Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’alimentation industrielle :
qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Eyraud, directeur général, et de Mme Laurence Peyraut-Bertier, secrétaire générale de Danone France, accompagnés du docteur Sarah Bourbie Vaudaine, responsable recherche & innovation en nutrition pour les produits laitiers frais France, et Mme Véronique Ferjou-Gaven, directrice des affaires institutionnelles Danone France.               2

 


Mardi
17 juillet 2018

Séance de 10 heures 15

Compte rendu n° 35

session ordinaire de 2017-2018

Présidence
de
M. Loïc Prud’homme,
Président
 

 


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La séance est ouverte à dix heures quinze.

M. le président Loïc Prud'homme. Nous recevons, ce matin, des représentants de la direction du groupe Danone. Il s’agit de M. François Eyraud, directeur général de Danone France, de Mme Laurence Peyraut-Bertier, secrétaire générale, du docteur Sarah Bourbié-Vaudaine, responsable « Recherche et Innovation en nutrition » pour les produits laitiers frais et de Mme Véronique Ferjou-Gaven, directrice des affaires institutionnelles.

Le groupe Danone est un acteur mondial de l’agroalimentaire avec un chiffre d’affaires global de 24,7 milliards d’euros en 2017 et près de 100 000 collaborateurs au total. Les Etats-Unis représentent aujourd’hui son premier marché. La France est au deuxième rang et la Chine occupe la troisième place – 66 % des ventes sont réalisées hors d’Europe.

Les spécialités du groupe ont profondément évolué depuis l’origine. À présent, Danone a acquis un rang de leader dans quatre grands métiers : les produits laitiers et d’origine végétale, les eaux, la nutrition infantile et la nutrition médicale.

Ainsi, Danone a progressivement abandonné les produits que l’on peut qualifier des plus basiques et qui désormais sont, cela étant particulièrement vrai en France, massivement vendus sous des marques de distributeurs. Pour autant, Danone a conservé une place importante dans les rayons de la grande distribution française. Régulièrement des sondages montrent que certaines de ses marques sont parmi les préférées des Français.

Pour revenir à la réorientation de ses produits progressivement réalisée par le groupe, le plus souvent avec succès, le marketing a insisté sur leur caractère innovant, la qualité de fabrication et leurs effets positifs sur la santé des consommateurs.

Danone est, peut être avec Nestlé, le grand groupe qui a été le plus loin dans cette voie de transformation de la majeure partie de son offre.

Pour être complet, Danone a rencontré des difficultés, voire des échecs, pour imposer certaines innovations. On rappellera, le retrait, deux ans après son lancement, du produit laitier Essensis qui prétendait avoir des vertus cosmétiques, donc un effet beauté. En outre, certains de vos produits-phares comme Actimel et Activa se sont imposés sur les marchés, mais non sans avoir à faire face, notamment aux États-Unis, à des accusations de publicité trompeuse ou mensongère.

Après ce bref aperçu de la situation, la commission est particulièrement intéressée d’en savoir plus sur les possibilités de concilier une alimentation industrielle, celle qui sort des usines après avoir subi des process plus ou moins intenses, et la sauvegarde, voire l’amélioration nutritionnelle, de produits grand public.

Mesdames, monsieur, nous allons, dans un premier temps, vous écouter au titre d’un exposé liminaire de quinze minutes au maximum. Puis, un échange s’établira avec notamment les questions posées par ma collègue Michèle Crouzet, en sa qualité de rapporteure de la commission d’enquête.

Je vous informe que cette audition est ouverte à la presse.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter serment.

(M. François Eyraud, Mme Laurence Peyraut-Bertier, Mme la docteure Sarah Bourbie Vaudaine et Mme Véronique Ferjou-Gaven prêtent serment.)

M. François Eyraud, directeur général de Danone France. Monsieur le président, nous vous remercions de nous accueillir pour participer à ce débat.

L’entreprise Danone a été fondée en 1919 pour commercialiser des yaourts naturels, son objectif initial étant d’améliorer la santé des enfants en Espagne, qui rencontraient des problèmes de digestion. Depuis le début de son histoire, Danone s’est préoccupée des bienfaits reconnus des yaourts et de l’alimentation. L’entreprise a toujours collaboré avec les scientifiques pour comprendre les effets de l’alimentation sur la santé des personnes.

En 1991, une dizaine d’années avant la création du Plan national de nutrition santé (PNNS), a été créé l’Institut Danone, dont la vocation était de réunir des experts de l’alimentation et de proposer des outils pratiques pour contribuer à l’amélioration de l’alimentation de la population, et en particulier chez les enfants.

Cet Institut a mené un certain nombre de réflexions et d’échanges avec les professionnels et les scientifiques et a participé à des programmes pédagogiques sur l’alimentation.

Aujourd’hui, tout le monde a pris conscience que l’alimentation est au cœur du « capital santé » de chaque individu. Franck Riboud, en prenant la tête de l’entreprise en 1996, au moment de l’évolution de nos portefeuilles, a défini la mission de l’entreprise : apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre.

Pour atteindre cet objectif, nous travaillons depuis des années sur la reformulation des produits, nos portefeuilles évoluant en fonction des connaissances scientifiques, des attentes des consommateurs et des besoins des populations. Nous centrons notre offre sur des produits quotidiens et fins.

Entre 2009 et 2016, nous avons confirmé des engagements en matière nutritionnelle, sur différents axes. Le premier est l’amélioration de la qualité nutritionnelle. Nous avons, par exemple, accéléré la diminution de la présence de sucre dans les produits, compte tenu du profil alimentaire de la population française.

Deuxièmement, nous nous sommes engagés à changer positivement les comportements alimentaires. Pour ce faire, nous travaillons sur le projet Clémantine, qui vise à accompagner, dans les cantines, les professionnels qui s’occupent des enfants pour les conseiller sur une alimentation saine, dès le plus jeune âge.

Troisièmement, nous contribuons, avec des instituts, à un certain nombre d’études relatives à la connaissance des pratiques alimentaires – selon les âges, les populations, le niveau socioéconomique, etc. Nous avons toujours été très ouverts aux échanges avec l’ensemble des autorités, gouvernementale et parlementaire. À ce titre, j’ai participé aux Etats généraux de l’alimentation, où j’ai coprésidé l’atelier 5 sur l’amont agricole. Laurence Peyraut-Bertier a travaillé, quant à elle, sur le cycle du plastique.

Le quatrième engagement est celui d’un marketing responsable envers les enfants ; nous avons signé l’European Pledge.

Le cinquième axe concerne les informations que nous apportons au consommateur ; des informations qui se doivent être le plus claires possibles. Nous sommes l’une des premières entreprises à avoir adhéré au Nutri-Score, que nous sommes en train de mettre en place sur nos produits frais.

En 2017, notre nouveau président, Emmanuel Faber, a réaffirmé l’engagement du groupe au principe One Planet, One Health, par lequel nous nous engageons à prendre soin de la planète. Nous pensons que l’alimentation et la bonne santé de la planète sont liées. Les modèles agricoles, la biodiversité nous paraissent essentiels dans le cadre de la mission de notre entreprise : contribuer à une bonne alimentation en prenant soin de notre planète.

Vous avez très bien résumé, Monsieur le président, nos différentes activités. En France, nos quatre grands métiers sont les produits frais et l’offre végétale, les eaux minérales et les boissons aromatisées, la nutrition infantile, connue sous la marque Blédina, et la nutrition médicale – produits commercialisés dans les pharmacies et les hôpitaux pour corriger des déficiences et aider des personnes malades à rééquilibrer leur alimentation.

Nous avons acheté, voilà un an et demi, l’entreprise américaine WhiteWave, leader des produits bio au niveau mondial. Danone est donc, aujourd’hui, le leader mondial en bio, avec notamment des laits biologiques. Cela démontre la façon dont nous produisons nos offres alimentaires.

Danone est, en France, totalement ancrée dans les territoires. Nous possédons douze sites industriels – vingt-quatre avec les sites logistiques – qui couvrent la quasi-totalité des régions. Nos usines sont en général proches des bassins de production, laitiers ou végétaux. Nous avons une relation directe, pour les produits frais, avec plus de 2 000 agriculteurs et éleveurs, que nous accompagnons sur un certain nombre de critères. Enfin, 8 000 personnes travaillent dans nos usines et nos centres logistiques pour offrir au consommateur les meilleurs produits possible ? Notre maillage territorial est important.

L’objectif de l’entreprise est, non pas uniquement de générer de la richesse pour ses actionnaires, mais de participer à une bonne alimentation et à des modes de production respectueux. Loin de nous considérer comme une entreprise parfaite, nous apprenons en avançant, notamment grâce à la science. Nous faisons en permanence évoluer nos systèmes de production en amont, de transformation et de commercialisation, ainsi que les recettes, de façon à offrir des produits qui donnent du plaisir et qui s’intègrent dans une alimentation saine.

Suite aux États généraux de l’alimentation (EGA), nous avons pris trois engagements pour aller encore plus loin. Je laisserai ma collègue Laurence Peyraut-Bertier vous les présenter.

Mme Laurence Peyraut-Bertier, secrétaire générale de Danone France. Danone a en effet annoncé, en France, trois engagements forts. Le premier est de donner au consommateur la possibilité de faire un choix éclairé. Pour ce faire, nous sommes en train de mener un travail important sur la transparence de nos offres. Aujourd’hui, tous les ingrédients sont énumérés, mais nous avons décidé d’aller un cran plus loin : seront accessibles, sur notre site internet, avant la fin de l’année, non seulement les ingrédients, mais les raisons pour lesquelles ils sont présents dans nos recettes – à quoi ils servent.

Nous avons collaboré avec le Gouvernement sur l’expérimentation du Nutri-Score, et nous avons été les premiers à annoncer que nous le mettrons sur nos produits – sur internet dans un premier temps –, et d’abord sur toute la gamme des produits frais.

Parallèlement, nous disposons d’un plan d’amélioration continue de nos recettes, avec l’ambition de les simplifier et de limiter la liste des ingrédients. Dans cette attente de simplicité, de naturalité, nous sommes amenés à revoir nos recettes, en fonction des consommateurs et de nos engagements.

Le deuxième engagement, parce que nous avons conscience du défi que représente l’offre bio en France, est d’accélérer notre plan bio pour proposer à la population française une offre biologique élargie. Nous étions précurseurs, il y a dix ans, avec « Les 2 vaches », des yaourts biologiques. Par ailleurs, d’ici à 2020, toutes nos marques destinées aux enfants auront une alternative biologique sur le marché français. Bien entendu, nous accompagnons nos agriculteurs dans cette transition agro-écologique, un défi à la fois pour Danone et pour la France, puisque nous suivons de près l’agenda du Gouvernement. Nous avons déjà annoncé que nous serons aux côtés du Gouvernement pour accélérer cette transition des agriculteurs dans cette démarche.

Comme nous savons que toutes les pratiques ne pourront pas aller vers l’offre biologique, et pour renforcer notre responsabilité, nous avons annoncé qu’en 2025, tous les produits Danone cultivés en France seront issus de l’agriculture régénératrice. Une agriculture plus respectueuse de la préservation des sols, que nous avons déjà lancée aux États-Unis.

Nous nous préoccupons également du bien-être animal et de celui des hommes et des femmes qui cultivent cette terre. Pour ce faire, des partenaires techniques et des organisations non gouvernementales (ONG) nous accompagnent sur ce cahier des charges : l’ensemble des ingrédients cultivés en France sera issu de cette agriculture.

Troisième engagement, l’entreprise a annoncé qu’une journée de son chiffre d’affaires – le 21 septembre – sera consacrée au financement des projets sur l’accélération de l’agroécologie en France. L’argent sera investi, en France, dans les projets d’agriculture régénératrice mis en place par nos 2 300 agriculteurs.

 M. François Eyraud. Nous essayons le mieux et le plus possible de contribuer à faire avancer les choses de façon proactive. Nous ne prétendons pas être parfaits, mais nous sommes dans des processus d’amélioration en fonction des éléments scientifiques qui nous sont fournis et éventuellement des attentes sociétales.

M. le président Loïc Prud'homme. Je vous remercie.

Vous avez évoqué la mission de votre entreprise : « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » par une offre de produits quotidiens et sains. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec un article du hors-série du magazine 60 millions de consommateurs, qui a révélé la présence de nombreux additifs, malgré leur indiction, dans les yaourts ; les fabricants utilisent certaines dérogations pour contourner la loi. Parmi les produits dénoncés, l’un de vos produits, qui vise particulièrement les enfants, le yaourt M&M’s Mix, contient seize additifs. J’imagine que vous allez en modifier la recette. L’avez-vous retiré de la vente ? Car il ne correspond absolument pas aux engagements que vous venez de nous présenter.

Par ailleurs, n’est-ce pas un peu cynique – je suis un peu cash à dessein, pardonnez-moi – de présenter des aliments bons pour la santé lorsque certains de vos produits, qui ciblent les enfants, sont très sucrés ?

Nous savons, que, hormis les additifs, qui sont un problème majeur car on n’en connaît pas encore les « effets cocktail » – mais on les suppose délétères et le principe de précaution voudrait qu’on les réduise –, le sucre est mauvais pour la santé. Comment peut-on encore présenter des recettes très sucrées à nos enfants, avec en outre un packaging qui renforce leur attractivité ?

M. François Eyraud. Concernant le profil des éléments, notre offre alimentaire est en évolution permanente en fonction de l’évolution de la société. En 1945, le profil du consommateur – et l’offre alimentaire – n’était pas le même qu’aujourd’hui. Nous travaillons donc sur l’équilibre du régime alimentaire en modifiant régulièrement les recettes de nos produits.

S’agissant des produits destinés aux enfants, nous communiquons et poussons la consommation de produits qui correspondent aux besoins des enfants. Je vous citerai deux exemples. Le premier concerne l’eau. Nous incitons les enfants à boire beaucoup d’eau, sachant qu’ils n’en consomment pas assez ; cette donnée est prise en compte, quand nous faisons de la publicité pour les enfants.

Deuxièmement, nous tenons compte, dans nos recettes, des besoins spécifiques de la population ciblée, les besoins nutritionnels des enfants entre zéro et trois ans étant complètement différents de ceux des adultes – d’où notre marque Blédina.

Concernant le yaourt M&M’s Mix, effectivement, nous projetons de le faire évoluer pour être en adéquation avec notre démarche ; je vous l’ai dit, nous sommes dans des process d’amélioration constants.

Par ailleurs, les additifs qui se trouvent dans nos yaourts, qui sont autorisés et ne présentent aucun problème sur la santé, ont tous une fonctionnalité par rapport au produit et au profil recherché. Pour les yaourts à 0 %, ce sont le non-apport en sucre et le très faible apport en matière grasse qui sont recherchés.

M. le président Loïc Prud'homme. S’agissant du marketing responsable vis-à-vis des enfants, quid de la publicité ? Un débat s’est tenu sur l’interdiction de diffuser de la publicité pendant les programmes pour enfants ; allez-vous suivre cette recommandation ? Ou allez-vous appliquer la réglementation stricto sensu, sans être proactifs ?

M. François Eyraud. Nous communiquons uniquement sur des produits recommandés pour les enfants ou considérés comme bons pour la santé, tel que l’eau. Nous ne communiquons pas, par exemple, sur les eaux aromatisées. Et nous ne communiquons pas sur le produit que vous avez cité.

M. le président Loïc Prud'homme. Madame, vous avez évoqué l’agriculture « régénératrice ». C’est bien mystérieux… À quels instituts et ONG faites-vous référence ?

Mme Laurence Peyraut-Bertier. Nous travaillons actuellement sur un cahier des charges qui prendra en compte les trois piliers suivants : la préservation des sols, le bien-être animal et le bien-être des hommes. Danone a été l’un des premiers acteurs sur le marché à proposer des contrats, notamment à ses éleveurs laitiers, et le premier à intégrer le minimum de coût de production pour permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier.

Concernant la préservation des sols, nous travaillons avec l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), avec la Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France (FNAB) et avec l’ONG Pour une agriculture du vivant  composée d’agronomes. Nous sommes en cours de contractualisation, je ne peux donc vous en dire plus. Nous finaliserons, cet été, notre cahier des charges avec ces partenaires, nous serons donc en mesure de communiquer à la rentrée sur les engagements que nous aurons signés.

M. François Eyraud. Ces sujets sont très complexes. Nous disposons d’équipes de scientifiques et d’un centre de recherche en France ; 80 personnes travaillent uniquement sur l’alimentation. Par ailleurs, nos scientifiques sont en relation constante avec des scientifiques et des spécialistes universitaires du monde entier, de façon à connaître toutes les publications et les dernières trouvailles sur ces questions – partie alimentaire et partie amont agricole.

Michèle Crouzet, rapporteure. Je souhaiterais revenir sur la notion d’agriculture régénératrice, car si nous connaissons l’agriculture biologique, la haute valeur environnementale (HVE), l’agriculture de conservation, l’agroforesterie, nous ne savons pas où vous situez cette agriculture. Qu’allez-vous imposer aux agriculteurs pour que leurs produits correspondent à vos cahiers des charges ?

Vous nous avez présenté les engagements de Danone en matière de qualité nutritionnelle ; or le yaourt créé en 1919 doit être bien différent de celui d’aujourd’hui. Pouvez-vous nous dire quelles sont vos marges de progression, jusqu’où vous comptez aller, notamment grâce à cette agriculture régénératrice ?

L’étude de NutriNet-Santé, publiée en février dernier, a pointé du doigt le lien qui existe entre une conservation d’aliments ultra-transformés et le risque de développer un cancer ou d’autres maladies. Quelle analyse votre entreprise a-t-elle de ce sujet ?

Nous sommes très vigilants aux additifs qui sont mis dans ces produits ultra-transformés, en raison notamment des « effets cocktail » qu’ils peuvent provoquer. Comment votre entreprise réagit-elle à son niveau propre de production ? Nous avons entendu d’autres industriels, ce sujet est délicat. Le sucre, par exemple, est parfois supprimé, mais remplacé par un autre additif. L’impact des additifs sur la santé est vraiment notre cheval de bataille. Nous aimerions donc vraiment connaître l’attitude de Danone à leur égard. En utilisez-vous beaucoup ? Nous avons pu constater que près de trente additifs avaient été ajoutés à une pizza ! Avez-vous la possibilité de faire différemment et de revenir à un produit plus naturel, par exemple ?

Par ailleurs, un certain nombre de scandales alimentaires ont eu lieu récemment. Quels sont les dispositifs de contrôle mis en place par Danone ? Quels contrôles effectuez-vous s’agissant de la qualité de vos produits, de vos fournisseurs – de toute la chaîne ? L’affaire Lactalis a montré qu’une défaillance humaine pouvait mettre une entreprise en grande difficulté. Quelles recommandations pourriez-vous faire pour éviter un tel scandale ? Pensez-vous que d’autres contrôles que les vôtres devraient être effectués ?

Quant au Nutri-Score, il n’est pas encore sur tous vos produits. À quelle échéance le sera-t-il ? Les produits que vous vendez à l’étranger sont-ils étiquetés Nutri-Score, ou rencontrez-vous des difficultés, notamment en Europe ? La formulation de vos produits français est-elle la même que ceux que vous vendez à l’étranger ?

M. François Eyraud. Le yaourt nature de 2018 est composé de lait, collecté dans un rayon de 60 kilomètres autour de nos usines, et de ferments ; la même recette qu’il y a cent ans. Bien entendu, nous avons lancé des gammes avec des ferments différents, mais 30 % de nos yaourts vendus ne contiennent que du lait et des ferments. De même, 94 % de nos eaux sont minérales : l’eau est extraite de la nature, mise en bouteille et commercialisée. Un produit industriel n’est pas forcément ultra-transformé. C’est la raison pour laquelle ce terme me dérange un peu. Il a une connotation qui semble induire un certain nombre de choses.

Nous travaillons sur des recettes pour offrir aux consommateurs des produits qui leur fassent plaisir et qui soient bons pour la santé ; de la même façon qu’une bonne cuisinière agrémente ses plats avec tout un tas d’ingrédients pour le plaisir de ses invités.

L’alimentation est culturelle et émotionnelle ; des éléments que nous devons prendre en compte. Nous nous servons d’un maximum d’ingrédients naturels. Notre travail sur l’agriculture en amont vise justement à nous approvisionner en ingrédients de qualité, irréprochables, pour fabriquer de bons produits.

S’agissant de la sécurité alimentaire, non seulement nous suivons les recommandations, mais nous effectuons des contrôles et des audits en permanence. Il n’y a pas de pays plus sûr que la France sur cette question. Le niveau de régulation et de contrôle des agences françaises est très élevé, et Danone, qui se veut mieux-disant, en ajoute. Nous n’oublions pas que des millions de produits sont consommés chaque jour par les consommateurs. Même si le risque zéro n’existe pas, nous sommes d’une vigilance extrême. Si nous détectons la moindre déviation, notamment par rapport à la qualité organoleptique, nous bloquons le produit, et si nécessaire nous le retirons du marché.

Pour cela, nous travaillons avec l’ensemble des « commercialisateurs » pour renforcer les éléments de coordination, car c’est souvent dans les interfaces qu’il peut y avoir des faiblesses – je pense là aux scandales alimentaires récents. Les dernières affaires nous ont poussés à nous questionner à nouveau sur ce sujet. Nous sommes d’ailleurs en train d’élever le standard et nous travaillons avec les autorités compétentes pour définir s’il convient de mettre en place de nouvelles procédures de façon plus générale.

Mme Sarah Bourbié-Vaudaine, responsable « Recherche et Innovation en nutrition » pour les produits laitiers frais de Danone France. Je reviendrai sur la question des additifs et des ingrédients.

Les dénominations « yaourt » et « lait fermenté » sont des dénominations nobles, protégées, définissant clairement un produit. On ne peut ajouter aucun ingrédient dans un yaourt et un lait fermenté. En revanche, on peut ajouter du sucre et un arôme dans un yaourt dit aromatisé ; mais il n’y a pas d’additif.

Comment est fabriqué un yaourt aux fraises ? Nous fabriquons, d’un côté, un yaourt, comme nous vous l’avons expliqué. Une fois qu’il est fermenté, il est brassé, afin de bien mélanger la masse laitière fermentée. De l’autre côté, nous préparons les fruits ; pour ce faire, nous avons un certain nombre de contraintes. Nous cherchons à limiter les apports en sucre, nous ne sommes donc pas dans un rapport moitié sucre, moitié fruits, comme pour une confiture. Or, nous avons besoin de cet effet de confiture. De sorte, que nous mettons des agents qui font texturer la préparation des fruits, pour la rendre homogène, avec des morceaux de taille identique, et que nous permettent de produire en grande quantité.

Les raisons pour lesquelles nous utilisons des additifs sont les suivantes : nous fabriquons cette recette en quantité, et elle doit être toujours la même – le goût ne doit pas changer d’une préparation sur l’autre. Nous mettons donc des correcteurs d’acidité qui permettent de rendre le goût homogène, puis nous le renforçons avec des arômes pour qu’il reste le même, de la date d’achat à la date de péremption. Les texturants introduits dans les préparations de fruits vont permettre de répartir de façon homogène les morceaux de fruits
– on efface l’effet d’échelle. Les additifs que nous trouvons dans les yaourts aux fruits sont donc ajoutés à la préparation des fruits et non au lait fermenté.

Si des additifs sont ajoutés à la masse fermentée blanche, la partie principale d’un yaourt, il ne s’agit pas d’un yaourt au sens de la définition réglementaire ; il s’agit de spécialité laitière. La réglementation est donc extrêmement claire sur ce qui est ou pas permis.

L’entreprise Danone utilise peu d’additifs. Nous en utilisons pour des raisons technologiques. Nous avons une fonction précise dans nos recettes, mais nous faisons en sorte d’en mettre un minimum pour obtenir cette fonction désirée – je vous ai parlé des correcteurs d’acidité qui permettent d’homogénéiser le goût du fruit, quelles que soient la période de l’année et la récolte. Le principe de l’additif, c’est que nous extrayons l’une des substances d’un aliment pour pouvoir l’utiliser. Nous utilisons comme structurant, par exemple, non pas de la farine, mais l’amidon qu’elle contient.

Aucun des additifs que nous utilisons n’est dangereux pour la santé. Notre équipe de 80 personnes fait de la veille, analyse toutes les recommandations émises par les agences, françaises et étrangères, et toutes les publications scientifiques pour pouvoir anticiper. Enfin, nous adoptons des mesures plus contraignantes que la réglementation sur certains produits, pour coller à la manière dont nous souhaitons produire nos recettes.

M. François Eyraud. Un certain nombre d’additifs sont nécessaires pour garantir la qualité des produits. Nous les mettons en quantité limitée pour des questions de profils alimentaires et de coût. Tous les additifs ont leur utilité et nous en mettons un minimum pour la fonction désirée.

Nous ne vendons pas de produit contenant trente additifs, et nous n’avons pas à commenter cet état de fait. Les produits Danone sont des produits simples, pour lesquels chaque additif a une fonction très spécifique, liée à la sécurité alimentaire, à la texture, etc. Je le répète, les aliments doivent donner du plaisir et être bons pour la santé. Un équilibre sur lequel nous travaillons en permanence.

Il est important pour nous que le consommateur soit parfaitement informé. Nous allons donc expliquer, sur notre site, les raisons de l’ajout d’additifs et d’ingrédients que nous mettons dans nos recettes. Par ailleurs, nous proposons au consommateur des alternatives aux produits contenant des additifs ; il peut ainsi faire son choix, nos produits étant tous conformes à la réglementation, voire au-delà, puisque nous cherchons les meilleures formules pour la satisfaction du consommateur.

Mme Laurence Peyraut-Bertier. Nous nous sommes engagés, dans un premier temps, à mettre le Nutri-Score sur les produits frais, d’ici à la fin de 2019, ce qui représente 50 % du chiffre d’affaires de Danone en France. L’alimentation pour enfants n’est pas concernée. Concernant notre division d’eau, 94 % de nos eaux minérales sont naturelles, elle n’est donc pas non plus la plus concernée.

S’agissant de l’agriculture régénératrice, nous travaillons avec les acteurs concernés, que nous rencontrons, au Salon de l’agriculture, par exemple, y compris la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui est aussi au cœur de cette réflexion.

Une nouvelle histoire est à écrire qui, pour nous, s’appelle l’agriculture régénératrice. Nous ne l’imposons pas à nos agriculteurs, avec qui nous avons un contrat, et avec qui nous discutons des débouchés. L’enjeu, pour eux, et pour nous, c’est qu’ils trouvent des débouchés chez les industriels qui vont acheter leurs productions. Notre objectif est que, demain, les consommateurs achètent de plus en plus – et il en va de notre responsabilité – des produits plus respectueux des trois éléments que j’ai évoqués plus haut. C’est ce cahier des charges que nous sommes en train d’écrire et qui est nouveau.

Ensuite, nous devrons aider le consommateur à se repérer. Voulons-nous créer un label Danone ? Non, mais nous souhaitons créer une agriculture respectueuse de ces trois éléments.

M. François Eyraud. Concernant le Nutri-Score à l’international, c’est en effet plus compliqué. Des produits fabriqués en France et exportés peuvent se heurter à une réglementation différente. La régulation chilienne, par exemple, est différente du Nutri-Score. Chaque pays est en train de mettre en place des systèmes et il est, en effet, important qu’il y ait une homogénéité. Nous militons pour que le Nutri-Score soit repris dans tous les pays européens. Notre filière allemande commence à mettre le Nutri-Score sur ses produits.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Des pays européens ont-ils refusé que vous mettiez le Nutri-Score sur leurs produits ? Et si vous l’avez mis, ont-ils été gênés ?

M. François Eyraud. Je m’occupe de la France, je n’ai donc pas une vision complète de la situation. Cependant, nous souhaiterions que les autorités européennes prennent position – comme la France l’a fait pour le Nutri-Score après avoir étudié d’autres possibilités. Que tous les pays européens trouvent un consensus pour que nous puissions le mettre en place. Car il ne serait pas bon de commencer avec un système, puis de le changer : le consommateur serait perdu.

M. le président Loïc Prud'homme. Vous nous avez indiqué que vos produits étaient conformes à la réglementation. Heureusement ! Heureusement que les industriels que nous recevons respectent la réglementation, qu’ils ne se vantent pas de ne pas la respecter ! Notre mission, quant à nous, est de la faire évoluer.

Je reviendrai sur les alicaments, avec des produits comme Actimel, que vous n’avez pas abordés. S’ils sont conformes à la réglementation, vous n’avez pas hésité, dans vos communiqués, à vanter leurs effets sur la santé. N’est-ce pas un peu limite ? Certes, les yaourts nature sont riches en calcium et réparent la flore intestinale, mais les autres produits sont des agrégats de nutriments, parfois liés par des additifs, jugés indispensables pour donner une texture à un produit qui n’a pas d’existence physique au départ.

M. François Eyraud. S’agissant des alicaments, chaque pays a sa façon de voir les choses. La France a un niveau de régulation, de précaution et de suivi sur cette question qui est probablement le plus élevé du monde. Il existe donc un grand nombre de garde-fous quant à des slogans publicitaires qui seraient inadéquats.

L’European Food Safety Authority (EFSA) a pris position sur l’item santé et a recommandé, pour la fabrication de ces produits, de suivre le processus employé dans les laboratoires pour avoir l’autorisation d’annoncer des bénéfices pour la santé. Nous tenons compte de cela dans nos communications, qui sont en phase avec l’attente de la société et les régulations.

M. le président Loïc Prud'homme. En France.

M. François Eyraud. À l’étranger également. Les niveaux d’exigence des marchés sont différents, mais ils sont des vecteurs de références internationales. Nos politiques sont donc elles aussi internationales. De la même façon que les dispositions légales en matière du droit du travail, par exemple, qui ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Mais globalement, nous essayons d’appliquer, dans chaque pays, des politiques qui soient en adéquation avec notre vision et la réglementation en vigueur.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Nous avons reçu la grande distribution, dont des représentants du groupe E. Leclerc. L’un d’entre eux nous a apporté une bouteille d’eau dont le code-barres était composé de deux barres supplémentaires – 15 au lieu de 13 – permettant ainsi la traçabilité du produit depuis son origine. Avez-vous connaissance de ce principe ?

Pourriez-vous imaginer, pour le bien du consommateur, de tracer davantage la provenance de vos aliments et le processus de fabrication ?

M. François Eyraud. C’est une excellente question, par rapport aux méthodes futures. Nous contrôlons et traçons nos produits en fonction des technologies qui existent aujourd’hui. Nous savons de quelle ferme provient le lait, nous suivons l’état de santé des vaches, etc. Nous avons donc déjà une traçabilité. Nous n’achetons pas les produits de façon ponctuelle au plus offrant. La garantie de qualité implique une traçabilité que nous avons mise en place dès le début, et que nous améliorons régulièrement.

De nouvelles technologies, telles que la blockchain, ont été mises au point et ouvrent de nouveaux horizons. Nous y sommes très attentifs, car elles permettront de redonner confiance au consommateur quant à la qualité des produits. Nous sommes favorables à la transparence.

Nous recevons des consommateurs dans des élevages qui nous fournissent le lait et dans nos usines, pour leur expliquer et leur montrer comment sont fabriqués les produits. Une laiterie, en fin de compte, c’est une grosse yaourtière ! Nous voulons donc montrer et partager notre façon de faire, la confiance est essentielle pour nous. D’autant qu’il existe une réelle défiance envers l’alimentation, alors même que la France est l’un des pays les plus sûrs. Nos produits sont tous travaillés de façon optimale, pour que leur profil nutritionnel soit au top. Nous contrôlons nos produits à chaque étape du process pour nous assurer qu’ils seront de qualité. Nous n’attendons pas que le produit soit fini pour le contrôler, car si un mauvais ingrédient est mis au début, le produit sera obligatoirement mauvais à la fin.

Nous effectuons même des contrôles en points de vente et nous alertons les clients quand nous détectons un défaut – non lié à la sécurité alimentaire, mais des packagings abîmés, des produits qui ne sont pas à température, etc. Nous ne suivons pas le produit jusque dans le Frigidaire du consommateur, mais peut-être que cela viendra !

Mme Nathalie Sarles. Vous avez indiqué que les réglementations variaient d’un pays à un autre. Dans ceux qui disposent d’une réglementation moins contraignante que celle de la France, modifiez-vous les recettes en conséquence, ou essayez-vous toujours de tirer la qualité de vos produits vers le haut ?

M. François Eyraud. Nous essayons, bien entendu, en permanence, de tirer vers le haut la qualité de nos produits. Maintenant, tous les produits sont-ils identiques dans tous les pays ? La réponse est non. Je vous l’ai dit, l’alimentation est culturelle. Un pays comme la Roumanie, par exemple, a l’habitude de consommer du lait fermenté dont le goût est différent, plus acide.

En revanche, la qualité du produit est aussi élevée et nous avons les mêmes exigences en termes de sécurité alimentaire.

Par ailleurs, dans certains pays, comme l’Afrique, où la population a des déficits en vitamine D, en calcium notamment, nous modifions nos recettes, en particulier des produits pour enfant, en ajoutant du calcium ou des vitamines. Mais nous n’avons pas de double standard en termes de qualité.

M. le président Loïc Prud'homme. Quels sont vos liens et le rapport de forces que vous entretenez avec la grande distribution ? Nous avons constaté que le producteur était tenu de produire au plus bas coût pour le transformateur qui, lui-même, se voyait imposer des prix bas par le distributeur. Le marché de la distribution est aujourd’hui très concentré, donc si un producteur ne répond pas aux exigences il ne sera pas retenu et n’aura pas de revenu.

Les agriculteurs et les syndicats agricoles que nous avons auditionnés ont-ils oublié de mentionner à quel point ils étaient contents de travailler pour Danone, notamment sur des contrats de lait bio ? Ou avez-vous des exigences de prix par rapport à vos producteurs ? Comment contractualisez-vous ces exigences ? Quelle pression exerce la grande distribution sur la relation que vous entretenez avec vos producteurs ?

M. François Eyraud. Cette discussion était au cœur de l’atelier 5, que j’ai animé aux Etats généraux de l’alimentation.

L’important, pour nous, est de créer de la valeur pour le bénéfice du consommateur en termes de plaisir nutritionnel, de profil d’alimentation, etc. Et l’ensemble des parties prenantes du système doit y trouver son compte. Mais le premier concerné est le consommateur, car s’il ne prend pas de plaisir, le produit ne se vendra pas et toute la chaine en amont sera perdante.

Une grande partie de la production, dans la filière laitière, par exemple – même si cela ne nous concerne pas puisque nous sommes centrés sur le marché français – est exportée ; 40 % de la production laitière française part à l’export. Le lait doit donc être compétitif à l’égard des autres alternatives d’achat – néozélandaises, par exemple.

Nous devons donc traiter les problématiques, à la fois françaises et internationales. Ce qui veut dire que l’équation d’offres de nos produits laitiers doit aussi correspondre à une réalité du marché international pour une grande part.

S’agissant du marché national, une partie des produits de la filière laitière est transformée et commercialisée dans la grande distribution, mais une autre partie est achetée par les collectivités pour approvisionner les cantines et la restauration collective. Or ce sont en général les produits les moins chers qui remportent leurs appels d’offres. C’est la raison pour laquelle, il leur a été recommandé d’acheter des produits bio, des produits locaux, etc. Car là aussi, faire le choix du produit le moins cher fait pression sur l’amont.

La filière Danone est distribuée en grande distribution. Oui, il y a une pression énorme concernant les prix, le consommateur cherchant la meilleure offre et les distributeurs, qui sont en compétition, affichant les prix les plus bas.

Maintenant, il nous revient de les convaincre de la valeur de nos produits. Et la publicité est un moyen d’expliquer au consommateur la valeur que nous leur offrons dans nos produits.

Je suis convaincu qu’il faut, d’abord, offrir au consommateur un bon produit, et ensuite instaurer une bonne collaboration entre les différents intervenants de la filière pour que chacun y trouve son compte. D’aucuns prétendent que nous avons des intérêts divergents. Non, si nous ne valorisons pas le lait en fabriquant de bons yaourts, par exemple, les distributeurs n’auront pas grand-chose de positif à vendre à leurs clients.

Aujourd’hui, nous constatons que l’innovation de nouveaux produits, de nouvelles textures, de nouvelles saveurs, est importante. Les entreprises investissent dans la recherche-développement pour offrir des produits différenciés de qualité.

Le modèle dans lequel nous sommes est à bout de souffle. Et la peur du consommateur quant à une mauvaise alimentation ne fait que tirer les choses vers le bas. C’est la raison pour laquelle je suis convaincu qu’il convient d’abord de redonner confiance au consommateur en lui offrant des produits de qualité. Ce n’est pas parce qu’ils sont transformés qu’ils sont mauvais, ce n’est pas parce qu’ils sont produits en grande quantité qu’ils sont mauvais.

Le prix du lait bio est incommensurablement plus élevé que le prix du lait conventionnel. La montée en gamme, la valorisation, la valeur ajoutée que nous pouvons mettre dans un produit ne peut que convenir à l’ensemble des parties prenantes de la chaîne. Par ailleurs, le consommateur est disposé à payer plus cher pour un meilleur produit – du moins les consommateurs qui en ont les moyens.

 M. le président Loïc Prud'homme. Quel est le prix d’un yaourt et celui d’un yaourt bio ?

M. François Eyraud. En France, le prix d’un yaourt est incroyablement bas, c’est à pleurer : il est, en moyenne, à 17 centimes. Certains se vendent encore moins chers

M. le président Loïc Prud'homme. Je vous confirme que les agriculteurs pleurent quand ils voient à quel prix sont vendus leurs yaourts.

M. François Eyraud. Ce produit a une qualité nutritive réelle, il donne du plaisir or il est vendu à un prix extrêmement bas. C’est la raison pour laquelle nous essayons de la valoriser. Le yaourt bio est de 25 % à 50 % plus cher ; cela est lié au mode agricole.

M. le président Loïc Prud'homme. Il est donc vendu à environ 30 centimes.

M. François Eyraud. Oui, à peu près, c’est un ordre de grandeur. Ce sont des produits très accessibles, par rapport à leur profil nutritionnel.

Mme Michèle Crouzet, rapporteure. Concernant la journée que vous offrez à vos agriculteurs, du moins le chiffre d’affaires du jour, de quelle somme parlons-nous ? Et qu’est-ce que cela représente pour les agriculteurs ?

M. François Eyraud. Notre volonté est de rouvrir le débat sur la valeur des produits et le rapport à l’alimentation. Aujourd’hui, pour vendre davantage, il faut baisser le prix, faire des grandes promotions – entre 20 % et 70 %. Or nous sommes persuadés que si nous expliquons nos offres au consommateur, il sera prêt à valoriser le contenu.

Lors de cette journée, nous allons à la rencontre des consommateurs, des salariés de Danone, pour leur expliquer la chaîne de valeur. Par exemple, nous expliquons aux personnes travaillant dans les usines comment nous transformons les produits. Nous nous faisons accompagner d’éleveurs qui leur expliquent leur façon de travailler, afin qu’ils puissent constater de visu qu’un travail sérieux est réalisé. Qu’il s’agit de leur voisin fermier, que Danone sélectionne des ingrédients de bonne qualité pour fabriquer de bonnes recettes.

Nous avons vraiment à cœur d’expliquer ce qu’est un aliment et comment il est produit. Ainsi, nous voulons les engager à changer de modèle et à accompagner cette transformation. Et pour que cette démarche ne soit pas perçue comme mercantile, nous avons choisi d’investir le chiffre d’affaires que nous avons réalisé ce jour-là, grâce aux consommateurs qui auront fait le choix d’accompagner les filières, dans des projets qui aideront les agriculteurs à évoluer vers des modèles agricoles différents. L’objectif est non pas de transférer l’argent aux agriculteurs, mais monter des projets et d’utiliser ces fonds pour faire évoluer le modèle agricole.

Bien entendu, à travers vos politiques publiques, vous avez un pouvoir bien plus important que nous pour changer les choses, mais c’est une façon militante de mettre le sujet sur la table et de définir quelle alimentation nous voulons. Le consommateur, en choisissant un produit, choisi le monde dans lequel il veut vivre.

Nous, nous ne souhaitons pas un monde du « toujours moins cher, toujours plus massif ». D’ailleurs, sachez que la plupart des exploitations agricoles avec lesquelles nous travaillons, dans le monde, n’ont pas plus d’une quinzaine de vaches – en moyenne. En France, une ferme moyenne qui fournit le lait à Danone dispose en moyenne de 70 vaches. On va le collecter dans l’ensemble du territoire.

M. le président Loïc Prud'homme. Une dernière question sur le rachat par Danone de la société américaine WhiteWave, leader en produits bio. Comment se positionne-t-elle dans le groupe Danone ? Comment nos agriculteurs voient arriver cette offre bio ?

M. François Eyraud. Cette entreprise ne commercialise le lait bio qu’aux Etats-Unis. Notre objectif n’est pas d’importer ces produits. En France, nous travaillons avec l’amont agricole. Nous avons déjà financé les projets de certains de nos éleveurs qui se sont reconvertis, passant du conventionnel au bio.

Mme Laurence Peyraut-Bertier. C’est pour cela que nous avons sorti notre Danone Act’ ; c’est pour cela que l’on accompagne cette accélération de l’agro-écologie en France ; c’est pour cela que l’on va mettre cette journée de chiffre d’affaires au service des vrais projets. Tout cela est lié car on veut sourcer France. Si demain on veut avoir 100% de produits issus de cette agriculture régénératrice ou bio, il va falloir que l’on ait plus de sourcing en France, donc on doit collectivement accélérer cette transition.

M. François Eyraud. On a des territoires qui sont assez favorables donc nous pouvons faire de belles choses.

M. le président Loïc Prud'homme. Nous en sommes convaincus. Je vous remercie.

 

La séance est levée à onze heures trente.

 

 

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Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

 

Réunion du mardi 17 juillet 2018 à 10 h 15

 

Présents. - Mme Michèle Crouzet, M. Loïc Prud'homme, Mme Nathalie Sarles

 

Excusés. - M. Julien Aubert, Mme Anne Blanc, M. Christophe Bouillon, Mme Fannette Charvier, Mme Bérengère Poletti