Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’alimentation industrielle :
qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

 

– Audition, ouverte à la presse, du professeur Serge Hercberg, directeur de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), et de Mme la docteure Mathilde Touvier              2

 


Jeudi
17 mai 2018

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de
M. Loïc Prud’homme,
Président
 

 


  1 

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

M. le président Loïc Prud’homme. Chères et chers collègues, nous souhaitons la bienvenue à Monsieur le professeur Serge Hercberg et à Madame la docteure Mathilde Touvier que nous allons entendre pour débuter le cycle de nos auditions.

Ils représentent l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), un collectif interdisciplinaire qui rassemble des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et de l’Université Paris 13. L’EREN est dirigée par le professeur Hercberg qui préside, en outre, le Programme national nutrition santé, plus connu sous l’acronyme PNNS. Mme Mathilde Touvier est chercheuse
– « chercheure » me semblerait peut-être plus adapté – à l’INSERM. Elle coordonne l’axe « Nutrition Cancer » du laboratoire et a publié de nombreux articles scientifiques dans le champ des études « Nutrition Santé ».

Madame et monsieur, nous avons choisi de vous entendre en premier lieu, car vos travaux sont à même d’éclairer certaines pistes de réflexion de la commission d’enquête.

L’une des pistes possible « colle » d’ailleurs à l’actualité de votre équipe. En effet, en février dernier, vous avez publié une étude dans The British Medical Journal, qui porte sur un suivi pendant huit ans de la cohorte NutriNet-Santé qui compte plus de 100 000 participants volontaires. Les médias ont donné un écho particulier à un point de cette étude, qui suggère un effet de la consommation d’aliments ultra-transformés sur le taux de cancers global, notamment sur celui des cancers du sein.

D’autres facteurs sont sans doute à prendre en compte, comme les additifs ou la présence de nanoparticules dans les aliments ou leurs conditionnements, présence rarement signalée aux consommateurs. Mais je vous laisse nous préciser quelles ont été les bases de ce travail. Quelles autres conclusions sont à tirer de cette étude et quelles suites scientifiques leur seront données ?

Au-delà de ces recherches, nous souhaitons connaître vos attentes à l’égard des pouvoirs publics, en considérant les résultats d’une telle étude.

Concernant le PNNS, qui existe depuis 2001, le professeur Hercberg ne manquera pas de nous préciser les thèmes qui vont ou devraient être privilégiés au titre du cycle actuel du Programme et pour la prochaine période.

Quelles sont, en fait, les retombées tangibles du PNNS pour le grand public ? Tout le monde se souvient de la recommandation, parfois mal comprise, de manger au moins cinq fruits et légumes par jour ! D’autres points méritent-ils d’être soulignés, car ayant eu un impact directement positif sur le niveau général de la santé au titre des volets successifs de ce plan national ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, notre commission entend s’attacher à mieux comprendre les problématiques concernant la qualité nutritionnelle des aliments, leur rôle en tant que facteurs dans certaines maladies et l’impact social ou environnemental de leur provenance. Au terme de nos travaux, nous souhaiterions être en mesure de formuler des propositions les plus concrètes, notamment là où les efforts de recherche et d’information nous paraîtraient devoir être accentués.

Nous allons, dans un premier temps, vous écouter au titre d’un exposé liminaire d’une vingtaine de minutes afin de conserver un temps pour l’échange. Puis, dans un second temps, mes collègues vous poseront différentes questions, à commencer par celles de Mme Michèle Crouzet en sa qualité de rapporteure de la commission d’enquête.

Comme le veut l’usage, nous vous invitons à prêter serment.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par des commissions d’enquêtes de déposer sous serment.

(M. le professeur Serge Hercberg et Mme la docteure Mathilde Touvier prêtent serment.)

M. Serge Hercberg, directeur de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN). Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de dire combien nous sommes ravis de pouvoir contribuer au travail de la commission. Nous avons prévu de vous présenter un exposé reprenant quelques éléments de contexte généraux sur les relations entre alimentation et santé – ce sera mon propos pendant une dizaine de minutes – avant d’en venir aux problématiques plus spécifiquement liées aux aliments ultra-transformés, puis Mathilde Touvier s’attachera à vous présenter notre travail qui a été récemment publié sur le sujet ainsi que les suites qui devraient lui être données.

Pour rappeler des éléments de contexte, lorsqu’en France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, on se penche sur les grands problèmes de santé publique auxquels nous sommes confrontés ainsi que sur les maladies chroniques qui se sont développées de façon exponentielle au cours des dernières décennies, que ce soient les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’obésité, les troubles de minéralisation osseuse, la nutrition apparaît comme l’un de leurs déterminants. Mais nous avons également des arguments de plus en plus probants sur le rôle joué par la nutrition sur de nombreuses autres problématiques de santé, que ce soit dans le domaine des pathologies digestives, ostéoarticulaires, dermatologiques, neurologiques, de déclin cognitif, et autres.

Toutes ces maladies chroniques ont un coût humain extrêmement important. Leur prévalence montre qu’outre les conséquences en termes de morbidité et de mortalité, le coût social et économique est extrêmement lourd. Un rapport du Trésor, paru il y a deux ans, donnait un nouveau chiffrage des coûts directs et indirects liés à l’obésité et au surpoids. Si 17 % des adultes sont aujourd’hui concernés par l’obésité, un focus très particulier montre une croissance de l’obésité chez les enfants, sachant que les dépenses de santé liées à l’obésité représentent 20 milliards d’euros par an.

Pour l’ensemble des maladies chroniques, les coûts sont considérables.

Certes, ces maladies chroniques sont des maladies multifactorielles. Elles ne sont pas uniquement liées à l’alimentation ou à la nutrition. D’autres facteurs génétiques, biologiques, métaboliques ou encore environnementaux jouent un rôle. L’influence du tabac ou des expositions professionnelles est largement connue. Mais de très nombreux travaux parus au cours des quinze ou vingt dernières années ont permis de prendre conscience de l’importance du rôle de la nutrition, notamment de l’alimentation, considérant que si les facteurs génétiques sont ceux sur lesquels les marges de manœuvre restent faibles, les facteurs alimentaires, c’est‑à-dire le contenu de l’assiette et les modes de vie en rapport avec la nutrition, sont des facteurs sur lesquels il est possible d’agir, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif.

Nous avons aujourd’hui des idées plus précises sur le poids relatif des facteurs nutritionnels dans le déterminisme des maladies.

Pour vous donner un ordre de grandeur, j’ai choisi deux exemples de maladies qui pourraient être évitées grâce à la nutrition.

Pour commencer, je citerai le cancer. Un travail réalisé par le Fonds mondial de recherche contre le cancer a permis, à partir de l’analyse de plusieurs milliers d’études et selon une méthodologie extrêmement rigoureuse, de considérer qu’environ un tiers des cancers les plus fréquents pourraient être évités grâce à la prévention nutritionnelle dans les pays développés, un quart dans les pays en voie de développement. Nous parlons là de cancers tous sites confondus, mais pour certaines localisations de cancers, ce poids relatif des facteurs nutritionnels est encore plus élevé, notamment pour ce qui est des cancers des voies aérodigestives supérieures, des cancers du côlon et du rectum, ou du cancer de l’utérus.

Pour donner un autre exemple, une simple modification dans l’apport de sel aurait des conséquences remarquables sur la pression artérielle et, donc, sur les conséquences cardiovasculaires possibles. Il suffirait de passer de 10 grammes à 5 grammes par jour, ce qui n’est absolument pas impossible à réaliser. C’est même tout à fait possible : 10 grammes sont à peu près la quantité consommée ces dernières années, 5 grammes sont la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La diminution pour tendre vers cet objectif de l’OMS permettrait de réduire le taux global d’accidents vasculaires cérébraux de 23 % et, de façon générale, celui des maladies cardiovasculaires de 17 %. En matière de prévention, la nutrition offre donc une marge de manœuvre extrêmement importante.

Le problème de l’alimentation et des aliments est qu’ils présentent de multiples dimensions en rapport avec la santé. On sait que des champs très divers, tels le goût ou l’aspect économique, interviennent dans les choix alimentaires. Mais l’étude plus spécifique des aliments montre qu’ils présentent des dimensions diverses.

La première est, bien évidemment, la qualité nutritionnelle, c’est-à-dire la composition nutritionnelle comme la teneur en gras, en sucre, en sel, en calories, en fibres, en vitamines et minéraux. Mais il ne faut pas oublier la deuxième dimension, tenant à la présence d’additifs, que soient des colorants, des conservateurs, des antioxydants, des agents de texture, des exhausteurs de goût, édulcorants ou autres. Il convient également de prendre en compte les composés néoformés qui apparaissent lors de la transformation des aliments, comme l’acrylamide ou les nitrosamines. Quant aux pesticides, insecticides, raticides, fongicides et herbicides, s’ils ne sont pas intrinsèquement des aliments, ils peuvent, dans la chaîne alimentaire, venir les imprégner et avoir un impact sur la santé. Nous pourrions également ajouter tout ce qui concerne les emballages et la capacité de diffusion à partir des emballages sur les aliments eux-mêmes et, donc, sur la santé.

Sur ces dimensions diverses des aliments, nous avons des degrés de certitude dans les liens qu’ils entretiennent avec la santé mais qui varient en fonction des données scientifiques existantes.

S’agissant de la qualité nutritionnelle, nous disposons depuis quinze ans de travaux épidémiologiques, cliniques et mécanistiques qui permettent d’identifier des facteurs de risque ou des facteurs de protection liés à l’alimentation, reposant sur des données considérées comme allant de « probables » à « convaincantes », susceptibles de déboucher sur des recommandations spécifiques de santé publique.

Pour ce qui est des additifs, la situation est plus complexe. Nous avons moins de données en termes d’études populationnelles, mais des hypothèses ont été posées à partir de travaux mécanistiques et, même si les données ne sont pas démontrées en population, nous aboutissons malgré tout à un certain nombre de recommandations – comme, par exemple, la promotion des aliments bruts.

Pour les composés néoformés, la situation est de même nature que celle des additifs, c’est-à-dire que de nombreux arguments mécanistiques suggèrent une relation possible, même si nous n’en avons pas la démonstration par des études populationnelles. Cela permet de déboucher également sur des recommandations générales – en termes de conseils de cuisson, de consommation d’aliments ne contenant pas de nitrates ou de nitrites, etc.

Autour des pesticides, nous avons des liens possibles grâce à des travaux expérimentaux et des travaux épidémiologiques qui commencent à paraître. Là encore, au nom du principe de précaution, il est possible de déboucher sur des recommandations générales – comme la promotion de la consommation des aliments issus d’une agriculture à faible apport d’intrants.

Pour embrasser toutes ces dimensions, on peut regrouper sous le terme « aliments ultra-transformés », dont va vous parler Mathilde Touvier, les aliments qui impactent la santé de par leur composition nutritionnelle, la présence d’additifs et la présence de composés néoformés, sans oublier la diffusion à partir des emballages.

Mais avant d’aborder ces aliments ultra-transformés, permettez-moi d’ajouter que tout ce qui concerne la qualité, la composition nutritionnelle des aliments et le lien avec la santé est suffisamment connu pour qu’aujourd’hui, il soit possible de traduire et décliner cela en recommandations pour le grand public.

Ainsi, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a réactualisé voilà quelques mois les repères alimentaires pour la suite du Programme national nutrition santé (PNNS). Outre la fameuse promotion des fruits et légumes, apparaissent de nouvelles recommandations sur les fruits à coques sans sel ajouté et les légumineuses ; sur la consommation de produits céréaliers complets et peu raffinés par rapport à ceux consommés plus traditionnellement et qui sont, pour leur part, très raffinés ; sur une réduction de la consommation de produits laitiers ; sur une limitation de la consommation de viande rouge et de charcuterie ; sur une consommation adéquate de poisson ; sur une limitation de la consommation de matières grasses ajoutées, de produits sucrés et de sel ; pour ce qui concerne les boissons, une recommandation spécifique sur la nécessité d’avoir l’eau comme seule boisson recommandée, les autres boissons, sous quelque forme qu’elles soient, n’ayant pas la même qualité nutritionnelle que l’eau et pouvant impacter la santé, qu’il s’agisse des boissons sucrées ou de l’alcool. Nous promouvons également plutôt la consommation d’aliments bruts et la consommation d’aliments issus de modes de production diminuant l’exposition aux pesticides

Nous avons donc aujourd’hui la capacité réelle d’émettre des recommandations en matière de qualité nutritionnelle. Nous disposons même d’un outil validé pour caractériser la qualité nutritionnelle des aliments. En effet, au travers d’un profil nutritionnel qui, à l’origine, a été mis au point par l’Agence sanitaire britannique des aliments, puis modifié et adapté au contexte français par le HCSP, permet d’évaluer la qualité nutritionnelle des aliments au travers d’un indicateur simple. Cela a été validé par de très nombreux travaux épidémiologiques.

Ce profil nutritionnel se fonde tout simplement sur la composition pour 100 grammes en énergie, en calories, en acides gras saturés, en sucres simples, en sodium, en pourcentage de fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque, en fibres et en protéines. Il est intéressant de constater que ce score de qualité nutritionnelle est réellement prédictif du risque de maladie chronique, puisque les sujets dont le score nutritionnel de l’alimentation se situe dans le niveau reflétant la moins bonne qualité nutritionnelle ont un risque supérieur de maladie. Cela a été évalué au travers des cohortes SULmax et NutriNet-Santé, deux cohortes que notre équipe suit depuis de très nombreuses années. Il ressort que l’augmentation du risque de développer un cancer est supérieure de 34 %, de développer un cancer du sein de 52 % ; elle est de plus de 61 % pour les maladies cardiovasculaires, de plus de 40 % pour le syndrome métabolique et de plus de 60 % pour le risque d’obésité chez l’homme. Nous pouvons donc considérer aujourd’hui que la qualité nutritionnelle est associée à un risque de maladie chronique élevé.

Il est possible d’utiliser de façon pratique cet outil validé pour caractériser la qualité nutritionnelle en vue de mesures de santé publique. C’est ce qui lui a permis de servir de support à la signalétique nutritionnelle située en face avant des emballages des aliments. Après quatre années d’imbroglio, un arrêté interministériel a officialisé au mois d’octobre dernier le Nutri-Score. Ce logo « coloriel » à cinq couleurs et cinq lettres permet de renseigner les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des aliments et de comparer leur qualité nutritionnelle, mais il vise aussi à inciter les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle par la compétition qu’il fera naître entre eux et le fait qu’ils auront tendance à vouloir mieux figurer sur l’échelle des couleurs proposée.

Je puis vous en donner deux illustrations.

La première concerne différentes céréales de petit-déjeuner. En fonction des types de céréales, on constate que le Nutri-Score peut varier du vert au rouge, de A à E. Mais au-delà de la capacité à comparer les aliments de différentes catégories, il offre la possibilité, au sein d’une même catégorie, de discriminer la qualité nutritionnelle d’un même aliment en fonction des marques alors que, souvent, le consommateur n’avait pas accès à cette transparence.

Autre exemple, regardons ce logo appliqué à trente-cinq marques d’un même aliment. Face au même intitulé – en l’occurrence, « muesli croustillant aux pépites de chocolat » –, nous pourrions penser que toutes les boîtes ont la même composition nutritionnelle. Or, si l’on veut établir une comparaison, l’étiquette très complexe apposée en face arrière des emballages des aliments ne permet pas de discriminer réellement les différences de qualité nutritionnelle. En revanche, avec le logo nutritionnel, il est possible de constater que, pour ce même aliment, le Nutri-Score varie selon les marques du vert au rouge, de A à E.

Le Nutri-Score est donc vraiment un outil de transparence qui répond au droit des consommateurs. Il peut aider à orienter leurs choix et inciter les industriels à mettre sur le marché des aliments de meilleure qualité nutritionnelle en les reformulant ou en innovant sur des aliments qui prennent en considération la qualité nutritionnelle des produits.

Ce score de qualité nutritionnelle peut également servir à diverses mesures de santé publique qui sont aujourd’hui impulsées par l’OMS et par la plupart des instances de santé publique dans le monde et qui font référence à la qualité nutritionnelle.

Je pense notamment aux phénomènes de régulation économique s’appuyant sur des taxations ou des subventions, mais aussi de régulation de la publicité. On peut ainsi envisager que seule soit autorisée la publicité pour des aliments dont le score de qualité nutritionnelle soit favorable et que, a contrario, la publicité pour des aliments de moins bonne qualité nutritionnelle soit interdite ou limitée. Une autre manière de fournir cette transparence auprès des consommateurs pourrait être de rendre obligatoire, dans la publicité, l’affichage du Nutri‑Score sur les aliments.

Mais ce Nutri-Score peut présenter également d’autres points d’intérêt en termes d’offre alimentaire et d’information du consommateur, comme, par exemple, la régulation du contenu des distributeurs automatiques payants de produits, qui sont souvent des produits de grignotage et pour lesquels cette information permettrait d’orienter le consommateur, mais également de réguler la présence d’aliments de bonne qualité nutritionnelle à l’intérieur de ces distributeurs automatiques.

Pour conclure, nous avons aujourd’hui suffisamment d’éléments et d’arguments sur la qualité nutritionnelle pour bâtir des propositions. C’est ce qu’a fait le HCSP dans un rapport de près de 200 pages qui a été publié en novembre 2017 et qui propose, pour une politique nutritionnelle de santé publique en France, des mesures à la hauteur des enjeux, sur lesquelles je serais évidemment ravi de répondre à vos questions.

Mais, si vous le permettez, il est temps pour moi de céder la parole à ma collègue Mathilde Touvier, qui va centrer la présentation autour des aliments ultra-transformés et des résultats du travail que nous avons réalisé au sein de notre équipe.

Mme Mathilde Touvier. Je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter aujourd’hui ces résultats qui portent sur la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de cancer dans la cohorte NutriNet-Santé, ainsi que les perspectives de recherche qui en découlent.

Nous sommes dans un contexte où le degré de transformation de nos aliments ne cesse de croître, et ce dans différents pays. Pour ceux qui ont fourni les chiffres, nous citerons la France, le Canada, le Brésil et l’Australie. Les aliments ultra-transformés représentent aujourd’hui entre 25 % à 50 % de notre apport en énergie quotidienne.

Le concept de transformation des aliments est complexe. Il existe, à l’heure actuelle, une multitude de procédés qui permettent de transformer la matière brute en aliment à consommer ainsi qu’une multitude d’additifs autorisés. Une première classification du degré de transformation des aliments a été proposée par des chercheurs de l’Université de São Paulo, au Brésil. Cette classification, appelée NOVA, permet de classer nos aliments en quatre catégories : les aliments pas ou peu transformés ; les ingrédients utilisés pour faire la cuisine, tels l’huile, le sucre et autres ; les aliments transformés ; et, enfin les aliments ultra-transformés.

C’est ce dernier groupe qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui. Ces aliments ultra-transformés regroupent, par exemple, les biscuits d’apéritif, les sodas, les boissons sucrées, les nuggets de volaille ou de poisson, les céréales de petit-déjeuner ou les pains brioches emballés, ou encore les soupes de légumes déshydratées. Les procédés de transformation comprennent, entre autres, le chauffage à haute température, l’extrusion, l’hydrogénation, le prétraitement par friture. Les additifs sont des colorants, des émulsifiants, des texturants ou tout autre additif souvent ajouté à ces produits ultra-transformés.

Même si ce n’est pas le cas de tous, ce sont généralement des produits de moins bonne qualité nutritionnelle : ils contiennent plus d’acides gras saturés, de sel, de sucres simples, et moins de vitamines, de minéraux ou de fibres. Composés fréquemment avec des additifs alimentaires, ils sont susceptibles de contenir également des composés formés au cours des procédés de transformation, lors du chauffage à haute température ou de tout autre procédé. Ils peuvent également contenir des composés provenant de l’emballage qui est au contact de l’aliment, que l’on appelle les matériaux de contact.

Ce concept d’alimentation ultra-transformée et cette catégorisation NOVA sont assez récents. C’est la raison pour laquelle nous ne disposons pour l’instant que de quelques études. Celles-ci ont néanmoins déjà permis d’alerter sur cette question et de montrer un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et un risque accru de développer une obésité, une hypertension artérielle, un syndrome métabolique ou encore des problèmes de dyslipidémie.

Avant l’étude que je vais vous présenter, aucune étude ne s’était encore intéressée à la relation entre l’alimentation ultra-transformée et le risque de cancer. Notre objectif était donc d’évaluer les associations entre ces consommations habituelles d’aliments ultra-transformés et l’apparition, au fil du temps, des cancers dans la cohorte NutriNet-Santé. La question que nous nous posions notamment était de savoir si cette association, si elle existe, est uniquement liée à la moins bonne qualité nutritionnelle de ces produits ou si elle pouvait éventuellement être liée à d’autres facteurs ou d’autres caractéristiques de ces aliments ultra-transformés.

Pour revenir sur la cohorte NutriNet-Santé en quelques mots, elle fait l’objet d’une étude que nous avons mise en place et que nous coordonnons au sein de l’équipe depuis 2009. Cette étude s’intéresse aux relations entre nutrition et santé de manière générale. Cette cohorte est la première « e cohorte » – cohorte dont le suivi se fait par le biais d’internet – de cette ampleur au niveau international. Près de 160 000 participants sont aujourd’hui inscrits dans l’étude et le recrutement est continu ; nous poursuivons donc cette étude de manière dynamique.

Notre force, avec cette étude et dans l’équipe, est de disposer d’une caractérisation fine et détaillée des expositions alimentaires, y compris des expositions et des comportements émergents. En effet, outre les facteurs nutritionnels, nous prenons en compte au moyen d’outils validés et répétés, d’autres facteurs liés à l’alimentation et d’autres comportements pour parvenir à une évaluation de tous ces comportements émergents et récents.

Nous disposons également d’une biobanque. Elle ne sert pas dans le cadre de ce projet, mais elle est importante pour les perspectives de recherches puisqu’elle va nous permettre, grâce au sang et aux urines collectés auprès de ces participants, de comprendre les mécanismes en jeu dans ces relations entre la nutrition et la santé. C’est une véritable plateforme pour des projets multidisciplinaires autour des questions de nutrition-santé.

Pour donner un exemple de l’interface du suivi internet de ces participants, par le biais de questionnaires alimentaires, nous avons catégorisé tous les aliments consommés par les participants de la cohorte. Nous les avons classés selon les degrés de transformation, conformément à la classification NOVA. Puis, nous avons chiffré la part d’aliments ultra-transformés dans le total de la quantité des aliments consommés en grammes par jour. C’est cette part d’aliments ultra-transformés que nous avons mise en relation avec le risque de développer un cancer au fil des ans – ou, plus précisément, entre 2009 et 2017 pour ce qui est de cette étude.

Sans entrer dans les détails méthodologiques, nous assurons un suivi fin de l’apparition des maladies au cours du temps dans la cohorte, en ayant un lien avec les bases de données de l’assurance maladie afin de ne pas rater de cas incidents dans notre cohorte NutriNet-Santé.

Ces résultats portent sur environ 105 000 participants, ayant fait l’objet d’un suivi entre 2009 et 2017, période au cours de laquelle des personnes qui étaient, au départ, en bonne santé ont, pour certaines, développé un cancer. Cela a été le cas pour 2 228 participants de la cohorte au cours de ce suivi.

Les aliments ultra-transformés consommés dans cette étude étaient, pour un quart, des confiseries, des biscuits ou des viennoiseries. Le deuxième aliment plus gros contributeur était tout ce qui est boisson sucrée – sodas, boissons sucrées de manière générale, boissons aromatisées – ainsi que les féculents – pains préemballés, céréales de petit-déjeuner, etc. Enfin, les fruits et légumes ultra-transformés comptaient parmi les plus gros contributeurs de l’apport d’aliments ultra-transformés dans l’étude.

Le résultat de cette étude était qu’une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire des participants correspondait à une augmentation d’environ 10 % du risque de développer un cancer, toutes localisations confondues. Puis, plus précisément, une étude par localisation a fait ressortir un résultat significatif pour le cancer du sein.

Il est intéressant de souligner que cette relation était significative et robuste. Là encore, je passe les détails méthodologiques et épidémiologiques, mais nous avons effectué un très grand nombre d’analyses de sensibilité en modifiant certains paramètres pour conforter la robustesse des résultats. Nous avons également intégré un grand nombre de facteurs de confusion ; cela signifie que nous avons ajusté nos résultats en prenant en compte, dans nos modèles, des facteurs susceptibles de biaiser le résultat en interférant dans la relation. Je citerai, par exemple, des facteurs tels que l’âge, le niveau d’éducation, le poids, différents facteurs anthropométriques, le mode de vie, l’activité physique des participants, la consommation d’alcool et de tabac. Tout cela a été pris en compte et a été contrôlé dans notre étude. Nous avons également pris en compte des indicateurs de la qualité globale nutritionnelle de l’alimentation. Or, malgré la prise en compte de ces facteurs, les résultats restaient significatifs.

C’est un élément intéressant pour la discussion sur les pistes d’explication de cette association.

Plusieurs pistes ont été avancées, la première étant la plus faible qualité nutritionnelle des aliments ultra-transformés. Cette dernière qui a certainement joué dans cette relation, mais elle n’est pas la seule en cause. C’est ce que montrent les analyses ajustées, les analyses de médiation : en effet, même en ajustant ces facteurs nutritionnels, la relation persiste et reste très significative. Cela nous amène à penser que d’autres caractéristiques des aliments ultra-transformés joueraient un rôle dans cette relation. Les additifs alimentaires, les composés néoformés ou les matériaux au contact des aliments pourraient être en cause.

À ce jour, comme le disait le professeur Hercberg, nous disposons d’un niveau de preuve faible chez l’homme sur les trois derniers facteurs mentionnés. En revanche, les études mécanistiques chez l’animal ou sur des modèles cellulaires ont suggéré des risques potentiels liés à certains de ces composés.

C’est le cas par exemple, dans la catégorie des additifs, du dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire, l’additif E171, additif utilisé notamment pour le blanchiment des aliments, des nitrites, de l’hydroxyanisole butylé (BHA), du butylhydroxytoluène (BHT), ou encore, pour ce qui des édulcorants, de la carboxyméthylcellulose. Des études mécanistiques assez nombreuses chez l’animal commencent à montrer des risques potentiels.

Dans la catégorie des composés néoformés, nous pouvons citer l’exemple de l’acrylamide, qui apparaît lors du chauffage à haute température.

Puis, dans la catégorie des matériaux de contact, nous pourrions parler du bisphénol, dont on a déjà beaucoup entendu parler.

Cette étude doit être vue comme une première ligne d’investigation dans le domaine des relations entre aliments ultra-transformés et santé. Il s’agit d’une étude dite observationnelle. Nous l’avons bien mentionné. Nous avons notamment été très prudents à ce sujet dans notre communication dans les médias. Nous ne pouvons pas, avec ce design, établir de lien de cause à effet entre une alimentation ultra-transformée et le risque de cancer. Pour cela, il faudrait procéder à des essais contrôlés randomisés. Cela veut dire qu’il faudrait donner durant des années beaucoup d’aliments ultra-transformés à un groupe de personnes pendant que d’autres, qui composeraient un groupe contrôle, auraient la chance de ne pas en consommer, afin de voir au fil du temps quels sont ceux qui développent le plus de cancer et ceux qui meurent le plus. Évidemment, d’un point de vue éthique, jamais une expérimentation de ce type ne se fera. Outre les raisons pratiques et logistiques très complexes qu’imposent de telles études, dès lors que l’on pressent un facteur délétère, on ne met pas en place d’essais randomisés chez l’homme.

Pour progresser dans la connaissance, il faut maintenant confirmer ces résultats dans d’autres populations, et surtout comprendre les mécanismes et les facteurs en jeu dans ces relations, et notamment le rôle joué par les composés impliqués, qu’il s’agisse d’additifs ou d’autres composés.

Dans les perspectives de recherche à très court terme, notre équipe travaille sur les relations entre alimentation ultra-transformée et risque d’autres pathologies. Un de nos articles vient d’être accepté dans The American Journal of Gastroenterology, qui montre un lien avec les troubles fonctionnels digestifs. Il est accepté, pas encore publié, mais il est in press et va donc sortir très prochainement.

Certains de nos travaux en cours, qui ne sont pas encore soumis – nous sommes en train de rédiger les articles –, suggèrent des résultats sur l’obésité, la dépression, le risque de maladies cardiovasculaires, la mortalité. Nous allons également étudier le risque de ménopause précoce qui peut être un facteur de risque pour d’autres maladies.

Parmi les pistes de recherche, nous avons la volonté de creuser les facteurs en cause au sein de ces aliments ultra-transformés. Une piste privilégiée est celle des additifs alimentaires. Actuellement, quelque 400 additifs sont autorisés sur le marché européen. Heureusement, la plupart d’entre eux ne pose vraisemblablement pas de problème pour la santé ; certains antioxydants pourraient même avoir des effets bénéfiques sur la santé. En revanche, pour d’autres, comme je vous le disais, nous commençons à avoir des études sur l’animal ou sur des modèles cellulaires qui suggèrent des risques : le fameux TiO2 ou dioxyde de titane, les nitrites, nitrates, le BHA, BHT, certains émulsifiants, etc. La littérature dans le domaine va croissant.

Pour l’instant, nous n’avons pas d’études qui, chez l’homme, permettent d’étudier ces expositions chroniques aux additifs alimentaires et de surveiller l’apparition de maladies au cours du temps, comme sur la cohorte dont je viens de vous parler.

C’est donc ce que nous lançons maintenant comme un programme de recherche. Le démarrage de notre projet a d’ailleurs été annoncé dans The Lancet Oncology. Cela sera possible grâce aux données fines collectées dans la cohorte NutriNet-Santé puisque nous avons, entre autres, le nom et la marque de tous les produits industriels consommés. C’est un aspect important. Nous avons également le suivi des pathologies. La biobanque nous permettra de développer des collaborations avec des équipes de recherche dans des domaines plus mécanistiques. L’EREN a donc un très bon positionnement pour réaliser ce projet.

Il est important d’avoir cette finesse qui n’existe pas dans d’autres études. Si j’illustre mon propos par l’exemple des biscuits chocolatés, il existe une grande variabilité en termes de nombre et de type d’additifs présents dans les différents produits. Pour évaluer finement au niveau individuel, il faut disposer du niveau de détail que nous atteignons dans la cohorte NutriNet-Santé.

En conclusion, cette étude montrait une association entre une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire et une augmentation de 11 % à 12 % des risques de cancer au global. La catégorie des aliments ultra-transformés est vaste et mérite d’être affinée. Nous y travaillons au sein du laboratoire, mais aussi avec des partenaires. D’autres études sont aujourd’hui nécessaires pour confirmer ces résultats, les tester et les comparer à d’autres résultats de santé et, surtout, pour mieux comprendre les facteurs impliqués, notamment les additifs alimentaires.

C’est en cela que nous avons aujourd’hui vraiment besoin de financements pour la recherche publique afin d’avancer sur ces questions.

Je conclurai en rappelant, comme le professeur Hercberg, que sur cette question d’alimentation ultra-transformée, le Haut Conseil de la santé publique a, pour la première fois, l’an dernier introduit la recommandation d’essayer de privilégier les aliments bruts ou peu transformés dans l’alimentation, au nom du principe de précaution.

M. le président Loïc Prud’homme. Je vous remercie, votre présentation était très claire, quoi qu’un peu effrayante.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Merci, professeur Hercberg, docteure Touvier, pour cet exposé qui, effectivement, nous semble à la fois très clair et très effrayant. Même si nous en prenons conscience jour après jour, le sujet est toujours aussi compliqué. Je vais donc poser des questions pour lancer le débat.

L’étude NutriNet-Santé publiée en février 2018 que vous avez récemment dirigée, monsieur le professeur, ne peut que nous interpeller sur nos pratiques alimentaires actuelles dans la mesure où elle met en évidence un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de développer un cancer. Cela inquiète, mais cela rappelle également l’urgence d’agir afin de trouver des solutions pour refondre le système agroalimentaire et faire évoluer nos pratiques. Plusieurs de mes questions porteront donc principalement sur les résultats de cette étude.

Tout d’abord, comment expliquer que les aliments ultra-transformés, conçus pour être microbiologiquement sains, soient potentiellement cancérogènes ?

Ensuite, vous citez dans votre étude un certain nombre d’additifs potentiellement cancérogènes, d’après les résultats de diverses études scientifiques. Que préconiseriez-vous pour éviter leur utilisation ?

Puis, des modèles ont été mis en place dans certains pays pour lutter contre les acides gras trans (AG trans) d’origine industrielle. C’est le cas au Danemark, par exemple. Pouvez‑vous nous dire si des stratégies offensives mises en œuvre à l’étranger auraient permis de lutter efficacement pour faire évoluer la composition des aliments ultra-transformés, y compris leur emballage car, en fait, il existe aussi une corrélation ? Tout doit être pris en compte parce que nous avons vu que nombre de facteurs entrent en jeu. Cela explique d’ailleurs la complexité à trouver les causes et les effets des uns et des autres.

Enfin, je vais aborder un sujet complètement à part, mais qui m’est venu à l’esprit en vous écoutant. Nous parlions des aliments ultra-transformés, mais avez-vous aussi établi une corrélation entre la qualité nutritionnelle d’une viande brute ou peu transformée et l’alimentation de l’animal avant l’abattage ? Pouvez-vous aussi étudier cela ? Ce sujet peut-il être inclus dedans votre étude ou est-il totalement en dehors ? Car cela pourrait, par exemple, faire partie des intrants qui ne sont pas pris en considération.

M. le président Loïc Prud’homme. En tant que président, je suis aussi maître du temps… Je vous rappelle donc qu’il nous faudra nous interrompre à 10 h 40. J’espère que nous serons précis, et surtout je vous invite à laisser du temps pour que nos collègues puissent aussi poser quelques questions.

Voilà pour ce qui est du cadre. Je vous laisse la parole.

M. Serge Hercberg, professeur. Nous allons faire une réponse à deux voix, mais elle sera rapide.

Évidemment, vous mettez le doigt sur une question fondamentale : comment agir ?

Ce que nous savons, c’est que, dans l’alimentation, il faut, d’une part, agir sur l’amélioration de la qualité nutritionnelle, c’est-à-dire diminuer le gras, le sucre, le sel, augmenter les fibres, les vitamines et, d’autre part, réduire les facteurs de risque d’exposition aux additifs.

Il y a deux façons complémentaires d’appréhender la situation. D’un côté, il faut agir au niveau de l’individu, en l’informant. Le consommateur doit donc avoir accès à une information qui soit claire, compréhensible, facile à intégrer. De l’autre, il faut agir sur l’offre alimentaire, c’est-à-dire sur les aliments eux-mêmes. Nous devons donc être en mesure d’améliorer la composition nutritionnelle.

À cet égard, il existe des marges de manœuvre. Tout d’abord, les industriels peuvent réduire le gras, le sucre, le sel et augmenter les fibres ; c’est l’un des déterminants dans notre étude du risque de cancer et autres maladies chroniques. Il est, ensuite, possible d’agir sur les additifs, en informant mais surtout en ayant des données bien plus probantes qui permettent d’engager réellement les actions efficaces. Il ne s’agit pas seulement d’informer le consommateur sur la présence d’additifs, mais de faire en sorte, si un additif est démontré comme ayant un effet néfaste, de l’interdire.

Nous avons encore des chaînons manquants à ce niveau.

Dès à présent, il est possible de fournir des recommandations auprès du grand public. C’est ce que nous faisons lorsque nous incitons à manger des produits plutôt bruts, à diminuer la part des aliments ultra-transformés, à choisir des aliments moins gras, moins sucrés, moins salés, et le Nutri-Score est un outil qui aide les consommateurs à mieux saisir cela. Pour ce qui est des additifs, il nous faut poursuivre les recherches mais l’application du principe de précaution devrait déjà permettre de délivrer un message invitant à réduire la consommation des aliments ultra-transformés.

Mais peut-être un autre élément est-il crucial dans notre discussion, c’est qu’il nous manque des informations.

Même pour nous, chercheurs, il est difficile de connaître la composition nutritionnelle. Certes la présence d’additifs figure sur les étiquettes, mais aucune base de données publique ne permet aux chercheurs d’avoir accès à ces données. Cela nous permettrait pourtant d’affiner nos travaux de recherche. Aujourd’hui, nous sommes obligés d’effectuer ce travail titanesque d’aller regarder sur les étiquettes pour collecter les éléments d’information sur les additifs, mais également sur la composition nutritionnelle, sachant que ces étiquettes ne renseignent sur les types d’additifs, mais pas sur les quantités. Il serait légitime que les industriels affichent ces quantités. Ce serait une information utile non seulement aux consommateurs, mais également aux chercheurs.

Tels sont les quelques éléments que je pouvais vous livrer, mais Mathilde Touvier peut sans doute compléter.

Mme Mathilde Touvier. La notion de différence de niveau de preuve sur l’aspect nutritionnel est essentielle. Tout n’est pas encore élucidé et il reste encore bien des choses à comprendre, mais sur les facteurs principaux, nous avons pu élaborer des recommandations. Nous en sommes donc à informer le consommateur par le biais du Nutri-Score et d’actions de ce type.

S’agissant des additifs alimentaires, comme je vous le disais, il ne s’agit pas de diaboliser l’ensemble des 400 additifs existants aujourd’hui. Nous ne sommes pas en train de plaider pour un retour à l’âge des cavernes ni pour manger tout cru, sans transformation. Certaines transformations ont d’ailleurs été bénéfiques et, dans un mode de vie comme le nôtre, il est aussi pratique d’avoir des aliments microbiologiquement sains.

Il faut donc le faire de manière raisonnée. Pour l’instant, nous manquons d’informations. Nous avons bien sûr ces études chez l’animal, mais chez l’homme nous n’avons que des études dans lesquelles apparaissent des consommations d’aliments génériques et des simulations de doses d’exposition. C’est sur ces simulations que se fonde l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, pour émettre ses avis et réévaluer les additifs. Il n’existe pas de données issues de cohorte permettant de relier l’exposition chronique aux additifs au risque de telle ou telle pathologie. Tant que nous n’aurons pas ces données, on ne bornera à fixer des doses journalières admissibles (DJA) à ne pas dépasser. Car il manque les études cruciales sur la santé et sur l’homme permettant d’évaluer correctement ces additifs et de voir si certains d’entre eux confirment les études inquiétantes chez l’animal. Ce n’est qu’en les faisant qu’il sera possible en termes de gestion du risque, si certains posent vraiment problème, de les interdire et d’imposer des doses très basses pour ceux qui doivent être consommés en quantité limitée.

Donc, sur ce sujet précis, nous sommes vraiment dans le domaine de la recherche, des besoins de recherche, et donc du financement de la recherche.

M. le président Loïc Prud’homme. Permettez-moi une petite question à ce sujet : l’écueil n’est-il pas celui que vous évoquiez précédemment, à savoir qu’éthiquement, on ne peut mener d’études de cohorte si l’on a une suspicion sur un additif. Donc, de ce fait, l’EFSA ne dispose pas d’études de cohorte à ce sujet puisque l’on ne peut sciemment faire consommer ces additifs à une cohorte de population en conservant, à côté, une cohorte témoin.

Mme Mathilde Touvier. Il est toujours possible de faire des études de cohorte, comme nous l’avons fait pour NutriNet-Santé, en observant les personnes, sans leur dire de consommer plus de tel ou tel aliment. Ils suivent leur comportement habituel, soumis à l’offre et à leurs choix, et nous observons ce qui se passe. Ce que nous ne pouvons pas faire, ce sont des essais contrôlés randomisés dans lesquels, comme nous le ferions avec les souris, nous mettrions les personnes en situation de groupes expérimentaux auxquels on demande de manger ceci ou cela.

D’un point de vue épidémiologique, à l’image de la cohorte NutriNet-Santé, il est possible de faire des études d’observation et de les coupler avec des études de mécanisme chez l’animal ou sur des modèles cellulaires pour obtenir cette notion de causalité. Si, dans le projet que nous lançons, nous observons que la consommation de tel additif est associée à une augmentation de paramètres inflammatoires au niveau sanguin ou au risque de telle maladie, ces associations seront très intéressantes au niveau humain. Nous pourrons alors vérifier au niveau animal, en exposant les souris à ces mélanges d’additifs, qui sont ceux de la population française actuelle, pour voir si, là aussi, nous constatons expérimentalement une augmentation de l’inflammation, des développements de tumeurs, etc. Donc, cette notion de causalité, nous allons pouvoir l’approcher en couplant la recherche épidémiologique avec la recherche expérimentale.

M. Serge Hercberg. Pour s’appuyer sur un exemple, disons que c’est à peu près comme pour le tabac. Aujourd’hui, nous connaissons depuis des décennies le rôle délétère du tabac sur les cancers, notamment sur les cancers du poumon, mais nous n’avons jamais pu faire d’essai d’intervention. Fort heureusement, on ne peut faire fumer des gens et regarder s’ils développent un cancer. Toutefois, la convergence des données épidémiologiques d’observation et des travaux expérimentaux a permis de déboucher sur cette notion de causalité. Il faut donc se dire aujourd’hui que nous pourrons avoir des éléments qui tendent vers la causalité à partir d’études d’observation couplées aux données mécanistiques. Il n’y aura pas d’obstacle à faire progresser les connaissances et à déboucher sur des prises de position en termes de recommandations.

M. le président Loïc Prud’homme. Je donne maintenant la parole à nos collègues.

M. Michel Lauzzana. Pour nous fixer les idées, j’aurais voulu vous poser une question. Nous avons bien vu que les additifs alimentaires étaient sur la sellette. Je me demandais s’il en apparaissait encore et, si tel était le cas, s’il ne faudrait pas prévoir un moratoire, car cela ne peut que compliquer la situation, y compris vos études d’observation, d’autant qu’il semble que leurs effets n’apparaissent qu’à très long terme. Je voulais donc savoir si l’industrie mettait encore sur le marché des additifs et, dès lors, au vu des fortes suspicions qu’ils soulèvent, si un moratoire ne se justifierait pas.

Mme Mathilde Touvier. À ma connaissance, il n’existe aucune barrière à ce qu’un industriel propose la mise sur le marché d’un nouvel additif. L’EFSA est entrée depuis quelques années dans un programme d’évaluation et de réévaluation systématique de l’ensemble des additifs, un par un. J’imagine donc que les nouveaux additifs passeront également par ces fourches caudines.

Toutefois, les comités d’experts ne peuvent évaluer que sur la base des données de la bibliographie scientifique dont ils disposent – donc en s’appuyant sur des modèles animaux de génotoxicité ou autres, ce qui est très important. Mais, chez l’homme, pour l’instant, les données restent très limitées. C’est en cela qu’il est besoin de recherches. Les besoins de recherche sont là-dessus.

M. Joël Aviragnet. Merci, madame et monsieur, pour votre brillant exposé.

Pour ma part, je viens d’un territoire rural. Nous constatons, dans le domaine de la qualité nutritionnelle, que beaucoup de travail reste à faire. Il semblerait que nous soyons au début de recherches importantes. Un tel sujet pose à la fois la question de l’information des consommateurs, mais aussi celle du risque. Vous avez parlé des additifs. Mme la rapporteure a évoqué la consommation de viande bovine, qui renvoie à l’alimentation des bovins. Pour ma part, je pensais à la transformation des races.

En effet, dans la circonscription dont je suis l’élu, ont été réintroduites des filières de qualité reposant des races anciennes. Je pense notamment, je ne sais pas si vous les connaissez, à la vache gasconne des Pyrénées ou encore au porc noir de Bigorre. Je crois avoir entendu les producteurs et les personnes qui animent ces filières dire que le gras des animaux de ces races anciennes primitives n’était pas, comment dire… ne produisait pas du cholestérol comme les races transformées actuelles !

Je souhaitais donc savoir si des études scientifiques étaient engagées ou allaient être engagées sur un sujet qui mériterait, je le pense, d’être approfondi, tant du point de vue de la qualité nutritionnelle que du développement de filières de qualité.

M. André Chassaigne. Excellente question !

M. Serge Hercberg. Je n’ai pas d’éléments de réponse très précis sur le sujet, si ce n’est que l’INRA s’intéresse à ces aspects concernant la qualité des aliments en fonction de l’origine des aliments, notamment s’agissant des animaux.

Toutefois, je peux dire à propos des viandes qu’aujourd’hui, de très nombreux travaux suggèrent de façon probante qu’il est important de limiter la consommation de viande rouge, toutes formes confondues. L’OMS et le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) ont fait des recommandations dans ce sens. Les travaux suggèrent un lien avec les cancers et, aujourd’hui, les recommandations en France sont, quelle que soit l’origine des animaux, de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine et de limiter la charcuterie de façon encore plus importante, puisqu’il ne faudrait pas excéder plus de 150 grammes par semaine. Cela laisse une certaine marge de manœuvre. Il n’y a aucune interdiction, aucune prohibition, mais les travaux scientifiques sont suffisamment éloquents pour que ces limites de consommation de viande soient une garantie. Peut-être serait-il nécessaire de développer des travaux pour savoir si certaines viandes seraient plus acceptables que d’autres mais, aujourd’hui, toutes races confondues, la viande rouge et la charcuterie sont associées à un risque de cancer à un niveau qui n’est pas le niveau nul, mais un niveau tel qu’à partir d’une certaine quantité de consommation par semaine, le risque devient tout de même extrêmement important.

Mme Fannette Charvier. Je voulais vous demander si vous n’aviez pas l’impression que le travail tout à fait nécessaire, que vous menez, est sans fin, dès lors que lorsqu’une substance est interdite, les industriels en trouvent toujours d’autres !

Je prends l’exemple des nanoparticules, dont l’étiquetage aujourd’hui laisse à désirer. Quand des régimes alimentaires se développent à l’initiative de citoyens qui ont la volonté de manger mieux, les industriels s’adaptent. Je prendrai l’exemple des charcuteries véganes qui, sous couvert d’un « manger mieux » contiennent parfois des substances – que je ne vais pas qualifier ici, mais je vous invite à regarder les étiquettes…

À votre avis, ne faudrait-il pas instaurer un principe de précaution plus strict pour notre alimentation, qui ferait que ce ne soit pas à la santé de courir sans arrêt après l’innovation industrielle mais plutôt l’inverse ?

Mme Mathilde Touvier. Ce que vous soulevez est effectivement très intéressant. Cela pose, à nos yeux, des défis méthodologiques à l’évidence très sensibles.

Il est vrai que, par exemple, quand on entend que le dioxyde de titane (TiO2), est potentiellement problématique, les industriels changent la composition, mais ils vont introduire du dioxyde de silicium, (SiO2), ou d’autres nanoparticules qui ne seront plus le même additif mais qui, potentiellement, poseront d’autres problèmes. Pour nous, d’un point de vue épidémiologique, il est vrai qu’il faut sans arrêt prendre en compte ces changements, avoir une évaluation répétée des consommations pour avoir une évaluation fine au cours du temps. C’est assez compliqué.

Lorsque ces principes de précaution et ces sensibilisations du grand public font qu’une pression s’exerce sur le monde industriel et que celui-ci supprime ou change ces additifs, cela va plutôt dans le bon sens. Mais nous sommes bien d’accord : sur les nitrites dans les jambons, par exemple, il y a des innovations pour pouvoir écrire sur l’étiquette « jambon sans nitrites », mais cela est remplacé par d’autres procédés qui font qu’il y a toujours autant de nitrites dans le jambon et que l’effet n’est pas différent sur la santé. Nous sommes parfaitement conscients de ces stratégies et nous essayons d’adapter nos techniques épidémiologiques scientifiques à ces contraintes.

Quant à la question que vous soulevez, si l’objectif est vraiment la santé de la population, il faudrait, dans l’idéal, marcher dans l’autre sens, c’est-à-dire démontrer l’innocuité d’un produit que l’on n’est pas obligé de consommer. Nous ne sommes pas obligés d’avoir des nanoparticules dans notre alimentation. Il faudrait d’abord démontrer cette innocuité pour, après, l’autoriser éventuellement – et ne pas marcher à l’inverse. C’est un point de vue.

M. Serge Hercberg. Si vous permettez toutefois une note d’optimisme, il est vrai que les aliments ultra-transformés contiennent des additifs et que leur composition nutritionnelle va malheureusement dans le même sens, c’est-à-dire pas dans le meilleur puisqu’on y détecte, outre la présence d’additifs, celle de gras, de sucre, de sel, trop peu de fibres, etc., mais si l’on regarde l’histoire du gras, du sucre et du sel, le monde des opérateurs économiques a très longtemps nié les dangers, les risques et les complications liés à une consommation trop élevée d’aliments trop gras, trop sucrés, trop salés.

Dans ce domaine, on a fini par rattraper le retard, à la fois parce que les connaissances scientifiques se sont développées et parce que des outils sont nés. La victoire du Nutri-Score, ce système d’information nutritionnelle complémentaire, et de son positionnement sur la face avant des emballages, est vraiment de pouvoir mettre en pratique un instrument qui informe le consommateur et qui pousse l’industriel à réformer. Même si cela a donné lieu à quatre années de bataille extrêmement complexe face à de puissants lobbies, le fait que l’Europe ait entériné le choix de la France et que la France ait signé un arrêté interministériel fait que, même si cela n’est pas obligatoire compte tenu de la réglementation européenne, cela ouvre la possibilité à la fois d’agir sur le consommateur en lui donnant une information qu’il peut comprendre, qui est intuitive et facile à intégrer, et de pousser les industriels à reformuler leurs produits.

Nous pouvons donc espérer, sur certains produits, notamment du champ des additifs, à la suite du développement de la recherche mais aussi des initiatives citoyennes et de la demande sociétale d’avoir des aliments plus sains, avoir quelques marges de victoire dans ce champ.

M. André Chassaigne. Dans la continuité de l’intervention de mon collègue de Haute-Garonne, on voit bien que, derrière votre discours, pourrait apparaître une nécessité d’étiquetage plus précis et de reconnaissance de la valeur nutritionnelle des produits. Mais il importe aussi de ne pas prendre cette question de façon morcelée et de tenir compte des productions dans leur ensemble. Car, à la limite, des œufs produits en cage peuvent avoir une bonne valeur nutritionnelle et il faut donc bien aussi tenir compte d’autres facteurs – d’où la nécessité de faire évoluer nos productions sous signe de qualité en prenant en compte cette dimension nutritionnelle. On sait, par exemple, que les volailles Label Rouge ont beaucoup moins de gras, parce qu’elles sont élevées en plein air, que des volailles élevées en cage qui, peut-être, révéleront d’autres qualités nutritionnelles. Nous sommes donc obligés d’avoir une approche plus globale. C’est une observation que je fais à l’adresse de notre commission d’enquête.

Ensuite, j’en viens à des questions plus précises. Dans la mesure où nous sommes dans une commission d’enquête, il faut aller au fond des choses. Vous avez parlé du financement de la recherche. Ma question vise donc à vous interpeller pour que vous nous disiez si, en termes de financement, vous avez fait des constats sur des demandes qui n’ont pas abouti, et quelles sont vos nécessités d’obtenir des financements. Il faut être précis si, à l’issue de la commission d’enquête, nous voulons faire des recommandations sur cette dimension qui est extrêmement importante. Voilà donc ma première question.

Ma deuxième question est aussi liée à la recherche : quels sont les liens qui se développent au niveau européen, voire international ? Nous savons bien que la recherche n’est pas cloisonnée dans un pays, et si nous voulons qu’elle évolue, il faut des communications communes et des validations de recherches par des laboratoires d’autres pays. Donc, où en est-on de ce point de vue ? D’autres pays sont-ils allés plus loin que nous ? Quels sont les apports réciproques ? Il s’agit de faire en sorte que les recommandations soient affinées, si je puis dire. On voit bien, et vous l’avez dit, qu’autant sur la qualité nutritionnelle, les choses sont acquises, autant sur les questions d’additifs et de composés néoformés, il reste encore beaucoup à faire.

Ma troisième interrogation a encore trait à la recherche. Existe-t-il des liens entre la recherche et l’industrie agroalimentaire ? Cette dernière a-t-elle compris qu’elle pourrait vous aider dans la recherche parce qu’un jour, elle aura besoin du résultat de vos travaux ?

M. Serge Hercberg. Si vous demandez à un chercheur ce qu’il en est de la recherche et des financements, la réponse sera unanime : nous manquons cruellement de moyens pour faire une recherche indépendante.

Cela rejoint d’ailleurs votre troisième question, car travailler avec l’industrie soulève d’énormes problèmes. Nous avons fait le choix d’une recherche totalement indépendante. Nous en souffrons beaucoup puisque nous ne bénéficions pas de financements privés. Mais bénéficier de financements privés a des conséquences. Elles ont été parfaitement bien démontrées en termes d’interprétation et de crédibilité des résultats. Il faut donc qu’il y ait une recherche publique indépendante, sans lien financier direct avec les industriels, une recherche qui permette de déboucher. Cette recherche indépendante a malheureusement des difficultés à se développer, puisque nous avons peu de financements. Les moyens de la recherche sont faibles et, dans ce domaine précis, encore bien trop faibles.

Au niveau européen et international, il existe bien sûr des échanges, pas obligatoirement à l’initiative des pays, mais à l’initiative des chercheurs qui ont l’habitude de travailler en réseau. La publication dans The British Medical Journal a été faite avec nos collègues brésiliens qui travaillent aussi dans ce domaine. Mais nous avons des contacts, et Mathilde Touvier notamment dans ses projets futurs a des contacts avec de nombreuses équipes internationales. De ce point de vue, cela fonctionne très correctement.

Mais il faut réellement avoir les moyens de développer une recherche sur les enjeux de santé publique majeurs. Il faut flécher des moyens de recherche publics au niveau national, européen et international, et que cette recherche puisse se faire de façon vraiment totalement indépendante, éloignée de tout lien d’intérêt qui a malheureusement des effets secondaires et délétères.

Mme Mathilde Touvier. Pour vous donner une petite idée, l’année dernière, j’ai déposé douze demandes de financement. Elles ne portaient pas sur les additifs, sur lesquels nous sommes actuellement en train de bâtir le projet et déposerons nos demandes à partir de l’automne. Mais la concurrence est telle que, sur douze demandes, deux aboutissent. Cela peut être des demandes de bourses, des demandes de financement de projets ou autres.

Je ne l’ai pas chiffré, mais je passe une partie incroyable de mon temps à rédiger les dossiers, à les reformuler pour tel ou tel autre appel à projets. Un temps de mon salaire est gâché à chercher des fonds. Il y a d’ailleurs déjà eu des publications dans The Lancet sur le temps perdu par les chercheurs à chercher des financements. Ce projet que nous sommes en train de bâtir sur les additifs et que nous avons commencé à lancer, pour le faire correctement, en incluant un volet sur le microbiote intestinal, il faudrait 2,5 millions à 3 millions d’euros. Pour cela, il faudra soit obtenir un super-financement européen, avec un taux de succès de moins de 5 %, soit arriver à grappiller une multitude de financements nationaux. C’est effectivement un très gros challenge, si l’on veut pouvoir avancer dans ces recherches.

M. le président Loïc Prud’homme. Nous avons noté le montant !

Mme Nathalie Sarles. Ma question était la même que celle de M. Chassaigne, mais je vais la compléter car je voudrais aller un peu plus loin.

Voyez la difficulté que nous rencontrons aujourd’hui à légiférer sur un certain nombre de substances. Je pense, par exemple, au glyphosate. Pourquoi ? Parce que, me semble-t-il, chacun peut faire sa recherche dans son coin. On peut se demander s’il n’y a pas un problème de coordination. Si tous les résultats de recherche étaient admis, ne serait-ce qu’au niveau européen – encore plus largement au niveau international, ce serait trop beau –, nous arriverions sans doute plus facilement à avancer dans nos législations respectives. En tout cas, cela permettrait d’avoir des recommandations et des législations européennes qui redescendent sur les États puisque, aujourd’hui, c’est ainsi que cela fonctionne.

J’en viens donc à l’objet de ma question. Vous avez parlé d’appels à projets européens. D’un point de vue pratique, un appel à projets européen sur un sujet donné peut-il faire l’objet de financement pour plusieurs laboratoires sur un même sujet ? J’imagine que oui mais alors, comment faites-vous ? Croisez-vous vos données ? Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Mme Mathilde Touvier. C’est l’idée. Dans le projet qui nous occupe, typiquement, nous avons déjà identifié un certain nombre de partenaires. Nous voudrions, par exemple, travailler avec le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) au sein de l’OMS, et avec des collègues qui travaillent au niveau mécanistique. Cela peut être en France, mais nous avons aussi des partenaires potentiels au niveau européen. L’idée est donc de bâtir un « projet réseau » qui permette d’allier toutes les compétences et de répondre sur l’aspect épidémiologique, expérimental et autre.

Une fois que nous aurons ces données scientifiques solides, le challenge sera, au niveau européen, d’intégrer tous ces niveaux pour arriver au niveau de preuve. Mais oui, il est sûr qu’un financement européen – déjà national, mais plus encore européen – pourrait complètement aider à cristalliser et à répondre concrètement à la question.

Mme Nathalie Sarles. Et à légitimer les résultats.

Mme Mathilde Touvier. Tout à fait.

M. le président Loïc Prud’homme. Je voudrais revenir sur une des interrogations que j’avais formulées dans mon introduction concernant vos attentes à l’égard des pouvoirs publics. Cela rejoint aussi la question de notre collègue sur le fait que l’on devrait renverser la charge de la preuve. Lorsque nous en discutons entre nous, c’est un aspect qui nous étonne. Quand on dit que les industriels devraient d’abord démontrer l’innocuité de leurs additifs, comment voyez-vous cela ? Au regard de votre expérience, si nous devions poser la santé des populations comme étant la priorité absolue, comment pourrait-on faire pour renverser cette mécanique et qu’il faille d’abord prouver l’innocuité des produits plutôt que nous, législateurs et représentants de la population, ayons à prouver leur dangerosité.

Mme Mathilde Touvier. Il est vrai que, dans le domaine du médicament, cela fonctionne ainsi. Avant de mettre un nouveau médicament sur le marché, le laboratoire pharmaceutique doit apporter la preuve de son innocuité et de son efficacité.

Dans le domaine de l’alimentation, pour avoir beaucoup travaillé sur les compléments alimentaires, l’efficacité des pilules que consomment des millions de personnes tous les jours n’est pas à démontrer. Ces produits sont des aliments ou du moins sont proches des aliments. Quant à l’innocuité, certes, les consommateurs sont censés ne pas dépasser telle dose de vitamines ou de minéraux, mais l’impact que ces compléments alimentaires peuvent avoir sur le développement de cancers, de maladies cardiovasculaires ou autres, n’est pas à prouver. Rien n’est demandé avant leur mise sur le marché.

Donc, autant on est obligé de consommer des aliments, de la viande – enfin, pas trop –, des fruits et des légumes, autant on n’est pas obligé de consommer des aliments ultra-transformés avec des additifs, des compléments alimentaires, etc. Pour ces produits, j’en suis d’accord, dans l’idéal, il serait bien d’avoir à faire la démonstration de leur innocuité, si ce n’est de leur efficacité en santé, avant la mise sur le marché.

M. Serge Hercberg. Pour compléter le propos de Mathilde Touvier, ce que l’on peut également attendre, ce sont les mesures de précaution. Aujourd’hui, vous l’avez compris, ces produits ultra-transformés sont souvent ceux qui font l’objet des plus fortes promotions, d’une publicité et d’un marketing extrêmement soutenus. Ils sont souvent aussi plus accessibles économiquement. Nous n’avons pas parlé des inégalités sociales de santé, mais ces produits ultra-transformés sont plus consommés par des populations plus défavorisées.

Donc, des mesures sont possibles.

Réguler la publicité en fonction de la qualité nutritionnelle pour éviter qu’il y ait une promotion et un marketing excessifs dans ce domaine, me semble un élément important.

On peut également utiliser des régulateurs économiques. Je sais qu’il n’est pas toujours facile de parler de taxation et de subventions, mais rendre plus facilement accessibles des aliments de bonne qualité nutritionnelle et moins accessibles ceux qui s’éloignent de ce que l’on souhaite tant sur le plan de la composition nutritionnelle que des additifs, est aussi un moyen d’agir.

Il est aussi possible de fixer des standards de référence, dire qu’un aliment dans une gamme donnée doit avoir une composition nutritionnelle basée sur le modèle le plus favorable. Vous avez vu la variabilité qui peut exister sur un éventail de trente-cinq mueslis aux pépites de chocolat. Pourquoi autoriser que certains soient extrêmement gras, sucrés, salés et contiennent en plus des additifs quand d’autres le sont moins ?

Des mesures sont donc possibles, qu’il est, bien évidemment, nécessaire de soutenir par une volonté politique et, en attendant que se mette en place cette dynamique de démonstration de la preuve à l’initiative de l’industriel, éviter au moins qu’il y ait une promotion et une accessibilité facile de ces aliments qui sont de qualité nutritionnelle défavorable et qui contiennent des additifs dont les risques potentiels nous interpellent.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. J’ai une question qui porte davantage sur l’aspect scientifique. Lorsqu’un médecin prescrit plus de quatre médicaments, les interactions entre eux font que l’on ne mesure plus rien, que l’on ne sait plus ce que cela fait. Certains aliments comptent plus ou moins d’additifs. Étudiez-vous l’interaction de ces produits additifs entre eux ? Où en est le degré de gravité ? Est-ce que cela change totalement le tableau : un additif, ça va, deux ou trois, ça va encore, mais si l’on en rajoute encore, cela a-t-il des effets très pervers ou, au contraire, cela en inhibe-t-il certains ?

Mme Mathilde Touvier. C’est une très bonne question, qui représente encore un véritable défi méthodologique, mais c’est vraiment ce que nous recherchons en lançant ce projet. L’idée est non seulement d’évaluer les liens entre chacun des 400 additifs et la santé, mais également de regarder, dans la population, tels qu’ils sont consommés actuellement, les clusters multi-expositions. Les personnes qui vont consommer beaucoup d’aliments ultra-transformés ne vont pas être exposées à un seul additif, mais à de nombreux additifs. De quelle manière ? Comment sont-ils combinés ?

Il peut, en effet, y avoir des synergies mécanistiques induisant une potentialisation de l’action de l’un sur l’autre et, donc, un effet synergique. L’inverse peut aussi se produire. Mais nous n’en savons rien pour le moment. C’est vraiment ce que nous voulons étudier avec ce projet. Nous avons évoqué les évaluations de l’EFSA. L’EFSA ne prend jamais cela en compte, c’est-à-dire que chaque additif est évalué séparément et la dose journalière admissible, celle à ne pas dépasser, est fixée par additif. Nous n’avons aucune idée des mécanismes d’interaction. C’est un sujet que nous voulons creuser avec ce projet.

M. Serge Hercberg. À cet égard, je voudrais insister sur ce que nous évoquions : il faut qu’il y ait une transparence et une accessibilité à la composition nutritionnelle en nutriments et en additifs, tant en qualité qu’en quantité.

Il existe aujourd’hui un Observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI), qui est sous tutelle de l’INRA et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). C’est un organisme qui fonctionne très bien ; il a accès à la composition des produits, que les industriels fournissent sous réserve d’une confidentialité. Aujourd’hui, nous n’avons pas accès à ces données parce que les industriels ne les fournissent à l’OQALI qu’à la condition qu’il les anonymise. Nous avons donc accès à des données synthétiques, mais pas à des données individuelles qui permettraient d’aller plus loin.

Faire figurer obligatoirement les compositions nutritionnelles précises, la présence et la quantité d’additifs de tous les aliments mis sur le marché dans une base de données rendue publique et accessible aux consommateurs et aux chercheurs permettrait de répondre rapidement, ou plus rapidement, aux questions que vous soulevez sur les effets délétères des additifs, les « effets cocktail », les notions de doses, puis de traduire et de décliner cela sous forme de recommandations.

Précisons que l’une de nos demandes est que ces données soient rendues publiques et accessibles à tous, tant aux consommateurs qu’aux chercheurs, dans une base ouverte qui ne soit pas dépendante de la bonne volonté des opérateurs économiques, comme c’est le cas aujourd’hui.

M. le président Loïc Prud’homme. Il nous reste dix minutes. Je voudrais m’engouffrer dans la petite brèche que vous avez ouverte sur les disparités sociales dans l’accès à une nourriture de qualité. Au fil de l’histoire, la part de notre revenu que nous consacrons à l’alimentation a nettement diminué, grâce notamment au rôle des industriels qui ont produit une nourriture de moins en moins chère.

Mais, nous le voyons, avec des problèmes de qualité certains. Je voulais savoir si, dans la cohorte NutriNet, vous avez des données socio-économiques ou sociales exploitables, et éventuellement exploitées par d’autres équipes. Cette étude sociologique de l’accès à la nourriture fait aussi partie du champ de nos investigations.

M. Serge Hercberg. Oui, absolument. Nous avons accès à cela. La limite de NutriNet-Santé est qu’elle ne concerne pas l’ensemble de la population. Y échappe donc une partie de la population qui est une population particulièrement à risque, même si, par le principe et l’accessibilité que permet internet, nous avons aujourd’hui accès à des populations qui, d’ordinaire, nous échappent lorsque nous devons envoyer des enquêteurs à domicile ou lorsque nous demandons de répondre par courrier. Donc, nous constatons une prévalence, plus élevée que ce que nous observons dans d’autres études, de niveaux socio-économiques un peu plus défavorisés. Mais les sujets à plus haut risque nous échappent toujours.

Malgré cela, nous avons la possibilité de prendre en considération le niveau de revenu, d’éducation, d’habitat, et bien d’autres d’éléments qui nous permettent, et nous ont déjà permis, de montrer que les inégalités sociales de santé dans le champ de la nutrition sont extrêmement marquées. En termes de consommation de fruits et légumes, nous constatons bien évidemment des différences considérables entre le fait d’être ouvrier ou d’être cadre. Lorsque, à l’inverse, nous regardons les consommations de produits ultra-transformés, il apparaît que ces produits sont plus consommés par des populations de plus faible niveau socio-économique.

Donc, oui, nous sommes capables de répondre. Nous travaillons sur le sujet et nous essayons d’intégrer ces dimensions, car elles sont extrêmement importantes pour proposer ensuite des actions et des mesures de santé publique. Mais aujourd’hui, l’accessibilité économique des produits ultra-transformés, de moindre qualité nutritionnelle et plus riches en additifs, est plus grande. Ils sont consommés plus facilement par des populations plus précaires, d’autant qu’ils font l’objet d’un marketing très important auquel ces populations vulnérables sont plus sensibles.

Mme Mathilde Touvier. Si je peux compléter, nous aurons aussi des données descriptives représentatives grâce à l’étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN) pilotée par Santé publique France. Une partie de notre équipe coordonne cette étude pour le volet nutrition. Nous sommes notamment en train d’appliquer la catégorisation NOVA dans cette étude. Cela permettra d’étudier sur échantillon représentatif ces consommations d’aliments ultra-transformés selon les différentes catégories socio-économiques. Nous aurons donc prochainement des informations sur ce sujet.

M. Serge Hercberg. J’ajouterai qu’une étude qui est également conduite en France sur les populations particulièrement précaires, puisqu’elle concerne des sujets qui se rendent dans les structures d’aide alimentaire. Cette étude, intitulée ABENA – alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire –, qui a déjà été réalisée à deux reprises sous l’impulsion de Santé publique France, manque aujourd’hui de financements pour que soit lancée une nouvelle tranche transversale, portant sur ces populations particulièrement vulnérables et prenant en considération, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent, cette dimension de la consommation des aliments ultra-transformés. La limite de la réalisation d’une troisième édition de l’étude ABENA tient au manque de moyens de Santé publique France, qui ne peut pas financer à court terme une nouvelle passation de questionnaires auprès de cette population qui nécessite, bien sûr, des méthodologies adaptées. Dans ce cas précis, l’enquête ne peut se faire par internet ; ce sont des populations pour lesquelles il faut aussi prévoir des traducteurs ainsi que des personnes qui se rendent sur le terrain. Elle coûte donc plus cher qu’une étude normale, mais ce n’est pas non plus monstrueux. Mais elle est limitée par manque de financement.

M. le président Loïc Prud’homme. M. Chassaigne me fait signe. Je lui accorde encore une question très courte. Puis, dans les minutes qui nous resteront, je vous proposerai de nous dire tout ce que nous aurions oublié de vous demander, pour conclure cette audition.

M. André Chassaigne. J’aurais souhaité que vous nous disiez deux mots sur Nutri‑Score puisque vous avez joué un rôle déterminant pour la défense de cette modalité d’étiquetage qui, aujourd’hui, n’est que volontaire, étant donné que l’Union européenne ne veut pas la rendre obligatoire. Nous avons par le passé obtenu, à titre expérimental pour la viande transformée, que la France puisse le mettre en œuvre.

Cet étiquetage Nutri-Score serait-il une avancée importante ? Je vous pose la question car vous avez été, me semble-t-il, à l’initiative de cette démarche.

M. Serge Hercberg. Nutri-Score est, en effet, un fruit de la recherche de notre équipe en collaboration avec d’autres équipes. Nous avons beaucoup travaillé sur NutriNet-Santé pour élaborer ce système qui est enfin mis en place et constitue une véritable avancée. Vous avez raison, la limitation est qu’il soit facultatif, même si l’on peut penser qu’après tout, les consommateurs pourront aussi être arbitres dans ce domaine et faire pression sur les industriels, un industriel qui n’appose pas Nutri-Score peut paraître être un industriel qui a des choses à cacher. Donc, le consommateur informé peut être arbitre dans ses choix alimentaires.

Il faut que la France soutienne aujourd’hui le Nutri-Score au niveau européen pour qu’il devienne un système harmonisé sur l’ensemble de l’Europe. Il faut rediscuter la possibilité de la rendre obligatoire. S’il n’est pas possible aujourd’hui à un État de rendre obligatoire un système d’information complémentaire, c’est parce qu’il existe un règlement bloquant, qui a d’ailleurs été beaucoup défendu par les opérateurs économiques au milieu des années 2000 pour empêcher que ce droit à la transparence devienne obligatoire.

Mais nous assistons à une implémentation, un développement en France. C’est un bon modèle, utile, dont l’efficacité a été démontrée par de très nombreux travaux. Il faut aujourd’hui l’élargir. Je reviens, par exemple, sur le fait que si nous ne pouvons pas le rendre obligatoire sur les produits, on peut le rendre obligatoire sur la publicité pour les produits. Il est extrêmement important de jouer là-dessus, puisque ce sera une incitation forte pour les industriels de l’apposer et qu’il n’y a pas blocage au niveau européen. C’est donc un véritable enjeu que de populariser le Nutri-Score et de jouer sur les industriels qui résistent aujourd’hui, quelques groupes qui s’opposent au Nutri-Score.

Nutri-Score porte certes sur la qualité nutritionnelle, mais vous avez vu que les aliments ultra-transformés sont ceux qui ont la moins bonne qualité nutritionnelle et contiennent le plus d’additifs. Nous pouvons donc penser que l’utilisation du Nutri-Score poussera vers des évolutions de consommation donc vers des produits de meilleure qualité nutritionnelle et comportant moins d’additifs. Les simulations de nos études ont très bien montré que les personnes exposées au Nutri-Score ont tendance à augmenter la consommation des produits bruts qui sont, par définition, des aliments de meilleure qualité nutritionnelle et comportant aussi moins d’additifs.

M. le président Loïc Prud’homme. Nous arrivons au terme de cette audition. Si vous avez encore quelques messages à nous délivrer, je vous propose de profiter des minutes qui nous restent pour nous le faire.

La parole est à vous, et elle est libre.

M. Serge Hercberg. Je pense que nous les avons évoqués au travers de la discussion.

Il faut que la recherche puisse disposer de moyens permettant d’aider à la décision politique, il faut donc plus de moyens pour la recherche publique.

Il faut qu’il y ait aujourd’hui une transparence sur l’offre alimentaire, qui soit accessible à tous les chercheurs.

Il faut mettre en place des mesures qui soutiennent une amélioration de l’offre alimentaire. Le Nutri-Score en fait partie. C’est la raison pour laquelle nous insistons beaucoup sur cet outil car, s’il n’est pas parfait, il a le mérite d’exister et peut avoir un véritable impact à condition de le rendre plus accessible, mieux diffusé pour que le consommateur le connaisse. Nous savons que cela aura un impact important sur l’offre alimentaire et la qualité nutritionnelle des aliments.

Il faut également être extrêmement clair sur des recommandations visant à la promotion d’aliments bruts afin de détourner en partie la consommation d’aliments ultra-transformés. Il ne s’agit pas de les supprimer complètement. Il paraîtrait que, dans les objectifs du futur Programme national nutrition santé, le Haut Conseil de la santé publique ait même proposé de quantifier un objectif de réduction de la consommation des aliments ultra-transformés de 20 % dans les cinq ans. Ce serait déjà un premier pas. Il se propose également de promouvoir la consommation des aliments bruts.

Il faut donc tout à la fois présenter des recommandations, délivrer des éléments d’information, mais aussi, à terme, avoir les moyens de dire aux responsables politiques que tels additifs posent problème, que ceux-ci doivent être interdits et ceux-là limités. Et pour cela, il faut accorder des moyens destinés à la recherche !

M. le président Loïc Prud’homme. Nous avons bien reçu le message.

Je remercie mes collègues pour leur participation active et pertinente, et je vous remercie encore vivement pour votre présentation et vos réponses.

 

La séance est levée à dix heures trente-cinq.

 

 

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Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

 

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 9 h 20

 

Présents. - M. Joël Aviragnet, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Blandine Brocard, Mme Fannette Charvier, M. André Chassaigne, Mme Michèle Crouzet, M. Michel Lauzzana, M. Loïc Prud'homme, Mme Nathalie Sarles

 

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Fiona Lazaar, Mme Zivka Park