Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Examen, ouvert à la presse, et vote des projets de loi suivants :

• Projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet (n° 146) – M. Sylvain Waserman, rapporteur.

• Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République portugaise relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la sécurité civile et l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles (n° 111) – Mme Isabelle Rauch, rapporteure.

• Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif au statut de leurs forces (n° 112) – M. Claude Goasguen, rapporteur.

• Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu (n° 114) – Mme Samantha Cazebonne, rapporteure.

• Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération renforcée entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part (n° 152) – M. Guy Teissier, rapporteur.

 


Mercredi
27 septembre 2017

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 8

session extraordinaire de 2016-2017

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente, puis de Mme Mireille Clapot, vice-présidente

,


  1 

Projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet (n° 146) – M. Sylvain Waserman, rapporteur

La séance est ouverte à neuf heures.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner et voter sur cinq projets de conventions qui sont inscrits en séance publique le mercredi 4 octobre après les questions d’actualité.

La procédure retenue à ce jour par le Gouvernement, sauf demande contraire, est la procédure d’examen simplifié sans débat.

Comme vous en avez été informés, M. de Mistura, l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Syrie, a reporté son audition, initialement prévue hier après-midi. Une nouvelle date a été arrêtée : le mercredi 11 octobre, de 9 heures à 11 heures. Vous en serez officiellement informés avec l’envoi de la prochaine convocation.

J’ai par ailleurs accepté la demande du Président de la commission des Affaires économiques de s’associer à notre commission pour auditionner Mme Katheline Schubert, présidente de la commission d’évaluation du CETA, mardi prochain, 3 octobre, de 17 heures 30 à 20 heures.

Enfin, je vous rappelle que le gouvernement a décidé d’organiser un débat sur l’avenir de l’Europe le mardi 10 octobre après les questions d’actualité, ce qui nous a conduit a reporté l’audition de la Ministre de la défense prévue initialement ce jour.

Ces précisions étant apportées, je vous propose de passer à l’examen de notre ordre du jour.

Nous examinons, sur le rapport de M. Sylvain Waserman, le projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet.

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Ce projet de loi a une importance fondamentale pour notre économie. Je vous rappelle qu’il concerne le brevet européen et signe la fin d’un long processus qui dure depuis un peu plus de trente ans. En tant que chef d’entreprise, j’ai vécu la complexité des brevets européens. Vous déposez un brevet, il est ventilé dans tous les pays, et il se décompose dans autant de droits nationaux et autant de langues, avec une complexité et un coût de gestion très importants pour les entreprises.

L’idée d’un processus européen a cheminé pendant des années et arrive aujourd’hui à une étape-clef qui est la dernière. Quelle est-elle ?

L’idée du brevet européen est simple : un seul brevet, qui s’impose dans l’ensemble des pays de l’Union, avec un léger bémol puisque l’Espagne n’a pas souhaité faire partie de cette aventure, notamment parce que la langue espagnole n’a pas été reconnue comme langue officielle européenne des brevets. Mais pour les autres pays, l’idée est d’avoir un seul brevet et, donc, une seule instance juridictionnelle pour trancher les litiges.

Le texte que nous ratifions aujourd’hui peut paraître anecdotique mais représente en fait la dernière pierre de l’édifice, puisqu’il s’agit de valider les privilèges et immunités des juges et de l’ensemble du personnel de cette instance juridictionnelle.

Le rapport contient l’ensemble des analyses et je serai prêt à répondre à vos questions. Je voudrais simplement vous dire que nous avons pu rencontrer le secrétariat général des affaires européennes, le ministère des affaires étrangères et les équipes de Bercy à propos d’un sujet politique d’actualité qui joue un rôle dans cette dernière étape : le Brexit.

Le Brexit pose une question au regard de ce brevet européen pour une raison simple : les États parties à l’accord sur la juridiction unifiée du brevet doivent être membres de l’Union.

D’après les échanges qui ont eu lieu lors de notre réunion de travail avec les ministères, la position française consiste à dire : « allons jusqu’au bout de ce processus qui dure depuis trente ans, et voyons, dans le cadre des négociations du Brexit qui prendront plusieurs années, comment ce sujet sera traité par les Britanniques ».

Le sujet est particulièrement sensible parce que la juridiction unifiée du brevet a quatre localisations : l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et le Luxembourg. La thématique viendra donc de façon évidente dans le cadre des négociations du Brexit.

Cela dit, l’ensemble des partenaires européens souhaitent aller jusqu’au bout du processus. Les Britanniques ont déclaré qu’ils souhaitaient faire de même.

Pour terminer avant l’éventuelle discussion, je souhaiterais insister sur l’importance du sujet pour notre économie et pour nos entreprises.

Un brevet européen coûte aujourd’hui en moyenne environ 36 000 euros, puis encore une trentaine de milliers d’euros en moyenne pour maintenir un brevet en vie pendant dix ans. Ces coûts de gestion et de dépôt seront divisés par cinq, notamment en faisant baisser les coûts de traduction.

Je vous rappelle que dans le système actuel, quand vous ventilez un brevet dans tous les droits nationaux, si vous avez un litige, par exemple en Pologne, vous devez traduire l’intégralité du brevet en polonais avant de pouvoir entamer la procédure devant les juridictions polonaises.

L’abaissement des coûts aboutit évidemment à un abaissement de la barrière à l’entrée. Or, vous savez que les entreprises françaises sont actuellement un peu plus timorées que d’autres sur le dépôt de brevet. Ces dépenses leur paraissent souvent ne pas être prioritaires.

C’est pourquoi il est important de conclure rapidement ce processus qui correspond à une attente de notre économie, tout en étant conscient de ce que la suite impliquera que soit traité le cas britannique, qui dépasse bien sûr le cadre de la ratification d’aujourd’hui.

C’est ainsi qu’à partir d’un dossier de ratification qui peut sembler accessoire, ne concernant que la mise en place de statuts très inspirés des statuts européens équivalents, pour les personnels de cette juridiction, on arrive au bout d’un processus dont l’impact pour notre économie et nos entreprises est à notre sens très important et doit être communiqué comme tel.

C’est enfin l’aboutissement d’un long projet qui, nous l’espérons, concluera très prochainement.

M. Frédéric Petit. Je suis doublement concerné par cet accord car je suis propriétaire d’un brevet que je n’exploite pas encore et, par ailleurs, l’Office européen des brevets est localisé à Munich et Berlin, sur ma circonscription.

Il y a une vraie question sur l’incidence du Brexit. Apparemment, le Royaume-Uni voudrait accélérer le processus de ratification de manière à ce qu’il soit achevé avant sa sortie de l’Union. Reste le problème de la localisation de la future juridiction. Il semblerait que les britanniques pourraient renoncer à invoquer leur droit à une localisation à Londres afin de ne pas hypothéquer l’avenir au cas où ils sortiraient du dispositif. Est-ce vrai ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Nous en avons discuté avec le ministère des affaires étrangères : il y a toute une science concernant l’interprétation des positions diplomatiques britanniques. De manière générale, tout le monde veut aboutir, mais il y a des interrogations sur la mise en œuvre et, par exemple, les conséquences du recrutement éventuel de salariés britanniques si ensuite leur pays devait sortir du système. Les services du ministère des affaires étrangères pensent que le Royaume-Uni va ratifier l’accord car il y a un intérêt convergent pour trouver une porte de sortie. La position française est qu’il faut aller au bout de ce dossier vieux de 30 ans, donc ratifier l’accord, car il serait alors moins compliqué d’imaginer ultérieurement les conditions d’une éventuelle sortie du Royaume-Uni.

M. Frédéric Petit. Au demeurant sont parties à l’accord des pays qui n’appartiennent pas à l’Union européenne.

M. Christophe Di Pompéo. Cet accord est très utile car il est actuellement très compliqué de déposer un brevet. L’Institut national de la propriété intellectuelle est une vieille dame et les délais sont longs. Il y a certes une procédure dans le cadre du traité de coopération en matière de brevets (PCT) qui permet de réserver des droits dans 148 pays, mais elle implique ensuite de déposer un dossier dans chacun de ces pays avec tous les coûts que cela représente : traduction, juristes, etc. Nous attendions donc impatiemment le brevet européen à effet unitaire. Mais quand sera-t-il effectivement appliqué ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je pense que la mise en œuvre sera rapide. L’objectif est de passer d’un coût qui peut atteindre 30 000 euros à environ 4 500 euros.

Mme Laëtitia Saint-Paul. Je suis favorable à tout ce qui soutient la compétitivité des entreprises et renforce l’Europe. La nouvelle juridiction aura-t-elle compétence pour lutter contre la contrefaçon ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Elle traitera de tous les litiges relatifs aux brevets avec l’avantage d’éviter les conflits de compétence entre les juridictions et les jurisprudences contradictoires.

M. Christian Hutin. D’abord une question d’ordre : je croyais que dans nos réunions, les orateurs des groupes devaient s’exprimer successivement en fonction de l’importance de ceux-ci. Cette règle s’applique-t-elle à cette réunion ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Cette priorité donnée aux orateurs de groupe s’applique pour les auditions, mais non pour les réunions de travail sur les conventions.

M. Christian Hutin. Cela me convient car je vais m’exprimer à titre personnel. Sur le fond, je voudrais faire entendre une autre musique que celle des précédents intervenants. Jacques Chirac, notamment, a toujours voulu défendre un équilibre pour la place de la langue française, qui est en jeu dans cet accord. 8 % des brevets sont rédigés en français contre 20 % en allemand et le reste en anglais. Quant aux Espagnols, ils sont peut-être plus fiers, ils ont refusé d’adhérer au système du brevet européen. Nous acceptons encore un abandon de souveraineté alors même qu’il y a 600 millions de francophones dans le monde. De plus, nous discutons de cette ratification avant même que le Brexit ne soit enclenché : est-il si urgent de ratifier ce texte en espérant que le Royaume-Uni sera conciliant ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le texte prévoit trois langues officielles, français, anglais et allemand. Il n’y a donc aucun renoncement et le combat de Jacques Chirac sera honoré. Je rappelle en outre que même si quatre localisations sont prévues, le siège principal de la juridiction sera à Paris : c’est un pouvoir symbolique important.

La prise en compte du Brexit pose certes un vrai problème tactique. Mais je considère que si nous ne ratifiions pas ce texte, nous affaiblirions notre position de négociation. De plus, nous passerions à nos entreprises un message insoutenable. Je fais donc confiance, pour la question tactique, aux préconisations de nos diplomates.

M. Buon Tan. Je suis tout à fait favorable à l’adoption de ce texte, qui doit être très attendu des PME et TPE. J’aurais aimé savoir si les délais de dépôt et de traitement des dossiers seraient eux aussi réduits. Quid par ailleurs du coût de la défense des brevets. Enfin, comment nos brevets européens seront-ils défendus face à nos concurrents économiques, notamment en Asie ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. C’est en effet le coût de dépôt des brevets, qui s’élèvent aujourd’hui à 36 000 euros, qui va baisser. Si le brevet est attaqué, une seule juridiction sera désormais compétente, ce qui devrait non seulement faire diminuer les délais de traitement, mais aussi les coûts liés aux poursuites, notamment de traduction. Si nous disposons de projections précises concernant la baisse des frais de dépôts, ce n’est pas le cas pour les frais liés aux litiges, qui sont plus compliqués à anticiper, mais l’on peut logiquement prévoir des économies.

M. Frédéric Barbier. Les pays hors UE pourront-ils déposer des brevets et bénéficier de cette baisse de tarifs ?

M. Sylvain Waserman, rapporteur. En effet, cette possibilité leur est ouverte. Il faut donc que nous incitions les entreprises françaises à profiter de la baisse du coût pour déposer des brevets.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 146 sans modification.

*

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République portugaise relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la sécurité civile et l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à l'assistance et à la coopération dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles (n° 111) – Mme Isabelle Rauch, rapporteure.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous continuons avec le rapport de Mme Isabelle Rauch sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord entre la France et la République portugaise relatif à l’assistance et à la coopération dans le domaine de la sécurité civile et l’approbation de l’accord entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg relatif à l’assistance et à la coopération dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure. Ces deux accords sont très techniques, car ils concernent la coopération bilatérale en matière de sécurité civile, l’un avec le Luxembourg, l’autre avec le Portugal.

L’étendue des incendies de forêt cet été, au Portugal et en France, a rappelé l’importance de l’assistance mutuelle en la matière. L’ampleur des catastrophes naturelles et des accidents qui menacent les populations civiles est toujours terrifiante. Les défis auxquels doivent faire face les États dans l’organisation des secours sont immenses.

L’aide internationale vis-à-vis d’un pays en difficulté après une catastrophe naturelle, un incident ou un accident majeur est depuis longtemps mise en œuvre. Elle trouve en Europe une tonalité particulière. En parachèvement du mécanisme européen de protection civile créé en 2001, la coopération bilatérale entre les services de défense civile et l’esprit de mutualisation qu’elle incarne y sont l’expression d’une solidarité entre des pays qui ont choisi de partager leurs destins.

C’est dans cette perspective que le Sénat a adopté, le 22 juillet dernier, sur le rapport (n° 653), très détaillé, de M. Jean-Paul Fournier, sénateur, le projet de loi autorisant la ratification de deux accords de coopération bilatérale, l’un avec le Portugal, l’autre avec le Luxembourg.

C’est dans le même esprit que je propose à notre commission et à l’Assemblée nationale, par la procédure d’examen simplifié, de le faire.

Ces deux textes ne soulèvent aucune difficulté. Les Sécurités civiles française, luxembourgeoise et portugaise entretiennent une coopération institutionnelle et technique régulière depuis de nombreuses années. Les deux accords viennent en effet donner un cadre à une pratique bien établie. L’accord avec le Portugal, signé le 27 avril 2015, vise à créer le cadre juridique d’une assistance mutuelle qui a débuté en 1999 et qui est opératoire depuis 2001. Celui avec le Luxembourg, signé le 26 mai 2016, tend à moderniser et à élargir l’accord du 10 décembre 1962, amendé en 1988, sur l’assistance mutuelle entre les services d’incendie et de secours.

Ces textes sont de facture très classique, et conformes à ce qui se fait en la matière. Ils prévoient une assistance mutuelle dans les limites des capacités, notamment budgétaires, des pays. Les engagements financiers qu’ils représentent sont réduits par la prise en charge des dépenses sur place par l’État requérant et, pour ce qui concerne l’acheminement des équipes, par la faculté de prise en charge sur crédits européens dans le cadre du mécanisme précité. Ils sont largement similaires, mais les spécificités de chacun d’entre eux proviennent de ce que l’un concerne un pays éloigné particulièrement vulnérable aux incendies de forêt, et l’autre un pays limitrophe, ce qui implique de prendre en compte le risque nucléaire et d’urgence radiologique en raison de la proximité de la centrale nucléaire française de Cattenom, qui n’est qu’à 20 kilomètres de la frontière.

Sur le plan politique, l’intérêt est triple.

D’abord, c’est la création d’un cadre pérenne qui affirme la qualité de notre coopération. Tel est déjà le cas avec plusieurs pays, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Grèce, l’Italie et la République tchèque, ainsi que, hors de l’Union européenne, la Suisse, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Liban, la Jordanie et Israël. Pour être précis, un  tel cadre conventionnel n’est pas indispensable dans un domaine où l’urgence prime et où les dispositions du droit international, dans le cadre de l’ONU, offrent toujours une base juridique, mais c’est mieux sur le plan politique et technique.

En effet, d’un point de vue pratique, ces accords contiennent des dispositions très précises qui viennent faciliter la coopération et fluidifier les opérations matérielles telles que le franchissement des frontières.

Enfin, c’est la diffusion et l’enrichissement du savoir-faire et du modèle français de sécurité civile, fondé sur le recours partiel au volontariat, auquel il faut rendre hommage, et qui trouve notamment un point d’appui précieux dans la formation en France, des officiers portugais et luxembourgeois. L’expérience du Portugal sur les tsunamis notamment, et du Luxembourg en matière de recours au satellite pour la communication de crise sont aussi des éléments de coopération favorables.

La ratification de ces deux accords peut et doit donc intervenir. Elle est un témoignage réciproque précieux de solidarité à l’égard de deux pays amis de la France. Le Luxembourg a notifié l’achèvement de ses procédures internes en mai 2016. Au Portugal, la procédure est encore en cours.

C’est en parfaite cohérence avec la création d’un corps européen de protection civile évoquée hier par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.

M. Jean-Paul Lecoq. La solidarité doit jouer en toute circonstance et tout lieu ; c’est une des valeurs fondamentales de notre république. Reste la question de la prévention, je pense à la surveillance des forêts, aux plans de prévention des risques technologiques, et peut-être demain des risques cycloniques, afin d’avoir le moins possible recours aux services de la protection civile. Mène t-on une réflexion avec nos partenaires sur ce sujet de la prévention ?

Mme Isabelle Rauch. Oui c’est prévu dans le cadre de l’échange de bonnes pratiques et de la formation.

M. Jacques Maire. Je souhaite rappeler qu’au plan européen, nous en sommes encore au stade de la coopération concernant la protection civile. Nous n’avons ni mutualisation des moyens, ni investissements communs. Quand on voit la montée des périls en Europe continental et dans les territoires d’outre-mer, on réalise que la capacité des Etats membres est limitée. Pourquoi ne pas réfléchir à la protection des biens communs collectifs au niveau européen ? Il faut des moyens supplémentaires, c’est certain.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je rappelle que le premier projet de sécurité civile européenne, qui est dans les cartons depuis plus de dix ans, a été proposé par Michel Barnier.

M. Michel Herbillon. Nous allons évidemment ratifier ces accords, qui illustrent concrètement la solidarité européenne face aux catastrophes naturelles. Je pense notamment à ce pays ami qu’est le Portugal. Effectivement, il y a dix ans, Michel Barnier a proposé la création d’un corps de protection civile européen. On ne peut que regretter que cette idée n’ait jamais été mise en œuvre. Je souhaite que la proposition du Président de la République prenne corps dans un délai plus court. Simple remarque : ne pourrait-on mettre le drapeau européen sur les canadairs ?

Mme Isabelle Rauch. Je retiens ces propositions, auxquelles je souscris.

M. Bernard Deflesselles. Bien sûr, nous soutiendrons cet accord. Nous sommes quelques députés du sud de la France à avoir vécu un été particulièrement difficile, avec de grands feux de forêt aux conséquences dramatiques. Je crois qu’il faut aboutir à la création d’un service de protection civile européen, mais ne pouvons-nous pas en attendant réfléchir à la mutualisation des moyens avec des pays comme le Portugal, la Grèce ou l’Espagne ? Je pense par exemple aux canadairs ?

Mme Isabelle Rauch. Ce débat dépasse largement le cadre des accords que nous avons à adopter. 

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous pourrions peut être en effet réfléchir à l’opportunité d’une mutualisation des moyens au niveau européen, en commençant par les canadairs.

M. Alain David. En tant que président du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Gironde, je peux témoigner que nous entretenons déjà depuis maintenant une vingtaine d’années des relations très étroites avec le nord du Portugal. Mais il s’agit de relations officieuses et amicales plus qu’officielles qui portent en particulier sur le transfert de matériel et la formation. C’est cette coopération qu’il convient d’officialiser. Ce que nous allons mettre en place est en effet une confirmation et une accentuation de l’existant. Je note néanmoins que l’organisation des secours portugais diffère substantiellement de l’organisation de nos propres services en s’inscrivant notamment dans un cadre plus associatif que gouvernemental, ce qui est un facteur de complexité. Leur matériel et leur formation nécessitent également des efforts supplémentaires. La mise en place d’une force européenne et d’une flotte européenne d’avions  me semble une très bonne chose d’autant que la France manque cruellement de moyens, avec à peine une dizaine d’aéronefs.

Mme Martine Leguille-Balloy. Je m’interroge sur le financement de la coopération, l’article 16 donnant le sentiment que cette dernière est limitée au plan financier.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure. En effet, si les budgets sont dépassés, les Etats ont la possibilité de ne plus mettre en œuvre cette coopération, ce qui rend d’autant plus nécessaire la création d’un corps européen de protection civile.

Mme Martine Leguille-Balloy. Il me semble qu’il s’agit effectivement d’un élément essentiel justifiant une coopération européenne renforcée.

Mme Isabelle Rauch, rapporteure. A l’heure actuelle, il existe toutefois un mécanisme de coopération européen qui permet, dans la majeure partie voire la totalité des cas, aux Etats de se faire rembourser et donc de pouvoir intervenir les uns chez les autres.

M. Pierre Cordier. Je souscris aux propos qui ont été tenus sur cette coopération. Se pose également la question du financement des SDIS par les départements et les communes ou les intercommunalités qui financent le fonctionnement mais aussi les investissements, l’ancien fonds d’aide aux investissements ayant été supprimé il y a bien longtemps. Il s’agit là aussi d’une question à traiter.

Il conviendra aussi dans le cadre de la création d’une flotte européenne de bien définir les règles de priorité des interventions si des incendies devaient se déclarer en différents endroits de l’Union européenne.

S’agissant des centrales nucléaires, il existe des commissions locales d’information (CLI), une dans chaque centrale. Lorsqu’une centrale nucléaire est installée à proximité d’un de nos voisins, les CLI transfrontalières qui sont en train de se mettre en place associent nos amis européens concernés, principalement belges, luxembourgeois et allemands. Ces CLI n’ayant aucun pouvoir autre qu’informatif, est-il prévu  de leur octroyer d’autres prérogatives dans les années à venir ?

Mme Isabelle Rauch, rapporteure. Cette question est hors du champ de l’accord qui nous occupe ce matin. Ce mécanisme d’information existe en parallèle de la coopération entre la France et le Luxembourg. En cas de difficulté majeure, l’autorité pour régler les problèmes est déléguée au préfet.

M. Bertrand Bouyx. Ce texte indispensable pose aussi la question de nos propres moyens, c’est-à-dire des moyens affectés aux SDIS, et celle de la crise du volontariat en France. Le modèle français reposant sur des professionnels et des volontaires, cette situation conduit à une véritable crise des effectifs dans certains départements.

M. Michel Herbillon. Serait-il possible, en vue de faire progresser la mutualisation des moyens de la protection civile au niveau européen, de disposer sur ce sujet d’un état des lieux et des éventuels obstacles ou problèmes posés, en interrogeant éventuellement le ministère de l’intérieur ? Nous pourrions sur cette base formuler quelques préconisations.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je souscris pleinement à votre suggestion. J’allais moi-même proposer que nous nous rapprochions du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère de l’intérieur afin de faire un point précis sur ce dossier. Je suggère que nous commencions par les saisir par une lettre au nom de la commission en leur faisant part de notre volonté de voir progresser la coopération et la mutualisation dans une période intermédiaire devant conduire à la création d’un corps de sécurité civile européen. Nous pourrions également auditionner quelques personnes en charge de ces questions dans les administrations concernées.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 111 à l’unanimité des présents sans modification.

*

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif au statut de leurs forces (n° 112) – M. Claude Goasguen, rapporteur

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous examinons maintenant, sur le rapport de M. Claude Goasguen, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Jordanie relatif au statut de leurs forces

M. Claude Goasguen, rapporteur. Ce projet de loi propose de ratifier le nouvel accord portant sur le statut des forces françaises et jordaniennes respectivement déployées en Jordanie et en France. Ce texte a d’ores et déjà été adopté par le Sénat, je n’entrerai donc pas dans le détail d’un accord au demeurant de facture classique, mais j’insisterai sur quelques points importants. 

Tout d’abord, rappelons que dans un voisinage ravagé par les crises, la Jordanie constitue l’un des rares îlots de stabilité qu’il faut impérativement préserver.

La Jordanie est un allié central de la France dans la lutte contre Daech et un partenaire essentiel pour la défense de nos intérêts de sécurité dans la région. Au-delà de l’excellente coopération opérationnelle que nous menons dans le domaine militaire, la Jordanie constitue aujourd’hui un point d’appui majeur pour les actions menées par la France au Levant contre le terrorisme jihadiste.

Je rappelle qu’Amman est un membre actif de la coalition internationale mise en place en 2014, participe aux frappes aériennes et accueille la base aérienne projetée de la France dans le cadre de l’opération Chammal. Cette base, dite base H5, présente un intérêt certain du fait de sa proximité avec le théâtre d’opérations irako-syrien.

Notre relation bilatérale de défense s’est considérablement étoffée, à la faveur de la lutte anti-Daech.

Dans ce cadre, nos efforts de coopération répondent à un triple objectif : consolider l’appareil militaire jordanien en le rendant interopérable avec le nôtre, le mettre en position de répondre aux menaces régionales (en le dotant d’une capacité autonome d’intervention contre les groupes armés terroristes) et maintenir la Jordanie comme éventuel point d’appui pour nos opérations au Proche/Moyen-Orient.

La France a un intérêt majeur à ce que la Jordanie maintienne sa contribution dans la lutte contre le terrorisme. Les efforts de la France dans la coopération bilatérale de défense avec la Jordanie doivent être préservés et faire l’objet d’un investissement continu. L’accent est notamment porté sur trois niches de coopération dans les domaines du renseignement, de l’armée de l’air et des forces spéciales.

Par ailleurs, la Jordanie est également un relais utile pour notre action diplomatique au Proche et Moyen-Orient, du fait de sa position de carrefour régional et de l’activisme diplomatique du Roi Abdallah II qui lui permet de parler à l’ensemble des acteurs de la région.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent projet de loi.

Le statut des membres des forces françaises déployées en Jordanie faisait l’objet d’un accord passé en 1995. Le statut des forces jordaniennes déployées en France ne faisait l’objet d’aucun texte particulier.

Ce point est précisément celui qui a été mis en avant par les autorités jordaniennes, dans leur lettre du 21 décembre 2011, pour justifier leur demande de renégocier le statut des forces françaises en Jordanie, tel que déterminé par l’accord relatif aux conditions de stationnement des forces armées françaises à l’occasion d’exercices ou d’entraînements  sur le territoire du Royaume hachémite de Jordanie de 1995.

L’accord de 2015 qu’il s’agit de ratifier vient remplacer l’accord de 1995. Pour la France, la renégociation de l’accord de 1995 permet de garantir un cadre pérenne stable, juridiquement solide et plus protecteur.

L’accord de 2015 est moins avantageux que l’accord de 1995 s’agissant du statut juridique des personnels et de facilités opérationnelles. Fondé sur la réciprocité réclamée par la Jordanie, il est nécessairement moins avantageux pour les forces françaises que les précédents instruments qui n'étaient pas réciproques. Aux termes de l’accord de 1995, par exemple, le personnel français bénéficiait d’une immunité de juridiction pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions et d’une procédure d’expulsion vers la France pour les infractions pénales commises en dehors de l’exercice de ses fonctions. En matière d’accès au territoire, l’accord de 1995 exonérait les forces françaises de visa.

Néanmoins, l’accord de 2015 garantit un cadre plus solide pour nos personnels. Le caractère confidentiel, non réciproque et l’absence de ratification de l’accord de 1995 le fragilisaient. En outre, la rédaction de l’article relatif à sa durée de validité le rendait précaire : pour preuve, les Parties ont appliqué l’accord de façon constante sans remise en cause de sa validité pendant dix ans, jusqu’à ce qu’en 2011, les autorités jordaniennes invoquent sa caducité. L’accord de 2015 permet de disposer d’un cadre juridique transparent, ratifié par les deux Etats, publié et dont la validité sera prorogée automatiquement d’année en année au-delà des cinq premières années.

En outre, il instaure, pour nos personnels civils et militaires, un cadre juridique protecteur et conformément à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles, confère aux personnels déployés et aux personnes à leur charge les garanties essentielles de protection de leurs droits. L’accord prévoit en effet :

- un ensemble de règles de partage de compétence juridictionnelle applicable en cas d’infraction,

- le droit à un procès équitable et les garanties procédurales qui en découlent (droit d’être jugé dans un délai raisonnable, d’être représenté ou assisté, de bénéficier d’un interprète…),

- la peine de mort étant toujours appliquée en Jordanie, cet instrument assure une protection suffisante de nos ressortissants pour le cas où ils viendraient à commettre des infractions relevant de la compétence des juridictions jordaniennes et passibles de la peine de mort, de torture, de peines ou de traitements inhumains ou dégradants.

Sous réserve de ces remarques, je vous propose d’adopter ce projet de loi et vous remercie.

M. Jean-Paul Lecoq. Je note que le Sénat a soulevé des objections concernant ce texte. Le Sénat avait trouvé risqué de soumettre les militaires et civils français à la loi jordanienne, qui n’est pas respectable, notamment pour les femmes. Jusqu’à récemment, une femme violée devait ainsi épouser son violeur.

Je ne veux pas soumettre les soldats français à ce genre de jugement. Le traitement fait antérieurement à l’armée française était acceptable, il l’est moins aujourd’hui.

Mieux vaudrait faire abstraction de nos intérêts commerciaux avec ce type de pays et mettre en valeur les droits de l’homme et les droits des femmes. J’aimerais bien également que le commerce des armements et de tout le reste devienne plus transparent.

Je voterai contre ce traité, et je trouve qu’à l’avenir, tous nos traités devraient intégrer les droits de l’homme, les droits des femmes et les droits de l’environnement et et nous ne devrions pas les ratifier s’ils ne progressent pas sur ces sujets.

M. Claude Goasguen, rapporteur. L’intervention de notre collègue est prévisible, intéressante et n’est pas exagérée. En lisant de près le texte, je me suis réjoui de voir la France imposer à la Jordanie des obligations que nous ne sommes pas capables de nous imposer à nous-mêmes, notamment sur les délais raisonnables. La France pourrait s’inspirer de ce qu’elle cherche à imposer ailleurs.

Ce texte vise cependant à remédier à un certain nombre d’abus qui pourraient avoir lieu ou qui ont eu lieu, en protégeant nos soldats, mais également les civils et militaires jordaniens qui pourraient subir les excès éventuels de notre armée. Ce droit d’une occupation militaire qui n’en est pas une est une cote mal taillée. Ce statut devrait être analysé avec plus de rigueur. Toutefois, dans le contexte de cette guerre parfois sordide, le fait que la Jordanie ait pu signer ce texte aussi rapidement est plutôt une bonne chose, même s’il faudra remettre tout cela en cause un jour ou l’autre.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce texte me paraît aller dans le bon sens. Je souhaiterais poser une question qui pourrait être relayée au gouvernement sur la participation de la France à des manœuvres avec le Qatar. Compte tenu de l’opposition entre ce pays et l’Arabie saoudite et de la situation dans cette région du monde, j’aimerais en savoir un peu plus. Je pense qu’il serait bon que notre commission soit informée par le Gouvernement du sens de cette participation.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Cette question sera transmise à qui de droit.

Mme Valérie Boyer. En marge de cet accord qui fait progresser nos relations bilatérales, pouvons-nous avoir des informations sur l’accueil des réfugiés dans les nombreux camps situés en Jordanie. Je crois savoir qu’il y a plus de réfugiés en Jordanie que de Jordaniens, cette vague faisant suite à celle des réfugiés palestiniens. Pourrions-nous également avoir quelques informations sur la stabilité de ce pays, qui est une clef de voûte régionale ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Depuis le début de la crise en Syrie, la Jordanie a accueilli 650 000 réfugiés, selon le HCR, mais le vrai chiffre est à mon avis supérieur. Il faut ajouter 60 000 réfugiés irakiens, alors que la population du pays s’élève à dix millions d’habitants.

M. Guy Teissier. Il y a aussi les Palestiniens.

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est un problème plus complexe. Certains se demandent si les réfugiés palestiniens sont de véritables réfugiés, mais c’est un autre débat.

Cette situation pèse sur les ressources et les infrastructures de la Jordanie. C’est un pays très dynamique mais qui souffre beaucoup de cette situation et que nous n’aidons pas suffisamment. La motivation est ici militaire, et la Jordanie a jusqu’à présent plutôt été un facteur de paix dans la région.

J’ai visité moi-même les camps jordaniens, comme ceux du Liban et d’Irak. Les ONG y font un travail considérable et les camps ne sont pas aussi mal tenus qu’on le dit. Ils génèrent évidemment des situations conflictuelles, mais bien que je sois généralement critique à propos de l’ONU et des ONG, la communauté internationale, dans l’ensemble, y fait un bon travail.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. La stabilité de la Jordanie est cruciale dans cette région, c’est un pays que nous devons aider. La France le fait, d’autre pays comme la Grande Bretagne l’ont fait davantage

Je suis allé visiter le camp d’al-Zaatari, un des plus grands camps de réfugiés syriens. Les conditions sanitaires sont correctes, mais au bout de plusieurs années, ce n’est plus un lieu de protection mais un endroit dont on veut partir.

Nous devons être aux côtés de la Jordanie. Des accords ont été passés pour permettre aux réfugiés de travailler en Jordanie, ce qui va dans la bonne direction, même si le retour au pays demeure l’horizon des personnes concernées.

Claude Goasguen, rapporteur. On peut noter que nous rappelons aux autorités françaises que notre dialogue avec la Jordanie ne doit pas se limiter aux relations juridiques entre militaires. Le travail humanitaire doit également progresser.

Beaucoup de réfugiés commencent à rentrer chez eux. On est plutôt sur la pente descendante.

Il serait bon de rappeler que l’humanitaire et le développement économique de la Jordanie sont également importants.

Mme Laetitia Saint-Paul. Je soutiens ce projet de loi par pragmatisme, et parce que la Jordanie accueille déjà depuis novembre 2014 la base aérienne projetée française dans le cadre du dispositif Chammal. Cette base abrite environ 400 militaires français, quatre Rafale de l’Armée de l’air et quatre Rafale de la Marine, et c’est aujourd’hui un atout stratégique majeur en raison de sa proximité avec le théâtre d’opérations irako-syrien.

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est le sens de cette ratification.

M Hervé Berville. Il est nécessaire d’appuyer le développement économique de la Jordanie, qui prend une part considérable dans toutes les affaires de cette région. Je suis administrateur à l’Agence française de Développement, et je tiens à rappeler qu’il faut augmenter les projets de l’AFD vers la Jordanie, notamment dans le secteur de l’eau, en vue de la création d’un tissu économique et social favorable à la fois au pays et à l’intégration des immigrés et des réfugiés, ainsi qu’en direction des infrastructures.

On est à environ 500 millions d’euros de projets de l’AFD en Jordanie, mais dans le cadre de l’augmentation de l’aide publique au développement annoncée par le Président de la République et le Ministre des Affaires étrangères, il faut que des pays comme la Jordanie, ou le Kenya qui reçoit aussi beaucoup de réfugiés, reçoivent les moyens dont ils ont besoin.

M. Claude Goasguen. J’ai fait il y a quelques années une longue mission en Jordanie sur le problème de l’eau. Les pays arabes riches comme ceux du Golfe peuvent aussi contribuer à l’amélioration de la situation de la Jordanie. L’Arabie saoudite y consacre un budget infime. Les négociations sur la désalinisation ont ainsi échoué. L’Arabie saoudite et les pays du Golfe ne sont pas très coopératifs.

M. Bruno Fuchs. Je note les propositions utiles d’intégrer à nos réflexions les dimensions des droits de l’homme et de l’environnement.

Je voterai le traité, mais même si la Jordanie n’a pas montré de signe d’instabilité, il nous faut regarder les conditions de résiliation. Il est noté que l’accord peut être dénoncé à tout moment mais que la dénonciation ne prend effet qu’après quatre-vingt-dix jours. N’y a-t-il pas matière à réflexion ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est une clause classique de rupture de relations et de dénonciation.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 112 sans modification.

*

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu (n° 114) – Mme Samantha Cazebonne, rapporteure

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous poursuivons, sur le rapport de Mme Samantha Cazebonne, l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu

Mme Samantha Cazebonne, rapporteure. En matière d’impôts sur le revenu, la France et le Portugal sont liés, par une convention fiscale qui date de 1971. L’avenant à cette convention que nous examinons ce matin comporte deux volets.

Par le premier volet, il s’agit de répondre à un problème précis, apparu en 2013. Ce problème concerne l’imposition des rémunérations des agents publics et retraités de la fonction publique française résidant au Portugal.

Pour ces rémunérations, l’actuelle convention de 1971 prévoit ce que l’on appelle « un droit d’imposition partagé » entre les deux pays. Concrètement, cela signifie que ces revenus sont imposables en France (État qui les verse), mais le Portugal, en tant qu’État de résidence, peut aussi les imposer, à condition d’éliminer les doubles impositions.

Cette règle n’est pas conforme aux recommandations les plus récentes de l’OCDE qui préconisent une imposition de ces rémunérations publiques exclusivement par l’État qui les verse.

Cependant ce droit d’imposition partagé n’a longtemps pas posé problème dans la mesure où ni le Portugal ni la France n’exerçaient leur faculté d’imposer en tant qu’État de résidence. La pratique était donc de fait conforme aux recommandations de l’OCDE.

Mais en 2013, en pleine crise économique et à la recherche de nouvelles recettes fiscales, le Portugal a modifié sa position et a commencé à exercer son droit d’imposer les rémunérations et pensions publiques versées par la France.

Sur cette base, l’administration fiscale portugaise a engagé des contrôles fiscaux à l’encontre d’agents publics (en particulier des enseignants des lycées français de Lisbonne et Porto) et de retraités de la fonction publique française qui avaient généralement déclaré leurs rémunérations et payé leurs impôts uniquement en France.

Ces personnes se sont retrouvées dans une situation particulièrement difficile, avec des situations de double imposition temporaire, une charge fiscale globalement plus lourde, l’impôt sur le revenu étant sensiblement plus lourd au Portugal qu’en France. Mais surtout, les redressements notifiés portent sur cinq années car le fisc portugais dispose d’un droit de reprise sur cinq ans : les contribuables concernés se sont donc vus notifier des rehaussements en base sur cinq ans, rehaussements auxquels s’ajoutent des majorations et pénalités pour défaut de déclaration ou retard de paiement !

On perçoit facilement l’incompréhension que ces contrôles et redressements, pourtant  conformes à la convention fiscale, ont pu susciter chez nos compatriotes.

Pour remédier à cette situation, le ministère des finances français a rapidement engagé des démarches auprès des autorités portugaises. Ces dernières ont accepté de geler les procédures en cours.  Et par cet avenant, elles ont accepté de faire évoluer les règles dans un sens très favorable aux contribuables français en s’appuyant sur le modèle de convention fiscale de l’OCDE.

Le Portugal a accepté de renoncer au droit d’imposition partagé. Ainsi, concrètement, aux termes de l’avenant qui nous est soumis, nos compatriotes résidant au Portugal et percevant des rémunérations et pensions publiques d’origine française seront désormais exclusivement imposables en France.

Le modèle de l’OCDE préconise en revanche  une imposition de ces rémunérations dans l’État de résidence si le contribuable en a la nationalité. Les contribuables ayant la nationalité portugaise devraient donc être imposés par le Portugal. Cependant, à la demande de la France, le Portugal a accepté une dérogation au modèle de l’OCDE en faveur des fonctionnaires actifs binationaux (franco-portugais) qui seront eux aussi imposés par la France. Il s’agit d’une concession importante du Portugal que l’on ne peut que saluer.

Pour bien comprendre les évolutions proposées, les  normes de l’OCDE, et la situation antérieure, je vous invite à consulter le tableau qui se trouve en page 10 de mon rapport.

Enfin, et c’est là un point très important, le Portugal a également accepté de ne pas insister sur le passé. L’avenant prévoit en effet une application rétroactive de ces nouvelles règles aux rémunérations et pensions versées à compter du 1er janvier 2013. Cela revient de facto à annuler les redressements effectués par le Portugal en 2013.

L’avenant est donc extrêmement favorable à nos compatriotes mais je souhaite attirer votre attention sur une catégorie de contribuables, pour lesquels l’alignement sur les standards de l’OCDE ne s’avère pas favorable et pour lesquels l’avenant n’apporte pas une réponse totalement satisfaisante.

Il s’agit des retraités de la fonction publique française ayant la double nationalité franco-portugaise. Imposables dans l’État de résidence, ces personnes se voient désormais appliquer le barème de l’impôt sur le revenu portugais et ce de manière rétroactive. Pour cette catégorie de contribuables, la France n’a pas pu obtenir du Portugal la dérogation au modèle de l’OCDE qu’elle a obtenue pour les actifs. Cette différence de traitement suscite leur incompréhension mais il faut avoir à l’esprit que la négociation a été globalement particulièrement favorable à la France et aux contribuables français et qu’un alignement sur les règles de l’OCDE n’aurait pu se faire qu’au détriment des actifs binationaux et non à leur profit. Pour l’avenir, les nouvelles règles ne sont pas contestables et certaines personnes concernées envisageraient de renoncer à leur nationalité française pour éviter l’imposition portugaise mais pour le passé, il reste une situation qui n’est guère satisfaisante.

Dans ce contexte, le 20 juillet dernier devant le Sénat, M. Gérald Darmanin, Ministre de l’action et des comptes publics, s’est engagé à demander à son homologue portugais une mesure de clémence fiscale en faveur de ces personnes. Je me félicite vivement de cet engagement et je crois que nous pouvons collectivement nous en réjouir et soutenir la démarche du ministre. Concrètement, il s’agit d’obtenir l’annulation des majorations et intérêts de retard demandés à ces personnes. Je serai, pour ma part, particulièrement attentive à la mise en œuvre de cet engagement.

Le second volet de cet avenant, sur lequel je ne m’attarderai pas, constitue une actualisation des stipulations de cette convention qui, datant de 1971, n’étaient pas à jour des standards les plus récents de l’OCDE auxquels la France et le Portugal sont déjà soumis par ailleurs en vertu d’autres textes. Ces stipulations concernent l’échange de renseignements en matière fiscale, l’assistance au recouvrement, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il n’y a donc pas de modification du droit existant et des modalités de coopération administrative avec le Portugal qui sont en ce domaine tout à fait satisfaisantes. Il s’agit d’une actualisation tout à fait bienvenue dont nous ne pouvons, je pense, que nous réjouir.

En conclusion, l’entrée en vigueur de cet avenant dont le Sénat a approuvé la ratification le 20 juillet dernier est très attendue. Le Portugal a achevé sa procédure de ratification le 3 avril 2017 ; l’application de l’avenant interviendra dès que la France aura fait de même. Mes chers collègues, je vous invite donc à approuver ce projet de loi qui facilitera grandement la vie de nos agents et retraités publics au Portugal.

M. Pierre Cordier. Je ne suis pas certain d’avoir bien compris pourquoi certains contribuables changent de nationalité.

Mme Samantha Cazebonne, rapporteure. Certains retraités de la fonction publique binationaux envisagent de renoncer à la nationalité portugaise afin de rester soumis à l’impôt français. Trois personnes l’ont déjà fait.

M. Jean-Paul Lecoq. Mme la Rapporteure, vous avez parlé des fonctionnaires. Qu’en est-il du reste des travailleurs ? Y a-t-il des règles spécifiques pour les fonctionnaires ? L’actualité, marquée par la volonté d’un chanteur connu de transférer sa résidence au Portugal pour des raisons fiscales, dit-on, cela pose la question de savoir si le Portugal, au regard de l’imposition globale, est un paradis fiscal en Europe. Y-a-t-il une tendance aux départs vers le Portugal, et la France veille-t-elle à ce qu’il n’en soit pas ainsi ?

Mme Samantha Cazebonne, rapporteure. Ce n’est pas l’objet de cet avenant, qui ne porte que sur la question précise de l’imposition des pensions et rémunérations publiques mais je ne doute pas que la commission aura d’autres occasions de s’intéresser de manière plus large aux questions fiscales au sein de l’Union européenne. Les revenus privés obéissent à d’autres règles d’imposition fixées par cette convention.

M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends, Mme la  Rapporteure. J’observe que vous n’avez pas soulevé cette question dans votre rapport et j’observe aussi que le délai de ratification est rapide. Dès qu’il y a un enjeu financier, cela va plus vite.

M. Christian Hutin. Je n’ai jamais déposé de brevet, mais j’ai un brevet de liberté de pensée. Nous sommes la commission qui est dans l’actualité. J’ai bien compris l’enjeu du texte, qui est de régler avec efficacité un problème précis. Mais, il est extraordinaire de ratifier aujourd’hui un accord avec le Portugal. Nous venons de parler du Luxembourg ; tout cela est donc assez paradis fiscal ; tout cela dans le cadre d’une démarche européenne. Il faut effectivement ratifier le texte, mais cette décision pourra apparaître surréaliste. Il faut veiller à ce que vont penser les gens et à la confusion que cela va engendrer. La fiscalité du Portugal est une question sur laquelle nous pourrions nous pencher très sérieusement dans le cadre de nos travaux européens.

Mme Samantha Cazebonne, rapporteure. Vous pensez en particulier je crois à la question du statut fiscal des résidents non habituels. Nous sommes face à un malheureux concours de circonstances.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. L’harmonisation fiscale européenne est une vraie question. Celle-ci pourrait déboucher sur davantage d’équité.

M. Bruno Fuchs. Ce qui vient d’être dit sur l’harmonisation fiscale en Europe répond à mes interrogations.

M. Ludovic Mendes. C’est un sujet important, car beaucoup de Portugais reviennent au pays après avoir travaillé en France. Le pays a connu des difficultés. Aujourd’hui, nous parlons de paradis fiscal, alors que le Portugal est un pays allié, un membre de l’Union européenne et qui a subi une crise économique très importante, et que l’on doit soutenir et accompagner. On ne peut pas considérer ainsi que le Portugal alimente l’évasion fiscale. Beaucoup de Français résident sur le territoire portugais, et ils n’y sont pas simplement pour des raisons fiscales, mais parce que c’est un pays où il fait bon vivre. Beaucoup de Portugais se déplacent en Europe dans le cadre de la libre circulation et c’est à nous de les accompagner fiscalement. Il faut se garder de tenir certains propos. Florent Pagny est parti en raison des droits de succession, et c’est une question

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il faut rappeler, même si c’est une évidence, l’amitié entre la France et le Portugal. En même temps, si nous pouvons aller vers l’harmonisation fiscale avec un calendrier, c’est souhaitable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte, à l’unanimité des présents, le projet de loi n° 114 sans modification.

*

Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération renforcée entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part (n° 152) – M. Guy Teissier, rapporteur

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Enfin, nous terminons avec l’examen, sur le rapport de M. Guy Teissier, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération renforcée entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Kazakhstan, d’autre part

M. Guy Teissier, rapporteur. C’est toujours un plaisir de présenter un rapport concernant un pays un peu exotique, cela nous fait voyager. Le Kazakhstan est un grand pays, vaste comme cinq fois la France, mais compte à peine 18 millions d’habitants. C’est un pays qui sort de l’époque post-soviétique et est aujourd’hui en mutation vers la démocratie.

L’Union européenne et le Kazakhstan ont conclu en décembre 2015 un accord, dit de partenariat et de coopération renforcé, destiné à remplacer le premier accord de partenariat et de coopération qu’ils avaient signé en 1995. L’appétence pour développer les relations est grande des deux côtés, car le Kazakhstan est en quelque sorte enclavé entre l’immense Russie et la très puissante Chine.

Les accords de partenariat et de coopération, ou APC, constituent un outil classique de la diplomatie de l’Union européenne. Des APC ont été signés à partir des années 1990 avec tous les pays de l’ex-URSS, puis avec plusieurs pays asiatiques. Le Kazakhstan est toutefois le premier pays avec lequel est conclu un APC dit renforcé, destiné à prendre la suite du premier accord signé.

Certes, le Kazakhstan n’est pas un partenaire économique majeur. Il ne pèse que 0,5 % dans le commerce extérieur de l’Union européenne prise comme un bloc, 0,3 % dans le commerce extérieur de la France. Il joue cependant un rôle stratégique pour certaines matières premières. C’est par exemple le premier producteur mondial d’uranium et, s’agissant du pétrole, le deuxième fournisseur de la France.

Du point de vue du Kazakhstan, l’Union européenne est un partenaire économique essentiel. Le Kazakhstan réalise près de 40 % de son commerce extérieur avec les pays européens et l’Union européenne est donc globalement son premier partenaire commercial. Il y a une volonté de s’affranchir de relations loyales mais qui l’étouffent un peu avec la Russie et la Chine.

Le Kazakhstan est par ailleurs un pays qui a une diplomatie active et positive. C’est un allié fidèle de la Russie. Mais, dans ce cadre, il s’efforce de jouer un rôle modérateur. Il s’est entremis dans la plupart des conflits qui ont agité l’ex-URSS, comme celui entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ou opposé la Russie à ses voisins, par exemple à la Turquie après la destruction d’un avion russe en 2015. Il accueille actuellement à Astana les négociations sur la Syrie voulues par la Russie, l’Iran et la Turquie. Le Kazakhstan ne veut pas se laisser enfermer dans des relations trop exclusives avec ses voisins immédiats.

Je serai assez bref sur le contenu de l’accord lui-même, car, bien qu’il soit long d’une centaine de pages, il s’agit d’un texte largement déclaratif qui comporte peu de dispositions réellement normatives et contraignantes.

Je rappelle que l’Union européenne passe plusieurs types d’accords avec ses partenaires. Les accords de libre-échange dits complets et approfondis, comme le CETA avec le Canada, posent on le sait un certain nombre de problèmes. Les accords d’association passés avec certains de nos voisins à l’Est et au Sud ont également un contenu très normatif, puisqu’ils tendent de fait à une intégration économique et réglementaire des pays concernés au marché unique européen. Les accords sur les visas, très demandés par nos partenaires, ont également des incidences migratoires évidentes.

Mais les APC ne sont rien de tout cela et celui que nous examinons ne déroge pas à la règle. Il comprend principalement des déclarations de principe. Les unes autour du partage des valeurs de la démocratie, des droits de l’homme, de l’économie de marché et du développement durable. D’autres en vue de l’établissement de coopérations bilatérales pour la politique étrangère et dans un grand nombre de domaines techniques.

Il y a aussi des engagements qui apparaissent un peu plus précis sur des questions commerciales, mais pour l’essentiel il s’agit de la reprise des engagements pris par le Kazakhstan en accédant à l’Organisation mondiale du commerce en 2015. De toute façon, le Kazakhstan a adhéré à l’Union économique eurasiatique, c’est-à-dire l’union douanière qui s’est constituée dans l’ancienne Union soviétique, ce avec quoi une intégration plus poussée avec l’Union européenne serait incompatible.

Je voudrais dire quelques mots d’une question sensible, celle des valeurs démocratiques et des droits de l’homme, car le Kazakhstan porte le lourd héritage de l’Union soviétique. Comme tous les APC, celui que nous examinons comprend des clauses de principe sur ces questions. Mais, comme bien d’autres pays signataires de ces APC, le Kazakhstan a encore du chemin à faire dans ce domaine, et d’ailleurs il chemine. Son président est certes au pouvoir depuis 28 ans et a été réélu la dernière fois avec 97,7 % des voix. Mais il prépare actuellement une transition démocratique et il a en particulier décidé d’écarter une transmission du pouvoir qui aurait été dynastique, au bénéfice de sa fille.

Il y a un débat récurrent sur l’opportunité de signer ce genre d’accords avec certains pays. La thèse défendue traditionnellement par les diplomates européens est celle des petits pas par le dialogue. L’investissement de la diplomatie européenne en Asie centrale, la mise en place de programmes de coopération et les différents accords qui y ont été passés ont en effet permis, par exemple, l’établissement avec les cinq pays d’Asie centrale d’un dialogue annuel en matière de droits de l’homme et d’une « initiative », un programme, de l’Union européenne pour le renforcement de l’État de droit. Il s’agit, plutôt que de dénoncer tel ou tel abus, de faire de la pédagogie, de convaincre les élites locales que l’État de droit, une administration honnête et efficace, une justice fiable et indépendante sont dans l’intérêt de tous car cela répond aux attentes des populations et ce sont aussi des conditions du développement économique.

J’ajoute que l’accord permet également de prendre ce qu’il appelle des « mesures appropriées » en cas de violation de ses dispositions essentielles, notamment concernant les valeurs démocratiques. Bref, l’accord pourrait à tout instant être suspendu. Cela a été le cas il y a quelques années de celui avec l’Ouzbékistan après les sanglants événements survenus dans la ville d’Andijan. 

En conclusion, nous avons un accord qui n’est sans doute pas parfait, mais nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes cher à Aldous Huxley. Cet accord répond à des intérêts partagés de ses signataires, dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine politique, car l’Asie centrale ne peut pas être laissée aux seules influences de la Russie et de la Chine. Cet accord a déjà été ratifié par une majorité d’États membres de l’Union européenne, 16 pour être précis. Je vous invite donc à adopter ce projet de loi qui permettra sa ratification par la France.

Mme Valérie Boyer. La question d’un accord de coopération avec le Kazakhstan soulève le problème de la démocratie et des droits de l’homme. Pourrions-nous en savoir plus à ce sujet ? Dans un deuxième temps, j’aimerais également avoir plus d’informations quant aux liens qui unissent le Kazakhstan avec d’autres pays de la région, comme l’Azerbaïdjan ou l’Ouzbékistan, là encore au regard des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

M. Guy Teissier, rapporteur. Depuis janvier de cette année il y a eu des avancées vers un nouveau partage du pouvoir entre présidence, gouvernement et parlement. La président, en place depuis 28 ans, aurait par exemple décidé de ne pas transmettre le pouvoir à sa fille de manière dynastique. Le pays travaille d’ailleurs sur un nouveau projet de Constitution qui accorderait des pouvoirs réduits au chef de l’État, même si ce projet restera marqué par l’histoire : le prochain président pourrait être élu démocratiquement, avec toutefois certains droits très élargis, comme par exemple l’immunité à vie. La nomination récente de deux vices-premiers ministres va aussi dans ce sens : ce sont deux oligarques, ce qui représente une certaine forme d’ouverture économique du pays.

Pour répondre à votre deuxième point, je considère qu’Astana est un trait d’union avec d’autres pays agités par des conflits ou des problèmes internes, comme par exemple le conflit du Haut-Karabagh.

M. Pierre Cabaré. Bravo pour ce beau rapport. Cet accord est très important pour obtenir des avancées en matière de droits de l’homme grâce à la coopération et au développement des échanges. C’est un signal positif pour la justice, la sécurité et les libertés.

Le Kazakhstan est un pays qui n’est pas « en marche » mais « en route » vers plus d’échanges. Il a une situation stratégique importante, que je qualifierais plutôt de charnière que d’enclavement. Je suis honoré d’avoir été élu président du groupe d’amitié avec ce pays.

Mme Mireille Clapot. Merci aussi au rapporteur. L’accord est complexe et nécessaire. Il est vrai qu’il y a eu quelques petits progrès en matière de droits de l’homme. Toutefois, la question des travailleurs migrants reste en suspens puisque le Kazakhstan n’a pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il y a aussi le problème de la surveillance de l’internet dans ce pays. Nous avons donc un devoir de vigilance, qui est aussi valable pour nos entreprises transnationales, comme Total, très présent là-bas. Nous avons maintenant une loi qui prescrit aux entreprises un devoir de vigilance sur le respect des droits humains et environnementaux tout au long de leur chaîne de valeur ; cette obligation me paraît s’appliquer particulièrement dans ce pays. Nous avons aussi la perspective d’un traité à l’ONU où la France jouera un rôle important. Pour en revenir au texte d’aujourd’hui, je le voterai.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. J’ai reçu la ministre des affaires étrangères de l’Équateur qui porte avec l’Afrique du Sud le beau projet dont a parlé Mireille Clapot. Ce serait bien en effet que la France puisse s’ajouter à la liste de ses promoteurs.

(présidence de Mme Mireille Clapot, vice-présidente)

Mme Laetitia Saint-Paul. Le Kazakhstan représente 70 % du PIB de l’Asie centrale. Je suis très favorable à ce projet de coopération qui est un point d’entrée pour le développement de l’économie de l’Asie centrale.

M. Guy Teissier, rapporteur. Il y a une véritable appétence pour le développement des échanges des deux côtés. Le Kazakhstan a une volonté sincère d’ouverture à l’Europe et ses dirigeants veulent relancer le développement économique. Après plusieurs années de prospérité économique, il ne faut pas oublier que ce pays a subi une grave crise avec 30 à 40 % de chômage dans certaines régions et une croissance annuelle passée de plus de 7 % à 1 %.

M. Jean-Paul Lecoq. Je ne suis pas favorable à la géométrie variable sur les questions de droits de l’homme. Il faut mettre la pression sur cette question dans tous les accords.

S’agissant du Kazakhstan, j’ai apprécié votre rapport qui vient après un regard français longtemps  péjoratif. Vous offrez une analyse juste de la situation au Kazakhstan. Comme en Jordanie, nous devons être vigilants en matière de droits de l’homme. Mais n’oublions pas que la France est un pays très respecté au Kazakhstan ; on y regarde avec admiration notre pays et quand nous sommes admirés, c’est souvent pour nos valeurs. L’intensification des échanges culturels est un moyen d’aider aux évolutions démocratiques. Le Kazakhstan veut donner et recevoir et l’on doit quand même souligner qu’il a réussi à s’affranchir de la tutelle de Moscou. Le Kazakhstan n’est pas un pays enclavé, mais central et soutient en plus une belle équipe cycliste !

Enfin, j’ai été étonné de votre remarque sur la longévité et les scores électoraux du président du Kazakhstan. J’ai été élu dans ma ville durant 22 ans et député avec 89 % des voix sans avoir l’impression de sortir des règles !

Les groupes d’amitié jouent un rôle important et on pourrait envisager d’inviter les députés kazakhs.

M. Guy Teissier, rapporteur. Merci pour votre objectivité. La présence de groupes d’amitié est nécessaire pour notre diplomatie parlementaire. Le développement économique est fondamental car il permet d’éviter l’extrémisme que génère la pauvreté. Le Kazakhstan évolue dans le bons sens et reste tenu d’une main de fer ; pourtant, 600 à 700 de ses nationaux sont partis en Irak et en Syrie. Il y a aussi à sa frontière orientale des minorités chinoises musulmanes qui présentent des signes de radicalisation.

M. Bruno Fuchs. Il y a un volet économique et un volet politique, qui sont liés. La relation économique est la base d’une influence politique : souvent, le développement des échanges favorise la démocratisation. Ma question porte sur le volet économique. La France est seulement le sixième fournisseur du Kazakhstan, derrière l’Italie ou l’Allemagne. Notre balance commerciale est d’ailleurs déficitaire avec ce pays. Est-ce que cet accord permettra d’inverser cette tendance ?

M. Guy Teissier, rapporteur. L’accord y participera nécessairement, même s’il est européen et que c’est ensuite aux États de discuter. Pour ma part, pour répondre à Jean-Paul Lecoq, j’ai été maire durant 32 ans et élu une fois à 77,6 %.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte, à l’unanimité des présents, le projet de loi n° 152 sans modification.

 

La séance est levée à onze heures quarante.

_____

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

 

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 9 h 30

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Bertrand Bouyx, Mme Valérie Boyer, M. Moetai Brotherson, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, M. Benjamin Dirx, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Laurence Gayte, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Marine Le Pen, M. Jacques Maire, Mme Jacqueline Maquet, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Ludovic Mendes, Mme Monica Michel, M. Sébastien Nadot, M. Christophe Naegelen, Mme Delphine O, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Bernard Reynès, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Joachim Son-Forget, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - Mme Clémentine Autain, M. Olivier Dassault, Mme Laurence Dumont, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, Mme Amal-Amélia Lakrafi, Mme Nicole Le Peih, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson