Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, sur les résultats de l’exercice 2017  2

–  Présences en réunion............................16

 


Mercredi
21 février 2018

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 72

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de M. Éric Woerth,

Président

 


  1 

La commission entend M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics, sur les résultats de lexercice 2017.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici réunis à votre demande pour évoquer l’exécution budgétaire 2017, et c’est avec un grand plaisir que je viens m’exprimer à ce sujet devant votre commission. Je précise d’emblée que cette communication ne couvre que le budget de l’État, les résultats définitifs des organismes de sécurité sociale – dont chacun connaît le poids au sein des comptes publics – ainsi que des collectivités territoriales ne devant être connus, comme vous le savez, que dans les prochaines semaines. Ce n’est sans doute que fin mars, ou début avril, que nous disposerons de l’intégralité des comptes consolidés, donc d’une vision claire et précise de nos finances publiques, qui nous permettra de vérifier si nous nous sommes conformés, ou non, à nos engagements européens, ainsi qu’à ceux figurant dans le budget rectificatif adopté lors de l’entrée en fonction de l’actuel gouvernement.

Comme chacun le sait, la particularité de cet exercice 2017 réside dans le partage de responsabilités entre la précédente majorité et l’actuelle. De ce point de vue – je le dis le plus clairement possible –, les résultats que nous vous présentons aujourd’hui témoignent indéniablement de la remise en ordre de nos finances publiques, à laquelle nous nous sommes attelés suite à l’audit de la Cour des comptes. Vous avez d’ailleurs reçu son Premier président au lendemain du dépôt de ce rapport – ainsi que les ministres qui m’ont précédé.

C’est bien grâce aux mesures de redressement que j’ai proposées au Président de la République et au Premier ministre, avant qu’elles ne soient soumises à votre assemblée – je me souviens d’un décret d’avance de près de 5 milliards d’euros – et adoptées grâce à la majorité, que nous avons pu couvrir les dépenses non financées par le gouvernement précédent. Je tiens à souligner que cela s’est fait sans augmenter les impôts et les taxes – nous n’avons pas fait de collectif budgétaire – et que, conformément à l’engagement du Président de la République, nous avons pu réduire le déficit public, qui avait conduit la Cour des comptes à évoquer des « biais de construction affectant la sincérité » du budget, sans augmenter les impôts ni les taxes. Si des recettes fiscales supplémentaires sont constatées, elles ne sont en aucun cas dues à une augmentation de taux ou à la création d’impôts, mais bien à une amélioration de la dynamique économique que connaît notre pays, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt sur les sociétés.

C’est bien grâce à ces mesures courageuses, notamment au décret d’avance, mais aussi à la régulation de la dépense, que nous avons mis un terme aux mauvaises pratiques conduisant à reporter des dépenses d’une année sur l’autre, et qu’à l’inverse, nous avons pu apurer certaines dettes contractées de longue date. Je rappelle qu’à la fin de l’année 2017, j’ai ainsi « dégelé » l’intégralité des crédits militaires, pour plus de 700 millions d’euros, sans aucun report sur l’année 2018.

C’est aussi grâce à ces efforts que nous avons pu bâtir, ensemble, une loi de finances pour 2018 plus sincère – grâce au travail de M. le président de la commission des finances, de M. le rapporteur général et de tous les groupes politiques –, mais aussi plus respectueuse de la portée de l’autorisation parlementaire. Bien sûr, c’est avec grand plaisir que je viendrai défendre le prochain projet de loi de règlement, en proposant une nouvelle fois à votre assemblée – j’ai pris connaissance de vos travaux préparatoires à la proposition du président de l’Assemblée nationale – de pouvoir consacrer plus de temps à l’exécution du budget, notamment à la loi de règlement : sans vouloir refaire le débat institutionnel, je crois que nous aurons tous intérêt à nous saisir de ce sujet lors de la présentation par le Président de la République et le Premier ministre du projet de révision constitutionnelle.

Quels sont les résultats de l’exercice 2017, et quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Commençons par être factuels – j’ai appris qu’à Bercy, il fallait parler chiffres –, en disant que le déficit budgétaire de l’État s’établit à 67,8 milliards d’euros, ce qui représente une amélioration de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2016 : il s’agit là de son niveau le plus bas depuis 2008. Par rapport aux chiffres qui vous ont été soumis à l’occasion du second projet de loi de finances rectificative (LFR), cela correspond à une amélioration de plus de 6 milliards d’euros. Je vous rappelle en effet que ce texte, présenté en novembre dernier, prévoyait un déficit à hauteur de 74,1 milliards d’euros, conforme aux observations de la Cour des comptes.

Deuxièmement, le Gouvernement a strictement tenu l’objectif de dépense qu’il s’était fixé en LFR, notamment sur les dépenses des ministères, qui s’établissent à 237,5 milliards d’euros, en ligne avec l’objectif fixé à 237,6 milliards d’euros
– ce qui vient démentir les affirmations de certains membres de l’opposition selon lesquelles nous ne pourrions jamais tenir ni le déficit ni la dépense.

Quelles en sont les raisons ? La première réside dans la maîtrise des dépenses : grâce aux efforts d’économies mis en œuvre au cours de l’été dernier par le Gouvernement, pour un montant total de l’ordre de 5 milliards d’euros, le dépassement a pu être ramené des 8 milliards d’euros identifiés par la Cour des comptes à 3 milliards d’euros – ce sont bien ces 5 milliards d’euros d’économies, notamment sous la forme de décrets d’avance, qui nous ont permis d’atteindre nos objectifs.

La deuxième raison est notre résolution à contenir notre déficit et à respecter nos engagements – notamment européens –, que nous avons également manifestée par la mise en place d’une surtaxe exceptionnelle d’impôt sur les sociétés, présentée par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à votre assemblée, destinée à compenser l’incidence de l’annulation contentieuse imprévue de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes – je ne reviens pas sur cette affaire qui a coûté quelques milliards à notre pays, et que nous avons déjà évoquée à de multiples reprises, sans toutefois définir qui en était responsable.

Troisièmement, ces bons résultats sont également liés à une meilleure dynamique de nos recettes, qui témoigne du climat de confiance et du redémarrage de l’activité économique que nous connaissons depuis quelques mois. Cependant, nous ne voulons pas être le coq Chantecler, qui prétendait, par son seul chant, faire lever le soleil... Nous reconnaissons donc que la reprise peut avoir de multiples causes, qu’il s’agisse des réductions de dépenses publiques ou d’autres mesures économiques mises en œuvre par des gouvernements ayant précédé le nôtre – il y a parfois longtemps –, ou encore du choc de confiance qui a pu résulter du renouvellement politique ayant suivi l’élection du Président de la République. En tout état de cause, personne ne peut se prévaloir d’être à l’origine exclusive de la reprise économique – au demeurant encore timide, puisque le taux de croissance de la France reste inférieur à celui des pays européens qui lui sont comparables. L’honnêteté nous oblige à être modestes et à reconnaître que les pierres de l’édifice ont sans doute des origines diverses – cela étant, nous pouvons nous réjouir collectivement que la reprise économique se traduise par des recettes.

Je me permets incidemment de rappeler que les hypothèses de croissance pour 2017 avaient à l’époque été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui a confirmé son jugement à plusieurs reprises tout au long de l’année, signe que ces recettes n’étaient pas anticipées !

Mesdames et messieurs les députés, il est possible que ces résultats positifs confortent le Gouvernement dans son objectif historique de sortie des 3 % de déficit en 2017. Toutefois, ce n’est que fin mars que l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nous indiquera le niveau définitif de déficit de l’ensemble des administrations publiques, établi en tenant compte de tous les facteurs, y compris l’incidence de la recapitalisation d’Areva ou l’impact budgétaire de la censure de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes. Quoi qu’il en soit, nous allons continuer à travailler, car nous ne pouvons en aucun cas considérer qu’avoir ramené le déficit à 2,9 % ou 2,8 % du produit intérieur brut (PIB) va régler définitivement tous nos problèmes : notre objectif, c’est de continuer à réduire le déficit autant que possible tout au long de ce quinquennat.

Je conclurai en évoquant un mot, celui de « cagnotte ». Dans le très beau département du Gers, où M. Jean-René Cazeneuve m’a récemment accueilli, j’ai même entendu des gens parler de « manne » ! Il faut arrêter de penser que nous sommes aussi riches que nous étions pauvres il y a sept mois : alors que j’ai pris mes fonctions au sein d’un ministère que l’on disait gérer le budget d’un État en quasi-faillite, nous serions maintenant en possession d’une cagnotte cachée quelque part dans les locaux de Bercy. Pour l’avoir bien cherchée, cette cagnotte, y compris dans les sous-sols du ministère, je peux vous dire qu’elle n’existe pas. Il n’y a pas de cagnotte ! Il n’y a pas de cagnotte ! Un pays qui a 2 200 milliards d’euros de dettes et un déficit s’établissant aux environs de 70 milliards d’euros n’a pas de cagnotte.

M. le président de la commission et M. le rapporteur général le savent : la loi de finances et la loi de programmation des finances publiques (LPFP) contiennent un amendement – voté à l’unanimité des présents, me semble-t-il – consistant à répartir ce qui pourrait éventuellement provenir de recettes fiscales supplémentaires, sans augmentations d’impôt. Un pays qui emprunte chaque jour un demi-milliard d’euros sur les marchés financiers et qui perd 2 115 euros par seconde ne peut pas se vanter de posséder une cagnotte cachée. Le rétablissement de nos comptes publics, c’est avant tout la solidité de la baisse des impôts et celles des dépenses sociales qui, si elles sont tout à fait légitimes, mériteraient d’être compensées par des recettes. Depuis quarante ans, notre pays dépense chaque année 25 % que ce qu’il reçoit : cela ne peut plus durer, et je sais pouvoir compter sur l’esprit de responsabilité de chacun d’entre vous pour le comprendre.

M. le président Éric Woerth. Le mot « cagnotte » figure dans le dictionnaire, et peut être défini comme un surcroît de recettes dû à la croissance… Ce surcroît de recettes, important en 2017, le sera peut-être encore davantage en 2018, et la question de son utilisation est toujours très sensible : doit-on y recourir pour diminuer la dépense publique de façon plus importante – force est de constater que ce n’est pas vraiment le cas –, en profiter pour investir sur des réformes, ou la consacrer partiellement – pour moitié, par exemple – au remboursement de la dette ?

Mme Anne-Laure Cattelot. La cagnotte existe, mais contient-elle de l’argent ?

M. le président Éric Woerth. Bien sûr !

Pour ce qui est de l’amélioration des comptes, il va de soi qu’elle est rendue possible par la croissance. Nous devons regarder la réalité en face, et savoir faire la part des choses entre ce qui appartient au présent et ce qui est hérité du passé. Quand on parle de maîtrise de la dépense, il ne faut tout de même pas oublier que l’exécution de 2016 s’est traduite par une douzaine de milliards d’euros de dépenses supplémentaires : heureusement que l’on a pu compter sur la croissance et sur la diminution des prélèvements sur recettes de l’Union européenne ! Il en est de même des sous-budgétisations : si l’on constate une meilleure budgétisation que par le passé des dépenses liées aux opérations extérieures (OPEX), celles-ci restent d’un niveau non négligeable. J’estime que l’amélioration constatée provient, pour les deux tiers, d’un surcroît de rentrées fiscales et d’un moindre prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ; certes, il y a bien un effort sur la maîtrise de la dépense publique, mais celui-ci est encore marginal et l’on aimerait qu’il soit plus important, car, d’un point de vue structurel, c’est là que les choses se passent.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Si la manne était la nourriture des Hébreux dans le désert, j’ai l’impression que cela ne vous donne pas pour autant envie de prêcher la bonne nouvelle à toute la Création, monsieur le ministre... Pouvez-vous cependant nous indiquer si cette bonne nouvelle conduit à réviser à la hausse les prévisions de recettes, donc à la baisse la prévision de déficit pour 2018 ?

D’après les informations en ma possession, les remboursements au titre de la taxe à 3 % sur les dividendes s’élevaient déjà, au 31 décembre 2017, à 5,25 milliards d’euros sur les 10 milliards d’euros prévus. Toutefois, le montant total des demandes de remboursement reçues à la même date s’élevait pour les droits à 8,8 milliards d’euros. Peut-on d’ores et déjà écarter tout risque que le comptable national retienne, pour calculer le déficit public, non pas les 5,25 milliards d’euros de remboursements effectués, mais les 8,8 milliards d’euros de remboursements demandés pour l’exercice 2017 ?

Pour ce qui est du volet dépenses, le niveau d’exécution des crédits des ministères est conforme aux prévisions de la LFR de fin d’année. Toutefois, j’ai relevé deux dépenses en diminution d’un milliard d’euros par rapport aux dernières prévisions. Il s’agit d’une part des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, en baisse de 0,6 milliard d’euros par rapport à la LFR de fin d’année, d’autre part du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, en baisse de 0,4 milliard d’euros par rapport à la LFR. Pourriez-vous nous indiquer quels facteurs expliquent ces deux niveaux de dépenses inférieurs aux prévisions – surtout le premier ?

Enfin, le Gouvernement avait annoncé des mesures d’économies complémentaires plaisamment désignées par l’expression « mesures de refroidissement de la dépense », à hauteur de 1,15 milliard d’euros au cours du second semestre 2017. Ces mesures ont-elles été mises en œuvre et ont-elles atteint les objectifs initialement fixés ?

Mme Amélie de Montchalin. Je souhaite vous poser deux questions, monsieur le ministre.

La première porte sur la procédure et les outils dont nous disposons actuellement pour l’exécution du budget, en particulier sa prévision, notamment en termes de suivi. On peut constater plusieurs évolutions de tendance entre la LFR votée à la fin du trimestre précédent et la présente audition, qui a lieu moins de deux mois après. À votre avis, quels outils pourrions-nous développer afin d’être en mesure d’effectuer un suivi plus régulier et de tenir compte de l’avis habituellement rendu par la Cour des comptes à la fin de l’été, ainsi que des éléments nouveaux éventuellement reçus ?

Ma seconde question porte sur le bilan de l’usage des décrets d’avance et d’annulation de crédits. Quel avis votre expérience vous conduit-elle à porter sur les outils servant au suivi des « rebudgétisations » potentiellement nécessaires – nous savons par exemple qu’il avait été décidé de retirer une partie des crédits destinés à la formation des personnels de gendarmerie, considérant qu’ils pourraient être utilisés l’année suivante ? Par ailleurs, comment pourrions-nous assurer, en lien avec vos services, un suivi régulier, si ce n’est systématique, des annulations et des gels de crédits que nous votons ?

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, j’ai une observation et deux questions.

Je veux d’abord souligner que la diminution du déficit que vous avez évoquée résulte essentiellement d’une amélioration conjoncturelle, due à la croissance et à une augmentation des recettes fiscales. Vous avez rappelé, à juste titre, que les dépenses du budget votées à l’automne 2016 avaient été nettement sous-estimées, ce que nous avions dénoncé à plusieurs reprises, et que le dépassement de 8 milliards d’euros initialement prévu avait été ramené à 3 milliards d’euros. Sur ce point, je veux insister sur le fait que les Français ont contribué à l’effort ayant permis cette diminution de 5 milliards d’euros, en se voyant appliquer des diminutions de crédits portant sur la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour 500 millions d’euros, ou encore une diminution des aides personnalisées au logement (APL).

La Cour des comptes indique que l’amélioration constatée de la situation économique n’autorise aucun relâchement et invite à une grande prudence. Pouvez-vous nous préciser si l’État a, ou non, la volonté de réduire les dépenses publiques plus significativement qu’il ne l’a fait en 2018 ?

Par ailleurs, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a déclaré il y a quelques jours que la dette était un fléau, et qu’il fallait s’employer à réduire son niveau. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour y parvenir ? Des directives spécifiques vont-elles être prises, consistant par exemple à affecter en priorité les excédents de recettes au remboursement de la dette ?

M. Mohamed Laqhila. Monsieur le ministre, vous avez rappelé l’objectif du Gouvernement : remettre en ordre nos finances publiques, en régulant les dépenses mais sans augmenter les impôts ni les taxes – cette nouvelle orientation s’accompagnant par ailleurs de la volonté de présenter un budget plus sincère. Aujourd’hui, force est de constater que si le déficit diminue, il avoisine toujours les 70 milliards d’euros, et que la dette atteint 2 200 milliards d’euros. Pouvez-vous nous préciser si vous avez l’intention de poursuivre l’effort de réduction des dépenses, et à quel horizon vous entrevoyez des finances publiques en équilibre ?

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si le taux de prélèvements obligatoires pour 2017 est en hausse ou en baisse par rapport à 2016 ?

Par ailleurs, si vous avez beaucoup parlé du déficit budgétaire, c’est-à-dire du déficit du budget de l’État, il en est un autre, constituant un indicateur plus intéressant : je veux parler du déficit en comptabilité nationale du budget de l’État et de l’ensemble des administrations publiques (APU), sécurité sociale et collectivités territoriales comprises.

Vous aviez estimé la recette des contributions exceptionnelles à l’impôt sur les sociétés décidées en fin d’année à 4,9 milliards d’euros, mais pouvez-vous dire combien nous avons recouvré ?

Pour ce qui est des dépenses, le rapporteur général a rappelé que, fin décembre 2017, nous comptions 8,8 milliards d’euros de demandes de remboursement : sur cette somme, combien avons-nous remboursé au 31 décembre 2017 ?

Enfin, pour ce qui est d’Areva, je note que vous avez été très prudent – à juste titre, car ce dossier constitue, avec celui de la surtaxe sur les dividendes, l’une des deux énormes incertitudes pesant sur les comptes définitifs en comptabilité nationale. Il me semble que nous avons imputé environ 3,5 milliards d’euros sur 2017 pour l’ex-groupe Areva : pouvez-vous nous rappeler le chiffre précis, et nous indiquer quelle partie de cette somme sera considérée comme une aide au fonctionnement, et comptabilisée comme une dépense plutôt que comme une opération patrimoniale ?

Mme Valérie Rabault. Monsieur le ministre, dans le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2018, on peut lire, page 81, que d’après vos projections, le déficit, en 2019, atteindrait de nouveau 3 % du PIB, voire davantage, du fait de l’intégration des contentieux fiscaux mais aussi et surtout et de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de cotisations. Dans la mesure où vous êtes certainement en train de préparer la communication que vous allez faire devant la Commission européenne au mois d’avril sur les perspectives de déficit, je souhaite savoir si les premiers chiffres de 2017 vont dans le sens du niveau de déficit que je viens d’évoquer pour 2019.

M. le ministre. Monsieur le rapporteur général m’a interrogé sur l’augmentation des recettes et leur éventuel impact sur l’équilibre du budget en 2018. Je pense que la sagesse commande d’attendre la fin du mois d’avril, afin de disposer de tous les résultats. L’action du Gouvernement a jusqu’à présent été caractérisée aussi bien par la volonté que par la modération, et je suis convaincu qu’il n’est jamais bon d’évoquer de futurs résultats avant de les avoir obtenus – tous les chasseurs et les pêcheurs vous le diront.

J’avais indiqué avant votre arrivée, monsieur de Courson, que si je peux vous rendre compte de l’exécution du budget de l’État, je n’ai en revanche pas le moyen d’en faire de même pour les comptes définitifs de la sécurité sociale et des collectivités locales. Lors du débat parlementaire sur le projet de loi de finances, nous avions diminué le déficit de l’ensemble des APU mais, comme l’avait fait remarquer à plusieurs reprises M. le président de la commission des finances, appuyant là où ça fait mal – ce qui est son rôle en tant que membre de l’opposition –, le déficit de l’État était alors en augmentation. On pouvait entendre cet argument, même si les observateurs, en particulier la Commission européenne, s’intéressent surtout au déficit « toutes APU » – cela contribue d’ailleurs à justifier que l’intitulé de ma fonction comprenne désormais également les comptes publics. Aujourd’hui, alors que le déficit de l’État est en diminution, ce qui est en tout état de cause une bonne nouvelle – même s’il reste bien plus élevé qu’il ne devrait l’être –, je peux comprendre que vous souhaitiez également connaître le déficit « toutes APU », mais je ne suis pas en mesure de vous le donner, ne le connaissant pas moi-même.

Pour ce qui est de la question de M. le rapporteur général sur les collectivités territoriales, je précise que l’on a constaté fin 2017 une moindre dépense au titre du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), pour un montant d’environ 500 millions d’euros qui s’explique sans doute par la faiblesse de l’investissement public local.

Je confirme les chiffres indiqués par M. le rapporteur général au sujet des remboursements effectués au titre de la taxe à 3 % sur les dividendes : le montant de ces remboursements s’élève à ma connaissance à environ 5,25 milliards d’euros au 31 décembre 2017 – je serai en mesure de vous indiquer le chiffre exact avant la fin de cette réunion.

Mme de Montchalin a évoqué des questions de méthode, portant notamment sur les outils dont nous pourrions nous doter afin d’effectuer un suivi plus régulier de l’exécution du budget. Il me semble que la politique du Gouvernement devrait vous permettre d’effectuer ce travail de contrôle plus en amont. Quand MM. Sapin et Eckert affirmaient qu’il n’y avait pas de problème puisqu’ils avaient prévu de mettre en réserve environ 13 milliards d’euros de crédits afin d’être en mesure de faire face aux dépenses galopantes, cela ne procédait pas d’une bonne gestion et n’était pas de nature à aider le Parlement à contrôler la véracité des chiffres présentés dans le cadre de la loi de finances.

Nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur le fait que l’actuel Gouvernement a fait un effort très important de « sincérisation », pas simplement pour ce qui est des chiffres qu’il met en face des politiques publiques relevant des différents ministères, mais également en ne gelant que 3 % de crédits. Nous avons engagé une discussion responsable avec les ministres, porteurs de projets consommateurs de crédits et, puisque vous me demandez comment le contrôle budgétaire pourrait être amélioré, je vous encourage à ne pas recevoir que le ministre des comptes publics, mais aussi les autres ministres, afin de les interroger sur leurs crédits.

Je garde un mauvais souvenir des décrets d’avance, même s’ils sont conformes aux droits du Parlement puisque les commissions chargées des finances doivent donner leur avis avant qu’ils ne soient signés. Reste que nous serons tous d’accord pour considérer qu’il s’agit là d’une mauvaise pratique. J’ai moi-même déclaré devant votre commission que je souhaitais être un ministre qui ne présenterait pas de nouveaux décrets d’avance – j’excepte les cas où d’autres ministres prennent des décrets d’avance à des fins de régulation et ceux où, par exemple, pour faire face aux conséquences d’un ouragan, il a fallu débloquer 100 ou 200 millions d’euros de crédits. Je prends en tout cas l’engagement devant vous, j’y insiste, de ne pas être le ministre qui reviendra avec des décrets d’avance pour un montant de plusieurs milliards d’euros, quand bien même, j’y insiste, ce serait conforme à la procédure parlementaire, car ce ne serait pas de bonne politique. Des deux mauvaises solutions à notre disposition, le collectif budgétaire ou les décrets d’avance, nous avons choisi celle qui nous permettait de ne pas augmenter les impôts – la tentation était assez forte.

Mme Louwagie considère que ce sont les Français qui ont fait des économies. C’est tout à fait vrai : ce sont les Français qui bénéficient de la dépense publique, ce sont les Français qui ont creusé la dette, ce sont les Français qui ont aggravé le déficit, puisque les Français, c’est nous, et que l’État n’existe pas en tant que tel. Mme Louwagie estime que ce sont les Français qui ont fait ces économies, presque en me le reprochant…

Mme Véronique Louwagie. Pas du tout, c’était une constatation.

M. le ministre. J’entends bien, mais vous avez évoqué la baisse de 5 euros des APL, ce qui n’est pas le souvenir le plus positif que vous ayez gardé de nos échanges, ainsi que la baisse de la DETR ; or, en même temps, vous me demandez quand nous allons nous décider à faire encore plus d’économies – et quand les Français vont encore plus contribuer.

Je ne crois pas du tout que le Gouvernement n’ait pas fait d’efforts concernant la dépense publique, bien au contraire. J’ai d’ailleurs déclaré avec une grande honnêteté, me semble-t-il, que nous n’avons pas atteint l’objectif fixé par le Premier ministre d’une dépense publique stable hors inflation ; mais nous avons fait deux fois mieux, en moyenne, que tous les gouvernements des dix dernières années. Vous soutenez que nous attendons la hausse du taux de croissance du PIB pour réduire la part de la dépense publique. Il est tout à fait vrai, et je l’ai affirmé à plusieurs reprises, y compris publiquement, que tout le monde tient des raisonnements tendanciels, ce qui n’est pas très nouveau. Il me semble, à moins que je ne me trompe, que, depuis les années 1960, le budget a toujours augmenté par rapport à l’année précédente et que tout le monde a fait des économies par rapport à la tendance.

Et si nous n’avons pas tenu exactement, je le répète, l’objectif fixé par le Premier ministre, nous devons continuer à faire des efforts. Vous avez raison, madame Louwagie, monsieur Laqhila, il faut poursuivre la baisse de la dépense publique et ce d’autant plus que nous sommes dans une phase de reprise économique. Nous tendons tous à considérer que du fait de l’embellie, nous pouvons redistribuer une manne ou une cagnotte – qui, j’y insiste, n’existe pas – et donc nous dispenser d’efforts. C’est au contraire quand il y a moins de dépenses de guichet, quand les gens retrouvent du travail, quand l’intervention publique se révèle moins nécessaire pour jouer le rôle d’amortisseur social d’un choc provoqué par une crise, que nous devons faire ces efforts de diminution de la dépense publique. Or la France, depuis de nombreuses années, a toujours mené une politique contracyclique – ce qu’on peut comprendre du fait d’une forte demande –, contrairement à tous les pays qui s’en sont sortis. Je ne peux donc qu’être d’accord avec les intervenants : il faut poursuivre et intensifier la baisse de la dépense publique. C’est bien pourquoi nous avons lancé Action publique 2022 et qu’au mois de mai le Premier ministre annoncera la vingtaine de politiques publiques qui seront entièrement revues non d’un point de vue comptable, mais dans la perspective de leur transformation. Le président de la commission le sait bien puisqu’il a lui-même souligné que les dépenses sociales représentent la moitié de la dépense publique, toutes administrations publiques confondues. Reste, je le répète, que nous ne disposons pas, pour l’heure, des comptes de la sécurité sociale.

Les difficultés évoquées par Mme de Montchalin concernant les recettes sont liées au cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés. La direction générale du Trésor (DGT) vous expliquerait sans doute que les très bonnes recettes en la matière sont parfois inexplicables et vous savez bien qu’il arrive qu’elles soient plus importantes que ne le laissent a priori supposer la constatation d’une reprise économique. Cet effet ne se reproduit toutefois pas automatiquement d’une année sur l’autre.

Je confirme à M. de Courson que la surtaxe d’impôt sur les sociétés devant compenser en partie l’annulation de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes a rapporté 5 milliards d’euros au 31 décembre 2017 et que l’État a dépensé 5,25 milliards d’euros.

M. de Courson m’a également demandé comment nous avions calculé la sincérité de nos comptes. En ce qui concerne Areva, si j’ai bonne mémoire, la somme s’élève à 2 ou 2,2 milliards d’euros, 1 milliard étant consacré à la recapitalisation, l’autre milliard n’ayant pas été consacré à la résorption du déficit, comme nous y a encouragé le comptable français.

Enfin, Mme Rabault souhaite connaître nos projections pour 2019. Si les chiffres étaient confirmés, même en tenant compte de la transformation du CICE en baisse de charges, le déficit public n’excéderait pas 3 % du PIB.

M. le président Éric Woerth. La dépense publique a augmenté au même rythme que les années précédentes, le rapport de la Cour des comptes le montre bien. Quant au déficit de l’État, le communiqué de presse du Gouvernement, plus récent, indique qu’il diminue de 6,3 milliards d’euros par rapport à la seconde loi de finances rectificative, du fait de quelque 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires, dont une bonne part de recettes fiscales, et de 1 milliard d’euros de prélèvements sur recettes en moins. Nous sommes donc sur un chemin de crête.

M. Xavier Roseren. Le résultat de l’exercice budgétaire pour 2017 montre une augmentation des recettes de l’État par rapport à la loi de finances initiale. Cette nouvelle est d’autant plus positive qu’elle était inattendue et j’ai bien entendu que les anciens ministres du budget, M. Sapin et M. Eckert, essayaient de s’attribuer les mérites de ce résultat. On peut leur rappeler le constat alarmant de la Cour des comptes sur l’état des finances publiques et l’insincérité du budget de 2017…

Cette augmentation des recettes doit nous encourager à persister dans la voie que nous avons prise l’été dernier : celle des réformes de structure, d’une meilleure gestion des dépenses publiques, de la diminution des déficits publics et surtout du respect de nos engagements européens. À cet égard, Eurostat doit encore se prononcer sur le coût de la recapitalisation d’Areva et sur le contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes L’annulation de cette taxe a en effet entraîné une dette de l’État envers les entreprises, dont nous avons décidé d’étaler le règlement sur deux ans, et Eurostat doit se prononcer sur la validité de cet étalement sur 2017 et 2018. Avez-vous une idée de la date de cette décision ? Et si Eurostat invalide cette répartition sur deux ans, quelles conséquences ce refus aurait-il sur le budget de 2017 ? Le déficit public resterait-il inférieur à 3 % du PIB ?

M. Patrick Hetzel. Je souhaite vous alerter, monsieur le ministre, sur le fait que nombre de nos concitoyens se plaignent de la dématérialisation du paiement de l’impôt, notamment dans le monde rural. Il faut vraiment que des mesures correctrices soient décidées parce que tout le monde n’a pas forcément accès à internet.

Lorsque le projet de loi de finances pour 2017 a été discuté, il était question de réaliser des économies de grande échelle sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Pouvez‑vous nous indiquer où nous en sommes ? Par rapport aux prévisions, quelle a été l’exécution budgétaire de l’ONDAM ?

Mme Christine Pires Beaune. Je remercie le ministre d’avoir rappelé que les bons résultats étaient dus à diverses mesures prises sous différents gouvernements – c’est une marque d’honnêteté dont ne font pas toujours preuve tous les membres de la commission.

M. le président Éric Woerth. Disons : une marque d’objectivité.

Mme Christine Pires Beaune. Exactement.

Je prends acte, monsieur le ministre, de votre volonté de ne plus recourir aux décrets d’avance. En effet, les bons résultats budgétaires – et ils sont incontestables – sont également dus à une interaction avec le budget des collectivités locales. J’en veux pour preuve que des crédits destinés la dotation de soutien à l’investissement n’ont pas été versés aux collectivités locales. J’ai de très nombreux exemples à vous donner. J’aimerais que l’on abandonne cette méthode au profit de méthodes plus raisonnables grâce auxquelles, quand une collectivité demande le versement d’une subvention, elle lui soit octroyée en temps et en heure et, surtout, au bénéfice de l’exercice sur lequel les travaux ont été menés.

Enfin, pouvez-vous nous indiquer quel était le ratio d’endettement à la fin de 2017 ? Pouvez-vous également nous confirmer qu’il ne commencerait à décroître qu’à partir de 2022 ?

M. Philippe Vigier. Je reprends une des questions de Charles de Courson : quel est le niveau des prélèvements obligatoires ? Pouvez-vous confirmer qu’ils ont augmenté de 0,3 point ?

Mme Catherine Osson. Par un arrêté du 7 février dernier, 83 138 930 euros d’autorisations d’engagement (AE) au titre du programme Soutien de la politique de léducation nationale ont été reportés à 2018. Sur quelles actions porte ce report de crédits ? De quelles dépenses proviennent ces autorisations d’engagement et pourquoi aucuns crédits de paiement n’ont-ils été reportés ?

Par ailleurs, avec ces 83 millions d’euros d’AE reportés, les engagements non couverts par des paiements, si l’on se réfère au projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2018, atteindraient désormais 493 millions d’euros, soit l’équivalent de 20 % des AE budgétisées pour 2018, ou encore l’équivalent de 50 % des AE budgétisées hors titre 2. Quelles sont les garanties de la soutenabilité du programme ? Les dépenses correspondant à des autorisations d’engagement non couvertes seront-elles exécutées ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je salue, monsieur le ministre, votre honnêteté quand, dans votre propos liminaire, vous évoquez l’amélioration conjoncturelle ainsi que la meilleure dynamique de nos recettes. C’est bien de le reconnaître, car c’est une réalité. Mais il est vrai aussi que, lorsque vous constatez une amélioration de 6 milliards d’euros de la résorption du déficit budgétaire, il faut prendre en compte le fait qu’il y a eu 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires à la suite de la loi de finances rectificative tirant les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués.

Certes, monsieur le ministre, le déficit budgétaire pour 2017 est ramené à 67,8 milliards d’euros mais, dès lors, la différence entre le déficit de 2017 et le déficit prévisionnel pour 2018 va s’accroître. Si j’ai bonne mémoire, ce dernier a été fixé par le projet de loi de finances pour 2018 à 82,9 milliards d’euros. La différence est donc de 14,2 milliards d’euros. Votre chance est de pouvoir compter sur des recettes plus dynamiques mais la réalité, j’y insiste, est que l’on aggrave encore le déficit pour 2018.

M. le président Éric Woerth. Il y aura un effet de base.

M. Gabriel Serville. Permettez-moi, monsieur le ministre, d’appeler votre attention sur les difficultés d’application de l’article 85 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, et de la circulaire du 1er mars 2017 relative au critère du centre des intérêts matériels et moraux – les fameux CIMM. En effet, le fait que les fonctionnaires ultramarins affectés à des postes dans l’Hexagone éprouvent d’énormes difficultés à revenir dans leur région d’origine provoque de grandes souffrances.

Or, de nombreux fonctionnaires guyanais ainsi que des syndicalistes ont signalé des manquements et des retards quant à la prise en compte des CIMM dans la gestion des ressources humaines des différents ministères. Depuis l’été dernier, plusieurs collègues ultramarins et moi-même n’avons cessé de vous solliciter, sans jamais obtenir de réponse de votre part. En attendant, les situations de désespoir parmi nos compatriotes d’outre-mer qui se retrouvent souvent séparés de leurs familles s’accumulent. Le sujet est d’ailleurs à l’ordre du jour de la réunion de la délégation à l’outre-mer qui se tiendra plus tard dans l’après-midi. Aussi, puisque nous tirons aujourd’hui le bilan de l’année 2017, aimerais-je, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur cette situation.

Mme Bénédicte Peyrol. La loi de finances pour 2018 a été établie en fonction d’un taux d’inflation de 1,1 %. Or l’INSEE prévoit un taux annuel d’inflation relativement dynamique, passant de 1 % à 1,6 % à la mi-2018. Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement anticipe-t-il un relèvement de la charge de la dette liée aux titres indexés sur le taux d’inflation et, à ce titre, quelles orientations ont-elles été transmises à l’Agence France Trésor (AFT) pour qu’elle adapte son action au cours de l’année 2018 ?

M. Julien Aubert. On dit que la victoire a cent pères et que la défaite est orpheline. Je ne sais à qui imputer les bons résultats de la croissance mais entends vous interroger sur votre responsabilité quant à la prévision du déficit.

En 2016, la loi de finances rectificative prévoyait un déficit budgétaire de 69,9 milliards d’euros et nous avons eu pour finir un déficit de 69 milliards d’euros, soit un écart d’un peu plus de 1 %. À l’époque, déjà, le ministère était heureux d’annoncer un déficit plus faible que prévu. Un an plus tard, vous nous annoncez un déficit de 67,8 milliards d’euros mais, au moment de l’examen du projet de loi de finances rectificative, vous prévoyiez un déficit de 74,1 milliards d’euros, soit un écart, ici, de presque 10 %. Comment passe-t-on d’un chiffre à l’autre ? Je souhaite savoir pourquoi vous êtes si surpris par cette dynamique des recettes. Ne pouvait-on l’anticiper ? La portée de nos échanges sur l’évolution du déficit ou de la dette se trouve en effet d’autant plus réduite que la fiabilité des données semble remise en cause par de tels écarts.

M. Laurent Saint-Martin. Je reviens sur les notions de contrôle et de « sincérisation » budgétaires, et en particulier sur les conférences de performance qui réunissent les représentants de la direction du budget et des différents ministères. Elles me semblent, depuis quelques années, engager la gestion des finances publiques dans un cercle vertueux. Comment pensez-vous associer les rapporteurs spéciaux et, de manière générale, les parlementaires à ces conférences ?

M. Daniel Labaronne. Pour répondre à notre collègue Aubert, je rappelle que la Cour des comptes a également fait des prévisions qui se sont révélées assez éloignées de la réalité. En effet, la Cour estimait, en juin 2017, que, sans mesures de redressement, le déficit budgétaire s’élèverait à 3,2 % du PIB. En outre, s’agissant de la réduction de la dépense de l’État, elle a été depuis l’été dernier de 5 milliards d’euros, soit un montant bien supérieur à ce que la Cour estimait possible en juin 2017. Cela tient sans doute au fait d’avoir retenu l’hypothèse d’un taux de croissance de 1,7 % alors que ce taux allait manifestement être légèrement supérieur.

Ma question porte sur la dette de SNCF Réseau. N’y a-t-il pas un risque, monsieur le ministre, d’une requalification de cette dette par Eurostat, requalification qui pourrait avoir des conséquences sur le montant du déficit public et sur celui de la dette ?

M. Jean-René Cazeneuve. Pouvez-vous, monsieur le ministre, revenir sur les investissements de l’État en 2017 ? Je sais que vous ne disposez pas de toutes les données concernant les collectivités territoriales, mais les investissements de ces dernières ont fortement baissé cette année. Avez-vous une idée du niveau d’investissement en 2017 ?

M. Xavier Paluszkiewicz. En février dernier, les chiffres publiés par la Cour des comptes montraient que la conjoncture française s’était améliorée en 2017. Hier, Mme Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, déclarait que c’est quand il fait beau qu’on refait la toiture de sa maison. Étant donné le climat actuel, vous conviendrez que nous sommes tous invités à sortir nos échelles.

Le droit à l’erreur était une réforme nécessaire pour l’ensemble des citoyens mais la future police fiscale en est une autre. Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) a fermé ses portes en décembre dernier et Bercy disposera, dans les mois qui viennent, de son propre service d’enquêtes judiciaires pour traquer les fraudeurs du fisc, sujet ô combien important au vu de la manne financière, si j’ose dire, détournée aux dépens de l’État. Je souhaite savoir quels seront les moyens et les outils dont disposera Bercy pour lutter contre la fraude fiscale et déconstruire les montages financiers les plus complexes. Surtout, je souhaite connaître les modalités selon lesquelles ce service sera administré.

M. Olivier Gaillard. Monsieur le ministre, la défense et les armées sont un domaine bien particulier, exposé à des aléas, des prévisions, des trajectoires budgétaires susceptibles d’être révisées. L’effort de « sincérisation » budgétaire est donc particulièrement exigeant. Bien souvent, le report des charges est ici qualifié de structurel et d’incompressible. Aussi la volonté politique affichée, forte et qui va dans le bon sens, de réduire le report de charges, est‑elle tout simplement tenable ?

M. Philippe Chassaing. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur le poids de la dette dans nos finances publiques. En connaissez-vous le montant ? Quelles sont vos prévisions quant à l’évolution des taux et quelle en seraient les éventuelles conséquences sur le budget ?

M. le ministre. Les données d’Eurostat seront connues fin mars ou début avril, et nous n’avons pas de crainte particulière : nous avons suivi les règles élémentaires d’imputation comptable pour Areva comme pour la surtaxe d’impôt sur les sociétés devant compenser en partie l’annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes. Nous n’avons par conséquent étalé aucune dépense et nous avons intégré dans les comptes de la Nation les facturations au moment où nous les avons reçues.

Pour répondre à M. Hetzel, je pense que la dématérialisation du paiement de l’impôt est un sujet qui nous éloigne quelque peu de l’exécution du budget de 2017. Quant à l’ONDAM, je ne peux pas répondre car nous ne disposons pas des comptes de la sécurité sociale. Nous pouvons néanmoins estimer que le taux de progression devrait avoisiner 2,1 % alors que la loi de financement de la sécurité sociale prévoit un taux de 2,3 %.

En ce qui concerne les décrets d’avance, je ne peux que me répéter, mais, pour répondre précisément à la question de Mme Pires Beaune, pour qu’il n’y ait plus de décrets d’avance, les comptes devraient être sincères car s’ils n’avaient pas été insincères, du point de vue de la Cour des comptes, nous n’aurions pas pris de décrets d’avance. Si nous présentons des comptes sincères…

M. Julien Aubert. Le budget, pas les comptes !

M. le ministre. Le budget, les comptes… Soit !

J’aimerais donc être celui grâce à qui, sauf extraordinaire – et notre pays peut connaître des situations extraordinaires –, il n’y aura pas de décret d’avance d’un montant semblable à ceux de l’été dernier – je m’y engage.

Vous m’avez également interrogé sur la trajectoire de la dette, madame Pires Beaune. L’endettement ne commencera pas à décroître en 2022 mais en 2020, et sans doute même avant si la croissance continue d’être soutenue, si les recettes continuent à être dynamiques et si la dépense publique continue de baisser. En tout cas le ministre de l’action et des comptes publics y incite.

M. Vigier a repris à son compte la question de M. de Courson à laquelle je n’avais pas répondu, je le prie de m’en excuser. Le taux des prélèvements obligatoires a été de 44,4 % du PIB en 2016, de 44,7 % en 2017 et devrait être de 44,1 % en 2018.

Mme Dalloz a davantage établi un constat que posé une question. Je préciserai néanmoins, dans un souci de sincérité réciproque, que si je n’ai pas nié que l’augmentation des recettes avait contribué à l’amélioration de la situation budgétaire, on ne peut pas nier non plus que nous avons réalisé 5 milliards d’euros d’économies. J’en profite au passage pour répondre au rapporteur général : l’engagement de refroidissement de la dépense a été tenu et notamment parce que des dépenses d’accélération comme les contrats aidés ont nécessité moins d’argent prévu. Et je me tourne à nouveau vers vous, madame Dalloz : l’honnêteté oblige à reconnaître que nous avons dû engager de nombreuses dépenses qui n’étaient pas budgétisées – la Cour des comptes les évalue à 8 milliards d’euros. Aussi, soyons honnêtes, j’y insiste, la diminution de notre déficit est due pour moitié aux recettes fiscales supplémentaires et pour moitié aux économies que nous avons réalisées.

M. Serville m’a interrogé sur les CIMM, sujet important et complexe. Le Gouvernement ne l’oublie pas. J’en ai d’ailleurs parlé ce matin encore avec mes collègues, Mme Girardin et M. Dussopt, qui suivront le dossier. La semaine prochaine, je me rendrai moi-même aux Antilles, y compris à Saint-Martin, où j’aurai l’occasion de l’évoquer avec le corps préfectoral, les administrations et les agents publics. Ce dispositif doit être modernisé et simplifié.

Madame Peyrol, nous avons prévu une augmentation de l’intérêt de la dette. Le taux actuel reste pour l’instant en deçà de cette prévision et nous aurons une nouvelle estimation de la charge de la dette à l’occasion de la présentation du programme de stabilité au mois d’avril, afin de tenir compte des nouveaux taux d’intérêt, en fonction de la décision de la Banque centrale. Nous savons d’ores et déjà que le taux d’inflation dépendra beaucoup des cours du pétrole : je ne peux donc vous répondre précisément et vous prie de m’en excuser.

La Cour des comptes, monsieur Aubert, à laquelle je vous sais sensible, ...

M. Julien Aubert. Toujours !

M. le ministre. ...donne des avis et n’a jamais considéré que nous devions attendre des recettes supplémentaires, mais elle a toujours estimé que le budget que nous lui présentions était certes parfois prudent, en tout cas sincère.

L’accélération de la rentrée des recettes de l’impôt sur les sociétés, nous ne l’avons constatée qu’au mois de novembre.

Là où il ne faut pas faire de politique politicienne…

M. Julien Aubert. Ce n’est pas votre genre…

M. le ministre. Non, ce n’est pas mon genre. Et, je l’ai dit, il serait trop facile de faire son Chantecler…

Nous avons constaté, à partir de la fin du mois d’octobre, une très nette accélération des rentrées des recettes de l’impôt sur les sociétés. Nous ne l’expliquons pas tout à fait
– évidemment, quand on est membre du Gouvernement, on a envie de croire que c’est parce que la majorité a pris les bonnes mesures, donné dans le symbole – et le Président de la République, le ministre de l’économie et des finances, le ministre de l’action et des comptes publics et vous tous d’applaudir le travail de transformation. Reste que l’accélération du mois de novembre n’était pas prévue et, pour tout vous dire et sans trahir de secret, jusqu’au mois de novembre, le ministre de l’action et des comptes publics se posait la question de savoir s’il ne fallait pas prendre de nouvelles mesures d’économie pour tenir notre déficit, voire s’il ne fallait pas geler des crédits. Or nous avons « dégelé » l’intégralité des crédits très tardivement, puisque j’ai attendu le 15 décembre pour « dégeler » notamment les 700 millions d’euros du budget de la défense.

Je vous prie donc de croire – car je me serais bien dispensé d’une passe d’armes, certes pacifique et sympathique, avec d’autres ministres – que je n’ai « dégelé » les crédits qu’une fois sûr des rentrées fiscales. Il apparaissait très difficile de prévoir cette embellie soudaine.

M. Saint-Martin a raison. Nous avons donc resserré le calendrier des rapports annuels de performances, et, naturellement, nous veillerons à répondre aux demandes des commissaires aux finances.

Nous discutons actuellement de la réforme ferroviaire, monsieur Labaronne, mais il n’y a pas risque de reprise de cette dette de quasiment 50 milliards d’euros – même si 11 milliards d’euros sont déjà intégrés à notre déficit.

La question de la fraude fiscale est un peu éloignée de notre débat, monsieur Paluszkiewicz, mais j’ai eu l’occasion d’indiquer que nous préparions un plan en la matière. Un projet de loi sera déposé sur le bureau de votre assemblée, vraisemblablement vers le mois de mai. J’ai proposé à l’ensemble des groupes politiques des deux chambres une réunion informelle avec moi-même et mes services. Je vous ai proposé une rencontre, monsieur le président, comme au président de la commission des finances du Sénat, et je serais très heureux que l’on puisse en parler, peut-être à un autre moment.

Le ministère de la défense n’est pas le seul qui puisse être affecté par des crises. Il n’en représente pas moins un budget très important et des investissements très lourds. Les reports de charge se sont accumulés, nous nous y sommes habitués, et cela a un peu découragé tout le monde – petites et moyennes entreprises de l’armement mais aussi soldats ou personnels en opération. Nous allons tout à fait tenir cette « sincérisation », monsieur le député Gaillard. C’est ainsi que, dans le budget que nous avons présenté, nous rebudgétisons de 200 millions d’euros, notamment les opérations extérieures, pour atteindre le milliard d’euros à la fin du quinquennat. C’est quand même, je crois, une démarche de « sincérisation » très importante. Tout cela est acté dans le projet de loi de programmation militaire, qu’a présenté Mme la ministre des armées.

Je sais Mme Osson très attachée à l’enseignement scolaire. Le décalage qu’elle observe du montant s’explique par le déménagement d’un rectorat et la construction de deux lycées à Mayotte.

Je n’ai pas tous les éléments concernant les collectivités locales, qui ont un peu plus dépensé, monsieur Cazeneuve, mais l’investissement n’a pas diminué : il s’établit aux environs de 11 milliards d’euros.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 13 h 30

 

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

 

Excusés. – Mme Sophie Errante, M. Nicolas Forissier, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Gabriel Serville