N° 337

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

 

TOME IV

 

  

DÉFENSE

 

 

PAR M. Alexis JOLLY

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 273.


 


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SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. UN budget en hausse mais insuffisant au regard des enjeux

A. Si le budget est conforme à la programmation militaire, celle-ci demeure insatisfaisante

1. Des exécutions 2021 et 2022 confrontées à des surcoûts OPEX/MISSINT importants

2. Une trajectoire du PLF 2023 conforme à une programmation insuffisamment budgétée

3. Des incertitudes sur la prochaine programmation militaire 2024-2030

B. des crédits insuffisants au regard des besoins de nos armées

1. Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

2. Le programme 178 Préparation et emploi des forces

3. Le programme 212 Soutien de la politique de la défense

a. Les dépenses de titre II

b. Les dépenses hors titre II

4. Le programme 146 Équipement des forces

II. La réaction militaire de la France face à la situation sur le flanc est de l’europe

A. la France a fortement renforcé son soutien à l’armée ukrainienne et son engagement dans l’otan

1. Un soutien militaire direct à l’Ukraine

2. Une participation très active dans l’OTAN

a. Le contexte : un déploiement de l’OTAN sans équivalent depuis la fin de la guerre froide

b. Un engagement militaire français conséquent auprès de l’OTAN

c. Les risques d’un engagement supplémentaire dans le conflit

B. le déploiement français en roumanie

1. La Roumanie, un pays jusqu’ici protégé avant tout par l’allié américain

2. La France, nation-cadre du bataillon multinational Battle group forward presence

3. La base militaire de Cincu : une transformation éclair

travaux de la commission

annexe n° 1 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

annexe n° 2 : Surcoûts opex-missint et financements mobilisés

annexe n° 3 : effectifs comparés des principales puissances militaires, en 2021

annexe n° 4 : dotations par armée et par pays pour les Principaux types de matériels militaires, en 2021

annexe n° 5 : l’engagement des armées françaises sur le flanc est de l’europe (dont union européenne)

annexe n° 6 : BILAN de la participation française à la mission eAP, du 15 mars au 1er août 2022


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   introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis sur les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2023.

Cette mission comporte quatre programmes : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le programme 178 Préparation et emploi des forces, le programme 212 Soutien de la politique de la défense et le programme 146 Équipement des forces.

L’année 2023 est une année charnière pour le budget de la défense car elle constitue la cinquième année d’exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et probablement la dernière année avant le vote d’une nouvelle LPM 2024-2030, dont l’examen au Parlement est annoncé au début de l’année 2023.

Pourtant, si le PLF 2023 prévoit une augmentation des crédits de 3 milliards d’euros, conforme à la programmation militaire actuelle, nos forces armées ne disposent pas encore des équipements et des effectifs suffisants pour préserver notre autonomie stratégique. Pendant les deux premières décennies du XXIe siècle, elles ont subi de telles ruptures de capacités que ces crédits supplémentaires apparaissent encore modestes.

Dans un contexte international caractérisé par le réarmement des grandes puissances et l’arrivée de nouvelles puissances militaires, la France risque le déclassement.

Or, la conflictualité potentielle ne cesse d’augmenter. La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 février 2022, a même marqué le retour de la guerre de haute intensité en Europe. Ainsi, seule une stratégie de remontée en puissance forte et durable permettra à nos armées de se préparer aux conflits futurs.

Dans cet avis budgétaire, le rapporteur a choisi d’analyser la réaction militaire de la France face à la situation sur le flanc Est de l’Europe. Notre pays a fourni des matériels, du carburant et des formations aux soldats ukrainiens. De plus, il participe très activement à la posture dite « dissuasive et défensive » de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en Europe centrale et orientale, en projetant des capacités militaires toujours plus nombreuses.

Le rapporteur pour avis a souhaité, en particulier, analyser l’engagement français en Roumanie. En seulement quelques mois, la France est devenue nation-cadre d’un bataillon multinational de l’OTAN et elle y déploiera très prochainement un millier de militaires. Elle projette des matériels de plus en plus lourds et a participé, à cet effet, à la rénovation de la base militaire de Cincu, située au centre du pays.

Le rapporteur pour avis souhaite souligner les risques potentiels liés à tout engagement supplémentaire de l’OTAN dans la zone. L’Alliance atlantique doit protéger ses alliés, sans encourager l’escalade avec la Russie.

 


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I.   UN budget en hausse mais insuffisant au regard des enjeux

A.   Si le budget est conforme à la programmation militaire, celle-ci demeure insatisfaisante

1.   Des exécutions 2021 et 2022 confrontées à des surcoûts OPEX/MISSINT importants

De 2018 à 2021, l’exécution de la mission Défense a globalement respecté la trajectoire fixée par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2019-2025.

Néanmoins, il est intéressant de noter l’insuffisance des provisions pour certains surcoûts, ce qui pose question en matière de sincérité budgétaire. En 2021, les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures (OPEX/MISSINT) ont atteint 1,56 milliard d’euros alors que la dotation budgétaire inscrite en loi de finances initiale (LFI) prévoyait 1,2 milliard d’euros.

Pour l’année 2022, le ministère des armées fait face à trois surcoûts majeurs, non prévus en loi de finance initiale :

-         des surcoûts liés à la crise ukrainienne : cessions à l’armée ukrainienne de matériels militaires français qui devront être remplacés, renforcement du déploiement français sur le flanc oriental de l’OTAN ([1])  (cf. II du rapport) ;

-         des surcoûts OPEX/MISSINT : réorganisation du dispositif Barkhane hors du territoire malien, stabilité du dispositif Chammal au Grand-Levant ;

-         des surcoûts liés à l’augmentation du prix de l’énergie (produits pétroliers, gaz, électricité).

Le rapporteur pour avis n’a pas obtenu de précision de la part du ministère des armées sur l’étendue de ces surcoûts, ce qu’il regrette. Ils seront consolidés au quatrième trimestre 2022 puis seront couverts « selon des modalités qui restent à définir dans le cadre des travaux de fin de gestion », selon le ministère. Outre l’utilisation de la provision OPEX/MISSINT de 1,2 milliard d’euros votée en LFI 2022, les principaux leviers mobilisables sont les redéploiements de crédits internes à la mission Défense et une loi de finances rectificative (LFR) en fin d’exercice budgétaire pour obtenir des ressources interministérielles complémentaires ([2]). La LFR peut également réorienter des crédits de la mission Défense prévus initialement pour d’autres dépenses, dont des crédits d’équipements, en utilisant la technique de l’annulation de crédit. Le tableau en annexe 2 en témoigne : ces différentes méthodes ont été utilisées systématiquement depuis 2018. Le rapporteur pour avis plaide pour une planification budgétaire plus sincère et pour éviter les annulations de crédits.

2.   Une trajectoire du PLF 2023 conforme à une programmation insuffisamment budgétée

Le budget de la mission Défense est conforme à la LPM 2019-2025 : il augmentera de 3 milliards d’euros pour atteindre 43,9 milliards d’euros hors pensions civiles et militaires (53,1 milliards pensions comprises) en crédits de paiement. Au total, entre 2017 et 2023, les crédits de la mission Défense ont progressé de 11,5 milliards d’euros avec des augmentations annuelles de 1,7 milliard entre 2019 et 2022.

Le rapporteur pour avis souhaite toutefois rappeler qu’il s’agissait d’une « loi de réparation » ([3]). Dans son rapport sur « la LPM 2019-2025 et les capacités des armées » publié en mai 2022, la Cour des comptes présentait ainsi le bilan des années 2000-2019 : « Les deux premières décennies du vingt-unième siècle ont été marquées par une forte diminution des moyens des armées françaises, bien que le niveau de menace ait plutôt eu tendance à augmenter sur la période par rapport aux années 1990, comme les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et de 2013 l’ont mis en évidence. Le ministère des armées a perdu 63 250 emplois entre 2008 et 2019, soit 20 % de ses effectifs. Entre 2003 et 2020, le nombre de chars Leclerc est passé de 406 à 222, celui des avions de combat de 393 à 261 (y compris ceux de l’aéronautique navale) et celui des frégates de premier rang de 17 à 15, en comptant les frégates de type La Fayette, dont les capacités sont pourtant limitées. »

Le rapport présente ensuite les conséquences de ces réductions d’effectifs et de matériels : « Cela s’est aussi traduit par une diminution des ambitions. La LPM 2003-2008 envisageait l’intervention de la France dans une opération classique majeure de coercition en coalition interalliée à hauteur de 50 000 soldats et d’une centaine d’avions de combat. Dix ans plus tard, la LPM 2014-2019 a réduit la participation à une telle opération à 15 000 soldats et 45 avions de combat. »

Ainsi, après des années de détérioration des capacités et des effectifs des armées, non justifiées au regard du contexte international, la hausse des moyens prévue par la LPM 2019-2025 était tout simplement inévitable. Elle n’en reste pas moins encore insuffisante pour répondre aux besoins. Le Rassemblement national a proposé un budget de 55 milliards d’euros par an à l’horizon de 2027, quand la LPM 2019-2025 prévoyait seulement 50 milliards.

De plus, il est important de noter que la LPM ne prévoit que 6 000 emplois supplémentaires, un chiffre très modeste au regard des effectifs supprimés depuis vingt ans, dix fois supérieurs. Le format humain de chacune des armées doit être revu à la hausse : les armées manquent de cadres ainsi que d’unités élémentaires de combat et, dans certains cas, de spécialistes (démineurs, plongeurs, mécaniciens, etc.). Un important effort de recrutement doit être engagé dans la durée, l’actuel étant trop modeste pour permettre l’engagement sur plusieurs théâtres d’opérations. Cet objectif est évidemment incompatible avec une éventuelle application du droit européen du travail aux armées.

3.   Des incertitudes sur la prochaine programmation militaire 2024-2030

Selon l’article 7 de la LPM 2019-2025, le texte devait faire « l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021 ». Or, cette actualisation n’a pas pris de forme législative. Le gouvernement s’est contenté d’une déclaration, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

De plus, le périmètre d’actualisation avait été largement sous-évalué par le gouvernement, alors même que de nouvelles menaces avaient été identifiées par l’actualisation de la revue stratégique en 2021. Dans un rapport d’information publié le 16 juin 2021, un groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, coprésidé par les sénateurs Christian Cambon et Jean-Marc Todeschini, identifiait un périmètre de 8,6 milliards d’euros, quand le gouvernement prévoyait seulement 1 milliard ([4]). Ce périmètre calculé par le Sénat se répartissait entre des surcoûts constatés mais non prévus (7,4 milliards d’euros) et des surcoûts à prévoir pour atteindre les objectifs de la LPM en matière de préparation des forces en 2025 (1,2 milliard d’euros).

Au-delà de cette actualisation décevante, une nouvelle programmation militaire est indispensable.

Le 13 juillet dernier, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé une nouvelle loi de programmation pour la période 2024-2030 qui serait examinée au Parlement au début de l’année 2023. Lors de son audition du 11 octobre devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le ministre des armées Sébastien Lecornu a annoncé que le Parlement serait consulté en amont par l’intermédiaire de groupes de travail.

Le rapporteur pour avis n’a pas obtenu d’autre précision sur la préparation du texte, ni sur son calendrier ([5]). Il souhaite néanmoins rappeler l’urgence de donner des moyens supplémentaires aux armées, dans un contexte de tensions internationales très fortes. Le risque est clair : celui d’un déclassement capacitaire face aux autres grandes puissances militaires, en particulier la Chine.

Les deux tableaux ci-dessous comparent les budgets de défense des principales puissances militaires, exécutés et intégrant les pensions. En parité de pouvoir d’achat, le budget de la défense français représenterait moins de 2 % du PIB en 2021, contre 2,3 % au Royaume-Uni, 3,5 % aux États-Unis ou encore 4,1 % en Russie.

les budgets de défense des principales puissances mondiales

en milliards d’euros

 

Notes : 1 Pour une meilleure comparaison, les budgets sont convertis aux taux de parité de

pouvoir d'achat (PPA) France, avec des prix et taux de change constants 2020.

2) * Données estimées.

3) N.D. : non disponible.

Sources : ministère des armées à parti du Mémorandum statistique de l’OTAN (avril 2022)

pour les pays de l’OTAN, et des estimations de la base de données Military Expenditure du

Stockholm International Peace Research Institute (avril 2022) pour les pays non membres de l’OTAN.

les budgets de défense des principales puissances mondiales,

en pourcentage du produit intérieur brut (PIB)

Notes et sources : idem.

 

 

LFI 2022

PLF 2023

Chiffres exprimés en millions d’euros courants

AE

CP

AE

Évolution AE 2022-2023

CP

Évolution CP 2022-2023

P144 : Environnement et prospective de la politique de défense

Hors titre 2

2 146

1 778

1 990

- 7,30 %

1 906

7,18 %

P146 : Équipement des forces

Hors titre 2

17 088

14 504

23 589

38,05 %

15 404

6,21 %

P178 : Préparation et emploi des forces

Hors titre 2

14 893

10 799

12 529

- 15,87 %

12 032

11,42 %

P212 : Soutien de la politique de la défense

Hors titre 2

4 237

1 257

1 482

- 65,03 %

1 358

8,00 %

Titre 2 hors pensions

12 570

12 570

13 238

5,32 %

13 238

5,32 %

Total mission « Défense » - crédits budgétaires hors pensions

50 933

40 907

52 827

3,72 %

43 938

7,41 %

P212 : Soutien de la politique de la défense

Pensions

8 653

8 653

9 178

6,07 %

9 178

6,07 %

Total mission « Défense » - crédits budgétaires pensions comprises

59 586

49 560

62 005

4,06 %

53 116

7,18 %

Le tableau présenté en annexe 3 compare les effectifs des principales armées en 2021. Alors que la Chine disposait de plus de 2 millions de militaires, l’Inde 1,46 million et les États-Unis 1,4 million, la France n’en avait qu’environ 206 000 (chiffres exprimés hors réservistes). Même si ces effectifs restent importants au regard de la population française ([6]) et qu’ils ne prennent ni en considération la qualité de la formation, ni celle des équipements, cette comparaison reste éclairante.

Pour les équipements, le tableau en annexe 4 témoigne également d’écarts importants, bien que la France dispose d’un atout majeur : la dissuasion nucléaire.

B.   des crédits insuffisants au regard des besoins de nos armées

En 2023, le budget de la défense augmentera de 3 milliards d’euros par rapport à la LFI 2022 (hors pensions civiles et militaires de retraite), en conformité avec la LPM.

La répartition des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du PLF 2023 par programme est donnée dans le tableau suivant.

répartition des crédits de la mission défense par programme

Source : ministère des armées.

Comme indiqué précédemment, si cette hausse des crédits est bienvenue, elle demeure encore insuffisante pour répondre aux besoins de nos armées.

1.   Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense regroupe les crédits permettant au ministère d’analyser l’environnement stratégique présent et futur, afin d’orienter les politiques de défense. En 2023, les crédits du programme 144 progresseront de 7,18 % en CP (+127,8 millions d’euros) par rapport à la LFI 2022. Ces crédits supplémentaires seront notamment affectés au renseignement, avec deux grands projets immobiliers : le nouveau siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sur le site du fort neuf de Vincennes ([7]) et la construction d’un nouveau bâtiment à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Au sein de l’action Prospective de défense, les crédits de paiement destinés aux études amont restent supérieurs au milliard d’euros, conformément à la LPM. Le Rassemblement national propose de les faire passer à 1,5 milliard d’euros.

répartition des crédits des études amont par domaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                          

                        Source : ministère des armées.

Bien que leur montant reste élevé, le rapporteur pour avis regrette la baisse des crédits consacrés aux études amont dans le domaine « aéronautique et missiles » ([8]) car ces derniers demeurent essentiels, en particulier dans le cadre d’un éventuel conflit de haute intensité.

Pour l’action Relations internationales et diplomatie de défense, le rapporteur pour avis note une forte augmentation des crédits dédiés au fonctionnement de l’Agence européenne de défense (7,5 millions d’euros en CP, soit + 10 % par rapport à la LFI 2022), ce qu’il regrette. Dans la configuration actuelle, l’Agence participe à la mise en place d’une Europe de la défense dans le cadre d’une politique d’intégration visant à la dissolution des armées nationales pour aboutir à la constitution d’une armée européenne, et non une politique de coopération entre les Nations.

2.   Le programme 178 Préparation et emploi des forces

Le programme 178 Préparation et emploi des forces agrège les crédits relatifs à la conduite des opérations et à la préparation des forces terrestres, navales et aériennes. Le PLF 2023 prévoit une augmentation des crédits de ce programme de 14,2 % en AE et 8,4 % en CP.

Le rapporteur relève tout d’abord une nette dégradation de l’indicateur disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels. En effet, en 2023, pour 13 des 21 types de matériels analysés, la cible de disponibilité baisse par rapport au projet annuel de performances (PAP) de la LFI 2022, ce qui pourrait mettre en difficulté nos forces en cas de nouvelle intervention d’ampleur. Parmi les matériels concernés, figurent notamment les canons Caesar, les chars Leclerc, les flottes de chasse ou encore les systèmes sol-air. Cette baisse de la disponibilité résulte des cessions de matériels, des nouveaux déploiements français à l’étranger (cf. II.A), mais aussi plus généralement du manque d’investissement en matière de maintenance et d’achat d’équipements pendant les deux dernières décennies, précédemment évoqué.

L’action Planification des moyens et conduite des opérations connaît une augmentation de 9,5 % en CP pour atteindre 812,1 millions d’euros ; et l’action Logistique et soutien interarmées enregistre une hausse de 21 % en CP pour atteindre 2,52 milliards d’euros.

Le programme 178 comprend également les surcoûts générés par les OPEX et les MISSINT. Le rapporteur pour avis a déjà exprimé des remarques sur la méthodologie utilisée pour budgéter ces coûts puis pour les financer (cf. I.A.1).

Compte tenu des précédentes exécutions budgétaires (cf. annexe 2) et des surcoûts déjà prévus pour l’année 2023 (missions Lynx, Aigle, cessions de matériels à l’Ukraine ([9])), il est étonnant que le PLF 2023 ne prévoit pas d’augmentation de la provision pour ces surcoûts, toujours évalués à 1,2 milliard d’euros (1,07 milliard pour les OPEX, 130 millions pour les MISSINT).

3.   Le programme 212 Soutien de la politique de la défense

a.   Les dépenses de titre II

Le programme 212 Soutien de la politique de la défense regroupe les crédits de personnel de l’ensemble du ministère des armées. Pour l’année 2023, ils atteignent 22,4 milliards d’euros en CP, soit une progression de 5,6 % par rapport à la LFI pour 2022 (y compris OPEX-MISSINT et Compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions).

Le tableau suivant présente les effectifs du ministère prévus en 2023, par catégorie et sous plafond d’emploi.

plafonds d’emplois par catégories d’emplois prévus pour l’année 2023

 

Nb : ETPT : équivalent temps-plein travaillé ; SIAé : service industriel de l’aéronautique.

Source : mission Défense, projet annuel de performances (PAP) en annexe du PLF 2023.

L’augmentation des crédits de personnels permettra notamment de financer les 1 547 postes supplémentaires prévus en 2023, qui comprendront majoritairement des emplois qualifiés et seront affectés à la cyberdéfense, au renseignement ou aux exportations.

 

 

 

 

 

 

Évolution des emplois en 2023

Source : idem.

Le rapporteur pour avis souhaiterait que le ministère s’engage davantage pour rendre les carrières militaires plus attractives, afin d’attirer de nouveaux personnels et de fidéliser ceux qui sont déjà en poste. Une armée ne peut exister sans ses troupes.

Parmi les mesures d’urgence sollicitées par le rapporteur figurent une augmentation des salaires et des incitations financières plus fortes à la prise de responsabilités. Des militaires du rang refusent par exemple de passer sous-officier car l’écart salarial est trop faible au regard des responsabilités et des contraintes liées au nouveau poste qu’ils assumeraient alors. De plus, de nombreux personnels quittent le ministère chaque année. Selon le tableau précédent, plus de 30 000 personnes partiront en 2023, hors départ en retraite. Dans des domaines tels que la mise en œuvre des systèmes de communication et d’information ou la cyberdéfense, le ministère peine à fidéliser les jeunes recrues, attirées par les salaires et les conditions de travail du secteur privé.

La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), engagée depuis 2017, se poursuit. Quatre nouvelles indemnités seront mises en œuvre en 2023 : l’indemnité d’état militaire, l’indemnité de garnison des militaires, la prime de parcours professionnel et la prime de compétence spécifique. Cette nouvelle étape, dont le coût est estimé à 101,3 millions d’euros dans le PLF 2023, marque la fin de la refonte du système indemnitaire des militaires, initiée en 2021.

Le rapporteur pour avis a pu noter que certaines missions à l’étranger, telles que la mission Aigle en Roumanie, ne sont pas considérées comme des OPEX mais comme des missions opérationnelles (MISSOPS). En conséquence, elles ne donnent pas droit aux mêmes avantages pour les personnels qui y participent, notamment en matière de calcul des droits à la retraite. Pourtant, ces personnels ont les mêmes contraintes pour leur vie familiale que lors d’autres missions qualifiées d’OPEX.

b.   Les dépenses hors titre II

Hors titre II, le programme 212 rassemble les financements des fonctions de soutien mutualisé (finances, ressources humaines, expertise juridique, achats hors armement, systèmes d’information, d’administration et de gestion, accompagnement des restructurations) et politiques transverses du ministère : logement familial, politique immobilière et d’aménagement du territoire, politique environnementale et politique culturelle. Ces crédits s’élèvent à 1,358 milliard d’euros en CP.

En matière de politique d’aide au logement, le programme 212 se concentre principalement sur le financement des infrastructures liées aux conditions de vie et de travail des personnels et des familles : logement familial, hébergement en enceinte militaire, ensembles d’alimentation, immeubles d’administration générale, action sociale. L’année 2023 verra le démarrage effectif du contrat « Ambition Logement » signé en 2022, qui confie à un concessionnaire la rénovation, l’entretien, la gestion locative, ainsi que la construction de 3 000 logements dans le parc métropolitain de logements domaniaux.

Le rapporteur pour avis rappelle que de nombreux personnels du ministère n’ont pas accès à un logement, en particulier lorsqu’ils sont affectés en région parisienne. Cette affectation est alors perçue comme une perte de pouvoir d’achat très forte.

4.   Le programme 146 Équipement des forces

Le programme 146 Équipement des forces rassemble les crédits relatifs aux armements et matériels nécessaires à la réalisation des missions des armées. Les crédits s’élèvent à 23,59 milliards d’euros en AE et 15,4 milliards en CP, soit respectivement des hausses de 38,04 % et 6,21 % par rapport à la LFI 2022 ([10]).

Parmi les matériels livrés en 2023 figurent 13 Rafale et 13 Mirage 2000 D rénovés, un second sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de classe Suffren, trois Airbus MRTT Phénix, 280 véhicules du programme Scorpion, 18 chars de combat Leclerc rénovés, deux avions de transport militaire A400M et un satellite de communication Syracuse IV.

Des engagements sont prévus pour le développement du programme Rafale (42 aéronefs doivent être commandés), la conception du futur porte-avions nouvelle génération (PA-NG) ou encore le déploiement du programme système de lutte anti-mines futur (SLAMF).

Des efforts seront entrepris pour la maintenance en condition opérationnelle (programme 178) et pour augmenter les stocks de munitions avec de nouvelles commandes ([11]).

Le rapporteur pour avis se réjouit de cette prise de conscience de l’importance des équipements de nos forces armées. Ils ont longtemps été une variable d’ajustement pour réaliser des économies de court terme. Néanmoins, il convient de rester vigilants. L’examen de la future LPM 2024-2030 doit être l’occasion de s’assurer que cette prise de conscience s’inscrit dans la durée et comprenne un accompagnement des industriels pour augmenter les cadences de production. Ni la régénération des équipements, ni la préparation de l’avenir, ne sont garanties à ce stade.

De plus, le rapporteur souhaite que les matériels cédés à nos partenaires étrangers, notamment dans le cadre de la guerre en Ukraine, soient remplacés rapidement. Notre stock de munitions a atteint un stade critique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II.   La réaction militaire de la France face à la situation sur le flanc est de l’europe

La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 février 2022, a provoqué une très vive réaction chez les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Ces derniers ont en effet rapidement fourni des matériels militaires, dont des armes, à l’Ukraine. Ils ont également fait évoluer leur posture dite « dissuasive et défensive » en Europe centrale et orientale. Les dispositifs déjà engagés avant la guerre ont été fortement renforcés et de nouvelles capacités militaires ont été projetées.

La France a pris une part très active dans ces évolutions. En parallèle de son soutien militaire à l’Ukraine (dons de matériels, formations, etc.), elle participe de plus en plus aux missions de l’OTAN dans la zone. Elle a en particulier déployé des forces en Roumanie (750 militaires, 1 000 prévus fin 2022) où elle est devenue nation-cadre du bataillon multinational Battle group forward presence.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis a souhaité réaliser un déplacement en Roumanie du 26 au 28 septembre, sur la base militaire de Cincu pour auditionner des militaires français et roumains, et à Bucarest pour auditionner l’ambassadrice de France, Mme Laurence Auer, la mission de défense de l’ambassade et le ministère de la défense roumain.

A.   la France a fortement renforcé son soutien à l’armée ukrainienne et son engagement dans l’otan

1.   Un soutien militaire direct à l’Ukraine

Le soutien militaire français à l’Ukraine est conséquent. Il se traduit tout d’abord par des dons de matériels militaires et de carburant. Le rapporteur pour avis n’a pas obtenu de données précises et chiffrées de la part du ministère des armées. Néanmoins, parmi les matériels connus figurent 18 canons d’artillerie autotractés Caesar avec des munitions, des missiles antichars, des missiles antiaériens, des véhicules avant blindés (VAB), des équipements individuels dont des protections NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) et des lunettes de vision nocturne. Des canons tractés TRF1 devraient également être livrés à l’Ukraine prochainement ([12]).

Le 7 octobre, le président de la République a annoncé la création d’un « fonds spécial de 100 millions d’euros » pour que l’Ukraine puisse « acheter directement auprès de nos industriels les matériels [défensifs] dont elle a le plus besoin pour soutenir son effort de guerre » ([13]).

L’aide française comprend aussi la prise en charge de soldats ukrainiens blessés et des formations militaires. Après avoir formé des artilleurs ukrainiens au maniement des canons Caesar, la France proposera d’autres types de formations très prochainement via une mission d’assistance et de formation européenne (European Union Training Mission - EUTM).

Ainsi, si le Gouvernement ne souhaite pas apparaître comme cobelligérant, il assume pourtant de plus en plus l’envoi d’armes létales et la formation des soldats ukrainiens.

De plus, ce soutien militaire ne doit pas désarmer les forces françaises pour de futures opérations. Les canons Caesar livrés à l’Ukraine (18 sur 76) représentaient un quart du stock disponible en France en 2022, ce qui a nécessité une commande à Nexter au mois de juillet 2022.

Cet appui militaire complète d’autres mesures prises à l’encontre de la Russie. Parmi ces mesures, le rapporteur pour avis souhaite ici rappeler l’inefficacité des sanctions énergétiques, qui ont fait peser une inflation très forte sur les peuples français et européen, sans démontrer leur efficacité voire en apparaissant même contre-productives.

2.   Une participation très active dans l’OTAN

a.   Le contexte : un déploiement de l’OTAN sans équivalent depuis la fin de la guerre froide

Depuis le sommet organisé à Newport au pays de Galles en septembre 2014, soit quelques mois après l’annexion de la Crimée par la Russie, l’OTAN déploie son plan d’action « réactivité » (Readiness Action Plan - RAP). Selon l’organisation, il s’agit du « plus important renforcement de la défense collective de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide » ([14]).

Ce plan comprend, d’une part, des mesures dites de « réassurance » aux pays membres de l’alliance situés en Europe centrale et orientale, c’est-à-dire, d’une part, un déploiement de forces (air, terre, mer) et des exercices militaires interalliés, et d’autre part, des mesures dites « d’adaptation » pour rendre les structures des forces et de commandement de l’OTAN plus réactif en cas de crise ([15]). Le sommet de Varsovie de juillet 2016, puis la guerre en Ukraine, ont encore renforcé cette posture de dissuasion et de défense de l’alliance dans la zone.

Ainsi, à l’été 2022, sous le commandement de l’OTAN, 40 000 soldats étaient positionnés sur le flanc Est de l’Europe, appuyés par d’importants moyens aériens et navals. Outre ces forces placées sous le commandement direct de l’alliance, des éléments nationaux sont aussi déployés par des États membres.

 

l’engagement de l’otan sur le flanc est de l’europe

en juin 2022

 

Source : OTAN.

Si le sommet de Madrid organisé du 28 au 30 juin 2022 est surtout connu pour avoir lancé le processus d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, il a également été marqué par un nouveau renforcement des forces déployées en Europe, notamment américaines ([16]), et par une réflexion stratégique. Selon le nouveau concept stratégique de l’OTAN adopté lors de ce sommet, « la Fédération de Russie a violé les règles et les principes qui avaient contribué à la stabilité et à la prévisibilité de l’ordre de sécurité européen. La possibilité d’une atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de pays de l’Alliance n’est pas à exclure. » Le texte qualifie ensuite la Fédération de Russie de « menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ».

Ainsi, l’OTAN a renforcé sa posture défensive et dissuasive à l’Est de l’Europe à plusieurs reprises depuis 2014. La France prend désormais une place très active dans le dispositif.

b.   Un engagement militaire français conséquent auprès de l’OTAN

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France a considérablement renforcé son engagement militaire au sein de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe, ce dont témoigne la carte ci-dessous. Elle y mobilise ses trois armées – terre ; mer ; air et espace.

le dispositif militaire français à l’est de l’europe (juin 2022)

Source : État-major des armées, juin 2022.

En mer, le groupe aéronaval (GAN) a été positionné le 3 mars en Méditerranée centrale dans le cadre de la mission Clemenceau 22. Ses aéronefs (Hawkeye et Rafale Marine) ont mené des missions de défense aérienne et de surveillance au-dessus de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. De plus, des frégates françaises sont intégrées aux Standing NATO maritime group (SNMG) nos 1 et 2, respectivement en Atlantique et en Méditerranée orientale.

En Estonie, la France participe actuellement aux missions de police du ciel et à la présence avancée renforcée de l’OTAN.

Depuis l’adhésion des pays baltes en 2004, l’alliance assure dans ces derniers une mission de police du ciel appelée Baltic Air Policing (BAP) pour les aider à préserver la souveraineté de leur espace aérien. De 2004 à 2014, la mission BAP utilisait la base aérienne de Šiauliai en Lituanie. En 2014, une police du ciel dite renforcée (enhanced Air Policing (eAP) a été mise en place. Cette mesure de réassurance a permis une première montée en puissance de la mission BAP, avec l’utilisation également de la base aérienne d’Ämari en Estonie, avant que la guerre en Ukraine entraîne une nouvelle augmentation des moyens déployés.

La France participe régulièrement à ces missions de police du ciel depuis 2004. Du 15 mars au 1er août 2022, elle a assuré un tour d’alerte en Estonie (100 aviateurs, 4 Mirage 2000-5F) ([17]), en avançant de quinze jours son déploiement pour réagir à la guerre en Ukraine ([18]). Le détail des 180 vols effectués lors de cette mission est présenté en annexe 6.

La présence avancée renforcée (enhanced Forward Presence - eFP) est une mesure de réassurance décidée au sommet de Varsovie de 2016. Depuis 2017, elle se traduit par la mobilisation de quatre bataillons multinationaux (eFP Battlegroup - eFP BG) dans les trois pays baltes et en Pologne, commandés chacun par une nation-cadre([19]). En Estonie, l’eFP BG Estonia a été renforcé récemment. En septembre 2022, il comprenait 2 200 hommes dont environ 1 600 Britanniques (le Royaume-Uni étant nation-cadre), 300 Danois et 300 Français de la mission Lynx.

Alors que depuis le mois de mars 2017, la France alternait entre l’Estonie et la Lituanie pour son déploiement annuel de 300 militaires ([20]), elle a finalement décidé de rester Estonie après le déclenchement de la guerre en Ukraine et renforcera les effectifs en 2023.

L’évolution de la mission Lynx en 2022

À la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé le maintien de la participation française au bataillon multinational eFP BG Estonia sous commandement britannique, alors que la mission française devait initialement s’achever au mois de mars 2022. Elle se poursuivra finalement au moins une année supplémentaire.

En Estonie, la France projette un sous-groupement à dominante infanterie, spécialisé dans le combat d’usure en milieu difficile et en conditions hivernales. Il est composé de fantassins, d’artilleurs et de sapeurs, tous issus de la 27e brigade d’infanterie de montagne (27e BIM).

Une compagnie légère d’infanterie (120 militaires), dotée des véhicules blindés multirôles Griffon, s’ajoutera prochainement aux troupes déjà déployées.

Il est intéressant de noter que les forces françaises sont confrontées à deux difficultés principales en Estonie. La première est liée aux conditions climatiques (froid, humidité, moustiques). Les forces françaises doivent encore ajuster leurs équipements, notamment leurs vêtements pour l’hiver ([21]). Ensuite, les conditions d’hébergement ne sont pas optimales pour les militaires français et leurs alliés. Les capacités d’accueil demeurent limitées alors que le nombre de militaires a fortement augmenté. Des travaux sont en cours pour les améliorer.

Le 11 octobre, lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le ministre des armées Sébastien Lecornu a annoncé une mission de police du ciel en Lituanie avec l’envoi de Rafale.

La France réalise également des missions de surveillance et de défense aérienne en Pologne (enhanced Vigilance activities - eVA) dans le cadre de l’OTAN, à partir de bases situées sur le sol français (Mont-de-Marsan, Istres, Saint-Dizier). Des Rafale et des avions ravitailleurs sont alors mobilisés.

Enfin, la France est fortement engagée en Roumanie. Elle y déploie son contingent le plus important dans la zone, soit 750 hommes au mois de septembre 2022, ainsi que le rapporteur le détaille ultérieurement.

Ces différentes interventions permettent à l’armée française d’acquérir de nouvelles compétences stratégiques et tactiques. En effet, à l’étranger, nos forces étaient auparavant majoritairement déployées au Moyen-Orient et au Sahel. Elles se forment désormais dans des conditions et environnements très différents : des terrains glacés et/ou humides, des forêts denses. En outre, les nombreux exercices interalliés consolident l’interopérabilité entre la France et ses partenaires.

c.   Les risques d’un engagement supplémentaire dans le conflit

Toute nouvelle augmentation des forces de l’OTAN doit être dûment évaluée au regard du risque d’aggravation des tensions avec la Russie. La France ne doit pas contribuer à l’escalade.

De plus, la France et les autres membres de l’alliance ne doivent pas répondre à la demande du président ukrainien concernant une adhésion accélérée de l’Ukraine à l’alliance. Les pays de l’OTAN pourraient alors basculer dans la guerre, du fait des stipulations de l’article 5 du traité de Washington. Par ailleurs, l’intégration dans l’OTAN est soumise à plusieurs critères à caractère démocratique, ce qui inclut la protection des minorités. Dans un contexte de guerre, il n’y a aucune garantie que les populations russophones d’Ukraine seraient traitées selon les standards démocratiques si l’armée ukrainienne parvenait à chasser la Russie des zones envahies.

Plus généralement, la France doit mobiliser davantage sa diplomatie pour maintenir le dialogue avec la Russie. Lorsque la guerre sera terminée, elle devra en particulier éviter que la Russie se rapproche de la Chine et des autres puissances émergentes. Il est nécessaire de rappeler que l’intérêt d’une Europe désindustrialisée de 500 millions d’habitants est d’empêcher la constitution d'une grande alliance eurasiatique centrale au poids démographique bien supérieur et aux capacités industrielles considérables. Pousser définitivement la Russie vers la Chine, c’est amorcer le suicide du continent européen pris en étau entre l’hyperpuissance américaine et l’hyperpuissance eurasiatique.

Le retrait du commandement militaire intégré de l’OTAN permettrait à la France de garder son indépendance stratégique et sa voix dans le concert des Nations. C’est le choix qu’avait fait en 1966 le Général de Gaulle, choix d’équilibre conservé jusqu’en 2009. La participation de la France au commandement militaire intégré de cette organisation est incompatible avec son statut de puissance souveraine, son indépendance diplomatique et militaire et la libre définition de l’usage de sa force de frappe nucléaire.

B.   le déploiement français en roumanie

Considérant l’OTAN comme une garantie indispensable à sa sécurité, la Roumanie a rejoint l’alliance atlantique le 29 mars 2004. Elle héberge le commandement de la division multinationale Sud-Est de l’alliance (Multinational Divisional Headquarters South-East, HQ MND-SE([22]) ainsi qu’une partie du « bouclier antimissile », inaugurée en 2016 à Deveselu. La « présence avancée adaptée » en Europe du Sud-Est annoncée au sommet de Varsovie s’est notamment traduite par le déploiement d’une brigade multinationale (Multinational Tailored Forward Presence) à Craiova, dès 2017.

Ces évolutions étaient souhaitées par la Roumanie, qui n’a cessé de demander un appui militaire à l’OTAN depuis l’invasion de la Crimée en 2014, craignant une nouvelle expansion de la Russie sur les côtes de la mer Noire. L’allié américain a d’abord répondu présent, avant que d’autres puissances militaires, dont la France, interviennent plus tardivement.

Depuis quelques mois, la France assure le rôle de nation-cadre au sein d’une mission de réassurance de l’OTAN en Roumanie, une première. Elle pourrait y déployer 1 000 à 1 200 militaires dans les prochains mois.

1.   La Roumanie, un pays jusqu’ici protégé avant tout par l’allié américain

Avec 65 000 militaires et du matériel souvent ancien, la Roumanie ne dispose manifestement pas de forces militaires suffisantes pour assurer sa sécurité en cas de conflit de haute intensité.

Aussi, le pays a choisi de se rapprocher des États-Unis. La Roumanie est un partenaire stratégique de ces derniers, depuis une déclaration conjointe signée par les deux pays en 2011 ([23]). Cette déclaration portait principalement sur la coopération militaire. Si Washington souhaitait déjà renforcer ce partenariat avant la guerre en Ukraine, celle-ci a accéléré les choses. Lors du sommet de Madrid, le président américain Joe Biden a annoncé qu’il maintiendrait la brigade composée de 3 000 hommes et de 2 000 personnels additionnels, dont le quartier général se situe en Roumanie, et qui effectue des rotations dans les pays alentour ([24]) ([25]).

L’armée américaine compte six bases en Roumanie, dont un bouclier antimissile à Deveselu, dans le Sud du pays, pour faire face à une éventuelle agression en provenance de Russie ou du Moyen Orient. La base de Mihail Kogalniceanu (dite « MK »), située à 100 kilomètres de la frontière ukrainienne et à proximité de la mer Noire, concentre l’essentiel des troupes américaines (plus de 2 000 soldats et une escadrille d’avions de chasse F-16).

Au-delà des événements récents, la stratégie américaine s’inscrit dans le long terme. La base de MK devrait accueillir 10 000 soldats américains dans les prochaines années. Elle deviendrait le pendant de la base de Ramstein, située à l’Est de l’Allemagne.

En contrepartie à ces déploiements de troupes, les États-Unis bénéficient de contrats d’armement. La Roumanie a acheté du matériel militaire américain à de nombreuses reprises : 450 missiles Patriot, 36 blindés Piranha V, 49 avions de chasse F-16 ([26]) et même plus récemment, des F-35 de dernière génération.

Ces achats sont favorisés par le programme Foreign Military Sales (FMS), qui fournit des contrats clés en main. Ils sont également encouragés par l’augmentation du budget de défense roumain. Depuis l’invasion russe, le gouvernement roumain souhaite en effet le faire passer à 2,5 % du PIB, contre 2 % auparavant. Or, 30 % de ce budget est dédié aux équipements, un pourcentage élevé.

2.   La France, nation-cadre du bataillon multinational Battle group forward presence

Les relations bilatérales entre la France et la Roumanie sont traditionnellement fortes, en particulier dans le domaine militaire. La France bénéficie dans ce pays d’un capital de sympathie important, lié au soutien de Napoléon III à la création de l’État roumain mais aussi à une fraternité d’armes pendant la Première guerre mondiale puis la guerre hungaro-roumaine de 1919, dont témoignent plusieurs monuments et cimetières militaires en Roumanie. Le rapporteur pour avis a pu déposer une gerbe de fleurs au pied du monument aux héros français tombés sur le sol roumain entre 1916 et 1919, situé dans le parc Cişmigiu à Bucarest ([27]).

Outre ces liens historiques très forts, les deux pays ont signé en février 2008 un accord de partenariat stratégique dont la feuille de route, renouvelée en 2013 et en 2016, a été actualisée le 26 octobre 2020. Ces textes comprennent un volet défense.

À partir du moment où la France désirait engager des troupes en Europe orientale pour participer au renforcement de la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN, il apparaissait naturel qu’elle le fasse en Roumanie. Le 19 janvier 2022, avant même le déclenchement de la guerre, le Président de la République Emmanuel Macron annonçait « notre disponibilité à aller plus loin et dans le cadre de l’OTAN, à nous engager sur de nouvelles missions afin de prendre toutes nos responsabilités dans des missions de type eFP, en particulier en Roumanie si elles étaient décidées ».

Depuis le 28 février 2022, soit quatre jours après le déclenchement de la guerre, la France est à la tête d’un bataillon dans le pays. Il s’agissait tout d’abord de 500 militaires du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA), issus de l’élément à haut niveau de disponibilité opérationnelle (Very High Readiness Joint Task Force - VJTF ; 20 000 soldats), commandé par la France en 2022 ([28]) et qui fait partie de la Force de réaction de l’OTAN (Nato Response Force - NRF ; 40 000 soldats). La NRF a été activée pour la première fois à des fins de défense collective et de dissuasion. En 2022, la France occupe une place stratégique puisqu’elle commande les composantes terrestres et aériennes de la NRF et en arme le noyau clé de la force NRBC.

Le 9 mars, ce bataillon de la force de réaction rapide, commandé par Vincent Minguet, chef de corps du 27e BCA, a été renforcé par 250 militaires belges. Finalement, le 1er mai, le bataillon multinational Battle group forward presence (BGFP, groupement tactique de présence avancée) ([29]) lui a succédé. La France a été désignée officiellement nation-cadre de ce bataillon, également nommé depuis le mois de juin Collective Defense Battle Group (CDBG) ([30]). Une compagnie de reconnaissance néerlandaise a relevé le contingent belge en août. À l’été 2023, la rotation avec les Pays-Bas pourrait être partagée entre la Belgique et le Luxembourg.

Au début du mois d’octobre 2022, le CDBG était composé d’environ 500 militaires (environ 370 Français et 130 Néerlandais ([31]) à Cincu et à MK. Depuis le 18 juin, il est commandé par le colonel Christophe Degand, chef de corps du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres (8e RPIMa). La France est en effet toujours nation-cadre de ce bataillon, ce qui lui permet de participer activement à la définition de la mission mais demande aussi, en contrepartie, de fournir ou de coordonner le soutien (avec quelques exceptions dont les munitions, qui restent nationales) et d’être le relais principal de communication avec l’état-major roumain.

Le format pourrait évoluer dans les prochains mois. À l’occasion du sommet de Madrid du mois de juin dernier, le président de la République a indiqué qu’il envisageait d’« élever » notre engagement en Roumanie « au niveau d’une brigade [c’est-à-dire plusieurs milliers d’hommes], si la situation le réclamait ».

Le déploiement français ne s’arrête pas au bataillon multinational. La mission Aigle est également composée :

-         d’un détachement sol-air moyenne portée (SAMP) Mamba à Capu Midia ;

-         d’un centre de management de la défense dans la 3e dimension (CMD 3D) à Capu Midia ;

-         d’un détachement du génie (DETGEN) à Cincu ;

-         d’un élément de soutien national (ESN) à Cincu et à MK ;

-         d’un représentant national principal (Senior National Representative - SNR), le colonel Flavien Garrigou Grandchamp, assisté par un détachement de liaison, à Bucarest ([32]).

La carte ci-dessous présente la mission au mois de juin 2022. Depuis, une grande partie des troupes françaises qui étaient à MK ont été transférées sur la base de Cincu, au centre du pays. Le 11 octobre, le ministre des armées Sébastien Lecornu a annoncé l’envoi d’une compagnie renforcée de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), ainsi qu’un escadron de chars Leclerc pour renforcer le déploiement français.

la mission aigle (juin 2022)

Source : État-major des armées, juin 2022.

Il est important de rappeler que plusieurs contrats d’armement espérés par la France n’ont pas encore été signés. Le déploiement de nos soldats et d’un matériel de grande qualité en Roumanie sera aussi l’occasion de souligner la qualité de notre industrie et peut-être que la Roumanie pourra ainsi voir l’intérêt de diversifier ses fournisseurs en matière d’armement.

3.   La base militaire de Cincu : une transformation éclair

Le 27 octobre, le rapporteur pour avis a visité la base militaire de Cincu, située dans une zone montagneuse et humide, au centre de la Roumanie. Le site accueille en permanence environ 300 militaires roumains ([33]) et constitue le plus grand camp d’entraînement du pays.

L’installation du bataillon multinational sur la base et l’organisation d’exercices militaires interalliés ont pour but de dissuader la Russie d’intervenir en Roumanie mais aussi d’améliorer la préparation opérationnelle de l’OTAN en vue d’un éventuel conflit. Le dialogue et les entraînements entre alliés permettent en particulier d’améliorer l’interopérabilité ([34]), une faiblesse traditionnelle de l’alliance.

Depuis le mois de mai, ce camp bénéficie de travaux importants. Il doit être en capacité d’accueillir 1 000 hommes au mois de novembre, pour permettre une montée en puissance du CDBG et le transfert des troupes encore présentes à MK. Le camp pourra également stocker davantage de matériels et des matériels plus lourds. La relève française pourrait en effet apporter une quinzaine de chars au mois d’octobre.

Des militaires du génie français (136 sapeurs depuis le 2 mai avec 82 véhicules et engins, à Cincu et MK ([35])), néerlandais (55 sapeurs avec 70 véhicules et engins depuis le 1er juillet) et belge (20 à 40 sapeurs depuis le 7 août), ainsi que des renforts roumains, participent à l’extension du camp jusqu’au mois de novembre. Au total, près de 200 sapeurs sont mobilisés.

Le rapporteur pour avis a pu constater la très grande efficacité de ces équipes ainsi que leur dévouement à leur mission, malgré des conditions difficiles (terrain argileux et boueux, collines à terrasser, pierres à évacuer, etc.) et surtout, malgré l’étendue du chantier dans un calendrier contraint par l’hiver et par la guerre. Les équipes ont parfois dû travailler sept jours sur sept et la nuit. Le chantier, qui porte sur la colline Cherry (Cherry Hill), comprend en effet une grande diversité de tâches : création d’un dépôt de carburant (achevé le 1er juillet), d’un dépôt de munitions, d’une zone technique bétonnée permettant de stocker des véhicules, dont des chars, et de réaliser des interventions techniques (achevée le 15 octobre), d’hébergements permettant de loger entre 600 et 800 personnes (en plus des hébergements destinés à l’armée roumaine), de zones de vie et d’alimentation, de bureaux, et enfin d’une piste bétonnée.

 


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   travaux de la commission

Lors de sa réunion du 19 octobre 2022, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les dotations de la mission Défense sont portées à un peu plus de 43,9 milliards d’euros, soit une augmentation – « une marche » dans le jargon militaire – de 3 milliards conforme à la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Dans le contexte international que nous connaissons, nous ne pouvons que nous féliciter de cet effort très substantiel en faveur de nos armées, qui bénéficiera particulièrement au renouvellement de leurs matériels et aussi à leur entretien.

Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux efforts de notre pays pour la réassurance de nos alliés du flanc Est de l’Alliance atlantique, ainsi qu’en soutien à la défense de l’Ukraine. Il s’agit d’un sujet d’une grande actualité, qui ne manquera pas d’intéresser au plus haut point notre commission.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. La mission Défense comporte quatre programmes : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le programme 178 Préparation et emploi des forces, le programme 212 Soutien de la politique de la défense et le programme 146 Équipement des forces.

L’année 2023 est une année charnière à double titre. D’une part, une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) portant sur la période 2024-2030 est en préparation et devrait être examinée au Parlement au début de l’année prochaine ; l’année 2023 sera donc la dernière année de la LPM 2019-2025. D’autre part, le contexte international, marqué par une hausse de la conflictualité, est difficile. La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 février 2022, signe même le retour de la guerre de haute intensité en Europe.

Cela nous rappelle, si besoin en était, la nécessité de disposer d’un modèle d’armée complet. Pourtant, mon constat est sans appel : nos forces militaires n’ont pas encore les équipements ni les effectifs suffisants pour assurer notre autonomie stratégique.

Certes, le projet de loi de finances pour 2023 est conforme à la trajectoire fixée par la LPM 2019-2025. Le budget de la défense augmente bien de 3 milliards d’euros pour atteindre 43,9 milliards hors pensions civiles et militaires – 53,1 milliards pensions comprises – en crédits de paiement.

Mais la LPM 2019-2025 était, dès le départ, insuffisamment dotée après deux décennies de réduction drastique des moyens militaires. Selon la Cour des comptes, le ministère des armées a perdu 63 000 emplois entre 2008 et 2019, soit 20 % de ses effectifs. Or, la LPM ne prévoit que 6 000 emplois supplémentaires, soit dix fois moins que les postes supprimés.

En ce qui concerne les équipements, mon rapport fait état des dernières commandes de matériels du programme 146. Mais nous ne devons pas oublier les ruptures de capacités subies par nos armées par le passé. Entre 2003 et 2020, le nombre de chars Leclerc est ainsi passé de 406 à 222, celui des avions de combat de 393 à 261 et celui des frégates de premier rang de 17 à 15. Nos capacités opérationnelles se sont singulièrement détériorées.

Après une telle hécatombe, une hausse des moyens était inévitable. Mais celle prévue par la LPM, bien qu’importante, reste insuffisante. Le Rassemblement national proposait un budget de 55 milliards d’euros par an à l’horizon de 2027, contre 50 milliards dans la LPM.

La hausse des effectifs et des équipements militaires doit s’inscrire dans la durée. Or, à ce stade, nous n’avons aucune garantie. Nous examinerons la prochaine loi de programmation militaire avec une extrême vigilance.

Le risque d’un déclassement de notre pays est évident. En 2021, le budget de la défense français représentait moins de 2 % de notre PIB contre 3,5 % aux États-Unis ou encore 4,1 % en Russie. Hors réservistes, nous disposions de 200 000 militaires environ, quand la Chine en comptait 2 millions, l’Inde et les États-Unis, 1,4 million.

Je relève d’autres anomalies budgétaires parmi lesquelles la sous-budgétisation chronique des surcoûts liés aux opérations extérieures – OPEX – et aux missions intérieures – MISSINT. Ces surcoûts sont évalués à 1,2 milliard pour l’année 2023, un chiffre nettement inférieur aux prévisions, ce qui pose un problème de sincérité budgétaire.

J’en viens au thème que j’ai choisi d’étudier dans mon rapport : la réaction militaire de la France face à la situation sur le flanc Est de l’Europe.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie le 24 février 2022, notre pays fournit une aide de plus en plus directe à l’Ukraine. Les trois principaux vecteurs en sont : des dons de matériels, notamment 18 canons d’artillerie autotractés Caesar avec des munitions, des missiles antichars, des missiles antiaériens, des véhicules de l’avant blindés (VAB) et des équipements individuels ; du carburant ; la formation de soldats ukrainiens.

Le 7 octobre, le président de la République a également annoncé la création d’un fonds spécial doté de 100 millions d’euros grâce auquel l’Ukraine pourra acheter directement des matériels militaires auprès de nos industriels.

Ce soutien militaire ne doit évidemment pas désarmer les forces françaises pour de futures opérations. Les matériels fournis doivent être remplacés rapidement, ce qui implique des commandes et un accompagnement de nos industriels pour augmenter les cadences de production.

Parallèlement au soutien à l’Ukraine, la France participe de plus en plus activement à la posture dite dissuasive et défensive de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Europe centrale et orientale, une posture renforcée à plusieurs reprises par l’alliance depuis 2014.

La France projette des capacités militaires plus nombreuses dans la zone. En Estonie, elle participe à une mission de police du ciel renforcée, ainsi qu’à un bataillon de présence avancée renforcée de L’OTAN – EFP Battlegroup –, dans le cadre de la mission française Lynx. Au sein de ce bataillon commandé par le Royaume-Uni, 120 militaires viendront prochainement s’ajouter aux 300 que la France avait déjà déployés.

La France effectue également des missions de surveillance et de défense aérienne en Pologne, et bientôt, en Lituanie.

Mais la plupart de nos forces sont aujourd’hui en Roumanie, un pays avec lequel la France entretient des liens historiques très forts, dans le cadre de la mission Aigle. Lors d’un déplacement sur place du 26 au 28 septembre, j’ai pu auditionner nos diplomates et nos militaires, ainsi que des militaires roumains – je les remercie chaleureusement.

Depuis le 28 février 2022, soit quatre jours après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la France est à la tête d’un bataillon en Roumanie. Il s’agissait tout d’abord de 500 militaires du 27ème bataillon de chasseurs alpins (27ème BCA), auxquels se sont joints 250 militaires belges, le 9 mars.

Le 1er mai, ce bataillon multinational est devenu un groupement tactique de présence avancée de l’OTAN – Battle Group forward presence (BGFP). La France a été désignée officiellement nation cadre de ce bataillon. Concrètement, cette fonction permet à notre pays de participer plus activement à la définition de la mission mais impose aussi des contreparties : fournir ou coordonner le soutien et être le relais principal de communication avec l’état-major roumain.

Ce bataillon a évolué ces derniers mois. Les Belges ont été remplacés par des Néerlandais au cours de l’été. Côté français, une relève a été effectuée mi-juin. Lorsque je me suis rendu en Roumanie, le bataillon était commandé par le colonel Christophe Degand, chef de corps du 8ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres (8ème RPIMa). La relève en cours permettra de déployer des hommes supplémentaires et du matériel plus lourd – une compagnie renforcée de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), ainsi qu’un escadron de chars Leclerc.

Mais la mission Aigle ne se limite pas à ce bataillon multinational. Elle comprend aussi un détachement sol-air moyenne portée Mamba, un centre de management de la défense 3D, un détachement du génie, un élément de soutien national et un détachement de liaison auprès de l’état-major des armées roumain.

Au total, la France devrait déployer 1 000 à 1 200 militaires dans les prochains mois. Ils resteront majoritairement sur la base militaire de Cincu, dans le centre du pays, à quatre heures de route de Bucarest. J’ai pu visiter cette base qui a subi une transformation éclair depuis le mois de mai.

La base doit être prête à accueillir 1 000 militaires au mois de novembre, pour assurer la montée en puissance du bataillon multinational et transférer une partie des troupes, encore stationnées sur la base de Mihail Kogalniceanu, dite MK, une base qui accueille plus de 2 000 soldats américains, située à proximité de la mer noire.

Les travaux permettront également de stocker davantage de matériels et des équipements plus lourds. La relève française devrait en effet apporter plus d’une dizaine de chars.

Je souhaite rendre hommage au travail de nos militaires du génie. J’ai constaté sur place leur très grande efficacité et leur dévouement à leur mission, malgré des conditions difficiles – pluie, terrain boueux, collines à terrasser, pierres à évacuer en très grand nombre, etc. En seulement quelques mois, et avec le soutien de sapeurs belges, néerlandais et roumains, ils ont complètement transformé la base. Je me suis rendu sur la colline de Cherry sur laquelle un dépôt de carburant a été créé, et de nombreuses autres installations seront bientôt achevées : dépôt de munition, zone technique bétonnée permettant de stocker les véhicules dont des chars, hébergements permettant de loger 600 à 800 personnes, zones de vie et d’alimentation, piste bétonnée, bureaux.

J’ai pu le mesurer sur place, notre engagement en Roumanie, qui s’ajoute aux forces américaines également présentes à MK, permet de rassurer notre allié. Ce dispositif est d’ailleurs qualifié de mesure de réassurance de l’OTAN.

Chaque engagement supplémentaire de l’OTAN en Europe centrale et orientale doit néanmoins être dûment évalué. Nous devons continuer à soutenir nos alliés dans la zone mais sans contribuer à l’escalade avec la Russie. L’équilibre est certes difficile à trouver dans le contexte actuel.

Si des efforts ont été consentis pour augmenter les crédits de la mission Défense dans le PLF 2023, ils restent encore trop modestes au regard des besoins de nos forces armées. Ainsi, je vous invite à vous abstenir sur les crédits de la mission.

Mme Laëtitia Saint-Paul (RE). Dans son « constat sans appel », le rapporteur a déploré une LPM « insuffisante » et mis en doute la « sincérité budgétaire » des OPEX pour nous appeler à l’abstention. Si l’esprit critique est une qualité – j’en use parfois –, l’ingratitude et la mauvaise foi n’en sont pas.

Mon engagement politique auprès du président de la République en 2017, alors que j’étais officier de l’armée de terre, tient notamment à ses projets pour la défense de notre pays. J’en veux pour preuve la LPM la plus ambitieuse depuis la fin de la guerre froide : aucune déflation des effectifs, aucune fermeture de casernes, un effort sur le maintien en condition, le plan Famille, la rénovation des bâtiments.

Je vous livre, parmi des dizaines et des dizaines, une anecdote me semblant la plus symbolique : par le passé, j’ai été projetée comme casque bleu au Liban en bateau parce qu’avait lieu une grosse relève de personnels et de matériels et en arrivant au port de Naqoura, une partie des véhicules n’a pas pu quitter le bateau. Nous nous étions souvent équipés avec nos deniers personnels mais nous n’avions pas vocation à venir avec notre caisse à outils. À une époque, il était interdit de faire du sport parce que les douches étaient pleines de salmonelle et insalubres. La dernière fois que j’ai tiré en 2017, c’était avec un pistolet automatique Mag50 – 50 désignant l’année 1950. C’est l’armée que j’ai connue. Il était donc grand temps d’agir.

La LPM 2109-2025 a été respectée à l’euro près et les retours des soldats sont positifs, qu’il s’agisse de l’équipement individuel ou du plan Famille. En tant que rapporteure pour avis au nom de la commission, chaque jour, j’ai veillé au grain et chaque jour, j’ai été fière de ce texte.

S’agissant des OPEX, vous êtes insincère : alors qu’elles étaient financées, de manière chronique, par la réserve de précaution, nous avons fait le choix de les budgéter. Par ailleurs, peu de gens avaient anticipé la guerre en Ukraine.

Quant à l’OTAN et aux nuances que vous avez introduites sur son rôle, lorsque l’on est sûr de ce qu’on est, on n’a pas peur de l’autre et du reste du monde. J’ai foi en l’Europe de la défense. À l’heure où le cyber, l’espace, le nucléaire, le radiologique, le chimique et le bactériologique sont les nouveaux terrains d’affrontement, il est primordial que les démocraties occidentales unissent leurs forces.

Pour ma part, je vous appelle à voter sans aucune réserve les crédits de la mission Défense.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Je remercie le rapporteur pour avis pour son rapport modéré dans lequel il n’hésite pas à relever les points positifs tout en soulignant les insuffisances.

En octroyant une enveloppe globale de 43,9 milliards, le Gouvernement va dans le bon sens. Il respecte la volonté du Parlement puisqu’il suit la trajectoire de la LPM 2019-2025.

Nous saluons l’augmentation des crédits de 3 milliards même si le chiffre est un peu en trompe-l’œil, 1 milliard étant destiné à amortir les effets de l’inflation.

La plupart des crédits sont dédiés à des programmes d’acquisition ou de modernisation d’armements, notamment en matière de dissuasion nucléaire. C’est une bonne chose car la France a déjà raté le coche de la petite révolution des drones militaires. Toutefois, c’est encore loin d’être suffisant et bien en deçà de la proposition de Marine Le Pen de porter le budget de la défense à 55 milliards par an en 2027.

Première puissance militaire européenne par ses capacités opérationnelles polyvalentes, la France ne dispose pourtant que du troisième budget de défense de l’Europe.

Il est important de redorer l’image de notre armée et de lui redonner les moyens de ses ambitions. Je remercie chaleureusement les militaires qui exercent leur métier avec un rare professionnalisme et une réelle détermination dans un contexte international dégradé, marqué par la résurgence de conflits de haute intensité.

D’une manière générale, les forces armées sont sollicitées au-delà de leurs moyens et de leurs contrats opérationnels et leur situation demeure précaire. C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national s’abstiendra.

Je souhaite saluer avec émotion nos soldats qui sont engagés sur des théâtres d’opérations. Monsieur le rapporteur pour avis, quel est l’état d’esprit des troupes que vous avez rencontrées en Roumanie ?

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Notre groupe salue la hausse des crédits mais les 3 milliards escomptés ne sont pas au rendez-vous à cause de l’inflation estimée à plus de 4 % en 2023. Le budget devrait, en outre, être amputé de 357 millions puisque la revalorisation de l’indice de la fonction publique est prélevée sur le budget global au lieu de faire l’objet d’une enveloppe supplémentaire.

Nous déplorons la baisse des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation qui passent de 2,08 milliards en 2022 à 1,93 milliard en 2023. Pourquoi ne pas pérenniser les crédits et réaffecter les sommes provenant de la diminution du nombre d’anciens combattants à d’autres actions telles que la prise en charge des blessés psychiques ou la création d’une aide financière au bénéfice des orphelins victimes de barbarie au cours de la seconde guerre mondiale – nos collègues de la commission de la défense déposeront des amendements en ce sens ?

Autre point de vigilance, alors que le ministre évoque le doublement voire le triplement de la réserve opérationnelle, aucune mesure n’a encore été prise. La création de 1 500 postes civils dans les domaines en tension tels que le renseignement ou la cyberdéfense est bienvenue mais que fait-on pour renforcer nos effectifs opérationnels ?

La disponibilité des canons de 155 millimètres, essentiellement des canons Caesar diminue de 90 à 58 %, celle des appareils de chasse s’établit à 69 %. Comment améliorer ces chiffres ?

Nos collègues de la commission de la défense proposeront la création d’un nouveau programme consacré à la transition énergétique et écologique. Le ministère des armées a publié une stratégie Climat et défense en avril dernier, qui ne semble pas à la hauteur des défis du dérèglement climatique. La réflexion sur l’après-pétrole doit aussi concerner nos armées.

Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise s’abstiendra. Nous espérons que la représentation nationale sera étroitement associée à l’élaboration de la nouvelle LPM.

M. Pierre Cordier (LR). La vérité se situe quelque part entre les propos du rapporteur pour avis et ceux de Laëtitia Saint-Paul.

Le nombre d’avions et de chars disponibles pour des opérations que vous nous avez indiqué fait apparaître une baisse préoccupante.

Dans nos circonscriptions, nous sommes nombreux à côtoyer des militaires et les propos de ceux que j’écoute sur le terrain ne sont pas particulièrement rassurants sur les effectifs, ni sur l’état des matériels. Même si l’amélioration est indéniable depuis quelques années, les inquiétudes demeurent.

Je salue au nom du groupe Les Républicains l’engagement des troupes sur les théâtres extérieurs, en particulier celles qui reviennent d’Afrique subsaharienne. Je veux aussi avoir une pensée pour ceux qui sont morts en opération.

Le président de la République a annoncé un accord avec le Danemark pour rétrocéder à l’Ukraine une partie des canons Caesar qui lui étaient destinés initialement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le groupe Les Républicains s’abstiendra.

M. Frédéric Petit (DEM). Monsieur le rapporteur, vous êtes un peu catastrophiste. Tout n’est pas fait mais, vous l’avez reconnu, après des décennies de baisse des crédits, ce que nous avons fait en 2017 et ce nous nous apprêtons à faire en votant une nouvelle loi de programmation me semble aller dans le bon sens.

Je souligne l’importance de la recherche et développement, que vous n’avez pas évoqué dans la perspective de la future loi de programmation militaire.

Nous ne sommes pas seuls et cela ne signifie pas que nous sommes faibles. J’ai beaucoup aimé ce qu’a dit Laëtitia Saint-Paul sur le fait de ne pas avoir peur des autres. La description que vous avez faite de notre présence en Roumanie prouve que nous pouvons être forts avec des partenaires. La conflictualité du XXIe siècle exige des réponses multilatérales.

Le ministre des affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, dans une conférence de presse passée assez inaperçue, a justifié l’agression de son pays contre l’Ukraine en faisant un parallèle avec la position de la France à l’égard des Wallons. Selon lui, si les Flamands faisaient du tort aux Wallons, tout le monde comprendrait que la France prenne les armes pour aller défendre la minorité française opprimée en Belgique. Cela nous fait sourire mais lui y croit vraiment.

Dans votre rapport, vous écrivez « dans un contexte de guerre, il n’y a aucune garantie que les populations russophones d’Ukraine seraient traitées selon les standards démocratiques ». Depuis le début, je me suis refusé à dire que ce conflit opposait les gentils et les méchants. On n’a jamais de garantie sur la manière dont les militaires feront la guerre et sur l’absence de dérapages. J’habite en Galicie et je suis bien placé pour savoir qu’il n’y a pas les bons Ukrainiens d’un côté et les méchants de l’autre. Mais la langue n’est pas une assignation à résidence en Ukraine, à la différence du modèle d’impérialisme russe dans lequel, pour résumer, « tu parles russe, donc tu es russe et donc je suis ton chef ». Ce n’est le modèle ni de la France, ni de l’Europe, ni de l’Ukraine. Depuis des siècles, celle-ci est multilingue. Pouvez-vous préciser votre pensée car la référence aux populations russophones ne correspond pas à notre conception ?

M. Alain David (SOC). L’examen du rapport pour avis s’inscrit dans un contexte particulier. Pour la première fois depuis bien longtemps, la guerre est aux frontières orientales de l’Europe et chaque jour, l’autocratie russe se fait plus menaçante.

Plus que jamais, il faut saluer le travail remarquable qu’accomplissent nos armées, dans des opérations extérieures loin de leurs familles, en Europe ou en France, pour anticiper le pire.

Pour faire face au tragique de l’histoire, la diplomatie pour laquelle nous œuvrons modestement à la commission des affaires étrangères est certes nécessaire mais nos armées, dans toutes leurs composantes, constituent également un pilier de notre sécurité collective.

Je commencerai par les points positifs : la trajectoire budgétaire est respectée, la hausse de 3 milliards ne peut qu’être saluée ; le renforcement des capacités des armées, plus que jamais nécessaire en raison du risque accru d’un conflit de haute intensité, se poursuit. À cela s’ajoutent 1,1 milliard en crédits de paiement et 2,2 milliards en autorisations d’engagement consacrés au renouvellement des stocks de munitions. Nous notons aussi une hausse de 1 547 équivalents temps plein (ETP). Quant aux 180 millions fléchés vers le plan Famille, ils sont de nature à améliorer les conditions de vie de nos militaires. Enfin, nous sommes ravis que la dernière phase de déploiement de la nouvelle politique de rémunération des militaires soit lancée dès 2023 pour un coût de 101 millions.

Notre groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points : les montants prévus pour l’achat de munitions pour 2023 nous semblent insuffisants eu égard aux livraisons d’armes à l’Ukraine et aux besoins croissants pour parer à un conflit de haute intensité. Nous nous interrogeons également sur la notion d’économie de guerre. Compte tenu des délais de livraison et de notre dépendance pour certaines matières premières ou certains composants, nous en semblons encore loin.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Le rapport est assez critique sur l’engagement français au sein de l’Alliance atlantique. Le groupe Horizons tient au contraire à apporter son soutien à l’ensemble des opérations menées avec nos alliés aux frontières de l’Europe. Vis-à-vis de la Russie, la dissuasion n’est pas une escalade, encore moins une provocation.

Nous pouvons nous accorder sur un point : la hausse des crédits va dans le bon sens d’une part, parce qu’elle concrétise les engagements pris dans la loi de programmation militaire 2019-2025, d’autre part, parce qu’elle permet de faire face à un contexte géopolitique dégradé car à la guerre en Ukraine s’ajoutent la montée des tensions en Indo-Pacifique et la reconfiguration du dispositif français en Afrique.

Les 3 milliards supplémentaires nous permettront d’agir de manière soutenue sur l’ensemble des théâtres d’opérations où nos armées sont mobilisées, grâce notamment aux coopérations avec l’Espagne et l’Allemagne sur le système de combat arien du futur, avec les Allemands sur le système de combat au sol ou encore avec les Britanniques sur le futur missile de croisière.

La France n’est pas seule et travaille de concert avec ses voisins pour construire une autonomie et une boussole stratégique. Nos armées seront capables d’identifier, grâce aux crédits du programme 144, les futurs enjeux sécuritaires. Le programme 146 visant à mettre à disposition des armées le matériel nécessaire à l’accomplissement de leurs missions permet aussi d’octroyer à notre base industrielle et technologique de défense (BITD) des contrats à long terme, donc de la visibilité. L’industrie pourra alors investir, innover et faire le nécessaire pour éviter toute rupture capacitaire.

Le groupe Horizons est aussi sensible à la condition militaire. La continuation du plan Famille, ainsi que de la nouvelle politique de rémunération des militaires doit permettre de mieux accompagner et de fidéliser nos soldats.

Pour ces raisons, notre groupe votera les crédits de la mission.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Cette année, l’examen du budget des armées a un caractère très particulier, puisque la guerre d’agression de la Russie en Ukraine a changé la donne : en France, parce qu’une guerre d’invasion semblait impossible à beaucoup d’entre nous ; au niveau de l’Union européenne, où de nombreux pays ont décidé d’augmenter leur budget militaire ; pour l’OTAN, enfin, qui est sortie de sa léthargie, en espérant retrouver la vieille logique « bloc contre bloc ».

Et pourtant, peu de choses ont changé, parce que la guerre n’est que le résultat de causes profondes, que personne ne se donne les moyens de traiter réellement. En finir avec la guerre, tel est l’objectif des communistes et de leur culture de paix, qui consiste à rechercher la sécurité globale. Le Rapport mondial sur le développement humain du programme des Nations Unies pour le développement de 1994 souligne que « le concept de sécurité fait depuis trop longtemps l’objet d’une interprétation restrictive, le cantonnant à la sécurité du territoire face aux agressions extérieures, à la protection d’intérêts nationaux face à l’étranger ». Partant de ce constat, il propose une définition de la sécurité humaine qui repose sur la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité de l’environnement, la sécurité personnelle, la sécurité de la communauté et la sécurité politique.

Cette approche devrait nous amener à repenser notre budget militaire et à cesser de consacrer, comme l’OTAN l’exige de nous, 2 % de notre produit intérieur brut (PIB) aux dépenses militaires. Celles-ci devraient être à la hauteur de notre besoin de sécurité intérieure. Les députés communistes insistent régulièrement sur le manque de moyens dédiés à la surveillance de nos eaux territoriales. L’exécutif préfère dépenser 5,6 milliards pour la dissuasion nucléaire, soit 15,3 millions par jour, plutôt que de lutter concrètement pour la paix. À titre de comparaison, les crédits de la mission Action extérieure de l’État, qui regroupe tous les budgets de la diplomatie française, ne s’élèvent qu’à 3,2 milliards. Et, pour s’en tenir aux crédits militaires, ceux de la cyberdéfense ne sont que de 288 millions, ceux de l’espace de 700 millions et ceux qui sont consacrés à l’amélioration des salaires et des conditions de vie familiale, de 920 millions. Pourtant, ces budgets sont bien plus importants, pour notre défense, que la dissuasion.

Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine émettront un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission Défense, qu’ils jugent inacceptables.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Notre groupe émettra évidemment un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense. Le soutien des parlementaires aux militaires doit être sans équivoque, alors qu’on assiste au retour des conflits de haute intensité. La guerre en Ukraine marque le retour du conflit armé sur notre continent ; dans ce contexte, la défense est plus vitale que jamais pour nous.

Le budget que le Gouvernement présente pour nos armées nous inquiète. Conformément à ce que prévoit la loi de programmation militaire, les crédits de la mission Défense connaissent une hausse de 3 milliards mais cet effort est à relativiser, dans la mesure où ces crédits sont rognés par les reports de charges, la revalorisation du point d’indice et surtout par l’inflation. Cela en fait un budget en trompe-l’œil. Pourquoi le ministère ne communique-t-il pas la part des dépenses liées au contexte actuel ? Quel est le montant total des imprévus et des reports de charges qui pèsent sur notre trajectoire budgétaire ?

Personne ne peut nier les hauts niveaux d’investissement et de recrutement pour nos armées mais il reste des failles. Notre groupe salue un réel effort en faveur des petits équipements, à hauteur de 1,7 milliard, mais 12 000 gilets pare-balles et 70 000 treillis suffiront-ils ?

Enfin, si les armées doivent respecter le secret pour mieux nous défendre, la transparence du Gouvernement vis-à-vis de la représentation nationale reste impérative. Or les parlementaires manquent de certaines données clés. Ainsi, nous ne disposons toujours pas d’un bilan des stocks qui ferait apparaître les prélèvements opérés en soutien à l’Ukraine. Ces prélèvements ont-ils entamé ou réduit les défenses de notre pays ?

En 2021, le Gouvernement avait procédé à l’actualisation de la trajectoire de la loi de programmation en se contentant d’organiser un débat au Parlement et sans que celui-ci légifère. Nous saluons la volonté du ministre de construire la prochaine loi de programmation militaire avec les parlementaires et nous espérons qu’il s’agira d’une vraie coopération – et non de dialogues sans conséquences sur le texte, comme ceux de Bercy, dont nous gardons un souvenir amer.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). On a pu lire dans la presse, il y a quelques jours, que si l’armée française était déployée demain dans un engagement majeur de haute intensité, comme en Ukraine, elle pourrait tenir un front de 80 kilomètres, pas plus.

Même s’il faut saluer l’augmentation de 7 % des crédits de la mission Défense, on peut se demander s’ils seront suffisants, alors que notre pays est en guerre aux côtés de l’Ukraine. À la guerre, la masse compte. Or l’armée française a été construite sur le modèle d’une force expéditionnaire professionnelle, relativement légère. Le Gouvernement ne veut pas renoncer à ses ambitions stratégiques – ce qui est une bonne chose – et préfère s’accrocher à un modèle d’armée complet – OPEX, dissuasion nucléaire, protection du territoire national, présence en Indo-Pacifique, etc. Ce modèle d’armée complet nécessite toutefois des moyens, si l’on ne veut pas aboutir à une armée « échantillonnaire », qui possède un peu tous les moyens, comme les Américains, mais en très faible quantité, contrairement aux Américains.

La fourniture de 18 canons Caesar à l’Ukraine était une nécessité mais elle a amputé l’armée de terre d’un quart de son parc, et c’est la même chose pour les stocks de munitions, qui coûtent cher. Les crédits de la mission Défense ont augmenté de 11,2 milliards depuis 2017 pour atteindre 43,9 milliards en 2023, soit 25 % d’augmentation. Face aux enjeux, une hausse de 3 milliards est-elle vraiment suffisante, alors qu’il faut que nous soyons aux côtés de l’Ukraine, et compte tenu de l’inflation, qui rogne l’augmentation du budget ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’aimerais faire quelques observations avant de donner la parole à notre rapporteur pour avis.

Nous vivons des moments de très grandes mutations et de remise en cause d’un certain nombre de nos priorités et de nos orientations. Ce que nous avons vécu au cours des deux dernières années ne peut pas ne pas appeler des adaptations très profondes.

Sur les crédits de la mission Défense, les avis qui se sont exprimés marquent à la fois une différence d’appréciation et une même inquiétude, au sujet des moyens. Ce qui est certain, c’est que nous devrons, en tant que parlementaires, prendre toute notre part à la préparation de la nouvelle LPM. Les fondamentaux de notre défense vont sans doute rester les mêmes mais des réorientations stratégiques vont s’imposer. Il va falloir repenser nos choix en matière d’armement, réfléchir au rôle de la dissuasion, qui est très profondément affectée, dans sa nature, par la façon dont se déroule le conflit en Ukraine.

Nous avons également un devoir en qualité de membres de la commission des affaires étrangères. Au Sénat, les affaires étrangères et la défense sont réunies au sein d’une seule et même commission. Au cours de la précédente législature, le président Ferrand nous avait demandé notre avis sur une éventuelle fusion entre notre commission et celle de la défense. Une grande majorité des groupes souhaitait cette fusion, mais pas tous. Ce sur quoi tout le monde s’accordait, en tout cas, c’est que l’on ne pouvait pas examiner les problèmes de politique étrangère sans intégrer pleinement la dimension de défense. J’ajoute qu’en application du vieil adage romain Cedant arma toge – Que les armes le cèdent à la toge –, les choix stratégiques de politique étrangère sont ceux qui déterminent les choix de politique de défense.

Nous devons absolument nous intéresser de très près à cette loi de programmation. J’ai d’ores et déjà demandé au ministre de la défense de venir devant notre commission. J’ai fait la même demande au président de la chambre compétente de la Cour des comptes, ainsi qu’à M. Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, qui participe à l’élaboration de la LPM.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Madame Saint-Paul, le délabrement de l’armée française est manifeste, au moins depuis les années 1980 et 1990. Vous dites que je fais preuve d’ingratitude et de mauvaise foi. J’ai fondé mes analyses sur les éléments que m’a transmis le ministère des armées et je maintiens qu’il y a une sous-budgétisation des surcoûts liés aux opérations extérieures. J’ajoute que ces surcoûts sont chroniques, puisqu’ils étaient déjà de 244 millions en 2020 et de 360 millions en 2021. L’armée elle-même nous a indiqué que ces surcoûts risquaient d’exploser en 2022. J’ai bien compris que vous étiez favorable à une Europe de la défense. Pour ma part, je crois davantage à l’armée française.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il n’y a pas d’Europe de la défense sans armée française, Monsieur le rapporteur !

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Bien sûr, mais en tant que patriotes, nous avons du mal à croire à une armée européenne qui défend parfois des intérêts différents des nôtres.

Monsieur Cordier, il est vrai que l’armée a du mal à fidéliser les nouvelles recrues. Elle a du mal à créer des vocations, notamment dans le domaine du cyber. Les jeunes préfèrent travailler dans le privé que dans l’armée française. Il faudrait peut-être augmenter les soldes. Nombre de militaires refusent de monter en grade, parce que cela représente plus de contraintes et que les rémunérations ne suivent pas.

S’agissant des canons Caesar, la seule information dont nous disposons, c’est que 6 canons vont être donnés à l’armée ukrainienne par le Danemark. Pour sa part, la France a déjà prévu de passer commande de nouveaux canons Caesar, mais il faut beaucoup de temps pour les construire et ils devraient être prêts à l’été 2024.

Monsieur Petit, nous ne savons pas comment la guerre va évoluer ; elle sera longue et il faut être prudent. On ne peut pas s’engager dans un élargissement de l’OTAN avant que les tensions ne s’apaisent. Attendons la fin de la guerre et veillons au respect de l’État de droit en Ukraine.

Monsieur David, vous avez soulevé la question de l’économie de guerre. L’industrie française a des difficultés à produire rapidement un certain nombre de matériels, parce que la France manque de tout, notamment d’ingénieurs. C’est la conséquence de choix politiques passés : depuis de très nombreuses années, le budget de la défense a servi de variable d’ajustement. Il est vrai qu’on est en train de rattraper ce retard mais il reste fort à faire.

Madame Ménard, la France soutient l’Ukraine mais elle n’est pas en guerre aux côtés de l’Ukraine. Je suis d’accord avec votre constat : l’armée française a été dépecée, on a fermé des casernes, on a réduit les effectifs et investi de moins en moins depuis dix ou quinze ans dans l’armement et le matériel. Il faudra être très attentifs à la prochaine loi de programmation militaire.

Madame Robert-Dehault, vous m’interrogez sur le moral de nos troupes en Roumanie. J’ai vu une nette différence entre les officiers, qui ont un point de vue assez tranché et une vision presque apocalyptique de la situation – ils considèrent qu’une bombe nucléaire peut frapper la Roumanie d’un moment à l’autre – et les soldats du rang ainsi que les sous-officiers, qui voient leur mission comme une OPEX classique.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.


—  1  —

 

   annexe n° 1 :
liste des personnes auditionnées
par le rapporteur pour avis

 

 

En visioconférence

S.E. M. Éric Lamouroux, ambassadeur de France en Estonie


En Roumanie

 

S.E. Mme Laurence Auer, ambassadrice de France en Roumanie

M. Mehdi Chebana, conseiller de presse de l’ambassade de France

M. Philippe Wieber, premier conseiller de l’ambassade de France 

 

 

 

À Paris

Ingénieur général de l’armement Thierry Carlier, directeur général adjoint de la direction générale de l’armement (DGA)

Commandant Gwenaëlle Croq, chargée de mission Russie, Ukraine et Biélorussie à la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)

Ingénieur général de l’armement Gaël Diaz de Tuesta, directeur du développement international de la DGA

M. Jean-Michel Fiétier, directeur de projet « performance et synthèse de l’action du SGA et relations avec le Parlement »

Mme Patricia Lewin, déléguée pour le rayonnement, DGRIS

M. Guillaume Ollagnier, chef du bureau Europe, Amérique du Nord et action multilatérale de la DGRIS

Ingénieur général de l’armement Guilhem Reboul, directeur des opérations de la DGA

Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

Capitaine de vaisseau Philippe Schegg, chef du département OTAN de le DGRIS

Colonel Boris Vallaud, chef de cabinet de la secrétaire générale pour l’administration

 

En Roumanie

 

Colonel Christophe Degand, chef de corps du 8e RPIMa, commandant du bataillon multinational de l’OTAN

Colonel Flavien Garrigou-Granchamp, représentant national principal (senior national representative – SNR) français en Roumanie

Colonel Daniel Parpaillon, attaché de défense de l’ambassade de France en Roumanie

 

 

Général-Major Dr Florin Jianu, chef de la direction générale financière

Colonel ingénieur Andrei Stanciu, chef adjoint de la direction de la planification intégrée de la défense


annexe n° 2 : Surcoûts opex-missint et financements mobilisés

Chiffres exprimés en millions d’euros

2018

2019

2020

2021

LFI 2022

Total surcoûts OPEX-MISSINT (a)

1 360

1 396

1 444

1 560

ND

- Surcoûts OPEX

1 203

1 240

1 279

1 421

 

- Surcoûts MISSINT

158

156

165

139

 

 

Financement des surcoûts OPEX-MISSINT

Loi de finances initiale (b)

750

950

1 200

1 200

1 200

- dont provision OPEX-MISSINT (T2-HT2)

650

850

1 100

1 100

1 100

- dont dotation MISSINT (T2)

100

100

100

100

100

 

Coûts non prévus par la LFI (c = a – b)

610

446

244

360

 

 

Financements des surcoûts des OPEX-MISSINT non prévus par la LFI

Décrets d’avance

0

0

0

0

 

- dont « gage » sur des crédits d’équipement

 

 

 

 

 

Crédits ouverts en LFR

404

214

200

279

 

Ouverture nette de crédits en LFR

0

0

0

100

 

Crédits de la mission « Défense » annulés en LFR

404

214

200

179

 

- dont crédits d’équipement (P146)

319

97

124

100

 

Ressources non fiscales

32

40

29

36

 

Redéploiement de crédits internes à la mission « Défense » notamment depuis les crédits de masse salariale

174

192

15

45

 

Autres (ex : décrets de transfert, etc.)

0

0

0

0

 

Source : ministère des armées

annexe n° 3 : effectifs comparés des principales puissances militaires, en 2021

 


   annexe n° 4 : dotations par armée et par pays pour les Principaux types de matériels militaires, en 2021

 

    

    

    

    

  

    

    

    

    

 

 

 

 

   annexe n° 5 : l’engagement des armées françaises sur le flanc est de l’europe (dont union européenne)

 

   annexe n° 6 : BILAN de la participation française à la mission eAP, du 15 mars au 1er août 2022
 

 

Source : État-major des armées.

 


([1]) Le 11 octobre 2022, lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le ministre des armées Sébastien Lecornu a estimé les mesures de réassurance à l’Est de l’Europe entre 600 et 700 millions d’euros pour l’année 2022.

([2]) Les articles 4 et 5 de la LPM 2019-2025 pourront être mobilisés.

([3]) Cette expression a été utilisée à plusieurs reprises par les autorités. Le 19 janvier 2022, le président de la République l’a reprise lors de la présentation de ses vœux aux armées, sur le camp d’Oberhoffen.

([4]) Rapport d’information n° 697 sur l’actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025 de M. Christian Cambon, M. Jean-Marc Todeschini, M. Pascal Allizard, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Olivier Gigolotti, Mme Hélène Conway-Mouret, Mme Michelle Gréaume, M. Joël Guerriau, M. Cédric Perrin, M. Yannick Vaugrenard et M. Alain Cazabonne, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, publié le 16 juin 2021 (session ordinaire 2020-2021).

([5]) Dans une première phase, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) pilote la rédaction d’une revenue nationale stratégique.

([6]) La France dispose de la première armée européenne.

([7]) Le calendrier prévu est le suivant : proposition de signature d’un marché en 2023, démarrage des travaux à l’automne 2024 et emménagement à l’horizon 2028.

([8]) Il comprend les projets de technologies de défense (PTD) des domaines combat aérien et frappe air-sol, frappe dans la profondeur et aéromobilité.

([9])  Selon le ministère, interrogé par le rapporteur pour avis, « l’impact financier des missions Lynx et Aigle ainsi que celui des cessions de matériel à l’Ukraine n’est pas pris en compte dans le PLF 2023. Il sera assuré en gestion, les surcoûts générés par ces engagements étant dans un premier temps avancés par les armées, directions et services, qui seront remboursés dans le cadre du schéma de fin de gestion. »

 

([10])  Selon les propos du ministre des armées Sébastien Lecornu lors de son audition du 11 octobre 2022 devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, la modernisation des équipements a bénéficié de 41 % des augmentations de crédits du ministère depuis 2017 (hors dissuasion).

([11]) Au total, le budget prévoit 500 millions d’euros supplémentaires pour les munitions : munitions de petit calibre (50 millions d’euros), 200 missiles antichars de moyenne portée (dits MMP ou Akeron MP), 100 missiles antiaériens sol-air moyenne portée de nouvelle génération (SAMP-T ou Aster 30), une centaine de missiles air-air MICA qui équipent les Mirage 2000 et les Rafale, 700 bombes air-sol de 250, 500 et 1 000 kilos, 10 000 obus de 115 millimètres pour les canons Caesar.

([12]) Selon un article publié le 3 octobre 2022 dans le journal La Tribune, l’Ukraine devrait également recevoir 20 véhicules blindés Bastion. De plus, le 12 octobre, dans une interview au journal télévisé de France 2, le président de la République a annoncé que 6 canons Caesar supplémentaires, initialement destinés au Danemark, pourraient être livrés à l’Ukraine.

([13]) Selon le ministre des armées, ce fonds fera l’objet d’un amendement du gouvernement lors de l’examen du PLF 2023 ou à l’occasion d’une LFR en fin d’exercice budgétaire (Sébastien Lecornu, 11 octobre 2022).

([14]) Voir la présentation du plan d’action sur le site Internet de l’OTAN.

([15]) À l’automne 2022, les mesures d’adaptation comprennent le renforcement de la force de réaction de l’OTAN (Nato Response Force - NRF ; 40 000 soldats) et, au sein de celle-ci, une force opérationnelle interarmées à très haut de niveau de préparation (Very High Readiness Joint Task Force - VJTF ; 20 000 soldats) ; des unités d’intégration des forces OTAN (NFIU) c’est-à-dire des quartiers généraux de petite taille destinés à faciliter le déploiement rapide de la VJTF et des forces alliés de deuxième échelon dans un pays ; des quartiers généraux multinationaux à haut niveau de préparation : celui du corps multinational Nord-Est (QG MNC NE) à Szczecin en Pologne, celui de la division multinationale Sud-Est (QG MND SE) à Bucarest en Roumanie et un quartier général permanent de groupement de soutien logistique interarmées au sein de la structure de commandement de l’OTAN.

([16])  Les États-Unis avaient jusqu’alors déployé 100 000 soldats dans toute l’Europe dont 20 000 avaient été ajoutés à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine.

([17]) Les aviateurs déployés dans le cadre d’eAP proviennent majoritairement de la 2e escadre de
chasse, stationnée sur la base aérienne 116 et composée notamment du groupe de chasse 1/2
« Cigognes ».

([18])  Cet engagement représente la huitième participation de la France dans la BAP et son troisième déploiement en Estonie.

([19]) Après les évènements en Ukraine, l’eFP a été élargie à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Hongrie et à la Slovaquie. Ainsi, huit groupements tactiques couvrent désormais tout le flanc Est de l’OTAN, de la mer Baltique à la mer Noire. Le nombre de soldats a été multiplié par deux.

([20]) Il s’agit de la sixième participation française à l’eFP dans les pays baltes (Estonie : mars 2017, mars 2019, mars 2021 et mars 2022 ; Lituanie : mars 2018 et mars 2020).

([21]) Le rapporteur pour avis a été sensibilisé en audition au manque de surbottes, un équipement simple mais indispensable en hiver.

([22])  Le HQ MND-SE est placé sous le commandement opérationnel du Commandant suprême des forces alliées en Europe (the Supreme Allied Commander Europe – SACEUR, qui commande le Commandement allié Opérations, Allied Command Operations - ACO), et sous le contrôle opérationnel du Commandement allié des forces interarmées de Naples (Joint Force Command Naples - JFC Naplez).

([23]) « Joint Declaration on Strategic Partnership for the 21st Century Between the United States of America and Romania », 13 septembre 2011.

([24]) Au début du mois de février 2022, avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine, le département d’Etat américain avait déployé en Roumanie un nouveau bataillon d’environ 1 000 hommes, avec des blindés Stryker.

([25]) « We’re going to maintain additional rotational Brigade — which is 3,000 fighters and another 2,000 personnel — Combat Team here in Europe, headquartered in Romania. », Joe Biden, Conférence de presse du 29 juin 2022, Madrid.

([26])  Article « La Roumanie compte sur le soutien des États-Unis et de l’OTAN », Mirel Bran, Le Monde, 4 février 2022.

([27]) Le 19 octobre 2022, lorsqu’il inaugura le monument aux côtés des généraux Foch et Weygand, le général Berthelot déclara : « […] Amis des mauvais jours, amis des jours de fête : c’est bien cela que nous sommes […] et c’est bien cela que ce monument signifie ».

([28])  En 2014, les membres de l’OTAN ont créé une « force fer de lance » (spearhead force) baptisée « force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » (Very High Readiness Joint Task Force - VJTF), au sein de la NRF. Les membres de l’OTAN assument le rôle de pays-cadre de la VJTF par rotation. En 2022, il s’agit de la France.

([29]) Au sommet extraordinaire de l’OTAN organisé à Bruxelles le 24 mars à Bruxelles, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’alliance ont décidé de mettre en place quatre groupements tactiques multinationaux supplémentaires à l’Est de l’Europe, dont un en Roumanie.

([30]) Ce bataillon s’intègre dans le plan de défense national roumain sous commandement OTAN (SACEUR) de la MNB-SE située à Craiova.

([31]) Le BGCP était armé par les unités suivantes : une compagnie d’infanterie du 8e RPIMa de Castres, un escadron blindé du 1er régiment de hussards parachutistes (1er RHP) de Tarbes, un état-major tactique et le train de combat n° 2 (détachement logistique) du 8e RPIMa, un détachement médical et une compagnie d’infanterie néerlandaise.

([32])  Inséré auprès de l’état-major des armées roumain à Bucarest, il assure le contrôle opérationnel des détachements français placés aux ordres de l’OTAN et veille à leur intégration dans les plans de défense roumains.

 

([33]) La brigade multinationale Sud-est (MNB₋SE) comprend trois unités roumaines d’infanterie, avec des véhicules blindés lourds, sur la base de Cincu.

([34])  Les parachutistes français ont par exemple indiqué au rapporteur qu’ils avaient pour la première fois pu effectuer des sauts avec des matériels et des procédures roumaines.

([35]) Ils sont issus du 19e régiment du génie de Besançon et du 31e régiment du génie de Castelsarassin. Ils peuvent effectuer différents types de travaux : topographie, travaux horizontaux, infrastructure verticale, production d’énergie et production d’eau.