N° 369

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023 (n° 273)

 

TOME I

 

 

 

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

PAR Mme Valérie BAZIN-MALGRAS

Députée

——

 

 

 

Voir le numéro : 273

 

 


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Première partie : les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » proposés pour 2023

I. Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation »

A. Les grands équilibres du programme 169 : un budget respectueux du monde combattant

1. La revalorisation du « point de PMI » dès le 1er janvier 2023 : un engagement bienvenu de la secrétaire d’État, qui concerne l’ensemble du monde combattant

B. L’administration de la dette viagère

1. Les pensions militaires d’invalidité

2. La retraite du combattant

C. L’action sociale et les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

1. Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

a. Les soins médicaux gratuits et appareillages

b. Les réductions sur les transports

c. Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

2. La solidarité

a. L’action sociale

b. Les subventions pour charges de service public aux opérateurs publics

D. Les actions en faveur des harkis et des rapatriés

1. Les crédits inscrits en PLF 2023

2. Le bilan de la première année de mise en œuvre de la loi du 23 février 2022

E. Les liens entre la jeunesse et les armées

1. La journée défense et citoyenneté, où en est-on ?

2. La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national

F. La politique de mémoire

1. La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »

a. Les commémorations

b. Les actions pédagogiques du ministère des Armées

2. L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

G. L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

II. Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

A. L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations

1. L’indemnisation des orphelins

2. L’indemnisation des victimes de spoliations

a. Le bilan d’activité du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations matérielles et bancaires depuis le début des travaux de la CIVS

b. Les biens culturels spoliés

B. L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

Seconde partie : le service militaire volontaire et son intégration dans le plan ambition armées-jeunesse

I. Le service militaire volontaire, un dispositif militaire d’inclusion sociale et territoriale performant en cours d’extension

A. Le service militaire volontaire a été créé en 2015 dans le contexte des attentats terroristes afin de renforcer le lien armées-nation

1. Un dispositif d’abord expérimental, pérennisé dans la loi de programmation militaire 2019-2025, qui réaffirme pleinement le rôle social des armées

a. Les conditions d’entrée dans le dispositif sont peu nombreuses et appliquées de manière souple par les cadres chargés de la sélection.

b. Le parcours du jeune volontaire se déroule en trois phases successives qui permettent d’aller progressivement vers l’autonomisation du jeune volontaire

2. Un dispositif directement inspiré du Service militaire adapté en Outre-mer

B. Le bilan très positif de la mise en place du service militaire volontaire a conduit à une extension du dispositif

1. Offrir une seconde chance et redonner un cadre, tout en renforçant le lien Armées-Nation

a. Le SMV permet de prendre en charge des publics, parfois en situation de grande difficulté sociale et de les conduire vers l’emploi.

b. Un bilan très positif du point de vue de l’insertion professionnelle qui s’explique d’une part par le cadre militaire, mais également par un système de formation varié, associant de nombreux partenaires.

c. L’apprentissage d’un engagement citoyen contribue au renforcement du lien Armées-Nation

2. Un système de financement innovant fondé sur le partenariat entre acteurs locaux, nationaux et européens

3. Un dispositif ayant vocation à monter en puissance sur l’ensemble du territoire

II. Confronté à des difficultés de recrutement, le développement du service militaire volontaire se heurte pour l’instant à un manque de volonté politique

A. Le service militaire volontaire peine actuellement à se faire connaître et à tenir les objectifs ambitieux qui lui ont été fixés en termes de recrutements

1. Encore méconnu du grand public, le Service militaire volontaire peine à se faire connaître auprès des publics cibles, malgré la mise en place d’actions de communication

2. La faible rémunération des volontaires nuit à l’attractivité du service militaire dans un contexte de concurrence entre les dispositifs d’insertion et de reprise économique

3. L’absence d’harmonisation des financements régionaux crée des inégalités territoriales entre les centres

B. La nécessité d’une volonté politique affirmée et d’une clarification des missions confiées aux militaIres du smv

1. Une extension territoriale du dispositif supposerait une augmentation des moyens

2. Revaloriser la solde des bénéficiaires et harmoniser les aides régionales pour garantir l’égalité entre les volontaires afin de garantir l’attractivité du dispositif

3. Engager une réflexion sur le rattachement du dispositif aux armées et sa reconduction en loi de programmation militaire

III. Une attention particulière doit être portée à la coordination des dispositifs en faveur de la jeunesse, au risque d’une perte de cohérence globale

A. Une multiplication des dispositifs, aujourd’hui articulés au sein du plan ambition armées-jeunesse

B. Le plan Ambition Armées jeunesse tente d’offrir une réponse en proposant une articulation des dispositifs par tranche d’âge

1. Le service national universel a vocation à toucher à terme toute une classe d’âge et supposera une plus grande coordination des dispositifs

2. Le service militaire volontaire est aujourd’hui compatible et complémentaire avec le service national universel

3. La nécessité de pérenniser journée Défense et citoyenneté à travers la Journée Défense et mémoire

Travaux de la commission

I. Audition de Mme Patricia Miralles, secrétaire d’état chargée des anciens combattants et de la mémoire

II. Audition de représentants d’associations d’anciens combattants

III. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacements de la rapporteure pour avis

1. Auditions

2. Déplacements :


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   Introduction

« La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s’incline devant eux et devant leurs familles », rappelle avec force, le premier article du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

À l’heure de l’examen par le Parlement du premier projet de budget de la législature, votre rapporteure tient à saluer l’action qui a été menée par le Gouvernement en faveur du monde combattant, sous la précédente législature.

De nombreuses avancées ont été enregistrées, répondant à des demandes de longue date des associations. Au premier rang desquels, l’adoption de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et de réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français, l’élargissement du bénéfice de la carte du combattant aux anciens combattants présents en Algérie entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, ou encore l’extension du bénéfice de la demi-part fiscale à toutes les veuves de plus de 74 ans dont le conjoint a bénéficié de la retraite du combattant.

Votre rapporteure sera vigilante à ce que les avancées obtenues soient préservées et que la dynamique positive se poursuive.

Alors que l’Office national des anciens combattants et victimes de Guerre s’apprête à voir son nom évoluer au 1er janvier 2023, pour devenir l’Office national des combattants et victimes de guerre, et ainsi continuer à s’adapter à l’évolution des bénéficiaires, tout en conservant le sigle d’ONACVG, notre degré d’ambition et d’exigence envers « ceux à qui nous devons tout » doit rester inchangé.

Dans la lignée des exercices antérieurs, le projet de loi de finances pour 2023 préserve et consolide les droits des ressortissants du code des pensions militaires d’invalidité et victimes de guerre (CPMIVG) et les mesures de reconnaissance envers le monde combattant. Avec, 1,9 milliard d’euros prévu en projet de loi de finances pour 2023, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » apparaît comme un budget respectueux du monde combattant, même si des améliorations supplémentaires pourraient être envisagées. La mission comporte les crédits nécessaires à la préservation et au renforcement d’une politique essentielle à la vie et la solidité de la Nation. C’est donc à l’analyse des équilibres budgétaires de la mission qu’est consacrée la première partie du présent rapport.

En outre, votre rapporteure a souhaité consacrer la partie thématique de son rapport aux dispositifs jeunesse du ministère des armées, et en particulier au service militaire volontaire (SMV) : un dispositif militaire d’insertion professionnelle prometteur et pourtant encore méconnu du grand public.

 

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à ses questionnaires budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2022, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 91 réponses sur 91 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

 

 

 

 


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   Première partie :
les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » proposés 1pour 2023

Jusqu’en 2021, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comprenait trois programmes, dont deux relevaient du ministère des Armées. À compter du projet de loi de finances pour 2022, les crédits relatifs aux politiques publiques portées par le programme 167, sont dorénavant inscrits sur le programme 169, renommé « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

Le projet de budget des deux programmes s’élève à 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), contre 2 milliards d’euros en 2022, soit une diminution de 7,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette baisse n’est néanmoins que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère – pensions militaires d’invalidité et retraite du combattant – alors que l’immense majorité d’entre eux a combattu durant la Guerre d’Algérie, il y a plus de soixante ans.

Si cette baisse peut être déplorée, votre rapporteure estime que le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », est néanmoins globalement respectueux du monde combattant et contient des mesures nouvelles, destinées à conforter le droit à la reconnaissance et à la réparation.

À titre principal, le projet de budget intègre l’extension de la qualité de victimes d’actes de terrorisme aux victimes de faits terroristes intervenus avant le 1er janvier 1982, mesure dont le coût est évalué à 1 M€ ; ainsi que la pérennisation du dispositif ATHOS, expérimenté jusqu’en 2022 par l’armée de terre. Ce dispositif se matérialise par des centres d’accueil dédiés à l’accompagnement psychosocial des militaires et vétérans victimes de blessures psychiques imputables aux opérations extérieures dans le cadre de maisons de jour non médicalisées. Le coût du dispositif ATHOS est évalué à 2,9 millions d’euros. En 2023, ce dispositif sera même étendu avec l’ouverture d’une quatrième maison ATHOS. La conduite du dispositif sera confiée à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) qui s’appuiera sur l’ensemble des expertises du ministère, en particulier celle de l’institution de gestion sociale des armées, pour gérer ces quatre maisons.

 Par ailleurs, le PLF 2023 consacre 60 M€, en augmentation de 14 M€, au financement du droit à réparation (DAR) créé par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et de réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de séjour dans certaines structures sur le territoire français. Ce DAR a pour objet d’assurer la réparation des préjudices résultant des « conditions indignes d’accueil » des personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles sur le territoire français sous la forme d’une somme forfaitaire fixée en fonction d’un barème tenant compte de la durée du séjour des intéressés dans ces structures d’accueil.

Enfin, un effort supplémentaire de 2,4 millions d’euros est consacré à la politique de rénovation et de valorisation des hauts lieux de la mémoire nationale et des sépultures de guerre afin de remplir les objectifs ambitieux fixés par la programmation.

Évolution quinquennale des crÉdits de la mission

(en millions d’euros)

(hors contribution de l’État au CAS Pensions)

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Plafond des CP

2 302 ([1])

2 159

2 089

2 085

1 931

Source : PAP 2023.

I.   Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation »

A.   Les grands équilibres du programme 169 : un budget respectueux du monde combattant

Le projet de budget du programme 169 s’élève à 1,839 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 152,6 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, correspondant à une baisse de 7,7 %.

Si cette baisse apparaît plus importante que lors des exercices précédents, il convient de préciser qu’elle est accentuée en 2023 par une moindre dépense non reconductible de 45,5 millions d’euros, générée par la remise en conformité avec la réglementation de la date de paiement des retraites du combattant. Aussi, le paiement à semestre échu, et non plus au cours du sixième mois, va entraîner un décalage d’un mois du versement des retraites, à compter du mois de février 2023 et donc une moindre dépense ponctuelle, par décalage.

 

 

 

 

Évolution des crÉdits du programme 169 (hors Fdc et AdP)

Mission « Anciens combattants »
Actions / sousactions

LFI 2022

PLF 2023

AE

CP

AE

CP

P169

Action 1

Administration de la dette viagère

1 412 644 589

1 412 644 589

 1 264 263 313

1 264 263 313

Sous‑action

10

PMI‑VG et allocations

808 549 719

808 549 719

754 845 956

754 845 956

Sous‑action

11

Retraite du combattant

604 094 870

604 094 870

509 417 357

509 417 357

 

Action 2

Gestion des droits PMI

116 334 489

116 334 489

109 525 570

109 525 570

Sous‑action

21

SMG et appareillage

38 441 496

38 441 496

36 994 116

36 994 116

Sous‑action

22

Rembt transport SNCF

1 386 641

1 386 641

701 444

701 444

Sous‑action

23

Rembt prestations SECU

76 506 352

76 506 352

71 830 010

71 830 010

 

Action 3

Solidarité

326 750 853

326 410 853

312 427 717

319 167 717

Sous‑action

31

Maj. Rentes mutualistes

222 535 794

222 535 794

211 414 058

211 414 058

Sous‑action

32

Subventions associations

310 000

310 000

310 000

310 000

Sous‑action

33

Indemnités, pécules et voyages

50 000

50 000

50 000

50 000

Sous‑action

34

Action sociale ONAC

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

Sous‑action 35

SCSP ONAC

56 360 059

56 360 059

60 209 293

60 209 293

Sous‑action 36

SCSP INI

20 785 000

20 445 000

13 705 000

20 445 000

Sous-action 37

CNCCL -

Subventions

1 710 000

1 710 000

1 739 366

1 739 366

 

Action 7

Actions en faveur des rapatriés

95 135 064

95 135 064

100 917 866

100 917 866

 

Action 8

Liens armées-jeunesse

23 602 873

23 587 863

24 557 099

24 524 242

 

Action 9

Politique de mémoire

17 850 000

17 850 000

20 921 689

20 921 689

Total P 169

1 992 317 868

1 991 962 858

1 832 613 254

1 839 320 397

Source : PAP 2023 – données intégrant les ressources auparavant couvertes par le programme 167 (actions 8 et 9).

1.   La revalorisation du « point de PMI » dès le 1er janvier 2023 : un engagement bienvenu de la secrétaire d’État, qui concerne l’ensemble du monde combattant

Alors que le Gouvernement avait consenti à la revalorisation de nombreuses prestations pour tenir compte de l’inflation, les pensions conditionnées par la valeur du point de pension militaire d’invalidité – dit « point de PMI » n’avaient pas fait l’objet, jusqu’ici, de revalorisation supplémentaire.

Votre rapporteure avait été alertée de cette situation par les associations qui constituent le « G12 combattant ». Selon les associations auditionnées, la revalorisation du point de PMI intervenue au 1er janvier 2022, portant la valeur du point de PMI à 15,05 euros, était insuffisante car venant seulement compenser la perte de pouvoir d’achat enregistrée entre 2018 et 2022, mais non opérer un rattrapage de la valeur du point depuis 2005. Celles-ci déploraient également le décalage injustifié existant entre, d’une part, la hausse de l’inflation et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue le 1er juillet 2022 et, d’autre part, la revalorisation du point de PMI. Ce décalage d’un an résulte des nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de PMI, établies par le décret n° 2022-128 du 4 février 2022, modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, conformément à ce que prévoyait l’article 42 de la loi de finances initiale pour 2022. Le décret indique, en effet, que « la valeur du point de pension au 1er janvier 2023 est fixée en fonction de l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État des deux premiers trimestres de l'année 2022 ». Compte tenu de ce nouveau mode de calcul, la prise en compte de la hausse de l’indice de la fonction publique, ne devait intervenir qu’au 1er janvier 2024.

Dès lors, l’engagement pris par la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire, Mme Patricia Mirallès, d’une revalorisation par décret, dès le 1er janvier 2023, du point d’indice de PMI à hauteur de 3,5 %, afin de tenir compte de la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022, permet de répondre en partie aux attentes des associations. L’augmentation de la valeur du point de point de PMI constitue, en effet, une revendication de longue date. Cette dernière a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les pensions militaires d’invalidité en elles-mêmes, la retraite du combattant (RC) et la rente mutualiste du combattant (RMC).

Votre rapporteure salue cette décision nécessaire qu’elle appellait de ses vœux, décision entièrement justifiée par la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des anciens combattants, dans un contexte de fortes tensions inflationnistes. Elle sera néanmoins vigilante à ce que le réexamen de l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité par un groupe de travail tripartite, associant le Parlement, intervienne effectivement tous les deux ans et que, le rapport produit, puisse nourrir utilement le travail de contrôle mené par les députés. Enfin, votre rapporteure sera attentive à ce que le Gouvernement s’engage à préserver le pouvoir d’achat des anciens combattants dans la durée.

Focus : Revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) en loi de finances 2022 et nouvelles modalités d’indexation.

Depuis 2005, la revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) est réalisée en fonction de l'indice de traitement brut – grille indiciaire de la fonction publique de l'État (ITB-GI), conformément à l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ce dernier est défini par le ministre chargé de la fonction publique et publié chaque trimestre de l’année (vers les 15 janvier, mars, juin et septembre) par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

La valeur du point de PMI a une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les PMI, la retraite du combattant (RC) et la rente mutualiste du combattant (RMC).

La dernière décennie ayant été marquée par une relative stabilité de la valeur de la grille indiciaire de la fonction publique (ITB-GI ([2])), les principales associations du monde combattant considèrent que ce dispositif n’a pas permis de maintenir le pouvoir d’achat des pensionnés au cours de cette période.

Aussi, un groupe de travail (GT) tripartite a été réuni à l’initiative de la demande de la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Ce GT présidé par un conseiller d’État et composé d’une parlementaire, des représentants des principales associations d’anciens combattants, de la direction du budget et du ministère des armées, a examiné le dispositif des PMI ainsi que l’évolution du mécanisme d’indexation du point de PMI.

Le rapport de ce GT remis à la ministre en mars 2021 a fait le constat d’un décalage entre la valeur de l’indice du point de PMI et l’indice des prix à la consommation hors tabac depuis 2005, en défaveur des bénéficiaires d’une PMI. En conclusion de ces travaux, plusieurs propositions ont été formulées et validées par la ministre, dont celle du GT, de conserver la grille indiciaire de la fonction publique comme valeur de référence ainsi que celle des représentants des associations de l’accompagner d’une mesure correctrice applicable dès le 1er janvier 2022.

L’article 42 rattaché au projet de loi de finances pour 2022 avait donc pour objet de porter la valeur du point de PMI à 15,05 €, valeur qui permettait de couvrir l’écart cumulé entre l’indice de traitement brut de la grille indiciaire de la fonction publique (l’ITB-GI) et l’évolution des prix à la consommation (l’IPC-HT) sur la période 2018-2021. L’article prévoit également qu'un décret en Conseil d'État fixe les nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de pension sur l’évolution de l’ITB-GI.

Le décret, paru le 4 février 2022, définit le principe d’une date annuelle unique pour la prise d’effet de l’actualisation de la valeur du point et détermine les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité. La valeur du point est ainsi fixée annuellement, à compter du 1er janvier 2024, par arrêté interministériel. Elle est indexée sur l'évolution cumulée et constatée de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État du troisième trimestre de la pénultième année au deuxième trimestre de l'année précédente inclus. Ce décret prévoit également les modalités de fixation de la valeur du point au 1er janvier 2023 et les modalités de suivi des effets du mécanisme d'indexation dans la durée. Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre procède au suivi régulier des effets de l'application des modalités de revalorisation du point de pension, en engageant, le cas échéant, des consultations préalables. Avec le ministre chargé du budget, ils établissent tous les deux ans un rapport comparant l'évolution constatée de la valeur du point de pension et l'inflation, qui est adressé au Parlement

B.   L’administration de la dette viagère

Les crédits de l’action 1 financent les dépenses liées aux pensions militaires d’invalidité (PMI) et à la retraite du combattant (RC), les deux dispositifs représentant environ 69 % des dépenses du programme 169. En PLF 2023, le budget proposé s’établit à près d’1,3 milliards d’euros, et s’appuie sur une valeur prévisionnelle du point PMI estimée 15,16 € au 1er janvier 2023. Celle-ci sera donc amenée à évoluer, compte tenu de la décision prise d’une revalorisation supplémentaire. Cette dotation est néanmoins en diminution – à hauteur de 148,3 millions d’euros par rapport à 2022, soit d’environ 10,5 % – reflet de la diminution continue et naturelle du nombre de ces bénéficiaires. En effet, il apparaît que les entrées dans les dispositifs des anciens combattants des opérations extérieures ne compensent pas les sorties résultant de la disparition progressive des générations du feu précédentes, notamment des anciens combattants de la guerre d’Algérie, qui représentent plus de 80 % des bénéficiaires de la retraite du combattant.

 

Évolution des effectifs des pensionnÉs et de la retraite du combattant

 

PMI

Retraite du combattant

2009

336 272

1 393 201

2010

308 940

1 339 730

2011

295 073

1 287 388

2012

280 793

1 237 694

2013

266 914

1 200 185

2014

254 668

1 159 167

2015

241 360

1 108 925

2016

230 285

1 058 921

2017

216 496

1 000 550

2018

206 676

940 071

2019

196 660

913 012

2020

181 089

857 205

2021

171 435

797 887

2022

prévisions

161 078

742 674

2023

prévisions

151 347

691 281

Source : PAP 2023.

1.   Les pensions militaires d’invalidité

Les crédits nécessaires au paiement des pensions militaires d’invalidité sont inscrits à la sous-action 10. Ils sont intégralement reversés au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, dont le programme 743 assure le règlement via les centres régionaux des pensions et le centre de la trésorerie générale pour l’étranger.

Définies au titre II du livre Ier du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), les pensions militaires d’invalidité sont concédées aux ayants droit – à titre militaire ou de victime civile – pour indemniser la gêne fonctionnelle consécutive aux maladies ou aux blessures reconnues imputables au service ou à un fait de guerre. De manière plus précise, ouvrent droit à pension, au titre de l’article L. 121-1 du code :

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;

– les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;

– l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service.

Les pensions d’ayants cause sont concédées, sous certaines conditions, aux conjoints survivants, orphelins et ascendants d’un militaire décédé au combat ou d’un invalide pensionné.

En PLF 2023, la dotation allouée au versement des PMI s’établit à 755 millions d’euros, soit une diminution de 53,7 millions (-6,6 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, traduction d’une baisse attendue de -6 % du nombre de bénéficiaires.

En outre, cette dotation intègre une mesure nouvelle, inscrite à l’article 41 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », venant ouvrir droit à une pension militaire d’invalidité à l’ensemble des victimes d’actes de terrorisme, y compris de ceux perpétrés avant le 1er janvier 1982, corrigeant ainsi les limites du droit actuel qui n’ouvrait ce droit qu’aux victimes des attentats commis après cette date. En effet, si les personnes blessées ou décédées dans une telle attaque avant 1982 avaient effectivement pu être indemnisées, soit par application des dispositions de la loi n° 77-5 du 3 janvier 1977 garantissant l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d’une infraction alors en vigueur, soit par leur propre assureur, elles ne bénéficient pas des avantages octroyés au titre du CPMIVG, contrairement aux victimes d’attentats perpétrés à une date ultérieure.

Votre rapporteure se réjouit du fait que le projet de loi de finances pour 2023 mette ainsi fin à une injustice qui aboutissait à une différence de traitement entre les victimes d’attentats, ne reposant sur aucun critère objectif. Selon les informations contenues dans le projet annuel de performance (PAP), le coût prévisionnel associé s’élève à 1 million d’euros.

2.   La retraite du combattant

Les crédits nécessaires au paiement de la retraite du combattant sont inscrits à la sous-action 11. À l’instar de ceux relatifs au paiement des PMI, ils sont intégralement reversés au CAS Pensions.

En projet de loi de finances pour 2023, la dotation proposée s’élève à 509 millions d’euros, en diminution de 94,7 millions d’euros (-15,67 %) par rapport à la LFI 2022. Cette baisse résulte, d’une part, de l’attrition naturelle des effectifs bénéficiaires et, d’autre part, d’une mesure technique relative aux modalités de versement de la retraite du combattant. Le service des retraites de l’État va en effet procéder à une mise en conformité de son système d’information avec l’article D. 321-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, afin de verser, comme prévu par la réglementation, le second versement semestriel après 6 mois échus et non plus lors du 6ème mois suivant le 1er versement. Ce décalage des versements entraîne une moindre dépense de 45,5 millions d’euros, qui n’interviendra qu’en 2023. Votre rapporteur déplore néanmoins que la baisse des crédits soit deux fois plus élevée que la diminution anticipée du nombre de bénéficiaires (- 7 %), en raison de cette mesure technique et réitère son attachement à la préservation des droits des anciens combattants.

La carte du combattant ouvre droit, à l’âge de 65 ans, voire dès 60 ans sous certaines conditions, à la retraite du combattant. Elle est d’un montant annuel de 782,60  depuis le 1er janvier 2022, et connaîtra, de facto, une augmentation en 2023, à la suite de la revalorisation du point de PMI prévue pour le 1er janvier 2023. La rapporteure pour avis salue encore une fois cette mesure, tant elle était attendue par les associations du monde combattant, qui rappelaient que cette retraite constituait, pour certains pensionnés, la seule source de revenu.

À ce titre, la rapporteure trouve intéressante la réflexion en cours concernant la dénomination de « retraite du combattant, » lancée par la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire, en lien avec les associations du G12. En effet, le terme de « reconnaissance » apparaîtrait plus approprié, reflétant la véritable raison d’être de ce dispositif, qui ne doit en aucun cas être perçu comme une « deuxième retraite », tant son montant demeure en réalité symbolique.

Concernant la prévision pluriannuelle de ce dispositif, il convient de rappeler que l’immense majorité des bénéficiaires de la retraite du combattant le sont au titre de la Guerre d’Algérie. Compte tenu de l’âge médian des bénéficiaires de la retraite du combattant, tous conflits confondus, qui est de 85 ans en 2022, la diminution de l’effectif global va inexorablement se poursuivre et s’accentuer. Si la part relative des bénéficiaires de la retraite du combattant au titre des opérations extérieures va continuer à augmenter, elle ne compensera pas dans l’absolu les décès des anciennes générations du feu, selon les prévisions du Gouvernement. En effet, l’ouverture des droits à la carte du combattant aux personnes présentes en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 a eu un fort impact en 2019, date d’entrée en vigueur de la mesure. Toutefois, celui-ci tend à s’estomper : sur 38 852 cartes du combattant délivrées en titre de cette mesure au 1er juillet 2022, 35 108 l’ont été en 2019 et 3 744 entre le 1er janvier 2020 et le 1er juillet 2022.

 

 

 

 

 

 

 

Nombre de retraites du combattant, par tranche d’Âge, en paiement au 31 dÉcembre 2021

Tranches d’âge

Total

Non renseigné

4

100 ans et plus

1 427

de 95 à 99 ans

9 735

de 90 à 94 ans

28 886

de 85 à 89 ans

281 078

de 80 à 84 ans

406 556

de 75 à 79 ans

54 135

de 70 à 74 ans

6 934

de 65 à 69 ans

8 656

moins de 65 ans

476

TOTAL

797 887

Source : direction générale des finances publiques.

rÉpartition par conflit des retraites du combattant versÉes

Conflits

Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2021

Nombre attendu de bénéficiaires au 31 décembre 2022

Guerre 14-18 (1)

850

750

Guerre 39-45

27 166

20 000

Algérie, Tunisie et Maroc

656 429

606 532

Indochine

5 219

4 100

Opérations extérieures

61 808

63 000

Non déterminé (2)

46 415

48 292

TOTAL

797 887

742 674

(1) Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 14-18 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.

(2) Correspond à des retraites payées dans les États ayant accédé à l’indépendance dont la nature du conflit n’est pas codifiée et des retraites du combattant versées en France pour lesquelles le conflit n’est pas renseigné.

Source : direction générale des finances publiques.

C.   L’action sociale et les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

1.   Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

Les crédits de l’action 2 proposés par le PLF 2023 s’élèvent à 109,53 millions d’euros en AE et en CP, soit une baisse de 5.9 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Ils financent les droits liés aux PMI, c’est-à-dire les soins médicaux gratuits et les appareillages, en application des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, des réductions sur les transports, ainsi que le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus ne détenant pas déjà la qualité d’assuré social.

a.   Les soins médicaux gratuits et appareillages

La sous-action 21 retrace les crédits relatifs aux soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, conformément aux dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :

– l’article L. 212-1 charge en effet l’État de la prise en charge, au profit des pensionnés de guerre, des « prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l’ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée » ;

– l’article L. 213-1 précise, quant à lui, que les invalides « ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension ». Ajoutant que « les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l’État dans les conditions prévues par le présent code, tant que l’infirmité en cause nécessite l’appareillage ».

En outre, la sous-action finance également les frais de gestion de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) ainsi que, depuis dix ans, les expertises médicales prescrites aux demandeurs de PMI.

Dotée de 37 millions d’euros en PLF 2023, soit une baisse de 1,45 million d’euros (-3,8 %) par rapport à 2022, cette sous-action se ventile de la manière suivante :

18,1 millions d’euros s’agissant des soins médicaux gratuits, en diminution de 1,5 % par rapport à 2022 ;

4,8 millions d’euros s’agissant des frais d’appareillage des mutilés, en baisse de 0,4 million d’euros (-7,8 %). Cette dotation permet de maintenir un niveau de financement de qualité dans un contexte d’amélioration des techniques. En ce sens, la sous-action prend en charge une enveloppe budgétaire allouée à la commission des secours et prestations complémentaires (CSPC) pour le financement de prothèses de nouvelle génération. Pour 2023, le budget alloué devrait permettre de financer environ dix prothèses.

1 million d’euros pour les frais d’expertise, montant stable d’une année sur l’autre ;

4,1 millions d’euros pour la dotation annuelle de la CNMSS en 2023, en baisse de 800 000 euros par rapport à la LFI 2022, cette baisse s’expliquant par une diminution des dépenses réelles exécutées et des effectifs consacrés à ces missions. De plus, la hausse de la productivité des effectifs conjuguée à une baisse structurelle du nombre de dossiers enregistrés depuis la pandémie, contribuent à une diminution générale des frais de gestion.

9 millions d’euros au titre des affections présumées imputables au service (APIAS), cette dotation reste stable.

b.   Les réductions sur les transports

La sous-action 22 soutient le financement des réductions de transport ferroviaire de 50 % à 75 % pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 25 % et la gratuité pour l’accompagnateur des plus grands invalides.

La dotation inscrite en PLF s’élève à 701 444 euros, soit une baisse de 685 197 euros, correspondant à près de la moitié du budget alloué lors de la LFI 2022. Cette diminution s’explique notamment par une baisse notable des bénéficiaires actifs, passant de 34 590 en 2022, à environ 31 987 bénéficiaires prévisionnels en 2023. De plus, cette baisse s’explique aussi par la survalorisation du budget de ce dispositif pour l’année 2022, puisque la LFI pour 2022 prévoyait un budget de 1,3 million d’euros, contre une prévision de consommation prévisionnelle s’élevant à seulement 758 520 euros.

c.   Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

La sous-action 23 retrace les financements du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus qui ne détiennent pas déjà la qualité d’assuré social. La dotation 2023 s’élève à près de 72 millions d’euros en PLF, soit une baisse sur une année de 4,7 millions d’euros (-6,1 %). Cette diminution tient compte de la tendance déjà observée en 2022, qui indique un retour à la baisse des dépenses de santé des pensionnés de guerre, en lien avec la baisse naturelle des bénéficiaires. Seule l’année 2021 avait fait apparaître une augmentation de la dépense, due aux répercussions de la crise sanitaire.

2.   La solidarité

Les crédits de l’action 3 proposés pour l’année 2023 s’élèvent à 312,43 M€ en AE et 319,17 M€ en CP, soit une diminution de 14,32 M€ en AE et 7,58 M€ en CP par rapport à la LFI 2022 (-4,4 %). Ils ont vocation à financer une série de mesures en faveur du monde combattant, y compris le montant des subventions pour charge de service public versées à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre et à l’Institution nationale des Invalides. Cette action représente 17 % des ressources du programme 169.

a.   L’action sociale

La mise en œuvre de la politique de solidarité revêt plusieurs modalités.

● Premièrement, il s’agit du financement des majorations légales et spécifiques des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire, dont le financement est assuré par la sous-action 31. La retraite mutualiste du combattant a été créée par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d’une majoration financée par l’État en plus de la rente normalement constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918.

En pratique, les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d’un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d’une rente donnant lieu à majoration de l’État. Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d’une majoration spécifique de l’État selon l’âge et le délai de souscription. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l’État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant est fixé à 125 points d’indice des pensions militaires d’invalidité, soit 1 837,50 euros au 1er janvier 2021 et 1 881,25 euros au 1er janvier 2022 du fait de la revalorisation de la valeur du point de PMI. Ce « surcoût » pour l’État n’aura toutefois d’incidence budgétaire qu’en 2023. En effet, les organismes mutualistes versent les majorations aux souscripteurs et sont remboursés l’année suivante par l’État.

En 2023, la dotation est fixée à 211,40 M€, et est en diminution de 11,10 M€ sur an, la dotation en 2022 s’élevait à 222,50 M€ (-5 %). Elle tient compte de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires.

● Deuxièmement, la sous-action 32 retrace le financement des subventions versées à des associations du monde combattant. Le montant de cette subvention, à hauteur de 310 000 euros, est stable par rapport à 2022. Ce budget regroupe les subventions de fonctionnement versées aux associations d’anciens combattants et victimes de guerre, ainsi qu’à des associations de victimes d’actes de terrorisme. Outre les subventions aux associations, elle couvre la contribution du ministère des Armées au fonctionnement de la fondation pour la mémoire de l’esclavage, de la traite et de ses abolitions (0,04 M€) et du groupement d’intérêt public de préfiguration du musée-mémorial du terrorisme (prévisions de l’ordre de 0,10 M€ en 2023 à ce stade).

● Troisièmement, la sous-action 33 retrace la prise en charge des frais de voyages sur les tombes des « Morts pour la France ». Ces prestations sont financées par l’ONACVG qui reçoit à cet effet une subvention du ministère des Armées. La dotation a été réduite à 50 000 euros en 2018, contre 110 000 euros en 2017 en raison du niveau de dépense effectivement réalisée par l’ONACVG à ce titre en 2016. Depuis lors, elle est maintenue à ce niveau.

● Quatrièmement, la sous-action 34 supporte la subvention d’action sociale versée par le ministère des Armées à l’ONACVG pour remplir sa mission de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre. Sanctuarisée comme l’an dernier à hauteur de 25 millions d’euros, la dotation permet la mise en œuvre de l’action sociale de l’Office dont les priorités, définies par le conseil d’administration, sont :

– d’accorder une attention particulière aux ressortissants les plus isolés et les plus démunis, 40 % de ces crédits étant destinés aux conjoints survivants des anciens combattants – majoritairement des veuves, dont les ressources sont souvent limitées au minimum vieillesse – et 33 % aux plus démunis ;

– d’améliorer l’accompagnement de la quatrième génération du feu – la génération « OPEX » et, notamment, des militaires blessés en opération, 8 % des crédits leur étant consacrés ;

– de renforcer la prise en charge des victimes du terrorisme et, en particulier, des nouveaux pupilles de la Nation, en augmentation sensible depuis 2015 – à titre d’exemples, plus de 130 nouvelles pupilles ont été adoptées par la Nation au titre des attentats de 2015 et 2016 – 20 % des crédits leur étant alloués.

b.   Les subventions pour charges de service public aux opérateurs publics

L’action 3 assure également le financement des subventions pour charges de service public des trois opérateurs rattachés au programme 169. Les subventions destinées aux trois opérateurs sont en augmentation afin d’intégrer certaines mesures nouvelles et la revalorisation de la valeur du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue au 1er juillet 2022.

● La sous-action 35 supporte les crédits de la subvention allouée à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), fixée à 60,20 millions d’euros en PLF 2023, soit une hausse de 3,8 millions d’euros (+6,8 %) par rapport à 2022. La dotation est majorée pour couvrir le coût du soutien apporté par l’ONAC-VG, en particulier à travers le département reconnaissance et réparation de Caen, de la mise en place du droit à la réparation en faveur des Harkis et pour prendre en compte les nouveaux besoins de financement relatifs à la pérennisation des maisons ATHOS (2,90 M€), qui est l’une des mesures nouvelles du PLF 2023. Elle intègre également l’effet de la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique à hauteur de 1,20 M€.

Conforme au nouveau contrat d’objectif et de performance de l’établissement (COP), la subvention pour charge de service public de l’ONAC-VG doit permettre d’améliorer la qualité des services rendus, notamment avec l’achèvement de la dématérialisation de l’ensemble des démarches spécifiques au monde combattant. Votre rapporteure restera vigilante à ce que la dématérialisation des démarches ne conduise pas indirectement à compliquer l’accès de certains bénéficiaires aux prestations.

Enfin, à partir du 1er janvier 2023, l’œuvre nationale du Bleuet de France deviendra un fonds de dotation pour répondre à un impératif de transparence accrue envers les donateurs.

● La sous-action 36 retrace les crédits de la subvention allouée à l’Institution nationale des Invalides (INI). En 2023, celle-ci est fixée à 13,7 millions d’euros en AE et 20,4 millions d’euros en CP. Cette augmentation du budget doit permettre notamment de financer la hausse de 3,5 % de la valeur du point d’indice des fonctionnaires.

En parallèle, la subvention pour charges d’investissement de l’établissement s’établit en 2023 à 6,7 millions d’euros en crédits en paiement au titre de la participation financière de l’État au programme de travaux d’infrastructure :

– la réalisation des opérations prévues au schéma directeur d’infrastructure (SDI), engagées en 2017 (40 M€) et complétés en 2022 pour tenir compte des surcoûts des travaux (5,50 M€) pour 4,90 M€ ;

– la poursuite de la préparation des travaux sur le bâtiment Robert de Cotte engagés en 2022 (2,30 M€) pour 1,84 M€.

● La sous-action 37 soutient la subvention versée à l’Ordre de la Libération – Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », fixé à 1,73 million d’euros, montant en légère augmentation par rapport à l’an dernier afin d’intégrer la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

D.   Les actions en faveur des harkis et des rapatriés

L’effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés se poursuit et s’intensifie, en particulier, à travers le financement du droit à réparation mis en place par la loi du 23 février 2022, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leur famille.

1.   Les crédits inscrits en PLF 2023

Avec près de 101 millions d’euros en PLF 2023, les crédits de l’action 7 sont en augmentation afin de financer les mesures en faveur des harkis et rapatriés (+6,08 % par rapport à la LFI 2022). Cet effort est entièrement justifié tant sont encore vives la souffrance endurée par les harkis et les rapatriés, et lourdes pour leurs descendants les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France. L’année 2023 constituera le deuxième exercice de mise en œuvre du dispositif de droit à réparation portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et leurs familles. 60 millions d’euros y sont consacrés en 2023, contre 45,94 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 14 millions d’euros.

Une partie des crédits de l’action 7 est fléchée vers le financement des deux dispositifs principaux en faveur des rapatriés et des harkis, à savoir :

– l’allocation de reconnaissance, instituée par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution en faveur des Français rapatriés, au financement de laquelle 22,8 millions d’euros sont alloués. Cette allocation est versée aux harkis rapatriés âgés d’au moins 60 ans ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014. Aujourd’hui forclos, le dispositif comptait 3 821 bénéficiaires à la fin juillet 2022.

– l’allocation viagère, créée par l’article 133 de la loi de finances initiale pour 2016, financée à hauteur de 15,5 millions d’euros en projet de loi de finances. Cette allocation est versée au profit des conjoints et ex-conjoints mariés survivants de harkis qui ont fixé leur domicile en France. En juillet 2022, 1 594 veuves d’anciens supplétifs en bénéficiaient.

Ces deux allocations ont été revalorisées de 100 euros par les lois de finances pour 2017 et 2018, et de 400 euros par la loi de finances pour 2019, et leur montant a été doublé à compter du 1er janvier 2022, témoignant de l’attention portée par le Gouvernement à la situation des harkis et des rapatriés. Le montant de l’allocation de reconnaissance (option rente viagère annuelle) et de l’allocation viagère a ainsi été doublé et porté à 8 390 euros par an (et 6 100 euros pour l’AR option rente et capital). En outre, il convient de préciser que ces allocations sont mécaniquement revalorisées chaque année en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, ce qui explique en grande partie que les crédits consacrés à ces deux allocations augmentent alors que le nombre total de bénéficiaires décroît légèrement.

L’action 7 soutient par ailleurs divers dispositifs en faveur des rapatriés et harkis, à hauteur de 2,6 millions d’euros.

Le dispositif de solidarité institué par le décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018 (modifié par le décret n° 2020-513 du 4 mai 2020), à destination des enfants de harkis ayant séjourné en camps ou hameaux de forestage, connaît un grand succès depuis 2020. Le dépôt des demandes doit prendre fin le 31 décembre 2022 (Article 1er du décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018). Au 31 décembre 2021 : 1072 dossiers ont été approuvés, pour un montant total d’aides allouées de 7 750 158 €. 108 dossiers (soit 10,02 %) ont fait l’objet d’un rejet. Les autres dossiers ont pour la plupart fait l’objet d’un report pour approfondissement. Les dossiers déposés jusqu’au 31 décembre 2022 seront examinés lors de l’année 2023. Le montant alloué en 2023 s’élève à 1,90 M€ afin de financer les dossiers en instance déposés jusqu’à cette date. Compte tenu du dynamisme de la dépense constatée en 2022, le responsable du programme 169 a donné son accord pour un financement complémentaire de 4,85 millions d’euros d’ici la fin 2022 mais cela pourrait ne pas s’avérer suffisant pour faire face à l’afflux des dossiers anticipé.

Les divers soutiens, tels que des aides à la formation professionnelle, des aides au désendettement, des aides spécifiques aux conjoints survivants, des remboursements de cotisations retraites complémentaires ou encore des mesures de sauvegarde du toit familial font l’objet d’un financement prévu à hauteur de 0,70 M€.

Les dispositifs sont les suivants :

– les compléments de bourses pour les enfants scolarisés et les étudiants éligibles aux bourses de l’Éducation nationale, qui ont bénéficié à 73 enfants de harkis en 2021 ;

– l’aide spécifique aux conjoints survivants, instituée en 1994 au profit des veuves de plus de 60 ans dont le revenu n’excède pas l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS). Cette aide a bénéficié en 2021 à 131 personnes ;

– l’aide au rachat de trimestres de cotisation retraite pour les enfants de harkis, qui n’a à ce jour bénéficié à aucun demandeur, principalement en raison d’une condition d’âge – avoir entre 16 et 21 ans au moment du séjour dans les camps – conduisant au rejet de la plupart des demandes ;

– les secours exceptionnels, la loi du 26 décembre 1961 et les articles 41 et 41-1 du décret n° 62-261 du 10 mars 1962 prévoyant la mise en œuvre de secours exceptionnels, notamment sous forme de subsides.

Certains dispositifs concernent plus spécifiquement les rapatriés, comme :

– la sauvegarde du toit familial, le décret du 23 mars 2007 offrant aux préfets la possibilité d’accorder des secours exceptionnels aux rapatriés qui n’ont pu bénéficier des précédentes mesures de désendettement et dont la propriété de leur toit familial se trouve menacée par les poursuites de créanciers ;

– les cotisations retraites, c’est-à-dire le paiement des retraites complémentaires dues aux anciens salariés du service des eaux d’Oran et des manufactures de tabac en Algérie, ainsi qu’à tout rapatrié pouvant bénéficier de la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés.

Depuis 2015, l’ONACVG prend en charge le versement de l’ensemble des prestations en faveur des harkis et des rapatriés, et est également chargé, depuis le 1er janvier 2019, de la mise en œuvre du dispositif de solidarité envers les enfants de harkis susmentionné.

2.   Le bilan de la première année de mise en œuvre de la loi du 23 février 2022

Dans la continuité des préconisations du rapport Aux harkis, la France reconnaissante rendu par le préfet Dominique Ceaux, en juillet 2018, préconisant de nouvelles mesures visant à parachever le travail de mémoire, à compléter les dispositifs de réparation, et à renforcer la solidarité à l’égard des anciens supplétifs et de leurs enfants, la loi du 23 février 2022 vise à exprimer la reconnaissance de la Nation envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a « abandonnés » lors du processus d’indépendance de l'Algérie. La loi prévoit également la reconnaissance de l’État de sa responsabilité dans les conditions indignes de leur rapatriement et de leur accueil dans des « structures de toute nature » en France, après les accords d’Évian du 19 mars 1962. La loi ouvre un droit à réparation pour les harkis et leurs familles qui ont séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l'une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret.

La réparation prend la forme d'une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans des conditions et selon un barème fixé par décret. Le décret n° 2022-394 du 18 mars 2022 fixe les modalités d’indemnisation et la liste des 89 structures concernées, dont 6 camps de transit, qui donnent droit à indemnisation. Une somme minimale est fixée à 2 000 euros, lorsque le demandeur a séjourné dans les structures éligibles pendant une durée inférieure à trois mois, et à 3 000 euros pour une durée supérieure. Une somme proportionnelle à la durée effective du séjour, correspond à 1 000 euros pour chaque année passée par le demandeur au sein de ces structures, toute année commencée étant intégralement prise en compte.

Dès lors, certaines associations ont fait part de leur déception quant au montant de l’indemnisation, qui ne peut excéder 16 000 euros. Toutefois, la date du 31 décembre 1975 correspond à une réalité historique objective, soit la date officielle de fermeture administrative des camps et des hameaux de forestage.

Des dispositions sur les veuves de harkis complètent le texte. Les conditions de délai pour demander l'allocation viagère sont modifiées et le bénéfice de cette allocation est étendu aux veuves dont le conjoint s'était installé dans un pays de l'Union européenne autre que la France.

Enfin, la loi prévoit qu’une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis et leur famille est instituée auprès du Premier ministre. Cette dernière a pour mission de recueillir la parole des Harkis, leur manifester la reconnaissance de la République et leur accorder les réparations prévues par la loi. Cette commission, dont l’ambition est de contribuer à la constitution d’une mémoire commune et apaisée, peut aussi proposer au gouvernement une évolution des dispositifs de soutien, de reconnaissance et de réparation en vigueur, en vue de les ajuster autant que nécessaire à la singularité de destin des Harkis. Elle a aussi pour objet de contribuer au travail de mémoire, afin de reconnaître à ces combattants et à leurs familles toute la place qu’ils méritent dans notre récit national.

Votre rapporteure salue la rapidité avec laquelle la commission, présidée par Jean-Marie Bockel s’est mise en place. Au total, sur environ 21 000 demandes déposées, 3 041 dossiers ont déjà été traités au 28 septembre 2022. 2 953 ont fait l’objet d’une réponse favorable pour un montant total de 25,653 millions d’euros et une indemnisation moyenne s’élevant à 8 592 euros. Grâce à la célérité des services instructeurs de l’ONACVG installés à Caen, les premières indemnisations ont pu être versées dès le mois de juin 2022. Si consigne est donnée de traiter en priorité les dossiers des harkis appartenant à la première génération, l’ONACVG veille à ce que les dossiers concernant plusieurs membres d’une même famille face l’objet d’un traitement conjoint. Aussi, environ deux tiers des indemnisations concernent la première génération. Au 18 août 2022, l’âge moyen des bénéficiaires de ce dispositif s’élevait à 62,5 ans.

Votre rapporteure reconnaît les avancées importantes permises par la loi, fruit d’un consensus parlementaire. Elle déplore néanmoins que sur les 90 000 harkis et leurs familles qui sont arrivés en France, entre 40 000 et 50 000 ne peuvent prétendre à cette indemnisation car ils ont séjourné en dehors des camps et hameaux de forestage, en milieux ouverts. La rapporteure est favorable à une extension de la liste des structures donnant droit à réparation et demeurera vigilante aux propositions que pourra formuler la commission dite Bockel dans son premier rapport qui devrait paraitre en avril 2023, afin de compléter la loi et notamment faire évoluer la liste des structures considérées. Des historiens mènent actuellement un travail d’expertise en ce sens. Quatre mandats d’expertise ont ainsi été validés : la liste des structures d’hébergement et conditions de vie, le parcours de résilience, les relations avec les chercheurs algériens et la production artistique relative aux harkis. Le rapport sera accompagné d’une brochure qui mettra en valeur les auditions et recueils de témoignages de harkis de la première génération. Par ailleurs, un site internet « harkis.gouv.fr » sera lancé, probablement en mars 2023.

E.   Les liens entre la jeunesse et les armées

Anciennement inscrites au sein du programme 167 aujourd’hui disparu, les ressources allouées à la politique en faveur de la jeunesse sont désormais retracées à l’action 8 du programme 169. Le budget 2023 de la politique en faveur de la jeunesse s’établit à 24,60 M€ en AE et 24,50 M€ en CP. Il marque, par rapport à 2022, une hausse en AE (+0,95 M€) et en CP (+0,94 M€), soit une hausse de 4 %.

Auparavant centrée sur le financement de la Journée de défense et de citoyenneté (JDC), cette action recouvre aujourd’hui l’ensemble des actions assurées par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des Armées. S’y ajoutent donc le service militaire volontaire (SMV) ainsi que des dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan Ambition armées-jeunesse 2022.

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 (PAAJ 2022)

Présenté par la ministre déléguée le 25 mars 2021, le PAAJ 2022 entend moderniser et réorganiser les actions conduites par le ministère des Armées en direction de la jeunesse, essentiellement afin de les intégrer aux grandes phases du service national universel (SNU) et aux étapes obligatoires prévues par le code du service national, au premier rang desquelles la JDC.

En pratique, ce plan consiste en l’élaboration d’un parcours de défense innovant, comprenant plusieurs phases à compter de 13 ans et poursuivant trois grands objectifs : attractivité ; citoyenneté ; insertion socio-professionnelle.

L’infographie ci-dessous en présente les grandes étapes.

Source : dossier de presse du ministère des Armées.

En termes de financement de l’organisation de la JDC, le budget 2023 prévoit une augmentation de 0,83 M€ en CP, afin de porter la dotation à 21,20 M€ en AE et en CP. Cette augmentation s’explique pour l’essentiel par la hausse attendue du nombre de jeunes (+14 000 par rapport à la cohorte retenue en LFI 2022) et de l’intégration de la hausse de l’inflation en ce qui concerne les coûts de transport et d’alimentation pris en charge, qui représentent environ 78 % du budget de l’opération stratégique JDC.

 Concernant le financement du SMV, les crédits sont portés à 3,3 millions d’euros en 2023, afin de couvrir l’ouverture d’une antenne du centre du service militaire volontaire d’Ambérieu en Bugey à Marseille.

La rapporteure pour avis souligne que les ressources inscrites à l’action 8 ne couvrent pas l’intégralité des coûts de ces dispositifs, la mission « Défense » intégrant des crédits de soutien – masse salariale, dépenses d’infrastructures, de santé et de systèmes d’information.

 

 

1.   La journée défense et citoyenneté, où en est-on ?

 

La JDC est un dispositif universel, institué en 1997, poursuivant deux principaux objectifs :

- Contribuer à la mission régalienne de défense à travers l’information sur les enjeux de sécurité nationale ;

- Renforcer la cohésion nationale et l’insertion sociale des jeunes.

Au cours des années 2020, 2021 et 2022, les principales difficultés rencontrées tiennent compte des conséquences de la crise sanitaire sur la mise en œuvre de la JDC (suspension pendant les périodes de confinement, adaptation du format en période de restriction, diminution des dépenses d’alimentation et de transport) qui ont entraîné des variations importantes du coût moyen par participant.

En 2023, avec le retour à un format de JDC classique sur une journée et le rétablissement du repas servi aux jeunes, ce coût moyen est estimé approximativement à 140 € par participant, à raison de d’une prévision de 800 567 jeunes participants en 2023. L’augmentation prévisionnelle du coût moyen, modérée par rapport à l’année 2019 (+ 3,2%), est principalement due à la revalorisation de l’indemnisation de transport attribuée aux jeunes (le nouveau barème sera appliqué pour la première fois en année pleine, en 2023) ainsi qu’à l’inflation estimée, lors des travaux préparatoires du PLF 2023.

Initialement prévue au 1er janvier 2022 et reportée pour des raisons sanitaires, la JDC modernisée est mise en œuvre depuis le 1er septembre 2022, en présentiel, sur une journée complète de 8 heures. La rapporteure salue le travail de modernisation de la JDC, fondé sur la mise en place de nouvelles méthodes pédagogiques, visant à stimuler davantage l’attention du jeune public par des outils innovants et une approche plus interactive, pour créer davantage d’échanges avec les animateurs militaires et renforcer l’impact des messages.

2.   La poursuite du déploiement du service militaire volontaire sur le territoire national

Le projet de budget du SMV s’établit – hors contribution de la mission « Défense » – à 3,33 millions d’euros en PLF 2023. Les crédits contribuent à la fois aux actions de formation et de soutien à la formation (à hauteur de 2 millions d’euros) et au rayonnement et au recrutement (à hauteur d’1,3 millions d’euros).

L’antenne ouverte à Marseille à la suite des annonces du Président de la République a accueilli son centième volontaire en septembre 2022, conformément à l’objectif fixé. Sept centres et antennes du SMV sont ainsi aujourd’hui déployés sur le territoire national et accompagnent plus de 1 200 jeunes vers l’insertion professionnelle.

La rapporteure a choisi de consacrer sa partie thématique à ce dispositif prometteur qui manque encore de visibilité.

F.   La politique de mémoire

Avec 20,92 millions d’euros en AE comme en CP, la politique de mémoire représente 1,1 % des ressources du programme 169. Par rapport à 2022, l’action 9 connaît une hausse conséquente de 3,07 M€ euros, afin notamment de poursuivre le programme de rénovation et de valorisation du patrimoine mémoriel de pierre de l’État et la modernisation logistique de la cérémonie du 14 juillet.

L’élaboration et la mise en œuvre de la politique de mémoire relèvent de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), anciennement direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), et s’appuie notamment sur l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre pour l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

Au sein de l’action 9, 7,3 millions d’euros sont consacrés à la mémoire et 13,62 millions d’euros aux sépultures de guerre et lieux de mémoire.

1.   La nécessité de promouvoir le « travail de mémoire »

a.   Les commémorations

Le budget proposé par le PLF 2023 pour l’organisation des commémorations s’établit à 4,6 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 400 000 euros. Cette dotation permettra le financement de l’organisation logistique du défilé du 14 juillet, à hauteur de 3 millions d’euros, des journées nationales commémoratives fixées par des textes législatifs ou réglementaires (1,00 M€) et des célébrations liées aux thématiques mémorielles prévues en 2023 (0,50 M€). Par ailleurs, 0,10 M€ sont réservés pour des manifestations ponctuelles liées à l’actualité (hommages nationaux par exemple).

Au-delà des onze journées de commémorations nationales, l’année 2022 a été marquée par le cycle mémoriel du 80e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale.

Cet anniversaire a été commémoré sous plusieurs aspects :

- La rafle du Vél d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, ainsi que les rafles menées en zone sud, ont donné lieu à une cérémonie devant le monument commémoratif de la rafle du Vel d’Hiv présidée par la Première ministre.

- L’opération Jubilee, qui s’est déroulée à Dieppe en août 1942, a été commémorée lors d’une cérémonie nationale présidée par la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, en présence d’autorités canadiennes.

- Les combats menés par la France et ses alliés au cours de l’année 1942 : un hommage au maréchal Koenig sera organisé en décembre et permettra de célébrer la bataille de Bir Hakeim.

Par ailleurs :

- Le 55e anniversaire du lancement à la mer du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) « Le Redoutable » a été célébré à Cherbourg lors d’une cérémonie le 29 mars.

- À l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, un événement commémoratif est prévu le 18 octobre en présence du président de la République à l’hôtel national des Invalides.

L’année 2023 sera principalement marquée par la poursuite du cycle mémoriel consacré au 80ème anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, à travers :

- la création du conseil national de la Résistance le 27 mai 1943 ;

- la mort de Jean Moulin sous la torture en juillet 1943 ;

- la libération de la Corse en septembre 1943 ;

- l’action héroïque du général Juin et du corps expéditionnaire français en Italie ;

- la courageuse attitude des dissidents antillais.

L’année 2023 marquera également le 70ème anniversaire de la fin de la guerre de Corée à laquelle a pris part la France sous mandat de l’ONU.

Le dramatique attentat mené contre les troupes françaises au Liban en 1983 sera l’occasion de rendre hommage aux soldats français tombés au cours des OPEX menées par la France depuis 1963.

La rapporteure pour avis salue la volonté affichée par la secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire de poursuivre la valorisation des mémoires de la quatrième génération du feu.

En outre, le Président de la République a fait de la guerre d’Algérie le défi mémoriel de son quinquennat avec la reconnaissance de la torture et des crimes commis par l’armée française. En août 2022, le Président de la République s’est rendu une nouvelle fois en Algérie. Lors de la déclaration d’Alger du 26 août 2022, il a notamment annoncé la création d’une nouvelle commission d’historiens français et algériens sur la colonisation et les mémoires de la guerre en Algérie.

b.   Les actions pédagogiques du ministère des Armées

Les actions pédagogiques du ministère des Armées et les subventions et transferts versés à ses partenaires couvrent :

– pour un montant de 300 000 euros, une dotation visant à financer les publications et les actions pédagogiques du ministère, c’est-à-dire principalement la revue « Les chemins de la mémoire », produite à 23 000 exemplaires papiers et diffusé en version numérique, ainsi que diverses actions pédagogiques ;

– une subvention de 350 000 euros versée à l’ONACVG pour le financement d’actions pédagogiques, qu’il s’agisse de l’organisation du concours national de la Résistance et de la Déportation dans chaque département ou d’actions de mémoire organisées sur les territoires afin de rendre hommage aux combattants et victimes ou de soutenir des projets mémoriels d’intérêt local ;

– une enveloppe de 2,05 millions de subventions au bénéfice d’acteurs publics ou privés (collectivités territoriales, établissements d’enseignement, fondations, associations, etc.) engagés dans des projets mémoriels ou d’enseignement de défense. De manière plus générale, les projets pédagogiques d’établissements scolaires financés par la direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA) doivent s’inscrire dans un cadre précis, imposant le respect des programmes scolaires et la poursuite d’un objectif de meilleures connaissances et compréhension de la mémoire des conflits contemporains.

Au cours des deux dernières années, les établissements scolaires ont également été invités à répondre à des appels à projets pédagogiques portant sur des thématiques liées à l’actualité, comme « La guerre d’Algérie : une histoire militaire, des mémoires combattantes », « Leclerc, itinéraire d’un Français libre » ou encore « Écrivains de guerre ».

Environ 300 projets pédagogiques ont été soutenus en 2022, soit 100 de plus que l’année dernière, pour un coût de 179 000 euros, mobilisant près de 13 000 élèves et enseignants.

En parallèle, la DMCA – en partenariat avec l’Éducation nationale et l’Enseignement agricole – met en œuvre l’action « Héritiers de mémoire », qui vient récompenser six ou sept projets pédagogiques particulièrement remarqués, et soutient l’action des trinômes académiques.

Enfin, le ministère des armées prend toujours plus en compte la nécessité d’adapter son offre aux publics jeunes. Aussi, l’appel à projet lancé par la DMCA nommé « commémorer autrement » a pour but de rendre plus attrayantes les commémorations et de répondre aux attentes d’un public adepte de médias audiovisuels ou numériques. Pour cela, des projets ont été recensés pour moderniser les commémorations en renforçant leur dimension numérique, l’intégration de la jeunesse et l’ouverture au monde culturel, comme celui de la musique notamment. Des acteurs aussi divers que des sociétés de production, artistes, auteurs, influenceurs, établissements publics, associations, etc. pouvaient répondre à l’appel à projet. Cinq lauréats ont finalement été retenus. Compte tenu d’un premier bilan positif, l’appel à projet aura vocation à être reconduit sur un rythme bisannuel, selon un format renouvelé.

2.   L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

Le patrimoine de pierre regroupe à la fois les nécropoles et sépultures de guerre – qui réunit au total près de 100 000 tombes et 66 ossuaires – et les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), dont le nombre a été porté à dix avec l’inauguration en 2019 du Monument aux morts pour la France en opérations extérieures, situé aux abords du Parc André Citroën, dans le XVe arrondissement de Paris.

Le budget 2023 pour l’entretien des sépultures de guerre et les lieux de mémoire s’élève au total à 13,62 millions d’euros, soit une hausse de 2,67 M€, répartis de la manière suivante :

2,15 millions d’euros au titre d’une opération budgétaire dite « opérations Lieux de mémoire de l’État », en hausse de 0,40 M€, qui retrace les crédits alloués aux actions nationales de valorisation des sites mémoriels (à hauteur de 0,25 M€) – ce qui inclut, à titre d’exemple, la participation à des événements tels que le salon mondial du tourisme –, ainsi qu’à l’entretien des sépultures de guerre situées outre-mer et à l’étranger (1,9 million d’euros), au travers des missions de défense de notre réseau diplomatique.

11,5 millions d’euros au titre d’une opération budgétaire de « subventions et transferts », en hausse de 2,27 M€, qui retrace les crédits destinés à l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et HLMN en France métropolitaine, en Algérie et au Maroc, les aides à la rénovation des monuments aux morts communaux et départementaux ainsi que les ressources allouées à l’essor du tourisme de mémoire (amélioration de la signalisation routière des nécropoles, installation de panneaux historiques sur les lieux de mémoire, etc.). L’ONACVG est destinataire de l’essentiel de cette dotation, soit 10,7 millions d’euros, principalement pour le financement des opérations de rénovation du patrimoine de pierre (10,4 millions d’euros). Votre rapporteure considère que cette hausse est nécessaire au regard du contexte inflationniste qui pèse sur le coût des facteurs, et in fine sur le coût des rénovations.

L’enveloppe dédiée au développement des partenariats avec les territoires dans le cadre du tourisme de mémoire est fixée à 0,80 M€, inchangée par rapport à 2022. Les crédits permettront de finaliser les dossiers pour lesquels l’État s’est engagé les années précédentes et de débuter quelques nouveaux partenariats avec les collectivités territoriales pour la création et surtout la rénovation d’équipements mémoriels, en privilégiant les thématiques mémorielles de l’année 2023.

En parallèle, le ministère des Armées a fortement investi dans les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), désormais accessibles gratuitement à tous les publics scolaires.

De manière plus générale, il convient de rappeler que le programme pluriannuel de rénovation du patrimoine mémoriel pour les années 2020 à 2025 concerne tout autant les sépultures de guerre et les HLMN. Il accorde une priorité aux sites les plus dégradés, où les bâtis architecturaux sont en péril, voire où la sécurité des visiteurs est menacée, ainsi qu’à ceux concernés par les cycles mémoriels intervenant sur cette période.

En 2022, les travaux de rénovation ont essentiellement concerné :

– s’agissant des nécropoles et des carrés militaires, la poursuite des travaux dans les nécropoles d’Amblény (Aisne), de la Doua (Rhône), et probablement de mémorial de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente), du monument-ossuaire de Navarin (Marne), de la tour lanterne de la nécropole de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais) ainsi que des chapelles des nécropoles de Vitry-le-François et de Sillery (Marne), de Riche et de Metz-Chambière (Moselle), à l’étranger, les restaurations des cimetières militaires de Saint-Eugène Bologhine (Algérie) et d’Alnif (Maroc) ont également été engagées en 2022 ;

– pour les HLMN, outre la poursuite du chantier de rénovation de la chambre à gaz de l’ancien camp du Struthof (Bas-Rhin), des opérations ont été engagées, notamment la réfection et l’aménagement des ateliers à Montluc (Rhône) ou encore la création d’un local de stockage au Struthof. Par ailleurs, les travaux de sécurisation et de valorisation du mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (Paris) ont été achevés. Le réaménagement du mémorial a été inauguré lors de la Journée nationale du 19 mars, date du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie.

En 2023, ils concerneront :

– pour les nécropoles et carrés militaires, la poursuite des travaux et les restaurations d’envergure commencées en 2022, parmi lesquelles la nécropole de Saint-Mandrier sur Mer (Var), la crypte-ossuaire de Champigny-sur-Marne (Val de Marne), le parking et les sanitaires de la nécropole de Notre-Dame de Lorette ;

– pour les HLMN, la rénovation complète du mémorial des guerres en Indochine à Fréjus (Var) ou encore les travaux de réfection des murs d'enceinte extérieur à Montluc. Enfin, 2023 sera l’année de clôture du chantier du local technique au Struthof, et des ateliers à Montluc.

S’ajoutent à ces opérations pluriannuelles des dépenses d’entretien courant.

G.   L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

À l’effort budgétaire de l’État s’ajoutent nombre de dispositifs fiscaux qui permettent également de témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des anciens combattants et de leurs familles.

Parmi eux, une demande récurrente de la part des associations du monde combattant concerne les veuves de plus de 74 ans dont le mari, titulaire de la carte du combattant, est décédé avant 65 ans - et n’est donc pas encore bénéficiaire de la retraite du combattant. Pour ces veuves, il s’agit d’une véritable « double-peine », puisqu’à la perte anticipée de leur mari s’ajoute, une injustice fiscale. Aujourd’hui, cet avantage fiscal bénéficie chaque année à environ 857 000 foyers pour un coût évalué à 521 millions d’euros, soit un avantage fiscal moyen d’un peu plus de 600 euros. Votre rapporteure serait favorable à ce que ce soit l’attribution de la carte du combattant au conjoint, et non plus le fait d’avoir perçu la retraite du combattant, qui soit pris en compte pour l’attribution de la demi-part fiscale au conjoint survivant, à partir de 74 ans. La rapporteure salue l’attention portée par la secrétaire d’État à la problématique des conjoints survivants, le plus souvent des veuves, puisque lors de son audition, Mme Patricia Mirallès a annoncé avoir commandé une étude visant à évaluer le nombre de personnes potentiellement concernées par cette mesure. Votre rapporteure restera vigilante quant à l’avancée de ces travaux et attentive à la suite donnée à cette question.

Quatre autres dispositifs participent à cet effort fiscal, pour un coût total de 649 millions d’euros. Ces dispositifs ont été créés au profit des anciens combattants au titre du droit à réparation pour services rendus à la Nation. Il serait donc indécent d’y revenir, d’autant plus que les pensions versées par ailleurs ont des niveaux plutôt modestes. À noter que l’exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français, anciennement rattachée au programme 169, est rattachée depuis 2022 au programme 129 de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉpenses fiscales sur impÔts d’État rattachÉes au programme 169

(en millions d’euros)

Libellé

Chiffrage pour 2021

Chiffrage pour 2022

Chiffrage pour 2023

Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant et pour les conjoints survivants de plus de 74 ans des personnes ayant bénéficié de la retraite du combattant

525

521

521

Exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d’invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l’allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l’armée française en Algérie (harkis) et à leurs veuves, ainsi que l’allocation viagère servie aux conjoints et ex-conjoints, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France

112

105

104

Déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant

24

24

24

Réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l’héritier

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme

Non chiffrable

Non chiffrable

Non chiffrable

Coût total des dépenses fiscales

661

650

649

Source : PAP 2023.

II.   Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

Placé sous la responsabilité du Premier ministre, le programme 158 assure le financement de dispositifs d’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale. Trois dispositifs ont été institués en ce sens par le pouvoir réglementaire :

– le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 a créé un dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites. Si l’activité de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) connaît un net ralentissement, de nouvelles demandes continuent néanmoins à être enregistrées et s’ajoutent aux dossiers encore à l’instruction ;

– le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. L’activité demeure stable, et l’on constate un net ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers ;

– le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. L’activité demeure soutenue, et les services enregistrent encore de nouvelles demandes.

L’instruction des dossiers est réalisée par la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) pour les spoliations, et pour l’aide aux orphelins par le département reconnaissance et réparation de l’ONACVG, situé à Caen. Les décisions accordant ou refusant des mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre, tandis que la mise en paiement est confiée à l’ONACVG par les trois décrets.

 

Évolution des crÉdits du programme 158 de 2022 à 2023

(en euros)

Mission
« Anciens combattants »

LFI 2022

PLF 2023

AE=CP

AE=CP

P 158

Action 1

Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

41 803 999

42 659 381

Action 2

Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

50 960 637

48 891 720

Total P158

92 764 636

91 551 101

Source : PAP 2023.

 

 

Le montant des crédits en projet de loi de finances 2023 tient compte de la revalorisation de 2,5% de la rente des deux dispositifs d’indemnisation des orphelins.

A.   L’indemnisation des orphelins de la dÉportation et des victimes de spoliations

1.   L’indemnisation des orphelins

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Ce dispositif s’adresse à toute personne, mineure de moins de 21 ans au moment des faits, dont le père ou la mère, déporté de France en raison des persécutions antisémites, est décédé ou a disparu en déportation.

Pour ces orphelins, cette mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève, en 2022, à 646,22 euros.

D’octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, au 30 juin 2022, le service instructeur a enregistré 17 904 demandes, 14 363 décisions ont été transmises, 13 661 décisions d’indemnisation ont été prises et 703 rejets ont été notifiés. Sur les 13 661 indemnisations accordées, 6 658 l’ont été sous forme de capital (49 %) et 7 003 sous forme de rente viagère (51 %).

 

 

Nombre de
demandes reçues

Nombre de bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

en M€

2000

12 135

4 000

24,9

2001

3 465

7 800

163,4

2002

1 072

845

50,7

2003

278

256

44,8

2004

195

201

39,8

2005

121

125

37,8

2006

112

112

38,4

2007

34

55

36,9

2008

19

18

35,7

2009

40

35

36,1

2010

44

28

36,3

2011

30

49

37,2

2012

31

22

36,5

2013

19

25

36,7

2014

14

10

36,4

2015

8

25

36,6

2016

12

22

36,2

2017

11

8

35,5

2018

11

9

35,02

2019

6

3

34,34

2020

8

6

32,93

2021

7

4

31,42

Du 1er janvier au 30 juin 2022

1

3

15,33

total au 30/06/2022

17 904

13 661

949,08

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes de persécutions antisémites s’élève, au 30 juin 2022, à 949,08 millions d’euros.

À l’heure actuelle, force est de constater que l’essentiel des demandes a été traité, l’ONACVG n’étant plus destinataire que d’un faible nombre de requêtes : 11 en 2018, 6 en 2019, 8 en 2020 et 7 en 2021.

2.   L’indemnisation des victimes de spoliations

Pour rappel, dans la foulée de la remise du rapport Mattéoli au Premier ministre en 1998, le décret du 10 septembre 1999 a institué auprès de ce dernier une commission d’indemnisation des victimes de spoliations, chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation appropriées ». Cette commission propose au Premier ministre les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation pour des préjudices consécutifs aux spoliations de biens.

Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l’État français ou, en application des accords de Washington du 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu’il s’agit d’indemniser des avoirs bancaires.

Entre le mois d’octobre 2000, qui marque le début de la campagne d’indemnisation, et le 30 juin 2022, 24 730 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre, 22 762 dossiers proposent une indemnisation mise à la charge de l’État français et 1 968 dossiers portent rejet ou désistement. Au 30 juin 2022, 22 685 recommandations ont été traitées par le Premier ministre et concernent, compte tenu des partages successoraux, 49 862 bénéficiaires qui perçoivent des indemnités uniquement sous la forme d’un capital.

 

Nombre de recommandations
traitées

Nombre de
bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

(en millions d’euros)

2000/2001

726

1 576

13,655

2002

1 883

4 353

35,729

2003

2 117

4 719

53,378

2004

1 970

4 465

46,208

2005

2 381

5 290

44,039

2006

2 560

5 345

66,232

2007

2 712

5 565

59,337

2008

1 872

4 119

51,257

2009

1 318

3 090

27,590

2010

939

2 104

14,654

2011

927

1 998

17,220

2012

974

2 119

11,697

2013

470

972

7,792

2014

333

728

7,609

2015

352

847

7,553

2016

231

512

4,791

2017

205

417

4,801

2018

184

443

8,2

2019

164

413

17,03

2020

131

309

4,32

2021

135

236

3,29

Du 1er janvier au 30 juin 2022

101

242

1,93

Total au 30/06/2022

22 685

49 862

503,97

Source : services du Premier ministre.

 

 

Le coût total des aides financières accordées aux victimes de spoliations s’élève au 30 juin 2022 à 503,97 millions d’euros.

En moyenne 10 dossiers nouveaux ont été enregistrés chaque mois en 2019, 7 en 2020 et 10 en 2021. La prévision pour 2023 porte sur 10 millions d’euros pour les nouveaux dossiers attendus au coût moyen de 22 000 euros. Ce coût moyen prévisionnel est calculé sur les indemnités précédemment allouées, ainsi que sur les coûts prévisionnels des dossiers à forts enjeux financiers dont l’instruction est susceptible d’arriver à terme en 2023.

Le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret du 10 septembre 1999 a confié à la CIVS le soin de formuler, à l’attention du Premier ministre, des recommandations relatives à la restitution ou à l’indemnisation de biens culturels spoliés du fait du national-socialisme, après instruction des demandes par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, instituée au sein du ministère de la Culture (décret n° 2019-328 et arrêté du 16 avril 2019).

Par décret n° 2019-409 du 3 mai 2019 relatif à certaines commissions administratives à caractère consultatif relevant du Premier ministre, la CIVS a été renouvelée pour une durée de cinq ans.

a.   Le bilan d’activité du dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations matérielles et bancaires depuis le début des travaux de la CIVS

Depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 décembre 2021, la Commission a enregistré 29 914 dossiers : 19 790 concernent des spoliations matérielles, 10 020 des spoliations bancaires, et 104 des spoliations de biens culturels spoliés au sens du décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018.

En 2021, 116 nouveaux dossiers ont été enregistrés : 46 dossiers matériels, 26 dossiers bancaires et 44 dossiers de biens culturels spoliés, ce qui correspond à une moyenne de 10 nouveaux dossiers reçus mensuellement.

Les recommandations sont émises par le collège délibérant, réuni en formation plénière ou restreinte, ou selon la procédure du président statuant seul.

Au 31 décembre 2021, la CIVS a formulé 35 412 recommandations. Durant l’année 2021, la CIVS a organisé 11 séances restreintes au cours desquelles 66 dossiers ont été examinés, et 14 séances en formation plénière (pour les dossiers les plus complexes et à fort enjeu financier et pour les demandes de réexamen) qui ont permis l’examen de 36 dossiers. Enfin, 71 dossiers ont été examinés selon la procédure dite du « président statuant seul ». En tout, 102 recommandations ont été émises en 2021, dont 63 ont concerné des spoliations matérielles, 22 des spoliations bancaires et 17 spécifiquement des spoliations de biens culturels.

Le montant total des indemnisations recommandées par la Commission depuis le début de ses travaux jusqu’au 31 décembre 2021 s’élève à 541,20 M€ mis à la charge de l’État (dont 10,80 M€ au titre des spoliations bancaires).

Le montant des indemnisations allouées au titre des spoliations bancaires s’élève à 56,10 M€, dont 45,40 M€ à la charge des banques.

L’instruction des dossiers révèle régulièrement l’existence d’autres ayants droit qui ne sont pas associés à la requête, soit parce qu’ils n’ont pas souhaité donner pouvoir de représentation aux requérants initiaux soit parce que leurs identités et adresses postales sont inconnues. Le collège délibérant est donc tenu de réserver les parts d’indemnité qui reviennent à ces héritiers, à charge pour les bénéficiaires de se manifester par écrit auprès de la Commission afin de demander la levée de la réserve émise sur leur part indemnitaire en justifiant de leur identité et de leur qualité d’ayants droit.

Les parts réservées dont la levée n’a pas été demandée sont conservées sans limitation de durée et dans l’attente que les ayants droit concernés se manifestent.

Depuis 2016, et dans un souci de bonne gestion publique, et rejoignant en cela les préconisations de la Cour des comptes qui relevait dès 2011 l’enjeu financier constitué par les parts réservées, la CIVS a décidé de développer la recherche des ayants droit afin de rendre effectif le versement des indemnités réservées. Ces mesures poursuivent deux finalités :

– limiter la création de nouvelles parts réservées en recherchant les ayants droit dès l’ouverture du dossier et jusqu’au terme de l’instruction ;

– lever les parts réservées en recherchant les ayants droit des dossiers ayant déjà fait l’objet de recommandations d’indemnisation.

Au 31 décembre 2021, le montant total des parts en attente de versement s’élève à 25,1 millions d’euros.

Sur fonds bancaires, les parts réservées s’élèvent à 1,9 m USD au 31 décembre 2021.

b.   Les biens culturels spoliés

En 2018, la France a décidé de modifier son organisation publique pour renforcer la mission de restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme. Dans cette nouvelle configuration, une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers est mise en place en vue de restituer, ou à défaut d’indemniser les biens culturels ayant été spoliés pendant l’Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques :

– le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret du 10 septembre 1999 confie à la CIVS le soin de formuler des recommandations au Premier ministre après instruction des demandes par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) ;

– l’arrêté du 16 avril 2019 portant création de cette mission au sein du ministère de la Culture lui confie l’instruction des cas de spoliations de biens culturels mentionnés à l’article 1-1 du décret instituant la CIVS, dans les conditions fixées à l’article 1-2 de ce décret.

Le dispositif issu de ces deux textes instaure par principe les étapes suivantes :

– ouverture d’un dossier par la CIVS sur autosaisine, ou sur saisine d’un requérant ou à la demande de toute personne concernée, soit directement auprès de la CIVS, soit indirectement, par l’intermédiaire de la Mission ;

– instruction du cas de spoliation par la Mission ;

– proposition de restitution ou d’indemnisation par les membres du collège délibérant de la CIVS, siégeant en commission élargie à plusieurs personnalités qualifiées, afin de renforcer son expertise en la matière (les personnalités qualifiées ont été nommées par décret du 6 mai 2019, et pour trois ans supplémentaires par décret du 8 avril 2022) ;

– décision de restitution ou d’indemnisation par le Premier ministre.

Lorsque les œuvres d’art ne sont pas localisées, celles-ci sont indemnisées sur la base de la valeur financière estimée, et réactualisée, de l’œuvre au moment de la spoliation. L’étude s’appuie sur des documents et témoignages produits par les demandeurs, des informations retrouvées dans les fonds d’archives et différents ouvrages qui recensent les ventes et fournissent les prix d’adjudication des œuvres d’un artiste sur la période 1935-1955. Cependant, l’évaluation des indemnités concernant les œuvres d’art est délicate et complexe. Si l’œuvre est localisée, des pourparlers sont entamés avec le détenteur actuel afin de tenter d’obtenir sa restitution. La situation la plus favorable se produit lorsque l’œuvre revendiquée est identifiée comme « MNR » (pour « Musées Nationaux Récupération » : œuvres retrouvées sur le territoire du Reich et ramenées en France à la fin de la guerre, confiées depuis lors à la garde des musées nationaux dans l’attente de leur restitution).

Depuis le 16 avril 2019, la Commission s’est réunie à 25 reprises dans la nouvelle formation prévue par le décret du 1er octobre 2018. Ces séances ont permis l’examen de 38 demandes de réparation pour la spoliation de biens culturels mobiliers.

Depuis sa création et jusqu’en 2019, la CIVS avait recommandé 14 restitutions (pour sept dossiers). Le nouveau dispositif, certes freiné par l’installation tardive au sein du ministère de la culture, à l’été 2019, de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et par les effets de la crise sanitaire, porte déjà ses fruits, puisque la restitution de 26 œuvres, dans huit dossiers, a déjà été recommandée :

En outre, faisant suite à une recommandation de la CIVS en date du 12 février 2021, la Bibliothèque d’État de Berlin et la bibliothèque universitaire de Dresde ont restitué aux ayants droit de Georges Mandel cinq ouvrages provenant de sa bibliothèque spoliée.

Quand elles concernent des œuvres d’art appartenant au domaine public, les mesures de restitution que la CIVS recommande au Premier ministre se heurtent à l’état actuel du droit du patrimoine qui ne permet pas de les en faire sortir, même si la spoliation est démontrée, en raison du caractère inaliénable des collections publiques. Constatant qu’il manque dans le code du patrimoine une disposition législative permettant la sortie des œuvres spoliées des collections nationales et territoriales, la CIVS a recommandé au Premier ministre de prendre une initiative législative. La loi n° 2022-218 du 21 février 2022 a dérogé au principe d’inaliénabilité pour une liste nominative de quinze œuvres :

Depuis le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018, la CIVS peut s’autosaisir en matière de biens culturels mobiliers. À cette date, la CIVS a fait usage à quatre reprises de cette faculté : 2 fois en 2020 ; 2 fois en 2021.

B.   L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

L’action 2 du programme 158 couvre les dépenses relatives à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif, institué par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, prend la forme d’une aide financière versée en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de déportés résistants et politiques morts en déportation, les orphelins de personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’aux personnes dont le père ou la mère a été déporté à partir du territoire national, durant l’Occupation et dans des conditions mentionnées aux articles L. 342-1 et L. 343-1 du même code.

Pour ces orphelins, la mesure prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe d’environ 2 800 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 590 euros en 2019.

Entre août 2004, qui marque le début de la campagne d’indemnisation et le 30 juin 2022, 34 773 demandes ont été enregistrées par le service instructeur, 27 163 décisions ont été transmises, 22 791 décisions d’indemnisation ont été prises et 4 372 rejets ont été notifiés. Sur les 22 791 indemnisations accordées, 13 928 l’ont été sous forme de capital (61 %) et 8 863 sous forme de rente viagère (39 %).

 

 

Nombre de
demandes reçues

Nombre de bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

(en millions d’euros)

2004

20 605

1 999

 

2005

4 184

12 000

207,481

2006

2 229

4 736

190,561

2007

2 055

1 231

61,686

2008

1 095

496

56,653

2009

1 226

926

65,168

2010

812

507

55,839

2011

636

277

55,4

2012

462

150

53,734

2013

292

93

50,992

2014

348

54

51,27

2015

192

104

52,131

2016

207

58

51,616

2017

166

52

51,48

2018

139

32

50,862

2019

59

39

51,234

2020

35

24

49,899

2021

22

12

48,468

Du 1er janvier au 30 juin 2022

9

1

24,051

Total au 30/06/22

34 773

22 791

1 228,53

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes d’actes de barbarie s’élève, au 30 juin 2022, à 1 228,53 millions d’euros.

Il convient par ailleurs de noter que l’ONACVG, chargé d’instruire les requêtes en la matière, enregistre toujours un nombre en baisse de nouvelles demandes : 59 en 2019, 35 en 2020, 22 en 2021 et 9 depuis le début de l’année 2022.


—  1  —

   Seconde partie :
le service militaire volontaire et son intégration dans le plan ambition armées-jeunesse

Avant de s’occuper de la jeunesse, il faut la comprendre et l’aimer.

Maréchal de Lattre de Tassigny

Alors que le centième jeune a rejoint en septembre 2022, la dernière antenne créée du Service militaire volontaire à Marseille, votre rapporteure a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire aux dispositifs en faveur de la jeunesse du ministère des Armées concourant au lien Armées-Nation et, plus précisément, à ce symbole de l’investissement des armées au profit de jeunes Français en difficulté qu’est le Service militaire volontaire (SMV).

Encore méconnu, le SMV constitue pourtant une vraie réussite qu’il convient de valoriser davantage. Outil militaire performant d’inclusion sociale et territoriale expérimenté à partir de 2015, puis pérennisé dans la loi de programmation militaire 2019-2025, le SMV s’adresse aux jeunes adultes de la République en situation de rupture mais en quête de structuration personnelle, professionnelle et citoyenne. Depuis sa création, ce sont plus de 7 000 jeunes volontaires qui ont rejoint ses rangs. En 2022, le SMV devrait accueillir et former 1 300 volontaires stagiaires, sous le double statut de militaire et de stagiaire de la formation professionnelle. Outre sa contribution en faveur de l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi, le service militaire volontaire permet de renforcer le lien entre les armées et la jeunesse, y compris dans les territoires où sa présence avait été réduite. En développant le lien Armées-Nation, le dispositif s’inscrit parfaitement dans la fonction stratégique « prévention » des armées et contribue de manière concrète au renforcement de la cohésion et de la résilience nationale.

Toutefois, votre rapporteure s’emploie dans son avis à dresser plusieurs axes d’amélioration, touchant notamment au recrutement des jeunes et à l’harmonisation des contributions régionales complémentaires visant à assurer une solde minimum aux volontaires.

Enfin, votre rapporteure s’est attachée à replacer le SMV dans le paysage très divers des dispositifs du ministère des Armées en faveur de la jeunesse. La recherche de cohérence, voire de rationalisation, entre les différents dispositifs devra être poursuivie.

I.   Le service militaire volontaire, un dispositif militaire d’inclusion sociale et territoriale performant en cours d’extension

A.   Le service militaire volontaire a été créé en 2015 dans le contexte des attentats terroristes afin de renforcer le lien armées-nation

1.   Un dispositif d’abord expérimental, pérennisé dans la loi de programmation militaire 2019-2025, qui réaffirme pleinement le rôle social des armées

Le Service militaire volontaire est un « dispositif militaire et de formation professionnelle destiné aux jeunes les plus en difficulté et éloignés de l’emploi en vue de leur insertion sociale et professionnelle » (décret n° 2018-1207 du 21 décembre 2018).

D’abord créé à titre expérimental en 2015, le SMV s’est ensuite vu pérennisé à compter du 1er janvier 2019 par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Dans le contexte des attentats terroristes qui ont endeuillé le territoire national en 2015, la création du Service militaire volontaire répondait à la volonté de prendre en charge une partie de la jeunesse en situation de rupture avec la République afin de leur offrir un accompagnement personnalisé vers l’emploi, dans un cadre militaire, tout en renforçant la cohésion et la résilience nationale. Porté à ses débuts par l’armée de Terre, le SMV est aujourd’hui un dispositif interarmées. Déclaré service à compétence nationale en 2017 et directement rattaché au directeur du service national et de la jeunesse (DSNJ), il est depuis 2018 subordonné au secrétariat général à l’administration (SGA).

Le SMV forme des jeunes Français âgés de 18 à 25 ans, vivant en métropole ou résidant à l’étranger, en situation précaire et, pour certains, identifiés comme décrocheurs, grâce à une formation comportementale et professionnelle visant à les insérer dans une vie citoyenne et active. Le dispositif repose sur quatre principes essentiels : la militarité du dispositif, le volontariat des jeunes, la prise en charge globale et individualisée et la politique partenariale au cœur des territoires.

Associant des entreprises, acteurs de la formation professionnelle et collectivités locales partenaires, dans le but de favoriser l'accès à l'emploi, le SMV s’articule autour d’un état-major et de cinq régiments et centres répartis en sept emprises, implantés dans six régions, sous la responsabilité des trois armées.

a.   Les conditions d’entrée dans le dispositif sont peu nombreuses et appliquées de manière souple par les cadres chargés de la sélection.

Le SMV est accessible à tous les jeunes exclus du marché de l’emploi faisant acte de volontariat et réunissant les critères suivants :

- être de nationalité française (inhérent au statut militaire des volontaires) ;

- être âgé de 18 ans révolus et de moins de 26 ans à la date de recrutement (signature du contrat d’engagement) ;

- avoir sa résidence habituelle en métropole ou à l’étranger ;

- avoir accompli sa journée défense et citoyenneté ;

- ne pas être privé de ses droits civiques.

Pour autant, un casier judiciaire non vierge n’est pas rédhibitoire et près de 5 % des volontaires sont concernés. Le commandement, après entretien avec l’intéressé, estime les chances de réussite du candidat et sa capacité à s’intégrer. Les dossiers de candidature mentionnant des passifs lourds sont, en revanche, systématiquement écartés par les chefs de régiments et centres du SMV.

La procédure de candidature est dématérialisée et accessible sur le site Internet du SMV. Les jeunes volontaires réunissant les prérequis sont convoqués pour une demi-journée de sélection comprenant une phase administrative, une évaluation du niveau général (test d’illettrisme), un entretien de motivation/orientation et une visite d’aptitude médicale.

b.   Le parcours du jeune volontaire se déroule en trois phases successives qui permettent d’aller progressivement vers l’autonomisation du jeune volontaire

Plaçant les jeunes volontaires sous statut militaire et dans un cadre exigeant, le service militaire volontaire contribue directement au renforcement de la cohésion et de la résilience nationales. En 2021, le SMV a recruté 1 229 volontaires stagiaires dont l’âge moyen est de 20 ans et 4 mois, avec un taux de féminisation de 29 % (26 % pour les seuls volontaires stagiaires).

Le SMV accueille deux catégories de volontaires :

-         les volontaires stagiaires : (88 % des recrues en 2021), qui signent un contrat de 8 à 12 mois, renouvelable dans la limite de 12 mois, selon la filière de formation choisie, et perçoivent une solde spéciale. Ils sont soumis d’une part, aux dispositions du code de la défense pendant
toute la durée de leur parcours au sein des centres et d’autre part, à la législation du travail à l'occasion des stages qu'ils réalisent pour des employeurs de droit privé dans le cadre de leur formation professionnelle ;

-         les volontaires experts – (12 % des recrues en 2021), qui bénéficient d’un contrat d’un an renouvelable et perçoivent la solde des volontaires des armées. Ils participent à l’encadrement des volontaires stagiaires, contribuent à leur instruction à la conduite ou exercent des fonctions de soutien (comptabilité, ressources humaines, secrétariat). Ils
bénéficient d’une première expérience professionnelle leur permettant de valoriser leurs compétences.

Le parcours de formation des volontaires stagiaires dure entre huit à douze mois. Il est défini par l’état-major du SMV, dans ses trois phases structurantes :

- la formation militaire initiale – (5 semaines, une semaine d’intégration à la vie militaire suivie de quatre semaines de formation militaire) ;

- la formation complémentaire – (poursuite de l’apprentissage du savoir être et de la citoyenneté et apprentissage de compétences de base avec une remise à niveau scolaire et la présentation au certificat de formation générale – CFG, la formation et la présentation au permis de conduire, le certificat de sauveteur secouriste du travail – SST, la participation à des missions citoyennes, une initiation aux techniques de recherche d’emploi) ;

- la formation professionnelle – (400 heures maximum, réalisée avec des organismes extérieurs de formation professionnelle partenaires du SMV).

Si le contenu des deux premières phases de formation repose sur un socle commun, les régiments et centres du SMV sont autonomes dans leur mise en œuvre, ainsi que pour adapter aux réalités de leur bassin d’insertion les filières de formation professionnelle les plus indiquées. Chaque centre offre plusieurs filières, soit à vocation nationale (agent d’entretien du bâtiment) ou régionale, soit créées en coopération avec une entreprise partenaire (par exemple, l’entreprise Disney). Lors de son déplacement au 2ème Régiment du SMV à Brétigny-sur-Orge, votre rapporteure a constaté la qualité de la coordination entre cadres militaires et partenaires privés.

2.   Un dispositif directement inspiré du Service militaire adapté en Outre-mer

Le Service militaire volontaire s’inscrit dans la filiation du Service militaire adapté (SMA), tel que développé depuis plus de cinquante ans en Outre-mer, tout en présentant certaines différences.

Le Service militaire adapté a été créé, à l'initiative de Michel Debré, alors Premier ministre, sur proposition du général Jean Némo, aux Antilles en 1961, à titre expérimental. Le général Nemo disait du service militaire adapté : « Sous son drapeau, il ne s’inscrira jamais de noms de victoires militaires, mais il est d’autres victoires, celles que l’on gagne contre la misère et le sous-développement ». Le SMA s’est ensuite progressivement étendu à davantage de départements et de collectivités d’Outre-mer.

Alors que le Président Jacques Chirac prend la décision en 1996 de suspendre le service militaire à travers la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997, le SMA est maintenu en raison de sa capacité prouvée à prendre en charge les jeunes en difficulté. Le dispositif se recentre alors sur l’objectif d’insertion professionnelle des jeunes ultra-marins. Il est décidé en 2009 de doubler le nombre de jeunes bénéficiaires, accueillis chaque année dans les territoires suivants : Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française.

Les missions du SMA sont retracées à l’article D3241-33 du Code de la Défense :

« Il a pour but :

1° D'accompagner les volontaires vers une insertion sociale et professionnelle ;

2° De contribuer, le cas échéant, aux plans de défense et aux plans de protection et de secours aux populations ;

3° De contribuer à la mise en valeur des territoires situés outre-mer. »

Si le Service militaire volontaire présente de nombreuses similitudes avec le SMA, il s’en distingue néanmoins sur trois points : leur rattachement administratif, le mode de fonctionnement et l’implantation territoriale.

D’une part, le SMA est placé sous la tutelle du ministère des Outre-mer, quand le SMV a pour tutelle le ministère des armées. Son budget, y compris la masse salariale, est financée par le programme 138. Le ministre des Armées met à disposition du ministère de l'outre-mer les personnels nécessaires au fonctionnement du SMA, cependant, ces derniers ne sont pas pris en charge par les crédits de la mission Défense. Le SMA est autonome dans le domaine du soutien, quand celui du SMV est assuré par les organismes dédiés du ministère des armées, à l’instar de l’ensemble des unités militaires. Au plan juridique, le SMA est inscrit dans le code de la Défense, quand le Service militaire volontaire est dépendant de sa reconduction dans la loi de programmation militaire

D’autre part, à l’inverse du SMA qui réalise l’ensemble de la formation professionnelle des jeunes en régie, les plateaux pédagogiques du SMV ne sont pas internalisés. La formation professionnelle est réalisée par des organismes extérieurs, partenaires du SMV, avec des financements souvent issus des conseils régionaux. Cette particularité procure une très forte souplesse au SMV qui, sur court préavis, peut ouvrir et fermer des filières de formation afin de les adapter au bassin d’emploi ou à l’intérêt des volontaires. Aujourd’hui, les régions financent la quasi-totalité des formations professionnelles.

Enfin, le SMV ayant une implantation territoriale limitée, il doit disposer d’une grande souplesse de couverture du territoire national pour tenter de dépasser les difficultés géographiques liées au recrutement. Même si l’implantation des régiments et centres est marquée territorialement, chaque unité du SMV a la possibilité de recruter des volontaires issus d’autres régions ou bassins que le sien. L’insertion socio-professionnelle est à privilégier dans le bassin d’emploi et donc dans la région qui finance la formation professionnelle. Si cette approche est priorisée, une insertion peut néanmoins avoir lieu dans une autre zone. Le SMA dispose pour sa part d’une cohérence géographique plus établie dans chacun des DOM/COM. Au cours de ses auditions et déplacements, la rapporteure a pu par ailleurs constater que le SMA, de par sa création plus ancienne et de sa formidable implantions dans les territoires d’Outre-mer bénéficie d’une importante renommée, alors que le SMV demeure souvent méconnu.

Toutefois, sous réserve de ces différences, l’esprit dans lequel les deux dispositifs sont menés demeure proche. Bon nombre de cadres affectés au SMV sont issus du SMA. Le travail entre les états-majors est fréquent et permet aux deux structures de s’enrichir des acquis de l’autre.

B.   Le bilan très positif de la mise en place du service militaire volontaire a conduit à une extension du dispositif

1.   Offrir une seconde chance et redonner un cadre, tout en renforçant le lien Armées-Nation

a.   Le SMV permet de prendre en charge des publics, parfois en situation de grande difficulté sociale et de les conduire vers l’emploi.

Parmi les volontaires recrutés en 2021, 56 % étaient non diplômés, 23 % étaient illettrés, dont 4 % considérés comme « illettré lourd » et 16 % sont issus d’une zone géographique prioritaire (Quartier prioritaire de la politique de la ville ou zone de revitalisation rurale). Une enquête réalisée par le Groupe SOS Consulting a permis de dégager des données sur les caractéristiques socio-professionnelles des parents. Cette étude a démontré que 28 % des parents étaient au moment de l’enquête sans emploi et que la plus grande partie des parents (46 %) étaient des employés. On retrouve ensuite 7 % d’ouvriers, 5 % de retraités, 5 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, 4 % d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprise, 4 % de professions intermédiaires et 1 % d’agriculteurs.

Le bilan de la mise en œuvre du SMV est aujourd’hui très positif. Le SMV enregistre en moyenne un taux de 82 % d’insertion professionnelle des volontaires stagiaires en 2021, dont 55 % dans l’emploi durable ([4]) , à la faveur du rebond de l’activité économique, et 70 % de taux de réussite au brevet militaire de conduite. Le chef de corps du 2ème RSMV a souligné à quel point l’obtention du permis de conduire constituait une étape importante pour les volontaires, qui permettait de briser la « culture de l’échec » et de redonner confiance aux jeunes. Plus de cinquante filières de formation professionnelles étaient proposées en 2021.

Le taux d’attrition, soit la sortie prématurée du dispositif sans insertion professionnelle, s’élève à 20 %. Interrogé par la rapporteure sur les raisons de ces départs, le général commandat du SMV, a considéré qu’ils intervenaient, pour environ les deux tiers au cours du premier mois de formation initiale, souvent dans les premiers jours, alors que la dynamique de groupe n’a pas encore pu produire ses effets. Plus de la moitié des jeunes qui quittent le dispositif de manière prématurée le faisaient pour des motifs de convenance personnelle, environ 20 % pour raison médicale (inaptitude médicale définitive) et une petite minorité pour motif disciplinaire, à la demande de l’autorité militaire. Les motifs de départs sont variés et peuvent s’expliquer par un volontariat parfois tronqué (pressions de l’entourage), des difficultés d’adaptation à la vie en collectivité, en raison de difficultés familiales, sociales (influence négative des proches et des relations sociales, violences intrafamiliales) ou personnelles (santé, fragilités psychologiques, addictions, refus de mobilité). Enfin, les motifs de non-insertion des jeunes résident le plus souvent dans « des freins périphériques à l’emploi », tels que la mobilité et le logement, sur lesquels le SMV ne peut avoir qu’une action limitée. L’éligibilité au fonds social européen, ouvre néanmoins de nouvelles perspectives, comme l’étude de dispositifs destinés à accompagner financièrement l’installation des jeunes volontaires en fin de formation à travers la prise en charge de la caution d’un premier logement ou encore un loyer d’avance, et faciliter leur mobilité.

b.   Un bilan très positif du point de vue de l’insertion professionnelle qui s’explique d’une part par le cadre militaire, mais également par un système de formation varié, associant de nombreux partenaires.

Auditionné par la rapporteure, le général Brûlon, commandant du SMV, insiste sur la militarité du SMV qui constitue sa véritable spécificité, « son ADN », aux côtés du caractère volontaire de l’engagement des jeunes, et de la logique partenariale avec les acteurs de l’emploi. La spécificité militaire du SMV est structurante. Elle permet de donner aux jeunes à la fois les valeurs et les codes nécessaires à leur future insertion professionnelle, mais également à renforcer leur résilience individuelle et collective. Lors de sa visite au sein du 2ème régiment de Service militaire volontaire de Brétigny-sur-Orge, la rapporteure a pu constater que les entreprises valorisaient particulièrement la discipline et les savoir-être acquis par les jeunes volontaires lors de leur formation militaire initiale (rigueur, discipline, attitude), très appréciée également par les jeunes volontaires rencontrées.

Le fort taux d’insertion s’explique également par le suivi personnalisé offert à chaque jeune volontaire, y compris après la sortie du dispositif. Les volontaires font ainsi l’objet d’un accompagnement systématique et individualisé pendant une période pouvant aller jusqu’à 180 jours après leur sortie du dispositif. Déployée au sein de chaque régiment et centre, une commission d’insertion professionnelle détecte et traité les difficultés d’insertion. L’externalisation de l’offre de formation contribue en outre à la grande réactivité des centres leur permettant de s’adapter rapidement aux aspirations des volontaires et aux évolutions du contexte économique.

Les formations professionnelles, d’une durée de 400 heures maximum, ont pour objectif de donner un premier niveau d’employabilité aux volontaires en vue de leur insertion directe dans l’emploi. Selon les exigences des branches professionnelles, elles sont soit qualifiantes (certificat d’aptitude ou une attestation de stage), soit certifiantes (il peut s’agir d’un diplôme, d’un titre professionnel, ou encore d’un Certificat de qualification professionnelle - CQP).

Cet accompagnement des jeunes volontaires ne s’est pas interrompu pendant la crise sanitaire, grâce à l’implication personnelle de l’encadrement militaire et des partenaires privés. En dépit d’une érosion des effectifs liée à la crise sanitaire, le taux d’insertion du SMV en 2020 restait légèrement supérieur à 70 %. Lors de son déplacement au 2ème régiment du Service militaire volontaire de Brétigny-sur-Orge, la rapporteure a pu rencontrer les partenaires. Si les formations ont été interrompues pendant le premier confinement de mars 2020, le centre est resté ouvert et a continué d’héberger des jeunes volontaires parfois sans autre solution de logement. La filière « Disneyland », qui propose une grande diversité de métiers a continué d’insérer un nombre important de jeunes. Malgré la fermeture du parc pendant la période du Covid, les volontaires de la filière ont pu être accompagnés vers d’autres emplois grâce à la mobilisation des contacts personnels des formateurs.

c.   L’apprentissage d’un engagement citoyen contribue au renforcement du lien Armées-Nation

Si l’insertion est bien l’objectif prioritaire, la loi prévoit des possibilités d’emploi des unités du SMV à titre collectif. Le statut militaire et la formation comportementale des volontaires du SMV permettent d’envisager des actions d’utilité publique en vue de développer le sentiment d’appartenance des volontaires à la Nation, sous l’appellation de missions citoyennes d’urgence ou missions citoyennes planifiées. Elles peuvent avoir plusieurs objets et sont soit mémorielles (entretien de lieux de mémoire en lien avec l’office national des anciens combattants et des victimes de guerre, le Souvenir français, ou d’autres associations dédiées de manière locale), soit d’aide à la population au profit d’associations déclarées d’utilité publique ou reconnues localement (Secours populaire, Restos du cœur…) pour les missions citoyennes planifiées, soit liées à une mission d’intérêt public sur réquisition des autorités locales (opération Résilience, soutien aux élections, interventions dans le cadre de missions d’urgence) pour les missions citoyennes d’urgence.

Ces missions citoyennes, qui interviennent dans la phase de formation complémentaire, sont partie intégrante de la globalité du cursus SMV en ce qu’elles permettent de renforcer les capacités de résilience individuelle et de participation à la vie en collectivité des volontaires. Le chef de corps du 2ème RSMV a souligné l’importance des missions citoyennes pour l’ouverture des jeunes vers la société. Il s’agit également d’une manière de prendre confiance en eux en prenant conscience qu’ils peuvent être utiles à la société.

À titre d’exemple, le SMV a contribué activement pendant la crise sanitaire à des missions d’intérêt général (confection de colis à Rungis, participation à la mission Résilience avec un engagement dans les centres de vaccination). Les missions citoyennes peuvent également être mises en œuvre dans un cadre européen. Le 1er régiment du SMV a ainsi participé en juin 2022 à la réfection d’un cimetière militaire à Coblence, en Allemagne, à la demande de la mission militaire française auprès de l’ambassade de France à Berlin et de l’association, le Souvenir Français.

Les enseignants s’appuient sur ces missions en vue de renforcer les connaissances civiques des volontaires. Des sorties culturelles et mémorielles sont également proposées aux jeunes volontaires afin de leur donner un accès à la culture. Au sein du 2ème RSMV, les volontaires rencontrés avaient participé à une visite du musée du Louvre et ont fait part à la rapporteure de leur enthousiasme pour cette visite.

2.   Un système de financement innovant fondé sur le partenariat entre acteurs locaux, nationaux et européens

Le service militaire volontaire bénéficie de ressources budgétaires et extrabudgétaires pour un total de 45 millions d’euros de besoin de financement.

Différents programmes concourent au financement du SMV, répartis entre deux missions, ce qui participe à une forme de complexité budgétaire.

Les dépenses hors masse salariale (dites hors titre 2) représentent environ 10 millions, dont 3,2 millions d’euros en 2022 pour les dépenses liées à son cœur de métier qui soutiennent l’intégralité des charges de formation interne, les accessoires de formation professionnelle (alimentation, transport hébergement), les actions de communication et de rayonnement, principalement orientées vers le recrutement et la conclusion de nouveaux partenariats. Ces crédits sont inscrits sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. » Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit de porter les crédits à 3,3 millions d’euros, soit une hausse de 0,1 million d’euros afin de prendre en compte les charges liées à l’ouverture de l’antenne du SMV à Marseille, hausse que salue la rapporteure. 7 millions d’euros sont consacrés au soutien des unités et financés par le programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission Défense. La masse salariale qui représente environ 36 millions d’euros par an est financée par les crédits inscrits sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission Défense. Toutefois, le coût moyen par volontaire demeure très élevé : il a été évalué à 42 000 euros en 2021, en prenant en compte des charges indirectes de soutien courant estimées à 7 M€.

Une part conséquente des ressources allouées au SMV proviennent également de financements européens (Fonds social européen) et régionaux au titre de la contribution à la formation professionnelle.

La reconnaissance aux volontaires stagiaires du double statut de militaire et de stagiaire de la formation professionnelle permet au SMV de bénéficier des financements de France compétences, de l’offre de formation des opérateurs de compétence (OPCO) et de nouer des conventions avec des régions. En 2021, 95 % du coût de la formation professionnelle des 945 volontaires formés a été financé par des ressources extrabudgétaires.

Bien que les modalités de prise en charge de la formation professionnelle diffèrent, la participation annuelle des régions au financement de la formation professionnelle des volontaires stagiaires est retracée dans le tableau ci-dessous :

 

Contributions régionales au titre de la formation professionnelle

 

(chiffres 2021)

 

Fonds de concours

(GE/NA) en AE

Financement direct des régions (estimations)

Grand Est

1,6 M

Nouvelle Aquitaine

0,8 M

Auvergne

Rhône

Alpes

0,54 M

Nouvelle

Aquitaine

0,45 M

Bretagne

0,42 M

Ile-de-France

0,98 M

1er RSMV

Montigny les Metz

3ème RSMV La Rochelle

CSMV

Ambérieu en Bugey

3ème RSMV
La Rochelle

CSMV Brest

2ème RSMV

Brétigny sur Orge

Source : réponse au questionnaire budgétaire, ministère des armées, 10 octobre 2022.

L’attribution de subventions à partir du fonds social européen (FSE) s’inscrit pleinement dans l’autonomie budgétaire du SMV, ainsi que dans la démultiplication de sa performance. Le montant théorique de la première convention (2019-2021) est évalué par le ministère des Armées à 34 millions d’euros. Le financement offert par le FSE a été salué par les cadres rencontrés par la rapporteure, même si le processus de candidature et les exigences strictes de reporting financier induites, résultent en un surcroît de charge administrative pour les personnels des centres. A titre d’exemple, au sein du 2ème RSMV, le FSE va permettre de financer prochainement l’achat de tablettes connectées et de simulateurs de conduite. Les fonds obtenus grâce au FSE permettent également de rembourser le fonctionnement courant auprès du ministère des Armées, en déterminant des normes de soutien de meilleure qualité. La formation professionnelle, la masse salariale et les investissements ne peuvent pas en revanche faire l’objet d’un financement. Le SMV espère s’inscrire dans une nouvelle convention FSE+ pour la période 2022-2024.

Les effectifs mobilisés pour le SMV sont en hausse de 10 équivalents temps plein (ETP) en 2023, afin de prendre en compte l’ouverture d’une antenne du SMV à Marseille. Ils s’élèvent à 367 personnes dont 360 militaires, issus des trois armées et du service du commissariat des armées, ainsi que 7 civils du ministère des armées. Ils sont appuyés par du personnel extérieur : 14 enseignants sont mis à disposition par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Des volontaires du service civique, des membres d’associations et experts engagés dans la réserve opérationnelle ou citoyenne du SMV. Enfin, les unités du SMV bénéficient du soutien de proximité des médecins et psychologues du Service de Santé des armées ainsi que d’assistantes sociales des armées. Cette hausse des effectifs permet d’assurer un taux d’encadrement compris entre 20 et 30 % selon les centres.

3.   Un dispositif ayant vocation à monter en puissance sur l’ensemble du territoire

Dès la pérennisation du dispositif, la loi de programmation militaire 2019-2015 énonçait que « Le SMV est un succès salué par l'ensemble des acteurs impliqués. L'opportunité d'une augmentation du nombre de places, hors périmètre de la LPM et en partenariat avec tous les acteurs concernés, sera examinée. »

Les très bons résultats enregistrés par le SMV ont conduit la ministre des Armées, Mme Florence Parly, à augmenter de 25 % la cible des effectifs recrutés au sein du SMV le 9 octobre 2020, portant ainsi la cible de recrutement à 1 500 jeunes volontaires d’ici 2022, contre 1 200 précédemment.

Dans la perspective de l’extension du dispositif, le Service militaire volontaire a récemment ouvert une antenne à Marseille, à la suite du discours du Président de la République le 2 septembre 2021. Composée d’une dizaine de cadres militaires, recrutés sur volontariat au sein de l’Armée de l’Air et de l’espace, l’antenne a accueilli son centième volontaire en septembre 2022, conformément à l’objectif fixé. Néanmoins seule une partie du parcours des volontaires s’effectue actuellement à Marseille. Plusieurs filières sont proposées : préparateur de commandes, agent de prévention et de sécurité, agent polyvalent restauration, employé libre-service ou encore monteur câbleur fibre optique.

 

II.   Confronté à des difficultés de recrutement, le développement du service militaire volontaire se heurte pour l’instant à un manque de volonté politique

Malgré ses très bons résultats, le Service militaire volontaire demeure encore méconnu, au niveau national comme au niveau local, ce qui freine sa capacité à recruter davantage de jeunes et à toucher de nouveaux publics. La concurrence entre dispositifs d’insertion et l’absence d’harmonisation des contributions régionales au titre de la formation professionnelle et des compléments de rémunération versés aux jeunes, sont de nature à compromettre son attractivité.

La rapporteure estime que ces problématiques pourraient être résolues mais nécessitent une clarification concernant l’ambition que le pouvoir politique souhaite donner au SMV. À moyens constants, il n’apparaît pas possible d’étendre le nombre de centres. Votre rapporteure estime que, dans son format actuel, le SMV a atteint ses limites de soutenabilité et il ne peut plus absorber d’autres augmentations de recrutement de volontaire sans adaptations. Une réflexion doit être menée sur l’ambition initiale d’extension territoriale du dispositif, au regard des autres dispositifs préexistants (comme les EPIDE) et, surtout, en considérant le fait que les militaires n’ont pas à l’origine vocation à régler le problème de l’insertion professionnelle des jeunes défavorisés, et ce, d’autant plus dans un contexte budgétaire contraint, marqué par le retour de la guerre de haute intensité aux portes de l’Europe. D’autres acteurs, spécialisés dans l’insertion professionnelle, pourraient être mis à contribution avantageusement.

A.   Le service militaire volontaire peine actuellement à se faire connaître et à tenir les objectifs ambitieux qui lui ont été fixés en termes de recrutements

Dans un contexte économique aujourd’hui très favorable pour les emplois peu qualifiés et face à un environnement concurrentiel des divers dispositifs de formation et d’insertion, le SMV rencontre des difficultés accrues pour tenir les objectifs ambitieux qui lui ont été fixés. La cible de recrutement initialement fixée à 1 500 volontaires stagiaires d’ici 2022 a été réduite à 1 300 volontaires stagiaires, cible que le SMV peine pour l’instant à atteindre.

1.   Encore méconnu du grand public, le Service militaire volontaire peine à se faire connaître auprès des publics cibles, malgré la mise en place d’actions de communication

Les jeunes ont connaissance du dispositif par différents moyens mais ceux-ci ne s’avèrent pas aujourd’hui suffisants.

 Parmi les prescripteurs du SMV figurent traditionnellement les organismes spécialisés dans l’orientation de la jeunesse, plus particulièrement les Missions locales et, dans une moindre mesure, Pôle emploi. Les candidats potentiels peuvent également avoir connaissance du dispositif au cours de la journée défense-citoyenneté (JDC), ou être orientés à la suite d’un premier contact avec un centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA). La JDC permet notamment d’identifier les jeunes en difficulté, proches de la tranche d’âge cible, et de leur proposer le dispositif SMV. Un fichier partagé permet au SMV de recontacter le moment venu les jeunes qui se sont déclarés intéressés lors de la JDC.

De surcroît, les cadres du SMV assurent une présence lors de différents forums de métiers, ainsi que des actions plus ciblées vers les jeunes des Missions locales (présentation du dispositif aux conseillers, informations collectives aux bénéficiaires).

Bien que les facteurs puissent être multiples, les volontaires ont déclaré en 2021 avoir connu le SMV grâce :

- à une action de communication (Internet, salons, campagnes de communication – 33 %) ;

- aux missions locales (30 %) ;

- à leur entourage (famille, anciens du SMV – 20 %) ;

- à la JDC (7 %) ;

- aux CIRFA (6 %) ;

- à Pôle emploi (3 %) ;

-  aux associations, collectivités (1 %).

Aussi, un effort particulier a été consenti pour développer une communication régionale et nationale ciblée et innovante pour soutenir l’effort de recrutement. Elle repose sur de nombreux supports physiques mais surtout numériques : site internet, réseaux sociaux, stands, flyers, affiches, plaquettes, etc. visant à promouvoir une seule et même image visuelle du SMV dans le respect des particularités territoriales et des identités des régiments et centres. Elle est programmée sur l’année et réalisée sur devis et marché public, en lien avec la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD) et le Service d’information du gouvernement (SIG).

La présence sur les réseaux sociaux est indispensable à la stratégie de communication destinée à la jeunesse. Le SMV mène actuellement des actions de communication sur quatre réseaux sociaux : Facebook, Instagram, YouTube et LinkedIn. TikTok et Twitter seront à leur tour investis à partir de janvier 2023.

D’autre part, le SMV s’attache à remobiliser les différents prescripteurs (Missions locales et Pôle emploi). Au-delà des conventions existantes, il mène régulièrement des séances d’information auprès des conseillers en orientation de ces organismes au prix d’une mobilisation importante de ces cadres sur ces actions de démarchage. Le contrat engagement jeune (CEJ ([5])  – lancé en mars 2022), dont le SMV est acteur, devrait offrir de nouvelles opportunités au second semestre 2022. Les cadres du SMV rencontrés par la rapporteure lui ont indiqué que, jusqu’à récemment, la formation d’un jeune en difficulté en SMV n’était pas considérée comme une « sortie positive » par les missions locales et Pôle emploi. Aussi, les prescripteurs n’étaient que très peu encouragés à orienter les jeunes vers le dispositif, expliquant les difficultés de recrutement. Ce n’est que depuis la mise en place du CEJ, dispositif qui remplace la Garantie jeunes, que le SMV est considéré comme une « sortie positive ». La rapporteure estime primordiale de renforcer la mobilisation des prescripteurs (missions locales, Pôle emploi) au bénéfice du SMV. Celle-ci devrait être davantage encouragée au niveau politique.

2.   La faible rémunération des volontaires nuit à l’attractivité du service militaire dans un contexte de concurrence entre les dispositifs d’insertion et de reprise économique

La rémunération est un critère d’attractivité important pour les volontaires et la faiblesse de la solde perçue peut freiner l’action du SMV face à d’autres dispositifs d’insertion.

Comme l’ensemble des jeunes servant sous statut militaire, les volontaires du SMV reçoivent une solde. Celle-ci s’élève de manière forfaitaire à 313 € nets par mois (montant effectif en septembre 2022). À titre de comparaison, la rémunération des stagiaires des Établissements Pour l'Insertion dans l'Emploi (EPIDE), a été revalorisée à 500 € au 1er janvier 2022 puis, 520 € depuis le 1er juillet 2022). Il est néanmoins prévu que la solde des volontaires stagiaires fasse l’objet d’une revalorisation en mars 2023 pour tenir compte de la revalorisation de l’indice du point de la fonction publique, intervenue en juillet 2022.

 Ils sont par ailleurs logés et nourris gratuitement au sein de chaque régiment et centre, y compris durant les périodes de congés ou d’activité réduite, et ce tout au long de leur séjour au sein du SMV. En complément, les volontaires bénéficient de certains avantages : ils sont bénéficiaires des trajets SNCF à tarif réduit et ont accès au système de santé du service de santé des armées, ainsi qu’au système de protection sociale militaire. Les frais liés à leur parcours sont pris en compte par le SMV, tant pour le financement de la formation que de ses accessoires (transport, alimentation, hébergement, etc.).

À son incorporation, chaque volontaire perçoit un paquetage complet comprenant des effets militaires de combat (pour la formation militaire initiale), de service courant (travail quotidien et cérémonies), des effets de sport ainsi que des effets d’affectation définitive (trousseau/affaires de toilettes, produits d’hygiène élémentaire et fournitures scolaires). Ces effets sont déclinés pour pouvoir être utilisés au cours des phases militaires de la formation, ainsi que pour les phases de formation complémentaire et professionnelle.

3.   L’absence d’harmonisation des financements régionaux crée des inégalités territoriales entre les centres

Bénéficiant du statut de stagiaires de la formation professionnelle, les volontaires peuvent prétendre à des allocations versées par les conseils régionaux. Dans ce domaine, de fortes inégalités de traitement demeurent entre les centres, les conditions d’attribution étant très disparates selon les régions, mais aussi entre volontaires selon leur situation personnelle. Tous les volontaires ne sont pas éligibles.

Grand-Est

Bretagne

Auvergne Rhône Alpes

Nouvelle Aquitaine

Ile-de-France

Provence Alpes Côte d’Azur

De 340€ à 650€ par mois uniquement pendant la formation professionnelle (FP)

De 390€ à 930€ par mois uniquement pendant la FP

500€ par mois, sur toute la durée du contrat

De 300€ à 600€ par mois pendant la FP si celle-ci n’est pas financée par la région

Étude en cours par la région (actuellement aucune allocation)

Complément à la solde militaire pour atteindre 500€ par mois sur toute la durée du contrat

 

Allocations consenties par les conseils régionaux :

Source : État-major du Service militaire volontaire

Votre rapporteure est favorable à une revalorisation des soldes des volontaires stagiaires, ainsi, qu’à l’harmonisation des aides directes qu’ils peuvent recevoir des collectivités régionales au titre de leur statut de stagiaires de la formation professionnelle, ce qui permettrait d’améliorer l’attractivité du dispositif. Il est aujourd’hui incompréhensible pour un jeune volontaire que la somme qu’il perçoit chaque mois varie de façon parfois importante en fonction de la région où il effectue son service.

B.   La nécessité d’une volonté politique affirmée et d’une clarification des missions confiées aux militaIres du smv

Le maillage territorial étant un élément prépondérant dans l’atteinte des objectifs actuels du SMV, la création d’une antenne dans chaque région semble une réponse adaptée pour permettre au SMV de monter en puissance et gagner en efficacité. Dans le cadre de la consolidation du modèle à 1 500 bénéficiaires, le SMV porte des besoins en renforcement des moyens humains, notamment au profit des cellules recrutement des régiments et centres.

1.   Une extension territoriale du dispositif supposerait une augmentation des moyens

Si les vastes zones de compétence des régiments et centres couvrent l’ensemble du territoire métropolitain, leurs étendues ne permettent pas pour autant d’atteindre, de manière optimale, l’ensemble des bassins de recrutement et d’employabilité. Une prise de décision relative à l’opportunité d’une extension territoriale du SMV dans chaque région permettrait de cadrer les études prospectives qui permettront d’anticiper les ressources nécessaires au modèle futur du dispositif. Dans son format actuel, le SMV a atteint ses limites de soutenabilité et il ne peut plus absorber d’autres augmentations de recrutement de volontaires sans adaptations.

La rapporteure souligne que si la création d’une antenne dans chaque région semble être une réponse adaptée pour permettre au SMV de gagner en efficience, toute nouvelle implantation ne peut être réalisée qu’au prix d’un effort en personnel d’encadrement supplémentaire. Elle repose par ailleurs, sur l’existence d’infrastructures d’accueil disponibles et rapidement employables, ainsi que des structures de soutien nécessaires sur le site d’implantation. Elle doit cibler une zone propice au recrutement et à l’insertion avec un bassin d’employabilité dynamique et bénéficier de l’appui des autorités régionales. L’exemple de l’ouverture de la dernière antenne du Service militaire volontaire à Marseille démontre que l’expression d’une volonté politique claire est indispensable pour réunir l’ensemble des moyens et des appuis nécessaires pour réaliser cet objectif.

S’agissant de l’antenne du SMV récemment ouverte à Marseille, les jeunes Marseillais réalisent aujourd’hui leur formation initiale dans d’autres régiments du SMV. À titre de comparaison, l’antenne SMV de Châlons-en-Champagne qui assure la formation initiale et accompagne la formation professionnelle compte 26 cadres et 4 sous-officiers de réserve pour 140 stagiaires. Envisager d’aligner l’antenne de Marseille sur le modèle des autres entités du SMV supposerait un effort en effectifs et en moyens qui n’est pas prévu à ce stade.

Enfin, alors que le SMV doit déployer des moyens toujours plus importants pour soutenir son activité de recrutement et qu’il peine à atteindre ses objectifs en constante augmentation, l’action des différents prescripteurs (Pôle emploi, Missions locales, etc.) gagnerait en efficacité si des objectifs leur étaient clairement assignés pour qu’ils orientent des jeunes vers le SMV dans le cadre du CEJ.

2.   Revaloriser la solde des bénéficiaires et harmoniser les aides régionales pour garantir l’égalité entre les volontaires afin de garantir l’attractivité du dispositif

Dans un environnement concurrentiel, la rémunération des volontaires stagiaires est un élément primordial pour l’attractivité du SMV, alors que les exigences du dispositif sont parmi les plus contraignantes pour ses bénéficiaires. Une revalorisation de leur solde à un niveau comparable à celui de l’allocation du CEJ ou des EPIDE (520 € depuis le 1er juillet 2022) est souhaitable pour permettre au SMV de rester compétitif et atteindre sa cible de recrutement.

Pour les mêmes raisons d’attractivité et d’équité, une uniformisation des différentes allocations individuelles régionales liées au statut de stagiaire de la formation professionnelle des volontaires stagiaires est souhaitable.

3.   Engager une réflexion sur le rattachement du dispositif aux armées et sa reconduction en loi de programmation militaire

Le devenir du SMV reste tributaire des LPM votées successivement et, contrairement au service militaire adapté (SMA), son existence n’est pas définitivement inscrite dans le code de la Défense. À ce jour, le SMV est en attente de nouvelles cibles de recrutement qui seront définies dans la prochaine loi de programmation militaire.

Une modification du code de la défense destinée à y faire figurer le SMV permettrait de se projeter sur le long terme et de stabiliser le dispositif, après sept ans d’évolutions constantes.

Parallèlement, une réflexion devrait être menée afin de déterminer l’opportunité d’un rattachement du SMV à un ministère civil, sur le modèle du SMA, qui bien qu’organisé en régiments armés par des cadres militaires mis à disposition par le ministère des armées, est en réalité rattaché au ministère de l’Outre-mer, qui assure en assure le pilotage et le financement, afin de ne pas faire porter un coût financier excessif sur le budget des Armées, dans la perspective de l’élargissement du dispositif.

Dans un contexte de retour de la guerre haute intensité aux portes de l’Europe, la rapporteure bien que très attachée à la militarité du dispositif, estime que les armées ne doivent pas être sur-sollicitée pour contribuer à des politiques publiques, allant au-delà de leur mission première. Alors que le Ministre de l’Intérieur a fait des propositions récentes tendant à créer un centre d’encadrement militaire pour la « rééducation » et le « redressement » des jeunes délinquants, il convient de définir ce que n’est pas le SMV. L’encadrement de jeunes délinquants n’entre pas dans le champ d’expérience des cadres du SMV. En effet, si les jeunes qui rejoignent le dispositif peuvent avoir eu à faire avec l’institution judiciaire avant de rejoindre le dispositif, ils ne doivent plus être sous le coup d’une sanction judiciaire et ils se sont tous inscrits dans une démarche volontaire. Dans le cadre plus général du protocole signé en juillet 2021 par la ministre des armées et le garde des sceaux, le SMV s’est engagé dans la construction d’un partenariat avec la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) qui est l'une des actions initiées dans le cadre de l’expérimentation en cours évoqué par le ministre des Armées. Le SMV répond aux attentes de la PJJ en termes d’insertion professionnelle et d’acquisition des compétences nécessaires aux jeunes en perte de repères. Des actions sont menées pour améliorer la connaissance mutuelle des deux organismes. La PJJ doit pouvoir identifier les éventuels candidats à un parcours au sein du SMV et s’assurer de la viabilité de leurs projets avec la chaîne recrutement du SMV. La PJJ s’inscrivant en quelque sorte en tant que nouveau prescripteur du SMV.

Les limites de cette ouverture restent que les jeunes orientés vers le SMV doivent avoir accomplis leur peine (l'engagement au SMV ne doit pas être considéré comme une peine de substitution) et que le volume de jeunes issus de la PJJ doit rester compatible avec la volonté de mêler des jeunes victimes d'autres types de décrochage. Les cadres du SMV rencontrés restent attachés au fait que recrutement doit rester une prérogative des chefs de corps, seuls responsables et garants de la cohésion entre les jeunes recrutés.

III.   Une attention particulière doit être portée à la coordination des dispositifs en faveur de la jeunesse, au risque d’une perte de cohérence globale

A.   Une multiplication des dispositifs, aujourd’hui articulés au sein du plan ambition armées-jeunesse

 

La multiplication des dispositifs proposés ne doit pas affaiblir la lisibilité des actions menées par le ministère des armées en faveur de la jeunesse et du lien Armées-Nation

La politique en faveur de la jeunesse menée par le ministère des Armées répond à plusieurs objectifs et se caractérise par un nombre très élevé de dispositifs. Le risque à court terme réside en une perte de cohérence de la politique menée et une moindre lisibilité pour les bénéficiaires.

Les trois principaux objectifs de la stratégie jeunesse du ministère sont les suivants.

- Conforter l’attractivité des métiers de la Défense et la volonté d’engagement des jeunes dans les armées. Il s’agit de relever le défi de l’attractivité, au sein des armées, directions et services, afin de garantir, dans la durée, la soutenabilité du modèle d’armée professionnelle dans ses composantes d’active et de réserve, condition première de nos succès en opération et gage de l’avenir de la défense de la Nation.

- Promouvoir chez les jeunes une culture de défense et une citoyenneté fondée sur le sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Il s’agit de transmettre la culture de défense qui tient une place essentielle dans l’éducation civique et citoyenne de la jeunesse et de contribuer ainsi au maintien de l’esprit de défense au cœur de la Nation.

- Conforter l’ambition ministérielle et gouvernementale de justice sociale. Il s’agit de détecter dès la journée défense et citoyenneté ceux qui ont des difficultés de lecture et ceux qui sont en situation de décrochage scolaire. Leur orientation vers les missions locales et les organismes ad hoc permet ainsi de ne laisser aucun jeune sur le bord de la route, en favorisant leur insertion. La DSNJ poursuit la dynamique des dispositifs d’égalité des chances, de formation et d’intégration professionnelle des jeunes mis en place au sein du ministère et conforte la Défense dans son rôle d’escalier social au profit des plus modestes. Cet enjeu s’inscrit parfaitement dans le programme gouvernemental « 1 jeune – 1 solution ».

Ces objectifs constituent les pierres angulaires de l’action de la direction qui se déclinent en quatre axes principaux :

- la journée défense et citoyenneté,

- le plan « Ambition Armées-Jeunesse 2022 »,

- le service militaire volontaire,

-        la commission armées-jeunesse.

1. Les classes de Défense, un dispositif interministériel souple à encourager

Les classes de Défense sont un des dispositifs majeurs du plan « Ambition armées jeunesse ». Elles résultent d’un projet pédagogique et éducatif interdisciplinaire et pluriannuel en lien avec la défense et la sécurité, mené à l’initiative d’un établissement scolaire, en partenariat avec une unité militaire marraine. Ces dernières participent à la diffusion du lien armées jeunesse à travers l’ensemble du territoire. Intégré officiellement dans le protocole interministériel de 2016, le dispositif concerne essentiellement des élèves de 4ème et de 3ème, mais aussi des classes de lycées général et technologique, professionnel ou d’enseignement agricole. Le dispositif implique environ 13 000 élèves et 200 entités militaires. Le nombre de classes défense a progressé de 370 au début de l’année 2021 à 520 à l’été 2022, dont 69 en outre-mer. Cette croissance a été encouragée par une politique ambitieuse initiée par le plan « Ambition armée jeunesse » (PAAJ) et la priorité donnée au dispositif des classes de défense.

Les classes de défense s’adressent en priorité aux établissements situés en réseau d’éducation prioritaire (18 % de classes situées en REP ou REP+ soit environ 2 300 élèves) ou en zone rurale isolée, sans que cela soit exclusif à d’autres établissements. Une étude réalisée sur le dispositif des classes de défense ([6])  montre qu’une importante majorité des élèves interrogés (89 %) se disent satisfaits, parmi lesquels 51 % se déclarent très satisfaits. En outre, l’étude démontre l’impact positif indéniable de ces classes en termes de résultats scolaires et de compétences transversales (motivation, confiance en soi, connaissance des parcours, savoir être, culture générale, notamment). Par ailleurs, la transmission des valeurs propres aux armées contribue à modifier certaines représentations des élèves sur le sens de l’engagement et du dépassement de soi. Les thématiques abordées sensibilisent également au respect des principes républicains.

Par ailleurs, votre rapporteure se félicite que le protocole du 16 décembre 2021 permette un meilleur accompagnement du dispositif par les deux ministères, visant à surmonter le sentiment de manque de reconnaissance sur ce sujet que pouvaient éprouver certains enseignants de la part de leur hiérarchie. Les académies sont ainsi incitées à mobiliser, dans la mesure du possible, des leviers de type indemnitaire (indemnités pour missions particulières), mais aussi des distinctions honorifiques (palmes académiques, médaille de la jeunesse et des sports) afin de valoriser l’engagement dans la durée des équipes pédagogiques. Enfin, la part collective du « Pass Culture » peut également être mise à profit pour ces classes.

Votre rapporteure a pu se rendre dans une classe de Défense à Lusigny-sur-Barse, parrainée par le cinquième régiment de dragons de l’Aube. Elle a ainsi constaté l’engagement sans faille des militaires et de l’équipe enseignante au service de ce projet. Une enveloppe restreinte de 0,25 million d’euros est prévue dans le projet de loi de finances pour 2023 pour financer les subventions versées aux classes de défense et procéder à des achats ponctuels. Toutefois, la rapporteure appelle de ses vœux une prise en charge plus systématique des solutions de transport, afin d’assurer que toutes les classes puissent effectuer au moins un déplacement par an.

Le développement des classes de défense doit à présent s’attacher à répondre au mieux aux objectifs de mixité sociale et de parité, tout en étant implanté uniformément sur l’ensemble du territoire et ce afin de contribuer encore plus efficacement au renforcement du lien armées-nation. En 2022, 6 départements métropolitains ne comptent aucune classe de défense et 13 départements n’en comptent qu’une seule.

Enfin, le SMV conduit d’ailleurs des actions de partenariat avec plusieurs classes : trois régiments du SMV sont partenaires de cinq classes de Défense. La rapporteure, qui accorde de l’importance au développement de ses classes, considère que ses actions en partenariat sont à poursuivre et à encourager afin que les dispositifs puissent interagir entre eux.

2. L’articulation du SMV avec les EPIDE

Comme analysé précédemment, le SMV est confronté à une multiplication des dispositifs, qui créent une forme de concurrence entre politiques publiques. L’exemple le plus frappant est celui des EPIDE. Créées en 2005 et placées sous la triple tutelle des ministères du Travail, de la Cohésion des territoires et de la Défense, les EPIDE ont accompagné près de 30 000 jeunes sans qualification âgés de 17 à 25 ans révolus, vers l'emploi ou la formation qualifiante. L’EPIDE s’adresse aux jeunes âgés de 17 à 25 ans révolus, ayant leur résidence habituelle en métropole, sans diplôme ou titulaire d’un BEP - CAP ou d’un Baccalauréat, sans qualification ou en voie de marginalisation.

Les dispositifs présentent de nombreuses similarités. Pour autant, par sa spécificité militaire, le SMV entend s’inscrire en complément des EPIDE. Ainsi, un dialogue permanent existe avec la direction nationale des EPIDE et surtout au niveau local afin de renforcer la complémentarité des parcours de formation au regard des aspirations légitimement diverses des bénéficiaires, mais aussi de leurs situations personnelles (nationalité, âge, niveau d’illettrisme, maturité du projet professionnel, etc.). Enfin, le SMV et l’EPIDE s’intègrent tous les deux dans le parcours du contrat engagement jeune (CEJ).

B.   Le plan Ambition Armées jeunesse tente d’offrir une réponse en proposant une articulation des dispositifs par tranche d’âge

Depuis 2021, la politique de jeunesse du ministère des Armées a fait l’objet d’une nouvelle présentation. « Cette Ambition Armées-Jeunesse 2022 nous permettra d’affermir et de maintenir nos objectifs : transmettre les valeurs de la République, les valeurs d’engagement, de solidarité et de fraternité, développer la citoyenneté » rappelait Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée auprès de la Ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, le 26 janvier 2021.

Le plan Ambition Armées-Jeunesse (PAAJ) a pour ambition d’instaurer un parcours cohérent par tranche d’âge entre les jeunes et les armées et ainsi coordonner les dispositifs déjà existants en un seul et même parcours « le parcours innovant défense » en les adaptant aux phases du SNU. Piloté par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) qui coordonne l’ensemble des actions menées en faveur de la jeunesse.

Il confirme les objectifs stratégiques de cette politique (attractivité, citoyenneté, insertion socio-professionnelle) en l’adaptant aux priorités gouvernementales pour la jeunesse (plan « 1 jeune 1 solution ») et à la montée en puissance du SNU, tout en insistant sur son ancrage territorial. Il donne une nouvelle impulsion à plusieurs dispositifs emblématiques du plan « égalité des chances » de 2008 : les classes défense, les cordées de la réussite, les stages et le rôle social des lycées de la défense. Il propose surtout aux jeunes un « parcours innovant défense » faisant le lien entre des dispositifs d’éveil aux questions de défense, des dispositifs obligatoires (aujourd’hui la JDC, demain les phases cohésion et missions d’intérêt général du SNU) et des dispositifs d’engagement volontaire, sans oublier des dispositifs transverses.

Par ailleurs, AAJ 2022 met en place une gouvernance renforcée pour mieux coordonner les actions des différents acteurs jeunesse du ministère, notamment un comité directeur présidé par la ministre déléguée en charge de ces questions qui réunit autant que de besoin les têtes de chaine des acteurs jeunesse. Pour animer et coordonner ces actions, la DSNJ dispose depuis 2020 d’une sous-direction des politiques en faveur de la jeunesse (SDPJ).

Les quatre phases du plan Ambition Armées-Jeunesse :

-La phase 0, dite « d’éveil » : la relation armées-jeunesse se développe majoritairement dans le cadre scolaire et périscolaire, avec des jeunes âgés de 13 à 17 ans. En complément de l’enseignement de défense, les actions menées sont destinées à promouvoir l’esprit de défense, la découverte des armées et des opportunités qu’elles offrent. Cette phase réalisée en milieu scolaire permet de tisser un lien entre les jeunes et les armées.

- La phase 1, dite « de sensibilisation » : elle est marquée par la journée défense et citoyenneté (JDC), moment de rencontre privilégié et obligatoire entre les jeunes et les armées, mais aussi par la journée défense et mémoire nationales (JDM), actuellement réalisée au profit des jeunes volontaires lors du séjour de cohésion du service national universel (SNU). Ces journées contribuent à tisser le lien entre la Nation et les armées et proposent aux jeunes d’appréhender les menaces, de s’approprier le rôle des armées en situation de crise et de comprendre les enjeux de mémoire. Qu’il s’agisse de la JDC modernisée ou de la JDM, ces journées peuvent susciter les premières vocations et contribuer plus tard au recrutement dans les armées.

- La phase 2, dite « de service » : procurant aux jeunes une première expérience concrète au sein de la défense, la phase de service leur permet de poursuivre leur chemin vers l’uniforme dans un engagement volontaire, au travers notamment des missions d’intérêt général (MIG) prévues dans le cadre actuel du SU.

- La phase 3, dite « d’engagement » : cette dernière phase, facultative, permet aux jeunes à partir de 18 ans de rejoindre les armées en tant que volontaire, que ce soit par un engagement dans l’armée d’active ou dans la réserve opérationnelle.

Au-delà des quatre phases décrites précédemment, le plan « Ambition armées jeunesse » propose certaines actions qui couvrent l’ensemble des 4 phases, notamment les stages proposés aux jeunes de la 3ème jusqu’au niveau bac + 7, la participation aux évènements « Aux sports jeunes citoyens », ou encore les activités proposées par la commission armées jeunesse (CAJ). Les lycées de la défense, au travers des actions menées lors de la scolarité des élèves, complètent l’ensemble de ces dispositifs. Dans le cadre des cordées de la réussite, 25 % des élèves officiers des grandes écoles militaires accompagnent des jeunes. Ce dispositif intègre 89 établissements implantés en REP pour un total de 121 établissements participant au dispositif. 5057 élèves sont concernés par le dispositif. Au sein des lycées militaires, 15 % des classes sont réservées aux élèves boursiers. Par ailleurs, dans chaque lycée militaire de défense, une classe préparatoire à l’enseignement supérieur a été mise en œuvre : 120 jeunes bénéficient de ce dispositif.

1.   Le service national universel a vocation à toucher à terme toute une classe d’âge et supposera une plus grande coordination des dispositifs

Initiée en juin 2019 par une préfiguration dans 13 départements, la montée en puissance du SNU a été freinée en 2020 par la crise sanitaire, mais a repris en 2021 avec un séjour de cohésion programmé sur l’ensemble du territoire national (sauf en Polynésie et Nouvelle-Calédonie) fin juin-début juillet (environ 15 000 jeunes participants malgré la crise sanitaire). Le MENJS attend 50 000 jeunes volontaires pour les séjours de cohésion SNU organisés en 2022 (février puis juin-juillet).

La DSNJ co-pilote avec l’EMA la conception et la réalisation de la journée défense et mémoire nationales (JDM) du séjour de cohésion du SNU. La DSNJ a également piloté la formation des intervenants issus des armées à l’animation de cette JDM. Par ailleurs, la DSNJ a assuré le développement du système d’information permettant la prise en compte des inscriptions des jeunes volontaires et leur affectation dans les centres SNU.

Elle apparaît ainsi comme un acteur incontournable de la mise en œuvre du SNU tant son expertise, notamment en termes d’organisation de la JDC et d’utilisation de systèmes d’information adaptés, peut aujourd’hui en faciliter la montée en puissance. La DSNJ s’appuie entre autres sur son système d’information (SAGA) et son interface usagers (majdc.fr), ainsi que son réseau de 33 centres du service national et de la jeunesse répartis sur l’ensemble du territoire national. Ces deux leviers pourraient constituer les points d’appui d’une future administration interministérielle du SNU.

Engagée dans la montée en puissance du service national universel, la DSNJ a conduit du 12 au 24 juin et du 3 au 15 juillet 2022 près de 400 JDM en métropole et outre-mer au profit des 50 000 volontaires. Cet effort sera concomitant à la poursuite des JDC au profit des jeunes de la cohorte 2022. Si le projet SNU devait être maintenu et généralisé, il nécessitera une attention et une mobilisation importante du ministère et de la DSNJ dans la préparation et la conduite à une plus grande échelle dès 2023 non seulement des JDM mais également des missions d’intérêt général (MIG) défense et mémorielles.

Principales conclusions du rapport bilan de la mise en œuvre du SNU en 2021, remis au Parlement en juin 2022

En 2021, 14 653 volontaires ont validé leur séjour de cohésion au sein du SNU, soit un taux de remplissage des places disponibles dans les centres de près de 84 %. Ils ont été accueillis dans 122 centres de cohésion répartir sur l’ensemble du territoire, et par 3 053 encadrants.

L’année 2021 a été marquée par la réussite du déploiement du dispositif dans tous les départements de France, véritable succès logistique rendu possible par la mobilisation du tissu associatif local et l’implication des armées et du ministère de l’Intérieur. Les volontaires ont exprimé, lors des cérémonies de clôture, une très grande satisfaction sur l’ensemble du séjour.

Cependant, trois axes d’amélioration sont identifiés pour 2022 :

-La faible participation des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou encore des jeunes se déclarant en situation de handicap ;

-La complexité des démarches administratives ayant débouché sur d’importants retards dans la rémunération des encadrants ;

-L’organisation pédagogique des séjours, avec des emplois du temps souvent trop chargé et la mise en œuvre logistique des missions d’intérêt général encore trop difficile.

2.   Le service militaire volontaire est aujourd’hui compatible et complémentaire avec le service national universel

Des synergies existent entre le SNU et le SMV. En particulier, lors de la phase d’engagement du SNU, qui pourrait s’effectuer en commun avec les jeunes volontaires du SMV.

Les missions citoyennes d’urgence, réalisées sous réquisition, ne peuvent être réalisées que sous statut militaire. En revanche, le SMV étudie la possibilité de s’appuyer sur les missions citoyennes planifiées pour ouvrir celles-ci aux jeunes pendant la phase 2 du SNU. Les MIG telles qu’étudiées dans la version actuelle du SNU, permettraient en outre, d’accroître les capacités de recrutement du SMV et de faire connaitre le dispositif à davantage de jeunes.

3.   La nécessité de pérenniser journée Défense et citoyenneté à travers la Journée Défense et mémoire

Dans le cadre des réflexions menées concernant la montée en puissance du SNU, la JDC pourrait être repensée et son format amené à évoluer. Néanmoins, les personnes auditionnées par la rapporteure ont insisté sur la nécessité de maintenir une journée similaire à la JDC qui permet de faire un point de situation à un moment donné de la totalité d’une classe d’âge et ainsi, identifier les jeunes qui pourraient être intéressés par les dispositifs comme le SMV à leur majorité. Le SNU aura à terme, vocation à jouer ce rôle. La rapporteure sera vigilante à ce que la journée défense et mémoire (JDM), animée par le ministère des Armées, constitue un moment de rencontre privilégié entre les jeunes et les armées afin que les jeunes en difficultés puissent continuer à se voir proposer des solutions d’insertion.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de Mme Patricia Miralles, secrétaire d’état chargée des anciens combattants et de la mémoire

La Commission a entendu Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du 4 octobre 2022.

M. le président Thomas Gassilloud. Je suis très heureux de vous retrouver et je remercie les quatre vice-présidents qui ont brillamment mené les débats, la semaine passée, où j’étais en Pologne et en Ukraine avec la présidente de l’Assemblée nationale.

Nous commençons l’examen du cycle budgétaire des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » qui nous amènera jusqu’au 19 octobre prochain, date à laquelle nous examinerons les huit avis budgétaires relevant de notre commission.

C’est avec grand plaisir que nous accueillons Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Bienvenue chez vous, chère Patricia, vous qui avez tant œuvré en tant que vice-présidente de notre commission : je pense notamment à votre rapport sur la préparation à la haute intensité rédigé avec notre collègue Jean-Louis Thiériot mais, aussi, au projet que vous avez rapporté et amendé qui a donné lieu à la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les Harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie. Pendant cette dernière législature, chaque commissaire a pu apprécier vos qualités, notamment à l’occasion des échanges qui ont abouti à une commission mixte paritaire conclusive sur un texte réaliste et offrant une véritable réparation à ceux qui ont souffert de l’indignité de l’accueil et des conditions de vie offerts dans certaines structures. J’ai bien noté que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 60 millions pour financer ce droit à réparation. Vous aurez sans doute à cœur de dresser un premier bilan de l’application de ce dispositif et des travaux de la commission indépendante présidée par Jean-Marie Bockel.

Le titre de votre prédécesseure était inversé puisque celle-ci était chargée de la mémoire et des anciens combattants : vous nous direz si cette nouvelle appellation rend compte d’une inflexion politique. Quoi qu’il en soit, ces deux politiques sont au cœur de la cohésion nationale avec, d’une part, la juste reconnaissance de la nation à l’égard de ceux qui se sont battus et ont souffert pour elle et, d’autre part, la nécessaire mémoire qui doit nourrir notre cohésion tout en s’articulant avec une histoire regardée en face, comme le Président de la République l’a souhaité à propos de nos interventions au Rwanda ou de la guerre d’Algérie.

Je précise que le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’élève pour 2023 à 1,9 milliard.

Je vous laisse la parole, avant que les députés vous posent leurs questions, notamment Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. C’est le premier budget que j’ai l’honneur de défendre devant le Parlement et, après avoir en effet siégé pendant cinq ans au sein de votre commission, je le fais avec beaucoup d’émotion et de fierté. Ce budget, c’est celui du monde combattant, de la mémoire, du lien entre les armées et la nation ; c’est celui de la reconnaissance et de la transmission : reconnaissance de l’engagement au service de la France, des Françaises et des Français ; transmission des valeurs républicaines, de la culture de défense et des forces morales.

Représentants de la nation à l’écoute des anciens combattants qui sont très présents dans vos territoires, chacun d’entre vous entretient avec eux des relations étroites. Je vous sais attachés, comme moi, aux enjeux de ce budget. Aussi, c’est pour maintenir et développer cette proximité que je mène un dialogue nourri et fructueux avec les associations et les représentants de ceux qui ont œuvré pour la défense de notre nation. Il serait inconcevable que je ne les associe pas à mon action, que je veux ambitieuse et déterminée. L’objectif est de maintenir les droits du monde combattant, de consolider la reconnaissance de la nation à son égard, de nous assurer que les dispositifs existants soient parfaitement déployés et, s’il le faut, améliorés. Dans cette perspective, je veux que les combattants, à l’instar de tous les Français, puissent bénéficier d’un versement à la source pour leurs droits à reconnaissance et réparation.

À travers ces trois axes principaux, il s’agit de garantir les moyens de chacune des missions dont j’ai la responsabilité, mais également de les organiser ensemble de manière à ce que chacune d’entre elles soutienne et enrichisse les autres. Le soutien au monde combattant sert le travail de mémoire. L’action culturelle et de recherche historique se nourrissent de la transmission aux jeunes générations, qui peuvent alors s’emparer de ces sujets et participer à leur tour à la reconnaissance des anciens combattants ainsi qu’aux efforts de résilience de la nation. La proximité avec les anciens combattants, qu’elle soit géographique ou empathique avec les actions de solidarité menées à leur intention, est un paramètre déterminant de la réussite de notre politique mémorielle et de soutien au monde combattant.

Tout d’abord, ce budget garantit les droits acquis du monde combattant. Il est doté de 1,8 milliard au titre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Nous poursuivons ainsi l’effort qui consiste à limiter l’évolution des crédits à due proportion de la diminution du nombre de bénéficiaires de la dette viagère, tout en maintenant les crédits de solidarité à un niveau inchangé.

Ce budget traduit l’engagement du Gouvernement à maintenir l’ensemble des droits budgétaires et fiscaux des combattants et de leurs ayants droit. Dans cet esprit, j’ai engagé un travail pour m’assurer de la revalorisation effective de 3,5 % de la retraite de ces derniers. Je peux ainsi vous annoncer que le point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI) sera revalorisé dès le 1er janvier 2023, avec un an d’avance sur ce que prévoit le code des pensions militaires d’invalidité, ce qui permettra de refléter la hausse de la rémunération des fonctionnaires. Je vais lancer la préparation du décret en Conseil d’État qui permettra d’intégrer cette revalorisation ainsi que l’augmentation de la valeur du point d’indice de la fonction publique de l’État du 1er juillet 2022.

Ce budget compte également des mesures nouvelles qui traduisent notre ambition pour le monde combattant. Ces initiatives résultent d’une large concertation qui a rassemblé les services ministériels, les représentants des associations d’anciens combattants et les parlementaires.

La première d’entre elles concerne les blessés psychiques, les Sans blessures apparentes, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean-Paul Mari.

Ce dispositif innovant de réhabilitation psychosociale consacré à l’accompagnement des blessés psychiques qu’est les maisons Athos, pris en charge par l’armée de terre et qui arrive à son terme, sera désormais placé sous la responsabilité de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), qui disposera d’un budget de 2,9 millions. La construction d’un quatrième établissement sera lancée cette année.

Autre mesure nouvelle : nous allons étendre la période de prise en compte de la qualité de victime d’actes de terrorisme aux victimes d’attentats survenus avant 1982. Les dizaines de blessés de l’attentat de la synagogue de la rue Copernic d’octobre 1980, par exemple, en bénéficieront désormais. Une enveloppe d’1 million est affectée à cet élargissement de la reconnaissance et du soutien aux victimes d’actes de terrorisme.

Enfin, 2,4 millions supplémentaires seront consacrés à l’entretien et à la rénovation du patrimoine mémoriel.

Une attention particulière sera apportée aux Harkis et à leur famille. Après tant d’années de silence et de déni de l’État, il est de notre devoir de faire connaître pleinement à la nation les anciens combattants qu’ils furent. L’histoire de leurs grands-pères et de leurs pères, qui s’étaient déjà battus pour la France, doit être connue et les préjudices qu’ils ont subis réparés.

Le quinquennat qui s’ouvre est l’occasion de prolonger les avancées significatives en faveur des Harkis et de leurs enfants amorcées à la fin du mandat précédent. La dotation pour le financement du droit à la réparation prévu par la loi du 23 février 2022 sera augmentée de plus de 30 %, ce qui portera l’enveloppe à 60 millions contre 46 millions en 2022. Je tiens en outre à ce que l’on renforce les moyens humains et matériels pour l’instruction des dossiers de reconnaissance, de réparation et de solidarité en faveur des Harkis. Aucune de ces démarches ne pourrait être concrétisée sans consolider les opérateurs du ministère des armées chargés du monde combattant. Leurs moyens sont donc reconduits.

Concernant l’ONACVG, le contrat d’objectif et de performance est en application et le maillage départemental est maintenu. L’ONACVG est le « guichet » du monde combattant pour accéder à ses droits. À quelle efficacité pourrions-nous prétendre en pérennisant ces droits et en ouvrant de nouveaux dispositifs si les bénéficiaires ne pouvaient pas en être convenablement informés ni y accéder facilement ? La proximité géographique est primordiale pour les ressortissants de l’ONACVG, a fortiori parce que certains sont âgés ou blessés. Le maillage départemental assure la présence de l’État au plus près des bénéficiaires et constitue une garantie d’accès au service public. Nous y tenons tous car l’enjeu de proximité est essentiel.

Lors de chacun de mes déplacements, j’ai pu mesurer l’investissement des équipes et la nature des demandes des ressortissants. Le montant de la subvention de fonctionnement de l’Office est revalorisé de 3,8 millions, pour atteindre 60,2 millions. Nous maintenons son budget d’action sociale au niveau élevé de 25 millions. Nous ne le dirons jamais assez, mais l’action sociale de l’ONACVG joue un rôle essentiel pour le monde combattant. Cette autre forme de proximité est également indispensable.

Les aides financées versées par l’ONACVG dans le cadre de l’action sociale permettent aux combattants qui en ont le plus besoin de vivre et d’affronter les moments difficiles, mais l’action sociale passe également par un accompagnement et une présence à leur côté. Souvenons-nous que, pendant la pandémie de covid-19, les services départementaux de l’Office ont maintenu un lien constant avec l’ensemble de leurs ressortissants, particulièrement fragiles et isolés. La subvention de fonctionnement de l’Institution nationale des invalides (INI) est revalorisée de 700 000 euros pour atteindre 13,7 millions. Afin de poursuivre les travaux d’infrastructure, la subvention pour charge d’investissement de l’INI est en nette augmentation : 6,7 millions de crédits de paiement permettront d’achever la rénovation du bâtiment Robert de Cotte. Par ailleurs, l’Institution bénéficie aussi, au titre du plan de relance, d’un financement à hauteur de 866 800 euros pour le projet de mise en sécurité du coeur informatique de l’hôpital.

Enfin, la subvention de l’Ordre national de la Libération est en légère hausse, avec 1,74 million, ce qui permet d’intégrer le coût de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Alors que le dernier compagnon de la Libération nous a quittés, le rôle de l’Ordre est plus que jamais crucial pour rendre hommage à ces femmes et hommes d’exception. Faire rayonner l’Ordre de la Libération à travers l’engagement des Compagnons de la Libération et des Médaillés de la Résistance, c’est développer l’esprit de défense et transmettre aux jeunes générations les valeurs qui fondent notre nation.

En 2023, le ministère des armées restera à la pointe du travail de mémoire et de valorisation culturelle. Nous maintenons la dynamique d’augmentation avec un budget consacré à la mémoire en hausse de 20 %, pour atteindre près de 21 millions. Le patrimoine mémoriel, placé sous la responsabilité du ministère des armées, est particulièrement riche. Composé de 1,1 million de sépultures réparties dans 80 pays différents, de 290 nécropoles nationales, de 2 170 carrés militaires, de 45 cimetières militaires dans six territoires ultra-marins ainsi que de 10 hauts lieux de la mémoire nationale, ce patrimoine fera l’objet d’une attention renforcée avec un budget de 10,37 millions, soit une augmentation de crédit de 28 % par rapport à la loi de finances pour 2022.

Un budget de 1,5 million sera par ailleurs consacré en 2023 aux commémorations des douze journées nationales et aux célébrations liées aux thématiques mémorielles. L’année 2023 prévoit ainsi un cycle mémoriel consacré au 80e anniversaire de la seconde guerre mondiale, autour de la création du Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943, de la mort de Jean Moulin sous la torture en juillet 1943, de la libération de la Corse en septembre 1943, de l’action du général Juin et du corps expéditionnaire français en Italie lors de la bataille de Monte Cassino et de la courageuse attitude des dissidents antillais. L’année 2023 marquera également le 70e anniversaire de la fin de la guerre de Corée, à laquelle la France a pris part sous mandat de l’ONU. Enfin, l’anniversaire du dramatique attentat contre les troupes françaises au Liban, en 1983, sera l’occasion de rendre hommage aux soldats français tombés en opération extérieure (Opex) depuis 1963. Je souhaite d’ailleurs que cette année 2023 mette davantage en valeur les combattants des opérations extérieures, cette quatrième génération du feu. J’ai la volonté et le projet de travailler avec l’ensemble des acteurs pour faire mieux connaître et mettre à l’honneur le monument aux soldats tombés en Opex installé dans le parc André-Citroën à Paris.

Le tourisme de mémoire, qui irrigue et dynamise nos territoires, reste toujours un vecteur d’attractivité important, avec 6 millions de visiteurs en 2021. Le ministère des armées poursuivra sa politique d’accompagnement et de soutien aux initiatives dans ce domaine. Un budget de 800 000 euros sera consacré aux projets de partenariat avec les territoires, notamment aux projets muséographiques et mémoriels soutenus par des collectivités territoriales ou des associations qui cherchent à créer ou moderniser leur équipement ; 200 000 euros seront dévolus à la politique du tourisme mémoriel pilotée sur le plan national par le ministère des armées ; 100 000 euros contribueront au financement de la rénovation des monuments aux morts.

La politique culturelle du ministère des armées est ambitieuse, volontariste, et prend de nombreuses formes. Ce ministère est ainsi le deuxième acteur culturel de l’État en touchant tous les domaines de ce secteur : patrimoine immobilier ou mobilier, peinture, musique, littérature, mais aussi les arts vivants, le cinéma, le théâtre, les jeux vidéo et la bande dessinée. Une directive culturelle triennale 2020-2023 permettra de mettre en œuvre cette politique, qui vise d’abord à conserver et valoriser l’important patrimoine culturel : bâtiments historiques, musées, archives et bibliothèques du ministère des armées. La rénovation du musée national de la marine – dont j’ai eu le plaisir de visiter le chantier – se poursuit, l’inauguration étant prévue à la fin de 2023. Des investissements seront également réalisés sur les sites de Brest et de Port-Louis. Des études sont aussi lancées à Rochefort, sur le site du musée, mais aussi sur celui de l’ancienne école de médecine navale. Le musée de l’air et de l’espace poursuit sa modernisation grâce à d’importants travaux d’infrastructure qui permettront de préserver les collections et d’enrichir le parcours de visite. J’irai inaugurer d’ici la fin d’année sa nouvelle médiathèque-ludothèque. Le musée de l’armée, premier site visité lors de l’édition 2022 des journées européennes du patrimoine, n’est pas oublié. La première phase du projet d’extension et de modernisation vise à améliorer les conditions d’accueil des visiteurs et à étendre notre muséographie avec un premier parcours centré sur l’histoire des Invalides. Le développement des systèmes de gestion et d’information des archives et des bibliothèques sera soutenu, notamment pour accompagner le passage à l’archivage numérique du Service historique de la défense (SHD). Nous continuerons ainsi à sauvegarder les sources de l’Histoire, dont j’ai pu apprécier toute la richesse en me rendant à Vincennes et à Caen.

Il convient aussi de promouvoir le patrimoine militaire grâce à l’édition d’ouvrages et de revues ainsi qu’à la production et à la diffusion de documentaires audiovisuels ou à l’organisation d’expositions et de colloques. Nous devons aussi encourager la recherche historique en soutenant les jeunes chercheurs par le biais d’allocations de thèse ou de contrats doctoraux. J’ai par ailleurs engagé cette année une stratégie de renouvellement et d’amélioration de notre soutien à l’enseignement de défense, en lien avec le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’agriculture.

Ces différents leviers favorisent la résilience de la nation. Ils participent au développement des forces morales de notre pays en s’adressant à nos citoyens ; ils renforcent le lien entre les armées et la nation ; ils soutiennent les vocations et l’engagement des militaires et favorisent leur recrutement. En cela, la politique culturelle du ministère des armées est partie prenante du soutien de la politique de défense.

La relation entre l’armée et la jeunesse est un enjeu de société, de citoyenneté et de cohésion. Le budget que je vous propose consacre 21,2 millions à la journée défense et citoyenneté (JDC), en augmentation de 4 %. La JDC, dont l’un des principaux objectifs est le renforcement de la cohésion nationale et l’insertion de nos jeunes dans la société par le rappel des droits et devoirs de chaque citoyen, concourt à la légitimation de l’effort militaire consenti par la nation.

Je suis au travail ! Ce budget inaugure un quinquennat qui perpétuera une grande ambition au service du monde combattant, de la mémoire et du lien armée, nation, jeunesse. Il est donc aussi celui de la résilience de la nation, enjeu fondamental pour le renforcement de la cohésion nationale en cette année qui a vu réapparaître un conflit de haute intensité sur le continent européen.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Lysiane Métayer. Nous ouvrons donc aujourd’hui un cycle consacré au PLF pour 2023 et plus particulièrement aux questions relatives aux anciens combattants, à la mémoire et au renforcement du lien armée-nation. Vous avez eu l’occasion de les aborder et de les approfondir lorsque vous étiez députée et membre de cette commission.

La politique de la mémoire combattante et le lien constant avec les fondations, les associations et les collectivités territoriales occupent une place essentielle pour le ministère des armées. Cette année, nous célébrerons le soixantième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie. J’étais d’ailleurs présente aux côtés de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie-Maroc-Tunisie (FNACA), dans ma circonscription, pour marquer ce temps fort de notre histoire. Avec ces commémorations, le devoir de mémoire s’incarne dans des témoignages poignants. Toutefois, nos aînés disparaissent peu à peu, emportant avec eux leurs précieux souvenirs. Les associations œuvrent pour défendre les intérêts de leurs membres et maintenir le lien entre eux, mais elles constatent que le nombre de leurs adhérents décroît au fil des années. Elles s’interrogent donc sur la relève et sur la manière de mobiliser les plus jeunes générations pour faire perdurer ce devoir de mémoire.

Le PLF pour 2023 dote donc la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » d’un budget de 1,93 milliard. Cette mission permet notamment d’organiser des actions mémorielles, des journées de défense et le service militaire volontaire. Quelles impulsions le ministère des armées entend-il donner afin d’accompagner le monde associatif combattant dans le développement et le maintien de ces actions mémorielles essentielles ? Quelles actions de sensibilisation des jeunes générations sont-elles envisagées afin de les mobiliser et de les inciter à s’investir et à s’engager davantage pour cette grande cause ? Je pense par exemple à des enseignements particuliers dans les écoles, auprès des conseils municipaux et communautaires, des enfants, des jeunes et des engagés du Service national universel (SNU).

Mme Stéphanie Galzy. Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre nomination, tant les hommes et les femmes politiques de l’Hérault ont été trop longtemps oubliés au sein des gouvernements. Les choses peuvent donc changer !

Dans la formule « anciens combattants », il ne faut pas se focaliser sur le mot « anciens » : le présent et l’avenir sont aussi en jeu. Il convient de généraliser la participation des écoles, collèges et lycées aux cérémonies commémoratives alors que nombre d’entre eux manquent à l’appel, même le 11-Novembre ou le 8-Mai. Outre que ces commémorations illustrent concrètement plusieurs chapitres du programme scolaire et peuvent donc servir de support pédagogique, elles permettent également de fédérer la nation et de rapprocher les générations. Alors que le communautarisme mine la cohésion nationale, cette proposition a la vertu de rassembler autour du drapeau tricolore et des hommes et des femmes qui ont combattu pour notre liberté. Elle concerne tous les Français, quelles que soient leurs origines et leurs religions. J’espère qu’elle pourra contribuer à relancer le processus d’assimilation et favorisera la concorde nationale.

La génération qui a connu la seconde guerre mondiale et qui a combattu est en train de s’éteindre. Je tiens à saluer le travail mené par de nombreuses associations et collectivités pour recueillir et transmettre aux écoliers le témoignage des Résistants, comme à Saint-Gervais-sur-Mare, dans ma circonscription. La commune a réalisé un film sur Maurice Fontes, 95 ans, entré dans la Résistance à 16 ans, dans lequel il raconte son histoire et celle de son maquis. Les écoliers ont réalisé un parcours mémoriel en visitant les monuments commémoratifs des maquis du Haut-Languedoc et en interrogeant les anciens du village sur la vie pendant l’Occupation. Cette initiative mériterait d’être reproduite partout en France.

Ce devoir de mémoire est fondamental pour plusieurs raisons : il permet que ces hommes et femmes ne soient pas oubliés, qu’ils ne deviennent pas de simples noms sur des monuments, comme c’est malheureusement le cas des Poilus aujourd’hui ; il contribue aussi à faire en sorte que l’idéologie nazie et les horreurs commises par les occupants ne se reproduisent plus jamais sur notre sol. Quelle est l’action du Gouvernement à ce propos, alors que nous fêterons les 80 ans de la Libération en 2025 ? Plus largement, quels moyens le Gouvernement entend-il mettre au service de la mémoire des anciens combattants des autres guerres, comme celles de Corée ou d’Indochine ?

M. Christophe Bex. Je tiens à souligner l’importance de votre mission et à remercier celles et ceux qui ont fait don d’eux-mêmes, corps et âme, à la patrie. Comme le disait Simone Veil, transmettre la mémoire de l’histoire, c’est apprendre à se forger un esprit critique et une conscience.

La pension versée aux anciens combattants est stable et indexée sur l’inflation, ce qui est une bonne chose. Elle gagnerait tout de même à être revalorisée tant 800 euros, c’est bien peu pour ceux qui ont donné leur corps et parfois leur esprit à la patrie. Lorsque ces anciens combattants nous quittent, ils laissent souvent leur compagne derrière eux. Leurs veuves bénéficient bien souvent d’une pension de réversion, mais, malheureusement, la pension d’ancien combattant de 800 euros n’y ouvre pas droit. De plus, les autres pensions ne sont reversées que dans le cas d’un mariage, le pacte civil et de solidarité (PACS) et le concubinage n’ouvrant aucun droit. Une ouverture au droit de réversion de la pension d’ancien combattant, dans tous ces cas, serait une belle et bonne chose. Ces pensions compensent la fréquente mise à l’écart, par ces femmes, de leur propre carrière, ce qui a des conséquences sur leur qualité de vie et le montant de leur retraite. Ces critères paraissent aujourd’hui bien restrictifs ; la société évolue et les manières de s’unir aussi. Les individus se marient moins et se pacsent davantage, ce qui ne rend aucunement leur union moins légitime. Ces femmes sont l’un des principaux vecteurs de la transmission de notre mémoire. Leur abandon serait un profond contresens à l’égard des missions qui incombent à votre ministère, qui plus est dans un contexte d’augmentation du coût de la vie.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. En tant que rapporteure pour avis des crédits relatifs à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », je veillerai à ce que les droits des anciens combattants soient préservés.

Dans le cadre de l’élaboration de mon rapport, j’ai mené un certain nombre d’auditions auprès notamment des principales associations d’anciens combattants.

Je vous remercie pour vos propos concernant la revalorisation du point d’indice de la PMI. Les associations l’attendaient en effet plutôt le 1er janvier 2023 qu’en 2024, même s’il est toujours possible de s’interroger sur la nécessité d’une revalorisation un peu plus conséquente.

Si le bénéfice de la demi-part fiscale a été étendu aux veuves de plus de 74 ans dont le conjoint a bénéficié de la retraite du combattant, ce n’est pas le cas des veuves dont le mari titulaire de la carte du combattant est décédé avant 65 ans et ne percevait donc pas encore la retraite du combattant. Que faire pour améliorer la situation de ces veuves qui subissent bien souvent une véritable double peine ?

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur la situation particulière des victimes civiles de la guerre d’Algérie. Pourriez-vous expliciter la portée de l’article 41 du PLF pour 2023 rattaché à la mission « Anciens combattants » ? Ce dispositif, qui permet l’extension de la reconnaissance de la qualité de victime d’actes terroristes aux victimes d’attentats intervenus avant 1982, inclut-il bien les victimes civiles de la guerre d’Algérie, qui, depuis 2018, ne bénéficient plus de pension ?

M. Vincent Bru. La sociologie et les besoins des anciens combattants évoluent fort logiquement avec les années qui passent. Les engagés dans les conflits militaires du XXe siècle sont de moins en moins nombreux, mais nous voyons arriver des anciens combattants issus des opérations extérieures. Mon groupe a pleinement conscience que le temps qui s’écoule rend de plus en plus difficile la transmission de la mémoire. Les témoins disparaissent et les jeunes appréhendent de moins en moins facilement l’histoire, celle que nous ne devons pas oublier pour ne jamais voir se reproduire les conflits meurtriers du siècle dernier. C’est pourquoi, à travers ce lien avec les anciens combattants, nous devons redécouvrir la force morale de notre nation et la cultiver grâce à une action mémorielle attractive, pédagogique et porteuse de sens. Nous avons une responsabilité : celle de raconter. Nous avons un devoir : celui de transmettre.

Comme l’a dit le Président de la République lors de son discours aux armées le 13 juillet dernier, le sens de l’engagement et l’acceptation du sacrifice au profit du bien commun ne se décrètent pas : ils se nourrissent de l’exemple des anciens et des leçons tirées du passé.

Vous l’avez rappelé, la dotation budgétaire en faveur de la mémoire augmente, pour atteindre près de 21 millions. C’est un signal fort à l’égard de nos associations d’anciens combattants et des divers acteurs. Cette transmission du souvenir s’établit en partie lors des commémorations, or, les associations d’anciens combattants me rappellent régulièrement la difficulté qu’elles rencontrent pour trouver des jeunes prêts à participer à ces événements. De quelle manière cette augmentation du budget de la politique de mémoire permettra-t-elle de renforcer le lien avec les jeunes générations ?

Vous avez annoncé l’élargissement de la reconnaissance de la qualité de victime d’acte de terrorisme avant 1982 et je vous en remercie. Cela concerne-t-il également les victimes civiles de la guerre d’Algérie ?

Mme Isabelle Santiago. Nous vivons un tournant historique et, les années passant, le devoir de mémoire devient plus en plus essentiel pour la nation. Les anciens combattants disparaissent peu à peu mais, chaque fois qu’elle est effective, la transmission de cette mémoire vivante est essentielle pour notre jeunesse, comme nous le voyons au sein de nos territoires, où de nouvelles initiatives se font jour – je pense par exemple à la Croix-Rouge, qui amène de jeunes porte-drapeaux. Nous sommes capables d’un tel devoir de mémoire, dût-il être revisité.

Comment répondre aux préoccupations du monde des anciens combattants ? Je suis surprise du peu de cas que l’on fait de la situation des femmes, alors qu’elles ont joué un grand rôle, notamment dans la Résistance. Un plus grand nombre d’entre elles devrait jouer un plus grand rôle au sein de l’éducation nationale. Leurs noms devrait être donnés à des rues ou à des places. L’égalité entre les femmes et les hommes y gagnerait aux yeux des nouvelles générations.

Nous devons répondre aux revendications de nos grandes associations d’anciens combattants concernant la situation des veuves : je pense bien sûr aux pensions de réversion, en particulier dans cette période de tension sur le pouvoir d’achat.

M. Jean-Charles Larsonneur. Depuis 2017, nous avons placé la condition militaire au cœur de nos préoccupations. Un effort important a été consenti en faveur du monde combattant et de nos vétérans et cette politique, je crois, est très largement saluée. En tant qu’élu brestois, je salue les investissements consentis au profit du musée national de la marine – reconstruction de la frégate La Boussole incluse – ainsi qu’au profit du Service historique de la défense dont le site de Brest méritait d’être mieux valorisé et rénové.

Si les sous-mariniers œuvrant à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) bénéficient d’annuités et d’une prime à l’embarquement majorée, les textes en vigueur ne leur reconnaissent pas la qualité de combattants. Pourtant, pour paraphraser le commandant Ramiers dans le film À la poursuite d’Octobre rouge, ils livrent une guerre sous la mer, une guerre sans bataille, une guerre qui n’a laissé aucun monument, rien que des victimes. En l’état, ils sont donc exclus du bénéfice du titre de reconnaissance de la nation (TRN) et de la carte du combattant. Or, au-delà des avantages pécuniaires que procure ce dispositif de reconnaissance et de réparation, il ouvre également droit au port de la médaille de reconnaissance de la nation, au privilège de recouvrir le cercueil d’un drap tricolore ainsi qu’au port de la Croix du combattant. Quelles réponses pouvons-nous apporter à nos vétérans sous-mariniers ? Une réflexion est-elle engagée en leur faveur ?

M. Fabien Roussel. Mon groupe est très heureux qu’il y ait un secrétariat d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Ce lien avec la nation et les anciens combattants est très important et nous y sommes très attachés. J’ai été moi-même rapporteur du budget des anciens combattants pendant trois ans lors de la précédente législature et je sais combien il est très attendu. Je salue les choix qui ont été faits, notamment en faveur des Harkis mais aussi de l’ONACVG, de l’INI et, d’une manière générale, de la mémoire : nous célèbrerons en effet plusieurs anniversaires en 2023, dont celui du CNR, auquel mon parti est très attaché. Tout cela va dans le bon sens, au même titre que l’élargissement du bénéfice de la carte du combattant à la période 1962-1964 – c’est mon collègue Jean-Paul Dufrègne qui avait mené ce combat l’an passé.

Un effort supplémentaire aurait été toutefois bienvenu dans plusieurs domaines. La revalorisation de 3,5 % des pensions militaires d’invalidité dès le 1er janvier 2023 va dans le bon sens mais elle est insuffisante par rapport aux attentes, les associations estimant qu’elle devrait être de 7,5 % compte tenu du retard accumulé depuis dix ans. Nous sommes donc loin du compte, particulièrement dans le contexte d’inflation que nous connaissons.

Je me fais également le porte-parole des associations demandant que la demi-part fiscale soit accordée aux veuves d’anciens combattants dont l’époux est décédé avant 65 ans. Il s’agit d’une juste revendication face à une injustice, à une véritable double peine que subissent 7 000 d’entre elles. Certes, il est toujours difficile d’accorder davantage de moyens dans le cadre d’un budget en diminution, celle-ci s’expliquant par la disparition des anciens combattants, mais il n’en reste pas moins que si nous maintenions le budget, nous disposerions de marges de manœuvre pour satisfaire de justes revendications.

Enfin, je rappelle deux de nos demandes : l’élargissement du nombre de dossiers d’indemnisation des victimes des essais nucléaires en lien avec la loi du 20 septembre 2017 ; l’attribution des bénéfices de campagne dans le cadre de l’égalité des droits et l’extension du bénéfice de la campagne double aux fonctionnaires et assimilés.

Vous m’excuserez de ne pas pouvoir rester pour écouter votre réponse – j’ai un autre engagement – mais je la lirai dans le compte rendu.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Si vous le désirez, je vous l’adresserai par écrit.

M. Fabien Roussel. Avec plaisir. Les associations d’anciens combattants seront heureuses d’en disposer et je me chargerai de la leur communiquer.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Le budget dont vous avez la charge diminue presque mécaniquement. Doté de 1,9 milliard, il a diminué en un an de 150 millions et je sais que cela continuera. Une telle baisse s’explique avant tout par la déflation démographique du monde combattant mais pourquoi ne pas sanctuariser les crédits de cette mission ? Ne serait-il pas possible de flécher les crédits voués à disparaître, par exemple dans une action liée au renforcement du lien entre l’armée et la jeunesse ?

Vous avez confirmé l’extension de la qualité de victime d’acte de terrorisme, ce dont je me félicite, car il était grand temps de mettre fin à cette différence de traitement dans l’accès aux PMI entre les victimes d’attentat selon que celui-ci a eu lieu avant ou après 1982. Cette mesure permettra aussi d’inclure les victimes de la prise d’otages de Loyada en 1976. Vous prévoyez un budget d’1 million pour 2023, mais à combien s’élève le nombre de bénéficiaires potentiels ?

S’agissant de la politique mémorielle, je note un regain de 20,9 millions, dont près de 14 millions pour la restauration et la mise en valeur de notre patrimoine. Je salue cette décision qui redonne des marges de manœuvre à des actions qui ont eu tendance à s’essouffler lors la précédente législature. Notre groupe souhaiterait cependant vous alerter à propos du Mémorial de Verdun, délaissé par l’État. Si l’État est présent dans cet établissement public de coopération culturelle (EPCC) supposé fonctionner à partir d’un partenariat État-collectivités, force est de constater qu’il semble laisser aux élus locaux le soin de prendre en charge les frais.

Je n’oublie pas non plus la revalorisation du point d’indice, les moyens consacrés à l’allocation différentielle, le soutien à l’ONACVG et à ses délégations ainsi qu’à l’INI. Vous avez été par ailleurs un excellent porte-parole s’agissant des devoirs à rendre aux Harkis.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Je me suis appliquée, depuis le 4 juillet, à recevoir de nombreuses associations nationales – presque toutes en fait. Je les ai également rencontrées à chacun de mes déplacements. Le G12 « anciens combattants » regroupe les présidents de dix-sept associations nationales. Lors de nos réunions, nous évaluons la situation, les attentes et les inquiétudes. Les anciens combattants craignent que leurs associations disparaissent avec eux et c’est pourquoi je leur ai proposé de travailler à un projet visant à y faire adhérer les jeunes. La prochaine réunion se tiendra dans trois mois et sera consacrée à ces questions.

Certaines associations ont déjà de bonnes idées. Je pense notamment à l’instauration d’un système de parrains et de neveux : le parrain, porte-drapeau, confierait pour un temps son drapeau à son neveu ; selon les commémorations, l’un ou l’autre porterait le drapeau jusqu’à ce que, peu à peu, le neveu en devienne en quelque sorte le propriétaire. C’est une idée excellente qui, bien évidemment, ne suffit pas.

J’ai examiné avec les associations la possibilité d’aller plus loin tant les anciens combattants demeurent la mémoire vivante de notre histoire de France. Nous devons continuer à collecter cette mémoire. Nous allons donc également mener un travail avec l’ONACVG pour qu’ils puissent écrire mais aussi parler. Nous devons commencer à collecter les éléments qui n’ont pas été verbalisés. Dans une guerre, il y a ce que l’on sait, le conflit de haute intensité, la perspective de la mort mais, aussi, de très belles histoires, celles des vies sauvées, qui doivent être écrites. Je leur ai proposé de mener ces projets pour que nous puissions continuer à collecter, jusqu’à la fin de leur vie, tout ce qu’ils n’ont pas encore dit. Si ce n’est pas à moi de décider, je peux impulser le mouvement. Je les ai mis au défi et je leur ai proposé d’aller plus loin.

Lorsque j’assiste à une commémoration en présence de jeunes, je constate qu’ils sont heureux d’être là. Comment les attirer ? Nous mènerons un travail avec les écoles, les collèges et les lycées. À chaque déplacement, nous dirons les paroles de notre histoire, si douloureuses soient-elles, et nous regarderons celle-ci face.

Plutôt que des « anciens combattants », je préfère parler de « monde combattant ». Certains d’entre eux se sont émus de ce changement tant ils ont eu le sentiment d’avoir déjà disparu mais je leur ai expliqué que, au contraire, cela revenait à les rajeunir : le « monde combattant », c’est aussi la quatrième génération du feu, celle de nos jeunes combattants. Il y a des combattants d’active : 120 jours d’Opex donnent droit à la carte du combattant. Je leur ai donc aussi proposé de travailler sur cette formule. Nous n’avons pas décidé de ne plus l’utiliser mais on peut l’entendre différemment. Nous nous soucions d’eux, qui ont répondu présent, et nous faisons face avec eux à notre histoire pour que la jeunesse la connaisse et que nous ne recommencions pas les erreurs du passé. Voilà le travail que nous mènerons avec les anciens combattants, avec le monde combattant !

Il est en effet souvent question des combattants mais nous avons un projet pour mettre à l’honneur les combattantes d’hier et d’aujourd’hui. Je ne sais pas encore quelle en sera la forme. Un livre de portraits ? Les femmes sont en effet trop absentes alors qu’en période de guerre, elles aussi ont répondu à l’appel, sous de nombreuses formes, sur chaque territoire. Nous pourrons organiser une réunion avec les parlementaires pour mettre en commun nos idées.

J’ai également évoqué la question de la « retraite du combattant » lors du G12 mais je n’apprécie pas cette formule. La retraite suppose en effet d’avoir cotisé, or, tel n’est pas en l’occurrence le cas. J’ai suggéré de privilégier la formule de « reconnaissance du combattant ». Le monde combattant est d’accord pour y réfléchir. Pour l’opinion publique, parfois, les anciens combattants percevraient en effet deux retraites, or, ce n’est pas le cas. Ils n’ont pas deux retraites, mais une reconnaissance leur est octroyée pour avoir été au combat ! Nous devrions y voir plus clair d’ici trois mois.

J’ai demandé une étude détaillée – dont je ne dispose pas encore – pour connaître le nombre exact de veuves susceptibles de se voir accorder la demi-part fiscale. Les seuls chiffres que je connaisse sont ceux des associations : il est tantôt question de 5 000, 7 000 ou 12 000 veuves. Or, j’ai besoin de savoir combien de personnes sont vraiment concernées pour définir un équilibre budgétaire et je ne peux donc pas répondre aujourd’hui à vos questions. Nous allons y travailler. J’ai toutefois rencontré certaines d’entre elles, qui ne souhaitent pas bénéficier de cette demi-part fiscale – limitée à 1 500 euros – au motif qu’il serait gênant de bénéficier d’un avantage dont sont exclues les personnes non imposables, ce que je comprends. Il convient donc de connaître non seulement le nombre de bénéficiaires potentielles mais aussi celui des veuves qui souhaitent bénéficier d’un tel dispositif. Cela demandera un peu de temps et je pense que nous y reviendrons dans le cadre du PLF pour 2024.

S’agissant du point de PMI, une véritable victoire a été remportée. Le 1er juillet 2022, vous avez acté sa revalorisation mais cette date ne permettait pas d’appliquer la mesure au 1er janvier 2023 – elle ne l’aurait été qu’au 1er janvier 2024. Avec mon directeur de cabinet et mon équipe, nous avons été défendre ce dossier à Matignon en pointant une incohérence et en expliquant qu’il n’était pas possible de procéder ainsi alors même qu’il n’y avait pas de rétroactivité. Nous avons donc été entendus : la Première ministre et le Président de la République ont accordé la revalorisation du point dès le 1er janvier 2023. C’était la première demande de toutes les associations du monde combattant. Vous me dites qu’il faut aller plus loin. Nous aviserons, en mettant un pied devant l’autre. Nous avons déjà à notre actif une belle victoire collective et nous pouvons nous féliciter d’avoir répondu à cette demande qui me paraissait très légitime. Cette revalorisation du point de PMI coûtera tout de même 41,6 millions, qu’il a bien fallu trouver.

L’article 41 du PLF 2023 élargit les pensions aux victimes d’actes de terrorisme avant 1982. La loi de 1986 relative à la lutte contre le terrorisme fixant ce terme prescrit que ces victimes doivent être soit françaises ou présentes sur le sol français lors de l’attentat. Avec cette mesure, le Gouvernement entend supprimer une inégalité de traitement injustifiée et ouvre un droit nouveau. En revanche, il n’entend pas revenir sur la forclusion résultant de la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 concernant les nouvelles demandes d’indemnisation pour les victimes ayant subi des attentats en relation avec la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962, ce droit étant ouvert de 1962 à 2018. Nous ne reviendrons pas sur cette disposition mais il va de soi que le versement des pensions aux victimes ayant déposé leur demande avant la date de la forclusion demeure.

Nous comptons en effet de grandes et belles figures féminines, de combattantes de l’ombre qui doivent être mises en lumière.

La loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 attribue la carte du combattant aux militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi qu’aux personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d’unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations en mission menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. Ces dispositions sont codifiées à l’article L. 312-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Il convient en effet de distinguer la posture opérationnelle, qui est remplie par les SNLE, et la posture de guerre, laquelle doit impérativement réunir les critères que je viens de rappeler car il en va de la cohérence de notre doctrine de reconnaissance à l’endroit de ceux qui participent effectivement à un conflit. En raison de leur mission, les SNLE n’ont pas vocation à être actuellement engagés dans des conflits visés par les textes ouvrant droit à la carte du combattant ou au titre de TRN. Cette question ne se pose pas pour les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) dès lors que leur engagement dans une opération extérieure est indiqué par la marine nationale. Dès lors, les personnels des SNA sont éligibles à la carte du combattant et au TRN sous réserve de satisfaire aux critères définis par le règlement en vigueur, soit 120 jours de présence en Opex ou autres conditions de droit commun. Il n’est pas rare de délivrer ces cartes et titres aux personnels des SNA, lesquels sont souvent titulaires de jours de présence en unité combattante ou en action de feu et de combat. Je comprends toutefois votre inquiétude et je me pencherai sur ce problème avec les services concernés.

Je répondrai donc par écrit à M. Roussel à propos du dossier relatif à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, suivi par les services du Premier ministre. Nous proposerons également de nouvelles actions afin que le budget du ministère des anciens combattants et de la mémoire soit maintenu.

Le Mémorial de Verdun a été érigé en 1967 – sous l’égide de Maurice Genevoix, alors président du comité national du souvenir de Verdun (CNSV) – sur les ruines du village de Fleury-devant-Douaumont. Il accueille un public aux attentes variées – anciens combattants, scolaires, étudiants, érudits ou simples visiteurs – qui découvrent l’histoire de cette bataille emblématique à travers des collections sans cesse enrichies. Dans le cadre des commémorations du centenaire de Verdun, en 2016, le CNSV, soutenu par le conseil départemental de la Meuse, a souhaité lancer un ambitieux programme de requalification du Mémorial, ce qui passait notamment par sa transformation en site majeur de la grande guerre. Depuis, la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) a contribué financièrement à trois expositions temporaires : en 2019, Verdun - 7 millions ! Les soldats prisonniers de la Grande Guerre ; en 2021, « On ne passe pas ! » : Les fortifications du système Séré de Rivières à la ligne Maginot ; en 2022, ART /ENFER : créer à Verdun 1914-1918. La DMCA a apporté à l’EPCC Mémorial de Verdun-Champ de bataille des accompagnements financiers à hauteur de 21 000 euros. Le Mémorial fait partie du réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains animé par la DMCA. Vous avez évoqué sa rénovation mais celui-ci ne relève pas de nous : tout au plus pouvons-nous accompagner les travaux.

S’agissant du nombre de personnes concernées par l’extension de la notion de victimes d’acte de terrorisme, nous dénombrons selon l’étude d’impact que nous avons menée 40 personnes décédées et 200 blessés.

S’agissant des actions de soutien à l’enseignement de défense, la DMCA accorde une subvention d’environ 400 000 euros par an pour 1 000 projets environ. Un apport est également octroyé à des projets de classes, dont certains – je songe en particulier aux opérations Héritiers de Mémoire – sont valorisés par l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD). Chaque fois que nous le pouvons, nous organisons des actions en direction de la jeunesse. La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de remettre des prix dans le cadre du projet Bulles de mémoire, mené par des classes de troisième. Cette année, le thème de la guerre avait été choisi – première ou deuxième guerre mondiale, guerre d’Algérie –, sur lequel les jeunes ont réalisé une bande dessinée ; ils peuvent également réaliser des jeux vidéo. Nous continuerons de soutenir ces actions, mon ministère étant donc le deuxième acteur culturel de l’État, tout en adaptant et en modernisant nos actions.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Corinne Vignon. L’ONACVG doit faire face à l’augmentation du nombre d’adoptions d’enfants en raison de différentes attaques terroristes qui ont touché notre sol et des psycho-traumatismes de militaires revenus d’opérations extérieures. Cette prise en charge sur le budget de solidarité de l’Office grève l’aide aux anciens combattants et aux veuves survivantes, de plus en plus nombreuses en raison du décès massif d’anciens combattants de la guerre d’Algérie. Pour l’année 2022, dans mon département, le budget consacré aux pupilles de la nation s’élèvera à 80 000 euros environ. Or, l’Office de mon département dépense environ 50 000 euros en allocations trimestrielles, 15 000 euros en frais spécifiques et 14 000 euros en étrennes, autant de dépenses normales. Les dépenses spécifiques comprennent les frais médicaux ou celles liées aux études des pupilles de la nation. D’ailleurs, le statut de pupille de la nation n’est pas pris en compte dans le système d’attribution des bourses, ni pour la prise en charge des frais médicaux ou des consultations auprès d’un psychologue.

L’ONACVG devra faire face de surcroît à la prise en charge de pupilles mineurs victimes de stress post-traumatique : enfants de policiers ou de fonctionnaires décédés dans l’exercice de leur fonction et, peut-être, enfants de soignants disparus au cours de la crise de la covid-19. Il convient donc de budgéter des crédits destinés aux pupilles afin de soutenir les ayants droit âgés, les jeunes anciens combattants et les victimes.

Mme Michèle Martinez. Le délégué national de la Fédération nationale des rapatriés a appelé mon attention sur la situation de vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun. À l’occasion de la fenêtre juridique ouverte entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, ils ont formulé ou renouvelé leur demande d’allocation de reconnaissance. Or, ils n’ont pas reçu de réponse – ou alors, négative – et ils n’ont pas eu le courage d’engager un recours pour des raisons financières ou par méconnaissance du droit administratif. En raison de leur âge ou de leurs moyens financiers, ils n’ont pas l’énergie pour engager une procédure contentieuse et faire entendre leur voix. Les associations de rapatriés ne demandent qu’une chose : que l’État respecte la loi et indemnise ses rapatriés. Les personnes qui ont reçu une réponse négative et engagé un recours ont obtenu gain de cause, notamment devant le Conseil d’État, qui a enjoint l’État à verser une indemnité aux demandeurs. Quand comptez-vous ordonner à votre administration de reconsidérer le cas de ces vingt-cinq personnes, qui ont combattu pour la France au péril de leur vie ?

M. Emmanuel Fernandes. Je souhaite aborder une question qui, après 80 ans, ravive une plaie profonde que l’on porte malgré soi lorsqu’on est issu, comme c’est mon cas, de Moselle ou d’Alsace : celle des incorporés de force ou « Malgré-nous ».

Ne pouvant échapper à une conscription forcée dans l’armée allemande durant la seconde guerre mondiale, ils sont morts par dizaines de milliers, principalement sur le front de l’est, laissant derrière eux des milliers d’orphelins. Une partie d’entre eux, dont on ne peut estimer précisément le nombre, se dressèrent contre les Allemands : les rébellions en caserne ou sur le champ de bataille furent fréquentes. Nombre d’incorporés de force furent également emprisonnés par les Russes, incarcérés dans des conditions épouvantables dans des camps comme ceux de Tambov ou Kirsanov, d’où beaucoup ne revinrent jamais. Des milliers d’orphelins de guerre sont donc pupilles de la nation mais ne bénéficient pas des indemnisations prévues par les décrets 2 000-657 du 13 juillet 2000 et 2004-751 du 27 juillet 2004.

Comment expliquer cette criante injustice ? Pourquoi persister dans une exclusion qui renforce leur sentiment d’être des oubliés de l’histoire ? Le devoir mémoriel appelle une reconnaissance spécifique des « Malgré-nous » mais, également, des « Malgré-elles », ces femmes originaires d’Alsace et de Moselle – environ 15 000 – qui ont été enrôlées de force dans différentes structures nazies entre 1942 et 1945. Traiterez-vous avec justice leurs orphelins – aujourd’hui, quelques centaines – en leur octroyant une réparation identique à celle prévue par les décrets que je viens de citer ?

M. Jean-Louis Thiériot. Je sais, pour avoir travaillé avec vous au rapport d’information sur la préparation à la haute intensité, toute l’importance que vous accordez aux liens entre l’armée, la nation et la jeunesse ainsi qu’à la résilience. Nous disposons d’un outil remarquable, celui des classes de défense. Quelle vision en avez-vous ? Comment faire en sorte qu’elles se développent, compte tenu d’un manque de moyens pour mener à bien un certain nombre de projets, comme je le constate régulièrement dans mon territoire de Seine-et-Marne – je pense en particulier aux moyens de déplacements ? Trois classes de défense auraient pourtant souhaité se rendre à Verdun. Le département de Seine-et-Marne a mobilisé quelques subsides dans le cadre de projets pédagogiques pour permettre ces déplacements mais cela résulte de la volonté de la collectivité territoriale. Comment donner des moyens à ces classes de défense pour que le tourisme de la mémoire, qui fonde le devoir de mémoire, puisse se développer ? Un enfant qui a vu le fort de Douaumont n’en sort pas indemne et prend mieux la mesure de ce qu’ont vécu Ceux de 14.

M. Yannick Favennec-Bécot. Vous avez en partie répondu à la question que je souhaitais vous poser concernant la demi-part fiscale accordée aux veuves, préoccupation que partage tous les groupes parlementaires tant l’inégalité fiscale est en l’occurrence patente. Une étude est donc en cours pour évaluer le nombre de veuves concernées et je compte sur vous pour nous en rendre compte. Quand sera-t-elle rendue ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. Je l’ignore encore, mais je ne manquerai pas de vous faire part de ses conclusions.

S’agissant des crédits consacrés aux pupilles de la nation, je suis en mesure de vous rassurer. La directrice de l’ONACVG le sait : lorsque des besoins se font jour, nous réajustons et adaptons systématiquement les crédits. Nous ne laisserons pas l’ONACVG sans moyens et, dans tous les territoires, il sera au rendez-vous. Lorsqu’on adopte un enfant, on se doit d’être à la hauteur : c’est une ardente obligation à laquelle je veillerai.

Je vais demander que les dossiers de ces vingt-cinq personnes me soient soumis afin de les étudier et de comprendre les raisons de ces refus. Si certains appellent une réponse positive, nous travaillerons pour qu’il en soit ainsi.

Il n’est pas prévu d’étendre les dispositions des décrets de 2000 et de 2004 concernant les enfants et les victimes de la Shoah mais ce travail doit être probablement mené afin d’examiner ce qu’il est possible de faire.

J’apprécie beaucoup les Cadets de la défense et les Cadets de la gendarmerie. Souvent, ils assurent y entrer par curiosité, parce qu’ils ignorent certaines choses, parce que leurs parents n’ont pas fait de service militaire et que la République leur paraît lointaine. Ensuite, ils sont fiers de leur uniforme, qui les met sur un pied d’égalité. De plus, quelles que soient leur origine sociale ou leur religion, tous affirment que cette expérience les enracine au sein de la nation.

C’est aux collèges et aux lycées de demander la création de classes de défense : nous, nous sommes preneurs ! Nous devons également développer le tourisme mémoriel et les déplacements que vous avez évoqués afin de faire vivre ce secrétariat d’État. Nous n’apprenons pas la mémoire aux anciens ; ce sont eux qui nous l’apprennent et qui la transmettent aux plus jeunes.

M. José Gonzalez. Le 23 février 2022, le Gouvernement a promulgué une loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les Harkis, les Moghaznis et autres supplétifs ainsi que par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leur famille, en raison des conditions de leur accueil sur le territoire français.

Si cette loi ne mentionnait pas ceux qui, parmi les enfants des Harkis recensés comme pupilles de la nation, n’avaient jamais séjourné dans les camps d’accueil réservés aux Harkis, je m’aperçois à la lecture du PLF pour 2023 que ces derniers n’y sont pas plus considérés. Comment prétendre réparer l’ostracisme dont sont victimes les Harkis et leurs familles lorsque cette réparation est elle-même discriminatoire pour la plupart d’entre eux ? Si l’échelle des souffrances sur laquelle se fonde cette décision est très discutable, il est d’autant plus regrettable que ces enfants de Harkis ne soient pas concernés par cette indemnisation alors qu’ils comptent au nombre de ceux qui ont le plus souffert de leur abandon par la France.

M. François Piquemal. Une tribune parue dans Le Monde le 25 septembre dernier et signée par les historiens Annette Becker, Julian Jackson,

Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka dénoncent le projet de lieu de mémoire surnommé d’abord « D-Day Land » puis « L’hommage aux héros ». Pourquoi des historiennes et historiens, ainsi qu’un collectif de descendants des membres du commando Kieffer, s’insurgent-ils contre un projet mémoriel ? Selon eux, ce projet n’intègre pas suffisamment les circonstances historiques. Ils dénoncent une initiative de fonds privés, bien éloignée des institutions publiques et des responsables des actions de politique mémorielle, pour un événement historique aussi important pour la France et pour le monde.

Le problème, ce n’est pas tant que ce projet vise à être un remake d’Il faut sauver le soldat Ryan – Spielberg en moins ! – mais qu’il ne tend pas à éclairer les esprits sur les enjeux profonds de la seconde guerre mondiale ; il passe sous silence la faillite initiale des démocraties française et britannique, incapables de stopper la dictature nazie lorsqu’elles en avaient les moyens, pendant les années 1930, alors que l’extrême droite, comme aujourd’hui, gagnait du terrain. La guerre, même si nous apprécions les jeux vidéo, ce n’est pas Call of duty : c’est avant tout un drame qui touche les civils et les militaires. En se focalisant sur l’héroïsme des soldats libérateurs, le projet efface paradoxalement la violence qui constitue pourtant l’essence même de la guerre pour ceux qui la font ou qui la subissent.

L’État entretient et finance dix hauts lieux de mémoire et deux-cent-soixante-quinze nécropoles sur tout le territoire national. Il doit veiller à l’organisation d’actions pédagogiques et citoyennes, nationales et locales, adaptées au public scolaire, à la jeunesse, à tous les citoyens à travers des programmes et des projets de transmission et de réflexion construits autour de la mémoire des grands conflits. Comment l’État peut-il laisser un tel lieu de mémoire national et mondial faire l’objet d’un tel business ?

M. Julien Rancoule. Le Rassemblement national est très soucieux de la prise en charge et d’un meilleur suivi de nos blessés. La représentation nationale a le devoir de travailler à l’amélioration de la condition militaire et des blessés : il en va à la fois de la reconnaissance de la nation et des grandeurs et servitudes du métier des armes. C’est également ainsi que nous assurerons aux armées l’attractivité et la fidélisation des engagements. En 2019, le treizième rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a pointé l’augmentation importante du nombre de blessés psychiques liée à l’intensification et à la dureté croissante des engagements en opération extérieure. D’après les chiffres du ministère des armées, 2 800 militaires français souffrant de blessures psychiques ont été recensés entre 2010 et 2019, dont 231 pour la seule année 2019.

Un traumatisme psychique se traduit en général par une réaction aigüe qui peut se prolonger par des troubles de la réadaptation : névrose traumatique, sinistrose, syndrome subjectif post-traumatique, cauchemars, étourdissements, vertiges, acouphènes… Compte tenu du succès des trois premières maisons Athos, nous devons nous interroger sur les moyens de développer un tel dispositif. Quelles sont nos marges de manœuvre en la matière ? Trop de régions, dont l’Occitanie, où vivent plus de 20 000 personnels civils et militaires, n’en bénéficient pas. Quelles sont les perspectives d’évolution du projet Athos au-delà de 2023 ? Chaque région a-t-elle vocation à accueillir une maison Athos sur son territoire ?

Mme Martine Etienne. En 2019, nous comptions près de 2 800 militaires souffrant de blessures psychiques. Si leur prise en charge, depuis trente ans, est un enjeu fondamental, ces militaires peinent à bénéficier d’une pension – je m’appuie sur le rapport d’information sur le suivi des blessés établi en 2019 et sur la proposition de loi déposée par notre groupe en mars 2021.

S’il veut obtenir la pension qui lui est due, un militaire souffrant d’une blessure psychique doit prendre un rendez-vous avec le médecin du service de santé des armées (SSA), se soumettre à une consultation médicale, disposer d’un diagnostic posé par ce même médecin, obtenir l’homologation dudit diagnostic et formuler une demande de pension en s’assurant de fournir tous les documents nécessaires.

Les blessures psychiques doivent être traitées directement pour faciliter leur guérison mais le délai pour l’octroi d’une pension est aujourd’hui trop long, alors que la première étape de la guérison repose souvent sur la reconnaissance de ce dommage par l’institution et par le blessé lui-même. Ainsi, pour garantir l’effectivité du droit à la présomption d’imputabilité au service des blessures psychiques,               ne serait-il pas envisageable d’alléger ce trop lourd processus en conditionnant l’ouverture des droits au seul diagnostic de la blessure effectué par le médecin du SSA ?

Enfin, face à l’augmentation des besoins, le PLF pour 2023 prévoit 2,9 millions pour la création de deux nouvelles maisons Athos, ce qui représente cent prises en charge supplémentaires de militaires victimes de traumatismes psychologiques. Ces moyens demeurent très faibles pour couvrir l’ensemble des besoins, notamment face à l’intensification et à la dureté croissante des engagements récents de l’armée. Quelles structures et quels programmes seront-ils créés au sein du SSA pour accompagner les militaires de retour de mission et identifier les symptômes existants ?

M. Lionel Royer-Perreaut. Le budget de la politique mémorielle augmente considérablement puisqu’il passe de 17 à 21 millions. Le Gouvernement témoigne ainsi d’une volonté ambitieuse.

Un monument est consacré à la mémoire des 549 morts pour la France en Opex. Où en sont les réflexions autour de la quatrième génération du feu ?

Nos associations d’anciens combattants rencontrent de plus en plus de difficultés pour trouver des porte-drapeaux. Les jeunes qui s’investissent dans les établissements d’insertion pour la défense (Epid) ne pourraient-ils pas être mieux associés aux manifestations mémorielles, comme c’est notamment le cas à Marseille ? Le tutorat ou le parrainage ne se prêteraient-ils pas à une démarche plus proactive pour eux ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État. J’ai rapporté le projet de loi voté en février 2022. Vous savez que l’on ne fait pas toujours ce que l’on veut. Je regrette amèrement que nous ayons été si peu nombreux dans l’hémicycle pour en discuter, que certains groupes politiques aient voté contre et que d’autres se soient abstenus. Mener un combat et regarder son histoire en face suppose d’avoir le courage des commencements. Je l’ai dit aux Harkis : je ne suis pas responsable de leur colère mais je les connais, j’ai vécu avec eux – vous savez que je suis moi aussi une fille de rapatriés – et il est possible de travailler sur cette douleur.

J’ai fait voter deux amendements, dont l’un permettant à la commission Bockel de commencer à travailler tant nous manquions de certaines informations. À Avignon, l’ONACVG m’a informée que des familles de Harkis avaient vécu dans un camp bien plus longtemps que nous le pensions. L’Office a donc effectué des recherches auprès des archives départementales et a pu prouver que le hameau avait été habité neuf ans de plus que ce que croyait l’administration. Cela ne réparera certes jamais la totalité du préjudice subi mais une aide supplémentaire de 9 000 euros a été débloquée. La commission Bockel a le devoir de traiter chaque cas particulier. C’est ce que nous faisons et que nous continuerons à faire, cette commission traitant en priorité les dossiers des Harkis les plus âgés. Les dossiers ont été déposés à partir de mars 2022 : si les personnes viennent à décéder, les paiements seront effectués auprès de leur famille. Nous le leur devons.

Cette loi se fonde sur l’accueil qui a été fait aux Harkis en France. À Montpellier, que je connais bien, les camps étaient tous ouverts. Chez moi, les Harkis n’ont pas droit à cette réparation mais la commission Bockel, sur la base de faits, de photographies et d’autres éléments, peut prouver les souffrances subies et c’est sur cette base que chaque cas peut être traité.

Nous avons procédé par étapes. Le Conseil d’État a validé le principe d’une indemnisation comprise entre 2 000 et 16 000 ou 17 000 euros ; la commission travaille. Je félicite les agents de l’ONACVG pour leur dévouement, que j’ai pu mesurer à Caen. Les dossiers n’étant pas tous dématérialisés, leur travail est considérable. J’ai aussi demandé à l’ONACVG de déployer davantage de moyens. La loi a donc été votée mais nous continuons notre travail – je rencontre d’ailleurs souvent M. Bockel.

Le projet « L’hommage aux héros » est défendu par une collectivité. Élu au suffrage universel, le maire est en droit d’entreprendre ce qu’il souhaite, comme c’est par exemple le cas au Puy du Fou. En ce qui me concerne, je ne saurais prendre position : je ne suis ni maire, ni adjointe au maire de cette commune. Le principe d’autonomie des collectivités territoriales est constitutionnel : je me dois de le respecter. L’approche de ce projet semble vous heurter mais peut-être n’en est-il pas de même pour notre jeunesse, qui peut ainsi appréhender l’histoire ? Le projet existe mais peut-être peut-on aussi proposer à la jeunesse un parcours différent ?

Pendant cinq ans, j’ai beaucoup travaillé avec les blessés. J’ai soutenu un seul amendement à la loi de programmation militaire, auquel je tenais particulièrement et qui concernait les blessés psychiques, dont il n’était alors pas question. Désormais, la loi fait état à la fois des blessés physiques et psychiques.

Les maisons Athos sont issues d’un travail mené par l’armée de terre mais celle-ci n’a pas vocation à continuer à les gérer. Nous reprendrons cette tâche avec notre opérateur historique, l’ONACVG. Un général y a beaucoup travaillé mais nous devons aller plus loin car les maisons Athos doivent aussi devenir des maisons de répit pour les familles. Les blessés sont suivis par le SSA mais des problèmes se posent, lors des mutations, car les soldats ne sont plus accompagnés par le médecin qui les connaît, celui auquel ils ont raconté leur douloureuse histoire. Nous réfléchissons à la possibilité de signer une convention avec des médecins civils pour prendre en charge les blessés du début à la fin du processus.

Nous devons travailler à la reconnaissance et à la réparation à la source en allant vers le blessé. Parfois, le blessé psychique ne se rend pas compte de son état mais des symptômes peuvent alerter les familles. Nous devons donc pouvoir disposer de fiches, comme la Haute Autorité de santé. Nous devons aussi travailler sur ces problèmes dans le cadre de la formation du militaire. J’y mettrai tout mon cœur, vous pouvez compter sur moi.

Si nous devons déployer des maisons Athos ailleurs, nous le ferons. J’avais d’ailleurs proposé d’en ouvrir une à Palavas-les-Flots, puisque vous évoquiez l’Occitanie et le Languedoc… Comptez donc sur moi pour qu’aucun soldat ne soit oublié et pour que chaque blessé soit pris en compte.

Nous avons beaucoup travaillé, dans le domaine civil, en faveur des personnes handicapées. Désormais, nous appliquerons les mesures qui ont été prises au domaine militaire. Par exemple, un militaire amputé n’aura pas à redemander régulièrement sa carte à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Je souhaite une égalité de traitement et si nous pouvons faire encore mieux, nous le ferons.

Le monument en hommage aux soldats tombés en Opex est magnifique. Nos soldats sont morts mais leur mémoire doit rester vivante. Notre jeunesse et chaque visiteur doivent comprendre sa raison d’être et les motifs de nos engagements extérieurs comme, dernièrement, l’opération Barkhane : si nous allons nous battre dans de lointains pays, c’est aussi pour éviter que des attentats terroristes se produisent sur notre sol. Ce monument doit vivre. J’ai une idée précise mais je ne sais pas encore si elle est réalisable. J’ai commandé une étude et si mon projet voit le jour, vous serez heureux d’y travailler.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie.

Cette audition très riche témoigne que votre engagement en tant que secrétaire d’État se situe dans la continuité de votre travail parlementaire – ce que, en tant que députés, nous apprécions.

Nous poursuivrons nos travaux demain avec l’audition des principales associations d’anciens combattants, le fameux G12, qui en compte dix-sept.


II.   Audition de représentants d’associations d’anciens combattants

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du 5 octobre 2022.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/Cok6Xt


 

III.   Examen des crédits

 

La commission de la Défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2023, au cours de sa réunion du 19 octobre 2022.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le budget qui nous est soumis pour examen est respectueux du monde combattant, même si des améliorations pourraient être envisagées. Il préserve et consolide l’existant, tout en introduisant des mesures nouvelles. Après l’évolution de la maquette budgétaire, la mission se divise en deux programmes distincts. Le programme 169, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation, relevant du ministère des armées, s’adresse au monde combattant, à la jeunesse et à l’ensemble de la société française. Il offre une vision globale des politiques concourant au lien entre l’armée et la nation. Le programme 158, indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, relève de la Première ministre. Dotés de près d’1,9 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), les montants alloués aux deux programmes diminuent de 7,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette baisse n’est toutefois que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère.

Lors des auditions que j’ai réalisées, le monde combattant a exprimé des inquiétudes et des revendications concernant la valeur du point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI). Dans un contexte d’inflation généralisée, cette question a pris une place plus particulière encore. La revalorisation de 3,5 % du point de PMI, promise par la secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire lors de son audition par notre commission le 4 octobre, et qui devrait intervenir par décret le 1er janvier 2023 afin de tenir compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022, permettra de répondre en partie aux attentes des associations.

Par ailleurs, le PLF 2023 contient un certain nombre de mesures nouvelles, et notamment l’extension du droit à pension aux victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982, pour un coût prévisionnel d’1 million d’euros. Je me réjouis que soit mis fin à l’injustice d’une différence de traitement entre les victimes d’attentats ne reposant sur aucun critère objectif.

Autre mesure attendue : la pérennisation des maisons Athos, pour un montant de 2,9 millions. Pour prendre en compte cette évolution, l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) voit sa subvention pour charge de services publics portée à 60 millions d’euros, soit une hausse de 6,8 %. En matière de solidarité figurant à l’action 3 du programme, la subvention accordée à l’ONACVG pour financer son action sociale a été sanctuarisée à hauteur de 25 millions d’euros, conformément aux demandes des associations d’anciens combattants.

L’effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés se poursuit et s’intensifie avec près de 101 millions d’euros inscrits à l’action 7 de la mission. Le montant de l’allocation viagère et de l’allocation de reconnaissance, porté à 8 390 euros par an, a doublé à compter du 1er janvier 2022, signe de l’attention prêtée à la situation des harkis et des rapatriés. Ces deux dispositifs font l’objet de revalorisations mécaniques chaque année, en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Par ailleurs, le budget 2023 prévoit un financement important de 60 millions d’euros – en augmentation de 14 millions – au titre du droit à réparation créé par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leur famille. Le budget 2023 tiendra cette promesse.

Je salue la rapidité avec laquelle la Commission Bockel s’est mise au travail. Néanmoins, entre 40 000 et 50 000 des 90 000 harkis et membres de leur famille arrivés en France ne peuvent prétendre à indemnisation, car ils ont séjourné en dehors des camps et hameaux de forestage, en milieu ouvert. Je suis donc favorable à une extension de la liste des structures donnant droit à réparation et je demeurerai attentive aux propositions que pourra formuler la commission dans son premier rapport.

Concernant le projet de budget pour la politique de mémoire, je souligne l’effort de 3,7 millions d’euros portant les crédits de l’action 9 à 20,9 millions d’euros, dont 13,6 millions consacrés à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine mémoriel.

Le budget 2023 de la politique en faveur de la jeunesse s’établit à 24,6 millions d’euros, en hausse de 4 %. L’augmentation des crédits consacrés à l’organisation de la journée défense et citoyenneté (JDC) s’explique pour l’essentiel par la hausse attendue du nombre de jeunes et par la prise en compte de l’inflation des coûts de transport et d’alimentation. 3,3 millions d’euros sont consacrés au service militaire volontaire (SMV).

Enfin, s’agissant de la demi-part fiscale accordée au conjoint survivant, et le plus souvent aux veuves d’anciens combattants, la secrétaire d’État a fait part de son engagement, en annonçant une évaluation du nombre de personnes concernées.

J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport au SMV, qui, encore méconnu, constitue pourtant une vraie réussite qu’il convient de valoriser davantage. Outil militaire d’inclusion sociale et territoriale expérimenté à partir de 2015, puis pérennisé dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, le SMV s’adresse aux jeunes adultes de la République en situation de rupture, mais en quête de structuration personnelle, professionnelle et citoyenne. Depuis sa création, plus de 7 000 jeunes ont rejoint ses rangs. En 2022, le SMV devrait accueillir et former 1 300 volontaires sous le double statut de militaires et de stagiaires de la formation professionnelle. Le SMV a conduit à un taux d’insertion professionnelle de 82 % en 2021, dont 55 % dans un emploi durable, ainsi qu’à un taux de réussite au brevet militaire de conduite de 70 %.

Toutefois, plusieurs améliorations pourraient être proposées, notamment dans le recrutement des jeunes et l’harmonisation des contributions régionales complémentaires visant à assurer une solde minimum aux volontaires. En effet, c’est parce que la rémunération est très, voire trop faible – 313 € net par mois – et très variable d’une région à l’autre qu’en 2022 l’objectif ambitieux de 1 500 jeunes a été réduit à 1 300. À cela s’ajoute la concurrence d’autres dispositifs d’insertion comme les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide).

En outre, à moyens constants, il n’apparaît pas possible d’accroître le nombre de centres. Dans son format actuel, le SMV atteint ses limites de soutenabilité. Une réflexion doit être menée quant à l’ambition initiale d’étendre le dispositif à tout le territoire, d’autant que les militaires n’ont pas vocation à régler le problème de l’insertion professionnelle des jeunes défavorisés.

Enfin, une attention particulière doit être portée à la coordination des dispositifs du ministère des armées en faveur de la jeunesse, au risque d’une perte de cohérence globale. Le plan « ambition armées – jeunesse » a pour ambition d’instaurer un parcours cohérent par tranche d’âge entre les jeunes et les armées, en coordonnant les dispositifs existants en un seul et même parcours.

J’insiste encore une fois sur l’importance de l’existence d’une volonté du pouvoir politique afin de faire en sorte que ce dispositif rencontre le succès qu’il mérite en raison de sa portée et de son caractère de militarité que saluent tant le personnel militaire que les jeunes volontaires que nous avons rencontrés.

J’exprime un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants mémoire et liens avec la Nation » pour 2023.

M. Loïc Kervran (HOR). Certains des dispositifs que vous avez mentionnés sont liés à des listes, définissant par exemple les opérations reconnues comme extérieures ou les lieux ouvrant droit à compensation pour les harkis. Il nous est régulièrement demandé d’en étendre le périmètre. Serait-il possible que les dispositifs soient plus globaux afin d’y intégrer de nouveaux bénéficiaires ?

M. Benoît Bordat (RE). Pouvez-vous dresser un premier bilan de la loi relative aux harkis ? Quel est le nombre de décisions rendues par la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis ?

Pour la deuxième année consécutive, ce droit à réparation sera financé à hauteur de 60 millions d’euros. Comment ces crédits seront-ils répartis ?

M. Christophe Blanchet (Dem). Votre réflexion sur le SMV concerne notamment les accords passés avec les régions. Il existe sept SMV en France. Quelles sont les limites à l’extension de ce dispositif ? Comment rendre le SMV obligatoire dans chaque région ?

Vous n’avez pas évoqué le SNU, qui participe pourtant au lien armée-nation et au devoir de mémoire. Comment relier les centres SMV aux centres régionaux du SNU ?

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Comme chaque année, on justifie la baisse du budget alloué aux anciens combattants par la diminution du nombre de ressortissants de l’ONACVG. Ne serait-il pas pertinent de le conserver à la même hauteur pour accorder plus de droits à ses bénéficiaires ou encore de mieux traiter les blessés et les conjoints d’anciens combattants ?

Vous avez salué la création d’une nouvelle maison Athos. Ne faudrait-il pas simplifier la procédure de reconnaissance du statut de blessé psychique, alors que de plus en plus de soldats sont concernés, en raison, notamment, des opérations extérieures au Mali ? Cela permettrait de faciliter leur accès aux soins et à leurs droits.

Plusieurs veuves d’anciens combattants de mon département m’ont fait part de difficultés à faire valoir leur droit à la demi-part fiscale supplémentaire ouvert par la décision de l’Assemblée nationale en 2020. S’agit-il d’un phénomène récurrent ou spécifique à la Seine –Saint-Denis ?

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). Les crédits prévus au titre de la demi-part fiscale des veuves d’anciens combattants sont-ils sanctuarisés dans le PLF, même en cas de recours à l’article 49.3 de la Constitution ?

Le budget est de nouveau en baisse en raison de la disparition des anciens combattants. Or maintenir un budget à niveau constant permettrait de répondre à plusieurs revendications, notamment à celle de l’augmentation du point de PMI pour rattraper la perte de pouvoir d’achat des anciens combattants liée à l’inflation.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La liste des harkis bénéficiaires de l’indemnisation est fixée par décret et examinée par la commission Bockel. Un travail pour étendre cette liste est mené par des historiens. Je considère comme vous que nous devrions pouvoir indemniser plus de personnes.

Monsieur Bordat, nous avons auditionné la commission Bockel. Au 28 septembre, sur 21 000 demandes, 3 041 dossiers avaient été traités, dont 2 953 ont fait l’objet d’une réponse favorable, pour un montant de 25 millions d’euros et une indemnisation moyenne de 8 592 euros. L’avancement des travaux de cette commission paraît donc satisfaisant, et il permettra d’indemniser davantage de personnes.

Le dispositif du SMV est également satisfaisant, nous l’avons constaté en nous rendant dans un centre pour rencontrer des jeunes et le général qui en a la charge. Toutefois, ce dispositif a des limites. Il nécessite un encadrement militaire des jeunes en difficulté. Or, cette tâche ne relève pas des missions traditionnellement affectées aux militaires et de nouveaux recrutements permettraient difficilement de remédier à cette difficulté. Par conséquent, nous devons réfléchir aux moyens de faire évoluer ce dispositif, si c’est notre souhait puisque d’autres dispositifs en lien avec nos armées ciblent également la jeunesse. Par ailleurs, le problème principal soulevé par le SMV réside dans les disparités de rémunérations, qui varient de 300 à près de 1 000 euros selon la région dont sont issus les jeunes. L’harmonisation du système de rémunération devrait contribuer à l’attractivité du SMV. Ainsi, si je salue ce dispositif, il me paraît nécessaire de réfléchir aux moyens d’encadrer les jeunes, car les armées ne peuvent s’en charger.

Je ne me suis pas attardée sur le SNU, car ce dispositif ne relève pas de notre programme.

Monsieur Lachaud, les budgets diminuent en raison de la disparition des anciens combattants. Il serait bien entendu souhaitable de conserver un budget constant, mais les crédits sont limités. D’autres dispositifs ciblant la jeunesse existent. Les auditions que j’ai menées ont montré que ce budget est à la hauteur des demandes des anciens combattants.

Concernant les maisons Athos, une convention menée avec le service de santé des armées (SSA) facilitera l’accès aux soins. Le dispositif évoluera. Des maisons sont en construction. Les militaires se disent satisfaits de leur prise en charge. Les auditions réalisées me conduisent à juger qu’il s’agit d’un dispositif prometteur.

Monsieur Roussel, un amendement sur la demi-part fiscale a été voté au début du PLF. En outre, la ministre avait indiqué lors de son audition qu’elle mènerait une étude pour évaluer le nombre de personnes concernées en France, afin de rendre sa décision. Ces deux éléments laissent donc présager une évolution positive de ce dispositif.

M. Dino Cinieri (LR). Le vote sur la demi-part fiscale est intervenu sur un amendement déposé par mon groupe. Malgré la diminution systématique et constante du budget alloué aux anciens combattants, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures que les députés ont toujours soutenues : extension des droits en faveur des conjoints des grands invalides de guerre, attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 2 juillet 1962 et l’année 1964, revalorisation du point de PMI au 1er janvier 2022. L’amendement a été adopté lors de l’examen du PLF en séance, le 13 octobre, ce qui permettra, si le Gouvernement respecte notre vote, d’accorder une demi-part fiscale supplémentaire à toutes les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge de décès de leur époux. Je salue cette avancée importante.

J’ai récemment échangé avec Michel Huet, président de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie (Fnaca) de la Loire, qui regrette que le rattrapage du retard constaté sur la valeur du point de PMI ne soit pas à la hauteur de l’inflation.

Par ailleurs, le poids croissant des frais d’Ehpad rend indispensable le maintien du fonds de solidarité de l’ONACVG, malgré l’accélération de la mortalité des anciens combattants.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement, qui était très attendu par les Français. J’espère que le Gouvernement le conservera malgré le recours à l’article 49.3.

*

*     *

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ».

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons maintenant à l’examen des amendements sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis.

Pour la mission « Anciens combattants mémoire et liens avec la nation », nous sommes saisis de quatre amendements. Pour votre complète information, sur les huit amendements initialement déposés, un a été retiré et trois ont été considérés comme irrecevables par le président de la commission des finances, dont j’ai suivi l’avis. Plus précisément, deux d’entre eux – nos 4 et 16 – relevaient de la première partie de la loi de finances et un – le n° 17 – créait une charge et modifiait un article de loi abrogé.

 

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN1 de M. Bertrand Pancher et autres

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Cet amendement vise à inscrire dans la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation un soutien budgétaire de l’État à l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) Mémorial de Verdun – Champ de bataille. Bien que la structure de l’EPCC implique un partenariat entre l’État et les élus locaux, le Mémorial de Verdun reste délaissé par l’État. En dehors de rares subventions pour l’organisation d’expositions temporaires, le coût du fonctionnement de l’établissement repose uniquement sur les collectivités : le département de la Meuse en prend en charge 85 % et la région,15 %. Compte tenu de son importance pour la mémoire nationale, le Mémorial doit recevoir un soutien budgétaire de l’État, qui pourrait être de l’ordre de 30 % du besoin de financement public de l’EPCC, soit 300 000 euros par an, répartis également entre la mission Anciens combattants et la mission Culture.

Cet amendement vise, d’une part, à créer, au sein de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, un programme ad hoc Soutien à l’EPCC Mémorial de Verdun – Champ de bataille et, d’autre part, dans le seul but de respecter les règles de recevabilité budgétaire, à réduire d’un même montant, en AE et en CP, les crédits de l’action 08 du programme 169. Lorsque je lui avais posé la question, la ministre m’avait répondu que l’État n’était pas propriétaire de l’établissement. Toutefois, il est représenté au conseil d’administration, et nous ne comprenons pas sa réticence en la matière.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. En tant qu’élue du Grand Est, je suis très sensible à votre proposition. L’État, à travers la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des armées, ainsi que de l’ONACVG, accompagne les territoires dans le développement du tourisme de mémoire. Depuis le début des années 2010, des actions sont menées pour animer le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains, dont le Mémorial de Verdun fait partie. Par ailleurs, le ministère des armées soutient, par voie de convention, les collectivités territoriales et les associations porteuses de projets d’équipements mémoriels à portée nationale, voire internationale. Depuis le lancement du cycle du centenaire de la première guerre mondiale, le ministère a apporté son soutien à soixante projets mémoriels d’envergure – pour un budget d’environ 20 millions –, qui prennent en compte l’ensemble des conflits contemporains et assurent un équilibre entre les territoires. En 2022 et 2023, 800 000 euros seront consacrés au soutien de projets muséographiques et mémoriels. La requalification du Mémorial de Verdun fait partie des projets soutenus par la DMCA à hauteur de 1,5 million, au côté de neuf autres projets dans la région Grand Est. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Laurent Jacobelli (RN). Étant moi aussi élu du Grand Est, je suis très sensible à cet amendement, que notre groupe soutient. Sans mémoire, il n’y a pas de construction d’un esprit national ni de reconnaissance de ce que pourrait être un futur en commun.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Verdun occupe une place particulière dans notre mémoire collective. Tous les soldats ont eu, à l’époque, l’obligation d’y combattre. Des financements pérennes sont nécessaires pour entretenir ce lieu de mémoire.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je voudrais témoigner des efforts qu’a déployés le Mémorial en termes muséographiques. Je me félicite, comme l’a souligné la rapporteure, que les investissements à venir soient à la hauteur du devoir de mémoire que nous avons envers ce haut lieu.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Nous avons tous énormément de respect pour le Mémorial, qui fait partie des lieux de mémoire qui seront soutenus par le Gouvernement. Il n’y a donc pas de raison de s’inquiéter.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN2 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier et autres

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Cet amendement vise à assurer le financement de l’octroi d’une demi-part fiscale supplémentaire à l’ensemble des veuves d’anciens combattants. Lors des débats sur la première partie du budget, en commission des finances, un amendement – CF334 – a été adopté pour octroyer cette demi-part. Au cours des discussions, le coût de la mesure a été estimé à 80, voire 100 millions. Nous vous proposons de sécuriser les crédits nécessaires afin que l’État accorde enfin cet appui fiscal aux veuves de nos soldats. Il serait aisé de financer cette mesure car les crédits de la mission Anciens combattants diminuent mécaniquement d’année en année : ils ont baissé de 150 millions dans le PLF pour 2023 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’amendement précité a été déposé en première partie du PLF car il diminue les ressources fiscales de l’État du fait de l’extension de la demi-part à un nombre plus élevé de bénéficiaires. Il ne me paraît pas opportun de diminuer les crédits dévolus au financement de la dette viagère des anciens combattants pour financer cette mesure d’ordre fiscal. Avis défavorable.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). La demi-part fiscale est un dispositif exceptionnel qui a connu plusieurs extensions. Une évaluation est en cours au sujet de son financement, dont les résultats doivent être connus rapidement, comme s’y est engagée devant nous Patricia Mirallès. Notre groupe s’opposera à l’amendement, car il ne se fonde pas sur une évaluation solide du coût du dispositif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN6 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement a pour objet d’augmenter de 1 million les crédits de l’ONACVG, notamment pour honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français. Il s’agit d’accroître les crédits en faveur des harkis et de leurs enfants au titre de la solidarité nationale ainsi que de la reconnaissance des services rendus à la France.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2023 propose une augmentation des crédits de 14 millions par rapport à la loi de finances pour 2022, ce qui porte à 60 millions la dotation visant à financer le droit à réparation institué par la loi du 23 février 2022. Il ne ressort pas des auditions que j’ai menées que ce montant soit insuffisant pour faire face aux demandes reçues. Au 28 septembre 2022, 2 953 dossiers avaient fait l’objet d’une réponse favorable pour un montant total de 25,6 millions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN18 de M. Aurélien Saintoul et autres

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Cet amendement vise à améliorer la prise en charge des blessés psychiques de guerre par le biais d’une nouvelle maison Athos. Les militaires s’engagent dans des opérations de plus en plus longues et intenses, ce qui risque d’accroître fortement le nombre de blessés psychiques dans les mois et les années à venir. Le dispositif actuel est insuffisant, puisque les trois maisons ouvertes depuis 2021 assurent la prise en charge individualisée de seulement 150 personnes, soit 5 % des blessés officiellement reconnus.

Même si le PLF prévoit la création de deux nouvelles maisons Athos, nous proposons d’en créer une troisième pour couvrir convenablement tous les militaires affectés, encourager les militaires à recourir à ce dispositif et se prémunir face à la prochaine augmentation du nombre de blessés psychiques. Ces blessures mettent parfois plusieurs années à se manifester et peuvent survenir bien après un engagement. C’est pourquoi il faut disposer de centres d’accueil nombreux, fonctionnels et situés sur de nombreux territoires.

L’article 40 de la Constitution nous empêche d’augmenter les dépenses et rend seulement possible le transfert de crédits d’un programme à un autre. La mission Anciens combattants n’étant constituée que de deux programmes, nous avons dû puiser dans les crédits du programme 158, que nous ne souhaitons nullement amoindrir. Nous appelons donc le Gouvernement à lever le gage.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Si je ne peux qu’approuver, sur le fond, cet amendement, vous voudrez bien concéder que le PLF va dans le bon sens. Il prévoit d’abonder, à hauteur de 2,9 millions, la subvention pour charges de service public de l’ONACVG pour financer la pérennisation des maisons Athos. Trois maisons, à Bordeaux, Toulon et Aix-les-Bains ont été ouvertes depuis 2021, et deux nouvelles doivent être mises en service en 2023. Ces structures faisaient l’objet, jusqu’à présent, d’expérimentations menées par l’armée de terre ; il n’est donc pas anormal que leur développement soit progressif, même si je partage votre souhait qu’elles soient présentes dans un grand nombre de territoires. Je rappelle qu’il s’agit de structures non médicalisées qui ne constituent pas, fort heureusement, la seule option pour les militaires blessés psychiques. L’institution nationale des Invalides (INI) développe une offre médicale de pointe en faveur des blessés victimes de stress post-traumatique. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Nous serons tous d’accord pour dire que nous ne faisons jamais assez pour nos blessés. La prise en charge des blessés psychiques, qui sont de plus en plus nombreux, est difficile, car les intéressés doivent accepter l’idée qu’ils sont blessés. Nous devons tout faire pour faciliter leur prise en charge, et les maisons Athos constituent, à cet égard, un excellent dispositif. Nous nous félicitons que le Gouvernement crée deux nouvelles maisons mais, en notre qualité de représentants de la nation, nous pouvons allouer les financements pour en créer une troisième. J’avoue ne pas comprendre votre frilosité, madame la rapporteure.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Nos blessés bénéficient d’un dispositif global qui ne se réduit pas à ces établissements. Nous sommes en train de monter en puissance mais nous ne pouvons pas aller plus vite car il y a, derrière, un accompagnement à mettre en place. Les 2,9 millions constituent déjà une grande marche pour 2023 et nous irons certainement plus loin.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. On peut toujours faire plus mais il faut être responsable. On peut déjà saluer ce qui est fait par le Gouvernement, ainsi que l’action de l’INI en faveur des blessés psychiques.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation non modifiés.

 

 


—  1  —

   Annexe :

Auditions et déplacements de la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

1.   Auditions 

 Tables rondes réunissant les représentants des associations d’anciens combattants :

Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), « Les gueules cassées »M. le général (2S) Paul Dodane, vice-président ;

Association de soutien à l’armée française (ASAF)M. le général de division (2S) Gilbert Robinet, secrétaire général de l’association de soutien à l’armée française ;

Association des français rapatriés d’origine nord-africaine en Allemagne et en Alsace (Afronaa) – M. Serge Carel ;

Fédération nationale des anciens des missions des opérations extérieures (FNAME-OPEX) M. Laurent Attar-Bayrou, président ;

Union nationale des combattants (UNC) – M. le général Pierre Saint-Macary, président national ;

Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM) M. Serge Auffredou, secrétaire général ;

Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) – M.  André Cognard, secrétaire général ;

Le Souvenir françaisM. le contrôleur général des armées (2s) Serge Barcellini, président général ;

Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) – M. Gilles Surirey, trésorier général ;

Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’union fédérale (UF) – M. Dominique Lepine, président ;

Fédération nationale André Maginot (FNAM) – M. Richard Pernod, administrateur, président de la commission Communication ;

Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l'amitié, la solidarité, la mémoire, l'anti-fascisme et la paix (ARAC) – M. Raphaël Vahé, président national ;

Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX) – M. le colonel (H) Jean-Pierre Pakula, président ;

Association nationale des anciens prisonniers internés déportés d’Indochine (ANAPI) – M. le contrôleur général Jacques Bonnetête, président ;

Fédération nationale des anciens d'Outre-mer et anciens combattants des troupes de marine (FNAOM-ACTDM) – M. le général (2S) Philippe Bonnet, président ;

– Comité national d'entente des anciens combattants d'Indochine (CNEAI) M. le général (2S) Philippe Bonnet, représentant du comité lors de cette audition ;

 État-major du service militaire volontaire – M. le général Benoit Brulon, Commandant du service militaire volontaire ;

 Institution nationale des Invalides (INI) – M. le médecin général inspecteur Michel Guisset, directeur ;

 Ministère des Armées, Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) – M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur ;

 Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) – M. le général Daniel Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse ;

 Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) – Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale ;

Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkisM. Marc Del Grande, Préfet, secrétaire général.

2.   Déplacements :

 Brétigny-sur-Orge – Visite du 2ème régiment du Service militaire volontaire (SMV) ;

 Lusigny-sur-Barse – Visite de la classe de défense du collège Charles Delaunay.

 


([1]) Ce montant tient compte d’un élargissement du périmètre de la mission budgétaire au service militaire volontaire, qui représentent un montant de 5 millions d’euros.

([2])  Selon la définition donnée par l’INSEE, l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) vise à mesurer les évolutions du traitement brut des agents de la Fonction publique de l'État, pour chaque catégorie (A, B et C). Le traitement brut d'un agent est le produit de son indice par la valeur du point Fonction publique.

[3] Pour « objets d’art ».

([4])  L’emploi durable comprend les CDD supérieurs à 6 mois et les CDI.

([5])  Le contrat d’engagement jeune (CEJ) est un dispositif destiné aux jeunes de 16 à 25 ans qui présentent des difficultés à trouver un emploi durable. Le CEJ propose un accompagnement individuel et intensif profondément renouvelé.

([6])  Anne MUXEL, Impact et apports du dispositif des classes de défense proposé par le ministère des armées dans le cadre du parcours scolaire et de citoyenneté des élèves, 2022, IRSEM.