N° 4526

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

 

TOME IX

 

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

 

 

PAR M. M’Jid EL GUERRAB

Député

——

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 4482


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. une contribution française stable À un budget europÉen ambitieux

A. un prÉlÈvement sur recettes estimÉ À 26,4 milliards d’euros pour la deuxiÈme année du cadre financier pluriannuel 2021/2027

1. Une contribution qui reflète l’impact du Brexit et du renforcement des moyens budgétaires de l’Union

2. Une prévision encore soumise à incertitudes

a. Un projet de budget 2022 en légère augmentation

b. Un contexte politique et économique encore incertain

B. la constitution progressive d’une vÉritable capacitÉ budgÉtaire europÉenne

1. Un budget européen de nature et d’ampleur inédites

2. Un équilibre entre nouvelles priorités et politiques dites traditionnelles

3. Quel avenir pour le plan de relance et le pacte de stabilité ?

C. UN dÉploiement du plan de relance europÉen dÈs 2021

1. L’établissement difficile d’un cadre juridique innovant

2. Un plan de relance européen pleinement opérationnel

3. La complexe mais prometteuse utilisation des fonds européens au service de l’État de droit

II. la nÉcessaire crÉation de nouvelles ressources propres pour l’union

A. Les nouvelles ressources propres, nÉcessitÉ budgÉtaire et impÉratif politique

1. L’obsolescence d’un système de financement reposant sur la logique du « juste retour »

2. Remboursement de l’emprunt et autonomie stratégique, deux objectifs requérant la création de nouvelles ressources propres

3. Une feuille de route ambitieuse pour la création de nouvelles ressources propres

B. un dÉfi majeur À relever pour la présidence française de l’Union européenne

1. Un accord de principe sur l’introduction de nouvelles ressources propres qui masque de profondes divergences entre les États membres

2. Un système institutionnel constituant un frein à la décision

3. Un paquet « ressources propres » représentant une priorité pour la France

a. Des avancées attendues sur les ressources propres à caractère environnemental

i. La proposition de règlement instaurant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

ii. La proposition de révision de la directive ETS encadrant le marché du carbone

b. Une taxe sur le numérique dépendante des travaux de l’OCDE sur la réforme de la fiscalité des entreprises multinationales

c. La poursuite de la réflexion sur les futures ressources propres

COnclusion

travaux en commission

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées  par le rapporteur pour avis


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introduction

 

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR‑UE) à 26,4 milliards d’euros.

Ce montant est stable par rapport à celui voté en loi de finances initiale pour 2021, qui s’élevait à 27,2 milliards d’euros. L’année 2022 est en effet la deuxième année d’un nouveau cadre financier pluriannuel, qui s’étendra de 2021 à 2027, et qui a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, bien que temporaire, incarnée par le plan de relance européen, Next Generation EU. Au risque de fragmentation que le Brexit et la crise sanitaire faisaient peser sur l’Union, les Européens ont ainsi répondu par la décision d’emprunter en commun, réaffirmant par là-même leur volonté de s’engager solidairement et dans la durée.

Il s’agit maintenant, pour l’Union, de transformer cet essai historique. À très court terme, l’enjeu principal est le déploiement rapide du plan de relance européen sur le terrain, les principaux obstacles liés à l’établissement du cadre juridique du plan de relance ayant été levés. À moyen terme, il conviendra de se poser la question de la pérennisation d’une capacité européenne d’investissement, alors que la double transition numérique et écologique requiert des financements massifs. Parallèlement, la création de nouvelles ressources propres est un enjeu majeur, à la veille de la présidence française de l’Union européenne : celles-ci doivent servir non seulement à rembourser le plan de relance, mais aussi à doter l’Europe d’une capacité d’action sans laquelle son objectif d’autonomie stratégique ne serait qu’un vœu pieux. Ces nouvelles ressources propres seraient, en outre, l’occasion historique de réviser en profondeur un système de financement de l’Union européenne vétuste, en dépassant le raisonnement fondé sur la « contribution nette » et le « juste retour », qui sont loin de refléter la totalité des bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne.

 


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I.   une contribution française stable À un budget europÉen ambitieux

A.   un prÉlÈvement sur recettes estimÉ À 26,4 milliards d’euros pour la deuxiÈme année du cadre financier pluriannuel 2021/2027

1.   Une contribution qui reflète l’impact du Brexit et du renforcement des moyens budgétaires de l’Union

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française au budget européen. Il comprend les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée, qui correspond à 0,3 % d’un assiette harmonisée pour l’ensemble les États membres, et la ressource fondée sur le revenu national brut, dite « ressource RNB », ainsi que diverses corrections accordées à certains États membres ou les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

Depuis le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur une contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés, dont la portée est surtout symbolique, pour deux raisons. D’abord, son montant, limité, a vocation à diminuer avec la progression de la part des plastiques recyclés, conséquence attendue de l’application de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire : il devrait représenter 1,1 milliard d’euros par an pour la France de 2021 à 2027, soit 4 % de son prélèvement sur recettes. Surtout, même s’il s’agit d’un transfert du budget national vers le budget européen et non d’une véritable ressource propre, c’est la première fois, depuis le Conseil européen de 1988, qu’une nouvelle ressource est introduite, signe d’une évolution des mentalités au sein du Conseil européen.

Ventilation du prélèvement pour 2022

(en milliards d’euros)

Ressource TVA

3 585

Ressource plastique

1 258

Ressource RNB

21 558

Dont rabais forfaitaires

1 365

Prélèvement total

26 400

Source : projet de loi de finances pour 2022

La loi de finances initiale pour 2021 avait prévu une hausse significative de 27 % du prélèvement européen (+ 5,7 milliards d’euros) par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, en raison notamment du départ du Royaume-Uni, deuxième contributeur net au budget européen, et de l’augmentation des dépenses requise pour répondre à la crise. Cette deuxième année du cadre financier pluriannuel s’inscrit dans la lignée de la précédente, avec une stabilisation du prélèvement européen à 26,4 milliards d’euros.

Cette stabilisation tient à plusieurs facteurs. Le principal facteur haussier est l’augmentation globale des dépenses (+ 4,6 milliards d’euros) sous l’effet de la montée en charge des politiques de recherche et d’action extérieure de l’Union. Cette hausse est cependant compensée par deux éléments principaux.  Premièrement, la contribution britannique attendue au titre de ses engagements passés augmentera en 2022, en raison d’un décalage calendaire de paiement qui conduit à diminuer les contributions des États membres. Ensuite, les effets de la reprise économique sur l’évolution du revenu national brut des États membres, ainsi que sur le produit des droits de douane reversés au budget européen, contribuent également à réduire le niveau de la contribution française.

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

(en milliards d’euros)

Prévisions initiales pour 2021 (LFI)

Évaluations révisées pour 2021 (LFR)

Évaluations pour 2022

27,2

26,4

26,4

Source : projet de loi de finances pour 2022

2.   Une prévision encore soumise à incertitudes

a.   Un projet de budget 2022 en légère augmentation

Le projet de budget de la Commission européenne prévoit une augmentation d’environ 2 % par rapport au budget 2021 : le budget de l’Union atteindrait 167,8 milliards d’euros en 2022 en crédits d’engagements, et 169,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Les priorités du budget 2022 sont la réponse à la crise sanitaire, la relance et la résilience, le financement de la transition verte, le financement de la transition numérique, et le renforcement des programmes de sécurité et de défense, de gestion des migrations et des frontières, et d’action extérieure.

À ce montant global s’ajoutent 143,5 milliards d’euros du plan de relance européen Next Generation EU, soit un total de 311,3 milliards d’euros en engagements pour 2022. La Commission prévoit également 194,8 milliards d’euros de prêts aux États membres, dans le cadre de la Facilité de relance et de résilience.

b.   Un contexte politique et économique encore incertain

L’estimation du prélèvement européen peut faire l’objet d’importantes révisions d’ici la fin de l’exercice 2021, pour plusieurs raisons. D’abord, elle est réalisée à partir du projet de budget de la Commission, et non du montant définitivement arrêté pour le budget de l’Union, qui ne sera connu qu’à l’issue de la procédure de conciliation entre le Parlement européen et le Conseil, prévue pour fin novembre.

Ensuite, elle peut varier fortement en cours d’année, non seulement en fonction du niveau réel d’exécution des crédits européens, mais également, en recettes, en fonction de l’évolution de la part de chaque État membre dans la richesse de l’Union, du montant des recettes diverses, du solde reporté et du montant des corrections sur exercices antérieurs.

Enfin, les prévisions de recettes de la Commission intègrent l’hypothèse que le Royaume-Uni s’acquittera de l’ensemble de ses obligations financières, ainsi que le prévoit l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020. Celles-ci représentent le reste à liquider, le paiement des engagements pris avant le 31 janvier 2020 et la contribution au régime de pension et d’assurance-maladie de de l’Union européenne. Or l’estimation, par la Commission, du montant dû par les Britanniques, de 47,5 milliards d’euros, a été contesté par le Royaume-Uni. Pour 2021, le gouvernement britannique doit verser 6,8 milliards d’euros, et le premier versement a bien été effectué.

B.   la constitution progressive d’une vÉritable capacitÉ budgÉtaire europÉenne

1.   Un budget européen de nature et d’ampleur inédites

Le Conseil européen du 21 juillet 2020 a permis à l’Union d’effectuer un tournant historique, en faisant sauter trois verrous majeurs : la limitation du budget européen à 1 % du produit intérieur brut (PIB) européen, l’équilibre entre les dépenses et les recettes, et le gel de toute nouvelle ressource propre.

Confrontés à une crise économique et financière ayant entraîné une contraction de 6,1 % du PIB de l’Union européenne, les États membres se sont accordés sur la création d’un plan de relance ambitieux, Next Generation EU, afin de favoriser une reprise rapide et coordonnée. Doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros (dont 390 milliards d’euros de subventions et 360 milliards de prêts), il permet à l’Union, pour la première fois, de s’endetter sur les marchés financiers.

Comme l’a souligné le député Pascal Brindeau dans son avis budgétaire sur le prélèvement européen dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, si la Commission est déjà habilitée à emprunter, au nom de l’Union, dans certains cas spécifiques et limités, l’emprunt proposé dans le cadre du plan de relance se distingue par son ampleur et par sa destination : il abonde le budget de l’Union, alors qu’il ne s’agissait jusqu’à présent que de prêts destinés aux États membres ou à des États tiers. La proposition d’emprunter, au nom de l’Union européenne, sur les marchés afin de soutenir les régions et les secteurs les plus touchés par la crise, dans le respect des priorités politiques européennes, constitue une étape majeure dans le renforcement de l’intégration européenne.

Chaque pays peut compter sur une enveloppe partiellement prédéfinie selon les principaux critères suivant : population, PIB par habitant, et taux de chômage avant le début de la pandémie. Les montants versés entre 2023 et 2026 dépendront, quant à eux, des baisses du PIB et de l’emploi observées en 2020, pour tenir compte de l’impact économique de la crise sanitaire. Au total, la France doit bénéficier, au titre de Next Generation EU, d’une enveloppe d’environ 40 milliards d’euros, ce qui en fait le troisième bénéficiaire du plan de relance, après l’Italie et l’Espagne. Ces financements alimenteront le plan de relance national, « France Relance », doté de 100 milliards d’euros.

Le versement des fonds est conditionné à l’adoption préalable, par le Conseil, des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) soumis par les États membres. Ces derniers doivent respecter un certain nombre de critères, définis par le Conseil européen de juillet 2020, puis précisés par la Commission :  au moins 37 % des dépenses doivent être alloués à la transition verte, et 20 % à la numérisation de l’économie. En outre, les plans nationaux doivent expliquer comment sont prises en compte les recommandations par pays sur les réformes structurelles, les politiques budgétaires et la prévention des déséquilibres macroéconomiques, qui sont établies dans le cadre du Semestre européen.

2.   Un équilibre entre nouvelles priorités et politiques dites traditionnelles

Le budget de l’Union européenne pour 2022 s’inscrit dans le nouveau cadre financier pluriannuel 2021/2027 qui, outre le financement de la relance, préserve un équilibre entre politiques « traditionnelles » et financement de nouvelles priorités.

Ainsi, le budget de la politique agricole commune a été maintenu, notamment les paiements directs sur sept ans aux agriculteurs. Autre priorité française, les crédits de la politique de cohésion ont également augmenté pour les régions françaises, notamment dans les outre-mer.

En outre, le cadre financier pluriannuel prévoit un important renforcement des moyens d’autres politiques prioritaires pour la France. Ainsi, 95 milliards d’euros sont dédiés au programme de recherche « Horizon Europe », ce qui représente une hausse de 50 % des moyens alloués à la recherche, au développement et à l’innovation par rapport au précédent CFP. Plus de 26 milliards d’euros sont consacrés au programme Erasmus+, dont le budget a été quasiment doublé. Les moyens du programme spatial ont augmenté d’un tiers. Plus de 5 milliards d’euros sont consacrés à un nouveau programme dédié à l’Europe de la santé, afin de renforcer les instruments européens de lutte contre les pandémies. Enfin, a été créé un Fonds européen de défense, doté de 8 milliards d’euros pour la période 20212027

Enfin, le CFP prévoit, pour la première fois, que 30 % des dépenses soient consacrés à la transition climatique et qu’aucun euro ne puisse être utilisé pour des investissements néfastes au climat. Le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Clément Beaune, a indiqué lors de la présentation, à l’Assemblée nationale, du projet de loi relatif aux ressources propres de l’Union européenne, le 26 janvier 2021, qu’une méthodologie commune permettrait de le vérifier.

3.   Quel avenir pour le plan de relance et le pacte de stabilité ?

Comme l’a souligné Pieyre-Alexandre Anglade dans son rapport de janvier 2021 sur le projet de loi relatif aux ressources propres de l’Union ([1]), les Européens ont su apporter une réponse rapide et d’envergure à la crise actuelle, radicalement différente du traitement lent et incomplet de la crise de 2008, dont l’Union avait mis dix ans à se relever. L’urgence et l’ampleur des besoins ont favorisé un véritable changement d’état d’esprit et permis de lever le tabou de l’endettement commun, permettant à l’Union Europe de faire face aux défis des toutes prochaines années.

Le principal enjeu, désormais, est « l’après plan de relance » : la constitution d’une capacité d’investissement permettant de faire face aux besoins massifs d’investissements pour la modernisation et la transformation verte et numérique de l’économie. À titre d’exemple, le président américain, Joseph Biden, prévoit un plan de modernisation des infrastructures à horizon 2030 d’un montant de 1 200 milliards de dollars. Une véritable capacité d’investissement européenne est d’autant plus impérative que le plan de relance, si important soit‑il, risque de ne pas suffire à éviter l’accroissement des divergences des économies du sud et du nord de l’Europe.

Dans cette perspective, deux grandes options pourraient être envisagées, même si elles sont loin de faire consensus au niveau européen : l’assouplissement des règles budgétaires européennes, ou la pérennisation de l’instrument d’endettement commun. À la faveur de la crise, les règles du pacte de stabilité et de croissance ont été gelées jusqu’à la fin de 2022. La Commission européenne lancera, dans les prochains mois, une réflexion sur sa révision. Dans ce contexte, le programme de la coalition issue des élections allemandes du 26 septembre sera déterminant.

C.   UN dÉploiement du plan de relance europÉen dÈs 2021

1.   L’établissement difficile d’un cadre juridique innovant

Innovation européenne destinée à répondre en urgence à la crise et aux besoins de la relance, l’établissement du cadre juridique du plan de relance, puis sa mise en œuvre, étaient un parcours semé d’embûches pour des Européens habitués à la lenteur des négociations, à la règle de l’unanimité, et à la culture du compromis. Si le cadre ([2]) a été établi dans un temps qui démontre que les Européens savent réagir aux crises, permettant à la Commission de procéder avec succès à ses premières émissions sur le marché et aux premiers décaissements, l’enjeu principal, à partir de cet automne, sera son bon déploiement sur le terrain.

Pour parvenir à ce résultat, les Européens ont surmonté de nombreux obstacles. Ils ont d’abord dû convaincre la Hongrie et la Pologne de lever leur « veto » sur l’adoption de la décision sur les ressources propres, requise pour autoriser la Commission à emprunter sur les marchés. Les deux États demandaient, en contrepartie, des garanties sur l’application de la proposition de règlement établissant, pour la première fois, un mécanisme conditionnant les fonds européens au respect, par les États membres, de l’État de droit. L’accord de la Hongrie et de la Pologne a été obtenu au prix d’une déclaration interprétative, intégrée aux conclusions du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020, donnant des assurances sur la manière dont ce règlement serait interprété.

Ensuite, la décision « ressources propres » a dû être ratifiée par l’ensemble des États membres. Le processus de ratification de la précédente décision sur les ressources propres avait pris plus de deux ans : en l’espèce, ce fut chose faite en mai 2021. C’est donc un pari réussi pour l’Europe, même si, à l’heure où l’Union européenne souhaite créer de nouvelles ressources propres, cela doit nous conduire à nous interroger sur le risque de paralysie qu’entrainent la règle de l’unanimité et la primauté de l’intergouvernemental en matière budgétaire et fiscale, et sur la façon d’y parer.

2.   Un plan de relance européen pleinement opérationnel

a.   Les premiers financements déjà alloués aux États membres

Les difficultés d’établissement du cadre juridique n’ont pas retardé le calendrier prévu pour la mise en œuvre du plan de relance européen, reposant sur plusieurs étapes : adoption par le Conseil européen des plans de relance nationaux présentés par les États membres, premières levées de fonds sur les marchés à l’été 2021, suivies des premiers décaissements.

Ainsi, fin septembre 2021, le Conseil de l’Union européenne avait adopté formellement les plans de relance de vingt États membres, dont celui de la France (en juillet dernier). Les plans de cinq autres États membres étaient en cours d’évaluation : ceux de l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, la Pologne, et la Suède. La Bulgarie et les Pays-Bas n’avaient pas encore soumis leur plan national.

Les quatre premières levées de fonds effectuées par la Commission ont été un succès auprès des investisseurs, lui permettant de lever 54 milliards d’euros à des conditions très favorables. D’ici à la fin de 2021, la Commission prévoit de lever près de 80 milliards d’euros d’obligations. En rythme de croisière, elle devrait émettre 150 milliards d’euros par an jusqu’en 2026. Traduction des priorités climatiques et environnementales de l’Union, 30 % du plan de relance européen seront financés par des obligations vertes, ce qui fera de l’Union le premier émetteur mondial de ce type d’instruments et contribuera à lancer un marché mondial des obligations vertes fondé sur les règles européennes.

Les États peuvent bénéficier d’un préfinancement d’environ 13 % du montant qui leur est dévolu dès 2021, puis de 20 % à 25 % par an jusqu’en 2024, en fonction de l’atteinte des jalons et des cibles définis dans leur plan de relance. Ainsi, fin septembre 2021, la Commission avait versé 51,5 milliards d’euros de préfinancement à seize États membres : 24,9 milliards d’euros à l’Italie, 9 milliards à l’Espagne, 5,1 milliards à la France, 4 milliards d’euros à la Grèce, 2,2 milliards au Portugal, 770 millions à la Belgique, 289 millions à la Lituanie, 12,1 millions au Luxembourg.

b.   Une contribution essentielle au plan de relance français

La France a souhaité consacrer 50 % des dépenses de son plan national de relance et de résilience à la transition verte et 25 % à la transition numérique. Tous les investissements présentés dans le plan national de relance et de résilience sont issus du plan national France Relance présenté par le Gouvernement le 3 septembre 2020, adopté par le Parlement en loi de finances pour 2021, et en cours de déploiement. En septembre 2021, près de la moitié du plan France relance avait déjà été engagé, soit près de 50 milliards sur les 100 prévus (70 % doivent être distribués d’ici à la fin de l’année 2021). Le plan de relance européen contribue au financement du plan de relance national à hauteur de 40 %, ce qui témoigne de la cohérence entre les priorités françaises et européennes.

Concrètement, sur les 40 milliards d’euros issus du plan de relance européen qui bénéficieront à la France, 20 milliards seront affectés à des projets favorisant la transition verte, comme le dispositif MaPrimeRenov’, dont la quasi-totalité sera financée par le plan de relance européen ; 10 milliards serviront à financer la transition numérique, avec des projets comme la couverture des zones blanches ; 10 milliards d’euros financeront le volet « cohésion sociale » du plan de relance, qui comprend notamment des mesures relatives à la formation professionnelle ou à l’accompagnement au retour à l’emploi.

La France a déjà reçu un préfinancement de 5,1 milliards d’euros, et fera une deuxième demande de préfinancement à la fin de l’année 2021.

3.   La complexe mais prometteuse utilisation des fonds européens au service de l’État de droit

Les avancées budgétaires se sont accompagnées d’une volonté d’affirmation des valeurs européennes et de protection accrue du budget européen, avec la création d’un mécanisme inédit conditionnant l’accès aux fonds européens au respect de l’État de droit ([3]). L’enjeu est majeur, les atteintes à l’État de droit se multiplient dans ces deux pays : entraves à l’indépendance de la justice et remise en question du principe fondamental de primauté du droit européen, en Pologne ; corruption qualifiée de « systémique » par la Commission, en Hongrie, et atteintes répétées aux droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres – LGBT.

Cependant le règlement établissant un mécanisme de conditionnalité à l’État de droit se heurte à des difficultés d’interprétation quant à son champ et sa date d’application. Le règlement est bien entré en vigueur le 1er janvier 2021, mais la Pologne et la Hongrie ont introduit un recours en annulation contre ce règlement, en mars dernier. Les deux États membres soutiennent, en substance, que ce mécanisme ne présente pas de liens avec le budget de l’Union et constitue en réalité un mécanisme de protection de l’État de droit visant à sanctionner certains États membres en contournant, par une procédure plus souple, la procédure prévue à l’article 7 du traité de l’Union européenne. La France a demandé à intervenir en soutien du Conseil et du Parlement européen dans cette procédure. À la demande du Parlement européen, la Cour a placé cette affaire sous procédure accélérée et une audience doit se tenir en octobre 2021.

Dans une résolution de juin 2021, le Parlement européen a, quant à lui, exhorté la Commission à appliquer sans tarder le mécanisme de conditionnalité, et prépare un recours en carence contre cette dernière au motif qu’elle aurait manqué les délais prévus par les traités. La Commission a assuré que les premières procédures engagées au titre du mécanisme de conditionnalité auraient lieu cet automne, après la décision de la Cour.

Il n’en reste pas moins qu’indépendamment de cet instrument, la Commission a décidé d’agir contre les atteintes à l’État de droit en Pologne et en Hongrie en utilisant le levier financier. Elle n’a toujours pas validé les plans nationaux polonais et hongrois, qui doivent, comme tous les autres, respecter les recommandations par pays : en l’espèce, elles concernent l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption. En outre, les plans nationaux de relance et de résilience doivent disposer de solides mécanismes d’audit et de contrôle, et garantir l’égalité de traitement des bénéficiaires des fonds. Les subventions du plan de relance (23,9 milliards d’euros pour la Pologne et 7,2 milliards d’euros pour la Hongrie) sont potentiellement un puissant instrument de pression sur les gouvernements hongrois et polonais.

De surcroît, le 7 septembre 2021, la Commission a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne d’imposer à la Pologne des astreintes journalières en raison du non-respect de l’ordonnance de la CJUE lui imposant la suspension de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, dont le fonctionnement ne garantit pas l’indépendance du système judiciaire. Par ailleurs, elle a envoyé, le 3 septembre, un courrier à cinq des régions polonaises ayant défini des « zones sans idéologie LGBT » menaçant de les priver de certaines aides communautaires, pour un montant total de 125 millions d’euros. À la fin du mois de septembre 2021, trois régions polonaises avaient ainsi renoncé à être des zones « sans idéologie LGBT ». S’agissant de la Hongrie, la Commission a lancé une procédure d’infraction contre le pays pour violation du droit européen en raison de sa récente loi sur la communauté LGBT, qui peut également mener à une saisine de la CJUE et à des sanctions financières.

II.   la nÉcessaire crÉation de nouvelles ressources propres pour l’union

A.   Les nouvelles ressources propres, nÉcessitÉ budgÉtaire et impÉratif politique

1.   L’obsolescence d’un système de financement reposant sur la logique du « juste retour »

Comme l’a indiqué M. Pieyre-Alexandre Anglade dans son rapport de janvier 2021 sur la nouvelle décision relative aux ressources propres ([4]), le système de financement actuel est complexe, opaque, et manque d’équité : il souffre de la multiplicité des mécanismes correcteurs obtenus par certains États pour limiter leur contribution budgétaire et n’assure aucune autonomie fiscale et financière à l’Union, près de 85 % du budget de l’Union étant financés par des recettes (TVA et RNB) qui ne sont pas de véritables ressources propres, puisqu’elles sont prélevées sur les budgets nationaux.

À cet égard, l’augmentation des rabais obtenue par certains États membres lors de la négociation de CFP 2021-2027 ([5]), condition nécessaire à l’obtention d’un compromis sur le plan de relance, est d’autant plus regrettable que la sortie du Royaume-Uni semblait l’occasion de supprimer tous les mécanismes de correction accordés aux États. La France devra continuer à exiger leur suppression dans le cadre de la refonte du système des ressources propres annoncé dans les prochaines années, afin que le présent cadre financier pluriannuel soit le dernier à les autoriser. Il reste que, en raison de la suppression du rabais britannique consécutif au Brexit, le montant de la part française dans le financement des rabais diminue, puisqu’il passe de 2 milliards d’euros dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 à 1,5 milliard d’euros dans le nouveau cadre.

Surtout, la logique du « juste retour » exacerbe les égoïsmes nationaux en assimilant l’Union européenne à un tiroir-caisse, et ne rend pas compte de l’ensemble des bénéfices de l’appartenance à l’Union. Le système de financement actuel de l’Union, déjà contesté – notamment par la France – lors de la négociation des précédents cadres financiers pluriannuels, est devenu encore plus obsolète à l’heure où les Européens affirment leur solidarité grâce à un emprunt commun permettant des transferts vers les pays les plus touchés par la crise.

Cette logique a été en outre renforcée par le système institutionnel : le caractère intergouvernemental des décisions en matière fiscale a favorisé la bascule des ressources propres vers les contributions nationales, entraînant des comportements de renationalisation de la dépense.

2.   Remboursement de l’emprunt et autonomie stratégique, deux objectifs requérant la création de nouvelles ressources propres

Au-delà de la perspective salutaire d’une sortie de la logique délétère du « juste retour », les nouvelles ressources propres ont deux objectifs principaux.

Premièrement, elles doivent servir à rembourser l’emprunt du plan de relance européen. En effet, ce dernier implique de dégager de nouvelles ressources d’environ 15 milliards d’euros par an à horizon 2028 et jusqu’en 2058. Dans l’hypothèse très improbable où aucune nouvelle ressource propre ne serait créée, les contributions nationales devront augmenter à partir de 2028 (d’environ 2,5 milliards d’euros par an pour la France).

Deuxièmement, elles doivent renforcer la capacité d’action de l’Union, à l’heure où la Commission et de nombreux États membres, à commencer par la France, font de l’autonomie stratégique une pierre angulaire des politiques européennes. C’est le cas notamment des ressources à finalité écologique, comme le système d’échange de quotas d’émission (Emission Trading Scheme, ou ETS) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui doit aider l’Union à atteindre son objectif de neutralité carbone de l’Union tout en protégeant les entreprises européennes de la concurrence déloyale de concurrents internationaux non soumis aux mêmes contraintes environnementales. S’agissant de la taxation des services numériques et de la taxe sur les transactions financières, il s’agit également d’une exigence d’équité fiscale. Enfin, ces nouvelles ressources propres doivent permettre de financer les investissements massifs dont l’Union européenne a besoin pour accomplir sa double transition numérique et écologique.

3.   Une feuille de route ambitieuse pour la création de nouvelles ressources propres

L’accord du Conseil européen de juillet 2020 a posé les bases d’une rénovation profonde du système de financement du budget européen en prévoyant la création de nouvelles ressources propres au cours des sept prochaines années. Le Parlement européen a posé comme condition à son approbation du cadre financier pluriannuel l’adoption d’un accord institutionnel établissant une feuille de route pour y parvenir. 

Si cette feuille de route n’introduit qu’une obligation de moyens, et non de résultats, elle reste néanmoins contraignante pour les institutions : la Cour de justice de l’Union européenne pourra annuler des actes de l’une des institutions si celle-ci n’émet pas les propositions de texte prévues, ou ne délibère pas dans les temps, en méconnaissant les termes de l’accord interinstitutionnel.

Ainsi, la feuille de route prévoit trois étapes pour l’introduction des nouvelles ressources propres :

– avant juin 2021 : publication de propositions de la Commission européenne pour une taxe numérique, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission (ETS) et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ;

– 2022 et 2023 : délibération du Conseil sur ces propositions avant le 1er juillet 2022, en vue de leur mise en œuvre le 1er janvier 2023 ;

– 2024-2026 : publication par la Commission, avant juin 2024, de propositions pour de nouvelles ressources propres « qui pourraient inclure » une taxe sur les transactions financières (TTF), une contribution financière des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés. Le Conseil est invité à délibérer de ces propositions avant le 1er juillet 2025 en vue de leur introduction au 1er janvier 2026.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, la Commission s’est engagée à ce que, dans le cas où la coopération renforcée sur la TTF parviendrait à un accord avant 2022, elle proposerait d’en faire une ressource propre. À défaut, elle fera une nouvelle proposition avant juin 2024.

Première atteinte à la feuille de route : la Commission a repoussé à l’automne 2021 la publication du paquet ressources propres visant à introduire trois nouvelles ressources (redevance numérique, MACF et révision du système ETS). La principale raison de ce report réside dans la volonté de ne pas interférer avec les discussions en cours au sein de l’OCDE sur la taxation des entreprises multinationales.

B.   un dÉfi majeur À relever pour la présidence française de l’Union européenne

1.   Un accord de principe sur l’introduction de nouvelles ressources propres qui masque de profondes divergences entre les États membres

S’il existe un accord de principe, parmi les États membres, sur la nécessité d’introduire de nouvelles ressources propres pour rembourser l’emprunt, les ressources propres à caractère environnemental semblent plus consensuelles que les mesures à caractère fiscal, qui sont encore loin de faire l’unanimité.

Tout d’abord, les réticences initiales de trois pays Européens (Irlande, Estonie et Hongrie) sur le projet de réforme de la fiscalité des multinationales négocié au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – témoignent de la difficulté qu’ont certains États à modifier un modèle de développement fondé sur une fiscalité attractive. Cependant, début octobre 2021, l’Irlande, l’Estonie et la Hongrie ont annoncé qu’ils rejoignaient cet accord, ce qui est une étape majeure dans les négociations.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, elle n’est actuellement discutée que dans le cadre d’une coopération renforcée regroupant dix États membres ([6]). De nombreux désaccords persistent, notamment sur le contenu de la base imposable (inclusion ou non de certains produits dérivés, par exemple). La demande des membres du Parlement européen d’affecter les recettes issues de la coopération renforcée au remboursement de la part de l’emprunt relevant des États membres y participant serait susceptible de relancer opportunément la dynamique en faveur de cette taxe. La Commission envisage, quant à elle, de présenter une nouvelle proposition à 27. Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne – PFUE –, il pourrait être opportun d’organiser des groupes dédiés à la TTF afin d’entamer les travaux nécessaires à la constitution d’une TTF européenne en tant que nouvelle ressource propre.

Enfin, il est regrettable que la proposition d’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), proposée par la Commission en 2018, n’ait pas été reprise par le Conseil européen de juillet 2020. Aucun calendrier n’est prévu pour le projet « Business in Europe : Framework for Income Taxation » (BEFIT), successeur du projet ACCIS, dont le rendement n’a en outre pas été estimé.

2.   Un système institutionnel constituant un frein à la décision

En matière fiscale, les difficultés des négociations sont renforcées par la règle de l’unanimité et le rôle prépondérant de l’intergouvernemental, qui freinent les décisions et favorisent l’obtention de compromis sur le plus faible dénominateur. S’agissant des ressources propres à caractère non fiscal, comme le MACF ou le système ETS, l’unanimité n’est pas requise, mais elle le sera pour les intégrer dans le système des ressources propres de l’Union. À l’heure de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, il conviendra de réfléchir aux façons d’assouplir le système institutionnel afin de surmonter ces blocages, via l’extension de la majorité qualifiée ou le recours aux coopérations renforcées.

En tout état de cause, les divergences entre les États membres justifient une négociation portant sur un « panier » global, afin de répartir de façon plus équilibrée la charge des différents instruments fiscaux et en faciliter ainsi l’acceptabilité par les États membres, tout en améliorant la prévisibilité des recettes. De ce point de vue, le report à la fin de l’année 2021 de la publication du paquet « ressources propres » laisse planer le risque d’une négociation sectorielle éloignée d’une logique plus globale nécessaire à la constitution d’un véritable paquet de ressources.

3.   Un paquet « ressources propres » représentant une priorité pour la France

a.   Des avancées attendues sur les ressources propres à caractère environnemental

La Commission a détaillé, le 14 juillet dernier, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et sa proposition de révision du système ETS, dans le cadre de son paquet « Ajustement à l’objectif 2055 ». Si les ressources propres à caractère environnemental offrent un potentiel important de rendement et sont cohérentes avec les priorités défendues par la France en matière d’environnement dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, elles restent cependant tributaires des réformes sectorielles in fine retenues et de l’affectation au budget européen d’une part suffisante des recettes.

i.   La proposition de règlement instaurant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Initiative défendue par la France et présentée par le président de la République dans son discours de la Sorbonne en 2017, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières vise à introduire, dans le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un prix carbone sur les biens importés vers l’Union européenne pour lutter contre les fuites de carbone, afin d’éviter le transfert des activités industrielles vers des lieux où la tarification carbone est plus faible. Les recettes provenant de la tarification carbone pesant sur les produits importés au sein de l’Union européenne devraient a priori être fléchées vers les ressources propres de l’Union. Cette mesure devra néanmoins être confirmée dans le paquet « ressources propres » qui sera publié à l’automne 2021.

Le MACF prendra la forme d’un système miroir au marché du carbone ETS avec des quotas d’émissions spécifiques ayant le prix moyen hebdomadaire des quotas d’émissions commercialisés dans le marché du carbone. Il couvrira, dans un premier temps, les émissions directes de cinq secteurs : ciment, fer et acier, fertilisants, aluminium et électricité. En instaurant une tarification carbone sur les produits importés dans l’Union, le MACF est conçu comme une alternative aux quotas gratuits délivrés dans le marché du carbone. Son entrée en vigueur entraînera donc leur disparition progressive – pour les secteurs couverts par le MACF – à raison de 10 % par an à partir de 2026, jusqu’à leur disparition totale en 2035.

De nombreux États membres soutiennent le MACF ([7]), qui est également perçu comme un outil diplomatique pour inciter à la décarbonation des États tiers. Le Parlement européen a soutenu le MACF dans sa résolution du 10 mars 2021, mais est divisé sur la question des quotas gratuits et du nombre de secteurs concernés. Certains groupes (S&D, les Verts et La Gauche) dénoncent le faible nombre de secteurs concernés par le MACF et contestent la lenteur du rythme de réduction des quotas gratuits. Le PPE voudrait, quant à lui, réduire le nombre de secteurs concernés et défend le maintien des quotas gratuits pour soutenir l’industrie.

Enfin, le projet de MACF est contesté par les principaux partenaires de l’Union européenne, notamment la Chine, la Russie et les États-Unis, qui le jugent incompatible avec les règles de l’OMC. Les pays en développement s’inquiètent également d’un dispositif qui ne prévoit, à ce stade, pas de dérogation pour eux.

ii.   La proposition de révision de la directive ETS encadrant le marché du carbone

La proposition de révision du fonctionnement du marché du carbone vise à adapter le système ETS aux nouveaux objectifs climatiques de l’Union. Elle prévoit d’appliquer un prix du carbone harmonisé au niveau européen aux secteurs les plus émetteurs : production d’énergie, transport (aviation, maritime, routier), bâtiment. À ce stade, le pourcentage de recettes fléchées vers les ressources propres de l’Union européenne n’est pas précisé dans la proposition de la Commission européenne et devra être confirmé dans le paquet ressources propres qui sera publié à l’automne 2021.

La proposition de la Commission européenne élargit le champ d’application de la directive à l’intégralité du secteur du transport maritime intra-européen et à la moitié du transport maritime extra-européen. Elle couvre également les émissions à quai dans les ports de l’Union. La Commission prévoit également une suppression progressive des quotas attribués gratuitement pour les vols intra-européens, avec une disparition totale prévue d’ici à 2027. La directive révisée prévoit également de créer un système de marché du carbone séparé pour le transport et le bâtiment, qui sera fonctionnel à partir de 2026. Parallèlement, la Commission prévoit de créer un « Fonds social pour le climat » alimenté par 25 % des recettes du nouvel ETS, et destiné à compenser les impacts sociaux de ce dernier.

De nombreux États soutiennent l’alignement du système ETS sur les nouveaux objectifs climatiques de l’Union européenne. Néanmoins, peu d’États membres sont favorables à son extension au transport routier et au bâtiment, en raison des impacts de l’augmentation du coût du carbone sur les ménages les plus modestes. Le Parlement européen est également réservé sur cette extension, et juge le Fonds social pour le climat insuffisant pour pallier les impacts sociaux du dispositif proposé par la Commission.

b.   Une taxe sur le numérique dépendante des travaux de l’OCDE sur la réforme de la fiscalité des entreprises multinationales

En parallèle de la réflexion menée au sein de l’Union sur la taxation des services numériques, les travaux relatifs à la réforme de la fiscalité des entreprises multinationales à l’OCDE ont abouti à la conclusion d’un accord politique, le 1er juillet 2021. Celui-ci contient notamment une clause d’exclusion de toutes taxes numériques nationales, ce qui contraint l’Union européenne dans sa définition de la future taxe sur le numérique (digital levy). L’accord a été endossé par le G20 de juillet 2021. Début octobre 2021, les trois derniers pays européens qui le rejetaient, l’Irlande, l’Estonie et la Hongrie, ont décidé de le soutenir, ce qui permet de lever l’un des derniers obstacles à l’aboutissement du projet.

La Commission a reporté à l’automne la présentation du projet de taxe sur le numérique dans la perspective de la conclusion, en octobre 2021, de l’accord technique du cadre inclusif de l’OCDE. Ce dernier devra notamment préciser les contours de la clause d’exclusion entre les mesures OCDE et les taxes sur le numérique nationales. 

Parallèlement, des solutions alternatives à la taxe sur le numérique compatibles avec les mesures de l’OCDE sont en en cours de réflexion. La Commission pourrait envisager un maintien de la présentation de son projet de taxe sur le numérique, éventuellement ajusté à la marge en fonction des contours définitifs de la clause d’exclusion de l’accord OCDE, en prévoyant une potentielle solution de repli qui serait le recours à une coopération renforcée en cas de blocage des négociations.

c.   La poursuite de la réflexion sur les futures ressources propres

Afin d’élargir le champ des potentielles nouvelles ressources propres de l’Union, votre rapporteur a soumis aux services du ministère de l’économie, des finances et de la relance l’idée d’affecter au budget européen les recettes issues des visas Schengen. Cette proposition semble malheureusement soulever d’importantes réserves. La recherche de nouvelles ressources propres doit en effet privilégier, afin d’accroître son acceptabilité par l’ensemble des États membres, des propositions pertinentes tant sur le plan économique que pour les finances européennes et nationales, reposant sur les critères suivants :

– un rendement significatif et, si possible, dynamique ;

– une base fiscale (ou, à défaut, une recette nouvelle) assise sur une politique européenne ;

– un taux de contribution français équilibré par rapport au poids relatif de la France dans le RNB de l’Union ;

– un dispositif lisible, opérationnel et cohérent en termes économiques qui privilégie une taxation tenant compte de la capacité contributive des contribuables assujettis ou la taxation d’externalités négatives.

Or, l’affectation des recettes issues des visas Schengen ne paraît pas satisfaire ces différents critères. Premièrement, l’octroi de visas aurait un rendement de quelques centaines de millions d’euros par an au niveau européen (avec des perspectives globalement stables d’évolution), ce qui est trop faible au regard des besoins identifiés. Deuxièmement, la ressource propre proposée ne repose pas sur une base fiscale nouvelle ou sur une augmentation de ressource existante (sauf à anticiper une augmentation conséquente du tourisme extra-européen et de l’immigration par rapport au niveau pré-crise). Il s’agirait donc d’un transfert de recettes nationales. De surcroît, la politique n’inclut pas l’ensemble des États membres, car certains États membres (Croatie, Irlande, Roumanie, Bulgarie, Chypre) ne font pas partie de l’espace Schengen, ce qui complique toute perspective de mutualisation. Troisièmement, le niveau de contribution français est susceptible d’être fortement déséquilibré par rapport à son poids dans le RNB européen. En effet, la France est le premier pays européen de destination touristique et d’étudiants de provenance extra-européenne. Enfin, une telle ressource propre pourrait conduire à encourager des stratégies non coopératives de façon à faire assumer par un voisin les coûts administratifs d’établissement des visas, les recettes étant mutualisées. 

 


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   COnclusion

L’année 2020 fut une année charnière dans la construction européenne puisqu’elle a permis de poser les bases d’une véritable capacité budgétaire européenne. Les années suivantes devront être celles de la rénovation en profondeur du système de financement de l’Union européenne, grâce à la création de nouvelles ressources propres, qui contribueront au remboursement du plan de relance, au financement de la transition verte et numérique, et à l’affirmation d’une capacité d’action autonome.

Surtout, ces nouvelles ressources propres permettront de sortir de la logique obsolète du juste retour, attisée par un système de financement reposant quasi exclusivement sur les contributions nationales.

Tel sera l’un des principaux enjeux de la Président française de l’Union européenne.

Au bénéfice de ces remarques, votre rapporteur se prononce en faveur de l’adoption de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022.

 


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   travaux en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2021, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre d’un sujet qui est très important stratégiquement, mais sur lequel nous avons un pouvoir relativement restreint : je veux parler du prélèvement européen.

Il est évalué à 26,4 milliards pour 2022, ce qui marque une relative stabilité par rapport à l’année dernière, où son montant avait connu une hausse de 5 milliards, du fait du Brexit et des dépenses liées à la lutte contre la crise sanitaire. Chacun sait ce qu’il en est : il s’agit d’une décision énorme, mais soumise, puisque si nous ne votions pas ce prélèvement nous sortirions de la légalité internationale, ce qui n’est évidemment pas une option.

Heureusement, cela ne nous empêchera pas d’aborder l’ensemble des questions qui tournent autour du budget de l’Europe : le déploiement du plan de relance adopté en septembre 2021 ; l’adaptation des règles budgétaires européennes aux défis auxquels nos États sont confrontés ; le problème des ressources propres de l’Union ; la question du maintien ou de la remise en cause de la règle de l’unanimité en matière fiscale – le dada de certains d’entre vous et de moi-même ; enfin, le respect de l’État de droit et les mécanismes qui visent à en assurer le respect. Ce sont les éternels problèmes sur lesquels nous revenons, budget après budget, puisque, dans l’Union européenne, tout progresse à la vitesse de la tortue.

M. M’jid El Guerrab, rapporteur pour avis. Monsieur le président, chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022, qui évalue le prélèvement sur recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne.

Il s’élève cette année à 26,4 milliards, soit presque le même montant que celui voté en projet de loi de finances rectificative pour 2021. Cette stabilité s’explique par le fait qu’il s’agit de la deuxième année du cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui a été adopté l’année dernière et qui marque, sur le plan budgétaire, un véritable tournant pour l’Union, pour plusieurs raisons.

D’abord, l’accord historique du Conseil européen de juillet 2020 a permis d’établir un budget européen inédit par sa nature et son ampleur : le plan de relance Next Generation EU, doté de 750 milliards, dont 390 milliards de subventions et 360 milliards de prêts, est financé par un emprunt commun qui abonde le budget de l’Union. Ces crédits s’ajoutent à un cadre financier pluriannuel renforcé, s’élevant à 1 074 milliards. Au total, le cadre financier pluriannuel et Next Generation EU représentent 1 824 milliards d’euros, soit 1,8 % du revenu national brut (RNB) de l’Union, alors que, dans le cadre financier pluriannuel précédent, de nombreux États membres refusaient catégoriquement de dépasser le seuil symbolique de 1 %.

S’agissant du cadre financier pluriannuel en tant que tel, il maintient un équilibre entre les politiques dites traditionnelles et les nouvelles priorités. Même si nous aurions espéré davantage de moyens pour ces programmes, plusieurs priorités françaises ont été satisfaites : préservation du budget de la politique agricole commune (PAC) ; augmentation de la politique de cohésion, notamment dans les outre-mer ; création d’un Fonds européen de défense ; augmentation d’un tiers du budget spatial. Au titre des nouveautés, il convient de saluer le nouveau programme dédié à l’Europe de la santé. En outre, pour la première fois, 30 % des dépenses du budget européen sont consacrés à la transition climatique.

S’agissant du plan de relance européen, il est d’ores et déjà opérationnel et les premiers financements ont commencé à être versés aux États membres. Ainsi, début octobre 2021, vingt-deux des vingt-cinq plans de relance nationaux soumis à la Commission ont été approuvés. Les quatre premières levées de fonds effectuées par la Commission ont été un vrai succès auprès des investisseurs et lui ont permis de lever 54 milliards à des conditions très favorables, ce qui prouve la pertinence économique et financière du modèle européen. La Commission avait versé 51,5 milliards de préfinancement à seize États membres.

Le plan de relance français a été adopté en juillet dernier. La France a déjà reçu un préfinancement de 5,1 milliards et fera une deuxième demande de préfinancement à la fin de l’année 2021. Il s’agit d’une contribution essentielle au plan de relance français : sur les 100 milliards prévus pour le plan France relance, 40 milliards, soit 40 %, proviendront de Next Generation EU. Sur ces 40 milliards de financements européens, 20 milliards seront affectés à des projets favorisant la transition verte, comme le dispositif MaPrimeRénov’, dont la quasi-totalité sera financée par le plan de relance européen ; 10 milliards serviront à financer la transition numérique, avec des projets comme la couverture des zones blanches ; 10 milliards financeront le volet « Cohésion sociale » du plan de relance, qui comprend notamment des mesures relatives à la formation professionnelle ou à l’accompagnement au retour à l’emploi.

En outre, la montée en puissance du budget européen s’est accompagnée d’une réaffirmation des valeurs de l’Union avec la création, en 2020, d’un mécanisme inédit de conditionnalité des fonds européens au respect de l’État de droit. La Pologne et la Hongrie ont introduit un recours en annulation contre le règlement instaurant ce mécanisme, mais la Commission prévoit de lancer les premières procédures dès cet automne, après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), attendue en octobre 2021.

Indépendamment de cet instrument, la Commission utilise le levier financier pour agir contre les atteintes à l’État de droit en Pologne et en Hongrie. Celles-ci sont de plus en plus préoccupantes, comme en témoigne le refus du tribunal constitutionnel polonais de reconnaître la primauté du droit européen, dans un arrêt rendu jeudi dernier. Elle n’a toujours pas validé les plans nationaux hongrois et polonais qui doivent, comme tous les autres, respecter les recommandations par pays définies dans le cadre du semestre européen : en l’espèce, elles concernent notamment l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption.

Enfin, la création de nouvelles ressources propres est essentielle, non seulement pour rembourser l’emprunt, mais aussi pour sortir de la logique du « juste retour », du raisonnement à courte vue selon lequel chacun devrait recevoir de l’Union européenne à peu près ce qu’il lui verse. Les institutions européennes se sont donné une feuille de route ambitieuse prévoyant de créer cinq nouvelles ressources propres. Parmi celles-ci, trois doivent être appliquées dès 2023 : la taxe numérique, une ressource fondée sur le système d’échange de quotas d’émission (ETS) et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). À partir de 2026 sont prévues une taxe sur les transactions financières, ainsi qu’une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés.

Outre le frein institutionnel constitué par la règle de l’unanimité pour les mesures à caractère fiscal, beaucoup d’obstacles restent à lever pour parvenir à un accord sur chacune de ces ressources. Initialement prévue mi-juillet 2021, la publication par la Commission du paquet ressources propres visant à introduire la redevance numérique, le MACF et la révision du système ETS a été repoussée à l’automne 2021. Ce report s’explique notamment par la volonté de ne pas interférer avec les discussions en cours au sein de l’OCDE sur la taxation des entreprises multinationales.

Il n’en reste pas moins que le remboursement du plan de relance européen implique de dégager de nouvelles ressources d’environ 15 milliards par an de 2028 à 2058, et qu’aucun État membre ne souhaite voir augmenter sa contribution nationale. Il existe donc un vrai consensus sur la nécessité d’avancer sur ce chantier des nouvelles ressources propres.

Des avancées majeures ont eu lieu dans le cadre des négociations de l’OCDE sur la fiscalité des multinationales. La semaine dernière, les trois derniers pays européens qui refusaient l’accord – l’Irlande, l’Estonie et la Hongrie – ont décidé de le soutenir : c’est une étape majeure dans les négociations. S’agissant des recettes potentielles, le secrétaire d’État Clément Beaune a indiqué récemment, devant la commission des affaires européennes de notre assemblée, qu’un tel accord rapporterait 150 milliards de ressources fiscales mondiales supplémentaires, dont 50 milliards dans l’ensemble de l’Union européenne et 5 milliards pour la France. Tout ou partie de cette ressource pourrait contribuer au remboursement du plan de relance et abonder le budget européen dans les années qui viennent.

De surcroît, les ressources propres à caractère environnemental offrent un potentiel de rendement important dans l’absolu et sont cohérentes avec les priorités françaises et européennes en matière de protection de l’environnement. La mise en place de ressources propres environnementales reste cependant tributaire des réformes sectorielles finalement retenues et de l’affectation au budget de l’Union d’une part suffisante des recettes générées.

En conclusion, trois verrous budgétaires ont sauté l’année dernière, à la faveur du Conseil européen de juillet 2020 : la limitation du budget européen à 1 % du PIB européen, l’équilibre entre les dépenses et les recettes, et le gel de toute nouvelle ressource propre. Il convient désormais de transformer l’essai, en faisant aboutir les négociations sur les ressources propres. Ce sera l’un des enjeux fondamentaux de la présidence française de l’Union européenne (PFUE).

À la faveur de toutes ces remarques, je vous invite à vous prononcer en faveur de l’adoption de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022.

Mme Liliana Tanguy (LaREM). Face à la crise sanitaire, les Européens ont su faire honneur à leurs valeurs de solidarité et de confiance mutuelle. Ils ont su faire avancer le projet européen, né il y a plus de soixante-dix ans. Pour la première fois, l’Union européenne s’est dotée d’une capacité budgétaire propre, à travers le plan de relance Next Generation EU. Doté de 750 milliards, ce plan permet à l’Union de lever des fonds sur les marchés financiers. Ce dispositif constitue un pas de géant dans la construction européenne. Il montre aux citoyens européens que les institutions que nous avons bâties ensemble peuvent les protéger efficacement.

À moyen terme, comme je le notais dans mon rapport d’information sur la loi « climat et résilience » rédigé au titre de la commission des affaires européennes, l’Union sera cruciale pour faire face à l’urgence climatique. Le versement des fonds du plan de relance européen sera ainsi conditionné à l’adoption préalable des plans nationaux, qui doivent consacrer 37 % de leurs projets à la transition écologique, et dont aucun financement ne doit nuire à l’environnement.

Pour relever les défis actuels, l’effort européen ne s’arrête pas là. Pour la première fois, le cadre financier pluriannuel prévoit en effet, sur la période 2021-2027, que 30 % des dépenses seront consacrées à la transition climatique et qu’aucun euro ne pourra être utilisé pour des investissements néfastes au climat.

Enfin, c’est à travers l’Union européenne que nous pourrons maintenir l’exercice de notre souveraineté. Ce n’est qu’unis que nous pourrons maintenir notre indépendance alimentaire, industrielle, scientifique, sanitaire et militaire. Ce sont autant d’enjeux auxquels le budget de l’Union européenne répond résolument pour les six années à venir, par le maintien du budget de la politique agricole commune, la hausse de 50 % des moyens investis dans la recherche, le développement et l’innovation, le doublement des crédits alloués au programme Erasmus, l’augmentation d’un tiers de l’effort financier en direction du programme spatial, la consécration de 5 milliards à la santé et de 8 milliards à la création d’un Fonds européen de défense.

À l’heure où l’Union européenne doit faire face à de nombreux défis, la France doit réaffirmer son attachement à la construction d’un projet commun. C’est ce qu’elle fera en maintenant sa contribution financière à hauteur de 26,4 milliards pour l’année 2022, c’est-à-dire à la même hauteur qu’en 2021, sachant que cette contribution avait augmenté de 27 % l’année dernière, du fait de la crise liée au covid-19 et du départ du Royaume-Uni.

La France maintient donc sa place de deuxième contributeur au budget européen et conserve ainsi son rôle de leader politique et économique de l’Union. C’est pourquoi le groupe La République en Marche partage l’avis du rapporteur et est favorable à l’adoption de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022.

M. Frédéric Petit (Dem). Après une hausse du prélèvement européen l’année dernière, conséquence du Brexit, nous sommes désormais dans une phase de stabilisation de notre participation au budget de l’Union.

Je souhaite insister sur un point particulièrement important pour les Français que je représente, les Français qui vivent au cœur de l’Europe, et dont on parle peu : l’effet de levier. Le budget européen est davantage que la somme des contributions des États membres et il permet de faire plus que la somme des contributions. Il suffit de penser à l’exemple de la corvette européenne évoqué ce matin lors de l’audition du PDG de Naval Group. Si on n’est pas ensemble, on fait moins que si on est ensemble avec les mêmes montants.

Vous avez insisté, monsieur le rapporteur pour avis, sur les financements propres de l’Union. Il en est un qui a été introduit en janvier 2021 : c’est la taxe sur la ressource plastique. Dans la mesure où il n’y a pas de frontières pour le plastique, il aurait été impossible d’imposer cette taxe à une autre échelle qu’à celle de l’Union. Ma collègue vient par ailleurs de rappeler l’énorme effort réalisé en matière de verdissement de nos budgets et de nos plans d’investissement au niveau européen : là encore, nous sommes plus efficaces à vingt-sept que chacun dans notre coin.

C’est une année un peu particulière pour la France, puisqu’elle va présider le Conseil de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2022. Mon groupe est favorable au vote du prélèvement mais pourriez-vous détailler les principales étapes de la présidence française en vue d’une modernisation et d’une amélioration de ce budget européen ?

M. Alain David (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour votre travail, qui dépasse la stricte présentation du prélèvement européen pour 2022. J’ai été très intéressé par les perspectives que vous explorez concernant la création de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne. Elles lui garantiraient une véritable ambition et une réelle autonomie budgétaire, en cassant la logique délétère du juste retour. Comme vous, je souhaite que cette piste fasse, parmi d’autres, l’objet d’avancées volontaristes lors de la prochaine présidence française de l’Union, au premier semestre 2022.

Il me semble dommage que la présidence française, qui devrait être un moment déterminant, soit percutée par nos échéances électorales, alors que la pratique des échanges de présidence aurait justement permis d’éviter tout risque de parasitage.

Parmi les pistes pour créer des ressources propres, outre la taxe sur les transactions financières ou celle sur les multinationales, proposée au niveau de l’OCDE, je suivrai avec attention le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Alors que le débat sur les relocalisations industrielles avait repris un peu de vigueur au moment du pic de l’épidémie de covid-19, il est un peu moins présent. Or je considère qu’une telle initiative pourrait être un premier pas dans la lutte contre le libre-échange forcené qui abîme la planète et place les travailleurs dans une concurrence dangereusement déséquilibrée.

Monsieur le rapporteur, au cours de l’élaboration de votre rapport, avez-vous pu échanger sur le sujet avec Clément Beaune ou d’autres membres du Gouvernement ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le député, je ne pense pas que nous pourrons changer le calendrier électoral, mais je rappelle que nous avons dans notre commission deux personnes, au moins, qui aspirent elles-mêmes à conclure la présidence française de l’Union européenne en tant que Président de la République. Je suis très fier que notre commission soit une sorte de nurserie présidentielle !

M. Jean-Michel Clément (LT). Monsieur le rapporteur, j’aurai deux remarques et deux questions.

Premièrement, je constate une nouvelle fois que plusieurs États – les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède, l’Allemagne – ont saisi l’occasion des négociations sur le plan de relance pour conserver leur rabais dans le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, malgré l’opposition de la France. Au total, ce sont 10 milliards de plus sur sept ans qui se sont envolés des caisses communautaires.

Deuxièmement, cet examen est l’occasion de réaffirmer notre souhait que l’essentiel du budget européen soit composé de ressources propres, car le modèle fondé sur des prélèvements est dépassé. Par ailleurs, comme ces prélèvements reposent pour l’essentiel sur la TVA, l’impôt le plus injuste qui soit, c’est la double peine.

La logique actuelle du prélèvement sur recettes n’a de sens que lorsque l’on souhaite construire une union politique. Elle est au contraire une source de tensions entre des États qui veulent tous en avoir pour leur argent.

J’en arrive à mes deux questions.

Le plan de relance Next Generation EU de 750 milliards, qui fait suite à la crise, prévoit que la France doit recevoir 40 milliards, pour 66 milliards cotisés à l’Union européenne. À ce jour, seuls 5 milliards ont été versés et 7 milliards devraient être versés en 2022. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’échéance de ces versements ?

À l’heure où l’on voit surgir en Europe des contestations de l’État de droit, ne conviendrait-il pas de conditionner les versements européens au respect de celui-ci ? Comme certains de mes compatriotes, je me demande si l’argent des contribuables français doit financer des gouvernements qui ne respectent pas les valeurs humanistes les plus essentielles, qui sont au fondement du projet européen.

M. Jean-Luc Mélenchon (LFI). Vous ne serez pas surpris d’entendre que je ne compte pas voter cette ligne budgétaire : elle est l’occasion de récitations bien connues qui nous font passer à côté d’événements tout à fait considérables. L’événement n’est pas que l’on ait voté des décisions absurdes concernant le plan de relance – lequel n’en est pas un – mais que se multiplient depuis des mois des phénomènes de désagrégation qui devraient nous faire réfléchir.

La désagrégation est tout d’abord idéologique, les États égoïstes ayant refusé le financement de l’Union européenne par des fonds propres. À l’inverse, nous pensons pratiquement tous ici que c’est justement sur cela qu’elle devrait reposer. Au demeurant, c’était le cas autrefois, avant que l’on abolisse les droits de douane, inversant ainsi les financements : hier, c’était les droits de douane d’abord, la contribution des États ensuite ; désormais, c’est la contribution des États, point final. Nous sommes dans une impasse. Les États égoïstes ne vont pas lâcher prise et leurs nombreuses déclarations, dont les connotations antifrançaises ne m’ont pas échappé, sont là pour nous le rappeler.

Le blocage est également principiel. C’est beaucoup plus fondamental car l’Union n’a de sens que par rapport aux principes qu’elle défend. La Pologne et la Hongrie, et même des cours constitutionnelles la remettent en cause, avec l’assentiment bien imprudent d’un certain nombre de personnes. Si la règle pacta sunt servanda n’est plus respectée, il n’y a plus de traité international possible ! Nous sommes vraiment dans une situation très difficile.

Il y a également eu des lâchages, et je veux que cela soit dit et entendu dans cette commission. L’attitude du gouvernement allemand dans le domaine spatial est inadmissible, et son choix de lancer ses petits lanceurs depuis la base de Kiruna, en Suède, est même un coup de poignard dans le dos.

Je ne suis pas d’accord avec la hausse de 30 % du prélèvement européen intervenue à la suite du Brexit : nous, Français, payons plus que les autres parce que nous régalons la tablée entière de rabais de toutes sortes. Nous continuons à payer 7 milliards de plus : je suis contre. Les rabais ont été augmentés pour les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l’Autriche : je suis contre, parce que c’est nous qui payons. De plus, tout cet argent est fort mal géré : le budget européen, d’année en année, prend des retards sur les engagements pris mais non soldés aux États. Nous sommes passés de 189 milliards en 2014 à 300 milliards aujourd’hui. Si un seul État-nation se comportait ainsi dans le cadre de l’Union, il se ferait tirer les oreilles. L’Union, elle, le fait sans que cela ne dérange personne.

En conclusion, je ne crois pas à ce plan de relance. Les 40 milliards qui seront mis à la disposition de la France ne seront pas payés par des fonds propres mais par les États-nations au prorata de leur contribution au budget. La France recevra 40 milliards mais devra en rembourser 66 ! Je vote contre.

M. Jean-François Mbaye. Votre rapport souligne que le contexte politique et économique est incertain. La constitution progressive d’une véritable capacité budgétaire européenne permettrait de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne. Pour atteindre cet objectif, vous avez affirmé la nécessité de créer de nouvelles ressources propres et évoqué la pérennisation d’une capacité européenne d’investissement à moyen terme. Quelle perspective voyez-vous concernant la pérennisation d’un instrument d’endettement commun à l’échelle européenne ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ai toujours été frappé par le fait que les critiques à l’égard de l’Union européenne oscillent entre deux options très différentes, certains dénonçant l’absence de véritable solidarité entre les Européens tandis que d’autres trouvent légitime que chacun soit indépendant et ne s’occupe pas des affaires des autres. On ne sait donc jamais si l’absence de solidarité est vécue comme un constat légitime ou comme une défaillance des peuples. Je suis de ceux qui considèrent que la solidarité fait très souvent défaut entre les Européens et que l’égoïsme est beaucoup trop présent. En revanche, je ne suis pas de ceux qui se résignent à cette situation : il faut absolument construire une solidarité car c’est seulement en mettant les peuples ensemble que nous pourrons arriver à quelque chose.

Clemenceau disait : « On reconnaît un discours de M. Jaurès à ce que tous les verbes sont au futur. » Les verbes des militants européens, catégorie à laquelle je m’honore d’appartenir, ont un peu la même caractéristique ! C’est bien le cas de ce rapport, qui trace les routes et les perspectives. Il nous est demandé de voter un modeste – en termes juridiques – et important – en termes budgétaires – prélèvement la semaine prochaine. C’est à ce décalage que vous devez faire face, monsieur le rapporteur, pour répondre à toutes les questions qui vous ont été posées.

M. M’Jid El Guerrab, rapporteur pour avis. Nous avons le devoir, en tant qu’Européens ayant grandi dans l’univers de paix, de prospérité et de stabilité exceptionnel qu’est l’Union européenne, de réaffirmer avec force notre appartenance à la communauté européenne.

La question des ressources propres envisagées pour le budget européen est importante. À ce stade, il n’est pas possible d’évaluer précisément les recettes qu’elles généreront car elles restent tributaires des réformes sectorielles qui seront retenues et de la part qui sera affectée au budget de l’Union européenne. Le secrétaire d’État Clément Beaune a indiqué, devant la commission des affaires européennes, qu’un accord sur la taxation des grandes entreprises rapporterait 150 milliards de ressources fiscales supplémentaires au niveau mondial, dont 50 milliards pour l’Union européenne et 5 milliards pour la France. Tout ou partie de cette ressource pourrait contribuer au remboursement du plan de relance et abonder le budget européen dans les années qui viennent, limitant ainsi le recours au prélèvement, même si celui-ci demeure nécessaire au bon fonctionnement de l’Union. Quant à la taxe carbone aux frontières, la priorité de la PFUE sera de la rendre effective le plus rapidement possible. Nous devrions parvenir à un accord dans les mois qui viennent.

S’agissant des 40 milliards dont la France bénéficiera dans le cadre du plan de relance, plus de 5 milliards ont déjà été versés en préfinancement. Le versement du solde dépendra du respect des jalons et des objectifs figurant dans le plan de relance français et validés par la Commission. Nous attendons des annonces dans les semaines qui viennent de la part du Gouvernement et de la Commission.

Une des grandes nouveautés de ces derniers mois tient au mécanisme liant directement les versements faits aux États à leur respect du droit européen. La Pologne et la Hongrie, opposées à ce dispositif qui les vise directement, ont intenté un recours devant la CJUE. Nous espérons tous que sa décision sera favorable à ce mécanisme, qui permet de défendre les valeurs européennes telles que la liberté ou la lutte contre la corruption.

Dans le bras-de-fer engagé avec les États frugaux, que M. Mélenchon appelle les États égoïstes, nous avons réussi à faire sauter le verrou du 1 %, désormais fixé à 1,8 % du RNB de l’Union. En cumulé, cela représente 1 824 milliards d’euros : c’est considérable. C’est l’un des plus importants plans de relance au niveau mondial, qui peut se comparer à celui des États-Unis. Cette dynamique exceptionnelle est un acquis de l’Union. La France reçoit 40 milliards pour financer les 100 milliards de son plan de relance : on peut toujours dire qu’on aurait pu faire plus, mais l’Union européenne est présente.

La pérennisation de l’instrument d’endettement est une question sensible. Les discussions sont en cours. Les points de vue divergent : doit-on créer un instrument permanent d’endettement, ou bien s’agit-il d’un one shot ? À titre personnel, je pense qu’il faut disposer d’un instrument pérenne. Nous devons mettre un terme à la politique du « juste retour » – combien vais-je recevoir en contrepartie de ce que je donne ? – afin que l’Union européenne assure son indépendance.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ai consacré ma vie à l’Union européenne et, comme Swann à la fin d’Un amour de Swann, j’ai parfois le sentiment d’avoir consacré ma vie à une femme qui n’était pas mon genre ! L’Europe est mon genre, mais j’ai tout de même l’impression que cela fonctionne difficilement.

Avec Marielle de Sarnez et vos prédécesseurs dans la fonction de rapporteur pour avis, Maurice Leroy et Pascal Brindeau, nous abordions toujours la question du prélèvement avec une intense frustration, parce qu’elle est vraiment la marque de ce qui est profondément inachevé et insuffisant. Il est faux de dire que l’Union européenne n’est pas démocratique : le traité de Maastricht et ceux qui ont suivi ont profondément démocratisé la procédure en responsabilisant politiquement la Commission, et en créant la codécision entre un Conseil représentant les États et un Parlement européen élu au suffrage universel.

La procédure est donc relativement démocratique, sauf dans le domaine budgétaire et fiscal, où l’archaïsme règne. Ce que nous nous apprêtons à voter est vraiment le symbole de ce qui ne doit pas durer, à savoir un vote soumis, dans lequel toute la politique européenne s’engouffre sans aucun contrôle réel. Je me permettrai donc de dire en séance publique que nous devons introduire dans le domaine budgétaire et fiscal des règles démocratiques de droit commun, passant par un contrôle parlementaire, essentiellement celui du Parlement européen, mais aussi d’un Conseil des ministres à la majorité qualifiée dont nous contrôlons la partie française. Il est tout à fait possible d’envisager un nouveau système, tant sur les ressources propres que sur les dépenses, mais ce blocage budgétaire est un archaïsme inacceptable – je rappelle que nous avons fait la Révolution française sur le thème fiscal !

Le plan de relance est-il l’hirondelle qui annonce le printemps budgétaire ? La décision qui a été prise est majeure : nous avons crevé les plafonds, changé les méthodes, renoncé au principe d’équilibre ; nous nous sommes autorisés à emprunter sur le plan communautaire ; nous avons affiché un principe de solidarité entre les États, faisant sauter la résistance des États frugaux – que nous avions baptisés « États radins » avec Daniel Cohn-Bendit. Mais cela sera-t-il durable ? Voilà l’enjeu. Cette question ne sera pas résolue pendant la présidence française : pour paraphraser Tardieu, le président a les bras chargés des enfants des autres ! Ce n’est qu’une étape et nous devons affirmer que ce qui a été fait à travers le plan Next Generation EU doit être institutionnalisé.

Voilà les deux messages que je souhaite porter en séance publique. Dans ce cadre, je ne vois pas ce que nous pouvons faire d’autre que d’accepter de financer l’Union européenne. Personnellement, je soutiens ce rapport et je m’associerai à ce vote. Je ne vote pas souvent, mais permettez au militant européen de s’exprimer, l’impartialité du président dût-elle en souffrir un peu !

 

Article 18 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur pour avis

 

-     M. Stéphane Dupuis, secrétaire général adjoint ;

-     M. Emmanuel Chay, conseiller financier ;

-     Mme Constance Deler, cheffe du bureau Parlements.


([1]) Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom, par M. Pieyre-Alexandre Anglade, janvier 2021.

([2]) Le cadre juridique et les modalités d’application de Next Generation EU sont détaillés dans l’avis budgétaire sur le prélèvement européen fait, au nom de la commission de affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par M. Pascal Brindeau, en octobre 2020.  

([3]) Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union.

([4]) Rapport fait au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom, par M. Pieyre-Alexandre Anglade, janvier 2021.

([5]) Dans le cadre de la décision sur les ressources propres 2021/2027, les rabais forfaitaires sur le RNB s’élèvent à 565 millions d’euros pour l’Autriche, 377 millions d’euros pour le Danemark, 3 671 millions d’euros pour l’Allemagne, 1 921 millions d’euros pour les Pays-Bas et 1 069 millions d’euros pour la Suède.

([6]) France, Allemagne, Belgique, Italie, Espagne, Portugal, Slovénie, Slovaquie, Autriche et Grèce.

([7]) La Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, la République Tchèque, la Lituanie, le Luxembourg, la Slovaquie et l’Espagne ont affiché leur soutien au mécanisme dans le cadre de la publication d’une tribune en mars 2021, à l’initiative de la France. Le MACF a été à nouveau soutenu par plusieurs États membres, parmi lesquels dont la Grèce, l’Irlande et la Pologne, lors du Conseil environnement informel du 20-21 juillet 2021.