N° 3465

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021 (n° 3360)

 

 

 

TOME V

 

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

MARINE

PAR M. Didier Le Gac

Député

——

 

 

 

 Voir le numéro : 3399 (annexe 14)


 

 

—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

Première partie :  les crédits demandes par la marine pour 2021

I. Le projet de loi de finances pour 2021 est un reflet fidèle de la loi de programmation militaire

A. La marine nationale reste au cœur des enjeux du réarmement

1. La forte sollicitation de la Marine est appelée à se poursuivre

a. Un rythme d’engagement soutenu

b. La marine confrontée à une inquiétante évolution internationale

2. La loi de programmation militaire vise au réarmement naval

a. Une réponse aux besoins en équipements

i. La modernisation des équipements

ii. Le comblement des lacunes

b. L’accent porté sur les ressources humaines

i. L’effort de communication

i. La politique de fidélisation

B. Les crédits demandés pour 2021 correspondent à la programmation

1. Les dépenses de personnel

a. Une stabilisation des dépenses

b. La réserve parachève sa montée en puissance

2. Les dépenses d’équipement

3. L’investissement dans le maintien en condition opérationnelle des équipements

II. Le maintien de la trajectoire de la programmation militaire est la clé de la remontée en puissance de la marine

A. La crise économique et sanitaire de la Covid-19 souligne l’importance d’une application conforme de la loi de programmation militaire

1. La mise en œuvre du budget 2020 a été compliquée par la crise sanitaire

a. L’impact limité sur les commandes et les livraisons

b. Un maintien en condition opérationnelle dégradé

2. La résilience de la Marine se heurte à des fragilités capacitaires de longue date

B. 2021 sera une année charnière pour la marine nationale

1. Le renouvellement des capacités opérationnelles doit se poursuivre en 2021

2. La conduite des programmes d’armement reste un point d’attention

a. Les difficultés de l’industrie de défense

b. L’avancée des discussions autour des projets phares

i. Le système de patrouille maritime future (PATMAR futur)

ii. Le programme de système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

iii. Le système de combat aérien du futur (SCAF)

Seconde partie : le porte-avions de nouvelle génération

I. Le porte-avions de nouvelle génération revêt une importance stratégique pour la marine nationale

A. le projet s’inscrit dans une lignée historique de porte-avions français

1. 1920-2020 : cent ans de porte-avions français

2. Retour sur les opérations menées par le Charles-de-Gaulle

1. Un navire pour maintenir le rang de la France dans un monde incertain

a. L’intérêt diplomatique d’un groupe aéronaval moderne

b. Une forte plus-value pour l’action maritime de la France

i. La protection d’une vaste zone économique exclusive

ii. Des intérêts français sur tous les océans

c. Une réponse adaptée aux nouvelles compétitions entre nations en mer

2. Un outil pour préserver les compétences militaires françaises

a. L’avantage opérationnel face à la concurrence « désinhibée »

b. Un porte-avions intrinsèquement lié à la dissuasion nucléaire

II. L’attention doit être portée sur les contraintes pouvant ralentir le projet

A. Des défis encombrent la route du prochain porte-avions

1. La coopération avec les partenaires européens

a. L’échec de la coordination franco-britannique

i. Retour historique sur les événements

ii. Les raisons de l’échec

b. La mise en œuvre du système de combat aérien du futur (SCAF)

2. Les impératifs des Armées françaises

a. La sauvegarde des compétences critiques

b. L’interopérabilité avec nos alliés

3. La maîtrise des coûts

B. Encore des choix à faire pour finaliser le projet

1. Les enjeux technologiques

2. Les aspects stratégiques

3. L’option de deux porte-avions

Travaux de la commission

I. Audition de l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine

II. Examen des crédits

Annexe :  Liste des personnes auditionnées et des déplacements par le rapporteur pour avis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

—  1  —

 

 

Introduction

 

 Grâce à ses façades océaniques et à ses territoires ultra-marins répartis sur tous les océans, la France est, par essence, une grande nation maritime. La convention de Montego Bay, entrée en vigueur en 1994, a consacré ce fait en lui reconnaissant la zone économique exclusive (ZEE) la plus étendue au monde, après celle des États-Unis.

 La France est présente sur toutes les mers du globe grâce à une marine compacte mais performante et entraînée, rompue aux opérations aéromaritimes dans tout le spectre et dont les deux piliers emblématiques sont le groupe aéronaval et sa capacité de mettre en œuvre la dissuasion nucléaire de manière crédible.

 La France a-t-elle la volonté d’exploiter le potentiel de sa puissance maritime ? Tel ne semble pas avoir été le choix des gouvernements depuis une période de trente ans durant laquelle les crédits alloués à la Marine ont tendanciellement baissé. L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, a coutume de parler pour cette période de « grande retraite capacitaire ».

 La loi de programmation militaire 2019-2025 (LPM) a mis fin à cette période de disette budgétaire et incarne la nouvelle volonté politique de redonner à la France les capacités nécessaires pour conserver son rôle de puissance maritime, assurer sa sécurité en mer et mener des opérations conjointes avec ses alliés. La LPM actuelle constitue donc une première marche pour atteindre l’Ambition 2030. 

 Le rapporteur pour avis relève et se félicite que, pour la troisième année consécutive de son exécution, la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 est mise en application avec exactitude. En effet, conformément à la trajectoire de la LPM, le budget du ministère des Armées continue son augmentation en 2021 (+ 1,7 milliard d’euros), soit + 4,5%. En 2021, l’action « préparation des forces navales » sera ainsi dotée de 3,8 milliards d’euros en autorisation d’engagement(AE) et 2,6 milliards en crédits de paiement (CP).

 La Marine nationale bénéficiera donc en 2021, pour la troisième année consécutive, de l’effort de la Nation. Mais cette LPM 19-25 ne suffit pas pour apporter toutes les réponses aux vulnérabilités identifiées, notamment les ruptures temporaires de capacités (RTC) non comblées, liées aux retards dans le développement des technologies et la nécessité de maintenir en service des équipements d’ancienne génération.

 Pour mémoire, le dimensionnement de la Marine prévoit, en cas d’engagement maximal dans le cadre d’une opération de coercition, le déploiement d’une force navale composée du porte-avions avec son groupe aérien embarqué, ainsi que de deux bâtiments porte-hélicoptères (PHA), disposant de moyens de commandement à la mer et d’accompagnement intégrant jusqu’à neuf frégates, 2 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et cinq avions de patrouille maritime, et des moyens de guerre des mines et de ravitaillement à la mer. La LPM actuelle porte donc de fortes ambitions pour la Marine, avec le renouvellement de plusieurs de ses composantes à horizon 2025.

 Ce renouvellement nécessaire de nos capacités opérationnelles pour conserver la supériorité opérationnelle se traduira en 2021 par :

       des commandes clés : une frégate de défense et d’intervention (FDI), quarante-cinq kits de missiles Exocet mer-mer quarante block 3C, des hélicoptères interarmées légers (HIL) ;

       des livraisons attendues : trois avions de patrouille rénovés, une frégate multimissions FREMM (la FREMM Alsace dédiée à la défense aérienne), une frégate légère furtive (FLF) rénovée (et notamment dotée d’un sonar), un hélicoptère NH90 Caïman, un lot de torpilles lourdes Artemis (F21), quatre missiles Exocet, un lot de missiles Aster 30.

 Par ailleurs, les grands programmes liés aux infrastructures seront poursuivis en 2021. Avec l’arrivée de nombreux navires de nouvelle génération, la maitrise des programmes d’infrastructure est devenue cruciale.

Les principaux engagements concerneront les opérations suivantes :

       poursuite des travaux de modernisation des réseaux électriques des bases navales de Brest et Toulon ;

       création de nouvelles infrastructures opérationnelles à Brest (SLAM-F…) ;

       poursuite des opérations de renforcement de la défense-sécurité des sites portuaires et des emprises aéroportuaires ;

       modernisation des installations industrialo-portuaires des ports de Brest et de Toulon (pontons, bassins…) et des infrastructures des bases aéronavales de Lanvéoc et Hyères ;

       modernisation ou réhabilitation des ouvrages maritimes des bases navales et des pistes des plateformes aéroportuaires.

 Le rapporteur souhaite rappeler que le rythme d’engagement opérationnel de notre Marine est très soutenu dans un contexte géostratégique en pleine mutation comme l’a évoqué, avec acuité, l’amiral Pierre Vandier lors de son audition devant la commission de Défense le 14 octobre 2020.

 Le retour des États-puissances est avéré depuis quelques années et se traduit souvent par un usage ou une démonstration « désinhibée » de la force militaire et un obscurcissement des espaces informationnels. Les rapports de force se font plus « frontaux » et l’usage de l’outil militaire, de leur point de vue, n’a plus vocation à être seulement théorique, défensif voire dissuasif. Les espaces maritimes se militarisent massivement, accroissant directement les risques d’escalade. Dans ce contexte de déclin du multilatéralisme, la politique du fait accompli est dorénavant appliquée par un nombre croissant d’États.

 Cet environnement compétitif et potentiellement hostile explique le niveau élevé d’engagement opérationnel. Ainsi, à titre d’illustration, au moment de la rédaction de ce rapport, une quarantaine de bâtiments de la Marine nationale, dont le porte-avions Charles-de-Gaulle, sont à la mer. Cela représente 7 400 marins qui œuvrent à la défense maritime du territoire, au respect de l’embargo sur les armes au large de la Libye dans le cadre de l’opération européenne « Irini », à la sécurisation du détroit d’Ormuz dans le cadre de l’opération européenne « Agénor », à l’entrainement des forces navales de neuf marines africaines dans le cadre de l’exercice Grand African Nemo et à la sécurité de nos ressortissants dans le golfe de Guinée ou bien encore à la lutte anti sous-marine en Atlantique Nord, en coopération avec nos alliés.

 Des moyens de la Marine sont par ailleurs mobilisés quotidiennement pour réaliser des opérations de service public : des sauvetages en mer avec les hélicoptères Dauphin, Caïman et Panther, des missions de surveillance maritime avec les avions Falcon 50, des missions la lutte contre les pollutions en mer[1] et des opérations de remorquage avec les bâtiments de soutien et d’assistance (BSAM), des traitements des munitions historiques par les plongeurs-démineurs, des opérations d’assistance à la population suite aux intempéries dans le sud de la France…

 C’est dans ce contexte opérationnel que se poursuivent les études sur le renouvellement du porte-avions Charles-de-Gaulle à horizon 2038 qui fait l’objet de la partie thématique du présent rapport.

 Le rapporteur pour avis a souhaité ainsi mettre en exergue l’importance cruciale de disposer d’une capacité porte-avions de nouvelle génération (PA-Ng) pour une marine de combat, dans un contexte géostratégique qui ne cesse de se dégrader.

 Par les possibilités qu’il offre de maitrise des espaces aéromaritimes dans la durée, de projection de puissance massive et répétable loin de son port base, d’apporter une appréciation autonome de situation mais aussi par sa complémentarité avec la force océanique stratégique (FOST) et les forces aériennes stratégiques (FAS), le PA-Ng sera un des piliers de notre marine post 2038, l’outil indispensable à la crédibilité de la France comme grande puissance navale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 15 octobre 2020, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 60 réponses sur 60 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.


 

 

—  1  —

 

Première partie :
les crédits demandes par la marine pour 2021

I.   Le projet de loi de finances pour 2021 est un reflet fidèle de la loi de programmation militaire

 Pour la troisième année consécutive, le projet de loi de finances est conforme aux prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Le rapporteur pour avis se félicite que l’engagement de l’État soit une nouvelle fois tenu, ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé.

 La loi de programmation est un outil essentiel pour la remontée en puissance de nos armées, puisqu’elle prévoit une augmentation conséquente des ressources. À ce titre, la marine nationale fait l’objet d’un effort conséquent, justifié par les évolutions de la situation internationale.

A.   La marine nationale reste au cœur des enjeux du réarmement

1.   La forte sollicitation de la Marine est appelée à se poursuivre

a.   Un rythme d’engagement soutenu

 L'année 2020 est exceptionnelle à plus d’un titre pour la Marine nationale. Si notre flotte a évidemment été mobilisée par la pandémie de Covid-19, elle a dû, dans le même temps, intensifier sa présence sur plusieurs théâtres d’opération où elle était déjà fortement sollicitée. Fin septembre 2020, plus de 40 bâtiments de la Marine nationale étaient à la mer, ce qui représente environ 7 400 marins à l’œuvre pour assurer notre défense maritime.

 Comme l’a souligné l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, l’activité de la Marine cumule trois types d’engagement :

– la permanence de la posture de dissuasion, qui mobilise nombre de ressources, des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) aux unités de fusiliers marins ;

– cinq théâtres d’opérations : le détroit d’Ormuz, le Golfe de Guinée, une présence quasi-permanente en Atlantique Nord, un déploiement en Méditerranée orientale, notamment au large de la Syrie, un déploiement de moyens de l’aéronautique navale au profit de l’opération IRINI ;

– La défense de notre territoire maritime, pour laquelle la Marine est chargée de missions relevant de l’action de l’État en mer.

 L’activité reste très dense depuis plusieurs années, ce qui suppose d’opérer des choix en cas d’indisponibilité technique non programmée de certains matériels.

 L’année 2020 a été marquée par une adaptation des opérations et missions de la marine nationale au contexte sanitaire comme au contexte géopolitique mouvant en Méditerranée et océan Indien notamment.

 La montée des tensions en Méditerranée centrale et orientale a poussé à renforcer nos coopérations afin de marquer la présence des marines européennes (opération IRINI et actions entre acteurs européens) dans une zone à enjeux nationaux comme internationaux.

 Tout d’abord, la marine a apporté sa contribution à l’effort de solidarité internationale qui a suivi la double explosion dans le port de Beyrouth du 4 août 2020. Décidée par le président de la République, l’opération « Amitié » au Liban permet le déploiement et l’acheminement de moyens humains et matériels pour venir en aide aux populations sinistrées. L’engagement du ministère des Armées est mené en coordination avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur et le ministère des Solidarités et de la Santé.

 L’été en Méditerranée orientale a également été marqué par un regain de tensions entre, d’une part, la Grèce et Chypre, et d’autre part, la Turquie. La France a décidé d’intensifier sa présence pour faire face aux régulières incursions turques dans l’espace maritime de deux de ses partenaires européens, avec le déploiement du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et de la frégate Lafayette.

 Enfin, les opérations de la France se poursuivent contre les organisations terroristes. Au large de la Libye, la frégate anti-aérienne Jean Bart continue de faire respecter l’embargo sur les armes, tel qu’il a été imposé par le Conseil de sécurité des Nations Unis en 2016, dans le cadre de l’opération « Irini ». En Méditerranée orientale, la frégate multi-missions Provence, engagée dans l’opération « Chammal », poursuit sa lutte contre l’organisation « État islamique ».

 La frégate de défense aérienne « Forbin » poursuit son déploiement dans le cadre de l’opération de surveillance maritime multinationale « Agénor », qui vise à garantir la liberté de navigation dans le golfe arabo-persique et dans le détroit d’Ormuz afin de préserver les intérêts économiques internationaux et d’assurer la sécurité des bâtiments de commerce français et européens naviguant dans la zone. Cette mission de surveillance maritime a été complétée par le déploiement d’un avion de patrouille maritime Atlantique 2. Les vols effectués par celui-ci ont permis d’établir une cartographie de l’activité maritime de la zone et de mieux comprendre les comportements de chaque acteur régional, au profit de la sécurité des bâtiments qui y transitent. Cette opération s’est révélée être un succès dans le renforcement de nos liens de confiance avec la communauté maritime privée, notre reconnaissance par les nations européennes engagées comme un acteur clé de la zone, et notre positionnement stratégique face aux nations de la région.

 Enfin, la Marine nationale a également tenu jusqu’à présent ses engagements majeurs dans le Grand Nord (connaissance et anticipation), dans le golfe de Guinée (opération CORYMBE adaptée) comme dans nos espaces de souveraineté métropolitains et ultra marins (Dissuasion - opérations contre la pêche illicite en Guyane – opération de lutte contre le narcotrafic aux Antilles).

 Par ailleurs, les marins ont tous été sollicités dans l’espace maritime national lors de l’opération « Résilience », lancée pour faire face aux conséquences de la pandémie de la Covid-19. On peut citer en exemple, pendant le confinement, l'évacuation par le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre de plusieurs malades depuis la Corse vers le continent. Cependant, l’effort de la marine s’est avant tout concentré sur les territoires ultra-marins, particulièrement vulnérables en raison de leur éloignement de la métropole, de leur relatif isolement géographique et de moyens hospitaliers insuffisants pour faire face à un afflux massif de patients atteints du nouveau coronavirus. Ainsi, le PHA Dixmude a mené des actions dans l’arc antillais avec, à son bord, une équipe médicale du service de santé des Armées. Plusieurs évacuations ont également été effectuées entre les centres hospitaliers de Guadeloupe et de Martinique. On peut également citer le transport de matériel sanitaire par le patrouilleur Fulmar entre le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon, alors que les liaisons aériennes et maritimes civiles étaient fortement perturbées. Dans l’Océan indien, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Mistral, accompagné de la frégate légère furtive (FLF) Guépratte, le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) Champlain, le patrouilleur Le Malin et le patrouilleur polaire L’Astrolabe ont été tour à tour mobilisés pour le transport de fret vers Mayotte.

 Enfin, conséquence indirecte de la Covid-19, les tentatives de traversées de la Manche et de la mer du Nord par des migrants ont connu une nette augmentation. Sur les neuf premiers mois de l’année 2020, plus de 8 000 individus ont tenté de rejoindre les côtes britanniques. La préfecture maritime de Cherbourg concentre donc l’essentiel de ses opérations de l’action de l’État en mer sur le phénomène migratoire, en conduisant un nombre croissant d'opérations de sauvetage en mer. À titre de comparaison, 3 700 et 5 900 tentatives avaient été enregistrées en 2018 et 2019 respectivement. Ces données confirment donc la trajectoire haussière engagée depuis deux ans.

 Ainsi, les engagements de la Marine sont en augmentation, en quantité et en intensité, dans un contexte de forte conflictualité. Le rapporteur pour avis a constaté ainsi une hausse du nombre de jours en mer (indicateur budgétaire). Quoique l'expérimentation de doublement des équipages de frégates et de patrouilleurs de service public ait d’abord eu pour but la conciliation entre vie professionnelle et vie privée (V2P), le potentiel d’accroissement sensible du nombre de jours en mer était également bien présent dans cette dynamique voulue par la ministre, à ce stade pour trois FREMM et deux patrouilleurs de service public. Cette mesure permet d’augmenter l’activité des navires, de 120 jours à 180 jours de mer pour chaque FREMM, et de 100 à 150 jours de mer pour les patrouilleurs de service public.

 Cette mesure, mise en œuvre à titre expérimentale, donne entière satisfaction. Pour le rapporteur, l’importance de l’enjeu à la fois en termes de ressources humaines et de disponibilité des forces justifie pleinement que la manœuvre de « double équipage » soit pleinement intégrée à la programmation militaire à l’occasion de l’actualisation de celle-ci.

b.   La marine confrontée à une inquiétante évolution internationale

 Les forces navales françaises sont de plus en plus souvent confrontées à des compétiteurs désinhibés, mettant à mal certaines règles et institutions internationales. Adaptes d’une stratégie de déstabilisation visant à exploiter les failles de leurs adversaires, ces pays font appel à des modes d’action directs, hybrides ou asymétriques.

 Une militarisation croissante des espaces maritimes est à l’œuvre, principalement illustré par le renforcement des capacités navales de grandes puissances, comme la Russie, l’Iran ou la Chine. Cette situation génère des risques nouveaux pour la marine qui doit par conséquent maintenir un fort niveau d’engagement international, sur cinq ou six théâtres d’opération, alors que le dernier Livre blanc ne prévoyait que deux théâtres d'opérations simultanés. En tant que puissance maritime de rang mondial, la France doit conserver son autonomie stratégique et sa capacité à intervenir seule pour protéger ou défendre ses intérêts afin d’assurer la pleine défense de ses territoires ultra-marins et de sa vaste zone économique exclusive.

 La France doit donc maintenir son modèle capacitaire complet, comprenant l’ensemble des composantes d’une marine de premier rang. Le durcissement des opérations menées en mer, ou depuis la mer, impose en effet de maitriser les espaces (surface, aérien, sous-marin, spatial, cyber) dans lesquels opèrent ses compétiteurs.

 L’amiral Pierre Vandier a expliqué que le combat naval doit être désormais une « hypothèse de travail ». Il a également précisé que d’autres puissances maritimes possèdent aujourd’hui des moyens équivalents aux nôtres en qualité, mais largement supérieurs en quantité. Il est donc nécessaire de conserver une posture de dissuasion crédible, permanente et invulnérable incluant, pour la marine, la force océanique stratégique (FOST) et la force aéronavale nucléaire (FANu).

 C’est dans ce contexte d’une recrudescence des tensions internationales maritimes que l’ambition 2030 vise à construire un modèle d’armée à la hauteur de ces enjeux stratégiques, modèle d’armée que la LPM 2019-2025 contribue à réaliser par le réarmement naval et le renforcement des effectifs marins.

2.   La loi de programmation militaire vise au réarmement naval

 À la suite d’une réduction des moyens de la marine nationale dans les deux dernières programmations militaires, le réarmement naval était devenu un impératif pour préserver les moyens d’action de la France. Dans ce contexte, la loi de programmation 2019-2025 répond pleinement à cet objectif.

a.   Une réponse aux besoins en équipements

i.   La modernisation des équipements

 Dans le domaine naval, la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement d’une partie des équipements.

 Sur cette période, la marine doit se voir livrer les 3 premiers sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Suffren, qui permettront le retrait progressif des SNA de la classe Rubis. Les sous-marins Barracuda permettront de disposer d’une composante sous-marine aux meilleurs standards mondiaux qu’il conviendra de maintenir au meilleur niveau dans la durée. Ils seront également en mesure de mettre en œuvre le missile de croisière naval MdCN dont le premier tir depuis le Suffren s'est déroulé le 21 octobre 2020.

 La rénovation des avions de patrouille maritime ATL2 est pour sa part portée à 18 aéronefs dans un contexte de résurgence de la menace sous-marine dans nos zones d’intérêt. Concernant les patrouilleurs, six patrouilleurs outre-mer ainsi que les deux premiers patrouilleurs océaniques (PO) destinés aux façades métropolitaines seront réceptionnés d’ici 2025. Huit autres patrouilleurs océaniques seront livrés au-delà de 2025 pour atteindre le format fixé par l’ambition 2030. L’acquisition de ces 10 patrouilleurs, dotés de capacités opérationnelles supérieures, mettra fin à la tension sur ce segment, compte tenu des désarmements déjà intervenus et de l'âge avancé des derniers bâtiments.

 Le programme de pétroliers ravitailleurs est désormais lancé afin de doter la marine de quatre pétroliers modernes (BRF), conformes aux derniers standards de la réglementation internationale et garantissant une autonomie d’emploi et de déploiement, notamment en soutien des groupes d’action navale (porte-avions, porte-hélicoptères amphibies et frégates engagées en appui de la composante océanique de la dissuasion). Les deux premières unités (pour une cible fixée à quatre) doivent être livrées d’ici 2025.

 Lors de son audition devant la commission des finances le 6 octobre, Mme Florence Parly, ministre des Armées, répondant à une question du rapporteur pour avis, a dressé le portrait-robot des futurs patrouilleurs océaniques.

 Ces bâtiments jaugeront 2 000 tonnes, pourront emporter un hélicoptère et disposeront d’un canon Thales ou Nexter de 40 mm. Un gain capacitaire, puisque dix unités remplaceront les six patrouilleurs de haute mer (PHM) de 1 260 tonnes et les patrouilleurs de service public (PSP) de Cherbourg, plus compacts et à l’armement symbolique.

 Florence Parly a aussi rappelé qu’elle avait accéléré le programme de deux ans. Les deux premiers patrouilleurs océaniques seront livrés avant 2025. Au total, onze patrouilleurs auront été livrés entre 2019 et 2025, a-t-elle dénombré, en comptant les trois guyanais, mais ces navires ont connu des problèmes de disponibilité au premier semestre.

 Les six patrouilleurs ultramarins, dont la construction a été confiée à la Socarenam, ont également été avancés de deux ans. Ces navires de 1 200 tonnes remplaceront des unités de 400 tonnes. Le premier d’entre eux sera livré fin 2022, puis deux navires par an.

ii.   Le comblement des lacunes

 Les équipements « à hauteur d’homme » ont souvent été négligés et éclipsés par les grands programmes emblématiques de l’armement. Aussi, la loi de programmation militaire 2019-2025 accorde une place plus importante à ce poste important pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des marins.

 Conformément aux engagements de la ministre, l’accès à l’Internet loisirs est bel et bien étendu aux bateaux à quai au port base. 45 unités seront prochainement équipées et permettront à plus de 1000 marins d’avoir un accès gratuit à Internet.

b.   L’accent porté sur les ressources humaines

 Si la remontée en puissance de la marine nationale passe par la modernisation des équipements et le comblement des lacunes capacitaires, elle n’est pas possible sans augmentation des effectifs. Ici réside la logique de la loi de programmation 2019-2025, qui met un terme aux réductions successives d’effectifs engagées par les précédents gouvernements. Le tableau ci-après présente la trajectoire prévue pour chaque catégorie de personnel.

Prévision d’évolution des effectifs de la marine nationale

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Officiers

3 923

3 948

3 986

4 013

4 102

4 168

4 235

Sous-officiers

20 239

20252

20304

20344

20 494

20 617

20 760

Militaire du rang

6 386

6 759

6 741

6 754

6 818

6 865

6 889

Volontaires

841

429

409

409

409

409

409

Sous total : personnel militaire

31 389

31 388

31 440

31 520

31 823

32 059

32 293

Catégorie A

394

396

395

396

398

403

407

Catégorie B

661

697

709

719

730

744

751

Catégorie C

1 016

1 024

1 046

1 068

1 091

1 100

1 106

Catégorie PCRL*

24

24

24

24

24

24

24

Catégorie OE**

588

582

549

516

483

467

451

Sous total : personnel civil

2 683

2 723

2 723

2 723

2 726

2 738

2 739

Total

34 072

34 111

34 163

34 243

34 549

34 797

35 032

* Personnels civils de recrutement local. ** ouvriers de l’État.

Source : ministère des Armées.

 Cette accélération du recrutement est constituée de deux principaux leviers : d’une part, les campagnes de communication pour faire connaître la marine dans les territoires où celle-ci souffre d’une faible implantation, et d’autre part, la politique de fidélisation des marins, déjà engagée sous le précédent quinquennat et poursuivie aujourd’hui.

i.   L’effort de communication

 Les campagnes de communication sont aujourd’hui le principal moyen de toucher tous les Français. Elles sont aussi nécessaires pour pallier la faible implantation géographique de la marine sur le territoire national et la méconnaissance du fait maritime par la population. En janvier 2018, et pour une durée de trois ans, la marine a lancé une nouvelle campagne de communication de recrutement qui met en valeur l’esprit d’équipage, élément central de son identité. Sa signature « Ensemble nous sommes marins » est à la fois un appel à « rejoindre l’équipage », l’affirmation d’un mode de vie autant que d’un métier mais aussi un message qui fédère les marins autour de la mission de recrutement.

 La stratégie, développée par la Marine nationale poursuit depuis 2018 trois objectifs :

–  rappeler que la Marine recrute et que le besoin de recruter est constant ;

–  montrer que la Marine propose un avenir professionnel atypique, excitant et gratifiant ;

–  inciter les jeunes à rejoindre l’équipage de la Marine nationale.

 Mis en ligne en décembre 2018, le nouveau site etremarin.fr, conçu notamment (et en premier lieu) pour un usage mobile, permet désormais de générer un flux de candidatures en ligne qualifiées (filtres nationalité et âge) et de faciliter la redirection vers le CIRFA le plus proche du lieu de résidence de l’internaute. Il a été conçu pour réduire au maximum le nombre de clics permettant de candidater ou d’être informé des nouvelles offres par domaines d’emploi et niveau scolaire.

 La numérisation du dossier candidat permet également de simplifier le parcours de recrutement en CIRFA. Cependant, le temps est encore long entre le moment où un jeune fait une première démarche dans un bureau CIRFA pour devenir sous-marinier et son embauche définitive pour un sous-marin.

 Chaque campagne de communication de recrutement dure trois ans et bénéficie d’un budget global de conception et de conseil stratégique de 3 millions d’euros et d’un budget annuel de 4,5 millions d’euros pour les frais d’achat d’espaces publicitaires pour les campagnes nationales. Les opérations de communication ont contribué à l’atteinte des objectifs de recrutement en forte hausse malgré un contexte très concurrentiel.

 La répétition de trois campagnes nationales pluri-média chaque année joue un rôle essentiel dans l’atteinte des objectifs de recrutement en permettant une diffusion optimale du message de recrutement vers la population des 16-30 ans et en comblant le déficit de notoriété de la Marine en tant qu’employeur auprès des jeunes Français (faible implantation géographique sur le territoire national, relative méconnaissance du fait maritime par la population française). Ces campagnes visent à la fois à diriger les jeunes prospects vers le site de recrutement www.etremarin.fr et vers les CIRFA.

 Les partenariats avec des médias digitaux menés notamment avec L’Étudiant et Melty en 2019 et en 2020 ont également contribué à augmenter la notoriété de l’offre employeur de la Marine auprès des cibles de recrutement et des prescripteurs en se démarquant de la concurrence et en étant présent là où sont les candidats potentiels.

 L’organisation et la valorisation sur les réseaux sociaux des forums des métiers pour promouvoir l’offre de recrutement local (à Crozon par exemple) ou les métiers de l’aéronautique navale (forums sur les BAN de Lann-Bihoué Landivisiau, et Hyères) en 2019 et en 2020 ont permis de générer des vocations.

 Une expérimentation de recrutement local (garantie lors de la signature du contrat d’embauche de rester à Landivisiau) à la BAN de Landivisiau rencontre un réel succès auprès de jeunes gens, de rester quelques années sur leur lieu d’habitation avant de prendre la mer.

 En 2020 et malgré la crise de la Covid-19, la valorisation des offres de la marine nationale sur les plateformes d’emploi et l’accélération de programmes ambassadeurs favorisant la rencontre avec des marins ont permis d’améliorer le nombre de candidatures en ligne et leur qualité. L’impact de la crise sur le recrutement est donc relativement limité pour la marine nationale.

i.   La politique de fidélisation

 Dans le cadre de sa politique de fidélisation, la marine s’attache à améliorer son analyse des causes de départ en suivant les populations sur lesquelles il faut porter l’effort d’amélioration des conditions de vie. L’objectif est de maîtriser les flux sortant au travers de trois leviers : indemnitaire, carrière, et conciliation de la vie professionnelle avec la vie privée (V2P). Les primes sont ainsi le principal levier de fidélisation.

 Jusqu’en 2019, la prime réversible de compétences à fidéliser (PRCF), accordée aux officiers mariniers de façon croissante les cinq dernières années du dispositif, permettait à la marine de mieux fidéliser les marins détenant des compétences particulières et/ou les plus critiques.

 Depuis 2019, la prime de lien au service (PLS) est venue remplacer ce dispositif en le complétant puisqu’il permet aussi de renforcer l’attractivité des carrières (attribution pour l’accession à des cours ou pour le volontariat sous-marin) et le recrutement. Cette nouvelle prime offre davantage de souplesse d’emploi pour répondre aux besoins. En effet, elle permet à la fois de mieux contrôler les flux en fin de carrière, mais aussi d’orienter les flux au recrutement et en cours de carrière, en ciblant les compétences que la marine souhaite fidéliser.

 En 2019, 2 677 primes ont été versées aux officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. En 2020, près de 3700 PLS devraient être attribuées aux marins.

 La Nouvelle Politique de Rémunération des Militaires (NPRM), dont les premières mesures sont attendues en 2021, constitue un autre levier indemnitaire de fidélisation. La Marine en attend notamment une reconnaissance de la spécificité de l’engagement des marins, de leurs qualifications et compétences ainsi que des sujétions qu’ils consentent au quotidien et dont l’accumulation dans la durée rend nécessaire une compensation indemnitaire.

 La durée moyenne de services des marins de carrière (26 ans pour les officiers mariniers, 32 ans pour les officiers) demeure largement supérieure à la durée ouvrant droit à la retraite à jouissance immédiate (17 ans pour les premiers, 27 ans pour les seconds). Peu d’officiers sous contrat long quittent la marine avant la limite de durée des services (20 ans). La moyenne de 12 ans ne rend pas compte de cette réalité dans la mesure où cette moyenne tient compte des durées de service des officiers à la fois sous contrat court (4 ou 8 ans) et sous contrat long (20 ans). Ces indicateurs semblent indiquer que la politique de fidélisation actuelle est à poursuivre. La baisse concernant les officiers sous contrat en 2019 s’explique par la fin normale des contrats pour les jeunes officiers de la filière «Commandement » et Services » recrutés en nombre à partir de 2016 pour compenser le renversement des flux. Ces profils n’ont pas vocation à être fidélisés en masse (besoin ponctuel).

 Le modèle à deux équipages est une mesure emblématique de la politique de fidélisation de la marine, dont l’objectif est notamment de limiter la suractivité et de rendre l’activité plus prévisible pour le marin et sa famille. Avant 2019, ce dispositif était déjà mis en œuvre pour 10 sous-marins et 11 bâtiments de surface. L’extension expérimentale concerne désormais quatre frégates multi-missions (FREMM) et les trois patrouilleurs de service public (PSP) cherbourgeois. Dans le cas des FREMM, il s’agit de bâtiments récents et à équipage réduit, dont le niveau de performance entraîne une forte demande opérationnelle, se traduisant par une activité sur toutes les mers, variée, dense et imprévisible. Quant aux PSP de Cherbourg, les alertes exigeantes (flux commerciaux et migratoires en Manche et mer du Nord) et le fait qu’une partie de la population marine réside loin du Cotentin rendent la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée particulièrement sensible. Cependant, il n’est pour le moment pas encore décidé d’étendre le dispositif à l’ensemble de la flotte.

 Si les surcoûts associés sont limités, ils concernent surtout l’activité supplémentaire engendrée par le passage à deux équipages : de 120 jours de mer à 180 jours de mer pour chaque FREMM et de 100 à 150 jours de mer pour les patrouilleurs de service public (PSP). Ils intègrent des coûts de MCO supplémentaires, de carburant et de logistique opérationnelle.

 La Marine a déployé un « Plan famille » sur l’ensemble du territoire national, avec une déclinaison territoriale au niveau de chaque base de défense. Ce plan vise à mieux prendre en compte les conséquences liées aux absences opérationnelles et à la mobilité sur ordre ainsi qu’à améliorer les conditions de vie et de travail. Dans ce contexte, la Marine espère une meilleure intégration des familles dans la communauté militaire, avec un accès facilité à l’accompagnement social du ministère des Armées. Les enquêtes auprès des populations de marins montrent que le plan est accueilli positivement, mais suscite quelques frustrations dues au décalage dans le temps entre l’annonce des mesures et leur mise en place effective (logements, hébergements). La garde d’enfants en urgence est aussi un besoin exprimé par les marins.

 Actuellement, la marine est très attentive à deux mesures particulières du plan famille non encore réalisées. Premièrement, des conditions tarifaires privilégiées pour les militaires et leur famille sur la liaison aérienne Brest-Toulon : la facilitation des échanges entre les deux principaux ports serait un facteur fort de fidélisation des marins. Deuxièmement, le déploiement de l’Internet loisirs à bord des unités navigantes, qui ne pourra débuter avant 2021.

 

Le « Plan famille »

Le plan ministériel « d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires 2018-2022 », dit « Plan famille », présenté par la ministre des Armées en octobre 2017, répond à la nécessité de porter une attention accrue à la condition du personnel, marquée par la singularité militaire et se caractérisant par des contraintes pesant toujours davantage sur les familles. Cette volonté ministérielle et l’effort financier (530 millions d’euros prévus par la loi de programmation militaire, dont 302 millions d’ici 2022) dont les effets ont commencé à se faire sentir, sont perçus très favorablement.

Le plan est constitué de six axes, déclinés en 54 actions. Il est évolutif. En juin 2018, la ministre a validé des actions complémentaires dont l’étude de liaisons aériennes, sujet porté par la marine pour le désenclavement de ses deux grandes bases de défense portuaires et faciliter la vie des célibataires géographiques, et a confirmé l’inclusion des bâtiments à quai au port base dans la mesure « wifi de loisir ».

Au printemps 2019, une vaste consultation a été menée dans le cadre des commissions participatives d’unité (CPU), des comités sociaux et de la concertation : elle a permis au personnel de s’exprimer sur les améliorations des mesures existantes et d’en suggérer de nouvelles. La marine a retenu trois domaines nécessitant une action renforcée : le célibat géographique, les familles « fragiles » (monoparentalité) et les conditions de vie au travail.

Voici les six axes prioritaires du plan :

        mieux prendre en compte les absences opérationnelles ;

        faciliter l’intégration des familles dans la communauté militaire et de défense ;

        mieux vivre la mobilité ;

        améliorer le logement familial et favoriser l’accession à la propriété ;

        faciliter l’accès des familles à l’accompagnement social du ministère ;

        améliorer les conditions d’hébergement et de vie des célibataires et célibataires géographiques

Source : ministère des Armées

Le moral des marins, dont les ressorts sont durablement ancrés sur une activité opérationnelle riche dans un esprit d’équipage solide, est globalement bon. Ce constat, qui s’appuie principalement sur les résultats d’une grande enquête sociologique interne ainsi que le dépouillement continu des rapports sur le moral émis par les unités de la marine, confirme qu’un certain optimisme prédomine. Les marins demeurent très largement attachés à la marine et à ses valeurs. Ils plébiscitent l’intérêt de leur travail, le sens des missions qui leur sont confiées et les responsabilités exercées, même si ces dernières continuent souvent d’être perçues comme étant insuffisamment valorisées de manière financière. Dans le même temps, ils estiment que leurs préoccupations et leurs difficultés, bien identifiées et circonstanciées depuis de nombreuses années, perdurent.

Néanmoins, plusieurs difficultés sont identifiées. La première reste l’imprévisibilité de l’activité opérationnelle et les reconfigurations de programme sous faible préavis, qui impactent considérablement l’organisation de la vie familiale et la bonne conciliation entre vies professionnelle et personnelle (V2P). Une deuxième difficulté est illustrée par l’impression que les conditions de vie et de travail des marins sont parfois perçues comme largement perfectibles à bord de certains bâtiments désormais vieillissants. Enfin, manque de moyens matériels, et plus largement les difficultés pour faire face au maintien en condition opérationnelle (MCO), constituent une troisième difficulté fréquemment évoquée par les marins.

B.   Les crédits demandés pour 2021 correspondent à la programmation

Les crédits alloués à l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » sont représentés dans le tableau suivant. Celui-ci précède une explication détaillée pour chacune des sous-actions.

Crédits inscrits à l’action 3 « préparation des forces navales » du programme 178 « PREPARATION et emploi des forces »

(pour 2020, montants inscrits en loi de finances)

(pour 2021, montants demandés par le projet de loi de finances)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action / sous-action

2020

2021

Évolution 2021/2020

2020

2021

Évolution 2021/2020

03 Préparation des forces navales

4 657

4 377

- 11 %

2 611

2 610

0 %

03-01 Commandement et activités des forces navales

534

362

- 32 %

329

318

- 3 %

03-05 Ressources humaines des forces navales

52

67

+ 29 %

47

66

+ 40 %

03-07 Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales

3 677

2 982

- 19 %

1 957

1 955

0 %

03-08 Environnement opérationnel des forces navales

85

134

+ 58 %

85

92

+ 8 %

03-11 Infrastructure marine

310

230

- 25 %

193

179

- 7 %

 

La notification prévue en 2020 d’un marché d’affrètement RIAS (Remorqueur d’Intervention, d’Assistance et de Sauvetage), couvrant plusieurs années et supposant un pic conjoncturel de consommation d’AE, explique la diminution du montant d’AE alloué à la sous-action 01 « Commandement et activités des forces navales » pour 2021.

L’augmentation en AE et en CP sur la sous-action 05 « Ressources humaines des forces navales », souligne l’effort financier réalisé au profit des moyens de communication relatifs au recrutement externe et à la formation des pilotes de chasse.

La baisse des autorisations d’engagements sur la sous-action 07 « Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales » est liée à un moindre besoin de notification de marchés pluriannuels, compte tenu des marchés de soutien des flottes déjà notifiés en 2020 (notamment le marché verticalisé ATL2 et les marchés flottes intérimaires et missiles ASTER). L’année 2021 verra toutefois se poursuivre la stratégie de verticalisation des flottes aéronautiques initiée par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé).

La passation en 2021 d’un nouveau marché public de plastrons nécessaire à l’entraînement des forces explique l’augmentation du besoin d’AE de la sous-action 08 « environnement opérationnel des forces navales ».

Le fonctionnement de la sous-action « Infrastructure marine » repose notamment sur des tranches fonctionnelles couvrant plusieurs années. L’alimentation initiale des tranches fonctionnelles ayant été réalisée en gestion 2020, le besoin en AE pour 2021 est inférieur.

1.   Les dépenses de personnel

a.   Une stabilisation des dépenses

Le tableau ci-après présente l’évolution des dépenses concernant les personnels militaires.

Évolution des dépenses de personnel de la Marine nationale depuis 2015

en millions d’euros courants

versements au compte d’affectation spéciale « pensions » inclus

Années

Autres BOP

BOP Marine

Total

2015

105,9

2 564,8

2 670,7

2016

125,9

2 625,7

2 751,6

2017

104,4

2 669,6

2 774,0

2018

93,1

2 657,9

2 751,0

2019

100,3

2 735,3

2 835,6

2020

 

2 796,6

nd

2021

 

2 780,9

nd

Source : ministère des Armées

Il convient de rappeler que l’augmentation de la masse salariale à compter de 2016 résulte de l’arrêt des déflations, du dégel du point d’indice de la fonction publique, des mesures d’amélioration de la condition militaire décidées par le président de la République, de la mise en œuvre du parcours professionnel carrière rémunération (PPCR) et d’une hausse des activités opérationnelles. La baisse des dépenses constatée sur « autres BOP » s’explique essentiellement par une nette diminution de l’attribution des leviers de départ et une baisse des dépenses OPEX notamment liée à l’arrêt pour grand entretien du porte-avions Charles-de-Gaulle.

En 2020, l’augmentation des effectifs, la prise en compte de la deuxième annuité de la prime de lien au service (PLS) et la prochaine phase du protocole PPCR expliquent la légère tendance haussière de la dépense. Les ressources du BOP sont réduites de près de 29 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale, consécutivement à des transferts inter BOP. La ressource ainsi actualisée à l’été 2020 permet de réaliser un schéma d’emploi (trajectoire en effectifs) important, prenant en compte les conséquences de la crise sanitaire. Le recrutement reste globalement conforme aux prévisions et les départs sont légèrement révisés à la baisse. À mi-gestion, l’impact de la Covid-19 laisse entrevoir une sous-consommation de l’ordre de dix millions d’euros, principalement portée par la moindre réalisation des programmes opérationnels.

b.   La réserve parachève sa montée en puissance

L’application du mandat ministériel « Réserve » décidé suite aux attentats de 2015 s’est traduit par une augmentation significative des effectifs de la réserve opérationnelle de la marine. Les objectifs de recrutement de stabilisent désormais autour de 6 000 par an.

Nombre de marins réservistes par catégorie de personnel

 

2015

2016

2017

2018

2019

Objectifs 2020

Réalisé au 30 juin 2020

Officiers

1 358

1 522

1 572

1 700

1 791

1 765

1 693

Officiers mariniers

2 107

2 219

2 490

2 801

3053

2 734

2 768

Quartiers-maîtres et matelots

1 206

1 440

1 336

1 502

1 408

1 470

1 077

Total

4 671

5 181

5 398

6 003

6 252

5 969

5 538

Source : ministère des Armées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crédits de rémunération

Consacrés à la réserve opérationnelle de la Marine nationale

en millions d’euros

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Rémunérations brutes

(part indiciaire et part indemnitaire)

12,94

14,84

17,40

23,20

22,93

22,93

24,9

Mesures d’attractivité - Prime de fidélité

 

 

 

0,17

0,23

0,07

0,1*

Mesures d’attractivité - Permis de conduire

 

 

 

0,28

0,26

0,03

0,0*

Mesures d’attractivité - Allocation spécifique d’étude

 

 

 

0,44

0,40

0,11

0,2*

Sous-total - Mesures d’attractivité

 

 

 

0,89

0,89

0,21

0,3

Total

12,94

14,84

17,40

24,09

23,98

23,14

25,2

Les montants sont exprimés hors cotisations patronales de 2015 à 2018 puis y compris cotisations patronales à compter de la LFI 2019.

* En attente de la répartition définitive du délégué interarmées aux réserves

Source : ministère des Armées

2.   Les dépenses d’équipement

Conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire visant à la remontée en puissance de la marine, le projet de loi de finances pour 2021 pourvoit au financement d’un ambitieux plan de commandes et de livraisons, ainsi qu’à l’entretien programmé des matériels.

Le tableau suivant présente les principales commandes et livraisons prévues pour la marine nationale en 2021.

Principales commandes et livraisons destinées à la marine POUR 2021

Programme 146

2021

Commentaires

Action

Sous-action

Programmes

Commandes

Livraisons

8

45

HIL

 

8

(à confirmer)

0

49

8

47

NH90 NFH

0

1

 

9

61

PDL NG

0

14

Réaménagement du calendrier de livraison en 2019 ayant décalé la MSO.

Pods communs air et marine.

9

69

ARTEMIS

15

19

 

9

73

FREMM

0

1

Première FREMM DA (« Alsace »)

9

74

BARRACUDA

0

0

En raison de la crise sanitaire de la Covid-19, le chantier du deuxième sous-marin, le Duguay-Trouin, a dû s’interrompre quelques semaines, décalant sa livraison en 2022.

9

79

FLF RENOVATION

0

1

 

9

86

ATL2 rénovation

0

3

 

9

89

FTI

1

0

FDI n°2 (Amiral Louzeau)

7

35

RIFAN étape 2

1

28

 

9

56

MdCN

--

2e lot BARRACUDA

En raison de la crise sanitaire Covid-19, la livraison du second lot BARRACUDA a été reportée à 2021.

9

71

EXOCET

45

(kits MM40 Block 3c)

4

(MM40 Block 3c)

Commande de kits MM40 Block 3c suite à décision ministérielle et conformément à la loi de programmation militaire.

10

82

FSAF

--

18

(ASTER 30 FREMM DA)

Livraison de missiles ASTER 30 pour FREMM DA reportée en 2021 pour cause de retard industriel.

N.B. : les échéanciers en commandes et en livraisons des opérations SLAMF (action 9, sous-action 85), Hawkeye E2C par E2D (action 7, sous-action 63) seront consolidés lors de leur lancement en réalisation prévu au 2nd semestre 2020.

Source : ministère des Armées

3.   L’investissement dans le maintien en condition opérationnelle des équipements

Le directeur central du service de soutien de la flotte (SSF), maitre d’ouvrage délégué pour les opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements navals, a confirmé au rapporteur pour avis que les crédits du service correspondent à la trajectoire définie par la programmation militaire  sont cohérents avec les besoins de la marine.

Cet effort contribuera notamment à régénérer les matériels les plus anciens indispensables à la tenue des contrats opérationnels (patrouilleurs de haute mer, sous-marins nucléaires d’attaque, chasseurs de mine tripartites) et devrait concourir au redressement du taux de disponibilité des matériels les plus critiques, socle indispensable à la poursuite de la remontée d’activité.

Cependant, ces effets ne devraient se manifester en termes d’accroissement de l’activité qu’à compter de 2023 compte-tenu notamment du délai de mise en place des nouveaux contrats d’entretien par les structures de soutien mais également de la situation de la flotte et de l’aéronautique navale. En effet, le vieillissement des parcs est amplifié en raison d’aléas importants. Le retard du programme Barracuda implique par exemple de prolonger les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Rubis au-delà de ce qui était prévu (jusqu’à 38 ans, pour une durée de service initiale de 25 ans). Ce fut également le cas pour certains bâtiments de guerre des mines, prolongés en raison du décalage du programme SLAM-F (système de lutte anti-mines futur). À contrario, l’arrivée de bâtiments neufs (2022 pour la FREMM de défense aérienne) devrait renforcer la dynamique de remontée de l’activité à partir de 2023.

Pour ce qui concerne les SNA, la disponibilité technique réalisée reste irrégulière compte tenu de la diminution du parc (retrait du Saphir à l’été 2019), de l’ancienneté de ces unités et des aléas rencontrés. La prolongation du SNA Rubis jusque début 2021 doit néanmoins permettre de limiter l’impact opérationnel du décalage de la livraison des premiers sous-marins Barracuda. L’incendie de la Perle est sans impact sur la disponibilité en 2021 car ce SNA était prévu en arrêt technique majeur (ATM) durant toute l’année 2021. Les conséquences sur la disponibilité du parc au-delà de 2021 ne sont pas connues à ce stade et dépendront des scénarios qui sont en cours d’étude (cf. encadré infra).

L’avenir du sous-marin la Perle

Après l’incendie qui a récemment ravagé une bonne partie de la Perle alors que le sous-marin était en cale sèche à Toulon, la ministre des Armées a annoncé que le sous-marin allait être déplacé à Cherbourg « pour achever l’expertise et nous permettre de décider, d’ici quelques semaines, s’il faut investir pour le réparer ou envisager une solution de remplacement ».

Une fois le diagnostic posé, l’enjeu sera de prendre une décision sur l’avenir de la Perle. « Courant octobre, on décidera si on peut reconstruire ce navire et dans quelles conditions, ou si le coût et les aspects techniques font qu’il faudra trouver d’autres solutions », avait précisé, début septembre, l’amiral Pierre Vandier. Plusieurs options sont possibles :

        réparation de la Perle par jonction de la partie avant du Saphir (variante : du Rubis). Cela constituerait un véritable défi industriel ;

        prolonger de manière substantielle la durée de vie d’un SNA, l’Emeraude, grâce à une interruption pour entretien et réparations (IPER) en profondeur. Cela permettrait de lui faire gagner de nombreuses années (environ 8 ans) ;

        pas de réparation de la Perle et cascade de prolongations des SNA restants (+ 2 ans en m

Une décision est donc prochainement attendue. En tout état de cause, cet incendie a causé de très nombreux dégâts qu’il faudra réparer. Le retrait d’un SNA aura des conséquences sur les déploiements de la marine nationale. Le coût de l’opération dépendra de la solution choisie. Ce coût doit encore être précisé dans le PLF 2021 et pourrait avoir un impact non négligeable à prendre en compte lors de l’actualisation de la LPM.

La ministre des Armées, le 22 octobre 2020, a tranché l’option concernant l‘avenir du sous-marin nucléaire d’attaque la Perle.

« Lors de l’incendie, c’est la partie avant de la Perle qui a brûlé. Les températures auxquelles a été soumise l’acier ont altéré ses qualités et c’est cet acier qui absorbe les très fortes pressions des profondeurs marines. La première étape de la réparation sera de découper cette partie endommagée, qui sera démantelée.

La partie arrière, en revanche, celle qui enserrait la chaufferie nucléaire et la propulsion du SNA avant son entrée en travaux, est parfaitement intacte. Nous allons donc souder l’arrière de la Perle avec l’avant du Saphir, le sous-marin nucléaire d’attaque que nous avons retiré du service actif il y a un an. Nous reconnecterons par la suite les liaisons intérieures, les câbles et les tuyaux. la Perle achèvera ensuite son entretien majeur au point où il avait été interrompu le 12 juin dernier.

C’est une opération complexe dans son ensemble, que peu de pays peuvent envisager, chacune des étapes de cette réparation correspond à un savoir-faire éprouvé : ce sont des technologies que Naval Group et les services de l’État connaissent et maîtrisent.

Réparer la Perle, ce n’est pas seulement une opération industrielle remarquable. C’est d’abord préserver l’indépendance de la France, et c’est affirmer notre souveraineté.

Cette décision permet à la Marine nationale de conserver sa pleine capacité de sous-marins nucléaires d’attaque pour les dix ans à venir ».

En conclusion, dans le cadre de la LPM, les ressources consacrées au service de soutien de la flotte sont actuellement garanties. Une remise en cause de ces ressources déséquilibrerait le MCO naval, déjà sous tension, et ne permettrait pas de conserver le modèle actuel optimisé.

Le tableau suivant présente l’évolution des dépenses de MCO :

Évolution des dÉpenses de MCO DES ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE DEPUIS 2017

en millions d’euros courants

 

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

PLF 2021

Libellé sous-action

Titre

OS

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales

3

EPM naval

647

638

880

772

1 083

819

1 582

826

616

831

EPM aérien

658

553

569

569

2 423

607

1 751

592

1 628

608

EPM terrestre

 

 

4

4

8

8

8

8

12

12

5

EPM naval

44

44

39

59

31

33

106

57

21

49

Total EPM

1 349

1 235

1 492

1 403

3 545

1 467

3 447

1 483

2 277

1 500

3

DIS

106

283

469

348

1 085

384

149

400

613

362

5

DIS

27

40

28

38

30

42

47

44

46

46

Total DIS

133

323

497

386

1 115

426

196

444

659

407

Total général

1 482

1 558

1 989

1 789

4 660

1 893

3 643

1 927

2 936

1 907

Source : ministère des Armées

II.   Le maintien de la trajectoire de la programmation militaire est la clé de la remontée en puissance de la marine

La loi de programmation militaire est ambitieuse pour la marine, puisqu’elle prévoit une modernisation et un renouvellement des équipements, ainsi qu’une hausse significative des recrutements. Lorsque la loi a été adoptée en 2018, elle était déjà un outil indispensable pour la régénération des capacités de la marine.

Cependant, la crise de la Covid-19 a compliqué l’exécution de la loi de finances pour 2020, et compromet cette remontée en puissance. L’enjeu pour les Armées est donc de retrouver la trajectoire et d’effacer les conséquences de la crise sanitaire, pour préserver un niveau opérationnel maximal et la résilience de nos forces. L’année 2021 est, à ce titre, une année décisive.

A.   La crise économique et sanitaire de la Covid-19 souligne l’importance d’une application conforme de la loi de programmation militaire

Avec la crise sanitaire, la mise en œuvre du budget 2020 s’est heurté à des imprévus, comme la plus grande sollicitation sur le territoire national consécutive au lancement de l’opération « Résilience ». Malgré tout, le ministère des Armées s’est efforcé à maintenir le cap et à limiter les conséquences budgétaires. Bien que les fragilités capacitaires de la marine ne soient pas nouvelles – elles sont d’ailleurs la principale raison d’être de la programmation –, celles-ci ont été mises en lumière par la crise sanitaire.

1.   La mise en œuvre du budget 2020 a été compliquée par la crise sanitaire

a.   L’impact limité sur les commandes et les livraisons

Le tableau ci-après présente les principales commandes et livraisons de la Marine nationale qui se sont tenues en 2020.

Principales commandes et livraisons DE la marine EN 2020

Programme 146

2020

Commentaires

Action

Sous-action

Programmes

Commandes

Livraisons

6

15

Adaptation M51

0

1

Adaptation du SNLE Le Téméraire au M51

7

63

Hawkeye E2C par E2D

3

0

Conforme LPM et PLF 2020

8

47

NH90 NFH

0

2

 

9

56

MDCN

0

4e lot FREMM

Retard de livraison du lot BARRACUDA en raison de la crise sanitaire Covid-19 (2 mois)

9

61

PDL NG

0

11

Retard de livraison par rapport à la programmation dû à des aléas industriels

9

69

ARTEMIS (torpilles F21)

0

16

 

 

 

 

 

 

 

9

71

EXOCET

0

0

 

9

74

BARRACUDA

0

1

 

9

86

ATL2 rénovation

0

2

Pas d’écart avec la prévision du PLF 2020

10

77

AVSIMAR (Intégration trappe de largage sur F50 SURMAR)

0

2

1 livraison reportée de 2019 à 2020 suite à un retard de mise à disposition étatique

10

77

AVSIMAR Incrément 1

7 en tranche ferme

0

Conforme LPM et PLF 2020

10

82

FSAF

0

20 ASTER 30 (FREMM DA)

 

Source : ministère des Armées

b.   Un maintien en condition opérationnelle dégradé

La crise sanitaire de la Covid-19 a eu deux effets majeurs sur le MCO naval.

Première conséquence de la crise, des retards dans la réalisation des travaux ont été observés, avec une dissymétrie entre Brest et Toulon. Alors qu’à Brest les industriels et les moyens étatiques se sont rapidement organisés pour continuer à assurer le MCO tout en renforçant les mesures sanitaires et organisationnelles sur les chantiers, à Toulon, certains industriels ont dû arrêter leurs opérations de réalisation de MCO. Naval Group a ainsi arrêté ses chantiers et a ensuite éprouvé des difficultés à reprendre le travail. Un retard général du planning d’entretien des SNA a donc été accumulé, et est désormais en cours de recalage. En revanche, il est important de souligner que d’autres maîtres d’œuvre travaillant ainsi que leurs sous-traitants locaux, ont continué leurs chantiers, tout en respectant les règles sanitaires. Ces petites structures se sont montrées réactives pour assurer la continuité du MCO.

Second effet de la crise, des arrêts techniques ont été décalés, notamment pour répondre à un besoin opérationnel. C’est le cas du déploiement du PHA Tonnerre dans le cadre de l’opération RESILIENCE. Des difficultés particulières ont été rencontrées pour l’entretien des bâtiments outre-mer, en raison de l’interruption des liaisons aériennes et de mesures strictes de quatorzaine (parfois étendues localement à 21 jours comme en Nouvelle Calédonie). De plus, les arrêts techniques délocalisés par manque de moyens industriels localement ont été fortement impactés pour les bâtiments basés en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Un arrêt technique du patrouilleur Le Malin, initialement prévu dans un chantier à l’Île Maurice, a été reprogrammé, et la frégate Vendémiaire au bassin en Nouvelle Zélande a dû en sortir avant la fin complète de ses travaux.

2.   La résilience de la Marine se heurte à des fragilités capacitaires de longue date

 La Marine est depuis longtemps confrontée à des fragilités capacitaires, que la crise sanitaire à contribuer à mettre en exergue. La LPM avait pour but de combler les réductions temporaires de capacité (RTC) à échéance 2030. À celle-ci s'ajoutent les trois lois de finances consécutives qui tentent de remédier aux années de disette qu’a connu la marine, comme les autres armées, ainsi qu'aux renoncements induits par la recherche d’efficience et la révision générale des politiques publiques (RGPP) menée jusqu’en 2015.

 Les moyens de surveillance de nos approches maritimes connaissent des réductions temporaires de capacité (RTC) préoccupantes. Le segment patrouilleurs est le plus impacté. Les capacités de guerre des mines de la marine sont elles aussi soumises à une RTC, inhérente à l’âge des chasseurs de mines qui en constituent l'ossature. Par ailleurs, la capacité à ravitailler la flotte, et donc à durer loin et longtemps en mer, est limitée par le nombre de bâtiments de ravitaillement.

 Concernant les stocks de munitions, ils ne permettent pas de préparer les équipages à un engagement majeur. Par exemple, le manque de missiles d’ASTER ne permet pas d’honorer les dotations et de réaliser les tirs d’entraînements conformément à l’ambition MERCATOR. De même, il n’y a pas suffisamment de missiles pour réaliser des tirs d’entraînements MdCN ou MM40.

 D'autre part, l'insuffisance d’hélicoptères légers a conduit à choisir une solution de « flotte intérimaire » (FI), permettant de limiter la RTC en attendant l’arrivée en service de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) à la fin des années 2020. Dans les autres domaines, la Marine dispose des capacités pour accomplir ses missions, mais le remplacement des moyens dans les années à venir est nécessaire.

B.   2021 sera une année charnière pour la marine nationale

 L’hiver 2020-2021 sera décisif. En France comme dans le reste du monde, l’évolution de la pandémie de Covid-19 est un important point de vigilance. La bonne exécution de la programmation militaire dépend en partie de la reprise économique. Or, de nouvelles restrictions en cas de circulation active du virus feraient craindre une aggravation des conséquences déjà observables sur la marine nationale et l’ensemble des Armées. Dès lors, il est essentiel que les ambitieux programmes d’armement continuent d’être mis en œuvre l’année prochaine.

1.   Le renouvellement des capacités opérationnelles doit se poursuivre en 2021

Comme cela a été détaillé plus tôt dans ce rapport, le projet de loi de finances pour 2021 poursuit la mise en application de la loi de programmation militaire en ce qui concerne la rénovation et le renouvellement de nos capacités opérationnelles. Voici le détail de certains des principaux programmes faisant l’objet de commandes ou de livraisons en 2021 :

       La livraison de la 6e FREMM en version anti sous-marine (ASM) a été réalisée en juillet 2019, et les deux unités suivantes, qui disposeront d’une capacité de défense aérienne renforcée (FREMM DA), seront livrées en 2021 et 2022 pour remplacer les deux frégates antiaériennes d’ancienne génération Cassard et Jean Bart et compléter les deux unités de type Horizon ;

       Les frégates de défense et d’intervention (FDI) prévues au titre du programme frégates de taille intermédiaire (FTI) font partie du parc des 15 frégates de premier rang définies par le rapport annexé de la loi de programmation 2019-2025, et complètent les moyens plus puissants que constituent les frégates multi missions (FREMM) et les frégates de défense aérienne (FDA) ; elles doivent être en mesure de participer au spectre complet de missions prévues par le contrat opérationnel, y compris les opérations de coercition ;

       Le programme de rénovation du système de combat des avions de patrouille maritime Atlantique 2 comprend le traitement des obsolescences critiques du système de combat et l’amélioration des performances des sous-systèmes suivants : calculateur tactique, visualisation tactique, acoustique, radar, IFF et électro-optique ;

       L’opération RMV FLF vise à prolonger trois des cinq frégates légères furtives (FLF) de type La Fayette, admises au service actif entre 1996 et 2001, afin de faciliter le ralliement de la cible des 15 frégates de premier rang avec l’arrivée des frégates de défense et d’intervention (FDI). L’entrée en chantier de rénovation de la première FLF a commencé en octobre 2020 ;

       La commande des hélicoptères interarmées légers (HIL) en 2021 est d’une grande importance, car les actuels hélicoptères de la marine sont en situation délicate : c’est pour cette raison qu’elle a choisi de se doter d’une « flotte intérimaire » (FI), permettant de limiter la RTC en attendant l’arrivée en service de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) à la fin des années 2020 ;

       Le missile de croisière naval (MdCN) permet de conduire des opérations de projection de puissance vers la terre en disposant d’une capacité de frappe dans la profondeur depuis les frégates multi-missions (FREMM) et les sous-marins Barracuda ; il confère une capacité de frappe en premier très complémentaire de celle déjà en service avec le SCALP-EG mais avec une portée accrue (classe 1 000 km, 80 % des objectifs de l’ensemble des continents en portée) et une charge différente, dimensionnée pour des infrastructures de haute valeur stratégique moyennement durcies.

2.   La conduite des programmes d’armement reste un point d’attention

a.   Les difficultés de l’industrie de défense

Conséquence de la crise économique et sanitaire, l’industrie de défense a été lourdement affaiblie en 2020. Les grands maîtres d’œuvre ne sont pas les seuls concernés : les petites et moyennes entreprises de la branche, qui constituent le cœur de la chaîne de sous-production des grandes entreprises, ont été particulièrement fragilisées. Les faillites d’entreprises stratégiques, et la perte de compétences critiques associées, sont redoutées.

L’enjeu est donc de maintenir des commandes régulières pour la Marine, qui auront le double avantage de combler les lacunes capacitaires constatées et de maintenir les chaînes de production opérationnelle face à une crise économique qui s’inscrit dans la durée.

b.   L’avancée des discussions autour des projets phares

i.   Le système de patrouille maritime future (PATMAR futur)

Ce programme d’armement est également appelé MAWS (pour Maritime Airborne Warfare System) et vise à remplacer les Atlantique 2 (ATL2) et les P3C des marines française et allemande par un système composé d’un avion habité et armé, à long rayon d’action, au cœur d’un système de systèmes (drones, bouées acoustiques…) dont la connectivité d’ensemble constituera un point clé.

Ce programme s’inscrit dans un contexte de recrudescence marquée de la menace sous-marine et de forte concurrence industrielle américaine et japonaise sur le segment avec des aéronefs tels que le P8 et le P1. La France et l’Allemagne doivent disposer d’une première capacité opérationnelle de ce système en 2032 et une pleine capacité opérationnelle en 2035. Toutefois, la récente annonce allemande d’arrêter les chantiers de rénovation de ses P3C et, à compter de 2025, le trou capacitaire induit par cet abandon programmatique désynchronisent de facto un calendrier de besoins jusque-là commun.

À contrario, pour la France, le respect du calendrier initial est d’autant plus important que :

       La France a investi dans une rénovation de sa flotte ATL2 pour la porter au standard 6 ; les livraisons en cours donnent satisfaction au plan opérationnel, même si des travaux doivent être poursuivis en matière de connectivité, et ne militent donc pas pour un remplacement anticipé des aéronefs ;

       L’ATL2 aura 42 ans en 2035 et toute prolongation au-delà de cette date est incertaine, voire semble compliquée au regard des exigences de disponibilité ;

       Le format réduit de notre flotte d’ATL2 n’offre que peu de marge pour adapter l’exploitation des avions à d’éventuelles modifications du calendrier tout en assurant le contrat opérationnel ;

       Cette composante est un élément clé de notre dissuasion, et donc de notre souveraineté.

Sous la direction de T-HED (Thales, Hensoldt, ESG, Dhiel), l’étude de faisabilité (architecture système et applicabilité des aéronefs types) du MAWS sera lancée au mois de novembre 2020 et le ralliement des avionneurs se fera au cours de la phase 2, actuellement planifiée au premier semestre 2021.

ii.   Le programme de système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

Il vise à assurer le renouvellement de la capacité française de lutte contre les mines navales qui comprend entre autres les Chasseurs de Mines Tripartite (CMT), les Bâtiments Remorqueurs de Sonar (BRS) et les Bâtiments Base de Plongeurs Démineurs (BBPD). Il s’appuie notamment sur l’emploi de drones de surface et sous-marins opérés depuis la terre et mis en œuvre depuis un bâtiment dédié opérant à proximité de la zone à risque mines.

Ce programme est incrémental. L’étape 1 prévoit l’acquisition de moyens pour le soutien à la dissuasion depuis la terre à Brest et à Toulon. Les étapes ultérieures prévoient l’acquisition d’une capacité hauturière de projection des drones (Bâtiment de Guerre Des Mines, BGDM), un complément en dotation de drones et le renouvellement des BBPD afin de répondre au contrat opérationnel.

À l’aune des ruptures technologiques ambitieuses du programme, un prototype de Module de Lutte Contre les Mines (MLCM) a été développé et produit en coopération franco-britannique, sous la supervision de l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr). L’industriel principal est Thales Defense Mission System avec la participation de sous-traitants britanniques (ASV pour le drone de surface, Thales UK), suédois (SAAB pour le robot téléopéré d’identification et de destruction) et français (ECA pour les drones sous-marins).

Avec un retard de près de 18 mois, dû à un temps de développement du prototype plus important qu’escompté, la livraison du prototype aux marines française et britannique est prévue pour février 2021. Malgré des contraintes financières dans l’attente de leur Defence Review, les Britanniques ont annoncé en novembre 2019 s’engager pour l’acquisition de 3 MLCM. Ainsi l’étape 1 de SLAM-F, qui doit être lancée en réalisation en octobre 2020, est prévue en coopération avec les Britanniques et devrait de nouveau être confiée à l’OCCAr.

La livraison des 4 MLCM « français » de l’étape 1 doit débuter en décembre 2022. La livraison des MLCM « britanniques » s’y insèrera. À ce stade, les Britanniques n’ont pas fait mention d’un intérêt pour l’acquisition de bâtiment de projection des MLCM.

iii.   Le système de combat aérien du futur (SCAF)

 Ce projet de système de systèmes est piloté par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (CEMAAE) par délégation du chef d’état-major des Armées (CEMA). La marine nationale le suit au travers d’un officier inséré, dans la structure de gouvernance française du projet, désigné adjoint marine du général en charge de ce projet.

 En ce qui concerne l’avancement du projet, les études sont toujours dans la phase amont très conceptuelle. Du retard a déjà été accumulé en raison de la situation sanitaire (Covid-19), de la complexité de la structure industrielle (3 co-traitants, 16 sous-traitants), et de l’intégration de l’Espagne a posteriori. Un contrat ambitieux de 6 ans doit être signé au premier trimestre 2021, afin de permettre une montée en puissance des études de recherche et technologies qui seront nécessaires au futur système, comprenant un avion piloté et des capteurs autonomes reliés par un réseau de liaisons résilient. Ce contrat doit aboutir à la réalisation de démonstrations de concepts d’objet, qui ne seront toutefois pas représentatifs des avions et drones opérationnels.

 Dans ces conditions, la marine insiste sur le besoin de rendre l’intégralité de ces objets compatibles avec les capacités du groupe aéronaval qui sera constitué à partir de 2038 autour d’un porte-avions de nouvelle génération (PA-Ng). Cela se traduit donc par une compatibilité des catapultes et brins d’arrêt du PA-Ng mais aussi par la faculté de certains drones à être mis en œuvre depuis des bâtiments de combat opérant en escorte du porte-avions. Sujet d’attention pour le rapporteur pour avis, le porte-avions de nouvelle génération fait l’objet de la seconde partie du rapport.

 Les études de développement des systèmes opérationnels sont attendues entre 2026 et 2030, horizon auquel il faudra avoir défini finement les paramètres d’interface avec l’environnement marine.


Seconde partie :
le porte-avions de nouvelle génération

 Dans le but de garantir la continuité de la capacité « groupe aéronaval » à l’horizon de la fin de vie du « Charles-de-Gaulle », prévue en 2038, et conformément aux orientations fixées par la loi de programmation militaire, la Ministre des armées a lancé le programme de « porte-avions de nouvelle génération » (PA-Ng) le 31 octobre 2018. Ce programme est dans sa phase de préparation qui vise notamment à consolider le besoin militaire et à définir les caractéristiques du projet (fonction, performances, contenu physique, calendrier, coûts), l’architecture capacitaire ou encore l’organisation industrielle. Les premiers choix concernant sa propulsion détermineront le calendrier de réalisation et doivent être effectués dès 2020. Dans les prochaines semaines, le président de la République doit prendre la parole à ce sujet.

 

 Le porte-avions de nouvelle génération (PA-Ng) aura vocation à défendre les intérêts de la France à la moitié du siècle. Il restera en effet la seule solution disponible, à l’horizon 2038, afin de mettre en œuvre une aviation de combat depuis la mer pour assurer les missions qui lui sont confiées dans un contexte marqué par des rivalités accrues entre États-puissances. Au sein de son groupe aéronaval (GAN), ce navire demeure un élément majeur de supériorité opérationnelle pour une force navale.

 

 Le projet n’en est qu’à ses débuts, mais il revêt d’ores et déjà une importance capitale pour la souveraineté française au sein d’un modèle d’armée complet et équilibré. Comme l’indique la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017, les menaces sont évolutives, et nous nous dirigeons vers une conflictualité plus intense dans les prochaines décennies. Ces tensions concernent tous les espaces, en particulier la mer où les puissances peuvent faire usage d’une violence désinhibée loin des zones peuplées. Catalysée par la crise sanitaire et économique, certaines perspectives, qui semblaient lointaines il y a quelques années, s’approchent de nous à une vitesse plus importante que prévue.

 

 Dans ce contexte, le groupe aéronaval, organisé autour du porte-avions et de son groupe aérien, permet, sous faible préavis, d'agir tout au long du continuum paix-crise-guerre. Gage d’autonomie et d’allonge dans la compétition stratégique, il valorise les marges supplémentaires de liberté d’action que confèrent les espaces maritimes, en garantissant la maîtrise aéromaritime indispensable pour opérer depuis la haute mer et enfin, par ses capacités d’entrée en premier, en opérant des frappes démonstratives ou décisives contre les centres de gravité de l’adversaire. Aussi il est indispensable que la marine nationale soit dotée d’un porte-avions de nouvelle génération mettant en œuvre un groupe aérien bénéficiant de la supériorité technologique du SCAF et équipé de systèmes d’armes évolutifs, afin de conjuguer savoir-faire aéronaval centenaire et adaptabilité aux dynamiques et imprévisibilités de la conflictualité mondiale.

I.   Le porte-avions de nouvelle génération revêt une importance stratégique pour la marine nationale

 Puissante démonstration des capacités françaises en mer, le groupe aéronaval s’est imposé depuis des décennies comme un effecteur incontournable et une capacité structurante de la marine nationale. La France est aujourd’hui l’une des très rares puissances à maîtriser cet outil discriminant et ce dans l’ensemble du spectre des missions aéromaritimes et aéroterrestres. Le savoir-faire et l’expérience accumulés sont précieux et doivent être pérennisés pour ne pas risquer un déclassement rapide de notre marine. Ce projet de porte-avions de nouvelle génération est donc primordial pour permettre à notre pays de tenir son rang, sur le plan militaire comme diplomatique.

A.   le projet s’inscrit dans une lignée historique de porte-avions français

 

 Cette année, l’aéronautique navale célèbre le centenaire des premiers appontages sur le Béarn datant d’octobre 1920. Les capacités et le savoir-faire de la marine française comptent ainsi parmi les plus anciennes au monde, avec celles de l’US Navy et de la Royal Navy. Cette expérience est un « trésor national »[2] qu’il convient de pérenniser afin de préserver une capacité opérationnelle clé et ne pas subir comme les Britanniques une longue et couteuse remontée en puissance. En effet, après dix années de mise en sommeil depuis le désarmement de leur dernier porte-aéronefs, la Royal Navy paye par un effort d’une durée équivalente la reconquête des savoir-faire, en s’appuyant sur l’expérience américaine mais aussi, dans une certaine mesure, de la française. L’histoire des porte-avions français et de l’aviation embarquée qu’ils mettent en œuvre souligne également l’adaptabilité et l’agilité de cet outil militaire, qui a su pendant un siècle faire face à l’évolution des menaces et des missions, du Béarn à l’actuel Charles-de-Gaulle.

1.   1920-2020 : cent ans de porte-avions français

 Le 8 mai 1914, René Coudron réussit à décoller d’une plateforme de 34,70 mètres installée sur la Foudre (torpilleur) en baie de Saint-Raphaël. Après les États-Unis (1910) et le Royaume-Uni (1911), la France devient la troisième nation au monde à faire décoller un avion depuis un navire. Cependant, la marine continue de miser sur les hydravions, jusqu’au sortir de la Première Guerre mondiale.

 De son côté, le lieutenant de vaisseau Paul Teste s’est forgé l’intime conviction, lors de son expérience des Flandres, que les avions à roulette sont l’avenir de l’aéronautique navale. Il entend démontrer que ces derniers peuvent opérer à partir de plateformes mobiles et obtient l’autorisation d’utiliser à titre d’essai dans la rade de Toulon la coque du cuirassé Béarn, inachevée et amarrée à un coffre. Il s’envole du Palyvestre aux commandes d’un Hanriot monoplace le 20 octobre 1920 et apponte pour la première fois sur le Béarn, freiné sur 30 mètres par des câbles transversaux reliés à des sacs de sable. Il reconduit l’exercice avec succès trois fois dans la même journée ; les brins d’arrêt sont nés. À la suite de ces essais, le ministre décide d’achever le Béarn et d’en faire le premier d’une longue lignée de porte-avions.

 

Le LV Paul Teste à l’appontage sur la coque du Béarn le 20 octobre 1920

Source : ministère des Armées

 Après les essais concluants de Teste, la conversion du Béarn est achevée et les essais se poursuivent à Saint-Raphaël en mai et juin 1921. Cet ex-cuirassé devient de facto le premier porte-avions français. Sa flottille d’aviation totalise une trentaine d’appareils et est articulée en trois escadrilles :

       La 7C1 dédiée à la chasse composée de Dewoitine D1C1, puis des Wibault 74C1 ;

       La 7B1 dédiée au bombardement et au torpillage composée de Levasseur PL4 puis des PL7 ;

       La 7S1 dédiée à la surveillance et la reconnaissance composée de PL4 puis de PL10.

 Le navire déplaçait 25 300 tonnes à pleine charge et mesurait 182 mètres de long. Sa vitesse maximale était de 21 nœuds. Il disposait d’un pont d’envol recouvert de bois de 180 mètres sur 27 mètres, mais n’avait ni catapulte, ni brin d’arrêt, ni piste oblique.

 Le Dixmude est un porte-avions d’escorte de construction américaine qui a servi dans la Royal Navy de 1942 à 1945 puis dans la marine nationale de 1945 à 1949. Anciennement dénommé HMS Biter par les Britanniques, il est cédé à la France le 9 avril 1945. Donnant la priorité au transport pour rapatrier le matériel d’Afrique du Nord et évacuer les Français du Liban, il ne sera utilisé comme porte-avions qu’à partir de 1947.

 Il embarque la flottille 3F composée de 9 appareils Douglas SBD Dauntless (SBD) qui effectue des missions d’appui feu en Annam et au Tonkin, puis la 4F composée de 9 SBD. Ses derniers appontages seront effectués par des Seafire XV.

 Le navire était un cargo dont la coque était surmontée d’un pont d’envol ; il déplaçait 17 000 tonnes à pleine charge, mesurait 150 mètres de long et atteignait une vitesse maximale de 17 nœuds. Il disposait d’un pont d’envol en bois de 134 mètres sur 20 mètres, mais lui non plus n’avait ni catapulte, ni brin d’arrêt, ni piste oblique.

 L’Arromanches est un porte-avions léger de construction anglaise ayant servi dans la Royal Navy de 1944 à 1946 avant de rejoindre la marine nationale en 1946. Le HMS Colossus passe sous pavillon français le 6 août 1946. Le premier appontage d’un Seafire III français y est effectué le 22 août.

 Il accueille les flottilles 1F (Seafire III), 3F et 4F (SBD) dès 1946, puis la 12F (Seafire) en 1948. En 1950, les SBD et Seafire sont remplacés par des F6F Hellcat et SB2C Helldiver. Il voit aussi apponter les flottilles 11F (F6F), puis les 4F, 6F et 9F en TBM, avant de passer au Corsair pilotés notamment par la 14F.

 De 1957 à 1958, il subit une importante refonte le dotant d’une piste oblique à 4 degrés et d’un miroir d’appontage lui permettant d’embarquer les Fouga Zéphyr et les Breguet Alizé.

 Le navire déplaçait 18 500 tonnes à pleine charge, mesurait 211 mètres de long et atteignait une vitesse maximale de 25 nœuds. Il disposait d’un pont d’envol en acier de 210 mètres sur 24 mètres, d’une catapulte de 45 mètres sur l’avant bâbord, de brins d’arrêt et d’une piste oblique inclinée de 4 degrés.

 Ces navires sont deux porte-avions légers américains construits pendant la guerre, et font partie d’une série de neufs croiseurs légers transformés sur cale pour constituer les porte-avions de classe Independance. Le La Fayette servira en France de 1951 à 1962 et le Bois-Belleau de 1953 à 1960.

 Acquis dans le cadre de l’Otan pour chasser les sous-marins, le La Fayette arrive à Toulon avec les flottilles 12F (Hellcat) et 4F (appareils Avenger). Le Belleau Wood est transféré à la France en 1953. Les deux navires reçoivent des Corsair en 1955.

 Les navires déplaçaient 11 000 tonnes, mesuraient 183 mètres de long et atteignaient une vitesse maximale de 31 nœuds. Ils disposaient d’un pont d’envol en bois de 166 mètres sur 22 mètres, de deux catapultes et de brins d’arrêt.

 Ces navires sont des porte-avions de combat de moyen tonnage construits en France : ils sont donc les premiers porte-avions français conçus comme tels dès l’origine. Le premier appontage est effectué sur le Clemenceau par un Alizé le 25 mars 1960. Ils embarqueront des Alizé, des Aquilon, puis des Etendard IV et des Crusader. À partir de 1978, les navires sont capables de mettre en œuvre l’arme nucléaire tactique AN 52 à partir des Super-Étendard.

 Les navires déplaçaient 32 700 tonnes à pleine charge, mesuraient 265 mètres de long et atteignaient une vitesse maximale de 32 nœuds. Ils disposaient d’un pont d’envol en acier blindé de 258 mètres sur 35 mètres, de deux catapultes de 50 mètres de long, de brins d’arrêt et d’une piste oblique orientée à 8,4 degrés.

 Dernier porte-avions français en service, le Charles-de-Gaulle est le premier non américain à disposer d’une propulsion nucléaire. Son groupe aérien est composé des flottilles 12F sur Rafale Marine, 11F et 17F sur Super-Etendard puis Rafale Marine et de la 4F équipée d’E-2C Hawkeye. Le navire met en œuvre l’arme nucléaire ASMPA à partir du Rafale Marine.

 Le navire déplace 43 000 tonnes à pleine charge, mesure 261 mètres de long et atteint une vitesse maximale de 27 nœuds. Il dispose d’un pont d’envol en acier de 12 000 m², de deux catapultes de 75 mètres, de brins d’arrêt et d’une piste oblique inclinée à 8,5 degrés.

 Du Béarn au Charles-de-Gaulle, cette évolutivité est le fait d’une aviation embarquée qui s’est sans cesse renouvelée, parfois plusieurs fois par vie de porte-avions, pour rester au sommet des capacités de combat, tant d’un point de vue offensif pour projeter de la puissance en mer ou contre la terre, que d’un point de vue défensif en protection avancée d’un porte-avions et de son groupe aéronaval.

 

2.   Retour sur les opérations menées par le Charles-de-Gaulle

 Sur les deux dernières décennies, le groupe aéronaval (GAN) constitué autour du porte-avions Charles-de-Gaulle (PA CDG) a été engagé dans nombre des conflits internationaux auxquels la France a participé.

 

  1. Un rang à tenir dans le concert des nations et des intérêts à défendre

 

 Outil militaire puissant qui permet d’agir sur toutes les fonctions stratégiques, l’apport du GAN sur les théâtres d’opération terrestres s’inscrit en cohérence avec l’action des autres moyens des armées. Engagé dès le temps de crise, il permet d’enrichir dans la durée l’appréciation autonome de situation, et de montrer la détermination de la France à défendre ses intérêts, y compris vis à vis de ses alliés. Lorsque l’aviation basée à terre ne peut être déployée à proximité du théâtre d’opérations, le groupe aérien embarqué augmente significativement la capacité opérationnelle des armées françaises au sein des coalitions internationales.

 Dans le combat aéromaritime, le groupe aéronaval, grâce à son allonge, sa mobilité, ses capteurs et sa force de frappe est un outil précieux pour tenir une zone maritime stratégique loin de la métropole comme cela peut être le cas dans l’Indopacifique. Enfin, participant aux côtés de l’armée de l’air à la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion, il offre des modes d’action complémentaires, renforçant la crédibilité de notre posture.

 La possession d’un porte-avions de supériorité est aussi un vecteur de coopération qui agrège les capacités européennes et structure les coopérations alliées (notamment avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’OTAN). L’emploi du GAN envoie un signal politique et stratégique fort dès son appareillage et permet d’agir tout au long du continuum paix-crise-guerre.

 

  1. Le Charles-de-Gaulle en opérations

 

 Depuis 2001, lors de chaque déploiement, le GAN et sa pièce maitresse, le porte-avions complété de son groupe aérien embarqué, ont permis d’agir sur toutes les fonctions stratégiques. En cohérence avec les autres moyens des armées, ses opérations sont articulées autour des missions suivantes :

 

       Projection de puissance ;

       Appui aérien aux opérations à terre ;

       Commandement d’une composante maritime d’une opération de l’OTAN ou d’une coalition ad hoc ;

       Recueil et analyse de renseignements ;

       Dissuasion.

Les opérations et missions du PA CDG sont détaillées ci-après.

 Le GAN a participé aux opérations de soutien aux troupes déployées en Afghanistan dans le cadre de l’opération multinationale Enduring Freedom, lancée à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L’opération Héraclès s’est déroulée de décembre 2001 à juillet 2002, et précède les différentes missions Agapanthe (mars-mai 2004 ; février-juin 2006 ; février-mai 2007 ; octobre-février 2011).

 Déclenchée en application des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle a été menée en coordination avec les opérations alliées (opération Unified Protector de l’Otan).

 Cette intervention a permis d’entretenir la connaissance de la zone, et d’accroître l’interopérabilité avec les forces navales américaines. La France a pu, dans le cadre de l’opération Bois Belleau, développer des relations avec ses différents partenaires présents.

 Plusieurs opérations Arromanches ont été déployées en Méditerranée orientale, dans le but de lutter contre l’avancée de l’organisation terroriste « État islamique » :

       Arromanches 1 (janvier-mai 2015) : lancée moins d’une semaine après les attentats de janvier 2015 contre les locaux de Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher, l’appareillage du GAN témoigne d’un engagement politique fort ;

       Arromanches 2 (novembre 2015-mars 2016) : décidée en réaction aux attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. L’engagement du GAN a permis d’élever le niveau de la contribution française, ponctuellement jusqu’à 25% des frappes de la coalition. En 46 jours d’opération Chammal, le GAN a conduit 530 missions opérationnelles, soit 11 sorties par jour en moyenne ;

       Arromanches 3 (septembre-décembre 2016) : cette dernière mission permet à la France d’apporter une contribution décisive pour la prise de Racca, dernier bastion de l’« ÉI » en Syrie.

 Cet engagement dans le contexte de l’opération extérieure Chammal a eu une influence significative dans la lutte contre le terrorisme. La France a, grâce au GAN, pu peser dans la coalition internationale, et a renforcé son partenariat stratégique avec les États-Unis.

 Outre sa participation à l’opération Chammal et la protection des intérêts français en Méditerranée et au Moyen-Orient, la mission Clemenceau s’inscrit dans la stratégie Indopacifique voulue par le président de la République. Elle démontre la capacité de la France à projeter sa puissance jusqu’en mer de Chine et permet de renforcer des relations avec les partenaires stratégiques de la région (Australie, États-Unis, Inde et Japon).

 Avec l’opération Clemenceau, le GAN a montré qu’il était capable d’opérer loin de sa base et de ses habituels circuits logistiques. L’espace Pacifique a souligné le poids politique d’un tel outil, déterminant dans le renforcement des partenariats stratégiques et notre connaissance de régions, où presque aucun capteur national n’est en mesure de veiller.

 Entre janvier et avril 2020, la mission Foch est intervenue sur deux théâtres d’opération. D’une part, en Méditerranée, pour participer à l’opération Chammal ; d’autre part, en Atlantique et en mer du Nord, zones d’intérêt stratégique pour la France et l’Europe marquées par une résurgence des activités russes.

 Le GAN a ainsi pu surveiller les côtes libyennes et, grâce à des vols de reconnaissance des Rafale de la marine, prendre la Turquie en flagrant délit de livraison de tanks, en dépit de l’embargo international, en mettant en quelques heures à la disposition du Président de la République du renseignement exploitable au niveau stratégique. Il a aussi pu accroître son niveau d’interopérabilité avec les alliés transatlantiques malgré un contexte peu favorable  lié à la pandémie COVID-19.

 

B.    Le « PA-Ng » et son GAN: moyens militaires à haute valeur stratégique

 

 À l’heure actuelle, peu d’États dans le monde maîtrisent un outil aussi complexe qu’un groupe aéronaval en opérations et les compétences indispensables à une mise en œuvre d’une aviation de combat à un haut niveau d’engagement quelles que soient les conditions opérationnelles et environnementales. Étant l’une des nations pionnières en la matière, il s’agit d’un avantage certain dont dispose la France vis-à-vis de ses compétiteurs. En effet, dans un contexte international globalisé mais dégradé, on assiste au retour de la compétition stratégique, dont tout porte à croire qu’elle devrait encore s’intensifier à l’horizon des vingt prochaines années. Face à cette hausse de la conflictualité, notamment sur les mers, le porte-avions de nouvelle génération et son groupe aéronaval seront plus que jamais des moyens militaires à haute valeur stratégique. Leur efficacité, leur agilité et leur performance permettront à la Marine et à la France de répondre aux défis majeurs que sont la protection de son espace maritime, la maitrise d’une zone stratégique et, le cas échéant, la supériorité dans le combat aéromaritime.

1.   Un navire pour maintenir le rang de la France dans un monde incertain

a.   L’intérêt diplomatique d’un groupe aéronaval moderne

 Puissance nucléaire européenne aux intérêts globaux, la France ne peut définir ses intérêts au seul prisme de la proximité. Pour conserver son autonomie stratégique et une liberté d’action militaire à la hauteur de sa souveraineté, de ses responsabilités et de son ambition, elle devra, demain comme aujourd’hui, s’appuyer sur un modèle d’armée complet, équilibré et adaptable, dimensionné pour faire face à la dégradation de son environnement stratégique, comme à l’évolution de la conflictualité.

 La France, en tant que « puissance d’équilibre » mondiale, devra disposer de moyens militaires à haut rendement politique, permettant de peser dans la compétition entre les grandes puissances et d’entraîner ses partenaires en coalition. Elle devra être en mesure d’agir de manière globale sur plusieurs théâtres simultanément, tout le long du continuum paix-crise-guerre, et de garantir l’allongement stratégique indispensable depuis les approches nationales jusqu’aux espaces de l’Atlantique Nord et de l’Indopacifique.

 Le groupe aéronaval (GAN), centré autour d'un porte-avions de nouvelle génération, constituera l’une des capacités majeures pour satisfaire à ces exigences, puisqu’il restera en mesure d’agir sur toutes les fonctions stratégiques et s’inscrira dans une logique d’emploi interarmées. Engagé en temps de crise, il permettra d’enrichir dans la durée l’appréciation autonome d'une situation donnée et de montrer la détermination de la France à défendre ses intérêts, y compris vis-à-vis de ses alliés. Le cas échéant, il pourra engager le combat par sa supériorité technologique.

 Face aux stratégies de déni d’accès par des acteurs désinhibés, l’allonge tactique du futur groupe aérien embarqué préservera notre liberté d’action. Il crédibilisera les ambitions de haut du spectre de la France, en procurant localement et dans la durée un volume de forces permettant de gagner le combat et d’assurer la maîtrise aéromaritime indispensable pour opérer en haute mer, que l’on soit seul ou en coalition. Il offrira de nouvelles capacités par les moyens de renseignement et de frappes renouvelables dont il sera doté.

 En définitive, le porte-avions de nouvelle génération et son groupe aéronaval, moyens militaires puissants au champ d’action portant sur toutes les fonctions stratégiques, seront un outil diplomatique précieux capable de représenter la France sur toutes les mers du monde et, le cas échéant, de défendre ses intérêts.

b.   Une forte plus-value pour l’action maritime de la France

i.   La protection d’une vaste zone économique exclusive

 Avec plus de 11 millions de kilomètres carrés, la France dispose de la deuxième plus vaste zone économique exclusive (ZEE) au monde, peu derrière les États-Unis. Dans l’ensemble de cet espace, elle dispose de « droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents »[3].

 L’immensité de notre ZEE s’explique par les possessions françaises dans les océans Indien et Pacifique, à l’image des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie. C’est précisément dans cet espace indopacifique que la France doit maintenir et renforcer sa présence. En effet, notre espace maritime fait l’objet de contestations par nos voisins régionaux : certaines îles Éparses sont revendiquées par Madagascar, les Comores se reconnaissent souveraines sur Mayotte, ou bien l’île Tromelin que convoite Maurice.

 La France doit donc tout mettre en œuvre pour conserver les avantages de sa vaste zone économique exclusive. À ce titre, et comme précédemment évoqué, la présence d’un groupe aéronaval possède un effet dissuasif, protégeant nos intérêts.

ii.   Des intérêts français sur tous les océans

 Au-delà de la protection de sa ZEE, la France, puissance aux ambitions globales se doit de pouvoir intervenir sur tous les océans, afin de contribuer à la stabilité des espaces maritimes et sécuriser ses approvisionnements et flux commerciaux.

 Dans les douze derniers mois, la France était présente dans de nombreuses parties du monde : Arctique, Antarctique, Golfe d’Oman, en Manche et mer du Nord, en mer Méditerranée et dans les océans Atlantique et Indien. Le porte-avions Charles-de-Gaulle s’est déployé dans certaines de ces zones d'intérêt pour apporter son soutien aux opérations de la marine et des coalitions internationales.

 Sur ces différents théâtres d’opération, la France est confrontée à des menaces persistantes, comme la présence de groupes terroristes qui, quotidiennement, perfectionnent leurs modes d’action en mer. Le littoral métropolitain fait également face à une augmentation du phénomène migratoire, notamment en Manche et en mer du Nord.

 Dans un contexte international marqué par de nouvelles tensions, le GAN permet d’accroître le niveau des entraînements de l’OTAN et participe à la réassurance des pays du Nord de l’Europe avec ses voisins. Par ailleurs, l'intégration régulière de frégates européennes au GAN démontre l'apport de cet outil à la création d’une défense européenne. Enfin, l'exemple des renseignements obtenus sur la livraison d’armes en Libye par la Turquie démontrent à la fois la capacité du GAN à maitriser de très larges espaces aéromaritimes et à apporter une appréciation autonome de situation à haute valeur ajoutée.

c.   Une réponse adaptée aux nouvelles compétitions entre nations en mer

 Dans un contexte international globalisé mais dégradé, la compétition stratégique est de retour et devrait encore s’intensifier dans les vingt prochaines années. Dépassant les frontières et les limites géographiques traditionnelles, cette compétition déclasse les acteurs dont l’outil militaire n'a pas su s'adapter à la contraction de l’espace géopolitique. La mer elle-même redevient un espace de confrontation et d’expression de la supériorité militaire. Une telle évolution justifie donc l’acquisition d’un nouveau porte-avions, plus moderne et par conséquent plus adapté aux nouvelles compétitions internationales en mer.

 L’année 2020 témoigne de cette évolution conflictuelle, avec notamment le différend maritime opposant la Turquie, d’une part, à la Grèce et Chypre, d’autre part, sur la définition de leur ZEE respective, et sur l’exploitation des réserves de gaz qui s'y trouvent s’y trouvent.

 Cependant, les plus grandes inquiétudes concernent la Chine, dont la flotte semble être le principal levier de montée en puissance militaire : en seulement quatre années (2015-2018), la marine chinoise s’est dotée de nouveaux bâtiments équivalent à l’ensemble de la marine française. Pékin poursuit sa politique d’intimidation en mer de Chine méridionale, où elle revendique une large partie des ZEE malaisienne, philippine ou vietnamienne. Toutefois, sur le volet porte-avions, la Chine reste devancée par les États-Unis, comme en fait état le tableau ci-après présentant les capacités aéronavales dans le monde. Pour combler son retard, elle pourrait porter une grande partie de ses efforts sur la construction de nouveaux porte-avions, dont certains à catapultes et brins d'arrêt (CATOBAR), pour pouvoir en disposer de six d'ici la fin de la décennie.

LES PORTE-AVIONS DANS LE MONDE ET LES PROJECTIONS POUR LE FUTUR

PAYS

TYPE

CLASSE

ASA

RSA

NOMBRE

OBSERVATIONS

USA

CVN CATOBAR

NIMITZ

1975 à 2009

À partir de 2022

10

 

TOTAL 11

GERALD FORD

2017

2067

1

N°2 JFK en 2022

 

N°3 ENTERPRISE en 2028

 

N°4 DORIS MILLER en 2032

 

N°5 en 2034

CHINE

CV STOBAR

Type 001 LIAONING

2012

2035 ?

1

Type 001 = Projet 1143-5 russe

TOTAL 2

Lancé en 1988

Objectif : 6

 

 

Type 002 SHANDONG

2020

?

1

Type 001 agrandi.

 

CV CATOBAR

Type 003

2023

?

 

Type 003 CATOBAR EMALS

 

Propulsion électrique intégrée

 

Propulsion nucléaire ?

RUSSIE

CV STOBAR

Projet 1143-5 KUZNETZOV

1991

?

1

Réparations – Modernisation légère

TOTAL 1

Essais fin 2022

 

CVN CATOBAR

Projet 23000 SHTORM

?

?

?

Capacités industrielles douteuses pour construction

INDE

CV STOBAR

VIKRAMADITYA

2014

2042

1

Projet 1143-4 russe (en service en 1987)

TOTAL 1

CV STOBAR

IAC VIKRANT

2023

?

1

Version plus courte et plus légère du 1143-4

Objectif : 3

CV CATOBAR

IAC II VISHAL

2030

?

1

IAC II CATOBAR EMALS

 

Propulsion électrique intégrée

ROYAUME-UNI

CV STOVL

QUEEN ELIZABETH

2017-2020

2067-2070

2

Propulsion électrique intégrée

TOTAL 2

CATOBAR : catapult assisted take-off but arrested recovery (système pour le catapultage et l’appontage d’aéronefs)

CV : carrier vessel (porte-avions)

CVN : carrier vessel nuclear (porte-avions à propulsion nucléaire)

Source : ministère des Armées

 Enfin, certaines puissances émergentes remettent en cause les fondements du droit international : contestation des espaces maritimes de leurs voisins, atteinte à la liberté de navigation, entrave au respect des embargos… Chaque jour, la France œuvre pour l’application du droit et le respect des conventions internationales, mais pour parvenir pleinement à cet objectif ambitieux, elle a besoin de moyens militaires à la hauteur de ses concurrents. Ici aussi, un porte-avions de nouvelle génération et son groupe aéronaval apportent une réponse crédible et ostensible, capable de dissuader un adversaire et de limiter l'escalade des tensions.

 

2.   Un outil pour préserver les compétences militaires françaises

a.   L’avantage opérationnel face à la concurrence « désinhibée »

 Malgré un environnement opérationnel appelé à se tendre et à devenir plus compétitif, le concept de porte-avions garde toute sa pertinence, dès lors que des marges d’évolutivité suffisantes sont prévues d’emblée pour faire face aux menaces actuelles comme futures. Comme tout système d’armement majeur, il s’agit pour le GAN de pouvoir répondre à ces menaces, soit en les évitant grâce à son allonge, à sa mobilité et à sa capacité de dilution dans les espaces océaniques, soit en les traitant (perturbation de la détection, mobilité, neutralisation, etc.), afin de garantir une crédibilité suffisante sur le plan stratégique et opérationnel.

 Compte tenu à la fois de l’allonge du GAN, de sa force de frappe (avions, missiles, sous-marin nucléaire) et de la sophistication de ses défenses, il gardera un avantage opérationnel décisif face à un adversaire de type « puissance régionale ». Il ne devrait pas non plus être exposé à la possibilité « d’attaques faciles » (cheap shot) susceptibles d’inhiber son emploi voire de s’apparenter à une forme de chantage. À l’horizon 2050, seules les plus grandes puissances auront les moyens de mettre en place à la fois l’arsenal offensif de haute technologie (missiles hypervéloces ou à ogives manœuvrantes, torpilles lourdes tirées à grande distance, etc.) et le dispositif C4ISR global (capteurs et relais satellitaires, systèmes de commandement) à même de menacer un porte-avions. Encore devront-elles mobiliser des ressources considérables sur ce seul objectif, entraînant un effet d’éviction sur d’autres développements, sans pour autant garantir une frappe incapacitante.

En définitive, le porte-avions demeurera un objectif problématique compliquant le calcul stratégique en raison de son poids politique indéniable. Même une puissance majeure en mesure de conduire une attaque crédible n’échapperait pas à un dilemme, puisqu’une telle agression de sa part constituerait un acte de guerre irrécusable, générateur d’une escalade certaine.

b.   Un porte-avions intrinsèquement lié à la dissuasion nucléaire

Avec la force aéronavale nucléaire (FANu), le porte-avions apporte une contribution essentielle à la dissuasion nucléaire. Cette force se concrétise par l’emport du missile ASMP-A par l’avion de chasse Rafale, catapulté depuis le bâtiment. Le porte-avions de nouvelle génération, à l’instar de ses prédécesseurs, doit être capable de mettre en œuvre la FANu.

Agissant en complément des forces aériennes stratégiques qui assurent la permanence de la dissuasion aéroportée, la FANu continuera d’offrir des modes d’action supplémentaires qui participent à la crédibilité de cette composante de la dissuasion. Dans cet esprit, le système air-sol nucléaire de quatrième génération embarqué sur porte-avions restera un outil de premier plan du dialogue dissuasif, à la main du président de la République.

II.   L’attention doit être portée sur les contraintes pouvant ralentir le projet

 Si le constat de la nécessité d’un nouveau porte-avions à l’horizon 2038 (fin de vie du CdG) est entendu, ses caractéristiques font encore débat. La puissance offensive démontrée du PA Charles-de-Gaulle lui confère la crédibilité opérationnelle nécessaire pour être considéré comme un outil stratégique et diplomatique de premier ordre. L’utilisation comme référence de ses capacités d’emploi (profil des missions, format du GAé, profils des vitesses, ravitaillement à la mer, maintien en conditions opérationnelles etc.) représente ainsi un étalon particulièrement pertinent pour le développement d’un PA-Ng.

 

 Initié dans un contexte de relance de programmes de défense européens, le PA-Ng devra également prendre en compte les évolutions qui pourraient survenir la conception de la défense commune pour les prochaines décennies. Des études ont déjà été lancées pour guider la prise de décision. La marine attend à présent la décision du chef de l’État.

A.   Des défis encombrent la route du prochain porte-avions

 Le porte-avions de nouvelle génération devra répondre aux besoins de nos forces armées pour faire face aux enjeux de la seconde moitié du vingt-et-unième siècle. Néanmoins, sa conception est entourée de plusieurs initiatives de coopération qui unissent la France à ses partenaires européens. Si la coordination européenne est utile pour aboutir à des programmes d’armement communs plus performants et, de surcroît, avec une mutualisation des coûts, elle demande du temps pour aboutir à une solution commune et peut même, dans certains cas, échouer.

1.   La coopération avec les partenaires européens

a.   L’échec de la coordination franco-britannique

i.   Retour historique sur les événements

 Le conseil de défense du 23 septembre 1980 a décidé la construction de deux porte-avions à propulsion nucléaire. Après plusieurs reports, le second porte-avions, est inscrit dans la loi de programmation militaire 2003-2008 ; la coopération avec les Britanniques est explicitement mentionnée. L’objectif d’état-major est émis en octobre 2002. Le programme PA2 doit rétablir la permanence d’alerte du groupe aéronaval à l’horizon du deuxième arrêt technique majeur du Charles-de-Gaulle initialement prévu en 2015.

 En juillet 2002, le ministre français de la Défense a proposé à son homologue britannique une collaboration sur le projet « CVF » (Carrier Vessel Future) en vue de construire trois porte-avions : deux pour la Royal Navy et un pour la marine française. Malgré une position du ministre de la Défense britannique qui ne concédait à la France qu’un rôle secondaire, la France et le Royaume-Uni ont annoncé lors du sommet tenu du 18 novembre 2004 à Lancaster House leur volonté de coopérer dans la construction de ces trois porte-avions.

 En mars 2006, un mémorandum d’entente franco-britannique relatif à la fourniture des informations permettant à la France « d’évaluer quelles adaptations le CVF britannique doit subir pour répondre aux exigences françaises » est signé. Les deux nations s’engagent à développer la définition détaillée de la partie commune du projet, compatible avec les spécifications de chaque signataire, en maximisant les économies et les bénéfices, et en identifiant les possibilités d’approvisionnement groupé de certains articles d’éléments communs aux porte-avions français et britanniques, afin de « procurer des bénéfices et des économies pour les deux parties ». Dans les faits, le mémorandum d’entente franco-britannique ne constituait pas une convention de coopération sur un projet industriel commun, mais un « achat sur étagère » par la France au Royaume-Uni de certaines études, avec un accès des équipes françaises aux travaux et réunions du groupe de projet britannique.

 Les dispositions du mémorandum d’entente portaient donc sur un périmètre réduit à l’acquisition des données britanniques, en vue d’une adaptation aux besoins français, et sur d’éventuelles pistes d’approvisionnement commun, dans une perspective d’économies et d’achat efficace (best value for money). Toutefois, les éléments nécessaires à une véritable coopération industrielle faisaient défaut.

ii.   Les raisons de l’échec

 Côté français, le calendrier initial de réalisation, dont le respect n’a jamais été assuré, prévoyait une mise en service opérationnel en 2015 (arrêt technique majeur du Charles-de-Gaulle). Côté britannique, les avancées du programme avaient mis en évidence les risques de disjonction des calendriers des deux pays : la phase de faisabilité (assessment phase) se déroulait jusqu’en janvier 2006, suivie par une phase de définition (demonstration phase) de février 2006 à juin 2007. En pratique, l’objectif des Britanniques était de commander les deux porte-avions en mai 2008, afin de garantir une mise en service opérationnel entre 2018 et 2020.

 Les approches française et britannique divergeaient sensiblement en matière d’installation d’aviation. En effet, depuis 2001, les ministères de la Défense britannique et américain avaient signé un protocole d’accord relatif à la participation du Royaume-Uni comme « partenaire de niveau 1 » au programme Joint Strike Fighter (JSF), qui avait conduit, en octobre 2002, à l’adoption de la version « décollage court et atterrissage vertical » dans l’expression de besoin du programme de porte-avions (F35B). Cette version n’était pas compatible avec le choix français, consistant à l’utilisation de catapultes pour le décollage des avions et de brins d’arrêt pour leur appontage. Cette technique de lancement et de réception permet d’accroître notablement le rayon d’action des chasseurs ainsi que leur capacité d’emport et permet la mise en œuvre l’E-2C Hawkeye, un centre de commandement et de communication précieux qui avec son radar puissant étend la capacité de guet aérien du GAN sur une surface équivalente à celle de la France. C'est donc pour notre pays un pré-requis pour disposer d’un groupe aérien embarqué capable de remplir, à un même niveau d'engagement et rayon d’action, des missions de projection de puissance, de maîtrise de l’espace aéromaritime et de dissuasion nucléaire. De ce fait, les travaux communs ont, à plusieurs reprises, buté sur l’adéquation très relative du design britannique aux exigences françaises concernant ces fonctions essentielles.

 Durant la même période, Paris a tenté de faire prendre en considération les spécificités du besoin français (assiette, vitesse, puissance électrique, en particulier) par l’équipe de projet britannique. Il a notamment été demandé de prévoir certaines évolutions du design devant permettre de parvenir à 90 % de communauté (usage de soutes à munitions françaises, intégration possible d’un système de stabilisation de type COGITE). Ces demandes n’ont cependant été que partiellement prises en considération par les Britanniques, qui étaient eux-mêmes engagés dans la préparation du dossier de réalisation de leurs porte-avions.

 Enfin, ces divergences s’ajoutent à des politiques d’achat difficilement conciliables et une stratégie industrielle britannique centrée sur ses chantiers nationaux.

 Comme indiqué précédemment, la Royal Navy a perdu sa capacité de porte-avions pendant plus de dix ans et a démantelé son aéronautique navale. Cette perte d’expérience est extrêmement dommageable pour les Britanniques qui, bien qu’engagés dans la remontée en compétences, mettront de nombreuses années à récupérer ces savoir-faire. Aujourd’hui, les CVF UK sont davantage perçus par certains comme des bases aériennes posées sur des navires que comme des porte-avions. La séparation entre l’îlot arrière armé par la Royal Air Force pour mettre en œuvre les avions et l’îlot avant destiné à la manœuvre du bâtiment par la Royal Navy, créant un porte-avions bicéphale, est un exemple éloquent. Les divergences profondes entre la marine nationale et la Royal Navy sur ces navires ne permettaient pas d’espérer une coopération réussie dès lors que les Britanniques avaient fait évoluer leur choix pour in fine mettre en œuvre du F35B à décollage court et appontage vertical.

b.   La mise en œuvre du système de combat aérien du futur (SCAF)

 

 Le porte-avions de nouvelle génération devra mettre en œuvre le futur système de système aérien (NGWS), conçu dans le cadre du système de combat aérien du futur (SCAF), lui aussi opérationnel à l’horizon 2040.

 

 Coopération européenne entre la France et l’Allemagne, puis étendue à l’Espagne, le programme NGWS comprend, d’une part, un nouvel avion de combat (NGF, New Generation Fighter) qui aura une taille et une masse supérieures aux Rafale actuels. D’autre part, des vecteurs aériens sans pilote (RC, remote carrier), qui agiront en coordination comme complément d’efficacité, devront également être embarqués.

 

 La France est le seul pays, aux côtés des États-Unis, à posséder le savoir-faire d’un avion de chasse catapultable. C’est aujourd’hui un vrai différenciant à l’export, notamment en raison de la dynamique de construction des Porte-avions dans le monde.

 

 Le SCAF, confronté à plusieurs défis, portant notamment sur la coordination entre partenaires européens, au niveau des États sur la définition des besoins ou des industriels sur la conception des appareils et la propriété intellectuelle.

 

 Dès lors, la réalisation du prochain porte-avions est lié à certains objets du système de combat aérien du futur. Les deux programmes PA-Ng et NGWS, qui seront développé en parallèle nécessiteront une coordination fine pour aboutir à un système d’armes aussi efficace que le système arme actuel « PA CdG- Rafale M ».

2.   Les impératifs des Armées françaises

a.   La sauvegarde des compétences critiques

 Conformément à l’annonce de la ministre des Armées, la construction du navire sera réalisée à Saint-Nazaire dans les installations industrielles des Chantiers de l’Atlantique, seul chantier en France disposant des infrastructures adaptées à la construction de grands navires.

 En ce qui concerne les compétences industrielles, le porte-avions contribuera à la consolidation de la capacité française sur le segment des grands navires militaires. Le maintien des compétences dans le domaine des navires complexes fortement armés devra quant à lui s’appuyer sur la construction des frégates dont l’une des missions sera l’escorte du porte-avions à l’échéance de sa mise en service.

 

 Par ailleurs, par effet de bord, ce programme contribuera à pérenniser le savoir français d’un avion de combat navalisé catapultable, compétence uniquement détenue par la France et les États-Unis aujourd’hui.

 Les enjeux liés à la filière nucléaire ont été analysés mais hors du cadre des études précédemment évoquées. Les résultats des études spécifiques menées sur ces enjeux seront pris en compte pour le choix relatif au mode de propulsion du navire.

b.   L’interopérabilité avec nos alliés

 Pré-requis stratégique, l’interopérabilité représente une pièce maîtresse dans le dialogue militaire, dès le temps de paix. Ainsi, par la place que le porte-avions occupe dans nos contacts avec les forces armées américaines, il constitue un véritable facteur de rééquilibrage dans la relation trilatérale avec les États-Unis et le Royaume-Uni, face au lien spécial qui unit ces derniers.

 Conçu un haut niveau d’interopérabilité, le GAN détient un très fort potentiel d’opportunité de coopération, notamment au sein de l’escorte du porte-avions, composée d’au moins trois frégates, d’un ravitailleur et d’un sous-marin nucléaire d’attaque, et extensible en fonction de la mission et de l’état de la menace. Du fait du niveau d’excellence requis pour s’intégrer aux opérations extrêmement complexes que peut mener le GAN, la participation à l’escorte du porte-avions est très recherchée par les marines alliées, notamment les marines européennes. Ces expériences opérationnelles exigeantes et ces opportunités peu fréquentes d'engagement haut du spectre, comme lors du déploiement Clemenceau en 2019 et Foch en 2020, tissent des liens très étroits avec nos alliés et les tirent vers un niveau d'excellence précieux pour penser les opérations en coalition de demain.

 Sur le PA-Ng, l’interopérabilité avec l’US Navy reposera notamment sur l’installation de catapultes électromagnétiques et de brins d’arrêt identiques à ceux qui équipent l’USS Ford. Concernant la Royal Navy et les marines équipées de chasseurs F35B à décollage sur piste courte et appontage verticale, des études sont en cours pour analyser les implications d’un spot d’appontages dédié.

3.   La maîtrise des coûts

 Pour la conception du nouveau porte-avions, la maîtrise des coûts est un enjeu majeur dans un contexte budgétaire sous tensions.

 L’actuelle loi de programmation militaire pour la période allant de 2019 à 2025 prévoit déjà 154 millions d’euros pour le porte-avions de nouvelle génération. Cet effort devra nécessairement être renforcé, à l’occasion de l’actualisation de la loi de programmation en 2021, mais même au-delà, à l’horizon de la prochaine programmation à partir de 2025. Lors de son audition, la ministre des Armées a déjà annoncé que le gouvernement avait prévu d’engager 261 millions d’euros en 2021 en attendant les décisions à venir sur le programme.

 La direction générale de l’armement (DGA) a commencé les évaluations du montant à prendre en charge, bien que celui-ci dépende naturellement des options qui seront retenues pour mener à bien la conception du porte-avions.

 

 

B.   Encore des choix à faire pour finaliser le projet

 Plusieurs options peuvent permettre de répondre aux défis que nous venons de détailler. Il convient donc de présenter ces différentes possibilités qui, prochainement, devront faire l’objet d’une décision politique.

1.   Les enjeux technologiques

 Ces choix reviennent au président de la République. S'agissant de la définition des besoins, elle relève du ministère des Armées.

 

 Néanmoins, des études sont conduites au sein d’un groupe de travail ministériel dédié afin de définir les modalités de réalisation de ce projet majeur pour la France. Il s’agit en particulier d’examiner l’ensemble des facettes d’un programme de cette ampleur afin d’éclairer les choix à venir, notamment :

 

 

 L’approche méthodologique s’est voulue résolument ouverte pour n’écarter aucune option a priori, en partant d’un spectre d’options et de concepts initialement large pour ensuite converger progressivement vers les solutions les plus adaptées au fil des études.

 Pour le moment, les études semblent retenir une longueur d’environ 300 mètres et une masse de 70 000 tonnes, soit bien plus que l’actuel Charles-de-Gaulle, long de 261 mètres et pesant 42 000 tonnes. Comparé aux autres bâtiments de ce type en service, le PA-Ng serait légèrement supérieur aux porte-avions britanniques (65 000 tonnes) mais encore inférieur aux américains (100 000 tonnes). L’option d’un porte-avions à piste oblique, doté de catapultes (de 90 mètres contre 75 actuellement) et de brins d’arrêt, sera privilégiée.

 Un élément est donc certain : le nouveau porte-avions sera de plus grande taille que l’actuel. Il s’agit d’un impératif au regard de la mise en œuvre du système de combat aérien du futur. Le navire devrait également permettre le catapultage et l’appontage simultanés, ce qui est impossible avec le Charles-de-Gaulle.

2.   Les aspects stratégiques

 L’acquisition d’un nouveau porte-avions vise évidemment à répondre aux besoins de la Marine nationale et des armées qui, comme l’explique l’état-major, seront orientés vers la réponse à l’augmentation de la conflictualité en mer. Cette inquiétante évolution n’était pas prévue – ou du moins pas à un si court terme – il y a encore quelques années. Dès lors, la définition des besoins de la Marine nationale pour les années 2040 ou 2050 est un défi de taille.

 Ce défi est d’autant plus grand que les évolutions technologiques sont rapides et que nos concurrents le sont également. Le porte-avions, quant à lui, ne pourra être renouvelé tous les ans. Il faut donc qu’il ait une capacité à évoluer en permanence. Cette faculté constitue, à ce titre, la grande force de notre actuel porte-avions Charles-de-Gaulle, pourtant conçu il y a quarante ans, mais qui a su évoluer au gré des arrêts techniques et s'adapter pour mettre en œuvre les Rafale au dernier standard avec leurs capteurs et armements en constante amélioration.

 Le porte-avions de nouvelle génération devra par exemple être en mesure d’accueillir des armes aux dimensions encore indéterminées, notamment des drones qui connaîtront vraisemblablement de nouveaux développements dans les prochaines années.

 Comme indiqué précédemment, le porte-avions doit également être pensé de manière à permettre l’interopérabilité avec nos alliés – notamment les États-Unis – comme c’est le cas avec le Charles-de-Gaulle. Dans ce sens, le système de catapultes électromagnétiques (EMALS) apparaît comme la solution technologique la plus adaptée, préférable la catapulte à vapeur dont la technologie est vouée à disparaître d’ici la mise à l’eau du prochain porte-avions.

 Ce choix sera certainement suivi avec grande attention par Washington. Il convient de rappeler que la coopération franco-américaine est ancienne et très importante dans le domaine aéronaval : la France est l’unique État à posséder un porte-avions nucléaire à catapultes et brins d’arrêt qui soit interopérable avec ceux des Américains. Elle est également l’unique pays à savoir faire un avion de chasse navalisé qui soit interopérable avec leur porte-avions. Derrière l’entente transatlantique, les États-Unis ont naturellement intérêt, pour leurs propres industries, à ce que la France opte pour leur technologie. Sur le plan stratégique, la France continue, dans la ligne du Charles-de-Gaulle, à consentir à une certaine dépendance aux équipements américains. Dépendance qui n'a jamais été préjudiciable, même au plus bas des relations franco-américaines, notamment en 2003 pendant la guerre en Irak. Si une filière souveraine serait certes préférable, elle ne peut être envisagée. En effet, le développement d’une filière française de catapultes électromagnétiques est presque impossible pour deux raisons : le manque de compétences adéquates et la rentabilité économique difficile à atteindre. La France n’a donc d’autre choix que de poursuivre dans la voie de la coopération avec ses alliés.

3.   L’option de deux porte-avions

 Concernant les études liées au PA-Ng, le rapport annexé de la loi de programmation militaire 2019-2025 précisait : « Elles devront fournir les éléments relatifs à une éventuelle anticipation du lancement de sa réalisation et au format de cette composante pour garantir sa permanence. » Un contexte international durci ne laissera plus le choix du « quand » déployer le GAN pour protéger les intérêts français. En outre, l’appui de la chasse embarquée sera primordial pour les opérations aéronavales dans le contexte de retour des rivalités entre grandes puissances. Par conséquent, la question du retour à la permanence d’alerte, c’est-à-dire la capacité de disposer en permanence d’un GAN en opérations ou prêt à partir dans un délai réduit, de l’ordre d’une semaine, devra être éclairé dans les années à venir. En effet, si ce choix n’est pas décisif à ce stade du projet, il devra être posé en 2025.


   Travaux de la commission

I.   Audition de l’amiral Pierre Vandier,
chef d’état-major de la Marine

La Commission a entendu l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), au cours de sa réunion du 14 octobre 2020.

Le compte rendu de cette audition est disponible sous le lien suivant :

www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/20-21/c2021008.asp


—  1  —

II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Didier Le Gac, les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces : forces terrestres » de la mission « Défense », pour 2021, au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces – Marine). Je me félicite que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse, qu’il soit, en outre, conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025 et que la marine nationale bénéficie, une fois encore cette année, de l’effort de la nation.

J’ai beaucoup apprécié la mission de rapporteur pour avis que vous m’avez fait l’honneur de me confier cette année pour la première fois. J’ai réalisé de nombreuses auditions, à Paris et sur le terrain, notamment dans les trois bases navales et préfectures maritimes de Brest, Toulon et Cherbourg. Jeudi dernier, j’interrogeai en commission le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, sur la place de la marine et de ses moyens dans le dispositif de notre défense nationale.

Je considère pour ma part que la menace viendra sans doute de la mer, après des années d’une lecture géopolitique plus terrienne ou plus terrestre. Les effets du changement climatique comme l’ouverture de nouvelles routes maritimes via l’Arctique, par exemple, mais aussi les nouveaux enjeux liés aux espaces maritimes en matière de ressources énergétiques ou biologiques, les enjeux migratoires, les questions de sécurité et de sûreté maritimes ou encore de souveraineté, notamment dans notre zone économique exclusive, impliquent une nouvelle lecture des enjeux géostratégiques.

Le général Lecointre a confirmé mon analyse, expliquant que la mer est devenue un domaine de conflictualités, de combats potentiels, et un espace de contrôle, du fait de la piraterie, de flux maritimes toujours plus intenses, d’accès aux détroits toujours plus contestés. Il a souligné également l’importance stratégique de la zone côtière – la majorité de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres des côtes –, où le déploiement de troupes et les interventions à partir de la mer s’imposent comme enjeux opérationnels.

Dans ce contexte mouvant, le combat naval redevient une hypothèse de travail, comme l’a indiqué devant notre commission l’amiral Pierre Vandier, le nouveau chef d’état-major de la marine.

J’en viens aux crédits de la marine, à laquelle j’ai consacré la première partie de mon rapport. En 2021, l’action 03 « Préparation des forces navales » du programme 178 sera dotée de 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,6 milliards en crédits de paiement. Les crédits du projet de loi de finances pour 2021 confirment donc l’effort de réarmement de notre marine nationale entrepris depuis la LPM 2019-2025. Ainsi, en 2021, le renouvellement accéléré de nos capacités opérationnelles se traduira par des commandes clés – une frégate de défense et d’intervention (FDI), quarante-cinq kits de missiles antinavires Exocet, huit hélicoptères interarmées légers (HIL) – et de nombreuses livraisons : trois avions de patrouille rénovés, une frégate multimission FREMM – la FREMM Alsace, dédiée à la défense aérienne –, une frégate légère furtive (FLF) rénovée, notamment dotée d’un sonar, un hélicoptère NH90 Caïman, un lot de torpilles lourdes F-21 Artemis, quatre missiles MM-40 Block3C et un lot de missiles Aster 30.

Par ailleurs, les grands programmes liés aux infrastructures seront poursuivis en 2021. Avec l’arrivée de nombreux bâtiments de nouvelle génération, la maîtrise des programmes d’infrastructure est cruciale. J’ajoute que la marine a tout à gagner à se doter rapidement de drones, notamment pour la surveillance des approches et des côtes métropolitaines.

Voilà pour la remontée en puissance de notre marine.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des équipements, l’investissement se poursuit en 2021 – il représente même une part importante du budget de la marine –, même si ses effets en matière d’accroissement de l’activité ne devraient se manifester qu’en 2023. Les ressources consacrées au service de soutien de la flotte sont actuellement garanties. Je tiens à rappeler qu’une remise en cause de ces ressources déséquilibrerait le MCO naval, qui est déjà sous tension, et ne permettrait pas de conserver le modèle actuel optimisé.

Enfin, je vous livre un dernier motif de satisfaction : j’ai pu constater les premiers effets tangibles, lors de mes déplacements, du Plan famille, lancé par la ministre des armées en 2017 et qui contribue à l’amélioration des conditions de vie de nos marins et de leurs familles, ainsi qu’à celle de leurs conditions d’hébergement et d’équipement. J’ai ainsi vu dans les trois bases navales la construction de nouveaux bâtiments destinés à l’hébergement et à la restauration. Je pense notamment au nouveau bâtiment de bureaux pour les doubles équipages des FREMM ou à des bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BASM), comme à Brest. Ces nouveaux bâtiments sont très attendus, car nombreux sont ceux qui sont encore très vétustes.

Les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d’engagement : la permanence de la posture de dissuasion ; la défense de notre territoire maritime, pour laquelle la marine est chargée de missions relevant de l’action de l’État en mer (AEM) ; cinq théâtres d’opérations : le Golfe de Guinée, le détroit d’Ormuz, l’Atlantique, la Méditerranée centrale et orientale.

Sur ce dernier point, je souligne, dans mon rapport, que le rythme d’engagement opérationnel de notre marine est très soutenu dans un contexte géostratégique en pleine mutation. Du reste, le Livre blanc ne prévoyait pas autant de théâtres d’opérations simultanés. L’amiral Pierre Vandier a évoqué le passage à un nouveau cycle en ce domaine : le retour des États-puissances est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage ou une démonstration désinhibée de la force militaire. Ainsi, en Méditerranée orientale, on a vu, cette année, que la Turquie applique la politique du fait accompli.

J’ai consacré la partie thématique de mon rapport au successeur du Charles-de-Gaulle à l’horizon 2038 : le porte-avions de nouvelle génération (PANG). C’est un enjeu majeur pour la marine nationale mais aussi pour notre pays ; sa conception représente du reste une part très importante du budget de nos armées. Il est en effet indispensable que la marine nationale tienne son rang de grande puissance maritime et conserve son autonomie navale, en se dotant d’un porte-avions moderne, c’est-à-dire un porte-avions de haute technologie et capable de conjuguer, d’une part, notre savoir-faire aéronaval et centenaire et, d’autre part, l’adaptabilité aux dynamiques de la conflictualité mondiale.

Avant d’évoquer le porte-avions de l’avenir, permettez-moi un petit rappel historique : l’aéronautique navale célèbre cette année le centenaire des premiers appontages sur le cuirassé Béarn. Il y a tout juste cent ans, le 20 octobre 1920, le lieutenant de vaisseau Paul Teste apponte pour la première fois sur le Béarn ; l’aéroplane est freiné sur trente mètres par des câbles transversaux reliés à des sacs de sable. Il reconduit l’exercice avec succès trois fois dans la même journée ; c’est ainsi que les brins d’arrêt sont nés.

Le porte-avions de nouvelle génération sera le navire qui permettra à la France de maintenir son rang dans un monde incertain. Le porte-avions est d’abord un outil politique, c’est-à-dire un outil qui permet à notre pays de faire valoir ses positions dans le monde. Un groupe aéronaval autonome permet à la France de protéger notre vaste zone économique exclusive, d’une part, et d’exister en tant que puissance mondiale, d’autre part. Le concept de porte-avions garde toute sa pertinence, en raison même de l’avantage opérationnel qu’il représente face à des compétiteurs de plus en plus désinhibés.

Enfin, j’ai souhaité porter votre attention sur les contraintes et les obstacles pesant encore sur le projet de porte-avions de nouvelle génération : il faudra par exemple s’adapter au système de combat aérien du futur (SCAF), dont le nouvel avion sera au Rafale ce que le porte‑avions de nouvelle génération sera au Charles-de-Gaulle. Notre nouveau porte-avions devra également répondre aux besoins de la marine, avec un niveau d’efficacité au moins équivalent à celui du Charles-de-Gaulle – je pense notamment à notre interopérabilité avec les alliés stratégiques, comme l’US Navy. Des choix devront donc être effectués, aussi bien sur le plan technologique que stratégique. Nous attendons désormais la décision du Président de la République, qui devrait répondre à toutes ces interrogations.

Les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2021 correspondent pleinement aux objectifs de remontée en puissance de la marine nationale. Je salue cette évolution positive qui permettra à notre pays de tenir son rang de grande puissance dans le monde, de protéger ses intérêts et de veiller à l’application du droit international sur tous les océans.

M. André Chassaigne. S’agissant des FREMM, à terme, la loi de programmation militaire 2019‑2025 permettra à la marine nationale de disposer de cinq frégates de premier rang au lieu des dix-huit espérées. Cette flotte se composera d’ici à 2030 de seulement huit FREMM, de deux frégates de la classe Horizon et de cinq frégates de défense et d’intervention, dont trois seront une version modernisée de frégates légères furtives. Vous a-t-on fait part d’une déception eu égard aux besoins exprimés par la marine ? N’avez-vous pas le sentiment que Naval Group notamment et les industriels de l’armement en général favorisent leur intérêt en exportant du matériel neuf qu’ils fabriquent, et orientent le choix vers la rénovation d’autres bâtiments ?

M. Jacques Marilossian. L’année dernière, dans mon rapport pour avis du PLF pour 2020, j’avais déjà souligné deux points essentiels, que vous avez partiellement mentionnés : la surchauffe opérationnelle de la marine – l’augmentation des menaces, l’instabilité géopolitique ont entraîné une croissance significative des missions de surveillance, de déploiement ou d’interventions ; les réductions temporaires de capacité – patrouilleurs, drones tactiques, hélicoptères, stocks de munitions, avions de surveillance maritime, frégates de défense aérienne, bâtiments ravitailleurs, sonars et, tout dernièrement, SNA.

Comme vous l’avez dit, de nombreux efforts ont été engagés depuis 2017 pour la régénération et la remontée en puissance de la marine : nouvelles commandes de patrouilleurs – patrouilleurs légers guyanais (PLG), puis patrouilleurs d’outre‑mer (POM) ; lancement de grands projets d’infrastructures, à Brest et à Toulon notamment ; conclusion de contrats de maintenance opérationnelle ; appels d’offres concernant les patrouilleurs côtiers de gendarmerie, par exemple ; nombreux efforts de recrutement ; plan famille ; double équipage sur les FREMM ; et, bien sûr, études pour un nouveau porte‑avions. Alors que nous allons procéder très bientôt à l’actualisation de la LPM, comment la renforcer, afin de donner le plus rapidement possible à la marine nationale les moyens de mieux remplir ses missions ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Monsieur le rapporteur, je partage votre constat : notre marine remonte en puissance, et cela se voit sur nos bases. Je salue la livraison de la FREMM de défense aérienne, un complément décisif, ainsi que le tir tout récent d’un missile de croisière naval depuis un le Suffren. Je souhaiterais vous interroger sur le nombre d’hélicoptères dans la marine, avec la livraison des deux premiers Dauphin de la flotte intérimaire, qui devaient entrer en service cette année. Pourriez-vous nous confirmer cette livraison ? Par ailleurs, vous êtes‑vous penché sur le plan de charge de nos industriels à Lorient ? Le rythme initialement prévu pour l’export de FDI paraît compliqué à tenir. Avez-vous des éléments plus précis sur le maintien des compétences dans la durée sur le site de Lorient ?

M. Jean-Louis Thiériot. Monsieur le rapporteur, si vous avez choisi de faire votre rapport thématique sur le plus gros bateau de notre flotte, je souhaiterais vous interroger pour ma part sur les petits bâtiments. Lors du travail que nous avons mené avec Benjamin Griveaux sur la base industrielle et technologique de défense (BITD) et le plan de relance, nous avons identifié que, pour des petits chantiers comme Piriou, ces petits bâtiments, qui ne sont pas des programmes majeurs, peuvent néanmoins avoir une importance vitale. Des commandes de bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BSAM) ont-elles été prévues dans le budget ? Pensez-vous par ailleurs qu’ils répondent à une réelle nécessité opérationnelle qu’il conviendrait, le cas échéant, de satisfaire, notamment à l’occasion de l’actualisation de la LPM ?

Mme Patricia Mirallès. Je veux saluer la réalisation des contrats opérationnels, qui ont été, comme chaque année, remplis à 100 %. Entre 2019 et 2020, la réalisation des contrats opérationnels de la marine a chuté, passant de 84 % à 70 %. Quelles sont les raisons d’une telle chute ? Peut-on y remédier ? Les crédits engagés permettront-ils d’atteindre à nouveau les objectifs définis dans les contrats opérationnels de protection ? Comment expliquer cet écart entre la réalisation opérationnelle de 70 % et celle actualisée de 87 % ?

Mme Sereine Mauborgne. Le lendemain de l’incendie du SNA la Perle, je me suis rendue dans l’arsenal de Toulon voir l’étendue des dégâts. Savez-vous s’il retournera à l’eau ou non ?

M. Jean Lassalle. Monsieur le rapporteur, je vous remercie des bonnes nouvelles que vous apportez de notre marine, ainsi que d’avoir souligné le caractère novateur et la qualité du Béarn, qui aurait pu échapper à certains… J’ai toujours pensé que les gens de la mer étaient ceux qui comprenaient le mieux les problèmes de la terre et qu’ils étaient certainement, avec les bergers, ceux qui ressentaient le mieux les signes avant‑coureurs. Pensez-vous que, bien qu’il soit assez loin de la mer, le Mali pourrait, grâce à vous et à l’intervention que nous y menons depuis plusieurs années, retrouver son sens, redonner du goût et de la confiance à nos militaires, malgré la libération de deux cent six personnages, dont tout le monde ne se félicite pas ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Monsieur le rapporteur, je vais essayer d’être à la hauteur de Jean Lassalle… Je vous félicite d’avoir fait le choix ambitieux de mettre le porte‑avions de nouvelle génération au centre de votre seconde partie, tant la dimension prospective de ce sujet est stratégique. Au-delà des questions de propulsion ou des éventuels partenaires, je souhaiterais avoir votre avis sur les vecteurs que portera ce bâtiment. En effet, nous pourrions imaginer que les porte‑avions de nouvelle génération transporteraient des appareils SCAF avec leur nuée de drones. Toutefois, contrairement aux F‑35B, le projet du SCAF ne prévoit pas un décollage vertical, ce qui implique a priori un pont plus long et un moindre emport d’avions. En l’état de la prospective, à quel point d’appui les drones ont-ils été pris en compte ? Je m’interroge, à vrai dire, sur la possibilité de disposer d’un porte-avions entièrement dronisé, un porte-aéronefs peu éloigné en conception de nos porte-hélicoptères, en somme. Je m’interroge également sur l’escorte d’un tel bâtiment. Où en est l’état de la réflexion sur les nouvelles technologies de dronisation, y compris navale ? La réflexion actuelle sur le porte-avions de nouvelle génération se limite-t-elle à une évolution du standard technologique ou voit-on émerger une nouvelle doctrine navale, peut‑être aussi révolutionnaire que l’avait été le passage du cuirassé au porte-avions ?

M. Jean-Michel Jacques. Après les grands bâtiments et les petits bâtiments, j’aimerais aborder la question de l’équipage et, plus particulièrement, de son recrutement. L’amiral Prazuck avait le plan Mercator ; l’amiral Vandier s’est, quant à lui, saisi de la problématique de l’attractivité. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? Voyez-vous une évolution ? Nos jeunes ont‑ils encore envie de mettre du sel dans leur vie ?

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le rapporteur, dans votre esprit, le porte‑avions de nouvelle génération devrait-il être le successeur du Charles-de-Gaulle, ce qui impliquerait une mise en service dans les années 2038‑2040, ou peut-on imaginer que, pendant un moment, la France ait deux porte-avions en service, comme la Grande-Bretagne ? Par ailleurs, des commandes ou des livraisons à destination de la marine qui seront-elles financées au titre du plan de relance ?

Mme Sabine Thillaye. Les difficultés de recrutement se posent-elles de la même manière pour nos trois armées ? Sinon, pour quelles raisons certaines parviennent-elles à mieux recruter que les autres ? Est‑ce dû à l’intérêt particulier suscité par telle ou telle armée ou est-ce lié à des stratégies de recrutement différentes ?

M. Jean-Marie Fiévet. Il y a quelques mois, la marine a mis en service des chalands multimissions à motorisation hybride diesel‑électrique, qui donnent pleine satisfaction. A-t-elle d’autres projets du même type ?

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Je vous remercie tous, chers collègues, de votre intérêt pour la marine nationale, qui illustre bien ce que j’ai écrit dans mon rapport et dit en introduction, ainsi que ce qu’ont répété l’amiral Vandier et le général Lecointre : le monde sera maritime ou ne sera pas.

Madame Mirallès, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question.

Monsieur Larsonneur, je vais me renseigner sur le plan de charge de Lorient.

Madame Thillaye, Monsieur Jacques, la marine ne fait pas face à trop de difficultés en matière de recrutement, ni en quantité ni en qualité. Les amiraux que j’ai interrogés m’ont rassuré sur la capacité de nos jeunes à affronter un conflit et à embarquer. Ils sont très intéressés et toujours très motivés par le sens de leur mission : plus ils naviguent, plus ils sont heureux. La marine compte 34 000 marins. Elle doit recruter chaque année environ 3 000 personnes. Cette année, le recrutement ne dépassera sans doute pas les 2 500 personnes, le dernier trimestre étant fondamental, du fait de la saisonnalité des diplômes.

Il existe des modes de recrutement assez originaux : je pense notamment à ce que font les bases aéronavales (BAN) qui recrutent localement, entre cent et cent vingt personnes, sur des contrats courts, pour éviter les craintes liées à la mobilité. Les personnes qui entrent ont l’assurance qu’elles travailleront là où elles auront été recrutées. Le service d’information et de relations publiques des armées (SIRPA) devrait peut-être raccourcir les circuits d’engagement : entre le moment où un jeune entre dans un SIRPA à Strasbourg ou à Lyon pour rejoindre la marine nationale et celui où il se retrouvera pour la première fois en mer, le délai est parfois trop long, ce qui peut entraîner des désistements – on l’a vu notamment pour les sous‑marins, après le formidable engouement suscité par Le Chant du Loup. Le chef d’état‑major nous a assuré que 2 500 ou 3 000 recrutements auraient bien lieu cette année.

Monsieur Cubertafon, le porte‑avions de nouvelle génération devra permettre le déploiement du prochain avion de combat, dont la masse sera 50 % supérieure à celle des Rafale, ce qui conditionnera son développement. Le Charles-de-Gaulle fait 260 mètres de long pour environ 40 000 tonnes de déplacement. Le nouveau porte‑avions fera plutôt 300 mètres pour 70 000 tonnes de déplacement environ. Les drones feront partie intégrante de la marine nationale, comme ils font partie intégrante du paysage militaire, sans remplacer pour autant les avions de combat.

Monsieur de la Verpillière, le PANG est bien un successeur, et il n’y aura donc pas de cohabitation avec le Charles-de-Gaulle. On étire beaucoup la vie des matériels, comme on l’a vu avec les SNA, qui avaient une durée de vie de vingt-cinq ans et qui en seront à trente-huit ans d’opérationnalité quand ils cesseront leur activité. Nous en restons au modèle d’un seul porte-avions. Les autres puissances sont en train de s’équiper : la Russie en a un ; les États-Unis, onze ; la Chine a pour objectif d’en avoir au moins trois très prochainement.

Concernant les frégates, sur lesquelles plusieurs m’ont interrogé, la LPM en prévoit quinze, même si la marine nationale en aurait souhaité dix-huit. Compte tenu du nombre d’opérations et de théâtres d’intervention, nous ne pouvons en posséder moins de quinze. En réalité, nous ne serons pas loin des dix‑huit, puisque, selon le schéma actuel, il y a six FREMM et deux frégates de défense aérienne (FDA), que deux FREMM vont être transformées en FREMM DA, que la livraison des cinq FDI a été confirmée entre 2023 et 2030 et que trois FLF seront rénovées en attendant la livraison. Cela fait donc presque dix-huit. Mais nous ne pouvons descendre en dessous si nous voulons assurer une présence réellement dissuasive sur toutes les mers du globe.

Monsieur Thiériot, vous avez raison, il faut aussi penser aux petits chantiers et aux PME‑PMI qui sont derrière. C’est pourquoi, le mois dernier, la ministre des armées s’est rendue sur le site de la SOCARENAM, à Saint‑Malo, pour confirmer la construction des patrouilleurs, dont nous avons un grand besoin, notamment à Cherbourg. Vous avez cité Piriou, une entreprise à laquelle je suis très attaché, parce que c’est une entreprise du Finistère.

Madame Mauborgne, j’ai expliqué dans mon rapport les options qui sont sur la table concernant le SNA la Perle. La ministre devrait annoncer incessamment celle qui sera retenue. Dans tous les cas, le sous-marin sera remorqué jusqu’à Cherbourg. Dans la mesure où il était en indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) jusqu’à la fin 2021, il n’y a pas d’urgence ; l’opérationnalité des SNA n’est en rien remise en cause. On s’est beaucoup posé de questions sur le maintien en conditions opérationnelles (MCO) et l’entretien des SNA, à la suite de l’incendie de la Perle. Ne faudrait-il pas, par exemple, que les équipages soient présents lors des grands travaux d’IPER, comme cela se fait sur les bâtiments de surface ?

Monsieur Marilossian, j’aurais dû commencer par vous remercier de m’avoir passé le relais ! La marine nationale devra prendre sa part à l’actualisation de la LPM. Si, pour le général Lecointre, le fait militaire sera de plus en plus maritime, cela ne nécessite pas pour autant de revoir les grands équilibres de la LPM. Ce qu’il faut, c’est assurer l’exécution à la lettre de la LPM pour remplir les trous capacitaires qui étaient devenus vraiment trop importants pour notre marine.

Monsieur Fiévet, je n’ai pas de réponse à votre question. La marine est complètement impliquée dans le programme énergétique voulu par la ministre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre travail et la précision de vos réponses.

*

*     *

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, après avoir examiné ce matin les huit avis budgétaires, nous en venons cet après-midi aux orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et aux votes sur les missions « Défense » et « Anciens combattants ».

M. Jean-Michel Jacques. Rien n’a fondamentalement changé depuis la revue stratégique faite en amont de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, mais la crise sanitaire a agi comme un accélérateur et un révélateur de tensions géopolitiques préexistantes.

Depuis plusieurs années, le contexte géostratégique s’est dégradé et il est hélas amené à se durcir encore.

Pour assurer sa mission essentielle, c’est-à-dire protéger les Français, notre pays doit être en capacité de projeter sous très faible préavis des forces dûment entraînées et équipées sur tous les champs de conflictualité, au plus loin comme au plus près.

Au plus près aussi car, depuis plusieurs années et pour des raisons différentes, nos forces armées ont été mobilisées sur le territoire national. À ce titre, notre armée a prouvé à différentes reprises qu’elle demeure un acteur essentiel de la résilience de notre pays.

Cependant, tous ces enjeux sécuritaires ne sont pas nouveaux, puisqu’en adoptant la LPM, nous nous sommes dotés des moyens nécessaires pour y faire face. Pour cela, nous avons collectivement reconnu qu’il était indispensable de remédier à un certain nombre de fragilités auxquelles était soumis notre modèle d’armée depuis des années et d’assurer sa remontée en puissance afin qu’il soit le plus complet et le plus équilibré possible.

Nous le savons tous, une LPM, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourrait remplir pleinement sa mission si elle ne se traduisait pas en bonne et due forme en loi de finances. Aussi pouvons-nous nous réjouir, pour la troisième année consécutive, que le projet de budget pour 2021 poursuive les objectifs ambitieux que nous avons adoptés dans le cadre de la LPM.

Conformément à nos engagements, le projet de budget dédié à nos armées pour 2021 est un budget ambitieux, puisqu’il consacre 39,2 milliards d’euros à la mission « Défense », soit une augmentation de 1,7 milliard.

En plus d’être d’un budget ambitieux, c’est un budget sincère puisque, contrairement à ce qui était devenu une coutume jusqu’en 2017, il prévoit de nouveau d’augmenter l’enveloppe de la provision servant à financer les missions intérieures et les opérations extérieures (OPEX), portées respectivement à 100 millions et 1,1 milliard.

Non content d’être ambitieux et sincère, ce budget demeure plus que jamais à hauteur d’homme, puisqu’il veille à améliorer le quotidien du soldat et de sa famille. En 2021, des efforts seront notamment consentis en matière non seulement d’habillement et d’équipement, d’hébergement en enceinte militaire, mais également de rémunération, puisque 2021 sera l’année du premier bloc de la nouvelle politique de rémunération des militaires centrée sur l’harmonisation de la mobilité géographique.

Enfin, pour réussir leurs missions, les forces armées doivent être équipées. À ce titre, la troisième année de l’exécution de la loi de programmation militaire sera une année de concrétisation, marquée par la fourniture de nombreux équipements : 157 Griffon, 1 000 véhicules tactiques polyvalents, six hélicoptères Caïman, une frégate multimissions et bien d’autres équipements.

L’ambition de doter nos armées des meilleurs équipements, couplée à la volonté du ministère de soutenir et de préserver les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, se poursuivra en 2021 par différentes prises de commandes pour un montant total de près de 44,7 milliards d’euros d’engagements, auxquels il faut ajouter les commandes anticipées annoncées dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

Ambitieux, sincère, à hauteur d’homme, assurant la souveraineté de notre pays et la pérennité de notre tissu économique, le projet de budget pour 2021 est également tourné vers les anciens combattants et à même de financer des politiques en faveur de la mémoire et du renforcement du lien armée-nation.

Comme l’an passé, il convient de rappeler, d’une part, que la légère baisse structurelle est essentiellement liée à la diminution du nombre de bénéficiaires ayants droit, d’autre part, que l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation sont maintenus, voire améliorés, comme en atteste la reconnaissance des conjoints survivants des grands invalides de guerre prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

En conclusion, avec grande satisfaction, nous pouvons dire que, pour la troisième année consécutive, le budget dédié à la défense est au rendez-vous des engagements de la loi de programmation militaire. Ensemble, mes chers collègues, nous continuerons à être exigeants dans son suivi et sa bonne exécution. C’est donc en confiance que le groupe La République en Marche émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions.

Mme Marianne Dubois. Plusieurs sujets préoccupent les députés du groupe Les Républicains, auxquelles ils ne trouvent pas de réponse claire dans la présentation budgétaire pour 2021.

L’hypothèse de la survenue à plus ou moins court terme d’un conflit de haute intensité est largement évoquée. Lors de sa prise de fonctions en juillet 2019, le général Thierry Burkhard indiquait : « Le rapport de force redevient le mode de règlement des différends entre nationaux. Nous devons résolument nous y préparer en gardant à l’esprit que le combat de haute intensité devient une option très probable. La situation en Méditerranée occidentale paraît, à ce stade, la plus préoccupante. La concentration dans une zone réduite de nombreuses nations ou intérêts divergents présente un risque majeur ».

Le respect de la trajectoire budgétaire dont nous prenons acte avec satisfaction n’est pas une fin en soi, d’autant que 2021 doit être l’année de la clause de revoyure de la LPM. « Les hausses de crédit prévues par la loi de programmation militaire 2019-2025 sont nécessaires mais encore insuffisantes, car elles n’autorisent pas la montée en puissance qui nous permettrait de faire face à un conflit classique de grande intensité ni même à certaines situations dégradées », a estimé le général Lecointre. Aussi l’effort devra être poursuivi après 2025, a-t-il prévenu. Même avec la LPM 2019-2025, l’armée française demeurera en volume une armée de gestion de crise, pas une armée de temps de guerre, non plus sans doute une armée capable de faire face aux crises complexes, simultanées, de types différents qui se multiplient.

La question du format opérationnel face aux nouvelles menaces et des moyens nécessaires pour y répondre se pose donc de manière prégnante et ne doit pas être mise sous le tapis.

Nous estimons que le rendez-vous avec le plan de relance est manqué. Le rapport Thiériot et Griveaux a fait plusieurs propositions afin de permettre au secteur de participer au plan : aucune n’a été retenue.

Les députés du groupe Les Républicains se félicitent de l’effort de sincérisation du financement des OPEX. Ils rappellent que le financement de leur surcoût a été un véritable serpent de mer pendant des années au sein du budget de la défense. Si la provision pour 2021 doit permettre de couvrir une grande partie du financement des OPEX à venir, la situation du budget 2020, toujours en cours, qui avait prévu un financement de 1,1 milliard d’euros, doit d’ores et déjà nous interroger. Au 15 octobre, le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, a indiqué que, pour la seule opération Barkhane, les surcoûts sont de 911 millions d’euros – en raison d’une augmentation de 600 hommes liée à la montée en puissance de la task force Takuba –, soit une hausse de 10 %, dont plus de 30 millions consacrés, entre autres, à l’entretien des matériels. Il ne reste donc que 289 millions pour financer les autres OPEX et opérations intérieures (OPINT) ainsi que les deux derniers mois de Barkhane. Étant donné le niveau d’engagement des forces françaises, on peut sérieusement douter que la provision pour 2020 suffise.

Le principe de solidarité interministérielle ayant été battu en brèche, fin 2018, une inquiétude forte demeure. Nous demandons le respect de ce principe et réitérons la demande que le ministère de la défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX : il ne doit pas payer deux fois.

Par ailleurs, lors de son audition, la ministre des armées a indiqué qu’1 milliard de crédits était encore gelé au titre de la réserve de précaution. En 2019, 3,9 milliards de report de charges ont été constatés. La ministre ne dispose pas encore de chiffres pour 2020, sachant que la direction générale de l’armement (DGA) a indiqué, lors de son audition le 15 octobre, que le report de charges pour le programme 146 s’élevait à 2,4 milliards.

Considérer que la LPM votée en 2018, soit deux ans avant la crise sanitaire majeure que nous connaissons, est la contribution déterminante du ministère des armées à la relance n’est pas à la hauteur des enjeux pour un secteur qui compte 4 000 entreprises et plus de 200 000 emplois non délocalisables et qui contribue chaque année de manière positive à notre balance commerciale.

Concernant le budget alloué aux anciens combattants, le groupe Les Républicains dénonce, une fois de plus, le discours de la ministre qui consiste, année après année, à se réjouir du maintien des droits existants. À la fin du quinquennat de 2022, le budget consacré aux anciens combattants passera sous la barre symbolique des 2 milliards.

Le groupe Les Républicains poursuivra dans sa logique et demandera la reprise de l’augmentation de la retraite du combattant. Un amendement tendant à une majoration de deux points d’indice au 1er juillet 2021 sera proposé.

L’annonce de la création d’une mission État-Parlement-associations sur l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI) suscite des interrogations. Une réflexion est en effet nécessaire et le groupe LR souhaite y être associé.

Les députés du groupe Les Républicains continueront à soutenir sans faille le monde combattant et ses justes revendications tout en regrettant la vision purement comptable de l’actuelle majorité. Nous rappelons que le budget est en constante baisse depuis 2017. Nous supposons que la retraite du combattant sera revalorisée de quatre points en 2021, comme cela avait été fait en 2017, année électorale.

Dans ce contexte, les trajectoires budgétaires, certes conformes à la LPM, nous paraissent insuffisantes. En attendant les réponses de Mme la ministre dans l’hémicycle, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le groupe MODEM et démocrates apparentés soutient un budget cette année encore conforme à la programmation budgétaire. Le cap tracé par le Gouvernement, que nous avons collectivement amendé et validé à la majorité pendant l’examen de la LPM, est clair et survit à la conjoncture.

Le projet de budget pour 2021 conforte l’ambition de régénération de nos forces après des années de coupes. Cette stratégie budgétaire reste la même et nous pouvons nous féliciter que sa consécration ne varie pas en fonction de l’actualité, alors que nous savons toutes les pressions qui peuvent être exercées sur le budget des armées et des anciens combattants. Rappelons toutefois que chaque euro investi, des investissements à effet majeur aux petits équipements en passant par l’amélioration des conditions de vie et d’hébergement, a une incidence dans nos territoires.

Cela a déjà été rappelé, mais réjouissons-nous encore, mes chers collègues, d’une croissance supplémentaire du budget de la défense de 1,7 milliard d’euros. Nous pouvons évidemment nous attarder sur tel ou tel point des arbitrages entre programmes, mais restons conscients des équilibres négociés et des efforts consentis depuis le début du quinquennat, c’est-à-dire un renfort de 6,8 milliards.

Quant aux Anciens combattants, notre collègue Michel-Kleisbauer l’a rappelé, la réduction structurelle ne s’oppose pas à des réponses à des demandes récurrentes d’associations d’anciens combattants et à la transmission de la mémoire vivante aux jeunes générations.

Nous serons particulièrement attentifs à la seconde phase du projet budgétaire de la LPM qui devrait s’ouvrir sur la revoyure en 2021. Dans l’exécution du budget et la préparation de la revoyure, je rappellerai combien nous sommes attachés au respect du rôle du Parlement, en particulier pour la veille et la prospective. Il en est ainsi des sujets que nous défendons depuis la LPM et qui trouvent leur application croissante dans le budget à venir. Citons le budget de 624 millions pour l’espace, en cohérence avec nos amendements au rapport annexé sur l’arsenalisation et la densité spatiale ou, plus récemment, l’achat de nouveaux hélicoptères Caracal, en cohérence avec notre mission flash sur le parc d’hélicoptères, ou encore, les 237 millions investis dans le logement à l’issue du rapport d’évaluation de Fabien Lainé et Laurent Furst, qui ont tous deux quitté la commission et que je salue.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés sera particulièrement vigilant à l’articulation entre nos travaux passés et leur concrétisation budgétaire.

En évoquant la prospective, au-delà du budget qui lui est alloué cette année au sein de nos administrations, je sais que notre commission prendra toute sa place dans l’accompagnement et le contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaitais notamment mettre en valeur le travail de nos collègues sur la seconde partie du rapport. Comment ne pas penser que les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération ne participeront pas au débat public ? Comment ne pas penser que les travaux sur nos combattants issus des colonies ne pourront pas contribuer à des actions mémorielles à engager demain ?

De même, les travaux toujours plus conjoints entre notre commission et celle des affaires européennes sont des vecteurs forts de notre participation à la construction d’une Europe de la défense qui passe également par notre participation budgétaire.

Enfin, l’accroissement des budgets dans certains domaines comme le renseignement ne peut qu’inciter au renforcement de la fonction de contrôle du Parlement. Notre groupe prendra toute sa part dans la préparation de demain, en particulier dans le cadre croissant des énergies, des réserves et de la synergie interministérielle.

Pour toutes ces raisons, qui conduisent le Parlement à s’intéresser de près à la conduite de la politique de la défense nationale et à celle de la reconnaissance due aux anciens combattants, notre groupe donnera un avis favorable au projet de budget et s’associera à vous, mes chers collègues, pour le faire vivre dans le dialogue et le respect du débat parlementaire au service des armées de la France.

Mme Isabelle Santiago. La discussion budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans un contexte marqué par le covid-19 et par l’accroissement des menaces et des tensions au niveau international. Face à la montée de conflits au voisinage de l’Union européenne et à l’affirmation d’acteurs étatiques révisionnistes de plus en plus enclins à remettre en cause le statut hérité de l’ordre international libéral d’après 1945, les dépenses en matière de défense n’ont peut-être jamais autant trouvé leur importance pour assurer la sécurité des Français.

L’année 2021 est également importante et significative pour le budget de défense, car c’est celle de l’actualisation à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2019-2025. Comme le souligne à juste titre le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, jusqu’en 2021, la LPM permettait de réparer les armées après des années de sous-dotation. Après 2021, s’ouvrira le temps du renouvellement et de l’augmentation.

C’est donc une année charnière aux nombreux enjeux pour la conception et l’élaboration de nouveaux programmes d’armement, dont beaucoup sont conçus en coopération avec d’autres États européens. Il s’agit notamment du système de combat aérien du futur (SCAF), du système de patrouille maritime futur, du système de lutte antimines du futur. Cependant, hormis le programme SCAF, ces programmes sont financièrement sous-dotés.

On peut légitimement s’interroger sur la dynamique d’avancement différenciée de ces programmes d’armement et l’efficacité de l’actualisation de la loi de programmation militaire en vue des trois prochaines années. Certes, le rythme d’augmentation des crédits de la mission « Défense » par rapport aux objectifs de la loi est tenu ou presque. Au lieu du 1,7 milliard d’euros annoncé, le document budgétaire ne retrace que 1,61 milliard, soit une différence significative de 100 millions. Mais l’augmentation des crédits ne doit pas seulement être la seule boussole à laquelle évaluer la pertinence de ce projet de budget et ses conséquences pour les armées, elle doit également permettre de relever des défis plus structurels et récurrents auxquels font face les armées.

De ce point de vue, il convient de souligner que les armées restent soumises à de fortes tensions et fonctionnent parfois à la limite de leur capacité. Ainsi le renouvellement et l’amélioration de la préparation opérationnelle restent de forts enjeux.

Face aux engagements toujours plus intenses en opérations extérieures, au retard de certains programmes d’armement ou à la difficulté de fidéliser les personnels, les armées ne sont plus en mesure d’assurer l’entraînement et la préparation opérationnelle indispensables au maintien des compétences. La crise du covid n’a guère contribué au maintien d’un rythme de recrutement soutenu en 2020.

Je terminerai par le soin que l’on doit accorder aux personnels des armées, la fidélisation des personnels et l’amélioration de la condition des militaires, notamment par le plan « famille ». Il n’est pas encore pleinement satisfaisant. Le nombre des attributions et des dénonciations de contrats, tant par les officiers que par les sous-officiers, reste élevé.

En conclusion, même si, budgétairement, les engagements sont tenus, le budget « Défense » du PLF 2021 comporte encore un grand nombre d’hypothèques qui rendent l’actualisation de la loi de programmation militaire, le renouvellement et l’augmentation des armées encore incertains. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre quatrième budget de ce mandat et le troisième dans le cadre de la LPM 2019-2025. Après avoir entendu les exposés complets de nos collègues rapporteurs, que je félicite de nouveau pour leur travail, j’ai été chargé de vous faire part de l’avis du groupe Agir ensemble.

Ce projet de budget représente une performance, puisqu’il a résisté à l’habituelle remise en question, toujours à la baisse, des LPM en cours de mandat, performance d’autant plus notable au regard de la conjoncture : crises des gilets jaunes, des retraites puis sanitaire.

Ce projet de budget respecte les engagements fixés dans la LPM. Il augmente de 1,7 milliard d’euros, soit 4,5 %. Il évite le piège de la marche en termes de pourcentage du PIB pour rester dans la trajectoire financière prévue par l’Ambition 2030 et permettra à nos armées de disposer d’un budget annuel d’environ 50 milliards. Les domaines critiques de l’espace, de la cyberdéfense et de la dissuasion sont bien pris en compte pour garantie notre autonomie stratégique nationale. Les capacités conventionnelles verront les livraisons d’une frégate multi-missions (FREMM), de trois MRTT Phénix, de 157 blindés Griffon et de nombreux autres équipements. Le quotidien du soldat, trop longtemps sacrifié au profit des grands programmes d’armement, est amplement valorisé grâce à 237 millions d’investissement dans les programmes d’hébergement, la poursuite du plan « famille » ou la livraison de petits équipements. Ce budget soutient l’activité industrielle de nos PME, TPE et start-up sur le territoire national et contribue activement à la relance économique.

Au-delà du prisme budgétaire, ce projet de budget est l’occasion d’une réflexion sur notre vision stratégique pour les années qui viennent. Les évolutions prévues par la revue stratégique se sont accélérées : risque terroriste, affrontement sino-américain, revanche des empires russe et ottoman. Une rupture stratégique s’est même opérée avec la crise covid dont les répercussions sur le long terme sont encore inconnues.

De nombreuses questions se posent. Dans ce monde instable, j’évoquerai la conciliation du dilemme entre masse et haute technologie, en gardant le modèle d’armée complet pour éviter toute impasse et des capacités prépositionnées ou déployées en OPEX. Malgré une LPM très ambitieuse, le sujet de la masse reste malheureusement d’actualité puisque, depuis la fin de la guerre froide, les armées ont souvent été dimensionnées, voire organisées, pour faire face à une moyenne d’engagement et non à des pics. Compte tenu du risque d’engagement majeur, il nous faut désormais mieux travailler notre capacité à faire face à des pics d’engagement, en termes matériels ou humains, c’est-à-dire, maintenir une logique de flux tout en prévoyant une logique de stock.

Les travaux préparatoires de la revoyure de la revue stratégique sont en cours du côté du ministère. L’enjeu des prochains mois me semble être désormais, individuellement et collectivement, au Parlement, de préparer ces travaux de revoyure qui interviendront au printemps prochain et auxquels notre groupe souhaite être associé. Là encore, nous rappelons notre attachement à ce que le Parlement soit associé à ces travaux.

Dans cette attente, le groupe Agir ensemble approuve sans réserve et avec conviction les crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

M. Grégory Labille. C’est pour moi un moment particulier et important puisque, député nouvellement arrivé sur les bancs de cette commission, c’est la première fois que je suis amené à émettre un avis et à voter les crédits des missions budgétaires. Enseignant de profession, avant d’intégrer la commission de la défense et de participer à la séance de ce matin, j’étais plutôt sensible aux sujets touchant l’éducation. Je remercie Mme la présidente pour la qualité de l’animation de la commission, les nombreux rapporteurs pour la qualité de leur travail et celles et ceux qui, ce matin, ont questionné les rapporteurs. Vous avez tous fait preuve de pédagogie et les sujets abordés ont aiguisé ma curiosité de jeune élu.

Avant de vous indiquer la position du groupe UDI et indépendants, je me dois de vous exposer nos remarques, nos constats, nos interrogations et nos points de vigilance.

Force est de constater que pour la mission « Défense », dotée d’un budget de 39,2 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2020, la tâche aurait pu être beaucoup plus difficile. Alors que notre pays connaît une violente crise sanitaire et économique, une réflexion court-termiste aurait pu conduire le Gouvernement, comme d’autres l’ont fait si souvent par le passé, à tailler dans le budget des armées. Cela n’a pas été le cas, et nous nous en réjouissons. À l’inverse, le choix a été fait de respecter la LPM votée en 2018 en augmentant le budget de la mission de 1,7 milliard.

Nous regrettons toutefois que la défense soit la grande oubliée du plan de relance, car l’industrie de défense constitue un des investissements les plus performants en matière d’emploi et de retour budgétaire pour l’État.

Face à un monde chaque jour plus instable et dangereux, où les conflits gagnent en complexité et où les crises se multiplient, face au retour du fait guerrier et à la politique du fait accompli, face à l’apparition de nouveaux champs de conflictualité, il est urgent de reconstruire une armée de guerre capable de répondre à l’ensemble des menaces.

S’il est indispensable d’intensifier les efforts, il faut néanmoins se rappeler l’état dans lequel se trouvaient nos armées il y a quelques années et le chemin parcouru.

Il s’agit d’un projet sérieux et satisfaisant dont notre groupe souhaite souligner quelques aspects.

Nous nous réjouissons que les armées deviennent le premier recruteur public de France par l’embauche de près de 27 000 personnes. Des domaines aussi essentiels que le renseignement, la cyberdéfense, la protection des emprises militaires et le soutien aux exportations doivent être renforcés. La création de 300 postes y contribuera.

De surcroît, ce budget concourra à l’amélioration des conditions de travail, de vie et d’équipement de nos soldats. Nous savons tous ici combien ces améliorations sont attendues.

Sur le plan capacitaire, la livraison de nombreux équipements, tels qu’une frégate multi-missions (FREMM) de défense aérienne, trois avions ravitailleurs MRTT Phénix, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar ou 6 hélicoptères NH90 Caïman, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021, sont des signes visibles et concrets de cette remontée en puissance.

Alors que nos armées se doivent de garder un coup d’avance pour faire la différence sur les théâtres d’opération, le Gouvernement, en consacrant 901 millions pour soutenir l’innovation et concevoir les technologies de demain, prouve qu’il a conscience qu’innover demeure plus que jamais une question de survie.

Si nous sommes satisfaits du projet de budget pour 2021, notre groupe demeurera vigilant sur quatre points pouvant avoir de sérieuses répercussions : la conséquence de la vente de Rafale à la Grèce, l’incendie du sous-marin nucléaire Perle, les décisions prises quant au futur porte-avions de nouvelle génération et les surcoûts liés aux OPEX et aux missions intérieures (MISSINT).

Même si le budget de la mission « Anciens combattants » est en baisse, notre groupe considère qu’il demeure satisfaisant dans un contexte économique particulièrement difficile et compte tenu de l’éclaircissement malheureux des rangs au sein des combattants.

Les droits en faveur des anciens combattants et de leurs ayants droit sont maintenus et même, dans certains cas, étendus.

Nous nous réjouissons des 17,5 millions supplémentaires destinés à la politique de mémoire et des 2,5 millions consacrés à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour l’entretien courant des lieux de mémoire. Il était important que cette fonction essentielle soit remise à niveau. Il nous paraît maintenant nécessaire de réfléchir à une structuration de la mémoire avec le monde enseignant. C’est l’enseignant d’un territoire durement touché lors des premières guerres mondiales qui le dit.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants votera ces missions budgétaires.

M. Bastien Lachaud. La publication de l’annexe budgétaire suscite de nombreuses questions et même un malaise, dans la mesure où de grandes décisions structurantes ont été prises avant ou seront prises après l’adoption de ce projet de budget et auront échappé à la représentation nationale.

Commençons par évoquer le cadre global dans lequel ce budget nous est proposé. Dans le contexte de crise sanitaire et économique engendré par l’épidémie de covid-19, chacun reconnaît que la relance s’impose. Vous revendiquez d’y participer mais en réalité, il n’en est rien. Suivre la trajectoire budgétaire même haussière d’une LPM définie il y a trois ans ne peut être considéré comme de la relance. Les PME de la base industrielle et technologique de défense (BITD), les sous-traitants des grands groupes ont besoin d’une action volontariste qui ne se limite pas à lancer des commandes qui figuraient déjà dans de nombreux plans de charge. J’ai déjà donné ici même l’exemple de Tarbes Industry, dont l’avenir est en jeu. Je renouvelle mon alerte au sujet de ce prestataire de Nexter, mais de nombreux autres sont en danger. Une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aurait été souhaitable.

Le contexte militaire en tant que tel est marqué par les prises de position des différents chefs d’état-major en faveur d’une révision de l’état des menaces et des moyens d’y faire face. En 2021, une clause de revoyure de la LPM est prévue. Dans ces conditions, on aurait pu penser que le lancement des grandes commandes s’accompagnerait d’une sorte d’aggiornamento doctrinal, voire y serait subordonné. Cela n’est pas le cas.

Entrons dans le détail des mesures pour lesquelles nous ne possédons guère d’éléments suffisants pour voter.

Concernant les ressources humaines, la nouvelle politique de rémunération des militaires doit être mise en œuvre en 2021, mais nous ne savons que deux choses : elle s’appuiera sur le déploiement de sources soldes et elle commence par la création d’une prime dont le coût est estimé à 38 millions. Elle est pourtant présentée comme une profonde transformation du système. Par conséquent, on est prié de voter la mise en chantier d’une politique fondamentale dont nous ne possédons pas le dernier mot.

Venons-en au porte-avions de nouvelle génération pour lequel 7 millions de crédits de paiement et 330 millions d’autorisations d’engagement doivent être débloqués. Quand les données du problème ont-elles été exposées méthodiquement au public ou même à la représentation nationale ? Quand a-t-on pris le temps de construire ou d’essayer de construire un consensus éclairé à ce propos ? Jamais !

De même, concernant l’avenir de la flotte sous-marine, la décision de réfection du SNA Perle est certes tributaire d’analyses complexes, mais aucune des grandes pistes qui pourraient être suivies n’est mentionnée dans le document budgétaire. On compte deux mentions du SNA seulement et aucune ne précise combien il faudrait provisionner pour sa réfection. Le budget sera-t-il obsolète immédiatement après son adoption ?

La vente de 18 Rafale et le rachat de 12 appareils neufs ne figurent pas non plus dans notre annexe budgétaire. L’échéancier des commandes et livraisons ne présente pas cette opération, quasiment assurée. L’effet sur les capacités de l’armée de l’air demeure incertain et le bilan financier de l’opération tout autant. Il n’est pas certain que les produits de la vente reviennent de Bercy à Brienne. Les appareils d’occasion seraient vendus 400 millions, soit un rabais d’environ 60 %. L’achat de douze autres avions, pour environ 1 milliard, représenterait donc un trou d’environ 600 millions. La dépense n’est pas anticipée.

Venons-en à l’un des chiffres les plus originaux de cette année : 1 milliard en autorisations d’engagement supplémentaires au bénéfice de projets immobiliers du renseignement. On comprend sans peine que les projets des services du renseignement bénéficient d’une certaine discrétion. Nous soutenons également le principe de la hausse de ce budget, mais nous avons tout de même du mal à admettre que des opérations immobilières s’élevant à 1 milliard soient soumises à l’approbation des élus sans que quelques éléments techniques et juridiques soient présentés. Pour donner un ordre de grandeur, ce milliard représente à lui seul le tiers du coût initialement prévu pour Balard. De quoi nous laisser perplexes !

Enfin, parlons de la jeunesse et du service national universel (SNU). Le programme 212 transfère 461 000 euros au programme 163, mais cela ne signifie pas que les armées seront déchargées. La description de la sous-action « commandement et activités centralisées des forces aériennes » précise que son budget comprend la montée en puissance du SNU. Pour quel montant ? On l’ignore. Qu’en est-il des autres armées ? On l’ignore également.

Finissons par les OPEX. La LPM prévoyait une dépense de 1,1 milliard. Le projet est de 820 millions dans cette loi de finances initiale. Les 300 millions devront-ils être rattrapés pour boucler l’exercice ? En tout cas, cette provision contrevient au principe de financement interministériel des OPEX et acte le maintien d’un haut niveau d’engagement pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan stratégique. C’est pour le moins ennuyeux.

Pour conclure, je suis tenté de dire que la communication hypnotique sur le thème de la remontée en puissance laisse transparaître, dans ce projet de budget, de nombreux impensés et en suspens de nombreuses questions.

M. André Chassaigne. Je laisserai le soin à Manuéla Kéclard-Mondésir de livrer en séance publique notre analyse sur les différents crédits et de préciser le vote des deux composantes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : les députés communistes et les députés d’outre-mer. Pour ma part, j’évoquerai l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la dissuasion nucléaire et les ventes d’armes.

Interrogé ce matin sur le coût de notre participation à l’OTAN pour notre budget, le rapporteur a indiqué qu’il me répondrait sur la mise à disposition d’environ 400 personnes et la permanence aérienne assurée par la France au-dessus des pays baltes. Pour ma part, je considère qu’il faut dégager le continent européen de l’OTAN en prônant sa dissolution. Elle pourrait commencer par le retrait de la France de cette alliance dépassée par l’histoire et que le Président de la République a définie comme étant « en état de mort cérébrale ». Chacun sait ce que cela représente pour les intérêts industriels et commerciaux des États-Unis. Nous constatons une forme de schizophrénie. Rappelons l’opération de l’OTAN au large des côtes de la Libye quand la frégate légère furtive française Courbet a été visée par une manœuvre hostile de deux frégates turques lance-missiles protégeant un navire turc pratiquant la contrebande d’armes en direction d’un pays sous embargo de l’ONU. C’est dire à quel point l’OTAN est effectivement en état de mort cérébrale.

Faut-il conserver une dissuasion nucléaire ? La question, aussi importante sur le plan éthique que sur celui de l’efficacité, doit faire l’objet d’un débat public. J’ai signé une proposition de loi visant à organiser un référendum en application de l’article 11 de la Constitution, alinéa 3, sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, avec la question suivante : « Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».

Sur le plan éthique, nous demandons que le Gouvernement, fort de l’autorité qui est celle de la France dans le monde, prenne l’initiative d’un processus de désarmement nucléaire complet, multilatéral, contrôlé, vérifiable et intégrant de façon contraignante tous les pays à capacité nucléaire. Certes, la lutte pour la paix ne peut se réduire à un simple désarmement unilatéral, ce qui conduirait au même échec que la bulle papale interdisant l’arbalète au Moyen Âge, mais notre budget comporte 4,12 milliards d’investissements, soit 25 milliards sur cinq ans, dont une partie pourrait être réorientée vers d’autres actions, comme je le proposerai par voie d’amendement.

Quant aux ventes d’armes, les entreprises du secteur de la défense n’exercent pas la diligence requise en matière de droits humains définie par les principes directeurs de l’ONU relatifs aux droits humains. Les États, dont la France, ont été incapables d’exercer une diligence raisonnable dans leurs activités internationales, tant pour leurs chaînes d’approvisionnement que pour l’utilisation de leurs produits et services. Pour ne citer que les deux plus importantes, Dassault Aviation et Thales sont des entreprises françaises qui fournissent des équipements et des services militaires à la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, parties prenantes au conflit en cours au Yémen. Depuis le 27 mars 2017, une loi impose un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordres. Les États, dont la France, on le devoir de jouer un rôle protecteur face à des abus commis par des acteurs non étatiques.

*

*     *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

Mme la présidente Françoise Dumas Nous en venons à l’examen des amendements et au vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Article 33 : État B – Mission « Défense »

La commission est saisie de l’amendement II-DN4 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis intervenu ce matin sur la nécessaire augmentation des moyens du service de santé des armées (SSA). En cohérence, je propose d’y affecter une partie des moyens consacrés à la dissuasion nucléaire. M’appuyant sur les déclarations du général Lecointre et du médecin général des armées, Marilyne Gygax Généro, je propose de réfléchir à la création d’une structure médicale modulable plus importante, afin d’éviter de devoir monter rapidement un hôpital militaire, comme nous l’avons fait, sans avoir sous la main tous les matériels nécessaires.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Je partage votre intérêt pour le service de santé des armées. Lors de l’opération Résilience, nous avons vu que la mission de nos soignants avait une application civile, et nous avons tous à l’esprit le transfert des malades. Il faut soutenir ce service et nous le faisons. Permettez-moi de vous rappeler que jusqu’à cette LPM, le SSA avait perdu 10 % de ses effectifs au cours des quatre précédentes années. Ils ont, depuis, été stabilisés, voire légèrement augmentés. S’agissant des recettes budgétaires, nous allons faire un effort remarquable, que l’on estimera peut-être insuffisant, de 27 %. Je comprends votre impatience, mais on ne peut pas constituer et former une équipe médicale dans un délai aussi réduit. De surcroît, vous gagez votre amendement en retirant des crédits à la dissuasion, ce qui me semble particulier. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Ce matin, nous avons évoqué longuement les crédits du SSA. Ceux-ci passent de 30,9 millions d’euros en CP et 47,2 millions en AE en 2020 à 48,3 millions en CP et 147,8 millions en AE. Personne ne conteste cette augmentation, bien, au contraire. J’aurais voulu faire plaisir à notre collègue le président Chassaigne…

M. André Chassaigne. Je n’en suis pas vexé, je ne m’attendais pas à un miracle !

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. …mais, pour nous, la dissuasion est un élément important, un instrument de notre souveraineté et de notre indépendance. Malgré la pertinence et la qualité de votre intervention, nous considérons que les crédits consacrés à la dissuasion doivent être sanctuarisés.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Le débat est intéressant, parce qu’il pose la question de notre force de dissuasion. Nous l’avons vu dans le débat sur l’armement de petit calibre, la France a choisi de garder sa filière de souveraineté. Autant l’objet pour lequel vous souhaitez une augmentation est louable, autant puiser dans la défense nucléaire est un mauvais choix, parce que la France envisage la dissuasion en premier ou en ultime recours, la diplomatie opérant entre les deux. Si la France veut rester un bras armé dissuasif de la paix dans le monde, elle doit garder sa capacité de dissuasion. C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM soutient entièrement la préservation des ressources dévolues à la politique de dissuasion de la France.

M. Bastien Lachaud. Le débat apparaît d’emblée truqué, dans la mesure où la Constitution de la Ve République prive le Parlement d’une de ses attributions essentielles qui est de déterminer le budget de la nation. Le Parlement ne peut augmenter les dépenses, seul le gouvernement le peut. Nous avons affaire à un Parlement croupion, contraint de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le vrai débat sur l’amendement du président Chassaigne porte donc sur l’opportunité de l’augmentation du budget du SSA, pas sur le gage. Son exposé des motifs fixe pour objectif la réouverture de l’hôpital du Val-de-Grâce dont la crise sanitaire a montré que la fermeture avait été une erreur. Ce n’est que parce que nous sommes bridés par l’article 40 de la Constitution que nous ne devons pas approuver cet amendement. Il reviendra au Gouvernement de lever le gage pour garantir le maintien de la dissuasion nucléaire. Je voterai pour l’augmentation du budget du SSA.

M. André Chassaigne. Dans un cadre formaté, il faut, pour faire évoluer le budget, prendre l’argent quelque part. Il est plus facile de puiser dans les plus de 4 milliards d’euros consacrés à la dissuasion nucléaire que sur une autre ligne.

Mme la présidente Françoise Dumas. Certes, mais il s’agit tout de même de la clé de voûte de notre système de défense !

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement II-DN3 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. En forme de clin d’œil à mon collègue Jean-Pierre Cubertafon, il s’agit d’un amendement d’appel faisant suite au rapport que nous avons rédigé sur le petit équipement de l’armée. Là encore, il faudrait dégager davantage de fonds. Là encore, il a fallu aller piocher là où il y avait un peu plus de moyens, en lien avec notre proposition de revenir sur la politique nucléaire de la France.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Les petits équipements sont nécessaires à nos armées. Nous étions tous d’accord avec le rapport proposé en ce sens par nos deux collègues. La LPM prévoit un budget en augmentation pour les acquisitions de petit équipement. On peut toujours penser que cela ne va pas assez vite, mais il augmente. Toutefois, je le répète, nous ne pouvons toucher au budget de la dissuasion, même si vous le trouvez important. Nous nous sommes rendus, avec la présidente Françoise Dumas, au PC de la dissuasion nucléaire. On ne peut pas tout dire dans cette salle mais j’invite certains de nos collègues à aller échanger directement avec ceux qui, au quotidien, font vivre notre dissuasion nucléaire, afin de comprendre les nécessités budgétaires de notre indépendance. Quelqu’un a demandé si des économies d’échelle entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire étaient envisageables. Ce n’est pas le cas mais il existe une complémentarité, l’un n’allant pas sans l’autre. La dissuasion est une clé de voûte, le petit matériel aussi : nous ne saurions financer son achat en réduisant le budget de la dissuasion. J’émets donc un avis défavorable.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Bien que je me sois exprimé défavorablement au sujet de la proposition de prélèvement sur le budget de la défense nucléaire, cette proposition figurant dans le rapport que vous avez présenté avec Jean-Pierre Cubertafon, le groupe MODEM s’abstiendra.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN18 de M. Larsonneur n’est pas défendu.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN10 de M. David Habib.

 

La commission examine l’amendement II-DN11 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Claude de Ganay. J’indique à notre jeune collègue que son groupe présente régulièrement cet amendement depuis deux à trois ans. Il est fait référence à l’évolution du prix du baril de pétrole. Je précise que le service des essences, rebaptisé cette année service de l’énergie opérationnelle, passe chaque année des contrats qui lui permettent de prendre des mesures d’ordre réglementaire afin de s’adapter aux fluctuations du marché.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-DN6 et II-DN7 de M. David Habib.

 

Puis la commission examine l’amendement II-DN8 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Au moment où les différents chefs d’état-major font état de difficultés pour la préparation opérationnelle des forces, il serait utile que la représentation nationale soit éclairée par un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIDN9 de M. David Habib.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous allons maintenant procéder au vote sur les crédits de la mission « Défense », après avoir entendu l’avis des différents rapporteurs.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».


—  1  —

Annexe :

Liste des personnes auditionnées et des déplacements par le rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

 Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) – M. Hervé Guillou, président, M. Jean-Marie Dumon, délégué général ;

 Amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale ;

 Contre-amiral Gilles Boidevezi, sous-chef « opérations » – état-major de la marine (ALOPS) ;

 Ingénieur général de l’armement Guillaume de Garidel-Thoron, directeur central du service de soutien de la flotte (DCSSF) ;

 Contre-amiral Éric Vernet, sous-chef d’état-major « soutiens-finances » de la marine (SCEM/SF) ;

 Vice-amiral d’escadre Guillaume Goutay, directeur du personnel militaire de la marine nationale (DPMM)

 Contre-amiral Éric Malbrunot, sous-chef d’état-major plans et programmes de la marine ;

2. Déplacements à Brest, Toulon et Cherbourg

 Capitaine de vaisseau Pierre Rialland, commandant de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque ;

 Vice-amiral d’escadre Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée, commandant de l’arrondissement maritime Méditerranée, commandant de la zone maritime Méditerranée ;

 Contre-amiral Alban Lapointe, commandant de la base de défense de Toulon  

 Capitaine de vaisseau Guillaume Pinget, commandant du porte-avions Charles-de-Gaulle ;

 Contre-amiral Laurent Hermann, directeur du service de soutien de la flotte à Toulon ;

 Vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, commandant de la zone maritime Atlantique, commandant de l’arrondissement maritime Atlantique et préfet maritime de l’Atlantique ;

 Capitaine de vaisseau Laurent Machard de Gramont, commandant de la base de l’aéronautique navale de Landivisiau

 Contre-amiral Xavier Royer de Véricourt, adjoint du commandant de la zone maritime Atlantique

 Vice-amiral d’escadre Philippe Dutrieux, commandant la zone maritime Manche-mer du Nord, commandant l’arrondissement maritime de Cherbourg, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord ;

 M. Jean-Luc France, directeur du site de Cherbourg de Naval Group ;

 M. Ludovic Colin, directeur de la communication du site de Cherbourg ;

 M. Thomas Brisson, directeur des affaires publiques de Naval Group.

 

 

 


[1] En août 2020, le Champlain a par exemple contribué aux opérations de lutte antipollution à Maurice suite à l’échouement du vraquier « Wakashio ».

[2] « Cette compétence, et sa transmission depuis plus de 90 ans du Béarn au Charles-de-Gaulle, est une richesse rare, un véritable "Trésor national", que seules quelques marines de très haut niveau possèdent. » - Déclaration de M. Édouard Philippe, Premier ministre, sur l'appareillage du porte-avions Charles-de-Gaulle pour une mission de trois mois contre l'État islamique au Levant, au large de Hyères le 23 janvier 2020.

 

[3] Article 56 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite Convention de Montego Bay. Signée en décembre 1982, elle institue les actuelles zones économiques exclusives.