments qui constituent l’APD. Ils sont colossaux et vont bien au-delà de la stricte analyse des programmes 110, 209 et désormais 365, qui porte sur les fonds propres de l’AFD. L’objectif a été rappelé lors de l’audition du ministre de l’Europe et des affaires étrangères : il faut atteindre les 15 milliards d’euros en crédit de paiement et en valeur absolue pour l’année prochaine. Ce sont des montants importants, qui nous placent pourtant encore loin de l’objectif fixé par l’OCDE d’atteindre 0,7 % du RNB.

Ces 15 milliards d’euros doivent servir, dans les pays les plus pauvres, à l’accès à la nourriture, aux soins, à l’éducation, à la protection contre les effets du changement climatique, à l’accès au développement économique et à la création d’emplois, avec la garantie de ne pas nourrir des réseaux de corruption qui empêcheraient ces moyens d’arriver aux populations. Or, selon l’index de transparence de 2020 établi pas une ONG, le verdict est sans appel : la France ne respecte pas ses engagements en matière de transparence de l’aide. Si l’AFD progresse de cinq places pour se situer vers la trentième place du classement, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, lui, recule à la trente-septième place sur quarante-sept.

C’est la raison pour laquelle le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est si important. Au-delà de la programmation des crédits, il doit permettre à la France d’améliorer la transparence et de garantir en permanence la disponibilité des informations pour les parlementaires et pour nos concitoyens.

Deuxièmement, 98,6 % de l’augmentation des crédits ont servi à financer notamment l’accueil des réfugiés dans notre territoire, les bourses, les instruments du secteur privé et les remises de dettes. Cette augmentation n’a donc été consacrée que de manière trop faible à ce qui fait le cœur de l’APD. Le Président de la République avait, à juste titre, annoncé que deux tiers de l’augmentation de l’aide devaient être consacrés à l’aide bilatérale, et le dernier tiers à l’aide multilatérale. Il semblerait que cet engagement n’ait pas été suivi.

En ce qui concerne les remises de dettes, elles ne doivent se faire que sur la base d’un accord des pays et des bailleurs qui aident. Cet accord a été obtenu pour le moratoire, mais rien n’est encore décidé pour la suite. 224 millions d’euros ont été consacrés à la Somalie l’année dernière, et l’on parle d’une remise de dette de 4,426 milliards d’euros pour le Soudan l’année prochaine, ce qui porterait l’effort français à 0,69 % du PNB en 2021 ! Ce sera la conséquence de la remise de dette, non de notre action dans les territoires.

En revanche, j’adhère à l’initiative de mon groupe politique, qui a déposé, pour la troisième année consécutive, une demande de rapport sur les aides budgétaires directes liées aux laissez-passer des pays consulaires aidés.

Enfin, si nous saluons l’augmentation significative cette année des crédits de l’APD, cette évolution n’est pas historique : ils s’établissaient à 0,5 % du RNB à 2010 ; c’est entre 2012 et 2017 que les crédits se sont effondrés. Notre groupe s’abstiendra de voter les crédits de la mission « Aide publique au développement » cette année, pour les motifs suivants :

– La transformation de l’APD aurait dû être enclenchée beaucoup plus tôt durant ce mandat ;

– Une évolution est nécessaire sur la problématique de la transparence des politiques ;

– L’absence du texte de loi de programmation attendu depuis des années commence à peser sur nos décisions ;

– L’augmentation des budgets qui ne profitent pas suffisamment aux populations dans les pays prioritaires ;

– Le Gouvernement a renoncé à l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral. Il est toujours beaucoup plus facile d’augmenter des crédits en multilatéral qu’en bilatéral, mais on y perd de l’influence dans notre pays ;

– Il est difficile pour la France de suivre des petits projets, car nous sommes toujours concentrés sur de grands projets ;

– Enfin, pour ce qui est de votre proposition sur la commission d’évaluation, je ne suis pas sûre qu’il faille faire siéger des parlementaires dans cette commission, qui doit être complètement indépendante. Les parlementaires doivent constituer une commission à l’intérieur du parlement. C’est notamment le cas en Grande-Bretagne, où existent deux commissions d’évaluation qui se rencontrent chaque année. La commission d’évaluation doit être totalement indépendante du pouvoir exécutif.

M. Hervé Berville. La crise actuelle a montré la nécessité d’une solidarité accrue sur les questions de santé, de climat, mais aussi sur les questions de croissance économique. La coopération est nécessaire pour coordonner les plans de relance et éviter qu’un pays avance plus vite que d’autres. Il faut éviter que les pays en développement ne se retrouvent dans une situation économique très compliquée.

Depuis trois ans, la France a fait preuve de leadership dans ce domaine, et les crédits ont augmenté significativement. Nous pouvons aussi nous féliciter que les recommandations émises par le Parlement aient été suivies d’effets et traduites au niveau budgétaire ; je pense par exemple à la volonté de donner plus de place aux diasporas.

Cette augmentation des crédits budgétaires, qui n’est pas une fin en soi, a permis à la France d’être plus crédible et audible sur la scène internationale. Nous avons vu, l’année dernière, au G7, la capacité de la France et des diplomates français à prendre l’initiative sur la scène internationale ; je pense notamment au fonds Muskoka et au financement de l’entrepreneuriat féminin.

La mission APD va, à elle seule, augmenter de 684 millions d’euros, ce qui est inédit. En effet, l’APD ne se résume pas simplement à la mission APD, mais on s’intéresse à celle-ci car elle est pilotable et peut faire l’objet d’arbitrages politiques importants. Il faut souligner qu’il s’agit d’une des missions qui augmente le plus fortement – +17 % – parmi toutes les autres missions budgétaires. Cette augmentation de crédit nous permettra de cibler les priorités géographiques et sectorielles, ainsi que d’atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB. Je ne suis pas un fanatique de cet objectif en lui-même, mais il nous donne une crédibilité internationale et nous permet de faire partie du concert des nations qui atteignent ces objectifs.

Le projet de loi attendu nous permettra non seulement de disposer d’une programmation, mais aussi de traduire législativement les engagements de la France pour l’agenda 2030 et l’Accord de Paris. Il refondera nos relations avec nos partenaires, notamment l’Afrique. Je veux avoir une pensée notamment pour les jeunesses du Mali, du Cameroun, de la Guinée et du Nigéria, car cette politique de partenariat doit contribuer à les aider à prendre leur avenir en main.

En outre, je souhaite évoquer deux sujets importants, qui illustrent la volonté de mener ces politiques de développement sur le long terme. Tout d’abord, l’évasion fiscale : la France a investi à hauteur de 90 millions d’euros pour améliorer la transparence et lutter contre l’évasion fiscale. Il s’agit de politiques de développement de long terme, qui permettront de sortir de cette relation d’aide un peu coloniale que l’on pouvait avoir.

Ensuite, la question de l’investissement en zone fragile et dans les crises humanitaires est prioritaire, bien que trop faible encore en France par rapport à d’autres pays. Il est en augmentation cette année, grâce à une contribution plus importante de la France au Partenariat mondial pour l’éducation, mais la France doit davantage investir pour l’éducation dans les zones fragiles.

Nous avons donc un budget qui nous permettra d’être crédible à l’international et de défendre nos priorités. C’est avec détermination que le groupe LaREM votera ce budget, qui est en hausse pour la troisième année, et nous attendrons avec impatience le projet de loi de programmation et d’orientation.

M. Bruno Joncour. Je félicite Mme la rapporteure pour la qualité de son rapport, qui situe bien les enjeux de cette politique d’aide au développement, laquelle constitue un axe stratégique majeur de notre activité.

Les crédits de la mission « Aide publique au développement » connaissent une nouvelle fois une hausse très sensible.  L’an dernier marquait la première étape de cette relance de notre politique d’aide au développement. L’augmentation considérable des crédits de paiement cette année atteste de la mise en conformité de nos engagements budgétaires avec ceux du président de la République.

Nous avons eu de nombreuses occasions de débattre ici des orientations stratégiques et des priorités à donner à l’usage de cette aide, qui devient de plus en plus une branche à part entière de notre diplomatie. Le rapport le rappelle parfaitement : il s’agit à l’avenir de mieux cibler les espaces et les zones géographiques que nous souhaitons soutenir, en investissant également de manière plus sectorielle. Cela nous permettra non seulement de mener des actions plus précises et ciblées, mais également de mieux suivre leurs évolutions. Le contexte international nous contraint à faire des choix dans l’orientation de cette aide vers quelques zones bien ciblées, dans lesquelles se jouent à la fois des enjeux sécuritaire, diplomatique et de développement. Les objectifs doivent de ce point de vue être clairs, entre soutien de long terme et renforcement de l’aide bilatérale. Le projet de loi de finances s’inscrit dans cette logique.

À l’heure où le multilatéralisme est mis à mal, nous devons renforcer nos points forts et renforcer nos partenariats anciens et privilégiés. Ces objectifs seront atteints par des moyens et des outils renouvelés et renforcés. Les acteurs français de l’aide au développement ne cessent de s’améliorer, notamment grâce au dialogue et à l’exigence que nous avons pu exprimer en particulier au sein de cette commission. Vous le soulignez, l’AFD entame une mutation importante, et Expertise France est désormais un acteur reconnu et recherché, ce dont nous devons nous réjouir.

Pour autant, cette transformation doit se poursuivre pour servir une stratégie claire, qui passera notamment par une loi d’orientation de notre aide au développement. C’est d’autant plus important que nous évoluons dans un monde particulièrement troublé, dans lequel la France a un rôle important à jouer. Nous ne devons pas abandonner les institutions multilatérales, mais travailler à leur réforme.

Enfin, je soutiens les propositions de la rapporteure s’agissant de l’évaluation des politiques que nous menons. Cette capacité d’évaluation a toujours été un point faible de notre politique de coopération, que nous avons souligné à de multiples reprises. Le groupe du Mouvement démocrates et apparentés votera les crédits de la mission « APD ».

M. Alain David. Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre rapport, qui illustre bien la singularité de l’année que nous venons de vivre, y compris dans le domaine de du développement, avec cette imbrication des crises sanitaires, environnementales, sociales et sécuritaire, qui complique encore la donne. Le groupe des Socialistes et apparentés prend bonne note de la poursuite de la trajectoire devant conduire notre pays vers l’objectif des 0,55 % de notre RNB consacrés à l’APD en 2022.

Nous commençons néanmoins à émettre des doutes en constatant le mouvement contradictoire des programmes 110 et 209, avec une importante contraction des autorisations d’engagement, en baisse de plus de 2 milliards d’euros, soit 30 %, et une expansion significative des crédits de paiement, en hausse de 1,6 milliard d’euros, soit 50 %. Nous constatons aussi l’augmentation des fonds propres de l’AFD au programme 365, pour plus de 953 millions d’euros, ce qui constitue une opération neutre pour le budget de l’État. Ce double mouvement conduit à une baisse drastique de l’aide économique financière et multilatérale, qui ne nous semble pas très judicieuse dans le contexte de crise mondiale que nous traversons. Il est important que la France maintienne sa capacité d’orientation des fonds gérés par les banques multilatérales de développement, et nous déposerons un amendement visant au rétablissement au moins partiel des crédits supprimés.

Je pointerai également le décalage entre la volonté de notre pays de s’ériger en champion du multilatéralisme, alors que des contributions volontaires à certaines organisations, comme l’UNICEF ou le PNUD, très sollicités actuellement, ne sont pas à la hauteur des contributions de certains de nos partenaires, ce que je regrette profondément.

M. Jean-Michel Clément. Merci pour ce rapport fort instructif. Hors dépenses de personnel, les crédits budgétaires du ministère consacrés à l’aide publique au développement progressent de 34 millions d’euros, soit une hausse de 17 %. Cette trajectoire nous permettra de nous rapprocher des 0,55 % du revenu national brut consacré à cette dépense d’ici 2022, pour autant que cet objectif soit maintenu, alors que la perspective d’un nouveau confinement exercera une pression énorme à la baisse sur les finances de l’État.

Tandis qu’en 2015 nous étions à 0,37 % du RNB, nous sommes montés à 0,44 % en 2019, ce qui place la France au neuvième rang des pays donateurs. Selon les estimations, ce ratio devrait logiquement augmenter cette année. Elle s’explique par l’augmentation en volume des crédits, mais aussi par des abandons de créances sur des pays africains, et mécaniquement par la contraction de notre propre richesse nationale en raison de la crise économique liée à la pandémie de la Covid-19. Lors de sa dernière audition devant notre commission, le ministre de l’Europe et de affaires étrangères a indiqué qu’il ne se satisferait pas d’une simple hausse mécanique de ce pourcentage, si elle résultait d’une baisse de notre propre richesse. Son objectif est d’atteindre 0,55 % en 2022 sur la base du PIB français tel qu’il était prévisible en 2019 et tel qu’il était envisagé pour 2022 dans le cadre de la reprise. 

Nous saluons bien évidemment cette démarche, mais au-delà de l’objectif de 0,55 % du RNB pour 2022, nous devons absolument continuer à tendre vers les 0,70 %. Pour cela, nous attendons avec impatience l’examen, sans-cesse repoussé, du projet de loi de programmation relative à la politique de développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, dans lequel nous défendrons, à l’instar de ce qui est fait au Royaume-Uni, l’inscription de cet engagement des 0,70 % dans la loi, pour que cela devienne une obligation légale à laquelle on ne pourrait déroger.

Pour expliquer cette méthode de comptage en proportion du RNB, Jean-Yves Le Drian disait d’ailleurs que ce n’était pas lui qui fixait les règles, mais l’OCDE. Ce rôle prépondérant de l’OCDE est remis en question notamment par le porte-parole d’Oxfam, qui appelle à « décoloniser l’aide ». Ainsi, il rappelle que les règles autour de l’aide publique au développement sont discutées, négociées et mises en œuvre au niveau de ces pays riches. En outre, elles le seraient trop souvent en fonction de leurs intérêts nationaux. Il estime que ce processus aurait plus de légitimité s’il avait lieu au niveau d’un système comme les Nations unies, où les pays récipiendaires de l’aide pourraient s’exprimer aux côtés des sociétés civiles du Sud. C’est une position qui mérite réflexion, notamment quand l’on sait qu’en 2016, les donateurs de l’OCDE auraient consacré en moyenne 51 % des fonds à des entreprises originaires de leurs pays.

Si les crédits de la mission « APD » augmentent, nous estimons que l’accompagnement des initiatives de la coopération décentralisée ne reçoit pas le soutien financier suffisant. Ils sont stabilisés à hauteur de 11,5 millions d’euros, alors que le pilotage de terrain, qui se fait entre acteurs locaux pour des projets plus microéconomiques, permet d’obtenir des résultats parfois plus pérennes, grâce aux contacts humains rapprochés entre donataires et récipiendaires. L’aide publique au développement et devenue encore plus cruciale dans un contexte où les pays les plus pauvres sont étranglés par la dette et sombrent dans la crise. L’Afrique subsaharienne, mise à l’épreuve par la pandémie de la Covid-19, devrait avoir besoin, d’ici à 2033, de 750 milliards d’euros de financements extérieurs, soit 55 % du PIB de la région, selon le FMI.

Tout en saluant le moratoire mis en place en avril par le G20 et la décision récente de le prolonger jusqu’en juin 2021, pour laquelle la France a joué un rôle déterminant dans le cadre du Club de Paris, le même FMI estime que « des actions plus audacieuses sont nécessaires », que ce soit en réduisant les intérêts de la dette ou en rééchelonnant les échéances. De l’audace, c’est sans doute ce qui manque encore un peu à ce budget. Néanmoins, nous voterons pour, car comme le disait Pline le Jeune : « L’audace croit à l’expérience ».

M. Jean-Paul Lecoq. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Valérie Thomas pour son rapport qui détaille bien la situation, même si, évidemment, je ne partage pas toutes les analyses. Je tiens également à dire que je fais mien quasiment l’ensemble des propos de Bérangère Poletti, que ce soit sur le contrôle, sur les actions, sur l’enveloppe. C’est chose rare pour un député communiste de partager la quasi-totalité d’un propos d’une députée Les Républicains !

Alors que la planète subit une pandémie d’une rare violence, de très nombreux pays ont vu s’enchaîner, après la crise sanitaire, les crises économiques et les crises sociales.

Alors que l’État français a absorbé une partie du choc et que, malgré tout, on voit la pauvreté exploser, il faut s’imaginer dans quel drame vivent des populations dans des États où aucun plan de relance n’a pu être proposé.

Pourtant, le premier grief que l’on peut faire à ce budget, c’est que rien dans le plan de relance n’a été dédié à l’APD, et que la trajectoire de l’APD de 2018 suit son cours, comme si l’analyse qui prévalait en 2018 était encore d’actualité. À l’échelle internationale, alors que tous les pays riches ont fait sauter les verrous budgétaires, rien n’a été débloqué pour aider les pays les plus en difficulté. J’en veux pour preuve le fait que seuls 3 milliards sur les 38 nécessaires ont été trouvés par l’initiative ACT-A, qui vise, entre autres, à faire du vaccin un bien public mondial, et à renforcer les systèmes de santé mondiaux. La somme de tous les plans de relance des pays riches doit avoisiner plus de 10 000 milliards d’euros. Il est très décevant que rien n’ait été proposé aux pays les plus pauvres, hormis un malheureux décalage du remboursement des services de la dette de quelques mois.

Le second grief porte sur l’absence d’ambition internationale, qui aurait pu être portée par la France pour créer un plan de relance international à destination des pays les plus fragiles.

Enfin, le troisième grief porte évidemment sur la fiscalité nationale et internationale. Vous avez refusé d’augmenter la taxe sur les transactions financières, alors que c’est le meilleur levier pour améliorer notre APD. Cependant, rien ne se passe au niveau international pour lutter contre l’évitement fiscal. Une ONG a publié un rapport démontrant que trois géants du numérique ont réussi à soustraire aux pays en développement près de 3 milliards de dollars d’impôts. Trois milliards de dollars de manques à gagner pour les pays en développement, ce n’est pourtant que la face émergée de l’iceberg du coût de l’inaction internationale en matière de lutte contre la fraude fiscale, et la France a ses responsabilités dans toutes ces inactions.

En outre, on parle toujours de l’objectif des 0,55 % d’un PIB qui baisse. Le ministre a pourtant dit qu’il porterait les choses en valeur absolue. Je le répéterai tant que cela n’est pas gravé dans le marbre.

Compte tenu de toutes ces observations, les députés communistes voteront contre la mission « APD ».

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Je vais commencer par répondre à Bérengère Poletti, dont je partage quelques analyses.

S’agissant de la commission d’évaluation de l’aide, il est nécessaire d’avoir une présence des parlementaires à tout le moins en tant qu’observateurs. Ensuite, s’agissant du renforcement du bilatéral, les crédits augmentent de 16,9 % cette année dans ce budget et ils atteindront près 60 % de nos dépenses d’APD en 2021.

S’agissant des petits projets, je partage complétement votre point de vue. Grâce à la restructuration de « l’équipe France » et de l’amélioration des liens entre les différents acteurs, nous serons capable d’être beaucoup plus efficaces sur les petits projets, notamment grâce aux collectivités territoriales, qui sont plus souples, réactives et rapides.

Je suis également d’accord avec les observations d’Hervé Berville. Je partage l’avis qu’il faut investir plus dans l’éducation, parce que nous savons que c’est l’une des clés pour répondre à un ensemble de problématiques au cœur de la question du développement.

Monsieur Joncour, je suis aussi entièrement d’accord avec toutes vos remarques.

Monsieur David, nos contributions volontaires aux agences onusiennes sont en nette augmentation cette année, de plus de 32 millions d’euros. J’ajoute également que nous accorderons 50 millions d’euros à l’OMS cette année, pour ne prendre que cet exemple.

Monsieur Clément, l’objectif de 0,7 % du RNB est bien l’objectif proposé par le Président dans un second temps. Dans un premier temps, la proposition était de 0,55 % en 2022. Nous veillerons à ce que l’atteinte de cet objectif ne résulte pas d’une baisse du RNB. Pour l’instant, les engagements sont respectés.

La coopération décentralisée est fondamentale sur le « dernier kilomètre » : elle répond aux problématiques locales de façon souple et rapide.  Il y a eu une baisse de cette coopération décentralisée cette année, en raison de la crise de la Covid-19, puisqu’il était très compliqué pour les collectivités territoriales d’organiser des actions de coopération. Néanmoins, le ministre a pris l’engagement de continuer d’augmenter ces crédits lorsque la situation sanitaire le permettra.

Enfin, monsieur Lecoq, je suis très déçu que vous votiez contre les crédits. J’aurais aimé une abstention, parce qu’il faut reconnaitre que des efforts ont été réalisés, notamment sur ACT-A, à laquelle la France consacre 510 millions d’euros, plus 50 millions à l’OMS, et nous nous sommes engagés à verser 100 millions lorsque le vaccin sera trouvé. Vous verrez, lors Forum de Paris sur la paix de la mi-novembre, que la France est à la manœuvre.

Il ne faut pas non plus oublier que nous avons consacré 50 millions à la solidarité internationale dans le plan de relance.

Sur l’évasion fiscale et la fraude fiscale, nous sommes d’accord.

M. Jean-Paul Lecoq. Non, nous ne sommes pas d’accord. Il n’y a pas assez de crédits.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Mais n’oublions pas que sous sommes un des seuls pays qui travaille sur le sujet.

Mme Marion Lenne. Merci, madame la rapporteure, pour votre clairvoyance sur l’aide publique au développement, reflet de votre investissement sur le sujet. L’augmentation historique du budget de la France à l’aide publique au développement est une bonne chose, et votre proposition de créer une commission d’évaluation indépendante l’est aussi, car l’efficacité de l’aide est primordiale pour que la qualité l’emporte la quantité. Autrement dit, en termes agro-économiques, ce n’est pas en augmentant indéfiniment les surfaces de production agricole que l’autosuffisance alimentaire s’étend à tous les pays, mais bien en veillant à l’optimisation des rendements qu’il y a gains de production.

Il faut donc s’appuyer sur les projets existants des États bénéficiaires de l’APD et collaborer en tant que partenaires allant dans la même direction. L’aide géographique et sectorielle doit être continue dans le temps et l’espace. Comme vous le signalez, il faut sortir de cette compétition où les intérêts particuliers des pays donateurs prévalent sur la concordance et la cohérence des projets des territoires. Fédérer tous les acteurs du multilatéralisme tout en s’adaptant aux contraintes politiques, économique et régionales, est indispensable. L’aide aujourd’hui doit être multilatérale, et non plus franco française.

Aussi, qu’en est-il du positionnement de l’Union Européenne et de l’Union Africaine sur ce sujet ? Comment envisager notre aide, quand il s’agit de pays qui bafouent ouvertement la démocratie et les droits de l’humain ?  Comment se positionner en tant qu’acteurs et facilitateurs de projets, sans rentrer dans la course effrénée au leadership, à la concurrence ouverte entre teams d’experts au service de leur carrière et non des projets ? Enfin, comment faire pour aider les populations totalement exclues des politiques publiques à se rattacher aux projets d’aides internationales, tout en construisant un réseau de développement durable qui permette à terme d’implanter et de consolider la démocratie dans les pays les plus fragiles de la planète ? L’urgence sanitaire, climatique, économique et sociale nous imposent des résultats imminents et tangibles.

M. Jean François Mbaye. Je voudrais avant tout remercier l’investissement et la dynamique de Valérie Thomas sur la question de l’aide publique au développement. C’est un engament très ancien et très constant.

J’appelle également l’examen au plus vite du projet de loi de programmation et d’orientation relative à la solidarité internationale. Je préconise même que notre commission adresse un courrier commun au ministre et au Premier ministre, à la suite du vote des crédits de cette mission, pour rappeler l’importance que nous accordons à la question de l’APD.

Je souhaiterais revenir sur l’initiative ACT-A, engagée à l’initiative du Président de la République, aux côtés de l’OMS, de la Commission européenne et de la fondation Bill et Melinda Gates.

Je ne surprendrai personne au sein de de cette commission en répétant, une fois encore, que des problématiques importantes et complexes appellent des réponses globales et coordonnées, qui font du multilatéralisme un outil indispensable dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons.

Je me réjouis dès lors du rôle prépondérant de la France dans la manifestation d’un « multilatéralisme renouvelé », qui est indispensable dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons. Cette initiative de lutte contre l’épidémie de Covid-19 comporte quatre piliers : le développement et la distribution d’un vaccin, la recherche d’un traitement, la fourniture de dispositifs diagnostics, le renforcement des systèmes de santé. Au total, ce sont 660 millions d’euros qui seront mobilisés par notre pays afin de financer ACT-A, dont 510 millions pour ces seuls quatre grands axes.

Que pouvez-vous nous dire de la répartition entre ces quatre piliers des sommes engagées par la France afin de financer ACT-A ? Le cas échéant, ne gagnerait-on pas à anticiper sur l’évolution de la situation, en abondant davantage des axes comme celui relatif à la recherche et aux déploiements de traitements ?

M. Pierre-Henri Dumont. Merci beaucoup pour votre rapport, qui s’inscrit dans la liste de ces avis et de ces propositions qui ont été faites par la commission des affaires étrangères, et il est vrai que nous sommes attachés à augmenter la contribution de la France. Cette année, cette contribution atteint un objectif important, certes, mais qui ne peut pas être une fin : celui des 0,7 % du revenu national brut consacré à l’APD. C’est donc la preuve qu’il y a une politique volontariste de la part de l’État, que nous soutenons tous.

Cet effort important de notre pays ne peut pas être simplement une politique coupée du reste des politiques publiques : il est nécessaire de mettre des liens entre cette aide publique au développement et d’autres politiques publiques, en particulier la politique migratoire. Je regrette que le Gouvernement refuse de mettre un lien entre cet effort en faveur de pays qui en ont besoin, et le refus de certains d’entre eux de reprendre leurs ressortissants, lorsque la France émet des laisser-passer consulaires.

Le Gouvernement compte-t-il lier les politiques publiques d’aide au développement et de gestion des flux migratoires ? L’absence de lien entre ces deux politiques m’oblige à ne pas pouvoir voter en faveur de ces crédits.

M. Jacques Maire. Je tiens à remercier madame la rapporteure pour la qualité du rapport qui nous a été présenté.

Je veux ici évoquer le lien entre le développement et la situation en France. Je pense notamment au dramatique attentat contre Samuel Paty. Vous savez très bien que les enjeux de radicalisation dépassent complètement et très largement le seul territoire français. Vous savez également que la question de l’éducation, notamment dans les pays d’origine des flux de migration est fondamentale. Or nous constatons, en Afrique de l’ouest, un effondrement du système d’éducation publique. Cet effondrement est suivi d’une montée en puissance des écoles coraniques, qui n’offrent aucune espèce de débouchés, si ce n’est celui de devenir prêcheur ou marabout. Ces écoles coraniques prennent progressivement la place du service public. En outre, elles sont porteuses d’un islam qui n’est pas celui de l’Afrique de l’ouest, mais qui est plutôt un islam salafiste importé et financé par des puissances qui ne sont pas des puissances amies de ces pays.

Je me pose donc la question de notre effort en faveur de l’éducation, après l’annonce du Président de la République sur le Partenariat mondial pour l’éducation, à Dakar. Je pense que cette priorité est aussi importante que la santé. Si nous voulons avoir le bon niveau de combat contre la montée de la radicalisation, il convient d’offrir un avenir aux jeunes dans les pays concernés, mais aussi à ceux des diasporas. En effet, les populations des pays d’origine et des diasporas sont extrêmement liées par des liens familiaux, de communauté, de mode de vie. C’est pourquoi nous devons appréhender ce sujet d’une manière globale, y compris dans notre politique d’éducation à l’international. Dans ce domaine la France à un atout en tant que pays francophone très représenté dans la région.

Mme Liliana Tanguy. Je souhaiterais, quant à moi, revenir sur le volontarisme de la politique que mène la France en matière d’aide internationale. Je salue l’effort qui est affiché dans le cadre de ce budget. L’objectif reste bel et bien d’atteindre les 0,7 % du revenu national brut alloué à l’aide publique au développement, mais nous en sommes encore loin. C’est pourquoi je veux avoir votre avis sur la possibilité d’allouer une part plus importante des recettes de la taxe sur les transactions financières. Jusqu’en 2018, 50 % des recettes de cette taxe étaient affectés à l’aide internationale, et 30 % depuis cette date. Un amendement visant à allouer les 200 millions d’euros de recettes supplémentaires perçus en 2020 à l’aide publique au développement a été rejeté, au motif qu’il nuirait à la compétitivité et dégraderait le rendement de la taxe. Je tiens ici à avoir votre avis sur les raisons de ce rejet.

M. Sébastien Nadot. Merci, madame la rapporteure, pour votre travail important. L’aide publique au développement connait une hausse significative de 344 millions d’euros, et cet effort est appréciable. Néanmoins, il reste loin derrière les objectifs des Nations unies, et nous place en dessous des budgets anglais ou allemands en la matière. Je ne souhaite pas ici revenir sur le manque de transparence de l’utilisation des fonds publics par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la plupart de mes collègues l’ont déjà souligné.

Pouvez-vous nous rappeler d’abord l’ampleur de notre retard en matière d’aide publique au développement ? Par ailleurs, nous ne pouvons que constater un égarement de la politique diplomatique de la France en Afrique de l’ouest, qui ne semble pas mesurer le délitement des systèmes éducatifs et plus largement des services publics dans de nombreux pays, passant à côté du sujet à chaque échéance électorale, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, en République démocratique du Congo, au Mali, et j’en passe. Vous avez évoqué des pistes de nouvelles collaborations avec les sociétés civiles notamment. Comment l’aide publique au développement pourrait-elle permettre de réorienter notre diplomatie vers l’accompagnement des transitions politiques et sociales des pays de l’Afrique de l’ouest, avec lesquels la France a des relations privilégiées ? Par ailleurs, comment peut-on décoloniser l’aide publique au développement pour la rendre efficace ?

Mme Mireille Clapot. Merci, madame la rapporteure, pour votre travail de grande qualité. Comme nous partageons les mêmes valeurs, je me permets d’appeler votre attention sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, et ce quelques jours après qu’une coalition de trente-deux pays emmenée par les États-Unis a fait une déclaration commune contre l’avortement. Il est bien connu que la France veut être pionnière en matière de diplomatie féministe et souhaite inscrire les objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la politique d’aide au développement.

Dans votre rapport, il est écrit que via le Fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP, une contribution de 18 millions d’euros sera consacrée à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, je reste un petit peu sur ma faim quant aux aspects qualitatifs et l’utilisation des marqueurs genre. Le CICID s’était engagé à ce que 100 % des projets et programmes de l’AFD prennent en compte le marqueur genre de l’OCDE et 50 % des volumes annuels d’engagement disposent du marqueur 1 « significatif » ou du marqueur 2 « principal ». Ces engagements sont-ils tenus ?

Dans le même ordre d’idée, « l’expertise genre » permet d’adopter un angle transversal au sujet des questions d’égalité femme-homme dans tous les projets, et d’éviter une logique de silo. Est-ce que ces expertises sont à ce jour suffisamment renforcées ? 

Pour conclure, la coopération décentralisée, qui joue un rôle de plus en plus important, est-elle suffisamment encadrée pour favoriser la réalisation d’une réelle égalité femme-homme ? 

M. François de Rugy. Je tiens à rebondir sur les propos de M. Clément et de M. Nadeau, à la suite de l’emploi de cette formule, qui a l’air de passer sans opposition, sur la décolonisation de l’aide publique au développement. L’entretien d’un sentiment de culpabilisation, dans des pays comme la France, qui font des efforts depuis fort longtemps pour l’aide publique au développement, pose problème. J’invite par ailleurs OXFAM, puisque c’est une formule utilisée par cette association, à un peu plus de modestie, compte tenu la grave mise en cause de son action dans plusieurs pays. Certaines ONG devraient balayer devant leurs portes.

Hervé Berville. Très bien.

M. François de Rugy. Sur le fond, l’idée proposée par OXFAM que l’aide publique au développement soit gérée par l’ONU me parait contestable, parce que cette dernière prend de fait différentes formes, qui s’incarnent dans la pluralité des acteurs concernés : les organisations internationales telles que l’OMS, les organismes financiers comme le FMI, la Banque mondiale, et la France y contribue. Une aide publique au développement directe, et c’est ce dont nous parlons ce matin, est souhaitable, et il ne faut pas mélanger les leviers multilatéraux et internationaux.

Enfin, il serait bon de ne pas oublier le contexte international dans lequel nous évoluons. En Afrique, par exemple, la Chine a une politique extrêmement offensive. Il n’y a pas d’OXFAM ou d’équivalents en Chine pour contester cette politique, qui est ouvertement une politique de puissance. Je porte aucun jugement moral sur les actions de la Chine, mais ayons conscience qu’il y a des puissances qui ont une politique de contrôle direct ou indirect des matières premières, de l’approvisionnement en matière premières, des routes maritimes et des ports pour les exportations de produits manufacturés, etc. J’aimerais que nous gardions cela à l’esprit lorsque nous évoquons l’aide publique au développement français. Je ne dis pas que la France doit faire exactement la même chose, ni même l’Union européenne, qui en est absolument incapable d’ailleurs, mais soyons conscient que tout cela se passe dans le monde dans lequel nous vivons.

M. Hubert Julien-Laferrière. S’agissant de la taxe sur les transactions financières, vous avez dit, Mme la rapporteure, que vous alliez présenter un amendement pour l’affectation des recettes. Je tiens à dire que je présente chaque année le même type d’amendement dans le cadre du projet de loi de finances.

Nous avons créé une taxe sur les transactions financières afin de financer l’aide publique au développement, et force est de constater que, depuis 2016, l’augmentation des recettes de la taxe profite au budget général. En effet, le plafond de 528 millions d’euros est dépassé chaque année, et le surplus reversé au budget général.

Chaque année, je présente un amendement et fait face à la même réponse du rapporteur général de la commission des finances, qui émet un avis défavorable et se trompe de débat en soutenant que la taxe sur les transactions financières n’est pas optimale car elle fait fuir les investisseurs. Or, je parle non du taux de taxation, mais de la répartition des recettes entre le Fonds de solidarité pour le développement et le budget général. Le problème que je soulève n’a rien à voir avec l’attractivité de la place financière de Paris.

Ainsi, nous sommes aujourd’hui dans une situation paradoxale : nous avons créé une taxe qui rapporte sans cesse plus chaque année depuis 2016, et ce surplus ne va pas à l’aide au développement. Nous savons, en outre, qu’en 2020, les recettes de la taxe sur les transactions financières vont fortement augmenter car la crise Covid-19 ne l’affecte pas, bien au contraire. Or, 528 millions d’euros seulement contribueront au financement de l’aide publique au développement.

Mme Sira Sylla. Merci, madame la rapporteure, et bravo pour la qualité du rapport.

Vous saluez les rapprochements institutionnels au sein de « l’équipe France » de l’aide publique au développement. Le rapprochement de l’Agence Française de développement et d’Expertise France, le rapprochement avec la Caisse de dépôts et de consignations, ainsi que le rapprochement de Proparco et de Bpifrance vont en effet dans le sens d’une plus grande cohérence, d’une puissance d’action de nos outils de coopération internationale.

À propos de ce dernier rapprochement, vous plaidez dans votre rapport pour qu’une impulsion politique lui soit donnée. Je vous pose donc la question suivante : ne faudrait-il pas que cette impulsion contienne un encouragement à développer les entreprises qui permettraient aux pays africains de transformer en produits commerciaux les matières premières, notamment agricoles ? À l’heure où le changement climatique est un enjeu clairement identifié dans les objectifs de développement de l’ONU, c’est une anomalie que les pays africains ne disposent pas d’un tissu industriel leur permettant d’apporter leur propre valeur ajoutée. Les matières premières sont exportées hors d’Afrique et les produits finis, comme vous le savez, sont fréquemment importés en Afrique. Nous pourrions avoir un bilan carbone plus vertueux. Autre illustration, les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine se sont engagés, accompagnés par la France, dans le processus de création de la monnaie unique Eco.

Or, une monnaie unique devrait venir soutenir des échanges commerciaux initialement importants dans sa zone économique de diffusion, comme cela s’est déroulé en Europe. Force est de constater que les premiers échanges entre les pays africains restent très faibles, faute de transformation des matières premières localement, et du fait d’une concurrence entre ces pays dans la production de ces mêmes matières premières.

M. Hervé Berville. Monsieur Lecoq, la France s’est engagée dans la lutte contre l’évasion fiscale et la fraude fiscale. Elle a mis 90 millions d’euros sur la table et dispose d’une vraie stratégie, la stratégie de mobilisation des ressources domestiques, qui est un document réalisé par la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation. Je vous invite à le regarder et à le lire, car nous sommes le seul pays à le faire et à plaider pour une stratégie de long terme sur ces questions auprès du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Madame Lenne, je trouverais également merveilleuse l’idée de la création d’une équipe européenne, afin de mieux coordonner l’aide publique au développement. S’il existe à ce jour des exemples de coopérations, elles restent cependant très fonctionnelles et moins politiques. Le Conseil européen du 16 octobre 2020 a décidé de renforcer et de renouveler le partenariat stratégique avec l’Afrique ; j’espère que nous pourrons y entrevoir les prémices d’une équipe européenne pour le développement.

Au sujet des droits de l’Homme, il s’agit bien de l’une des priorités de l’aide publique au développement, mais qui se heurte parfois aux réalités de terrain. S’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a été abordée par Mme Clapot, je tiens à mentionner des avancées majeures, comme le fonds Mukwege, qui vient en aide aux femmes victimes de violences lors des conflits. Il existe également un « Forum génération égalité » actuellement en préparation, qui viendra renforcer les droits des femmes, et plus généralement les droits de l’homme. Nous devons effectivement continuer à porter le message des droits de l’homme à notre échelle, mais également à l’échelle européenne.

Monsieur Mbaye, je dois avouer ne pas disposer d’information sur la répartition des fonds entre les quatre piliers de l’initiative ACT-A. La ventilation des différents fonds n’est probablement pas encore actée, dans la mesure où l’ensemble des contributions n’a pas encore été versé. Le forum de Paris sur la paix sera peut-être l’occasion de trouver des réponses à ces questions.

Monsieur Dumont, je ne partage pas du tout votre point de vue, comme vous pouviez vous en douter. Parmi les grands acteurs de l’aide publique au développement, il y en a peu – pour ne pas dire aucun – qui souhaite lier ses actions aux questions migratoires.

S’agissant de l’augmentation de la contribution à l’éducation, Monsieur Maire, je pense également qu’il s’agit d’une absolue nécessité. Concernant le Partenariat mondial pour l’éducation, j’appelle néanmoins votre attention sur le fait que la France a multiplié par dix sa contribution pour atteindre les 200 millions d’euros sur la période 2018-2020. Auparavant, la contribution française n’était que de 17 millions d’euros. Il s’agit là d’un premier pas, même s’il n’est pas suffisant. L’éducation doit demeurer l’une des priorités absolues de l’aide publique au développement.

Madame Tanguy et monsieur Julien-Laferrière, je partage l’idée que 50 % des recettes de la TTF devraient être affectés à l’aide publique au développement, et j’ai également cosigné des amendements en ce sens. Nous devrions développer une stratégie différente en nouvelle lecture et adopter une démarche collective pour déposer un seul et unique amendement visant à affecter 50 % de la TTF à l’aide publique au développement. Cela nous permettrait d’opposer un argument construit au rapporteur général, et d’éviter les confusions entre hausse de l’affectation et hausse du taux de la TTF, qui sont deux débats distincts. En effet, la crainte d’une hausse des taux a souvent occulté le débat sur l’affectation de la TTF, et cela nous a desservi. En somme, je pense que nous devrions discuter tous ensemble, au sein de notre commission, de l’élaboration d’une stratégie commune à ce sujet.

J’ajoute, pour répondre à la question de Mme Clapot, que l’AFD inclut effectivement le critère de l’égalité entre les hommes et les femmes dans ses projets. Pour ce qui est de la coopération décentralisée, je ne suis pas certaine que l’ensemble des collectivités territoriales participant à l’aide publique au développement prenne en compte cette dimension, et c’est peut-être notre rôle en tant que parlementaire d’aller discuter avec ces collectivités territoriales, et de les inciter à prendre en considération cet objectif.

Mme Bérengère Poletti. En tant que membre du conseil d’administration de l’AFD, je me permets d’indiquer que lorsque l’AFD accompagne les collectivités territoriales, l’agence impose d’appliquer les engagements liés à l’accord de Paris et à la réalisation des objectifs en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, si les collectivités agissent de leur propre chef, il n’existe pas de moyens à ce jour prévoyant un accompagnement des projets et le respect de ces thématiques.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. L’AFD met en place les processus nécessaires au respect des engagements internationaux et nationaux, mais pour ce qui est des collectivités territoriales, charge à nous, parlementaires, de porter un message permettant de développer un système similaire.

Monsieur de Rugy, merci pour les mises au point nécessaires. Je partage complètement votre position.

Monsieur Nadot, il nous faudra défendre l’exigence de transparence dans le futur projet de loi de programmation et d’orientation. À ce sujet, je soutiens la proposition de M. Mbaye de rédiger un courrier collectif afin d’accélérer la création d’un nouveau cadre législatif pour les politiques de développement.

Mme Sylla, je soutiens l’idée d’une impulsion politique pour que les matières premières africaines deviennent un élément concret de la mise en œuvre d’une politique industrielle locale.

M. Michel Herbillon, président. Madame la rapporteure, merci d’avoir pris le soin de répondre à chacun des intervenants. Mes chers collègues, la discussion générale sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » est désormais close.

M. Michel Herbillon, président. Je suis saisi de trois amendements sur l’état B annexé à l’article 33 concernant les crédits de la mission aide publique au développement. Le premier amendement, numéro AE16, est présenté par M. David.

M. Alain David. Il est défendu.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Conformément aux orientations du CICID de février 2018, l’augmentation de l’APD française est principalement portée par l’aide bilatérale, qui poursuit sa hausse en 2021 (+ 16,9 %), et représentera en 2021 près de 60 % des dépenses d’APD.  Ce renforcement du volet bilatéral s’effectue par la mobilisation d’un volume croissant de dons, qui sont orientés vers les 19 pays prioritaires de notre APD.

En cohérence avec cet objectif, le projet de loi de finances pour 2021 marque une augmentation significative des moyens de l’AFD au titre des dons-projets et des dons-ONG, ainsi qu’une augmentation de l’enveloppe des projets relevant du Fonds de solidarité pour les projets innovants, outil complémentaire de l’aide projet mise en œuvre par l’AFD, car il répond à des problématiques locales pour lesquelles la connaissance de terrain dont dispose l’ambassadeur et le service de coopération et d’action culturelle sont nécessaires.

S’agissant des crédits d’aide multilatérale du programme 110, les crédits de paiement augmentent de 36 % par rapport en 2020. Les autorisations d’engagement enregistrent quant à eux une « baisse mécanique » : c’est la conséquence de la hausse importante des autorisations d’engagement en 2020 à la suite des reconstitutions triennales de trois grands fonds multilatéraux : l’Association internationale de développement (AID), le Fonds africain de développement (FAD) et le Fonds vert pour le climat. Ces trois fonds importants, qui représentent la moitié de la totalité des crédits de paiement du programme 110 en 2021, servent les principales priorités de la politique de développement française.

L’amendement AE16, mis aux voix, est rejeté.

M. Michel Herbillon, président. Le deuxième amendement est l’amendement n° 15, présenté également par M. David.

M. Alain David. Il est défendu.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. J’émets également un avis défavorable sur cet amendement. Le budget qui vous est présenté vise à poursuivre la hausse de l’APD transitant par les organisations de la société civile (OSC), dans le cadre du doublement prévu entre 2017 et 2022 par le CICID. Le montant d’aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile est en augmentation constante depuis 2017 pour atteindre 460 millions d’euros en 2019 (contre 310,4 millions d’euros en 2017 et 374,2 millions d’euros en 2018). En 2019, l’AFD a financé les organisations de la société civile à hauteur de 208 millions d’euros, soit une augmentation de 72 millions d’euros par rapport à 2018. Cette enveloppe comprend le dispositif Initiatives OSC, qui atteindra 130 millions d’euros en autorisation d’engagements en 2021, après 110 millions en 2020.

Au-delà de ce dispositif, le soutien global du MEAE par d’autres canaux augmente également, puisqu’il est passé de 126 millions d’euros en 2018 à 139 millions d’euros en 2019. Le Cendre de crise et de soutien reste le pourvoyeur le plus important, puisqu’il contribue à hauteur de 71 millions d’euros pour l’action humanitaire.

Les collectivités territoriales, enfin, sont également très mobilisées dans le soutien aux organisations de la société civile, qu’elles financent à hauteur de 85 millions d’euros en 2019, dernier chiffre connu.

L’amendement AE15, mis aux voix, est rejeté.

M. Michel Herbillon, président. Le dernier amendement est l’amendement n° 17 de M. Julien-Laferrière.

M. Hubert Julien-Laferrière. Il s’agit d’un amendement d’appel. Comme cela a pu être dit par certains de mes collègues tout à l’heure, le projet de loi de programmation relatif à l’aide publique au développement va arriver sous peu, je l’espère. Pour l’heure, les conclusions du CICID de 2018 ne sont toujours pas inscrites dans notre arsenal législatif. Depuis 2017, nous constatons une hausse des crédits alloués à l’aide publique au développement. Cependant, les crédits du programme 209, auquel nous sommes très attachés dans cette commission, pourraient profiter d’une hausse plus importante. Cet amendement d’appel propose de transférer un euro du programme 110 au programme 209, parce que les services sociaux de base doivent être la priorité de notre aide publique au développement. Les objectifs de l’Agenda 2030 sont aujourd’hui loin d’être réalisés, et les perspectives ne sont pas bonnes, en particulier après la crise de la Covid-19. Cet amendement d’appel a donc pour objectif de proposer davantage d’efforts en faveur des services sociaux.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Même si je partage une grande partie des constats qui sont faits dans l’exposé sommaire de cet amendement, j’émets un avis défavorable.

C’est précisément pour renforcer son action dans les secteurs prioritaires de l’aide, et notamment certains secteurs sociaux qui souffraient jusqu’à présent d’un sous-financement que, depuis le CICID de 2018, la France renforce la composante bilatérale de son aide, en particuliers sous forme de dons. Ainsi, en vue d’engager la hausse des dons projets vers les pays prioritaires, l’AFD a bénéficié de moyens accrus, notamment d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagements additionnels dès 2019, dans le cadre d’un effort global sur l’ensemble du quinquennat.

Je rappelle qu’au total, l’aide publique au développement de la France est majoritairement constituée de dons (81 % de nos financements bilatéraux et multilatéraux en 2019), ce qui fait de notre pays le quatrième bailleur mondial en dons. Je rappelle également que la France se refuse à intervenir sous forme de prêts dans les pays les plus vulnérables. En outre, depuis le CICID de 2018, notre politique de développement s’articule autour de priorités claires : santé, crises et fragilités, égalité femmes-hommes, éducation, climat et environnement.

Évidemment, nous pouvons faire plus et mieux. J’entends cet amendement d’appel et je le prends comme un message à passer, mais mon avis reste néanmoins défavorable.

L’amendement AE17, mis aux voix, est rejeté.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2021, sans modification.

 

 


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   Annexe 1
Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE

-     Mme Stéphanie Seydoux, Ambassadrice en charge des questions de santé mondiale ;

-     Mme Anne-Sophie Monceau, chargée de mission auprès de Mme Stéphanie Seydoux ;

-     M. Michel Miraillet, directeur général de la mondialisation ;

-     M. Philippe Lacoste, directeur du développement durable ;

 

-     M. Christophe Bories, sous-directeur Affaires financières multilatérales et développement

-     Mme Virginie Gallerand, cheffe du bureau Aide publique au développement ;

-     Mme Béatrice Di Piazza, adjointe à la cheffe du bureau Multifin 5 ;

-     Mme Lauranne Duhil, adjointe à la cheffe de bureau Multifin 5 ;

-     Mme Pauline Gonthier, adjointe au chef de bureau Multifin 2 ;

-     M. Mme Mathilde Gassies, bureau Multifin 2 ;

 

-     M. Rémy Rioux, directeur général ;

-     M. Philippe Baumel, conseiller relations avec le Parlement ;

 

-     M. Jérémie Pellet, directeur général ;

-     Mme Dehbia Krouk, responsable appui stratégique et relations parlementaires ;

-     M. Martin Fortes-Delacroix, directeur de la stratégie et des partenariats ;

 

-     M. Jacques Le Vagueresse, directeur des affaires européennes et internationales

 

-     M. Philippe Masset, directeur Europe et international ;

-     M. Thierry Méraud, expert international ;

-     Mme Marie d’Adesky, conseillère Europe et International au cabinet du Président ;

 

-     Mme Sophie Goudiaby, Première secrétaire, Pôle développement et climat ;

-     M. Thierry Peyroux, Premier secrétaire, Pôle développement et santé ;

-     M. Frédéric Glanois, chef du service économique et financier ;

-     Mme Ariane Joab-Cornu, chargée de mission, Fonds et programmes de développement des Nations unies.

 

-     M. Philippe Jahshan, président ;

-     M. Pierre Jacquemot, président du GRET ;

-     M. Gautier Centlivre, responsable plaidoyer de Solidarité Sida ;

-     Mme Hélène Dulin, chargée de mission au sein de la délégation générale du CCFD-Terre Solidaire ;

-     M. Vincent Pradier, secrétaire général ;

 

-     M. Philippe Messéant, Directeur des relations extérieures et du renforcement des capacités, FERDI (Fondation pour les études et recherches sur le développement international) ;

-     M. Matthieu Boussichas, Responsable du Programme "Aide au développement », FERDI ;

-     M. Valéry Ridde, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) ;

-     M. Michel Eddi, président directeur général du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et président du conseil d’administration de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales).

 

-     M. Mario Sander, représentant spécial de la Banque mondiale et directeur pour l’Europe ;

-     Mme Cristina Mejia, conseillère principale pour la France ;

-     Mme Laure de Petiville, attachée aux relations extérieures ;

-     M. Bruno Rivalan, directeur France d’Action santé mondiale.


   C:\Users\dtoulon\Desktop\Répartition géographique APD bilatérale 2019.png
Annexe 2

Évolution de la répartition géographique l’APD bilatérale

C:\Users\dtoulon\Desktop\Evolution APD bilatérale entre 2015 et 2019.png

 

Source : DG Trésor/DGM


   Annexe 3 

dix premiers États étrangers récipiendaires DE l’APD bilatérale nette française et deS AIDES multilatéraleS netteS françaiseS imputéeS À l’APD en 2018

Rang

APD bilatérale

APD multilatérale imputée

1

Côte d’Ivoire

Éthiopie

2

Maroc

Turquie

3

Cameroun

Bangladesh

4

Sénégal

Inde

5

Algérie

Nigeria

6

Colombie

Kenya

7

Inde

République Démocratique du Congo

8

Cuba

Tanzanie

9

Chine (République populaire de)

République démocratique populaire lao

10

Turquie

Afghanistan

Source : DG Trésor/DGM

 


[1] Les acteurs bilatéraux et multilatéraux de l’aide au développement, rapport d’information de Rodrigue Kokouendo et Bérengère Poletti au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, février 2017 et rapport d’Hervé Berville sur la modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, remis au Premier ministre Édouard Philippe en août 2018.