Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Suite de l’examen des articles du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488) (Mme Aurore Bergé, rapporteure générale, Mmes Sophie Mette et Béatrice Piron, rapporteures)              2

– Présences en réunion................................58

 


Mercredi
4 mars 2020

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 33

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mercredi 4 mars 2020

La séance est ouverte à quinze heures.

(Présidence M. Bruno Studer, président)

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La commission des Affaires culturelles et de lÉducation poursuit l’examen des articles du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488) (Mme Aurore Bergé, rapporteure générale, Mmes Sophie Mette et Béatrice Piron, rapporteures).

 

Article 40 : Pouvoirs d’information et d’enquête de l’ARCOM – Échange d’informations entre l’ARCOM et le CNC

La commission examine l’amendement AC1334 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit d’étendre les pouvoirs de recueil d’information de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pour l’élaboration de ses études aux données de consommation aux fins de renforcer ses prérogatives.

M. Michel Larive. Comment l’ARCOM va-t-elle s’assurer du recueil du consentement explicite et libre de l’utilisateur, comme l’exige règlement général sur la protection des données (RGPD) ? Si elle n’est pas en mesure de le faire, elle utilisera alors des données recueillies illégalement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il n’est pas question de recueillir des données personnelles ou individualisées : ce sont des formes de statistiques constituées à partir de données agrégées et anonymisées. Il n’était évidemment pas question de faire courir le risque que vous soulevez.

M. Michel Larive. Envisagez-vous de préciser le cadre de recueil de ces données ? Tout cela est très flou. Les statistiques, par essence, se construisent tout de même à partir de données personnelles…

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais les statistiques ne sont pas des données personnelles !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre inquiétude, mais il n’est pas question de données personnelles dans cet amendement : il s’agit seulement de récolter les informations nécessaires pour s’assurer du respect par les plateformes de leurs obligations, notamment en matière de financement.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Il est bien précisé qu’il s’agit des informations nécessaires à l’élaboration des études de l’ARCOM, lesquelles incluent les données de consommation des services de communication audiovisuelle et des plateformes de partage de vidéos. Au demeurant, l’ARCOM ne peut se soustraire aux obligations du RGPD en matière de données personnelles : il est donc inutile de le rappeler à chaque fois dans la loi. Les précisions apportées par la rapporteure générale me semblent répondre à votre inquiétude, cher collègue.

M. Michel Larive. Pourquoi ne pas préciser alors que ces données n’entrent pas dans le cadre du RGPD ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cette précision serait superfétatoire, monsieur Larive.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1080 et AC1081 de la rapporteure générale.

La commission se saisit ensuite de l’amendement AC360 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Afin de nous assurer que le dispositif de l’alinéa 9 sera efficient, nous souhaitons le compléter par les mots : « de manière proportionnée ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous ferai la même réponse que ce matin : votre amendement, qui tend à ce que le secret des affaires soit opposable de manière proportionnée aux agents assermentés, viendrait limiter les prérogatives de l’ARCOM. L’avis est donc défavorable.

Mme Frédérique Dumas. On peut y voir une limite, mais c’est seulement un encadrement, comme nous l’avons fait avec la rémunération proportionnelle, par exemple. Il s’agit simplement de permettre à l’ARCOM de faire correctement son travail afin qu’il soit accepté et efficace.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1082 et AC1079 de la rapporteure générale.

La commission en vient à l’amendement AC584 de M. Bruno Fuchs.

Mme Géraldine Bannier. Nous proposons de compléter l’article 40 par l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se communiquent en tant que de besoin les informations qu’elles détiennent relatives à l’accomplissement de leurs missions respectives. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Rien ne s’oppose à ce que l’ARCOM et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) s’échangent des informations. Votre amendement étant satisfait, je vous demanderai de le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC794 de M. Bruno Fuchs.

Mme Géraldine Bannier. Nous proposons d’ajouter l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se communiquent en tant que de besoin les informations qu’elles détiennent relatives à l’accomplissement de leurs missions respectives. »

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Même avis que précédemment.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 40 modifié.

Après l’article 40

La commission examine l’amendement AC901 de M. Pieyre-Alexandre Anglade.

Mme Florence Provendier. Mon collègue Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français du Benelux très engagé sur les sujets européens, est à l’origine de cet amendement qui vise à assurer une prise en compte réelle des temps de parole des personnalités politiques sur les sujets ayant trait à l’action de l’Union européenne dans les médias français, en confiant à l’ARCOM la mission de rapporter le temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets européens aux responsables des différents partis politiques français représentés au Parlement européen.

Il reviendrait donc en amont aux différentes chaînes de radio et de télévision de communiquer ces informations à l’ARCOM. Ces indicateurs apparaissent primordiaux, tant les médias dans notre pays peinent à parler d’Europe et à intéresser nos concitoyens aux politiques européennes, qui ont pourtant un impact direct sur leur vie quotidienne.

Il nous semble important que des données statistiques précises puissent constituer une photographie exacte du traitement de l’actualité européenne dans le paysage audiovisuel français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Un grand nombre d’amendements mettent en avant la nécessité de renforcer la présence de l’actualité et des questions européennes dans le champ de l’audiovisuel public. Votre amendement présente un intérêt certain, mais il aboutirait à imposer des obligations relativement fortes à l’ARCOM. Je préférerais que nous le retravaillions ensemble d’ici à la séance publique

Mme Florence Provendier. Je défends cet amendement au nom de mon collègue, mais également de tout mon groupe, car il nous paraît essentiel de donner les moyens à l’ARCOM de veiller au traitement de ces sujets fondamentaux. J’accepte néanmoins de le retirer pour qu’il soit réécrit en vue de l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

Article 41 : Coordination – Interdiction d’interruption et de modification des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande

La commission examine l’amendement AC617 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Nous refusons la modification de l’article L. 333‑10 du code du sport prévue à l’article 23, dont nous discuterons un peu plus loin. L’idée d’appliquer une sanction préventive notamment nous paraît inacceptable. C’est bien au basculement des programmes sportifs vers le diffuseur privé qu’il faut s’attaquer : c’est bien de là que viennent le manque à gagner pour les finances publiques, la dégradation de la qualité du service, la multiplication de spots publicitaires et, au final, la hausse faramineuse du coût du service. Bref, c’est un échec sur toute la ligne. D’où la suppression proposée de l’alinéa 2.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Vous relevez avec raison la difficulté posée par cet alinéa qui vise à transposer l’article 7 ter de la directive Services de médias audiovisuels (SMA) en inscrivant dans le texte l’interdiction d’interrompre un signal. Je vous propose que nous y retravaillions ensemble afin de parvenir à une rédaction satisfaisante que vous pourrez présenter dans un amendement en séance publique.

M. Michel Larive. C’est une bonne proposition.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AC54 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous proposons de réécrire une partie de l’article 41 pour s’en tenir à une transposition stricte des dispositions de la directive SMA afin de respecter l’intégrité des services de médias audiovisuels. Le mieux peut être l’ennemi du bien.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous propose également que nous travaillions ensemble, entre nos différents groupes politiques, sur la transposition de l’article 7 ter de la directive avant l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC620 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Cet amendement vise à permettre à tous les spectateurs de bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités et des données fournies par les éditeurs de services, notamment de programmes en audiodescription dans différentes versions – version originale et versions dans d’autres langues – ainsi que de tous les sous-titres proposés. Certaines chaînes, par souci de rentabilité, ne garantissent pas l’ensemble de ces fonctionnalités, en particulier pour les sous-titres. Nous souhaitons que la loi les y oblige afin de garantir l’accès à tous les publics et le respect de l’intégrité des œuvres diffusées. Cet amendement rejoint celui de Mme Janvier que nous avons adopté ce matin à l’unanimité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Sur les questions d’audiodescription, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a été saisi ; nous attendons qu’il nous fasse part de sa position. Il nous paraît intéressant de connaître l’avis des personnes directement concernées par le sujet afin de bien cerner le besoin et la manière dont il peut y être répondu dans le texte. Plusieurs amendements ont été déposés sur le sujet avant d’être finalement retirés, précisément pour cette raison. Je vous invite à faire de même.

M. Michel Larive. Je vais précisément maintenir celui-ci pour les mêmes raisons, afin que les intéressés sachent que leurs préoccupations ont bien été entendues. Mais nous allons y retravailler d’ici à la séance.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC1337 de Mme la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le développement des enceintes connectées est un sujet qui a été abordé à plusieurs reprises au cours des auditions et sur lequel nous étions nombreux à vouloir agir. Cet amendement vise à imposer une obligation de respect de l’intégrité des contenus qui pourraient être diffusés et à rendre obligatoires des possibilités de paramétrage par l’utilisateur, afin que celui-ci ne se voie pas imposer des contenus déterminés par le fabricant lui-même au moyen d’un algorithme, et qu’il puisse choisir la source de ses contenus. Peut-être pourrons-nous aller plus loin en séance, mais ce serait déjà un premier engagement. Il s’agit d’un enjeu démocratique et de diversité culturelle qui nous concerne tous.

M. le président Bruno Studer. En effet. C’est peut-être un des plus importants amendements à ce projet de loi.

Mme Frédérique Dumas. Je regrette qu’il faille attendre d’examiner un amendement de la rapporteure générale sur ce sujet pour s’apercevoir qu’il est important. Lorsque nous avons évoqué le problème de la distribution technique ou virtuelle, on nous a opposé que tout était dans la loi et qu’il n’y avait pas lieu de s’en préoccuper…

Nous sommes donc bien sûr favorables à cet amendement, mais nous aurions souhaité que les questions relatives à la distribution, c’est-à-dire à l’ordonnancement, à l’organisation et aux choix fassent l’objet d’un traitement plus général, car dans un monde où les distributeurs techniques intermédiaires ont vocation à disparaître, elles dépassent largement le seul problème posé par les enceintes connectées.

M. Michel Larive. Quand c’est bien, je le dis : c’est une bonne proposition, qui vise à donner à l’utilisateur le choix de la source des contenus, souvent imposé par les constructeurs. Dans un rapport d’étude sur les assistants vocaux et les enceintes connectées publiées en mai 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) note que les fabricants accordent une préférence à leurs propres services, ce qui leur procure un avantage concurrentiel sur les autres éditeurs. Il relève également chez les personnes interrogées le faible recours aux possibilités de paramétrage offertes par les enceintes connectées, puisque tout est fait pour écourter la phase d’installation et de paramétrage afin de profiter le plus rapidement du produit, au risque d’évincer les services les plus fragiles.

L’enjeu est de donner aux utilisateurs la possibilité de paramétrer leur enceinte de façon très simple et de les y encourager par un travail d’information que j’estime indispensable. C’est pourquoi je voterai cet amendement.

Mme Marie-George Buffet. Je suis également favorable à cet amendement, parce qu’il touche aux libertés individuelles. Un individu doit pouvoir aller chercher des données, des connaissances sans être limité dans ses choix, ses options, sa réflexion par une offre prédéfinie.

M. Maxime Minot. Effectivement, cet amendement vise à protéger les libertés individuelles, les données personnelles et la vie privée : vous pouvez compter sur les députés du groupe Les Républicains pour y apporter leur soutien.

M. Bruno Fuchs. Certes, cet amendement ne couvre pas l’ensemble du champ de la distribution de contenus, mais c’est un premier pas auquel nous invite la rapporteure générale, qui contribue grandement à l’enrichissement de ce texte. Il nous appartiendra d’aller plus loin lors de l’examen du texte en séance.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous soutiendrons fermement cet amendement pour éviter tout risque de limitation de certaines offres de contenus ou de services par les éditeurs. Il y va de la neutralité de l’internet.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 41 modifié.

Article 42 : Recueil de contributions et organisation d’auditions sur l’étude d’impact préalable à la modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre

La commission examine les amendements identiques AC108 de Mme Emmanuelle Anthoine, AC433 de Mme Brigitte Kuster, AC482 de M. Maxime Minot et AC759 de M. Pierre-Yves Bournazel.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’article 42 laisse au demandeur et aux tiers la capacité à faire valoir leurs observations écrites, mais ne leur garantit pas la capacité à être entendus par l’ARCOM, sauf si celle-ci « l’estime utile ». Or, d’après le Conseil d’État, la réalisation de l’étude d’impact en temps utile se justifie précisément « pour que le demandeur et les autres personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendues sur les conclusions de l’étude. »

Il convient d’affirmer l’obligation de l’ARCOM d’entendre le demandeur ou les tiers qui le demandent dès lors que ceux-ci sont intéressés au marché concerné.

Mme Brigitte Kuster. La modification que nous souhaitons apporter est bien plus qu’une simple précision rédactionnelle : notre objectif est d’affirmer l’obligation de l’ARCOM d’entendre le demandeur ou les tiers qui le demandent pour garantir un vrai débat contradictoire sur les décisions susceptibles de modifier les marchés concernés et les modes de diffusion de contenus qui font l’objet d’une protection par le droit de la propriété intellectuelle. Or l’article 42, en l’état, n’en fait aucune obligation, mais seulement une possibilité.

M. Maxime Minot. Mes collègues ont déjà tout dit ou presque sur ces amendements ; je me contenterai de souligner que leur adoption est essentielle pour la suite de l’examen de ce texte.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Chers collègues, en faisant d’une possibilité une obligation, vous exposez l’ARCOM au risque d’être assaillie de demandes d’audition sans pouvoir déterminer lesquelles sont nécessaires ou pas. C’est d’ailleurs sur ce point que les autorités de régulation nous ont alertés. Mon avis sera donc défavorable.

Mme Brigitte Kuster. J’entends l’argument, madame la rapporteure générale ; encore faut-il pouvoir se placer des deux côtés. Vous ne retenez que le point de vue de l’ARCOM, qui craint d’être débordée ; mais si nous la créons, c’est bien pour qu’elle réponde aux attentes de tous les acteurs du monde de l’audiovisuel. Comme vous l’avez vous-même expliqué, tous doivent se retrouver dans ce texte de loi, tous doivent pouvoir être entendus. Nous ne sommes pas là pour ne défendre que l’ARCOM, mais pour garantir la place de tous les acteurs du monde de l’audiovisuel.

Mme Frédérique Dumas. Notre rôle est bien de veiller à l’équilibre du texte, et non pas de défendre l’ARCOM : c’est la moindre des choses que d’entendre le demandeur et les tiers juridiquement concernés si l’on veut que la décision prise soit pertinente. Le diable peut se nicher dans les détails. La modification proposée par ces amendements me paraît donc devoir être soutenue.

M. Michel Larive. Votre objection peut être résolue par l’attribution à l’Autorité de moyens suffisants pour accomplir cette mission, madame la rapporteure générale.

M. Bruno Fuchs. Il me paraît difficile d’inscrire dans la loi la façon dont l’ARCOM doit fonctionner au quotidien en l’obligeant ainsi à recevoir tout citoyen qui souhaiterait être entendu.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il s’agit uniquement d’entendre le demandeur ou les tiers concernés !

M. Bruno Fuchs. J’entends bien, mais il n’est pas de notre ressort de déterminer les modalités d’organisation de l’ARCOM, qui doit être souveraine dans son fonctionnement.

Mme Brigitte Kuster. Contrairement à d’autres ici, je ne suis pas une spécialiste du sujet, mais c’est pour moi une question de logique : dès lors qu’il a été décidé de créer l’ARCOM en réunissant des entités existantes, la nouvelle autorité doit être plus forte que ce qu’elles étaient auparavant.

Deux amendements proposés ce matin visaient à affecter des moyens supplémentaires à l’instance de règlement des différends commune à l’ Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et à l’ARCOM pour l’étude de certains dossiers ; c’est donc qu’on est prêt à le faire. Nous sommes dans une démocratie, chacun doit pouvoir être entendu, et cette faculté ne saurait dépendre de la décision d’une autorité administrative, en particulier sur un tel sujet. Le texte doit donc mettre chacun sur un pied d’égalité.

Mme Frédérique Dumas. Il me paraît nécessaire de garantir le contradictoire par une disposition législative : ce n’est pas à une autorité administrative de décider qui elle souhaite entendre, d’autant que nous ne parlons pas de tous les citoyens, mais seulement du demandeur et des tiers concernés. Et pour ce qui est des moyens dont parlait ma collègue, tout ce qui a été concédé jusqu’à présent dans ce texte n’ira pas aux autorités administratives mais à la constitution d’un pôle numérique à Bercy… C’est maintenant qu’il faut consacrer dans la loi et le principe démocratique, et les moyens qui en découlent.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Afin de répondre à la fois à votre préoccupation et à la mienne, je vous propose de retenir la rédaction suivante, qui me paraît être un bon compromis : « L’Autorité entend le demandeur et peut entendre les tiers qui le demandent. »

M. le président Bruno Studer. Souhaitez-vous procéder à cette modification dès maintenant ou préférez-vous attendre l’examen du texte en séance ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Faisons-le dès maintenant !

La commission adopte les amendements tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

Puis elle adopte l’article 42 modifié.

Article 43 : Modalités de publication des sanctions prononcées par l’ARCOM

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1083 et AC1084 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte l’article 43 modifié.

Après l’article 43

La commission examine l’amendement AC1339 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous proposons de mettre en œuvre une recommandation formulée par le CSA dans son avis sur le projet de loi, qui répond à une attente des chaînes. Il s’agit de permettre à l’ARCOM de faire évoluer de façon plus souple les conventions conclues avec les éditeurs. L’Autorité pourra ainsi modifier, par une décision motivée, les obligations liées à la programmation d’un service, dès lors que le format de la chaîne n’est pas remis en cause.

La commission adopte l’amendement.

Article 44 : Aménagement de la procédure d’instruction et de prononcé des sanctions par l’ARCOM

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1086 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte l’article 44 modifié.

Article 45 : Sanction pécuniaire en cas de manquement à une décision de l’instance de règlement des différends commune à l’ARCOM et à l’ARCEP

La commission adopte l’article 45 sans modification.

Article 46 : Critères de détermination de l’État d’établissement d’un éditeur de service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1087 de la rapporteure générale.

Puis elle examine l’amendement AC630 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’article 46 va plutôt dans le bon sens en précisant les critères de détermination de la loi applicables à un service de télévision établi en France, mais nous souhaitons affirmer que tout éditeur de service ou média diffusant en France doit être régi et encadré par le droit français.

Il s’agit bien d’un acte de souveraineté, qui correspond à un choix de société. En application de la directive SMA, il appartiendrait en effet au groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, dénommé par son acronyme anglais ERGA, de décider si un éditeur de service ou un média diffusant des programmes en France relèveraient du droit français.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous sommes évidemment très attachés à la souveraineté, qui est inscrite dans le titre même du projet de loi, mais la disposition que vous énoncez serait directement contraire à la directive SMA et ne peut être adoptée. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Bertrand Pancher. Un des aspects positifs de ce texte est de transposer des directives européennes dont l’objet est l’harmonisation des pratiques du paysage audiovisuel à l’échelle européenne. La disposition est donc évidemment antinomique avec cet objectif. Comment pourrions-nous agir seuls ?

M. Michel Larive. J’entends vos arguments, cher collègue, mais acceptez que je puisse avoir une position différente de la vôtre. À mes yeux, il s’agit d’un choix de société. Ce n’est pas parce que la directive SMA a été adoptée que nous allons nous mettre à en vanter les mérites ! Nous procédons ici comme nous le faisons ailleurs : ce texte ne nous convient pas, alors nous le critiquons. Cela s’appelle l’opposition…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 46 modifié.

Article 47 : Modification du régime de suspension de la retransmission sur le territoire français de services de médias audiovisuels en provenance d’autres États membres

La commission examine l’amendement AC631 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Conformément à l’esprit du projet de loi, qui met de côté l’autorité judiciaire, des pouvoirs disproportionnés sont attribués à l’ARCOM, qui devient l’entité de référence du contrôle de la liberté d’expression dans le champ audiovisuel alors qu’elle se caractérise par un manque d’indépendance. Nous entendons par cet amendement manifester notre refus de confier à une autorité administrative des pouvoirs quasiment judiciaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. J’entends cette position de principe ; mais si nous avons souhaité confier à l’ARCOM cette compétence, que le CSA possède déjà, c’est parce que nous y voyons un gage de rapidité, laquelle a son importance en matière de médias. En tout état de cause, l’ARCOM exerçant ses pouvoirs sous le contrôle du juge, l’autorité judiciaire n’est pas dessaisie de ces décisions.

M. Michel Larive. La liberté individuelle ne fait pas toujours très bon ménage avec la rapidité : l’actualité le prouve…

M. Michel Larive. Nous proposons donc, plutôt que de doter l’ARCOM de telles prérogatives, de saisir directement le parquet, ce qui d’ailleurs accélérerait certainement la procédure.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC70 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement vise à ajouter les atteintes à l’intimité à la liste des situations donnant à l’ARCOM la possibilité de suspendre provisoirement la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant d’un autre État européen.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je prends bien la mesure du risque d’atteintes à l’intimité de la vie privée d’autrui, mais cette situation ne saurait être considérée comme étant de même gravité que les atteintes aux mineurs, la pédocriminalité ou l’incitation au terrorisme. L’avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC1088 de la rapporteure générale, AC389 de Mme Géraldine Bannier, AC1089, AC1090 et AC1091 de la rapporteure générale.

Elle adopte enfin l’article 47 modifié.

Article 48 : Liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France

La commission adopte l’amendement de précision AC1092 de la rapporteure générale.

Puis elle examine l’amendement AC632 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Sabine Rubin. L’article 48 impose aux éditeurs de services établis en France et ne relevant pas de la compétence de la France d’informer l’ARCOM de toute modification susceptible de changer leur situation ; nous y sommes bien sûr favorables.

Afin d’améliorer ce recensement, nous proposons de soumettre ces éditeurs à un contrôle annuel pour vérifier s’ils ne relèvent effectivement pas de la compétence de la France. Il nous semble en effet souhaitable que l’autorité de régulation se donne les moyens d’être informée et qu’elle ne dépende pas uniquement de la bonne volonté des éditeurs de services.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’article 2 de la directive SMA prévoit déjà une procédure permettant de vérifier que les services audiovisuels relèvent de la compétence de l’État dont ils doivent relever.

La Commission européenne met à disposition les listes des fournisseurs de médias transmises par les États membres dans une base de données centralisée. En cas d’incohérence, elle est tenue de contacter les États membres pour régulariser la situation. Lorsqu’il y a désaccord entre les États sur le choix de l’État compétent, la question est soumise à la Commission, qui peut solliciter le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels, auquel appartient le CSA. L’avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 48 modifié.

Article 49 : Relations entre l’ARCOM et l’administration des impôts

La commission examine les amendements identiques AC691 de Mme Frédérique Dumas et AC836 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Frédérique Dumas. L’ARCOM voit ses pouvoirs renforcés pour s’assurer du respect des obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) quant à l’accès des ayants droit aux données d’exploitation, aux investissements en production et aux accords interprofessionnels avec les producteurs et les auteurs. Le dispositif repose toutefois sur la détermination de l’assiette des obligations de production ; il convient de le préciser dans le texte.

Mme Danielle Brulebois. Nous proposons qu’à défaut d’accords, l’ARCOM notifie aux SMAD l’étendue de leurs obligations sur la base prévue par le décret et prononce une sanction financière en cas de non-respect des obligations.

L’ARCOM pourra recevoir de l’administration des impôts toutes données pour vérifier le respect de leurs obligations par ces services. Au-delà de cette information, il est souhaitable que la loi précise que l’ARCOM pourra utiliser les éléments de caractérisation fiscale du chiffre d’affaires des SMAD en France afin de déterminer l’assiette de leurs obligations. En effet, il ne suffit pas que l’ARCOM ait accès à cette information, ce qui est bien prévu par la loi ; il faut aussi qu’elle soit autorisée à en faire état et usage pour définir l’assiette sur laquelle seront calculées les obligations annuelles.

Cet amendement a été rédigé en collaboration avec le Syndicat des producteurs indépendants (SPI).

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que le texte satisfait votre objectif, puisque l’alinéa 2 de l’article 49 commence par les mots « Pour s’assurer du respect, par les éditeurs de services, de leurs obligations de contribution […] ». Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 49 sans modification.

Après l’article 49

La commission examine l’amendement AC583 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement a pour objet de renforcer l’efficacité des actions de l’ARCOM et de la CNIL, dont les champs de compétence se recouvrent parfois, en obligeant cette dernière à produire une étude d’impact lorsqu’elle sera saisie d’une question relevant du champ de compétence de l’ARCOM.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce n’est pas l’article 22 du projet de loi qui fixe les missions de l’ARCOM, mais la loi de 1986. Par ailleurs, il me semble qu’il serait nécessaire de réaliser une étude d’impact avant d’ajouter ce type de missions. Avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Les avis de la CNIL sur la publicité ciblée, par exemple, rendront plus ou moins opérant le dispositif proposé par le texte. La CNIL ne peut rendre ses avis sans avoir recours à un outil comme l’étude d’impact, qui offre l’avantage de la souplesse et permet ensuite au législateur ou à l’ARCOM de se prononcer dans de meilleures conditions.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement me paraît plutôt bien venu : il me paraît normal de demander autant que peut se faire leur avis aux acteurs concernés, pour que les décisions soient les plus pertinentes et les moins hors-sol possible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les délibérations récentes de la CNIL sur la publicité segmentée peuvent effectivement poser des difficultés. Vous en concluez qu’il y aurait un intérêt à introduire une forme de coordination et de coopération entre les autorités de régulation. Reste que vous ne visez pas le bon article puisque c’est la loi de 1986 qu’il faudrait modifier : votre amendement ne peut donc être adopté en l’état. Peut-être pourrions‑nous réfléchir aux moyens qu’il conviendrait d’employer – étude d’impact, coordination renforcée entre les autorités de régulation –, en lien avec le Gouvernement, en vue de la séance.

M. Bruno Fuchs. Comme je l’ai dit précédemment, il existe, en France, une sorte de millefeuilles d’institutions de régulation. Il faudrait éviter, et c’est tout le sens de mon amendement, que l’avis d’une entité vienne interférer avec les actions de l’autre et, par la même occasion, les obérer. Cette disposition n’ajouterait pas grand-chose, si ce n’est l’obligation de réaliser une étude d’impact, qui est un dispositif assez simple.

Mme Frédérique Dumas. Je voulais simplement rappeler que l’amendement que j’avais déposé pour renforcer la coopération entre les autorités administratives avait été rejeté…

La commission rejette l’amendement.

Chapitre IV
Régulation des plateformes en ligne

Article 50 : Définition des plateformes de partage de vidéos

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1093 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte l’article 50 modifié.

Article 51 : Règlement des différends entre les utilisateurs et les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos

La commission est saisie de l’amendement AC633 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Cet amendement est l’occasion de signifier une nouvelle fois que le Gouvernement doit prendre la mesure des nombreux cas de censure déjà à l’œuvre sur les plateformes de partage de vidéos. Nous souhaitons que les atteintes à la liberté d’expression en ligne soient prises en considération et traitées par des personnes formées, en charge du numérique. C’est pourquoi nous réitérons notre proposition d’instituer des chambres spécialisées dans des tribunaux judiciaires.

Nous sommes en train d’examiner et de voter des dispositions à un rythme soutenu, après les avoir éventuellement amendées, mais sans rien savoir de ce que seront les attributions de l’ARCOM, faute d’avoir discuté des articles 22 et 23. Cela commence à m’inquiéter : nous sommes en train de bâtir une coquille sans savoir ce qu’il y aura à l’intérieur. J’espère que le ministre arrivera bientôt.

M. le président Bruno Studer. Vos inquiétudes devraient être levées d’ici à quelques minutes.

M. Michel Larive. Au rythme actuel, on va bientôt avoir fini le texte…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La directive SMA impose que les États membres veillent à ce que des mécanismes de recours extrajudiciaires soient disponibles. Ceux-ci existent donc évidemment. Par ailleurs, la compétence de l’ARCOM se justifie par les délais de traitement. Je sais que vous serez en désaccord avec moi sur ce point, mais il me paraît primordial que l’on puisse intervenir vite sur certains sujets essentiels. Je partage votre attachement aux libertés individuelles et je vous assure que votre préoccupation est pleinement satisfaite. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination AC1094 de la rapporteure générale.

Puis elle adopte l’article 51 modifié.

Article 52 : Missions de l’ARCOM en matière de lutte contre la manipulation de l’information sur les plateformes en ligne – localisation et régulation des plateformes de partage de vidéos

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC1095 de la rapporteure générale, AC390 de Mme Géraldine Bannier, AC1096, AC1097, AC1098, AC1099, AC1100 et AC1101 de la rapporteure générale.

Elle en vient à l’amendement AC665 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitons œuvrer à une meilleure identification des publicités et des placements de produit sur les plateformes de partage de contenus en ligne. La garantie d’indépendance du contenu peut être légitimement mise en question en cas de placement de produit. La présence d’un signe distinctif, identique à celui des programmes télévisés, nous paraît s’imposer, pendant toute la durée du placement de produit.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il incombera à l’ARCOM de définir les moyens d’information les plus pertinents concernant les publicités dans les vidéos diffusées sur les plateformes : ce ne seront pas nécessairement les mêmes que ceux qui peuvent prévaloir dans le cas des placements de produit – pour lesquels, rappelons-le, nous avons amendé le texte et renforcé les pouvoirs d’intervention de l’ARCOM.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC668 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitons garantir que les plateformes de partage de vidéos aient une obligation de résultat et non de moyens, qu’elles concourent effectivement au signalement exhaustif des publicités et des placements de produit au sein des vidéos diffusées. Le projet de loi dispose que les plateformes de partage de vidéos en ligne ne sont tenues d’informer les utilisateurs de la présence de publicités au sein des contenus que si elles ont été déclarées par les utilisateurs ou qu’elles-mêmes en ont connaissance. Ce cadre se révèle peu contraignant. Il faut au contraire garantir la pleine responsabilité des plateformes : elles doivent s’assurer que les utilisateurs les informent de la présence de publicités et de placement de produit dans les vidéos diffusées.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Le nombre d’acteurs susceptibles d’être concernés par cette mesure est extrêmement limité, puisque peu de plateformes de partage de vidéos relèvent de la compétence de la France, conformément à la directive SMA
– j’aimerais qu’il en aille autrement, car cela permettrait de leur imposer des obligations renforcées. Avis défavorable.

M. Michel Larive. Même s’il n’y avait que deux acteurs concernés, il faudrait le faire, car ils ont les mêmes droits que l’ensemble des citoyens français.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC242 de Mme Frédérique Meunier.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 24 de l’article 52, l’obligation imposée aux plateformes relevant de la compétence de la France d’instituer un dispositif de vérification d’âge. Nous doutons fort que ce mécanisme – qui nous semble, en réalité, assez vain – puisse être véritablement opérationnel et utile. En outre, s’il devait entraîner l’application de dispositifs techniques intrusifs, il pourrait impliquer des modalités de surveillance dérangeantes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Malheureusement, la mise en place de ces dispositifs nous est imposée par la directive SMA : nous ne pouvons y déroger. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC679 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Cet amendement vise à ce que les technologies de reconnaissance faciale ne puissent être utilisées à des fins de vérification d’âge et de contrôle parental. Nous sommes clairement opposés à ce genre de techniques, déjà utilisées dans plusieurs pays, à l’entrée des écoles, ou susceptibles d’être employées à l’avenir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre préoccupation, mais vous évoquez des cas qui vont bien au-delà de ce qui est prévu par la directive SMA : il n’est pas question de contrôler les enfants à l’entrée de leur école ou dans les camps de vacances. Le texte concerne les mesures qui pourraient éventuellement être appliquées sur les plateformes de services de médias à la demande. On est donc très loin de ce que vous évoquez. Il me paraît préférable, s’agissant des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), que le régulateur puisse agir. Cela peut aussi concerner la protection de l’enfance, concernant l’accès à certains sites. Parfois, ces technologies peuvent être extrêmement efficaces pour protéger les enfants, particulièrement vulnérables, et les empêcher d’accéder à certaines données. Défavorable.

M. Alexis Corbière. Il va de soi que nous visons le projet de loi. Pouvez-vous expliciter votre position ? Êtes-vous opposée à l’emploi de technologies de reconnaissance faciale ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je faisais référence à votre exposé des motifs, dans lequel vous évoquez le contrôle de l’entrée des enfants dans leur école, en Chine, par la reconnaissance faciale. Tel n’est pas l’objet du texte en discussion, qui traite uniquement des technologies pouvant être utilisées dans le cadre des services de médias audiovisuels à la demande. Il me semble qu’il pourrait être parfois utile de faire appel à ce type de technologies pour protéger les mineurs, en les empêchant d’accéder à certains sites. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.

Mme Frédérique Dumas. J’irai dans le sens d’Alexis Corbière. La question est de savoir si on peut utiliser des outils technologiques de reconnaissance faciale pour identifier l’âge de la personne. On a déjà des discussions sur la détermination de l’âge par l’analyse du squelette. La question est de savoir si l’on est opposé ou pas à l’utilisation de la reconnaissance faciale pour vérifier l’âge, en dehors même du texte en discussion.

Mme Constance Le Grip. Je reviens sur l’amendement précédent, qui traitait du même sujet. À l’heure actuelle, il n’existe pas – à moins d’imaginer des techniques extraordinairement intrusives, susceptibles de porter gravement atteinte aux libertés individuelles, à la protection des données personnelles – de dispositifs permettant de vérifier l’âge de manière efficace et juste. Par ailleurs, je rappelle que la transposition d’une directive n’impose pas la retranscription intégrale de ses dispositions : contrairement aux règlements, les directives offrent des marges de manœuvre. Il ne me semble donc pas inutile d’avoir un débat sur le sujet. J’avais proposé, pour ma part, qu’on supprime purement et simplement le dispositif de vérification d’âge.

M. Michel Larive. Nous entendons, par cet amendement, nous prémunir contre la technologie de reconnaissance faciale, intrinsèquement dangereuse. Pour l’avoir vue fonctionner en Chine, je peux vous dire qu’elle est absolument intrusive. On sait ce qu’on peut faire par ce moyen. Aujourd’hui, on ne peut peut-être pas encore, techniquement, dire l’âge de celui qui regarde l’objectif mais, dans très peu de temps, ce sera certainement possible. Nous entendons d’ores et déjà exclure l’utilisation de cette technologie.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. La reconnaissance faciale est une technologie décriée, à juste titre, par un certain nombre de défenseurs des libertés individuelles. Plusieurs membres du Gouvernement se sont exprimés à ce sujet : Cédric O a exprimé la position de la France dans le cadre d’une réflexion européenne. Il n’a échappé à personne qu’il a été décidé, il y a une dizaine de jours, de rendre possible l’expérimentation, dans l’espace public, de la reconnaissance faciale et, plus largement, de la reconnaissance de l’image. La réflexion est en cours à ce sujet.

La question que vous soulevez met en lumière la nécessité d’avoir une identité numérique, comme le défendent le Gouvernement et la majorité. Le chantier est engagé, qui aboutira avant la fin du quinquennat. Actuellement, nous sommes dépendants des identités indiquées par les plateformes, à partir des identifications fournies, par exemple, sur Gmail ou Facebook. Peut-on accepter que, demain, nous devions utiliser les services fournis par les plateformes pour accéder à des services, privés et même publics, au motif que nous n’avons pas d’identité numérique ? C’est la question que vous posez indirectement. Les modalités de cette identification, qu’elles passent par la reconnaissance faciale ou par d’autres techniques, devront ensuite être définies. Il est fondamental que l’État mette à notre disposition, dès à présent, une identité numérique.

La commission rejette l’amendement.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le président, pouvez-vous nous préciser quand nous examinerons les articles 22 et 23 ?

M. le président Bruno Studer. Nous allons les aborder d’ici à une dizaine de minutes, en présence du ministre. Je suspendrai nos travaux lorsque nous aurons terminé l’examen de l’article 52.

La commission est saisie de l’amendement AC241 de Mme Frédérique Meunier.

Mme Constance Le Grip. Nous proposons d’étendre la protection des données personnelles des mineurs non pas aux seules données traitées pour vérifier leur âge, mais à l’ensemble des données les concernant. Il convient, pour faire, de supprimer, à l’alinéa 27, les mots : « conformément au 3° du II ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous ferai la même réponse que celle j’ai apportée à Michel Larive : les critères que vous proposez ne s’imposeraient qu’aux plateformes de partage de vidéos relevant de la compétence de la France. On s’exposerait à un risque d’asymétrie entre les grandes plateformes internationales et celles qui pourraient être hébergées chez nous, au risque d’entraver leur développement de ces dernières. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision AC1102 de la rapporteure générale.

Puis elle examine l’amendement AC669 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Dans le prolongement de nos propositions précédentes, nous souhaitons interdire la pratique publicitaire déguisée du placement de produit dans les contenus créés par les utilisateurs de plateformes de partage de contenus en ligne à destination des enfants. Les services de plateformes devraient en informer leurs utilisateurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons longuement discuté du placement de produit et de la manière de renforcer les contraintes pour ne pas duper le consommateur. Comme je le disais précédemment, les mesures que vous proposez ne s’appliqueraient qu’à des plateformes SMAD situées en France – ce qui vous empêcherait d’atteindre l’objectif recherché – car nous sommes tenus par la directive. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC682 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Je réitère ma volonté – partagée, me semble-t-il, par plusieurs d’entre nous – de défendre l’interopérabilité. Il convient d’inscrire les germes de ce principe dans le projet de loi. Je rappelle que les services interopérables ont déjà fait leurs preuves. L’interopérabilité est favorisée par les messageries, telles WhatsApp et Messenger, qui proposent la mutualisation des contacts. Des systèmes dits VPN (Virtual Private Network) permettent des échanges d’informations sécurisés entre plusieurs réseaux non directement connectés. Il s’agit, pour l’instant, d’une initiative reliant des plateformes privées appartenant au même groupe. L’interopérabilité ne saurait dépendre du bon vouloir des mastodontes du numérique car, dans son principe, elle vise à remettre en question leur monopole. Il est donc essentiel que la loi se saisisse du sujet. Une telle disposition permettrait de réguler les réseaux sociaux sans pour autant sacrifier la liberté d’expression sur internet. En limitant l’engorgement des réseaux, on réduirait le cyber-harcèlement et l’expression de la haine en ligne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre amendement concerne davantage les réseaux sociaux, notamment quand vous évoquez la haine en ligne, que les services de partage de contenus, autrement dit les SMAD. Par ailleurs, je m’interroge sur le caractère opérationnel d’un dispositif qui ne s’appliquerait qu’à des opérateurs relevant de la compétence de la France, conformément aux critères européens. Demande de retrait.

M. Michel Larive. La directive européenne nous offre tout de même une certaine latitude, car elle nous autorise à légiférer. Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, il y a un partage d’informations issues des médias, de documentaires ou d’autres données, comme sur un média classique : je ne vois pas la différence. Le type d’informations fournies est exactement le même, quel que soit le support.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Votre exposé des motifs fait explicitement référence aux réseaux sociaux, alors que votre amendement porte sur un chapitre consacré aux plateformes de partage de vidéos. De ce fait, il ne peut atteindre son objectif. Je maintiens donc mon avis défavorable.

M. Michel Larive. Peut-être y a-t-il un problème sémantique mais, sur les réseaux sociaux, on partage des vidéos : c’est un tout, les mêmes données sont partagées sur divers supports.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination AC1103 de la rapporteure générale.

Enfin, elle adopte l’article 52 modifié.

M. le président Bruno Studer. Je souhaite la bienvenue à M. le ministre de la Culture.

Nous allons à présent examiner les amendements, précédemment réservés, à l’article 22, après l’article 22 et à l’article 23.

TITRE II
ADAPTATION DE LA RÉGULATION DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier
Dispositions visant à fusionner le CSA et la HADOPI au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur internet

Section I
Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Article 22 : Définition des missions de l’ARCOM dans la lutte contre le piratage (précédemment réservé)

La commission est saisie de l’amendement AC1293 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Amendement de coordination juridique.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques AC28 de Mme Valérie Bazin-Malgras et AC41 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Nous proposons de préciser que l’ARCOM doit rester une autorité administrative indépendante.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement est satisfait par la mention des autorités fusionnées au sein de l’ARCOM dans la liste des autorités administratives indépendantes annexées à la loi du 20 janvier 2017. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement AC1294 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. L’amendement vise, outre les reprises rédactionnelles, à rehausser la mission de protection des œuvres et objets protégés par des droits au sein des missions générales confiées à l’ARCOM. Comme le montrent les instruments mentionnés au présent article, le futur régulateur aura vocation à engager des moyens substantiels dans la lutte contre le piratage et en faveur de son adaptation aux évolutions de ce phénomène – téléchargement en pair à pair, streaming, téléchargement direct. Dans ces conditions, il convient d’établir que la première mission de l’ARCOM sera de protéger les œuvres des atteintes aux droits commis sur les réseaux de communications électroniques.

Par ailleurs, cet amendement confie à l’ARCOM une mission qui m’est chère : la sensibilisation des publics scolaires à l’intérêt de la protection de la propriété intellectuelle et des créateurs en ligne.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC681 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de celui qui vient d’être présenté. Le projet de loi réécrit certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Pour ma part, je souhaite insérer, au deuxième alinéa de son article 1er, après les mots : « de la liberté et de la propriété », les mots : « notamment intellectuelle », afin d’insister sur le cœur de mission de la nouvelle autorité de régulation : la défense de la propriété intellectuelle.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage votre ambition : l’ARCOM doit assurer au plus haut degré la protection de la propriété intellectuelle. Toutefois, compte tenu de sa rédaction, votre amendement ne permet pas d’atteindre cet objectif, puisqu’il vise à insérer, à l’alinéa 11, des considérations qui ne sont pas, à proprement parler, des missions. Je vous demande donc de le retirer et, éventuellement, de le retravailler pour la séance.

Mme Constance Le Grip. Nous souhaitons compléter d’une phrase l’alinéa 11 de l’article 22, qui évoque une « mission de protection », comme l’alinéa 12 évoque une « mission de régulation », sans évoquer les missions définies par les autres alinéas. J’entends vos remarques sur d’éventuelles maladresses rédactionnelles et je retire mon amendement, mais je reviendrai à la charge en séance.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC564 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. La présente initiative s’inscrit dans une série d’amendements que le groupe MODEM a déposés sur cet article, qui concernent l’impact environnemental de l’utilisation des réseaux de communications électroniques. Ils ont pour objet de renforcer l’action publique en ce domaine. L’amendement AC564 vise à confier à l’ARCOM une mission de régulation et de veille en matière de préservation de l’environnement dans les secteurs de l’audiovisuel et des télécommunications. La question est très mal documentée et ne fait l’objet d’aucune régulation. L’empreinte carbone de ces activités notamment est totalement sous-estimée : regarder une vidéo en haute définition pendant une minute sur un smartphone équivaut, en termes de rejet de gaz à effet de serre, à utiliser un four à micro‑ondes de 1 000 watts pendant la même durée ! Or la consultation de la vidéo augmente de 80 % par an… La façon dont on régulera l’audiovisuel et les plateformes numériques conditionnera le volume de rejet de CO2 : les deux aspects sont assez corrélés.

Mme Sophie Mette, rapporteure. L’intention est parfaitement louable : les acteurs de l’audiovisuel, publics et privés, doivent prendre toute leur part dans la lutte contre le dérèglement climatique. Je ne suis toutefois pas convaincue que donner une mission à l’ARCOM en la matière soit la meilleure façon de procéder, d’autant plus que cette mission différerait significativement de celles qui lui sont assignées – à savoir, avant tout, favoriser la protection de la propriété intellectuelle. D’ici à la séance, nous pouvons travailler ensemble pour améliorer le texte dans le sens d’une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux. Je vous demande donc de retirer cet amendement, comme tous ceux que vous avez déposés sur le même sujet.

M. Bruno Fuchs. La question est de savoir si l’on inclut dans le champ de compétence de l’ARCOM l’impact de l’audiovisuel sur le climat, notamment le rejet des gaz à effet de serre, et si on lui donne, quelle que soit la rédaction choisie, un mandat en ce domaine. La commission doit se prononcer sur le principe. Nous pourrons ensuite écrire les choses comme on le veut.

Mme Constance Le Grip. La rédaction proposée par Bruno Fuchs n’est peut-être pas parfaite, mais la pollution numérique est un sujet suffisamment sérieux et préoccupant pour qu’on envisage de confier à l’ARCOM un rôle de veille, de surveillance et éventuellement de régulation sur cette question. C’est d’autant plus justifié qu’un enjeu pédagogique considérable est associé à la lutte contre les excès de la pollution numérique.

Mme Frédérique Dumas. Le mot « mission » est peut-être mal choisi, puisque les missions de l’ARCOM, qu’il s’agisse de la régulation du secteur audiovisuel ou de la protection de la propriété intellectuelle, découlent directement des attributions qui lui ont été confiées. Cela étant, le sujet qu’évoque Bruno Fuchs est essentiel. Peut-être pourrions-nous envisager d’appliquer aux femmes et au domaine environnemental les dispositions introduites dans le texte, à l’initiative de Raphaël Gérard, relatives à la diversité. Il s’agirait d’accorder à l’ARCOM les outils lui permettant d’évaluer cette question, parmi d’autres.

Mme Michèle Victory. Je soutiens également l’idée de Bruno Fuchs. On se pose peu de questions sur l’impact de ce secteur très technologique sur l’environnement : on est un peu engagé dans une fuite en avant, comme si les jeux étaient faits et que tout cela était normal. Il serait bon d’y réfléchir. L’ARCOM, qui est précisément au cœur de la révolution technologique, devrait avoir une « mission » – le mot me paraît tout à fait juste – en ce domaine. On en a parlé ce matin, en disant qu’on y reviendrait. Le temps est venu d’inclure ce sujet dans notre réflexion.

Mme Marie-George Buffet. Je soutiens également cet amendement, car je pense que l’ARCOM doit remplir certaines missions, mais aussi jouer un rôle d’évaluation et d’alerte sur différents sujets, parmi lesquels la préservation de l’environnement et le développement durable, tant dans l’usage des technologies qu’en matière éducative.

M. Michel Larive. Vous voulez conférer à l’ARCOM des pouvoirs judiciaires, mais non lui donner des missions pourtant importantes. Je croyais pourtant que l’environnement était un thème transversal dans votre projet. C’est bien d’une mission qu’il s’agit, et elle revêt une importance considérable. Ce n’est pas la première fois que Bruno Fuchs essaie de promouvoir cette question ; ses propositions sont à chaque fois rejetées. Il va bien falloir, à un moment donné, inscrire cette mission dans le texte, tant elle est en passe de prendre une dimension pratiquement régalienne.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord sur l’importance du sujet environnemental, mais cela suppose une réécriture globale. Nous pouvons y travailler ensemble, car nous nous y retrouverons tous.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est un sujet essentiel. Bruno Fuchs a raison de le soulever et de chercher à l’intégrer dans le texte, d’une manière ou d’une autre. Toutefois, plusieurs raisons me conduisent à demander le retrait de l’amendement et sa réécriture. D’abord, son amendement vise à modifier le code de la propriété intellectuelle ; or les missions de l’ARCOM ne sont pas définies par le CPI, mais par la loi de 1986. Autrement dit, il n’est pas au bon endroit. Ensuite, le rôle de cette autorité ne peut être de réguler la préservation de l’environnement.

M. Michel Larive. Bien sûr que si !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Non, l’ARCOM régule la communication audiovisuelle et numérique – au service, éventuellement, de la préservation de l’environnement. Le mot « veille » ne pose pas de problème, mais la « régulation » de l’environnement, c’est autre chose : cela relève d’autres autorités, telles que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Par ailleurs, la régulation de la télécommunication relève de l’ARCEP, et non de l’ARCOM ; le mot « télécommunication » est donc de trop.

Pour toutes ces raisons, il convient, à mon sens, de réécrire cet amendement afin de conférer à l’ARCOM la mission de veille ou de prise en compte de la préservation de l’environnement et du développement durable dans le secteur de l’audiovisuel, sans empiéter sur les missions de l’ARCEP, et en faisant en sorte de viser le bon code.

Mme Marie-Ange Magne. Nous sommes tous soucieux de limiter l’impact environnemental des réseaux de communication électronique. Je ne sais pas si cela doit être une « mission » de l’ARCOM, mais nous avons à cœur de souligner l’importance de ce sujet de société et de l’inscrire dans la loi.

M. Bruno Fuchs. J’ai retiré tous mes amendements relatifs à la question environnementale parce qu’ils visaient des activités précises de l’ARCOM. Mais nous examinons à présent un article qui définit les missions de l’ARCOM, qui pose les grands principes : nous sommes donc au cœur du sujet. Il est temps de déterminer si nous voulons ou non que celle-ci prenne en charge la question environnementale.

En matière de régulation, il y a tout de même des choix à faire au sujet des réseaux et des plateformes quand on sait que 1 % des gaz à effet de serre mondiaux sont produits par le visionnage de vidéos sur des smartphones. Les choix que l’ARCOM fera en matière de régulation conditionneront nécessairement notre stratégie bas carbone. Je souhaite donc maintenir mon amendement, quitte à le modifier d’ici à la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC792 de Mme Florence Provendier.

Mme Florence Provendier. Le piratage a des conséquences souvent méconnues – y compris des pirates eux-mêmes – sur la chaîne de valeur, dans le domaine de la création comme dans le domaine du sport.

Cet amendement vise à confier à l’ARCOM une mission de prévention et d’information sur les conséquences du piratage, notamment vis-à-vis des enfants et des jeunes. Nombre de jeunes sportifs regardent des compétitions en live streaming sur des sites pirates sans savoir que cela entraîne un manque à gagner de plusieurs centaines de millions par an pour les titulaires des droits. C’est autant d’argent qui n’est pas redistribué aux clubs sportifs par le biais de la taxe Buffet, dont le but est précisément de créer une solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage entièrement votre objectif et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement AC1294, qui mentionne les « publics scolaires ». Cette formulation me paraît plus précise que celle que vous proposez, notamment par rapport aux actions actuellement menées par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer.

Mme Florence Provendier. Je trouve intéressante la mention des « publics scolaires » mais elle est distincte de la mienne, et moins complète.

Mme Frédérique Dumas. On ne peut qu’approuver l’objectif de cet amendement mais je crois que la HADOPI fait déjà ce travail en direction des publics scolaires.

Mme Florence Provendier. Si j’ai déposé cet amendement, c’est précisément parce que, sauf erreur de ma part, les campagnes de prévention sur le sujet ne sont pas très nombreuses.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je ne vois pas d’inconvénient à l’adoption de cet amendement, qui précise utilement les choses.

M. Jean-Jacques Gaultier. Dans l’avis qu’elle a rendu sur le présent projet de loi, la HADOPI indique qu’il serait « souhaitable que soient consacrées par la loi les actions de sensibilisation menées auprès des publics scolaires pour promouvoir un usage responsable d’internet dans l’accès aux œuvres culturelles ». Elle appelle donc de ses vœux la disposition proposée par notre collègue.

Mme Géraldine Bannier. Je suis très favorable aux mesures éducatives visant à expliquer aux enfants ce qu’est le piratage. Nous avons vraiment besoin de pédagogie en la matière.

Mme Maud Petit. Nous avons voté il y a quelques semaines une très belle proposition de résolution de notre collègue Florence Provendier relative à la prise en compte des droits de l’enfant dans les travaux de l’Assemblée nationale. Il paraît donc logique d’adopter son amendement et je le voterai.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il y a un risque de redite, mais je ne suis pas opposée à l’adoption de cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC913 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 12, l’alinéa suivant : « 4° Une mission de protection des libertés individuelles dans le respect de l’État de droit. »

L’article 66 de la Constitution dispose que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Puisque la future ARCOM sera investie de pouvoirs quasi judiciaires, il importe de rappeler, dans cet article 22, les principes constitutionnels qui garantissent le respect absolu de l’État de droit.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il serait de mauvais augure de confier la protection des libertés individuelles dans un État de droit à une autorité administrative, fût‑elle indépendante. Je préfère que cette mission reste la prérogative des juges, comme le veut la Constitution. Enfin, votre amendement ferait encore croître le nombre de missions confiées à l’ARCOM. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC1296 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC225 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cet amendement propose d’insérer à l’alinéa 13, après le mot « atteintes », les mots «, y compris financières, ». Il vise à protéger le droit d’auteur contre toutes les pressions – voire le chantage – qui peuvent s’exercer pour obtenir une baisse de la rémunération des auteurs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement est satisfait. Les atteintes que doivent prévenir les accords volontaires signés entre les personnes qui y ont intérêt sont principalement financières : il s’agit de faire en sorte que les contenus consommés de manière gratuite et illicite soient bannis de l’espace numérique accessible en France. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Jean-Jacques Gaultier. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : je maintiens donc mon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Cette précision n’est pas inutile. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

La commission examine l’amendement AC541 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. Cet amendement vise à favoriser la collaboration entre la future ARCOM et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, afin que la nouvelle autorité bénéficie de toute l’expertise de la CNIL en matière de protection des données personnelles.

Cet amendement fait écho à ceux que nos collègues Bruno Fuchs et Géraldine Bannier ont déposés sur l’article 40 et après l’article 49 et qui n’ont pas connu un sort très heureux. L’idée, là encore, est de favoriser la coopération entre les différentes autorités indépendantes. La protection des données et des libertés individuelles étant un sujet sensible, il ne semble pas inutile de favoriser le rapprochement entre l’ARCOM et la CNIL.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je partage votre objectif d’encourager le travail en commun des autorités administratives indépendantes : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’avis de la CNIL a été sollicité sur le présent projet de loi. Cela dit, cet article n’a pas vocation à définir les modalités de travail en commun de la CNIL avec la future ARCOM. Je serais plutôt d’avis de laisser ces autorités travailler en bonne intelligence, ce qu’elles font déjà : ce sera à elles de déterminer les modalités de ce travail en commun. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC563 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Vous m’avez suggéré, monsieur le ministre, de réécrire l’amendement AC564. D’une certaine façon, j’avais anticipé votre souhait en rédigeant l’amendement AC563 qui propose d’insérer, après l’alinéa 13, l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille au respect de l’environnement et à la contribution au développement durable des acteurs du secteur de l’audiovisuel et du numérique. »

À l’appui de cette rédaction, je citerai le titre d’un communiqué commun du CSA et de la HADOPI : « Les autorités publiques et administratives indépendantes développent leur collaboration vis-à-vis des défis posés par le réchauffement climatique ». Il faut donner à la nouvelle autorité, qui naîtra de la fusion du CSA et de la HADOPI, le pouvoir d’agir dans ce domaine.

Mme Sophie Mette, rapporteure. J’ai le même avis que sur votre amendement AC564 : défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous êtes très fort, monsieur Fuchs, mais votre amendement, même « réécrit », ne me satisfait pas car il vise, comme le précédent, à modifier le code de la propriété intellectuelle, et non la loi de 1986. Cela étant, il est bien meilleur dans la mesure où l’alinéa que vous souhaitez insérer ne fait plus référence au secteur de la télécommunication – même s’il en est toujours question dans l’exposé sommaire. Je vous invite à le retirer.

M. Bruno Fuchs. Je le retire, mais j’en proposerai un troisième qui devrait emporter l’adhésion de tout le monde…

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AC712 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi va créer France Médias, qui regroupera l’ensemble des médias publics, c’est-à-dire l’ensemble des outils qui nous permettent de développer des missions de service public, d’information, de culture et d’éducation dans notre pays. Pour s’assurer que France Médias exercera réellement une mission de service public, il faut veiller à sa gouvernance – nous y reviendrons –, mais aussi à son financement, précisément à la part respective du financement public et du financement privé, lié aux publicités. Cet amendement vise à garantir que l’argent privé ne viendra pas progressivement grignoter la part du financement public, au détriment de l’indépendance de France Médias.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le CSA donnait jusqu’à présent – comme l’ARCOM le fera demain – un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens (COM) signés entre les différentes entités de l’audiovisuel public et l’État. Ces COM deviendront, avec ce projet de loi, les conventions stratégiques pluriannuelles. Elles contiendront notamment, à l’instar du COM 2016-2020 de France Télévisions, une prévision de trajectoire de recettes, y compris de recettes publicitaires. En donnant à l’ARCOM le pouvoir de contrôler le strict respect du plafond de recettes publicitaires dans l’audiovisuel public, nous risquons de compliquer sa gestion et de limiter sa capacité à concurrencer les acteurs privés. Nous souhaitons tous le succès de l’audiovisuel public : avis défavorable.

M. Michel Larive. L’objectif de la trajectoire dont vous parlez est d’économiser 10 % du budget de France Télévisions – 60 millions sur un budget global de 600 millions. La variable d’ajustement de ce budget, c’est évidemment la masse salariale, puisque vous prévoyez la suppression de 299 postes en contrats à durée indéterminée (CDI). Les voilà, les conséquences de cette fameuse trajectoire ! Cette politique a entraîné la plus longue grève que Radio France ait jamais connue. Entamée le 25 novembre 2019, elle n’a été suspendue que le 3 février, après l’annonce de l’ouverture de négociations pour éviter ce plan de départs. Les organisations syndicales se préparent déjà à la reprise de la grève.

Je voterai évidemment cet amendement, car il importe de garantir la pérennité de ce service public. Si la part du financement privé en vient à dépasser celle du financement public – et ce jour viendra –, on ne pourra plus parler de service public de l’audiovisuel.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure, vous venez de nous dire que, de même que le CSA donne aujourd’hui un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens, l’ARCOM donnera un avis sur les conventions stratégiques pluriannuelles. Or il ne me semble pas que ce soit ce que prévoit le texte. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Mme Sylvie Tolmont. Nous voterons évidemment cet amendement, car nous partageons la crainte qu’exprime Mme Marie-George Buffet. Ce projet de loi intervient dans un contexte de baisse du financement public et d’incertitude, tant sur la situation financière au-delà de la trajectoire 2018-2022 que sur l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public. Nous sommes nous aussi extrêmement attachés à ce que le financement public continue de prédominer sur le financement privé.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je peux comprendre vos inquiétudes, madame Buffet, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Nous pourrons en reparler plus tard.

Mme Marie-George Buffet. Madame la rapporteure, si vous partagez ma préoccupation, dites-moi sur quel article je peux déposer un amendement similaire à celui-ci.

M. le président Bruno Studer. Il s’agit de l’article 59, madame Buffet.

Mme Frédérique Dumas. Madame la rapporteure, vous n’avez pas répondu à ma question : souhaitez-vous, comme moi, que l’ARCOM donne son avis sur les conventions pluriannuelles stratégiques ?

Mme Sophie Mette, rapporteure. Mme Béatrice Piron pourra vous répondre mieux que moi sur ce sujet.

Mme Frédérique Dumas. Mais vous-même, souhaitez-vous que l’ARCOM donne son avis ?

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l’amendement AC713 de Mme Marie-George Buffet.

Elle examine l’amendement AC917 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 sur la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier. Cette décision consacre l’émergence de « l’administration-juge », à condition que certaines mesures soient garanties, qui protègent le principe de séparation des pouvoirs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre précision me semble inutile, dès lors que les autorités administratives comme l’ARCOM mettent effectivement en œuvre des mesures de sanction. Par ailleurs, il me semble non seulement inutile mais potentiellement néfaste pour la clarté de la loi d’ajouter que doivent être préservées les libertés constitutionnellement garanties. La hiérarchie des normes permet déjà d’y veiller. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination AC1297, l’amendement rédactionnel AC1298, l’amendement de cohérence AC1299 et l’amendement AC1300 de rectification d’une erreur matérielle, tous de la rapporteure.

Ensuite de quoi, la commission se saisit de l’amendement AC604 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Alexis Corbière. Nous sommes opposés au transfert à l’ARCOM, autorité extrajudiciaire, de certaines prérogatives accordées, à tort, à la HADOPI, laquelle a accès à des données sensibles dans des cas de simples contraventions alors que la Cour de Justice de l’Union européenne justifie la conservation ciblée des données uniquement « à des fins de lutte contre la criminalité grave ».

Le Conseil constitutionnel a reconnu par le passé qu’une administration seule, hors d’un cadre procédural adapté, ne peut pas accéder à de telles données. Dans ce contexte, quel meilleur cadre que celui de l’autorité judiciaire ? Nous réitérons donc notre proposition d’expérimenter des chambres spécialisées dans des tribunaux judiciaires. Cela nous apparaît comme la solution la plus pertinente, car elle garantit les libertés publiques et préserve la vie privée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement aurait pour effet de priver les agents assermentés de l’ARCOM des moyens dont disposent ceux de la HADOPI pour lutter contre la contrefaçon en ligne. Les pouvoirs qu’ils tiennent de l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle ont un but précis : mettre fin à la reproduction, à la représentation, à la mise à disposition ou à la communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sans l’autorisation des titulaires des droits. Leur action est donc proportionnée et se fait uniquement pour les nécessités de la procédure.

Plutôt que de supprimer l’ensemble du dispositif comme vous le proposez, ce qui aurait pour effet de réduire de façon drastique la possibilité pour l’ARCOM de lutter contre la contrefaçon en ligne, il faut s’assurer que ces actions respectent les données personnelles au sens du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés » de 1978. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Alexis Corbière. Vous me répondez en exposant les missions que vous voulez confier à l’ARCOM, mais l’objet de mon amendement est précisément de vous signifier que nous ne souhaitons pas que l’ARCOM ait des prérogatives qui relèvent de l’autorité judiciaire. Nous ne souhaitons pas qu’une administration qui a des pouvoirs de sanction ait accès à des données aussi sensibles. Est-il pertinent de confier des responsabilités d’ordre judiciaire à une administration ? Du point de vue de la protection des libertés publiques, c’est une vraie question et ce n’est pas en définissant les futures missions de l’ARCOM que vous y répondez.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement AC1301 de précision rédactionnelle de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC962 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. L’alinéa 24 s’inscrit dans la lignée de la loi du 17 août 2015 sur l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, qui étend le champ d’application des enquêtes sous pseudonyme, et de l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif à l’habilitation au sein de services spécialisés d’officiers ou agents de police judiciaire pouvant procéder aux enquêtes sous pseudonyme.

Il convient toutefois de rappeler le principe de loyauté de la preuve, tel que l’a rappelé l’arrêt de principe du 11 juillet 2017 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, laquelle a jugé qu’en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article préliminaire du code de procédure pénale, « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ».

Cet amendement vise à rappeler la nécessité de respecter ce principe, lui-même fondé sur le droit à un procès équitable, et vient renforcer l’alinéa 28 du présent article.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Le principe de loyauté de la preuve ne figure pas dans la loi. L’article 427 du code de procédure pénale dispose d’ailleurs que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. »

La jurisprudence a toutefois établi le champ d’application et les limites au principe de loyauté de la preuve, qui annule les enquêtes fondées sur des actes qui ont incité des personnes à commettre des infractions et annihile dans ce cas les preuves recueillies sur ce fondement. Cette jurisprudence solide est ici renforcée à l’alinéa 28 par le fait que, « à peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction ».

Votre amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC861 de M. Jean-Philippe Ardouin.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement vise à supprimer la possibilité d’acquérir des éléments de preuve aux fins de caractérisation de l’infraction. Si cette technique dite du « coup d’achat » est déjà présente dans le code de procédure pénale pour des infractions relevant du régime dérogatoire de la criminalité organisée ou du trafic de stupéfiants, l’ouverture de cette possibilité à des agents d’une autorité administrative pour des infractions d’atteinte aux biens paraît fortement disproportionnée.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Votre amendement supprimerait la possibilité pour les agents de l’ARCOM d’acheter des contenus contrefaits. Il leur est pourtant très utile d’en passer par là pour s’adapter à l’évolution technologique très rapide des actes de piratage : c’est parfois la seule manière de pouvoir caractériser un délit de contrefaçon, très difficile à appréhender en ligne.

Par ailleurs, l’article 706-32 du code de procédure pénale autorise des pratiques comparables dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Là encore, ces actes ne doivent pas être de nature à inciter autrui à commettre une infraction. Avis défavorable.

Mme Marie-George Buffet. On parle ici de la technique dite du « coup d’achat », prévue dans le code de procédure pénale pour des infractions relevant du régime dérogatoire de la criminalité organisée ou du trafic de stupéfiants. Et vous voulez confier ce pouvoir à une autorité administrative ! Peut-on vraiment aller jusque-là ? Je n’ai pas d’a priori sur le sujet mais, pour moi, c’est une vraie question…

M. Michel Larive. Madame la rapporteure, vous répondez à chacune de nos propositions en disant que nous allons entraver les missions de l’ARCOM, mais je vous rappelle que nous sommes précisément réunis pour définir les missions de l’ARCOM !

Mme Maina Sage. Compte tenu de la gravité des infractions commises aujourd’hui, il faut que les agents assermentés de l’ARCOM aient tous les moyens de réunir des preuves et de caractériser les faits. Je suis favorable à ce qu’ils puissent aller aussi loin : les contrevenants, eux, ne se posent pas de questions. Il faut que notre administration, les autorités indépendantes et tous les services de l’État qui luttent contre ces pratiques soient correctement armés.

M. Michel Larive. L’ARCOM pourrait tout simplement saisir la justice !

Mme Frédérique Dumas. Il s’agit de constater des flagrants délits : la situation n’est donc pas comparable au dispositif introduit dans la loi contre les contenus haineux sur internet, où des pouvoirs excessifs ont été donnés à ceux qui ne sont pas capables de qualifier les faits. Nous sommes dans le cas présent sur des infractions constatées ; et plus on les constate vite, mieux c’est.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Il s’agit seulement de donner la possibilité à l’ARCOM de récupérer des contenus piratés payants, et pas seulement les contenus piratés gratuits : pour ce faire, il faut qu’elle puisse, soit payer l’accès au site, par un abonnement, soit acheter directement le contenu illégal : cela ne va pas plus loin. C’est exactement ce que fait l’Autorité de régulation des jeux en ligne dans son domaine. Il faut que ce qui est possible pour les contenus gratuits le soit aussi pour les contenus payants.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC864 de M. Jean-Philippe Ardouin.

M. Jean-Philippe Ardouin. Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 28, qui empêche les agents de l’ARCOM d’inciter à la commission d’infractions. Nous proposons de substituer au terme « inciter » le terme « provoquer », déjà utilisé par la jurisprudence de la Cour de cassation et par la doctrine en la matière.

C’est aussi l’occasion d’inscrire dans la loi la soumission des agents au principe de loyauté des preuves, tel qu’il a été encadré par la jurisprudence en matière de provocation à l’infraction.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai présentées à Mme Agnès Thill, je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements AC1302 de la rapporteure générale et AC1127 de Mme Constance Le Grip.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Mon amendement vise à transférer à la future ARCOM les missions qui sont aujourd’hui dévolues à la HADOPI, s’agissant du constat de contrefaçons en ligne ou de faits de négligence caractérisée. Il faut veiller à ce que la fusion du CSA et de la HADOPI ne fasse pas disparaître les missions aujourd’hui assumées par cette dernière.

Mme Constance Le Grip. L’amendement AC1127 propose d’introduire, pour renforcer la lutte contre le piratage, le dispositif de la transaction pénale.

La procédure de réponse graduée, à vocation pédagogique et dissuasive, mise en œuvre par la HADOPI, a porté ses fruits et certainement contribué à une prise de conscience des ravages provoqués par le piratage : la pratique de piratage de pair à pair a diminué de moitié.

La phase judiciaire, censée intervenir lorsque la pédagogie ne produisait pas d’effet, a cependant montré ses limites, puisque le contrevenant n’est condamné à aucune sanction dans plus de 85 % des cas.

Dans la mesure où 3 millions d’internautes continuent d’utiliser les services de pair à pair pour pirater les œuvres protégées, il convient d’adopter un dispositif renforcé : c’est ce que nous proposons de faire avec la transaction pénale, que nombre d’organisations professionnelles appellent de leurs vœux. Le dispositif est simple, puisqu’après deux rappels à la loi, le contrevenant se verra proposer le paiement d’une amende transactionnelle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous visons le même objectif, madame Le Grip, et je vous présenterai dans un instant mon amendement AC1318, qui vise également à introduire la transaction pénale. Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit du mien. Mon amendement AC1302 se borne à préciser que l’ARCOM reprendra les prérogatives de la HADOPI.

Mme Constance Le Grip. Madame la rapporteure générale, il me semblerait important de noter dès maintenant qu’il existe une forte convergence de vue entre plusieurs familles politiques et vous-même sur ce sujet. Même si je suis consciente que la rédaction proposée par le groupe Les Républicains peut être améliorée, je souhaite, à ce stade, maintenir mon amendement, afin que nous puissions avoir un large débat sur le sujet.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La rapporteure générale explique que son amendement vise à transférer des pouvoirs de la HADOPI à l’ARCOM. Ce n’est pas la réalité, puisque ce sont les juges, et non les agents de la HADOPI qui, à l’heure actuelle, ont ces pouvoirs. Cet amendement est nécessaire si l’on introduit la transaction pénale, ce que propose précisément l’amendement de Mme Constance Le Grip.

Dans ce projet de loi, le Gouvernement propose de renforcer la lutte contre le piratage en donnant des pouvoirs importants à l’ARCOM et en se focalisant sur les sites contrefaisants qui font de l’argent sur le dos des créateurs et des sportifs. Il prévoit de lutter contre les sites miroir, de créer une liste noire des sites contrefaisants, il introduit de nouveaux moyens de lutte contre le piratage des contenus sportifs en ligne ainsi que des outils destinés à mieux sensibiliser les intermédiaires de paiement ou de publicité. L’ARCOM pourra ainsi intensifier la lutte contre ce fléau qui touche les entreprises et les artistes, les clubs de sport et les sportifs.

Par ailleurs, en fusionnant la HADOPI et le CSA, le Gouvernement propose de pérenniser les missions jusqu’à présent dévolues à la HADOPI au sein d’une autorité administrative renforcée. En revanche, il n’entend pas modifier l’équilibre de la réponse graduée, qui se veut un outil au service de la prévention et de la pédagogie. Elle peut certes conduire à des sanctions judiciaires, sous l’autorité d’un juge, mais nous ne souhaitons pas aller plus loin dans la sanction des internautes.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

Mme Frédérique Dumas. Le premier amendement nous a été présenté comme reprenant les pouvoirs de la HADOPI : le ministre a rappelé à juste raison que ce n’était pas exact.

Concernant la transaction pénale, j’ai été pendant longtemps un des acteurs de cette régulation. En 2009, personne n’était conscient de ce qu’était la propriété intellectuelle et il n’existait pas d’offre légale : tout le monde trouvait normal de télécharger de la musique dans son iPod nano en pair à pair. Après la musique, l’image a été fortement affectée par ce phénomène. Le président Nicolas Sarkozy a eu le courage politique de créer la réponse graduée, consistant d’abord en une mesure pédagogique – les utilisateurs recevaient plusieurs courriers d’avertissement –, puis en une sanction. La profession avait alors demandé la suspension de l’abonnement : cela s’est totalement retourné contre elle car cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle, avant d’être détournée et finalement abandonnée. La profession ne demande pas toujours ce qu’il faut : c’est elle qui avait réclamé que l’on réduise le nombre de films à la télévision pour, dix ans plus tard, demander l’inverse… Il faut donc faire très attention.

M. Raphaël Gérard. Nous sommes tous très favorables à la défense des droits d’auteur mais, pour savoir de quoi l’on parle, il faut se placer à la hauteur des citoyens : je suis député d’une circonscription extrêmement rurale, qui subit une vraie rupture d’égalité dans l’accès au numérique et donc au contenu. Une disposition de ce type pénaliserait des publics qui rencontrent des difficultés tant économiques que structurelles, les réseaux n’ayant pas un débit suffisant pour leur donner accès à un abonnement payant. Il faut tenir compte de la réalité des citoyens et inviter les acteurs, qui sont dans leur rôle de défenseurs des droits d’auteur, à interroger leur propre modèle. La mise à disposition de plateformes de contenus musicaux a en effet permis de faire chuter de façon spectaculaire les téléchargements illégaux.

Mme Michèle Victory. Ce sujet est vraiment délicat et, au sein de notre groupe, nous n’avons pas encore surmonté nos différences d’appréciation de la HADOPI. À titre personnel, je pense qu’il faut tenir compte de la responsabilité individuelle de chacun : on ne peut pas se contenter de déléguer aux pouvoirs publics et aux sociétés. Mais il est également nécessaire de protéger les libertés individuelles : nous devons encore réfléchir à cette question.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, écoutez bien car je ne le dirai qu’une seule fois : je suis d’accord avec vous !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous étiez déjà d’accord avec Mme Bergé tout à l’heure…

M. Michel Larive. C’est le nouveau monde…

Vous aviez raison car, dans le cadre du dispositif de la réponse graduée, la HADOPI a accès aux données et aux identifiants des internautes à partir de leur adresse IP. Cela devient un outil de surveillance de masse, bien entendu.

Pourtant, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu, dans un arrêt du 21 décembre 2016, que les États membres devaient instaurer une conservation ciblée des données à des fins de lutte contre la criminalité grave. Cela ne s’applique donc pas aux compétences de la HADOPI ou de la future ARCOM, car seule la négligence est reprochée aux internautes.

Le Conseil constitutionnel a reconnu qu’une administration ne pouvait pas accéder seule à de telles données, en-dehors d’une procédure adaptée, qui serait par exemple assurée par l’autorité judiciaire. Le Conseil d’État lui a transmis une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle, qui confie ces pouvoirs à la HADOPI ; cette affaire est toujours en instance.

L’amendement AC1302 n’a donc aucun sens : l’administration serait capable d’émettre une amende et donc de juger, alors qu’elle n’est pas un tribunal.

Mme Marie-Ange Magne. L’esprit du projet de loi est de cibler les sites pirates en renforçant la réponse graduée menée par l’ARCOM et en assurant un blocage efficace des sites pirates et des sites miroirs. Ces dispositifs doivent permettre de gagner en efficacité en matière de lutte contre le piratage. C’est pourquoi il ne nous semble pas nécessaire d’aller jusqu’à instaurer la transaction pénale.

M. Bruno Fuchs. Le principe de ce projet de loi, concernant les citoyens, c’est de réguler par la pédagogie. Les réponses apportées par la HADOPI sont aujourd’hui suffisantes : 3 000 constats ont été établis, 1 045 dossiers transmis au procureur, lequel a donné une suite judiciaire dans 594 cas, soit un peu moins de deux par jour sur l’ensemble de la France. On n’a donc pas à craindre un engorgement des tribunaux.

Il faut absolument cibler les auteurs de ces piratages, à savoir les sites illicites, organisés de façon industrielle avec beaucoup de capitaux pour pirater les œuvres et les droits d’auteur. C’est vers ces groupes industriels que nous devons porter l’essentiel de nos efforts.

Mme Constance Le Grip. Je remercie Mme Dumas d’avoir rendu hommage au président Sarkozy : à l’époque, mettre en place les premières dispositions de lutte contre le piratage et pour la protection de la propriété intellectuelle n’allait pas de soi. Et je sais la part que vous y aviez prise, monsieur le ministre ; je vous rends également hommage pour votre action et votre mobilisation.

L’article 22, qui propose des étapes de renforcement de la lutte contre le piratage, doit être également salué. Nous proposons d’aller encore plus loin avec la transaction pénale. Cette procédure ne doit pas soulever des fantasmes exagérés car elle existe déjà dans le droit français : le Défenseur des droits pratique de la sorte avec le mécanisme de la citation directe. Il s’agit simplement, pour les infractions de pair à pair, de proposer un dispositif permettant de régler ce qui doit encore l’être ; cela concerne tout de même quelque 20 % des infractions de piratage.

Mme Florence Provendier. L’amendement de Mme la rapporteure générale précise que les agents habilités peuvent « constater » les faits susceptibles de constituer des infractions. Pour moi, constater ne signifie pas verbaliser : j’aimerais être éclairée sur ce point.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’argument de la couverture numérique faible qui obligerait à accéder aux œuvres par le pair à pair, me paraît très éloigné de la réalité, cher collègue Raphaël Gérard : je ne suis pas sûr que cela corresponde au profil type du pirate. Par ailleurs, compte tenu de la vitesse à laquelle on déploie les réseaux, ce n’est pas là que devrait se situer l’inquiétude.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. En l’état actuel des choses, les membres de la commission de protection des droits de la HADOPI et les agents assermentés peuvent constater des faits susceptibles de constituer des infractions, lorsqu’elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne. La fusion de la HADOPI et du CSA conservera ce droit pour le membre de la future ARCOM qui sera chargé de la protection des œuvres.

Quant à la transaction pénale, que je soutiens, il s’agit d’un dispositif distinct. Adopter mon amendement AC1302 ne signifie donc pas voter la transaction pénale ; sinon j’aurais déposé un amendement similaire à celui de Mme Le Grip.

Mme Frédérique Dumas. Je rejoins mon collègue Éric Bothorel : il y a dix ans, on disait que les gens pirataient parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acheter de la musique. Par ailleurs, on fait comme si le piratage passait aujourd’hui essentiellement par le pair à pair, ce qui n’est pas le cas : il s’agit de téléchargement illégal, de streaming illégal, etc. Le projet de loi propose donc les bonnes solutions en s’attaquant aux sites illicites, puisque c’est cet usage qui se développe aujourd’hui.

Mme Emmanuelle Anthoine. J’aimerais connaître les chiffres : vous nous indiquez que, sur l’exercice 2019, 1 149 dossiers ont été transmis au parquet, et vous devez avoir les chiffres des années précédentes. Mais combien de personnes ont finalement été sanctionnées par un tribunal ?

M. Bruno Fuchs. Notons que ces amendements ne couvrent que 20 % des cas de piratage puisqu’ils ne ciblent que le pair à pair : cela ne résout donc pas le problème du piratage.

Mme Constance Le Grip. Je ne propose pas de réécrire l’article 22 : c’est une mesure en plus !

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Pour répondre à Mme Anthoine, plus de 85 % des dossiers transmis ne font l’objet d’aucune condamnation.

M. Franck Riester, ministre de la culture. La réponse graduée a une vocation pédagogique : nous ne visons en aucun cas une généralisation des sanctions. Lors des débats sur la loi HADOPI, dont j’étais le rapporteur, certains avaient crié au scandale, affirmant que nous allions sanctionner tous les internautes. J’avais répondu que tel n’était pas notre but : nous voulions faire de la pédagogie et changer les comportements. C’est pourquoi la réponse judiciaire n’intervient qu’à l’issue de la réponse graduée.

De plus, pour renforcer l’aspect dissuasif, qui contribue à la pédagogie du dispositif, nous travaillons actuellement avec la garde des sceaux à une circulaire pénale qui insistera sur la nécessité d’appliquer les sanctions prévues par la loi à celles et ceux qui poursuivent leurs pratiques non autorisées au-delà de la réponse graduée.

Enfin, la réponse graduée touche moins de 20 % des pratiques non autorisées – en fait, entre 10 et 15 %. Non seulement ce n’est clairement pas le cœur du texte, mais cela risque de casser un outil pédagogique au détriment des internautes, alors même que l’on veut se focaliser sur ceux qui se font de l’argent sur le dos des artistes et des sportifs.

La commission rejette successivement les amendements AC1302 et AC1127.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel AC1303, l’amendement de précision AC1304 et l’amendement AC1305 tendant à rectifier une erreur matérielle, de la rapporteure.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AC1306 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Les services illicites présentent des risques pour leurs utilisateurs : risques en matière de sécurité informatique, tels que des virus, de protection des données personnelles ou bancaires, d’exposition à des contenus inappropriés ou à des escroqueries. Il est important que le public en soit informé pour mieux s’en protéger. Le jeune public doit faire l’objet d’une attention particulière dans la mesure où, plus vulnérable aux risques en ligne, il est au nombre des principaux consommateurs d’œuvres culturelles sur internet mais aussi des principaux utilisateurs de services illicites. Les modules pédagogiques déployés depuis quelques années par la HADOPI auprès d’une dizaine de milliers d’élèves ont rencontré l’intérêt de ces derniers et ont répondu aux fortes attentes de la communauté éducative en matière d’information et de formation sur les sujets ayant trait au numérique. Cette démarche devrait être consacrée par la loi pour assurer sa pérennité et son déploiement par l’ARCOM à une plus grande échelle.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à cet amendement, qui va totalement dans le sens des missions d’éducation et de pédagogie de la HADOPI et demain de l’ARCOM.

Mme Michèle Victory. Nous sommes d’accord mais cela supposera des moyens supplémentaires pour l’ARCOM, parce que c’est un gros boulot !

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de cohérence AC1307 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC428 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. L’objectif de l’allongement de la période prévue à l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle est un durcissement de la réponse graduée. Je propose de passer ce délai de six à douze mois pour éviter que beaucoup de dossiers ne passent à la trappe. Près de 10 millions de Français téléchargent en toute illégalité, mais cela ne donne lieu qu’à 300 rappels à la loi. Il me paraît important d’aller au-delà de six mois pour faire face aux violations du droit d’auteur et des droits voisins : l’oubli serait ainsi moins rapide.

Mme Sophie Mette, rapporteure. La lutte contre le piratage justifie tout moyen propre à renforcer la réponse apportée aux internautes contrefaisants. La réponse graduée de la HADOPI a toutefois prouvé son efficacité et sa proportionnalité. Ainsi, 63 % des internautes ayant reçu une lettre de la HADOPI ont diminué ou fait cesser entièrement leurs pratiques illicites. Il faut donc se concentrer sur le complément pénal de la réponse apportée au piratage, sans toucher à un outil qui a fait preuve de son efficacité. Avis défavorable.

Mme Brigitte Kuster. J’ai souvenir, lorsque j’étais rapporteure pour avis du budget de la culture, que la première des demandes des professionnels était la guerre contre le piratage. Ils n’en peuvent plus ! C’est ce qui ressort à chaque audition. Je suis donc très étonnée par vos réponses et par votre autosatisfaction : il faut taper au portefeuille et envoyer des signaux forts à ceux qui piratent ! Vous avez beau dire que le piratage est en baisse, c’est quand même une vraie plaie pour la création française et ce n’est pas normal ! Il n’y a pas assez de communication sur le sujet et la réponse n’est pas du tout à la hauteur.

Mme Marie-George Buffet. Les chiffres qui nous sont donnés montrent que la réponse graduée fonctionne : pourquoi rechercher davantage de sanctions alors que cette démarche est efficace ? Je partage donc l’avis de la rapporteure : ne bougeons rien ! Au-delà du discours sur la nécessité de sanctionner, je recherche l’efficacité, et les professionnels aussi !

Mme Frédérique Dumas. Pour rassurer ceux qui s’inquiètent du piratage, je rappelle que la transaction pénale ne touche que le pair à pair. Selon une étude de Médiamétrie, citée dans un excellent article paru dans Les Échos, les offres légales – Netflix et consorts – sont les meilleurs instruments de baisse du piratage. C’est historique ! Plus personne aujourd'hui n’ignore ce qu’est la propriété intellectuelle. Il faut aller dans le sens du projet de loi et de ses dispositions extrêmement dynamiques en la matière.

M. Denis Masséglia. Le piratage de pair à pair est en train de disparaître car de moins en moins de gens l’utilisent, raison pour laquelle on en détecte moins. Parlons plutôt des vrais sujets : IPTV, streaming… Nous sommes en train de passer une heure sur la modification d’un texte qui n’est plus d’actualité ou qui est en fin de vie !

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement AC1318 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. La commission des affaires culturelles a par essence mission de veiller au respect des auteurs et des créateurs. Le projet de loi que nous examinons vise justement à réaffirmer l’attachement de la France au droit des auteurs et à la spécificité de la création française face à des usages qui peuvent mettre en danger non seulement les œuvres, mais également et avant tout leurs auteurs. Le premier de ces usages qui spolient les auteurs est le piratage audiovisuel. Cela représente 1,18 milliard d’euros de pertes pour l’ensemble du secteur, selon l’étude d’impact.

Qui pirate ? J’entends dire que le pair à pair serait résiduel : cela représente tout de même 3,7 millions de personnes qui, chaque mois, l’utilisent comme moyen de piratage. Cela ne me semble pas encore résiduel. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un public défavorisé : 44 % des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées consomment de manière illicite des œuvres, contre 30 % des moins favorisées. Il ne s’agit pas non plus des zones enclavées ou très rurales : 60 % des pirates vivent dans des villes de plus de 100 000 habitants.

Nous agissons donc sur le pair à pair au travers de la réponse graduée. Ce dispositif connaît des limites : après la phase pédagogique, qu’il faut absolument maintenir, il y a la phase judiciaire. Dans cette dernière phase, dans 86,8 % des cas, la transmission des dossiers n’aboutit à aucune sanction pécuniaire, remettant en cause l’effectivité de ce dispositif.

Je vous propose aujourd’hui le dispositif de la transaction pénale, soutenu et demandé par vingt-six organisations professionnelles représentant les auteurs, les salles de cinéma, les producteurs, les réalisateurs, les compositeurs. C’est la seule demande qui soit systématiquement revenue au cours de la centaine d’auditions que nous avons menée : ce n’est pas anodin. L’ARCOM aurait ainsi la possibilité, en cas d’échec de la phase pédagogique, de proposer au contrevenant le paiement d’une amende transactionnelle. Dans l’hypothèse où l’abonné refuserait la proposition de transaction, l’ARCOM aurait la possibilité de le citer directement devant le tribunal de police, garantissant l’effectivité de la sanction proposée.

Il est temps de mettre un terme au fléau du piratage ; le projet de loi va loin mais il doit viser toutes les formes de piratage, et non pas se concentrer sur certaines d’entre elles. Cela relève de la responsabilité de la commission des affaires culturelles. En tant que rapporteure générale de ce texte, je ne pouvais que soutenir cette demande légitime, proportionnée et nécessaire.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Avant de venir, pour la première fois, dans cette commission, j’ai interrogé des exploitants de cinéma ainsi que différents professionnels sur le piratage : ils étaient tous en faveur de la transaction pénale. Il est tout à fait logique de pénaliser les plateformes de téléchargement illicite, mais ne renonçons pas à la transaction pénale pour les personnes qui, en toute connaissance de cause, se rendent sur les sites de pair à pair. Nous devons envoyer le message que nous sommes prêts à aller au-delà de la pédagogie.

Mme Bénédicte Pételle. Je suis pour la défense des droits d’auteur mais il y a derrière ce message de transaction pénale une philosophie éducative : plutôt que d’être punitif avec la transaction, ne faut-il pas se montrer créatif et faire changer les comportements en proposant une offre d’abonnement attractive, aussi bien financièrement qu’en termes de contenu ?

M. Éric Poulliat. Il est bien plus efficace en matière de piratage de s’attaquer aux outils qu’aux utilisateurs et d’éduquer aux usages. Je suis toutefois attaché à l’idée qu’un interdit doit être respecté : la dépénalisation de fait, quand aucune sanction n’est appliquée in fine, crée une situation compliquée et décrédibilise l’action publique. La transaction pénale, comme la transaction douanière, me semble être un moyen intéressant : pourquoi ne constituerait-elle pas une réponse acceptable ? Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la circulaire pénale que vous avez évoquée, monsieur le ministre ?

Mme Constance Le Grip. J’apporte mon soutien à l’amendement de notre collègue Aurore Bergé, qui est d’ailleurs identique au mien – j’ai simplement réuni en un seul amendement les dispositions qu’elle nous propose dans deux amendements. Toutes les dispositions proposées par le Gouvernement dans l’article 22 sont absolument essentielles. Nous proposons, pour les 15 à 20 % de situations de piratage résiduel, de rendre effective une éventuelle sanction, qui prendrait la forme d’une amende.

Concernant la circulaire, elle ne serait pas la première car il y en a déjà eu une en 2010, qui n’a produit aucun résultat tangible. Beaucoup de déplacements ont été effectués dans les parquets pour les sensibiliser à la procédure de la réponse graduée : cela n’a pas porté ses fruits. Il est temps d’inscrire cette disposition dans la loi.

Mme Frédérique Dumas. Je veux tout d’abord dire à Mme la rapporteure générale qu’elle n’a pas le monopole de la défense des auteurs et des producteurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Frédérique Dumas. Si ! Il a été dit que le rôle de cette commission était de défendre les producteurs, les auteurs et tous les créateurs : c’est ce que je fais depuis trente ans, en tant que présidente d’un syndicat professionnel et cela a eu des conséquences sur ma propre entreprise !

Face à la baisse historique du piratage, vous proposez une réponse anachronique. J’ai fait partie de ceux qui la défendaient il y a dix ans ; mais cela représente désormais 13 % de l’ensemble du piratage. Je comprends que vous soyez obnubilés par cela mais les chiffres baissent et vous n’apportez pas de réponse. En revanche, la circulaire pénale est une bonne chose parce qu’il faut redonner de la lisibilité à la lutte contre le piratage.

Mme Maina Sage. J’entends les arguments en faveur d’une réponse graduée au détriment de la transaction pénale. Toutefois, si les chiffres du piratage sont en baisse, ce n’est pas la conséquence de la réponse graduée. Il serait peut-être nécessaire d’en passer par une phase pilote, ou par la remise d’un rapport sur la mise en place éventuelle de la transaction pénale. J’essaye de trouver une solution médiane. Je comprends que l’on se montre extrêmement prudent avant de doter notre arsenal de cet outil, qui peut être à double tranchant.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Le dispositif renforcé d’une façon importante dans la lutte contre les sites pirates permettra aussi de lutter contre le téléchargement de pair à pair : nous ne mettons pas cela de côté. Avec les outils que nous allons donner à l’ARCOM, nous lutterons mieux contre ce type de téléchargements.

Autre point très important concernant la citation directe : cela pose un problème constitutionnel. Apprécier l’opportunité des poursuites ne saurait être délégué à une autorité administrative indépendante : cela relève du libre exercice de l’action publique par le procureur. Le Défenseur des droits a certes cette possibilité, mais il dispose d’une assise constitutionnelle et agit dans l’intérêt général, et non pour la défense d’intérêts privés : ce sont deux différences majeures avec ce que vous propose la rapporteure générale concernant les pouvoirs donnés à l’ARCOM.

M. Michel Larive. Monsieur le ministre, vous m’avez pris beaucoup de mes arguments – et même les principaux !

Cette fois-ci, madame la rapporteure générale, il s’agit bien de transaction pénale, et nous y sommes absolument opposés. Les amendements défendus un peu plus tôt, le lien avec l’éducation nationale, l’éducation au discernement : tout cela est très intéressant. En revanche, le dispositif proposé pose un problème de constitutionnalité car une administration ne peut pas juger : la sanction émane d’un tribunal et non d’une administration. Cet amendement n’a donc pas lieu d’être.

Mme Céline Calvez. Le piratage, quel qu’il soit, on doit le combattre : ce n’est pas parce qu’un type de piratage diminue que l’on devrait l’oublier. Or la réponse graduée permet d’y répondre. Aujourd'hui, madame la rapporteure générale, vous nous proposez un dispositif qui permettrait de pallier le manque d’effectivité de la réponse graduée. Toutefois, la transaction n’est prenable que si nous avons peur d’être sanctionnés ; or votre dispositif ne tient pas sans la citation directe. Vous rajoutez donc un degré à la réponse graduée qui n’est pas efficient.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que nous faisons partie de la commission des affaires culturelles que nous sommes les seuls à défendre les auteurs. En tant que commissaires des affaires culturelles, nous devons défendre les citoyens, pas seulement les professionnels ! Nous ne faisons pas du corporatisme.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ayant eu l’occasion de travailler avec Mme la rapporteure générale depuis le début de ce texte, je peux témoigner qu’elle n’a pas décidé d’imposer la transaction pénale avant même d’écouter les uns et les autres. Elle s’est forgé cette conviction au fur et à mesure des auditions. En tant que membre de la commission des affaires économiques, je n’ignore pas non plus que les positions d’aujourd'hui peuvent évoluer demain. Ainsi, j’étais de ceux qui pensaient qu’avec la 5G, on piraterait l’art vivant ! Je ne balaie donc pas d’un revers de la main ce que propose la rapporteure générale, au motif que ce serait contraire à un certain nombre de choses : cela s’étudie, même si les arguments défendus ici ou là s’entendent aussi.

M. Denis Masséglia. La réponse graduée représente environ 5 millions d’euros sur les 9,2 millions de budget de la HADOPI, dédiés à l’envoi de courriers visant à stopper le piratage. Quand on tape « HADOPI » sur un site de recherche américain bien connu, quels sont les liens qui apparaissent en premier ? En troisième position, on retrouve un article publié dans Le Monde intitulé « Beaucoup d’avertissements, mais peu de condamnations ». En dixième proposition, une page explique comment contourner HADOPI avec une sélection de Virtual Private Network (VPN) pour « télécharger sans risques » La réponse graduée n’est donc pas la bonne solution pour stopper le piratage. Il faut davantage développer la pédagogie en direction des jeunes : plutôt qu’une transaction pénale, proposons un chèque numérique afin de former nos concitoyens aux alternatives et, ainsi, faire baisser le piratage.

Mme Béatrice Piron. Pourquoi opposez-vous réponse graduée et transaction pénale ? Il s’agit de deux mesures complémentaires, tout aussi importantes que la pédagogie. L’article 22 vise à réorienter la lutte en direction des sites internet de streaming et des autres moyens techniques de piratage. C’est une bonne chose, mais si les pirates se rendent compte que le nouveau dispositif ne prévoit aucune sanction, leur proportion risque de croître de façon exponentielle !

M. Bruno Fuchs. Deux remarques : la réponse graduée, c’est d’abord de la pédagogie, mais également une sanction si besoin. S’agissant des organisations professionnelles, elles sont dans leur rôle. Ainsi, encore hier, les organisations syndicales défendaient leurs droits, comme des organisations le font sur tous les grands sujets de société. En l’espèce, il ne s’agit pas d’intégrer leurs demandes sans réfléchir, mais de les considérer dans leur globalité, comme l’a souligné Céline Calvez, en nous focalisant sur les « industriels du piratage », afin de le réduire de façon drastique.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement est intéressant ; je le voterai. La prévention est une chose, la répression en est une autre. Il ne faut pas se priver d’un mode alternatif efficace supplémentaire de lutte contre le piratage. Un encadrement est prévu puisque le juge devra homologuer la transaction.

Je comprends moins la réponse de M. le ministre concernant la citation directe : la partie civile peut toujours délivrer citation directe devant un tribunal, même si le parquet ne veut pas poursuivre.

M. Jean-Jacques Gaultier. Effectivement, beaucoup d’acteurs de la culture et de la création nous ont sollicités, tout comme la HADOPI et son président, qui souhaitent améliorer l’effet dissuasif et la portée des avertissements par une sanction. Ce n’est pas la lourdeur de cette dernière qui importe, mais son effectivité et la rapidité avec laquelle elle est prononcée. La prévention plus la sanction, cela s’appelle l’éducation !

Même si le blocage des sites illégaux et le déréférencement sont des dispositifs complémentaires utiles, je rappelle que seul l’internaute est détectable en cas de piratage de pair à pair – 20 % des piratages et 3,3 millions de personnes tout de même.

M. Bertrand Pancher. Quand on est député de l’opposition, il peut arriver de déposer un amendement de fond non étayé par une parfaite analyse de son impact, ni soutien de l’administration. C’est un peu plus rare quand on est député de la majorité et impossible quand on est rapporteure !

Madame la rapporteure générale, je suis très frappé par la controverse suscitée par votre amendement et les réponses très claires de M. le ministre. Va-t-on se retrouver face à d’autres amendements de ce type ? Cela interpelle sur la façon dont vous avez travaillé avec l’administration pour développer vos arguments.

Mme Sandrine Mörch. Je souhaite que notre commission aboutisse à un consensus structurel sur le sujet. Les arguments des uns et des autres s’entendent parfaitement, même si nous manquons probablement encore de données chiffrées. N’oublions pas que les réalisateurs, les scénaristes, les cinéastes sont pillés depuis quinze ans, et ils ne roulent pas sur l’or ! Nous ne pouvons les ignorer au bénéfice de « pauvres citoyens » contrevenants. La réponse du ministre est également intéressante… Je n’ai pas le don de divination – qu’en sera‑t-il dans vingt ans ? –, mais reconnaissons que le pillage dure depuis longtemps.

Mme Frédérique Dumas. La baisse historique du piratage que nous connaissons est liée au développement des offres légales. Le projet de loi va dans le bon sens puisqu’il permettra de surcroît de s’attaquer aux sites illégaux eux-mêmes. Nous ne rejetons pas cet amendement parce que nous sommes pour le piratage, mais parce que nous constatons sa réduction.

En outre, la réponse graduée a fonctionné et le risque de sanction existe déjà. Le ministre a évoqué la stabilité juridique : à la demande de tous les professionnels, nous avions voté la suspension de l’abonnement, ensuite invalidée en 2009 par le Conseil constitutionnel pour des raisons de bon sens. Cela a abouti au rapport Lescure en 2013. On s’est alors rendu compte des dommages psychologiques de l’invalidation : avec la fin de la suspension de l’abonnement, les jeunes se sont dits « super, plus d’HADOPI ! ». L’inconstitutionnalité potentielle de votre mesure fait peser le même risque…

M. Franck Riester, ministre de la culture. À l’issue des débats qui ont abouti à la création de la HADOPI, la suspension de l’accès à internet était bien prévue. C’est le fondement juridique sur lequel reposait la suspension qui a été invalidé, avant que nous en adoptions un autre. En outre, il s’agissait d’une décision judiciaire, et non administrative. C’est ensuite le rapport de M. Lescure qui a proposé de supprimer la suspension.

Nous estimons qu’une autorité administrative indépendante ne saurait apprécier l’opportunité des poursuites – c’est du ressort du procureur. Pour autant, si l’on est victime et que l’on s’est porté partie civile, Mme Anthoine a raison, la citation directe est toujours possible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Au sein de cette commission, voulons‑nous tous lutter contre le piratage et défendre les droits des auteurs ? Je n’en doute pas. Nous divergeons simplement peut-être sur les moyens pour y parvenir.

La transaction pénale peut-elle être assortie d’une procédure de citation directe ? Oui, l’article 1er du code de procédure pénale est extrêmement clair : « l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ». C’est le cas par exemple du défenseur des droits.

Le piratage de pair à pair a-t-il disparu ? Malheureusement non… 3,7 millions de personnes l’utilisent chaque mois pour télécharger des œuvres piratées. A-t-il connu une recrudescence ? Oui, une série aussi emblématique que Game of Thrones est massivement téléchargée en pair à pair car le visionnage en streaming est de moins bonne qualité.

Cette remontée du pair à pair va-t-elle se poursuivre ? Oui, si nous n’améliorons pas le dispositif de réponse graduée, car le projet de loi va plus loin en matière de streaming. Bien entendu, la réponse graduée est avant tout un dispositif pédagogique, mais elle doit être assortie d’interdits. Le pair à pair doit rester clairement illégal et être sanctionné. En l’état actuel du droit, vous ne risquez rien : à peine une centaine de condamnations sont prononcées chaque année. 85 % des dossiers transférés par la HADOPI n’aboutissent à aucune sanction !

Certes, les professionnels sont unanimes, mais je n’aurais pas imaginé ce dispositif s’il n’était pas extrêmement graduel et proportionné, tout en conservant son caractère pédagogique. Mon amendement permet de réaffirmer notre attachement à la lutte contre le piratage, en posant enfin un interdit, sans renier l’importance de la pédagogie.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AC1320 de la rapporteure.

L’amendement AC585 de M. Bruno Fuchs est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AC351 de Mme Virginie Duby-Muller.

Elle en vient à l’amendement AC601 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. L’ARCOM sanctionne des services pour non-respect des droits d’auteur et des droits voisins. Notre amendement vise à instaurer l’obligation d’informer l’utilisateur de cette sanction, par le biais d’un encart qui s’afficherait sur le site du service sanctionné. Il nous semble bien plus efficace de publier ces sanctions plutôt que d’inscrire les mauvais élèves sur une liste. La pratique du name and shame est d’ailleurs bien loin du modèle de société auquel nous aspirons…

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je comprends votre intention. Mais il ne vous aura pas échappé que les sites pirates ne sont pas vraiment légaux… Il serait donc complexe de leur imposer de tels encarts. La liste prévue par le projet de loi nous semble davantage opérante.

M. le président Bruno Studer. Monsieur Larive, il s’agit effectivement de sites illégaux…

M. Michel Larive. Si vous souhaitez répondre à ma place, monsieur le président, envoyez-moi la fiche, je la lirai ! Nous pouvons trouver un moyen de procéder à ce type de publication.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AC1321 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC602 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Cet amendement poursuit la même idée que le précédent. Nous souhaitons qu’un encart obligatoire soit publié sur les sites de services en ligne – qui ne sont pas tous illégaux – dès lors que ces derniers ne respectent pas les dispositions relatives au droit d’auteur et droits voisins, aux données des utilisateurs – les exemples récents de Cambridge Analytica ou de Facebook nous rappellent que ces entreprises ne s’autorégulent pas –, ainsi que lorsqu’ils faillissent à leurs obligations fiscales – la France perd entre 40 et 60 milliards d’euros par an du fait de l’optimisation fiscale, pratique familière des plateformes du numérique – ou censurent abusivement les contenus. Un tel encart, obligatoire, informerait les utilisateurs des pratiques de ces entreprises.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ma réponse sera similaire à celle concernant l’amendement précédent. En général, les sites qui ne respectent pas les dispositions relatives aux données des utilisateurs ou qui refusent de s’acquitter des taxes françaises sont dans l’illégalité. Il me semble compliqué de faire en sorte qu’ils publient sur leur site un encart l’indiquant…

M. Michel Larive. Je ne partage pas votre avis. Certains sites légaux ne respectent pas ces dispositions par défaut d’information, ou pour d’autres raisons. Ainsi, Facebook est un site parfaitement légal qui ne respecte pas la réglementation relative aux données des utilisateurs. De nombreux sites légaux sont coupables de manquements à leurs obligations fiscales, tout comme de censure abusive – par exemple, YouTube, et donc Google.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement de cohérence AC1322 de la rapporteure, l’amendement rédactionnel AC382 de Mme Géraldine Bannier, les amendements rédactionnels AC1323 et AC1324 de la rapporteure, l’amendement rédactionnel AC1325 de la rapporteure générale, puis l’amendement rédactionnel AC1326 de la rapporteure.

La commission passe à l’amendement AC1364 de la rapporteure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Cet amendement prévoit les modalités de recours contre la décision d’inscription d’un site sur la liste prévue au I, ainsi que les modalités de réexamen de cette inscription lorsque cette dernière touche à sa fin. Les modalités de recours sont similaires à celles prévues pour une décision de l’Autorité de la concurrence. Le juge judiciaire, garant des libertés fondamentales dont font partie la liberté d’expression et la liberté de communication, pourra être saisi d’un recours contre l’inscription sur la liste des sites contrefaisants. La rapidité du dispositif est adaptée à l’actualisation souvent rapide des services de communication en ligne.

Les modalités de réexamen de l’inscription sur la liste doivent permettre d’estimer dans quelle mesure le service de communication en ligne a fait évoluer ses pratiques dans le sens du strict respect du droit d’auteur et des droits voisins. Si ce n’est pas le cas, l’ARCOM pourra prolonger l’inscription.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC1327 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’un des objectifs des listes prévues par cet article est de permettre l’implication des intermédiaires dans la lutte contre la contrefaçon. Cet amendement vise à expliciter une des principales finalités de ces listes et à permettre aux intermédiaires de bénéficier d’un support juridique sécurisé.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC1008 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement précise les acteurs de la chaîne publicitaire concernés par les nouvelles dispositions, sur le modèle de la rédaction retenue dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite proposition de loi Avia.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Préciser quels sont les acteurs publicitaires susceptibles d’être en relation avec les sites pirates me semble de bonne méthode.

La commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC1331 de la rapporteure générale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Cet amendement vise à s’assurer que les nouvelles prérogatives que le projet de loi accorde à l’ARCOM ne s’exercent pas aux dépens de l’action des ayants droit à l’encontre des sites massivement contrefaisants. La jurisprudence établie en faveur des ayants droit, sur la base du cadre légal actuel, a fait ses preuves et doit être préservée.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1336 de la rapporteure et AC967 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ainsi que les amendements identiques AC761 de Mme Marie-Ange Magne et AC893 de Mme Florence Provendier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il s’agit de renforcer le dispositif prévu par le présent projet de loi pour lutter contre le piratage des contenus audiovisuels et cinématographiques.

Afin d’assurer la bonne exécution d’une décision judiciaire prévoyant d’empêcher l’accès à un contenu diffusé ou partagé dans des conditions qui enfreignent un droit d’auteur ou un droit voisin, l’amendement AC1336 prévoit que les représentants des titulaires de droits puissent saisir l’ARCOM.

L’ARCOM pourra ensuite solliciter toute personne susceptible de remédier aux atteintes constatées, que ce soit par le fait du service concerné par la décision judiciaire initiale ou par un service reprenant le même contenu de manière toujours aussi illicite. Cette saisine doit permettre la bonne mise en œuvre de mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement. Il est destiné à s’adapter à l’évolution technologique, puisque, demain, d’autres acteurs que les fournisseurs d’accès à internet ou les moteurs de recherche – auxquels nous pensons naturellement – pourront jouer un rôle dans la prévention du piratage.

C’est dans cette perspective que le présent amendement prévoit également d’étendre les accords types à tous les acteurs susceptibles de contribuer à remédier aux atteintes encore trop nombreuses à la propriété intellectuelle.

Enfin, la saisine de l’ARCOM ne se fera pas au détriment de la saisine prévue à l’article L. 336-2 du code de propriété intellectuelle, dont je dois rappeler l’efficacité.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement AC967 apporte une clarification en visant non pas directement le contenu, mais le service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu, afin de toucher les sites miroirs.

En outre, il étend le périmètre des acteurs concernés, en incluant notamment les hébergeurs. À l’heure actuelle, c’est le résolveur de système de noms de domaine (ou Domain name system – DNS) que donne le fournisseur d’accès à internet qui permet de naviguer, mais les évolutions technologiques permettront certainement d’embarquer des résolveurs DNS dans les navigateurs. Nous proposons donc d’anticiper l’avenir et de faire en sorte que les mesures prévues par le projet de loi soient également opérantes demain.

Mme Marie-Ange Magne. L’amendement AC761 complète la liste des intermédiaires techniques concernés, par coordination avec les dispositions prévues à l’article 6 de la proposition de loi Avia qui organise la lutte contre les sites miroirs. Il vise également à permettre à l’ARCOM de demander le retrait du contenu illicite, en complément de son blocage.

Mme Florence Provendier. L’amendement AC893 propose d’adapter le dispositif du présent article aux réalités techniques et opérationnelles en étendant son champ d’application à tous les intermédiaires techniques à même d’intervenir sur l’accès ou directement sur les contenus portant atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. Les compétences de l’ARCOM sont étendues afin qu’elle puisse solliciter l’intermédiaire technique le plus compétent pour mettre fin au piratage.

Enfin, conformément aux dispositions prévues dans la proposition de loi Avia, l’amendement prévoit que l’ARCOM pourra demander le retrait du contenu illicite, en complément de son blocage.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je demande à Mmes Magne et Provendier de bien vouloir retirer leurs amendements car celui de M. Bothorel et le mien couvrent un périmètre plus large. Ils satisfont leurs demandes.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je suis favorable à ces dispositions. Il s’agit d’avancées intéressantes.

Les amendements AC761 et AC893 sont retirés.

La commission adopte les amendements AC1336 et AC967.

En conséquence, les amendements AC352 et AC1125 de Mme Virginie Duby-Muller, les amendements AC1126 de Mme Brigitte Kuster, AC51 de Mme Virginie Duby-Muller, AC430 de Mme Brigitte Kuster, AC514 de Mme Christine Hennion, ainsi que les amendements AC353, AC52 et AC354 de Mme Virginie Duby-Muller tombent.

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel AC383 de Mme Géraldine Bannier, puis les amendements de précision AC1338 et rédactionnel AC1340 de la rapporteure.

L’amendement AC1342 de la rapporteure générale est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure générale, la commission rejette l’amendement AC503 de Mme Constance Le Grip.

Elle en vient à l’amendement AC451 de M. Denis Masséglia.

M. Denis Masséglia. Il s’agit d’un amendement d’appel relatif à la HADOPI et sa réponse graduée. En supprimant cette dernière, nous pourrions récupérer 5 millions d’euros et financer plus massivement la mission de veille de la HADOPI. Elle pourrait ainsi se pencher sur le piratage lié à la diffusion de programmes télévisés sur internet (IPTV). Elle pourrait également développer ses activités pédagogiques et rencontrer les jeunes, et les moins jeunes, afin de leur expliquer les problématiques liées au piratage.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous n’allons pas reprendre un débat qui a déjà eu lieu concernant la réponse graduée : certains considèrent qu’elle ne va pas assez loin, mais tout le monde s’accorde sur le fait qu’elle a malgré tout porté ses fruits. Il est de la responsabilité de la HADOPI, et demain de l’ARCOM, d’évaluer annuellement ses actions. La HADOPI nous remet bien tous les ans un rapport en ce sens.

M. Denis Masséglia. Il s’agissait d’un amendement d’appel afin que le sujet soit abordé. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22

La commission examine l’amendement AC772 de Mme Brigitte Kuster.

Mme Brigitte Kuster. Si les faits incriminés n’ont pas donné lieu à une mise en mouvement de l’action publique, l’ARCOM pourra proposer à l’auteur des faits illicites une transaction consistant dans le versement d’une amende dont le montant ne pourra pas excéder 500 euros pour les personnes physiques et 2 500 euros pour les personnes morales. Ce montant sera fixé selon la gravité des faits reprochés, ainsi que des ressources de l’auteur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale de la commission des affaires économiques. Par cohérence avec les amendements que j’ai moi-même défendus, j’y suis favorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Également par cohérence, j’y suis défavorable.

Mme Frédérique Dumas. Je relève que la rapporteure générale avait dit que la réponse graduée marchait très bien.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC1000 de la commission des affaires économiques.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans la continuité des travaux liés à la proposition de loi Avia, nous souhaitons renforcer les dispositifs de type « follow the money » afin d’assécher les revenus publicitaires des sites illicites. Il s’agit de modifier la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, et les obligations qui incombent au vendeur d’espace publicitaire, afin que les dispositions prévues par la proposition de loi Avia soient encore plus efficaces.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous en avons longuement parlé avec nos collègues de la commission des affaires économiques, l’exigence de transparence est parfaitement légitime, notamment dans le contexte de la publicité en ligne sur des sites qui sont potentiellement massivement contrefaisants.

Néanmoins, la loi Sapin est issue d’un équilibre délicat qu’il semble dangereux de retoucher dans le cadre du présent projet de loi. Elle a permis des avancées importantes en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Si elle peut faire l’objet d’améliorations – notamment s’agissant du commerce et de la publicité en ligne –, ces sujets devraient faire l’objet d’une consultation préalable des parties prenantes, afin de trouver un équilibre satisfaisant. Je vous propose de réaliser ces consultations dans les prochaines semaines, en amont de la séance publique, et vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Michel Larive. La publicité ciblée sur les sites internet est illégale car elle ne permet pas de recueillir le consentement explicite des utilisateurs, alors que le règlement général sur la protection des données (RGPD) le rend pourtant obligatoire. Google a été condamné par la CNIL à payer une amende de 50 millions d’euros, en raison de la gravité des manquements constatés en termes de transparence, d’information et de consentement.

L’approche par les dispositifs de type « follow the money » accepte cet état de fait et renonce à défendre les utilisateurs. Au contraire, il faut s’attaquer directement au modèle de la publicité ciblée.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je ne vais pas retirer l’amendement. Comme pour la taxe sur les services numériques, il est bon de maintenir un peu de pression. Je m’intéresse beaucoup à ce sujet et connais parfaitement le secteur, monsieur Larive. Il prend des initiatives pour acquérir les standards technologiques qui permettront d’assainir le marché, mais il a besoin d’être accompagné et, parfois, rappelé à l’ordre. Je m’inquiète de certaines techniques qui échappent totalement au contrôle humain. Cela nous fait courir des risques financiers, mais également en termes d’encadrement.

Nous pourrons toujours débattre d’une rédaction améliorée en séance. Dans l’attente, je vous invite à voter mon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je comprends tout à fait l’objectif et la détermination de M. Bothorel, mais plaide également pour le retrait.

Mme Frédérique Dumas. Je suis favorable à l’amendement, même si je ne fais pas le parallèle avec la taxe sur les services numériques, puisque j’ai voté contre ! Il faut maintenir la pression, vous avez raison. Le secteur est favorable à la discussion. Il souhaite trouver les moyens de répondre intelligemment au problème. Les dispositifs de type follow the money sont les plus performants.

M. Michel Larive. Monsieur Bothorel, vous êtes expert. Comme je ne le suis pas, estimez-vous que je ne devrais donc pas prendre la parole ? Je vais pourtant continuer car j’ai une opinion, même si elle est contraire à la vôtre. Je suis député non expert, mais je veille à la liberté individuelle de mes concitoyens !

La commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC552 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Nous l’avons déjà évoqué ce matin à l’article précédent, le projet de loi vise à assurer la souveraineté des acteurs français et européens. Asseoir sa souveraineté passe aussi par une régulation efficace et un encadrement simplifié, lisible et prévisible pour tous les acteurs. C’est l’objectif de la fusion entre le CSA et la HADOPI. Cet objectif nous conduit également à créer un organe commun de règlement des différends entre l’ARCOM et l’ARCEP.

Pour que ce système de régulation soit lisible, il faut tendre vers un régulateur unique. C’est pourquoi nous suggérons de programmer un rapprochement plus étroit entre l’ARCEP et l’ARCOM, qui remplacerait le mille-feuille actuel de régulateurs – Autorité de la concurrence, ARCEP, Agence nationale des fréquences (ANFR). Nous constatons tous la convergence des acteurs sur le marché. En outre, ces derniers – lorsqu’ils sont principalement non européens – ne connaissent pas cette distinction entre contenus et réseau. Les compétences des deux organes se chevauchent parfois et cela risque d’être encore davantage le cas dans les années à venir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat, ici et lors des différentes auditions, mais nous restons attachés à la distinction des deux régulateurs car les enjeux sont différents.

Le projet de loi opère déjà des rapprochements – un membre commun à l’ARCEP et à l’ARCOM par exemple. Nous améliorons également le dispositif de règlement de différends. Mais, à ce stade, il serait inopportun de fusionner les deux autorités. Ce n’est d’ailleurs pas leur demande, ni celle des acteurs concernés. Mon avis sera donc défavorable.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Bien sûr, je partage l’objectif de M. Fuchs : le travail en commun doit se développer. Le CSA et l’ARCEP ont d’ailleurs décidé de mettre en place un pôle de travail commun. Mais il serait prématuré de fusionner les deux autorités.

Mme Frédérique Dumas. Monsieur Fuchs, il s’agit d’une divergence de fond : c’est justement parce qu’il y a convergence numérique des moyens de diffusion et neutralité technologique qu’il est extrêmement important de continuer à réguler en fonction de la nature des services et de leurs spécificités même si, bien entendu, les autorités administratives doivent coopérer. Dans un monde complexe, on ne peut pas appréhender la complexité en fusionnant, l’actualité vient encore récemment de le démontrer…

Le seul débat concerne le niveau de régulation : doit-il être législatif, réglementaire ou du ressort des autorités administratives ?

M. Bruno Fuchs. Nous l’avons déjà fait pour le CSA et la HADOPI : il est possible de fusionner des régulateurs. Si l’on crée un organe commun de règlement des différends, cela bien veut dire qu’il existe des points communs. Par ailleurs, comme l’a souligné le ministre, un rapprochement opérationnel est prévu dans différents domaines. J’aimerais savoir quels rapports – je sais qu’il en existe – ont été remis sur ce type de schéma.

M. le président Bruno Studer. Ce n’est peut-être pas le moment d’établir une bibliographie. Maintenez-vous votre amendement ou le retirez-vous ?

L’amendement AC552 est retiré.

Article 23 (précédemment réservé) : Lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

La commission examine l’amendement de suppression de l’article AC605 de M. Michel Larive.

M. Alexis Corbière. L’article 23 a pour objectif de limiter la diffusion illégale des événements sportifs. Nous en prenons acte : tout ce qui est illégal doit être rendu impossible. Néanmoins, le texte est ambigu en ce qui concerne les sanctions préventives, ce qui pose un problème à nos yeux.

Par ailleurs, vous vous attaquez aux conséquences sans vraiment chercher à traiter les causes. Le développement du streaming illégal ne vient pas de nulle part ou ne résulte pas d’un comportement pervers chez certains de nos concitoyens : c’est imputable au fait que la diffusion du sport a quasiment disparu de l’audiovisuel public. Qu’il s’agisse de la Coupe de France de football, de la Ligue des champions, de la Coupe du monde de rugby et – bientôt – de Roland-Garros, tout part dans le privé au détriment du service public. Le succès du streaming s’explique aussi par la hausse faramineuse des coûts : il faut payer 79 euros par mois pour visionner les quatre chaînes privées de diffusion des matchs de la Ligue 1 de football.

Face à ce qui ressemble à une privatisation du droit à avoir accès aux sports, qui sont appréciés par beaucoup de nos concitoyens, le recours au streaming se multiplie. Le projet de loi ne fait rien pour endiguer ce phénomène. Il tend à pénaliser les sites illégaux et les utilisateurs mais il ne remonte pas à la racine du problème. Le sport, notamment de haut niveau, doit être accessible au plus grand nombre. Ce n’est désormais plus le cas.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je pense que nous sommes nombreux à partager votre inquiétude quant à l’accessibilité de l’offre sportive – nous y reviendrons lorsque nous parlerons de l’audiovisuel public – mais votre amendement supprimerait purement et simplement le dispositif de protection des contenus sportifs en ligne. Les droits sportifs, dans le cadre de la taxe adoptée lorsque notre collègue Marie-George Buffet était ministre, permettent notamment de financer le sport amateur. Lutter contre le piratage des événements sportifs revient aussi à garantir que ce dispositif ait encore du sens. J’émets donc un avis défavorable.

M. Alexis Corbière. J’entends cet argument, dont nous pourrons peut-être reparler par la suite. Néanmoins, lorsque vous considérez que le problème qui se pose est celui du piratage, vous passez à côté du fait que l’on ne peut plus voir le championnat de France sur les chaînes du service public, alors que cela fait quasiment partie de notre patrimoine. C’est un problème de fond auquel vous n’apportez pas de réponse. On ne pourra plus, par exemple, regarder Roland-Garros à la télévision quand on prépare le bac…

M. Bruno Fuchs. On pourra ainsi travailler davantage !

M. Alexis Corbière. Il ne s’agit pas de laisser faire le piratage. Le problème est que vous ne prenez pas la mesure de la problématique qui me semble la plus importante.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1343 de la rapporteure et AC982 de M. Bruno Fuchs, les amendements identiques AC357 de Mme Virginie Duby-Muller et AC976 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ainsi que l’amendement AC493 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Outre l’apport d’une précision rédactionnelle, l’amendement AC1343 vise à concentrer la mission du tribunal judiciaire sur la prévention de nouvelles atteintes graves et irrémédiables aux droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions et des manifestations sportives que pourraient porter des services de communication au public qui n’auraient pas été identifiés lors de l’adoption d’une première ordonnance.

M. Bruno Fuchs. Mon amendement permettra au juge de participer au dynamisme du dispositif en identifiant de nouvelles atteintes potentielles que le diffuseur n’aurait pas indiquées dans sa saisine. Cela permettra de renforcer les efforts contre le piratage.

Mme Brigitte Kuster. L’amendement AC357, de nature rédactionnelle, vise à assurer une coordination avec l’alinéa 8 de l’article 23, qui précise la portée géographique des mesures de blocage.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement vise à compléter le dispositif de lutte contre le piratage des retransmissions sportives. Il s’agit d’éviter que les organisations victimes d’un piratage n’aient à solliciter à deux reprises le juge pour obtenir qu’il prononce des mesures dynamiques, de confier à la future ARCOM un rôle de tiers de confiance en amont d’une décision-cadre judiciaire et d’engager une action à titre préventif avant le démarrage des compétitions. Ce type de dispositifs a démontré son efficacité chez certains de nos voisins européens, notamment au Royaume-Uni et au Portugal.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je vous propose de retirer vos amendements au profit du mien et de celui de M. Fuchs.

Mme Brigitte Kuster. Je m’aperçois que je n’ai pas défendu le bon amendement.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous avez, en effet, parlé de territorialité des atteintes alors que ce n’est pas la question.

Je comprends la volonté, exprimée par la rapporteure et par plusieurs autres députés, de renforcer les mesures prévues, mais j’ai le sentiment que ces amendements auraient plutôt l’effet inverse : en retirant le terme « remédier », s’agissant de nouvelles atteintes, et en ne gardant que « prévenir », on désarmerait le dispositif de lutte contre le piratage. Par conséquent, mon avis est plutôt défavorable. Nous pourrons peut-être regarder plus précisément, d’ici à la séance publique, ce que vous souhaitez en réalité.

La commission rejette tous les amendements.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement rédactionnel AC384 de Mme Géraldine Bannier.

Elle est saisie des amendements identiques AC355 de Mme Virginie Duby-Muller et AC974 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC355 est celui que Brigitte Kuster a brillamment défendu tout à l’heure.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Ces amendements n’ont pas uniquement une portée rédactionnelle et ils n’assurent pas une coordination avec l’alinéa 8. Celui-ci traite, en effet, des mesures destinées à empêcher l’accès à des sites pirates à partir du territoire français. Ce que vous proposez conduirait, en réalité, à se limiter aux atteintes aux droits de communication et d’exploitation audiovisuelles issues du territoire français. Le dispositif manquerait alors sa cible, les principales atteintes aux droits sportifs étant le fait de sites étrangers. Je vous demande donc de retirer ces amendements.

L’amendement AC974 est retiré.

La commission rejette l’amendement AC355.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC1345 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement AC777 de M. Ian Boucard.

Mme Emmanuelle Anthoine. Cet amendement de précision permettra aux fédérations sportives et aux ligues professionnelles de saisir le président du tribunal judiciaire afin de lutter contre la retransmission illicite des manifestations et des compétitions sportives.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Les fédérations sportives font partie des titulaires de droits susceptibles de saisir le juge en application de l’alinéa 4 du présent article. Cet amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer.

L’amendement AC777 est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1344 de la rapporteure.

La commission est saisie de l’amendement AC9 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il semblerait que vous ayez oublié l’article défini « le » au début de l’alinéa 8.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

La commission examine les amendements identiques AC858 de la rapporteure générale, AC494 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC894 de M. Cédric Roussel, AC981 de M. Bruno Fuchs, AC1128 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1137 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC858 introduit des modifications nécessaires pour améliorer le dispositif et lutter plus efficacement encore contre le piratage des contenus sportifs. Le dispositif actuel prévoit deux temps devant le juge : une première ordonnance à l’encontre d’un service contrefaisant, puis une seconde, deux mois après, pour les sites de contournement qui reprendraient les mêmes contenus. Dès lors, les compétitions d’une durée de moins de deux mois – les Jeux olympiques, la Coupe du monde de football ou Roland-Garros, déjà évoqué – ne pourront pas bénéficier de cette mesure. Par ailleurs, les compétitions plus longues, comme la Ligue 1 de football ou le Top 14 de rugby, ne pourront être protégées que pour la moitié de leur diffusion.

La création d’une ordonnance dynamique unique permettra, dès la première saisine et pour une durée de douze mois, d’étendre l’ordonnance judiciaire de blocage et de déréférencement des contenus à tous les sites de contournement. On exécutera une décision visant à assurer la protection de contenus protégés par des droits liés à leur diffusion. Des dispositifs comparables existent dans plusieurs États membres de l’Union européenne, comme le Portugal et le Royaume-Uni. Ces mesures ont systématiquement fait leurs preuves. L’instauration d’une ordonnance unique, qui est soutenue par les acteurs du monde du sport, permettra de protéger véritablement l’ensemble de ce secteur économique et les ressources du sport amateur, qui dépendent directement du financement permis par les droits sportifs.

M. Jean-Jacques Gaultier. Je suis tout à fait d’accord. L’impact financier du piratage en matière de musique, de cinéma et de sport est supérieur à un milliard d’euros – le chiffre a été cité tout à l’heure –, dont plus de 500 millions d’euros pour le sport. Il est donc important d’avoir des mesures dynamiques et de ne solliciter le juge qu’à une seule reprise pour avoir une décision-cadre. C’est aussi l’objet de mon amendement.

M. Cédric Roussel. Il y a un consensus en la matière. La table ronde organisée dans le cadre du groupe d’études relatif à l’économie du sport a montré qu’il existe une volonté unanime chez les fournisseurs d’accès, les représentants des ayants droit et les hébergeurs d’avoir des ordonnances dynamiques. En effet, tout le monde souhaite que ce texte ait une effectivité. Les mesures que nous vous proposons sont notamment liées aux amendements AC860 et AC863 de la rapporteure générale et de la rapporteure, qui concernent l’ordonnance dynamique. L’amendement AC894 tend à couvrir les compétitions courtes et dites « feuilleton », comme le championnat de France de football ou le Top 14 de rugby.

M. Bruno Fuchs. Ce texte prend vraiment le taureau par les cornes : il y aura une avancée très forte en ce qui concerne la lutte contre le piratage. Ces amendements identiques permettront d’améliorer un dispositif qui vise à lutter réellement contre ce phénomène. Il ne faut pas avoir d’états d’âme. Il n’existe pas des sites un peu légaux et un peu illégaux : quand on a acquis des droits d’exclusivité, ce que l’on diffuse est légal, et les pirates qui veulent diffuser des contenus illégaux ont des plateformes illégales. Il faut agir très fortement. Les sommes en jeu – plus d’un milliard d’euros – sont extrêmement importantes, et il y a un manque à gagner considérable pour les finances publiques – près de 400 millions d’euros. Ce que nous vous proposons améliorera encore le texte.

Mme Brigitte Kuster. Il faut lutter contre le piratage sportif en regardant ce qui se passe à l’étranger, comme l’a souligné la rapporteure générale, pour aller plus loin et agir plus fortement. Je note, néanmoins, que vous êtes beaucoup plus durs contre le piratage sportif que contre le piratage culturel ou artistique et que les arguments que vous employez sont exactement à l’opposé de ce que vous avez dit tout à l’heure. Nous sommes d’accord pour punir, car les comportements en cause méritent que ce soit fait, mais cela ne peut pas concerner uniquement le piratage sportif. Ces amendements, sur lesquels nous pouvons nous retrouver, prouvent qu’il peut y avoir un consensus pour lutter contre ceux qui n’ont pas d’autre envie que de tricher, particulièrement grâce aux sites miroirs.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Imaginons l’hypothèse selon laquelle on ne pourrait plus avoir accès aux stades. Il est important de défendre un accès légal aux matchs télévisés. La rapporteure générale a évoqué ce qui a été fait au Portugal et au Royaume-Uni. Je me félicite qu’il y ait plutôt une concorde sur les moyens à utiliser pour lutter contre le piratage dans le secteur sportif, qui présente des singularités. Il faut des réponses ad hoc, bien ciblées.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Merci à celles et à ceux qui ont reconnu le volontarisme du Gouvernement en matière de lutte contre le piratage de contenus sportifs, qui constitue un véritable fléau. Il en résulte, en effet, une perte de revenus pour les sportifs, les clubs et le sport amateur.

Ce piratage est particulier, madame Kuster, car il se fait en direct : il faut agir tout de suite. Il y a moins d’urgence pour d’autres types de piratage, comme celui d’un film, que l’on peut voir dans la durée. Une fois qu’un match est passé, en revanche, le coup est tiré.

Le référé prévu par le projet de loi est déjà très ambitieux – vous l’avez rappelé. Cette procédure inédite permettra de bloquer des sites avant la commission du piratage. C’est une innovation importante qui doit s’accompagner de garanties sur le plan des libertés. La procédure doit être efficace – et je comprends bien les demandes que vous avez formulées – mais elle doit aussi être proportionnée, et je me demande si ces amendements ne vont pas un peu trop loin.

Du bon travail a été réalisé dans le cadre du groupe d’études « Économie du sport », notamment autour de Cédric Roussel. Mais je vais m’en remettre à la sagesse de votre commission, pour la raison que je viens d’indiquer.

Mme Frédérique Dumas. Je voudrais saluer les avancées importantes qui sont prévues par le projet de loi et soutenir les amendements en discussion. Permettez-moi de faire de nouveau référence à l’article très complet de Marina Alcaraz dans Les Échos. Elle a mis en avant, sur la base d’une étude de Médiamétrie, qu’il y a eu une réduction très importante du piratage en ce qui concerne les contenus audiovisuels, mais pas du tout pour les événements sportifs. Comme l’écrit Mme Alcaraz, l’abondance des offres légales n’a pas freiné le piratage dans ce dernier domaine : le fait de devoir payer plusieurs abonnements pour avoir un large choix de sports peut inciter certains internautes à aller vers des sites pirates. Certains disent que ce n’est pas qu’une question d’argent : ils veulent essentiellement avoir accès à tout. Le piratage est en expansion en matière sportive et je pense qu’il faut s’en occuper très fortement.

M. Michel Larive. Je serais assez d’accord avec le dispositif prévu si je ne lisais pas à l’alinéa 4 qu’il s’agit de « prévenir ou de remédier » à de nouvelles atteintes graves. Si être dynamique veut dire agir d’une manière préventive, cela me pose un vrai problème.

M. Stéphane Testé. N’ayons pas peur des mots : nous sommes face à un cancer industriel. Il existe à peu près 25 000 sites pirates, dont dix captent 80 % de la consommation. Le dernier match entre le Paris Saint-Germain et le Real Madrid dans le cadre de la Ligue des champions, à l’automne dernier, a attiré plus de 300 000 pirates, et l’affiche de la Ligue 1 concentre chaque dimanche soir 150 000 pirates. Au-delà de l’enjeu majeur de l’instantanéité, qui impose d’intervenir durant l’événement, il faut réussir à assurer un blocage dans la durée pour couvrir des compétitions à épisodes – Cédric Roussel a ainsi parlé de « feuilletons ». Seules des mesures dynamiques permettront de le faire.

M. Cédric Roussel. Ce dont il est question, monsieur Larive, est d’assurer un blocage le temps de la diffusion illicite d’une rencontre sportive. Le délit consiste à diffuser un match en live streaming, c’est-à-dire en retransmission en direct.

Mme Michèle Victory. Nous sommes assez d’accord avec l’idée qu’il faut bloquer les piratages le temps des rencontres sportives, mais je rejoins ce qu’a dit Mme Kuster : on est beaucoup plus sévère dans le domaine sportif qu’en matière de culture en général. Quand on pirate un concert, c’est en direct aussi, et une fois que c’est fini, c’est également trop tard.

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur Larive, l’aspect préventif est très important si on veut être opérationnel et efficace. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont jugé que des mesures préventives et dynamiques étaient conformes au droit français.

M. Michel Larive. J’aimerais savoir sur quelles bases juridiques repose le blocage d’un site de manière préventive.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Ce sera en cas de « nouvelles atteintes ». Je crois que la nécessité de la prévention est assez claire.

M. le président Bruno Studer. C’est la saisine du juge qui sera préventive.

M. Michel Larive. Je pense qu’il y a un problème dans le texte.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine les amendements identiques AC53 de Mme Virginie Duby-Muller, AC431 de Mme Brigitte Kuster, AC763 de Mme Marie-Ange Magne et AC897 de Mme Florence Provendier.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC53 a pour objectif de clarifier la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques et de sécuriser juridiquement cette répartition. Il s’agit d’instaurer un système équivalent à celui qui existe déjà dans le cadre des mesures de blocage et de retrait des contenus pédopornographiques et terroristes, sous la supervision de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Cet amendement garantira aussi l’exhaustivité de la liste des intermédiaires techniques concernés par la mesure.

Mme Brigitte Kuster. Notre amendement vise également à clarifier et à sécuriser juridiquement la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques. Ces dispositions s’inspirent des réussites que connaissent l’OCLCTIC et la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) en matière de lutte contre la pédocriminalité et le terrorisme. Leur fonctionnement repose sur un interfaçage avec les intermédiaires techniques. Comme de nombreux sites diffusent des compétitions sportives en temps réel de manière illicite, un pareil interfaçage permettrait d’accélérer le déploiement de solutions visant à faire cesser ce phénomène.

Mme Marie-Ange Magne. L’amendement AC763 vise à ce que l’ARCOM puisse demander, outre le blocage, le retrait des contenus illicites.

Mme Florence Provendier. Il s’agit d’inclure l’intégralité des intermédiaires techniques au dispositif afin de garantir son efficacité. Laisser aux seuls fournisseurs d’accès le soin de bloquer les sites pirates ne serait pas suffisant. Tout d’abord, ces acteurs ne disposent que d’une compétence de blocage d’une des voies d’accès au contenu – il peut y avoir un contournement par d’autres technologies. Par ailleurs, les fournisseurs d’accès ne peuvent bloquer un site que dans son intégralité, ce qui peut se révéler disproportionné pour des réseaux sociaux sur lesquels des utilisateurs diffuseraient en live des compétitions. Il serait donc pertinent d’intégrer au dispositif les hébergeurs, les navigateurs, les fournisseurs de noms de domaine, qui peuvent bloquer l’intégralité des voies d’accès à un site internet, ainsi que les moteurs de recherche et les annuaires, lesquels permettent de trouver les sites illicites.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il me semble que ces mesures permettront d’appréhender toutes les dimensions du piratage, à travers les hébergeurs, les navigateurs, les fournisseurs de noms de domaine, les moteurs de recherche et les annuaires. Par conséquent, avis favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement AC860 de la rapporteure générale et les amendements identiques AC1129 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1138 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1154 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Par cohérence avec la création d’une ordonnance dynamique, l’amendement AC860 permettra de viser des services de communication qui n’ont pas encore été identifiés à la date de l’ordonnance. Cela précisera et sécurisera le dispositif.

La commission adopte l’amendement AC860.

En conséquence, les amendements AC1129, AC1138 et AC1154 tombent.

La commission étudie, en discussion commune, les amendements identiques AC855 de la rapporteure générale et AC895 de M. Stéphane Testé, ainsi que les amendements identiques AC1130 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1139 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1153 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Aurore Bergé. L’amendement AC855 vise à s’assurer que l’ordonnance fera œuvre utile pendant la durée de la compétition qu’il s’agit de protéger contre des partages de contenus illicites. Je vous propose, avec Sophie Mette, une rédaction qui ne fait pas référence à une notion de temporalité, car cela me paraît trop flou. Les mesures utiles interviendront au moment adéquat pour protéger la compétition.

M. Stéphane Testé. Il s’agit de s’adapter à toutes les durées des compétitions en ne mentionnant pas un nombre précis de mois, comme la rédaction initiale du texte le prévoit. Cela permettra de couvrir d’une manière plus sûre des compétitions à épisodes.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’amendement AC1130 tend à compléter le dispositif de lutte contre le piratage des retransmissions sportives en évitant que les organisations victimes aient à solliciter à deux reprises le juge pour obtenir des mesures dynamiques dans le temps. Vous savez que nous proposons également de certifier l’identification des sites ou des services pirates en amont de la décision judiciaire mais aussi des sites et des services miroirs en aval, en confiant à la future ARCOM un rôle de tiers de confiance. Il faut agir à titre préventif, avant le démarrage d’une compétition. Enfin, nous souhaitons élargir le spectre des acteurs du numérique susceptibles de conclure des accords pour assurer le suivi dans le temps des décisions judiciaires, en incluant notamment les moteurs de recherche.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Je vous propose de retirer ces amendements au profit de celui que j’ai défendu. Nous n’avons pas fait référence, je l’ai dit, à la notion de temporalité.

Les amendements AC1139 et AC1153 sont retirés.

La commission adopte les amendements identiques AC855 et AC895.

En conséquence, l’amendement AC1130 tombe.

La commission est saisie des amendements identiques AC863 de la rapporteure générale, AC495 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1131 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1140 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. Il s’agit de supprimer l’alinéa 9 afin de tirer les conséquences de la création d’une ordonnance unique, couvrant une durée de douze mois.

La commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’amendement AC374 de Mme Frédérique Dumas tombe.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AC1147 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1152 de Mme Brigitte Kuster, AC1155 de Mme Marie-Ange Magne et AC1156 de Mme Florence Provendier, l’amendement AC1346 de la rapporteure, ainsi que les amendements identiques AC496 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1132 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1141 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Brigitte Kuster. L’objectif est, une fois de plus, de clarifier la répartition des rôles entre les titulaires de droits, l’ARCOM et les intermédiaires techniques, en intégrant pleinement ces derniers pour faciliter l’action de l’ARCOM. Celle-ci pourra disposer de l’ensemble des compétences nécessaires et de moyens proportionnés et efficaces pour assurer ses missions de lutte contre le piratage et le streaming illicite.

Mme Marie-Ange Magne. Il s’agit de compléter la liste des intermédiaires techniques concernés en reprenant le modèle offert par la proposition de loi déposée par Mme Avia.

Mme Florence Provendier. L’idée est, en effet, d’inclure l’intégralité des intermédiaires techniques dans le dispositif afin de garantir son efficacité.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Mon amendement AC1346 tire les conséquences de la création d’une ordonnance unique en intégrant la question des services de communication au public en ligne de contournement. L’amendement vise également à préciser le rôle que jouera l’ARCOM dans l’aide à l’identification et à la caractérisation de ces sites, en vue de faciliter l’exécution de la décision judiciaire.

M. Jean-Jacques Gaultier. Mon amendement a le même objectif, qui est de compléter et de renforcer le dispositif de lutte contre le piratage de la retransmission d’événements sportifs.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Je demande le retrait des différents amendements au profit du mien.

Les amendements AC1152, AC1155 et AC1156 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AC1147.

Elle adopte l’amendement AC1346 de la rapporteure.

En conséquence, les amendements AC496, AC1132 et AC1141 tombent, de même que l’amendement AC975 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AC432 de Mme Brigitte Kuster.

Elle en vient aux amendements identiques AC867 de la rapporteure générale, AC497 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC896 de M. Cédric Roussel, AC1133 de Mme Virginie DubyMuller et AC1142 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC867 étend le champ des personnes susceptibles d’exécuter l’ordonnance judiciaire – et les mesures de blocage et de déréférencement afférentes – au-delà des seuls titulaires de droits, parties prenantes aux contrats et fournisseurs d’accès internet. Tout service de communication en ligne, notamment les moteurs de recherche et les annuaires de référencement, devra également participer à la lutte contre le piratage des contenus sportifs.

M. Cédric Roussel. Lors de la table ronde organisée par le groupe d’études, tous les acteurs techniques ont exprimé une belle solidarité.

La commission adopte ces amendements.

Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement AC1347 de la rapporteure et des amendements identiques AC1134 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1143 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1157 de M. Jean-Jacques Gaultier.

Mme Sophie Mette, rapporteure. Il est proposé que l’ARCOM puisse intervenir pour faire cesser les violations de la décision judiciaire.

La commission adopte l’amendement AC1347.

En conséquence, les amendements AC1134, AC1143, AC1157, ainsi que les amendements AC1135 de Mme Virginie Duby-Muller, AC1144 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et AC1158 de M. JeanJacques Gaultier tombent.

La commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement AC1348 de la rapporteure Sophie Mette ainsi que des amendements identiques AC498 de M. Jean-Jacques Gaultier, AC1136 de Mme Virginie Duby-Muller et AC1145 de M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure générale. L’amendement AC1348 a pour objet de préciser les pouvoirs d’enquête et d’instruction confiés aux agents habilités et assermentés de l’ARCOM pour mener à bien les actions de prévention et de lutte contre le piratage sportif, en vue de faciliter l’exécution de la décision judiciaire ou de constater les faits susceptibles de porter atteinte aux droits protégés.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je retire mon amendement avant qu’il ne tombe !

L’amendement AC1145 est retiré.

La commission adopte l’amendement AC1348.

En conséquence, les amendements AC498 et AC1136 tombent.

La commission adopte l’article 23 modifié.

 

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 4 mars à 15 heures

Présents. Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Stéphanie Atger, Mme Géraldine Bannier, Mme Aurore Bergé, M. Pascal Bois, M. Bertrand Bouyx, Mme Marie-George Buffet, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, M. Alexandre Freschi, M. Bruno Fuchs, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Danièle Hérin, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, M. Michel Larive, Mme Constance Le Grip, Mme Marie-Ange Magne, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Bertrand Pancher, Mme Bénédicte Pételle, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, M. Éric Poulliat, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, Mme Maina Sage, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory

Excusés. M. Ian Boucard, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, M. Stéphane Claireaux, M. Laurent Garcia, Mme Florence Granjus, Mme Josette Manin, Mme Muriel Ressiguier, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Émilie Bonnivard, M. Éric Bothorel, M. Alexis Corbière, Mme Christine Hennion, Mme Caroline Janvier, Mme Laure de La Raudière, M. Denis Masséglia, M. Jean-François Portarrieu, Mme Sabine Rubin