Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen pour avis du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488) (M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis)              2

– Informations relatives à la commission...................23

 


Mardi
25 février 2020

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 42

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de Roland Lescure,
Président
 

 


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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Éric Bothorel, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, notre commission examine aujourd’hui, pour avis, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (n° 2488). Ce texte modifie en profondeur la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi « Léotard », dont ceux d’entre nous qui étaient nés à l’époque doivent se souvenir avec émotion, et défend deux ambitions principales : d’une part, préserver le dynamisme culturel de l’audiovisuel et du cinéma français ; d’autre part, protéger les citoyens de certains excès du numérique.

C’est plus précisément cette seconde ambition qui a conduit la commission des affaires économiques à se saisir pour avis des articles 16, 17, 22 et 59 du projet de loi. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, à laquelle ce projet de loi a été renvoyé au fond et qui l’examinera à compter de demain, mercredi 26 février, a par ailleurs souhaité solliciter notre avis sur les articles 60, 61 et 64, pour lesquels nous bénéficions donc d’une délégation au fond. En vertu de cette procédure, les amendements sur ces trois articles et les amendements portant articles additionnels se rattachant directement à l’un de ces trois articles doivent être soumis à la commission des affaires économiques ; la commission des affaires culturelles ne pourra qu’entériner nos décisions.

Au total, notre commission est saisie de sept articles du projet de loi que nous souhaitons examiner sous l’angle de nos compétences en matière de numérique, de communications électroniques et de concurrence. Je tiens à le préciser car, sur les soixante‑huit amendements qui nous sont soumis, un certain nombre ayant trait à l’article 59 aborde des questions relevant, avant tout, des compétences propres à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Ces diverses précisions étant données, je tiens à saluer la présence de M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, qui a accepté de participer à la discussion générale mais devra nous quitter lors de l’examen des articles. Ce sera donc notre rapporteur, M. Éric Bothorel, qui aura la lourde tâche de répondre, seul, sur les divers amendements. Avant de donner la parole à M. le secrétaire d’État, puis à M. Éric Bothorel, je vous rappelle que les orateurs des groupes disposeront de quatre minutes et les autres intervenants de deux minutes.

M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président, il se trouve que j’étais né en 1986, mais que je garde des souvenirs assez confus de la fameuse loi…

M. le président Roland Lescure. C’était la privatisation de TF1 ! Il y avait des débats intéressants à l’époque ! Vous vous en souvenez, Monsieur Ruffin…

M. François Ruffin. Il n’y a pas besoin d’avoir vécu les événements pour les connaître, Monsieur le président ! Je connais, par exemple, beaucoup de choses sur la Révolution française, sans l’avoir vécue, bien évidemment, mais pour avoir beaucoup lu à son sujet…

M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique est un projet de loi qui fera date, comme l’a déclaré notre ministre de la culture, M. Franck Riester. Il s’agit de repenser et de moderniser le secteur de l’audiovisuel, en profonde mutation, son financement et sa régulation, sans sacrifier, bien évidemment, les spécificités qui font aujourd’hui les forces de notre modèle, notamment son exigence de diversité culturelle. Le secteur de l’audiovisuel et du cinéma français connaissent une transformation profonde, dans un contexte évolutif marqué par l’émergence d’acteurs internationaux majeurs – Netflix, Amazon ou Disney –, ainsi que par une multiplication des écrans vidéo et l’apparition de nouveaux usages, tel que le visionnage de contenus à la demande. La loi de 1986 et les empilements réglementaires successifs qui forment l’encadrement complexe en vigueur apparaissent dès lors en partie obsolètes, rigides et incompatibles avec la structuration économique du secteur.

L’encadrement attendu, tout en s’étendant aux nouveaux entrants, doit permettre une régulation plus agile et plus efficace, respectant les objectifs de politiques publiques de diversité culturelle et de forte performance des industries du secteur. Il doit également être simplifié, en renvoyant davantage à la négociation professionnelle et aux conventions conclues avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), pour s’adapter à la diversité des modèles. Pour répondre à ces enjeux, le projet de loi examiné en conseil des ministres le 5 décembre 2019 modifie profondément le cadre législatif et réglementaire actuel avec trois objectifs principaux.

Le premier objectif est de mieux soutenir le développement et la création audiovisuels, notamment en intégrant les plateformes numériques dans le financement et la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes, en allégeant les contraintes légales pesant sur les services de télévision en matière de publicité, en supprimant les jours interdits pour la diffusion de films de cinéma ou en prévoyant l’évolution technologique des médias radio et télévision vers des formats de diffusion numérique améliorés.

Le deuxième objectif est de moderniser la régulation du secteur, avec la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), l’institutionnalisation de la coopération entre le CSA et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou la création d’un service technique d’appui aux différentes autorités compétentes en matière de régulation du numérique. Ce volet est complété par la transposition du volet « plateformes de partage de vidéos » de la directive sur les services de médias audiovisuels, dite « SMA », en cohérence avec l’approche globale du Gouvernement sur ces sujets de régulation numérique, c’est‑à‑dire une responsabilisation accrue des acteurs et l’instauration d’un cadre de supervision. Sur des sujets tels que la lutte contre le piratage, le streaming sportif ou la protection des mineurs en ligne, le projet de loi permettra de renforcer l’arsenal à la disposition du régulateur.

Le troisième objectif est de transformer l’audiovisuel public à l’ère numérique. La gouvernance sera ainsi rénovée par la création d’un groupe ayant à sa tête une société mère unique, France Médias, qui devra définir une stratégie globale. La composition des conseils d’administration et le mode de désignation des dirigeants seront également révisés. La présence du secrétaire d’État au numérique que je suis devant votre commission se justifie notamment parce qu’il s’agit d’adapter la régulation de notre modèle culturel à l’émergence d’internet et de nouveaux acteurs, qui captent une part croissante de la valeur.

S’agissant des articles dont votre commission a été saisie au fond, les articles 60 et 61 modifient le code de commerce pour accroître l’efficacité des procédures en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

L’article 60 permet des avancées majeures, afin de simplifier la procédure applicable devant l’Autorité de la concurrence (ADLC) et de moderniser les outils dont elle dispose, ainsi que les enquêtes conduites par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l’Autorité de la concurrence.

L’article 61 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive « ECN + » visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens d’appliquer plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché. Il habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, et de simplifier la procédure relative à la clémence. Parmi les mesures nécessitant une modification du droit interne figure notamment la possibilité pour l’ADLC de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ; de se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires, disposition qui pourra lui permettre d’intervenir plus rapidement, en particulier dans des secteurs où les conséquences d’une pratique anticoncurrentielle peuvent être très dommageables, comme c’est le cas dans le domaine numérique ; de pouvoir accéder aux données numériques stockées sur des serveurs distants.

L’article 64 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de douze mois les dispositions visant à transposer la directive du 11 décembre 2018 instaurant le code des communications électroniques européen, lequel incite les États membres à faire beaucoup de choses que nous faisons déjà en France, notamment une régulation reposant sur le co‑investissement en matière de fibre et une planification du déploiement des réseaux très haut débit (THD) publics et privés. Cette bonne adéquation nous permettra de ne pas modifier substantiellement le cadre réglementaire de régulation des réseaux, à un moment où des investissements lourds sont ou seront engagés dans la fibre, grâce au plan France très haut débit, la 4G, avec le New Deal mobile, et la 5G, par le biais du plan 5G du Gouvernement et du lancement de la procédure d’attribution des fréquences dans la bande 3,5 gigahertz. Le recours à l’ordonnance est approprié, compte tenu de la nature extrêmement technique du texte et du peu de marge de manœuvre laissé aux États membres. L’article prévoit également d’instaurer un pouvoir de sanction permettant la mise en œuvre du règlement du 18 avril 2018 relatif au service de livraison transfrontalière de colis, des mesures visant à renforcer les pouvoirs de contrôle et d’enquête du ministre chargé des communications électroniques et de l’ARCEP et à clarifier d’éventuelles erreurs dans le code des postes et des communications électroniques.

S’agissant des articles dont votre commission s’est saisie pour avis, les articles 16 et 17 doivent permettre à la France de respecter son obligation de transposition des dispositions de l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins, qui clarifient les règles applicables aux services de partage de contenu en ligne, du point de vue du droit d’auteur et des droits voisins. Sont couverts par le projet de loi les services qui stockent et donnent accès au public à un nombre important d’œuvres téléversées par leurs utilisateurs. Ces services doivent conclure des licences avec les titulaires de droits et, en l’absence de telles licences, fournir leurs meilleurs efforts pour éviter la présence d’œuvres non autorisées sur leur plateforme. Comme prévu par la directive, un niveau de diligence allégé est exigé quant à ces meilleurs efforts pour les services dont la mise à disposition du public au sein de l’Union européenne date de moins de trois ans et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros.

L’article 22 transfère des missions actuellement confiées à la HADOPI à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Il vise également à améliorer les moyens de lutte contre la contrefaçon des œuvres sur internet et à réorienter cette lutte en direction des sites internet de streaming, de téléchargement direct ou de référencement, qui tirent des profits de la mise en ligne d’œuvres en violation des droits des créateurs, en renforçant les pouvoirs de l’ARCOM.

Enfin, l’article 59 constitue la plus importante réforme de l’audiovisuel public depuis trente ans. Dès 2021, l’audiovisuel public, à l’exception d’ARTE et de TV5 Monde sera regroupé au sein du groupe public France Médias. Comme le ministre de la culture l’a dit à plusieurs reprises ces derniers mois, la création de France Médias donne les moyens à l’audiovisuel public de s’adapter à la révolution des usages et de toucher davantage nos compatriotes.

Ainsi, ce projet de loi vise à repenser et à moderniser résolument les outils à notre disposition pour faire face aux défis auxquels le secteur audiovisuel est confronté à l’ère numérique, mais aussi à mettre en cohérence le cadre juridique avec divers textes européens applicables en France. Je sais que vous en attendez davantage sur certains sujets, comme la responsabilisation des annonceurs en matière de lutte contre le piratage. Nous avons entendu vos préoccupations et allons poursuivre le travail ensemble pour proposer des réponses à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Roland Lescure. Vous savez finir en beauté, Monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique. Je sens la pression populaire ! (Sourires.)

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je suis très heureux que la commission des affaires économiques se soit saisie, pour avis, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique dont nous allons débattre cet après-midi et dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis. Ce texte fixe un objectif ambitieux : adapter le cadre législatif de l’audiovisuel aux mutations profondes qui traversent le secteur, dont les usages et le paysage ont été profondément bouleversés par l’arrivée du numérique.

Avant d’en venir plus précisément au champ de notre saisine, je souhaiterais dire quelques mots sur l’impact du numérique dans le monde audiovisuel et le besoin de régulation qu’il fait naître. Le numérique change notre rapport à la culture. Il a démultiplié l’accès aux biens culturels audiovisuels. Il n’a jamais été aussi facile d’écouter de la musique, de regarder un film ou de consommer un programme de divertissement qu’aujourd’hui. Aux côtés de ces bénéfices dont je me réjouis, les risques liés au développement des plateformes numériques n’en sont pas moins nombreux. Elles bouleversent le fonctionnement concurrentiel du marché et fragilisent les acteurs traditionnels. Un fait parlant pour l’illustrer : avec 5 millions d’utilisateurs, Netflix compte désormais plus d’abonnés que Canal +.

Nous le savons bien dans cette commission, la concurrence est un processus économique sain qui bénéficie aux consommateurs et stimule l’innovation. Mais cela n’est vrai qu’à la condition que la concurrence s’exerce de manière loyale. Or le cadre normatif, qui repose sur la loi Léotard de 1986, ne permet pas aux différents acteurs de jouer à armes égales. Votées en un temps où internet et les ordinateurs ne faisaient pas partie de notre quotidien – un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître –, les règles actuelles imposent des obligations fortes aux acteurs traditionnels, alors que les acteurs issus du monde numérique y échappent entièrement. Il en résulte des asymétries concurrentielles, dont l’Autorité de la concurrence s’est d’ailleurs inquiétée dans un avis rendu au mois de février 2019.

La saisine de la commission des affaires économiques est riche et diverse, à l’image de ses compétences. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a sollicité notre avis au fond sur l’article 60, qui simplifie un certain nombre de procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ; sur l’article 61, qui autorise le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive « ECN + » ; ainsi que sur l’article 64, qui habilite le Gouvernement à transposer la directive européenne établissant le code des communications électroniques européen. Nous reviendrons sur ces enjeux lors de la discussion des amendements. Notre saisine pour avis porte sur les articles 16, 17, 22 et 59. Je souhaiterais m’y attarder de façon plus précise.

Les articles 16, 17 et 22 du projet de loi posent les jalons d’une nouvelle régulation des plateformes numériques audiovisuelles. L’ambition est de taille : il s’agit de répondre aux problématiques de financement de la création, de protection des ayants droit, mais aussi, de façon plus globale, de préservation de notre souveraineté culturelle.

Les articles 16 et 17 du projet de loi assurent la transposition de l’article 17 de la directive européenne sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, fruit de plus de quatre ans de débats et de négociations menés à l’échelon européen. Nous créons un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes numériques diffusant gratuitement des contenus, comme Youtube, en tirant toutes les conséquences de l’insuffisance actuelle du régime de responsabilité limitée, issue de la directive sur le commerce électronique. Les plateformes pourront désormais voir leur responsabilité engagée en cas d’exploitation de contenus protégés sans l’autorisation des auteurs, sauf si elles parviennent à démontrer qu’elles ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, pour garantir l’indisponibilité d’œuvres pour lesquelles les titulaires de droits ont fourni les informations pertinentes et nécessaires et qu’elles ont, en tout état de cause, agi promptement. Ce mouvement de responsabilisation devrait permettre un partage plus équitable de la valeur, au bénéfice des ayants droit et, par conséquent, du financement de la création.

La mise en œuvre de ce nouveau régime sera supervisée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM, issue de la fusion du CSA et de la HADOPI. La création de ce nouveau régulateur donne une traduction concrète au besoin de régulation des plateformes numériques. C’est là un progrès dont nous devons mesurer toute l’ampleur : nous faisons entrer dans le giron du régulateur audiovisuel français des plateformes numériques qui échappent, sur de nombreux aspects, encore trop au contrôle des États souverains.

L’ARCOM sera dotée d’outils nouveaux, prévus à l’article 22 de la loi, afin que la lutte contre le piratage gagne en efficacité. Avec 10,6 millions de pirates en 2017, les pratiques de téléchargement illégal sont en baisse, grâce au développement de l’offre légale, au volontarisme du juge et au rôle dissuasif joué par la HADOPI. Mais la contrefaçon engendre toujours un manque à gagner annuel pour la filière cinématographique et audiovisuelle française de 1,18 milliard d’euros. Pour l’État, c’est un manque à gagner fiscal annuel de 408 millions d’euros.

L’article 22 prévoit des outils innovants pour lutter avec plus d’efficacité contre les sites miroirs, ces sites condamnés par le juge pour contrefaçon et dont le contenu est repris par un autre site, privant ainsi d’effet la décision du juge. Saisie par un titulaire de droits, l’ARCOM pourra demander le blocage d’un site à un fournisseur d’accès internet (FAI) ou le déréférencement d’un site jugé illicite en application d’une décision initiale du juge. Ces nouveaux moyens devraient permettre un blocage plus rapide des sites miroirs, dans le respect du principe de l’interdiction de surveillance générale posé par la directive sur le commerce électronique. Il faut bien sûr s’en féliciter. Mais nous devons, en tant que législateur, veiller à la portée opérationnelle des dispositifs que nous votons. Les techniques de blocage évoluent rapidement et les acteurs pertinents pour bloquer ou retirer un site ou un contenu contrefaisant aujourd’hui ne seront pas forcément les mêmes demain. C’est pourquoi il me semble essentiel d’inclure également au côté des FAI, les hébergeurs et les services de navigation. Nous travaillons avec ma collègue Aurore Bergé en bonne intelligence à une rédaction commune sur ce sujet.

L’ARCOM est également dotée d’une compétence nouvelle l’habilitant à établir, en respectant le principe du contradictoire, une liste des sites portant atteinte de manière grave et répétée au droit d’auteur et aux droits voisins. En misant sur le principe du « name and shame », les pouvoirs publics déploient des méthodes de régulation modernes dont nous connaissons l’efficacité. L’objectif est double : informer les internautes et tarir l’offre illégale en jouant sur l’effet de réputation et les intermédiaires. L’établissement de cette liste devrait favoriser le développement de ce que l’on appelle le « follow the money », une méthode simple à laquelle je crois beaucoup consistant à faire la transparence sur les flux financiers, afin de renforcer le devoir de vigilance des annonceurs et de les dissuader de financer des sites illégaux. Cette approche est efficace pour lutter contre les sites contrefaisants ; elle l’est aussi pour lutter contre les sites diffusant des contenus haineux.

La chaîne publicitaire, qui fait intervenir un grand nombre d’intermédiaires, est d’une telle complexité, qu’il est en réalité souvent difficile pour un annonceur de savoir sur quel site son annonce figurera in fine. Les annonceurs, les vendeurs et l’ensemble des intermédiaires de la chaîne doivent être davantage responsabilisés dans leurs pratiques. Aux côtés des initiatives prises par les acteurs du secteur, le législateur doit se saisir pleinement de cet enjeu. La loi dite « Sapin » a fixé un cadre, mais les obligations sont incomplètes et insuffisamment respectées. La chaîne publicitaire, comme j’ai eu l’occasion de le mesurer lors des auditions, est encore bien trop opaque. Monsieur le secrétaire d’État, pour avoir eu l’occasion de l’évoquer lors des débats sur la proposition de loi « Avia » contre les contenus haineux sur internet, je sais que c’est un sujet qui vous tient aussi à cœur. Nous devons aller plus loin et réviser le cadre fixé par la loi Sapin.

.........................................L’article 59 prévoit la création de France Médias, société mère rassemblant en son sein les filiales France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). L’ambition est à la hauteur des enjeux : le service public audiovisuel doit se construire autour d’une stratégie unifiée, à même de relever le double défi de la mondialisation et du numérique. Les collaborations entre filiales deviendront plus systématiques, les synergies seront renforcées et la mue de l’audiovisuel public vers le numérique pourra s’achever. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ces sujets lors de la discussion des amendements.

Pour conclure, je voudrais dire quelques mots des enjeux numériques qui nous attendent pour l’avenir. En premier lieu, la question de la donnée, qui occupe d’ores et déjà une place centrale dans l’économie des médias audiovisuels, va devenir de plus en plus prégnante. La question du partage de la valeur associée aux données entre éditeurs et distributeurs doit faire l’objet d’une réflexion approfondie. Il faut que nous garantissions aux éditeurs un accès équitable, transparent et non discriminatoire aux données détenues par les distributeurs.

En second lieu, la question de la régulation des terminaux doit nous préoccuper. En 2025, c’est-à-dire demain, plus d’un Français sur trois disposera d’une enceinte connectée chez soi. Les Français sont d’ores et déjà, pour nombre d’entre eux, équipés en téléviseurs connectés. Les problématiques de référencement, les règles déterminant la mise en avant des services sur les magasins d’application vont se poser de façon croissante, et nous ne pouvons faire l’économie d’un débat éclairé sur ces sujets, afin de construire un cadre de régulation approprié et de garantir les conditions d’une concurrence juste et non faussée entre tous les acteurs de l’audiovisuel.

Enfin, les différents régulateurs des acteurs numériques doivent engager un dialogue et une coopération plus étroite, afin de prendre en compte les externalités potentielles que leurs décisions auraient sur des marchés qui se trouvent à la jonction ou en périphérie de leurs champs de compétences respectifs. À titre d’exemple, un tel dialogue pourrait utilement avoir lieu dans le cadre de la finalisation des recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur les cookies et autres traceurs, dont la nature intéressera directement les acteurs français de la publicité, aujourd’hui en concurrence avec les grandes plateformes numériques étrangères, qui doivent bénéficier d’un terrain de jeu équitable, notamment pour pouvoir se saisir des nouveaux outils que le décret autorisant la publicité segmentée mettra à leur disposition.

Mme Valéria Faure-Muntian. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique défend un objectif ambitieux et je suis fière de l’étudier avec vous aujourd’hui. Il vise à adapter le cadre législatif de l’audiovisuel, en mutation profonde. Comme vous le savez, nous consommons différemment aujourd’hui. Les offres de vidéo à la demande ne cessent de se multiplier, entre les fournisseurs d’accès à internet, d’un côté, et les services dits de contournement, de l’autre, lesquels rencontrent un grand succès auprès de nos concitoyens. Dans ce contexte, les acteurs historiques de la culture et les médias numériques sont dans une concurrence asymétrique. C’est pourquoi il est impératif d’adapter rapidement notre cadre normatif à ces nouvelles pratiques.

La réforme engagée par le Gouvernement vise aussi bien à dynamiser le secteur qu’à assurer notre souveraineté culturelle. Elle doit permettre le développement de la diversité et de la créativité, ainsi que le rayonnement de l’audiovisuel et du cinéma français, tout en protégeant nos concitoyens de certains excès du numérique et en offrant à tous des services de proximité. Ce soir, nous allons définir des outils pour soutenir l’innovation et répondre au défi de la régulation posé par les services numériques. Nous avons à cœur de protéger les utilisateurs et les ayants droit, mais aussi la dynamique de l’innovation, qui stimule la croissance et répond aux besoins actuels. Nous nous sommes saisis de plusieurs articles, notamment l’article 59, qui consacre la création de la société mère France Médias, qui regroupera les principales entreprises de l’audiovisuel public. Le groupe La République en Marche soutient l’objectif de modification de la gouvernance de l’audiovisuel, afin de définir la stratégie trimédias – radio, télévision, internet – aux niveaux local, national et international.

Les articles 16 et 17 transposent l’article 17 de la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins, avec laquelle nous sommes en accord. Le débat européen, qui a duré plus de quatre ans, a permis d’aboutir à un régime de responsabilité des plateformes diffusant gratuitement des contenus. À l’article 22, le projet de loi propose la fusion de la HADOPI et du CSA dans une nouvelle autorité, nommée ARCOM, laquelle deviendra le régulateur unique, mieux armé pour couvrir toutes les problématiques de communication dans l’environnement numérique, y compris celles relatives au droit d’auteur.

Concernant la délégation au fond attribuée à notre commission, nous accordons une pleine confiance à notre rapporteur. Ces articles permettent de renforcer les outils visant à consolider le marché unique du numérique, afin d’offrir au consommateur un service de qualité et de proximité.

Le groupe La République en Marche est favorable à ce texte, qui permet d’adapter notre système juridique au nouveau paysage audiovisuel et de redonner aux acteurs traditionnels les moyens de rester compétitifs. Je tiens à souligner les avancées importantes du texte qui renforce la responsabilité des plateformes numériques en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage et crée une nouvelle stratégie pour le service public de l’audiovisuel. Je salue notre rapporteur pour son travail : ses messages sont clairs et nous assurent l’équilibre et la cohérence du texte.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le projet de loi soumis à notre examen est particulièrement important, en ce qu’il adapte le cadre législatif du service public de l’audiovisuel aux lourdes mutations du secteur. Malgré son potentiel, notre service public est, une fois de plus, mis à l’épreuve des réalités libérales et de l’évolution technologique du numérique. Nous devons renforcer notre cadre législatif pour faire face à la pression des acteurs internationaux et reprendre la main sur notre souveraineté culturelle. À l’heure où d’autres médias et acteurs s’affirment, l’audiovisuel public doit se transformer pour répondre à cette nouvelle concurrence et offrir à son tour de nouveaux services. Le groupe MODEM et apparentés approuve la volonté du Gouvernement de créer un plus grand dynamisme culturel. Il est primordial que notre service public obtienne les outils nécessaires, afin de remplir sa mission essentielle de cohésion sociale, par le biais de programmes innovants, complets en matière de genres et d’horaires et ouverts vers de nouveaux publics.

Le travail des acteurs de l’audiovisuel doit aussi être protégé et indépendant, permettant une coordination plus opérationnelle du service. Notre service public doit jouer un rôle spécifique dans notre démocratie. Il convient d’incarner les valeurs de qualité et de gouvernance. Au groupe MODEM, nous entendons lui apporter plus de visibilité et de clarté, en définissant précisément ses ambitions. Nous devons simplifier les schémas. Mais nous devons également protéger les citoyens des excès de l’ère numérique et leur offrir un service plus proche et plus efficace. De ce fait, je salue, au nom de mon groupe, la fusion de la HADOPI et du CSA. L’ARCOM aura de nombreuses tâches de plus grande envergure : lutte contre le streaming illégal sous toutes ses formes ; établissement d’une liste noire des sites pirates et suppression de ces sites ; renforcement de la législation audiovisuelle ; ou encore application de mesures préventives. Il est à espérer que ce nouvel organe disposera de moyens à la hauteur de ses ambitions, notamment des outils nécessaires pour lui permettre d’être véritablement impartial et indépendant.

Le texte opère la transposition de nombreuses directives, dont celle sur les services de médias audiovisuels, dite « SMA », qui redéfinit l’indépendance des régulateurs nationaux. Le projet de loi adapte ainsi la protection de toutes les parties prenantes à l’acte de création, en particulier des auteurs et des artistes, en transposant la directive sur le droit d’auteur, votée au Parlement européen en mars 2019, celle relative aux droits voisins ayant déjà été transposée à l’initiative de mon groupe.

Sur un tout autre plan, notre service public doit devenir une véritable industrie à portée internationale dans un paysage audiovisuel mondial marqué par une concurrence de plus en plus vive. Cela doit commencer par une plus grande reconnaissance de France Médias Monde et par la mise en avant de sa chaîne, France 24, qui compte près de 80 millions de téléspectateurs, en moyenne, chaque semaine. Cette chaîne est une vitrine, au service du rayonnement de la France à l’étranger.

Il serait aussi nécessaire de permettre au service public d’être accompagné par des acteurs du digital et du marketing, afin de bénéficier d’un regard extérieur, de nouvelles possibilités d’approches, d’innovation, de dynamisme et de nouveaux outils numériques.

Enfin, il convient de réduire les coûts structurels de la production, dont les coûts internes sont trop élevés. Le système doit être simplifié, afin de donner toute sa souveraineté à France Médias.

Pour conclure, mes chers collègues, il s’agit de renforcer la diversité de notre offre et de renouveler le rapport qu’entretiennent avec elle nos concitoyens.

M. Serge Letchimy. Permettez‑moi de prendre l’outre‑mer comme terrain d’analyse de votre réforme. Sous couvert de mutations numériques, de besoins d’une nouvelle gouvernance de l’audiovisuel, de lutte contre de nouvelles concurrences, de transpositions de directives européennes, vous reconstruisez un service public de l’audiovisuel, en remettant en cause ce qui existe. Vous vous servez de l’idée de la loi de 1986, la liberté de communication, pour aller vers une extinction de ce que l’on peut appeler la diversité culturelle dans la République. À mon sens, l’organisation relative aux pays outre‑mer devrait être sensiblement différente de l’organisation nationale. Vous supprimez France Ô, ainsi que ses déclinaisons en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie, à Mayotte et en Nouvelle‑Calédonie, en recentrant la production et la pensée audiovisuelles, partant, la culture, au niveau national et en confiant à des plateformes numériques le soin de valoriser notre propre culture ultramarine. C’est une erreur. La survie culturelle de ces territoires nécessite une adéquation entre la communication, l’information, la production de terrain et leur identité, leur culture, leur géographie et, plus encore, leur positionnement dans le monde. C’est en croisant les cultures que l’on peut tirer le maximum de richesses, et non pas en les intégrant à un système assimilationniste. Comment ferez‑vous apparaître l’existence de ces territoires sur des chaînes qui auront été recentrées sur le point de vue national ?

La deuxième chose que vous avez complètement ignorée dans le texte, ce sont les très petites télévisions de proximité. Ce sont de petites chaînes privées, des chaînes populaires, qui tirent leur essence, leur existence et leurs moyens d’un travail incroyable visant à démontrer que ces territoires éloignés ne se résument pas aux grèves, aux assassinats ou à la délinquance, soit autant de biais de stigmatisation, mais qu’il existe aussi, chez eux, diverses formes de beauté à privilégier, tant dans leur paysage que dans leur culture. Ces petites chaînes représentent de 18 à 40 % des parts d’audience, à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe. C’est un million de personnes qui les regardent fréquemment, sur les 2,3 millions d’habitants. Ce sont cinq cents salariés et sept cents intermittents. Que leur proposez‑vous ? Comment allez‑vous organiser le marché publicitaire pour éviter qu’elles ne soient en concurrence directe avec les chaînes dites nationales, qui bénéficieront, elles, d’une subvention de l’État ? Comment pouvez‑vous assurer le marché des achats de contenus sur le plan national et sur le plan local ? Comment comptez‑vous renforcer la production locale de ces petites chaînes mais aussi des chaînes publiques locales ?

M. François Ruffin. Monsieur le secrétaire d’État, vous faites une loi sur les médias, soit, au sens étymologique, sur les « moyens ». Mais à quelle fin ? Dans le texte, le mot « écologie » apparaît zéro fois, tout comme le mot « démocratie », mais le mot « finances » apparaît neuf fois, « concurrence » vingt fois et « consommation » cinq. Le texte ne va pas passer par la commission du développement durable, et je le regrette. Je pense, en effet, que tout projet devrait être examiné par le ministère de l’écologie et, chez nous, par la commission du développement durable, dans la mesure où il existe toujours un enjeu écologique ou, en l’occurrence, anti‑écologique. Vous ajoutez une troisième coupure publicitaire à l’intérieur des films. Vous proposez que, pendant les rencontres sportives, l’écran soit partagé entre la publicité d’un côté et le match ou le Tour de France de l’autre. Vous offrez la possibilité de placer des produits dans des séries. En somme, vous ouvrez un nouveau champ aux marques, pour qu’elles décident de ce qui doit exister ou non dans notre société, qu’elles dessinent ce qu’est la réussite, le progrès ou le bonheur : des voitures, des parfums ou des bijoux.

Aussi la véritable question est‑elle moins : au service de quoi faites‑vous la réforme, mais au service de qui ? Clairement, de Bolloré avec Canal + et C8, de Bouygues avec TF1 et LCI et de Drahi avec BFM ! Les justifications de vos mesures se font en permanence sur le terrain de la compétitivité, de la concurrence, du pouvoir d’attraction auprès des marques et en faveur de ces chaînes de télévision. Il s’agit évidemment d’un cadeau discret offert à ces magnats des médias, qui ont ouvertement fait campagne pour M. Emmanuel Macron, un retour d’ascenseur. Dans une proposition de loi, j’avais avancé que l’on croisait 5 000 marques par jour. Un spécialiste m’avait corrigé : on en croiserait 10 000 ! Les 2 000 publicités quotidiennes ne sont‑elles pas suffisantes à vos yeux ? Considérez‑vous qu’il n’y a pas suffisamment de temps de cerveau disponible offert par TF1 à Coca‑Cola ? Faut‑il resserrer encore les barreaux de la cage de fer du consumérisme ou, au contraire, les desserrer, pour aider les cerveaux et les esprits à s’en échapper, afin de connaître notre passé, de nous informer sur notre présent, de bâtir notre avenir et de mettre les médias au service d’autres valeurs que l’argent ?

Mme Christine Hennion. J’ai eu l’occasion d’étudier ce texte dans le cadre de la commission des affaires européennes où j’ai pu voir tout ce que l’Europe lui avait apporté. S’il transpose cinq directives, n’oublions pas qu’elles ont été en grande partie inspirées par la France, aussi bien pour ce qui concerne les droits d’auteur que pour ce qui relève du droit européen des télécommunications. Il est très important de percevoir cette dimension du texte, lequel est un moyen d’affirmer notre souveraineté culturelle européenne. Une telle évolution nous semble peut‑être moins évidente en France, où nous avons déjà l’habitude d’avoir 30 % de contenus européens dans nos programmes, mais cela n’est pas forcément le cas dans tous les pays européens. C’est une vraie chance pour l’Europe.

La France étant l’un des premiers pays à transposer certaines directives, comme celle sur le droit d’auteur, beaucoup de discussions sont encore en cours à Bruxelles pour préciser les lignes directrices et voir notamment ce que signifient les « meilleurs efforts » pour les plateformes qui vont devoir rémunérer les auteurs. Comment faire pour éviter l’insécurité juridique ? D’autres points auraient pu être davantage creusés. Les opérateurs et services overthetop (OTT) apparaissent dans le code des communications électroniques européen. Mais qu’en est‑il, par exemple, des jeux vidéo, alors que les frontières avec le cinéma et les dessins animés sont de plus en plus poreuses ?

M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique. Monsieur Letchimy, je vous remercie pour votre question. Le traitement des outre‑mer, dans le cadre de la réforme audiovisuelle et de la création de France Médias, a fait l’objet de plusieurs débats. J’étais d’ailleurs la semaine dernière en Guyane, où la question a été abordée, notamment sur les plateaux de Guyane La Première et de Kourou TV. Il me semble – corrigez‑moi, Monsieur Letchimy, si je me trompe – que ce qui tient au cœur des outre‑mer, avant même de disposer de leurs propres chaînes de télévision, c’est d’être intégrés comme des territoires de plein droit, d’être traités comme les autres et d’être visibles, en tant que parties d’une République indivisible, au sein de la collectivité nationale.

Aussi devons‑nous nous demander comment améliorer encore la visibilité des outre‑mer. France Ô était‑elle vraiment la meilleure manière de traiter les outre‑mer et la question des outre‑mer au sein des programmes télévisuels nationaux ? Si je comprends bien le symbole que représente la chaîne. France Ô remplissait, en réalité, assez imparfaitement cette mission. C’est pourquoi nous avons décidé d’arrêter sa diffusion hertzienne, qui sera effective au 9 août 2020. La date a été volontairement choisie afin d’assurer une période de transition après le lancement de la plateforme numérique réservée aux outre‑mer, prévue le 31 mars.

J’en reviens à la question de la visibilité des outre-mer sur France Télévisions, qui me paraît essentielle. Certes, France Ô était regardée par les Ultramarins pour les informations qu’elle diffusait sur ces derniers mais, comme vous l’avez souligné, les petites télévisions locales rassemblaient une audience plus nombreuse encore.

Le plus important, c’est bien que les Français de l’Hexagone aient accès à la réalité des outre-mer, et ce souci a été au cœur des discussions sur le pacte pour la visibilité des outre-mer signé le 11 juillet dernier entre France Télévisions et le Gouvernement. De nombreux parlementaires se sont également impliqués sur ce sujet. L’objectif est d’augmenter la visibilité des outre-mer sur France Télévisions. Il se décline en 25 engagements mesurés par 11 indicateurs.

Le cahier des charges de France Télévision intègre désormais un nouvel article consacré aux outre-mer qui reprend de nombreux engagements du pacte et qui prévoit de garantir une place appropriée à l’actualité, aux territoires et aux populations d’outre-mer dans les éditions nationales d’information de France Télévisions et de diffuser un programme ultramarin en première partie de soirée sur une antenne nationale chaque mois, un magazine généraliste consacré à l’actualité, aux sociétés et aux cultures d’outre-mer, un bulletin quotidien d’information sur l’outre-mer et des documentaires ultramarins de façon régulière.

Le pacte inclut également un soutien à la production de documentaires tournés en outre-mer à hauteur d’au moins 2 millions d’euros par an.

Le premier bilan de suivi des engagements de ce pacte est très positif : 23 des 25 engagements ont d’ores et déjà été remplis.

Concernant les petites chaînes outre-mer, il ne me semble pas que la réforme modifie la situation actuelle : le projet de loi ne tend pas à créer un déséquilibre nouveau. La charte conclue en 2015 sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour éviter une concurrence déloyale des grandes chaînes nationales à l’encontre des chaînes locales en matière de publicité reste applicable et fera l’objet d’une supervision spécifique par le régulateur.

Je suis convaincu que la visibilité des outre-mer au plan national sera meilleure après la réforme et qu’il ne faut pas s’arrêter à la seule suppression de France Ô. Une fois encore, cet objectif sera sans doute mieux servi par l’attribution de créneaux spécifiques au sein de chaînes nationales regardées à la fois par les Français de l’Hexagone et des outre-mer que par l’existence d’une chaîne spécifique.

J’en viens à l’intervention de M. Ruffin, qui était assez fournie. Vous posez au fond la question de l’opportunité de la propriété privée des médias, Monsieur le député, mais à mon sens cette situation vaut mieux qu’un monopole de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF).

Le but assigné à ce projet de loi est de donner à l’audiovisuel public, aux chaînes existantes, les moyens de se battre à armes égales avec les acteurs tels que Netflix en leur garantissant un montant d’investissement suffisant pour hisser l’expérience des utilisateurs au niveau de ces plateformes émergentes, dont les capacités en termes d’investissement, de diffusion et d’attraction sont aujourd’hui bien supérieures.

Certes, Netflix et les nouveaux entrants du monde numérique doivent prendre leur juste part dans le financement de la création culturelle française et ne peuvent continuer d’échapper aux règles en vigueur. Toutefois, si ces services ont une audience aussi importante, c’est notamment en raison de leurs capacités d’investissement.

Vous pouvez bien sûr m’objecter la nécessité d’accroître l’investissement de la puissance publique. Je rappelle néanmoins que le financement de la télévision publique continue de reposer sur la redevance : si nous décidions de nationaliser toutes les chaînes de télévision au motif que la propriété privée des médias serait un problème, il faudrait non seulement lui appliquer un coefficient multiplicateur correspondant au nombre de chaînes à financer, mais aussi augmenter sa valeur pour assurer un niveau de qualité de service suffisant.

Comme souvent, Monsieur Ruffin, vous faites un raccourci en agitant le chiffon rouge des intérêts privés, mais il y a une régulation des médias audiovisuels, et les sociétés de rédaction ont fait la preuve à plusieurs reprises de leur indépendance. Je vous le concède, nous n’avons pas prévu de remettre en question le principe de la propriété privée qui régit notre économie, mais vous pourrez nous savoir gré de tout mettre en œuvre pour essayer, dans ce système, de trouver les voies et moyens permettant le financement de programmes de qualité avec, concernant le service public, une mission spécifique de promotion de la culture.

Vous avez raison de souligner les problèmes posés par l’économie de la gratuité car, comme on le dit, quand c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit. Le fait est que, en particulier sur internet, le paiement est biaisé, il intervient par des moyens détournés. Les solutions ne sont pas simples, et vous semblez vous-même à court de propositions pour répondre aux problèmes posés.

L’urgence actuelle, c’est-à-dire la concurrence des sociétés américaines ou étrangères, qui gagnent de plus en plus de parts de marché, nous commande de donner à nos entreprises, aux médias culturels européens, la capacité de se battre à armes égales avec leurs concurrents dans le cadre régulé existant propre à la presse.

Quant aux thèmes de la démocratie et de l’environnement, il me paraît plus judicieux de faire en sorte que les médias concernés par le projet de loi puissent les développer en toute indépendance, plutôt que d’influencer leur ligne éditoriale. Une telle immixtion de la part du Gouvernement, du Parlement ou de toute autorité politique serait d’ailleurs malvenue. La démocratie, en particulier, s’appuie notamment sur la pluralité, la diversité des médias, laquelle est menacée par les difficultés que rencontre le modèle économique actuel et que nous essayons de résoudre.

Madame la députée Christine Hennion, vous m’avez interrogé sur la notion de « meilleurs efforts ». Nous avons déjà eu un débat de la même teneur au sujet de la proposition de loi de votre collègue Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Nous nous dirigeons en effet de plus en plus vers une politique publique dite de la compliance, terme anglo-saxon pour lequel il n’existe pas de traduction en français, la notion de meilleurs efforts étant elle-même ancrée dans la tradition juridique anglo-saxonne : les entreprises doivent démontrer qu’elles fournissent leurs meilleurs efforts pour remplir les conditions requises par le régulateur, qui aura les moyens de le vérifier par ses pouvoirs d’enquête sur pièces et sur place.

L’histoire a montré qu’il est vain de figer le dispositif légal : parce qu’il est difficile d’anticiper les modèles d’affaires ou les produits qui seront développés dans le futur au moment de l’écriture de la loi, celle-ci est souvent contournée. La notion de meilleurs efforts gagnerait peut-être à être mieux définie, au moyen par exemple d’un faisceau d’indices, mais il convient de laisser le régulateur juger de la bonne foi des entreprises, comme c’est le cas pour la régulation des télécommunications, et il revient toujours au juge d’apprécier une telle adéquation en dernière instance. Si une sanction doit être prise, l’entreprise peut saisir le juge, lequel évaluera si les meilleurs efforts ont été mis en place en l’espèce.

Sur les jeux vidéo, j’avoue que vous me prenez un peu de court. Comme vous le voyez, des réponses m’ont été transmises en direct, mais en raison de leur caractère illisible et complexe, je vous propose que nous y revenions en séance dans un mois.

M. le président Roland Lescure. Voilà qui en dit long sur les compétences manuscrites de votre équipe, Monsieur le secrétaire d’État – vous n’êtes pas chargé du numérique sans raison ! (Sourires.)

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre présence en commission des affaires économiques pour accompagner le début de l’examen de ce projet de loi de réforme audiovisuelle, qui se poursuivra la semaine prochaine en commission des affaires culturelles.

Les interventions des différents orateurs n’appelant pas nécessairement de réponse de ma part, je m’en tiendrai à quelques remarques.

J’avais cru, constatant que vous n’aviez déposé aucun amendement, que vous étiez favorable au texte, Monsieur Ruffin. J’ai donc été un peu surpris du ton de votre propos. Vous affirmez en particulier qu’il n’est pas question d’environnement dans le projet de loi. Or, il est précisé à l’alinéa 37 de l’article 59 que les sociétés de l’audiovisuel public, dans le cadre de leurs missions de service public, « participent à l’éducation à l’environnement et au développement durable », ce qui constitue au moins une mention.

En outre, nous allons examiner un amendement déposé par M. Matthieu Orphelin auquel je donnerai un avis favorable et qui a pour objet de renforcer la mobilisation des médias de l’audiovisuel public afin qu’ils recherchent une plus grande cohérence entre la publicité qu’ils diffusent et les enjeux de la transition écologique. Vous le voyez : nous sommes capables de manier en même temps les deux concepts sur lesquels vous vous êtes exprimé.

Sur la notion de meilleurs efforts, je vous invite à vous reporter à l’article 22 du projet de loi, qui précise la mission d’évaluation de l’ARCOM à cet égard. Comme l’a dit le secrétaire d’État, l’interprétation de ce concept juridique anglo-saxon appelle encore quelques précisions.

M. Cédric O, secrétaire d’État. J’ajouterai un dernier élément au sujet d’un amendement du rapporteur qui reprend un dispositif introduit dans la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Cet amendement tend à ce que les annonceurs publient la liste des sites avec lesquels ils entretiennent des relations commerciales afin d’éviter le financement de sites illégaux ou préalablement condamnés. Je vois cette mesure d’un œil très favorable, même si elle pose inévitablement des questions techniques, qui ne sauraient néanmoins constituer un obstacle dirimant à son application. Je propose au rapporteur qu’une concertation soit menée afin que nous puissions progresser sur le sujet d’ici à la séance.

 

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

 

M. le président Roland Lescure. Nous examinons, par priorité, les articles pour lesquels la commission des affaires culturelles et de l’éducation a sollicité notre avis, à savoir les articles 60, 61 et 64.

 

Article 60 (articles L. 450-4, L. 461-3, L. 462-2-1 [abrogé], L. 464-5 [abrogé], et L. 464-9 du code de commerce) : Mesures de simplification des procédures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE67, CE72 et CE73 du rapporteur pour avis.

 

Puis elle examine l’amendement CE68 du rapporteur pour avis

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à supprimer les dispositions qui tendent à faire de la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence la procédure de droit commun.

Le dispositif actuel suscite des grandes craintes qui émanent à la fois du monde entrepreneurial et des avocats. Un rééquilibrage du dispositif est nécessaire. Faute de mieux, je propose à ce stade la suppression de ces dispositions et je souhaite que nous travaillions avec le Gouvernement à une nouvelle disposition en vue de la séance.

Je préfère supprimer un alinéa en amont de l’examen du texte en séance et en aviser l’ensemble des acteurs concernés par le dispositif. En prenant ainsi acte de l’impossibilité d’améliorer celui-ci par voie d’amendement au stade de l’examen en commission, nous pourrons travailler à une rédaction plus cohérente, plus résistante et conforme à l’objectif qui était visé à l’origine.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination juridique CE69 et CE70 du rapporteur pour avis.

 

Elle adopte enfin l’article 60 modifié.

 

Article 61 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive « ECN + » et à prendre d’autres mesures de simplification des procédures

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE66 du rapporteur pour avis.

 

Elle adopte ensuite l’article 61 modifié.

 

Article 64 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive portant code des communications électroniques européennes et à prendre diverses aux autres mesures de simplification et d’adaptation du code des postes et des communications électroniques

 

La commission adopte les amendements rédactionnels CE65 et CE64 du rapporteur pour avis.

 

Puis elle adopte l’article 64 modifié.

 

Article 16 : Transposition en droit interne des dispositions de l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits d’auteurs

 

La commission examine l’amendement CE60 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’objectif de cet amendement est de prévoir expressément la possibilité pour les ayants droit de passer par des tiers pour transmettre les informations pertinentes aux plateformes, en l’occurrence leurs empreintes. Dans la pratique, les ayants droit passent déjà par des fournisseurs de technologie spécialisés dans l’identification des contenus audio ou vidéo pour centraliser leurs empreintes et les communiquer aux plateformes.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission est ensuite saisie de l’amendement CE61 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objectif de permettre aux vidéastes, autrement appelés youtubeurs, des solutions de recours internes en cas de décision affectant les revenus qu’ils tirent de la publication de leurs contenus.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 modifié.

 

Article 17 : Transposition en droit interne des dispositions de l’article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique relatives au droit des titulaires de droits d’auteurs

 

La commission examine l’amendement CE62 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. À l’instar du premier amendement que j’ai déposé à l’article 16, le présent amendement vise à apporter une précision concernant les modalités de transmission des informations pertinentes et nécessaires que les ayants droit devront transmettre aux services de diffusion de contenus.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 modifié.

 

Article 22 : Définition des missions de l’ARCOM dans la lutte contre le piratage

 

La commission examine l’amendement CE71 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’amendement auquel le secrétaire d’État a fait référence avant de quitter la salle : dans la continuité de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, nous reprenons le dispositif « follow the money » en le rendant plus offensif.

L’amendement tend à apporter des précisions concernant les nouvelles obligations qui seront faites aux acteurs de la publicité et du paiement en ligne dans le cadre du présent projet de loi en reprenant la rédaction retenue dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Il est en effet nécessaire d’englober tous les acteurs de la chaîne publicitaire et de préciser que la publication des relations commerciales avec des sites contrefaisants devra être annuelle.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 modifié.

 

Après l’article 22

 

La commission examine l’amendement CE63 du rapporteur pour avis.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’amendement qui vient d’être adopté était la première lame du rasoir ; voici la seconde.

Prenant acte d’une situation qui nuit à la clarté de l’information à destination de l’annonceur et donc à l’efficacité des dispositifs « follow the money », le présent amendement vise à obliger les vendeurs d’espaces publicitaires à communiquer les noms de domaine aux annonceurs et à instaurer une amende de 30 000 euros en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 23 de la loi « Sapin » – les obligations inscrites dans ce dernier texte étaient non contraignantes.

L’objectif est de renforcer l’efficacité des dispositifs « follow the money » afin d’assécher le financement des sites contrefaisants.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 59 : Missions, organisation et gouvernance de l’audiovisuel public

 

La commission examine l’amendement CE45 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit d’un amendement de précision tendant à clarifier les missions de service public des sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 de la loi du 30 septembre 1986 en insérant une référence à l’éducation.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Mme Bessot Ballot sur ce texte et son investissement, car ce premier amendement sera suivi de nombreux autres, et tous abordent des sujets importants.

L’éducation en est un, mais elle est mentionnée à l’alinéa 33 de l’article 59 au titre de mission de service public. Un ajout en début d’article serait donc superfétatoire. C’est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement, Madame la députée ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine l’amendement CE46 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement vise à inclure un objectif de diffusion de 50 % de compétitions féminines dans l’offre de programmes de proximité de façon à atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes à la télévision.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de préciser que les compétitions sportives diffusées par le service public audiovisuel devront comprendre une part d’événements féminins.

Même si l’ajout me semble peu normatif, j’adhère largement à l’objectif visé et m’en remettrai donc à la sagesse de la commission.

M. Fabien Di Filippo. L’objectif paraît louable, mais pose des questions en termes d’application. S’agit-il de temps strict durant lequel on ne montre que des pratiques féminines distinctes des pratiques masculines, ou peut-on comptabiliser une diffusion mixte telle que celle de Roland Garros, compétition qui s’étale sur deux semaines avec une alternance de matchs féminins et masculins ? En outre, certaines disciplines sportives de compétition sont moins féminisées que d’autres. Peut-être quelques précisions sont-elles nécessaires avant de voter cet amendement, car son application me semble assez complexe ; il ne suffit pas d’écrire le principe pour le rendre opérant.

Mme Barbara Bessot Ballot. J’entends bien vos arguments, mais l’inscription dans la loi d’une politique volontaire me paraît indispensable pour avancer. De fait, les compétitions masculines occupent une part plus importante du temps de diffusion des programmes sportifs. Concernant le tournoi des six nations au rugby, dont plusieurs matchs masculins ont été diffusés le week-end dernier, une place plus importante est faite aux féminines, puisque deux rencontres sont retransmises cette année sur France 2. La diffusion des compétitions féminines commence donc à se développer.

Il y a aussi toute une économie qui gravite autour de ces retransmissions. En inscrivant dans la loi qu’il est nécessaire d’avoir une visibilité plus importante du sport féminin, nous encourageons aussi un rééquilibrage de l’économie du sport à la télévision.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission examine l’amendement CE48 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement, de précision, vise à inclure la dimension européenne de l’actualité.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Parce que la sensibilité bien connue de la Haute-Saône pour la dimension européenne est partagée par le plus grand nombre sur ces bancs, l’avis est favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission examine l’amendement CE49 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’apprentissage des langues étrangères revêt une importance majeure dans nos sociétés multilingues. J’avais d’ailleurs développé ce sujet dans ma profession de foi aux élections législatives, en défendant un accès plus naturel aux langues dans tous les territoires.

On constate quand on voyage à l’étranger que l’audiovisuel public propose des programmes en langues étrangères. De tels services me paraissent devoir être proposés aussi en France, de façon que nos enfants puissent apprendre des langues plus facilement en regardant la télévision.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je partage pleinement cet objectif mais étant donné que l’alinéa 36 prévoit la diffusion d’œuvres étrangères dans leur version originale, cet amendement me paraît déjà satisfait. Je vous demanderai donc de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Barbara Bessot Ballot. Nous avons longuement discuté de ce sujet, notamment parce qu’un texte était en préparation, et je sais que le Gouvernement a cette même volonté de mettre les langues à l’honneur sur la télévision publique.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine l’amendement CE47 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’article 54 du présent projet de loi prévoit l’adoption de codes de bonne conduite afin de prévenir l’exposition des enfants aux publicités relatives à des aliments ou boissons dont la présence excessive dans le régime alimentaire n’est pas recommandée. En effet, l’impact de la télévision sur les comportements alimentaires, notamment auprès des plus jeunes, est une question de santé publique primordiale.

L’amendement vise ainsi à ajouter aux missions de service public audiovisuel le fait d’assurer une alimentation saine, sûre et durable, telle que nous l’avions défendue dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM).

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je partage les objectifs de l’amendement, mais l’ajout que vous suggérez est inclus dans la mission plus globale d’information sur la santé prévue à l’alinéa 38 ainsi que dans les missions relatives à l’environnement et au développement durable inscrites à l’alinéa 37.

Il me paraît donc répétitif de prévoir dans la loi cette mission supplémentaire, même si elle est fondamentale.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine l’amendement CE74 du rapporteur.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Cet amendement, dont M. Mathieu Orphelin est à l’origine, a pour objet de renforcer la mobilisation des médias de l’audiovisuel public afin qu’ils recherchent une plus grande cohérence entre la publicité qu’ils diffusent et les enjeux de la transition écologique, et en fassent état dans un rapport annuel.

Cette mobilisation spécifique aux médias du service public – Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, ARTE et TV5 Monde – a vocation à être étendue par la suite au secteur privé.

M. Mathieu Orphelin m’ayant prévenu qu’il ne pourrait être présent, j’ai déposé un amendement identique au sien, mais je rends à César ce qui appartient à César.

M. Fabien Di Filippo. Si je comprends bien, il s’agit pour les sociétés de l’audiovisuel public d’établir un rapport annuel, mais comment ces prestataires pourront-ils favoriser les publicités à visée environnementale ? En proposant des tarifs préférentiels ? Rien n’est précisé non plus sur ce qu’on peut considérer comme une publicité allant dans le sens du développement durable.

À nouveau, si je vous rejoins sur le principe, il me semble que cette disposition pose plusieurs problèmes d’ordre pratique. J’aimerais savoir si M. Orphelin vous en a dit davantage sur ses intentions, Monsieur le rapporteur.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. M. Orphelin n’a pas été plus détaillé dans ses explications, mais le dispositif qu’il présente ne fixe pas un cadre très contraignant. L’objectif est de consigner dans un rapport les efforts mis en œuvre en matière de publicité au regard des enjeux de la transition écologique, de la lutte contre le gaspillage, de la préservation des ressources et du développement durable. Concrètement, la ventilation par catégorie des publicités diffusées permettra de mesurer la mobilisation des sociétés de l’audiovisuel public. C’est du moins ce que je comprends, et c’est la raison pour laquelle je défends cette disposition.

M. Fabien Di Filippo. S’agit-il de mesurer ou de fixer des critères, comme pour le « Manger-Bouger » ?

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. Je comprends votre inquiétude, mais il s’agit uniquement d’évaluer la publicité et de mesurer son respect de certains critères.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle en vient à l’amendement CE50 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement concerne la diffusion d’œuvres et de programmes en version originale sous-titrée, dans le cadre des efforts en faveur de l’apprentissage des œuvres étrangères.

M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis. L’article 59 prévoit que le cahier des charges de la société France Télévisions précise les conditions dans lesquelles elle met en œuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les œuvres de fiction qu’elle diffuse, sa mission de promotion de l’apprentissage des langues étrangères.

Pour ce qui concerne la question de la diffusion de programmes en version originale sous-titrée proposée par votre amendement, j’en partage les objectifs mais cela ne relève pas du domaine de la loi : l’article 26 du cahier des charges de France Télévisions prévoit déjà l’obligation pour la chaîne de « favoriser l’apprentissage des langues étrangères par la diffusion de programmes spécifiques, notamment destinés à la jeunesse, ainsi qu’en développant une offre de programmes en version multilingue, en particulier des œuvres de fiction ». Il précise en outre qu’à cette fin France Télévisions « s’appuie sur les possibilités offertes par la technologie numérique, qui permet au téléspectateur de choisir la version linguistique du programme, originale, avec ou sans sous-titre, ou doublée en français ».

Le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatif à l’exécution du cahier des charges de France Télévisions pour l’année 2018 souligne que l’entreprise a proposé 1 170 heures de programmes en version multilingue sur l’ensemble de ses antennes, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à 2017.

Je demande donc le retrait de cet amendement sinon avis défavorable.

Mme Barbara Bessot Ballot. À vous entendre, Monsieur le rapporteur, l’amendement est satisfait et je vais donc le retirer. Néanmoins, j’aurais préféré que cela soit inscrit dans la loi.

M. Fabien Di Filippo. Un certain nombre d’amendements portaient sur la pratique des langues étrangères à la télévision. Or il me semble que, si nous créons un outil tel que France Médias, c’est avant tout pour promouvoir et diffuser la culture française.

Il existe déjà des programmes, y compris des dessins animés, faits pour promouvoir l’apprentissage des langues, et il me semble qu’aller plus loin doit impliquer a minima des accords conventionnels avec les médias étrangers pour qu’ils diffusent des films en français sous-titrés. Nous faisons toujours preuve d’une grande ouverture en la matière, mais il me semble que le principe de réciprocité doit être respecté.

M. le président Roland Lescure. Ayant vécu une bonne dizaine d’années dans un pays bilingue, j’ai eu l’occasion de voir à la télévision beaucoup de films en français, sous-titrés ou non. Nous sommes en la matière en retard sur les Scandinaves, les Canadiens et les Anglais. Évidemment, il y a les Américains, et vous avez raison d’insister sur le principe de réciprocité.

L’amendement CE50 est retiré.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 59 modifié.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

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Informations relatives à la commission

Une mission d’information sur les moyens de juguler les entraves et obstructions opposées à l’exercice de certaines activités légales est créée. Cette mission est commune à la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi qu’à la commission des lois. Cette mission sera possiblement composée de 19 membres.

Pour la commission des affaires économiques ont été nommés :

• pour le groupe La République en Marche : M. Grégory Besson-Moreau et Mme Laurence Gayte ;

• pour le groupe Les Républicains : M. Daniel Fasquelle ;

• pour le groupe Modem : M. Richard Ramos ;

• pour le groupe UDI, Agir et Indépendants : M. Antoine Herth.

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Une mission d’information sur les enjeux économiques de la sécurité est créée. Mme Jacqueline Maquet et M. Dino Cinieri ont été nommés rapporteurs de cette mission.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 25 février 2020 à 17 h 15

Présents.  M. Damien Adam, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez‑Audebert, M. Fabien Di Filippo, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Guillaume Kasbarian, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, Mme Graziella Melchior, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin