Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition de Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la feuille de route pour l’économie circulaire              2


Mercredi
16 mai 2018

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 63

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de Mme Barbara Pompili

Présidente


  1 

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la feuille de route pour l’économie circulaire.

Mme Barbara Pompili, présidente de la commission. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour une présentation de la feuille de route pour l’économie circulaire, rendue publique le 23 avril dernier.

Prévue par le plan « Climat » et résultant des objectifs de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, cette feuille de route est issue d’une large concertation avec l’ensemble des parties concernées, qui a débuté peu après la tenue des Assises des déchets en septembre 2017 et duré environ cinq mois.

Madame la ministre, l’économie circulaire relève d’une nouvelle approche de l’économie, à partir du constat que le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Elle repose sur des démarches complémentaires : augmenter la durée de vie des produits, s’orienter vers une production et une consommation durables, éviter le gaspillage alimentaire… C’est un enjeu à la fois environnemental, social et économique, qui implique un véritable changement de paradigme.

On estime à 825 000 tonnes la quantité de déchets évités chaque année grâce au réemploi et à la réutilisation des produits. Nous avons indéniablement accompli des progrès en matière de gestion, de réduction et de valorisation des déchets au cours des deux dernières décennies, grâce notamment à la création des filières dites « à responsabilité élargie du producteur » (REP).

Mais lorsque l’on voit que notre pays produit plus de 320 millions de tonnes de déchets par an, on mesure l’ampleur du défi qui reste à relever. La décision de la Chine de ne plus accepter l’exportation, sur son territoire, de certains déchets de plastique confirme la nécessité de se tourner vers un modèle plus soutenable. C’est selon cette logique que nous avons déjà pris certaines mesures en application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, comme l’interdiction des cotons tiges en plastique et la limitation de la vente des couverts et gobelets en plastique.

Après le tri sélectif, il nous faut maintenant agir sur la production, faire la chasse au gaspillage et transformer les déchets en de nouvelles ressources.

Madame la ministre, le Gouvernement propose, dans la feuille de route pour l’économie circulaire, une cinquantaine de mesures pour avancer dans cette voie. Pourriez‑vous nous en présenter les grands axes ?

De nombreux acteurs ont été associés et consultés lors de son élaboration. Certaines des mesures proposées reposent sur des démarches volontaires, d’autres peuvent impliquer des modifications d’ordre juridique. Pourriez-vous nous indiquer celles qui pourraient nécessiter une traduction législative et celles qui impliqueront une action à l’échelle de l’Union européenne ?

La question du financement est bien sûr essentielle. Des moyens sont-ils prévus pour accompagner les démarches vertueuses ? Quelle forme cet accompagnement prendra‑t‑il ? Des mesures fiscales, en particulier, sont-elles prévues ?

Quelle sera, enfin, l’implication de l’État et des collectivités locales dans la mise en œuvre de cette feuille de route, les territoires devant évidemment être au cœur de la transition ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les députés, comme certains d’entre vous le savent sans doute, la feuille de route du Gouvernement sur l’économie circulaire (FREC) a été présentée par le Premier ministre lui‑même, le 23 avril dernier, lors d’un déplacement à l’usine de Mayenne de la Société d’emboutissage de Bourgogne (SEB). Je crois que cela traduit justement la volonté du Gouvernement de donner une priorité politique importante à cette question : nous devons nous engager résolument vers un changement, non seulement de pratiques, mais aussi, plus largement, de modèle économique.

Si nous avons choisi une usine SEB pour cette présentation, c’est que cette marque représente un modèle industriel en matière de durabilité des produits. C’était une bonne clef pour ouvrir le chantier de l’économie circulaire.

Cette feuille de route est le produit de six mois de concertation avec les citoyens et les parties prenantes. Vous avez été nombreux, mesdames et messieurs les députés, à contribuer activement à ces concertations et à formuler des propositions souvent créatives, en tout cas très utiles. Je tiens à vous remercier de votre implication.

Cette feuille de route répond à un cahier des charges clair : tracer un chemin crédible pour le quinquennat vers deux objectifs très ambitieux, qui ont été définis par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, portés par le Président de la République pendant sa campagne présidentielle, puis réaffirmés par le Premier ministre à l’occasion de sa déclaration de politique générale l’été dernier : diviser par deux la mise en décharge d’ici 2015 et parvenir, dans ce même délai, à 100 % de plastique recyclé. Ces objectifs ambitieux nous obligent à changer de modèle et à dépasser le statu quo. Car tout reste à faire.

Les parties prenantes se sont beaucoup mobilisées tout au long du processus de concertation, que ce soit pendant les ateliers de l’automne dernier, pendant la consultation sur la feuille de route préalable cet hiver, ou encore lors des échanges qui ont suivi la publication du rapport de M. Jacques Vernier sur l’avenir des filières REP.

Là encore, nous avons appliqué une méthode propre à ce Gouvernement : nous nous sommes efforcés de rationaliser, de dépassionner certaines questions, et de prendre le temps de la concertation. Nous avons également demandé à un expert de nous aider à mieux comprendre la réalité de la situation et à proposer des solutions innovantes, puis consulté plus largement les citoyens français, à plusieurs reprises, en leur soumettant cette feuille de route lors de consultations publiques. Puis vient le moment des décisions : on tranche et on met en œuvre.

Cette phase d’échanges a été absolument essentielle : elle a permis de mettre sur la table, sans tabou, toutes les options, et d’accroître l’ambition de la FREC. Nous partageons finalement tous le même objectif : basculer au plus vite vers un nouveau modèle industriel qui soit porteur d’un nouveau projet de société. J’insiste sur la rapidité parce que, si la nécessité de ce changement est reconnue, la question du rythme est cruciale : en établissant cette feuille de route, nous voulions aussi accélérer le changement.

De mon côté, j’ai pu constater, à l’occasion de mes déplacements et par des réponses très encourageantes lors de la consultation, que l’intérêt des citoyens pour l’économie circulaire – j’utilise plutôt l’expression d’écologie du quotidien – s’était considérablement renforcé. C’est un sujet auquel les Français attachent une importance particulière : dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, par exemple, beaucoup des projets proposés et des entreprises créées relèvent de l’économie circulaire.

Au-delà de l’intérêt manifesté par les personnes que je rencontre, la consultation sur la version préparatoire de la feuille de route a suscité plus de 3 000 contributions et donné lieu à 30 000 votes. L’intérêt pour cette question est bien réel.

Mais les choses ne se feront pas de façon spontanée. Il faut que chacun se mobilise, et c’est aussi l’objet de cette feuille de route : donner à chacun – c’est-à-dire à l’État, aux collectivités locales, aux citoyens, aux entreprises – la possibilité de faire plus, et plus facilement. C’est pour cela aussi qu’une action volontariste de l’État est nécessaire : pour définir un cadre incitatif, mais aussi pour structurer des filières de production qui soient capables, selon l’expression courante, de « boucler la boucle » entre la collecte, le recyclage et les débouchés pour les matières à recycler. C’est là ce qui fait la difficulté de l’accélération : il faut trouver un équilibre, afin que l’ensemble des acteurs de l’économie et de la société parviennent à changer et à entrer dans cette boucle. Il nous incombe donc aujourd’hui de créer le cadre favorable pour accélérer cette transition.

Il faut pour cela que chacun ait la conviction que l’effort, de l’amont à l’aval, est réparti entre tous les acteurs. C’est l’un des enseignements que nous avons tirés des concertations, et c’est aussi pour cela que nous avons décidé de proposer la feuille de route et ses cinquante mesures structurantes en même temps, plutôt que de manière échelonnée : pour assurer ces équilibres, notamment fiscaux, qui sont si importants et si difficiles à atteindre.

Je n’ai pas le temps de passer maintenant en revue les cinquante mesures de la feuille de route. Je me concentrerai, dans l’immédiat, sur quelques mesures phares, organisées selon quatre grands axes : mieux produire, mieux consommer, mieux gérer les déchets et mobiliser les acteurs.

Les consommateurs, les citoyens, bénéficieront grâce à ces mesures d’une protection accrue contre l’obsolescence programmée. Nous voulons qu’ils soient mieux informés et qu’ils puissent mieux consommer. Car, le Premier ministre l’a dit, bien consommer, c’est choisir. Encore faut-il donner aux consommateurs les moyens de ce choix, en fonction notamment d’une information simple sur la réparabilité du produit. Elle pourrait prendre la forme d’un indice de réparabilité, rendu obligatoire à partir du 1er janvier 2020. Cette mesure permettra de mettre un terme à l’achat de produits peu robustes et peu réparables, qui sont aussi parfois des « arnaques » au porte-monnaie et touchent malheureusement souvent les plus modestes.

Nous voulons également mieux protéger les consommateurs en obtenant, au niveau européen, une extension de la durée légale des garanties des produits. Nous y tenons fermement.

Afin de faciliter le tri des déchets par les citoyens – c’était une demande très forte lors des consultations publiques –, nous harmoniserons d’ici 2022 les couleurs des poubelles sur l’ensemble du territoire, car les différences qui subsistent d’une commune à l’autre compliquent inutilement la tâche.

Nous voulons aussi lancer l’expérimentation massive d’un système de consignes solidaires dans les collectivités locales les plus engagées, qui souhaitent renforcer et accélérer la collecte du plastique. Cette consigne de nouvelle génération permettra de collecter les bouteilles en plastique et les canettes en métal, tout en contribuant à une action solidaire, puisqu’une portion des revenus issus de la vente de la matière collectée servira au financement d’une grande cause.

Des mesures seront prises pour inciter les industriels à faire de l’éco-conception leur cheval de bataille, notamment grâce à la modulation des éco-contributions, qui pourraient représenter – car nous voulons un signal prix qui soit fort – plus de 10 % du prix des produits. Le consommateur doit le voir clairement, grâce à un signal donné au moment de l’achat.

Nous augmenterons également l’incorporation de plastique recyclé dans de nouveaux produits, afin de « fermer la boucle ».

Il est, bien sûr, nécessaire que des mesures fiscales rendent la mise en décharge plus coûteuse que le recyclage. Ce point est primordial si nous voulons permettre la transition vers l’économie circulaire. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, les signaux économiques envoyés aujourd’hui ne sont pas adaptés à nos objectifs. Les taxes sur la mise en décharge et l’incinération ont certes fait l’objet d’une réforme en 2016, mais elle n’a pas été suffisante pour avoir un effet réel sur les investissements. Notre fiscalité reste d’ailleurs, à cet égard, bien inférieure à celle de nos partenaires européens. Aussi absurde que cela paraisse, la mise en décharge est aujourd’hui moins coûteuse en France que le recyclage. Conformément à l’engagement présidentiel, la feuille de route rectifiera cette situation.

L’objectif n’est pas d’alourdir la pression fiscale sur les collectivités, mais de la répartir de façon plus cohérente avec les objectifs visés. Nous voulons donner du temps, donner des marges de manœuvre aux acteurs pour s’y adapter, en baissant par exemple la TVA sur les activités de recyclage et de prévention des déchets, et en apportant également une aide financière pour accompagner le passage à la tarification incitative. Nous sommes conscients que l’augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), par exemple, qui sera débattue avec les collectivités lors de la Conférence nationale des territoires, ne peut être appliquée de façon unilatérale sans être compensée par d’autres mesures.

Pour garantir une meilleure gouvernance et une gestion plus efficace de nos déchets, la feuille de route propose également une refonte des filières à responsabilité élargie du producteur. De nouvelles filières seront créées, par exemple pour les jouets, les équipements sportifs et les outils de jardinage. Pour les éco-organismes, la gestion des moyens sera assouplie, le contrôle des résultats renforcé. Car ils ont aujourd’hui des objectifs de moyens plutôt que de résultats. Nous voulons leur donner plus de marge de manœuvre, afin qu’ils puissent atteindre plus rapidement des objectifs plus ambitieux.

Cette feuille de route ne constitue pas un aboutissement de nos travaux, je tiens à le préciser : cest maintenant que tout commence. Nous avons réussi à obtenir un certain consensus, un vrai intérêt, une réelle dynamique – elle est dailleurs relayée : jétais par exemple hier en Autriche, et jai eu loccasion déchanger avec mes homologues européens, que notre démarche a beaucoup intéressés et qui souhaitent sen inspirer –, mais tout cela nest quun début. Nous partons sur de très bonnes bases, mais maintenant que nos objectifs sont fixés et les leviers identifiés, il faut passer à laction, pour basculer à terme vers un système qui soit à 100 % circulaire, comme le veulent le Président de la République et le ministre dÉtat.

De nombreux groupes de travail, réunissant des experts et des parties prenantes, sont déjà en place pour poursuivre ce projet et faire entrer toutes ces mesures en application. Nous en créerons d’autres afin de mettre en œuvre chacune des cinquante propositions : il y aura, par exemple, des groupes de travail sur les biodéchets, sur la formation, sur le recyclage des plastiques, sur l’indice de réparabilité…

Nous attendons, dès cet été, des engagements volontaires de la part des industriels, qui doivent s’accorder sur des volumes de plastique recyclé qu’ils s’engageront à incorporer à leurs produits. Ce sera, là encore, une avancée importante, qui reposera dans un premier temps sur des coopérations volontaires, mais qui devrait à terme faire l’objet de mesures contraignantes.

Dès le mois prochain, des actions seront également menées pour mettre en avant les entreprises qui jouent un rôle moteur dans cette transition et qui s’engagent pour l’éco-conception : ainsi, par exemple, la remise des Trophées de l’économie circulaire.

Des opérations de collecte et de ramassage des déchets sauvages, véritable fléau pour l’environnement, seront menées parallèlement au déploiement des premières expérimentations de consignes solidaires. Nous voulons coordonner un réseau de collectivités qui entrent dans cette dynamique. Elle suscite un vrai intérêt parce qu’elle répond à une demande de nos concitoyens, et particulièrement des habitants des zones urbaines.

Par ailleurs, la publication du plan « Ressources » à l’occasion du World Materials Forum nous permettra d’identifier nos axes de progression et d’aller encore plus loin.

De votre côté non plus, le travail n’est pas terminé. Je vous remercie encore pour votre aide et pour vos contributions, mais nous allons encore avoir besoin de vous, parce que nous sommes en présence d’un vrai mouvement et que vous êtes au plus près des territoires. Je compte sur vous pour faire vivre cette feuille de route, pour continuer à vous engager, pour nous remettre en question quand cela est nécessaire, et pour accélérer cette transition vers un modèle d’économie circulaire. Je sais qu’il existe ici un groupe d’étude consacré à ce sujet, et que votre rôle est essentiel : il consiste à identifier les initiatives efficaces et les expériences que l’on pourrait généraliser. Pour tout cela, votre engagement est indispensable. Je sais aussi l’intérêt que beaucoup d’entre vous portent à ces transformations. Je propose donc qu’après cette présentation, nous abordions vos questions et commencions à dialoguer.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci beaucoup, madame la ministre, pour cet exposé clair et concis, qui nous laisse du temps pour les échanges. Nous allons passer la parole aux orateurs des groupes.

Mme Jennifer De Temmerman. Madame la ministre, au nom du groupe la République En Marche, je vous remercie pour votre présentation synthétique et claire. Le 23 avril 2018, vous avez, en compagnie du Premier ministre, présenté la feuille de route pour l’économie circulaire. Elle est le résultat d’une véritable démarche participative, commencée le 24 octobre 2017, et rassemble des solutions qui sont le fruit des consultations de ces derniers mois. Quatre axes principaux s’en dégagent : mieux produire, mieux consommer, mieux gérer nos déchets, mobiliser tous les acteurs. Comment, en somme, en cinquante mesures concrètes, changer de modèle économique et passer d’une économie linéaire à une économie circulaire.

Le constat est simple et inéluctable : les ressources de notre planète s’épuisent alors que les déchets s’amoncellent, certains posant de très sérieux problèmes écologiques. La vie s’étouffe. Certes, les consciences se sont éveillées ici et là, des voix se sont élevées, des initiatives ont vu le jour. Mais pour donner de l’ampleur au mouvement, il est nécessaire de coordonner, de promouvoir, de simplifier parfois, d’inciter aussi, et d’impliquer surtout chacun, citoyens, associations, collectivités, acteurs privés et pouvoirs publics.

Parmi les mesures contenues dans cette feuille très complète, vous me permettrez de ne vous interroger plus avant que sur certaines. Ma collègue Mme Bérangère Couillard souhaitait particulièrement attirer votre attention sur M. Baptiste Dubanchet, qui a entrepris il y a quelques mois un grand périple, sur plusieurs continents, contre le gaspillage alimentaire. Se nourrissant de déchets récupérés ou d’aliments périmés, il voulait attirer l’attention sur les notions trompeuses, obscures, de « date limite de consommation » (DLC) ou de « date limite d’utilisation optimale » (DLUO), souvent confondues. Que pensez-vous, madame la ministre, de la suppression, ou au moins de la modification de cette petite phrase bien connue : « À consommer de préférence avant le… » qui, en réalité, favorise le gaspillage, lequel représente 100 kilos de nourriture jetés par personne chaque année ?

L’objectif 42 de la feuille de route s’intitule « Sensibiliser et éduquer », un thème cher à mon collègue M. Jean‑Luc Fugit et à moi-même, qui sommes issus respectivement du milieu universitaire et de l’enseignement secondaire. Nous vous avons déjà interpellée personnellement sur la question de l’éducation au développement durable. Nous sommes persuadés que l’avenir se construit d’abord sur les bancs des écoles, qu’il s’agisse de sensibiliser nos enfants ou de former les acteurs de demain à leur nouveau métier. Quelle coopération, madame la ministre, est envisagée avec le ministère de l’Éducation nationale ?

Enfin, je parlerai un peu de ma circonscription, où un projet global éco-citoyen a été lancé il y a quelques mois : Ecoway. Il s’agit de sensibiliser la population des Flandres et, nous l’espérons, du monde entier, aux défis d’avenir : compétences et professions de la transition énergétique, énergies vertes, mais aussi, évidemment, économie circulaire. Pour favoriser celle-ci, des bénévoles développent actuellement une application, « Pokédéchets Go », chasse virtuelle aux déchets en réalité augmentée. Ils s’inspirent évidemment d’un jeu bien connu de nos jeunes afin de sensibiliser aux questions d’éco-conception et de recyclage. Comment pouvons-nous favoriser de telles initiatives, et peut-être les étendre au-delà d’un territoire ? De manière générale, quels moyens proposez-vous pour promouvoir les bonnes pratiques ?

M. Bruno Millienne. Madame la ministre, au nom du groupe MoDem et apparentés, je vous remercie de votre présence. L’économie circulaire, plus vertueuse écologiquement que les modèles économiques classiques, me semble être l’une des meilleures alternatives possibles pour l’avenir de notre société.

Un rapport rendu le 14 mai dernier par l’Organisation internationale du travail (OIT) annonce d’ailleurs que la lutte pour réduire les émissions de CO2 permettrait la création de 18 millions d’emplois. Six millions disparaîtraient, mais 24 millions d’emplois nouveaux seraient créés. Je pense que la feuille de route que vous avez présentée le 23 avril dernier offre des pistes pour progresser en ce sens.

J’aurai plusieurs questions à vous poser. La première portera sur la lutte contre l’obsolescence programmée, notamment par l’affichage, sur une base volontaire d’abord, puis obligatoire dès 2020 – vous en parliez tout à l’heure – d’informations sur la réparabilité de certains produits, comme les équipements électriques et électroniques, ou les meubles. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) développera à cette fin un indice de réparabilité inspiré de l’étiquette-énergie. Est également souhaitable une meilleure information sur les réparateurs, accompagnée d’une cartographie. Toutes ces propositions me semblent aller dans le bon sens, mais le secteur de la réparation fait actuellement face à de très grandes difficultés financières. Comment vos propositions pourront-elles s’appliquer dans ces conditions ?

Les régions devront assumer, pour l’essentiel, la déclinaison territoriale de cette feuille de route, dont les dispositions se traduiront d’ici 2019 par des mesures législatives résultant de la transposition de la nouvelle directive européenne sur les déchets, ainsi que des travaux d’élaboration des lois de finances à venir. La feuille de route confie, de surcroît, aux conseils régionaux un rôle de soutien à l’animation, dans les territoires, des démarches d’économie circulaire. Cependant, les collectivités se heurtent souvent à des contraintes budgétaires et techniques : l’installation d’une filière de recyclage, par exemple, peut poser la question de la rentabilité des équipements pour la commune. La question du bénéfice économique ne doit pas être oubliée. Auriez-vous des recommandations à faire pour que les collectivités puissent dépasser ce blocage ?

Une autre question concerne la commande publique responsable. Afin de déployer l’économie circulaire, les administrations sont incitées à donner les biens amortis et en bon état dont elles n’ont plus l’usage, via une interface web, ce dont je me félicite. Est également évoqué l’objectif d’intégrer l’économie circulaire dans les stratégies de commande publique, sans toutefois que cet objectif ne soit détaillé, ni ne donne lieu à un calendrier précis. Pouvez‑vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Le Gouvernement s’est engagé, enfin, à ouvrir de nouvelles filières REP pour des produits aujourd’hui exonérés du principe du pollueur-payeur, dont, entre autres, les emballages de cafés, les fournitures des hôtels et restaurants, les jouets, les articles de sport… Cette démarche peut cependant sembler incomplète : d’autres filières, largement productrices de déchets, comme le textile sanitaire et les produits jetables, restent exclues. C’est également le cas des déchets des entreprises, laissés pour compte alors qu’ils s’élèvent chaque année à 350 millions de tonnes. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce point ?

M. Guy Bricout. Je souhaite tout d’abord, madame la ministre, vous féliciter au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants pour le large travail de concertation mené ces derniers mois avec l’ensemble des parties prenantes, ainsi que pour les propositions qui en sont issues. Cette feuille de route est une étape importante vers une vraie responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés, à tous les niveaux, des industriels aux consommateurs, en passant par les collectivités. C’est un vrai signal, capable de faire comprendre que l’économie circulaire et les gains qu’elle induit pour la planète sont l’affaire de tous. Cette feuille de route est d’autant plus intelligente que vous ne confondez pas vitesse et précipitation, car une bonne partie de vos mesures s’accompagne d’un calendrier de mise en œuvre réaliste : elle laisse aux acteurs concernés le temps de se retourner et de s’adapter aux nouveaux objectifs fixés. Vous avez aussi su renforcer votre démarche en faisant rimer simplification, meilleure information et meilleures incitations.

Nous saluons également plusieurs avancées, dont certaines étaient attendues depuis longtemps. L’augmentation du nombre des filières de recyclage, par exemple, devenait urgente : à l’heure actuelle, un tiers des poubelles des Français, soit pas moins de 200 kilos de déchets par an, ne peut être recyclé. Autre choix judicieux, celui de mieux informer les consommateurs, qui peinent aujourd’hui à comprendre des étiquetages trop nombreux, en supprimant notamment le point vert au profit du logo Triman, beaucoup plus explicite, et en harmonisant et simplifiant certains dispositifs.

Si votre feuille de route et vos intentions sont très claires, permettez-moi cependant de vous demander quelques précisions et de relayer certaines inquiétudes. On voit, d’abord, que vous allez dans le bon sens, mais c’est à l’usage, progressivement, que l’on pourra constater comment ces différentes mesures seront effectivement mises en œuvre, ou non. Quel suivi, quels contrôles prévoyez-vous de mettre en place, avec quels moyens et, le cas échéant, quelles sanctions ? L’association Amorce regrette notamment l’absence de véritables contrôles et sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations, et dont les déchets finissent dans le circuit du service public. Quelle réponse pouvez-vous lui apporter ?

Par quel biais, notamment législatif, ces différentes mesures pourront-elles être mises en œuvre ? Quel calendrier exact prévoyez-vous ? Quid du niveau européen ? Pouvez‑vous nous préciser ce qui, de vos différentes préconisations, relèvera de ce niveau ? Quid de la poursuite de vos réflexions concernant le recyclage des déchets du bâtiment ? Quel calendrier prévoyez-vous ?

Reste la grande question de la mobilisation de nos concitoyens, qui doit passer par une vraie communication. Il faut, pour que cela marche, créer chez chacun des réflexes. Cela demande une vraie stratégie de long terme. Une communication sur les nouveaux dispositifs envisagés sera‑t‑elle organisée ? Parmi les acteurs importants de l’économie circulaire figurent évidemment les collectivités. Comment comptez-vous continuer à travailler et à dialoguer avec elles ? Quelles sont les priorités à mettre en avant ?

M. Guillaume Garot. Soyez remerciée, madame la ministre, pour votre présence parmi nous et pour votre exposé extrêmement clair. Je voudrais néanmoins le nuancer, peut‑être même le corriger. Car vous semblez dire qu’en matière de soutien à l’économie circulaire, tout a commencé en juin dernier. Mais non. Les années précédentes ont vu des actions très fortes, en particulier le vote de deux lois : l’une sur la transition écologique, la seconde contre le gaspillage alimentaire. Il est vrai que l’enjeu de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire doit nous rassembler, et il nécessite une volonté politique durable.

Car le contexte – faut-il le rappeler ? – est le suivant : l’empreinte écologique de la France est telle que le 5 mai, il y a onze jours, nous avons franchi le seuil du dépassement, c’est-à-dire que nous avons consommé en cinq mois et demi ce que la planète peut nous offrir pour un an. Nous l’avons dépassé de manière irréversible, pour l’année. Au niveau mondial, le jour du dépassement n’est pas le 5 mai, mais le 2 août. Il était au 31 décembre en 1961. Ce qui signifie, autrement dit, que si tous les peuples produisaient et consommaient comme les Français, il faudrait trois planètes pour supporter ce mode de développement. Un changement radical est donc indispensable, tant dans nos modes de production que de consommation. Commençons par gaspiller moins. Sur ce point, nous vous rejoignons évidemment, et nous partageons les objectifs que vous avez énoncés.

Je voudrais néanmoins insister sur deux points. D’abord, la lutte contre le gaspillage. Je me réjouis, pour ma part, de vous entendre dire que nous devons faire pour le textile ce que nous avons fait pour l’alimentation, autrement dit, lutter contre le gaspillage textile avec les mêmes principes et les mêmes méthodes que ceux qui ont été mis en œuvre avec succès par la loi que j’avais portée contre le gaspillage alimentaire. À ce sujet, madame la ministre, où en est l’action de la France contre le gaspillage alimentaire au plan européen ? Car, comme l’a dit très justement l’une de mes collègues, nous devons être très volontaristes pour améliorer l’information du consommateur. Les dates de péremption, en particulier, suscitent aujourd’hui beaucoup de confusion, notamment entre date limite de consommation (DLC) et date de durabilité minimale (DDM). Il faut, pour y remédier, des actes forts et clairs, qui puissent entraîner le reste de l’Europe. Nous comptons sur vous, bien sûr.

Le deuxième point que je voudrais évoquer est la question du réemploi, et en particulier l’obligation de fournir des pièces détachées pour favoriser la réparation. Là encore, il faut être clair, fort et volontariste. Je regrette que cette obligation n’apparaisse pas parmi les mesures que vous avez présentées.

Un dernier point pour conclure, madame la présidente : peut-être serait-il utile d’organiser un vrai débat, un grand débat, sur la fiscalité. Vous l’avez évoqué, mais je crois qu’il faut aller beaucoup plus loin, de façon cohérente et volontariste, si nous voulons des résultats durables.

Mme Mathilde Panot. Vous le savez, madame la ministre, le taux de valorisation des déchets ménagers et assimilés était en 2014 de 39 %, donc très inférieur à celui de nos voisins allemands, qui sont à 65 %, ou belges, qui sont à 50 %. Le reste, incinéré ou mis en décharge, engendre des nuisances locales ainsi qu’un gaspillage énergétique incompatible avec nos objectifs climatiques.

Selon votre feuille de route, vous souhaitez valoriser les filières REP en matière de prévention et de gestion des déchets. Les entreprises financent actuellement la collecte et le recyclage à hauteur de 1,2 milliard d’euros par les contributions REP. Par rapport aux 20 milliards que coûtent la collecte, le tri et le traitement de tous les déchets, ce montant est bien faible. Pire, certaines filières rentables ne sont pas même assujetties aux éco-contributions, et il n’y existe pas d’éco-organisme. Les éco‑contributions aux éco-organismes de tri ou de recyclage sont en effet proportionnelles à la rentabilité du traitement des produits. Le rapport de M. Jacques Vernier nous apprend ainsi que l’éco-contribution versée pour un smartphone représente 0,007 % de son prix, contre 4,5 % pour un réfrigérateur. Il y a là matière à un débat de fond : le montant de l’éco-contribution doit-il être déterminé uniquement en fonction des coûts de gestion de la fin de la vie du produit, ou doit-il intégrer les impacts environnementaux négatifs qu’il présente dès sa fabrication, et tout au long de sa vie ? Nous défendons la deuxième option, car la règle verte qui figure dans notre programme implique de moins produire et de moins consommer. D’où ma question : à l’heure de l’urgence écologique, pourquoi votre feuille de route n’intègre-t-elle pas davantage ces objectifs de réduction des déchets à la source ? Vous parlez, madame la ministre, de changer de modèle, et vous fixez un objectif de recyclage de 100 % des plastiques d’ici à 2025. Pourquoi, dès lors, n’interdisez-vous pas immédiatement la fabrication des plastiques à usage unique ? Voilà ce qui est requis pour changer de modèle et agir sur les déchets à la source !

Ma seconde question concerne un grand projet implanté dans ma circonscription : l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII. Voici ce qu’écrit la directrice de Zero Waste France sur la politique du Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères (SYCTOM) pour ce projet : « La justification du projet Ivry-Paris XIII repose encore et toujours sur des orientations datant du tout début des années 2000, alors que léconomie circulaire et lurgence de réduire le gaspillage de nos ressources nétaient pas encore au cœur des politiques publiques. La situation a bien changé et il est temps de mettre la politique du SYCTOM en cohérence avec les priorités daujourdhui et les attentes des habitants. »

En élaborant ce projet d’incinérateur, le SYCTOM prévoyait effectivement de recycler 28 % des ordures d’ici à 2025. Or c’est en contradiction avec la loi votée en 2005. Cet incinérateur coûtera 2 milliards d’euros, engendrera des pollutions nouvelles et détruira des déchets au lieu de les recycler. Comment comptez-vous mettre en cohérence ces grands projets inutiles, datés, conçus selon les politiques d’antan, avec les objectifs fixés dans la feuille de route ? Vous engagez-vous à imposer un moratoire, voire à annuler ce projet devenu inutile ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Merci beaucoup à tous. Je vais répondre à lensemble de vos questions par grands thèmes. Celui du gaspillage, que vous évoquiez, monsieur Guillaume Garot, en particulier celui du gaspillage alimentaire, est essentiel. Loin de moi lidée de prétendre que tout a commencé, dans le domaine de léconomie circulaire, le jour où le Gouvernement auquel jappartiens a été nommé. Jai déjà reconnu publiquement, à plusieurs reprises, votre contribution absolument essentielle à cet égard. Elle nous a dailleurs inspirés – cest écrit presque noir sur blanc dans la feuille de route – pour définir notre action dans dautres domaines, notamment celui des textiles, sur lequel vous appeliez justement notre attention. La loi qui porte votre nom a été tout à fait pionnière. Les résultats des États généraux de lalimentation (EGA) permettront dailleurs de renforcer laction du Gouvernement pour mettre fin au scandale quest le gaspillage alimentaire. Je ne vous apprendrai rien, mais il est important de rappeler les chiffres : en France, les pertes et les gaspillages alimentaires représentent près de 10 millions de tonnes de produits par an, cest-à-dire une valeur commerciale de 16 milliards deuros. Tous les acteurs de la chaîne sont concernés : le gaspillage intervient à 33 % dans la consommation, à 14 % dans la distribution, à 21 % lors des étapes de transformation et à 32 % en phase de production.

Pour renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire, la feuille de route pour l’économie circulaire prévoit plusieurs mesures ambitieuses. J’ai toutefois l’humilité de reconnaître que, dans ce domaine, tout commence, et je compte sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour nous aider à aller plus loin. Il est prévu en particulier par la feuille de route d’élargir à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire l’obligation de donner aux associations les invendus alimentaires. Cette disposition a été reprise dans le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, et elle est déjà en vigueur pour les distributeurs depuis février 2017. Un premier bilan dressé en 2017, en lien avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), montre qu’elle a contribué à augmenter la collecte de dons alimentaires de plus de 20 %. Nous voulons donc appliquer des dispositions analogues à d’autres domaines.

S’agissant de linformation des consommateurs sur la durabilité minimale des produits, indiquée par la mention « à consommer de préférence avant… », le Gouvernement a réaffirmé son intention dagir au niveau européen pour quelle soit améliorée. Cette mention est fixée par le règlement européen relatif à linformation des consommateurs sur les denrées alimentaires. Mais cette formulation reste mal comprise des consommateurs et engendre une certaine confusion. Or, lun des objectifs de cette feuille de route pour léconomie circulaire est, très concrètement, de faciliter la vie de chacun, en luttant contre les arnaques qui touchent à la fois nos portefeuilles et la planète. Nous voulons dissiper cette confusion : cette mention ne signifie pas que les produits ne peuvent plus être consommés, mais simplement quils sont meilleurs avant la date indiquée, sous le rapport de la qualité gustative, de la texture, ou encore de lapparence… Cest le cas, par exemple, des denrées sèches, comme les pâtes et le riz.

C’est aussi pour lutter contre la confusion que nous voulons, par exemple, supprimer le point vert sur les emballages. Voyons s’il y en a un ici. Oui, vous voyez, là, sur vos bouteilles d’eau, un point vert avec des doubles flèches. Moi-même, avant d’être nommée, je n’ai pas su répondre à la question de sa signification. C’est d’ailleurs le cas d’une grande majorité de consommateurs. Tentons un sondage en direct : combien d’entre vous pensent que ce symbole signifie que la bouteille est recyclable ou recyclée ? (Dénégations dans la salle.) Vous connaissez très bien votre sujet, bravo ! Je dois avouer que lorsque l’on m’a posé la question, avant ma nomination, j’ai mal répondu, comme 95 % des Français, qui prennent ce logo pour une indication qu’ils consomment de manière responsable. Cela, encore une fois, relève d’une confusion. Nous allons donc supprimer ce point vert. Cela peut paraître anodin, mais c’est un signal très clair : l’étiquetage relatif au recyclage doit être lisible pour le consommateur. Le point vert sera donc remplacé par un autre logo, le Triman. Cela fait partie de la simplification qui donnera à chacun les moyens de s’engager facilement, au quotidien, en faveur de l’écologie.

Concernant la responsabilité élargie du producteur, la feuille de route pour l’économie circulaire prévoit la création, en concertation avec les acteurs concernés, de trois nouvelles filières REP : pour les jouets, les articles de sport et de loisirs, et les articles de bricolage et de jardin, ces derniers étant des objets lourds, souvent gros, qui augmentent considérablement le poids et le volume des déchets que les collectivités doivent traiter.

En amont de la création de ces trois nouvelles filières REP, l’ADEME fournira, pour chacune, une étude de préfiguration. Lancées au deuxième semestre 2018, ces études nous donneront une connaissance précise des gisements et des typologies de déchets qui sont nécessaires à la création d’une filière REP. Nous lancerons, en parallèle, des réunions de concertation avec les acteurs des filières : ceux qui mettent les produits sur le marché, les opérateurs de traitement, et les acteurs du réemploi et de la réparation. Ils seront chargés de la mise en œuvre opérationnelle de ces filières, l’objectif étant d’aboutir à la publication en 2020 d’un cadre réglementaire concerté, qui entrera en vigueur en 2021.

La feuille de route reprend par ailleurs la proposition de M. Jacques Vernier de simplifier le cadre réglementaire des filières REP pour revenir à des prescriptions par objectifs. Car nous pensons que l’État n’a pas à expliquer, ni à entrer dans le détail des moyens employés par les éco‑organismes. Il doit en revanche fixer des objectifs ambitieux, vérifier si ces objectifs sont atteints et, à défaut, sanctionner. C’est comme cela que nous voulons travailler, et c’est aussi une simplification qui répond à une forte demande des acteurs du domaine. Cela rendra des marges de manœuvre aux entreprises et aux éco-organismes. Mais des contreparties doivent être prévues : l’atteinte des objectifs sera contrôlée, et engagera la responsabilité des éco‑organismes et les producteurs ; les sanctions encourues par les éco‑organismes qui ne rempliraient pas leurs engagements devront être dissuasives, afin de garantir la crédibilité de notre démarche. Cette mission de suivi et de contrôle des filières REP sera très probablement confiée à l’ADEME, avec des moyens ad hoc.

En matière de déchets du bâtiment, sur lesquels m’interrogeait M. Guy Bricout, les distributeurs de matériaux de construction sont, depuis le 1er janvier 2017, tenus d’organiser leur reprise. La majorité d’entre eux proposent aujourd’hui des solutions pour cela. Force est toutefois de constater – comme le font, je suppose, beaucoup d’entre vous – que les résultats ne sont pas encore à la hauteur de nos attentes. Il faut certes du temps, mais nous avons déjà identifié des freins, notamment le fait que tous les distributeurs ne sont pas concernés par cette obligation, et que la reprise n’est pas gratuite. C’est pour cela que cette feuille de route va plus loin, en transformant en profondeur le fonctionnement de la gestion des déchets du bâtiment. Croyez‑moi, ce n’est pas facile. Le premier de nos objectifs est d’augmenter le réemploi et la valorisation de ces déchets qui représentent, de loin, la plus grande partie de ceux que nous avons à traiter. Il est vrai qu’en vous présentant la feuille de route pour l’économie circulaire, je parle beaucoup de déchets ménagers, mais la grande majorité des déchets en France provient de l’industrie du bâtiment. C’est pourquoi le périmètre du « diagnostic déchets », obligatoire avant la démolition d’un immeuble, sera revu. Nous rendrons également plus efficace la collecte de ces déchets afin de lutter contre leur dépôt sauvage. Je sais que beaucoup d’entre vous sont particulièrement sollicités à ce sujet dans leurs circonscriptions, et qu’il s’agit d’une préoccupation croissante. Nous devons nous donner les moyens de lutter contre ces dépôts sauvages. Parmi les solutions que nous préconisons se trouve la création d’une filière REP pour les déchets du bâtiment. Elle nous permettrait d’atteindre nos premiers objectifs : rendre gratuite la reprise de ces déchets, puis multiplier les installations de traitement nécessaires à leur réemploi.

L’extension des filières REP aux secteurs des jouets, des articles de sport et de loisirs et des articles de bricolage et de jardin vise à réduire le volume des ordures ménagères et à développer l’activité de réemploi et de réparation, en lien avec l’économie sociale et solidaire. Il s’agit donc, tout à la fois, de développer l’emploi local, non délocalisable, souvent destiné à favoriser l’insertion des salariés, et de lutter contre l’extraction de ressources naturelles en passant directement au réemploi, encore préférable au recyclage. Les collectivités, enfin, bénéficieront de modifications de la fiscalité et de la réduction du volume des déchets à traiter.

Dans ces conditions, la création d’une nouvelle filière REP pour les textiles sanitaires nous a semblé prématurée : nous ne savons aujourd’hui ni les réemployer, ni les recycler. Les produits jetables ont, en revanche, fait l’objet ces dernières années de nombreuses mesures d’interdiction : ainsi les sacs en plastique, la vaisselle jetable et les cotons-tiges. Vous avez d’ailleurs, madame la présidente, joué un rôle moteur en la matière, en particulier pour répondre au problème des microbilles de plastique.

La poursuite de ces actions fait partie des priorités de la feuille de route pour l’économie circulaire. Il faut interdire certains matériaux, comme par exemple les contenants en polystyrène expansé utilisés pour la consommation nomade, et soutenir activement – nous avons commencé à en parler avec nos homologues européens – les mesures communautaires qui permettraient de limiter l’usage de produits en plastique à usage unique.

La FREC prévoit de renforcer les outils économiques destinés à réduire la mise sur le marché de produits à usage unique. Elle introduit notamment un dispositif de bonus-malus réellement incitatif, ce qui suppose qu’il puisse excéder 10 % du prix de vente de ces produits dans le cadre des filières REP, afin d’encourager les producteurs à mettre sur le marché des produits plus réutilisables et plus durables. Concrètement, de deux bouteilles entre lesquelles vous aurez le choix au rayon d’un magasin, celle qui aura été fabriquée avec du plastique recyclé sera moins chère. L’objectif est ainsi d’utiliser les éco-contributions pour moduler le prix des bouteilles de plastique, entre autres, de façon à ce que le consommateur repère le produit le plus vertueux pour la planète.

La feuille de route prend également la mesure de l’enjeu de la gestion des déchets des entreprises. Nous prévoyons ainsi d’étendre le champ de la filière REP des emballages à ceux des professionnels, de manière notamment à augmenter la collecte et le réemploi des bouteilles. Certains déchets professionnels sont d’ailleurs déjà couverts par plusieurs filières REP, par exemple les meubles et équipements électriques, les équipements électroniques, les pneumatiques... La feuille de route prévoit aussi d’en faire plus pour les déchets de la construction qui, je le disais, représentent 70 % de ceux que nous produisons.

Parmi nos priorités, se trouve également la poursuite des actions conduites ces dernières années pour interdire des produits à usage unique. Plusieurs mesures permettront d’aller plus loin, en interdisant certains matériaux comme, je l’ai dit, le polystyrène expansé. Nous porterons cette mesure au niveau européen, où nous avons d’ailleurs activement participé à l’élaboration de la stratégie sur les plastiques rendue publique par la Commission européenne en début d’année. Nous avons beaucoup contribué aux travaux de la Commission et nous soutenons fortement les mesures européennes qui permettraient de limiter les produits en plastique à usage unique.

Quant à la question de la réparabilité et de la lutte contre l’obsolescence programmée évoquée par M. Bruno Millienne, la France est pionnière en la matière. C’est, là encore, reconnaissons-le, un héritage du gouvernement précédent : l’article 99 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fait de l’obsolescence programmée un délit. Pour aller plus loin, pour mieux préserver l’environnement et protéger le consommateur, nous avons pris plusieurs mesures concrètes en faveur de l’allongement de la durée de vie des produits. Nous voulons travailler de manière à imposer, à partir du 1er janvier 2020, l’affichage obligatoire d’une information simple sur la réparabilité des équipements électriques, électroniques et électroménagers. Cette information prendra la forme d’un indice de réparabilité : on trouvera, à côté du prix du produit, un chiffre représentant la moyenne de dix critères, qui mesureront par exemple la facilité de réparer, la disponibilité de pièces détachées… Ces dix indicateurs seront établis pour chaque grand type de produits, afin que l’on puisse les comparer.

Nous renforcerons également l’offre des acteurs du réemploi et de la réparation, afin d’inciter les particuliers à recourir à leurs services plutôt que de jeter un bien et d’en racheter un nouveau. Nous augmenterons dans le même temps la place de l’économie sociale et solidaire au sein de ces activités. Il s’agit de développer en France le réflexe de réparation, de sortir de la société du jetable, donc d’aller vers le réemploi. Car l’objectif, au-delà du recyclage, doit être le réemploi, puisqu’il est susceptible de créer des emplois locaux dans le domaine, notamment, de l’économie sociale et solidaire.

Nous voulons aussi renforcer les obligations des fabricants et des distributeurs en matière d’information sur la disponibilité des pièces détachées pour les équipements électriques, électroniques et électroménagers, en introduisant par exemple, d’ici deux ans, l’obligation d’afficher leur éventuelle non-disponibilité.

Autre enjeu auquel nous nous attachons : l’allongement de la durée légale de garantie, qui en France est de deux ans. Nous voulons aller plus loin, en portant cette mesure au niveau européen. Nous ferons mieux valoir, en outre, les droits des consommateurs en matière de respect de la garantie : trop de consommateurs français ignorent encore, par exemple, que lorsqu’un appareil sous garantie tombe en panne, il incombe au fabricant de démontrer que le dysfonctionnement est le fait du consommateur. À défaut, la réparation doit être prise en charge par le fabricant : c’est, en France, un droit des consommateurs, qui pourtant n’est pas encore assez appliqué. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doivent donc être renforcés sur ce point, de même que sur l’accès des consommateurs à l’information, concernant notamment les réparateurs indépendants et la disponibilité des pièces détachées.

La fiscalité, évoquée par M. Guillaume Garot, est une question essentielle, qui a fait l’objet de beaucoup de concertations. Il faut, me disiez-vous, un grand débat sur cette question. Ce débat a lieu, principalement dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Nous l’avons d’ailleurs très largement entamé avec l’association Amorce, entre autres, lors de l’élaboration de cette feuille de route. Si la question de la fiscalité est essentielle, c’est notamment parce qu’il revient moins cher, en France, de mettre en décharge que de recycler. L’un des principaux enjeux de cette feuille de route est donc de définir un cadre fiscal cohérent pour atteindre notre objectif. Certaines mesures seront inscrites dans le prochain projet de loi de finances, comme la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour la prévention, la collecte, le tri et la valorisation des déchets dans le cadre du service public de gestion des déchets, afin de rendre ces opérations plus compétitives. Cela me paraît indispensable, et c’est une mesure phare de cette feuille de route pour l’économie circulaire.

Nous inscrirons également dans le projet de loi de finances la diminution temporaire de 8 % à 3 % des frais de gestion perçus par l’État pour le recouvrement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMI). L’efficacité de ce mécanisme n’étant plus à prouver, nous entendons le promouvoir.

Nous prévoyons également une augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), déjà annoncée à plusieurs reprises, afin d’envoyer le bon signal sur la hiérarchie du traitement des déchets : leur recyclage est préférable à leur élimination.

Il est fondamental que ces mesures soient rendues suffisamment visibles pour que les acteurs aient le temps de s’y adapter, en faisant les bons investissements. Parce que nous voulons opérer des changements profonds, durables, nous devons trouver un équilibre entre contraintes et mesures volontaires. Il ne s’agit pas d’imposer des changements du jour au lendemain, même si nous sommes résolus et volontaristes. Nous souhaitons donc que la baisse de la TVA puisse être anticipée dès que possible, afin de mobiliser les acteurs et de permettre le déploiement rapide d’actions de tri ou de recyclage par les collectivités, pour réduire sans retard les volumes d’ordures ménagères. C’est en effet ce qui pèse sur la TGAP. Je voudrais donc que la trajectoire d’augmentation de la TGAP soit définie dès aujourd’hui, mais qu’elle n’entre en vigueur qu’en 2021, afin de laisser aux collectivités le temps de s’y adapter, à l’aide de mesures complémentaires.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame la ministre, je voudrais vous poser trois questions en une, ou une en trois. La première concerne bien sûr la feuille de route pour l’économie circulaire. Pour favoriser les pratiques collaboratives et l’économie des ressources, la feuille de route entend « privilégier l’usage à la propriété ». Or le droit français, tel qu’il résulte du code civil, conçoit le droit de propriété comme étant avant tout exclusif. Notre droit s’accommode mal de la propriété partagée, de l’indivision, qui sont souvent envisagées comme des états transitoires, voire anormaux. Pour favoriser ces pratiques nouvelles, ne faudrait-il pas, selon vous, faire évoluer nos règles de propriété et nos mécanismes juridiques ? J’en viens à ma deuxième question : afin d’accompagner l’investissement productif des acteurs de l’économie circulaire et des entreprises valorisant les bonnes pratiques, il est prévu de mobiliser des outils financiers, publics comme privés, notamment les outils dits de « finance verte ». Quelle forme cet accompagnement prendra-t-il exactement ?

M. Christophe Bouillon. Madame la ministre, la feuille de route a le mérite d’exister, mais il faut vérifier qu’un certain nombre de sujets ne soient pas… à côté de la route. Je pense notamment à la contribution visible, et récupérée à l’identique, qui concerne la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques. Ce mécanisme d’éco-participation, mis en place en 2006, a été prolongé par la loi du 24 avril 2013 dont j’étais le rapporteur et qui a été votée à l’unanimité. Malheureusement, malgré l’adoption du texte, ce mécanisme vient à échéance le 1er janvier 2020. J’aimerais savoir quelles sont vos intentions à son sujet, parce qu’il participe grandement au financement de cette filière à haute qualité de recyclage. Il permet par ailleurs à des associations comme Emmaüs et Envie de bénéficier de près de 5 millions d’euros par an, et de financer 1 500 emplois d’insertion. C’est donc un enjeu essentiel, sur lequel j’aimerais vous entendre.

M. François-Michel Lambert. Madame la ministre, je salue cette feuille de route extraordinaire. Parmi ces cinquante mesures, certaines étaient attendues depuis des années, notamment les évolutions fiscales. Mais vous nous dites que cette transition est un véritable projet de société, dont l’objectif est de sortir de la société du jetable, du gaspillage. Le volume de nos déchets constitue évidemment un problème grave : 0,3 tonne par an et par habitant pour les déchets ménagers, cinq tonnes quand on intègre les déchets industriels et ceux du secteur du bâtiment. Nous ne devons donc pas nous focaliser uniquement sur les déchets ménagers, vous l’avez dit. Mais il faut aussi tenir compte du fait que la captation atteint dix tonnes par an, pour bâtir toujours plus. Pour faire du XXIe siècle celui de la productivité, en s’appuyant sur la révolution numérique, comme cela est dit dans cette feuille de route, n’est-il pas nécessaire d’instituer un pilotage stratégique, avec une responsabilité pleine, entière et totale au sein du Gouvernement ? Je sais que vous portez ce sujet, parmi d’autres.

M. Jimmy Pahun. N’oubliez pas la déconstruction des bateaux de plaisance dans vos REP, madame la ministre ! (Sourires.)

Cette feuille de route propose des mesures fortes pour parvenir à des objectifs ambitieux. J’aurais voulu vous interroger plus particulièrement sur le système de la consigne et le niveau d’ambition affiché par la feuille de route dans ce domaine. Les mesures qu’elle comporte concernent les polytéréphtalates d’éthylène (PET) et les canettes en aluminium. Pourquoi ne pas imaginer de les étendre à l’ensemble des déchets issus des emballages ? Le risque n’est-il pas que les fabricants se tournent vers d’autres types de composants, moins chers car non soumis au système de la consigne ? Là est leur intérêt économique, car la concurrence se fait d’abord sur le prix des produits. En outre, l’extension du système de consigne ne doit-elle pas s’accompagner d’une réflexion sur la recyclabilité des emballages, afin que ceux-ci puissent être valorisés par les acteurs économiques et les citoyens ? Cette question m’intéresse notamment parce que je suis très attentif à la pollution de nos océans par les rejets de plastique.

M. Ludovic Pajot. On peut saluer certains objectifs et certaines mesures de cette feuille de route pour l’économie circulaire, notamment celles qui visent à renforcer la garantie légale de conformité pouvant être invoquée par les consommateurs. Une pratique permettrait par ailleurs de protéger efficacement nos écosystèmes, tout en favorisant notre économie : la promotion et le développement des circuits courts.

Mais je veux vous interroger sur les déchets marins et la pollution des milieux aquatiques, qui est aujourd’hui un sujet préoccupant – je salue mon collègue qui a, lui aussi, posé cette question – car 20 milliards de tonnes de déchets sont déversés dans les océans chaque année. Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre, en partenariat avec les autres pays européens, pour lutter contre les déchets marins et la pollution des milieux aquatiques ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Pour répondre à votre seconde question, monsieur François-Michel Lambert, cette feuille de route pour l’économie circulaire a été annoncée, lancée et portée par le Premier ministre. Cela témoigne de l’importance que le Gouvernement lui accorde. Il s’agit d’une question transversale : l’économie circulaire est susceptible de créer 300 000 emplois en France, des emplois non délocalisables, des emplois d’insertion, mais aussi des emplois hautement qualifiés. L’économie circulaire, c’est aussi la lutte contre une double arnaque : pour le porte-monnaie de nos concitoyens et aussi, surtout, pour la planète. C’est pour cela que le Premier ministre a porté lui‑même les résultats de ce travail de concertation, qui a duré de longs mois et a été largement salué.

La question des déchets marins, soulevée par MM. Jimmy Pahun et Ludovic Pajot, est essentielle. Elle ne peut se résoudre à l’échelle de la France. Nous y travaillons déjà avec nos partenaires européens, et au niveau international. La France est active en la matière. Nous sommes particulièrement préoccupés par la prévision de la fondation Ellen MacArthur selon laquelle il y aura, d’ici 2050, autant de plastique que de poissons. Je sais que cette affirmation est très discutée, je ne prétends pas ici à l’exactitude scientifique, mais je crois que cela doit nous alerter. Nous sommes pleinement conscients qu’il y a là un risque grave. C’est pour cela que nous allons prendre une autre série de mesures, spécifiques, pour remédier au problème des déchets marins. Je vous invite d’ailleurs à y participer, puisque je vois que le sujet vous intéresse particulièrement. Prenez contact avec mon cabinet, et nous serons heureux de travailler avec vous.

Le système de consigne, monsieur Jimmy Pahun, fonctionne bien chez beaucoup de nos voisins européens. Nous en avons discuté avec eux, nous avons aussi lancé une mission sur le sujet, et M. Jacques Vernier, notamment, s’est longuement penché dessus. La France a, en la matière, un modèle un peu différent de celui de ses voisins, un modèle construit différemment au cours de son histoire. Le système des filières REP, auquel nous avons abouti, a été beaucoup repris en Europe. Nous avons donc décidé de mettre en place, avec les collectivités qui le souhaitent, des systèmes de consigne innovants, solidaires, et surtout qui seraient au choix des collectivités. Car de nombreux types de consigne différents pourraient être mis en place. Mais l’un de nos objectifs serait surtout de concentrer ces consignes sur le plastique, le hors‑foyer, les canettes et les bouteilles de plastique. Vous savez qu’à Paris, par exemple, une bouteille de plastique sur dix est collectée et recyclée ; en France, 45 % des canettes seulement sont recyclées. Face à ces chiffres très bas, un levier important peut être employé dans le domaine du hors-foyer. Il nous est arrivé à tous de nous trouver dans une ville, dans un parc ou une gare, et de mettre finalement notre bouteille dans la poubelle générale. Nous voulons donc organiser des systèmes de consigne qui pourraient prendre des formes différentes selon les collectivités. Pour encourager ce geste de tri, nous ferons en sorte que, par le biais des éco-organismes, une contribution soit versée à une grande cause nationale, qui pourrait être, par exemple, la recherche contre le cancer ou la lutte contre le plastique dans les océans… Il n’en manque pas.

Quant à l’éradication du plastique, la France a encore beaucoup de marge de progrès, car les taux de collecte plafonnent. Nous recyclons 25 % des emballages en plastique, alors que la moyenne européenne est à 40 %. Le taux de collecte des bouteilles de plastique est en moyenne de 55 % en France, contre 90 % dans les pays nordiques. Parmi les différentes mesures de la feuille de route pour l’économie circulaire, je tiens à évoquer la dynamique d’accords volontaires, dont j’ai déjà brièvement parlé, pour que les industriels utilisateurs de plastiques intègrent davantage de matières recyclées à leur production. En lien avec le ministre de l’économie et des finances, j’ai invité les fédérations des entreprises concernées à formuler, d’ici fin juin, des propositions concrètes et à prendre des engagements volontaires. Telle est notre méthode : on commence par des mesures volontaires, on mobilise et si, in fine, la démarche ne porte pas ses fruits, on impose des mesures contraignantes. L’objectif est que chacun des secteurs concernés – l’automobile, les équipements électriques et électroniques, les producteurs de résine de polyéthylène et d’emballages, le secteur du bâtiment – fasse des propositions d’ici fin juin.

Outre le déploiement de consignes solidaires pour combattre la pollution par les plastiques, la feuille de route promeut l’amélioration de l’information des consommateurs sur le geste de tri, grâce à la simplification de l’étiquetage, dont j’ai parlé tout à l’heure. Je reviens rapidement sur l’introduction du bonus-malus : pour qu’il soit réellement incitatif et constitue un signal prix très clair, son montant pourra atteindre 10 % du prix total du produit.

Au niveau européen, nous promouvons l’interdiction de l’usage de tous les plastiques fragmentables – j’ai parlé tout à l’heure du polystyrène expansé employé pour la consommation nomade – et des microbilles de plastique qui sont ajoutées à certains produits, comme les détergents qui, on le sait aujourd’hui, en contiennent beaucoup. Là encore, nous devons agir rapidement, et c’est pour cela que nous avons adopté, au niveau européen, une démarche volontariste.

La feuille de route indique également que nous installerons des filtres de récupération des granulés plastiques sur les réseaux de collecte des eaux des sites industriels qui produisent ou utilisent de tels granulés, afin d’éviter qu’ils ne soient rejetés dans l’environnement. La chose est relativement simple, et nous paraît indispensable. De même que le déploiement des filières REP, ces mesures s’inscrivent dans la dynamique de lutte contre la pollution par les plastiques.

Permettez-moi de revenir un instant sur la question, évoquée tout à l’heure par Mme Jennifer De Temmerman, de la coopération entre mon ministère et celui de l’Éducation nationale. L’éducation est un point crucial, dont j’ai beaucoup parlé avec certains d’entre vous. Des rencontres ont eu lieu entre le ministre d’État et le ministre de l’Éducation nationale, M. Jean‑Michel Blanquer, ainsi qu’entre ce dernier et moi. L’objectif est d’établir un partenariat renforcé sur ces questions d’éducation au développement durable. Les programmes scolaires comportent déjà des éléments en ce sens, mais il faut toujours en faire plus, et notamment développer dans les écoles des gestes qui deviennent des réflexes chez les écoliers.

Notre ministère appuie en tout cas les réseaux d’associations qui, dans les territoires, auraient vocation à encourager les écoles, à les aider et à les soutenir dans leur action en faveur du développement durable. Car, si les programmes sur le développement durable ont beaucoup évolué, je le disais, les projets et les pratiques doivent encore être développés. Nous nous efforcerons de concentrer notre action cet objectif. Nous aurons, j’en suis sûre, de nouvelles occasions d’en parler ensemble et de poursuivre la discussion fructueuse que nous avons déjà eue à ce sujet.

J’ai omis de parler de la question essentielle du financement, notamment des financements verts. Nous voulons mobiliser largement les outils financiers publics disponibles, ainsi que les financements privés via les outils de la finance verte. Je pense par exemple aux fonds verts et aux obligations pour mobiliser l’épargne des ménages. Car ils sont nombreux à souhaiter que leur épargne ait un sens et qu’elle soit investie dans des projets qui soient certes rentables, mais qui aient aussi une action positive sur l’environnement. Il faut donc que des produits d’épargne simples et labellisés soient mis à disposition des épargnants. Nous venons, à cette fin, de réviser le référentiel du label « Transition énergétique et écologique pour le climat » (TEEC) afin d’y intégrer le financement de projets d’économie circulaire. Nos concitoyens expriment fortement, je le disais, le souhait de donner du sens à leur épargne. Nous voulons y répondre en développant ces outils financiers verts dans le domaine de l’économie circulaire, encore trop peu abordé par la finance responsable, la finance verte, qui pourrait notamment s’intéresser aux projets en matière d’énergie.

La visibilité de l’éco-contribution est, elle aussi, un sujet crucial. Elle sera débattue dans le cadre de la transposition de la directive « Déchets », qui fera également entrer dans le droit certaines mesures de cette feuille de route. Nous travaillerons évidemment à cette transposition avec vous, d’ici, je l’espère, la fin de l’année. Ce sera une étape très importante, pour laquelle nous aurons besoin de vous.

Mme Stéphanie Kerbarh. Je souhaite d’abord vous remercier chaleureusement, madame la ministre, d’avoir associé les parlementaires à l’élaboration de cette feuille de route pour l’économie circulaire. La FREC préconise d’allonger la durée de vie des produits et d’encourager leur réparation. L’indice de réparabilité, dont l’affichage sera obligatoire sur les produits électriques et électroniques à partir de 2020, comprendra‑t‑il le prix des pièces détachées, sachant que le prix de l’une de ces pièces peut parfois dépasser celui du produit neuf ? Pourquoi ne pas avoir retenu l’obligation d’une durée minimale de disponibilité des pièces détachées ? On peut en effet imaginer que si la durée n’est pas indiquée, la réparation sera compromise. Enfin, au-delà de l’information sur la réparabilité des produits, est-il prévu d’afficher une information sur la durabilité, afin de lutter contre l’obsolescence programmée ?

Accepteriez-vous de nous présenter plus explicitement la mesure 40 relative à la lutte contre le trafic des véhicules hors d’usage ? Comment s’articule‑t‑elle avec la mesure 36 qui vise à adapter la réglementation relative aux déchets pour favoriser l’économie circulaire ?

M. Bertrand Pancher. Nous applaudissons tous ce plan « Déchets », madame la ministre, mais nous restons dubitatifs sur la division par deux de la mise en décharge d’ici 2025. Franchement, si vous y arrivez, on vous appellera Wonder Woman ! Car nous n’en sommes encore, au milieu de 2018, qu’au commencement, alors même que nous nous engageons tous, dans ce domaine, depuis des années. Pourquoi pas ? Mais se pose alors une question très précise : avez-vous fait une analyse d’impact de cette proposition ? Parce que, pour que cela fonctionne, il faut des moyens financiers considérables. Vous parlez de la baisse de la TVA, d’accord, mais il faut aussi une augmentation très forte de la TGAP. Où en est‑on quant à cette augmentation ? Nous sommes tous en train de nous engager dans des plans, dans tous les domaines, et les collectivités ont besoin de savoir où elles vont.

Mme Mathilde Panot. Vous voudrez bien m’excuser, madame la ministre, de revenir sur l’incinérateur d’Ivry, car il me semble que c’est un sujet important. L’ADEME a notamment publié un rapport qui montre que la France n’a pas besoin de nouvelles capacités d’incinération. Vous comprenez bien qu’une bataille importante se joue autour de la reconstruction de cet incinérateur, qui coûtera 2 milliards d’euros. Elle est menée par des citoyens et des associations qui ont élaboré des plans alternatifs. Comment défendre ce projet face à des habitants pour lesquels il entraînera des pollutions accrues, moyennant un coût de 2 milliards d’euros, tout cela sans utilité, puisque différents rapports montrent, vous le disiez tout à l’heure, que nous devons réduire rapidement le volume des ordures ménagères ? Les prévisions du SYCTOM ne correspondent donc plus à la réalité. Je vous demande donc encore une fois, excusez-moi d’y insister, comment vous comptez mettre vos nouveaux objectifs en cohérence avec de grands projets comme l’incinérateur d’Ivry ? Cela me paraît extrêmement important, voire vital pour la cohérence du plan que vous proposez.

M. Jean-Luc Fugit. Permettez-moi de vous dire d’abord, madame la ministre, ma satisfaction à la lecture détaillée de la feuille de route pour l’économie circulaire, dont vous venez de nous présenter l’essentiel. Étant chimiste, je voudrais rappeler ce que l’un des plus grands chimistes français, Lavoisier, déclara voilà plus de deux cents ans : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Ce n’est pas un proverbe mais une évidence scientifique, que notre société de consommation, trop souvent basée sur le « fabriquer-consommer-jeter », a parfois tendance à oublier. Au fond, les propos de Lavoisier nous rappellent les fondements de l’économie circulaire qui, comme vous l’avez rappelé à plusieurs reprises, dépasse la seule question des déchets.

Parmi les nombreux leviers qui ont été identifiés pour déployer l’économie circulaire, apparaît le dispositif « Administration exemplaire », mais aussi la commande publique. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ces leviers, et nous présenter la manière dont vous pensez réussir l’intégration de l’économie circulaire dans les stratégies de commande publique ?

M. Paul-André Colombani. Madame la ministre, comme cela a été constaté, nous avons beaucoup de retard sur nos voisins européens en matière de tri. On le voit avec l’actuelle crise des déchets en Corse. Sur le plastique, la feuille de route préconise des mesures de fiscalité locale incitative. Ayant été conseiller territorial, j’ai pu constater à quel point le « millefeuille territorial » peut être un obstacle terrible : la fragmentation des acteurs – commune, intercommunalité, département, région –, les rivalités politiciennes entre les exécutifs locaux, tout cela conduit à une paralysie dont les Corses ont récemment fait les frais. En Corse, la collectivité doit établir la stratégie, mais c’est aux intercommunalités de la mettre en œuvre. La région a le bras, mais pas la main.

Ne pensez-vous pas que l’implication des collectivités dans le tri des déchets nécessiterait une rationalisation de leurs compétences fiscales, pour éviter surtout l’éclatement des acteurs ? Compte tenu de sa population, de sa superficie et de son insularité, c’est la collectivité de Corse qui devrait tenir l’ensemble des leviers de cette politique, notamment concernant le volet fiscal, plutôt que les collectivités de moindre importance qui la constituent, lesquelles ne disposent ni de la vision globale, ni de l’envergure nécessaires.

Mme Véronique Riotton. Les entreprises et les activités économiques produisent 60 millions de tonnes de déchets, en laissant de côté ceux de la construction. C’est deux fois plus que les déchets ménagers, qui ne pèsent que 30 millions de tonnes. La feuille de route que vous venez de présenter prévoit plusieurs mesures pour les déchets des entreprises, mais elles sont parfois limitées au regard de l’enjeu qu’ils représentent – en dehors, en tout cas, de la filière REP. Je pense par exemple à la troisième mesure, qui vise 2 000 entreprises volontaires via l’ADEME. Peut-être faudrait-il commencer par un vaste plan d’incitation afin d’imposer dans les entreprises la réglementation sur le tri sélectif, bien souvent inappliquée. Je souhaiterais donc connaître les actions envisagées par le Gouvernement pour améliorer le traitement des déchets des professionnels.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Je ne reviens pas sur la réparabilité et l’obsolescence programmée, dont j’ai déjà parlé en détail. La fiscalité est une question absolument essentielle puisque, je le rappelle, il revient moins cher en France de mettre en décharge que de recycler. La décision d’augmenter la TGAP, en revanche, aura bien sûr des conséquences pour les collectivités locales. C’est pour cette raison que nous voulons nous concerter avec elles, notamment dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, pour définir ensemble une trajectoire cohérente et crédible d’augmentation de la TGAP. Je rappelle qu’elle est en France bien inférieure à la fiscalité appliquée par nos partenaires européens. Or c’est la fiscalité qui nous permettra de lutter contre les déchets et de promouvoir le recyclage sur l’ensemble du territoire.

Quant à l’incinérateur d’Ivry, madame Mathilde Panot, c’est une installation vieillissante, dont la modernisation a fait l’objet de concertations et de débats publics depuis 2012. La concertation a fait évoluer très nettement la position du SYCTOM, puisqu’elle a conduit à prévoir, entre autres, la diminution de plus de la moitié de la capacité d’incinération, la mutualisation des dispositifs de tri sur l’ensemble du territoire couvert par le SYCTOM, et l’abandon de la première proposition de tri mécano-biologique. Ce projet n’est donc pas inutile, il a fait l’objet d’une large concertation avec la population, et je suis particulièrement attentive à ce qu’il respecte les engagements, non seulement de la feuille de route pour l’économie circulaire, mais aussi de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons discuté à plusieurs reprises du projet d’Ivry avec l’ensemble des parties prenantes, et je suis à votre disposition pour en parler plus en détail, puisque c’est dans votre circonscription, que ce soit après cette audition ou plus tard.

Concernant la question de la commande publique soulevée par M. Jean-Luc Fugit, la feuille de route prévoit de mobiliser tous les acteurs, et parmi eux, évidemment, les acteurs publics. Ils auront à jouer un rôle particulièrement moteur, puisque la commande publique représente à peu près 15 % du PIB français. C’est un levier massif, que nous comptons bien activer. La feuille de route l’identifie bien comme tel. C’est pourquoi nous proposons d’engager l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) à renforcer la part de son offre qui relève de l’économie circulaire. La feuille de route propose également l’élaboration d’un modèle de charte de l’achat public durable, afin de concrétiser les engagements volontaires pris en faveur de l’économie circulaire par la collectivité publique signataire, et reconnus par la signature de la déléguée interministérielle au développement durable, Mme Laurence Monnoyer-Smith.

La feuille de route se concentre enfin sur le déploiement d’actions symboliques en fixant des objectifs ambitieux. Ils peuvent concerner la distribution de boissons, le papier recyclé, les pneus rechapés ou encore la téléphonie mobile.

Les déchets des entreprises représentent en effet, madame Véronique Riotton, environ 18 % des déchets produits en France, sans compter ceux de la construction, tandis que 9 % proviennent des ménages. C’est pourquoi les déchets des entreprises occupent une place importante dans la feuille de route. Depuis le 1er juillet 2005, elles sont déjà soumises à une obligation de tri à la source de leurs déchets valorisables – papiers, cartons, plastiques, métaux, verre et bois. C’est l’obligation du tri « 5 flux ». Elle a d’ailleurs été reprise au niveau européen, dans le cadre de la révision récente des directives « Déchets », que nous allons transposer.

Les entreprises qui produisent beaucoup de biodéchets doivent aussi les trier pour qu’ils soient collectés et valorisés correctement. La feuille de route prévoit de renforcer spécifiquement ces obligations de tri, afin de garantir le recyclage de ces déchets aux entreprises qui les trient correctement. Nous voulons aussi empêcher leur élimination en décharge ou par incinération pour les entreprises qui ne respectent pas les règles du jeu, c’est‑à‑dire qui ne sont pas en mesure de prouver qu’elles trient leurs déchets.

La feuille de route pour l’économie circulaire comporte encore d’autres mesures qui auront un impact sur la gestion des déchets des entreprises, par exemple les engagements volontaires sur le recyclage des plastiques, la révision de la fiscalité, l’extension des filières REP-emballages aux emballages professionnels, ou encore la création d’un pacte de confiance pour favoriser le développement de la valorisation des biodéchets. Vous voyez que cette question essentielle a bien été abordée dans la feuille de route pour l’économie circulaire.

Quant au rôle des collectivités, monsieur Paul-André Colombani, la loi a confié aux régions la rédaction des plans relatifs aux déchets parce qu’elles représentent l’échelle la plus pertinente. Ces plans doivent être conformes à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et les nouvelles installations de traitement doivent être conformes à ces plans régionaux.

Les véhicules hors d’usage, madame Stéphanie Kerbarh, sont en effet un fléau : on estime que 500 000 d’entre eux ne sont pas traités par la filière légale, mais disparaissent dans la nature, si je puis dire. Pour lutter contre cette filière illégale, de nouveaux outils seront mis en œuvre par les inspecteurs des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). On s’informera du devenir des véhicules qui ne seront plus assurés, et les propriétaires qui ne passeront pas le contrôle technique seront relancés.

Mme Pascale Boyer. Madame la ministre, certaines associations – dans les Hautes-Alpes, c’est l’Association des paralysés de France (APF) qui est porteuse du projet – souhaitent promouvoir localement la réutilisation de matériels d’occasion, comme par exemple les fauteuils roulants. Cette initiative est bloquée par un frein financier majeur : les financements n’existent que pour l’acquisition de matériels neufs, qui ne peuvent être financés qu’une seule fois. Une parade a été trouvée : le recours au matériel d’occasion permet aux personnes en attente de matériel neuf de bénéficier d’une solution temporaire qui atténue leur handicap. Pensez-vous, madame la ministre, que ces initiatives peuvent être généralisées ? Dans ce cas, serait-il possible d’apporter un soutien aux associations qui se portent volontaires pour développer ces actions en faveur des personnes porteuses d’un handicap, handicap qui peut être temporaire ou malheureusement définitif ?

Encore une remarque sur ces petites bouteilles : il y en a trente à quarante dans cette salle. Or le meilleur des déchets, c’est celui que nous ne produisons pas. Ne serait-il pas possible de disposer de bonbonnes à l’entrée des salles, plutôt que de bouteilles ?

Mme la présidente Barbara Pompili. C’est un travail de fond que je mène actuellement. Je peux vous dire que la bataille est rude, mais nous allons la gagner.

M. Stéphane Buchou. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la question de l’extraction des granulats marins, et plus particulièrement sur notre capacité à inscrire durablement cette filière dans la feuille de route pour l’économie circulaire. En effet, bien que les ressources en sables et granulats semblent inépuisables – environ 120 millions de milliards de tonnes –, ces exploitations en zones côtières touchent des espaces sensibles, aux enjeux capitaux en termes d’impact sur le milieu marin et ses fonctions écologiques.

J’ai récemment rencontré certains opérateurs du secteur qui, même s’ils ont peu intégré le recyclage dans leur modèle économique, continuent à considérer que leurs activités n’ont que très peu d’impact, voire aucun, sur l’évolution de l’espace littoral, et plus particulièrement sur le phénomène de recul du trait de côte. Je ne partage pas cet avis, et je sais que nous nous rejoignons sur ce point. Le boom de la construction et les besoins de notre société ne suffisent évidemment pas à justifier ces pratiques. Loin de moi de vouloir mener la filière au cimetière, comme on me l’a reproché ! Il s’agit bien plutôt de l’accompagner vers un nouveau modèle, plus respectueux de notre planète et de ses océans. Vous nous avez parlé du projet de créer une filière REP pour les déchets du bâtiment. Sera-t-elle suffisante ? Vraisemblablement non. Dès lors, comment peut-on mobiliser et accompagner les opérateurs, en préservant les emplois, vers un nouveau modèle qui concoure à la réalisation de vos objectifs ?

M. David Lorion. Madame la ministre, vous savez que mes questions portent généralement sur les départements d’outre-mer (DOM), et je ne veux pas déroger à cette règle. Dans les DOM, la filière de recyclage en est encore au stade de l’encouragement, puisque ces îles, non connectées, sont très isolées. De vraies difficultés se posent évidemment pour le recyclage de volumes assez peu importants et très variables. Le tarif de la taxe pour les déchets non dangereux réceptionnés dans les installations de stockage accessibles par voie terrestre est fixé pour les départements d’outre-mer à 24 euros la tonne. Il n’est pas vraiment incitatif, car les collectivités doivent encore investir dans les équipements nécessaires à leur traitement et à leur valorisation, donc à l’instauration de l’économie circulaire. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que la TGAP avait été fixé à 3 euros la tonne pour la Guyane et 0 euro la tonne pour Mayotte. Pouvons-nous espérer que, dans les quatre autres DOM, la TGAP soit fixée de manière à laisser une marge de manœuvre suffisante aux collectivités où tout reste à faire, et où tout reste à investir ? À défaut, cette TGAP serait évidemment beaucoup plus pénalisante qu’incitative.

Mme Sandrine Josso. Madame la ministre, la feuille de route pour l’économie circulaire prévoit de s’appuyer sur de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs et de développer les filières existantes. L’un de ses objectifs est de susciter des engagements volontaires de la part des acteurs concernés ou d’organiser, à défaut, le déploiement d’un dispositif du type des filières REP. Dans son rapport publié le 15 mars dernier, M. Jacques Vernier proposait par ailleurs d’instituer des pénalités financières pour les éco-organismes ne respectant pas les objectifs. Merci de nous préciser quels autres outils concrets seront envisagés pour mieux contrôler leur bon fonctionnement.

Mme Frédérique Tuffnell. Madame la ministre, les déchets industriels dits « banals » se montent chaque année à 35 millions de tonnes et sont traités comme des déchets ménagers. C’est notamment le cas des déchets composites. La Charente-Maritime est leader en matière d’écologie industrielle, que ce soit dans l’aéronautique, le ferroviaire ou le nautisme, avec 250 entreprises réunies au sein de quatre éco-réseaux facilitant la valorisation et le recyclage. Ce maillage d’éco-réseaux, unique en France, est particulièrement important à Rochefort. Actuellement – c’est à déplorer –, les déchets composites partent à l’enfouissement, car on ne sait pas les valoriser. Il s’agit bien, pourtant, de valorisation matière, pas de valorisation énergétique. Ma première question est donc : comment valoriser les déchets composites, alors que nous ne pouvons les broyer sans pollution supplémentaire ? Leurs réutilisations possibles sont pourtant nombreuses : ils pourraient être intégrés à de nouveaux matériaux, comme ceux d’encadrement des fenêtres et des branches de lunettes. Y aura-t-il une REP pour les déchets composites ?

Deuxième question, madame la ministre : la FREC souligne la synergie entre l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’économie circulaire ; elle insiste surtout sur les activités de réemploi et de réparation. On voit pourtant que l’ESS a un fort potentiel dans la gestion des déchets, notamment industriels. Comment peut-on organiser ces filières créatrices d’emplois dans les territoires ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Concernant l’extraction des granulats marins, monsieur Stéphane Buchou, l’un des objectifs de la FREC est bien sûr de gérer les ressources de façon plus soutenable. Nous souhaitons donc réduire l’extraction de ces granulats, en encourageant le recours aux granulats recyclés et aux matériaux alternatifs, comme ceux qui sont récupérés à l’occasion d’opérations de dragage. Pour favoriser l’usage de ces matériaux alternatifs, le ministère de la transition écologique et solidaire souhaite lever les freins qui ont été identifiés par la filière du BTP.

Un guide à destination des maîtres d’ouvrage du bâtiment est en cours de rédaction en collaboration avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Il définira des critères permettant d’utiliser ces matériaux sans risque sanitaire ou environnemental, et d’assurer des garanties aux maîtres d’ouvrage quand ils utilisent ces matériaux. En parallèle, dans le cadre des travaux d’application de la loi sur l’économie bleue, un autre guide sera préparé, là encore avec le CEREMA. Il recommandera un certain nombre d’actions de prévention des déchets issus de l’extraction de sédiments marins, ainsi que des manières de favoriser la valorisation des sédiments de dragage en les utilisant dans le secteur des travaux publics.

Les fauteuils roulants, madame Pascale Boyer, ne sont pas directement abordés dans la feuille de route, mais c’est là un problème emblématique que nous devons résoudre en nous appuyant sur notre intelligence collective. Pour passer de l’évidence abstraite à la réalité, il est primordial de développer des solutions concrètes, comme celle que porte le réseau Envie. C’est un acteur important de la feuille de route, qui prépare d’ailleurs la création prochaine d’une entreprise nationale, Envie Autonomie.

Ce réseau assure une activité de collecte, de rénovation et de distribution des aides techniques inutilisées et en bon état, pour l’instant au bénéfice des personnes qui ne peuvent s’équiper, pour des raisons économiques ou administratives. Les principes innovants qu’Envie veut mettre en œuvre sont les suivants : que le système de santé ne distribue plus systématiquement du matériel neuf, chaque matériel pouvant servir plusieurs fois, selon le souhait des personnes ; lorsqu’il est pris en charge de façon totale ou partielle, le matériel n’appartient pas à son utilisateur, qui le restitue dès qu’il n’en a plus d’utilité ; quand le matériel n’est plus utilisé, il est récupéré, entièrement rénové, aseptisé et remis à disposition du système de santé, conformément à des normes de qualité reconnues. L’objectif d’Envie Autonomie sera d’expérimenter le remboursement du matériel rénové et l’obligation pour les bénéficiaires de restituer le matériel après utilisation.

Je voudrais aussi signaler qu’un dossier sur ce sujet a été déposé dans le cadre de l’appel à projets « Pionniers French Impact ».

La question de l’outre-mer est cruciale, monsieur David Lorion. Nous voulons adapter les enjeux particuliers de cette feuille de route aux outre-mer, et exploiter les synergies entre les territoires proches et les pays voisins, notamment pour mutualiser des installations spécifiques de traitement des déchets, en tenant compte des gisements mobilisables à l’échelle territoriale visée, et pour le transport de déchets entre les DOM ou vers l’hexagone. Nous voulons aussi adapter les politiques nationales aux spécificités des territoires ultramarins, par le maintien, notamment, de moyens spécifiques d’aide à l’investissement structurel, mais aussi en adaptant les tarifs de la TGAP-déchets aux capacités financières des territoires d’outre-mer, et en introduisant un tarif réduit de la TGAP spécifique à l’outre-mer. Nous adapterons également les exigences réglementaires pour les installations de stockage en site isolé.

Nous souhaitons aussi poursuivre le développement des filières REP outre-mer, grâce à une optimisation des coûts de gestion et de traitement des déchets, grâce aussi à des soutiens spécifiques, par l’intermédiaire des éco-organismes, à l’élaboration de plans d’action territorialisée. Nous prévoyons aussi le déploiement d’un plan d’action outre-mer pour la gestion des véhicules hors d’usage.

Toutes ces mesures seront discutées dans le cadre des Assises des outre-mer, de façon à ce que ces territoires entrent de plain-pied dans la boucle de l’économie circulaire. Vous voyez qu’ils sont loin d’être oubliés. Ils nous ont d’ailleurs déjà montré leur intérêt pour l’économie circulaire, et je sais que la gestion des ressources et des déchets y est un véritable enjeu.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci beaucoup, madame la ministre, de nous avoir consacré ce temps. Nous allons vous libérer, car je sais que vous avez d’autres obligations. Merci pour ces échanges instructifs. Nous aurons l’occasion, je pense, d’y revenir.

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 17 heures

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, Mme Sandrine Le Feur, M. Stéphane Le Foll, M. David Lorion, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Gérard Menuel, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton, Mme Nathalie Sarles, Mme Frédérique Tuffnell

 

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, M. Olivier Falorni, M. Jacques Krabal, Mme Sandra Marsaud, M. Damien Pichereau, M. Thierry Robert, Mme Laurianne Rossi, M. Gabriel Serville