N° 3403

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2021 (n° 3360),

 

TOME IX

 

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

 

 

PAR M. Pascal BRINDEAU

Député

——

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 3360

 


 


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SOMMAIRE

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 Pages

INTRODUCTION

I. UNE participation franÇaise en augmentation dans un nouveau cadre financier pluriannuel

A. un prÉlÈvement sur recettes estimé à 26,9 milliards d’euros, en hausse 25 % par rapport à la prévision initiale pour 2020

1. Un projet de budget marqué par le Brexit et les négociations sur le cadre financier pluriannuel et le plan de relance

2. La dégradation du solde net de la France

B. UNE PRÉVISION soumise À de nombreuses incertitudes

1. Les aléas traditionnels entourant la prévision

2. Les impacts incertains du Brexit et de la crise économique

II. l’accord du conseil europÉen du 21 juillet 2020 sur le cadre financier pluriannuel 2021/2027 et sur le plan de relance

A. Le plan de relance « Next generation EU » : une architecture innovante au service de la solidaritÉ européenne

1. Un emprunt européen d’ampleur inédite qui abonde le budget de l’Union

2. Un plan de relance centré sur les transferts directs aux États via la facilité pour la reprise et la résilience

3. Des dépenses répondant aux priorités politiques européennes

4. La répartition du plan de relance par pays

B. le cadre financier pluriannuel 2021/2027 : la recherche d’un Équilibre entre nouvelles prioritÉs et politiques « traditionnelles »

1. Une augmentation modérée des crédits, à placer dans le contexte de « l’ambitieux effort pour la relance »

2. L’affirmation de nouvelles priorités

3. La préservation des politiques dites traditionnelles

C. L’indispensable poursuite de la rÉflexion sur les recettes

1. Le renforcement des rabais

2. Une avancée timide sur les ressources propres

D. Une marge de nÉgociation Étroite mais rÉÈlle pour le Parlement europÉen

1. Les désaccords et les lignes rouges du Parlement européen

a. La question de la conditionnalité des crédits européens au respect de l’état de droit

b. La volonté d’accroître les crédits de certains programmes

2. Une négociation globale, dans un calendrier serré

a. Un pouvoir du Parlement européen à géométrie variable selon la nature des textes

b. Une ratification des parlements nationaux attendue dès la fin de l’année 2020

III. La nÉcessaire crÉation de nouvelles ressources propres pour l’union

A. Une Évolution sur les ressources propres justifiÉe par les besoins de financement futurs et les nouvelles ambitions politiques de l’union

1. Les limites du système de financement actuel

2. Les options mises sur la table par le Conseil de juillet 2020

B. Les délicates négociations sur les nouvelles ressources propres

1. Quelles ressources propres, pour quels objectifs ?

2. Des obstacles techniques et politiques

3. Les ambitions du Parlement européen

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe 1 – Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe 2 - comparaison des propositions de la Commission et du conseil par programme


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   INTRODUCTION

 

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 31 du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR-UE) à 26,9 milliards d’euros, soit une hausse de de 5,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Cette augmentation est la conséquence du Brexit, de la crise économique et de l’accord du Conseil européen du 21 juillet dernier sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et le plan de relance. À long terme, l’évolution de la contribution française au budget européen est étroitement dépendante de la réflexion sur les ressources propres de l’Union, que le remboursement du plan de relance a rendu inévitable. L’effort inédit de solidarité financière consenti par l’Union à la faveur du plan de relance, dont la France est le troisième bénéficiaire, est en effet l’occasion historique de dépasser le raisonnement en « contribution nette » en révisant en profondeur le financement du budget de l’Union. Le Parlement français aura bientôt l’occasion d’en débattre, lorsqu’il devra ratifier, avant la fin de l’année, la décision sur les ressources propres de l’Union.

L’année 2021 est la première année d’un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) pour l’Union européenne (UE), qui s’étendra de 2021 à 2027. C’est également le début d’une nouvelle ère pour l’Union, qui doit se réinventer pour tirer les conséquences de deux crises majeures, celle du Brexit et celle de la Covid-19, qui s’est traduite par une crise économique dont on ne mesure pas encore précisément l’ampleur. Dans la lignée de l’initiative franco-allemande et de la proposition de la Commission de mai 2020, la réponse du Conseil européen de juillet 2020 est un tournant politique et budgétaire pour l’Union européenne, qui repose sur trois piliers étroitement imbriqués : le cadre financier pluriannuel 2021/2027, le plan de relance et les ressources propres.

 Alors que le Brexit et la crise ont accru les risques de fragmentation de l’Union, la décision d’un emprunt en commun est, au-delà du soulagement à court terme des finances publiques nationales qu’il représente, la réaffirmation d’un projet partagé, d’une volonté des États de s’engager solidairement et dans la durée. Réponse urgente à la crise, le nouveau cadre financier pluriannuel et le plan de relance traduisent également de nouvelles ambitions politiques, à commencer par la reconstruction d’une économie durable et résiliente, dont l’objectif de neutralité climatique en 2050 et le Pacte vert sont sans doute les dimensions les plus emblématiques.

À la faveur des remarques ci-après, votre rapporteur se prononce en faveur de l’adoption de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

I.   UNE participation franÇaise en augmentation dans un nouveau cadre financier pluriannuel

A.   un prÉlÈvement sur recettes estimé à 26,9 milliards d’euros, en hausse 25 % par rapport à la prévision initiale pour 2020

1.   Un projet de budget marqué par le Brexit et les négociations sur le cadre financier pluriannuel et le plan de relance

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européennes (PSR-UE) constitue la majeure partie de la contribution française au budget européen. Il comprend les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée, qui correspond à 0,3 % d’un assiette harmonisée pour l’ensemble les États membres, et la ressource fondée sur le revenu national brut, dite « ressource RNB », ainsi que diverses corrections accordées à certains États membres ou les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

Pour l’année 2021, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne augmenterait de 5,4 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, et de 3,5 milliards d’euros par rapport à la troisième loi de finances rectificative pour 2020, pour atteindre un total de 26,9 milliards d’euros.

Quatre facteurs principaux expliquent cette hausse :

- l’augmentation du niveau de crédits de paiement entre le budget de l’Union européenne pour 2020 et le projet de budget pour 2021 (+10,6 milliards d’euros de crédits de paiement au niveau européen, soit une augmentation de 1,6 milliard d’euros sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne) ;

- le départ effectif du Royaume-Uni, qui n’est plus assujetti qu’au paiement des engagements pris dans le cadre 2014- 2020, conformément à l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020 (+ 2,1 milliards d’euros) ;

- le changement des règles de calcul des contributions nationales selon les conclusions de l’accord politique du 21 juillet 2020, avec notamment l’augmentation des rabais (+ 0,7 milliard d’euros) et l’introduction d’une contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés (+ 70 millions d’euros) ;

- les conséquences de la crise économique de la COVID-19 sur les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne (+ 0,7 milliard d’euros).

Il convient également de souligner que le remboursement du plan de relance n’intervenant qu’à partir de 2028 (sauf introduction de nouvelles ressources propres avant cette date), il n’aura pas d’impact sur les contributions nationales. La charge d’intérêt emportée par cet emprunt sur la période 2021-2027 est inscrite sous les plafonds du CFP (15 milliards d’euros courants).

(en millions d’euros)

 

Prévisions initiales pour 2020 (LFI)

Évaluations révisées pour 2020 (LFR)

Évaluations
pour 2021

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

21 480

23 353

26 864

Source : projet de loi de finances pour 2021

2.   La dégradation du solde net de la France

Depuis 2017, la France est le troisième contributeur net en volume au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, et au huitième rang en pourcentage du RNB. En 2019, le solde net (différence entre ce qu’un État membre verse au budget européen au titre des ressources propres et ce qu’il reçoit grâce aux dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire) est estimé entre -7 698 millions d’euros (-0,31 % du RNB) et - 6 756 millions d’euros (- 0,27 % du RNB).

Depuis le début des années 2000 et jusqu’en 2013, le solde net de la France n’a cessé de se dégrader, d’abord sous l’effet des élargissements successifs de l’Union, puis en raison de la maîtrise des dépenses agricoles. La France a cependant limité la dégradation de son solde net, en se maintenant au premier rang des bénéficiaires des dépenses de l’Union.

Ce solde va inévitablement se dégrader sur la période 2021-2027 du fait principalement du départ du Royaume-Uni (selon les années, la France sera deuxième ou troisième contributeur net). Il convient de souligner que d’autres États membres ont connu une dégradation marquée de leur solde net sur la période 2007-2019, notamment la Suède, dont le solde net est passé de -0,21 % du RNB en 2007 à -0,33 % du RNB en 2019 et l’Allemagne (solde net de -0,30 % du RNB en 2007 contre -0,45 % du RNB en 2019).

Pour autant, à l’heure où la France annonce que 40 % de son plan de relance sera financé par l’Union européenne, la notion de solde net semble plus que jamais limitée : elle ne saurait à elle seule retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne.

B.   UNE PRÉVISION soumise À de nombreuses incertitudes

1.   Les aléas traditionnels entourant la prévision

L’estimation du montant de la participation française est effectuée, s’agissant des dépenses, à partir du la position technique adoptée par le Conseil consécutivement à l’accord du Conseil européen du 21 juillet 2020. Pour ce qui est des recettes, les montants des ressources assises sur la TVA et le revenu national brut reposent sur les données prévisionnelles de la Commission européenne communiquées au comité consultatif des ressources propres réuni à Bruxelles en mai 2020 ou publiées (dans le cas de la ressource plastique et de la révision de la ressource TVA) dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel. Celle-ci intègre enfin l’hypothèse que le Royaume-Uni s’acquittera de ses obligations financières, ainsi que le prévoit l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020.

Cette estimation peut faire l’objet d’importantes révisions d’ici la fin de l’exercice 2021 : d’une part, elle est réalisée à partir du projet de budget de la Commission, et non du montant définitivement arrêté pour le budget de l’UE, qui ne sera connu qu’à l’issue de la procédure de conciliation entre le Parlement européen et le Conseil, prévue pour fin novembre ; d’autre part, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne peut varier fortement en cours d’année, non seulement en fonction du niveau réel d’exécution des crédits européens, mais également, en recettes, en fonction de l’évolution de la part de chaque État membre dans la richesse de l’UE, du montant des recettes diverses, du solde reporté et du montant des corrections sur exercices antérieurs.

Ainsi, en 2019, l’exécution du prélèvement sur recettes au profit de l’Union a été inférieure de 418 millions d’euros au montant inscrit initialement en loi de finances initiale. L’essentiel de cette sous-exécution s’explique notamment par des corrections sur exercices antérieurs RNB et TVA moindres qu’anticipé (+304 millions d’euros au lieu de +620 millions d’euros budgétisés en LFI, soit un impact à la baisse de -316 millions d’euros) et une non-actualisation en cours d’exercice des assiettes RNB, TVA et du montant de correction britannique due à la non-adoption de deux budgets rectificatifs, pour un impact de -114 M€. De plus, certaines dépenses supplémentaires et certaines augmentations du solde reporté de l’exercice précédent et des recettes diverses, qu’il n’était pas possible d’anticiper, sont intervenues en cours d’exercice.

2.   Les impacts incertains du Brexit et de la crise économique

À ces aléas s’ajoutent les incertitudes liées au Brexit et l’impact de la crise sur les ressources propres traditionnelles de l’Union.

Le projet de budget de la Commission pour 2021 prévoit une diminution des ressources propres traditionnelles : elles s’élèveraient à 17 107,7 millions d’euros (après déduction des 20 % retenus par les États membres au titre des frais de perception), ce qui représente une diminution de 9,9 % par rapport à la prévision inscrite dans le budget 2020, si l’on exclut le Royaume-Uni. Cette prévision devrait être encore ramenée à la baisse en raison de l’impact de la crise économique sur le taux de croissance de chaque État, et de l’issue des négociations sur le CFP : le Conseil européen de juillet a ainsi décidé de porter de 20 à 25 % les frais de perception retenus par les États membres sur les ressources propres traditionnelles.

En outre, les incertitudes pesant sur le Brexit et la loyauté même de l’application, par le Royaume-Uni, de l’accord de retrait fait peser une incertitude sur la contribution britannique pour 2021. Au titre de l’article 148 de cet accord, les versements de 7,412 milliards d’euros seront acquittés par le Royaume-Uni afin de couvrir la part du pays dans les engagements restant à liquider antérieurs à 2021 à payer en 2021, ainsi que sa part dans les passifs de l’Union (pensions et autres) et les passifs financiers éventuels. La contribution globale du Royaume-Uni inclura aussi les versements à effectuer par l’Union en faveur du Royaume-Uni en rapport avec les corrections et ajustements liés aux ressources propres relatifs à des exercices jusqu’en 2021.

Signe que l’Union se prépare à un Brexit dur, une réserve d’ajustement au Brexit a été créée au sein des instruments spéciaux, hors plafond du CFP. Cette réserve de 5 milliards d’euros devrait permettre de parer aux difficultés rencontrées par les États et les secteurs les plus affectés, à l’issue de la période de transition qui s’achèvera le 31 décembre 2020.

II.   l’accord du conseil europÉen du 21 juillet 2020 sur le cadre financier pluriannuel 2021/2027 et sur le plan de relance

A.   Le plan de relance « Next generation EU » : une architecture innovante au service de la solidaritÉ européenne

1.   Un emprunt européen d’ampleur inédite qui abonde le budget de l’Union

La nouveauté de l’accord du Conseil européen de juillet réside dans l’instrument de relance temporaire « Next Generation EU » destiné à répondre à la crise sanitaire et adossé au CFP. Son montant de 750 milliards d’euros n’a pas changé par rapport à la proposition de la Commission du 27 mai. En revanche, si son architecture s’inspire toujours de l’initiative franco-allemande du 18 mai 2020, sa structure a été modifiée sous la pression des pays dits frugaux (Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède), notamment en ce qui concerne la répartition des prêts et des dépenses : le montant des subventions a été réduit de 500 à 390 milliards d’euros, alors que celui des prêts a été porté de 250 à 360 milliards d’euros.

Si la Commission est déjà habilitée à emprunter, au nom de l’Union, dans certains cas spécifiques et limités, l’emprunt proposé dans le cadre du plan de relance se distingue par son ampleur et par sa destination : il abonderait le budget de l’Union, alors qu’il ne s’agissait jusqu’à présent que de prêts destinés notamment aux États membres ou à des États tiers. La proposition d’emprunter, au nom de l’Union européenne sur les marchés afin de soutenir les régions et les secteurs les plus touchés par la crise, dans le respect des priorités politiques européennes, constitue une étape majeure dans le renforcement de l’intégration européenne.

Les 360 milliards de fonds empruntés, qui sont destinés à être octroyés sous forme de prêt seront remboursés par les États membres bénéficiaires. Seuls les 390 milliards d’euros empruntés aux fins de subventions et garanties feront l’objet d’une mutualisation au niveau de l’Union et seront remboursés par les États membres selon leur clé de contribution au budget européen.

Le budget européen remboursera les emprunts à partir de 2028 et au plus tard jusqu’au 1er décembre 2058, ce qui permet d’étaler le coût de la crise en lissant les remboursements annuels sur une longue période.  Deux types de ressources pour des remboursements anticipés avant 2028 sont toutefois prévus par les conclusions du Conseil : le reliquat éventuel des montants prévus dans le CFP pour le paiement des intérêts, et le produit de nouvelles ressources propres introduites, le cas échéant, après 2021.

2.   Un plan de relance centré sur les transferts directs aux États via la facilité pour la reprise et la résilience

Avec 672,5 milliards d’euros sur un total de 750 milliards d’euros, le Conseil européen a fait de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) le cœur du plan de relance (90 % du total et plus de 80 % des subventions). Pour bénéficier des fonds du FRR, les États membres devront élaborer des plans nationaux pour la reprise et la résilience établissant leur programme de réformes et d’investissements pour les années 2021-2023. Ces plans devront renforcer le potentiel de croissance, de création d’emplois et de résilience économique et sociale de l’État membre, mais aussi contribuer effectivement à la transition verte et numérique.

Pour maintenir l’enveloppe des dépenses destinées à financer les plans de relance nationaux tout en diminuant le montant global des subventions, le Conseil a fortement réduit l’abondement d’autres programmes de l’Union par le plan de relance, notamment les nouveaux outils destinés à soutenir l’investissement privé grâce à des garanties du budget de l’Union, sur le modèle du plan Juncker : l’instrument de soutien à la solvabilité proposé par le Commission est abandonné et l’abondement d’InvestEU passe de 30,3 à 5,6 milliards d’euros. Les abondements du plan de relance au programme santé et à l’aide extérieure sont également supprimés. En outre, le montant du Fonds pour une transition juste, destiné notamment à financer la transition énergétique des régions les plus dépendantes des énergies fossiles, est ramené de 30 à 10 milliards d’euros.


3.   Des dépenses répondant aux priorités politiques européennes

a.   Un rôle accru du Conseil dans la gouvernance de la FRR

Afin de donner des gages notamment aux pays du Nord de l’Europe, soucieux de s’assurer de la bonne utilisation des fonds du plan de relance, le Conseil européen a souhaité accroître son rôle dans sa gouvernance. L’évaluation des plans pour la reprise et la résilience sera approuvée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, alors que la Commission prévoyait un simple acte d’exécution de la Commission.

Concernant le déblocage des paiements par tranches, l’évaluation des demandes sera subordonnée au respect des objectifs intermédiaires et finaux des plans, au sujet duquel la Commission consultera le Comité économique et financier. Si un ou plusieurs États membres considèrent qu’il existe des écarts importants par rapport au respect des objectifs intermédiaires et finaux correspondants, ils pourront demander au président du Conseil européen de saisir le prochain Conseil européen de la question.

La Commission adoptera ses décisions concernant l’approbation des paiements conformément à la procédure d’examen prévue par le règlement « comitologie » : les représentants des États membres devront réunir une majorité qualifiée pour s’y opposer.

Toutefois, si le Conseil européen a été saisi de la question du respect des objectifs des plans, aucune décision de la Commission concernant l’approbation des paiements ne pourra être prise « jusqu’à ce que le Conseil européen suivant ait débattu de la question de manière exhaustive ». Ce processus est limité à trois mois après que la Commission a sollicité l’avis du Comité économique et financier. Une éventuelle contestation de l’atteinte des objectifs du plan pourra donc faire l’objet d’un débat au plus haut niveau politique, mais aucun pays n’aura de droit de véto sur le versement des fonds.

b.   Une nécessaire cohérence des plans nationaux avec les objectifs européens en matière de transition verte et numérique, et les recommandations par pays

Les programmes de réformes et d’investissements des États membres devront être présentés au plus tard le 30 avril 2021, mais ces derniers sont encouragés à en présenter des versions préliminaires dès la mi-octobre 2020, l’objectif étant de procéder aux premiers versements au premier semestre 2021.

Pour accélérer les versements, la Commission encourage fortement les États à prendre en compte ses priorités, qui sont, au premier chef, la transition verte et le numérique. Dans son discours du 16 septembre sur l’état de l’Union, Ursula Van der Leyen a indiqué que 37 % des allocations nationales de la Facilité pour la reprise et la résilience européen financeraient des mesures et des projets des États membres visant à favoriser la transition verte, et 20 % du plan de relance la transition numérique de l’économie. Traduction des priorités climatiques et environnementales de l’Union, 30 % du plan de relance européen sera financé par des obligations vertes, ce qui fera de l’Union le premier émetteur mondial de ce type d’instruments et contribuera à lancer un marché mondial des obligations vertes fondé sur les règles européennes.

Dans le document d’orientation de la Commission du 17 septembre dernier, qui est destiné à aider les États membres à élaborer leur plan national de relance, sept domaines phares sont envisagés : les technologies propres et les énergies renouvelables ; l’efficacité énergétique du parc immobilier ; la mobilité innovante ; la connectivité (5G, optique) ; la modernisation de l’administration publique ; l’essor d’un cloud européen pour les données industrielles et de microprocesseurs puissants ; la numérisation des systèmes éducatifs et le développement des compétences numériques.

Par ailleurs, les plans nationaux devront également « répondre aux défis de politique économique exposés dans les recommandations par pays de ces dernières années, en particulier dans les cycles 2019 et 2020 ». Si la question du rétablissement du pacte de stabilité et de croissance n’est pas à l’ordre du jour, d’autres types de recommandations sont toujours d’actualité, concernant par exemple la formation, le marché du travail ou le système de retraites. Ainsi, dans ses recommandations pour 2020, la Commission conseillait à la France d’améliorer l’environnement réglementaire, de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises et de simplifier le système fiscal. L’Italie devait améliorer l’efficience du système judiciaire et l’efficacité de l’administration publique. La Pologne devait, quant à elle, améliorer le climat des investissements, notamment en préservant l’indépendance de la justice.

Pour ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l’Union, le Parlement, la Cour des comptes européennes et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) seront habilités à exercer leurs compétences de contrôle.

4.   La répartition du plan de relance par pays

Dans le cadre de la part de subventions de la FRR, la Commission avait initialement retenu comme critères d’allocation la population, le PIB par habitant et le taux de chômage moyen des cinq dernières années, ce qui ne reflétait pas suffisamment les effets de la crise de la Covid-19 sur les économies. Souhaitant que ces derniers soient mieux pris en compte, le Conseil européen a opportunément proposé un versement des fonds en deux temps : s’agissant des subventions, les critères d’allocation proposés par la Commission ont été conservés pour 2021 et 2022, ces deux années devant représenter 70 % des engagements de dépenses ; en revanche, pour l’année 2023, au cours de laquelle seraient débloqués les 30 % d’engagements restants, le critère du taux de chômage constaté au cours des années 2015 à 2019 sera remplacé, en proportions égales, par le critère de la perte de PIB réel observée au cours de l’année 2020 et par celui de perte cumulée de PIB en 2020 et 2021. S’agissant des prêts, leur volume maximal pour chaque État membre ne devra pas excéder, en principe, 6,8 % de son revenu national brut.

Au total, la France devrait bénéficier au titre du plan de relance Next Generation EU d’une enveloppe d’environ 45,8 milliards d’euros (courants), dont environ 40 milliards au titre de la FRR, ce qui en ferait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l’Italie et l’Espagne.

Ces crédits européens seront versés entre 2021 et 2026 au fur et à mesure de l’atteinte des cibles figurant dans le plan national de relance et de résilience. Les montants réellement encaissés par la France au titre de cette facilité dépendront donc, année après année, de l’atteinte ou non des cibles et étapes clés inscrites dans le PNRR. 

En outre, lors de l’approbation initiale de son PNRR, chaque État membre peut solliciter un préfinancement à hauteur de 10 % du montant de son enveloppe pré-allouée, soit environ 4 milliards d’euros pour la France, qui pourraient être versés dès le second semestre 2021. La quasi-totalité des crédits du plan de relance Next Generation EU (98 %) sont mis en œuvre à travers des enveloppes pré-allouées aux États membres (FRR, REACT-EU, FTJ, FEADER).

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B.   le cadre financier pluriannuel 2021/2027 : la recherche d’un Équilibre entre nouvelles prioritÉs et politiques « traditionnelles »

1.   Une augmentation modérée des crédits, à placer dans le contexte de « l’ambitieux effort pour la relance »

Le plafond des engagements du CFP est fixé à 1 074,3 milliards d’euros, un montant inférieur à toutes les propositions discutées jusqu’ici, mais justifié par le Conseil par « l’ambitieux effort pour la relance ». En effet, le nouveau cadre financier pluriannuel le CFP et le plan de relance sont étroitement imbriqués et ne peuvent être analysés l’un sans l’autre : le plan de relance renforce certains programmes du CFP, tandis que certaines lignes de ce dernier sont réduites, voire supprimées, au profit de nouvelles dépenses prises en charge dans le cadre de Next Generation EU. En outre, pour certaines lignes budgétaires, la baisse décidée par le Conseil par rapport aux propositions de la Commission ne constitue pas une baisse par rapport au CFP actuel, mais une moindre augmentation.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021

Pour l’année 2021, le Conseil prévoit un total de 162,9 milliards d’euros en engagements et 164,8 milliards d’euros en paiements. Cela correspond à une augmentation de 10,6 milliards d’euros de crédits de paiement. A ces montants s’ajouteront les actions financées par le FRR, dont l’impact sera d’autant plus important qu’il est ressseré sur les trois premières années du CFP : en effet, le FRR a vocation à cofinancer les dépenses engagées par les États membres entre le 1er février 2020 et le 31 décembre 2023.

2.   L’affirmation de nouvelles priorités

Le Conseil de juillet a renforcé les objectifs climatiques en portant de 25 % à 30 % la part des dépenses totales du CFP et du plan de relance consacrées au climat, avec des objectifs appropriés dans les législations sectorielles. À cet égard, il convient de souligner que la part des dépenses de la politique agricole commune – PAC – consacrée à l’action pour le climat est portée à 40 %. Par ailleurs, les dépenses de l’Union devront être compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris et le principe « ne pas nuire » à l’environnement du Pacte vert.

Il convient également de souligner la création d’un programme santé, doté de 1,67 milliard d’euros, même si cet effort est moins ambitieux que la proposition de mai 2020 de la Commission, qui prévoyait de lui consacrer un montant total de 9,37 milliards d’euros.

La France regrette cependant la moindre ambition du Conseil par rapport à la Commission sur certains programmes, notamment le programme spatial, qui perd 1 milliard d’euros, et le fonds européen de la défense, qui se voit réduit de 4,4 milliards d’euros.

3.   La préservation des politiques dites traditionnelles

La baisse du budget de la PAC proposée en 2018 par la Commission était un sujet d’inquiétude majeure pour la France. Dans la proposition du Conseil, la PAC augmente de 19,6 milliards d’euros (4,3 sur le premier pilier et 15,3 sur le deuxième), dont 7,5 milliards du plan de relance sur le deuxième pilier. Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP – progresse, pour sa part, de 0,5 milliard d’euros.

La politique de cohésion, quant à elle, bénéficie de 47,1 milliards d’euros supplémentaires grâce aux 47,5 milliards d’euros du plan de relance.

C.   L’indispensable poursuite de la rÉflexion sur les recettes

1.   Le renforcement des rabais

Alors même que le Brexit semblait être l’occasion de revenir sur les rabais dont bénéficient différents pays fortement contributeurs « nets » au budget de l’UE, revendication formulée notamment par la France et le Parlement européen, ces corrections ont été non seulement maintenues mais renforcées, pour un coût annuel de 7,6 milliards d’euros. C’était l’une des conditions des pays dits « frugaux » pour l’acceptation du plan de relance proposé par la Commission.

Pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027, des corrections forfaitaires réduiront la contribution annuelle fondée sur le revenu national brut de 377 millions d’euros pour le Danemark, 3 671 millions d’euros pour l’Allemagne, 1 921 millions d’euros pour les Pays-Bas, 565 millions d’euros pour l’Autriche, 1 069 millions d’euros pour la Suède. Le financement de ces rabais incombant aux autres États membres en fonction de leur RNB, la France en sera le premier financeur. Cela se traduit par une augmentation de 0,7 milliard d’euros de son prélèvement sur recettes en 2021.

En outre, les frais de perception retenus par les États membres sur les ressources propres traditionnelles, que la Commission proposait de réduire de 20 à 10 % sont finalement portés par le Conseil européen à 25 %, ce qui avantage les grands États importateurs comme les Pays-Bas mais pénalise les États comme la France dont la part dans le RNB de l’Union est importante.

2.   Une avancée timide sur les ressources propres

a.   L’augmentation du plafond des ressources propres

Concernant les ressources, le premier acte juridique du plan de relance consiste à habiliter la Commission à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés au nom de l’Union, par une modification de la décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union. La Commission a demandé une double augmentation du plafond des ressources propres : une augmentation pérenne de 0,11 point pour tenir compte de la diminution du revenu national brut dans l’Union en conséquence de la crise, et une augmentation temporaire de 0,6 point afin de couvrir les obligations financières et les passifs éventuels découlant de l’emprunt. Cette augmentation de 0,6 % permettra d’augmenter la marge de manœuvre, c’est-à-dire la différence entre le plafond des ressources propres et les dépenses réelles, cette marge de manœuvre faisant office de garantie.

Comme proposé par la Commission, l’accord de juillet 2020 prévoit donc de porter le plafond des ressources propres à 1,46 % de la somme des RNB des États membres en autorisation d’engagements et 1,4 % en crédits de paiement.

b.   La création d’une « taxe plastique »

Le Conseil n’a prévu l’introduction, à partir de janvier 2021, que d’une nouvelle ressource propre, qui sera fondée sur les déchets plastiques non recyclés, avec un taux d’appel de 0,8 euro par kilogramme. Elle sera accompagnée d’un mécanisme visant à éviter un mécanisme excessivement régressif sur les contributions nationales. Pour la France, cette « contribution plastique » est estimée à 70 millions d’euros. En outre, son montant a vocation à diminuer avec la progression de la part des plastiques recyclés, conséquence attendue de l’application de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Enfin, cette contribution ne sera pas véritablement une ressource propre, dans la mesure où il s’agira encore d’un transfert du budget national vers le budget européen.

Il n’en reste pas moins qu’une étape décisive a été franchie : pour la première fois, le Conseil a convenu de la nécessité de créer de nouvelles ressources propres et a donné mandat à la Commission pour faire des propositions en ce sens.

D.   Une marge de nÉgociation Étroite mais rÉÈlle pour le Parlement europÉen

1.   Les désaccords et les lignes rouges du Parlement européen

Dans une résolution adoptée à une large majorité le 23 juillet dernier, le Parlement européen « reconnaît que la création de l’instrument de relance représente une avancée historique », mais se dit prêt à refuser d’approuver le CFP jusqu’à ce qu’un accord satisfaisant soit trouvé sur un certain nombre de points. Ses désaccords portent notamment sur :

- le montant global du CFP et les coupes proposées par le Conseil européen ;

- l’absence de calendrier contraignant pour la création de nouvelles ressources propres, « seule méthode de remboursement acceptable aux yeux du Parlement » ;

- le maintien des rabais ;

- l’affaiblissement des efforts de la Commission et du Parlement européen visant à garantir le respect de l’État de droit dans le cadre du CFP et du fonds de relance ;

- l’absence du Parlement européen dans la gouvernance de l’instrument de relance.

Parmi ces désaccords, la question de la protection du budget européen contre les défaillances de l’État de droit, de l’augmentation des crédits de certains programmes prioritaires et des ressources propres constituent des lignes rouges.

a.   La question de la conditionnalité des crédits européens au respect de l’état de droit

La formulation des conclusions du Conseil européen de juillet concernant la conditionnalité relative au respect de l’État de droit est ambiguë et paraît en retrait par rapport aux versions précédentes, à la grande satisfaction des gouvernements hongrois et polonais, même si la référence à cette notion n’a pas disparu. La majorité qualifiée serait requise au Conseil pour décider d’éventuelles sanctions, alors que la Commission proposait qu’une telle majorité soit nécessaire pour s’opposer aux propositions de sanctions. Il n’en demeure pas moins que, pour la première fois, un mécanisme liera la gestion du budget européen à l’État de droit.

Les principaux groupes politiques du Parlement européen ont indiqué qu’ils n’approuveraient pas le CFP sans un accord ambitieux sur ce sujet. De leur côté, la Hongrie et la Pologne ont menacé de ne pas adopter la décision sur les ressources propres si le lien entre budget de l’UE et État de droit ne leur convenait pas.

La présidence allemande du Conseil a présenté, le 28 septembre, une proposition de règlement dans la lignée des conclusions du Conseil de juillet, avec un vote du Conseil à la majorité qualifiée et un « frein d’urgence » permettant exceptionnellement à l’État membre concerné qui estime qu’il y a des violations graves de certains principes (objectivité, non-discrimination) de saisir le Conseil européen suivant, dans une procédure ne devant pas durer plus de trois mois après la proposition initiale de la Commission. La décision finale resterait prise à la majorité qualifiée au Conseil.

La proposition allemande est jugée, à ce stade, insatisfaisante par les eurodéputés, qu’il s’agisse de son champ d’application (trop exclusivement centré sur la lutte contre la corruption) ou de la procédure retenue. Les négociations continuent donc d’achopper sur ce point, ce qui risque de retarder l’adoption du CFP et du plan de relance, ainsi que la ratification par les Parlements nationaux de la décision sur les ressources propres.

b.   La volonté d’accroître les crédits de certains programmes

Prix du compromis obtenu le 21 juillet, le Conseil européen s’est accordé sur un CFP de 1074,3 milliards d’euros, en baisse de près de 26 milliards d’euros par rapport à la proposition de la Commission du 27 mai 2020.

Les diminutions de crédits concernent notamment les programmes suivants :

- le programme de recherche Horizon Europe, qui perd 2,6 milliards d’euros, malgré l’apport de 5 milliards d’euros du plan de relance ;

- le programme de soutien à l’investissement InvestEU, qui perd 4,7 milliards d’euros, malgré l’apport de 5,6 milliards d’euros du plan de relance ;

- le programme spatial, qui perd 1 milliard d’euros ;

- le fonds européen de la défense, qui est réduit de 4,4 milliards d’euros ;

- Erasmus +, qui perd 5,2 milliards d’euros ;

- les fonds « asile et migration » et « gestion intégrée des frontières », qui sont réduits respectivement de 0,5 milliard d’euros et 2,7 milliards d’euros.

Le Parlement européen demande davantage de crédit pour quinze programmes, notamment Horizon Europe, Erasmus + et le programme « santé », mais de nombreux États membres ne souhaitent pas rouvrir l’accord du Conseil du 21 juillet âprement négocié.

2.   Une négociation globale, dans un calendrier serré

a.   Un pouvoir du Parlement européen à géométrie variable selon la nature des textes

Le rôle du Parlement européen diffère selon la nature des textes du plan de relance et du CFP, mais il compte utiliser son droit de véto sur le CFP pour peser sur les différents textes. En outre, le plan de relance, le CFP et la décision sur les ressources propres ont une cohérence d’ensemble qui justifie une négociation globale, même s’ils répondent à des procédures spécifiques.

Sur un plan procédural, le Parlement européen :

- doit approuver le règlement fixant le cadre financier pluriannuel, sans toutefois pouvoir le modifier ;

- est consulté sur la décision du Conseil fixant les dispositions applicables au système des ressources propres de l’Union. Cette décision définit les ressources du budget de l’Union et le montant maximal qu’elles peuvent atteindre chaque année en proportion du revenu national brut. Elle autorise la Commission à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés et définit la répartition entre subventions et prêts. Le Parlement européen a déjà obtenu de la présidence allemande du Conseil de passer par un accord institutionnel (juridiquement contraignant) sur la question des ressources propres ;

- est informé de la décision du Conseil de créer un instrument pour la relance. C’est le règlement du Conseil créant l’instrument pour la relance qui répartira les 750 milliards d’euros du plan de relance entre les différents programmes ;

- est co-législateur pour les règlements sectoriels qui précisent de quelle manière les fonds prévus pour chaque programme sont dépensés tant dans le cadre du CFP que dans celui du plan de relance (facilité pour la reprise et la résilience, REACT-EU, etc.).

b.   Une ratification des parlements nationaux attendue dès la fin de l’année 2020

Le calendrier est très serré car, pour emprunter sur les marchés et mettre en œuvre le plan de relance dès janvier 2021, la modification de la décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union est requise. Celle-ci doit ensuite être soumise pour autorisation de ratification aux vingt-sept parlements nationaux, avant le 31 décembre 2020. La présidence allemande du Conseil espère un accord avec le Parlement d’ici à la fin du mois d’octobre, pour laisser aux parlements nationaux le temps de le ratifier avant la fin de l’année.

III.   La nÉcessaire crÉation de nouvelles ressources propres pour l’union

A.   Une Évolution sur les ressources propres justifiÉe par les besoins de financement futurs et les nouvelles ambitions politiques de l’union

1.   Les limites du système de financement actuel

Le plan de relance soulage à court terme les finances publiques nationales, mais son financement est un enjeu d’autant plus important qu’il n’a pas été possible, à ce stade, de remettre en cause les rabais dont profitent certains États membres. Si le sujet des nouvelles ressources propres est un serpent de mer du débat européen, il existe une vraie occasion de le faire progresser : sans avancée sur les nouvelles ressources propres, le remboursement des 750 milliards d’euros du plan de relance devrait passer par une hausse des contributions nationales ou par une réduction de programmes européens.

Enfin, les subventions dont bénéficieront les États et la mutualisation de l’emprunt dans le cadre du plan de relance renforcent la caducité de la notion de solde net, un concept comptable qui ne permet pas de retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’Union européenne.

2.   Les options mises sur la table par le Conseil de juillet 2020

Si le Conseil européen ne s’est accordé, en juillet, que sur l’introduction dès 2021 d’une nouvelle ressource propre assise sur la quantité de déchets d’emballages en plastique non recyclés, la reconnaissance de la nécessité de créer des nouvelles ressources propres est une étape significative dans un débat qui semblait bloqué.

Ainsi, le Conseil a invité la Commission à formuler, au premier semestre 2021, des propositions pour l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et une ressource propre fondée sur le numérique, en vue de les mettre en œuvre au plus tard le 1er janvier 2023. Elle devrait également proposer une révision du système européen d’échange de quotas d’émission carbone, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime, sans qu’aucune date de mise en œuvre n’ait été spécifiée. Enfin, le Conseil européen a précisé que l’Union s’efforcerait, au cours du prochain CFP, de mettre en place d’autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières.

Il est à noter que l’hypothèse d’une contribution de 3 % sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), proposée par la Commission en 2018, et l’idée d’une taxe liée au marché unique pour les grandes entreprises n’ont pas prospérées au Conseil en raison du refus de nombreux gouvernements.

De la suite donnée à ces propositions dépendra évidemment l’évolution des contributions nationales au budget européen.

B.   Les délicates négociations sur les nouvelles ressources propres

1.   Quelles ressources propres, pour quels objectifs ?

La pertinence des options sur la table en matière de ressources propres dépend des objectifs que l’on souhaite poursuivre, qu’il s’agisse de l’accroissement des recettes, de la justice fiscale ou de l’efficacité des politiques européennes, notamment en matière environnementale ou numérique.

Ainsi, dans une étude de septembre 2020 conduite pour le think tank Bruegel, Clemens Fuest et Jean Pisani-Ferry indiquent que la révision du système d’échange de quotas d’émission serait la mesure la plus appropriée pour accroître les ressources propres du budget de l’UE : « Par rapport au SCEQE, les autres candidats aux ressources propres sont moins convaincants. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est destiné à limiter les distorsions de concurrence internationale plutôt qu’à générer des recettes. Il est préférable de laisser les taxes numériques et les impôts minimaux sur les sociétés au processus en cours au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Il n’existe pas d’accord au sein de l’UE sur une taxe sur les transactions financières. »

Le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières se justifie donc davantage par les nouvelles ambitions politiques de l’Union en matière climatique et environnementale, et la nécessité de protéger les acteurs européens de la concurrence déloyale de ceux qui ne seraient pas soumis aux mêmes exigences dans les pays tiers.

C’est par ailleurs l’équité et la justice fiscale que met en avant le Parlement européen pour justifier leur soutien à la taxe numérique et à la taxe sur les transactions financières. Le commissaire européen à la fiscalité, Paolo Gentiloni, a également admis que la taxation du numérique était un « devoir politique » plus qu’une source importante de revenus, dans un contexte où les plateformes du numérique ont été les grandes gagnantes de la crise.

2.   Des obstacles techniques et politiques

Il existe d’abord des divergences de rapport à la fiscalité, qui s’expliquent notamment par les traditions politiques et les structures économiques des États membres. Ainsi, l’idée d’un impôt sur le numérique ou lié au marché unique pour les grandes entreprises s’est longtemps heurtée au refus de nombreux États hostiles à l’augmentation de la pression fiscale, comme l’Irlande ou les Pays-Bas.

En outre, si certains États membres, comme la France et l’Italie, sont traditionnellement favorables à de nouvelles ressources propres, d’autres pays préfèrent conserver un financement fondé sur les contributions nationales, qui leur permettent d’évaluer leur solde net et dont ils attendent souvent un « juste retour ». Certains dénoncent le caractère inéquitable d’impôts dont la répartition du produit serait déconnectée de la richesse relative des États.

Cependant, la nécessité de trouver des recettes pour rembourser le plan de relance fait bouger les lignes et la mise en place de nouvelles ressources propres a fait l’objet de l’accord unanime des chefs d’État et de Gouvernement, lors du Conseil du 21 juillet dernier.

Il n’en reste pas moins que chaque proposition fiscale suscite son lot de critiques.

Si la France plaide pour la mise en œuvre d’une taxe numérique dès le premier semestre de 2021, de grands pays exportateurs comme l’Allemagne ou l’Irlande espèrent encore un accord international sous l’égide de l’OCDE, pour éviter les éventuelles représailles économiques. Or cet accord, qui ne pourrait aboutir avant l’été 2021, semble hors de portée tant divergent les positions de l’Union et des États-Unis.

La France reste cependant optimiste sur la création d’une telle taxe dans les prochains mois : toujours plus d’États membres s’y rallient, et elle répond à une priorité politique européenne. Dans son discours sur l’état de l’Union du 16 septembre dernier, Ursula Van der Leyen a indiqué qu’en cas d’échec des négociations internationales, la Commission présenterait, début 2021, une proposition en ce sens.

La mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est, quant à elle, d’une grande complexité tant sur le plan technique que sur le plan de sa conformité aux règles du commerce international. Il reste que, s’agissant d’une taxe liée à une priorité européenne dans le cadre du Pacte vert et qui est de plus en plus largement soutenue par les États membres, sa complexité ne devrait pas empêcher la finalisation de l’étude d’impact, prévue fin octobre, et la présentation par la Commission d’une proposition en juin 2021, après consultation des États membre.

S’agissant d’une nouvelle ressource propre fondée sur le mécanisme d’échange des quotas d’émission, la Pologne a d’ores et déjà indiqué qu’elle s’y opposerait, quand des pays comme la Slovaquie, la France, l’Espagne, la Suède, l’Italie et le Danemark soutiennent cette proposition.

Les discussions au Conseil risquent d’être d’autant plus difficiles que la règle de l’unanimité prévaut en matière fiscale : la clause passerelle, qui permettrait de passer à la majorité qualifiée, doit elle-même être activée à l’unanimité.

3.   Les ambitions du Parlement européen

Le Parlement européen prône une réforme plus ambitieuse que le Conseil européen du système des ressources propres de l’Union et a obtenu d’introduire dans l’accord interinstitutionnel en matière budgétaire un calendrier contraignant d’introduction de nouvelles ressources propres.

Outre l’application, à compter du 1er janvier 2021, de la « taxe plastique », le Parlement européen, dans son avis adopté le 16 septembre dernier, propose que six nouvelles recettes propres soient introduites d’ici à 2028, date de début de remboursement de l’emprunt :

- à compter du 1er janvier 2021, un taux d’appel uniforme sur le produit de la vente des quotas dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de carbone ;

- à compter du 1er janvier 2023, l’utilisation des recettes générées par la taxe sur les services numériques et l’introduction d’un système de recettes générées par un mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières.

- à compter du 1er janvier 2024, l’introduction d’une taxe sur les transactions financières ;

- En 2026, instauration d’une assiette commune consolidée sur l’impôt sur les sociétés.

Cependant, de nombreuses divergences demeurent. Ainsi, s’agissant du taux d’appel uniforme au montant représentant les recettes générées par le système ETS, le Parlement demande une introduction à compter du 1er janvier 2021, contre début 2023 pour le Conseil. Pour le Parlement européen, la taxe sur les transactions financières devrait être en vigueur à compter du 1er janvier 2024, tandis que les États membres s’en tiendraient à début 2026.

Le Parlement européen et le Conseil doivent donc encore s’entendre sur le rythme d’introduction de ce panier de nouvelles ressources propres, qui devraient permettre de rapporter, selon le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, 10 milliards d’euros quand elles seront toutes opérationnelles.


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   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent avis au cours de sa réunion du mercredi 14 octobre.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Mes chers collègues, au nom de tous, je veux tout d’abord adresser un salut amical et chaleureux à notre présidente, Mme Marielle de Sarnez.

Après avoir auditionné hier M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, nous entamons ce matin l’examen du projet de loi de finances pour 2021. La commission est saisie pour avis de neuf budgets.

Le premier avis qui nous est présenté aujourd’hui porte sur le prélèvement sur recettes de l’État au profit de l’Union européenne (PSR-UE). Estimé à 26,9 milliards pour 2021, il est en hausse de 5,4 milliards par rapport au montant fixé il y a un an, lequel était stable par rapport à 2019. C’est une augmentation significative. Au-delà de ce montant, ce prélèvement revêt une importance particulière, car l’année 2021 sera le premier exercice du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour les années 2021 à 2027, et parce que ces fonds financeront le plan de relance européen, actuellement en cours de finalisation. Espérons que le Conseil européen, qui se réunira demain et après-demain, trouvera une décision unanime.

M. Pascal Brindeau, rapporteur pour avis. Nous examinons aujourd’hui l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021, qui évalue le prélèvement sur recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne. Cette année, il mérite que l’on s’y attarde encore davantage que les précédentes, car il intervient dans un contexte particulier à un double titre. D’abord, l’année 2021 est la première d’un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP), qui entend traduire une Union européenne aux ambitions politiques croissantes, mais dont la géographie rétrécit, pour la première fois de son histoire. Ensuite, l’Europe est frappée, comme tous les autres continents, par une crise sanitaire et économique majeure. L’augmentation significative du prélèvement sur recettes attendue dans le cadre du prochain CFP est la matérialisation du Brexit et de la réponse européenne à la crise sanitaire et économique. Au-delà de l’année 2021, c’est donc une tendance sur les sept prochaines années qui se dessine, dans la lignée des orientations âprement négociées lors du Conseil européen du mois de juillet.

Le projet de loi de finances pour 2021 évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne à 26,9 milliards, soit une hausse de 25 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Cette augmentation s’explique par quatre facteurs principaux : l'augmentation du niveau de crédits de paiement entre le budget de l’Union européenne pour 2020 et le projet de budget pour 2021 (+1,6 milliard) ; la compensation du départ du Royaume-Uni, qui était le deuxième contributeur net de l’Union européenne (+2,1 milliards) ; le changement des règles de calcul des contributions nationales selon les conclusions de l’accord politique du 21 juillet 2020, avec notamment l’augmentation des rabais (+0,7 milliard) et l’introduction d’une contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés (+ 70 millions d’euros) ; enfin, les conséquences de la crise économique de la covid-19 sur les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne (+0,7 milliard).

En moyenne, sur le cadre 2021-2027, le PSR-UE est estimé à 28 milliards, auxquels il faut ajouter 1,7 milliard par an de droits de douanes collectés aux frontières françaises et reversés à l’Union européenne, soit un ressaut moyen de 8 milliards par an par rapport au cadre précédent.

Aux aléas traditionnels entourant cette prévision budgétaire s’ajoute cette année un contexte particulièrement incertain. D’abord, les négociations interinstitutionnelles portent cette année sur un « paquet » budgétaire composé du nouveau CFP, du plan de relance et des ressources propres, un « paquet » aux enjeux majeurs, qui rendent les négociations particulièrement délicates.

Ensuite, le contexte est cette année marqué par deux crises majeures. Premièrement, la crise sanitaire a entraîné une crise économique dont on ne mesure pas encore l’ampleur : selon l’Office européen de statistiques, la zone euro a enregistré entre avril et juin un plongeon sans précédent de 12,1 % de son PIB, et de 11,9 % pour l’ensemble de l’Union, en raison des mesures drastiques mises en œuvre pour freiner l’épidémie de coronavirus. Deuxièmement, les incertitudes entourant les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et ses conséquences économiques pèsent sur l’équation budgétaire. À ce stade, les modalités de participation du Royaume-Uni aux programmes de l’Union ne sont pas définies.

L’année 2021 marque donc le début d’une nouvelle ère pour l’Union, qui doit se réinventer pour tirer les conséquences de ces deux crises. Dans la lignée de l’initiative franco-allemande de mai 2020, la réponse du Conseil européen de juillet 2020 est un tournant politique et budgétaire pour l’Union européenne, qui repose sur trois piliers étroitement imbriqués : le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, le plan de relance et les ressources propres.

La nouveauté de l’accord du Conseil européen de juillet réside dans l’instrument de relance temporaire « Next Generation EU », destiné à répondre à la crise sanitaire, et adossé au CFP. Son montant de 750 milliards, empruntés par la Commission au nom de l’Union, se compose de 390 milliards de prêts et de 360 milliards de dons. La proposition d’emprunter au nom de l’Union européenne sur les marchés afin de soutenir les régions et les secteurs les plus touchés par la crise, dans le respect des priorités politiques européennes, constitue une étape majeure dans le renforcement de l’intégration européenne. Ce plan de relance se traduit par un relèvement significatif du budget pluriannuel de l’Union, qui a été porté par le Conseil européen du 21 juillet à 1,8 % du revenu national brut (RNB) de l’Union – contre 1,02 % dans le précédent CFP.

La « facilité pour la reprise et la résilience » est l’instrument principal du plan de relance, qui assurera des transferts directs aux États. Pour en bénéficier, les États membres devront élaborer des plans nationaux pour la reprise et la résilience établissant leur programme de réformes et d’investissements pour les années 2021 à 2023, dans le respect des priorités politiques européennes, à commencer par la transition écologique et le numérique – qui représenteront respectivement 37 % et 20 % des allocations nationales au minimum –, ainsi que des recommandations par pays.

Les allocations par pays tiennent compte de différents critères, parmi lesquels la population, le PIB par habitant et le taux de chômage moyen sur les cinq dernières années, la perte de PIB réel observée au cours de l’année 2020 et la perte cumulée de PIB en 2020 et 2021. Au total, la France devrait bénéficier à ce titre d’une enveloppe d’environ 45,8 milliards, ce qui en ferait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l’Italie et l’Espagne.

Le nouveau cadre financier pluriannuel, complété par les fonds du plan de relance, traduit quant à lui un équilibre entre la préservation des politiques dites traditionnelles et de nouvelles priorités. Le Pacte vert et l’objectif de neutralité climatique en 2050 sont les plus emblématiques d’entre elles.

La baisse du budget de la politique agricole commune (PAC) proposée en 2018 par la Commission était un sujet d’inquiétude majeur pour la France. Nous pouvons nous réjouir que, dans la proposition du Conseil, la PAC augmente de 19,6 milliards – 4,3 pour le premier pilier et 15,3 pour le deuxième –, dont 7,5 milliards du plan de relance sur le deuxième pilier. Je m’oppose toutefois – et je pense que je ne serai pas le seul – à la baisse des crédits de la PAC destinés à nos territoires ultramarins, car elle va fragiliser la compétitivité économique et technologique des filières agricoles ultramarines.

Cette politique dite « traditionnelle » devra toutefois se mettre en conformité avec les objectifs environnementaux et climatiques de l’Union, tels qu’ils sont notamment formulés dans la stratégie « De la ferme à la table ». Dans cette logique, la part des dépenses de la politique agricole commune consacrée à l’action pour le climat est portée à 40 %.

La politique de cohésion, quant à elle, bénéficie de 47,1 milliards supplémentaires, grâce aux 47,5 milliards d’euros du plan de relance.

Au titre des nouvelles priorités, il convient d’insister sur le renforcement des objectifs climatiques, puisque la part des dépenses totales du CFP et du plan de relance consacrées au climat a été portée par le Conseil de 25 à 30 %.

Dans le cadre du « Pacte vert » sera créé un Fonds pour une transition juste doté de 19,3 milliards, qui vise à soutenir les régions à forte intensité industrielle et dépendantes des énergies fossiles dans leur transition vers une économie bas carbone.

Il convient également de souligner la création d’un programme santé doté de 1,67 milliard, même si cet effort est moins ambitieux que la proposition formulée en mai 2020 par la Commission de lui consacrer un montant total de 9,37 milliards.

Nous avons toutefois deux regrets principaux. Premièrement, nous regrettons la moindre ambition du Conseil par rapport à la Commission sur certains programmes, notamment le programme spatial, qui perd 1 milliard, et le Fonds européen de la défense, qui se voit réduit de 4,4 milliards.

Deuxièmement, alors même que le Brexit semblait être l’occasion de revenir sur les rabais dont bénéficient différents pays, ces derniers ont été non seulement maintenus mais renforcés, pour un coût annuel de 7,6 milliards. C’est l’une des conditions que les pays dits « frugaux » – Danemark, Pays-Bas, Suède et Autriche – ont mises à l’acceptation du plan de relance proposé par la Commission. La poursuite de la réflexion sur les ressources propres, rendue impérative par les besoins de financements futurs de l’Union, devra permettre de remettre sur la table la suppression de ces rabais et de dépasser la logique du « juste retour », dont le plan de relance montre plus que jamais le caractère limité.

À cet égard, si le Conseil européen ne s’est accordé que sur l’introduction, dès 2021, d’une nouvelle ressource propre assise sur la quantité de déchets d’emballages en plastique non recyclés, la reconnaissance de la nécessité de créer de nouvelles ressources propres est une étape significative dans un débat qui semblait bloqué. Ainsi, le Conseil a invité la Commission à formuler, au premier semestre 2021, des propositions pour l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et une ressource propre fondée sur le numérique, en vue de les mettre en œuvre au plus tard le 1er janvier 2023. Elle devrait également proposer une révision du système européen d’échange de quotas d’émission carbone, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime, sans qu’aucune date de mise en œuvre n’ait en revanche été spécifiée. Enfin, le Conseil européen a précisé que l’Union s’efforcerait, au cours du prochain CFP, de mettre en place d’autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières. De la suite donnée à ces propositions dépendra évidemment l’évolution des contributions nationales au budget européen.

Je terminerai en évoquant l’état des négociations interinstitutionnelles. À ce stade, elles sont toujours en cours, alors même que le calendrier est particulièrement serré : pour être opérationnel au 1er janvier 2021, l’accord institutionnel sur la décision sur les ressources propres, qui autorise la Commission à emprunter sur les marchés, doit être ratifié par les parlements nationaux avant le 31 décembre 2020. Or les négociations, qui portent sur l’ensemble du paquet budgétaire compte tenu de l’imbrication entre le plan de relance, le CFP et les ressources propres, semblent, à ce stade, bloquées.

Le Parlement européen souhaite en effet introduire un mécanisme de protection du budget européen contre les atteintes à l’État de droit plus efficace que celui proposé par la présidence allemande du Conseil, mais la Hongrie et la Pologne menacent de bloquer la décision sur les ressources propres si le mécanisme proposé ne les satisfait pas. De même, le Parlement européen souhaite accroître les crédits de quinze programmes jugés prioritaires, parmi lesquels Horizon Europe, Erasmus + et le programme « santé », mais de nombreux États membres ne souhaitent pas rouvrir l’accord du 21 juillet, qui avait été âprement négocié.

Le Parlement européen a toutefois obtenu du Conseil un accord sur un calendrier contraignant d’introduction de nouvelles ressources propres, mais les institutions doivent encore s’entendre sur ce dernier, et de nombreux obstacles demeurent, tant sur le plan technique que sur le plan politique.

En conclusion, alors que le Brexit et la crise ont accru les risques de fragmentation de l’Union européenne, la décision d’emprunter en commun et d’accroître les ressources propres est, au-delà du soulagement à court terme des finances publiques nationales qu’il représente, la réaffirmation d’un projet partagé, d’une volonté des États de s’engager solidairement et dans la durée. Aussi, je vous propose de vous prononcer en faveur de l’adoption de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

M. Rodrigue Kokouendo, président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis. Le débat est ouvert.

Mme Olga Givernet. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne va augmenter de 25 % par rapport au montant fixé en loi de finances initiale pour 2020, pour s’établir à 26,9 milliards en 2021. Si cette hausse importante de l’une des principales contributions françaises au budget européen s’explique par différents facteurs, elle démontre surtout, si cela était nécessaire, l’attachement fort et continu de la France à l’Union européenne. Une Union européenne dont il est difficile de ne pas être fier, puisqu’elle est parvenue, malgré le Brexit et la crise sanitaire, à trouver un second souffle politique et budgétaire, en adoptant tout à la fois un nouveau cadre financier pluriannuel et un plan de relance qui met en lumière le souci partagé des 27 d’avancer et de reconstruire ensemble.

Cette solidarité est un idéal, mais c’est aussi une nécessité, puisque nous devons faire face, non seulement aux conséquences de la crise sanitaire, mais aussi aux grands défis politiques, environnementaux et sociaux qui s’offraient déjà à nous avant même l’apparition du covid-19. Nous aurons prochainement l’occasion de débattre des ressources propres de l’Union européenne, dont l’évolution semble plus que jamais nécessaire. En attendant, donnons-nous les moyens de nos ambitions, et donnons-leur un cadre à leur mesure, celui d’une Union que l’adversité renforce, plutôt qu’elle ne l’affaiblit. Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera l’adoption de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés salue, lui aussi, la grande mutation qui s’est produite au cours du printemps dans les affaires budgétaires européennes, puisque nous avons assisté à un saut à la fois quantitatif et qualitatif. Un saut quantitatif, d’abord, avec l’augmentation assez massive des sommes liées au plan de relance, qui trouvent leurs retombées dans les dispositions budgétaires et le prélèvement sur recettes. Un saut qualitatif, ensuite, puisque nous sommes passés pour la première fois d’un système de solidarité dans l’endettement à un système de solidarité budgétaire. C’est un fait très important, dont nous mesurons pleinement les potentialités.

Cela dit, plusieurs choses ne vont pas dans ce système.

Premièrement, les incertitudes sont nombreuses, et elles pèsent fortement sur nos comptes. Nul ne sait comment va se résoudre la question du Brexit, et nous ne connaissons ni le rythme, ni les modalités de mise en œuvre du plan de relance. Alors qu’une décision politique a été prise au mois de juillet, elle tarde à se concrétiser sur le plan pratique : ce retard à l’allumage est très inquiétant. Cela dit, il ne nous surprend guère, car nous savions que le principe de l’unanimité pouvait paralyser le système institutionnel : nous étions nombreux à prévoir des difficultés – ce fut le cas de l’Institut Jacques Delors, dès le mois de juillet.

Ma deuxième inquiétude, c’est qu’il soit fait un usage abusif du principe des vases communicants : on met dans le plan de relance un certain nombre de choses, mais on en retire d’autres ! On diminue par exemple les investissements dans le programme spatial ou dans les projets susceptibles de muscler notre défense. Or ce sont des domaines régaliens qui sont extrêmement importants pour un pays comme le nôtre. L’Union européenne doit passer au stade politique, elle doit avoir les moyens de peser dans le concert international. Or on réduit les dépenses qui lui permettraient de le faire : c’est un procédé pervers, qui a été imposé par les États dit « frugaux ». Le Parlement européen a certes réagi, en appelant à accroître certaines dépenses, mais il a surtout plaidé pour des dépenses sociales – par exemple pour Erasmus – et a été beaucoup plus circonspect sur les dépenses régaliennes. Notre commission doit se soucier de ces questions, car elles sont essentielles.

S’agissant, troisièmement, des dépenses, je note un autre élément très pervers : l’augmentation des rabais. Cela fait des années que nous disons que les rabais sont la verrue sur le visage de l’Europe. Ce sont les séquelles de la politique de Margaret Thatcher et de son fameux : « I want my money back », l’idée étant que chacun devait recevoir de l’Union européenne à peu près ce qu’il lui donnait. Avec un tel raisonnement, on n’a pas besoin d’Union européenne : chacun peut dépenser directement chez lui ce dont il a besoin ! Or les pays « frugaux » ont non seulement refusé d’aller dans le sens que nous proposions, mais ils ont organisé un recul : c’est fort dommage ! Et c’est lié à un autre problème, celui des ressources propres. Il faut passer à un système de ressources propres : c’est la seule manière de transformer le système et de sortir de cette comptabilité diabolique imposée par Margaret Thatcher. Il nous faut des ressources communes et solides !

M. Rodrigue Kokouendo, président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je conclurai en évoquant deux questions politiques. Premièrement, chacun doit bien être conscient que les pouvoirs des institutions communes sont moins importants aujourd’hui, en matière budgétaire et fiscale, qu’ils ne l’étaient avant le traité de Lisbonne et le traité de Nice. Il y a eu un recul : les pouvoirs du Parlement – et donc le contrôle démocratique – étaient plus importants autrefois. La marge d’action commune et la solidarité, dans les différents aspects des politiques sectorielles, étaient bien plus fortes il y a une trentaine d’années.

S’agissant du Parlement européen, devons-nous être solidaires avec lui ? La réponse est oui ! Nous devons l’être sur deux plans : nous devons être solidaires de son combat pour le renforcement de ses pouvoirs, car ce sont des pouvoirs démocratiques. Et nous devons être solidaires du Parlement européen dans son combat sur les ressources propres. En revanche, nous devons nous méfier de son projet d’introduire la conditionnalité, dans les termes dans lesquels il en parle. La conditionnalité est certes légitime, mais on sait bien que si les Hongrois et les Polonais s’opposent à une décision, ils peuvent bloquer le système.

Alors oui, nous soutenons ce projet, mais nous le soutenons les yeux ouverts, et nous sommes conscients qu’il faudra encore travailler énormément et faire un saut qualitatif en matière d’organisation budgétaire et fiscale de l’Union européenne.

Merci, monsieur le président, de m’avoir laissé parler un peu plus longtemps !

M. Christian Hutin. Je m’exprime au nom du groupe Socialiste et apparentés. Nous avons eu 7 minutes 37 d’intelligence et de réflexions pertinentes. 25 secondes pour dire : « On vote pour », et plus de 7 minutes pour dire : « Rien ne va » – le tout d’une manière brillante.

Il y a quelques années – et ceux qui connaissent mon parcours politique savent de quoi je parle –, on ne pouvait pas prononcer le mot « souverainisme ». Un souverainiste, c’était un fasciste.

M. Jean-Paul Lecoq. Ou un communiste !

M. Christian Hutin.  Vous avez raison, ou un chevènementiste, voire un séguiniste, puisque j’ai fait la campagne contre le traité de Maastricht avec Philippe Seguin. Notre participation au budget de l’Union européenne va augmenter de 25 % ! Est-ce que vous vous rendez compte ? On nous dit que 100 milliards vont arriver, mais la France y aura généreusement contribué ! Ne paie-t-elle pas elle-même ce qu’elle va toucher ? Et on a entendu ce matin, sur plusieurs radios, que cela allait traîner pendant très longtemps !

Parlons des États « frugaux » ! Ce terme, « frugal », évoque le jansénisme, la petitesse, une forme d’étroitesse, mais ces États, dits « frugaux », sont ceux qui en demandent le plus et qui en donnent le moins ! Où est l’Europe de la santé ? Elle n’a jamais existé face à la crise du covid-19, et c’est lamentable ! On a laissé tomber les Italiens dès le départ, puis les Espagnols. L’Europe a vraiment montré ses limites, depuis un an et demi ! Plusieurs de ses membres n’ont démocratiquement plus rien à avoir avec notre république : plusieurs États européens sont quasiment dictatoriaux ! Alors, arrêtons avec le surréalisme et revenons à l’idéal européen et à la solidarité européenne !

M. M’Jid El Guerrab. L’année 2021 est la première année d’un nouveau cadre financier pluriannuel pour l’Union européenne, qui s’étendra de 2021 à 2027. C’est également le début d’une nouvelle ère pour l’Union, qui doit se réinventer pour tirer les conséquences des deux crises majeures que sont le Brexit et la crise sanitaire du covid-19, qui s’est traduite par une crise économique dont on ne mesure pas encore précisément l’ampleur. Dans la lignée d’une initiative franco-allemande et de la proposition de la Commission de mai 2020, la réponse du Conseil européen de juillet 2020 est un tournant politique et budgétaire pour l’Union européenne, qui repose sur trois piliers étroitement imbriqués : le cadre financier pluriannuel, le plan de relance et les ressources propres.

Depuis 2017, la France est le troisième contributeur net en volume au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, et au huitième rang en pourcentage du RNB. Depuis le début des années 2000 et jusqu’en 2013, le solde net de la France n’a cessé de se dégrader, d’abord sous l’effet de l’élargissement progressif de l’Union, puis en raison de la maîtrise des dépenses agricoles. La France a cependant limité la diminution de son solde net en se maintenant au premier rang des bénéficiaires des dépenses de l’Union. Le montant de la participation financière est calculé sur la base des dépenses adoptées par l’accord du Conseil européen du 21 juillet 2020. Or à ces aléas s’ajoutent les incertitudes liées au Brexit et l’impact de la crise sur les ressources propres traditionnelles de l’Union. Alors que nous semblons nous diriger vers un « No deal » et un Brexit dur, la réserve d’ajustement de 5 milliards suffira-t-elle, alors que la période de transition s’achèvera le 31 décembre 2021 ?

Cela étant, le groupe Agir Ensemble se prononce en faveur de l’adoption de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

M. Jean-Paul Lecoq. Ce rapport budgétaire est très détaillé, très intéressant et très pertinent mais je n’en tire pas les mêmes conséquences que vous.

Le vote du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est toujours l’occasion de se questionner sur l’utilité de l’Union elle-même. C’est particulièrement vrai aujourd’hui, puisque l’année 2021 sera la première du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 post-Brexit et que c’est la première fois qu’un plan de relance est proposé par l’Union européenne. Le premier est terne et sans ambition, tandis que le deuxième cache une défaite de la solidarité européenne.

Commençons par ce plan de relance de l’Union européenne, qui marque une victoire des États dits « frugaux ». Ceux-ci ont obtenu une diminution de l’ambition du CFP en contrepartie de ce plan de 100 milliards. Ils ont également obtenu une augmentation de leurs rabais, ce qui signifie que l’Union européenne leur donne plus d’argent pour compenser leur participation à l’effort commun : quel cynisme de se faire appeler « frugal » lorsqu’on négocie à la baisse sa solidarité à l’égard de l’Union ! Ces pays ne se sont pas contentés de cela, puisqu’ils ont aussi modifié la répartition du plan de relance en supprimant par exemple 5 milliards pour l’aide humanitaire, plus de 10 milliards pour la solidarité internationale, sans parler du fait que les fonds de transition climatique ont été réduits de 40 à 10 milliards. À l’heure de la pandémie mondiale, on peut s’étonner que ces efforts aient été rayés d’un trait de plume !

Mais ce n’est pas tout, puisque les frugaux, comme on dit, ont aussi obtenu l’augmentation des frais ponctionnés par les États membres sur la perception des ressources propres de l’Union européenne de 20 à 25 %, alors qu’il était prévu de les diminuer à 10 %. Ce manque à gagner, ainsi que l’augmentation des rabais, va coûter plus d’un milliard supplémentaire par an à la France, dans le cadre de ce prélèvement sur recettes. Si l’on ajoute à cela le Brexit et le plan de relance, la contribution de la France augmente de 25 %, soit plus de 5 milliards supplémentaires, pour atteindre 26,9 milliards.

Cette Union européenne marche sur la tête ! Pire, elle continue d’aller à rebours de l’histoire, en négociant actuellement près d’une quinzaine d’accords de libre-échange, qui suppriment systématiquement tous ses droits de douane, sa seule véritable ressource propre.

Comment voter pour un tel prélèvement ? Comment accepter un fonctionnement aussi asymétrique, imposé par les forces du marché contre les peuples ? Comme le rapporteur pour avis, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’opposent à la baisse des crédits pour l’agriculture dans les territoires ultramarins.

M. Jean-Michel Clément. On a tendance à oublier le groupe Libertés et Territoires, alors que nous sommes une majorité dans la minorité !

En 2021, la contribution de la France au budget de l’Union européenne va augmenter de 25 % : ce n’est pas rien et cela mérite réflexion. Certes, cette augmentation est la conséquence du Brexit, de la crise économique et de l’accord du Conseil européen du 21 juillet sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, ainsi que du plan de relance.

L’année 2021 est donc la première année d’un nouveau cadre financier pluriannuel pour l’Union européenne, qui s’étendra sur sept ans. C’est également le début d’une nouvelle ère pour l’Union, qui doit se réinventer pour tirer les conséquences de deux crises majeures, celle du Brexit et celle de la covid-19. La réponse du Conseil européen de juillet 2020 est un tournant politique et budgétaire pour l’Union européenne. Elle repose sur trois piliers étroitement imbriqués : le cadre financier pluriannuel 2021-2027, le plan de relance et les ressources propres.

La hausse de la contribution française augmente de 5,4 milliards par rapport à 2020, pour compenser notamment les pertes de recettes dues au Brexit. Cette hausse exigera encore plus de vigilance de notre part, alors que d’autres pays ont pu maintenir leur rabais. Les négociations sur le plan de relance européen ont été l’occasion d’un d’échange d’amabilités sur le supposé égoïsme des uns et des autres, mais les choses sont plus complexes que cela. Si les pays dits « du Nord » ne veulent pas être responsables du remboursement des dettes des autres à n’importe quelle condition, cela ne les empêche pas de se montrer solidaires d’une autre manière, avec un solde net par habitant des plus élevés – c’est un argument qu’ils ont fait valoir.

Néanmoins, avec le Brexit et la négociation du cadre financier pluriannuel 2021-2027, nous avions une occasion historique d’en finir avec ces rabais, qui concernent certains pays comme les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark, la Suède, mais également l’Allemagne. C’est vraiment une occasion manquée ! Ces pays ont profité des négociations sur le plan de relance, en lien avec la crise du covid-19, pour conserver ces avantages. Où est la solidarité européenne ? Les questions de santé, qui se sont invitées dans le débat, auraient dû être l’occasion de l’affirmer.

Au total, ce sont 10 milliards de plus sur sept ans qui se sont envolés des caisses communautaires. Dès lors, comment nous positionner par rapport à cet article 31, quand on sait que ces rabais sont à la charge de tous les autres pays, notamment des contribuables français, vu la part du PIB de l’hexagone dans la richesse européenne ? N’oublions pas non plus qu’il a fallu tailler dans le budget européen de la recherche, d’Erasmus ou de l’innovation, et que le programme de santé de 9 milliards a disparu, alors que nous déplorons l’absence de moyens de l’Union européenne pour faire face à la pandémie.

Faut-il se consoler en notant que la part réservée à la France sur le budget de la PAC a été préservée, à hauteur de 62,4 milliards, affichant ainsi une quasi stabilité en euros constants ? Cela a été dit avant moi : c’est vrai pour certains, mais pas pour tout le monde. Je pense notamment à nos concitoyens ultramarins, qui sont les perdants de l’affaire. Le montant des aides dites du « second pilier » correspond au développement rural, à la transition écologique et à l’installation des jeunes agriculteurs. Il progresse de 10 à 11,4 milliards, dont 900 millions octroyés dans le cadre du plan de relance européen.

Nous devrons donc nous satisfaire de cela, en rappelant que ce plan vise à relancer l’économie européenne, à accélérer les transitions verte et numérique et à renforcer la résilience et la durabilité. Nous noterons toutefois que, pour la première fois, la Commission européenne va emprunter au nom de l’Union et répartir les fonds entre des prêts et des subventions aux différents États membres. Une allocation maximale de subventions par État membre est fixée par une clé d’allocation, déterminée notamment par la population, le PIB et le taux de chômage entre 2015 et 2019. En l’état, les principaux bénéficiaires de l’enveloppe seraient donc l’Italie, l’Espagne, la France et la Pologne.

Enfin, les dépenses de l’Union européenne devraient concorder avec les objectifs de l’accord de Paris et le principe « Ne pas nuire » du Pacte vert, tandis qu’une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés sera établie et appliquée à partir du 1er janvier 2021.

En conclusion, je dirai que si des contreparties ont pu être obtenues à ce prélèvement sur recettes, le groupe Libertés et Territoires émet globalement un avis négatif, car il estime que nous avons manqué une occasion de changer les choses, alors que la situation pandémique nous y invitait.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Les chiffres sont extravagants : 5 milliards d’euros de plus, 80 % des recettes de douane, soit 1,8 milliard d’euros, ce qui représente, au total, 26,8 milliards d’euros. Ces 5 milliards d’euros supplémentaires sont l’équivalent du Ségur de la santé. Les dépenses administratives de l’Union européenne ont progressé de 4 % pour atteindre 73 milliards d’euros. Nous sommes le deuxième contributeur net et nous sommes passés, en dix ans, de 5 à 9 milliards d’euros. La contribution nette de la France, qui représente ce qu’elle verse, déduction faite des sommes reçues, a très largement dépassé les 10 milliards d’euros, pour alimenter une Union européenne qui subventionne les industries polonaises, comme l’a révélé l’affaire Bridgestone, et signe des accords de libre-échange dont l’effet est d’aggraver le chômage dans notre pays au point que nous ne puissions plus le maîtriser.

Non seulement on verse, aux frais des contribuables à qui on a dit qu’il n’y avait plus d’argent, des milliards d’euros à une institution qui joue contre nous, mais on rate les négociations du plan de relance ! Comment M. Brindeau peut-il déclarer que ce plan de relance soulagera nos finances publiques ? C’est un comble ! Je ne peux accepter de tels propos, chers collègues.

Le Président de la République a très mal négocié cet accord, tout le monde le sait. Il paraît que l’on recevra 45,8 milliards d’euros. N’oublions pas que la France contribue pour plus de 15 % au budget européen. Faute de ressources propres, que la France n’a pas réussi à négocier alors que c’était le moment ou jamais, elle paiera au moins 70 milliards d’euros à terme ! C’est la pire mauvaise affaire que l’on pouvait imaginer ! Nous allons payer le double de ce que nous allons recevoir. Et encore ! Nous ne sommes pas certains de ce que nous recevrons car nous alimentons une usine à gaz. Ainsi, seuls 10 milliards d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021. C’est une très mauvaise affaire financière.

Venons-en à présent aux rabais. L’Allemagne recevra 3,6 milliards d’euros par an, ce qui représente près de 20 % de sa contribution. C’est colossal ! Et les Pays-Bas recevront 1,9 milliard, soit près de 50 % de leur contribution. Non seulement on signe un accord qui défavorise notre pays mais en plus, on accepte de verser de l’argent à ceux qui refusent de payer. La France est le dindon de la farce : pas de ressources propres, pas dans les temps, usine à gaz.

Je terminerai par deux constats : les ultramarins paieront cher cet accord et on sacrifie les investissements à long terme alors qu’ils représentent le seul intérêt de l’Union européenne puisqu’ils permettent de conclure de vraies coopérations qui nous donnent les moyens de faire face à la Chine ou aux États-Unis, en particulier dans le domaine spatial. Hélas, on les sacrifie. Au nom d’un prétendu idéal fédéraliste, on alimente un trou noir qui pompera l’argent des Français.

Soyons attentifs aux votes sur cette contribution. Nous verrons qui accepte de claquer 5 milliards d’euros en plus, sans aucune contrepartie pour nous, alors que les institutions européennes alimentent le chômage de masse dans notre pays.

M. Alain David. J’aimerais que l’on me précise le compromis obtenu sur le principe de conditionnalité. Que devient la portée de ce dispositif censé conditionner les aides européennes au respect de certaines valeurs démocratiques ou des droits de l’homme, à présent que les sanctions se décident à la majorité qualifiée ? En gros, après le premier avertissement tombe le blâme mais que se passe-t-il ensuite ? On donne une image ? Finalement, aucune sanction n’est jamais prise.

M. Pascal Brindeau, rapporteur pour avis. Certains arguments se retrouvent chez les uns et les autres. Pour autant, les votes dépendront de la manière dont chacun interprète l’intérêt que peut tirer notre pays du plan de relance européen et du nouveau cadre financier pluriannuel.

S’agissant des rabais, tout le monde regrette que ces questions n’aient pu être réglées dans le cadre des nouvelles négociations, dont on pourrait penser que les pays dits frugaux sont sortis vainqueurs. Rappelons cependant que la contribution de la France, de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2020, sera ramenée à 1,5 milliard en 2021. Les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît.

Christian Hutin évoquait la somme de 100 milliards pour la France – je pense qu’il confondait le plan de relance français avec le plan de relance européen. La France recevra une enveloppe de 45,8 milliards d’euros. Quelques collègues considèrent que la France devra, finalement, payer beaucoup plus cher que prévu. Je ne le crois pas. En tout cas, la contribution prévue pour ce budget n’est pas supérieure aux crédits dont nous pourrons bénéficier au titre du plan de relance européen même si, nous en convenons tous, les plus grandes incertitudes pèsent sur la capacité des entreprises nationales et, plus globalement, de l’économie européenne, à repartir dans de bonnes conditions. C’est aussi ce qui conditionne la réussite du plan de relance et les capacités de financement.

Enfin, Monsieur Dupont-Aignan, les négociations autour de la constitution de ressources propres pour l’Union européenne – auxquelles je me réjouis que vous soyez assez favorables, chers collègues – ne sont pas terminées. Il est impératif d’ailleurs qu’elles aboutissent et la France y prendra toute sa part. L’Union européenne doit dégager de nouvelles ressources propres : taxe numérique, taxe carbone, etc. Le sujet est complexe mais l’espoir demeure d’aboutir à un accord qui permette de relever le montant des ressources propres. Nous ne sommes pas naïfs et nous portons un regard lucide sur l’effort qui est demandé à notre pays pour financer le budget européen. Cet effort est partagé avec d’autres pays et si les négociations se poursuivent dans de bonnes conditions, elles permettront d’aboutir à un équilibre qui ne sera sans doute pas si mauvais que cela.

M. El Guerrab m’a posé une question au sujet de la réserve de 5 milliards. On ne sait pas quel sera le bilan des négociations autour du Brexit mais le ministère des comptes publics a prévu d’accompagner les entreprises qui pourraient en pâtir.

M. Nicolas Dupont-Aignan. À combien estimez-vous le montant de la contribution nette de la France en 2021 ? Nous n’avons en général le chiffre exact qu’avec un retard de deux ans or, j’aimerais que vous l’estimiez car il est évident que la très forte hausse de notre contribution brute signifie une tout aussi forte hausse de notre contribution nette.

Quant au financement du plan de relance, dès lors que l’on n’a pas consolidé le principe des ressources propres de l’Union européenne, que l’on a consenti des rabais très importants aux pays dits frugaux, que les pays du sud seront les principaux bénéficiaires du plan de relance, je ne vois pas comment la France, qui se retrouve en position de faiblesse et a accepté d’augmenter considérablement sa contribution pour les cinq prochaines années, pourrait obtenir ce qu’elle n’a pas réussi à négocier au plus fort de la crise. En 2026, l’Union européenne pourra exiger le paiement. Faites le calcul : dès lors que nous participons à hauteur de 15 % au budget européen, nous devrons verser 70 milliards. Vous pouvez tourner les choses dans tous les sens, le résultat sera le même : nous avons sacrifié notre position de force dans les négociations pour un effet d’annonce. Ce n’est pas la première fois, du reste, qu’un gouvernement ou un président de la République cède tout à ses partenaires pour se dire européen. Au contraire, ceux qui contribuent le moins sont ceux qui se montrent les plus fermes dans les négociations. Une France faible en négociations se paye très cher. Les contribuables en supporteront le prix, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. C’est quasiment le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, plus que le budget des solidarités. Allez expliquer aux Français que vous verserez tout cela à une organisation qui nous fait du mal.

M. Frédéric Petit. Mon voisin, qui vient de Normandie, et mon autre voisin, de Clermont-Ferrand, se demandent-ils si la Normandie et le Centre Val de Loire sont des contributeurs bruts au budget de l’Etat français ? Je ne le pense pas. C’est une question que l’on ne se pose même pas. J’ai beaucoup apprécié les propos de Jean-Louis Bourlanges : l’Europe n’est pas une épicerie.

Nous construisons l’Europe avec des pays qui en ont besoin aujourd’hui. Nous avons réussi à dépasser nombre de conflits. Ce n’est que dans les cimetières qu’on ne trouve pas de conflit car le conflit est normal entre des États qui ne sont pas pareils. Pour autant, nous ne sommes plus en guerre, nous négocions. Nous ne sommes pas semblables mais la Pologne est aussi chez nous. Le retour de la démocratie dans ces pays est un défi qui nous concerne tous. Varna, ce devrait être chez nous. Lisbonne est chez nous. Dès lors que l’on considère l’Europe comme une épicerie, on peut aligner comme on veut les chiffres du prélèvement européen, monsieur Dupont-Aignan. On peut jouer avec eux et les comparer pour se faire peur. Ils restent cependant assez modestes au regard de l’ampleur du projet.

En tout cas, cette façon d’aborder le débat m’est désagréable et me semble même dangereuse.

M. Pascal Brindeau, rapporteur pour avis. La contribution nette est, aujourd’hui, de l’ordre de 7 milliards d’euros. Il est toujours difficile de donner une évaluation précise car l’exécution peut ne pas être conforme aux prévisions – il peut même arriver qu’elle soit revue à la baisse comme ce fut le cas dans le précédent cadre financier pluriannuel. Elle est, pour le moment, évaluée à 10 milliards d’euros.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

 

 


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   Annexe 1 – Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

-     M. Stéphane Dupuis, conseiller financier ;

-     M. Emmanuel Chay, adjoint au chef du secteur des questions économiques et financières ;

-     Mme Constance Deler, cheffe du secteur Parlements


  
Annexe 2 - comparaison des propositions de la Commission et du conseil par programme