Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération et l’intégration franco-allemandes (n° 2113) (Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure)

 

 

 

 


Mercredi
17 juillet 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 80

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale dAllemagne sur la coopération et lintégration franco-allemandes (n° 2113) (Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure).

La séance est ouverte à 9 heures 35.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération et l’intégration franco‑allemandes, que nous connaissons mieux sous le nom de traité d’Aix‑la‑Chapelle. Il a été signé, cinquante-six ans après le traité de l’Élysée, le 22 janvier dernier, par le Président de la République, Emmanuel Macron, et la Chancelière, Angela Merkel. Ce projet de loi a été discuté et adopté au Sénat le 3 juillet dernier. Je laisse la parole à notre excellente rapporteure, qui va nous dire tout ce qu’il y a dans ce traité et peut‑être aussi tout ce qu’il n’y a pas.

Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure. Mes chers collègues, je ne vous dirai pas tout ce qu’il y a dans le traité, sous peine de perdre votre attention ! Alors que cela fait des mois que nous sommes sur la défensive, à devoir expliquer tout ce que ce traité n’est pas, j’espère pouvoir vous expliquer clairement en quoi il consiste et à quel point il est un projet politique et concret.

La négociation d’un nouveau traité de coopération franco-allemand a été proposée par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne : « Aussi je propose en premier lieu à lAllemagne un partenariat nouveau. Nous ne serons pas daccord sur tout, ou pas tout de suite, mais nous discuterons de tout. » Dans leur déclaration conjointe du 21 janvier 2018, le Président et la Chancelière avaient fixé pour objectif d’élargir la coopération franco-allemande, afin de relever les défis politiques, économiques, sociaux et technologiques des prochaines décennies, mais aussi de consolider et de rénover notre coopération, dans le but d’avancer sur la voie d’une Europe prospère et compétitive plus souveraine, unie et démocratique.

Cette déclaration définit les axes de la négociation : préparer nos économies aux défis de demain ; rapprocher nos sociétés et nos citoyens ; agir conjointement en faveur de la sécurité, de la paix et du développement ; faire face aux défis de la mondialisation. La négociation s’est engagée au mois de février 2018, sur la base de très nombreuses contributions de tous les acteurs du « franco-allemand », avec l’objectif d’aboutir à un texte court qui s’ajouterait, sans s’y substituer, au traité de l’Élysée de 1963 et en reprendrait l’esprit politique, concret et ouvert sur les citoyens et la société civile.

Pourquoi un nouveau traité ? La symbolique de réconciliation attachée au traité de 1963 existe encore aujourd’hui, réactivée chaque année par la journée franco-allemande et entretenue par le succès de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), principal héritage du traité de 1963. Mais cette dimension de réconciliation est désormais trop réductrice, au regard de la prégnance de la dimension européenne dans la relation franco‑allemande et de l’apparition d’enjeux nouveaux. L’intérêt du nouveau traité est donc, d’une part, de rappeler de la manière la plus solennelle possible notre attachement commun à un certain nombre de principes – primauté du droit et multilatéralisme, responsabilité franco‑allemande pour bâtir une Union européenne souveraine, unie et démocratique, engagement en faveur d’un commerce international, ouvert et équitable, fondé sur des règles et sur le principe de réciprocité – et, d’autre part, de fixer le cap de la relation franco‑allemande pour les décennies à venir, avec des objectifs partagés et de méthodes de travail pour les atteindre, déterminés par des engagements juridiques contraignants.

L’objectif du traité de 1963 était la réconciliation ; celui du traité de 2019 est la convergence – celle de nos modèles économiques et sociaux, de nos positions dans les instances internationales, de nos réglementations dans les zones frontalières et de nos analyses économiques, dans une perspective d’intégration européenne.

Concrètement, le traité s’articule autour de six chapitres : affaires européennes ; paix, sécurité et développement ; culture, enseignement, recherche et mobilité ; coopération régionale et transfrontalière ; développement durable, climat, environnement et affaires économiques ; organisation. Je voudrais mettre en avant trois points essentiels et concrets, aux niveaux local, transfrontalier et binational.

Au niveau local, j’observe une vraie volonté de relancer la coopération décentralisée, et j’invite tous mes collègues à s’en saisir. J’ai obtenu du Quai d’Orsay, très récemment, la certitude qu’il y aurait bien une ligne budgétaire pour le fonds citoyen mis en place par le traité dans le prochain projet de loi de finances. Le but est de valoriser des petits projets portés par les citoyens, qui passaient jusqu’alors sous tous les radars des aides diverses, afin de promouvoir, au sein de la société civile, cette amitié franco‑allemande. Les idées novatrices, concrètes et locales sont les bienvenues.

Au niveau de la coopération transfrontalière, je tiens très sincèrement à remercier tous nos collègues transfrontaliers, qui m’ont beaucoup aidée, et je les invite à répondre aux questions portant sur ce sujet, si jamais il y en a, puisque je n’ai pas la prétention de vous expliquer ce qu’ils peuvent vivre. Nous avons fait un travail considérable ensemble, pour bien comprendre tous les enjeux et cerner l’attente immense qui existe dans ces zones transfrontalières. Le traité aura quatre objectifs : doter les collectivités territoriales des compétences appropriées, de ressources dédiées et prévoir des procédures accélérées, afin de surmonter les obstacles pouvant se présenter dans le cas de projets transfrontaliers, notamment par des adaptations ciblées du droit national réglementaire ou législatif, quand cela est nécessaire, dans le cadre constitutionnel des deux pays et le respect des compétences du législateur ; promouvoir le bilinguisme en zone frontalière, en adoptant des stratégies d’enseignement par les collectivités frontalières ; améliorer les liaisons ferroviaires et routières, comme Colmar-Fribourg ; enfin, améliorer la gouvernance du transfrontalier, avec la création d’un comité de coopération transfrontalière réunissant l’ensemble des parties prenantes des deux côtés de la frontière, pour suivre les avancées et donner un nouvel élan à ces sujets.

Que l’on soit en France ou en Allemagne, élu de la majorité ou de l’opposition, ces évolutions répondent aux demandes des acteurs locaux d’une plus grande flexibilité pour adapter les réglementations aux réalités du contexte frontalier.

Enfin, je voulais vous présenter plus longuement, pour ce qui est du niveau binational, l’Assemblée parlementaire franco‑allemande. Nous avons là un principe très abouti de diplomatie parlementaire, attendu de part et d’autre. Effectivement, nos démocraties représentatives sont extrêmement différentes. Aussi, rapprocher nos cultures est‑il un enjeu majeur de compréhension, pour avancer davantage ensemble. L’Assemblée parlementaire franco‑allemande permettra d’instaurer un dialogue en amont des processus de décision sur de nombreux sujets, avec des acteurs qui n’appartiennent pas aux administrations centrales, qui ont une vision de terrain et multiplient les relais possibles pour mieux faire connaître l’Allemagne et, réciproquement, pour faire connaître et comprendre les positions françaises. Au sein de cette assemblée, composée de cinquante Français et de cinquante Allemands, toutes les commissions sont représentées, ainsi que tous les groupes politiques, ce qui permettra de vraiment rapprocher nos cultures.

Ainsi, s’il ne fallait retenir que cela, le traité d’Aix-la-Chapelle est un traité de convergence, dont l’objectif est de favoriser des réalisations concrètes à court, moyen et long termes.

Mme la présidente. Je vous remercie, madame la rapporteure, pour la qualité de votre travail et votre esprit de synthèse. C’est désormais aux orateurs des groupes de s’exprimer.

Mme Nicole Trisse. À mon tour, je voulais remercier notre collègue Laetitia Saint-Paul pour son rapport et son exposé, très clairs et particulièrement intéressants, d’autant que j’habite dans une région frontalière.

Le texte que nous examinons et votons aujourd’hui est important, non seulement pour la consolidation des relations franco‑allemandes, mais aussi pour le renforcement de l’Union européenne. Alors que le traité de l’Élysée, conclu le 22 janvier 1963, consacrait une relation de confiance et d’amitié entre les deux pays, après de trop nombreux conflits meurtriers, celui d’Aix‑la‑Chapelle, signé le 22 janvier 2019, concrétise l’ambition commune de la France et de l’Allemagne de consolider l’Europe. Il doit être compris comme une feuille de route pour la coopération franco‑allemande, pour les prochaines décennies. Ce traité est une nouvelle étape que nous construisons ensemble.

Au moment où l’Union européenne est menacée par les nationalismes qui se développent en son sein, mais aussi où l’inquiétude face aux grands changements internationaux va croissant, il appartient à l’Allemagne et à la France de montrer la voie, celle de l’ambition, de la souveraineté réelle et de la protection des peuples, comme l’a justement dit le Président de la République lors de son discours à Aix‑la‑Chapelle. Il me semble que le traité d’Aix‑la‑Chapelle constitue un véritable rempart contre la désunion franco‑allemande et le délitement de l’Union européenne. Pensez-vous, madame la rapporteure, que cet avis soit partagé outre-Rhin ?

M. Guy Teissier. Ma chère collègue, merci de votre enthousiasme pour ce traité hautement symbolique, mais nous pouvons, néanmoins, nous interroger sur l’équilibre qu’il présente. Vous avez dit, dans une jolie formule, qu’il y avait de l’argent. Mais qui finance les projets ? Vous ne nous parlez pas des différents programmes ni de leur financement. Comment seront répartis les investissements, par exemple ceux consacrés à la recherche et au développement ou à la coopération transfrontalière, dont vous venez de nous parler ? Un agenda de mise en œuvre de tous ces projets a-t-il été rédigé et savons‑nous comment les choses vont se passer ? Les conséquences financières et économiques en matière de mutualisation des moyens seront‑elles valables pour tous les projets ?

Je voudrais, par ailleurs, m’intéresser à la coopération militaire. En Europe, le couple traditionnel était plutôt formé par la France et les Britanniques. Pour cause de Brexit, il semblerait que l’on veuille se rapprocher de nos voisins allemands. Or, il y a des différences fondamentales dans les manières de faire entre nos armées et celles de l’Allemagne qui s’engage fort peu et qui coopère fort peu. Au moment le plus dur de l’engagement de la France pendant la guerre d’Afghanistan, les Allemands ont tenu un hôpital. Si c’est très important, ils ne s’engageaient pas militairement. En plus, il y a des différences de comportements et de traditions – l’armée allemande est fortement syndiquée, par exemple, ce qui rend tout engagement auprès des autres armées européennes toujours très complexe. D’ailleurs, la plupart du temps, il n’y a pas d’engagement au combat. Cette coopération relève du vœu pieux, qu’il faut certes formuler, mais dont je ne vois pas très bien les débouchés.

Nous avons aussi à craindre de nombreux obstacles relatifs notamment à la question des contrôles des exportations d’armements produits en commun. Il ne pourrait y avoir de politique européenne avec l’Allemagne si ses partenaires devaient craindre sa politique d’exportation. Anticipons également : que se passerait‑il si le prochain gouvernement allemand n’acceptait pas les accords négociés avec l’actuelle chancelière, notamment en matière de défense et de coopération militaire ?

M. Frédéric Petit. Chacun comprendra que ce texte revêt pour moi, député de la septième circonscription des Français de l’étranger, une importance particulière, symbolisée par les quatre personnes qui ont pris la parole lors de la cérémonie de signature du traité : le Président de la République française, Emmanuel Macron, la Chancelière allemande, Angela Merkel, bien sûr, mais également le président du Conseil de l’Union européenne, le Polonais Donald Tusk, et le président roumain, Klaus Iohannis, la Roumanie assurant la présidence tournante de l’Union européenne.

La répercussion de cet accord est, à mon sens, plus large et plus profonde que le strict aspect transfrontalier. Pour le groupe MODEM également ce texte est important. Alors que l’approfondissement de la construction européenne est sous tension, ce traité relance la coopération franco‑allemande, pour que, comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, l’amitié déterminante entre la France et l’Allemagne contribue à l’approfondissement d’une Union européenne unie, efficace, souveraine et forte.

Je relève souvent, au cours de mes nombreuses rencontres avec nos concitoyens en circonscription, que beaucoup d’entre nous, grâce à ce que le traité de l’Élysée a semé il y a plus de cinquante ans, ne sont ni français ni allemands, mais franco-allemands. Le franco‑allemand est quotidien, naturel ; il est devenu, au‑delà des zones transfrontalières, une évidence. Plus de la moitié des citoyens que je représente dans seize pays sont bicitoyens, biculturels, et se sentent chacun moteur du projet politique européen que nous essayons de relancer.

Je voudrais m’arrêter un peu sur le rôle du franco-allemand dans la construction européenne, avec un exemple très peu connu peut-être, mais très symbolique. J’ai apprécié, madame la rapporteure, que vous insistiez sur le fait que le traité prévoie explicitement que nos actions communes se projettent concrètement en Europe et dans le monde, et surtout que vous citiez l’OFAJ. J’ai assisté, hier matin, à une rencontre entre le Président de la République et des jeunes du RYCO (Regional Youth Cooperation Office) – l’Office balkanique pour la jeunesse – à Belgrade. La création de, cet office, qui est peu connu, a été proposée en 2016 par la France et l’Allemagne aux six pays des Balkans, qui étaient en guerre il y a vingt ans. L’accord a été signé et le mécanisme cofinancé par ces pays, malgré ou par‑delà leurs grandes tensions que l’on qualifie d’héréditaires comme nous qualifiions, chez nous, l’ennemi allemand, il y a soixante ans. L’Office est soutenu pédagogiquement par l’OFAJ et permet, comme hier aux Français et aux Allemands, à des jeunes Serbes, Kosovars, Bosniens, Monténégrins, Albanais et nord-Macédoniens de commencer à recoudre leurs sociétés encore déchirées. C’est un exemple de ce que le moteur franco‑allemand, quand il réussit, peut apporter à la construction européenne. Nous avons conscience que ce nouveau traité est en train de semer pour les citoyens français, allemands, européens d’aujourd’hui et de demain, et nous avons bon espoir qu’un jour en fleurira une évidence. Le MODEM votera, bien entendu, pour autoriser la ratification de ce traité.

M. Alain David. Le 25 mars dernier, le palais Bourbon accueillait la première Assemblée parlementaire franco‑allemande. Ce rendez-vous symbolique aurait pu se tenir le 22 janvier, date anniversaire du traité de l’Élysée, signé en 1963, qui revêtait une portée historique, symbolique, politique, diplomatique et culturelle qui ne s’est pas démentie et a insufflé un esprit de compréhension et d’amitié entre nos deux pays. Cette date anniversaire a néanmoins été choisie par le Président de la République et la Chancelière pour signer un nouveau traité à Aix-la-Chapelle, traité sur la coopération et l’intégration franco‑allemandes, qui complète, comme indiqué dans son article 27, le traité de l’Élysée signé cinquante‑six ans plus tôt.

Le paragraphe 4 des dispositions finales du traité de l’Élysée prévoit que les deux gouvernements pourront apporter les aménagements qui se révéleraient désirables pour la mise en application du traité. Entre ces deux dates et ces deux traités, le monde a indéniablement changé, comme l’histoire, la géographie politique, le contexte économique et le personnel politique. On aurait donc aimé trouver dans ce traité de l’enthousiasme, un grand dessein, une refondation susceptibles de contaminer heureusement l’Union européenne ; au lieu de quoi, nous avons une longue liste, un catalogue de bonnes intentions.

Ces mesures ne sont certes pas à rejeter, mais elles ne s’inscrivent pas, hélas ! dans un grand mouvement permettant de redonner du souffle à nos deux pays et à l’Europe, à un moment où les situations se crispent et où les grains de sable s’accumulent. La question du climat fait simplement l’objet des articles 18 et 19, alors que les peuples français et allemand sont ceux qui, récemment encore, ont le plus montré leur inquiétude et leur préoccupation face à la situation climatique mondiale ainsi que leur volonté de faire de l’Europe un acteur capable de relever un tel défi.

En dépit du caractère généraliste, cumulatif et plutôt formel de ce traité, qui aurait dû clarifier la relation franco‑allemande, la dynamiser et en faire un modèle pour la relance européenne, le groupe des députés Socialistes et apparentés votera en faveur de sa ratification.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous avons déjà eu l’occasion, dans notre commission, d’aborder ce traité avec la ministre Nathalie Loiseau. La rapporteure a présenté tous ses aspects positifs, mais aucun aspect négatif.

Le premier que je vois est : qui a écrit ce traité ? Parce que ma ville de Gonfreville-l’Orcher était jumelée avec Teltow, près de Berlin, et je sais que le maire allemand a contribué à cette rédaction, contrairement à son homologue. Je sais aussi qu’un grand nombre de parlementaires allemands, issus de toutes les forces politiques, ont été associés au projet. Du côté français, on cherchera encore longtemps les forces politiques associées à la rédaction du traité. Ce n’est pas la même démocratie ! Lorsque l’Assemblée franco‑allemande se réunira, les parlementaires des deux pays pourront découvrir l’écart entre une démocratie parlementaire et une démocratie avec un chef d’État élu selon les règles de la Ve République, qui a quasiment les pleins pouvoirs et une majorité qui lui est soumise. Cela va leur faire drôle aux Allemands de le découvrir ! Mais c’est peut‑être bon pour nous : cela pourrait nous donner envie de reconquérir la démocratie parlementaire et de reprendre le pouvoir, dans notre république, au nom du peuple.

Pour ce qui est des questions liées à la sécurité et aux accords militaires, Guy Teissier a dit que les Allemands avaient du mal à aller faire la guerre. Tant mieux ! Si cela pouvait nous retenir de la faire, nous y faire aller moins vite ou regarder à deux fois avant d’y aller, ce serait plutôt bien. Ce point serait à mettre au compte des aspects positifs du traité, en impulsant une dynamique européenne plutôt pacifiste et en favorisant la dimension diplomatique, au lieu d’envoyer des soldats, en imaginant que c’est de cette façon que l’on réduit les groupes terroristes ou que l’on met les dictateurs au pas.

Concernant les zones transfrontalières, autant je comprends les traités avec la Suisse, autant je comprends moins qu’il y ait des législations spécifiques pour des zones entre la France et l’Allemagne. Quelle est la limite d’une zone transfrontalière ? La réponse n’est pas dans le traité. Cela risque de créer des déséquilibres au sein du pays, entre les différentes zones.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne peut pas soutenir le traité sous sa forme actuelle, d’autant moins que les parlementaires n’ont pas du tout été associés à sa rédaction. C’est un traité élyséen, qui traduit une vision libérale de la relation entre la France et l’Allemagne, ce qui n’est pas notre conception de la relation entre nos deux États ni entre les États d’Europe. Ce traité est à l’image des autres.

La question de l’énergie constitue un bémol supplémentaire. Un ancien ministre de l’écologie m’avait expliqué que la coopération serait intense entre la France et l’Allemagne : la France étant destinée à produire une très grande quantité d’électricité nucléaire après la mise en route de l’EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, elle en vendrait une partie à Allemagne, laquelle nous fournirait de l’électricité en cas de pics de consommation. Or, l’électricité allemande est à dominante charbon ! On a fermé la centrale thermique du Havre et on ferme les centrales thermiques françaises, en expliquant que, COP21 oblige, il faut être exemplaire, tout en coopérant pour acheter de l’électricité au charbon en Allemagne. Je trouve cela regrettable en matière d’emploi.

M. Jean-Michel Clément. Je voudrais commencer par saluer la rapporteure pour son travail sur ce sujet important, ainsi que la présidente de notre parlement franco‑allemand, Sabine Thillaye, qui est parmi nous ce matin.

Mme la présidente. Les présidents de l’Assemblée franco‑allemande sont respectivement Richard Ferrand et Wolfgang Schaüble, pour l’instant !

M. Jean-Michel Clément. Je parlais bien du bureau de cette assemblée, madame la présidente ! Mais je ne m’opposerais pas à une telle promotion, chère Sabine !

Le groupe Libertés et territoires est favorable à l’approfondissement des relations entre la France et l’Allemagne, dont les effets ne pourraient être que positifs pour nos territoires, mais aussi pour la construction européenne. La France et l’Allemagne doivent rester le moteur de l’Union européenne, plus que jamais, afin d’impulser cette dynamique qui manque à l’Europe, notamment dans les domaines économique, environnemental, migratoire et démocratique. Cette coopération doit, selon nous, s’affirmer comme un rempart contre le nationalisme et le repli sur soi. Elle doit être une puissance d’action commune face aux menaces, tant économiques que sécuritaires, inhérentes à la mondialisation.

Les premiers mots par lesquels sont définies chacune des quinze priorités qui figurent dans le traité d’Aix‑la‑Chapelle sont une indication que nous ne partons pas d’une page blanche – bien des choses ont déjà commencé, qui vont se renforcer. On lira huit fois sur quinze le mot « création » ou « coopération », mais aussi les mots « renforcement », « élargissement » ou « mise en œuvre », témoignant chaque fois d’une volonté de renforcer cette coopération, de l’enrichir et de lui donner du sens.

Le texte en est aujourd’hui au stade de la commission. Nos amis allemands sont beaucoup plus pressés que nous, et leur système institutionnel leur permet d’aller plus vite. Nous avons bien vu, dans les premières discussions que nous avons engagées, qu’ils voudraient déjà que nous soyons au travail. Cette impatience, nos règles de procédure législative nous obligent à la contenir, alors qu’ils souhaiteraient travailler sur des résolutions tout de suite. Je ne peux que me réjouir d’une telle démarche.

Pour autant, il faudra être prudents, car la coopération n’est pas toujours aussi facile à concrétiser qu’on le voudrait. On le voit bien, depuis la signature de ce traité fin janvier. Elle peut être confrontée aux règles européennes, notamment en matière de concurrence. L’échec du projet de fusion entre Alstom et Siemens en est une illustration. Plus récemment, les tensions qui ont marqué la désignation du chef de l’exécutif européen ont montré les difficultés de la France et de l’Allemagne à coopérer sur certains sujets. Nous devons donc être à la fois volontaires, pour afficher cette union renforcée entre la France et l’Allemagne, et prudents quant au rythme auquel avancer, pour que tout cela soit effectivement bien compris par nos concitoyens – c’est un point fondamental. Le groupe Libertés et territoires votera l’autorisation de ratification du traité.

Mme la rapporteure. Madame Trisse, il y a, chez les Allemands, une très forte volonté de faire avancer notre dialogue et notre coopération. J’ai ressenti, au cours des auditions, beaucoup plus de francophilie de leur part que de germanophilie chez nous.

Les diplomates m’ont expliqué que les Français et les Allemands ne sont jamais d’accord d’emblée, que rien ne va jamais de soi. Toute décision franco‑allemande est donc le fruit d’un compromis. C’est en cela que l’on peut parler de moteur franco‑allemand pour les autres pays de l’Union européenne : un compromis acceptable à l’échelle de nos deux pays se rapproche généralement d’un compromis acceptable pour l’ensemble de l’Union. Il ne s’agit donc pas d’une primauté du franco‑allemand qui impose ses décisions, mais de l’effet rayonnant d’un art du compromis.

Monsieur Teissier, concernant les enjeux de coopération militaire, la conduite des opérations a énormément changé. Aujourd’hui, il n’y a plus d’avant ni d’arrière. La majeure partie de nos blessés et de nos pertes françaises concerne souvent l’arrière, dans la mesure où la logistique bénéficie de beaucoup moins de blindages et de protections. Quand on ne peut pas mener d’attaque directe, c’est l’attaque indirecte qui est privilégiée. Nous avons eu beaucoup de pertes dans le corps de santé des armées et dans la logistique – je pense à des personnels de l’arme du train. Il me paraît assez caricatural de dire que les Allemands ne vont pas à la guerre. Dès lors que l’on est sur le terrain, il y a un risque. Il me semble erroné d’avancer que les Français fournissent les soldats et les Allemands l’arrière. Aujourd’hui, les Allemands sont encore en Afghanistan, tandis que nous n’y sommes plus. Ils se sont beaucoup déployés et sont présents à nos côtés au Mali, dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et des missions de formation de l’Union européenne.

M. Guy Teissier. Leur budget de défense s’élève à 1,2 % du PIB !

Mme la présidente. Il y a quand même mille militaires allemands au Sahel !

M. Guy Teissier. Mais ils ne font rien !

Mme la rapporteure. Mieux vaut éviter les jugements à l’emporte-pièce et savoir replacer les choses dans leur contexte.

M. Guy Teissier. C’est un constat !

Mme la rapporteure. Par ailleurs, les Allemands fournissent un effort considérable en matière d’aide publique au développement, en particulier au Sahel.

En ce qui concerne la coopération en matière d’armement, le traité d’Aix-la-Chapelle témoigne d’une volonté commune d’avancer. Nous avons, depuis 2017, accompli des progrès importants dans le domaine des chars et des systèmes de combats aériens du futur. S’agissant des exportations d’armes, nous en sommes encore au stade des pourparlers, au niveau ministériel, afin de trouver un compromis sur un pourcentage de contenu allemand – un « de minimis » – en deçà duquel nous n’aurons pas besoin de l’autorisation allemande pour exporter, et réciproquement.

Frédéric Petit, je vous remercie pour votre témoignage, notamment sur l’importance du moteur franco-allemand, que j’ai évoquée dans ma première réponse.

Alain David, vous auriez voulu un grand dessein. Pour ma part, j’aime le concret et je n’aime pas trop sculpter la fumée : avec les grands desseins, on ne voit pas forcément beaucoup d’avancées sur le terrain. Je crois sincèrement qu’il y a déjà eu beaucoup de réalisations concrètes qui étaient attendues de longue date et dont j’espère que ceux qui les vivent sur le terrain pourront en donner le témoignage.

Les ministères sont « aux fourneaux » pour la mise en œuvre du traité, puisqu’un conseil des ministres franco-allemand doit se tenir à la mi-octobre et que son menu est dense. Parmi la vingtaine de sujets à l’ordre du jour, je peux vous citer les suivants : coopération accrue au sein du Conseil de sécurité des Nations unies ; promotion de directives au niveau international sur l’éthique des nouvelles technologies ; élargissement des programmes de mobilité ; renforcement de la coopération bilatérale de haut niveau en matière d’énergie et de climat ; coopération dans le secteur spatial. Ces sujets concrets forment, ensemble, un grand dessein.

M. Alain David. Qui le sait ?

Mme la rapporteure. C’est pour cela que nous sommes ici.

Jean-Paul Lecoq, votre remarque sur nos démocraties parlementaires est très intéressante. Pour avoir eu la chance de profiter d’une volonté politique, ayant fréquenté une classe européenne d’allemand, j’ai pu étudier longuement l’histoire de ce pays. Après la dénazification, la communauté internationale a pesé de tout son poids pour que l’Allemagne soit une démocratie exemplaire, ce qu’elle est devenue, même si nous avons pu constater quelques errements dans la vie politique allemande au cours des dernières années.

À vrai dire, nos démocraties parlementaires ont très peu de choses en commun. Notre collègue présidente du bureau de l’Assemblée parlementaire franco-allemande pourra peut-être en témoigner. C’est un immense enjeu que de rapprocher nos cultures démocratiques et de savoir où cela coince. Partant de mon expérience, il y a une observation que j’aime à citer, même si elle est un peu caricaturale : un Allemand considère qu’est interdit ce qui n’est pas écrit comme étant autorisé ; un Français considère qu’est autorisé ce qui n’est pas écrit comme étant interdit. Après avoir compris cela, j’ai évité beaucoup de déconvenues. J’abonde donc dans votre sens, monsieur Lecoq, mais j’espère qu’une amélioration de la connaissance de nos cultures respectives nous permettra de progresser à deux et d’entraîner l’Union européenne.

Jean-Michel Clément, je pense, comme vous, qu’il est nécessaire de renforcer la coopération entre la France et l’Allemagne, d’autant plus que le Brexit va accroître le poids de nos deux pays dans l’Union européenne : ils représenteront près de 50 % du PIB de la zone euro et près d’un tiers de la population de l’Union. En fait, nous n’avons pas le choix

Mme la présidente. À ceux qui ne le savent pas, j’indique que notre rapporteure, Laetitia Saint-Paul, a de multiples casquettes ; elle est capitaine dans l’armée française et, à ce titre, elle a dirigé une compagnie de la brigade franco-allemande. Je rends hommage à sa connaissance du terrain.

Pour compléter sa réponse à Guy Teissier, je dirais qu’il y a eu une réorientation de la politique allemande en matière de défense sous Angela Merkel. J’ignore ce que sera l’avenir. En tout cas, l’Allemagne a décidé d’investir davantage dans ce domaine, ce qui se traduit par la présence de plus d’un millier de soldats allemands au Sahel. L’Allemagne est également membre fondateur et partie prenante de l’Alliance Sahel et apporte un soutien à l’opération Barkhane. Cette évolution sera-t-elle durable ? Nous pouvons nous poser la question. Il n’empêche que ce qui existe mérite vraiment d’être rappelé.

Je vais maintenant donner la parole aux membres de la commission.

Mme Mireille Clapot. Merci, madame la rapporteure, pour votre présentation, qui met l’accent sur les projets concrets, tout en rappelant les grands principes.

Ce traité, signé cette année à Aix-la-Chapelle, réaffirme le caractère central du couple franco-allemand en Europe, et s’inscrit dans le prolongement de celui qui avait été adopté cinquante-six ans plus tôt. Il faut s’en réjouir.

Durant les quelques minutes qui me sont données, j’aimerais faire un point sur les exportations d’armements. Dans le traité, à l’article 4, il est précisé : « Les deux États élaboreront une approche commune en matière dexportation darmements en ce qui concerne les projets conjoints. »

La France et l’Allemagne ne peuvent, en effet, prétendre conserver une certaine autonomie en matière d’armement qu’en développant des projets conjoints économiquement viables, c’est-à-dire potentiellement exportés. Or la question des exportations d’armement se pose différemment des deux côtés du Rhin, tant sur le plan institutionnel que sur le plan politique. En Allemagne, le Parlement joue un rôle de contrôle plus important qu’en France en matière de défense et, surtout, le sujet ne fait pas consensus, la société allemande étant marquée par un fort courant pacifiste.

Côté allemand, la coalition gouvernementale en place depuis 2018 applique une politique restrictive. Fin juin, elle a ainsi réactualisé les règles établies depuis les années 2000 sur les exportations d’armes, en respectant le souhait du Parti social-démocrate de durcir les conditions de vente vers des pays qui n’appartiennent ni à l’Union européenne ni à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). De ce fait, ont été suspendues les exportations d’armement vers les pays participant directement au conflit au Yémen.

En France, la situation est différente. Les exportations d’armement font l’objet d’un quasi-consensus. Selon le dernier rapport publié par le ministère des armées, les ventes d’armes ont augmenté de 30 % en 2018 pour atteindre 9,1 milliards d’euros. Ces ventes sont soumises à l’autorisation de la commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre (CIEEMG), qui en vérifie la conformité à nos engagements internationaux. D’ailleurs, comme chacun le sait ici, une mission d’information de notre commission étudie ce que pourrait être un contrôle parlementaire accru.

Puisque ce traité s’inscrit dans un principe de convergence, autour de quel projet conjoint la France et l’Allemagne pourraient-elles travailler en matière d’exportation d’armement ? Où en sont les négociations sur cette approche commune, puisque la discussion porte actuellement sur un de minimis en deçà duquel l’autorisation du partenaire ne serait pas nécessaire ?

Mme Cécile Untermaier. Je remercie Mme la présidente de m’accueillir au sein de cette commission et Mme la rapporteure d’avoir fait une présentation très complète.

Je ne me prononcerai pas au fond, cela a été fait d’une manière très précise par mon collègue Alain David. Ce traité reprend les objectifs du traité de l’Élysée de 1963 dans les domaines majeurs. Il en tire les fils, au regard des défis majeurs qui s’imposent à nous au XXIe siècle, avec l’idée que la coopération franco-allemande nous permettra d’y répondre. Nous pouvons donc difficilement dire autre chose que : nous devons poursuivre dans cette voie de la coopération.

Si je me permets d’intervenir, c’est pour faire valoir le caractère novateur du traité d’Aix-la-Chapelle en ce qui concerne la création de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. À cette occasion, je veux dire tout le bien que je pense du travail difficile mené par Sabine Thillaye, coprésidente du bureau de cette instance et présidente de notre commission des affaires européennes. En travaillant à la mise en place du règlement de cette assemblée, nous avons mesuré à quel point nos démocraties fonctionnaient sur des fondamentaux qui diffèrent.

Je veux vraiment saluer cette mise en place, qui doit nous permettre de porter un regard institutionnel nouveau sur nos propres institutions, sur la place de l’Assemblée nationale par rapport à l’exécutif. J’entends dire que le conseil des ministres a déjà arrêté sa feuille de route. En fait, je pense qu’il faudrait que nous fassions un effort de rapprochement avec l’exécutif pour discuter ensemble de cette feuille de route et des points majeurs sur lesquels les parlementaires des deux côtés de la frontière sont mobilisés. Sur le plan institutionnel, je ne doute pas de l’intérêt de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. J’espère que nous saurons lui donner la force qu’elle requiert.

S’agissant des défis majeurs, nous avons déjà des propositions de résolution à déposer. Comme l’a dit Jean-Michel Clément, nos amis du Bundestag sont impatients de travailler avec nous. Ne mettons pas trop de freins. Nous avons su les lever, notamment grâce au travail mené avec notre coprésidente.

C’est à nous de tracer les lignes et de définir ce traité et cette Assemblée parlementaire. C’était la raison pour laquelle je voulais m’exprimer ici en faveur de cette approche novatrice qui combine le contrôle et le soutien à l’exécutif quand des questions majeures se posent. Le bras ne doit pas faiblir.

Mme Liliana Tanguy. Madame la rapporteure, je vous remercie pour la présentation de ce rapport. Comme vous, je pense que cette initiative en faveur d’une coopération franco-allemande accrue est bénéfique pour nos deux pays.

Je souhaite vous interroger sur les méthodes de représentation des groupes politiques au sein de l’Assemblée parlementaire franco-allemande et sur les décisions du bureau. Dans le paragraphe 12 du II de son règlement, il est prévu que les voix des membres sont pondérées de manière à refléter les effectifs des groupes politiques et, le cas échéant, des majorités constituées à l’Assemblée nationale et au Bundestag. Dans les votes émis au sein du bureau, il est attribué aux représentants des groupes un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe au sein de l’Assemblée. Un autre paragraphe dispose que les membres issus d’un même groupe votent solidairement.

Les représentants des groupes majoritaires au sein de l’Assemblée franco-allemande auront un poids important, en entraînant le vote des membres du reste du groupe. Étant donné que les modes de scrutin français et allemands sont différents pour l’élection des députés, quelle sera la méthode de pondération utilisée afin de refléter équitablement les effectifs des deux assemblées parlementaires ?

M. Éric Straumann. Nous pouvons effectivement nous interroger sur ce catalogue de mesures. Nos concitoyens attendent des propositions concrètes et j’en citerai une, même si elle peut sembler locale : la réouverture de la ligne de chemin de fer entre Colmar et Fribourg, fermée depuis qu’un bombardement, lors de la Seconde Guerre mondiale, a détruit le pont sur le Rhin qu’elle empruntait. L’agglomération de Colmar, qui compte 110 000 habitants, se situe à 50 kilomètres de Fribourg et ses 230 000 habitants. Cette ligne de chemin de fer permettrait de renforcer la coopération franco-allemande.

Les Allemands sont plus rapides que nous, cela a été dit. Le Bundestag a déjà délibéré sur la mise en place de cette ligne. C’est un peu lié à la décision de fermeture de la centrale de Fessenheim, prise au cours de la dernière législature sous la pression des Allemands, il faut le dire. Côté français, où en sommes-nous concernant la réactivation de cette ligne ? Quel est le calendrier, s’il existe ?

Mme Sabine Thillaye. Je vous remercie beaucoup de m’accueillir ici.

Tout d’abord, j’aimerais dire que je me réjouis de voir que le préambule du traité d’Aix-la-Chapelle mentionne expressément l’Assemblée parlementaire franco-allemande. C’est un progrès. C’est à nous de nous saisir de tous les outils à notre disposition pour nous assurer de la réalisation et du contrôle des projets concrets mentionnés dans le traité d’Aix-la-Chapelle.

À notre collègue Teissier, je dirais que l’Assemblée parlementaire franco-allemande veut précisément s’attaquer à des sujets comme celui de la défense, sur lequel existent des divergences de vues.

M. Guy Teissier. C’est très bien !

Mme Sabine Thillaye. L’Allemagne fait partie de l’Initiative européenne d’intervention (IEI), destinée à rapprocher les cultures stratégiques et à développer la complémentarité entre nos deux systèmes.

Il est vrai que nous avons, d’un côté, un État centralisé, et, de l’autre, un système fédéral. En Allemagne, certaines compétences peuvent être exclusivement fédérales ou régionales ; les régions sont de vrais États dotés d’une Constitution, d’une cour constitutionnelle et d’un gouvernement. En Allemagne, il existe deux niveaux étatiques et les régions allemandes n’ont rien à voir avec les nôtres.

Nous devons donc travailler ensemble. Quitte à être un peu familière, je dirais qu’il n’y a rien de tel que de partir en vacances avec des amis pour se comprendre et pour voir les difficultés. Que voulons-nous faire ? Nous mettre dans une pièce et parler vraiment de défense, d’immigration et de la zone euro, afin de rapprocher nos points de vue et de mesurer les marges de manœuvre dont nous disposons.

L’ambassadeur d’Allemagne cite souvent l’exemple suivant : dans l’expression « industrie de la défense », un Allemand retient le mot « industrie » alors que le Français retient le mot « défense ». En travaillant ensemble, nous pourrons trouver une complémentarité, sans avoir peur de développer une culture de confrontation. C’est très bien d’être amis mais nous devons nous mettre au travail afin de progresser ensemble.

Madame la rapporteure, vous avez évoqué le fonds citoyen, qui est très attendu, particulièrement dans les zones non transfrontalières. Lors de vos auditions, avez-vous dessiné une esquisse un peu plus précise ? A priori, l’Allemagne souhaite investir plus de fonds que nous mais il y a quand même des choses à régler au niveau de la gouvernance. Quels sont les projets qui vont être financés ? C’est très important pour nos associations. Or pour faire avancer la coopération franco-allemande, nous avons besoin des chefs d’État, des chefs de gouvernement et des parlementaires, mais aussi de la société civile.

Chère collègue Liliana Tanguy, le règlement intérieur est actuellement entre les mains de l’administration. Au niveau du bureau, nous nous sommes tous mis d’accord sur ce point : il vaut mieux informer d’abord tous les membres de l’Assemblée parlementaire. C’est un peu hors sujet mais je peux vous dire qu’on n’est pas obligé de voter avec son groupe. L’objet de cette assemblée parlementaire est précisément de n’être ni française ni allemande mais d’être franco-allemande lorsqu’elle prend des décisions.

Au niveau du bureau, par exemple, chacun porte le nombre de voix qui correspond au poids de son groupe politique. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, cela se reflétera selon des modalités qui vous seront communiquées plus tard, après la deuxième réunion plénière qui se tiendra à Berlin le 23 septembre et qui doit adopter le règlement intérieur.

Mme la présidente. Merci beaucoup, madame la présidente de la commission des affaires européennes, pour toutes ces précisions.

Mme Valérie Boyer. Le traité d’Aix-la-Chapelle de 2019, comme celui de l’Élysée de 1963, a en effet pour ambition de graver dans le marbre l’amitié entre les gouvernements français et allemand, mais aussi et surtout entre les peuples français et allemands.

Depuis l’acte fondateur qu’a constitué le traité de l’Élysée, la haine que se vouaient réciproquement la France et l’Allemagne est progressivement devenue une amitié indéfectible. Dans l’Union européenne, ces deux pays sont probablement ceux qui ont noué le lien le plus fort, et les mariages entre ressortissants français et allemands sont les plus nombreux parmi les mariages binationaux. Cette amitié est absolument essentielle à la paix, au bien-être et à la prospérité du continent.

Pourtant, force est de constater que cette amitié connaît actuellement quelques turbulences. Des divergences se sont fait sentir au moment des nominations aux postes influents de l’Union européenne. Emmanuel Macron a même été accusé d’être « anti-allemand » par un responsable politique. Le Président de la République semblait l’avoir compris, lui qui affirmait pendant sa campagne présidentielle vouloir « regagner la confiance de l’Allemagne » en réalisant des réformes structurelles et en assainissant les finances publiques. Malgré ces engagements, la France peine plus que jamais à enclencher une dynamique qui lui permettrait de commencer à combler réellement la divergence qui s’est installée avec notre partenaire principal. Nous sommes donc bien loin de la lune de miel entre Valéry Giscard d’Estang et Helmut Schmidt, de la main qui avait uni François Mitterrand et Helmut Kohl.

Le traité d’Aix-la-Chapelle énonce des principes, des intentions ou des ambitions, mais il ne résoudra pas les points de blocage. Ces derniers mois, Paris et Berlin se sont opposés sur beaucoup de dossiers : le budget de la zone euro, le traité de libre-échange avec les États-Unis, les armes envoyées dans la péninsule arabique. Un fossé s’est creusé concernant nos économies, notre stratégie militaire ou notre politique migratoire. J’adhère en partie aux propos de mon collègue Guy Teissier. Certains comparent d’ailleurs l’armée allemande à une grande organisation non gouvernementale (ONG), compte tenu de la façon dont elle opère sur le terrain.

Dans ces conditions, la responsabilité de la France et de l’Allemagne est immense, car nous sommes les garants de la paix, de la prospérité et de la poursuite de l’aventure européenne. C’est encore plus vrai depuis le Brexit. Cette entente ne va pas de soi étant donné que nous sommes différents.

En réalité, ce traité ne mérite ni cris d’orfraie ni enthousiasme démesuré. Il est important de faire entrer pleinement nos nations dans le XXIe siècle. L’Allemagne et la France doivent incarner une forme de sursaut européen.

M. Bruno Fuchs. Merci, madame la rapporteure, pour votre rapport sur un traité qui va permettre de dessiner une nouvelle étape de la relation franco-allemande et, au-delà, une nouvelle étape de l’intégration européenne.

La volonté politique existe, mais la question des moyens est essentielle. Dans le traité de l’Élysée de 1963, était notamment exprimée la volonté d’apprendre la langue de l’autre. C’était écrit. Cinquante-six ans plus tard, on s’aperçoit que l’anglais a pris le pas sur toutes les autres langues de l’Union européenne. L’apprentissage de l’allemand en France et du français en Allemagne est devenu secondaire par rapport à celui de l’anglais.

À mon sens, la création de la Collectivité européenne d’Alsace constitue un événement central dans ce dispositif. Cette nouvelle collectivité peut permettre d’expérimenter certains dispositifs et de préfigurer ce que peut être l’intégration européenne à partir d’un territoire qui, précisément, se situe à la frontière allemande. Qu’en pensez-vous ?

Pour terminer, je ferais une remarque à mes deux collègues du groupe Les Républicains dont les expressions concernant l’armée allemande sont à revoir, car elles sont à la limite de l’insulte.

M. Nicolas Dupont-Aignan. La coopération franco-allemande est fondamentale et le traité de l’Élysée était un élément clef de la réconciliation entre la France et l’Allemagne.

Le traité d’Aix-la-Chapelle n’a rien à voir avec cela. Ce traité fait croire qu’il y a un couple franco-allemand égalitaire, alors que, depuis vingt ans, la relation se dégrade. Dans un excellent livre, Coralie Delaume explique bien que la France se berce d’illusions sur ce couple franco-allemand, que l’Allemagne défend ses intérêts. Je ne reproche pas à l’Allemagne de défendre ses intérêts, je reproche à la France d’être faible et d’avoir toujours cédé sur les points essentiels.

Il est dommage que ce traité ait pu être signé alors que l’Allemagne a refusé la taxe sur les géants du numérique et qu’elle mène une politique égoïste en matière d’accords commerciaux tels que l’accord économique et commercial global avec le Canada, dit CETA, ou le Marché commun du Sud (Mercosur). Nous nous alignons alors que l’Allemagne conduit quasiment une négociation bilatérale avec les États-Unis pour sauver son industrie en sacrifiant notre agriculture. L’Allemagne conduit une politique militaire qui vise seulement à s’emparer de notre technologie et elle nous interdit d’exporter quand elle le souhaite. L’Allemagne a rouvert des centrales à charbon pour fermer ses centrales nucléaires, tout en prétendant défendre le climat. Enfin, elle a adopté une politique migratoire à sens unique et de manière totalement égocentrique.

Je veux bien que l’on parle de couple franco-allemand toute la journée et que l’on se berce d’illusions. En réalité, il y a un grand pays, l’Allemagne, qui défend ses intérêts, et un autre pays, la France, qui ne sert pas l’amitié franco-allemande en faisant preuve de faiblesse permanente.

Si nous voulons un vrai traité franco-allemand, il faudra que la France défende ses intérêts dans le cadre d’un partenariat. Il faudra que nous cessions de brader nos intérêts au service d’un pays qui avance et qui nous laisse à la traîne.

M. Sylvain Waserman. Chers collègues, j’aimerais appeler votre attention sur l’évolution de la relation franco-allemande depuis deux ans. En fait, deux démarches sont conduites en parallèle et elles s’autoalimentent : le traité et l’Assemblée parlementaire franco-allemande.

Les points de synchronisation entre ces deux démarches sont très importants. Dans le traité, il est question de créer une zone harmonisée en ce qui concerne l’environnement réglementaire et économique des entreprises. L’Assemblée parlementaire franco-allemande peut être un outil concret et opérationnel pour transposer les directives européennes de façon plus similaire entre la France et l’Allemagne, pour accompagner des initiatives comme le code européen des affaires ou le code franco-allemand des affaires et impulser concrètement cette convergence.

Dans notre rapport d’information, avec Christophe Naegelen, nous avons montré que, depuis sa création, la zone euro répondait à une intention de convergence mais s’était traduite, en réalité, par une divergence. Or, cette divergence n’est pas soutenable. La démarche franco-allemande, cette cohérence entre le traité et la possibilité d’une action concrète par le biais de l’Assemblée parlementaire, c’est une façon opérationnelle d’essayer de relancer des initiatives de convergence à un moment de la vie de l’Union européenne où nous en avons particulièrement besoin.

Comme beaucoup d’entre vous, je crois à la dynamique du moteur franco-allemand. L’un de mes collègues allemands me faisait d’ailleurs remarquer que les Français parlent du « couple » franco-allemand là où les Allemands parlent de « « moteur » franco-allemand. Cela dit tout de nos différences culturelles et de nos similitudes d’approche. Je crois en ce moteur, en cette dynamique. Je pense qu’autour de ce couple ou de ce moteur franco-allemand, peuvent se fédérer des pays et des initiatives de convergence qui sont urgentes pour le succès de l’Union européenne.

Ce qui s’est passé entre le traité et l’Assemblée parlementaire franco-allemande est extrêmement concret. Prenons un exemple tout simple. Lors de l’examen du texte sur la Collectivité européenne d’Alsace, un sujet a provoqué beaucoup de discussions avec l’administration de l’éducation nationale : la création d’un comité stratégique entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales sur l’enseignement de l’allemand. Nous pensons que les collectivités territoriales doivent suivre l’enseignement de la langue du voisin, que c’est d’une importance stratégique et économique. Nous avons été aidés par le fait que, même s’il n’était pas encore ratifié à l’époque, le traité énonce explicitement que les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans la stratégie d’enseignement de la langue du voisin.

Tout cela est très cohérent. J’espère que ces passerelles entre le traité et l’Assemblée parlementaire franco-allemande se multiplieront à l’avenir et qu’elles permettront concrètement de voir la cohérence et l’importance de ce que nous sommes en train de construire ou de relancer par le biais de cette dynamique franco-allemande.

Puisqu’il y a des éléments très concrets dans ces deux démarches, pourra-t-on prendre date pour une évaluation de la mise en application de ce traité ? Il serait utile que nous ayons, au bout d’un an ou de dix-huit mois, un premier retour d’expérience sur la réalité de ces deux démarches.

M. Frédéric Petit. Je pense qu’il y a vraiment un fantasme sur le déséquilibre entre la France et l’Allemagne. Il y a certes des divergences – et il faut trouver des convergences – mais ce n’est pas un déséquilibre. Quand on circule, on voit que les infrastructures allemandes ne sont pas au niveau des nôtres. Les Allemands sentent aussi des différences, y compris dans le développement de l’industrie ; ils savent qu’ils vont dans le mur dans certains domaines et que nous pouvons les aider.

Jean-Paul Lecoq a demandé quelles étaient les limites d’une zone transfrontalière. D’après mon expérience, la notion de gradient de frontière va s’imposer à l’intérieur de l’Europe. Entre l’Allemagne et la Pologne, les villes de Francfort-sur-l’Oder et Słubice, que je cite souvent, ont trouvé des systèmes. Qu’est-ce que la Transylvanie ? Allez-y et vous comprendrez ce que représentent les Hongrois en Slovaquie. Tout cela existe en Europe, ce qui pose une question fondamentale trop souvent oubliée : celle de la frontière extérieure de l’Europe. Loin d’être une simple question de surveillance, la frontière extérieure de l’Europe, c’est celle de la culture, des savoirs : où sommes-nous ensemble et où ne le sommes-nous pas ?

Quand la rapporteure a énuméré les projets en cours, mon collègue Alain David a demandé : qui le sait ? Je voudrais lui rappeler qu’il va y avoir une école franco-allemande à Zagreb et que nous avons un centre culturel commun à Ramallah. On ne le sait pas toujours, mais il y a des choses remarquables qui se passent dans le monde.

Mme Nicole Trisse. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’appréciation que M. Dupont-Aignan a portée sur le partenariat franco-allemand, qui serait moribond. Les couacs et autres dysfonctionnements se situent avant tout au niveau du sommet des États ; pour ma part, je vois cette relation à travers un prisme différent. J’habite à Sarreguemines, à quelques kilomètres de l’Allemagne et de la ville de Sarrebruck. Je peux vous dire que nous vivons au quotidien le partenariat franco-allemand et l’amitié franco-allemande. On ne voit pas comment on pourrait faire autrement et, d’ailleurs, on n’en a pas envie.

Monsieur Dupont-Aignan, vous dites que les Français sont lésés dans ce partenariat. Sachez que Daimler-Mercedes-Benz de Stuttgart vient d’investir 500 millions d’euros dans ma circonscription, où il va construire une Mercedes électrique. De nombreux emplois sont enfin pérennisés dans un bassin de vie où ce n’est pas toujours évident. Je trouve que c’est un beau partenariat.

Avant que vous ne fassiez une réflexion, je vous dirai que ceux qui travaillent dans l’usine Smart et qui vont bientôt travailler dans l’usine Daimler-Mercedes, ce sont des gens du territoire. Ce sont des Français qui parlent allemand, car nous avons l’habitude d’apprendre cette langue en classe.

Nous sommes au cœur de l’Europe. Nous faisons l’Europe en partenariat économique et culturel. C’est très bien ainsi. Cela nous ouvre des champs tout à fait formidables. Il ne faut pas toujours s’en tenir à la petite phrase, à la posture, à ce genre de choses qui n’ont rien à voir avec le quotidien des personnes qui vivent dans les régions frontalières.

M. Nicolas Dupont-Aignan. On a le droit de s’interroger sur la relation franco-allemande telle qu’elle se présente aujourd’hui sans que cela signifie que l’on s’oppose à des relations de partenariat économique comme nous en entretenons depuis des années. Il faut arrêter ce chantage affectif, et je maintiens ce que j’ai dit. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas les Allemands ni que je ne veux pas travailler avec eux. Simplement, entre amis, on travaille sur un pied d’égalité.

M. Jean-Paul Lecoq. Pour ma part, j’aime bien tous les peuples du monde, donc, évidemment, les Allemands.

Je trouve qu’on ne parle pas assez des relations qu’ont nouées les communes de nos deux pays depuis des années – et le texte du traité en fait effectivement peu de cas. On parle du couple franco-allemand mais il y a surtout des mariages franco-allemands, précisément à la suite des rencontres entre les jeunes de nos communes dans le cadre de jumelages. Ce sont ces belles relations qui ont fait la force du lien qui unit nos peuples, les relations entre les gens plutôt qu’entre les institutions. Et elles se sont encore renforcées avec la réunification.

Les communes qui élisaient des membres de mon parti étaient plutôt jumelées, pour des raisons politiques, avec des communes de l’ancienne République démocratique allemande (RDA). Après la réunification, les Allemands se sont demandé s’ils continueraient à discuter avec des communistes. Ils ont répondu par l’affirmative, dans l’intérêt des populations et malgré les divergences politiques – elles se sont atténuées depuis. Nous devrions promouvoir cet esprit. Si le traité en était imprégné plutôt que par une vision économique, il aurait eu une force bien différente. C’est pourquoi j’aimerais vraiment savoir qui, du côté français, a participé à sa rédaction. J’interviens de nouveau précisément parce que je n’ai pas eu plus de réponse à cette question de la part de notre rapporteure que de la part de Mme la ministre Loiseau en son temps. Quels parlementaires, quelles associations de villes jumelées ont écrit ce traité ? Il y manque des éléments importants.

Mme la rapporteure. Je tiens à vous remercier, chers collègues : entre vous, vous avez fait la moitié de mon travail. Cela me simplifie la tâche, et mes réponses pourront, comme à l’accoutumée, être synthétiques.

Ainsi, Sabine Thillaye a déjà précisé des éléments de contexte susceptibles de répondre à la question de Mireille Clapot en matière de défense. Entre la conception et la livraison d’un système d’armes complexe s’écoule le temps d’une génération – vingt ou trente ans, si je me réfère au char Leclerc. Cette durée est à mettre en regard d’éventuelles difficultés politiques, qui sont de court terme. Il faut prendre du recul. Toutes ces contraintes nous permettent d’assurer notre autonomie stratégique, sans laquelle nous devrions acheter sur étagère du matériel américain, des hélicoptères israéliens.

Je remercie Cécile Untermaier pour son témoignage. Nous sommes cinquante députés français, représentant toutes les commissions, à faire partie de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. C’est bien là l’enjeu. Les membres de la commission de la défense nationale et des forces armées pourront œuvrer avec nos homologues allemands au rapprochement de nos visions stratégiques. Le travail en amont sera conduit avec Sabine Thillaye, qui a d’ailleurs déjà longuement évoqué l’Assemblée parlementaire franco-allemande, et qui a aussi répondu à Liliana Tanguy.

Merci beaucoup, monsieur Straumann, d’avoir accepté d’être associé à mes travaux préparatoires. Pour le reste, je peux seulement vous dire qu’une contribution à la consultation menée par la Commission européenne concernant le règlement sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport serait apportée par le ministère de la transition écologique et solidaire à travers une note où figureront comme exemples les liaisons Colmar-Fribourg et Karlsruhe-Haguenau-Sarrebruck, mais cela ne constitue pas un engagement. Une étude d’opportunité avait été réalisée en 2018 et les échanges portent actuellement plutôt sur l’élaboration d’un cahier des charges pour de prochaines études. Affaire en cours, donc, et je ne peux vous donner d’éléments plus précis.

Je vous remercie, madame Boyer, d’avoir insisté sur les liens entre la France et l’Allemagne, auxquels je vous sais attachée. Comme je l’ai rappelé à Mireille Clapot, il faut vraiment distinguer enjeux conjoncturels et enjeux structurels, court terme et long terme. Et puisque vous avez évoqué les écarts de compétitivité entre nos deux pays, je rappelle que la croissance française était l’an dernier supérieure à la croissance allemande – c’est bon signe. Quant à l’armée allemande, ce n’est pas une grande ONG ; je le sais pour avoir eu 130 soldats allemands sous mes ordres.

Effectivement, monsieur Fuchs, l’apprentissage de la langue était un enjeu considérable du traité de l’Élysée, que la création de l’OFAJ a consacré.

À partir de 1963, le taux d’apprenants de l’allemand ou du français dans les deux pays a culminé à 30 %. Aujourd’hui, il est tombé à 15 %. J’ai salué la décision du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, M. Jean-Michel Blanquer, de ressusciter les classes européennes. Il n’y a, à mon sens, pas meilleur moyen pour s’approprier toutes les subtilités et de la langue et de la culture. C’est aussi, vraiment, un objectif du traité d’Aix-la-Chapelle. L’allemand est aujourd’hui considéré comme une langue difficile et élitiste, et ce n’est pas celle que nos adolescents choisissent d’apprendre en premier. C’est une question dont nous pourrons nous saisir tant au niveau national qu’au niveau local – vous avez mentionné la Collectivité européenne d’Alsace.

Une réponse partielle a été faite à Nicolas Dupont-Aignan par Nicole Trisse. Il faut avoir à l’esprit que 3 200 entreprises allemandes sont implantées en France. Quant aux divergences politiques, elles existent, en effet, mais là intervient l’art du compromis, et un compromis généralement acceptable par tous. Beaucoup d’acteurs de la société civile que j’ai rencontrés se décrivent comme un coussinet qui, tel celui de la patte du chat, amortit les chocs de la relation entre nos États. Ces coussinets, ce sont tous ces liens au niveau de la société civile, entre nos concitoyens à l’échelle locale, régionale ou associative.

Monsieur Waserman, j’adhère complètement à l’idée d’un retour d’expérience. Accepteriez-vous, madame la Présidente, que, dans un an ou à la date anniversaire de la signature, nous fassions un point d’étape ?

Mme la présidente. Nous avons déjà souvent exprimé notre souhait de conduire des missions d’information sur l’évaluation et la mise en application des conventions. Nous pouvons tout à fait prendre ce traité franco-allemand comme un premier exemple. D’autres conventions pourront faire l’objet de cette surveillance, en particulier les conventions transfrontalières, car nous savons quel écart il peut y avoir entre un texte et son application sur le terrain – des corrections sont parfois nécessaires. Nous avons donc bien l’intention d’assumer, sur les traités et sur les conventions, notre responsabilité en matière de d’évaluation et de contrôle.

Mme la rapporteure. Frédéric Petit a indiqué que les Allemands savent qu’ils vont dans le mur sur le plan industriel. Je partage tout à fait cette analyse. En France, nous avons tendance à beaucoup envier le dynamisme économique d’outre-Rhin, mais la spécialisation de leur économie dans le secteur secondaire inspire aux Allemands une réelle inquiétude, à l’heure des grands enjeux numériques et de l’intelligence artificielle.

Je ne sais pas, monsieur Lecoq, si nous pouvons solliciter le fonds citoyen pour créer une agence matrimoniale franco-allemande. Je ne doute pas, en tout cas, que cette créativité ne manquerait pas d’être saluée. Pour ce fonds, j’ai entendu, du côté français, le chiffre de 500 000 euros – un peu plus en Allemagne – dédiés majoritairement au cofinancement de projets à hauteur de 10 000 euros, donc des projets qui passent aujourd’hui sous les radars, ceux qui pouvaient naguère être financés par la réserve parlementaire. Et il s’agit bien d’un traité d’État à État.

Mme la présidente. Je reviens sur une question de Jean-Paul Lecoq. En France, aux termes de l’article 52 de la Constitution, « le Président de la République négocie et ratifie les traités » ; en Allemagne, la Loi fondamentale confère une responsabilité analogue au Président de la République fédérale d’Allemagne. Les pratiques n’en sont pas moins différentes – Sabine Thillaye l’a expliqué tout à l’heure.

Pour ma part, je suis persuadée que la France doit conserver son État fort, aux missions claires, et, en même temps, donner plus de pouvoirs, plus de champ, plus de libertés aux collectivités locales, aux régions, à la participation des uns et des autres ; au Parlement, c’est une évidence. Un exécutif fort comme il l’est sous la Ve République a besoin, c’est vital, d’un Parlement fort.

Ce combat doit encore être mené, et nous le menons tous les jours, notamment lorsque nous essayons de faire en sorte que cette commission soit entendue et respectée, que ses décisions soient prises en compte. Je souhaite que nous continuions de le livrer. C’est sain et c’est bon pour notre démocratie, pour la rendre plus vivante et plus représentative.

Merci pour votre travail, madame la rapporteure.

La commission adopte larticle unique ainsi que lensemble du projet de loi.

 

La séance est levée à 11 heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

 

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 9 h 30

 

Présents. - Mme Aude Amadou, Mme Valérie Boyer, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Aina Kuric, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Brigitte Liso, M. Mounir Mahjoubi, Mme Jacqueline Maquet, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse, M. Sylvain Waserman

 

Excusés. - M. Frédéric Barbier, M. Pascal Brindeau, Mme Samantha Cazebonne, M. Michel Fanget, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Jean Lassalle, Mme Nicole Le Peih, M. Jean-Luc Reitzer

 

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye, Mme Cécile Untermaier