Compte rendu

Commission
des affaires européenne
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I.Audition, commune avec la commission du loppement durable, de M. Pascal Canfin, député européen, président de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen              3


mercredi
13 mai 2020

9 h 30

Compte rendu n° 0131

Présidence de Mme Sabine Thillaye
Présidente
et de
Mme Barbara Pompili,
Présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
 


 

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 13 mai 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission, et de
Mme Barbara Pompili, Présidente de la Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

 

La séance est ouverte à 9 h 30.

 

I.                  Audition, commune avec la commission du développement durable, de M. Pascal Canfin, député européen, président de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen

Mme Barbara Pompili, Présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Raisonner à partir de nos frontières nationales pour appréhender les enjeux de la crise n’a guère de sens car, comme le virus, elle n’a pas de frontière.

Les atteintes à la biodiversité et aux habitats favorisent l’apparition de nouveaux virus – les zoonoses – et ont contribué à celle de la pandémie. L’urgence sanitaire se double donc d’une urgence écologique. Nous devons y répondre collectivement. L’Union européenne a un rôle majeur à jouer. Si elle a pu se montrer timide dans la gestion de la crise, rappelons que la santé publique relève des États membres.

Nous devons envisager le monde d’après dans un contexte de crise économique et sociale. Il faut éviter de reproduire l’erreur de la relance « grise » commise en 2008, et s’engager concrètement dans la transition écologique.

La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a insisté sur la nécessité de respecter le « pacte vert » mais ce mouvement rencontre des résistances. Le Parlement européen et la commission que vous présidez, M. Pascal Canfin, doivent se faire entendre. Nous souhaitons donc connaître votre analyse de la situation et la future démarche de votre commission.

Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission des affaires européennes. Le Green Deal européen est passé temporairement au second plan des priorités politiques. L’Europe semble divisée entre ceux qui, comme la République tchèque ou la Pologne, estiment que l’urgence est de répondre à la crise économique en remettant en question les ambitions environnementales de ce pacte, et ceux, dont la France fait partie, qui jugent que la relance devra être verte. La Commission européenne estime que le report du Green Deal serait une erreur tragique et assure qu’il sera au cœur de la reconstruction économique de l’Europe.

Vous avez lancé récemment un appel pour une relance verte. Pouvez-vous dresser un état des lieux des rapports de force en Europe, entre ceux qui souhaitent concilier relance et environnement et ceux qui les jugent incompatibles ?

La crise aura-t-elle raison des ambitions européennes de la loi dite « climat » qui prévoit la neutralité climatique en 2050 et le relèvement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à au moins 50 % en 2030 ?

Le modèle de croissance européen doit-il être révisé à l’aune des exigences environnementales et climatiques ?

M. Pascal Canfin, Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. Coordonner nos actions aux niveaux français et européen est essentiel. Des batailles politiques structurantes se jouent.

L’Europe a sur le plan sanitaire des compétences de coordination, d’information et de tentative de mise en cohérence des réponses des États membres. Les stratégies de déconfinement, comme celles de confinement, varieront d’un pays à l’autre. L’Europe tente de les harmoniser, suivant des principes directeurs émis par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et censés être suivis par les États. En réalité, ces derniers prennent leurs décisions en fonction de leurs contextes nationaux, puis en informent Bruxelles.

Malgré mes efforts, il n’existe pas de cadre commun pour la comptabilisation des morts du covid-19. La Belgique présente une mortalité record rapportée au nombre d’habitants en raison d’une comptabilisation particulière en maisons de retraite. Le taux de mortalité allemand, très bas, s’explique par l’absence de test post-mortem permettant d’identifier le covid-19 comme cause du décès.

La Commission européenne doit présenter le 20 mai une proposition relative au recovery fund souhaité par la France et d’autres. Le montant de ce fonds, qui serait levé par la Commission européenne en un à deux ans sur les marchés, se situerait entre 1 000 et 1 500 milliards d’euros et serait garanti par l’écart entre le plafond de ressources et le plafond de dépenses du budget européen – donc par les États. Cette somme devrait être dépensée en trois à cinq ans. Cette décision sera prise une fois un accord politique trouvé entre chefs d’État.

La Commission européenne souhaite que l’utilisation de cette somme soit cohérente avec le Green Deal. Les avis divergent, notamment au Conseil européen. Le travail s’articule autour de trois sujets : savoir ce que l’on finance, à quelle hauteur, et pour quelles actions compatibles avec le Green Deal – isolation des bâtiments, voitures électriques – ; savoir ce que l’on ne finance pas, en vertu du principe transversal « ne pas nuire », l’essentiel étant que la relance européenne ne nuise pas à l’enjeu climatique ; élaborer un calendrier réglementaire rassemblant tous les textes que la Commission européenne s’engage à présenter au Parlement européen et au Conseil en 2020.

Nous saurons le 20 mai si le Green Deal est repoussé. Toutes les informations montrent que la Commission européenne n’a pas cette intention.

À la même date, seront également présentées la stratégie de biodiversité et la stratégie « De la fourche à la fourchette ». La première comprendra des objectifs contraignants concernant la restauration des sols, le développement de l’agriculture biologique et la réduction des pesticides. La France bataille en faveur de l’instauration d’un objectif européen ; ce sera clarifié le 20 mai.

L’architecture française de la relance et des aides d’État doit le plus possible s’intégrer au cadre européen, et ce dernier doit être le plus conforme possible aux ambitions et aux réalisations françaises. C’est notre objectif. La France a attaché au soutien financier des exigences de transformation écologique. Le plan de transformation et de transition écologique d’Air France sert d’ailleurs de modèle à l’échelon européen.

Le 9 mai, l’élargissement des exceptions possibles à l’interdiction européenne des aides d’État aux entreprises a été prolongé pour deux ans, moyennant le respect de certains principes. Les grandes entreprises aidées par les États membres doivent rédiger un rapport annuel décrivant les modalités d’alignement de leurs activités avec l’objectif de neutralité climatique fixé en 2050, c’est-à-dire avec l’Accord de Paris. Aucune sanction n’est adossée au non-respect de cette obligation, mais la décision d’un État membre de retirer son soutien financier à une entreprise en raison d’un alignement insuffisant sur l’objectif de neutralité carbone ferait de toute façon débat. Cette question se joue moins dans les tribunaux que dans la capacité à exercer une pression politique et sociétale sur les entreprises.

L’Allemagne est réticente à l’idée de suivre le modèle d’Air France pour Lufthansa. Même en l’absence de décision du gouvernement, la compagnie sera tenue de se transformer à l’aune du cadre européen.

En France, il faudrait débloquer 25 milliards d’euros d’argent public – subventions, prêts garantis, etc. – sur deux ans pour une relance verte, afin de générer 60 milliards d’euros d’investissements verts dans l’économie et d’élaborer une trajectoire inédite d’investissement sur l’Accord de Paris. Cette bataille est devant nous.

Mme Véronique Riotton. Si la crise nous force à réorganiser l’agenda législatif, elle ne doit pas minimiser notre ambition écologique. C’est le sens de l’appel pour une relance verte lancé par treize ministres de l’environnement de l’Union européenne le 10 avril dernier.

Le groupe La République en Marche attend une réponse forte de l’Europe. Le fait que la France dispose pour la première fois d’un président de la commission chargée de l’environnement constitue une occasion unique. Comment votre commission peut-elle faire bouger le cadre européen ? Une coalition pour un critère vert permettant de dépasser les règles du marché unique dans un but d’accélération de la transition écologique vous paraît-elle possible ?

M. Bernard Deflesselles. Avant la crise, la présidente de la Commission européenne Mme Ursula von der Leyen avait présenté une feuille de route ambitieuse, prévoyant de consacrer 25 % du budget à la transition écologique, qui s’est heurtée à plusieurs oppositions. Quelle sera la nouvelle feuille de route ? L’objectif de 25 % sera-t-il maintenu ?

La rapporteure de la loi « climat » plaide pour une réduction des émissions de CO2 de 65 % à horizon 2030 – alors que la feuille de route prévoyait de 50 % à 55 % – ainsi que pour un point de passage à 80 % ou 85 % en 2040 et une neutralité carbone pour chaque État et non plus au niveau de l’Union. Elle mentionne également un vote dans votre commission en juillet. Pourriez-vous nous éclairer ?

L’idée est de rehausser les objectifs de l’Union, mais la feuille de route de chaque pays montre que personne, y compris la France, n’est sur une trajectoire de neutralité carbone à horizon 2050. Comment élever ces ambitions ?

M. Jimmy Pahun. Le Gouvernement a rappelé qu’économie et écologie allaient de pair, qu’il n’était pas question de revenir sur les lois adoptées, qu’il fallait accompagner la transition agricole, que la France devait être la première économie décarbonée en Europe et que le plan de relance ne serait pas forcément fondé sur la consommation. Comment pouvons-nous vous aider à aller vers une croissance verte ? Ne faudrait-il pas accompagner davantage l’isolation des maisons ?

Où en est l’accord de libre-échange entre l’Union et le Mexique qui prévoit l’importation de 20 000 tonnes par an de viande bovine non traçable ? L’alimentation doit-elle devenir un secteur stratégique, hors accords multilatéraux ?

Mme Marietta Karamanli. Il n’existe pas de réponse sanitaire européenne commune à la crise. Les États ont déployé des stratégies variables en fonction de leurs organisations et de leurs équipements hospitaliers, et pris des décisions différentes concernant les frontières. Les moyens consacrés à la recherche n’ont pas été coordonnés, les reports du projet Discovery le montrent. Ne faudrait-il pas mutualiser davantage les moyens en cas de crise ?

Le groupe socialiste propose de créer une réserve sanitaire européenne, qu’en pensez-vous ?

Ne faudrait-il pas identifier des secteurs et produits stratégiques pour la santé et redéfinir les règles d’investissement européennes en matière de santé, avec pour critères la sécurité et la réciprocité des pays investisseurs, en créant une forme de joint-venture dont un acteur européen détiendrait au minimum 51 % ?

M. Stéphane Demilly. L’actualité a démontré la nécessité de relocaliser la production de biens ainsi que le sens de l’usage non alimentaire de productions agricoles, comme pour produire du gel hydroalcoolique, et l’importance d’accélérer la transition écologique, notamment dans les transports. Le Green Deal renforcera les objectifs de lutte contre le changement climatique et révisera probablement la directive sur les énergies renouvelables.

Ne faudrait-il pas assouplir la contrainte du plafonnement à 7 % de l’incorporation de biocarburants de première génération, au moins pour ceux issus de matières premières européennes ? Ces derniers ont un impact marginal en matière de changement d'affectation des sols indirect, contrairement aux matières premières importées comme l’huile de palme et le soja.

M. Paul-André Colombani. Le plan de relance de la Commission européenne sera-t-il assez ambitieux pour répondre aux urgences écologique et économique qui succèdent à l’urgence sanitaire ? Les recovery bonds proposés par le Parlement européen suffiront-ils à empêcher une dislocation de la zone euro ? Comment assurer qu’un tel outil sera bien fléché vers une relance verte ? Afin de bénéficier de données précises et harmonisées, êtes-vous pour le déploiement à l’échelle européenne d’une étude semblable à celle de séroprévalence du covid-19 proposée en Corse ?

Mme Mathilde Panot. Vous ne vous êtes pas opposé à la liste des projets d’intérêt commun qui comportait trente-deux projets gaziers, pourtant en contradiction avec les objectifs de réduction de CO2 de l’Union européenne, au motif que le Commissaire européen chargé du Green Deal s’était engagé à ne pas financer ces projets s’ils étaient incompatibles avec ce dernier.

C’est tout vous ! Vous faites confiance, vous n’aimez pas la contrainte. Vous faites confiance à Mme Élisabeth Borne et à M. Bruno Le Maire quand ils évoquent, pour une contrepartie écologique à l’aide financière de l’État, un accord avec Air France sans valeur juridique et qui ne prévoit aucune sanction. De même, lorsque M. Bruno Le Maire enjoint une compagnie à réduire ses vols intérieurs, vous vous réjouissez, alors que la proposition de loi du groupe La France insoumise sur le sujet a été balayée, et que l’annonce ne figure nulle part.

Vous plaidez pour un objectif de 55 % de réduction des émissions de CO2 de l’Union européenne à l’horizon 2030. En réalité, il faudrait le fixer, selon le Groupe d’experts international sur le climat (GIEC), au moins à 65 % pour rester sous le seuil de hausse de 1,5 degré de température globale, mais ce sont des formalités…

Votre alliance pour une relance verte avec une trentaine de banques, dont celles qui investissent le plus dans les énergies fossiles, montre que vous êtes l’écologie cool, naïve, qui serre la main aux banquiers en pensant changer le monde quand ils se réjouissent de cette publicité sans rien modifier à leurs habitudes. Bravo pour votre initiative ! S’allier avec les pollueurs pour lutter contre le changement climatique est un vrai défi pour la pensée.

Le 16 novembre 2018, vous déclariez ne pas souhaiter figurer sur la liste En Marche aux élections européennes pour garder votre liberté. Qu’avez-vous fait de vos ambitions écologiques ?

M. André Chassaigne. L’humanité est confrontée à un défi climatique qui lui impose de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre dans un délai contraint, alors qu’un retard important a été pris. Il faut respecter les trajectoires fixées par les travaux du GIEC et ne pas occulter les enjeux que sont la baisse des consommations d’énergie, la baisse des émissions dans le secteur des transports, la baisse des émissions de l’industrie et de l’énergie pour un mix électrique, la relocalisation de notre industrie, l’isolation et la rénovation thermique du résidentiel tertiaire, ou encore la relocalisation de nos productions agricoles.

Les accords de libre-échange internationaux sont en contradiction totale avec nos engagements climatiques. Pouvons-nous espérer une prise de conscience de l’Europe ?

M. Pascal Canfin, Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. La loi « climat » a été présentée avant le début du confinement. La Commission européenne s’est engagée à publier fin septembre une étude d’impact relative aux différents scénarios de points de passage en 2030. Un objectif minimaliste de 50 % de réduction des émissions de CO2 est avancé par certains, l’objectif de 55 % recueille une majorité au Parlement européen et certains, comme la rapporteure, proposent d’aller au-delà.

Nous voterons en Commission de l’environnement en juillet ou début septembre. Le vote au Parlement européen est prévu au plus tard début octobre, et le Conseil devrait définir sa position en octobre ou novembre. Le report de la COP26 au printemps ou à l’été 2021 permettra de négocier en trilogue afin de déterminer la position finale de l’Union européenne.

La majorité du Parlement européen demeure fixée sur un objectif de réduction des émissions de 55 % voire sur supérieur, pour avoir une marge de manœuvre lors des négociations avec le Conseil.

L’objectif européen de neutralité carbone est confirmé. La Pologne, qui n’y a pas opposé son veto en décembre, attend de voir si elle peut l’atteindre et quelles seraient les conditions financières associées. L’enjeu est de savoir s’il s’agit d’un objectif moyen européen à horizon 2050, ou d’un objectif pour chaque État membre. Dans la première hypothèse, la marche rapide probable de pays comme la Finlande ou la Suède donnerait du temps à d’autres États moins avancés, ce qui intéresserait la Pologne dont le mix énergétique repose à 80 % sur le charbon. Ce point sera traité dans la loi « climat ». De manière générale, une baisse des ambitions de la Commission comme du Parlement est peu probable.

Le GIEC recommande effectivement un point de passage à 65 % en 2030, mais 55 % demeure le pourcentage maximum au Conseil, du fait du rapport de forces politique. Nous sommes proches d’une majorité qualifiée des États membres sur cet objectif. La position de l’Allemagne est décisive. Mme Angela Merkel a annoncé récemment soutenir l’objectif de 50 à 55 % de baisse, c’est une avancée. Une bataille se joue au sein de la coalition allemande. Les débats sur la loi « climat » auront lieu en Commission européenne sous présidence allemande, qui prendra effet dans quelques semaines. La France se prononce en faveur d’un objectif à 55 %.

Un report supplémentaire de la loi « climat » semble peu probable. La stratégie « De la fourche à la fourchette » qui vient compléter la politique agricole commune (PAC) sera rendue publique le 20 mai malgré les demandes de report de plusieurs syndicats agricoles, la Commission européenne ayant jugé nécessaire d’accélérer la transition.

Nous voterons le 14 ou le 15 mai en séance plénière à Bruxelles la prolongation du régime actuel de la PAC – qui devait s’achever fin 2020 – pour au maximum deux ans. Cela nous donnera le temps de négocier les règles sur les pesticides, l’agriculture biologique, le verdissement, etc. Au Parlement européen, les sujets agricoles sont traités par la Commission de l’agriculture et la Commission de l’environnement, qui doivent se mettre d’accord. C’est une bataille quotidienne.

La liste des projets d’intérêt commun comprenait plus de 50 % de projets d’interconnexion électrique nécessaires au développement des énergies renouvelables, qu’il aurait été regrettable de rejeter. Une grille de sélection plus stricte s’impose pour le financement des projets gaziers, qui posent effectivement problème. Cette liste n’est pas une obligation de financement, mais un « panier » de projets potentiellement finançables. Les projets gaziers ne seront probablement pas financés, contrairement aux autres. Notre groupe a la bonne stratégie sur les plans industriel et environnemental.

La majorité des États membres sont favorables aux accords de libre-échange et à l’ouverture des marchés. La France est quasi seule sur ce sujet. Le Président de la République a été le seul chef d’État à refuser le nouvel accord commercial avec les États-Unis en 2019. Cependant, la nouvelle doctrine européenne impose le respect de l’Accord de Paris comme une clause essentielle de tous les futurs accords commerciaux. À défaut, un accord commercial pourra donc tomber, ce qui est impossible actuellement faute de bases légales.

L’accord avec le Mexique est hérité du passé. Le premier accord concerné par la nouvelle doctrine est l’accord post-Brexit en cours de négociation avec le Royaume-Uni. Un affrontement a d’ailleurs eu lieu entre la Commission européenne, soutenue par le Parlement européen, et le gouvernement britannique qui s’oppose à cette clause. Ce débat franco-français est donc devenu européen, ce qui est une victoire. La France plaide pour des mécanismes de sanctions graduées pour gagner en marge de manœuvre, la réalité des intérêts économiques rendant difficile de faire tomber un accord commercial au nom du climat.

Pourriez-vous m’envoyer la proposition concrète émise par le groupe Socialiste ?

Mme Yolaine de Courson. Dans le cadre de la future PAC, comment les États ou les collectivités territoriales pourraient-ils soutenir financièrement les exploitations qui font le choix d’une transition vers l’agriculture biologique ou vers une certification Haute valeur environnementale, ou qui s’engagent dans des labels bas carbone reconnus – financement de l’investissement, aides financières pour le conseil technique, etc. ?

M. Jean-Marie Sermier. Plutôt que de fixer, comme le fait la stratégie « De la fourche à la fourchette », un objectif arbitraire de réduction de 20 % à 30 % de l’utilisation des engrais minéraux agricoles, ne faudrait-il encourager les bonnes pratiques ? Un objectif général, qui constitue une provocation pour les agriculteurs français et un déni des progrès réalisés, serait non seulement difficile à relever, mais dangereux compte tenu de la diversité des systèmes de production européens, et compromettrait l’obtention de rendements de haute qualité comme le maintien de sols fertiles.

Mme Stéphanie Kerbarh. Est-il envisageable d’intégrer au projet de règlement sur la taxonomie verte, adopté le 23 janvier au Parlement européen, des obligations de transition et des obligations indexées sur des objectifs de développement durable afin d’aligner l’encadrement réglementaire et la réalité économique ?

M. Vincent Bru. Le 6 mai, huit États membres ont demandé à la Commission européenne de reconnaître l’éolien et le solaire ainsi que les technologies de stockage de l’énergie comme des chaînes de valeurs européennes stratégiques. La clé de voûte de notre indépendance et de notre souveraineté énergétiques est la production d’énergies nouvelles. Des investissements conséquents dans les énergies renouvelables et les technologies de stockage de l’énergie, notamment les batteries, seraient bienvenus. Quelles mesures pourrions-nous prendre pour garantir notre indépendance énergétique et assurer la transition écologique ?

M. Thierry Michels. L’Europe a fait preuve de solidarité pendant la crise, notamment par la prise en charge de malades du covid-19 entre pays de l’Union et la mise à disposition du siège du Parlement européen comme centre de dépistage. Quels outils privilégier pour garantir l’autonomie et la coopération renforcée indispensables dans les domaines de la santé, de la production pharmaceutique et des énergies renouvelables ?

Que pouvez-vous nous dire de la mise en cause du siège de Strasbourg par le rapport de Mme Maria Grapini qui mettait en avant le bénéfice potentiel de la vente de ses locaux pour le Parlement européen ? Quand siégerez-vous de nouveau à Strasbourg ?

M. Guillaume Garot. Comment les orientations du Green Deal et de la loi « climat » pourront-elles être déclinées dans la prochaine PAC, que je souhaiterais aussi alimentaire ? Quels objectifs pour la production alimentaire européenne ? Quel soutien à l’agroécologie ? Quelle reconnaissance pour les services environnementaux de l’agriculture ?

Mme Sandrine Le Feur. Un article du 3 mai du Paysan breton intitulé « Se préparer à la PAC de demain » souligne que les agriculteurs devront s’inscrire dans de nouveaux programmes verts pour obtenir les aides de la PAC et qu’il s’agit de « démontrer que [les exploitations porcines et de volailles historiquement hors-sol] peuvent aussi rendre des services environnementaux » au moyen de techniques culturales. Le milieu agricole semble vouloir privilégier à la transition le maintien et la justification de certains modèles. Pourriez-vous me confirmer votre vigilance sur ce sujet, afin que la notion d’évolution des pratiques d’exploitation soit prise en compte dans l’attribution des aides ?

M. Vincent Descoeur. Quelle a été la position de la commission que vous présidez concernant l’accord commercial avec le Mexique qui pose, au-delà de ses conséquences économiques désastreuses pour une filière de l’élevage déjà fragilisée, des questions de sécurité alimentaire, de sécurité du consommateur et de compatibilité avec l’article 44 de la loi dite « EGALIM » ? Quelle est son implication en amont de ces accords commerciaux ?

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Avez-vous des précisions concernant les orientations annoncées en décembre 2019 sur la sûreté alimentaire, la réduction de consommation de pesticides et d’engrais, la lutte contre l’antibiorésistance, le soutien à l’innovation et l’amélioration de l’information des consommateurs ?

Mme Danièle Obono. Nos amendements plaidant en faveur de conditionnalités au plan de relance ayant été refusés, je m’inquiète de voir l’exemple d’Air France considéré comme un modèle en Europe.

Que pensez-vous de l’appel des Amis de la Terre France et de Reclaim Finance à l’arrêt des soutiens financiers publics et privés au pétrole et au gaz de schiste nord-américains, encore soutenus par des banques et investisseurs français ?

Vous serez chargé d’un rapport sur la déforestation. Vos positions se limitent à un label anti-déforestation. Ne faudrait-il pas une procédure de diligence raisonnable plus contraignante ? Que pensez-vous de l’avis favorable donné au projet « Montagne d’Or bis » en Guyane, qui aura des conséquences désastreuses en matière de pollution et de déforestation ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Comment l’Europe pourrait-elle impulser un changement de nos logiques budgétaires pour accompagner davantage la rénovation énergétique des bâtiments, levier incontournable sur les plans écologique, économique, social et sanitaire ? Une étude a démontré que les logements indécents coûtaient à l’Europe près de 194 milliards d’euros par an en dépenses sociales et sanitaires. Le traitement définitif de ce mal-logement coûterait 295 millions d’euros, en une fois. Chaque euro investi dans la rénovation des bâtiments est productif quatre fois.

La France est innovante en matière de rénovation, avec la campagne « Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique » et l’aide financière MaPrimeRénov’. Comment ces dispositifs sont-ils étudiés par l’Europe dans le cadre du plan de sortie de crise ? Comment l’Europe peut-elle faire fructifier les bonnes idées des pays européens pour accélérer la rénovation de nos bâtiments ?

Mme Florence Lasserre. Toutes les sources d’énergies renouvelables durables, y compris la production de biocarburants européens, doivent être mobilisées pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, sortir du « tout fossile » et gagner en indépendance énergétique. Malheureusement, la fiscalité des énergies au niveau communautaire reste appuyée sur une directive de 2003, obsolète. La Commission européenne travaillant à sa révision, votre commission demandera-t-elle une fiscalité carbone sur les seuls carburants fossiles et des mesures de soutien sur la part des énergies renouvelables ?

Mme Bérangère Couillard. L’usage des solutions de biocontrôle qui régulent naturellement les agresseurs des cultures mériterait d’être développé en Europe. Une définition commune et des procédures d’autorisation de mise sur le marché adaptées seraient bienvenues. Une entreprise de ma circonscription qui a développé une solution de biocontrôle à base de microalgues pour lutter contre le mildiou des vignes devra attendre sept ans au minimum pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). J’aimerais connaître votre avis.

M. Hubert Wulfranc. Quelles options stratégiques et financières pourraient consolider la recherche, la prévention et l’organisation sanitaires en Europe ?

En Italie, la crise sanitaire a provoqué une crise alimentaire majeure, au point que 700 000 enfants présentent des carences. Quelles dispositions d’urgence l’Europe prendra-t-elle pour veiller à la sécurité alimentaire des publics fragiles ?

Mme Aude Luquet. Pouvez-vous nous parler du nouveau mécanisme de financement des projets d’énergies renouvelables, sur le cadre réglementaire duquel une consultation a été ouverte par la Commission européenne le 6 mai ? Quel impact ce mécanisme pourrait-il avoir sur la France ?

Mme Liliana Tanguy. Vous avez dit au Point qu’il fallait passer des contrats de transition écologique entre l’État et les grandes entreprises faisant l’objet d’aides financières substantielles. Comment pourrons-nous concrétiser ce souhait ? Comment cela pourra-t-il transparaître dans la stratégie des grandes entreprises aidées par les États ?

M. Patrick Loiseau. Des ajustements sont-ils prévus pour préserver l’efficacité du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE), instrument essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique ?

M. Jean-Marc Zulesi. La stratégie « De la fourche à la fourchette » pourrait-elle inclure une stratégie « De la semence à la fourchette » ?

M. Pascal Canfin, Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen. Je m’engage à ce que mon équipe reprenne toutes vos questions pour y apporter des réponses précises par écrit. Vous pouvez également m’envoyer les questions qui n’ont pu être posées.

La Commission européenne et le Parlement européen sont très favorables à l’idée de revoir la fiscalité de l’énergie. La Commission y travaille. Nous essayons de dépasser le point de blocage du Conseil.

Le mouvement de rénovation énergétique des bâtiments en Europe est une bataille majeure et une priorité pour M. Frans Timmermans. Tous les pays européens sont en retard sur leurs objectifs. Un montant élevé, mutualisé, pourrait être mobilisé sur le budget européen et la Banque européenne d'investissement (BEI) sous forme de garanties ou de prêts aux collectivités pour accélérer ce mouvement. La commission que je préside s’efforce de concevoir un dispositif adapté.

Un objectif contraignant de réduction de l’utilisation des engrais, fertilisants et pesticides sera bien fixé dans la stratégie « De la fourche à la fourchette ». Les moyens permettant d’atteindre cet objectif seront prévus dans la PAC, par le biais des éco-régimes dont l’enjeu est de conditionner une partie des versements du pilier 1 à des engagements environnementaux précis. Les modalités pratiques associées sont en discussion au Parlement européen.

La philosophie consiste à inclure dans la stratégie « Farm to Fork » des objectifs contraignants absents de la PAC, et à prévoir dans la PAC les moyens correspondants. Le prolongement de la PAC actuelle nous laissera le temps de valider la première et de prévoir les moyens nécessaires dans la seconde.

Le texte relatif à la taxonomie verte restera inchangé, mais une consultation est en cours concernant la deuxième vague de changements des règles du jeu sur la finance verte. Elle prendra fin en septembre. N’hésitez pas à mobiliser les réseaux et les acteurs financiers pour nourrir la discussion.

Je suis ouvert à l’idée de travailler avec vous sur la question de la PAC, en lien avec la Commission de l’agriculture.

Mme Barbara Pompili, Présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Une mobilisation nationale et européenne est nécessaire pour réussir la relance verte. M. le Président Pascal Canfin, je vous remercie.

 

 

 

La séance est levée à 11 heures.

 


Membres présents ou excusés

Présents. - M. Patrice Anato, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Christine Hennion, Mme Marietta Karamanli, M. Patrick Loiseau, M. David Lorion, Mme Danièle Obono, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye

Excusée. - Mme Aude Bono-Vandorme

Assistaient également à la réunion. - M. Damien Adam, Mme Sophie Auconie, Mme Danielle Brulebois, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, M. Stéphane Demilly, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, Mme Camille Galliard-Minier, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Pascal Lavergne, Mme Sandrine Le Feur, Mme Aude Luquet, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, Mme Claire O'Petit, M. Jimmy Pahun, Mme Zivka Park, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, Mme Souad Zitouni, M. Jean-Marc Zulesi