Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

— Audition du général François Lecointre, chef détat-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2018 2

— ANNEXE : réponses écrites complémentaires.............23

 

 


Mercredi
4 octobre 2017

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 02

session ordinaire de 2017-2018

Présidence de
M. JeanJacques Bridey,
président

 


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La séance est ouverte à onze heures.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, nous recevons ce matin le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, dans le cadre de l’examen projet de loi de finances pour 2018.

Avant de vous donner la parole, Mon général, je tiens à vous remercier pour les trois journées que nous avons pu passer, après l’université d’été de la défense, en immersion au sein de vos forces : à Toulon pour la marine, à Satory pour l’armée de terre et à Saint-Dizier pour l’armée de l’air. Je puis témoigner, au nom de mes collègues, que nous avons été fort bien reçus et qu’il a été répondu à toutes nos questions. Ce fut, pour tous les députés, anciens ou récemment élus, une expérience extraordinaire. Nous avons pu, à cette occasion, évaluer l’état de nos troupes et de nos matériels et parler librement de leur expérience avec ceux de nos soldats qui revenaient d’opération.

Général François Lecointre, chef détat-major des armées. Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, cette audition, vous le savez, est une première pour moi. La dernière fois qu’un chef d’état-major des armées s’est exprimé devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, son intervention a eu un fort impact sur la vie politique de notre pays. Je mesure donc l’importance des propos que je peux tenir.

M. le président. Je précise, à cet égard, que votre audition n’est pas ouverte à la presse…

Général François Lecointre. Cet exercice, classique en période de rentrée, est absolument indispensable ; il nécessite franchise et mesure. Les armées sont un ensemble complexe, singulier – j’y reviendrai – et souvent mal connu car cet univers est devenu quelque peu étranger aux Français. En effet, si la professionnalisation a amélioré la qualité opérationnelle et professionnelle de nos armées, elle les a également, hélas ! éloignées de nos compatriotes. Je vous parlerai donc clairement et franchement et je vous saurai gré de la qualité de votre écoute ainsi que de la discrétion dont vous saurez faire preuve concernant nos échanges, notamment lorsque je répondrai à vos questions, car je m’efforcerai de le faire en étant le plus direct possible.

Cet exercice est important parce que le projet de loi de finances pour 2018 est le dernier de la loi de programmation militaire (LPM) qui s’achève, avec un an d’avance, et que les travaux de la prochaine LPM, que nous avons lancés en tuilage avec ceux de la revue stratégique, appellent déjà toute notre attention.

La relation de confiance que nous allons nouer est, pour les armées, un atout majeur. Nous avons besoin de l’appui et de la compréhension du Parlement pour qu’il accompagne l’effort de redressement de nos capacités militaires. En effet, l’inflexion décidée par le président de la République manifeste très clairement la volonté de remonter en puissance et révèle une prise de conscience de la nécessité, pour la France, de conserver la garde haute et d’assurer la crédibilité de ses armées. L’ambition politique claire qui a été ainsi affirmée s’accorde, par ailleurs, avec la volonté d’assainir la dépense publique. Je mesure donc pleinement l’effort particulier qui sera consenti en faveur des armées. Cet effort, qui les consolidera et confortera leur place au sein de la Nation, me paraît non seulement nécessaire mais urgent.

Je n’entrerai pas dans le détail chiffré du projet de loi, mais je vous donnerai les éléments que j’ai aujourd’hui en ma possession. Plus importants me semblent être les enjeux du projet de loi de finances pour 2018, qui doit impulser la dynamique nouvelle que j’évoquais, laquelle doit assurer la cohérence la plus exacte possible entre les menaces, les ambitions et les moyens, et mettre un terme au déséquilibre actuel, qui use hommes et matériels.

Dans un premier temps, je vous rappellerai le cadre de notre action et vous exposerai, dans ses grandes lignes, mon analyse du contexte sécuritaire, avant de vous donner un rapide aperçu des opérations en cours. Puis j’aborderai le PLF 2018, en insistant sur ses caractéristiques essentielles. Enfin, j’évoquerai mes principaux sujets d’attention, au premier rang desquels la loi de programmation militaire 2019-2025, que nous commençons à bâtir.

Comme l’a dit le président de la République dans son discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs, la France se trouve aujourd’hui mise au défi, je cite, « de tenir son rang dans un ordre mondial profondément bousculé ». La force régulatrice des États et celle des pôles de sécurité collective sont contestées. Les foyers de tension se multiplient à notre périphérie et singulièrement sur les flancs sud et sud-est de notre continent. Les lignes qui, depuis 1989, dessinaient les contours du monde se sont brouillées sous l’effet combiné de trois facteurs principaux.

Le premier d’entre eux est la résurgence du recours à la violence comme mode de régulation des conflits, le retour de la guerre comme horizon possible. Jusqu’à très récemment, la communauté des pays occidentaux pensait être parvenue à délégitimer la violence. Cette « délégitimation », qui s’appuyait notamment sur la primauté reconnue à l’Organisation des Nations unies et sur un équilibre de fait entre les puissances nucléaires, nous l’avions fait admettre, bon gré mal gré, à l’ensemble des pays du monde. Or, nous sommes aujourd’hui obligés de constater que cette vision idéale des rapports de puissance entre les États était en réalité irénique et qu’elle était conçue, pensée et ressentie par un certain nombre de pays comme un déni de recours à la violence, non sans effet sur la conception même de la défense : dès lors que l’on réfute la violence comme un recours légitime, on s’enferme dans la certitude que l’on n’aura plus soi-même à y recourir.

Or, nous avons face à nous des compétiteurs stratégiques toujours plus nombreux qui considèrent que le recours à la violence est consubstantiel à l’ordre du monde. En outre, ces compétiteurs trouvent leurs prétentions facilitées par l’accessibilité technologique, qui leur permet d’acquérir et de maîtriser des systèmes d’armes et des modes d’action à fort pouvoir nivelant. Le président de la République dresse le même constat lorsqu’il déclare, le 19 septembre dernier, devant l’Assemblée générale des Nations unies, que « le multilatéralisme peine à faire face au défi de la prolifération nucléaire, ne parvient pas à conjurer des menaces que nous pensions à jamais révolues ». Il nous faut donc être conscients de cette compétition de plus en plus vive et veiller aux perspectives qu’elle nous réserve.

À ce premier facteur de déstabilisation, fondamental, s’ajoute un deuxième facteur : le fait qu’une large partie du monde demeure à l’écart du mouvement de rééquilibrage de la puissance et de l’économie. Il s’agit, pour l’essentiel, du continent africain. Cette marginalisation a des causes que nous identifions bien : l’explosion démographique dans un très grand nombre de pays, les tensions climatiques, environnementales ou hydriques, ainsi que la pression foncière. Elles contribuent à créer une spirale de la pauvreté. Ce constat est, du reste, partagé par l’Agence française du développement, qui consacre désormais plus de 50 % de son activité à l’Afrique.

Le cumul de ces handicaps favorise l’instabilité, l’insécurité et la pression migratoire qui s’exerce avec toujours plus de force, en particulier sur le continent européen.

Je ne vous l’apprends pas – en tout cas, pour moi, c’est une conviction profonde –, nous partageons avec l’Afrique une part d’histoire commune et une communauté de destin. Nous avons conscience de nos intérêts partagés et de nos devoirs vis-à-vis d’un espace et d’une population avec lesquels nous avons partie liée.

Au-delà de l’Afrique, et même si les déterminants sont quelque peu différents, le Proche et le Moyen-Orient sont également, à nos portes, en proie à des logiques d’affrontement extrêmement inquiétantes qui sont loin d’être exclusivement d’ordre religieux.

Le troisième et dernier facteur de déstabilisation du monde, ce sont les agissements désespérés de la frange la plus extrême et radicale de l’islam. La fuite en avant d’une petite minorité qui s’estime directement menacée par les conceptions sociétales du monde contemporain conduit à l’explosion du fait terroriste.

Face à cette situation, la meilleure réponse est celle de la force, entendue dans son sens le plus large. La force militaire, bien sûr, mais pas seulement. Je pense aussi à la force de nos convictions et de nos valeurs, à celle de notre droit et de nos règles, et à celle de notre détermination à agir collectivement sur toutes les racines du mal qui ronge certaines parties du monde et menace nos concitoyens. Nous n’avons plus le choix, notamment à cause de la proximité géographique de cette menace.

Aujourd’hui, l’engagement s’impose à nous comme à toute nation libre qui souhaite le rester. Cet engagement peut prendre plusieurs formes. En premier lieu, le risque d’une confrontation entre États-puissances ne peut être raisonnablement écarté. Ce type de confrontation requiert évidemment la mobilisation de l’appareil industriel ainsi qu’une organisation institutionnelle et sociale structurée autour du fait guerrier. Des États semblent, à certains égards, prêts à se lancer dans cette voie. Impensable il y a quelques années encore, cette menace doit être désormais prise en compte pour le dimensionnement de nos armées et la préparation de notre outil de défense.

Pour y faire face, nous devons être en mesure d’opposer une gamme complète de capacités, y compris au plus haut du spectre. Nous devons ainsi pouvoir disposer de notre dissuasion, de blindés, d’avions, de bâtiments, de systèmes d’information et de communication qui soient au standard de performance le plus élevé.

Nous devons également veiller à cultiver le plus haut degré d’interopérabilité avec les armées des pays amis et alliés et maîtriser ce qui fait le propre de ce type de guerre, c’est‑à-dire l’aptitude à gérer une très grande complexité. Cette exigence structure nos armées en profondeur au plan technologique, industriel et doctrinal, mais également en termes de formation et d’entraînement.

À côté de ce risque de confrontation entre États, subsiste la menace terroriste, qui, sous un terme générique embrasse des réalités très différentes.

Tout d’abord, la menace terroriste s’exprime sur le territoire national ; elle est, à ce titre, un défi de sécurité intérieure et de protection des populations. La réponse à ce défi relève en priorité de la police et du pouvoir judiciaire, qui possèdent les moyens adaptés et peuvent s’appuyer sur un travail de renseignement spécifique. Vous savez cependant, et l’actualité nous le montre, que le recours à l’action militaire s’avère parfois nécessaire, en particulier lorsqu’il s’agit de s’opposer à des individus ou à des groupes d’individus qui, parce qu’ils recourent à des modes opératoires particuliers et ciblent des objectifs précis, ne sont plus de simples délinquants de droit commun mais des terroristes qu’il convient de neutraliser par des modes d’action spécifiques.

La menace terroriste doit être également traitée dans les zones refuge et les zones grises à partir desquelles elle se finance, se structure, se prépare, s’entraîne, agit. Je pense à une organisation comme Daech, capable de se structurer au point de donner naissance à un proto-État qui a pu contrôler un territoire entier, dispose de ressources économiques importantes et qui est capable de nous contraindre à un combat, certes déséquilibré, mais que nous ne pourrons mener qu’avec des forces aguerries.

Lorsque sur le territoire d’États faillis ou dans des zones grises, nous sommes confrontés à des groupes armés terroristes, mobiles et très légers, nous devons pouvoir compter sur la souplesse et la fulgurance des forces spéciales, un renseignement réactif et fiable et un appui aéroterrestre suffisant.

Enfin, la troisième hypothèse d’engagement correspond aux opérations de stabilisation, qui ont pour finalité de créer les conditions du retour à la paix.

Du point de vue militaire, cette stabilisation comprend plusieurs modes d’action qui vont de la prévention à la coercition. Nos armées doivent ainsi être capables à la fois de mener des opérations offensives pour lutter contre des mouvements insurrectionnels qui fragilisent les États et d’agir en appui et en accompagnement des forces locales, en cherchant à combiner au maximum les effets de ces interventions avec celles des acteurs du développement et de l’appui à la gouvernance. Pour conclure sur ce point, la revue stratégique que nous rendrons demain à la ministre des Armées et qui sera présentée le 13 octobre au président de la République soulignera cette complexité.

Dans cet environnement complexe, nos armées sont engagées à un niveau qui dépasse largement les contrats opérationnels du Livre blanc ; on estime que ce dépassement est de 30 % depuis maintenant une dizaine d’années.

Cet engagement passe d’abord par la dissuasion nucléaire. Strictement défensive, elle protège la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la nature. C’est la première mission de nos armées et notre ultime assurance.

Nos armées sont également engagées à travers les postures permanentes. La posture permanente de sûreté aérienne qui garantit le respect de la souveraineté de la France dans son espace aérien. La posture permanente de sauvegarde maritime qui concourt directement à la protection des approches du territoire, dans un milieu où l’activité des États-puissances est croissante, sans omettre les flux liés aux migrations, aux trafics et au terrorisme. La posture de protection terrestre, enfin, qui a été renforcée à mesure que la menace sur notre territoire, en métropole et outre-mer, s’est faite plus pressante et plus directe.

Les armées sont ensuite engagées en opérations extérieures et intérieures, que je vais présenter rapidement. En ce qui concerne le Sahel, l’opération Barkhane est actuellement dans une phase importante d’appui à la montée en puissance de la force conjointe « G5 Sahel ».

Au Levant, la situation évolue de plus en plus rapidement, comme en témoignent l’accélération des combats et, surtout, l’effondrement de Daech, qui va se replier dans la moyenne vallée de l’Euphrate. J’ai, ce matin, une pensée particulière pour l’adjudant-chef Stéphane Grenier du 13e Régiment de dragons parachutistes et pour tous les hommes qui risquent quotidiennement leur vie là-bas, et sur tous les théâtres où nous sommes engagés.

S’agissant du territoire national, il convient de mentionner l’opération de secours des populations aux Antilles, qui se poursuit aujourd’hui. L’effectif engagé a atteint 1 600 hommes ; un bâtiment de projection et de commandement est encore présent aux Antilles et devrait rentrer à partir du 13 octobre. Nous avons par ailleurs lancé, notamment avec les Hollandais et les Britanniques, l’opération multinationale Albatros destinée à coordonner l’appui logistique de l’ensemble des secours. Il s’agit, là encore, d’une illustration de la capacité exceptionnelle de nos armées à réagir rapidement, en urgence et en complément des moyens interministériels.

Nous avons, avec cet exemple, un condensé de la plus-value apportée par les armées face à des situations exceptionnelles : capacité à intervenir massivement et en urgence, complémentarité des moyens terrestres, maritimes et aériens, capacité à agir en interministériel, interopérabilité avec les alliés et pertinence de nos dispositifs d’alerte et du pré positionnement de nos forces.

Concernant le volet « territoire national », je souhaite, également, vous dire quelques mots de l’évolution en cours de l’opération Sentinelle décidée par le président de la République. L’objectif de cette évolution est de gagner en efficacité en termes d’emploi des armées dans la lutte contre le terrorisme. La montée en puissance de la « nouvelle génération » de l’opération Sentinelle est en cohérence avec le processus de sortie de l’état d’urgence et l’entrée en vigueur de la loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme. Avec la mise en place de trois échelons distincts, l’opération va gagner en souplesse. L’échelon de manœuvre, qui vise à renforcer le dispositif par des renforts planifiés pour certains grands événements, va permettre d’engager, ponctuellement, davantage de forces qu’actuellement.

Afin que nos armées puissent conserver, sur chacun de ces fronts, un même niveau d’efficacité opérationnelle, nous devons leur garantir qu’elles disposeront des moyens nécessaires et suffisants. Cette cohérence entre les missions et les moyens relève de ma responsabilité de chef d’état-major des armées, en appui de la ministre des Armées dans l’élaboration du projet de loi de finances. Dans ce combat pour la cohérence, l’examen par le Parlement constitue l’ultime étape où des réorientations sont encore possibles et c’est pourquoi il est aussi important.

J’en viens au projet de loi de finances pour 2018 qui traduit la volonté du président de la République d’assurer la crédibilité de nos armées. Le budget va être porté à 34,2 milliards d’euros de crédits budgétaires, soit une augmentation de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2017. Cette progression est salutaire ; elle était indispensable et doit donc être saluée.

Avant d’aborder plus en détail le PLF pour 2018, je souhaiterais formuler trois remarques.

En premier lieu l’annulation de 850 millions d’euros de crédits. Décidée au mois de juillet dernier, elle fait partie de toute une série d’annulations qui ont concerné l’ensemble des ministères, dans un esprit de solidarité visant à redresser les comptes publics.

Elle se décompose, dans un premier temps, en mesure de trésorerie représentant la moitié de la somme considérée. Si ces provisions ne font pas défaut dans l’immédiat, il faudra cependant les reconstituer au cours des prochaines années, pour permettre aux structures internationales de pilotage des programmes en coopération, comme l’OCCAr (Organisme conjoint de coopération en matière d’armement) et la NAHEMA (North Atlantic Treaty Organization Helicopter Management Agency) d’assurer le paiement de nos factures à compter de 2019.

L’annulation de crédits comprend ensuite des mesures de décalage d’opérations d’armement. Ces mesures ont été prises avec le souci de ne pas atteindre l’efficacité opérationnelle des armées. Il s’agit également de ne céder en aucun cas sur l’impératif de protection que nous devons à nos soldats. Elles portent évidemment sur des opérations d’armement que nous pouvons reporter sans coûts relatifs aux dédits. Ainsi, l’accélération de la livraison d’armements légers d’infanterie, décidée dans le cadre des travaux d’actualisation de la programmation pour 2017 pour porter le total d’armes à livrer, en 2018 et en 2019, de 16 000 à 24 000, est décalée : nous reportons d’un an la livraison de 8 000 armements individuels du fantassin (AIF). De la même manière, la commande de 20 missiles Exocet mer‑mer 40 (MM40 B3C), qui devait être passée en 2017 afin d’augmenter la dotation globale des frégates multi-missions (FREMM) et des frégates de défense aérienne – il s’agissait de revenir sur la réduction temporaire de capacités que nous avons consentie lors de l’élaboration de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019 –, va être décalée d’un an ; ce report permet la réalisation d’une économie de 13 millions d’euros pour la période 2017‑2018. Le troisième exemple concerne l’hélicoptère EC725 Caracal. Nous devions passer une commande cette année pour compenser la perte d’un Caracal de l’armée de l’air survenue fin 2014 au Burkina-Faso et porter la totalité du parc à 19 machines. Nous allons décaler cette commande d’une année en économisant ainsi 17 millions d’euros pour la période 2017-2018. J’insiste sur le fait que ces mesures, bien sûr, ne sont pas sans conséquences – un décalage est un décalage –. Cela dit, elles ne pèsent pas sur la conduite des engagements opérationnels en cours. Aucune de ces opérations d’armement n’est annulée ; elles sont, je le répète, décalées.

Après la question de l’annulation de 850 millions d’euros de crédits, le deuxième point important que j’entends aborder est celui concernant le surcoût des OPEX et des OPINT.

Avant toute autre chose, je tiens à réaffirmer, devant vous, mon attachement à la solidarité interministérielle. Ce principe vaut pour les annulations de crédits ; il doit valoir aussi pour les éventuels surcoûts OPEX et ce d’autant plus que les engagements s’imposent à nous. Il serait, par conséquent, illusoire de prétendre anticiper exactement le budget nécessaire à la conduite des opérations de l’année suivante. Pour autant, il est important de trouver un bon niveau de soclage afin de ne pas avoir à faire appel à une solidarité gouvernementale qui désorganiserait l’ensemble du budget de l’État, avec des conséquences négatives sur les budgets des autres ministères ; conséquences que nous dénonçons nous-mêmes. De ce point de vue, la clause de sauvegarde inscrite en LPM et prévoyant un financement interministériel pour couvrir les surcoûts OPEX au-delà de la provision prévue en LFI 2017, est un mécanisme vertueux : elle évite aux armées d’avoir à supporter les surcoûts des opérations en rognant, par exemple, sur les programmes d’armement, l’entretien programmé des matériels, la condition du personnel ou la préparation de l’avenir.

Nous sommes l’armée de la Nation et non l’armée du ministère des Armées. La clause de sauvegarde consacre le principe de contribution de la Nation tout entière à l’effort que suppose tout engagement militaire en opération, sous le contrôle du Parlement.

Pour en revenir à la fin de gestion 2017, restent à couvrir 352 millions d’euros de surcoûts OPEX et OPINT (hors surcoût de l’engagement des armées après le passage du cyclone Irma dans un esprit d’assistance et de solidarité nationale). Une prise en compte interministérielle seulement partielle des surcoûts OPEX et OPINT ne manquera pas d’avoir des effets d’éviction préjudiciables.

Le troisième et dernier point concerne le report de crédits : 700 millions d’euros de crédits ont été gelés en 2016 et reportés sur 2017. Ils sont toujours gelés aujourd’hui alors qu’ils sont nécessaires à la réalisation des équipements programmés. J’attends que ces crédits puissent être consommés avant l’entrée en vigueur de la prochaine LPM de façon à ne pas peser négativement sur le report de charges.

J’en viens à présent au projet de loi de finances pour 2018.

Ce texte est conforme à la LPM actualisée, augmentée des besoins reconnus par le conseil de défense d’avril 2016. Il consacre un effort supplémentaire pour la protection de nos forces à hauteur de 200 millions d’euros ainsi qu’un rebasage des surcoûts OPEX à hauteur 200 millions d’euros. J’observe que les trois priorités rappelées par la ministre des Armées sont consacrées par le texte.

La première consiste à soutenir l’engagement de nos forces et leur préparation opérationnelle. En la matière, le PLF prévoit une hausse de la ressource avec un effort particulier au profit de l’entretien programmé des matériels ; une augmentation de 13 % traduit la dynamique de régénération rendue indispensable par le surengagement de nos forces déjà évoqué.

La deuxième priorité fixée par la ministre est la poursuite de la modernisation de nos équipements et de l’amélioration des conditions de vie. Ainsi, l’an prochain, seront livrés trois Rafale, un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), cinq hélicoptères Tigre, dix hélicoptères NH90, deux avions A400M, une frégate multi-missions, un bâtiment multi‑missions pour l’outre-mer et cinq cents véhicules légers terrestres tactiques polyvalents… La liste de ces livraisons, qui n’est évidemment pas exhaustive, montre bien que la poursuite de la modernisation des équipements reste assurée. Parallèlement, nous allons fournir un effort important concernant l’infrastructure avec une augmentation considérable de 28 % : 327 millions d’euros supplémentaires seront en effet investis, après des années de sous-dotation budgétaire qui ont conduit, pour respecter les contraintes des grands programmes d’armement, à consentir des dégradations des conditions de vie et de travail de nos soldats, de nos marins, et de nos aviateurs.

Troisième et dernière priorité : la cyberdéfense, le renseignement et la protection des forces. Le PLF prévoit une hausse de 20 % des crédits consacrés aux trois services de renseignement. Il est également prévu de consolider la cyberprotection des systèmes d’information et des réseaux.

Ainsi sont pris en compte les besoins immédiats liés à l’ambition renouvelée de notre pays, à l’engagement accru de nos armées, à la nécessité d’enrayer le phénomène d’usure de notre potentiel matériel et humain. Le PLF 2018 marque donc une première étape essentielle sur le chemin de la régénération et de la modernisation de nos armées. Il crée les conditions de la réussite de la prochaine LPM et amorce une dynamique qui sera celle des sept prochaines années.

Cela m’amène à ma troisième et dernière partie consacrée à la LPM en cours d’élaboration et le moral et la condition du personnel.

Le modèle de notre armée sera structuré par les deux prochaines LPM. Nous sommes en train de mettre la dernière main, je l’ai évoqué, aux conclusions de la revue stratégique qui permettra d’orienter le contenu de la LPM en définissant une nouvelle ambition opérationnelle – je préfère en effet l’expression « ambition opérationnelle » à celle de « contrat opérationnel ». Cette ambition sera définie par le président de la République à partir de propositions que nous lui présenterons. Elle comprendra un socle cohérent, fondé sur les engagements actuels et prévisibles à court et moyen terme, ainsi que sur des volets opérationnels plus innovants, indispensables si nous voulons peser dans le nouveau contexte stratégique. Je pense ainsi à la posture permanente de sûreté cyber ou à la posture permanente de renseignement stratégique. Sur la base de cette ambition, nous déterminerons ensuite les formats des armées et les adaptations du modèle, qui devra rester complet et équilibré – et pas seulement un modèle cohérent –, c’est-à-dire à large spectre, à même de répondre à l’ensemble des menaces. Évidemment, ces formats capacitaires devront être en cohérence avec les trajectoires relatives aux ressources financières et aux effectifs.

Pour être crédible, cette ambition opérationnelle doit pouvoir être soutenable dans la durée, sans épuiser le capital humain et matériel. Il y a une vraie différence entre le volume de forces en action et le format des armées. C’est l’épaisseur organique des armées qui leur permet de durer, de s’entraîner et de se régénérer. La soutenabilité complète ne sera évidemment pas accessible immédiatement. Mais la trajectoire financière de la prochaine LPM, telle qu’elle se dessine, devrait permettre de l’atteindre progressivement, à l’horizon 2030.

Dans le premier temps de la prochaine LPM, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une restauration de notre modèle déjà engagée en 2018. Un modèle usé par plusieurs années de sous-dotation et de sur-engagement (30 % au-delà de ce qui avait été envisagé par le Livre blanc). Cette phase, non exclusive de l’effort de modernisation, est absolument indispensable pour revenir à un fonctionnement plus équilibré et plus sain et envisager la préparation de l’avenir. Dans un second temps, à partir de 2023, il faudra accroître l’effort de modernisation de nos armées. La courbe ébauchée par le projet de LPFP devra permettre d’atteindre l’objectif fixé par le président de la République de 50 milliards d’euros hors pensions et à périmètre constant, soit 2 % du produit intérieur brut.

J’en viens aux effectifs, deuxième enjeu. Les déflations massives d’effectifs imposées depuis une dizaine d’années par les réformes successives ont mis les armées, directions et services, sous forte tension, d’autant plus que nous avions consenti d’importantes déflations d’effectifs et d’importantes réductions de format qui devaient s’accompagner d’une réduction de l’engagement des armées. Dès lors que cet engagement n’a cessé d’augmenter, la tension s’est révélée difficile à soutenir. Je rappelle qu’entre 2008 et 2017, ces déflations ont représenté un volume de l’ordre de 50 000 militaires sur un total de 250 000 environ en 2008, soit une diminution de près de 20 %. Les soutiens sont particulièrement concernés par ce phénomène. Le cadrage à plus 1 500 équivalents temps plein de la LPFP marque un début de prise en compte de cette situation. Les armées sont conscientes de l’effort que cela représente au moment où la fonction publique doit supporter des déflations mais j’insiste sur le fait que les armées ont subi des déflations trop importantes lors des deux LPM précédentes au regard de l’engagement que la Nation leur demande de soutenir. L’effort prévu par la LPFP est important, je le mesure, il est pourtant aujourd’hui inférieur aux besoins exprimés par la ministre des Armées et il va contraindre, en l’état, notre effort de régénération. Nous devrons donc apporter une attention particulière à la reconnaissance des besoins en effectifs sur les plans quantitatif et qualitatif au-delà de l’horizon de la LPFP et à partir de 2023.

Autre facteur important pour la régénération du modèle : l’infrastructure. Je l’ai évoqué, ce domaine a été négligé par la LPM 2014-2019. Il faut par conséquent faire un effort important en 2018. Reste que ce sous-investissement a eu des conséquences des plus négatives sur les conditions de vie et de travail des militaires, de même que sur la programmation, et j’attends de la prochaine LPM qu’elle prenne en compte le besoin de réhabilitation qui concourt directement à la régénération du modèle. Il s’agit bien de préserver l’épaisseur organique d’un modèle d’armée qui doit pouvoir durer.

Troisième enjeu, la préparation de l’avenir. Cette priorité définie par la ministre des Armées se traduit par l’objectif, à terme, de consacrer un milliard d’euros aux études amont pour la modernisation des armées, tout en maintenant un équilibre avec le déroulement des programmes en cours.

Je sais que la ministre des Armées est attentive à ce que la dynamique de la prochaine LPM que nous élaborerons avec vous, ne soit pas affectée par certaines dispositions. Pour ce qui est du rebasage progressif des OPEX, j’insiste, nous devrons rester attentifs à atteindre un seuil qui permettrait de ne pas désorganiser la réalisation du budget de l’État. Néanmoins, il faut absolument conserver la clause de sauvegarde que j’ai déjà évoquée – ce sera l’un des enjeux de la future LPM.

Autre point : la résorption des reports de charges ne doit pas remettre en cause la programmation actuelle et pour cela ne pas être trop rapide – elle ne doit pas trop contraindre les dépenses d’équipements et nous permettre de garder des marges de manœuvre suffisantes.

Pour en finir sur ce sujet, je salue par avance les efforts que font nos concitoyens pour répondre à la dynamique volontariste insufflée par le président de la République et pour donner à leurs armées les marges et les moyens nécessaires. C’est un signe fort de l’attachement du pays à ses armées, de la confiance qu’il place en elles. C’est le signe d’une prise de conscience de l’évolution du cadre stratégique que j’ai décrit tout à l’heure. Les hommes et les femmes de nos armées sont conscients que ces efforts les obligent et je puis témoigner que nous mettons tous un point d’honneur à être à la hauteur de cette confiance.

J’en viens à un sujet qui me tient à cœur : la spécificité militaire. Rien n’est pire que la banalisation. Le président de la République, les parlementaires et nos concitoyens commencent à mesurer l’importance de conserver une armée qui fonctionne selon un mode et un statut particulier, des valeurs singulières, lesquels en font une composante essentielle et particulière de la Nation. Cette spécificité militaire est indispensable à l’équilibre de notre culture collective et indispensable également à l’efficacité des armées. Vous connaissez bien cette citation du général de Gaulle : « La défense ! C’est là, en effet, la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. » J’en suis moi-même persuadé. Je constate que cette citation est affichée dans cette salle…

M. le président. N’ayant pas lu à l’avance votre texte, nous ne saurions être soupçonnés de l’avoir mise là exprès… (Sourires.) Cette citation se trouve ici en effet depuis cinq ans.

Général François Lecointre. Pour citer à nouveau le général de Gaulle, « la France s’est faite à coups d’épées ». Je suis persuadé qu’une grande démocratie comme la nôtre a besoin d’une armée forte, sûre de ses valeurs et sûre de sa singularité – une singularité qui ne la sépare pas du reste de la Nation mais qui la complète. Cet état militaire répond à la vocation de ceux qui veulent mettre leur vie au service de la protection de leurs concitoyens et de la défense des intérêts de leur pays, cela en usant de la force légitime y compris pour donner la mort sur ordre.

L’usage de la force, comme l’état particulier de ceux qui ont la lourde responsabilité de la mettre en œuvre, n’a rien d’anodin. Cela doit continuer à interroger tout un chacun. C’est bien en raison de cet état particulier et de tout ce qu’il implique, que les militaires acceptent les contraintes qui leur sont imposées : discipline, neutralité, disponibilité.

L’ensemble de ces contraintes et l’ensemble de ces règles garantissent l’efficacité des armées. C’est pourquoi nous devons rester très vigilants vis-à-vis de toute disposition qui conduirait à la banalisation de cet état militaire. De ce point de vue, et par exemple, la transposition de la directive européenne sur le temps de travail comporte un risque de remise en cause et je serai très attentif à ce que le principe de disponibilité attaché à l’état militaire ne soit pas affaibli.

Nous sommes, la ministre et moi, très attentifs au moral des armées. Cette attention se traduit par un plan d’amélioration de la condition du personnel et un futur plan d’accompagnement des familles. Ces mesures sont indispensables, il en va de notre capacité à fidéliser notre personnel et à continuer d’offrir à notre pays la meilleure protection possible. Au-delà de ces deux plans, un effort de nature indemnitaire et indiciaire devra être fait pour garantir l’équité interministérielle entre le traitement réservé aux militaires et celui réservé à la fonction publique.

Pour conclure, je me réjouis de l’impulsion donnée par le président de la République. Elle procède de la prise de conscience d’un bouleversement stratégique qui n’échappe à personne et qui rend urgentes, encore une fois, la régénération du modèle de notre armée et la montée en puissance de notre capacité collective de protection et de défense. En portant l’effort à 1,82 % du PIB, le PLF pour 2018 constitue une première étape de cette remontée en puissance. Vous comprenez bien qu’il est important que la LPM pour 2019-2025 donne à cette dynamique de la profondeur et du champ. Je sais pouvoir compter sur votre soutien sans faille pour y parvenir. Vous pouvez, quant à vous, compter sur ma totale loyauté et sur mon engagement personnel. (Applaudissements.)

M. le président. Merci, Mon général, pour ces propos limpides et directs, graves parfois et qui nous ont montré la réalité ainsi que les ambitions que vous vous fixez pour nos armées dans le cadre de remontée en puissance budgétaire annoncée par le président de la République et que traduiront le PLF pour 2018 et la LPM pour 2019-2025.

Vingt et un d’entre vous sont inscrits et il nous reste une heure ; je vous invite par conséquent à vous montrer concis.

Mme Nicole Trisse. Nous venons d’entrer dans le mois européen de la cybersécurité. Il s’agit de sensibiliser le grand public aux dangers de la cybercriminalité et du cyberterrorisme. La cybersécurité militaire est en plein essor, au point que Jean-Yves Le Drian a parlé à son propos d’une quatrième armée. Quelle est votre analyse ? Pensez-vous que nous puissions réellement parler d’une quatrième armée ? Comment vous et vos hommes appréhendez-vous le cyberterrorisme au quotidien ?

M. Yannick Favennec Becot. L’engagement de nos armées dans des opérations de contre-terrorisme s’effectue tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières. En effet, l’extrême gravité du contexte géostratégique nous conduit à combattre la menace terroriste sur plusieurs fronts à la fois. Cela nous oblige donc à un engagement considérable de nos armées dans des missions particulièrement dangereuses, ainsi qu’à un effort budgétaire à la hauteur de ces missions. C’est pourquoi je considère qu’il est de notre responsabilité de renforcer les moyens alloués à notre politique de défense, il y va bien sûr de la sécurité de nos concitoyens et de nos militaires.

Aussi, Monsieur le chef d’état-major, je souhaite que vous nous indiquiez comment vous voyez l’évolution de ces opérations de contre-terrorisme intérieures extérieures. Pensez‑vous que nos armées soient en mesure de répondre aux menaces auxquelles notre pays doit faire face ?

Mme Anissa Khedher. Députée de la septième circonscription du Rhône, je vous ai accueilli samedi dernier à l’école de santé de Bron.

La transformation du modèle du service de santé SSA 2020, validée en 2013, est en cours d’exécution. À l’heure actuelle, son personnel connaît un niveau d’activité intense, en raison des engagements extérieurs de ces dernières années, qui induisent également un taux de projection relativement élevé. Pourriez-vous nous faire un point d’étape sur la transformation du SSA et les implications concrètes du projet SSA 2020 ? Outre les investissements dans l’équipement – 40 millions d’euros supplémentaires, soit une hausse de 11 % par rapport à 2017, sont inscrits dans le PLF pour 2018 –, quels sont les efforts prévus en matière d’effectifs ?

Mme Marianne Dubois. La réserve opérationnelle contribue à soulager les forces d’active dans leurs missions de surveillance du territoire national. Pourtant, depuis la professionnalisation des armées, la plupart des unités doivent, faute de moyens, se contenter d’un matériel et d’équipements vieillissants et souffrent d’un manque d’entraînement. Par ailleurs, la situation des réservistes est parfois difficile vis-à-vis de leurs employeurs. Pouvez‑vous donc nous détailler les mesures budgétaires prévues pour optimiser l’emploi des réservistes ? Qu’est-il prévu pour le renouvellement des équipements ? Des mesures incitatives sont-elles envisagées pour que les entreprises ne soient plus pénalisées par les absences du personnel réserviste ?

Général François Lecointre. Madame Trisse, la cybersécurité connaît une montée en puissance dans les armées depuis maintenant plusieurs années. Le commandement de la cyberdéfense, placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées, est en charge de la montée en puissance de ce secteur ainsi que de la mise en cohérence des efforts fournis par les différentes armées.

Je ne considère pas qu’il faille aujourd’hui créer ex nihilo une quatrième armée spécifiquement dédiée à la cyberdéfense. Chaque armée a développé dans son champ propre un certain nombre de compétences, assises sur nos savoir-faire militaires en matière de guerre électronique. Aujourd’hui, la numérisation croissante de l’ensemble des échanges nous conduit à devoir convertir une partie de ces compétences en compétences cyber au sens large.

L’officier général cyber-défense doit, dans les jours qui viennent, me présenter sa feuille de route concernant la mise sur pied des capacités cyber dans les trois armées, terre, air et mer. Un certain nombre d’outils seront mutualisés, tout comme la préparation opérationnelle et l’entraînement.

C’est donc un domaine qui retient toute notre attention. Nous devons en effet impérativement développer nos capacités cyber, y compris en matière de lutte informatique active. Une revue stratégique cyber pilotée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale est en cours. Ses conclusions devraient être rendues dans les jours qui viennent.

Monsieur Favennec Becot, votre question sur l’engagement des armées dans le contre-terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur va me permettre d’évoquer les évolutions de l’opération Sentinelle.

Je vous ai expliqué dans mon discours liminaire que le terrorisme recouvrait des réalités très différentes. La lutte contre le terrorisme quant à elle renvoie très largement à des actions classiques de combat.

Il faut bien comprendre que la lutte contre le terrorisme, pour les armées, passe par la mise en œuvre d’un savoir-faire militaire contre des objectifs militaires.

L’engagement des armées sur le territoire national semble aujourd’hui acquis, comme une évidence, et plus personne ne s’interroge sur la pertinence de la présence de soldats français dans nos gares. Or, il pose des questions spécifiques.

Je veux insister sur la capacité remarquable qu’ont eue nos armées à s’adapter exactement à ce qui était attendu d’elles dans leur engagement sur le territoire national. L’une des principales vertus d’un soldat, c’est sa capacité à maîtriser sa force ; et si nos armées peuvent intervenir comme elles le font sur le territoire national, avec des armes de guerre, c’est grâce à leur très grand professionnalisme.

Je remarque que, sur le territoire national, nous appliquons les principes de la guerre. Je les rappelle pour ceux qui ne seraient pas familiers du maréchal Foch : d’abord la concentration des efforts, laquelle est permise par les autres principes que sont la liberté d’action et l’économie des moyens. Je ne peux concentrer mes efforts que si j’ai économisé mes moyens et si j’ai la liberté de les engager à l’endroit précis et au moment précis où je considère que l’effort doit être porté.

C’est bien le sens de l’évolution du dispositif Sentinelle que nous mettons en œuvre. Nous souhaitons pouvoir concentrer les efforts à un moment donné et sur un lieu donné, selon des modes opératoires spécifiques aux armées, qui font le surcroît d’efficience de notre engagement. Pour cela, il faut que nous parvenions à planifier l’engagement des moyens de Sentinelle avec le ministère de l’Intérieur et les autorités préfectorales. Cela implique en premier lieu de distinguer les missions pérennes – engagement dans les lieux à très forte fréquentation, comme les gares ou les aérogares – des missions liées à un événement particulier, missions pour lesquelles notre apport ne doit pas se limiter à un concours d’effectifs mais constituer une plus-value qualitative en termes de moyens engagés – je parle ici, par exemple, de détection des risques nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques (NRBC), que seules les armées sont capables de mettre en œuvre, ou encore de surveillance par drones.

Un effort de planification, conjoint entre le ministère de l’intérieur et le ministère des Armées, me semble nécessaire. Il importe que les pouvoirs publics comprennent qu’on ne tirera pas tout le bénéfice possible de l’engagement de nos armées en utilisant les soldats en dehors de leur champ de compétences. C’est à leur métier et aux compétences spécifiques qu’ils ont développées pour faire la guerre qu’il faut avoir recours, qu’il s’agisse de compétences techniques, de renseignement ou de planification.

Pour le reste, oui, nous avons les moyens de faire face, et nous en faisons la preuve quotidiennement. Il faut néanmoins bien mesurer que cela consomme une part importante de nos moyens et de nos ressources humaines. Sentinelle mobilise 7 000 hommes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, effectifs qu’il faut mettre en regard des 11 000 recrutements récents dans l’armée de terre. Tout le monde semble trouver naturel ce ratio, qui ne laisse pas de m’étonner : dans quelle autre administration en effet serait-il envisageable ?

Nos armées sont donc clairement sous tension, ce qui a nécessité des adaptations dans la préparation opérationnelle, adaptations particulièrement importantes dans les premiers temps pour réaliser cette montée en puissance et faire face à la nouvelle charge sans baisser le niveau de professionnalisme de nos soldats.

Madame Khedher, je ne dispose malheureusement pas ici de la totalité des chiffres concernant la réforme du service de santé des armées.

Ce service est aujourd’hui engagé dans une réforme extrêmement ambitieuse, conduite selon cinq axes : la mise en place d’un nouveau modèle hospitalier militaire et la transformation des composantes formation, recherche et ravitaillement sanitaire, à laquelle s’ajoute une réforme de la médecine des forces, laquelle assume la première responsabilité du SSA qui est d’être au plus près des soldats et des régiments, ce qui inclut l’accompagnement des troupes en opérations. Cette mission mobilise une part importante des forces vives du SSA. Cette transformation de la médecine des forces, qui vise à rapprocher les médecins des formations soutenues, nous a conduits à décider la création, en 2018, de six centres médicaux des armées (CMA) nouvelle génération.

Si cette réforme en profondeur du SSA était indispensable, c’est que ce dernier avait été conçu à l’époque de la guerre froide, voire antérieurement, pour offrir une capacité d’accueil et de soins aux dizaines de milliers de blessés en provenance du front. Nous avons ainsi développé en France une capacité hospitalière – capacité de réserve, en quelque sorte –importante, au point que les hôpitaux militaires étaient devenus plus importants que les structures de soutien des forces au contact.

Avec le développement des opérations extérieures, il fallait trouver un nouvel équilibre en se rapprochant du secteur hospitalier civil pour conserver les compétences rares dont nous avons besoin sur le terrain, puis en se rapprochant ensuite de nos forces, dans le cadre permis par les réductions d’effectifs exigées des armées par les dernières lois de programmation.

Aujourd’hui, nous estimons cette réduction d’effectifs trop rapide, et nous avons choisi de la décaler dans le temps pour laisser toute latitude au SSA d’effectuer sa transformation. Alors qu’il était prévu de supprimer sur la période 2014-2019 1 608 équivalents temps plein – dont 150 en 2018, et 332 en 2019 –, nous reportons ces suppressions d’effectifs sur les années 2020 et 2021.

Cette réduction d’effectifs est néanmoins indispensable, notamment car elle permet de compenser d’autres besoins ailleurs. La montée en puissance des armées dans le domaine de la cyberdéfense comme dans le domaine du renseignement nécessite des effectifs. Or aujourd’hui les 1 500 postes prévus par le projet de loi de programmation des finances publiques sont bien loin de nos ambitions en la matière. D’où l’importance d’être attentifs à un abondement en effectifs des armées en effectifs sur la fin de la programmation (2023‑2025).

Madame Dubois, en ce qui concerne les réservistes, les armées ont fait ce qu’elles pouvaient faire. On observe une montée en puissance importante des réserves, dans le cadre du projet de Garde nationale lancé il y a un peu plus d’un an. La réserve des armées est ainsi forte de 35 000 réservistes, ce qui est proche de nos objectifs, puisque sur la cible de 85 000 hommes prévus pour la Garde nationale, 40 000 concernent les armées. Nous allons donc atteindre nos objectifs, avec un taux d’emploi sur le territoire national qui devrait atteindre, pour l’année en cours, mille réservistes par jour. Cette augmentation du taux d’emploi des réservistes est indispensable si nous voulons rentabiliser la formation, qui prend du temps et de l’énergie.

J’ai une grande confiance dans cette « professionnalisation » de la réserve, et je suis surpris que vous me disiez que les réservistes sont mal formés et mal équipés. Les réservistes ont en effet le même niveau d’équipement que les forces d’active, grâce notamment aux efforts budgétaires qui ont été consentis et qui se traduisent dans le PLF pour 2018 par des crédits permettant de couvrir les besoins exprimés lors de la création de la Garde nationale.

Il ne vous aura pas échappé par ailleurs que le caporal qui est intervenu à la gare Saint-Charles il y a quelques jours est un caporal de réserve, qui avait exactement le même équipement que ses camarades d’active.

Un des moyens de débloquer l’emploi de la réserve a en effet été de renoncer à constituer systématiquement des unités uniquement composées de réservistes mais à insérer ces derniers dans des unités constituées. Cette évolution de la doctrine selon laquelle on ne devait engager que des sections constituées sans intégrer dans ces groupes de combat des personnels de statut différent a permis d’augmenter l’employabilité des réservistes mais également leurs performances. Aujourd’hui, il est très difficile de faire la différence entre un réserviste et un soldat d’active employés sur la mission Sentinelle. C’est certes moins vrai pour d’autres missions, qui requièrent un niveau de technicité plus élevée dont le coût en termes de formation des réservistes serait trop élevé.

J’insiste sur la formation des réservistes. Elle n’a plus rien à voir avec la formation d’antan, qui consistait, par exemple pour le tir de combat, à aligner une trentaine de soldats sur le pas de tir en leur demandant de tirer trois cartouches sur une cible située à cent mètres. Aujourd’hui, le soldat que l’on va engager dans l’opération Sentinelle suit, comme ses camarades d’active, des parcours de tir réalistes lui permettant d’apprendre à se déplacer avec son arme chargée et armée, à distinguer les différents types de cible, celles qu’il faut abattre et celles qu’il ne faut pas toucher.

Quant à la « clandestinité » des réservistes, c’est-à-dire le fait que certains n’osent  pas déclarer leur statut à leur employeur, c’est un problème qui dépasse la compétence des armées. À l’époque où j’étais au cabinet du Premier ministre, un rapport sénatorial avait été produit sur la question. C’est en effet aux parlementaires et non au chef d’état-major des armées de trouver les moyens de valoriser l’emploi des réservistes dans les entreprises.

Je terminerai en soulignant que, conformément à nos ambitions, les réservistes qui ne sont pas d’anciens militaires d’active sont en train de devenir majoritaires dans la réserve. Cet objectif que nous nous fixions afin de renforcer le lien armée-Nation est donc en passe d’être atteint, mais cela nécessite, là encore, un effort de formation accru.

M. le président. Merci, Mon général. Pour information, la réserve a également été étudiée, sous la précédente législature, dans le cadre d’une mission d’information de notre commission, conduite par deux députés ici présents.

M. Jean-Michel Jacques. Avant d’être député du Morbihan, j’ai été soldat pendant vingt-quatre ans et je suis particulièrement sensible aux engagements budgétaires consentis en faveur de la protection du soldat. Jamais depuis trente ans un effort aussi important que celui inscrit dans le budget pour 2018 n’avait été consenti. Nos troupes devraient en être touchées ; c’est en tout cas une reconnaissance et une valorisation de leurs missions.

En matière de cyberdéfense, la France travaille depuis 2011 en coopération avec l’Union européenne et l’OTAN. Comment est-il prévu de renforcer ces coopérations internationales avec nos alliés, non seulement dans le domaine de la cyberdéfense mais également dans celui de la cyberoffensive ?

Mme Natalia Pouzyreff. Il est plus souvent question de la régénération des équipements que de la régénération des effectifs. Tel n’a cependant pas été le cas aujourd’hui, ce que je salue.

Vous avez évoqué la sévère déflation d’effectifs qu’ont connue les trois armées ces dernières années ainsi que le recrutement de 1 500 équivalents temps plein prévu dans la LPFP. Pouvez-vous nous confirmer que ces chiffres n’incluent pas les effectifs affectés à la cybersécurité et à la cyberdéfense ? Pouvez-vous également confirmer que 500 de ces nouveaux ETP sont bien prévus pour 2018 ?

J’aimerais par ailleurs que vous nous précisiez quels seront les critères de répartition de ces effectifs entre les trois armées, toutes les trois très engagées, pour leur permettre de soutenir l’intensité de leur engagement et de s’adapter aux nouveaux besoins, par exemple l’emploi de drones ?

M. Bastien Lachaud. Le coût des OPEX a augmenté ces deux dernières années de 1,1 milliard à 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 200 millions d’euros, sachant que la ministre a annoncé pour cette année un coût supérieur à 1,3 milliard d’euros. Pourriez-vous nous détailler la répartition de ces coûts, opération par opération ?

Quant au « soclage » que vous avez évoqué, à quel niveau faudrait-il l’établir selon vous ? Les crédits alloués aux OPEX passent de 450 millions d’euros à 650 millions d’euros : peut-on véritablement parler d’une augmentation, ou cette hausse sera-t-elle absorbée par l’intensification de nos engagements ?

M. André Chassaigne. Je voudrais en préambule vous remercier, Mon général, pour le ton que vous avez employé et la précision de votre exposé.

Ma question porte sur la Communauté européenne de défense. Chacun admet aujourd’hui que la brigade franco-allemande, exemple de la coopération militaire en Europe, n’a pas été un franc succès, et ce, faute d’une doctrine d’emploi originale par rapport à l’OTAN. Après la dissolution du 110e régiment infanterie, le corps n’a plus guère de consistance. Pensez-vous qu’il soit vraiment possible de s’engager dans l’organisation d’une véritable sécurité européenne tout en restant sous tutelle de l’OTAN ? De mon point de vue, cette soumission est inconciliable avec la création d’une Communauté européenne de défense.

Dans le même esprit, quand nos organismes de défense seront-ils en mesure de basculer leurs systèmes de géolocalisation vers le réseau de satellites européen Galileo et d’abandonner le système américain GPS, avec tout ce que son utilisation implique pour notre souveraineté militaire ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Il fut une belle période pendant laquelle les unités ouvrant les théâtres étaient des unités d’infanterie, telles le 3e ou le 21e régiment d’infanterie de marine. Depuis quelque temps, ce sont les forces spéciales qui sont envoyées au feu pour cela. Reviendra-t-on à l’antérieur ?

Général François Lecointre. Vous m’avez interrogé, Monsieur Jacques, sur la protection du soldat et la cyberdéfense dans le cadre de l’OTAN. J’ai abordé cette question il y a trois semaines à Tirana, lors du dernier conseil militaire de l’OTAN, où il était question d’un renforcement des effectifs de la structure de commandement dans le domaine cyber. J’ai indiqué que nous donnions d’abord la priorité à la montée en puissance de tels effectifs en France, ce qui participe directement à la défense des membres de l’Alliance.

Je confirme, Madame Pouzyreff, que les recrutements ne s’élèveront qu’à 1 500 personnes, tous effectifs confondus. Cela n’exclut pas les bascules internes, à effectif égal, car c’est l’évolution normale d’une structure militaire de supprimer ou de réduire certaines capacités pour en accroître d’autres. Les armées doivent être en perpétuelle transformation pour faire face à des ennemis qui évoluent en permanence, et pour se projeter dans de nouveaux champs d’action. L’adaptation aux nouvelles formes de conflit suppose aussi la formation du personnel, le développement de nouvelles capacités et le recrutement de nouveaux types de compétences.

La répartition au sein du ministère n’est pas arrêtée à ce stade. Les besoins sont bien identifiés. Il faudra faire des choix en privilégiant les besoins immédiats.

Le coût des opérations s’élèvera à 1,5 milliard d’euros en 2017, Monsieur Lachaud, dont 1,3 milliard d’euros pour les OPEX et 0,2 milliard d’euros pour les OPINT. Il m’est difficile de vous dire si les engagements en OPEX continueront inéluctablement d’augmenter : ces décisions relèvent d’abord du président de la République. Pour ma part, je l’ai indiqué, je souhaite que nous modulions nos engagements opérationnels pour préserver la capacité de nos armées à durer. Notre ambition nouvelle se traduira dans la prochaine loi de programmation militaire comme un objectif opérationnel à atteindre à l’horizon 2030. Ce texte tiendra compte de l’évolution du contexte stratégique, un contexte tel que j’estime les dangers à venir plus grands qu’ils ne sont aujourd’hui. Nous nous rapprocherons de cette ambition opérationnelle à mesure de ce que nous serons capables de faire pour régénérer notre modèle et pour créer des capacités nouvelles grâce à l’effort consenti par la Nation. Parce que, si nous allons trop vite, nous risquons à nouveau d’épuiser le modèle, il me faut définir un équilibre, difficile à trouver, en modulant justement les engagements opérationnels, qui doivent pour cette raison faire l’objet d’une analyse fine, au cas par cas. Ces exercices ont lieu dans le cadre des conseils de défense : nous mesurons nos engagements en fonction des déterminants géostratégiques mais aussi de l’impact qu’ils ont sur les armées.

Le bon soclage doit être calculé en fonction de l’évolution du gel de la ressource budgétaire, qui descend à 3 %. Il doit aussi permettre que le surcoût à mutualiser ne désorganise pas entièrement la gestion normale du budget de l’État.

Faites-moi confiance, Monsieur Chassaigne, pour ne pas me soumettre à la tutelle de l’OTAN. Je considère l’OTAN comme une alliance objectivement indispensable mais je ne suis pas un « otaniste » forcené.

Je ne pense pas que dans le cadre indispensable de coopération internationale qu’est l’OTAN nous soyons entraînés à nous soumettre à une tutelle excessive, et je puis vous rassurer : je porte, fortement, la voix de la France au comité militaire de l’OTAN. La France a toujours une position singulière au sein de l’Alliance atlantique. Elle est un partenaire déterminé, important et crédible – sans nous, l’OTAN perdrait de son crédit – mais elle tient à faire entendre son point de vue, notamment pour ce qui concerne la nouvelle structure de commandement envisagée, et elle est déterminée à appeler tout le monde à la raison.

J’indique au passage que nous avons présenté la candidature du commandant suprême de la transformation de l’OTAN, le général Denis Mercier, à la présidence du comité militaire de l’Union européenne, tant parce que nous voulons faire entendre notre voix que pour montrer qu’il n’y a de contradiction à être « otanien » et européen : pour assurer la défense de l’Europe, les deux organisations sont complémentaires.

Pour avoir commandé une mission européenne au Mali, je pense qu’il faut être pragmatique. Ce sont les missions que nous conduirons qui permettront de définir un cadre de coopération ; ce n’est pas un cadre de coopération créé ex nihilo qui conduirait à déterminer ensuite des missions communes. Un travail politique initial est donc nécessaire pour définir une ambition et des intérêts communs. À cet égard, la France se doit d’être à l’avant-garde de l’engagement de l’Union européenne en faveur de la stabilisation de l’espace euro‑méditerranéen et de l’espace africain. Nous n’avons pas d’autre choix que celui-là.

M. Michel-Kleisbauer a fait allusion au débat sur l’utilisation des forces spéciales et de l’infanterie. Il me semble important de ne pas opposer forces conventionnelles et forces spéciales. Nos soldats font preuve de la même bravoure, courent les mêmes risques. Les modes opératoires diffèrent mais sont complémentaires. Charge au commandement d’employer les forces spéciales là où elles apportent une valeur ajoutée avérée, j’y veillerai.

M. Fabien Gouttefarde. Je saisis l’occasion qui m’est donnée de féliciter nos militaires engagés dans l’opération Sentinelle et dont l’efficacité a permis, à Marseille, à Orly et en d’autres occasions, de protéger les Français. La nouvelle articulation de cette force se décline désormais en trois échelons. Le premier est le dispositif permanent, le troisième la réserve. Qu’en est-il du deuxième ? Où cette force sera-t-elle postée ? Que feront les troupes ? S’entraîneront-elles ? Se reposeront-elles ? Si elles sont à l’entraînement, où le seront-elles pour être disponibles le plus rapidement possible ?

M. Christophe Blanchet. Sur la zone maritime qui s’étend de Cherbourg à Calais, nos forces ne disposent que d’un seul hélicoptère pour couvrir toute la Manche. On mesure la limite de ces moyens. Comment prenez-vous cette difficulté en compte ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Du 14 au 20 septembre derniers se sont déroulées à l’Ouest de la Russie et en Biélorussie d’importantes manœuvres militaires, connues sous le nom de ZAPAD-2017, dans une zone qui est le seul accès terrestre reliant les pays baltes aux autres pays de l’OTAN et de l’Union européenne. Selon Moscou, ces exercices sont de nature défensive et n’étaient dirigés contre aucun pays en particulier. Mais les pays baltes, la Pologne et les pays membres de l’OTAN s’inquiètent. D’aucuns ont en effet dénoncé le manque de transparence entourant ces exercices. Ainsi, le nombre exact des troupes russes et biélorusses qui y ont participé n’a pas été divulgué ; Moscou a mentionné 13 000 soldats, mais selon d’autres estimations, la fourchette serait comprise entre 40 000 et 100 000 soldats. De plus, trois observateurs seulement ont été invités pendant les exercices, à l’occasion d’une journée consacrée aux visiteurs. Quelle est la position de la France à ce sujet et évoluera‑t‑elle ?

M. Joaquim Pueyo. L’opération Barkhane, qui mobilise 4 000 militaires, a été lancée pour permettre aux pays du G5 – le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad – d’acquérir une capacité de défense telle qu’ils pourraient assurer leur sécurité de manière autonome. Où en est-on ? Dans le même temps, deux missions européennes sont présentes au Mali, l’une pour former les militaires, l’autre pour former gendarmes et policiers. Mais le président de la République ayant fait de l’Europe de la sécurité l’une de ses priorités, ne convient-il pas de mobiliser davantage l’Union européenne pour la défense du Sahel ?

M. Stéphane Trompille. Une attaque cybernétique ciblant notre pays pourrait mettre à plat notre économie et même notre système de défense. Avez-vous chiffré les investissements en moyens – serveurs, opérateurs, matériels – nécessaires pour contrer cette menace ?

Général François Lecointre. L’échelon de manœuvre de l’opération Sentinelle peut être engagé dans des événements programmés au moins un mois à l’avance. L’idée est de planifier son engagement. Ainsi, les soldats n’ont pas à être mis en alerte. Ils conduisent leurs normales activités au quartier et se préparent spécifiquement à être engagés dans la protection des événements planifiés. La vraie difficulté tient à la détermination de la taille de cet échelon. Plus le ministère de l’Intérieur planifiera et plus nous serons capables de fournir un échelon de manœuvre important. Plus réduite sera la planification, plus l’échelon de manœuvre sera réduit, moins nous aurons de liberté d’action et d’économie de moyens, et moins nous serons en mesure de concentrer les efforts le moment venu.

Monsieur Blanchet, j’ai suivi de près la question de contre-terrorisme maritime lorsque j’étais en fonction à l’hôtel Matignon ; des exercices avaient eu lieu avec l’amiral Ausseur, préfet maritime de Cherbourg. On ne peut multiplier les moyens affectés à Cherbourg ; cependant, en cas d’attaque terroriste en mer, on recourrait aux moyens nationaux en alerte. Si une intervention était nécessaire, les primo-intervenants seraient les moyens de la marine positionnés à Cherbourg, auxquels s’ajouteraient très rapidement, les gendarmes du GIGN avec les moyens considérables du groupe interarmées d’hélicoptères (GIH). Nous nous entraînons à coordonner l’ensemble de ces moyens au cours des exercices et je peux vous assurer que dès le déclenchement de l’alerte, avant même que l’hélicoptère à disposition du préfet maritime ait décollé, les moyens nationaux sont mis en alerte. La menace est prise très au sérieux par les armées et le Gouvernement.

Mme Trastour-Isnart a mentionné les manœuvres ZAPAD-2017, il est vrai que les chiffres concernant le volume des troupes russes et biélorusses ayant participé à cet exercice ne sont pas anecdotiques. L’OTAN est, pour sa part, fort active, surtout depuis l’installation de la force de présence avancée renforcée dite Enhanced Forward Presence à laquelle la France participe actuellement au sein d’un bataillon franco-britannique. Le président de la République a confirmé que nous serions à nouveau engagés, cette fois dans un bataillon germano-polono-français. Nous prenons au sérieux et de façon mesurée la nécessité de contrôler ce qui se passe à l’Est de l’Europe. Nous prenons tout autant au sérieux notre rôle au sein de l’OTAN, dont nous sommes, je le redis, l’un des principaux membres et l’un des plus crédibles.

L’Union européenne doit effectivement s’investir au Sahel, Monsieur Pueyo, mais elle le fait déjà beaucoup dans les missions de formation, par exemple au Mali. Vous devez, Mesdames et Messieurs les commissaires, vous faire nos ambassadeurs auprès de l’ensemble des parlementaires et de nos concitoyens pour expliquer qu’une opération militaire telle que Barkhane ne peut être que très longue. Il est naturel que l’opinion publique s’impatiente, mais je puis témoigner d’expérience que pour reconstruire une armée telle que l’armée malienne et les appareils de sécurité, dix ans au moins seront nécessaires, et peut-être quinze. Il est beaucoup plus facile de détruire un appareil militaire que de le reconstruire. C’est pourquoi nous devons veiller collectivement à ce que notre armée soit préservée le mieux possible ; l’exemple britannique doit à ce titre nous interpeller...

En matière de cyberdéfense, Monsieur Trompille, il est de ma responsabilité que les armées protègent leurs propres réseaux, et qu’elles développent aussi des moyens de lutte informatique parce que c’est une arme du champ de bataille. En revanche, la coordination de la cyber-protection au niveau interministériel relève de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

M. le président. L’horaire me contraint à vous proposer, Mon général, de répondre par écrit aux cinq dernières questions qui vont vous être posées. Ces réponses seront annexées au compte rendu de la séance.

Général François Lecointre. Certainement.

M. Christophe Lejeune. Les commandants de base aérienne ont longtemps pu faire des recrutements locaux et affecter ces recrues à la protection des sites ; les fusiliers commandos trouvaient ainsi un emploi local et pouvaient envisager une carrière dans l’armée en commençant au bas de l’échelle indiciaire. Malheureusement, cela n’est plus possible. Député d’une circonscription rurale de Haute-Saône, je sais que ces emplois permettaient à de nombreux jeunes gens d’embrasser la carrière militaire sans être déracinés dans un premier temps, et à moindre coût pour les armées. Peut-on envisager de revenir à la situation antérieure ?

M. Louis Aliot. Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire fait état dans son rapport du 6 septembre dernier de la dé-fidélisation des militaires dans certaines filières et de la lassitude que leur fait éprouver certaines conditions de vie. On a entendu l’épouse d’un soldat interroger le Premier ministre à ce sujet lors d’une émission télévisée. Que dire de l’achat de petit matériel de confort par les soldats sur leur cassette personnelle, et qu’en est-il de la mutuelle, dont les difficultés retentissent sur de nombreuses familles de militaires ?

Mme Séverine Gipson. La décision a été prise en mai 2017 de faire de la base aérienne 105 d’Évreux, en 2021, la première base militaire franco-allemande, avec l’objectif de renforcer les opérations militaires menées conjointement à l’étranger par la France et l’Allemagne. Deux cents aviateurs doivent arriver et, dans leur sillage, des mécaniciens et les familles, ce qui dynamisera l’économie et la vie locale. Alors que le projet de loi de finances pour 2018 va être débattu, pouvez-vous préciser si quatre avions seront bien commandés par la France et l’Allemagne et quand ils arriveront exactement ?

M. Fabien Lainé. La stabilisation de l’espace méditerranéen est une nécessité pour la France et pour l’Europe. De nombreuses coopérations entre notre pays et certains États du sud de la Méditerranée, le Maroc et l’Égypte par exemple, fonctionnent bien, particulièrement sur le plan naval. Avez-vous l’intention d’intensifier la coordination d’exercices militaires avec l’Algérie, la Tunisie, le Liban et, si cela est possible, d’apporter une aide au gouvernement libyen d’union nationale ? Quelle part du budget sera allouée aux opérations de ce type en 2018, et cela représente-t-il une augmentation significative par rapport à 2017 ?

M. Jean-Charles Larsonneur. À Toulon, nous a été présenté le véhicule Ford qui succédera au 4x4 P4. Maintenance et entretien seront confiés à RTD. La sous-traitance du maintien en condition opérationnelle, assortie d’objectifs de disponibilité technique opérationnelle contraignants, se développe. Qu’en pensez-vous ? De même, le contrat hélicoptère léger interarmées (HIL) doit permettre la standardisation de notre flotte d’hélicoptères ; quel bénéfice en matière de maintien en condition opérationnelle en escomptez-vous ?

Général François Lecointre. Je vous transmettrai, comme il a été convenu, des réponses écrites à ces questions, mais je souhaite revenir immédiatement sur la remarque de M. Aliot. Je regrette que les journalistes aient cru bon de faire venir cette dame, dont je ne qualifierai pas la fiabilité du propos. Je peux vous assurer que les soldats n’achètent pas eux‑mêmes leur gilet pare-balles ; une telle allégation est fausse. Cela étant, pour avoir longtemps servi dans des régiments d’infanterie, je sais que, de tout temps, les soldats ont acheté du matériel à titre personnel et je fais confiance à tous les marchands de couteaux ou de bérets commando pour venir vendre, dans les foyers des unités militaires, des nouveautés auxquelles l’intendance ou le commissariat n’aura pas pensé, si bien que les soldats dépenseront ainsi une partie de leur solde. C’est une constante dans la vie des militaires, et nous devons veiller à limiter cela au maximum.

Il me semble important de faire collectivement preuve de recul pour ne pas donner de crédit aux déclarations de certaines personnes qui s’expriment sans légitimité. 

M. le président. Je vous remercie.

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La séance est levée à treize heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Louis Aliot, M. François André, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne-France Brunet, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Stéphane Demilly, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-François Eliaou, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Marc Fesneau, M. Jean-Marie Fiévet, M. Philippe Folliot, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Émilie Guerel, M. Christian Jacob, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Alexis Corbière, M. M’Jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Franck Marlin, Mme Sereine Mauborgne

Assistait également à la réunion. - M. David Lorion


ANNEXE

Réponses écrites complémentaires

 

M. Christophe Lejeune. Les commandants de base aérienne ont longtemps pu faire des recrutements locaux et affecter ces recrues à la protection des sites ; les fusiliers commandos trouvaient ainsi un emploi local et pouvaient envisager une carrière dans l’armée en commençant au bas de l’échelle indiciaire. Malheureusement, cela n’est plus possible. Député d’une circonscription rurale de Haute-Saône, je sais que ces emplois permettaient à de nombreux jeunes gens d’embrasser la carrière militaire sans être déracinés dans un premier temps, et à moindre coût pour les armées. Peut-on envisager de revenir à la situation antérieure ?

Réponse. Depuis 2015, le pilotage du recrutement des militaires techniciens de l’air (MTA) a été centralisé au niveau du bureau recrutement de la DRHAA, mais la logique de recrutement et d’emploi local prévaut toujours.

Grâce à la centralisation du processus, les futures recrues peuvent désormais postuler pour plusieurs bases aériennes. La vision globale disponible au niveau central permet de répondre à leurs attentes en leur proposant éventuellement un emploi dans une zone géographique élargie s’ils le souhaitent. Pour faciliter l’information et l’orientation des candidats, l’armée de l’air est en train de créer des cellules d’information et de recrutement (CIR) sur les bases aériennes.  

Enfin, au regard des besoins importants dans la fonction Sécurité-Protection, il existe aujourd’hui beaucoup d’opportunités pour accéder à un poste de MTA fusilier commando.

Mme Séverine Gipson. La décision a été prise en mai 2017 de faire de la base aérienne 105 d’Évreux, en 2021, la première base militaire franco-allemande, avec l’objectif de renforcer les opérations militaires menées conjointement à l’étranger par la France et l’Allemagne. Deux cents aviateurs doivent arriver et, dans leur sillage, des mécaniciens et les familles, ce qui dynamisera l’économie et la vie locale. Alors que le projet de loi de finances pour 2018 va être débattu, pouvez-vous préciser si quatre avions seront bien commandés par la France et l’Allemagne et quand ils arriveront exactement ?

Réponse. Dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, la France a décidé d’acquérir quatre C130J dont les livraisons sont attendues entre fin 2017 et fin 2019 (les deux premiers appareils auront été livrés en 2018). Ces appareils seront initialement stationnés sur la base aérienne d’Orléans où est principalement implantée la flotte C130H de l’armée de l’air.

En octobre 2016, l’Allemagne et la France ont exprimé leur intention de créer en France, à compter de 2021, une unité commune de transport tactique (C130J). L’accord intergouvernemental d’avril 2017 précise cette intention en définissant les modalités de financement des infrastructures et des outils de formation qui seront implantés sur la base aérienne d’Évreux, à compter de 2021. La partie allemande étudie la possibilité d’acquérir six appareils C130J auprès des États-Unis, la commande n’étant pas encore affermie. Ces appareils devraient être livrés entre 2021 et 2024.

En conséquence, les quatre C130J français seront transférés sur la base aérienne d’Évreux en 2021, en cohérence avec l’arrivée des premiers appareils allemands.

Enfin, afin de rationaliser les implantations de l’aviation de transport, l’ensemble de la flotte C130H française devrait également rejoindre Évreux entre 2023 et 2024, concomitamment avec le retrait de service des derniers C160 et en parallèle de la montée en puissance de la flotte A400M sur la base aérienne d’Orléans.

M. Fabien Lainé. La stabilisation de l’espace méditerranéen est une nécessité pour la France et pour l’Europe. De nombreuses coopérations entre notre pays et certains États du sud de la Méditerranée, le Maroc et l’Égypte par exemple, fonctionnent bien, particulièrement sur le plan naval. Avez-vous l’intention d’intensifier la coordination d’exercices militaires avec l’Algérie, la Tunisie, le Liban et, si cela est possible, d’apporter une aide au gouvernement libyen d’union nationale ? Quelle part du budget sera allouée aux opérations de ce type en 2018, et cela représente-t-il une augmentation significative par rapport à 2017 ?

Réponse. La zone méditerranéenne concentre de nombreux enjeux pour notre pays : migrations, terrorisme, accès aux ressources naturelles ou aux marchés en devenir, présence de nombreux ressortissants français ou binationaux, ventes d’armements majeurs...

Les relations militaires que nous entretenons avec les pays que vous citez dépendent éminemment de notre histoire commune et de nos relations au niveau politique. Avec les pays de la rive sud et est de la Méditerranée, 60 à 70 % des activités de coopération militaire sont de nature académique (stages en France, envoi d’instructeurs dans les pays concernés, détachements d’instruction opérationnelle…). Le reste se partage entre exercices – notamment navals – et actions de soutien à l’export, avec le Maroc (FREMM) et l’Égypte (Rafale, BPC, FREMM, GOWIND) par exemple.

Si les formations dispensées par nos armées sont très appréciées, il conviendrait, pour améliorer notre coopération militaire, de se doter d’une capacité à fournir du matériel à nos partenaires par un autre biais que celui des cessions. Le parc de matériel cessible est en effet désormais quasiment épuisé.

M. Jean-Charles Larsonneur. À Toulon, nous a été présenté le véhicule Ford qui succédera au 4x4 P4. Maintenance et entretien seront confiés à RTD. La sous-traitance du maintien en condition opérationnelle, assortie d’objectifs de disponibilité technique opérationnelle contraignants, se développe. Qu’en pensez-vous ? De même, le contrat hélicoptère léger interarmées (HIL) doit permettre la standardisation de notre flotte d’hélicoptères ; quel bénéfice en matière de maintien en condition opérationnelle en escomptez-vous ?

Réponse. La sous-traitance prend une place de plus en plus importante dans le MCO du matériel.

Les armées y recourent pour certains parcs, avec comme objectif la meilleure efficacité opérationnelle possible.

La sous-traitance, sous réserve qu’elle soit couplée à des exigences de performances,  peut être une solution tout à fait adaptée, notamment pour le matériel n’ayant pas vocation à être utilisé en opérations extérieures, comme c’est le cas du Ford Ranger.