Compte rendu

Mission d’information sur
les freins à la transition énergétique

 

 Audition en table ronde, ouverte à la presse, sur la filière de l’éolien terrestre : M. Stanislas Reizine, sousdirecteur du système électrique et des énergies renouvelables, direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Louis Butré, président de la Fédération pour l’environnement durable (FED) et Mme Bernadette Kaars, administratrice ; M. Olivier Pérot, président de France Énergie éolienne accompagné de Mme Pauline Le Bertre, déléguée générale; M. David Marchal, directeur adjoint Productions et énergies durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)              2


Jeudi
17 janvier 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 12

session ordinaire de 2018-2019

Présidence
de
M. Adrien Morenas,
Vice-président

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

M. Adrien Morenas, vice-président. En fin d’année dernière, nous avons organisé une réunion sur l’énergie solaire et la semaine prochaine, nous nous pencherons sur l’hydrogène et la méthanisation. Aujourd’hui, notre mission d’information s’intéresse à l’énergie éolienne.

Dans cette première table ronde, plus spécifiquement consacrée à l’éolien terrestre, nous avons le plaisir d’accueillir M. Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la transition écologique et solidaire ; M. Olivier Pérot, président de France Énergie éolienne accompagné de Mme Pauline Le Bertre, déléguée générale ; M. David Marchal, directeur adjoint Productions et énergies durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ; M. Jean-Louis Butré, président de la Fédération pour l’environnement durable (FED) et Mme Bernadette Kaars, administratrice de la FED.

Avant d’ouvrir cette table ronde, je précise que nous organiserons d’ici à la fin du mois une consultation publique qui permettra à chacun de s’exprimer pendant six semaines sur les freins à la transition énergétique et les solutions à y apporter pour l’accélérer. Il sera possible d’y participer via un lien qui figurera sur le site de l’Assemblée nationale.

M. Bruno Duvergé, rapporteur. Nous avons organisé les travaux de cette mission d’information autour de sept thèmes : le premier a trait aux freins liés à l’absence de vision de ce que sera l’avenir de la production et de la consommation d’énergie ; le deuxième concerne directement nos invités du jour, puisqu’il porte sur les grandes filières de développement des énergies renouvelables ; les autres thèmes concernent la mobilité, les économies d’énergie, l’évolution future des grands groupes énergétiques, le rôle primordial des territoires et, enfin, la fiscalité écologique. Vous interviendrez principalement, madame et messieurs, sur la production d’énergie renouvelable, mais vos propos recouperont sans doute les autres thèmes que je viens de présenter ; n’hésitez donc pas à les aborder.

M. Stanislas Reizine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables, direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Permettez-moi de vous présenter brièvement les objectifs et perspectives de développement de la filière éolienne terrestre. La France s’est fixé des objectifs très ambitieux en matière d’énergies renouvelables, qui devront constituer à terme 32 % de la production d’énergie et, conformément à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, 40 % de la production électrique. Pour y parvenir, le Gouvernement dispose d’un outil de programmation : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), une feuille de route qui décline ces objectifs, filière par filière. Le Président de la République a annoncé fin novembre un projet de PPE qui prévoira notamment de doubler la capacité installée d’énergie renouvelable électrique en 2028 par rapport à 2017, ce qui suppose une augmentation de 50 % des capacités d’ici 2023. Dans ce contexte, l’énergie éolienne doit, selon nous, devenir l’un des piliers du système électrique français.

Au 30 juin 2018, la puissance du parc éolien installé était de 14 gigawatts. L’objectif annoncé par le Gouvernement dans le cadre de la PPE est d’atteindre une capacité installée de 34 à 36 gigawatts d’ici à 2028 – autrement dit, de multiplier par 2,5 la capacité installée en dix ans de sorte que l’éolien produise 15 % de l’électricité française. C’est une ambition très forte. Pour la concrétiser, il faudra installer chaque année une capacité de production de deux gigawatts. Cet objectif sur dix ans sera atteint pour partie par la création de nouveaux parcs et pour partie par le renouvellement de parcs existants, grâce à l’installation de machines neuves et plus puissantes qui permettront de doubler la production sans nécessairement doubler le parc éolien français.

La PPE fixe un objectif d’augmentation très significative du volume, mais aussi des travaux de renouvellement des parcs existants pour en optimiser la capacité et pour assurer la gestion collective de l’enjeu que constituent la valorisation, la réutilisation et le recyclage des sites et des machines en fin de vie.

Pour atteindre ces objectifs très ambitieux, le Gouvernement a adopté la même méthode que dans la filière solaire en créant des groupes de travail qui réunissent tous les acteurs concernés afin d’identifier les freins et, dans la mesure du possible, de les lever. C’est la filière éolienne qui, la première, a été jugée pertinente par le Gouvernement il y a un an, et un groupe de travail avait alors été constitué. Une dizaine de mesures ont été définies en janvier 2018, et la plupart d’entre elles ont déjà été mises en œuvre. Parmi les plus emblématiques, citons les mesures visant à accélérer la procédure contentieuse figurant dans un décret publié en décembre 2018, la clarification des règles de renouvellement, la publication d’arrêtés visant à modifier les règles de balisage afin d’en réduire les nuisances pour les riverains, ou encore la réforme de la fiscalité du secteur éolien introduite dans le projet de loi de finances pour 2019 afin de veiller à ce que les communes accueillant des éoliennes continuent de bénéficier des avantages fiscaux associés. En bref, c’est un ensemble d’une dizaine de mesures qui a été annoncé et qui est peu à peu mis en œuvre.

La secrétaire d’État Emmanuelle Wargon a annoncé que le groupe de travail se réunirait à nouveau à la fin du mois de janvier. La méthode consistant à réunir les professionnels et parties prenantes autour d’un projet a fait ses preuves. Le Gouvernement souhaite que l’éolien terrestre joue un rôle central dans la transition énergétique française. Encore une fois, les objectifs arrêtés sont extrêmement ambitieux et la méthode de travail qui a été définie permettra d’identifier au plus vite les freins et les leviers existants.

M. David Marchal, directeur adjoint Productions et énergies durables de l’ADEME. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) rejoint naturellement le point de vue de la DGEC, en particulier en ce qui concerne le rôle indispensable de la filière éolienne dans la transition énergétique française et de l’évolution du mix électrique. À l’échelle mondiale, cette filière connaît un très fort développement avec une croissance annuelle de l’ordre de 17 % depuis 2010 ; il serait regrettable que la France n’en bénéficie pas.

L’ADEME tient un rôle particulier dans cette filière. L’ambition du Gouvernement se déploie dans deux domaines : les tarifs d’achat et les mesures de soutien mises en œuvre par le ministère. L’ADEME ne finance donc pas les projets éoliens mais intervient plutôt en fournissant son expertise et en réalisant des études ; elle finance également l’innovation et accompagne le développement de plusieurs démonstrateurs.

Les études que nous conduisons visent à identifier les freins et les pistes de développement de la filière éolienne terrestre. Nous travaillons à partir de visions à long terme : à l’horizon 2050 voire 2060, l’éolien terrestre, grâce à sa compétitivité, pourrait occuper une place prépondérante dans le mix électrique. Ses coûts sont en baisse, comme en témoignent les derniers appels d’offres lancés par le ministère : le prix du mégawattheure s’établit à 65 euros, soit nettement moins que le tarif d’achat, qui s’élève à 72 euros. Les innovations qui surviendront d’ici à 2030 pourraient même faire baisser le prix du mégawattheure à 50 euros à cette date, car elles permettront tout à la fois de réduire les coûts de financement et d’allonger la durée de vie des machines. En clair, à long terme, cette filière occupera une place très importante dans le mix électrique et pourrait même, selon nos études, produire la moitié de l’électricité à l’horizon 2050-2060.

Nous réalisons également des études visant à affiner notre connaissance des gisements mais aussi des impacts de la filière sur la biodiversité et sur l’emploi ; une des études en cours porte sur le repowering, c’est-à-dire les conditions économiques dans lesquelles assurer le remplacement des machines existantes.

Je voudrais dire un mot de l’emploi. Dans cette filière en croissance et à laquelle sont attribués des objectifs importants, on entend souvent dire que les machines sont importées. L’ADEME réalise chaque année une étude intitulée « Marchés et emplois de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables » qui comprend un volet spécifique sur l’éolien terrestre. Selon la dernière livraison de cette étude, 14 000 emplois – pour 14 000 mégawatts – sont directement liés à la filière éolienne, ce à quoi s’ajoutent des emplois indirects, soit un total d’environ 18 000 emplois. Quelque 600 entreprises travaillent dans ce secteur en France, dont certaines exportent des composants pour un montant total de 700 millions d’euros. Toutes n’interviennent pas dans la fabrication d’éoliennes, mais 4 000 emplois équivalents temps plein (ETP) sont liés à l’exportation de composants, qu’il s’agisse d’électromécanique ou d’électronique de puissance.

L’ADEME finance également de la recherche-développement et des projets dans lesquels l’innovation vise à réduire les impacts ou à améliorer les performances. L’augmentation de la taille des machines concerne surtout l’éolien en mer mais d’autres projets portent sur des génératrices hybrides qui permettront de ne plus utiliser des aimants permanents, dont on connaît les incidences environnementales. Certains projets ont trait à la recyclabilité des pales : les pales actuelles, construites en fibre de verre, comme les coques de bateau, ne sont pas recyclables, mais la piste des thermoplastiques recyclables est en cours d’exploration. Autre projet : la production de mâts en béton pour l’exportation, ce produit connaissant un certain succès à l’étranger. Des industriels tels que Freyssinet, Jeumont, Arkema et d’autres sont impliqués dans ces différents projets, même s’ils ne sont pas toujours sur le devant de la scène, car les fabricants de turbines en tant que tels sont en effet assez peu nombreux.

L’un des enjeux majeurs de la filière éolienne tient à son appropriation territoriale. Nombreuses sont les collectivités locales qui s’impliquent, en particulier grâce aux retombées fiscales. Les collectivités peuvent d’ailleurs s’impliquer de bien d’autres manières dans les projets, pour peu qu’elles bénéficient d’un meilleur conseil. Il n’existe pas de réseau de conseillers éoliens ; c’est sans doute une piste à envisager pour mieux orienter les collectivités et mieux intégrer les projets dans les dynamiques territoriales.

M. Olivier Perot, président de France énergie éolienne. Permettez-moi de dresser un bref état des lieux complémentaire de la filière éolienne en France, avant de revenir sur les freins, les enjeux et les leviers. France énergie éolienne est une association professionnelle qui regroupe les entreprises et professionnels actifs dans le secteur éolien, quelles que soient leur taille et leur place dans la chaîne de valeur – des très petites entreprises (TPE) aux très grands groupes. À ce jour, nous comptons 330 entreprises adhérentes.

D’après le recensement que nous avons effectué en fin d’année et qui donnera lieu à un communiqué de presse dans la semaine, la capacité installée atteindrait désormais plus de 15 gigawatts ; la cible fixée dans la précédente PPE est donc atteinte. La filière a fait la preuve qu’elle était en mesure d’atteindre des objectifs ambitieux. Quelque 8 000 éoliennes sont installées et représentent un peu moins de 6 % de la consommation électrique nationale en 2018.

En termes de compétitivité économique, la filière a atteint une maturité industrielle et technologique mais reste jeune et peut encore réaliser des gains de productivité et améliorer sa compétitivité. La courbe décroissante des prix de l’électricité est un élément à prendre en compte dans une perspective à long terme.

La notion de fiabilité et de sécurité de l’approvisionnement est importante. La production d’électricité éolienne est prévisible plusieurs jours à l’avance et désormais bien intégrée au réseau électrique, les gestionnaires de réseau ayant accompli de nombreux progrès et maîtrisant bien cette source de production. Selon les scénarios prospectifs de Réseau de transport d’électricité (RTE), l’industriel chargé d’équilibrer le réseau de transport d’électricité, la production éolienne pourrait représenter jusqu’à 36 % de l’électricité en 2035 – contre 6 % aujourd’hui et 15 % prévus dans la PPE en 2028 – et encore ne s’agit-il pas d’un maximum mais d’un point de passage, car il reste une marge importante au-delà de cet horizon.

S’agissant des emplois, nous utilisons une méthode de recensement un peu différente de celle de l’ADEME – nous travaillons avec la société de conseil BearingPoint –, mais nous parvenons à un résultat similaire, de l’ordre de 17 000 emplois directs et indirects en 2017, soit une augmentation régulière de 8 % – 1 200 emplois supplémentaires – par rapport à l’année précédente. La filière crée quatre emplois par jour. À titre de comparaison, alors que l’éolien représente donc 5 à 6 % du bouquet électrique, le nucléaire en représente 70 à 75 %, soit douze fois plus ; or, il emploie environ douze fois plus de personnes que l’éolien. Autrement dit, la richesse en emplois de l’éolien est équivalente à celle du nucléaire.

J’en viens aux retombées économiques et fiscales, qui possèdent une forte dimension locale. Les travaux de construction supposent l’intervention de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les secteurs du génie civil, du génie électrique et de l’installation. D’autre part, environ 3 500 des 17 000 emplois de la filière sont liés à la maintenance. La France compte 90 centres de maintenance qui emploient des techniciens jeunes et très qualifiés, installés dans des communes rurales ou de petite taille. L’impact sur l’emploi local est donc très apprécié par les maires que nous rencontrons régulièrement. En outre, le parc installé s’accompagne pour les collectivités locales – communes, intercommunalités, départements et régions – de retombées fiscales d’un montant d’environ 170 millions d’euros par an.

Le dernier élément d’importance est l’adhésion des Français. C’est une donnée que nous avons souhaité objectiver, au-delà de tout ce que l’on peut entendre. Nous avons donc commandé à Harris Interactive, entreprise d’études marketing et de sondages d’opinion, un sondage auprès de deux échantillons, l’un de mille personnes représentatives des Français dans leur ensemble et l’autre de mille riverains, c’est-à-dire de résidents de communes situées à moins de cinq kilomètres d’un parc. Il en résulte que l’éolien conserve une très bonne image pour près de trois Français sur quatre – 73 % précisément. Peu de politiques publiques peuvent se prévaloir d’un tel soutien… D’autre part, la dynamique constatée parmi les riverains est très intéressante : l’image qu’ils ont de l’éolien est meilleure de sept points que l’image qu’a l’échantillon général et elle s’améliore au fil du processus d’implantation, puisque 9 % des riverains sont réservés ou défavorables lors de l’annonce de l’installation d’un parc, mais la moitié de ces personnes y deviennent favorables une fois le parc installé. En d’autres termes, les peurs tendent à se dissiper lorsque l’éolien devient réalité et la dynamique d’acceptabilité est positive.

En somme, la vision du développement éolien est ambitieuse même s’il faudra surmonter certains freins, sur lesquels nous reviendrons sans doute au fil de la discussion.

M. Jean-Louis Butré, président de la Fédération pour l’environnement durable (FED). Je me demande franchement ce que je fais ici… Mme Kaars et moi-même représentons la Fédération pour l’environnement durable (FED) qui regroupe plus de 1 350 associations de riverains et de personnes à qui l’on annonce un projet d’installation de parc éolien, et qui ne sont pas du tout d’accord avec ce que nous venons d’entendre. J’ai l’impression d’entendre un énorme discours de marketing par lequel des sociétés qui gagnent beaucoup d’argent expliquent que tout est merveilleux dans l’éolien. Or ce que nous constatons ne correspond pas du tout à ces chiffres.

On nous annonce le triplement du nombre d’éoliennes – aujourd’hui 8 000– en France. Chaque éolienne valant environ 3 millions d’euros, cet objectif ouvre un marché de plusieurs dizaines de milliards d’euros aux industriels qui fabriquent ces machines. De telles annonces ont des incidences colossales et tout sera fait pour convaincre la France qu’il faut installer des éoliennes. Bien sûr, il y aura des retombées, mais il faut aussi se demander d’où viendra l’argent : il vient des factures d’électricité des Français. J’ignore si les missions comme la vôtre se rendent compte de ce qui se passe sur le terrain : la hausse de la taxe sur le gazole a provoqué une explosion sociale et l’augmentation du prix de l’électricité est notamment liée aux énergies renouvelables ; plusieurs articles récents dont celui du Canard enchaîné révèlent que l’électricité est taxée à 54 %. Or tous les calculs des spécialistes montrent que ce nouveau programme de développement de l’éolien se traduira par un doublement du prix de l’électricité.

Nous représentons la société civile. Je peux vous dire que la colère est immense et que vous allez la transformer en explosion. La Fédération pour l’environnement durable est une organisation responsable : nous ne descendons pas dans la rue, nous essayons de nous battre pour qu’on n’impose pas des machines qui ne correspondent en rien à la vision idyllique qui nous en est présentée – Mme Kaars, qui est une riveraine, vous en dira davantage – à des gens qui n’en veulent pas et qui s’aperçoivent petit à petit qu’on est en train de les taxer ! Toutes les associations membres de la FED protestent : ce n’est pas possible, on se paie notre tête.

J’entends parler d’accélération du programme : de quoi s’agit-il ? Les citoyens protestent, et la seule réponse que leur apportent certains membres du Gouvernement consiste à les empêcher de se défendre ! La commission Lecornu, par exemple, a supprimé la possibilité pour les associations, qui n’ont pas de moyens, de se pourvoir en justice devant des tribunaux administratifs. Je n’ai jamais vu ni lu quoi que ce soit d’aussi antidémocratique ! Comme si cela ne suffisait pas, on a décidé de cristalliser les moyens. En clair, les gens n’ont même plus le temps de lire les dossiers puisque les délais passent de quatre à deux mois pour déposer des moyens. De surcroît, les enquêtes publiques sont supprimées. Nous ne sommes pas seuls à protester ! On ôte aux gens qui veulent se défendre légalement toute possibilité de le faire ! C’est totalement explosif. Nous engageons des démarches administratives et nous déposons des recours auprès de toutes les juridictions possibles et imaginables pour faire annuler ces décrets.

Résumons : d’un côté, une industrie qui prend le pouvoir sur la France en annonçant des chiffres merveilleux et des choses extraordinaires ; de l’autre, des Français saignés par le prix de l’électricité et des taxes en général, au bord de la révolte. Les gens qui font des calculs doivent sortir de leur petit monde et se rendre compte de ce qui se passe sur le terrain.

Mme Bernadette Kaars, administratrice de la Fédération pour l’environnement durable (FED). Je vous remercie de donner la parole aux riverains des éoliennes car nous avons besoin d’être entendus. Malgré tout ce que les professionnels de l’éolien peuvent dire, l’éolien est extrêmement contesté sur le terrain ; c’est même la seule énergie renouvelable à l’être. On peut se payer des pages entières pour prétendre que les Français adorent l’éolien, mais la vérité se trouve par exemple dans ce numéro du Courrier de l’Ouest qui date d’il y a deux jours : à Antoigné, au sud de Saumur, les riverains d’éoliennes existantes n’en veulent pas d’autres, et ils parlent en connaissance de cause ! Le taux de recours contre les éoliennes atteint 70 % – c’est le chiffre qu’a donné le ministre de l’écologie lui-même en janvier dernier. Autrement dit, sept permis de construire sur dix font l’objet d’une saisine du tribunal administratif par les associations locales. C’est le taux de recours le plus élevé de toute l’industrie ! Par comparaison, il n’est que de 5 % pour les porcheries industrielles… Lorsque vous voyez un parc éolien n’importe où en France, cela signifie qu’à cet endroit, une association a été écrasée, qu’un projet a été imposé aux populations. Nos élus et décideurs peuvent-ils en être fiers ? Sept fois sur dix, vous écrasez la population ! C’est la vérité, c’est le chiffre du ministère de l’écologie lui-même. Il n’y a pas de quoi être fier.

Pourquoi nous opposons-nous à l’éolien ? La distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations, votée par l’Assemblée, est tout simplement dérisoire et méprisante. Nous sommes envahis, nous sommes écrasés. Je vous parle en connaissance de cause, puisque j’habite sous des éoliennes ; et pourtant, elles sont implantées à 850 mètres de chez moi. Je vous ai apporté des photos que je vous distribuerai. Je ne peux pas sortir de chez moi sans les voir. Et même quand je leur tourne le dos, j’aperçois leur reflet sur mes carreaux. C’est l’enfer ! Un enfer pour vingt ans. Ces nuisances ne s’arrêtent pas un seul instant : ni le week-end, ni les jours fériés, ni le soir, ni le jour. Nos paysages, notre cadre de vie ne sont pas renouvelables. Les éoliennes salissent, balafrent, polluent notre environnement. On vit moins bien sous ces machines.

C’est pour cela que nos maisons perdent de la valeur. La jurisprudence l’a acté : la présence d’un parc éolien ou un simple projet donne à un acquéreur un argument de poids pour faire baisser le prix de nos maisons. Cela est indiscutable. Deux appartements à Paris de superficie identique, l’un donnant sur le Champ de Mars, l’autre sur le périphérique, auront-ils le même prix ? Deux chambres d’hôtel identiques, l’une avec vue sur la mer, l’autre sur un parking, auront-elles le même prix ? À la campagne, nous avions l’espace et le silence ; l’un et l’autre nous ont été volés par les éoliennes. Au dos de mes photos, j’ai inscrit mon adresse et mon numéro de téléphone. Vous êtes tous invités à venir voir la réalité qu’on nous impose.

Le Gouvernement, qui a bien conscience de cette situation, s’est très bien organisé pour nous faire taire. Les collectivités locales sont indemnisées. L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), que paient les promoteurs et qui réjouit tant quelques élus, a été instituée au profit des communes subissant les nuisances environnementales liées à la présence des éoliennes. Quant aux particuliers, qui doivent être, eux aussi, indemnisés, voilà ce que répondait la ministre Mme Ségolène Royal à la question écrite d’une sénatrice, le 6 octobre 2016 : « Le porteur de projet est tenu de réparer le préjudice qu’il causerait à autrui. Ces réparations, négociées librement entre les personnes lésées et le porteur de projet, peuvent prendre la forme d’indemnisations financières ou autre compensation. » Si ces indemnisations peuvent adoucir, voire faire taire la colère, en aucune façon, elles ne nous rendent notre cadre de vie et notre qualité de vie. On essaie de nous faire taire avec de l’argent. Mais doit-on vraiment installer des éoliennes, alors que ce n’est pas une nécessité ? Il y a d’autres énergies renouvelables qui ne sont pas contestées.

Peut-être vous dites-vous que ces indemnisations coûtent une fortune aux promoteurs ? Pas du tout ! Il est plus rentable pour un promoteur éolien d’imposer des nuisances tout en sachant qu’il devra les indemniser que de renoncer à un parc. Le promoteur allemand WPD, adhérent de France énergie éolienne, vient de vendre pour 93 millions d’euros huit parcs éoliens français à des Canadiens, qui se sont gentiment fendus d’un communiqué de presse que je tiens à votre disposition. La société Innergex s’y réjouit d’annoncer à ses actionnaires que la France est une tirelire ouverte, avec 23 millions d’euros de revenus garantis par an – merci le tarif de rachat ! De son côté, WPD a fait 40 millions d’euros de plus-value qui sont partis, tout à fait légalement, vers la maison mère, en Allemagne. C’est une association qui se bat contre WPD qui m’a transmis ces informations. Je peux vous fournir tous les documents sur demande.

Nous, nous sommes au milieu de tout cela. Nous avons les nuisances, notre patrimoine dévalué et une dette à long terme. Nous sommes heureux de financer les Canadiens avec les subventions éoliennes. Est-ce vraiment cela que nous voulons ? Je m’emporte un peu… Mais j’habite sous les éoliennes, et c’est absolument terrible !

M. Jean-Louis Butré. Cela montre le décalage énorme entre les théories et la pratique quotidienne sur le terrain. Nous voulons vous alerter. Nous sommes au bord du gouffre !

M. Bruno Duvergé, rapporteur. Je suis élu d’une petite circonscription du Pas‑de‑Calais, déjà bien équipé en termes d’éoliennes, tout comme les Hauts‑de‑France, qui ont atteint leur objectif de développement éolien. J’ai été maire pendant neuf ans d’une commune qui compte désormais trois éoliennes. Le projet, qui avait été lancé avant que je ne sois maire, n’était toujours pas achevé lorsque j’ai terminé mon mandat… En fait, cela aura mis douze ans. Quoi qu’il en soit, l’expérience nous a montré que, dans certains endroits, les éoliennes sont bien acceptées, dans d’autres, moins. Je vous ai bien entendus, monsieur Butré, madame Kaars ; mais il existe aussi des endroits où cela se passe très bien.

Il y a une dizaine d’années, nous travaillions sur les zones de développement éolien (ZDE). Je trouvais que c’était une excellente méthode : cela en permettant de réunir les acteurs locaux et de déterminer ensemble les emplacements les plus pertinents et ceux qui ne l’étaient pas. Ce n’était d’ailleurs pas la vocation initiale des ZDE, mais c’est ainsi que nous nous étions approprié ce système, qui a disparu depuis. Je reste convaincu que c’est la bonne façon de faire pour résoudre les problèmes de résistance locale. J’aimerais avoir votre avis sur cette question, qui se pose également pour la méthanisation.

Il serait également possible d’améliorer ce qui existe. Pour lutter contre la pollution visuelle nocturne provoquée par le clignotant rouge de ces éoliennes, nous pourrions revoir la réglementation afin de le remplacer par un point blanc fixe, beaucoup moins agressif, en nous inspirant de l’exemple anglais.

Que pensez-vous des approches plus concertées ? Il existe, de fait, des effets d’aubaine dans les communes : certains maires se battent pour avoir des éoliennes, d’autres n’en veulent à aucun prix. Une concertation locale menée plus en profondeur serait sans doute plus adaptée.

M. Olivier Perot. Pour commencer, les professionnels de l’éolien sont sur le terrain, qu’ils connaissent très bien. Évitons la caricature : il n’y a pas, d’un côté, des gens qui sont sur le terrain et, de l’autre, des gens qui n’y connaissent rien, ne savent pas ce qu’ils font et travaillent n’importe comment. Le développement d’un projet éolien peut prendre beaucoup de temps, parfois trop. Le processus a été clarifié grâce à la notion d’autorisation environnementale, qui implique des études d’impact, diverses consultations, des commissions, comme la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), des réunions spontanément proposées par les développeurs de projet avec les riverains et les collectivités, des outils de planification et de concertation. L’ensemble de l’instruction est mené par les services de l’État, par des services locaux, sous l’autorité du préfet qui accorde, in fine, l’autorisation, dans le cadre d’une réglementation et de procédures de consultation longues et complexes. Les éoliennes ne surgissent pas par génération spontanée sur le terrain…

Je veux bien reconnaître, en revanche, la complexité de la procédure. Certains maires ou certaines collectivités s’approprient correctement les outils et les procédures, d’autres sont un peu plus démunis. Nous souhaitons accélérer les chantiers en cours dans le cadre du groupe de travail national « éolien », de sorte que les élus disposent d’un guide, afin de bien utiliser les outils existants, de planification notamment, depuis le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) jusqu’au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Par ailleurs, nous souhaitons éditer un guide des bonnes pratiques sur le développement éolien, comprenant les différentes étapes de concertation. Il nous paraît important que le Gouvernement et l’administration accompagnent les collectivités, pour faire connaître les outils développés durant une vingtaine d’années de pratique, et que tous les acteurs puissent s’en saisir.

M. Bruno Duvergé, rapporteur. Même si la région n’a pas de compétence dans ce domaine, le président des Hauts-de-France s’est dit déterminé à mettre un terme au développement éolien : c’est un signal important. De fait, nous manquons d’une vision d’ensemble. Certains endroits sont en situation de saturation, alors qu’il existe une demande pour d’autres. Tous les dispositifs dont vous avez parlé, monsieur Perot, ne sont que des dispositifs locaux. Ma circonscription compte 295 communes. Cela signifie qu’il peut y avoir 295 concertations locales, de qui ne donne pas une image globale du paysage. S’ils étaient le fruit d’une réflexion plus large, les dispositifs seraient sans doute mieux acceptés par la population. Mais nous n’avons pas d’outil pour cela.

M. Olivier Perot. Le SRADDET s’inscrit tout de même dans un maillage territorial d’un degré supérieur.

M. Adrien Morenas, vice-président. Avant de poser quelques questions, je tiens, monsieur Butré, à rappeler que, si l’État prélève des taxes, c’est pour entretenir son parc énergétique, qu’il soit éolien, nucléaire ou solaire. J’aimerais que l’on arrête de dire, dans nos débats, qui doivent se dérouler de façon apaisée, que lorsque l’État prélève une taxe, il rackette les gens.

Mme Nathalie Sarles. Très bien !

M. Adrien Morenas, vice-président. Si l’État cessait de prélever des taxes et que nous avions demain un accident nucléaire, nul doute que la population en souffrirait autrement plus. L’énergie coûte cher à l’État. Il faut la financer. Nous sommes aussi réunis ce matin pour voir de quelle façon nous pouvons le faire.

S’agissant des nuisances évoquées par Mme Kaars, je sais, pour avoir travaillé dans l’aéronautique, que pour réduire le bruit émis par les hélices des avions, on a mis au point des systèmes de pales débrayables. Ne serait-il pas intéressant d’installer sur les éoliennes un dispositif similaire, qui ferait gagner entre six et huit décibels ?

Par ailleurs, comment allez-vous gérer la fin de vie des premiers parcs éoliens ?

Enfin, comment anticipez-vous la baisse du coût de l’énergie éolienne ?

Mme Nathalie Sarles. Il est intéressant que l’audition rende compte des deux points de vue que les élus rencontrent dans la population. Dans ma circonscription, certains projets sont complètement bloqués et la population s’est crispée, parce que les installations n’ont pas été préparées suffisamment en amont. En revanche, une autre intercommunalité a travaillé sur un projet d’implantation éolienne avec des maires, organisé des réunions publiques et laissé un vrai temps de concertation, au-delà de celle qui était obligatoire. Se pose également la question des montages financiers permettant aux communes d’implantation et aux communes riveraines de bénéficier de retombées économiques. Les gens croient qu’ils devront payer sans que cela n’apporte rien à leur territoire, cela posera un réel problème.

Votre point de vue, madame Kaars, est aussi très intéressant et je le sais partagé par certains de nos concitoyens. À l’évidence, un temps de la concertation est nécessaire. Nous avons entendu les représentants des structures – les technocrates, comme on dit dans le jargon des gilets jaunes –, mais nous avons besoin du discours des experts tout autant que de l’expression du ressenti des citoyens, et de voir les différences entre les approches des uns et des autres. Alors que nous ambitionnons dans la PPE de multiplier les implantations pour garantir notre mix énergétique, comment pouvons-nous améliorer, sur le plan technologique, les dispositifs et faire en sorte que nos concitoyens en tirent un bénéfice économique ? Car s’ils ont l’impression qu’ils auront seulement des nuisances sonores et esthétiques et qu’ils resteront les dindons de la farce du point de vue économique, cela ne pourra jamais fonctionner. Nous devons trouver des modèles d’acceptabilité dans lesquels le citoyen sera également gagnant.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous avons beaucoup progressé sur la question du coût, mais aussi sur celle de l’acceptation sociale des projets. Peut-être est-ce lié à la création, dans la loi de transition, des financements participatifs qui permettent à tout un chacun de s’approprier le projet en y adhérant, dès son début, et de le suivre. Nous nous sommes fixé des objectifs plutôt ambitieux, dans la loi de transition et les différentes PPE, sur le nouveau mix énergétique, afin de remplacer une partie de l’énergie nucléaire par des énergies nouvelles : l’éolien, le photovoltaïque et l’hydraulique. À vous entendre, monsieur Butré, madame Kaars, le photovoltaïque et l’hydraulique étant parfaitement acceptés par les populations, il faudrait se tourner vers ces deux sources d’énergie renouvelable et abandonner l’éolien. Ou alors êtes‑vous favorables à l’éolien dans des zones particulières, sans habitation ?

Le photovoltaïque représente une emprise foncière importante et il serait aberrant de l’installer sur des terres agricoles, mais n’est pas facile de trouver des terrains qui ne soient pas agricoles. En revanche, les délaissés miniers, que la pollution rend impropres à d’autres usages, pourraient parfaitement être utilisés, y compris pour l’éolien.

Dans le sud Isère, un tout petit parc éolien de trois éoliennes a été implanté il y a une quinzaine d’années, non sans avoir provoqué une levée de boucliers. Aujourd’hui, je les vois de mes fenêtres sans être vraiment dérangée. Nous avons constaté, grâce à un sondage réalisé parmi la population locale qui s’était pourtant mobilisée à l’époque, un retour extrêmement positif : les habitants trouvent que les éoliennes ne sont finalement pas si bruyantes et se demandent même pourquoi il n’y en a que trois. L’acceptation sociale des éoliennes varie considérablement d’un territoire à l’autre ; encore faut-il que les implantations soient prévues dans des endroits qui s’y prêtent.

M. David Marchal. Lorsque des associations s’opposent aux projets, cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des citoyens y soit hostile. À l’instar de France Énergie Éolienne, nous faisons régulièrement des sondages sur des sujets relatifs à la transition énergétique et au climat. Quand on pose des questions spécifiques sur l’acceptation de l’éolien, 75 % des Français s’y disent favorables. Nous avons également mené une enquête auprès des communes sur lesquelles sont implantés des parcs éoliens : 50 % d’entre elles nous ont répondu qu’elles s’étaient impliquées, au sens large, dans le montage du parc. Il nous semble nécessaire de mieux accompagner les communes, afin qu’elles se saisissent des projets le plus en amont possible et mènent les concertations nécessaires que niveau local : la question est de savoir d’abord si elles souhaitent un parc, ensuite à quel niveau d’implication elles sont disposées. Une commune peut accepter un parc sans rien dire ; elle peut organiser des concertations et impliquer ses citoyens, les informer sur le fait qu’ils peuvent prendre des parts dans le projet ; elle-même peut y prendre des parts, sous forme de prêts ou en capital, au-delà de la seule perception de l’IFER ; elle peut aussi informer, expliquer le pourquoi de ces machines et leur rôle, plus globalement, dans la transition énergétique. Tout cela suppose que les maires de ces petites communes soient accompagnés par un regard indépendant, afin d’être en mesure d’anticiper la venue des parcs ; d’où cette idée que nous défendons d’un réseau de conseillers capable de porter ce regard neutre et d’éclairer un maire, lorsqu’il reçoit un promoteur, sur les différentes possibilités qui s’offrent à lui.

Enfin, nous soutenons l’émergence des projets citoyens. Il existe deux grandes catégories de financement participatif : le participatif au sens large, où les gens décident de prêter de l’argent à des projets sous forme d’emprunt ou d’obligations ; les projets plus ambitieux, où ce sont les citoyens qui sont à l’initiative des parcs. Nous avons recensé près de 300 projets citoyens. Cela signifie que certains de nos concitoyens veulent de l’éolien et sont prêts à prendre du temps pour monter des projets, même si cela reste évidemment une exception dans l’ensemble des projets éoliens présentés. Nous devons favoriser l’émergence de telles initiatives.

M. Jean-Louis Butré. J’ai honte ! La France jouissait d’une totale indépendance énergétique électrique. La France était un très beau pays. Actuellement, nous avons 8 000 éoliennes. Certaines régions, comme les Hauts‑de‑France, commencent à réaliser la catastrophe qu’est l’éolien. Malgré tout, on nous promet d’en installer deux fois plus ! Tout ce que j’entends, c’est une cuisine : on va donner un petit plus de taxes ici, acheter un petit peu plus là. Il faut savoir ce que l’on veut. S’il faut réduire le nucléaire, pourquoi pas ? Mais quel est l’avantage ? Et à supposer qu’il y en ait un, pourquoi passer de 75 à 50 % de nucléaire dans la production d’électricité ? Il faudrait tout arrêter, dans ce cas. À titre documentaire, sachez que j’ai commencé ma carrière dans le nucléaire – je suis peut-être le seul parmi vous à avoir vécu quatre ans dans des centrales –, j’ai été ensuite directeur d’un site Seveso, puis président-directeur général d’une société pharmaceutique, enfin président d’une filiale de l’Institut français du pétrole. J’avais une vision économique de la France. Or ce que je vois actuellement, ce sont des affairistes, des sociétés qui sont en train d’implanter des dizaines de milliers d’éoliennes provenant d’Allemagne et du Danemark, tout simplement parce que c’est subventionné. Puisqu’on me dit que l’éolien est compétitif, commençons par supprimer tous les tarifs bonifiés, toutes les subventions et aides dont l’éolien profite depuis 2001 !

Qui plus est, on se moque des citoyens en leur disant que des mesures ont été prises. Par exemple, en 2005, les éoliennes faisaient environ 120 mètres de haut. Aujourd’hui, celles que l’on installe dans l’Yonne font 250 mètres. Or la distance de protection des habitations a été maintenue à 500 mètres. Les promoteurs éoliens, parce que cela rognerait leur business, ont toujours refusé de l’augmenter. C’est absolument honteux pour les citoyens !

On parle d’écologie, mais je voudrais rappeler que le pied d’une éolienne est constitué de 2 500 tonnes de béton. Une fois que le parc aura triplé, cela signifiera que vous aurez coulé 50 millions de tonnes de béton dans le sol de la France… Pour vous donner un ordre d’idée : si l’on chargeait des camions toupies avec 50 millions de tonnes de béton, cela correspondrait au tour de la Terre ! Par comparaison, les éoliennes nécessitent dix à quinze fois plus de béton au térawattheure que le nucléaire, sites de La Hague et de Bure compris.

L’argument massue est le climat qu’on veut sauver. Mais les bilans réalisés par tous les gens scientifiquement honnêtes montrent que l’éolien ne réduit pas d’un gramme les émissions de gaz à effets de serre. L’argument ne tient pas ! La campagne « Sauvons le climat » de l’organisation internationale Greenpeace, avec ses 3 millions de signatures bidon, est d’ailleurs complètement manipulée. Où allons-nous ? Est-ce votre vision de la France, une France qui aura 25 000 ou 30 000 éoliennes ? Plus aucun petit village n’y échappera : les gens se baladeront au milieu des éoliennes, mais peut-être finiront-ils par s’y faire ! Ou voulez‑vous une France qui aura un peu préservé sa nature et qui essaie de retrouver une certaine écologie ? J’ai vécu la destruction du bocage. On l’a détruit, on l’a couvert de champs de maïs qui pompent de l’eau, et maintenant d’éoliennes. Si c’est cela l’écologie… L’éolien est en train de tuer l’écologie !

M. Stanislas Reizine. Le balisage et l’« agressivité » du système actuel sont un enjeu très bien identifié. C’est un véritable sujet de préoccupation sur lequel nous souhaitons travailler. La difficulté, c’est qu’il existe des utilisateurs de ce balisage, notamment l’aviation civile et l’armée de l’air. Le ministère doit donc conduire un travail d’équilibriste pour essayer d’alléger les nuisances tout en prenant en considération les impératifs de sûreté et de sécurité nationales liées au trafic aérien et aux vols à basse altitude.

Nous essayons d’adopter une approche graduée. Il a été publié un décret, j’en ai un peu parlé, qui rendra la signalisation de certaines éoliennes fixe et non plus clignotante. Pour les autres, nous allons nous efforcer de synchroniser le balisage pour qu’elles clignotent de manière plus homogène. Nous travaillerons aussi sur les couleurs et les intensités. Ce groupe de travail essaye de pousser le balisage circonstancié, autrement dit de faire en sorte que les éoliennes clignotent seulement lorsque les pilotes en ont besoin et restent éteintes lorsqu’il n’y a personne. Nous souhaitons sincèrement progresser. La marge de progrès est importante grâce aux innovations technologiques qu’il est possible d’intégrer. C’est un sujet bien identifié, traité, qui avance toutefois un peu plus lentement que ce qu’on pourrait espérer en raison des besoins bien réels de certains utilisateurs.

La planification territoriale est également pour nous un enjeu réel, qui est compliqué. L’approche retenue est de mettre à profit les documents d’urbanisme existants (SRADDET, PLU, etc.). Nous publierons des guides pour expliquer aux collectivités comment utiliser ces documents si elles souhaitent aider l’éolien ou, à l’inverse, préserver certains secteurs. Mais l’introduction d’un nouvel échelon dans ce qu’une bonne part des utilisateurs considère comme un mille-feuille assez incompréhensible, ne nous paraît pas des plus opportunes ; mieux vaut utiliser les dispositifs existants, quitte à les améliorer. Le fait que la région Hauts-de-France se mobilise aujourd’hui contre l’éolien est un signal fort qu’il nous faut, me semble-t-il, tous intégrer. Si le dispositif des ZDE a été supprimé par le Parlement, c’est qu’il ne fonctionnait pas très bien. Plutôt que de rajouter une surcouche, il faut améliorer ce qui existe, et mieux planifier.

S’agissant du mix cible et de la compétitivité de la filière, l’éolien coûte entre 60 et 70 euros par mégawattheure sur nos appels d’offres ; il n’est pas encore en état de se développer sans subventions – le prix de l’électricité tourne autour de 55 euros par mégawattheure. On n’en est pas très loin, on n’y est pas encore, mais on est sur une courbe descendante.

Pour ce qui est du risque lié à l’évolution du tarif de l’électricité, des analyses d’impact seront rendues publiques dans le cadre de la PPE. Comme je le disais, le tarif de l’éolien se rapproche de plus en plus du prix de marché. Le tarif du photovoltaïque au sol, qui pose d’autres problèmes d’acceptabilité, est déjà, pour certains projets, sous les prix de marché. Nous commençons à avoir des filières très compétitives, ce qui fait que nous pouvons faire plus d’ENR pour beaucoup moins cher que par le passé. L’augmentation des coûts, comme celle des subventions, sera documentée ; elle est d’un ordre de grandeur qui paraît aujourd’hui acceptable au Gouvernement. Mais il n’est pas question d’un doublement.

S’agissant de l’activité sociale des projets, je confirme que la participation des collectivités et des riverains est un sujet sur lequel nous souhaitons également avancer. Nous avons introduit pour la première fois il y a quelques mois dans les appels d’offres un bonus pour les projets avec participation citoyenne, bonus différencié selon qu’il s’agit de simples prêts ou d’une réelle participation dans la gouvernance. Tous les parcs éoliens qui ont réussi à attirer d’autres acteurs que des institutionnels bénéficient donc d’un bonus.

Mme Bernadette Kaars. Pour ce qui est de l’accompagnement des élus, faites attention à ne pas les accompagner de trop près : le maire, chez nous, a été condamné par le tribunal correctionnel pour prise illégale d’intérêts dans le projet éolien… Sachez aussi garder vos distances avec nos élus, s’il vous plaît !

S’agissant des retombées fiscales, il faut aussi savoir que, dans la mesure où notre environnement est dégradé, nous demandons une baisse de nos impôts fonciers correspondant à cette nouvelle nuisance. Il conviendra donc d’en tenir compte dans les avantages apportés aux communes.

Le sondage de France énergie éolienne prétend que les gens sont heureux de vivre sous les éoliennes. On ne peut pas reprocher à un organisme professionnel de faire son autopromotion, mais tenez compte du fait qu’en fait de riverains, ils ont interrogé les habitants de communes se trouvant à moins de cinq kilomètres d’un parc éolien. Mais compte tenu de l’étendue d’une commune rurale, une personne peut être interrogée et habiter en fait à sept, huit kilomètres d’un parc éolien ; comme nous le savons tous, les nuisances sont beaucoup plus tolérables à distance. Si vous demandez en zone rurale si nous sommes dérangés par les crottes de chien en ville, nous vous répondrons que cela ne nous gêne pas… C’est un peu ce qui se passe avec ce genre de sondages. La réalité, c’est que les gens qui connaissent l’éolien n’en veulent pas davantage.

L’éolien citoyen a deux grands avantages. Tout d’abord, il fait monter le tarif de l’électricité, comme l’a reconnu M. Reizine, me semble-t-il : dès lors qu’un projet éolien a un petit saupoudrage de citoyens, il bénéficie d’un bonus qui fait monter de plusieurs euros le prix de l’électricité. C’est un argument… Ensuite, dès lors que vous avez réussi à faire investir 50, 100 euros à un riverain, il perd tous ses droits de recours. Voilà ce qu’est l’éolien citoyen, voilà comment nous le recevons dans les campagnes. Nous avertissons donc les gens : attention, vous pouvez contribuer au financement, mais il ne faudra pas venir vous plaindre ensuite.

M. Olivier Perot. Je respecte, madame, monsieur, votre témoignage, mais il y en a beaucoup d’autres qui vont dans un sens différent. La réalité n’est pas binaire, loin de là, et notre sondage le montre d’ailleurs, vous avez raison de le souligner.

S’agissant de la dimension écologique, le bilan carbone d’une éolienne est environ de six mois : au terme de ce délai, elle a complètement remboursé la production de carbone nécessaire pour l’installer. Je ne comprends donc pas que vous disiez que le bilan carbone n’est pas positif.

Quant à la comparaison avec le nucléaire, je la trouve un peu curieuse, car le nucléaire pose tout de même de nombreuses questions de sûreté, de risques, de coûts de démantèlement et de retraitement des déchets, etc., ce qui explique qu’il y ait un fort enjeu de diversification du mix électrique français. Il est un peu étonnant de développer des arguments liés à l’environnement pour défendre le nucléaire. Pour une éolienne, il faut certes une fondation en béton, mais l’empreinte agricole d’une éolienne est, si tant est qu’on puisse la mesurer, proche de zéro puisqu’on peut cultiver au pied d’une éolienne. Par ailleurs, ce béton est démantelable ; le démantèlement des masses de béton a déjà été effectué sur plusieurs sites. Ce n’est pas quelque chose de permanent.

La règle de distance est en effet de 500 mètres mais c’est évidemment une distance minimale et non maximale. La distance est aujourd’hui appréciée dans un dossier à la suite d’études d’impact, en fonction de la biodiversité, de l’habitat, etc., et la décision est prise in fine par le préfet. Les textes réglementaires sont clairs à ce sujet : la distance des habitations est appréciée dans le dossier et ne peut en tout état de cause être inférieure à 500 mètres. Cela ne signifie pas que toutes les éoliennes se trouvent à 500 mètres des habitations. Le préfet peut tenir compte de la taille des éoliennes, de la configuration du terrain ; c’est une décision au cas par cas.

Des améliorations importantes ont été apportées ou sont en voie de l’être dans l’acoustique. Techniquement, on peut améliorer l’émission acoustique spécifique d’une pale, avec des technologies s’inspirant des ailes d’oiseaux, par le biais d’appendices acoustiques, c’est-à-dire sous forme de peignes. Par ailleurs, les logiciels permettent, en fonction de la vitesse et de l’orientation du vent, de la situation sur le terrain, de brider ou de débrayer la machine dans certaines circonstances de façon à réduire sa puissance acoustique. Ce sont des choses de plus en plus mises en œuvre sur le terrain.

Pour ce qui concerne le balisage, nos propositions vont même un peu au-delà de ce qui a été cité puisque nous promouvons un système qui permettra de maintenir les éoliennes éteintes et de ne les allumer que sur détection de l’arrivée d’un aéronef. Certes, cela n’est pas sans poser des questions et il faut que ce soit instruit par toutes les autorités. Il existe d’autres idées et initiatives. Le chantier national a engagé la mise en relation de tous les acteurs concernés pour travailler sur ces sujets et trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties.

Nous sommes sur une courbe de baisse des coûts. La puissance publique a apporté et continue d’apporter des aides à l’investissement, mais c’est une politique réussie, en ce sens que le résultat est une réduction des coûts au fil du temps. Le but à terme est de se passer de soutien public, à un horizon probablement au-delà de la future PPE, mais pas forcément très au-delà.

La facture d’électricité inclut des taxes. La part qui revient à l’éolien, avec le parc actuel, et qui devrait rester constante dans les années à venir en raison de la baisse des coûts de l’éolien, représente pour le consommateur individuel un montant de l’ordre de 12 euros par an, soit un euro par mois. C’est un chiffre qu’il est important d’avoir en tête pour se faire une idée de l’impact de l’éolien sur la facture.

M. Jean-Louis Butré. Sur le CO2, j’ai entendu un certain nombre d’inexactitudes. L’éolien est une énergie intermittente. Quand on injecte de l’éolien dans le réseau, le rendement dépend du vent. Quand il n’y a pas de vent, il n’y a pas d’électricité. Il faut donc des moyens de substitution. Il ne s’agit donc pas uniquement de regarder le bilan de construction d’une éolienne, mais l’ensemble du fonctionnement de l’éolien sur une période et voir si le bilan CO2 est positif, si l’on veut sauver le climat. Or tous les experts indépendants le disent : l’éolien ne sauve pas le climat, ne diminue pas le CO2 ; au contraire, il l’augmente.

Il suffit de regarder le bilan en Allemagne. L’éolien fonctionne dans ce pays parce que les Allemands ont des centrales à charbon et à lignite en réserve, car eux ont de l’argent. Quand il n’y a pas de vent, ce sont elles qui tournent. En France, il faut savoir ce qu’on veut. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) l’a constaté, cette affaire de CO2 n’est pas du tout claire… On est en train de tromper les Français en leur disant qu’avec des éoliennes on sauve le climat.

Je veux bien croire que l’augmentation de distance va un petit peu pénaliser cette industrie, mais expliquez-moi pourquoi la distance de protection de cinq cents mètres imposée pour une éolienne haute de cent mètres reste exactement la même pour une éolienne haute de 250 mètres ! Prenez un décret, ce n’est pas difficile, pour augmenter la distance de protection des habitations à 1 000 mètres, 1 500 mètres, ou une fois et demie la hauteur en bout de pale ; ce sont là des décisions faciles et qui pourraient apaiser la colère qui monte sur le terrain. Car elle va bientôt devenir explosive, et je vous demande instamment de faire baisser cette pression, à défaut de quoi ce ne sont pas des gilets jaunes que vous aurez, mais des protestations locales autrement plus violentes – c’est la société civile qui vous le dit. Vous n’avez pas idée des milliers de remontées que je reçois chaque semaine de gens qui n’en peuvent plus. Vous pouvez ne pas les écouter, mais vous voyez ce que ça donne de ne pas écouter les gens. Ce n’est pas une demande anormale. Vous souhaitez prendre une mesure ? Commencez par augmenter les distances de sécurité.

J’entends dire depuis 2001, par France énergie éolienne et votre prédécesseur, monsieur Perot, que les éoliennes sont au bord de la rentabilité. Les coûts baissaient mais vous aviez toujours besoin des subventions ; aujourd’hui vous êtes presque à l’équilibre économique, mais il faut maintenir les subventions. Mettez fin à toutes les subventions et aux tarifs de rachat préférentiels ! Rappelez-vous que les appels d’offres ne sont valables que pour les parcs de plus de six éoliennes ; à moins de six éoliennes, c’est toujours l’ancien tarif. Que font les promoteurs ? Eh bien, ils construisent un parc de six, plus un parc de six, plus un autre parc de six… Ils ne vont pas s’amuser à construire des parcs plus grands puisque ce sera moins rentable. Supprimez toutes les subventions, nous pourrons alors peut-être commencer à discuter. Aujourd’hui nous ne discutons plus, nous sommes dans la lutte, sur le terrain, pied à pied, éolienne par éolienne, avec tous les moyens juridiques à notre disposition.

M. Adrien Morenas, vice-président. Vous parlez de décret et d’autres dispositions, c’est précisément le genre de décision qui sera prise à l’issue de ce rapport. Si nous avons souhaité recevoir des représentants des associations défavorables aux éoliennes, c’est justement pour prendre en considération tous les points de vue.

M. David Marchal. Il faisait clairement partie de nos missions d’évaluer l’impact environnemental des différentes technologies. Nous avons réalisé l’analyse de cycle de vie du parc éolien français, en prenant en considération les spécificités du parc et les machines installées. L’analyse de cycle de vie consiste à rapporter tout l’impact en multicritères à la construction, à l’utilisation en fin de vie, par rapport à l’énergie produite. Le résultat est de onze grammes de CO2 par kilowattheures. L’éolien apparaît donc de ce point de vue comme une énergie extrêmement performante ; en dessous, il n’y a que le nucléaire – sept grammes – et l’hydraulique.

S’agissant de l’impact sur le système électrique, le système français est interconnecté au niveau européen. Les moyens sont engagés dans ce qu’on appelle le merit order économique : quand de l’éolien, qui fait l’objet d’une obligation d’achat, arrive sur le marché, il pousse hors du marché les moyens les plus chers, qui sont les moyens carbonés. Le développement de l’éolien a donc eu pour effet, au niveau européen, de faire sortir petit à petit des moyens carbonés.

S’agissant de la distance aux habitations, il me semble nécessaire d’avoir une étude d’impact de son augmentation sur la taille du gisement. Je sais que le Syndicat des énergies renouvelables l’avait réalisé, mais uniquement en région Bretagne, me semble-t-il.

La hauteur en bout de pale a été mentionnée. Il faut préciser de quoi on parle. La hauteur du mat est la chose la plus visible ; la turbine se situe à la hauteur du mât. Les 250 mètres dont on a parlé correspondent à la hauteur en bout de pale des machines les plus grandes, en aucun cas à la hauteur des mats.

En ce qui concerne l’intégration progressive au marché, il faut certes prendre en considération le niveau de tarif d’achat par rapport au prix de marché, mais aussi la visibilité offerte aux investisseurs. Si l’on supprimait aujourd’hui les tarifs d’achat sur l’éolien et le photovoltaïque, cela produirait un contre-effet lié à la bancabilité des projets : les banques ne pourraient plus prêter à 80 % comme elles le font – aujourd’hui un projet éolien est financé à 80 % en prêts – et le coût de revient au mégawattheure augmenterait notablement.

Au demeurant, ces tarifs ne sont déjà plus le système de soutien privilégié dans la mesure où tous les projets en appels d’offres fonctionnent désormais selon un mécanisme de complément de rémunération, sur un modèle de contrat différent. Si jamais, demain, les prix de marché dépassaient les 65 euros dont on a parlé, les porteurs de projet devraient rembourser à l’État. C’est déjà un mécanisme très rassurant pour les finances publiques.

M. Olivier Perot. Il y a dans ce que j’ai entendu une grosse incompréhension, me semble-t-il, s’agissant de la place des moyens carbonés dans les systèmes électriques. L’Allemagne et la France ont des histoires et des mentalités très différentes relativement à leurs systèmes électriques. L’Allemagne a décidé, dans sa transition énergétique, d’éteindre d’abord le nucléaire avant les moyens carbonés. Dans le mix électrique allemand, la production carbonée d’électricité n’a pas varié au cours des dix dernières années ; c’est la production nucléaire qui a baissé et qui a été remplacée par la montée en puissance des énergies renouvelables. Dans les dix, quinze ou vingt prochaines années, le mouvement va se poursuivre et l’Allemagne ira à 100 % de renouvelables à long terme, éteignant petit à petit les moyens carbonés. La France a fait un choix différent : réduire d’abord les moyens carbonés et ensuite le nucléaire. Mais il n’y a pas de relation entre les renouvelables et les besoins de moyens thermiques.

Une phrase du rapport de RTE confirme ce point : « Développer un système reposant à 70 % sur des énergies renouvelables ne conduit en aucun cas à doubler la capacité renouvelable par des moyens thermiques et les argumentaires alarmistes consistant à considérer nécessaire le développement de moyens de secours systématiques font fi, d’une part, de l’interconnexion de la France avec ses voisins, qui permet de mutualiser les flexibilités, et, d’autre part, d’une analyse de la contribution statistique de l’éolien et du photovoltaïque à la sécurité d’approvisionnement. » Comme je l’indiquais en introduction, RTE, dont personne ne peut contester le professionnalisme, ne voit pas de difficulté à intégrer de très fortes proportions de renouvelables sans avoir besoin de moyens de secours thermiques.

Mme Bernadette Kaars. La distance est un enjeu important. Que puis-je dire sinon : « Excusez-nous d’habiter là ! Excusez-nous d’habiter la France… » La France a un habitat très dispersé, il faut en tenir compte. Vous nous refusez une protection à laquelle nous avons droit et que nous vous réclamons. Entendez-vous faire primer l’intérêt de l’industrie sur le cadre de vie et le bien-être de la population ? Il faut que le choix soit clairement fait.

Dans la même série « excusez-nous d’habiter la France », les promoteurs éoliens ont obtenu une dérogation au code de la santé publique. En zone rurale, nous ne sommes ainsi pas protégés par ce code. Les éoliennes peuvent faire plus de bruit qu’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) du même ordre, l’argument officiel étant que, comme il n’y a pas de bruit dans les campagnes, si on fait du bruit, forcément ça va s’entendre… Est-il acceptable que nous ne soyons pas protégés par le code de la santé publique ? C’est une mesure simple : les éoliennes doivent respecter le code de la santé publique. L’ADEME réalise des études environnementales et je regrette de ne pas être une chauve-souris : ces mammifères sont très bien étudiés mais l’impact des éoliennes sur notre santé, le bruit, ce clignotement quarante-deux fois par minute qui entre dans nos maisons, ce mouvement qui appelle le regard, cela n’est pas pris en compte. S’il vous plaît, remettez les éoliennes dans le code de la santé publique. Permettez-nous, en zone rurale, d’être nous aussi protégés par ce code.

Quant à la couleur du balisage, bleu, jaune ou vert, cela ne va pas changer grand-chose…

Pensez que nous habitons là et que nous vous demandons protection. Éloignez ces machines de nos habitations.

M. Stanislas Reizine. Je confirme que, dans la trajectoire PPE présentée par le Gouvernement, il n’y a aucun nouveau moyen thermique en France pour assurer le back-up des éoliennes ou du photovoltaïque. Il n’y a aucune augmentation du CO2 ; au contraire, à l’horizon 2028, les émissions de CO2 chiffrées dans le cadre de la PPE diminuent. Il n’y a pas non plus de transfert entre pays européens. Nous sommes sur une contribution globalement positive pour le climat de ces technologies.

M. Jean-Louis Butré. La Fédération Environnement Durable va continuer à se battre éolienne par éolienne. Je suis écœuré de ce que j’ai entendu car, scientifiquement et économiquement, un certain nombre de choses étaient inexactes. Je pense qu’un lobby a pris le pouvoir dans cette affaire ; il faudrait que l’État se ressaisisse très vite, sinon nous allons vers une véritable catastrophe environnementale, économique et sociale.

Je parle au nom de la Fédération environnement durable, mais également au nom d’une autre fédération, Vent de Colère, et de toutes les associations, dont on n’a pas parlé, de protection du patrimoine de la France. Nous déposons des recours actuellement devant le Conseil d’État.

M. Adrien Morenas, vice-président. J’aimerais que l’on cesse également de soutenir que nous sommes en permanence sous l’influence des lobbies !

Merci pour l’ensemble de vos interventions. Nous prendrons bonne note de tout ce qui s’est dit par les uns et les autres.

 

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du jeudi 17 janvier 2019 à 9 h 30

 

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Bruno Duvergé, M. Adrien Morenas, Mme Nathalie Sarles, Mme Nicole Trisse

 

Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Philippe Bolo, M. Julien Dive, Mme Marjolaine Meynier-Millefert