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N° 4525

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4482)
de finances pour 2022

TOME III

JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

 

PAR M. Bruno QUESTEL

Député

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 Voir les numéros : 4524 – III – 28

 

 

 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2021 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, environ 85 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction................................................ 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2022 DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

I. UNE PROGRESSION GLOBALE DE 7,4 % DU BUDGET PÉNITENTIAIRE

A. une année marquée par l’importance des crédits destinés à l’amélioration du parc pénitentiaire

1. La poursuite du programme immobilier pénitentiaire

2. L’augmentation pérenne des moyens budgétaires consacrés à l’entretien des établissements pénitentiaires

3. Des mesures nouvelles pour sécuriser et moderniser les établissements pénitentiaires

B. La poursuite des efforts budgÉtaires en direction des personnels pÉnitentiaires

1. La création de 599 emplois

2. La poursuite de la politique d’amélioration catégorielle

C. Une politique tournée vers l’amélioration de LA PRISE EN CHARGE des personnes placÉes sous main de justice

1. Le développement du numérique

2. La politique de réinsertion

3. Les aménagements de peines et mesures alternatives à l’incarcération

II. LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN AUGMENTATION DE 4,2 %

A. Un enjeu d’adaptation des dépenses de personnel à la réforme de la justice pénale des mineurs

1. Les six objectifs stratégiques de la protection judiciaire de la jeunesse

2. Une augmentation de 2,3 % des dépenses de personnel

B. Une augmentation de 7 % des crédits hors masse salariale

1. Les mesures de prise en charge des mineurs délinquants et les mesures d’investigation

2. Les missions de soutien et de formation

SECONDE PARTIE : LA gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 en milieu pénitentiaire

I. L’évolution des mesures sanitaires prises par l’administration pénitentiaire depuis le début de l’épidémie

A. Les mesures mises en œuvre dès le printemps 2020 pour contenir l’épidémie

1. Une volonté de réduction de la pression carcérale au début de l’épidémie

2. Une réaction rapide de l’administration pénitentiaire pour contenir l’épidémie

3. La stratégie de déconfinement de l’administration pénitentiaire

B. Les mesures en vigueur à l’automne 2021 pour préserver la sécurité sanitaire en détention

1. La continuation des mesures sanitaires en détention

2. Une politique efficace de détection et de prise en charge des malades ou cas-contacts

II. Une gestion efficace de l’épidémie en milieu carcéral malgré certaines difficultés

A. Une réelle maîtrise de la propagation de l’épidémie grâce à des mesures strictes

1. Le bilan de l’épidémie en milieu carcéral

2. L’impact des mesures de contraintes sanitaires sur la vie en détention

B. Une sécurité sanitaire à pérenniser

1. Les difficultés liées à la surpopulation carcérale

2. La campagne vaccinale en milieu pénitentiaire

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES ENTENDUES


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Mesdames, Messieurs,

Pour ce cinquième et dernier budget de la mandature, les moyens octroyés à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse continuent d’augmenter de manière significative. Cette dynamique engagée depuis 2017 témoigne de l’importance accordée par les pouvoirs publics aux questions carcérales et à la justice des mineurs.

Le montant des crédits du programme n° 107 consacré à l’administration pénitentiaire s’élève ainsi à 4,584 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 7,4 % représentant une augmentation de 317 millions d’euros par rapport à 2021. Ces efforts budgétaires participent de la modernisation du service publique pénitentiaire prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([1]). Ces crédits soutiennent trois priorités qui ont prévalu depuis le début de la mandature : le renforcement de la sécurité des personnels et des établissements, l’amélioration de la prise en charge et de la réinsertion des personnes placées sous main de justice, ainsi que l’amélioration des conditions de travail des personnels pénitentiaires.

Le programme n° 182 consacré à la protection judiciaire de la jeunesse suit la même dynamique puisque le montant de ses crédits s’élève à 984 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,2 % représentant une augmentation de 40 millions d’euros par rapport à 2021. S’inscrivant pleinement dans le plan stratégique national 2019‑2022 élaboré par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, cette augmentation des moyens budgétaires et humains vise à permettre une meilleure prise en charge des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre du nouveau code de la justice pénale des mineurs entré en vigueur le 30 septembre 2021.

*

*     *

Après avoir examiné, en 2017, la place de la justice des mineurs dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, en 2018, la pratique des cultes et le respect du principe de laïcité, en 2019, la prise en charge de la santé des personnes détenues, et, en 2020, la surpopulation carcérale, votre rapporteur pour avis a choisi de s’intéresser, cette année, à la gestion de la crise sanitaire en milieu pénitentiaire.

Depuis le printemps 2020, la vie en détention, comme partout dans la société, est marquée par les consignes et restrictions appliquées pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. La limitation des contacts et des activités, en particulier pendant les périodes de confinement national, ont eu d’importantes conséquences, non seulement sur le quotidien des personnes détenues, mais plus largement sur l’organisation des lieux de détention. Toutefois, l’application de mesures strictes, ainsi que le travail et le dévouement du personnel pénitentiaire ont vraisemblablement permis d’éviter une catastrophe sanitaire en milieu carcéral.

Face à cette situation exceptionnelle, l’administration pénitentiaire a en effet fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation. Un an et demi après le début de la crise, il convient de faire le point sur les mesures qui ont été mises en œuvre et sur celles qui sont encore appliquées aujourd’hui au sein des établissements pénitentiaires, afin d’analyser cette gestion de crise en milieu carcéral et d’envisager les défis à venir.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2022 DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Dans la continuité de la dynamique engagée depuis le début de la mandature, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une hausse des budgets alloués à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.

Concernant l’administration pénitentiaire, l’augmentation de 2,6 % des crédits de personnels (y compris CAS pensions) devrait permettre la création de 599 emplois pour l’administration pénitentiaire. Hors masse salariale, l’augmentation de 16 % des crédits de paiement alloués à l’administration pénitentiaire est d’autant plus importante qu’elle correspond à la montée en puissance du programme immobilier, dont la première phase se concrétise par de nombreuses constructions de nouvelles places en 2022.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, le projet de loi de finances permet la continuation du financement de nouveaux centres éducatifs fermés et la mise en œuvre du nouveau code de la justice pénale des mineurs. En hausse des 2,3 %, les crédits de personnels devraient permettre la création de 51 emplois. Hors masse salariale, les crédits de paiement augmentent de 7 % par rapport à l’année précédente.

I.   UNE PROGRESSION GLOBALE DE 7,4 % DU BUDGET PÉNITENTIAIRE

L’administration pénitentiaire connaît, pour 2022, un renforcement significatif de ses moyens, avec une progression globale des crédits de paiement de 7,4 % par rapport à 2021.

(en autorisations d’engagement et en millions d’euros)

 

Crédits votés en loi de finances pour 2021

Crédits demandés pour 2022

Évolution 2021-2022

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

3 403

3 538

+ 3,9 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

2 472

2 562

+ 3,6 %

Soutien et formation (Action 04)

392

444

+ 13,2 %

Total

6 267

6 544

+ 4,4 %

 

(en crédits de paiement et en millions d’euros)

 

 

 

Crédits votés en loi de finances pour 2020

Crédits demandés pour 2021

Évolution 2021-2022

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

2 744

3 110

+ 13,3 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

1 146

1 038

- 9,4 %

Soutien et formation (Action 04)

377

436

+ 15,6 %

Total

4 267

4 584

+ 7,4 %

Source : projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022, pp. 25-26.

Cette évolution s’inscrit dans la continuité des efforts budgétaires précédemment consentis dans les différentes lois de finances avec des augmentations de 2,2 % en 2018, 5,7 % en 2019, 6,2 % en 2020 et 7,8 % en 2021.

En incluant les dépenses relatives aux pensions, le budget de l’administration pénitentiaire s’élève à 4,584 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 317 millions d’euros par rapport à l’année dernière, soit une progression de 7,4 %.

Hors dépenses relatives aux pensions, le budget 2021 s’élève à 3,639 milliards d’euros, en hausse de 308 millions d’euros, soit 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Le budget demandé pour 2022 pour l’administration pénitentiaire se caractérise en outre par un plan pénitentiaire spécial de 112 millions d’euros ([2]), visant à abonder les crédits déjà prévus par la loi de programmation et de réforme pour la justice ([3]) au titre du financement de la transformation numérique de l’administration pénitentiaire, de la sécurisation des domaines pénitentiaires et de l’amélioration des conditions de détention.

A.   une année marquée par l’importance des crédits destinés à l’amélioration du parc pénitentiaire

Pour 2022, les crédits hors titre 2 alloués à l’administration pénitentiaire s’élèvent à 3,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement – soit une hausse de 204,8 millions par rapport à 2021 représentant une progression de 5,8 % – et 1,8 milliard en crédits de paiement – soit une hausse de 243,6 millions d’euros par rapport à 2021 représentant une progression de 16 %.

Cette évolution est notamment liée au programme immobilier pénitentiaire, duquel il convient de dresser un bilan d’avancement et aux mesures destinées à l’entretien, la maintenance, la modernisation et la sécurisation des établissements.

1.   La poursuite du programme immobilier pénitentiaire

La poursuite de la réalisation des opérations immobilières correspondant au programme « 15 000 places », organisé en deux phases (7 000 d’ici 2022 puis 8 000 d’ici 2027) se traduit par un effort budgétaire important puisque les dépenses d’investissement (titre 5) augmentent de 80,5 millions d’euros, passant de 555,8 millions en 2021 à 636,3 millions en crédits de paiement demandés pour l’année 2022. Hors partenariat public-privé, les crédits consacrés à la construction de nouveaux établissements et à l’entretien du parc immobilier pénitentiaire s’élèvent à 570,2 millions d’euros, soit une augmentation de 14,5 % par rapport à l’année dernière.

● L’achèvement du programme « 7000 places »

Parmi ces crédits, 351,7 millions d’euros sont destinés aux opérations menées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) au titre de la première phase du plan immobilier qui prévoit la construction de 7 000 places de prisons d’ici 2022.

Pour cette première phase, l’acquisition du foncier a été réalisée pour la quasi-totalité des places, de même que le choix du groupement et la validation du programme (95 % des places).

Près 3 600 places ont d’ores et déjà été mises en service, dont 1 926 nouvelles places nettes (centre de détention de Papéari, quartier de semi‑liberté de Saint-Martin-Boulogne, maison d’arrêt de Draguignan, centre pénitentiaire d’Aix 2, centre pénitentiaires de Baumettes 2, maison d’arrêt de Paris-La Santé, quartier de semi-liberté de Nanterre). 30 % des places devant être créées lors de la première phase du plan immobilier ont donc déjà été livrées.

123 nouvelles places de plus seront mises en service avec l’ouverture à l’automne 2021 du centre pénitentiaire de Lutterbach (520 places ouvertes, parallèlement à la fermeture des 397 places des maisons d’arrêt de Colmar, puis de Mulhouse). À la fin de l’année 2021, ce sont donc 2 049 nouvelles places qui auront été créées.

Concernant les places restant à créer au cours de cette première phase, les travaux seront en cours ou lancés d’ici la fin de l’année 2021 pour les centres pénitentiaires de Caen-Ifs, Troyes-Lavau et Bordeaux-Gradignan, le centre de détention de Koné ([4]), la maison d’arrêt de Basse-Terre et les structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) de Caen, de Le Mans-Coulaines, Montpellier, Avignon, Valence, Osny et Meaux. Ces travaux lancés en 2021 représenteront 2 541 places nettes.

Enfin, les derniers travaux relevant de cette première phase de « 7 000 places » débuteront au premier semestre 2022 : elles concerneront les centres pénitentiaires de Baie-Mahault et Baumettes 3, les SAS de Ducos, d’Orléans, de Noisy-le-Grand, de Colmar et de Toulon, pour un total de 2 500 nouvelles places.

Ainsi, à la fin de l’année 2022, ce sont 7 090 nouvelles places ([5]) qui auront été ouvertes ou seront en cours de réalisation. Votre rapporteur pour avis salue ces avancées qui ont été réalisées ou le seront prochainement.

programme 15 000 – détails de la première phase « 7 000 places »

Source : Agence nationale de l’immobilier de la justice (APIJ).

 La mise en place du programme « 8 000 places »

45,9 millions d’euros sont en outre prévus pour les opérations menées par l’APIJ au titre de la deuxième phase du plan immobilier qui prévoit la construction de 8 000 places à l’horizon 2027 :

– 45 millions d’euros sont alloués au passage en phase opérationnelle de la première vague de places (Saint-Laurent du Maroni, Avignon-Entraigues, Toulouse-Muret, Tremblay-en-France, Perpignan-Rivesaltes).

– 0,9 million d’euros sont alloués au financement des pré-études des opérations des deuxièmes vague (Nîmes, Melun-Crisenoy, Vannes, Angers, prison Inserre ([6]) d’Arras) et troisième vague (Noiseau, Le Muy, Pau, Bernes-sur-Oise, SAS de Châlons-en-Champagne et d’Isère, prisons Inserre de Toul et Donchéry).

En sus, 10,8 millions d’euros sont programmés pour les acquisitions foncières nécessaires à l’engagement des dernières opérations du programme « 8 000 places ».

programme 15 000 – détails de la seconde phase « 8 000 places »

Source : Agence nationale de l’immobilier de la justice (APIJ).

2.   L’augmentation pérenne des moyens budgétaires consacrés à l’entretien des établissements pénitentiaires

L’entretien des établissements constituent une des priorités de l’administration pénitentiaire. À ce titre, sont prévus pour 2022, 115,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 120,2 millions d’euros en crédits de paiement.

Comme l’a précisé le directeur de l’administration pénitentiaire, M. Laurent Ridel, lors de son audition, des redéploiements internes en gestion sont susceptibles d’abonder cette enveloppe. Cela a d’ailleurs été le cas les années précédentes. Il a en outre rappelé que ces moyens destinés à l’entretien des établissements ont été en constante augmentation depuis 2017 : 80,7 millions d’euros en crédits de paiement au titre de la loi de finances initiale pour 2018, 100,6 millions en 2019, 110 millions en 2020 et en 2021.

Votre rapporteur pour avis salue l’effort budgétaire marqué dans ce domaine et souligne l’importance cruciale d’un entretien régulier et adapté des établissements pénitentiaires afin d’en éviter la dégradation précoce conduisant à des conditions indignes de détention et entrainant ensuite de forts coûts de réhabilitation. D’ailleurs certaines de ces rénovations de grande ampleur sont lancées : la réhabilitation du centre pénitentiaire de Faa’a en Polynésie Française, dont le début est programmé en 2022, devrait consommer 8 millions d’euros en 2022 et le lancement des opérations de réhabilitation globale de Fresnes est prévu en 2023.

Outre l’entretien et la maintenance, ce budget vise également à faire évoluer certains établissements. Sont ainsi prévus en 2022 :

– la poursuite de la mise en place de nouvelles équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP) ;

– la création d’un quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) à Bourg-en-Bresse ;

– l’ouverture de plusieurs unités pour détenus violents (UDV) ;

– le renforcement du maillage de la couverture aérienne afin de prévenir les évasions.

En sus, 4 millions d’euros en crédits de paiement sont également prévus au titre du plan pluriannuel de travaux de mise en accessibilité des établissements pénitentiaires livrés avant 2013, 8 millions sont destinés à adapter les locaux des SPIP et 2 millions sont prévus pour mener des études préalables concernant la rénovation énergétique de certains établissements ([7]).

3.   Des mesures nouvelles pour sécuriser et moderniser les établissements pénitentiaires

En 2022, les moyens alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires continuent d’augmenter : ils sont portés à 135,6 millions d’euros, soit une augmentation de 113 % par rapport à l’année précédente ([8]). Ces crédits sont répartis entre les différentes mesures :

– la poursuite du déploiement de dispositifs de détection et de neutralisation des communications illicites (46 millions) ;

– la poursuite de la sécurisation périmétrique des établissements pénitentiaires : un nouveau programme de protection comprenant l’installation de clôtures, de portails sécurisés et de systèmes de vidéo‑surveillance incluant un lecteur de plaques d’immatriculation sera déployé sur une quarantaine d’établissements exposés (36,6 millions) ;

– le déploiement du programme « mobilité » qui vise à doter les personnels de surveillance d’un terminal mobile polyvalent leur permettant d’assurer leurs différents types de communication (émetteur/récepteur, téléphone, messagerie) ainsi que la gestion des alarmes, et de disposer d’un accès à distance aux différentes applications (20,3 millions) ;

– la sécurisation passive permettant de maintenir les établissements en condition opérationnelle (17,2 millions) ;

– l’achat de divers équipements de sécurité : portiques de sécurité à l’entrée et la sortie des bâtiments, véhicules, armes, munitions, gilets pare-balles, etc. (10,9 millions) ;

– la lutte contre les drones malveillants (4,7 millions d’euros).

B.   La poursuite des efforts budgÉtaires en direction des personnels pÉnitentiaires

Pour l’année 2022, les crédits du titre 2 alloués à l’administration pénitentiaire s’élèvent à 2,8 milliards d’euros (y compris CAS pensions) en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une augmentation de 72,8 millions d’euros par rapport à 2021 représentant une progression de 2,6 %. Hors CAS pensions et hors mesures de transfert, les crédits du titre 2 du s’élèvent à 1,9 milliard d’euros, progressant de 3,6 % par rapport à 2021. Selon le projet annuel de performances, cette hausse est liée notamment à la création de 599 emplois supplémentaires et aux différentes mesures catégorielles dont bénéficient les personnels pénitentiaires.

1.   La création de 599 emplois

Passant de 43 345 à 44 083 équivalents temps plein travaillé (ETPT), le plafond d’emplois de l’administration pénitentiaire progresse de 738 ETPT en 2022, dont 439 au titre de 599 créations d’emplois et 308 au titre de l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2021.

Ces créations d’emplois permettront de répondre à deux objectifs principaux :

– la poursuite du renforcement des effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), à hauteur de de 250 emplois, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de programmation pour la justice ([9]) ;

– la constitution des équipes en vue de l’ouverture des nouveaux établissements, à hauteur de 349 emplois.

Par ailleurs, 70 emplois sont restitués au titre des gains générés par le plan de transformation numérique porté par le secrétariat général du ministère de la Justice.

Votre rapporteur pour avis souligne l’importance de l’augmentation des emplois en SPIP. Depuis 2017, auront ainsi été créés 1 500 emplois, auxquels viennent s’ajouter 100 emplois supplémentaires créés en gestion en fin d’année 2020 au titre de la justice de proximité. Ces nouveaux effectifs permettront d’améliorer la réinsertion des personnes placées sous main de justice en réduisant le ratio moyen de personnes suivies par un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP).

2.   La poursuite de la politique d’amélioration catégorielle

La politique d’amélioration catégorielle est dotée pour 2022 d’une enveloppe de 22,4 millions d’euros.

Différentes mesures statutaires sont prévues :

– la poursuite du plan de requalification issu de la réforme du corps de commandement (0,9 million) ([10]) ;

– l’achèvement de la réforme de la filière technique (un peu plus de 1 000 euros) ([11])  ;

– la fusion des grilles de surveillants et de brigadiers qui permettra aux surveillants non gradés de bénéficier d’une progression de carrière linéaire dans un nouveau grade unique (4,2 millions) ;

– une revalorisation indiciaire des directeurs des services pénitentiaires, en cohérence avec leur rattachement à la catégorie A+ (10 000 euros) ;

– une revalorisation indiciaire et indemnitaire du corps des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (0,4 million) ;

– une mesure en faveur de l’encadrement supérieur (0,3 million) ;

– les mesures statutaires du plan de requalification de C en B des personnels administratifs (46 000 euros).

Des mesures indemnitaires sont également prévues :

– la revalorisation de la prime de sujétions spéciales pour les personnels du corps d’encadrement et d’application et du corps de commandement (3,4 millions) ;

– la poursuite de la mise en œuvre de la prime de fidélisation (1,3 million) ;

– la revalorisation de l’indemnité pour charges pénitentiaires des surveillants pénitentiaires (4,5 millions) ;

– la revalorisation de l’indemnité de nuits (2,6 millions) ;

– la revalorisation des astreintes (1,2 million) ;

– la revalorisation de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) de la filière technique (0,2 million) ;

 revalorisation de l’indemnité des DPIP (0,4 million) ;

 des revalorisations pour d’autres personnels : indemnité des assesseurs (80 000 euros), psychologues contractuels (0,6 million), régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep) des personnels administratifs de catégorie B et C (1,9 million), indemnités perçues lors d’actions de formation (18 000 euros), Rifseep des corps communs (70 000 euros) ;

– une mesure en faveur de l’encadrement supérieur (0,7 million) ;

– les mesures indemnitaires du plan de requalification de C en B des personnels administratifs (65 000 euros).

C.   Une politique tournée vers l’amélioration de LA PRISE EN CHARGE des personnes placÉes sous main de justice

1.   Le développement du numérique

Dans le cadre du plan de transformation numérique du ministère de la Justice 2018-2022, 20,6 millions d’euros sont alloués en 2022 au déploiement du numérique en détention.

Est prévu un système d’accès aux technologies de l’information et de la communication. Cela permettrait notamment de dématérialiser certaines des démarches de la vie courante en détention (achat des produits de cantine, requêtes administratives, actualités de l’établissement…) et de réduire la fracture numérique entre les personnes incarcérées et le monde extérieur.

Comme l’a rappelé le directeur de l’administration pénitentiaire durant son audition, le numérique est déjà développé à l’attention des familles des détenus avec notamment la mise en place d’un système de réservation en ligne des parloirs.

L’objectif poursuivi est d’équiper, dans les trois prochaines années, chaque cellule d’un terminal, sans doute sous forme de tablette, qui permettra au détenu de mieux gérer son quotidien et d’avoir un suivi de chacune de ses demandes. Cela pourrait par la suite ouvrir la voie à d’autres évolutions, notamment en termes d’accès aux services en ligne (scolarité, administration…), mais également pour faciliter le maintien des liens familiaux par exemple. Le projet annuel de performances précise en effet que « ce projet sera poursuivi en vue de rendre plus accessibles les services de l’administration pénitentiaire, améliorer la gestion de la détention et moderniser les outils existants » ([12]).

Le syndicat national pénitentiaire FO direction et le syndicat national des directeurs pénitentiaires CFDT ont témoigné de ce que les premières expérimentations en la matière avaient été une réussite, tant du point de vue des détenus qu’en termes de gestion de la détention.

Lors de son audition, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a quant à elle souligné que le développement du numérique en détention constitue un progrès important et nécessaire, en adéquation avec les recommandations formulées dans plusieurs de ses rapports.

2.   La politique de réinsertion

En 2022, les crédits alloués à la politique de réinsertion des personnes placées sous main de justice sont portés à 108,5 millions d’euros, soit une progression de 18 % par rapport à 2021. Ces crédits soutiennent la mise en œuvre de plusieurs mesures :

– la mise en place du statut du détenu travailleur (10 millions) ;

– un dispositif de formation professionnelle des personnes détenues comprenant les actions de bilan de compétence, les investissements dans les plateaux techniques et la poursuite du développement du travail non rémunéré et d’intérêt général (17 millions) ;

– les dépenses liées au partenariat avec l’Éducation nationale pour l’enseignement des mineurs et des adultes (1,3 million) ([13]) ;

– la diversification des actions de réinsertion offertes aux détenus (18,5 millions) ;

– la lutte contre la pauvreté (7 millions) ;

– les subventions aux associations pour financer notamment les activités culturelles et sportives des personnes détenues (10,5 millions) ;

– le travail en détention au sein du service général (44,2 millions).

3.   Les aménagements de peines et mesures alternatives à l’incarcération

Les aménagements de peines et les mesures alternatives à l’incarcération bénéficieront en 2022 d’une dotation de 39,8 millions d’euros en crédit de paiement, soit une augmentation de 0,7 % par rapport à l’année précédente.

Ces crédits se répartissent entre :

– les mesures liées à la surveillance électronique (26,8 millions) ;

– le bracelet anti-rapprochement (4,7 millions) ;

– le placement à l’extérieur (8,3 millions).

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*     *

Votre rapporteur pour avis se félicite que, pour la cinquième année consécutive, les moyens budgétaires alloués à l’administration pénitentiaire soient en augmentation. Cette montée en puissance, tout au long de la mandature, révèle l’attention accordée par le législateur aux enjeux carcéraux.

Il regrette malgré tout que l’opinion publique et certains élus continuent de faire de la politique pénitentiaire une politique publique à part, refusant de l’inclure comme il se devrait dans une vision globale de la République.

Il souligne enfin que l’avancée du programme immobilier doit être saluée : malgré des décalages liés notamment à l’épidémie de Covid-19 et à des difficultés de foncier, la construction des 15 000 nouvelles places de prison est en bonne voie. Il considère qu’à l’avenir, une attention particulière devra être portée à la réhabilitation des établissements pénitentiaires dont la vétusté est telle qu’ils ne peuvent être rénovés grâce aux seuls crédits d’entretien et de maintenance.

 


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II.   LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN AUGMENTATION DE 4,2 %

À l’instar de l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse voit son budget augmenter pour l’année 2022. Elle est ainsi dotée de 40 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à l’année précédente. Son budget global passe ainsi de 944 à 984 millions d’euros en crédits de paiement.

En autorisations d’engagement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2021

Crédits demandés pour 2022

Évolution 2021-2022

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

802

837

+ 4,4 %

Soutien (Action 03)

114

116

+ 1,4 %

Formation (Action 04)

40

39

- 2,5 %

Total

956

992

+ 3,8 %

En crédits de paiement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2020

Crédits demandés pour 2021

Évolution 2020-2021

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

793

830

+ 4,7 %

Soutien (Action 03)

112

114

+1,8 %

Formation (Action 04)

39

40

+ 2,6 %

Total

944

984

+ 4,2 %

(en millions d’euros)

Source : projet annuel de performances du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » annexé au projet de loi de finances pour 2022, pp. 17-18.

A.   Un enjeu d’adaptation des dépenses de personnel à la réforme de la justice pénale des mineurs

1.   Les six objectifs stratégiques de la protection judiciaire de la jeunesse

L’entrée en vigueur du nouveau code de la justice pénale des mineurs le 30 septembre 2021 crée un nouveau cadre juridique qui réorganise en partie les missions de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme le précise le projet annuel de performances, pour réussir la mise en œuvre de ce nouveau code, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse devra, en 2022, « relever trois défis : répondre aux impératifs d’une prise en charge rapide des mesures éducatives judiciaires tout en construisant des projets individuels adaptés à la situation de chaque mineur, accompagner l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs pour intégrer les évolutions dans leurs pratiques et accompagner l’utilisation du nouvel applicatif PARCOURS » ([14]).

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a élaboré un plan stratégique national 2019-2022 qui a permis d’actualiser ses programmes de travail et d’ajuster l’allocation des moyens autour de six objectifs stratégiques :

– l’accompagnement de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs et du bloc peines ;

– le développement de la lisibilité et de la rapidité de la réponse judiciaire, notamment au travers de la mise en œuvre d’une justice de proximité ;

– le renforcement des services du ministère de la Justice dans les partenariats et les politiques publiques de protection de l’enfance et d’éducation de la jeunesse ;

– l’amélioration de l’adaptation des méthodes éducatives aux besoins des jeunes et aux enjeux de la société ;

– l’accompagnement de la stratégie pluriannuelle du ministère en vue de poursuivre la modernisation de la gestion des ressources humaines, des moyens et du pilotage budgétaire en soutien des missions ;

– une gouvernance rénovée pour favoriser et valoriser les initiatives et évaluer l’action.

Ces six objectifs stratégiques convergent vers deux objectifs de performance pour 2022 : d’une part, la garantie d’une aide à la décision efficace et l’amélioration de la qualité des prises en charge éducatives et, d’autre part, l’optimisation de l’emploi des moyens humains, financiers et matériels.

2.   Une augmentation de 2,3 % des dépenses de personnel

Les crédits du titre 2 s’élèvent à 567,6 millions d’euros pour l’année 2022 (y compris CAS pensions). Ils sont en augmentation de 13 millions d’euros par rapport à 2021, soit une hausse de 2,3 %.

Hors CAS pensions, les crédits de titre 2 s’élèvent à 413,9 millions d’euros et progressent de 4,4 % par rapport à 2021.

Cette augmentation se répartit entre différentes mesures :

– la création nette de 51 emplois : 80 emplois pour les centres éducatifs fermés (CEF), 55 emplois pour le renforcement du milieu ouvert et une réduction de 84 emplois au titre des redéploiements permis par la restructuration des dispositifs de prise en charge ;

– des mesures catégorielles (extensions en année pleine de trois mesures de revalorisations d’indemnités débutées en 2021, revalorisation d’IFSE…) ;

– le financement de la protection sociale complémentaire ;

– la création en 2022 d’une réserve, destinée à accueillir des réservistes militaires dans le cadre de l’accord de partenariat conclu entre les ministres des Armées et de la Justice.

B.   Une augmentation de 7 % des crédits hors masse salariale

Les crédits hors titre 2 de la protection judiciaire de la jeunesse s’élèvent à 424,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 417,3 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 5,9 % pour les autorisations d’engagement et de 7 % pour les crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

1.   Les mesures de prise en charge des mineurs délinquants et les mesures d’investigation

Regroupées au sein de l’action 01, ces mesures voient les crédits de paiement qui leur sont attribués croître de 24 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 6,7 % par rapport à 2021.

Sur les 383,4 millions d’euros prévus au titre de cette action (hors titre 2), 114,9 millions sont affectés au secteur public et 268,5 millions le sont au secteur associatif habilité ([15]).

Concernant le secteur associatif habilité, ce budget vise notamment à mettre en place les mesures suivantes :

– l’ouverture des premiers centres éducatifs fermés (CEF) prévus au programme présidentiel : celui d’Épernay et celui de Saint-Nazaire ;

– la mise en œuvre des mesures judiciaires d’investigation éducative ;

– la réparation pénale ;

– le financement d’accueils spécialisés pour des mineurs délinquants présentant des troubles psychiques ;

– le développement de places d’accueil spécialisées dans la prise en charge, dans un cadre pénal, de mineurs non accompagnés (MNA).

Concernant le secteur public, les crédits se répartissent entre :

– les dépenses hors immobilier qui concernent le fonctionnement (alimentation, actions de formation et d’insertion, entretien du parc informatique…) et l’investissement (acquisition de véhicules automobiles) ;

– les dépenses d’intervention (actions de justice de proximité, subventions versées aux associations intervenant dans le champ de la protection de l’enfance et de l’enfance délinquante, rémunération des stagiaires de la formation professionnelle…) ;

– les dépenses de l’occupant (loyers, travaux d’entretien courant…) ;

– les dépenses du propriétaire (suite des opérations de travaux pour les CEF de Dordogne et de Charente-Maritime, travaux de maintenance lourde ou de restructuration…).

2.   Les missions de soutien et de formation

Dotée de 22,9 millions d’euros (hors titre 2) en 2022, contre 20,1 en 2021, l’action 03, qui vise à financer la fonction support de pilotage, de gestion, d’animation et de coordination, voit ses crédits augmenter de 13,3 %.

Enfin, l’action 04, qui concerne la formation assurée par l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), voit ses crédits augmenter de 2,6 % par rapport à 2021, passant de 10,6 à 10,9 millions d’euros (hors titre 2). Afin de développer les compétences des personnels et d’améliorer leurs conditions de travail, l’ENPJJ a « adapté son organisation et développé des contenus de formation en déclinaison des enjeux prioritaires de la direction » ([16]).

*

*     *

Votre rapporteur pour avis salue les efforts déjà réalisés par la protection judiciaire de la jeunesse pour prendre en compte, le plus en amont possible, les évolutions induites par la réforme de l’ordonnance de 1945. Après avoir été repoussée en raison de l’épidémie de Covid-19, l’entrée en vigueur du nouveau code de la justice pénale des mineurs au 30 septembre 2021 implique de nouveaux enjeux à relever en 2022 afin d’en garantir la bonne mise en œuvre.


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   SECONDE PARTIE : LA gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 en milieu pénitentiaire

Le milieu carcéral a d’emblée été identifié comme un environnement à risques en termes de propagation de l’épidémie de Covid-19. La proximité, voire la promiscuité, qui caractérise souvent la vie au sein des établissements pénitentiaires est en effet un facteur favorisant la diffusion du virus et les problématiques de surpopulation que connaissent de nombreuses maisons d’arrêt nuisent de fait au respect des gestes barrières et à la mise en œuvre de mesures sanitaires.

Pourtant, l’administration pénitentiaire a su contenir l’épidémie en milieu carcéral en mettant en œuvre des mesures efficaces et la catastrophe sanitaire annoncée dans ces lieux clos n’a finalement pas eu lieu. Votre rapporteur pour avis souhaite, à travers la seconde partie du présent rapport, se pencher sur les mesures qui ont été prises afin d’analyser la gestion de crise adoptée en milieu pénitentiaire depuis le printemps 2020.

I.   L’évolution des mesures sanitaires prises par l’administration pénitentiaire depuis le début de l’épidémie 

Dès le 27 février 2020, des consignes ont été transmises par la direction de l’administration pénitentiaires aux services et aux établissements. Se montrant réactive et à l’écoute du terrain, l’administration pénitentiaire semble avoir eu à cœur d’adapter au mieux chaque mesure aux spécificités de la détention et aux évolutions de la situation sanitaire.

A.   Les mesures mises en œuvre dès le printemps 2020 pour contenir l’épidémie

1.   Une volonté de réduction de la pression carcérale au début de l’épidémie

La crise sanitaire a conduit à une importante réduction de la population carcérale. Au-delà du rythme habituel des flux sortants d’incarcération, plusieurs mesures ont contribué à cette dynamique :

– le ralentissement de l’activité de jugement des tribunaux qui a freiné les placements sous mandat de dépôt des personnes condamnées ;

– la facilitation des procédures permettant la libération anticipée des personnes condamnées ;

– la réduction supplémentaire de peine à titre exceptionnel.

Cette évolution a été particulièrement marquée pendant le premier semestre 2020 : le nombre de détenus a diminué de 11 956 personnes entre le 1er janvier et le 1er juillet 2020, faisant passer le taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires de près de 117 % à 97 %.

2.   Une réaction rapide de l’administration pénitentiaire pour contenir l’épidémie

Dès le début de l’épidémie, la direction de l’administration pénitentiaire a transmis des instructions aux services pénitentiaires afin d’adapter les conditions de la vie en détention aux contraintes imposées par la lutte contre la pandémie de Covid-19. Entre les mois de mars et avril 2020, ce ne sont pas moins de dix notes qui ont été délivrées par le directeur de l’administration pénitentiaire afin notamment d’organiser les suspensions d’activités et d’adapter le fonctionnement des établissements tout en assurant la continuité du service public pénitentiaire. Ces instructions ont permis de garantir la protection sanitaire des agents et des personnes détenues, le tout en cohérence avec le premier confinement national déclenché en France le 17 mars 2020.

De strictes mesures de précaution et de protection ont ainsi été mises en place. Au-delà des consignes sanitaires classiques, doivent notamment être soulignés :

– la suspension des parloirs : cette mesure a d’abord été mise en œuvre, dès le 3 mars 2020, pour les seuls détenus contaminés ou suspectés de l’être. Une règle générale de limitation à une seule personne majeure par visite et par détenu non malade a ensuite été recommandée, assortie de la suspension des parloirs pour les détenus considérés comme vulnérables (femmes enceintes, détenus mineurs et détenus atteints d’une maladie chronique ou respiratoire), de la fermeture des espaces d’accueil pour les familles et de la non mise à disposition des jeux et jouets pour les enfants. Finalement la suspension des parloirs pour l’ensemble des détenus a été imposée, en cohérence avec la mise en place du confinement national, à partir du 17 mars ;

– l’isolement des détenus infectés ou suspectés de l’être : dès le 27 février 2020, cette mesure a été décidée en prévoyant, d’une part, le confinement des détenus concernés et, d’autre part, le regroupement de ces détenus dans des quartiers ou unités strictement séparés du reste de la détention ;

– l’adaptation organisationnelle et fonctionnelle des établissements : aménagement ou suspension des activités, limitation des regroupements, réorganisation des promenades, limitation ou suspension des transferts administratifs...

La mise en place d’un système de suivi de l’épidémie de Covid-19 en milieu carcéral a sans doute été également l’un des éléments clefs pour contenir la propagation du virus. Par une note du 13 mars 2020, la direction de l’administration pénitentiaire a en effet instauré un double système de remontée de données :

– d’une part, des remontées d’informations spécifiques. Ce système consiste en un signalement à la permanence nationale du nombre et lieux de cas de suspicion, ou de confirmation, d’agents contaminés ayant donné lieu à l’octroi d’un congé maladie ordinaire, d’une autorisation d’absence ou d’une mesure de télétravail. Pour la population pénale, il s’agit de signaler des cas de suspicions ou de confirmation ayant conduit à une mesure médicale de confinement ;

– d’autre part, des remontées statistiques portant sur les personnes détenues. Tous les jours, les établissements renseignent ainsi les données suivantes : nombre de cas confinés, hospitalisés, confirmés en suspension de peine, décédés, guéris…

Au-delà des mesures et consignes déjà évoquées, la direction générale de la santé et la direction de l’administration pénitentiaire ont pris soin de décliner des directives claires, précises, adaptées aux spécificités de la détention et actualisées en fonction de l’évolution de la situation sanitaire :

– « fiche établissements pénitentiaires : mesure de prévention du Covid19 pour les personnes détenues passées par une zone de circulation active du virus » ([17]) ;

– « fiche établissements pénitentiaires : organisation de la réponse sanitaire par les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) en collaboration avec les services pénitentiaires » ([18]) ;

– « fiche établissements de santé : recommandations applicables en phase de déconfinement à l’organisation des prises en charge en psychiatrie et addictologie » et notamment l’annexe thématique concernant la psychiatrie des personnes placées sous main de justice ([19]) ;

– « fiches établissements pénitentiaires : organisation de la réponse sanitaire dans les USMP, en collaboration avec les services pénitentiaires dans le contexte du déconfinement » ([20]).

Ces réactions efficaces et coordonnées de l’administration pénitentiaire ont visiblement permis d’adapter rapidement la vie en détention aux contraintes imposées par la situation sanitaire. Votre rapporteur pour avis souligne que les personnes pénitentiaires, très mobilisés depuis le début de la crise, ont fait preuve d’une véritable exemplarité dans la gestion de cette situation exceptionnelle à plus d’un titre.

3.   La stratégie de déconfinement de l’administration pénitentiaire

Ces mesures ont été en permanence adaptées à l’évolution de la situation sanitaire et des consignes interministérielles. Là encore, cette réactivité et la capacité d’adaptation des services pénitentiaires sont à souligner.

À l’issue du premier confinement, la direction de l’administration pénitentiaire a organisé un déconfinement progressif qui visait à limiter tout risque de reprise épidémique en détention. Ce déconfinement a été séquencé en trois phases :

– du 6 mai au 11 juin 2020 ([21]) ;

– du 2 au 22 juin 2020 ([22]) ;

– du 23 juin au 10 juillet 2020 ([23]).

À la suite du dernier confinement, par une note du 11 mai 2021, la direction de l’administration pénitentiaire a diffusé une nouvelle stratégie de déconfinement progressif en prenant en considération les annonces gouvernementales.

Conformément aux notes du 22 juin et du 29 juillet 2021, l’adaptation des mesures de protection telle que prévue depuis le 30 juin 2021 peut aujourd’hui encore faire l’objet d’une réversibilité en cas de dégradation de la situation sanitaire au niveau local (présence d’un cluster au sein de l’établissement, taux d’incidence élevé dans le département etc.). L’adaptation des mesures doit rester nécessaire et proportionnée à la situation sanitaire locale et doit être validée par le directeur interrégional ([24]).

B.   Les mesures en vigueur à l’automne 2021 pour préserver la sécurité sanitaire en détention

1.   La continuation des mesures sanitaires en détention

Les mesures prises au printemps 2020 ont progressivement été adaptées, allégées ou levées en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Elles suivent la progressivité des annonces gouvernementales et s’inscrivent donc en miroir de la levée des restrictions applicables à la population générale annoncées par le Gouvernement.

Actuellement, les mesures sanitaires sont appliquées selon les consignes passées par l’administration pénitentiaire le 3 septembre dernier.

Quelle que soit la situation sanitaire locale, il est demandé aux établissements pénitentiaires de faire appliquer strictement les mesures barrières (lavage des mains, utilisation de mouchoirs jetables, aération régulière des locaux et désinfection régulière des objets et surfaces, distances physiques).

Les personnels pénitentiaires comme les détenus sont soumis à des obligations de port du masque. S’agissant des personnes détenues, elles sont équipées par l’administration pénitentiaire en masques grand public avec un niveau de filtration supérieur à 90 %, avec obligation de port du masque en espace clos, lors des extractions judiciaires, médicales, des transferts, en centre et quartier de semi-liberté, sur les postes de travail ou de formation, ainsi que lors des parloirs ou en présence d’intervenants extérieurs.

L’administration pénitentiaire assure la disponibilité (en détention, en unité sanitaire, promenade, aux parloirs et dans les locaux de l’accueil famille ou encore dans les locaux d’activité) de points d’eau pour se laver régulièrement les mains et de solutions hydro-alcooliques. L’approvisionnement des établissements en solution hydro-alcoolique a été sécurisé grâce à la livraison de 2 020 litres le 26 mars 2020, puis 2 500 litres chaque semaine depuis.

Il est procédé au nettoyage et à la désinfection, à l’aide de produits d’hygiène virucides, à chaque service au moins, des surfaces et des objets les plus fréquemment touchés (poignées de porte, interrupteurs, robinets d’eau des toilettes, bouton d’ascenseur, accoudoirs de chaise, tableau et bureaux, rampes d’escalier, clavier, téléphone, grilles, clefs et badges, dispositifs de contrôle d’identité et biométrie, téléphones, habitacle des véhicules…). Il est également demandé de veiller à l’aération régulière des locaux.

Concernant les activités de travail, sportives ou socio-culturelles, elles ont, de manière générale, repris sans autres restrictions que le respect des mesures de distanciation physique (mise à disposition du gel, port du masque, distanciation, aération).

S’agissant des parloirs, les visites sont possibles uniquement pour les personnes détenues qui n’ont pas été dépistées positives à la Covid-19, pour celles qui ne sont pas symptomatiques et pour les personnes détenues non considérées comme personnes contacts à risque élevé.

Par note du directeur de l’administration pénitentiaire du 22 juin 2021, la consigne a été donnée de retirer les dispositifs de séparation toute hauteur toute largeur (type hygiaphone) en assurant le maintien de mesures sanitaires strictes (port du masque tant pour les détenus que pour les visiteurs, respect impératif des gestes barrière, interdiction de contact, mise à disposition de gel hydro-alcoolique et de lingettes, séparation des détenus et visiteurs avec une table et marquage au sol…). La mise en œuvre de ces mesures s’est accompagnée d’un travail de pédagogie auprès des familles et des personnes détenues et d’un contrôle renforcé dans les parloirs.

En cas de non-respect des mesures sanitaires, et en particulier en cas de contact physique entre le détenu et ses visiteurs, une mesure d’isolement sanitaire sera mise en œuvre, sans préjudice de poursuites disciplinaires ([25]).

2.   Une politique efficace de détection et de prise en charge des malades ou cas-contacts

 La stratégie de dépistage en détention

Entre le 20 mai 2020 et le 30 septembre 2021, 29 290 tests PCR naso‑pharyngés ont été réalisés sur des personnes incarcérées. Il revient aux acteurs sanitaires locaux – au premier rang desquels les médecins des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) – en fonction notamment des recommandations en vigueur et de la situation de la personne détenue (en particulier la présence éventuelle de symptômes), de décider du test à réaliser (RT-PCR ou test antigénique). Quel que soit le type de test, le prélèvement est réalisé en cellule ou à l’USMP, par un professionnel de santé habilité à la réalisation de cet acte. Le résultat du test fait l’objet d’un compte-rendu écrit et validé par le professionnel autorisé et remis à la personne détenue.

Conformément aux consignes arrêtées le 16 décembre 2020, un test est réalisé :

– pour toute personne symptomatique (testée le plus rapidement possible) ;

– pour toute personne détenue arrivant de liberté (test à J7) ;

– pour toute personne contact à risque (notamment les personnes partageant la même cellule ou les mêmes activités qu’une personne détenue dépistée positive) ;

– pour toute personne détenue arrivant de transfert en provenance d’une structure hospitalière signalée comme cluster (test à J7) ;

– à la demande de la personne détenue.

Par ailleurs, des tests antigéniques peuvent être utilisés lors d’opérations de dépistage collectif en cas de suspicion de cluster ou de cluster avéré, ou d’une situation de circulation particulièrement active du virus.

Les tests sont également accessibles à tous les professionnels intervenant en détention, notamment les surveillants, l’objectif étant que toute personne qui présente des symptômes puisse bénéficier d’un test immédiatement.

● La prise en charge des personnes détenues contaminées

Dès qu’un diagnostic d’infection Covid-19 ou qu’une suspicion d’infection est établi, le personnel de l’USMP se met immédiatement en contact avec le chef d’établissement afin de mettre en œuvre les mesures adéquates. En fonction de son état clinique et de ses facteurs de risque, la personne détectée peut, sur décision médicale, soit :

– rester dans l’établissement pénitentiaire et y être isolée dans une cellule individuelle, si possible dans un quartier ou un regroupement de cellules dédiées Covid-19. Plusieurs malades détenus infectés par la Covid-19 peuvent être codétenus dans une même cellule sous réserve d’une distance d’au moins un mètre entre leurs deux lits, et en fonction du test de criblage (variant identique) ;

– être orientée, selon la situation épidémiologique du territoire, pour une hospitalisation, en unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) ou en toute autre structure sanitaire adaptée et déterminée conjointement par l’agence régionale de santé (ARS) en lien avec la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) et les acteurs locaux ;

– être orientée directement en réanimation par le SAMU si son état clinique le nécessite.

Les hospitalisations des personnes détenues

Les critères médicaux d’hospitalisation des patients détenus contaminés par la Covid-19 sont identiques à ceux appliqués à la population générale.

• Le centre 15 régule les hospitalisations urgentes de personnes détenues dans le cadre des conventions existantes.

• Les hospitalisations en unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) des personnes détenues malades mais ne relevant pas de la réanimation, peuvent être envisagées afin de réduire la mobilisation des forces de sécurité intérieure pour des gardes statiques. Toutefois, en raison de données architecturales concernant la circulation de l’air ou en raison des prises en charge déjà en cours de patients à risque (immunodéprimés notamment), certaines UHSI ne seront pas en mesure d’accueillir ces patients. En Île-de-France, et pour les établissements du ressort de l’UHSI de Paris, c’est l’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF), et non l’UHSI de Paris, qui pourra accueillir ces patients. Pour le cas où le recours aux UHSI n’est pas pertinent, ou si la capacité des UHSI était saturée (du fait de l’accueil de patients atteints de Covid‑19 ou en raison de la remontée en charge des activités de soins classiques), des solutions alternatives sont étudiées entre l’ARS, la DISP et les acteurs locaux (établissement pénitentiaire et établissements de santé, préfectures, etc.).

• Pour tous les patients atteints de formes relevant d’une hospitalisation, une demande de suspension de peine ou de libération conditionnelle pour raison médicale pourra être formulée au cas par cas. Si l’état de santé du patient est durablement incompatible avec la détention, il pourra être fait usage de cette mesure selon la procédure d’urgence pour les demandes de suspension de peine.

• S’agissant des hospitalisations complètes en psychiatrie, celles-ci peuvent être réalisées en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) et en établissements de santé autorisés à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie. Dans chacun de ces établissements, la prise en charge des patients détenus atteints de Covid‑19 doit pouvoir être organisée en garantissant la sécurité des patients et des soignants et en lien avec un établissement de santé autorisé en médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) permettant un transfert rapide en cas de dégradation de l’état de santé somatique.

L’ensemble des mesures relatives au respect des mesures barrière et de la distanciation physique s’applique également au sein des locaux des SMPR, UHSA, UHSI et chambres sécurisées notamment pour les visites aux patients.

Source : audition du directeur de l’administration pénitentiaire.

La fin de l’isolement en détention des cas symptomatiques et asymptomatiques n’est pas conditionnée à la réalisation d’un test. Si la personne est symptomatique, elle est soumise à un isolement pendant 10 jours à partir de la date de début des symptômes. En cas de fièvre persistante au bout de 10 jours, l’isolement est maintenu jusqu’à 48 heurs après la disparition de la fièvre. Si la personne est asymptomatique, elle est soumise à un isolement pendant 10 jours à partir de la date de début du prélèvement. En cas de survenue de symptômes évocateurs de la Covid-19, la période d’isolement devra être rallongée de 10 jours à partir de la date de leur apparition.

● La prise en charge des personnes « cas-contact »

Une évaluation des contacts à risque d’un cas confirmé (qu’il s’agisse d’une personne détenue, d’un personnel pénitentiaire, d’un professionnel de santé…) au sein de la structure est réalisée par l’USMP en lien avec l’administration pénitentiaire et l’ARS le plus rapidement possible. L’ARS, en lien avec l’agence Santé publique France, les plateformes de l’assurance maladie et l’USMP, intervient dans le contact tracing pour le milieu pénitentiaire. Elle peut si nécessaire déclencher des campagnes de dépistage ciblées.

Pour l’ensemble des personnes considérées comme contacts à risques, un test antigénique est réalisé dès la prise en charge du cas confirmé ou probable. Pour les personnels, les tests sont réalisés auprès de tout professionnel de santé ou dans un site de prélèvement sans prescription médicale. Pour les personnes détenues, ils sont réalisés dans les plus brefs délais par les professionnels de santé de l’USMP.

Pour les personnes ayant été en contact à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire avec une personne détenue présentant des symptômes évocateurs (famille lors d’une permission de sortir par exemple), une procédure de contact tracing doit être organisée au sein de l’établissement pénitentiaire.

*

*     *

Sur la durée de la crise, les retours d’expérience de terrain et les bonnes pratiques identifiées ont permis d’adapter, dans le contexte sanitaire, les instructions données aux services pénitentiaires. La grande réactivité de l’administration pénitentiaire, enrichie par cette approche pragmatique, a montré son efficacité dans la gestion de la crise sanitaire en détention.

 

 


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II.   Une gestion efficace de l’épidémie en milieu carcéral malgré certaines difficultés

Les mesures prises par l’administration pénitentiaire, en constante coopération avec les services du ministère des solidarités et de la santé, ont permis de limiter la propagation du virus dans les établissements. Le bilan de l’épidémie montre en effet que la catastrophe sanitaire annoncée en milieu pénitentiaire a été évitée, même si les mesures imposées ont conduit à des restrictions strictes rendant parfois difficile la vie en cellule. Cette gestion efficace et humaine a permis de prendre en charge les cas de Covid-19 parmi la population carcérale et ainsi, de protéger les personnes détenues et les personnels pénitentiaires. Si votre rapporteur pour avis veut ici à rendre hommage au travail et au dévouement des personnels pénitentiaires, il tient également à souligner que certains défis doivent aujourd’hui être rapidement relevés pour garantir la protection sanitaire des personnes détenues.

A.   Une réelle maîtrise de la propagation de l’épidémie grâce à des mesures strictes

1.   Le bilan de l’épidémie en milieu carcéral

Tout au long de l’épidémie, les consignes adressées aux établissements et aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sous la forme d’une quinzaine d’instructions écrites et via des instructions orales données aux directions interrégionales des services pénitentiaires, ont permis de prendre rapidement et efficacement des mesures de protection sanitaire.

Bilan de l’épidémie de covid-19 en milieu pénitentiaire

au 16 septembre 2021

 

Personnes détenues

Personnels pénitentiaires

Nombre de contaminations

4 727

5 916

Nombre de guérisons

4 355

5 631

Nombre de décès

5

5

Source : audition du directeur de l’administration pénitentiaire.

Au 16 septembre 2021, on dénombre :

– 279 cas positifs parmi les personnes détenues, dont 3 hospitalisations.

– 140 cas positifs parmi les personnels, dont 9 hospitalisations.

À ce stade, aucune des hospitalisations recensées (tant côté personnels que personnes détenues) concerne des personnes dont le pronostic vital est engagé.

En date du 26 août 2021, 1 224 personnes détenues étaient soumises à une mesure de confinement sanitaire (cas contact, cas symptomatiques et cas confirmés positifs à la Covid-19).

évolution du nombre de personnes détenues ayant été soumise à une mesure de confinement sanitaire

Évolution du nombre de personnes détenues ayant été soumises à une mesure de confinement au 1er janvier de chaque mois depuis le début de la crise sanitaire : personnes cas contact, personnes symptomatiques (dans l’attente d’un avis médical) et personnes testées positives à la Covid-19 (et non guéries).

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.

Sans revenir sur chacune des mesures prises, certains éléments ont sans doute joué un rôle clef dans la maîtrise de l’épidémie de Covid-19 au sein des établissements pénitentiaires.

D’une part, les possibilités d’isolement strict ont permis d’organiser la gestion des cas contacts et des cas confirmés, limitant ainsi efficacement les risques de contamination.

D’autre part, comme l’a souligné le directeur de l’administration pénitentiaire, depuis 1994 les services hospitaliers sont installés au cœur des détentions, ce qui a permis une mise en place efficace de la doctrine « repérer, tester, isoler ». Il estime que, notamment grâce à une observation constante de la détention, les réactions médicales ont été extrêmement rapides et qu’il y a eu une parfaite entente entre les praticiens hospitaliers et les responsables pénitentiaires.

En outre, comme cela été souligné ci-avant, les informations liées à l’épidémie font l’objet d’un recensement quotidien par les services déconcentrés et sont remontés chaque jour à la direction centrale, ainsi qu’au cabinet du garde des Sceaux. Elles sont par ailleurs transmises de façon hebdomadaire à la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Cette forte mobilisation a permis d’adapter les réactions de l’administration pénitentiaire au plus près des réalités vécues dans les détentions.

Le coût de la gestion sanitaire en détention

La crise sanitaire a entrainé une augmentation des dépenses et un surcoût pour l’administration pénitentiaire estimé à 17 millions d’euros. Toutefois cela a été compensé par une baisse des dépenses qui s’explique par la diminution de la population carcérale (baisse des dépenses de restauration, etc.).

S’agissant des chiffres (mai 2021) :

L’augmentation de la fréquence des prestations extérieures de nettoyage et d’entretien a entrainé un surcoût de 1 million d’euros pour les établissements pénitentiaires et 0,4 million d’euros pour les autres structures.

Le renforcement des exigences de nettoyage et désinfection a également conduit à des recrutements supplémentaires d’auxiliaires affectés aux nettoyages des locaux au titre du service général (emploi de personnes détenues pour le fonctionnement de l’établissement). Toutefois, compte tenu de la suspension de plusieurs autres emplois du service général lors de la première période de confinement (bibliothèques, entretien des espaces verts…), le surcoût reste limité à 0,3 million d’euros.

Par ailleurs, le montant des achats de dispositifs de protection sanitaires (gels hydro-alcoolique, plexiglas, gants, blouses…) s’est élevé à 4,1 millions d’euros, dont 1,6 million pour les établissements pénitentiaires et 2,5 millions pour les autres services déconcentrés de la direction de l’administration pénitentiaire.

Enfin, s’agissant de la fourniture de masques pour les personnels de l’administration pénitentiaire, la direction de l’administration pénitentiaire s’est procuré des masques lavables mis à disposition par le secrétariat général du ministère de la Justice et auprès de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP). Les masques ATIGIP seront payés en 2021 pour un montant de 0,2 million d’euros.

La DAP a également acheté des masques jetables pour les détenus auprès des ministères financiers (0,18 million d’euros) et de l’Union des groupements d’achats publics (1,5 million d’euros). L’administration pénitentiaire a en outre bénéficié d’une dotation de 10 millions de masques jetables de la part de Santé Publique France dont elle n’a assumé que les coûts de transport (0,1 million d’euros). Ces dépenses représentent au total 7,8 millions d’euros.

En outre, 10 millions ont été consacrés à des mesures d’aménagement visant à compenser les restrictions, notamment la fermeture des parloirs (gratuité du téléphone, gratuité de la télévision…).

Par ailleurs, 8,5 millions d’euros ont été consacrés à l’acquisition de 6 000 PC portables.

Source : audition du directeur de l’administration pénitentiaire.

2.   L’impact des mesures de contraintes sanitaires sur la vie en détention

Les mesures appliquées par l’administration pénitentiaire se sont révélées strictes, notamment en termes de suspension ou limitation des activités et de l’accès aux parloirs ou aux unités de vie familiale. Comme l’ont relevé le syndicat national pénitentiaire FO direction et le syndicat national des directeurs pénitentiaires CFDT, ces mesures ont été préjudiciables aux personnes détenues et ont rendu plus difficiles les conditions de détention.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté rappelle également que les restrictions ont été fortes – même si elle reconnaît leur efficacité. Elle considère en outre que le gel hydro-alcoolique, les mesures barrières et les masques de protection ont été gérés de manière très aléatoire au début de la pandémie et que l’application des gestes barrières pourrait aujourd’hui encore être améliorée.

Entre le 17 mars et le 26 mai 2020, 68 mouvements collectifs de protestation en lien avec les mesures sanitaires ont été recensés au sein des établissements pénitentiaires.

Ils ont nécessité 32 interventions des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) et 12 interventions des forces de sécurité intérieure. Dans la majorité des cas, il s’agissait de personnes détenues refusant de réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade (59 refus ou retard de réintégration). Dans un établissement, douze personnes ont refusé leur plateau-repas exprimant ainsi leurs craintes d’être contaminées par voie alimentaire.

Parmi ces 68 mouvements collectifs recensés, 51 ont eu lieu dans une maison d’arrêt ou un quartier maison d’arrêt, 16 dans un centre de détention ou un quartier centre de détention et un dans une maison centrale.

Pour ces faits, la collaboration des parquets concernés a abouti à des placements en garde à vue et de nombreuses poursuites, principalement sous forme de comparutions immédiates. Des condamnations d’emprisonnement fermes ont notamment été prononcées.

Dans sept cas, ces mouvements de protestation se sont transformés en mutinerie :

– maison d’arrêt de Grasse : 100 détenus sont sortis des cours pour accéder à des zones interdites d’où ils ont jeté des projectiles sur les forces de sécurité ; ont aussi eu lieu de nombreuses destructions de matériel et des départs de feux ;

– quartier centre de détention Sud-Francilien : 30 détenus ont commis de nombreuses destructions de matériel armés de manche à balai et d’armes artisanales ;

– centre de détention de Neuvic : de nombreux détenus se sont barricadés dans deux ailes de détention et on détruit du matériel ;

– centre de détention d’Uzerche : rébellion de 225 détenus qui a débouché sur des incendies au sein de deux bâtiments et de nombreuses dégradations ;

– centre de détention de Tarascon : 35 détenus se sont retranchés au sein d’une coursive et ont commis de nombreuses dégradations ;

– centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly : 131 détenus ont pris possession du quartier centre de détention et ont commis de nombreuses destructions de matériel ;

– centre de détention d’Écrouves : 42 détenus se sont retranchés dans une aile du bâtiment, provoquant de nombreuses destructions de matériel et l’incendie de la coursive ([26]).

Malgré des difficultés pour la vie en détention, en particulier en limitant les liens avec l’extérieur, et la survenance de quelques mouvements de protestation de la part des personnes détenues, il s’avère que l’application des mesures décidées par l’administration pénitentiaire a permis de contrôler la propagation de l’épidémie en milieu carcéral et ainsi de protéger non seulement les détenus et les personnels pénitentiaires, mais également leurs familles, leurs proches et les intervenants extérieurs.

Votre rapporteur pour avis salue également l’humanité de la gestion de la situation, tant par les personnels pénitentiaires, que par l’administration qui a par exemple permis la mise en place de mesures compensatoires pendant les périodes de fortes restrictions imposées aux personnes détenues (gratuité téléphone et télévision notamment).

B.   Une sécurité sanitaire à pérenniser

1.   Les difficultés liées à la surpopulation carcérale

Comme cela a été souligné dans le présent rapport, la réduction considérable de la pression carcérale durant la première période de la crise sanitaire a, sans aucun doute, été un élément décisif dans la maîtrise de l’épidémie au sein des établissements pénitentiaires.

Votre rapporteur pour avis regrette toutefois que cette dynamique n’ait pas été poursuivie, comme le montre les chiffres présentés ci-après qui illustrent la ré‑augmentation du nombre des personnes détenues et de la surpopulation carcérale.

Évolution journalière du nombre de personnes en détention, du nombre d’entrées et de sorties en 2019, 2020 et 2021

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.

Dès le dernier trimestre de l’année 2020, le nombre de personnes détenues est reparti à la hausse, conduisant aujourd’hui à ce qu’il se rapproche de la situation de surpopulation d’avant-crise.

La recrudescence de la population carcérale

 

1er janvier 2020

1er septembre 2020

1er janvier 2021

1er septembre 2021

Nombre de détenus

70 739

59 735

62 673

68 472

Part des prévenus

25,90 %

29 %

28,50 %

27,20 %

Taux d’occupation global

117 %

98,60 %

103 %

113,40 %

Taux d’occupation en maison d’arrêt

141 %

111,70 %

119 %

132,60 %

Nombre de détenus dans un établissement suroccupé à plus de 120%

42 853

16 926

21 664

36 737

Nombre de détenus dans un établissement suroccupé à plus de 150%

22 118

4 816

6 117

13 185

Nombre de détenus en surnombre, par rapport aux places opérationnelles disponibles

14 905

5 885

9 650

11 933

Nombre de matelas au sol

1 614

490

688

1 299

Taux d’encellulement individuel

40,90 %

54 %

48,60 %

43,70 %

Source : Ministère de la Justice, mesure de l’incarcération.

Comme l’ont souligné aussi bien les syndicats de direction pénitentiaire que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté au cours de leurs auditions respectives, la surpopulation est un frein majeur à la mise en œuvre des mesures sanitaires et au respect des gestes barrières. Générant la systématiquement la promiscuité et entrainant parfois d’importantes carences en termes d’hygiène et de salubrité, elle amplifie au contraire les risques de contamination et accroît la rapidité de diffusion du virus.

D’ailleurs, selon les données transmises par l’administration pénitentiaire, on constate que dans les établissements avec un taux d’occupation de moins de 80 %, la moyenne du taux de détenus contaminés par la Covid-19 est de 3,1 %, tandis que cette moyenne s’établit à 4,2 % pour les établissements dont le taux d’occupation se situe entre 80 et 130 % et grimpe à 7,5 % pour les établissements avec un taux d’occupation supérieur à 130 % ([27]). Bien sûr, ces moyennes dissimulent des situations très diverses : certains établissements à faible taux d’occupation ont connu d’importantes contaminations ([28]), tandis que d’autres fortement sur-occupés n’ont eu aucun détenu malade ([29]). Il est toutefois notable que les deux seuls cas où le taux de contamination dépasse, largement, les 40 % concernent des établissements sur-occupés à plus de 150 % ([30]).

Comme votre rapporteur pour avis a eu l’occasion de le rappeler à l’occasion du budget précédent, la surpopulation carcérale a, au-delà de la situation sanitaire, des conséquences dramatiques pour les personnes détenues comme pour les personnels pénitentiaires ([31]). Il considère que le programme immobilier est une partie de la réponse à ce problème chronique, mais qu’il convient également de développer les alternatives à l’incarcération. Il se réjouit par ailleurs de l’annonce faite par le directeur de l’administration pénitentiaire du lancement d’un plan d’occupation des places vides en centres de détention afin d’alléger la pression carcérale que connaissent de nombreuses maisons d’arrêt.

Bien sûr, ces évolutions prennent du temps et votre rapporteur pour avis appelle donc l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les établissements surpeuplés durant la crise sanitaire. Il considère qu’il convient de continuer d’adapter la gestion carcérale à la situation sanitaire afin de garantir la sécurité sanitaire de toutes les personnes détenues, qu’elles soient en maison d’arrêt, en centre de détention ou en maison centrale.

2.   La campagne vaccinale en milieu pénitentiaire

Une fiche « Établissements pénitentiaires : organisation de la campagne de vaccination contre la Covid-19 des personnes détenues en établissement pénitentiaires » a été diffusée le 29 janvier 2021. La campagne de vaccination a alors débuté en établissement pénitentiaire chez les personnes détenues en suivant les critères de priorisation retenus par le ministère des solidarités et de la santé : la stratégie, identique à celle de la population générale, par tranches d’âge, s’est adaptée en fonction de l’évolution des recommandations.

Cette fiche a ensuite été actualisée le 7 juin 2021, puis début juillet 2021. La doctrine diffusée le 5 juillet 2021 par le ministère des Solidarités et de la santé a prévu une stratégie pour le milieu pénitentiaire : d’une part, la systématisation de la proposition de vaccination pour tout nouvel arrivant par les professionnels de santé des USMP et, d’autre part, l’obligation de proposer la vaccination à l’ensemble des personnes détenues dès le 31 juillet 2021.

S’agissant de la vaccination des détenus mineurs, une instruction commune de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, de la direction des affaires civiles et des sceaux et de la direction de l’administration pénitentiaire a été diffusée le 12 août 2021 afin de prévoir les mesures spécifiques concernant la vaccination des mineurs de plus de 12 ans. Elle est actuellement en cours d’actualisation.

Les modalités de vaccination des personnes détenues sont globalement similaires à la population générale : le consentement ou le refus de vaccination est tracé dans le dossier médical et le certificat de vaccination est édité via la plateforme « vaccin Covid‑19 » et doit être remis au patient à chaque injection.

Certaines modalités de vaccination sont toutefois spécifiques aux personnes détenues :

– la vaccination est quasi exclusivement réalisée au sein des établissements pénitentiaires ; à titre principal au sein même de l’USMP lorsque les organisations matérielles et le volume de vaccination le permettent ; par défaut, afin de faciliter la campagne de vaccination, dans un ou d’autres locaux extérieurs à l’USMP permettant de concilier les enjeux sanitaires et pénitentiaires ;

– les USMP sont des centres de vaccination : un numéro « GID » est attribué à chaque USMP, chaque unité hospitalière sécurisée interrégionale et unité hospitalière spécialement aménagée, et doit être renseigné pour chaque vaccin réalisé afin de permettre l’identification du lieu de vaccination ;

– l’USMP rappelle au patient la nécessité, en cas de libération, de réaliser la seconde dose à la date recommandée après la première dose et d’apporter son certificat de vaccination. Elle peut l’orienter vers le centre de vaccination public le plus proche. Dès lors que l’USMP est informée d’une libération à venir, elle peut faciliter la prise de rendez-vous pour la seconde injection dans une structure adaptée.

Au 7 septembre 2021, d’après les données transmises par le ministère des Solidarités et de la santé, on recensait pour les personnes détenues un total de 56 416 injections réparties entre :

– 33 312 premières injections ;

– 22 965 deuxièmes injections ;

– 139 troisièmes injections.

Selon les informations transmises par le directeur de l’administration pénitentiaire, au 16 septembre 2021, 49,95 % des personnes détenues sont vaccinées.

L’accélération de la vaccination des personnes détenues est un objectif partagé par le directeur de l’administration pénitentiaire et le directeur général de la santé. Cela nécessite donc de maintenir une forte coordination entre les ARS, les USMP et les services pénitentiaires.

Votre rapporteur pour avis considère que la vaccination est, en effet, un facteur important pour limiter la propagation de l’épidémie et permettre de lever les contraintes imposées à la population carcérale.

 


—  1  —

 

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa seconde réunion du mercredi 14 octobre 2021, la Commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » : « Justice et accès au droit » (Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis), et « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » (M. Bruno Questel, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : http://assnat.fr/pZfBUn

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’audition des membres du Gouvernement sur les missions budgétaires qui les concernent. Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Justice ».

Monsieur le garde des sceaux, merci pour votre petit cadeau d’ouverture : j’avais rappelé l’année dernière qu’un certain nombre de décrets d’application étaient en retard dans votre ministère, et vous me remettez un état complet de ceux qui sont publiés ou en voie de l’être. La commission des lois y est très attentive. Merci de jouer le jeu, car il est important que les lois que nous votons trouvent pleinement à s’appliquer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Je suis très heureux et fier de vous présenter les crédits de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Et c’est sincère : l’ancien avocat que je suis, qui a vu des années durant l’institution judiciaire sombrer dans la paupérisation, sait que ce projet de budget est une réponse forte aux attentes de la communauté judiciaire et des Français.

Après une augmentation de 8 % en 2021, le ministère bénéficiera à nouveau de 8 % de hausse en 2022. C’est un doublé historique. Ce sont ainsi 660 millions d’euros supplémentaires qui viendront abonder en 2022 le service public de la justice.

Grâce à l’appui du Premier ministre et à l’écoute attentive du ministre délégué chargé des comptes publics, les crédits de la justice auront augmenté de 1,3 milliard en deux ans. Sur la législature, la hausse dépasse les 30 %. C’est un effort en crédits mais également en emplois : le taux de vacance des magistrats, qui était de 6 % en 2017, tombera en dessous de 1 % en 2022, un taux résiduel, et nous sommes passés de 9 332 greffiers début 2018 à 10 172 au 1er octobre 2021. C’est un effort sans précédent.

L’année dernière, j’indiquais qu’il s’agissait de la plus forte progression depuis au moins un quart de siècle. Certains ici me l’avaient même reproché, utilisant des termes comme « éphémère » ou « insuffisant ». Vous avez désormais la preuve que la volonté du Gouvernement est sans faille. Nous avons tout fait pour donner à l’institution les moyens, non seulement de sortir du dénuement, mais, plus encore, d’envisager résolument la justice du XXIe siècle. Je peux vous le dire sans baisser les yeux, la justice a désormais les moyens de travailler.

La justice s’incarnant d’abord à travers des hommes et des femmes, 7 400 emplois ont été créés en cinq ans, ce qui porte le nombre total de personnels du ministère à plus de 90 000. C’est du jamais-vu. Ces douze derniers mois, la Chancellerie a procédé à une campagne inégalée, en recrutant 3 450 personnes. En 2022, 720 personnels supplémentaires arriveront dans les centres pénitentiaires, les juridictions et les structures de la protection judiciaire de la jeunesse.

Près de 9 milliards d’euros sont budgétés pour la justice en 2022, soit un demi-milliard de plus que prévu par la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019. Ce budget permet donc de financer non seulement les mesures déjà prévues, mais également les nouvelles priorités, parmi lesquelles la justice de proximité ou encore les mesures présentées dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

En 2022, nous conforterons et nous amplifierons d’abord les projets lancés en 2021. Nous allons pérenniser et consolider la justice de proximité, à laquelle 252 millions seront consacrés, soit 50 millions de plus qu’en 2021. Pour une justice plus proche du justiciable et plus réactive, nous avons procédé au recrutement permettant de pourvoir 2 100 emplois publics nets en douze mois seulement. Six cents juristes assistants et assistants spécialisés supplémentaires viendront ainsi, avec plus de 1 000 délégués du procureur, former une équipe autour du magistrat ; c’était un souhait que nous nous donnons les moyens de réaliser. Près de 1 200 renforts sont arrivés dans les juridictions pour soulager les greffiers, maillons absolument essentiels de la chaîne judiciaire. Des centaines de magistrats honoraires et de magistrats à titre temporaire peuvent désormais faire jusqu’à trois cents vacations par an. Leur concours est fondamental.

La justice de proximité, c’est aussi des moyens de fonctionnement, des frais de justice pour mener des enquêtes ou ordonner des expertises. Ces crédits budgétaires sont en hausse de 158 millions d’euros en deux ans, soit plus 32 %. Pour revaloriser les délégués du procureur et doubler les moyens alloués aux vacations, l’effort de 28 millions consenti en 2021 sera reconduit. Nous venons de revaloriser la tarification des expertises psychiatriques et psychologiques et nous prenons en charge les cotisations sociales, ce qui représente un effort budgétaire d’environ 20 millions. Nous sommes en train de renforcer les structures médico-judiciaires, en mettant 20 millions sur la table, et nous allons procéder très prochainement à la revalorisation des enquêtes sociales rapides, soit près de 10 millions d’euros d’investissement pour une justice plus rapide et de meilleure qualité.

Nous menons ces chantiers en coopération avec chacune des professions qui concourent à l’œuvre de justice. Je les remercie pour leur esprit constructif. Cet effort budgétaire est aussi un hommage rendu à leur action essentielle.

La justice de proximité passe également par l’accès au droit et l’aide juridictionnelle. En deux ans, 150 millions de crédits supplémentaires auront ainsi été déployés en la matière, dont 95 millions pour la seule année 2022.

Les crédits consacrés à l’aide juridictionnelle augmentent de 15 %. J’avais annoncé il y a un an une hausse qui était une première marche, je vous annonce aujourd’hui la deuxième – et non la seconde, car je compte bien qu’il y en ait d’autres à l’avenir –  toujours avec le concours de la profession d’avocat, avec qui nous devons continuer de dialoguer et de réformer.

Nous l’avions dit, nous le faisons. C’était un engagement, nous le tenons.

L’accès au droit passe par l’aide aux victimes. Nous ne les oublions pas, avec 8 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une hausse de 25 % en un an. Un minimum de 3 000 téléphones grave danger (TGD) seront notamment déployés en 2022.

L’accès au droit, c’est encore les 2 000 points-justice répartis sur tout le territoire, les audiences foraines qui se multiplient, les 10 000 réponses pénales hors les murs chaque mois et le recours à la médiation qui se développe. C’est là cette justice humaine à laquelle je suis particulièrement attaché.

L’année 2022 sera une année de nouvelles impulsions et de nouvelles ambitions.

Nouvelles impulsions tout d’abord avec l’accélération du programme de construction de 15 000 places de prison voulu par le Président de la République, qui portera à 75 000 le nombre total de places disponibles en 2027.

La mise en chantier des 7 000 premières places est lancée. En 2022, elles seront livrées ou à un stade très avancé de construction. Quatorze opérations sont en chantier dans toute la France, à Caen, au Mans ou en Avignon. Le deuxième volet, de 8 000 places, est lui aussi résolument engagé : seize opérations pénitentiaires sont désormais identifiées, sur des sites précis, et les concertations locales et les études sont lancées. En 2022, plus de 400 millions seront budgétés pour la réalisation du programme « 15 000 » et 636 millions iront à l’immobilier pénitentiaire, soit une hausse de 62 % en deux ans.

Nouvelles ambitions ensuite, avec 100 millions d’euros consacrés à un grand plan d’investissement pénitentiaire pour la sécurisation des établissements, la numérisation de leur fonctionnement et les conditions de détention. Cela représente 45 millions pour la sécurisation « 360 » des établissements, 20 millions pour le déploiement du système d’alerte géolocalisé SAGEO, et 35 millions pour simplifier le suivi de la détention, favoriser la réinsertion des détenus et développer le travail en détention. Nous financerons ainsi le statut du détenu travailleur, pour attirer à nouveau les entreprises dans les prisons.

Nouvelles impulsions encore pour la transformation numérique du ministère, avec 205 millions d’euros d’investissements informatiques, soit 69 millions de plus en deux ans. Ils permettront de faire aboutir le chantier majeur de la procédure pénale numérique (PPN), qui fera entrer la justice dans le XXIe siècle – les services de la PPN seront disponibles dans toutes les juridictions de France d’ici à décembre 2023, et cinquante-deux le seront dès le début de l’année prochaine – et d’autres projets essentiels comme la télé-audience, qui se verra affecter 8 millions pour des investissements, ou encore la plate-forme TIG 360° pour les travaux d’intérêt général.

Le budget pour 2022 n’oublie pas non plus les agents du ministère : 65 millions d’euros sont fléchés pour reconnaître leur engagement et améliorer leur protection sociale.

Enfin, la justice se montre également dans la pierre de ses tribunaux : 239 millions d’euros sont prévus pour la programmation immobilière judiciaire. Il faut rénover les palais de justice les plus vétustes, comme cela a été fait à Aix-en-Provence et à Mont-de-Marsan, et comme cela le sera prochainement à Perpignan ou à Bobigny.

Voici en quelques mots la présentation du budget que je soumets à votre commission. Je suis naturellement à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis (Justice et Accès au droit). Cette année encore, nous pouvons nous réjouir que le budget de la justice connaisse une augmentation de 8 %. Pour les quatre programmes dont j’ai la charge, je constate une progression de 6,7 % en crédits de paiement et de 7,9 % en autorisations d’engagement.

Les créations nettes d’emplois sont un signe fort des moyens accordés à notre justice. En 2022, 50 magistrats et 47 fonctionnaires de greffe supplémentaires seront recrutés. Cet effort budgétaire est révélateur de l’attention portée à l’amélioration du fonctionnement de la justice.

Je souhaite revenir sur trois chantiers importants du quinquennat. Le premier est celui de la transformation numérique de la justice. En 2020, j’avais fait état d’une accélération, mais aussi d’importantes réserves. Depuis, les efforts se sont poursuivis et ont porté leurs fruits.

L’équipement informatique des juridictions a connu un véritable bond en avant. Le nombre d’ordinateurs portables distribués est passé de 7 500 en 2017 à plus de 47 000 aujourd’hui, ce qui permet à 85 % des agents dont les fonctions le permettent de télétravailler. Le nombre d’équipements de vidéo-conférence est passé de 1 380 à 2 750, et le nombre d’accès VPN simultanés de 2 500 à 30 000. Le déploiement des réseaux s’est également poursuivi, qu’il s’agisse de la fibre ou du wifi. J’appelle toutefois votre attention sur la nécessité de garantir un équilibre territorial : les données que je viens d’évoquer sont nationales et ne permettent pas de savoir combien de tribunaux sont réellement suffisamment équipés.

Je souligne également l’amélioration des méthodes de gouvernance et d’accompagnement du changement. Vous êtes vous-même intervenu, monsieur le garde des sceaux, pour identifier douze projets prioritaires en matière numérique.

S’agissant de la transition numérique de la justice pénale, l’impression positive de l’année dernière se confirme. L’applicatif PLEX monte en puissance et la procédure pénale numérique est en cours de déploiement. Ses bénéfices en termes de gain de temps, de simplicité et d’efficacité pour les différents agents de la chaîne pénale sont avérés.

En revanche, monsieur le ministre, je vous demande solennellement d’investir de plus grands efforts dans l’établissement de la plainte en ligne. Le Président de la République l’a évoqué lors de la clôture du Beauvau de la sécurité. Ce dispositif, voté en 2019, requiert une collaboration plus efficace entre le ministère de la justice et celui de l’intérieur.

S’agissant du projet PORTALIS, emblématique de la transformation numérique de la justice civile, ayant émis les plus grandes réserves l’an passé, j’ai été la première étonnée de constater les progrès qui ont été accomplis, sur le fondement d’une restructuration qui a redéfini ses objectifs. L’applicatif PORTALIS, dont j’ai pu voir une démonstration, permettra au justiciable de consulter en ligne l’état d’avancement de la procédure et de recevoir des documents des juridictions par voie dématérialisée. Il fait l’objet d’une expérimentation dans les juridictions prud’homales de Bordeaux et Dijon. Mais pour être franche, je me demande s’il ne devrait pas demeurer limité aux procédures sans représentation obligatoire, puisque le principe de base est que le justiciable ait la main.

Enfin, je constate avec satisfaction que la dématérialisation des demandes d’aide juridictionnelle est en passe d’aboutir et que le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) sera bientôt déployé. Mais j’insiste, monsieur le garde des sceaux, sur l’importance qu’il y a à associer les utilisateurs avocats à la conception de cet outil pour qu’il réponde bien à leurs attentes et à leurs besoins.

Deuxième chantier, celui de cette justice de proximité qui vous est chère. D’importants moyens budgétaires ont été mobilisés en la matière afin de soutenir un plan de recrutement exceptionnel de contractuels – 914 en matière pénale et 1 000 en matière civile. Je salue cet effort considérable. Toutefois, sur les 1 000 contrats conclus au civil, 500 sont prévus pour un an. Cette durée est trop courte, ne serait-ce qu’en raison du temps de formation nécessaire. Il me semble primordial de clarifier dès aujourd’hui les éventuelles perspectives de pérennisation de ces contrats, afin de donner de la visibilité aux juridictions. Enfin, il me semble qu’il faudrait réaliser une cartographie des équipes qui sont autour du juge afin de clarifier le rôle de chacun, de concevoir les besoins de formation et de favoriser la mobilité.

Troisième chantier, celui de la réforme de l’aide juridictionnelle. Sans revenir sur son contenu détaillé, je constate que plus de 100 millions d’euros ont été mobilisés en deux ans pour revaloriser l’aide juridictionnelle. Après l’adoption de ce projet de loi de finances, l’unité de valeur qui sert au calcul des rétributions des avocats sera de 36 euros. Cet effort budgétaire de 100 millions est conforme à ce qu’avait préconisé la commission présidée par Dominique Perben en la matière.

Voilà les grandes lignes du bilan que je dresse, monsieur le ministre, de ces grands chantiers de la justice. Je l’ai agrémenté de quelques pistes d’amélioration qui, je l’espère, vous seront utiles pour parfaire les réformes en cours.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis (Administration pénitentiaire et Protection judiciaire de la jeunesse). Après la présentation très détaillée de M. le garde des sceaux, je ne reviendrai pas en détail sur l’évolution des moyens consacrés aux programmes 107 « Administration pénitentiaire » et 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ». J’aborderai plutôt quelques sujets qui me semblent prioritaires.

Tout d’abord, je voudrais insister sur l’importance des efforts budgétaires qui sont réalisés, pour la cinquième année consécutive, en faveur des administrations concernées.

La politique pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse sont deux sujets sensibles, qui portent en eux des défis à relever et qui sont essentiels pour l’avenir de notre société. Depuis 2017, et de manière accentuée depuis votre arrivée l’an dernier, notre majorité a pris ses responsabilités en la matière. Les crédits qui y sont consacrés sont en constante augmentation depuis le début de la législature.

Par ailleurs, et c’est la thématique que j’ai choisi de développer cette année, ces deux administrations ont été affectées depuis le printemps 2020 par la crise sanitaire. Gérer un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé n’est pas chose facile, et les mutations de notre société ajoutent parfois aux difficultés. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour rendre un hommage appuyé aux hommes et aux femmes qui travaillent dans ces administrations, et notamment dans les services pénitentiaires. En examinant ce nouveau budget, nous devons garder en tête les difficultés auxquels ils doivent faire face et la très grande capacité d’adaptation dont ils ont su faire preuve pour gérer la crise sanitaire dans le cadre de la détention.

Les mesures qui ont été prises pour limiter la propagation du virus ont certes été difficiles pour les personnes détenues, mais ont porté leurs fruits. Force est de constater, un an et demi après le début de la crise, que la catastrophe sanitaire qu’on nous annonçait dans les prisons n’a pas eu lieu. Ayant fait le point sur les mesures prises dans nos prisons depuis le mois de mars 2020, je ne peux que constater la grande efficacité dont l’administration pénitentiaire a fait preuve. La crise n’est toutefois pas terminée et des défis restent à relever, en particulier en matière de vaccination.

On s’en souvient, le début de l’épidémie a été marqué par une réduction de la population carcérale. Le taux global d’occupation des établissements pénitentiaires, qui était de 117 % au 1er janvier 2020, était passé à 98 % au 1er septembre de la même année. Un an plus tard, il est remonté à 113 %. Cela s’explique en grande partie par la reprise de l’activité des tribunaux, mais peut-être pourrions-nous collectivement réfléchir au moyen d’utiliser cette expérience pour réduire de façon structurelle la surpopulation carcérale.

Bien sûr, le programme immobilier permettra aussi de répondre à cette situation de surpopulation. Je salue les crédits qui y sont consacrés dans le projet de budget et la bonne avancée de ce programme, malgré les ralentissements induits par la crise sanitaire et parfois par le double discours de certains de nos collègues, qui réclament des places de prison à Paris mais font tout ce qu’ils peuvent sur le terrain pour freiner l’arrivée des services pénitentiaires.

Pour éviter tout faux discours, je rappelle les chiffres : 1 926 nouvelles places déjà mises en service, 123 places ouvertes d’ici à la fin 2021, 2 541 en cours de finalisation et 2 500 qui seront lancées en 2022. En résumé, à la fin de l’année prochaine, 7 090 places auront été ouvertes ou seront en cours de construction. Nous avançons, et il est certain que ces constructions nous permettront d’améliorer l’encellulement individuel.

Toutefois, il me semble que nous devons aussi explorer d’autres voies pour lutter contre la surpopulation carcérale, qui a des conséquences importantes : dégradation des conditions matérielles de détention, réduction des activités et des soins proposés aux détenus, augmentation des tensions et donc des risques de violences. Sans compter que, dans le contexte sanitaire actuel, la promiscuité limite considérablement l’efficacité de toute mesure de lutte contre la diffusion du virus.

Monsieur le garde des sceaux, notre commission a été particulièrement attentive à cette problématique de la surpopulation carcérale tout au long de la législature, et plus récemment à la question de la gestion de la crise sanitaire par votre administration. Pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement compte, à court terme, assurer un taux d’occupation des établissements pénitentiaires qui nous permette de garantir à chacune des personnes concernées des conditions de détention dignes ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je commence par rassurer Mme la rapporteure pour avis s’agissant des plaintes en ligne. C’est le ministère de l’intérieur qui pilote le projet, qui doit aboutir fin 2023. Nous veillerons à renforcer notre coopération afin de tenir ces délais. Je pense que nous serons au rendez-vous de nos promesses et de nos obligations.

La transformation numérique du ministère engagée par la loi de programmation atteindra sa pleine puissance en 2022. Le plan de transformation numérique vise à construire le service public numérique de la justice. Il s’articule autour de trois grands axes : l’adaptation du socle technique des outils de travail, le développement des applicatifs au service de la communication électronique et de la dématérialisation, et l’indispensable soutien aux utilisateurs.

Le budget pour 2022 amplifie la dynamique qui a déjà été engagée, non seulement pour l’investissement mais aussi pour la bonne maintenance des nouveaux applicatifs, avec une hausse de 80 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2021. Les crédits se montent à 205 millions pour l’investissement informatique, soit plus 69 millions sur un an, et 107 millions pour la maintenance, soit plus 21 millions en un an. Par ailleurs, 53 millions de cofinancements de la part du ministère de la transformation et de la fonction publiques, notamment dans le cadre du plan de relance, viennent sur deux ans compléter cet effort budgétaire sans précédent.

C’est indispensable pour passer à la justice du XXIe siècle. Je pense en particulier à la procédure pénale numérique, que j’ai vue fonctionner à Troyes : c’est un outil absolument fantastique. Pour les forces de sécurité intérieure, pour les greffiers, pour les magistrats, pour les avocats, c’est vraiment une façon révolutionnaire de travailler.

Nous avons présenté l’évolution de nos projets et nous continuerons à le faire pour la parfaite information de la représentation nationale. S’agissant plus précisément des bornes wifi, nous en aurons 2 750 en janvier prochain et toutes les juridictions seront couvertes au plus tard en 2023.

C’est cela, voyez-vous, la justice de proximité. La presse quotidienne régionale en est pleine : les personnels qui arrivent dans les juridictions, les tribunaux qui rouvrent, les délégués du procureur qui se servent des alternatives aux poursuites pour sanctionner rapidement les petits délinquants… Tous les jours, la justice de proximité parle aux Français, directement.

On l’a dit, 2 100 emplois publics ont été pourvus en douze mois seulement pour la justice de proximité. La question de la pérennisation de ces contrats se pose bien sûr, mais comme ces personnels se sont vite rendus indispensables dans les juridictions, il sera difficile de faire autrement. Les contrats principaux sont de trois ans renouvelables trois ans, soit six ans, avec naturellement la possibilité d’entrer ensuite dans la grande maison de la justice par la voie du concours.

La grande difficulté, c’est qu’il faut trente et un mois pour former un magistrat, et dix-huit pour un greffier. L’École nationale des greffes est pleine à craquer, le taux de vacance des magistrats est pratiquement nul et nous avions besoin de « sucres rapides » : ils sont là, et particulièrement appréciés par toutes les juridictions. J’entends aujourd’hui des magistrats de terrain me dire qu’ils leur ont permis de réaliser un projet qui traînait depuis quinze ans. Voilà, dans les territoires, ce qu’est la justice de proximité.

Dans ces effectifs, 1 100 ont été embauchés au titre de 2020 pour la justice pénale. Cela permet d’instituer des référents dédiés aux élus, par exemple, ou aux violences interfamiliales. Mais nous n’avons pas souhaité être trop directifs et laissons aux juridictions le soin d’adapter le rôle de ce personnel nouveau en fonction des nécessités du terrain et de leur propre vision des choses. En étant trop directifs, nous passerions à côté du but que nous nous sommes fixé.

Les 1 000 autres ont été embauchés en matière civile. Lorsque les juges du siège, sur lesquels le garde des sceaux n’a strictement aucune influence, et c’est très bien, ont vu ce personnel supplémentaire rejoindre les procureurs, ils en ont demandé aussi. Nous avons accepté, puisqu’ils en ont besoin, et nous avons signé avec eux des contrats d’objectifs : d’accord pour le personnel, mais nous voulons dès à présent des résultats. Ces résultats ne sont pas consolidés, puisqu’il faut au moins un an pour cela et que les renforts datent d’avril, mais nous avons déjà un certain nombre de chiffres, à Lyon, à Nanterre et dans d’autres juridictions, que je pourrai vous communiquer.

La traduction concrète est très claire : ce sont des dossiers que l’on peut déstocker, que l’on traite en plus de ce qui était possible auparavant – et autant de justiciables qui auront leur jugement plus vite que les délais hélas traditionnels. Or je rappelle que le grief majeur que les Français expriment, de façon constante, à l’encontre de l’institution judiciaire est celui de la lenteur.

Par métier, ces 2 100 emplois se répartissent en 1 914 postes pour les services judiciaires, 86 pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse – les éducateurs – et 100 pour les services d’insertion pénitentiaire. En termes de masse salariale, cela représente 65 millions d’euros : 40 pour la justice pénale de proximité et 25 pour la justice civile de proximité.

Après les 200 millions d’euros qui ont été obtenus dans la loi de finances initiale de 2021, le projet de loi de finances pour 2022 pérennise et renforce les moyens dédiés à la justice de proximité, portés à 250 millions : 65 millions de masse salariale donc, 125 millions pour l’augmentation des frais de justice, 30 millions supplémentaires pour renforcer les moyens d’enquête et d’investigation, 20 millions pour le milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse, 10 millions pour le fonctionnement courant correspondant aux créations d’emplois et au développement des bracelets électroniques et anti-rapprochement.

Monsieur Questel, je me joins à votre hommage : l’administration pénitentiaire a vraiment assuré. D’abord, la pandémie ne s’est pas répandue. Il n’y a pas eu de mutineries chez nous, contrairement à d’autres pays, comme l’Italie ou le Brésil, où elles se sont terminées dans le sang. Les parloirs n’ont pas été fermés – ils ont tout assumé. Vraiment, je leur rends un hommage appuyé. Il est déjà difficile de faire ce métier en des temps ordinaires, mais en période de pandémie, c’est véritablement héroïque, à plus d’un titre.

La priorité, pour les personnels pénitentiaires, est la sécurité. J’avais déjà rehaussé de 10 %, à 70 millions d’euros, les crédits qui y étaient dédiés en 2021. Cette année, je vous présente un plan d’investissement pénitentiaire de 100 millions, largement axé sur la sécurisation des établissements et bien sûr des agents. Je pense là aux deux surveillants qui ont été pris en otage ces jours derniers à Condé-sur-Sarthe et qui sont sous le choc. L’un d’eux, un jeune homme d’une vingtaine d’années qui s’est retrouvé avec un poinçon sous la gorge, a vraiment cru qu’il allait y laisser sa peau.

Sont prévus 45 millions pour la sécurisation des établissements, 30 millions pour les parkings, car les dégradations de véhicules du personnel pénitentiaire sont fréquentes, 11 millions pour le système de brouillage des communications 5G, 4 millions pour la lutte anti-drones. 20 millions pour la sécurisation des agents à travers le déploiement du système d’alerte géolocalisé, et 35 millions pour simplifier le suivi de la détention, dont 21 millions pour le déploiement de terminaux numériques dans 20 000 cellules dès 2022.

S’agissant des conditions de détention dignes, on constate une augmentation du nombre des détenus dans notre pays. La période du covid a été marquée par une baisse conjoncturelle, car il fallait éviter des risques de propagation de la pandémie. Ma prédécesseure a pris des mesures parcimonieuses, autorisant la sortie de 6 000 détenus qui étaient libérables à très court terme, à l’exclusion de ceux qui étaient condamnés pour certains faits, comme des violences faites aux femmes. On a parlé de 13 000 détenus libérés, mais c’est faux : le reste étaient des gens qui ne sont pas entrés en prison. Cette décision était indispensable. Il ne s’agissait que de quelques mois, pour des gens qui devaient de toute façon sortir avant la fin du confinement.

Maintenant, mécaniquement, le nombre de détenus augmente. Vous avez voté en mars un texte proposé par le Sénat et que j’ai défendu, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Ce texte nous était imposé par la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Face à la situation, il était indispensable que nous réagissions. Maintenant que la loi est votée, la réponse passe par la construction de places de prison. Nous reviendrons certainement sur le sujet avec les questions des députés.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Je me réjouis que le budget de la justice ait augmenté de 8 % pendant deux années consécutives. C’est inédit et cela permet d’augmenter les effectifs, notamment de juristes assistants et de greffiers, afin d’apurer les dossiers stockés et en cours.

Je salue aussi la revalorisation de l’aide juridictionnelle, qui permet de répondre aux souhaits des avocats, mais aussi des personnes assurant les expertises, lesquelles sont de plus en plus nombreuses et complexes. Autre avancée : les aides aux victimes comme le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement.

Je tiens à saluer l’ensemble du personnel pénitentiaire et le travail qu’il a effectué pendant l’épidémie tant il a été mis à rude épreuve.

En 2018, Mme Belloubet a annoncé le lancement d’un plan « prison » ambitieux et global afin de répondre à ce problème récurrent qu’est la surpopulation carcérale et d’améliorer le parcours de rétention. Je rappelle que la France a été condamnée dix-neuf fois par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions indignes de détention qui y ont cours. En avril 2021, le Premier ministre s’est engagé à créer 15 000 places supplémentaires.

L’exécution de ce plan a été contrariée, non seulement par la crise sanitaire, mais aussi par la résistance de certains élus et citoyens qui soutiennent la création de nouvelles places de prison mais ne souhaitent pas l’installation de centres pénitentiaires sur leur territoire. Chez moi, à Angers, le transfert de la maison d’arrêt, construite en 1856, est demandé depuis au moins quinze ans, mais il a été sans cesse ajourné ou reporté. Fort heureusement, la persévérance et la coordination de tous les élus – maires, préfet, parlementaires – a permis d’avancer. Il n’est désormais plus question d’un transfert mais de la construction de places supplémentaires, qui passeront de 250 à 850, car à la maison d’arrêt s’ajoutera, en 2027, un centre pénitentiaire. La convention a été signée le 7 septembre avec le ministre.

Pouvez-vous nous présenter la nouvelle déclinaison du plan « prison » entre 2022 et 2027 ?

En 2018, le Gouvernement a annoncé la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) d’ici à la fin du quinquennat, afin de renforcer l’offre alternative à l’incarcération, dans un contexte où le nombre de mineurs en détention augmente sensiblement. Les CEF offrent un programme soutenu pour préparer la réorientation des jeunes vers les dispositifs de droit commun. Le PLF 2022 prévoit un financement pour cinq CEF ainsi qu’une aide à l’investissement pour le lancement de cinq nouveaux CEF du secteur associatif habilité. Pouvez-vous faire un état des lieux de l’avancée de ces installations ?

Enfin, il importe de réfléchir aux conditions de sortie des détenus afin de tirer profit de l’expérience de l’épidémie : est-il possible, et selon quels critères, de procéder à des libérations anticipées afin de diminuer la surpopulation carcérale, qui n’a fait que s’accroître ?

M. Yves Hemedinger. Cette mission compte parmi les plus importantes de notre budget, car elle est régalienne : il y a urgence à faire vraiment bouger les lignes, « quoi qu’il en coûte ». Les Français ne cessent de nous dire que la sécurité est l’une de leurs principales préoccupations et nous savons tous ici qu’il est impossible de la séparer de la justice.

Or l’insuffisance criante des moyens de la justice paralyse toutes les politiques globales en la matière alors qu’elles devraient permettre aux Français de vivre sereinement, en sécurité, ce qui est la moindre des choses. Nos compatriotes sont exaspérés par l’impunité galopante et le premier principe de la justice est oublié : toute personne qui commet un crime ou un délit doit être sanctionnée. Nombre de nos concitoyens n’ont donc plus confiance en notre justice.

Les défis sont immenses pour faire preuve d’efficacité et redonner confiance aux Français : condamner plus vite, faire exécuter toutes les peines, construire les places de prison manquantes, rénover les plus indignes d’entre elles, lutter sérieusement contre la radicalisation en milieu carcéral, prendre en compte tout aussi sérieusement les problèmes psychiatriques de nombreux détenus, investir davantage dans la réinsertion pour limiter les récidives, développer les peines alternatives quand cela est possible, multiplier les peines de travaux d’intérêt général, augmenter les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, donner leur juste place aux victimes. Telles sont les priorités.

Je veux bien croire le ministre, ces objectifs sont les siens mais, hélas ! surtout en paroles. Je crains que, malgré une augmentation de 8 % pour la deuxième année consécutive, nous ne soyons très loin des attentes et des besoins.

Nous estimons que votre programme « 15 000 places » pour 2027 ou 2030 est beaucoup trop lent et, surtout, non conforme aux engagements que le Président de la République a pris en 2017 visant à créer 15 000 places pendant le quinquennat. J’ajoute qu’une partie de ces nouvelles places compenseront en fait la fermeture de centres pénitentiaires, comme c’est le cas à Colmar, dans ma circonscription. À cela s’ajoute que la surpopulation carcérale augmente de nouveau de façon alarmante.

Nous avons besoin de 20 000 places supplémentaires. Nous considérons que toutes les peines doivent être exécutées, y compris les courtes, qui doivent être rétablies, même celles qui sont inférieures à un mois : une peine courte favorise en effet une prise de conscience pouvant empêcher un basculement vers une forme de délinquance plus grave mais, aussi, la récidive. Dans ce cas-là, nul besoin de prisons hyper-sécurisées. La France n’est-elle pas capable, en un ou deux ans, de reconvertir des sites désaffectés en centres de détention pour les délinquants les moins dangereux ? Il faut sortir des sentiers battus, repenser les formes de prison et les spécialiser en fonction des types de détenus.

La mission prévoit la création de seize structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) et la transformation de sept quartiers en SAS mais cela ne suffit pas. Je pense à nos compatriotes les plus modestes, souvent contraints de vivre dans des quartiers gangrénés par le trafic de drogue.

Je salue toutefois le plan pénitentiaire pour lutter contre les violences en détention, faire face à la radicalisation violente et sécuriser établissements et agents, qui en ont bien besoin. Le renforcement de l’accompagnement des juridictions par une adaptation aux nouvelles technologies et l’effort pour l’aide juridictionnelle vont également dans la bonne direction.

Compte tenu des besoins consécutifs à la réforme de la justice pénale des mineurs, nous comptons en revanche toujours trop peu de magistrats, qui seront recrutés sur des postes précaires, et de professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. La justice civile et son stock de dossiers reste, quant à elle, la grande oubliée de ce quinquennat.

Enfin, l’annonce de créations de postes dans l’administration pénitentiaire doit être saluée, mais vous omettez de préciser que 1 700 places sont non pourvues.

À ce stade, votre budget est insuffisant ; il manque d’imagination et d’expérimentations. Le « pas assez » n’est pas éphémère, hélas ! en dépit d’annonces médiatiques. Notre pays se trouve dans une urgence absolue et notre justice est loin d’être prise en compte. C’est bien dommage eu égard aux enjeux des prochains mois.

M. Erwan Balanant. Ce budget est historique, comme en atteste l’augmentation significative des moyens financiers et humains promise par le Gouvernement dès le début de la législature. Il se caractérise par une nouvelle hausse de 8 % après celle déjà octroyée en 2021, pour atteindre désormais 8,9 milliards d’euros. Sur l’ensemble du quinquennat, les moyens alloués à la justice ont augmenté de 33 %, soit bien plus que les 24 % prévus dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, ce dont notre groupe se félicite.

Cette hausse exceptionnelle se répercute sur plusieurs domaines stratégiques et permettra de répondre aux objectifs de simplification, d’accessibilité et d’indépendance de la justice que nous nous sommes fixés dans cette même loi du 23 mars 2019.

Nous saluons en particulier la création de 7 400 emplois sur cinq ans, notamment, l’arrivée de 720 personnels en 2022 dans les centres pénitentiaires, les juridictions et les structures de la protection judiciaire de la jeunesse. Cette augmentation des moyens humains se situe au cœur de l’ambition du Gouvernement.

Les tragiques événements survenus à la maison centrale de Condé-sur-Sarthe illustrent la dangerosité du métier de surveillant pénitentiaire. Nous constatons avec satisfaction que vous envisagez de consacrer 22 millions de l’enveloppe catégorielle à la revalorisation de leur rémunération. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre en leur faveur ? Comment amélioreront-elles l’attractivité de ce métier si difficile ? Au-delà, comment peut-on mieux valoriser ces missions essentielles ?

Les crédits alloués à la mission « Justice » visent de surcroît à consolider la justice de proximité le plus rapidement possible. L’aide juridictionnelle est désormais une priorité, son budget étant rehaussé de 15 % ; 25 % de crédits supplémentaires sont consentis à l’aide aux victimes, volet essentiel de l’accès au droit, avec des initiatives concrètes et importantes telles que le déploiement de 3 000 téléphones grave danger ou de 2 000 points-justice répartis sur tout le territoire.

Avec 205 millions d’investissement informatique, ce budget permettra aussi d’accélérer la transformation numérique de la justice judiciaire, notamment à travers la plateforme TIG 360° et la dématérialisation des procédures. Des efforts colossaux ont été accomplis ces dernières années en ce sens et se poursuivent sans relâche afin d’accélérer le traitement des affaires et de faciliter les travaux des différents acteurs. Je pense, par exemple, à l’assignation devant le tribunal judiciaire avec prise de date à partir du réseau privé virtuel des avocats, effective depuis septembre dernier. Cette adaptation aux nouvelles technologies est un défi central pour la justice. Nous saluons votre engagement à la hauteur de cet enjeu.

Néanmoins, une telle modernisation ne sera pas accomplie au détriment des moyens physiques de la justice puisqu’un vaste plan de programmation immobilière judiciaire et de rénovation de nos palais de justice est également prévu.

Nous nous réjouissons des moyens affectés à la réforme de la justice des mineurs afin d’appliquer les mesures du nouveau code de la justice pénale des mineurs, en vigueur depuis le 30 septembre dernier. Les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront ainsi de 45 millions, ce qui devrait permettre de renforcer substantiellement son action. Au-delà des chiffres, cela constitue un signal fort pour notre société puisque l’avenir de nombreux enfants et adolescents, souvent en situation de détresse ou de souffrance, pourrait ainsi changer.

Enfin, ces crédits permettront d’achever la modernisation des peines et du système pénitentiaire dont nous étions convenus dans la loi du 23 mars 2019. D’une part, ils pourront être employés au soutien du développement des peines alternatives, aux courtes peines d’emprisonnement – utiles, mais qui doivent être utilisées avec précaution –, à la détention provisoire, aux travaux d’intérêt général (TIG), au sursis probatoire ou au placement extérieur ; d’autre part, ils participeront à l’application du programme de construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027, lequel s’appuie notamment sur un grand plan d’investissement pénitentiaire de 100 millions.

Vous pouvez compter sur notre soutien pour la mise en œuvre de l’ensemble de ces actions décisives pour notre société.

Pourrait-on avoir des précisions sur le budget alloué à la justice environnementale ? Le titre VI de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 contient de nouveaux mécanismes judiciaires afin d’améliorer la protection de l’environnement à travers notamment la création de pôles judiciaires spécialisés. Comment comptez-vous les accompagner ? Quels moyens envisagez-vous de leur octroyer ?

Mme Cécile Untermaier. Nous nous réjouissons de la double augmentation consécutive de 8 % des crédits. Je ne renie pas les propos de Jean-Jacques Urvoas considérant que le problème de la justice, c’est son budget – lui n’a pas gagné les arbitrages ministériels, mais sans doute le contexte était-il différent. En tout cas, nous souhaitions une telle augmentation tant nous savons que cette institution est sous l’eau.

Sans atteindre le niveau d’autres ministères de la justice européens, ce budget permet tout de même d’appliquer un peu plus sereinement les réformes qui s’imposent, mais nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion appuyée sur les points qui doivent être privilégiés.

De tels crédits permettent également de redonner de la fierté aux personnels qui travaillent pour cette institution, ce à quoi je suis très sensible. Une institution régalienne se doit d’avoir des lieux d’accueil dignes des agents et des personnes qu’elle reçoit.

La justice de proximité passe par l’aide juridictionnelle et je me félicite du budget de 100 millions qui lui est dévolu. Je répète toutefois que son plafond est très bas et que, pour la rendre accessible, il convient de le rehausser. Nombreux sont ceux, en effet, qui renoncent à la justice faute de pouvoir bénéficier de cette aide.

Nous ne pourrons pas non plus faire l’économie d’une réflexion sur l’accès à la justice et les soutiens financiers qu’il suppose. Je pense certes à la justice de premier ressort mais aussi à la justice d’appel, la cassation étant quasiment inaccessible à de nombreux particuliers.

La justice de proximité passe aussi par l’amélioration des délais de traitement. Comme vous, nous y avons beaucoup travaillé. Nous considérons que les jugements doivent être encadrés par des délais, particulièrement en matière civile, puisque l’objectif est de parvenir à réduire les stocks de dossiers. Comment comptez-vous vous y prendre concrètement étant entendu que, sur les 720 emplois équivalent temps plein qui seront créés, seuls 40 iraient dans les services judiciaires ? Cela suffira-t-il ?

La justice de proximité passe également par le maillage territorial. On dénombre 2 000 points-justice. Combien en comptera-t-on à la fin de 2022 et quelle sera leur répartition, notamment en milieu rural, sachant que chaque citoyen doit pouvoir y accéder en moins de trente minutes en voiture ?

La Maison de l’État de Louans abrite les services de la justice depuis la disparition du tribunal d’instance du fait de la réorganisation de la carte judiciaire par Rachida Dati. Avec lui, c’est la justice qui avait disparu de ce territoire mais, lors du précédent quinquennat, grâce à la présidente du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Saône, nous avons pu faire venir deux conciliateurs, l’accueil étant facilité par un système vidéo.

Alors que vous réfléchissez aux établissements France Services et au devenir des sous-préfectures, il me paraît important de travailler à l’organisation de ce maillage territorial et de faire en sorte que la justice puisse rejoindre les services de l’État dans ces Maisons.

Enfin, la justice de proximité passe par l’exécution des jugements. Là encore, il conviendrait d’aider les particuliers.

S’agissant de l’aide aux victimes de violences intrafamiliales, nous avons encore beaucoup d’efforts à accomplir. Quelles sont les statistiques en matière d’ordonnances de protection alors que, par exemple, les montants des crédits débloqués en Espagne sont trois fois supérieurs aux nôtres ? Nous sommes certes sur la bonne voie mais nous avons encore beaucoup à faire. J’ajoute que les femmes et les hommes ne sont pas les seules victimes de ces violences mais que les enfants en pâtissent également.

M. Dimitri Houbron. Nous saluons l’augmentation de 8 % des crédits de paiement, hausse identique à celle de l’année dernière qui confirme la volonté gouvernementale de consolider les fonctions régaliennes et, singulièrement, la justice de proximité.

Les conseils départementaux de l’accès au droit seront incités à ouvrir des permanences au gré des nouvelles labellisations France Services et des besoins des différents territoires afin que chaque citoyen trouve à proximité de chez lui un accès au droit performant. Sera-ce par la voie d’une circulaire ?

Il est également indiqué que le projet de système d’alerte géolocalisée dit SAGEO sera progressivement déployé afin d’assurer la protection des agents de l’administration pénitentiaire. En quoi consiste ce projet ?

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, nous saluons la création, en 2022, de 51 emplois dans une administration mobilisée par l’application du nouveau code de la justice pénale des mineurs. Le bleu budgétaire précisant que le taux d’occupation des centres éducatifs fermés est assez faible – 70 % en 2021 –, pensez-vous que le plan de construction de vingt centres supplémentaires soit toujours une priorité ?

Enfin, je note que le financement des bracelets anti-rapprochement est assuré par le ministère de la justice et par le Fonds pour la transformation de l’action publique. Selon les premiers retours, il est impossible de les utiliser en zones blanches puisqu’ils dépendent entièrement du réseau pour la géolocalisation. Qu’avez-vous prévu pour que le déploiement de cette enveloppe ne soit pas parasité par l’absence d’un maillage numérique du territoire ? Les autorités compétentes travailleront-elles ensemble ?

M. Ugo Bernalicis. L’augmentation des crédits est une bonne chose mais je ne peux pas me satisfaire de leur répartition, qui ressemble très fortement à celle de l’année dernière puisque l’essentiel de la hausse servira à la construction de places de prison. La politique répressive accapare donc l’essentiel des crédits budgétaires, y compris en ce qui concerne la justice judiciaire et la justice de proximité, afin que les peines soient plus rapides et plus effectives. Le ministre s’en est d’ailleurs vanté, dans un esprit de compétition avec Les Républicains et la droite.

Je comprends qu’il soit satisfait de l’augmentation des crédits mais qu’il considère, d’une manière aussi péremptoire, que la justice dispose désormais de tous les moyens pour fonctionner… Je m’interroge à ce propos sur ce que l’on m’a raconté lors de l’audience solennelle à laquelle j’ai assisté au tribunal de Lille pour l’installation des nouveaux magistrats : personne n’a dit que l’effectif cible était atteint dans quelque domaine que ce soit, ni les magistrats du parquet, ni ceux du siège, ni la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) ou les greffiers, et ce malgré les « sucres rapides ». Des magistrats mal intentionnés m’ont sans doute menti ou mal présenté la situation, au premier rang desquels le président de la juridiction, dont je ne crois pas qu’il compte parmi les Insoumis…

Finalement, je préférais Nicole Belloubet, selon qui l’effectif cible ne correspond pas aux besoins. En se glorifiant d’avoir atteint l’effectif cible lorsque l’on sait qu’il ne correspond pas aux besoins, on passe à côté de ce que vivent les juridictions et les justiciables, soit, depuis la crise du covid, un allongement des délais. Les sucres ont été insuffisamment rapides et nombreux, ce qui est dommage pour vous puisque vous avez alloué des moyens supplémentaires. Je regrette d’ailleurs que vous n’ayez pas prévu de transformer les « sucres rapides » en « sucre lents » ou titulaires, et que vous les renvoyiez au concours ou à plus tard.

Par ailleurs, si vous avez relevé que l’École nationale des greffes est pleine à craquer, vous n’avez pas fait la même remarque pour l’École nationale de la magistrature et l’on comprend bien pourquoi : les créations de postes sont encore bien en dessous des besoins.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice avait pour objectif de réduire les peines de prison inférieures à six mois grâce aux bracelets électroniques. Or, de plus en plus de gens en portent et autant de peines de moins de six mois continuent d’être prononcées. Je vous avais d’ailleurs prévenu que cette mesure ne donnerait pas les effets escomptés. Il faudra donc continuer à batailler pour la déflation pénale, donc, carcérale, tant nous savons combien le taux de récidive des personnes incarcérées est élevé.

Nous prenons volontiers les quatre-vingts postes supplémentaires consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse mais ils ne suffiront pas pour appliquer le nouveau code de la justice pénale des mineurs. Vous avez agi dans la précipitation, les professionnels recevant des trames la veille pour le lendemain. Je ne suis pas sûr que cela relève de la bonne administration ou des bonnes pratiques. De plus, les CEF n’étant remplis qu’à 70 % à peine, pourquoi en construire de nouveaux ?

Au passage, je trouve étrange que le ministre ait envie de mettre l’armée dans la boucle, avec les jeunes délinquants. Une petite ligne budgétaire est consacrée à ce dispositif. Je suis sûr que le ministre nous en dira un peu plus : cela intéressera les députés Les Républicains dans le cadre de vos surenchères communes.

La marge de progression en matière judiciaire est encore immense, tant pour la justice civile, qui est la plus sinistrée, que pour la justice pénale. Le moment venu, nous nous en chargerons.

Mme Marie-George Buffet. Il faut se réjouir de la double augmentation de 8 % en deux ans des moyens du ministère de la justice, mais il faut la mettre en rapport avec un retard historique et structurel : la France lui consacre en effet 0,2 % du PIB contre 0,36 % ou 0,4 % dans d’autres pays et 69,5 euros par habitant contre 120 aux Pays-Bas et 130 en Allemagne. Dans les années à venir, nous devrons passer à la vitesse supérieure pour combler l’ensemble de ces retards.

Je salue les personnels de la justice, de l’administration pénitentiaire, les éducateurs pour la qualité de leur travail, remarquable malgré les moyens dont dispose ce ministère depuis des décennies.

S’agissant de la justice de proximité, près de 2 000 contractuels devraient être recrutés pour une année : n’était-il pas possible de les employer en CDI ? Quelle sera leur formation ? Pourront-ils intégrer définitivement cette administration ?

Il importe en effet de construire des centres de détention, car la surpopulation carcérale est inacceptable tant elle crée des tensions et des difficultés pour les personnels et interdit à un certain nombre de détenus de se reconstruire ou d’envisager leur libération comme la possibilité de retrouver leur place dans la société. Encore faudrait-il aussi que l’on stoppe la hausse du nombre de détenus. Que pensez-vous des sanctions alternatives, notamment pour les personnes condamnées à des peines de courte durée ? Quels postes seront créés et affectés à ces nouvelles structures, mais aussi pour soutenir les personnels confrontés à une surcharge de travail ?

Quelles sont les conditions d’application de la réforme de la justice pénale des mineurs ? Certains acteurs de ce secteur se plaignent d’une application trop rapide et d’une difficulté à assimiler l’ensemble des nouvelles normes. Quelles sont les conditions de suivi des mineurs non accompagnés ? Nombre d’entre eux sont placés dans des hôtels et très peu suivis, compte tenu du faible nombre d’éducateurs.

S’agissant des violences intrafamiliales, je me félicite que le ministre de l’intérieur ait annoncé, hier, que les policiers et les gendarmes pourront désormais recueillir les plaintes des victimes là où elles se sont réfugiées. Comment les acteurs de la justice réagissent-ils face à ce problème ? Y-a-t-il une prise de conscience de son importance ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous sommes confrontés depuis longtemps à un dilemme cornélien. Les conditions de détention sont indignes, dont acte – nous savons que des détenus dorment par terre ; nous construisons donc des prisons modernes… et l’on nous juge répressifs parce que, la nature judiciaire ayant horreur du vide, ces prisons devraient être rapidement remplies. Que ceux qui raisonnent ainsi et qui ont une solution m’en informent !

Nous avons déjà restauré toutes les prisons partout où cela était possible – je pense notamment à celle de Fleury-Mérogis. Les personnels pénitentiaires souhaitent évidemment que les conditions d’incarcération soient dignes : moins présentes sont les tensions, plus il est possible de travailler à la réinsertion des détenus. Certaines prisons, toutefois, ne peuvent pas être restaurées en raison de leur vétusté et le problème de la promiscuité impose également de nouvelles constructions.

Nous disposons de 2 000 nouvelles places – la construction du centre pénitentiaire de Lutterbach, par exemple, est désormais achevée, l’Alsace pouvant accueillir 800 détenus. Une deuxième tranche de 4 000 places est en cours sur quatorze chantiers, dont Basse-Terre, Caen, Gradignan, Fleury-Mérogis, Troyes-Lavau, Nîmes, Les Baumettes, Osny, Meaux, Le Mans, Montpellier, Avignon, Valence. Je tiens les photos de ces constructions à votre disposition. Le premier coup de pelleteuse pour une dernière tranche de 1 000 places aura lieu d’ici à la fin de l’année, la livraison du tout étant prévu en 2022.

Une nouvelle tranche de 8 000 places est également prévue. Nombre d’élus se tortillent devant les micros qui se tendent pour assurer à quel point il est utile, urgent, nécessaire, impératif et impérieux de construire des places de prison… mais pas chez eux. S’il y a des maires qui considèrent qu’accepter un établissement pénitentiaire relève de l’engagement citoyen et qui tiennent leurs terrains à la disposition de l’État, d’autres ne raisonnent pas du tout de la même façon. Ceux qui, souvent, réclament la construction de prisons sont le plus souvent aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de les construire dans leur circonscription ou dans leur ville. J’ai négocié les 8 000 terrains : pour convaincre les élus, le travail est titanesque ! Des excuses abracadabrantesques, j’en ai entendu ! Je vous en cite une : « On ne peut pas construire de prison ici parce que, traditionnellement, nous organisons chaque année une battue de sangliers ». J’ai répondu, non sans persifler, qu’il y aura des miradors.

Contrairement à ce que j’ai entendu, le Président de la République sera au rendez-vous de ses engagements. En 2018, il a en effet déclaré que ces 15 000 places de prison seront construites d’ici à 2027 et ce sera le cas. Pour les 8 000 places, nous avons engagé le choix des terrains et les expertises. Je rappelle, pour les « y’a qu’à-faut qu’on », que le covid a de surcroît un peu ralenti les choses. Toute l’économie en a subi les conséquences, dont la construction.

La construction de vingt CEF est envisagée : cinq publics et quinze associatifs. S’agissant des CEF publics : le CEF de Bergerac a été lancé en 2019, son ouverture étant prévue au début de 2022 – j’irai l’inaugurer ; deux autres, à Rochefort et à Lure, l’ont été ou le seront très prochainement ; la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) prévoit le lancement des deux derniers projets en 2022. S’agissant des CEF associatifs, les projets sont également lancés : quatre, en 2019, dont le premier à Epernay, lequel ouvrira à la fin de l’année, et le second à Saint-Nazaire, qui ouvrira en 2022 ; cinq autres seront livrés entre 2023 et 2024 à Amillis, en Seine-et-Marne, Le Vernet, en Ariège, Montsinéry-Tonnegrande, en Guyane, et Apt, dans le Vaucluse. Deux autres projets sont en bonne voie et pourraient être effectivement lancés.

Là encore, les choses sont compliquées : « Il faut en construire mais pas chez nous ! ». Je rappelle que les CEF sont pourtant très efficaces et que les gamins qui y passent récidivent beaucoup moins. Cet investissement républicain est utile et indispensable.

Monsieur Hemedinger, vous avez exposé assez longuement ce qu’il est nécessaire de faire selon vous. Dans un premier temps, constatant que c’était là exactement ce que nous faisons, j’ai eu envie de vous dire : bienvenue dans la majorité ! Puis, alors que vous étiez en si bon chemin, vous vous êtes arrêté pour nous critiquer à propos des taux de vacance. Or, c’est vraiment le point sur lequel il ne faut pas venir nous chercher. Puisque vous me donnez des leçons et me dites ce qu’il faudrait faire, je vous rappelle ce que vous avez fait lorsque vous étiez au pouvoir : 102 magistrats, 142 greffiers et une dizaine de milliers de policiers de moins ! Et en matière de construction de prisons, vous n’avez pas fait grand-chose. Je vous le dis avec beaucoup de sympathie : si les murs de l’Assemblée ont des oreilles, ils ont aussi un peu de mémoire.

Les taux de vacance baissent de manière continue depuis quatre ans : pour les magistrats, le taux est pratiquement nul ; pour les greffiers, il est passé de 16 % ou 17 % à 6 % ; pour les surveillants, il est passé de 6,3 % en moyenne en 2018 à 4,92 % au 1er septembre 2021 – ce n’est pas rien ! Ce dernier chiffre correspond à 1 275 postes, il reste des choses à faire.

En outre, vous avez estimé que le taux de réponse pénale n’était pas satisfaisant, ce qui n’est pas tout à fait juste. En 2020, 89 % des affaires poursuivables ont reçu une réponse pénale ; 54 % ont fait l’objet de poursuites ; 42 %, d’une mesure alternative réussie ; 5 %, d’une composition pénale réussie. Le taux de 89 % est très intéressant, c’est même l’un des plus élevés d’Europe.

En revanche, je veux bien concéder que le délai d’exécution des peines demeure beaucoup trop long ; les Français en font légitimement grief à leur justice. J’ai tout fait pour réduire ce délai, et nous commençons à en voir les premiers résultats.

L’attractivité du métier de surveillant est au cœur de notre réflexion et de notre action. Les surveillants forment la troisième force de sécurité de notre pays. Ils exercent une profession difficile, insuffisamment connue et reconnue. En 2022, nous consacrerons plus de 13 millions d’euros à la revalorisation de leurs primes, de leurs heures de nuit et de leurs astreintes, sachant qu’il s’agit d’une politique pluriannuelle. Je souhaite, en outre, faire évoluer le statut des surveillants, pour améliorer durablement leur carrière. Le corps comportera désormais trois grades et la rémunération indiciaire sera accrue. Les crédits correspondants s’établiront à 4 millions.

Et je n’oublie pas les personnels d’insertion et de probation, les personnels administratifs et techniques, les psychologues et les cadres. Si vous adoptez le présent projet de loi de finances, nous aurons octroyé 120 millions aux mesures catégorielles sur l’ensemble de la législature.

Le nombre de candidats se présentant au concours de surveillant a nettement augmenté : en 2021, il a dépassé 13 000, pour 900 postes proposés. La question de l’attractivité du métier est donc résolue, tout au moins partiellement.

En matière d’aide juridictionnelle, nous poursuivons l’effort que nous avions annoncé. L’unité de valeur de référence est passée de 32 à 34 euros en 2021 ; elle passera de 34 à 36 euros en 2022. Cette deuxième étape sera financée par une enveloppe supplémentaire de près de 100 millions.

Nous améliorons le service rendu au justiciable et réduisons les délais de jugement, en cohérence avec l’objectif d’une justice de proximité. Je l’ai dit précédemment, une politique publique ne peut pas être expertisée au bout de quelques mois seulement. Néanmoins, je vous donne quelques chiffres permettant d’apprécier les progrès en la matière. Au tribunal judiciaire de Nanterre, le nombre de créneaux d’audience a augmenté de 33 %. Au tribunal judiciaire de Lyon, près de 800 dossiers supplémentaires d’affaires familiales seront traités d’ici à la fin de l’année. Autrement dit, 1 600 justiciables recevront une réponse judiciaire d’ici là, alors que ce n’était pas prévu initialement.

En ce qui concerne les violences intrafamiliales, nous avons été au rendez-vous de nos obligations. Toutes les juridictions sont pourvues en bracelets anti-rapprochement et en téléphones grave danger ; il suffit de les demander pour les obtenir. Plus de 400 bracelets anti‑rapprochement sont désormais actifs. Ils ont émis ces derniers temps plus de 400 alertes, ce qui signifie que l’on a évité la commission d’un certain nombre de crimes. Je le redis, car les crimes qui n’ont pas été commis ne font jamais la une des journaux – à la différence des crimes commis, qui nous plongent dans l’effroi et signent un échec collectif.

Nous nous intéressons de près à un autre outil, déjà employé en Espagne : les casques de réalité virtuelle pour les auteurs des faits. Conduite à l’initiative de neurologues, de psychologues et de psychiatres, l’expérimentation durera trois mois et sera suivie de neuf mois de travail scientifique. Nous en examinerons les résultats avec beaucoup d’attention. Certes, il ne suffit sans doute pas de mettre un casque de réalité virtuelle pour se défaire de sa violence. Mais j’ai moi-même mis un tel casque à deux reprises et j’ai trouvé cela très impressionnant. Je souhaite vous associer à cette expérimentation.

La justice de proximité procède de la volonté très forte de ce Gouvernement de faire revenir les services publics dans les territoires. Le réseau des points-justice est en train de se constituer ; il y en a déjà près de 2 000, dont beaucoup ont intégré une maison France Services. Destinés aux justiciables les plus modestes et les plus fragiles, ils fonctionnent très bien : les délégués du procureur, des avocats, des notaires s’y déplacent ; le taux de satisfaction des usagers est très élevé, 94 % – une telle unanimité pourrait même presque sembler, par nature, inquiétante ! Chaque fois que je me suis rendu dans un point-justice, j’ai été émerveillé par la façon dont on y accueille nos compatriotes : on leur donne de premiers conseils, on leur apprend à utiliser les outils numériques, on les oriente vers telle juridiction ou telle association de victimes. Les conseils départementaux de l’accès au droit ont pris toute leur place au sein de ce dispositif, avec leur réseau d’accès au droit déjà constitué.

Monsieur Bernalicis, vous avez eu un moment de faiblesse : vous avez dit du bien d’un ministre d’Emmanuel Macron ! Hélas, ce n’était pas moi ; c’était Mme Belloubet, qui le mérite d’ailleurs tout à fait.

Vous avez caricaturé mes propos. Dissipons un malentendu : comme d’autres, je pense que des gamins peuvent être sauvés par l’armée. En accord avec ma collègue Florence Parly, j’ai tenté un rapprochement, qui est en cours, entre la PJJ et l’armée. Bien évidemment, il ne s’agit pas de mettre tous les gamins dans un autobus pour les conduire dans une caserne ! Il s’agit d’orienter vers l’armée ceux que l’on aura identifiés, après expertise, comme susceptibles d’être aidés par cette institution, l’une des préférées des Français. On demande à des militaires de leur donner un coup de main, pour les sortir de là où ils se trouvent.

Dans les CEF, j’ai rencontré des gamins dont le projet était de partir à l’armée. Chacun a sa vocation – faire de la cuisine, reprendre des études… – et il faut tout tenter. Il importe que les éducateurs des CEF et la PJJ sachent qu’ils peuvent compter sur les militaires à cette fin.

Le doublé historique que j’ai évoqué se traduira, en 2022, par une augmentation de 4 % des dépenses de personnel, qui atteindront 4,2 milliards d’euros. Cette hausse permettra de financer 210 emplois publics, 720 créations nettes d’emplois, des mesures catégorielles à hauteur de 49 millions, une contribution à la protection sociale à hauteur de 16 millions. Les crédits d’investissement, de fonctionnement et d’intervention croîtront globalement de 12 %. Ils s’élèveront à 3,64 milliards d’euros pour l’administration pénitentiaire et à 3,11 milliards pour la justice judiciaire, sachant que nous poursuivrons notamment les efforts en faveur de la justice de proximité.

Vous avez assisté, dites-vous, à une audience solennelle d’installation à Lille, et vous prétendez que l’effectif cible ne correspondait pas aux besoins. Or c’est faux, car les objectifs cibles résultent du dialogue de gestion entre les chefs de cour et la direction des services judiciaires. Lorsque j’ai présenté le budget aux conférences des chefs de cour et de juridiction, il y a eu peu de critiques, pour ne pas dire qu’il n’y en a pas eu.

Évidemment, l’accueil par les syndicats a été un peu différent : l’année dernière, ils ont parlé de « rustines » ; cette année, de « cacahuètes ». Ayant remercié mes interlocuteurs pour la qualité du dialogue social et de nos échanges, j’ignore toujours si cette évolution sémantique correspond à une progression ou à une régression, mais peu importe.

Il ne se passe pas une semaine sans que j’aille voir les magistrats sur le terrain ou que je les reçoive à la Chancellerie. Ceux qui ont les mains dans le cambouis me disent ce qu’ils ont pu faire grâce au personnel supplémentaire ou aux nouveaux matériels. Je parle avec les gens, nous échafaudons des projets précis sur des questions techniques ou réglementaires ; c’est mon quotidien. Or tout le monde dit que ce budget est une véritable bouffée d’oxygène.

Je n’ai pas dit que tout était réglé, tant s’en faut – si tel était le cas, je démissionnerais. Mais beaucoup de choses se sont améliorées, il faut le reconnaître objectivement. Les magistrats que je rencontre sur le terrain le reconnaissent.

Je me souviens des réserves que vous avez émises lorsque l’Assemblée a discuté du code de la justice pénale des mineurs (CJPM). Désormais, ce code est pleinement entré en vigueur – Mme la présidente de la commission des lois a dit tout à l’heure qu’il était important que les textes votés soient appliqués ; cela va de soi et, en l’espèce, c’est bien le cas. Or, selon les premières remontées des juridictions, qui ne sont pas encore des bilans stabilisés, le délai moyen au niveau national entre l’audience de jugement et la prise en charge par la PJJ du mineur condamné s’établit à trois jours – cela va peut-être augmenter un peu –, contre plus de quatre mois auparavant.

Je dis que ça marche, et nous avons tout fait pour qu’il en soit ainsi. Conformément à ce que j’avais annoncé devant l’Assemblée, nous avons fait expertiser la situation par l’Inspection générale de la justice, puis nous avons affecté des personnels supplémentaires, notamment des éducateurs, et déployé des applicatifs. Pour ma part, je n’entends pas de doléances de la part des magistrats qui ont les mains dans le cambouis – mais peut-être n’avons‑nous pas les mêmes interlocuteurs. Les acteurs se sont emparés du CJPM, et cela commence à donner de premiers résultats.

Concernant les courtes peines, je suis sur la même ligne que Mme Belloubet : je pense qu’elles sont dépourvues d’intérêt, désocialisantes et criminogènes ; ce n’est absolument pas la solution. Pour certains gamins, la courte peine est un galon : lorsqu’ils en sortent, ils s’en vantent auprès de leurs petits camarades. Je préfère qu’ils fassent un travail utile. C’est pour cette raison que nous avons développé les travaux d’intérêt général (TIG) et que nous développons les travaux non rémunérés (TNR). Il faut une réponse pénale ultrarapide. Sous le régime de l’ordonnance relative à l’enfance délinquante, qui a précédé le CJPM, la moitié des mineurs ayant commis une infraction étaient condamnés une fois majeurs. Depuis lors, les délais ont été considérablement réduits, ce qui est bon du point de vue pédagogique. Ce que nous avons mis en place avec la loi du 23 mars 2019 et le « bloc peines » est extrêmement utile.

Pour ma part, je ne remets pas en cause l’utilité de la prison : elle sert à mettre notre société à l’abri d’un individu dangereux, à punir les infractions qui méritent de l’être. On fait de la prison une présentation manichéenne et sans nuance : vous êtes soit un affreux répressif, soit un affreux laxiste. Pourtant, j’en suis profondément convaincu, ce sujet mérite une particulière nuance.

Quant à l’utilité des CEF, je l’ai dit, elle est tout à fait démontrée. Le risque de récidive des gamins qui sont passés par un CEF est bien moindre. Une étude a même montré que, plus ils y restent longtemps – contrôlés, assistés par des éducateurs bénéficiant de moyens –, plus le risque de récidive s’estompe.

S’agissant des contractuels, nous en comptons 1 600, qui signent des contrats de trois ans renouvelables. Ils ont, ensuite, la possibilité de rester au sein de l’institution. Ils sont extrêmement utiles dans les juridictions. Je ne pratique pas là la méthode Coué. En tant que parlementaires, vous pouvez, comme moi, interroger les magistrats, procureurs ou présidents de tribunaux judiciaires. Ils vous expliqueront l’importance de ces personnels supplémentaires. J’ai déjà dit que, quand les magistrats du siège les ont vus arriver dans les parquets, ils ont demandé à en bénéficier. Un juriste assistant, travaillant aux côtés d’un magistrat, c’est deux fois moins de temps pour rendre une décision.

Quand je suis arrivé à la Chancellerie, je n’entendais parler que du manque de moyens. Aujourd’hui, je commence à entendre parler d’équipe autour du magistrat. Évidemment, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas renforcer le nombre de magistrats – il y en aura cinquante de plus dans les juridictions, sans compter les remplacements des départs en retraite. Nous avons franchi la barre historique des 9 000 magistrats, pour atteindre 9 090. C’est considérable ! La notion d’équipe autour du magistrat n’est pas nouvelle, mais elle est dorénavant régulièrement évoquée, y compris lors des réunions les plus institutionnelles. Aux Pays-Bas, on pratique déjà ce concept : le magistrat travaille certes avec un greffier pour les activités juridictionnelles, mais également avec des avocats, qui viennent donner un coup de main dans des conditions particulières, et des juristes assistants, plus nombreux que chez nous. Les magistrats, me semble-t-il, souhaitent aller vers cette notion d’équipe.

D’autres contractuels ont signé des contrats d’un an, que nous envisageons de pérenniser, car il n’y aurait aucun sens à affecter des personnels supplémentaires aux tribunaux pour les leur retirer l’année suivante.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Depuis cinq ans, la commission des lois a travaillé de manière toujours collective et non antagoniste sur les questions relatives à la détention. Les groupes de travail transpartisans que nous avons créés nous ont permis de trouver un accord sur le « bloc peines », de mettre en avant le travail en détention, les travaux d’intérêt général (TIG), le traitement psychiatrique des détenus, etc. C’est l’honneur de notre commission et de tous les collègues qui y siègent que d’avoir su dépasser les clivages partisans. Je tenais à le rappeler et à les en remercier.

M. Rémy Rebeyrotte. Je suis d’une époque où les élus évitaient de commenter publiquement une décision de justice. Autant on peut questionner l’organisation de la justice et chercher à l’améliorer – ce sera le rôle des prochains états généraux de la justice – autant il est utile de réformer l’institution, de lui donner plus de moyens, de soutenir la justice de proximité, et vous le faites, monsieur le garde des sceaux, la justice est peut-être enfin sur une bonne voie. Nous devons nous abstenir de commenter une décision de justice, sans quoi nous contribuons à dégrader l’image d’une institution qui a plutôt besoin que nous l’aidions à rétablir la confiance en elle.

Les parquets participent aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et aux groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), aux côtés des élus locaux, de la police et de la gendarmerie. Ces instances de prévention de terrain peuvent permettre, en amont de la répression, de modifier une situation parfois catastrophique dans certaines communes ou certains quartiers. Où en est-on de leur installation ?

M. Antoine Savignat. Au sein de cette assemblée, deux écoles s’opposent tout de même sur la détention : celle – à laquelle j’appartiens – qui constate qu’il n’y a pas assez de places de prison et que la politique pénale est souvent dictée par cette contrainte ; et celle qui considère que nos prisons sont trop pleines et les conditions de détention indignes. Notre groupe ne plaide pas pour que plus de peines soient prononcées, mais simplement pour que les magistrats ne soient pas bloqués par les capacités d’accueil dans les établissements pénitentiaires, comme dans les centres éducatifs fermés ou les structures d’accompagnement des malades irresponsables pénaux. Quelle que soit notre école, nous nous retrouvons sur un constat : il faut plus de places de prison.

Je partage l’analyse de M. Rebeyrotte. N’oublions pas que les gens sont en prison après être passés devant un magistrat. Nul en France n’est enfermé sans que cette procédure ait été respectée. Il ne nous appartient pas de commenter les décisions des juges, par contre, il nous revient de donner à ces derniers les moyens d’appliquer leurs décisions.

L’an passé, j’avais contesté le caractère historique du budget, en rappelant que l’histoire prend du temps. Le budget est encore en hausse cette année, nous pouvons donc considérer qu’il commence à marquer l’histoire de la justice. A-t-elle désormais les moyens de fonctionner ? Oui, sans doute. C’est donc sur son fonctionnement que nous devons nous interroger. Les Français veulent comprendre pourquoi, à moyens et contentieux identiques, certaines juridictions rendent leurs décisions dans des délais beaucoup plus courts que d’autres. L’argent seul ne fait pas le bonheur.

M. Guillaume Vuilletet. Difficile de contester un budget avec de telles hausses ! Bien sûr, on peut toujours effectuer des comparaisons européennes – nous continuons à être en retard –, mais nous n’en sommes plus à l’époque où Jean-Jacques Urvoas s’alarmait de ne pas pouvoir faire fonctionner ses photocopieurs sans ramettes de papier.

Ce budget de la justice, c’est à la fois le rattrapage d’un manque historique et une déclinaison du « quoi qu’il en coûte », car la crise sanitaire n’a pas été neutre pour le fonctionnement de la justice du fait notamment de l’évolution des formes de délinquance et de leur dangerosité. Les violences intrafamiliales, en particulier, auraient augmenté de 35 % pendant les différents confinements. Il y a un an, vous aviez inauguré le dispositif du bracelet anti-rapprochement (BAR) à Pontoise, dans ma circonscription. J’étais présent et très heureux d’avoir pu, avec d’autres collègues du Val-d’Oise, contribuer à faire avancer cette cause. Où en est-on exactement ? Quelles sont les prochaines étapes ?

M. Ludovic Mendes. Vous avez indiqué que plus de 3 500 personnels ont été recrutés au cours des douze derniers mois – un chiffre en effet historique qui mérite d’être salué. En matière de vacance d’emplois, l’attente des différentes catégories de personnels, aussi bien magistrats que greffiers et surveillants pénitentiaires, est particulièrement forte. Quelles sont les évolutions récentes et pouvez-vous rassurer les personnels sur l’avenir des recrutements ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. Pour « déstocker », les contrats d’objectifs sont très intéressants, car il faut mettre des objectifs en face des moyens financiers. Les tribunaux ont aussi été invités, dans la période qui a suivi la pandémie, à traiter des dossiers sans audience, avec l’accord des deux parties. Est-ce toujours en vigueur ? Quant aux sorties anticipées, pourrait-on travailler sur la possibilité de libérer les personnes sous certains critères et conditions ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il y a évidemment encore des choses à faire et les états généraux, qui débutent la semaine prochaine, vont servir à cela. Tous ceux qui sont intéressés par la justice pourront s’exprimer.

Je souhaite, et je le rappelle parfois par voie de circulaire, que les parquets se rapprochent des élus. Je suis donc toujours sidéré quand des élus me disent qu’ils n’ont jamais vu le procureur – c’était le cas d’un maire lors d’un récent déplacement. En l’espèce, le procureur était présent et je me suis permis de lui rappeler que ce lien est essentiel, tout comme celui avec les forces de sécurité intérieure. Les parquetiers sont bien évidemment au contact des policiers et des gendarmes, mais ils doivent aussi tisser des liens avec les élus et les préfectures. Ils doivent être présents au sein des GLTD. Le taux de vacance, proche de zéro, le permet.

Le cloisonnement ne peut pas être un mode de fonctionnement, ni au sein de la magistrature, entre le parquet et le siège, ni, plus globalement, entre les magistrats, les élus et les autres forces vives de la nation. Récemment, pour la première fois, l’École nationale de la magistrature (ENM) a reçu le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. L’ENM est pourtant une école de la République où l’on forme des magistrats, pas une école de juges pour les juges. Les discussions, les échanges permettent parfois d’apaiser les tensions et de trouver des solutions.

Grâce à l’apport des personnels supplémentaires, beaucoup de parquetiers ont nommé des référents élus ou des référents GLTD qui participent à ces réunions, importantes, car elles permettent d’envisager la délinquance de façon territorialisée. Beaucoup d’élus sont très satisfaits de ce nouveau mode de fonctionnement. D’ailleurs, quand ils s’étaient plaints auprès du Premier ministre qui les avait reçus à Matignon de l’inefficacité du rappel à la loi, en disant que seuls les gens honnêtes y étaient sensibles, nous l’avons supprimé.

Je suis convaincu que beaucoup de choses vont sortir des états généraux, qu’ils seront une chance pour l’institution judiciaire. La clochardisation de la justice dont Jean-Jacques Urvoas avait parlé est loin maintenant. Nous pouvons être fiers d’avoir redonné à la justice les moyens dont elle avait besoin, mais le travail est loin d’être achevé. Il faut désormais envisager certaines réformes structurelles démocratiquement, par l’échange, le débat, les désaccords ; que tout cela infuse. Les élus vont prendre toute leur part dans ces états généraux, et, je le souhaite, de façon transpartisane – il y va de la crédibilité de ces travaux. Ils ne doivent pas être perçus comme un projet de la majorité.  Et lors de mes déplacements, j’associerai les élus, mais aussi les greffiers, les magistrats, les policiers, les gendarmes, les avocats, les huissiers de justice, les notaires, les citoyens.

Monsieur Vuilletet, je me souviens parfaitement de cette journée de lancement du dispositif du bracelet anti-rapprochement à Pontoise. En 2020, 2,5 millions d’euros étaient consacrés au BAR, puis 3 millions en 2021 et 3,7 millions en 2022. Toutes les juridictions en sont pourvues et 456 ordonnances de port ont déjà été prononcées. J’ai pris une circulaire appelant à ne laisser en aucun cas ces bracelets dans les tiroirs ; depuis, leur utilisation a connu une accélération. L’Espagne, souvent citée en exemple, a mis dix ans pour en déployer 1 100 ; toutes nos juridictions en ont à leur disposition, comme elles ont des téléphones grave danger.

Sur la durée du quinquennat, 850 emplois de greffiers ont été créés, dont 47 créations nettes inscrites dans le cadre du PLF pour 2022. La baisse du taux de vacance a été continue ; il est désormais seulement de 6 %. Nous serons passés de 9 332 greffiers au début de 2018 à 10 172 greffiers au 1er octobre 2021. N’oublions pas les 1 200 renforts de greffe recrutés dans le cadre de la justice de proximité, et la transformation numérique qui met également en valeur le travail des greffiers. Je veux ici leur rendre hommage, car ils ont formé les renforts et c’était pour eux un effort supplémentaire. Ils en récupèrent aujourd’hui le bénéfice puisque ces renforts les aident beaucoup. Nous envisageons leur pérennisation, car on ne peut plus s’en passer.

Quant aux audiences en visioconférence à la demande des parties, le dispositif perdure ; il est justifié, même s’il n’est plus utilisé dans les mêmes conditions que pendant le confinement. C’est d’ailleurs un point qui figure dans mon projet de loi, car l’utilisation de la visioconférence simplifie parfois la vie de nos compatriotes, qui n’ont pas besoin de faire 1 000 kilomètres quand la question peut se régler à distance. C’est aussi cela une justice de proximité, efficace, rapide et simple.

Suivant la préconisation des rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » non modifiés.

Article 44 : revalorisation de l’aide juridictionnelle

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 non modifié.

 

 


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   PERSONNES ENTENDUES

MINISTÈRES ET ADMINISTRATIONS

     M. Laurent Ridel, directeur de l’administration pénitentiaire

     M. Pierre Azzopardi, chef de service de l’administration

REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL DE DIRECTION

     Mme Flavie Rault, secrétaire générale

     M. Sébastien Nicolas, secrétaire général

AUTORITÉS INDÉPENDANTES

     Mme Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

 

 

 


([1]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([2]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 5).

([3]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([4]) Il est à noter que selon la direction de l’administration pénitentiaire, l’achèvement des travaux du centre de détention de Koné, dont le pilotage a été confié à la direction de l’aviation civile de Nouvelle-Calédonie, mobilisera 4,4 millions d’euros en 2022, comptabilisés non pas dans les crédits alloués à l’APIJ mais dans ceux dédiés aux services déconcentrés qui représentent 138,8 millions d’euros pour 2022. La mise en service du nouvel établissement, dont les travaux ont débuté fin 2019, est prévue en septembre 2022.

([5]) Source : audition du directeur de l’administration pénitentiaire.  

([6]) Le projet Inserre (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi) s’inscrit dans une politique pénale et pénitentiaire qui vise à remettre l'emploi au cœur du parcours des détenus, afin de construire un projet de sortie de nature à limiter les risques de récidive. Ce projet concerna à ce stade trois prisons expérimentales de 180 places à Arras, Donchery et Toul.

([7]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 48).

([8]) Selon le projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 46) : « Cette progression est due notamment à l'intégration du volet « sécurisation des sites » dans le plan pénitentiaire 2022 permettant des investissements massifs en matière de protection des sites pénitentiaires ».

([9]) Plus précisément, selon le directeur de l’administration pénitentiaire, ces créations sont réparties entre 40 emplois de directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP), 5 de psychologues, 180 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), 19 assistants de service social (AS) et 6 surveillants.

([10]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 35) : cette réforme « comprend la création d'un nouveau corps de chef des services pénitentiaires (catégorie A) alimenté notamment par la requalification de 450 officiers (catégorie B), soit 90 promotions par an. En outre, est prévu un plan de requalification de 1 400 surveillants (catégorie C) dans le corps de commandement, soit 280 promotions par an. Enfin, 470 surveillants supplémentaires bénéficieront d’une promotion à des fonctions de gradés (avancement au grade de premier surveillant), sur une durée de 4 ans ».

(3) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 35) : « cette réforme s’est traduite par un plan de requalification sur 3 ans. Sur cette période, 42 techniciens (catégorie B) auront été promus directeurs techniques (catégorie A) et 120 adjoints techniques (catégorie C) auront été promus techniciens (catégorie B) ».

([12]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 57) 

([13]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2022 (p. 59) : « La rémunération des enseignants relève du ministère chargé de l’éducation nationale. Les dépenses assurées par l’administration pénitentiaire dans ce domaine recouvrent notamment l’achat de matériels d’enseignement et concernent à la fois les établissements en gestion déléguée et en gestion publique. »

([14]) Projet annuel de performances du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » annexé au projet de loi de finances pour 2022, p. 4.

([15]) Pour rappel, au 1er juin 2021, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse dispose de 1 215 établissements et services : 226 en gestion directe relevant du secteur public et 989 habilités et contrôlés par le ministère de la Justice relevant du secteur associatif.  

([16]) Projet annuel de performances du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » annexé au projet de loi de finances pour 2022, p. 6.

([17]) Réalisée le du 3 mars 2020.

([18]) Actualisée le 17 mars 2020.

([19]) Réalisée le 12 mai 2020.

([20]) Réalisée le 19 mai 2020, puis actualisée le 28 octobre et le 16 décembre 2020

([21]) Note du 6 mai 2020 relative au déconfinement et reprise de l’activité dans les services déconcentrés de l’administration pénitentiaire.

([22]) Note du 2 juin 2020.

([23]) Note du 23 juin 2020.

([24]) Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.

([25]) Selon le contexte en effet, ces faits sont susceptibles d’être qualifiés de fautes du deuxième degré (article R. 57-7-2 1° ou 3° du code de procédure pénale) ou du troisième degré (article R. 57-7-3 1° du CPP, si l’interdiction est formalisée dans le règlement intérieur de l’établissement ou dans une instruction particulière arrêtée par le chef d’établissement). La durée de la sanction devra être adaptée à la gravité du manquement commis et aux circonstances dans lesquelles il a été constaté.

([26]) Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.

([27]) Le taux d’occupation est le taux moyen sur la période s’étendant du 1er avril 2020 au 1er août 2021. Le taux de détenus contaminés est obtenu en ramenant le nombre de cas cumulés sur la période s’étendant du 15 mars 2020 au 29 juillet 2021 à la moyenne des stocks de détenus entre le 1er avril 2020 et le 1er août 2021.

([28]) Par exemple, la maison d’arrêt de Cherbourg présente un taux d’occupation moyen de 65,2 % mais un taux de détenus contaminés de 17,2 %.

([29]) C’est par exemple le cas de la maison d’arrêt de Rochefort ou de celle de Laval.

([30]) Avec un taux d’occupation respectif de 159 % et de 153 %, la maison d’arrêt de Tours a connu un taux de détenus contaminés de 79,6 % et le centre pénitentiaire de Majicavo de 92,3 %, le taux le plus élevé.

([31]) À ce sujet, voir le rapport pour avis n° 3404 sur les programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » du projet de loi de finances pour 2021, M. Bruno Questel, 13 octobre 2020.