Compte rendu

Commission
des affaires sociales

  – Restitution par Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail sur la future réforme des retraites 3

  – Présences en réunion.................................26

 


Mercredi
26 juin 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 77

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Monique Iborra,
Vice-présidente,

 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 19 juin 2019

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de Mme Monique Iborra, présidente)

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  La commission des affaires sociales entend les conclusions de Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail sur la future réforme des retraites.

Mme la présidente Monique Iborra. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la restitution par Mme Corinne Vignon des travaux du groupe de travail de notre commission sur la future réforme des retraites.

Avant de lui laisser la parole, je voudrais rappeler l’objet de ce groupe de travail. Notre commission a décidé, en début de législature, de se doter de la possibilité de créer des groupes de travail transpartisans en amont des projets de loi que l’on considère comme étant majeurs.

L’objectif est de permettre à tous les groupes politiques, avec une représentation équivalente pour chacun d'entre eux – la présidence du groupe de travail évidemment mise à part – de disposer d'informations, d'un bagage technique partagé, d'identifier les lignes de partage et peut-être aussi parfois les éléments de convergence.

La future réforme des retraites semblait, comme l'avait été en son temps la formation professionnelle, particulièrement bien adaptée à cet exercice. C'est à l'évidence un sujet politique, c'est également un sujet d'une grande complexité technique. J'observe d'ailleurs que ce travail ne sera sûrement pas le seul sur le sujet en cette fin d'année parlementaire puisque nous devrions entendre sous peu les représentants de la Cour des comptes qui a été chargée de réaliser une étude sur trois régimes spéciaux, et M. Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, après la remise de son rapport.

Après l'intervention de Mme Corinne Vignon, présidente du groupe, dont je rappelle qu'elle s'exprime en son nom personnel, nous entendrons de manière prioritaire dans la discussion les membres du groupe de travail pour deux minutes chacun afin qu'ils complètent ou, le cas échéant, se démarquent des propos de Mme Vignon. Je passerai ensuite la parole aux différents orateurs.

La présidente de la commission et moi-même aujourd'hui voudrions vous remercier pour ce débat qui augure de discussions longues et peut-être passionnées sur la réforme des retraites.

Je voudrais tout spécialement remercier Mme Corinne Vignon du travail accompli, mais aussi de la qualité de sa restitution. Nous avons l'habitude de documents plus classiques dans leur présentation, mais à titre personnel, je trouve que le format retenu est particulièrement accessible et met très bien en valeur les questions politiques posées qui resteront probablement, pour certaines d'entre elles, ouvertes à la fin de notre discussion.

Je ne peux qu'inviter nos rapporteurs sur divers travaux à venir s'en inspirer.

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Mes chers collègues, la réforme des retraites annoncée par le Président de la République durant sa campagne apparaît d'ores et déjà comme l'une des transformations les plus profondes de notre modèle social. Elle fait l'objet depuis dix-huit mois d'une réflexion sans précédent, mobilisant aussi bien les partenaires sociaux que l'administration, sous l'égide du Haut-Commissaire, M. Jean-Paul Delevoye. Le Parlement ne pouvait rester à l'écart d'une telle réforme. Tel est l'objet du groupe de travail mis en place par la commission des affaires sociales, le 20 février dernier, dont j'ai l'honneur d'effectuer la restitution aujourd'hui.

J’aimerais au préalable rappeler la démarche transpartisane retenue par ce groupe qui s'est attaché à transmettre le même niveau d'information à l'ensemble des groupes parlementaires, quelle que soit leur sensibilité politique. Ces informations sont particulièrement précieuses à la veille de la fondation d'un régime universel qui implique de remettre à plat l'ensemble des paramètres d'un système devenu aussi complexe qu'illisible.

Le groupe de travail s'est ainsi réuni chaque semaine sous la forme de tables rondes thématiques associant chercheurs, associations, acteurs institutionnels et partenaires sociaux.

L'ensemble de ces tables rondes a poursuivi un seul et même fil rouge, celui de la solidarité, qui est rapidement apparu comme une clé d'entrée privilégiée de la réforme. Plutôt qu'une approche par caisse ou par régime, nous avons retenu sans tarder une démarche universelle qui sera celle de la réforme à venir.

Au-delà des constats rassemblés par la restitution, nos travaux étaient également l'occasion de mettre en avant les propositions susceptibles d'alimenter le débat national. Pour ma part, j’en formule dix-huit qui n'engagent évidemment ni le groupe de travail, ni mon groupe parlementaire, pas davantage le Gouvernement.

Avant d'entrer dans le détail de ces propositions, j'aimerais insister sur deux remarques liminaires, indispensables pour ne pas dévoyer notre débat. La première est relative à la portée de ces propositions. Il ne s'agit en aucun cas d'égrener une litanie de mesures sans cohérence ou maîtrise budgétaire.

La priorité consiste à améliorer les redistributions opérées par notre système de retraite tout en s'inscrivant dans l'économie générale de la réforme et des grands équilibres budgétaires.

Ces différentes propositions viendront donc nourrir les débats et les arbitrages, dans le respect de l'enveloppe actuelle de 60 milliards d'euros consacrés au dispositif de solidarité.

Avec un système de retraite représentant aujourd'hui quatorze points de PIB, le respect de cette enveloppe budgétaire apparaît bien comme une condition essentielle de soutenabilité du futur régime, et plus largement de nos finances publiques.

La seconde remarque que je souhaite formuler est relative à notre champ de réflexion. Ne nous enfermons pas, ce matin, dans une discussion sur les paramètres de la future réforme que nous ne connaissons ni vous, ni moi. Construire un régime universel nécessite de définir en priorité les grands principes, que ce soit en matière de finalité, de gouvernance ou de financement, avant d'entrer dans le détail opérationnel. Vous comprendrez donc qu’il ne me revient pas aujourd'hui de me prononcer sur telle ou telle annonce mise sur la table du débat public ou encore moins sur d'éventuelles modifications paramétriques, mais bien de vous restituer les principales attentes qui ont émergé au cours des débats et de formuler des propositions en conséquence.

Je tiens à appeler votre attention sur trois publics dont les attentes spécifiques nécessiteront d'être entendues et prises en compte. Je veux vous parler des jeunes, des femmes et des seniors.

Les jeunes générations aujourd'hui seront les premières concernées par la réforme, en tant que futurs retraités de demain. Ce sont nos étudiants, nos stagiaires nos apprentis mais aussi nos jeunes actifs, souvent à la recherche d'un premier emploi. Or, ces mêmes jeunes sont ceux qui expriment le plus d'inquiétudes et d'incompréhensions vis-à-vis du système de retraite actuel et de la réforme à venir.

Rebâtir la confiance dans notre système de retraite ne peut se faire sans emporter celle des jeunes générations. Pour cela, nous devons être attentifs à leurs attentes spécifiques car la réalité est celle-ci : de plus en plus de jeunes, en raison de la multiplication des stages, des périodes d'apprentissage ou des intérims à la sortie des études, tardent à entrer sur le marché du travail. Les jeunes générations se constituent donc des droits à la retraite de plus en plus tardivement.

Comment prendre en compte et valoriser ces périodes de transition entre les études et le premier emploi dans une logique de solidarité et d'équité ?

Nous avons pu faire le constat au cours des auditions que les dispositifs actuels étaient peu connus et peu mobilisés. C'est notamment le cas du dispositif de rachat d'années d'études ou de stages, trop complexe et trop coûteux.

C'est pourquoi j'ai formulé deux propositions pour permettre la constitution de droits à la retraite dès les périodes de stage, tout en veillant à ne pas pénaliser financièrement les stagiaires. Premièrement, en assujettissant aux cotisations sociales patronales les gratifications versées aux stagiaires. Deuxièmement, en incitant les employeurs à cotiser au-delà, sur la base d'une assiette équivalente à un SMIC temps plein.

La solidarité du système de retraite trouve aussi une traduction singulière en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne pouvions aborder la réforme sans nous interroger sur la place des femmes dans le cadre du futur régime. Bien des attentes reposent sur le système de retraite pour corriger les inégalités de pension entre les femmes et les hommes. N'oublions pas que l'essentiel de ces inégalités est le fruit des inégalités et des dysfonctionnements du marché du travail.

Nous ne pouvons raisonnablement attendre ainsi d'un système de retraite qu'il résolve toutes ces inégalités. Pour autant, il en prend sa part, notamment grâce aux pensions de réversion. Alors que les pensions en droit direct des femmes sont inférieures de 40 % à celles des hommes, les pensions de réversion permettent d'abaisser cet écart à 25 %.

Tout en veillant à préserver le caractère solidaire et redistributif de notre système de retraite, deux évolutions permettraient de rendre le système plus juste et davantage en adéquation avec les évolutions de la société. Premièrement, le bénéfice de la pension de réversion pourrait être étendu aux conjoints pacsés. La restriction des pensions de réversion aux seuls couples mariés est déconnectée à la fois de la réalité des unions en France et de la logique actuelle des pensions de réversion. Alors qu'elles relevaient autrefois de l'obligation civiliste de secours au sein du couple, les pensions de réversion sont devenues un mécanisme de solidarité à part entière. Une seconde évolution est souhaitable : l'attribution d'une majoration de points par enfant identique, quel que soit le niveau de rémunération. Faire le choix de l'attribution plafonnée de points forfaitaires dès le premier enfant, c'est faire le choix de deux transferts : un transfert des plus hauts revenus vers les bas revenus et un transfert des familles nombreuses vers les familles moins nombreuses, qui représentent d'ailleurs la très grande majorité des situations.

Enfin, la réforme annoncée aura pour objet de se saisir de la question des seniors et de leur maintien ou retour en emploi.

La France se caractérise par un taux d'emploi des seniors, plus faible que chez nos voisins ; il se situe à 52 % pour les 55-64 ans. En parallèle, les dispositifs de transition emploi-retraite tels que le cumul emploi-retraite ou le dispositif de retraite progressive sont très peu mobilisés.

Comment donc articuler les objectifs qui relèvent du marché du travail avec ceux assignés au futur système de retraite ? Deux propositions formulées dans la restitution viennent apporter une réponse à cet enjeu.

D'une part, je propose d'instaurer un système de bonus-malus, modulé selon la taille de l'entreprise, pour encourager l'embauche des seniors et faire supporter directement par l'entreprise le coût lié à leur licenciement. Les cotisations d'assurance chômage d'un salarié de plus de 55 ans seraient allégées ; à l'inverse, le coût de la mise hors emploi d'un salarié de plus de 55 ans serait alourdi par une contribution supplémentaire.

D'autre part, pour inciter au recours au cumul emploi-retraite qui permet de cumuler les revenus d'activité et les pensions intégrales ou écrêtées, il est proposé de rendre les cotisations acquises au titre du cumul emploi-retraite, génératrices de droits.

L'attention portée à ces trois publics que sont les jeunes, les femmes et les seniors légitime la dimension solidaire du système de retraite autant qu'elle interroge. Comment améliorer demain les redistributions opérées par notre système de retraite et par quels leviers les financer, dans une enveloppe constante ? Comment recentrer également notre système de retraite sur son objectif premier de garantie d'un niveau de vie décent ?

Pénibilité, égalité entre les femmes et les hommes, compensation de la perte d'autonomie, soutien de la natalité, emploi des seniors, l'ensemble de ces politiques publiques ont-elles vocation à relever du système de retraite plutôt que du marché du travail ou de la politique familiale ? Je n'en suis pas convaincue. Ce sont autant de questions qui nourriront nos débats jusqu'à la discussion du projet de loi et qui devront garantir la justice et l'équité de notre futur régime universel. C'est à cette condition que la confiance des Français dans notre système de retraite pourra être retrouvée. C'est à cette condition que nous construirons le système universel par répartition du XXIe siècle. Je vous remercie.

M. Belkhir Belhaddad. Madame la présidente, chère Corinne Vignon, mes chers collègues, le groupe de la République en Marche, salue la qualité des travaux réalisés par le groupe transpartisan créé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sous votre présidence, madame Vignon, qui ont permis d'enrichir les débats sur les enjeux de cette réforme des retraites.

Cette réforme des retraites est d'abord une refondation absolument nécessaire et voulue par les Français. Ensuite, elle est une méthode ouverte à l'ensemble des parties prenantes, mise en place avec les organisations syndicales d'employeurs et de salariés, une mobilisation citoyenne forte et forte de l'investissement des parlementaires à travers ce groupe de travail.

Quels sont les principes qui guident notre groupe et nos axes de réflexion ?

D'abord, la force de la réforme envisagée tient en ce qu’elle insiste sur la solidité des droits de retraite. Plusieurs principes fondamentaux guident notre groupe pour rétablir cette confiance que vous avez évoquée, madame la présidente : un système plus lisible et transparent, à l'équilibre dès sa création et dont le pilotage est effectif avec des droits attachés à la personne et non plus simplement au statut ou à la profession ; enfin, elle garantit aux jeunes actifs qu’ils ne seront pas sacrifiés.

Au-delà de ces principes, notre groupe souscrit à la nécessité de repenser la compensation des carrières heurtées ou interrompues, notamment pour corriger davantage les inégalités de retraite entre les sexes et au sein du couple et à la volonté de prendre en considération les carrières longues et la pénibilité ou encore de s'interroger sur la prise en compte des périodes de stage des jeunes.

L'articulation entre le marché du travail et la retraite est un sujet essentiel pour la réussite du futur système universel de retraite.

Pour conclure, cette transformation du système de retraite vers un système universel répond à une attente importante de clarté et de justice pour les Français. C'est également l'un des engagements forts de campagne du Président de la République. Notre groupe souhaite mener cette transformation avec soin et méthode, dans l'écoute permanente de tous. Ensemble, nous travaillons pour l'avenir ; ensemble, nous aurons le sens des responsabilités qui nous incombent.

M. Stéphane Viry. Je m’exprimerai au nom du Groupe Les Républicains.

Nous voilà à la restitution du groupe de travail ayant vocation à rassembler des éléments, des observations, des recommandations et des craintes sur la réforme du système de retraite.

J’ai noté, madame la présidente Vignon, vos recommandations personnelles. Il va de soi à ce jour et à cet instant que nous sommes dans l’attente de connaître le projet de loi pour aborder la technicité et les arbitrages qui pourront être faits.

Sur un tel sujet, l’idée d’un consensus national serait opportune. Je m’en explique.

Les retraites, chacun ici le sait, sont un élément essentiel, voire fondamental, de notre pacte social. Si quelque chose doit faire corps avec la Nation et assurer une cohésion sociale, c’est bien le régime des retraites. Nous y sommes très attachés. Il serait opportun que l’assentiment de la Nation porte sur ce thème.

Ma seconde observation sur ce consensus a trait à la continuité. Rappelez-vous que l’article 16 de la loi Wœrth de 2010 entraînait ce système de réforme vers une réforme systémique. Nous sommes favorables à la continuité des réformes. Toutefois, nous nous interrogeons sur l’équilibre financier car selon les derniers éléments du Conseil d’orientation des retraites (COR), l’équilibre financier ne sera pas restauré, ce qui impliquera obligatoirement de prendre des décisions. Il nous faudra également prendre des décisions sur le leitmotiv « travailler plus » qui implique que nous cotisions plus longtemps, qui suppose des arbitrages forts et lisibles en termes d’âge légal de départ à la retraite et surtout la capacité laissée à chaque Français de choisir le moment de son départ à la retraite et son mode de financement comme il se doit. La retraite doit être empreinte d’un esprit de responsabilité.

Le dernier élément de réflexion tient dans la part des retraites à hauteur de 14 % dans le produit intérieur brut. À un moment où l’on veut maîtriser les dépenses publiques, cette question mérite d’être évoquée dans les débats à venir.

M. Brahim Hammouche. Au nom du Mouvement démocrate, je remercie Mme la présidente Vignon de s’inscrire dans la démarche de M. Delevoye, en ayant organisé un groupe de travail transpartisan, pratique suffisamment rare pour être relevée et qui a l'intelligence de souligner les points de convergence de l'ensemble des représentants de la Nation, au premier rang desquels figure la solidarité.

La solidarité apparaît, en effet, comme l'axe, le point d'acceptabilité de la réforme, autant que son cœur battant qui résonne avec les premiers messages portés par le Conseil national de la Résistance au sortir de la guerre et notre soif de cohésion nationale.

Dans cette optique, notre système de retraite, comme il l’est déjà pour partie mais insuffisamment, devra mieux et parfois plus redistribuer pour rendre le système plus simple, plus transparent et plus juste. Tel est le sens de vos propositions, que nous partageons. Je m'attacherai cependant à vous faire part de quelques points de vigilance du MoDem.

Tout d'abord, la question de l'harmonisation des droits familiaux, aujourd'hui éclatés et inéquitables, ne peut ignorer l'enjeu nataliste ; il devra prioritairement viser la compensation des carrières interrompues en raison de la naissance ou de l'éducation d'un enfant ou de la prise en charge comme étant une personne en perte d'autonomie ou handicapés.

La refonte des droits familiaux que nous souhaitons à la hausse et des pensions de réversion devront revisiter le distinguo obsolète entre les régimes de mariage – le Pacs, le concubinage. Il paraît indispensable de clarifier le système de réversion pour être plus juste et plus transparent.

Le nouveau système doit permettre de maintenir et de faciliter l'accès au dispositif de départ précoce pour les carrières longues ou pénibles de ceux qui ont commencé à travailler tôt ou dans des activités à risque en raison du rythme atypique de travail ou de leurs conditions d'exercice. Je pense, par exemple, aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers, aux policiers et militaires, aux surveillants pénitentiaires.

Si un âge pivot devait être acté, il doit être corollé à des mesures de maintien dans l'emploi des seniors, comme en Suède, et de lutte contre les discriminations liées à l'âge. Rappelons qu'après 50 ans, la moitié des assurés connaît des fins de carrière heurtées. Au cours de l’année précédant la retraite et l'année de retraite, 40 % des assurés n'ont pas d'activité professionnelle.

Enfin, cette réforme systémique visant actuellement à pérenniser notre système de retraite, notamment dans son financement, devrait aussi considérer des paramètres plus qualitatifs comme l'espérance de vie en bonne santé. La réforme des retraites devra, en effet, tenir compte de l'espérance de vie sans incapacité qui reste en France en dessous de la moyenne européenne, à 64,9 ans pour les femmes et à 62,6 ans pour les hommes.

M. Joël Aviragnet. Je m’exprimerai au nom du Parti socialiste. Le Haut-Commissaire présentera au Gouvernement dans les prochaines semaines les résultats de la concertation. Cependant, le Gouvernement avance en dehors de toute concertation le principe d’un âge pivot d'équilibre de départ à la retraite, distinct de l'âge légal et assorti d'un mécanisme de bonus-malus.

Cette façon de faire, comme la proposition elle-même, interroge, d'autant qu'en dépit de l'annonce d'une réforme systémique, le Gouvernement a, via la hausse de la CSG ou la désindexation des pensions, pris d'ores et déjà des mesures paramétriques. Il est donc à craindre que la réforme soit essentiellement guidée par des considérations budgétaires. Or cette réforme, bien qu'elle ne soit demandée par personne et que sa nécessité n'est pas acquise, doit prendre en compte de nombreuses injustices et inégalités que notre système actuel de retraite porte.

À ce stade, demeurent donc essentiellement des inquiétudes et des questions : comment sera fixée la valeur du point ? Y aura-t-il un minimum garanti ? Quel sera à l'âge de départ effectif à la retraite ? Comment seront prises en compte les carrières hachées ? Qu'en est-il de la prise en compte des droits familiaux, de la pénibilité et quel sera l'avenir des pensions de réversion ? Enfin, s’agissant des fonctionnaires, comment les primes seront-elles prises en compte ?

M. Paul Christophe. Permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité de vos travaux, madame Vignon, et du rapport que vous nous présentez ce matin. Ce travail synthétique, fruit de nombreuses auditions, présente un certain nombre de propositions qui pourraient nous être très utiles dans les mois à venir.

La présentation de la réforme des retraites est, en effet, imminente puisque le Haut-Commissaire, M. Jean-Paul Delevoye, devrait formuler ses recommandations courant juillet. Cette réforme, promesse présidentielle, devrait consacrer le principe d'une retraite universelle où chaque euro cotisé ouvrirait les mêmes droits.

En amont du projet de loi qui nous sera soumis, il était donc important que notre commission anticipe ces débats et soit force de proposition. Votre tâche n'était pas aisée dans la mesure où nous ne disposons pas encore d'un projet de loi concret sur lequel travailler. Ce manque de matière évident ne vous a toutefois pas empêchée de formuler dix-huit propositions, dont certaines ont plus particulièrement retenu notre attention. Je songe notamment aux propositions 5 et 6 en faveur des proches aidants. Je souscris à votre volonté d'indemniser ce congé des proches aidants. Il s’agit d’une proposition que je soutiens depuis bientôt deux ans au sein de notre commission. Une proposition de loi a d’ailleurs été déposée en ce sens dès 2017, que j'ai défendue à nouveau en décembre dernier. La proposition de loi sur la reconnaissance des proches aidants a été rejetée par la majorité au motif d'une loi imminente – que nous attendons encore !

Concernant votre proposition n° 6, vous suggérez de rehausser le plafond des trimestres pour majorer la durée d'assurance des proches aidants de personnes en situation de handicap lourd, sous le contrôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

En l'état, cette mention de handicap lourd me paraît discriminante. La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement propose une définition unique du proche aidant. J'ai du mal à comprendre comment nous pourrions, demain, sectoriser sans risquer de discriminer certains proches aidants. À quel endroit poser le curseur sur la lourdeur du handicap ? Cette proposition appelle donc des précisions de votre part.

Je souhaiterais également vous interroger plus largement sur un point qui doit susciter la vigilance de notre commission. Ne craignez-vous pas que la future réforme n'aboutisse à un piège entre un système universel par points et un système assurantiel qui bénéficierait alors seulement aux plus aisés ?

Enfin, vous nous faites profiter de vos éclairages sur un certain nombre de dépenses sans évoquer les pistes de financement concernées. Comme vous le savez, c'est souvent le reproche qui nous est adressé. Aussi, pourriez-vous nous éclairer sur le financement de ces dispositifs, nous éclairer sur votre mission et sur la question de l'allongement de la durée de cotisation ?

M. Adrien Quatennens. Au nom de la France Insoumise, je remercie Mme Corinne Vignon et l’ensemble du groupe qui nous présentent ce rapport. Je le dis d’autant plus volontiers que d’autres travaux m’ayant tenu à distance de ce groupe de travail, j’apprécie le travail exhaustif réalisé par ce rapport.

L’âge de départ à la retraite pose la question de l’emploi et du chômage aux deux extrémités de la vie active. D’un côté, des jeunes qui ont des difficultés à s’insérer sur le marché de l’emploi, de l’autre des seniors qui parfois, à plus de soixante ans et alors qu’ils ont pour la majorité d’entre eux 40 annuités, sont maintenus au chômage avec toutes les difficultés que cela suppose en termes de retour à l’emploi.

Deux arguments d’autorité sont souvent servis par le Gouvernement qui justifieraient cette réforme des retraites. Le premier, vous le connaissez, dans la mesure où nous vivons plus longtemps, il faudrait travailler plus longtemps alors que précisément c’est parce que l’on travaille moins longtemps dans la semaine et dans la vie que l’espérance de vie en France a augmenté. Selon le second argument, 42 régimes de retraite étant un élément de complexification, il conviendrait de simplifier le système. Nous avons vu ce que donnait la simplification du code du travail, de l’école, de l’hôpital public, de l’assurance chômage. Aussi émettons-nous quelques réserves sur le sens de la simplification. La retraite par points ne signifie pas plus de visibilité pour les futurs retraités. Au contraire, dans la mesure où la valeur du point pourra être modulée au cours de la carrière, la retraite par points ne permettra pas de connaître le montant de la pension au moment de la retraite.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait qu’instaurer un âge pivot de 64 ans revient à reculer sans le dire l’âge de départ à la retraite à 64 ans en créant les conditions pour que l’âge légal de 62 ans ne soit plus que théorique.

En outre, l’idée selon laquelle une retraite par points qui permettrait à tous de partir de la même ligne de départ en accumulant des points dans sa besace serait par nature égalitaire n’est pas vérifiée dans la mesure où M. Delevoye nous dit que la valeur du point pourrait être fonction de l’espérance de vie de la génération en cours. Au sein d’une même génération, des écarts d’espérance de vie persistent. Entre les 5 % les plus riches de ce pays et les 5 % les plus pauvres, l’écart est de treize années d’espérance de vie. Entre les cadres et les ouvriers, l’écart est en moyenne de six ans. À cette heure, toutes ces questions ne sont pas résolues et font donc tomber l’essentiel des arguments qui justifient cette réforme des retraites selon le Gouvernement.

Mme Jeanine Dubié. Au nom du Groupe Libertés et territoires, je vous remercie, Madame la présidente du groupe de travail. J’ai compris que vous vous exprimiez à titre personnel et c’est à titre personnel que je vous adresserai mes plus sincères remerciements pour la qualité du travail que nous avons pu mener, le respect que vous avez eu des oppositions et pour la place que vous nous avez laissée afin que nous puissions participer pleinement aux travaux et interroger les personnes auditionnées. Sur le plan de la méthode, je voulais vous saluer publiquement.

Je m’associe à un certain nombre de mesures que vous proposez dans votre rapport. Nous voulons tous que le régime des retraites reste un système par répartition, solidaire, redistributif, que les aléas de la vie sur le plan des droits conjugaux et familiaux, les aléas de carrière, la pénibilité, les carrières longues soient pris en compte. Il me semble toutefois que nous avons insuffisamment travaillé la notion de la gouvernance et du pilotage. Pour le groupe Libertés et Territoires, la présence des partenaires sociaux dans la gouvernance et le pilotage de ce nouveau système sont essentiels. En tout cas, notre groupe ne soutiendra pas une réforme d’inspiration jacobine, fondée sur un système de retraite totalement étatisé. À cet égard, avez-vous pu recueillir quelques éléments auprès du Gouvernement ? En tout cas, sachez que la place des partenaires sociaux, voire des parlementaires, nous semble indispensable au sein de la gouvernance et du pilotage. Il convient en effet de fixer la valeur du point et d’en déterminer les modalités. Sera-t-il gelé par une formule mathématique ou bien pourra-t-on l’amender ? Les droits, les taux cotisations, etc., l’ensemble de ces points doivent être clarifiés et les partenaires sociaux associés.

Enfin, le système ne fonctionnera que s’il suscite la confiance, plus particulièrement des jeunes générations qui, lors des auditions, ont exprimé leur inquiétude sur la pérennité du système.

En conclusion, nous restons très interrogatifs sur la forme finale de ce dispositif puisqu'on ne la connaît pas.

Merci, madame la présidente, de nous avoir permis de poser toutes ces questions.

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais remercier et féliciter Mme la présidente Vignon pour le travail important qui a été accompli et qui se traduit par un rapport intéressant qui, je l'espère, ne restera pas lettre morte. Ainsi que je vous l'ai déjà dit, je pense qu'il faudra le médiatiser plus largement. Un large éventail d'auditions a été réalisé, c’est un travail que l’on ne peut négliger.

Mon collègue Viry s'est exprimé sur l'essentiel de ce que Les Républicains souhaitent pour cette réforme des retraites. J’émettrai, quant à moi, quelques inquiétudes ou quelques observations.

D'abord, quid des réserves de trésorerie des caisses complémentaires, en particulier des caisses complémentaires des professions libérales qui sont importantes ? Ces réserves reviendront-elles aux cotisants où iront-elles dans une caisse générale ? C'est une question majeure. Certains pensent même que leurs pensions seront réduites.

Quant à la question des agriculteurs, je pense qu’elle est insuffisamment étayée dans votre rapport. Il faut donc l’approfondir et alerter sur les retraites extrêmement faibles du monde agricole.

La comparaison entre les retraites du public et du privé n’est pas évoquée, la retraite des agents de la fonction publique prenant en compte les six derniers mois et le privé les vingt-cinq meilleures années. La question devrait être posée au Haut-Commissaire pour savoir selon quelles modalités on peut se mettre à égalité dans cette réflexion.

La question de la pénibilité ne doit pas être une usine à gaz, comme cela a été évoqué parfois par certains. Il faut promouvoir une réforme pragmatique et réfléchir au mode de rétribution des métiers les plus pénibles, mais sans complexité inutile.

Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais ajouter à ce rapport, que je trouve très intéressant et qui doit servir de base aux débats à venir.

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Je vous remercie tous pour les compliments que vous m’avez adressés concernant ce rapport. Comme vous l’avez compris, il ne s’agit pas d’un rapport au sens strict du terme, mais d’une contribution.

Monsieur Viry, vous avez raison, l'article 16 de la loi de M. Wœrth précisait qu'il fallait une réforme systémique. Je suis d'accord avec vous, il convient rechercher le consensus national. C’est la raison pour laquelle d'ailleurs M. le Haut-Commissaire travaille depuis dix-huit mois et que nous avons mis en place ce groupe de travail transpartisan.

Laisser le choix de l'âge de départ est parfaitement compatible avec un système de retraite à points. Un débat s'engagera sur une éventuelle décote mais tout n'est pas inscrit dans le marbre et je compte sur notre activité parlementaire pour que les différents éléments soient clarifiés.

Le poids des retraites dans le PIB représente 14 % en France contre 11 % ou 12 % dans d’autres pays. Cela dit, nous attachons une attention particulière au niveau des retraites en France. Faudra-t-il toucher à ces 320 milliards ? Je ne suis pas certaine mais en tout cas il faudra conserver les 60 milliards relatifs à la solidarité. Cela me paraît évident, c'est le choix d'un système extrêmement socialisé.

Monsieur Belhaddad, je tiens à vous remercier de votre participation active à ce groupe de travail. Toujours présent, vous posiez des questions extrêmement intéressantes aux partenaires.

Monsieur Hammouche, la solidarité est bien un point d'acceptabilité de cette réforme.

Sur l'harmonisation des droits familiaux, qui sont essentiels pour les femmes, je rappelle les propositions qui ont été faites : l'attribution des points forfaitaires, l'ouverture des pensions de réversion au Pacs, la vigilance portée à la possibilité de rééquilibrer les pensions de réversion, les revenus des femmes étant de 40 % inférieurs à ceux des hommes. J’ajouterai le maintien dans l'emploi des seniors, le dispositif du cumul emploi, le bonus-malus. Trois fois oui, grande vigilance ! J'espère qu'après cette réforme des retraites, une loi nous poussera à travailler spécifiquement cette incitation à l'emploi des seniors ; en tout cas, j’y serai personnellement extrêmement attentive.

Monsieur Aviragnet, vous avez déclaré que la réforme était guidée par les considérations budgétaires. Non, le Président de la République a annoncé que l'enveloppe serait constante, la réforme ne répond pas à une mesure d'économie. J’illustrerai mon propos d’une image. Aujourd’hui, nous avons un terrain avec une maison qui comprend 42 appartements ; l'objectif est de les supprimer pour en faire un grand loft. Voilà pour l'idée générale. Nous sommes bien conscients qu'il faudra du temps pour y parvenir.

Les futurs paramètres ne faisaient pas l'objet du groupe de travail. J'aurais aimé que vous formuliez quelques propositions pour alimenter la réflexion car c'est en débattant et en confrontant nos idées que nous pourrons parvenir au consensus que M. Viry et moi-même appelons de nos vœux.

Monsieur Christophe, vous avez soulevé la question du soutien à l'indemnisation du congé des proches aidants ; nous l’appelons de nos vœux. À cet égard, je tiens à saluer le travail effectué dans votre proposition de loi. Je sais que vous travaillez depuis longtemps sur ce thème et vous comme moi y sommes très attentifs.

J’en viens au handicap lourd et à la majoration de durée d'assurance. Aujourd'hui, le handicap à 80 % est soutenu par une majoration de huit trimestres, ce qui me paraît un peu faible. Huit trimestres alors que l’on a un enfant atteint d’un handicap qui se poursuivra tout au long de sa vie me semblent insuffisants.

Quid des pistes de financement ? Nous sommes attachés à l'équilibre budgétaire et à la soutenabilité du régime de retraite. Notre travail a été voulu à enveloppe constante. Au vu des contraintes budgétaires, je ne pense pas qu'augmenter la part des retraites dans le PIB soit, à ce jour, une solution envisageable.

L'allongement de la durée de cotisation, en effet, n'a pas fait l'objet des auditions du groupe de travail ; le débat aura lieu lors de l'examen du projet de loi. Nous sommes très attachés à l'âge de départ à la retraite à 62 ans.

Monsieur Quatennens, vous mettez en avant les difficultés des jeunes et des seniors. Vous et moi, comme l'ensemble du groupe de travail, avons identifié les mêmes priorités et la nécessité d'agir sur le taux d'emploi des seniors qui reste inférieur en France de 10 % à celui de nos voisins de l'OCDE. Il faudra consentir de gros efforts et comme je le disais tout à l'heure à M. Hamouche, après ce projet de loi sur les retraites, un projet de loi sur l'emploi des seniors est attendu.

Nous devons insister sur l'espérance de vie en bonne santé qui est inférieure en France à celle de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. Cela implique de porter une attention renforcée à la prévention et à la pénibilité. L'espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 10,5 ans pour les femmes, ce qui nous mène à 75,5 ans, et à 9,4 ans pour les hommes. La nécessité de renforcer la politique de prévention de la pénibilité et de soutenir l'accompagnement des personnes âgées dépendantes fait référence à la future réforme sur la dépendance, qui je l'espère, arrivera en 2020.

Madame Dubié, merci de votre présence et de votre participation active au groupe de travail. Ce fut un réel plaisir de travailler avec vous.

Vous avez raison, il nous faudra être vigilants à la gouvernance et au pilotage. De mon point de vue, l'État devra piloter en accord et en participation avec les organisations syndicales, qui, à ce jour, ont prouvé leur efficacité de pilotage du régime Argic-Arco. En l'absence du projet de loi, le groupe de travail a fait le choix de ne pas aborder cette question, mais nous allons nous interroger dès la présentation de la réforme.

Les jeunes générations sont inquiètes. Vous avez entendu leurs inquiétudes ; je serai également très attentive à leurs préoccupations, qui sont relayées par les syndicats étudiants que nous avons auditionnés ensemble. Il convient d’améliorer l'information et la prise en compte des années de stage pour renforcer la confiance des jeunes envers le système.

Monsieur Door, j’ai auditionné des représentants des syndicats, des avocats, des experts-comptables qui sont très inquiets sur leurs réserves. L'ensemble des réserves, réserves de l'Agirc-Arrco comprises, représente 160 milliards d’euros. J'espère que les organisations syndicales et les caisses de retraite ne pensent pas que l’on utilisera leur réserve pour combler des déficits éventuels. J’espère que ces réserves permettront un nivellement pour les revenus les plus faibles et que, petit à petit, les personnes qui aujourd'hui cotisent à 14 %, à 7 % ou à 20 % ne ressentiront que de manière très limitée l'augmentation des cotisations à 28 %. Je souhaite que les réserves soient utilisées en ce sens.

Nous avons rencontré les représentants de l'Association nationale des retraités agricoles de France (ANRAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Un consensus se dégage sur la nécessité de revoir les pensions à la hausse. La retraite moyenne d'un exploitant agricole à carrière complète s’élève à 855 euros, ce dont nul ne peut se satisfaire. Il faudra travailler sur ce point. Le Président de la République a souhaité que les pensions atteignent un niveau minimal de 1 000 euros. Il conviendra de privilégier les personnes qui ont travaillé dur, de sorte que les minima de pension ne soient pas inférieurs au minimum vieillesse ainsi que c’est le cas actuellement.

S’agissant de la pénibilité, le constat des dispositifs antérieurs, qu'il s'agisse de celui de 2010 ou de 2014, est un échec partagé. Il est nécessaire de s’interroger sur l'articulation entre les retraites et le marché du travail.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Merci, madame la présidente du groupe de travail, la qualité à la fois de la conduite du groupe et des travaux qui nous sont ici présentés sont d’une qualité unanimement reconnue. Nous vous en sommes tous reconnaissants.

Je sais que vous avez parcouru beaucoup de kilomètres sur le terrain, que vous avez rencontré de nombreux habitants et différentes personnes assujetties aux 42  régimes évoqués. J'aurais aimé un retour sur ce périple. Quelles sont les inquiétudes majeures ou les réticences qui vous ont été exposées au cours de ces rencontres mais aussi les espérances fortes, les points positifs de clarté et de justice ?

Enfin, dans la mesure où le monde rural me touche très particulièrement, je voudrais savoir si vous avez pu échanger avec les agriculteurs.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame la rapporteure, chers collègues, nous apprenons ce matin par la presse le possible report de la réforme des retraites. Quand, pourquoi, comment ? Pouvez-vous nous apporter des informations ? S’agit-il d'un manque de courage sur le recul de l'âge légal du départ à la retraite, dont il faut bien informer les Français puisque l’instauration d’un âge pivot assorti d’une possible décote reviendra, il faut le dire clairement, à la baisse des pensions ?

Je voudrais maintenant intervenir sur certaines catégories de personnes dont je mesure l'inquiétude, à savoir les retraités de l'artisanat et du commerce qui ont des carrières longues, des pensions peu élevées et qui sont en attente d'une demande de revalorisation de leur pension et d'un montant minimum. Je voudrais également évoquer les agriculteurs qui perçoivent une pension de quelque 750 euros après une carrière complète. Une proposition de loi sur la revalorisation des retraites agricoles avait été adoptée par l’Assemblée nationale à l'unanimité et par le Sénat. Elle a été repoussée par le Gouvernement. Quelle vision, quelles propositions pour les agriculteurs afin qu'ils vivent au-dessus du seuil de pauvreté, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ?

Je voudrais maintenant évoquer l'égalité entre les hommes et les femmes. La pension de réversion semble menacée. Avez-vous des informations à nous livrer ? Les propos tenus par M. Delevoye sont susceptibles de nous inquiéter.

Enfin, je voudrais évoquer l'avenir des artistes-auteurs, car dans l'optique d'une suppression des régimes spéciaux, quel scénario sera envisagé : hausse des cotisations ou baisse de leur retraite ? Avez-vous étudié cette situation dans le cadre de vos travaux ?

Je veux vous dire combien nous apprécions le travail qui est mené. Nous souhaiterions effectivement trouver une cohésion autour de la réforme des retraites, avec la volonté de défendre nos concitoyens, confrontés à 42 régimes qui divisent à la fois sur les règles et sur l’avenir des bénéficiaires.

M. Julien Borowczyk. Madame la présidente, je veux vous remercier pour ce travail de fond et d'ouverture. Contre toute attente, ma question portera plutôt sur les carrières courtes, les professions médicales en particulier. Plus qu'une question, je voudrais surtout abonder dans votre sens. J'ai lu avec intérêt que vous souhaitiez mettre en avant une cotisation pour les stagiaires. Par ailleurs, pour les études de médecine qui sont longues et les carrières courtes sur le plan des cotisations, quel dispositif pourrait-on envisager pendant le temps de l'internat qui dure entre trois et cinq ans, voire six ans ? Dans la mesure où il s’agit d’un statut mi-travailleur, mi-stagiaire, il conviendrait éventuellement d’engager une réflexion, voire une réforme.

M. Thierry Michels. Chère Corinne Vignon, je veux avant tout vous remercier pour la qualité du travail réalisé par le groupe que vous avez présidé et l'engagement de nos collègues sur ce sujet absolument essentiel de la mise en œuvre du système universel de retraite. Ce groupe s’est inscrit dans le sens de la co-construction qui préside à ce travail depuis maintenant plus de dix-huit mois, sous l'égide du Haut-Commissaire Delevoye.

Cette réforme présente un défi majeur, celui de bâtir sans déconstruire, et je voudrais d'abord m'assurer auprès de vous de notre vigilance quant au maintien des conditions d'accès à la retraite des personnes handicapées à 55 ans et à hauteur de 50 %.

Je veux prolonger cette réflexion sur la situation des personnes en situation de handicap et des proches aidants. Vous avez insisté sur la volonté du groupe de travail de ne pas négliger les aspects de solidarité et proposé que le plafond des trimestres pour la majoration des durées d'assurance des aidants de personnes en situation de handicap lourd soit rehaussé – c'est votre proposition n° 6. Cela m'amène à une interrogation sur une situation juridique actuelle surprenante. Qu’entend-on par les termes « handicap lourd » ? En effet, depuis la loi du 20 janvier 2014, ne serait-ce que pour accéder à la possibilité d’obtenir une majoration d'un trimestre de retraite supplémentaire pour trente mois consacrés à assister un proche, la prise en charge doit, bien sûr, être permanente mais ne concerne que le cas où le taux d'incapacité du proche est d’au moins 80 %, autrement dit lorsque la déficience est telle que les actes élémentaires de la vie quotidienne ne peuvent être accomplis seul. Dès lors, pourquoi vouloir rehausser le nombre de trimestres pour majoration ? Ne pensez-vous pas que ce taux d'incapacité pourrait être revu ? Certes, le taux d'au moins 95 % correspond à une perte totale d'autonomie mais il n’est pas réducteur. Faire le choix d'accompagner un proche lorsqu'il est atteint d'un handicap autour de 50 % ne pourrait-il pas être pris en compte dans le cadre de la retraite et ne pourrait-il pas s'inclure dans la logique du texte ?

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Madame Tamarelle-Verhaeghe, dans le cadre de mes fonctions d’ambassadrice de la réforme des retraites, j’ai organisé 22 ateliers, j’ai fait un tour d’Occitanie, j’ai pu me rendre sur tous les marchés et rencontrer la population.

Les inquiétudes portent sur la valeur du point, sur un éventuel plancher du point qui ne pourrait être franchi et sur la pension de réversion. Ce sont là les trois thèmes qui reviennent régulièrement.

À cet égard, se pose la question de la situation réelle et de la situation perçue. La population pense qu’il existe des privilégiés et des abandonnés. Le nouveau système de retraite permettra de rééquilibrer la vision des personnes dans le sens de l’égalité. « Nous serons tous égaux », telle est la phrase qui revient régulièrement.

Les agriculteurs ont tous entendu les annonces du Président de la République et me disent que, depuis dix ans qu’ils sont à la retraite, ils ne perçoivent que 500 ou 800 euros de retraite. L’article 2 du code civil dispose que la loi n’a pas d’effet rétroactif et qu’elle ne dispose que pour l’avenir. Ce n’est pas le nouveau système de retraite qui pourra résoudre cette problématique.

Monsieur Perrut, comme vous, j’ai appris la nouvelle ce matin dans Les Échos. Je dois dire que cela ne m’a pas fait totalement plaisir ! Il serait question de reculer la réforme des retraites, de procéder via une loi cadre, qui appelle des décrets. Les personnes en charge des retraites devront être extrêmement vigilantes et suivre le dossier attentivement.

S’agissant de la décote, il faut bien comprendre que c’est une question de langage. Aujourd’hui, il existe une décote dans la mesure où est posé l’âge légal de 62 ans, la décote étant de 1,25 % par trimestre. Si demain, un âge d’équilibre ou un âge pivot était fixé, la situation serait la même, si ce n’est que le calcul interviendrait sous la forme de points et non de trimestres. Précisons s’agissant de la décote que l’idée, bien évidemment, n’est pas de réduire la pension de retraite. Je vais donc dans votre sens.

Le régime des artistes-auteurs n’a pas été étudié au cours de nos auditions. Cela dit, hier encore, j’ai rencontré les représentants du syndicat national des artistes auteurs (SNAC) et les représentants de leur caisse de retraite. 240.000 personnes sont concernées dont les revenus malheureusement sont très fluctuants. Seuls 2 000 auteurs touchent des revenus atteignant trois fois le plafond.

Les artistes-auteurs sont donc plutôt en difficulté financière et touchent un revenu annuel variant entre zéro et 9 000 euros. Ils ont également souvent deux revenus. Mais il faudra être très vigilants parce que ce sont des personnes qui cotisent peu. Le mécanisme de solidarité, qui est d’ailleurs à l’œuvre à l’heure actuelle, devra être préservé car les artistes-auteurs sont le patrimoine de la France.

Les pensions de réversion ne sont pas menacées. Il existe aujourd’hui treize régimes de pension de réversion, l’idée étant de n’en constituer qu’un seul. Les revenus des femmes sont inférieurs de 45 % à celui des hommes. Les pensions de réversion permettant de rétablir ces écarts, il faut donc impérativement les maintenir. C'est ainsi que je voudrais renforcer le dispositif en permettant aux personnes pacsées de toucher des pensions de réversion.

Monsieur Borowczyk, je vous rejoins entièrement sur la question des carrières courtes et des études longues, telles celle des médecins et des ingénieurs. Les étudiants et les internes hospitaliers aujourd’hui cotisent obligatoirement. Mais les personnes qui font des études longues comme les personnes en stage devraient cotiser par l’intermédiaire de leur employeur. Aurons-nous les moyens d’accorder des points gratuits aux étudiants qui poursuivent des études longues ? La question se pose, mais je vous rejoins : il serait très dommageable de ne pas le faire.

Monsieur Michels, s’agissant de la retraite anticipée, nous proposons de maintenir et de renforcer le droit des aidants.

Pour le handicap lourd, 95 % correspondent à une perte totale d’autonomie. Vous proposez une prise en compte lorsque le handicap est de 50 %, pourquoi pas, mais cela nécessite de financer cet élargissement ; quid de la hausse des coûts ? À ce jour, cela paraît un peu compliqué, mais j’abonde dans votre sens.

Mme la présidente Monique Iborra. Nous lisons tous la presse, mais selon les dernières informations en notre possession, le Haut-Commissaire rendra ses conclusions, comme prévu, dans le courant du mois de juillet, qu’il transmettra aux partenaires sociaux. Ses travaux nécessitent encore des concertations. Parallèlement, le calendrier législatif est bien pourvu. Vu l’ampleur de cette réforme, Monsieur Perrut, nous ne sommes pas à une ou quelques semaines près. Nous nous en tenons donc aux informations que nous avons du Gouvernement selon lesquelles le Haut-Commissaire rendra ses conclusions mi-juillet.

Mme Annie Vidal. Madame la présidente du groupe de travail, chers collègues, nous sommes très satisfaits de cette présentation claire et synthétique qui répond à bon nombre de questions que nous nous posions.

Vous indiquez que la solidarité nationale devrait intervenir pour préserver les droits des proches aidants. Je ne peux qu'en être d'accord et je vous remercie de l'avoir précisé aussi clairement.

Pour les proches aidants, vous faites deux propositions.

L'une concerne l'indemnisation du congé de proche aidant, en faveur de laquelle le Gouvernement s'est déjà engagé. Reste à définir les modalités.

L’autre concerne les aidants des personnes en situation de handicap lourd par une majoration des trimestres. Cependant, ainsi que vous l'indiquez dans votre rapport, nombre de proches aidants sont obligés d'interrompre leur activité ou de la réduire. Ceux-là, bien évidemment, cotisent moins et potentiellement peuvent être pénalisés à la retraite ; ils n’entrent pas dans le champ des propositions qui sont faites. Ma question est extrêmement pragmatique : pensez-vous que nous pouvons encore faire des compléments de propositions pour que l'ensemble des questions relatives aux proches aidants trouvent une place dans cette proposition de loi ?

Mme Isabelle Valentin. Merci, madame Vignon, pour ce travail sur un sujet complexe et épineux qui doit amener chacun d'entre nous à une grande modestie.

Aujourd'hui, le sixième rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites démontre que le système de retraite actuel sera déficitaire à l'horizon 2022. Nous n’avons plus le choix, il faut réformer, et réformer rapidement, pour pérenniser notre système fondée sur la solidarité.

Comme l'a signalé M. Bernard Perrut, nous avons été étonnés de lire dans la presse que le projet de réforme serait reporté.

Nous sommes tous d'accord, des Français vivent les régimes spéciaux de retraite comme une profonde injustice. La réforme des retraites se traduira-elle par la suppression totale de l'ensemble des régimes spéciaux de retraite ? Comment sera prise en compte la pénibilité ? Qu’envisagez-vous pour permettre à nos agriculteurs et à leurs conjoints exploitants d'avoir des retraites décentes ? Dans mon département, ils touchent 730 euros, donc des retraites qui se situent en dessous du seuil de pauvreté. Quelle place au dialogue social avec les syndicats patronaux et salariés ?

Le statut des auto-entrepreneurs pose difficulté car ces personnes connaîtront des problèmes de retraite dans trente ans.

S’agissant des pensions de réversion, vous nous avez répondu.

Mme Ericka Bareigt. Madame la présidente du groupe de travail, je voudrais revenir sur un sujet qui n'a pas été abordé dans votre rapport. Il s'agit des Outre-mer. Vous avez uniquement cité la problématique de la Polynésie et l’indemnité temporaire de retraite (ITR).

Je voudrais revenir sur la situation structurellement singulière dans les Outre-mer, laquelle aurait mérité, me semble-t-il, une analyse particulière et des pistes de réflexion à la hauteur des enjeux et des inquiétudes. Pourquoi ? D'abord, parce que nous connaissons un chômage qui nous place parmi les premières régions touchées en Europe : 40 % de nos populations sont au chômage, davantage dans certains territoires. Qui dit chômage dit moins d'activité et donc fragilité pour l'avenir et les retraites.

La santé des personnes âgées qui ont été victimes du chômage est très fragile. La Réunion est classée parmi les dernières régions de France sur le plan de l’espérance de vie. Ces deux éléments structurels devraient nous pousser à engager une réflexion sur l'avenir.

Tout le monde a évoqué les inquiétudes qui pèsent sur les pensions de réversion. Il faut savoir que dans les Outre-mer et à la Réunion, 23 % de retraités touchent une pension de réversion ; 92 % sont des femmes et 62 % ne vivent que de cette seule prestation. Vous pouvez dès lors imaginer la situation que nous connaissons.

Madame la présidente du groupe de travail, je voulais appeler votre attention sur ces thèmes afin de poursuivre, s'il était encore possible, la réflexion pour que soient décidées des mesures singulières, peut-être à titre provisoire, le temps de procéder à cette transition sanitaire, économique et démographique, et afin que nous puissions raisonnablement proposer des solutions. Nous ne pouvons pas rester silencieux sur ces situations qui touchent trois millions de Français.

Mme Josiane Corneloup. Madame la présidente du groupe de travail, merci de ce rapport extrêmement complet.

Le passage d'un système à logique professionnelle constitué de quarante-deux régimes, aux règles différentes, en un système universel fondé sur des règles seront communes à tous nécessite un vrai débat national et une réelle concertation avec l’ensemble des acteurs.

Nous partageons tous le souhait d'apporter une simplification à laquelle assurés et cotisants aspirent, de garantir l'égalité de tous devant le système de retraite avec des principes lisibles et transparents.

Nous devons nous interroger sur sa soutenabilité à long terme et sur sa solidité financière. Cette réforme des retraites vise à ce que 1’euro donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé et quel que soit le statut de celui qui a cotisé.

Un certain nombre de questions restent en suspens. Le nouveau système à points que vous envisagez est censé intégrer en permanence les évolutions économiques et démographiques afin d'assurer l'équilibre financier du système de retraite, y compris lors des périodes de déficit temporaire correspondant aux mauvaises années des cycles économiques.

Ainsi la valeur du point devra-t-elle, d'une façon ou d'une autre, être indexée sur l'espérance de vie à la retraite et sur l'évolution de la productivité. En cas de déséquilibre du système, qu'en sera-t-il de la durée d'activité à prendre en compte ? Qu'en sera-t-il de la pension ? Sera-t-elle réduite ? Les pilotes du régime ne décideront-ils pas d'augmenter les taux de cotisation ? Comment appréhendez-vous ces éventualités ? Ma crainte est que ce mode de calcul ne génère une instabilité chronique.

Quid de la retraite des agriculteurs, des commerçants et des artisans dont les retraites sont extrêmement faibles alors même qu’ils ont une carrière complète ?

Enfin cette réforme de notre système de retraite doit, me semble-t-il, être également l'occasion de faire émerger de nouveaux droits, notamment pour les aidants familiaux. Quels éléments, pouvez-vous nous apporter à ce sujet ? Un statut d'aidant, est-il envisagé ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Madame la présidente, vous vous êtes attachée à évoquer la particularité de certains publics jeunes, femmes, seniors qui suppose un traitement particulier. Je souhaite, pour ma part, connaître l'avancée de la réflexion sur la situation des travailleurs précaires. En effet, si le Gouvernement est attaché à la qualité du travail et à la lutte contre la précarité qui génère de la pauvreté, nombre de nos concitoyens travaillent malgré eux à temps partiel ou très partiel. Comment pouvons-nous valoriser ces carrières, afin qu'une activité à temps partiel génère in fine une retraite plus favorable qu'un minimum vieillesse versé sans conditions d'emploi ?

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Madame Vidal, le système de retraite ne peut tout régler. Soutenir les proches aidants fera partie des actions que nous pourrons engager. Selon moi, il conviendrait de renvoyer cette question au prochain projet de loi sur la dépendance qui devra renforcer impérativement les droits des proches aidants. En tout cas, c’est ce qui est prévu.

Madame Valentin, nous ne disposons pas encore des préconisations de M. Delevoye. Il n’en reste pas moins que la tendance est à la suppression dans le temps des régimes spéciaux. On ne peut dire à un agent de la SNCF qui a signé un contrat il y a quarante ans que l’on va changer de système. Oui, l’idée finale est d’embarquer les régimes spéciaux dans le système général, mais cela prendra dix ou quinze ans après négociation avec les partenaires sociaux.

L’absence d’équité est ressentie mais le régime universel ne signifie pas un régime unique. Il faudra déterminer quelques spécificités selon certaines carrières, branches, etc. On ne peut pas nier la spécificité, que j’appelle « le risque vie », qui s’attache aux métiers de gendarme et de policier, par exemple. Aussi devons-nous réfléchir aux paramètres à conserver. Il serait difficile que notre armée, en charge de la sécurité du territoire, ne soit pas jeune.

La principale question qui touche les auto-entrepreneurs est celle du niveau des cotisations ; un euro cotisé donnant les mêmes droits, il faudra à terme que toutes les personnes cotisent au niveau du régime général de 28 %, en prenant en compte les difficultés de certaines professions qui, à ce jour, ne sont pas en capacité de cotiser à cette hauteur. Je pense, en particulier aux agriculteurs.

Madame Bareigts, vous avez raison, nous devons être attentifs à la situation des Outre-mer. Dans le cadre du groupe de travail, aucune audition n’a porté sur ce thème. Nous savons que le taux de chômage est élevé et l’espérance de vie en bonne santé assez basse. Je suis attachée à la préservation des pensions de réversion pour préserver le niveau de vie des femmes. Le sujet des Outre-mer trouvera toute sa place dans le cadre de la future réforme. Comptez sur moi pour le rappeler au Haut-Commissaire. Je m’appuierai sur les travaux menés sur le terrain par votre collègue Nicole Sanquer, qui ne nous a pas encore fait retour de son travail, mais je sais qu’elle doit nous fournir un rapport que j’attends avec impatience.

Madame Corneloup, vous avez interrogé sur le système à points et l’indexation de sa valeur. L’intérêt est de garantir la soutenabilité du régime universel par la valeur d’achat du point et la valeur de service. Selon moi, la valeur du point doit être indexée sur les salaires le temps de la carrière et sur l’inflation. C’est ainsi que cela se passe aujourd’hui : à la liquidation de la retraite, il y a indexation sur les prix. Nous souhaitons que le point soit indexé tout au long de la carrière sur les salaires. Nous verrons ce qu’il ressortira des discussions. De toute façon, le point ne peut pas être considéré comme un levier de baisse de pension. Il faudra réfléchir plus largement à l’indexation du point. Telle est ma proposition, dont il faut débattre.

J’ai reçu de très nombreuses associations ; elles n’évoquent pas le statut ni la retraite des bénévoles. Ce n’est pas une de leur demande. Il faudra éviter, d’une manière ou d’une autre, de s’enfermer sur le statut car cette réforme doit avoir un caractère universel. Créer un statut pour chaque nouveau métier serait compliqué. Nous voulons donc supprimer les statuts.

Madame de Vaucouleurs, quelle avancée pour les travailleurs précaires ? Comment valoriser les carrières ? Nous avons travaillé sur le minimum vieillesse et sur le minimum contributif, en avançant deux priorités. D’une part, éviter toute rupture dans l’attribution des minimas. Je propose de prolonger la perception du RSA jusqu'à l'âge de la retraite à taux plein.

Les auditions nous ont permis d’évaluer le champ d'action. Nous nous sommes rendu compte que les personnes au RSA ne bénéficiaient plus de droits à 65 ans. À 67 ans, elles reçoivent soit l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), soit le minimum contributif ou MICO. C’est la raison pour laquelle je propose de prolonger la perception du RSA jusqu'à l'âge de la retraite à taux plein afin de ne pas fragiliser davantage les travailleurs précaires.

D’autre part, nous allons faire en sorte que le travail rapporte plus à la retraite en clarifiant l'objectif du minimum contributif, qui doit être plus élevé que le minimum vieillesse, qui sera porté à 900 euros.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Ma question porte sur les retraites des agriculteurs. Une amorce de réponse a déjà été apportée, mais mon interrogation a trait plus précisément aux pensions complémentaires versées aux agriculteurs lorsque le montant est inférieur au SMIC. En effet, depuis la réforme des retraites de 2014, un complément permettait de porter la retraite minimale des exploitants agricoles à 73 % du SMIC en 2015, à 74 % en 2016, enfin à 75 % en 2017, mais ce montant n'est calculé qu'à la date d'attribution de la retraite. Or, j'ai été interpellée par une personne de ma circonscription qui me faisait part de son désarroi face à cette situation. Le SMIC ayant été revalorisé depuis, les retraites ne correspondent plus aujourd'hui qu’à 73 % du SMIC actuel. Avez-vous une explication concernant cette baisse de la retraite minimale et, le cas échéant, pensez-vous qu'il soit envisageable, dans les réformes à venir, de rétablir cette différence en l'adaptant au montant du SMIC, et ce annuellement ?

M. Gilles Lurton. Madame la rapporteure, je voudrais revenir sur certains points, notamment sur le calendrier des projets de loi qui vont nous être présentés. Je vous ai entendu parler de la loi dépendance pour laquelle la ministre, après s'être engagée pour 2018, s'est engagée pour la fin 2019. Je vous ai entendu parler de 2020. J'ai conscience du calendrier parlementaire d'ici à la fin de l'année. Nous en avons tous conscience, mais il me paraît important que l’on arrive à prendre des décisions. Je compte bien sur une loi sur la dépendance avant la fin de l'année 2019, comme s'y était engagée la ministre. Je comprends que ce soit compliqué s’agissant des retraites. Nombreux sont ceux qui vous ont interrogée sur la retraite des agriculteurs. La réflexion de Mme Toutut-Picard est fondée. Sous le précédent mandat, la retraite devait atteindre 85 % du SMIC, nous en sommes loin ! Je n’évoque même pas les conjointes d'agriculteurs dont la retraite est minimum.

Je suis un peu inquiet de la capacité du Président de la République et du Gouvernement à tenir cet engagement d'un niveau de retraite minimal de 1 000 euros par mois. Je pense aux agriculteurs et à de nombreux petits retraités qui vivent avec bien moins que cela aujourd'hui. Je me demande comment, financièrement, nous allons être en capacité de répondre à cet objectif. Nous n'avons pas le droit de donner des illusions à nos concitoyens si nous ne sommes pas capables de tenir nos engagements. Ces personnes rencontrent suffisamment de difficultés et ont besoin de discours fiables.

Mon dernier point porte sur le régime de retraite des marins, l’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM), qui répond à une spécificité de ce métier et pour lequel je souhaiterais que vous nous donniez quelques assurances, peut-être pas sur la pérennité du régime parce que j'ai conscience de son déficit structurel, mais au moins sur la prise en compte de la spécificité du métier de marin.

Mme Fiona Lazaar. Madame la présidente, je tiens à nouveau à vous remercier, pour la qualité de vos travaux.

La future réforme des retraites constitue un enjeu majeur d'égalité entre les femmes et les hommes. Vous l'avez souligné, les retraites des femmes restent aujourd'hui largement inférieures à celle des hommes. En effet, en 2016, la pension moyenne de droits directs s'élevait à 1 036 euros pour les femmes quand elle s'élevait à 1 685 euros pour les hommes, ce qui signifie que le niveau des retraites des femmes équivaut à deux tiers de celui des hommes, ce qui est inacceptable.

Ces inégalités sont d'abord le reflet des inégalités salariales qui défavorisent les femmes tout au long de leur carrière. Sur ce plan, nous avons engagé des transformations ambitieuses pour parvenir à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces inégalités sont aussi la conséquence des interruptions de carrière qui concernent principalement les femmes ; sur ce plan, il faut poursuivre nos efforts pour permettre aux femmes de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Des mécanismes de solidarité existent aujourd'hui et permettent de compenser les inégalités de niveau de pension mais nous nous accordons pour dire que ce n'est pas suffisant.

Dans le cadre de la future réforme des retraites, nous partageons l'objectif de rendre notre système de retraite plus simple et plus juste – et plus juste, notamment pour les femmes. L'égalité femmes-hommes doit être un objectif prioritaire de cette réforme, notamment en prévoyant des mécanismes correcteurs plus efficaces.

La délégation aux droits des femmes s'est saisie de ces questions, plus largement de la question de la séniorité des femmes, et nos collègues, Sophie Panonacle et Marie-Noëlle Battistel, ont présenté des propositions sur la réforme des retraites et l'égalité entre les femmes et les hommes.

La première vise à faire de l'égalité entre les femmes et les hommes un objectif prioritaire de la réforme, en y intégrant des dispositifs de correction des inégalités ; de prévoir de manière spécifique la prise en compte des trimestres sans activité professionnelle due aux périodes de maternité et d'interruption de carrière pour l'éducation d'un enfant et de prévoir que toute évolution du régime soit précédée d'une évaluation de son impact sur les retraites des femmes en général et sur les personnes bénéficiant d'une pension de réversion en particulier. Avez-vous pris connaissance de ces travaux et pouvez-vous nous donner votre avis sur ces questions ?

Mme Catherine Fabre. Merci, madame la rapporteure, pour la qualité de vos travaux.

Je souhaite vous interroger sur la réparation de l'exposition des travailleurs à la pénibilité. On sait que les actifs exposés à la pénibilité bénéficient moins longtemps de leur pension. Parfois, l'espérance de vie moyenne peut varier de treize ans entre différentes catégories de travailleurs et, ainsi, bien que je défende l'idée que la prévention doit être renforcée pour limiter les effets de la pénibilité sur la santé des travailleurs et sur leur espérance de vie, je pense qu'il faut trouver un moyen de réparer ces inégalités face à l'espérance de vie en bonne santé. Quelle est votre vision des choses ? Certains dispositifs sont-ils envisagés dans le cadre de la réforme ? Que pensez-vous de l'idée d'un point dont la valeur varierait en fonction de la pénibilité du travail ? Pouvez-vous nous parler un peu plus longuement du compte professionnel de prévention ? Comment pourrait-il prendre toute sa puissance ?

Mme Nadia Ramassamy. Je tiens d'abord à saluer le travail de Mme la députée Corinne Vignon.

Quelles que soient nos appartenances politiques, les retraites sont un des sujets qui préoccupe et qui touche beaucoup de nos concitoyens. Cette question mérite l'implication, la sincérité, l'honnêteté de tous, à commencer par les décideurs eux-mêmes, en particulier sur l'âge de départ à la retraite. En effet, aux yeux des Français, le message du Gouvernement est brouillé. Le Gouvernement nous dit qu'il ne touchera pas à l'âge de départ de 62 ans ; or le Conseil d'orientation des retraites nous informe que dans le régime actuel, les Français partiront dans les faits à la retraite vers 64 ans à partir de 2035-2040.

Il est proposé d'instaurer un âge pivot porté à 64 ans, en deçà duquel les Français subiraient une pénalité financière en cas de départ à la retraite. Comment ne pas y voir une manière détournée de reculer l'âge légal de la retraite ? Plus inquiétant, l'enchaînement des réformes – quatre en quinze ans – a miné la confiance des Français dans leur système de retraite. Résultat : un actif sur deux considère que les régimes de retraite sont menacés de faillite.

Autre sujet délicat : la prise en compte de la variable démographique. Dans certains pays, l'augmentation de l'espérance de vie est prise en compte automatiquement dans le calcul des droits. Le Haut-Commissaire prévoit-il de faire de même ?

Concernant la simplification, le système actuel est trop complexe aux yeux des Français entre l'âge légal de 62 ans, l'âge de départ au taux plein et l'âge d'annulation de la décote. Au regard de vos travaux, comment faut-il ou non simplifier les règles ? D'aucuns proposent un âge de référence propre à chaque assuré à partir duquel on estimerait le niveau de pension suffisant pour partir. Qu'en pensez-vous ?

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Madame Toutut-Picard, les agriculteurs touchent une retraite complémentaire obligatoire (RCO). Une attribution de points jusqu’à 75 % du SMIC s’est faite à l’instant. Je propose de garantir une pension minimale. J’ai rencontré les représentants des syndicats agricoles qui souhaitent obtenir une pension minimale à 85 % du SMIC, ce qui correspond au propos du Président de la République qui a indiqué que la pension minimale doit être à 1 000 euros pour une carrière complète indexées sur l’inflation.

Comme je l’ai déjà indiqué, aux termes de l’article 2 du code civil, la loi n’est pas rétroactive. Si l’on peut agir en faveur des nouveaux retraités, on ne peut intervenir pour les personnes déjà retraitées au travers le projet de loi retraite, il faut trouver un autre mécanisme.

Monsieur Lurton, s’agissant du calendrier des projets de loi, Mme la présidente nous apportera quelques précisions sur le projet de loi dépendance.

La ministre s’est engagée sur la présentation du projet de loi. S’agissant des retraites, on nous a parlé de septembre, de décembre, désormais d’avril 2020. L’embouteillage législatif nous oblige à reculer progressivement cette échéance. Je puis vous assurer que je serai extrêmement vigilante. En 2010, la discussion sur les retraites a pris six semaines. Je peux comprendre que nous ne disposions pas cette année d’un tel délai, en tout cas, de façon prochaine. Il convient de prendre le temps nécessaire tant il est vrai que nous ne pouvons coincer ce projet de loi entre le PLF et le PLFSS.

Madame la présidente, je crois que vous vouliez apporter quelques éléments sur le projet de loi sur la dépendance.

Mme la présidente Monique Iborra. Le projet de loi s’appellera « Grand âge, autonomie ». Il s’agit d’un détail, mais il revêt toute son importance.

Je remercie M. Lurton qui est très intéressé par ce projet de loi en particulier. Je comprends qu’il soit un peu pressé. Nous le sommes tous. Mais je ne peux vous laisser dire que la ministre avait prévu le projet de loi en 2018. Le PLFSS de 2018 comprenait un certain nombre de dispositions, en particulier en faveur des infirmières de nuit, mais pas seulement.

Au titre du PLFSS de 2019, un certain nombre de mesures ont été votées qui ont été rappelées par la ministre au cours de la dernière réunion de la commission des affaires sociales sur le thème de l’évaluation budgétaire PLFSS. Ces mesures ont été prises.

On ne peut imaginer un projet de loi de cette envergure sans concertation des citoyens, c’est donc ce qui a été fait. Cette concertation a donné lieu à la mise en place de dix groupes de travail au ministère de la Santé qui ont donné naissance au rapport Libault, riche de 175 propositions. La ministre s’est engagée – et nous la suivrons – à une présentation du projet de loi à l’automne 2019. Le projet de loi sera discuté et voté en 2020. Nous tenons ce calendrier. Au cours des mandats antérieurs, on parlait beaucoup de la dépendance, mais rien n’a vraiment été fait, en tout cas, aucune grande loi n’a vu le jour. Aussi, pouvons-nous être patients, monsieur Lurton, et attendre 2020.

Mme Corinne Vignon, présidente du groupe de travail. Je poursuis par les retraites aux marins. Le groupe de travail a fait le choix de ne pas adopter une méthode sectorielle. C’est pourquoi nous n’avons pas reçu l’ENIM mais j’ai eu l’occasion, par ailleurs, de rencontrer ses représentants. Je suis entièrement d’accord avec vous, ce métier est d’une pénibilité extrême. Combler les déficits de ce régime nécessité la solidarité. Sachez que je serai à vos côtés pour défendre les marins lorsque ce sera nécessaire.

Au titre des retraites agricoles, la loi de 2014 n’avait pas prévu une pension équivalente à 85 % du SMIC. Un débat sur le financement à 85 % doit s’ouvrir car tel est l’objectif visé, qu’il conviendra de financer. Sera-ce par la solidarité nationale ?

Madame Lazaar, je n’ai pas lu, malheureusement, le rapport que vous évoquez. Je serai ravie que vous me le fournissiez.

L’égalité entre les femmes et les hommes est essentielle. Il faudra agir particulièrement dans le domaine du travail. La réforme des retraites ne peut pas combler les déficits nés du monde du travail. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel permettra d’atteindre, je l’espère, l’égalité salariale à travail égal.

Dans le cadre de nos auditions, nous avons reçu les représentants du Laboratoire de l’égalité et de l’association « Osez le féminisme ». Le constat est connu : les paramètres du système de retraite ne doivent pas être prescriptifs sur les choix professionnels des femmes. Il faudra impérativement débattre avec le Haut-Commissaire des propositions de loi de la délégation aux droits des femmes. Vous aurez tout mon soutien, vous pouvez compter sur moi !

Madame Fabre, l’enjeu de l’exposition à la pénibilité a fait l’objet d’une attention renforcée au cours des travaux du groupe ; nous avons, en effet, très souvent évoqué le sujet. La prise en compte de la pénibilité ne pourra être dissociée de la future réforme. J’ai formulé une proposition sur les métiers à risques. Depuis le début, M. Delevoye nous dit que l’on prendrait en compte la pénibilité et les carrières longues. Cela dit, je ne connais pas les limites à cette prise en compte. Il faudra évoquer la question avec lui et insister sur certaines professions car la pénibilité varie grandement selon les professions. Je pense aux infirmières, une catégorie qui nous tient particulièrement à cœur.

Madame Ramassamy, dans un système de comptes notionnels, la croissance économique et l’espérance de vie sont les deux marqueurs. Nous ne nous inscrirons pas dans le cadre d’un système de comptes notionnels car l’espérance de vie ne sera pas retenue. Je pense que le pilotage sera manuel, plus à vue. Nous pourrons débattre du principe de l’espérance de vie, surtout de l’espérance de vie en bonne santé. À ce stade, nous pouvons uniquement retenir l’âge légal figurant dans les propositions du programme du Président de la République. Pour autant, il faudra réfléchir à des incitations à travailler plus longtemps. Peu importe son nom, les incitations pourront être prévues dans le cadre de nos discussions parlementaires lorsque M. Delevoye présentera son rapport avant le 14 juillet.

Mme la présidente Monique Iborra. Merci, madame la présidente, merci à tous les commissaires qui ont participé à ce groupe de travail difficile et technique. Nous attendons avec impatience les propositions du Haut-Commissaire qui devraient intervenir à la mi-juillet.

La séance est levée à onze heures vingt.


Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9 heures 

Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Marine Brenier, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, Mme Stéphanie Rist, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry

Excusés. Mme Delphine Bagarry, Mme Justine Benin, Mme Emmanuelle Fontaine‑Domeizel, Mme Carole Grandjean, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Charlotte Lecocq, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, M. Aurélien Taché, Mme Hélène Vainqueur-Christophe