Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance 2


Mercredi
9 septembre 2020

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 49

session extraordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Véronique Riotton,
Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Mme la présidente Véronique Riotton. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, pour une présentation du plan de relance. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation.

Le Gouvernement a présenté le 3 septembre dernier le plan de relance, en particulier aux commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales de notre Assemblée. Au vu des enjeux qui lui sont attachés, il nous a semblé important que les députés de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire puissent également échanger avec vous sur ce sujet, en particulier sur la transition écologique, à laquelle trente milliards d’euros sont dédiés. Je vous laisserai le soin de nous présenter les grands axes du plan de relance, puis d’apporter les précisions que nous serons nombreux à vous demander.

Précisons que l’un des enjeux centraux pour notre commission est celui des contreparties environnementales aux mesures prévues par ce plan, qui pourront être demandées aux secteurs ou aux acteurs qui en bénéficient. La relance est évidemment indispensable, mais au-delà de l’indéniable urgence, il nous faut préparer l’avenir et nous inscrire résolument dans l’objectif de neutralité carbone. Ce plan est une occasion unique d’adopter des mesures structurelles qui orienteront notre économie dans la durée. Se posent dès lors des questions précises sur les indicateurs à utiliser, l’écoconditionnalité de certains soutiens, le suivi qui en sera fait ou encore les modalités d’intégration de ce plan dans le budget « vert ».

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Merci, madame la présidente. Le plan de relance présenté avec le Premier ministre il y a quelques jours a un objectif stratégique, qui est d’accélérer la transition écologique de notre pays. Par ce plan d’une ampleur sans équivalent depuis plusieurs décennies, nous voulons apporter la preuve que nous pourrons conjuguer compétitivité et décarbonation de notre économie. C’est ma conviction profonde : l’un ne va pas sans l’autre. Ainsi, si nous voulons réussir la transition écologique, nous avons besoin de nouvelles technologies, d’innovation, d’investissements. Nous avons donc besoin d’améliorer la compétitivité.

Trois grandes options s’offrent à nous. Je qualifierais la première de déni, qui consisterait à dire que dans le fond, la transition écologique n’est pas une nécessité, le réchauffement climatique n’est pas grave et que nous pouvons donc continuer comme avant. Cette option a été clairement écartée. La deuxième est de dire que pour réussir la réduction des émissions de CO2 en France, il faudrait croître moins et aller vers la décroissance. Je suis convaincu que le coût social de cette option serait absolument vertigineux pour la France comme pour tous les pays qui s’y engageraient. Cela signifie en effet moins de recherche, des médicaments moins performants, une protection sociale moins efficace, des conditions de vie moins acceptables pour nos concitoyens. Nous avons donc également écarté l’option de la décroissance. Enfin, la troisième option, que nous défendons, consiste à investir dans les technologies qui permettent d’accélérer la transition écologique. Nous pensons que la France peut montrer la voie d’une transition écologique réussie, c’est-à-dire une transition qui concilie réduction des émissions de CO2, protection de la biodiversité et création d’emplois. Il s’agit évidemment d’une option exigeante, plus difficile que les autres, car elle suppose d’investir, de former, de créer de nouveaux métiers et d’ouvrir de nouvelles qualifications. Elle est donc plus exigeante, mais elle est à notre sens la seule option responsable pour la France.

Nous croyons dans une transition écologique qui sera réussie grâce aux technologies, y compris des technologies aujourd’hui critiquées et attaquées. Je constate ainsi que certains attaquent, par exemple, le déploiement de la 5G au motif qu’elle ne servirait qu’à jouer aux jeux vidéo et à visionner des contenus en HD. Je rappelle que sans la 5G, il n’y aura pas d’amélioration des procédés industriels, de relocalisations industrielles, de véhicules autonomes, de possibilité de traiter à distance et de réaliser des opérations chirurgicales à distance par imagerie. Cette 5G est donc indispensable à l’amélioration de nos conditions de vie, et elle devra être déployée selon le calendrier que nous avons défini, tout en répondant aux inquiétudes par le biais d’études autonomes et indépendantes que nous avons demandées de longue date.

Ces innovations sont indispensables pour réussir la transition écologique. C’est dans ce cadre, par exemple, que le plan de relance comprend un investissement massif et inédit dans l’hydrogène. Nous avons annoncé hier avec Mme Barbara Pompili une stratégie pour développer en France les capacités de production d’un hydrogène décarboné. Je rappellerai ici les raisons qui ont motivé ce choix. Nous pourrions considérer que dans le fond, l’hydrogène est une technologie insuffisamment mature et trop coûteuse, qu’il faut attendre. C’est l’option que nous avons retenue pour d’autres ruptures technologiques il y a quelques années, et dont la France comme l’Union européenne paient le prix fort aujourd’hui. C’est ce qu’il s’est passé sur les lanceurs renouvelables, secteur où nous avons été dépassés, mais également sur le numérique et le digital – nous sommes aujourd’hui à la fois dépassés et confrontés à des géants du digital qui sont probablement le plus grand défi économique que nous ayons à affronter pour les vingt-cinq prochaines années. Ne refaisons pas la même erreur sur l’hydrogène et ayons le courage, Français comme Européens, de faire le pari de technologies de rupture qui ne sont pas sûres aujourd’hui, mais qui garantiront notre souveraineté demain.

Notre deuxième choix, qui est difficile et que je veux vous expliquer aujourd’hui, est d’avoir voulu investir dans la production beaucoup plus que dans la consommation. Il aurait été plus simple d’annoncer que nous allions investir 7 milliards d’euros dans l’achat d’hydrogène pour l’industrie ou pour les transports de masse. Mais dans le fond, nous n’aurions fait que subventionner l’usage de l’hydrogène. C’est ce que nous avons fait pour le photovoltaïque : nous avons financé l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques, mais pas la production de ces mêmes panneaux. Nous avons ainsi dépensé des milliards d’euros pour financer l’industrie du panneau photovoltaïque en Chine. Cela a été une erreur politique majeure et une faute économique consistant à utiliser l’argent des Français pour financer l’industrie chinoise. Nous ne referons pas la même erreur ; nous préférons investir dans la production d’hydrogène et assumer que cela prendra plus de temps. Il est vrai que nous pourrions dépenser de l’argent tout de suite pour acheter de l’hydrogène « vert » et qu’il prend plus de temps d’avoir nos propres systèmes d’électrolyse, nos propres réservoirs à hydrogène, nos propres piles à combustible, nos propres systèmes de résistance. Mais demain, grâce à ce choix stratégique, nous serons indépendants sur la production d’hydrogène « vert » en France. Cela prend plus de temps, mais ce choix est davantage respectueux de nos intérêts économiques et stratégiques.

Nous portons aussi dans le plan de relance la vision d’une transition écologique qui doit nous permettre de réduire immédiatement nos émissions. Dans le bâtiment, qui est à l’origine d’un quart des émissions de CO2, un plan massif de rénovation thermique de près de sept milliards d’euros sera engagé pour rénover des bâtiments publics et privés. Dans les transports, nous lancerons des grands plans pour développer le vélo, les transports en commun et le transport ferroviaire. Nous nous appuierons sur des projets déjà existants, sans faire preuve d’esprit partisan. J’ai eu l’occasion de rencontrer la maire de Lille, Mme Martine Aubry, la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo ; nous sommes tout à fait disposés à appuyer les projets qui sont déjà existants et prêts à être développés et accélérés. Dans l’industrie, nous nous attaquerons à la décarbonation des sites industriels, qui représentent 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous allons accompagner les sites industriels les plus émetteurs pour qu’ils passent de chaudières à énergies fossiles à des chaudières à biomasse. Les premiers appels à projets ont été lancés fin août, ce qui permettra de réduire les émissions de CO2 des sites industriels les plus polluants. Enfin, dans l’agriculture, nous investirons massivement pour accélérer la transition écologique et développer l’agriculture biologique et les circuits courts. Au total, notre ambition est de réduire, grâce à ce plan de relance, les émissions de CO2 en France d’environ 57 millions de tonnes sur la durée de vie des projets.

Au-delà de la réduction des émissions, nous souhaitons également réduire notre empreinte carbone, c’est-à-dire relocaliser en France des industries critiques qui sont situées aujourd’hui dans des pays fortement émetteurs de CO2. Le modèle ancien qui consistait à réduire son empreinte carbone en France, mais à réimporter des produits de l’étranger fortement émetteur de CO2 n’est évidemment pas le bon modèle. Nous croyons à un modèle où l’on relocalise l’industrie en France, où on la décarbone dans le même temps et où l’on met en place une taxe carbone aux frontières ou un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières au niveau européen, permettant de taxer les produits de l’étranger qui comportent davantage de CO2. Produire au plus près des consommateurs, avec moins de transports, en relocalisant nos activités industrielles : voilà le modèle que nous défendons.

Nous avons également décidé, dans ce plan de relance, d’investir pour nous adapter au réchauffement climatique. Cela ne veut pas dire que nous nous résignons à ce réchauffement, mais que nous voulons l’accompagner en investissant dans tous les aspects de la transition écologique : la formation des professionnels, la préservation de la biodiversité, la gestion des ressources, la lutte contre la pollution sont quatre exemples d’investissements d’adaptation. 200 millions d’euros vont ainsi être investis pour reboiser certaines forêts françaises et créer des puits de carbone. En tant qu’ancien ministre de l’agriculture, je crois profondément à cet avenir de la filière forêt. 250 millions d’euros seront consacrés au maintien des écosystèmes terrestres, littoraux, maritimes et aquatiques, avec notamment des actions de restauration des aires protégées et de protection du littoral. Enfin, 250 millions d’euros vont permettre de renouveler des agroéquipements et de réduire l’usage de produits phytosanitaires, et donc la pollution.

Les grands éléments que je viens de présenter constituent les 30 milliards d’euros d’investissement spécifiquement dédiés à l’accélération de la transition écologique, mais je tiens à préciser que l’ensemble de notre politique économique doit désormais être guidé par cette ambition. Nous aurons l’occasion de définir ensemble la nouvelle politique de garanties publiques à l’exportation afin de la rendre plus respectueuse de l’environnement. Nous travaillons déjà ensemble sur ce sujet, et nous le préciserons dans le cadre du projet de loi de finances. Les entreprises publiques doivent elles aussi s’engager en matière de transition écologique. Il n’y a pas que les 30 milliards d’euros du plan de relance qui marquent une inflexion forte en faveur de l’accélération de la transition écologique : c’est toute notre politique économique qui doit maintenant être orientée vers l’accélération de cette décarbonation.

Madame la présidente, vous m’avez posé la question des conditionnalités ou des contreparties. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : je ne suis pas favorable aux premières, mais je suis favorable aux secondes. En effet, conditionner des aides implique de les accorder si les conditions sont remplies et de ne pas les accorder si elles ne le sont pas. Or, le temps de le vérifier, la crise sera passée et le plan de relance sera inefficace. Il faut aller tout de suite vers l’exécution du plan de relance pour obtenir des résultats en matière de croissance et en matière d’emploi. En revanche, il me paraît tout à fait légitime que nous demandions des contreparties aux entreprises qui vont bénéficier directement du soutien de l’État. J’observe d’ailleurs que nous avons commencé à le faire. Prenez l’exemple d’Air France : nous apportons 7 milliards d’euros de soutien financier à cette entreprise, nous avons demandé des contreparties environnementales concrètes, comme la fermeture des lignes aériennes quand il existe une alternative de transport ferroviaire à moins de deux heures trente. Nous avons demandé également l’amélioration de la performance énergétique des avions et l’utilisation de davantage de biocarburants.

Je pense que nous pouvons réfléchir à d’autres types de contreparties ; je pense ici notamment au partage de la valeur. Si l’État apporte son soutien à des entreprises, et que des entreprises s’en sortent grâce à ce soutien, il me semble légitime de leur demander, lorsqu’elles auront retrouvé de la valeur et renoué avec les bénéfices, que les salariés en soient les premiers bénéficiaires. Dans l’équilibre des valeurs entre l’actionnaire et le salarié, il me semble que ce dernier doit voir ses efforts mieux récompensés grâce à des accords d’intéressement et de participation.

Je voudrais insister sur un dernier point, car je souhaite être totalement transparent quant à nos choix et à la politique que nous menons en matière d’accélération de la transition écologique. Il ne vous aura pas échappé que nous avons prévu de consacrer 470 millions d’euros du plan de relance à la filière nucléaire. Nous pensons que cette filière est indispensable pour réussir la transition écologique, pour fournir l’électricité décarbonée qui va servir à faire fonctionner les électrolyseurs grâce auxquels on séparera l’hydrogène de l’oxygène, et grâce à laquelle nous pourrons produire de l’hydrogène « vert ». C’est une conviction profonde chez nous – conviction également affirmée, je le rappelle, par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il y a évidemment un débat très légitime sur la gestion des déchets nucléaires et il est important que les travaux en la matière se poursuivent. Mais à mon sens, le nucléaire est une des conditions de notre victoire contre les émissions de CO2. C’est pour cette raison que nous avons choisi, avec le Président de la République, d’investir un demi-milliard d’euros du plan de relance dans le nucléaire pour préserver les compétences, soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) sous-traitantes touchées par la crise et investir en matière de recherche sur des réacteurs de petite et de moyenne puissance, qui peuvent représenter un complément utile à l’offre française.

Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter aujourd’hui. Je suis particulièrement heureux de participer à cette audition, car je crois profondément que cette ambition d’accélération de la transition écologique est de nature à rassembler les Français, à rassembler notre nation et à lui redonner pour les décennies à venir la place qui doit être la sienne sur la scène économique internationale.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, Monsieur le ministre, j’associe à mon intervention notre collègue Mme Nathalie Sarles. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier en tant que secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de la francophonie pour le titre retenu, « France relance », qui tranche avec des choix précédents en franglais. 470 milliards d’euros seront ainsi engagés pour sauver l’économie, sans oublier évidemment le soutien aux salariés, aux entreprises, aux chefs d’entreprise, et ce sans augmentation de fiscalité. Mme Barbara Pompili nous rappelait hier soir sa satisfaction face à ce plan de 100 milliards d’euros, qui dédie 30 milliards d’euros à la transition écologique. Vous avez détaillé certaines de ses actions : rénovation énergétique des bâtiments, décarbonation de notre industrie, recherche en matière d’hydrogène, mobilité et modernisation du secteur ferroviaire, incluant le fret. Mes collègues reviendront certainement sur ces mesures.

Pourtant, ce plan de relance ne pourra réussir – vous l’avez dit – qu’en rassemblant tous les acteurs, en premier lieu les entreprises, de la plus grande à la plus petite, les artisans et les commerçants, sans oublier les collectivités locales, qui portent une partie de l’investissement pour l’emploi local. Ne serait-il pas opportun de rappeler que le code de la commande publique permet également d’éviter la concurrence déloyale de fournisseurs extra-européens qui peuvent proposer des fournitures à bas coût ? C’est ce qu’attendent des dirigeants d’entreprise – je pense ici à Pont-à-Mousson.

Concernant les relocalisations bien évidemment décarbonées que vous avez développées, certaines sont engagées dans le secteur pharmaceutique, ce qui est indispensable. Comment cet effort s’organisera-t-il pour le secteur industriel ? Quelles perspectives envisagez-vous pour les sites industriels vacants ? Je pense, monsieur le ministre, à Altifort Innovatech de Château-Thierry, que vous connaissez bien. Comme le disait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dans sa fable Le Renard et le Bouc : « En toute chose, il faut considérer la fin. » La stratégie est donc de relancer la France par la transition écologique, de lutter contre le réchauffement climatique, de préserver la biodiversité au bénéfice de l’emploi et du progrès social.

Monsieur le ministre, en tant que parlementaires, nous veillerons à la réussite de ce plan et nous vous remercions de votre action.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je ne veux pas évoquer l’ensemble du plan de relance, mais sa partie environnementale. Monsieur le ministre, votre propos introductif nous convient. Vous avez évoqué un certain nombre d’objectifs sur l’hydrogène, mais également le petit nucléaire, nécessaire pour respecter les engagements pris par la France en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Vous avez parlé de relocalisation, de produire au plus près des consommateurs et nous sommes d’accord avec vos paroles. Maintenant, nous attendons les actes.

Prenons deux exemples précis : nous avons aujourd’hui les deux champions mondiaux de la transition écologique, Suez et Veolia. Or, premièrement, Veolia a lancé une OPA hostile contre Suez et nous savons aujourd’hui que derrière cette OPA se trouve un fonds d’investissement assez mal connu, qui pourrait demain gérer tout le volet eau aujourd’hui géré par Suez au niveau national. Monsieur le ministre, quelle est votre position à ce sujet, car nous entendons peu le gouvernement sur cette affaire ? Laisserez-vous à Suez le temps de présenter un pool de financeurs pour contrer cette OPA ?

Deuxièmement, le groupe Jacob Delafon ferme aujourd’hui deux usines, une à Dol et une à Reims. Il s’agissait des deux dernières usines de production de céramique en France ; c’est un savoir-faire made in France qui s’en va, alors que l’on parle de relocalisations. Êtes-vous prêt à prendre les mesures nécessaires dans le plan de relance pour permettre à ce métier de la céramique, dont nous avons besoin y compris pour aller dans l’espace, de rester en France, notamment dans les usines de Reims et de Dol où 151 emplois sont menacés ?

M. Bruno Millienne. Cher M. Bruno Le Maire, je vous remercie au nom du groupe Modem pour toutes les actions menées par le Gouvernement depuis la crise et pour le plan de relance. Vous le savez, nous avons achevé nos journées parlementaires hier, et je peux vous assurer que l’ensemble du groupe Modem vous adresse un satisfecit général.

Je ne reviendrai pas sur les sujets évoqués par mes collègues, MM. Jacques Krabal et Jean-Marie Sermier. Je voudrais faire un focus sur le bâtiment et sur la rénovation énergétique, ou plutôt thermique, des bâtiments. Bien que conscients de l’effort porté par le plan de relance – vous avez signalé les 7 milliards d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments – une question essentielle à mon sens et pour le groupe Modem me reste à l’esprit. Même si le processus MaPrimeRénov’ représente une simplification considérable, je trouve qu’il n’est pas encore suffisamment ciblé. En effet, à part peut-être pour les bâtiments publics, il ne s’attaque pas encore au cœur du problème de la rénovation thermique que sont les bâtiments classés en F et en G. Or, ces bâtiments sont ceux de la précarité non seulement énergétique, mais aussi sociale. Tant qu’il restera un reste-à-charge dû a priori, je ne vois pas comment ils pourront être rénovés dans les temps ou avec efficacité. Pourrions-nous imaginer un système où ce reste-à-charge puisse être payé a posteriori sur les économies d’énergie qu’il produira, plutôt qu’a priori ? Nous formulons cette proposition, car nous ne voyons pas d’autre solution. Sinon, on continuera comme depuis des années à rénover des bâtiments classés D ou E, qui passent de ce fait en C ou en B, alors que ce n’est franchement pas la priorité. Vous le savez, beaucoup des bâtiments très énergivores sont dans notre ruralité, qui représente tout de même 22 millions d’habitants. Je citerai un autre chiffre pour terminer : le reste-à-charge moyen pour une vraie rénovation thermique est de 4 400 euros. Vous voyez ce que cela représente pour un ménage précaire.

Mon deuxième sujet est la mise en œuvre et la mise en place des filières de matériaux biosourcés. Vous avez évoqué la forêt ; le bois en fait partie. Restent toutefois les autres matériaux. Il est nécessaire de faire évoluer toutes les filières biosourcées, notamment le chanvre et le miscanthus.

M. Philippe Naillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, après de longs mois, le Gouvernement a enfin présenté son plan de relance le 3 septembre dernier. Le groupe Socialistes et apparentés est par principe pour les plans de relance. En juillet, nous avions d’ailleurs salué le plan de 750 milliards d’euros de l’Union européenne. Parce qu’il y avait urgence, notre groupe a présenté dès le 9 juin dernier 45 propositions concrètes chiffrées à 50 milliards d’euros. Cela contraste avec les 100 milliards d’euros de votre plan, dont 50 % sont recyclés ; selon Oxford Economics, le soutien à l’automobile, l’aéronautique ou encore les plans de rattrapage pour les Outre-mer étaient déjà actés.

Au-delà du montant, le plan de relance semble insuffisant sur le plan social, mais aussi environnemental. En effet, outre les effets d’annonce sur le fléchage de 30 milliards d’euros vers l’écologie se cachent un certain nombre de contradictions. Par exemple, 70 % des aides font la part belle à des secteurs qui ne sont pas particulièrement vertueux d’un point de vue environnemental, et sans conditions. Plus de « do not harm » pour la France, donc, alors que telle était la devise des Vingt-Sept. Par la voix de MM. Boris Vallaud et Jean-Louis Bricout, nous avions proposé une prime climat ambitieuse pour lutter contre la précarité énergétique – 18 milliards d’euros par an pendant trente ans pour rénover 24 millions de logements, dont 7 millions de « passoires énergétiques ». Voilà un exemple de mesure d’envergure, efficace tant pour l’emploi que pour le pouvoir d’achat et les conditions de vie des Français. D’où ma première question : comment, avec seulement un milliard d’euros en plus par an sur le logement privé, comptez-vous mettre fin à la précarité énergétique si vous ne prévoyez aucune nouvelle mesure pour le reste-à-charge des familles ?

Ma deuxième question concerne les inquiétudes des Ultramarins quant à la part du 1,5 milliard d’euros du plan de relance des Outre-mer. Est-ce à dire que nos territoires ne pourront prétendre aux dispositifs nationaux ? Et à l’inverse, si nos territoires peuvent prétendre aux enveloppes nationales, est-ce que leurs modalités de mise en œuvre seront adaptées à nos environnements spécifiques ?

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, voilà de nombreux mois que le Gouvernement nous promet un plan de relance axé sur la transition écologique. Il contient quelques avancées : la rénovation énergétique, les mobilités, l’hydrogène, mais certains éléments majeurs font défaut. Je regrette ainsi que les aides, et notamment la baisse des impôts de production, n’aient pas été conditionnées à des objectifs sociaux, environnementaux, climatiques et fiscaux. J’ai bien entendu le ministre, mais nous pourrions quand même demander une comptabilité intégrée à ces entreprises, l’innovation comptable mise en avant dans le rapport Notat-Senard qui vous a été remis en 2018. Quelle est votre position, monsieur le ministre ?

D’autre part, afin de redynamiser la rénovation énergétique du parc privé, vous avez augmenté de 2 milliards d’euros les financements dédiés à MaPrimeRénov’. C’est très bien, mais seulement sur deux années. Le secteur a besoin de stabilité. Que se passera-t-il après 2022 ?

Par ailleurs, le plan de relance prévoit également de travailler sur le fret ferroviaire. Nous avons eu beaucoup d’échecs successifs depuis plus de trente ans : M. Jean-Claude Gayssot, M. Marc Veyron, « haut débit ferroviaire », M. Alain Vidalies... Au vu des sommes allouées sans succès aux différents plans de relance ferroviaire, ne serait-il pas plus efficace de miser sur un verdissement et une meilleure optimisation du transport routier et du déplacement de marchandises, qui serait beaucoup plus efficient ?

Enfin, j’aurai une question plus précise : Alteo est une société leader mondiale en alumines de spécialité, située à Gardanne, dans ma circonscription. Ses alumines sont cruciales pour notre sécurité, pour la santé, pour le médical, pour la transition énergétique. Elle est la seule au monde à produire ces alumines de spécialité. Cette société est en redressement judiciaire ; et les offres de reprise ne garantissent pas la pérennité de l’entreprise. Je vous ai écrit pour que le Gouvernement, l’État prennent leurs responsabilités. Vous parlez de souveraineté, de réindustrialisation : faisons déjà en sorte de ne pas perdre nos industries souveraines. Je vous le demande donc : que ferez-vous pour Alteo et ses alumines de spécialité, qui sont cruciales pour notre économie et pour la transition énergétique ?

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre, je suis député d’un territoire berceau historique de l’aéronautique avec près de 3 000 emplois directs, pour lequel les conséquences économiques de la crise sanitaire mondiale sur la fabrication d’avions sont vraiment dramatiques. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger à ce sujet à plusieurs reprises. Vous comprendrez donc que j’intervienne plus précisément sur la partie « technologies vertes » du plan de soutien concernant le secteur de l’aéronautique. Depuis sa présentation début juin, le plan pour la filière se met progressivement en place. Je pense notamment au lancement du programme de soutien aux investissements de modernisation de la filière aéronautique. Si la plupart des mesures de soutien annoncées vont dans le bon sens aujourd’hui, sur le terrain, les plans sociaux se multiplient et la colère des salariés se fait de plus en plus entendre. Je tiens donc à insister sur la nécessité de conserver les compétences et d’éviter la rupture avec la chaîne stratégique des sous-traitants pour pouvoir à l’avenir anticiper la reprise de l’activité. Cela me semble essentiel, car le jour où l’activité va revenir, si nous ne maintenons pas les compétences sur le territoire national, ce sont les pays low cost – dits « pays best costs » dans le monde aéronautique – qui en profiteront, parce qu’ils bénéficient de certaines délocalisations actuelles.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez insisté lors de la présentation du plan hydrogène en début de semaine pour que la filière développe un avion fonctionnant à l’hydrogène en 2035. Que pouvez-vous nous dire en complément sur ce sujet ?

M. Loïc Prud’homme. Monsieur le ministre, en avril dernier, au cœur de la crise du coronavirus, force a été de constater l’abandon par les assureurs des artisans, très petites entreprises (TPE) et PME face aux pertes d’exploitation dues au confinement. J’ai à ce moment-là défendu pour le groupe La France Insoumise une proposition de loi visant à élargir le modèle des catastrophes naturelles pour y inclure les pandémies et couvrir les pertes subies par les artisans et commerçants contraints de baisser le rideau. Vous avez rejeté ce texte et promis une réforme. Les assureurs ont « freiné des quatre fers », brandissant des chiffres pour « faire pleurer sur leur sort », criant à la faillite si on les obligeait à indemniser leurs assurés. Cet été, la Fédération française de l’assurance a fait des propositions a minima et sans trop « se mouiller » : un modèle avec un plafond à 2 milliards d’euros par an avant réassurance. C’est bien peu quand on se rappelle que l’assurance est un pactole de 210 milliards d’euros par an en France et qu’avec plus de 15 milliards d’euros de dividendes, les grosses compagnies sont moins frileuses quand il s’agit d’être solidaires avec leurs propres actionnaires. Leur participation à hauteur de 400 millions d’euros au fonds de solidarité illustre leur sens de la radinerie.

Monsieur le ministre, le plan de relance que vous présentez procède de la même logique, artisans et TPE abandonnés. Vous annoncez 30 milliards d’euros pour le volet « compétitivité », principalement composé de baisses d’impôts de production, mais en réalité, un quart de cette baisse profitera à 280 sociétés seulement, tandis que 250 000 autres, les plus petites, n’y gagneront que 125 euros chacune.

Pire, il s’agit du premier plan de relance de l’histoire sans plan d’investissement public massif pour soutenir directement la demande, et ici sans transition écologique – vos propos sur la 5G, l’agriculture ou le nucléaire en attestent. Aveuglés par votre dogme de la main invisible du marché, vous nous « refaites le coup » du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Nous savons pourtant que cela ne fonctionne pas : pour 10 milliards d’euros distribués précédemment, nous avions gagné les pin’s du MEDEF. Alors cette fois-ci, pour 100 milliards d’euros, qu’y gagnerons-nous ? Un mug d’Areva ou de Monsanto ? Monsieur Le Maire, êtes-vous encore ministre de l’économie ou financeur des goodies pour M. Geoffroy Roux de Bézieux ?

Mme Yolaine de Courson. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre présentation du plan de relance devant notre commission. Je précise bien « notre commission », car vous faites le choix de définir l’écologie comme l’objectif premier et stratégique du plan de relance, avec l’ambition que les deux années qui viennent engageront la France pour 2030.

La crise sanitaire que nous traversons et la crise sociale qui arrive vous engagent, et l’on peut saluer de prime abord que le Gouvernement souhaite faire de l’écologie la réponse de long terme aux enjeux sociaux d’aujourd’hui. Pourtant, alors que vous annoncez 400 millions d’euros pour la transition écologique de l’agriculture et que vous venez de parler de contreparties dans votre allocution, pourquoi, dans le même temps, le Gouvernement essaie-t-il de faire voter un projet de loi dérogeant pendant quatre ans (de 2020 à 2023) à l’interdiction des néonicotinoïdes, qui sont tout sauf de la transition écologique, et qui sont un poison violent pour l’environnement ? C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont interdits en France et dans l’Union européenne. Les 400 millions d’euros du plan de relance pourraient pourtant permettre d’investir pour la transformation du système agricole, d’indemniser la perte des agriculteurs avec une contrepartie et d’accompagner la transition des secteurs agricoles impactés. Pensez-vous que votre choix est lisible, que c’est une bonne méthode, et qu’il n’est pas un peu paradoxal de commencer par une loi totalement anti-écologique ?

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, le plan de relance porte l’ambition d’une croissance verte, vous l’avez dit, en plaçant la transition écologique au cœur de la relance. C’est tout le sens du New Deal vert que nous portons. Avec mes collègues d’Agir Ensemble, nous soutenons donc le plan de relance proposé par le Gouvernement.

Je souhaiterais néanmoins attirer votre attention sur différents points concernant la relance de nos entreprises industrielles. 1,2 milliard d’euros sera consacré à la décarbonation de l’industrie ; nous sommes convaincus que cette transformation de l’industrie plus propre la rendra plus pérenne et plus compétitive, tout comme d’ailleurs la transformation numérique de notre production. Mais l’efficacité de cette partie du plan dépendra surtout de l’engagement de nos entreprises industrielles et de leur volonté de se transformer, ce qui peut s’avérer plus difficile dans un contexte économique instable. Comment s’assure-t-on concrètement de la mobilisation des entreprises sur les projets de décarbonation de l’industrie ? La question est d’autant plus forte que nous ne pourrons parler de relance que s’il y a des projets industriels en face pour pouvoir consommer le budget qui sera alloué à ce thème.

Vous avez également annoncé que le soutien à la transformation énergétique des entreprises s’opérerait à travers des appels à projets. Aussi, quels seront les critères de sélection des entreprises ? Comment assurer une équité des aides et des choix de sélection des entreprises sur l’ensemble du territoire ?

Je voudrais aussi, au nom du groupe Agir Ensemble, saluer le discours politique du Gouvernement sur le nucléaire et sur la nécessité d’investir aussi dans cette filière.

Enfin, le groupe Agir Ensemble salue le plan ambitieux consacré à la création de la filière hydrogène décarboné, une proposition que nous soutenons et que nous avons adressée au Gouvernement, car elle participera au verdissement de notre industrie et de nos transports. Comment envisagez-vous de structurer cette filière dans nos territoires ?

M.  Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur Jacques Krabal, je vous rejoins quant à la francophonie et l’usage du terme « France relance ». Je préfère effectivement cela au volapük anglo-saxon qui se répand parfois, y compris dans nos administrations. S’agissant de la commande publique, nous sommes favorables à une évolution du code de la commande publique qui nous permette de renforcer la clause d’achat local. Nous sommes en négociation avec la Commission européenne à ce sujet, mais je suis évidemment très favorable à ce que nous renforcions cette clause, conformément à notre objectif de relocalisation industrielle et de production de proximité.

S’agissant de la relocalisation industrielle, je rappelle que parmi toutes les mesures du plan de relance, nous prévoyons un milliard d’euros d’appels à projets pour toute entreprise industrielle qui voudrait relocaliser son activité en France. J’ai déjà visité, y compris avec le Président de la République il y a quelques jours, des entreprises qui veulent créer de nouvelles lignes de production, mais qui ne peuvent pas le faire parce que leur chiffre d’affaires est faible en ce moment, et qui vont pouvoir bénéficier de subventions directes dans le cadre de cet appel à projets. J’étais dans le Nord il y a quelques jours, et j’y ai visité cette magnifique entreprise spécialiste de levures, Lesaffre, qui est une très vieille entreprise française et un magnifique succès industriel. Lesaffre veut se développer dans un certain nombre de produits, notamment liés à la santé, et va investir deux fois 250 millions d’euros – ce sont des sommes considérables. Elle va créer 400 emplois dans le Nord, mais elle a besoin d’un soutien public. Elle recevra ce soutien public direct au titre du milliard d’euros du plan de relance.

Monsieur Jean-Marie Sermier, vous posez une question importante sur une opération en cours concernant deux grands groupes industriels français, Veolia et Suez. Vous me permettrez d’abord de rappeler le sens de cette opération : ENGIE doit recentrer ses activités autour des énergies renouvelables et des réseaux. En tant qu’actionnaire d’ENGIE, l’État est favorable à cette stratégie de recentrage, comme nous l’avons dit à son président, M. Jean-Pierre Clamadieu. ENGIE a une participation dans l’entreprise Suez, et cette participation ne se justifie plus dans le cadre de ce recentrage d’activités. ENGIE souhaite donc la céder. J’ai déjà fixé un certain nombre de conditions à cette cession, et je veux les rappeler, car nous les ferons respecter comme nous l’avons fait dans d’autres opérations passées. L’emploi est la première de ces conditions ; il ne peut pas y avoir d’opération industrielle si celle-ci ne protège pas l’emploi en France. La deuxième est que l’actif d’ENGIE dans Suez soit cédé à des actionnaires majoritairement français. Nous ne renonçons pas à la participation d’ENGIE dans Suez pour qu’elle bascule dans des mains étrangères ; nous souhaitons qu’elle reste majoritairement française. Enfin, il s’agit du patrimoine des Français puisque cette participation de l’État dans ENGIE, et d’ENGIE dans Suez, c’est l’argent des Français. Je suis responsable de la valorisation patrimoniale de cette participation, qui doit donc être satisfaisante pour l’État, c’est-à-dire pour les Français. Voilà les conditions que j’ai fixées pour toute offre de reprise de la participation d’ENGIE dans Suez. Une offre a été formellement déposée par Veolia. D’autres peuvent également l’être, et nous les examinerons avec le même souci d’équité.

Au-delà de ces principes essentiels, car la vie des affaires doit aussi respecter certains principes, il faut que nos industriels évitent les conflits inutiles. Je considère que dans la crise actuelle, nous devons rassembler nos forces, pas nous diviser, et encore moins nous combattre entre industriels. Je recevrai les dirigeants de Suez prochainement pour qu’ils me fassent valoir leur vision des choses. Nous souhaitons un projet industriel qui soit soutenu par l’ensemble des parties, par les actionnaires, les salariés, les collectivités locales, tout simplement parce que cela garantit le succès de cette opération. Il n’y aura pas de succès dans le conflit ; une opération industrielle de cette ampleur n’aura de succès que dans la compréhension des intérêts réciproques et dans la construction d’une solution satisfaisante pour tous.

La céramique est effectivement une activité critique, maintenant utilisée industriellement dans beaucoup d’autres applications que celles que nous en avions à l’origine – l’aéronautique, la santé, les prothèses dentaires... Sur tous ces sujets, nous sommes très attentifs à préserver notre souveraineté et notre production. Je regarderai dans cet état d’esprit le dossier que vous m’avez signalé.

Monsieur Bruno Millienne, j’en viens à la rénovation énergétique des bâtiments, et plus globalement sur cette rénovation et ses ambitions. Nous mettons 4 milliards d’euros pour cette rénovation ; c’est beaucoup d’argent, qui doit permettre d’accélérer la réduction des émissions de CO2 par les bâtiments publics et privés. Cette politique comprend un soutien massif aux populations les plus fragiles ; nous allons ainsi dédier 500 millions d’euros à la rénovation globale des logements sociaux. Je rappelle également que MaPrimeRénov’ peut aller jusqu’à 20 000 euros, et qu’on peut ensuite demander des prêts particulièrement attractifs aux banques si l’on a besoin d’un complément. Je considère donc que nous avons, avec ce dispositif de rénovation énergétique des bâtiments, un dispositif complet qui touche toutes les catégories de population et qui doit nous permettre d’accélérer la réduction des émissions de CO2 par les bâtiments.

Monsieur Philippe Naillet, vous m’avez posé une question tout à fait essentielle sur l’Outre-mer. Je considère qu’il ne faut pas regarder uniquement les enveloppes spécifiques fléchées pour l’Outre-mer, car celui-ci peut bénéficier de l’intégralité des mesures qui se trouvent dans le plan de relance. Faut-il des adaptations spécifiques aux particularités de l’Outre-mer, que ce soit l’agriculture, que je connais bien, les infrastructures, la réalisation d’infrastructures nouvelles ? Ma réponse est « oui », car si nous voulons être efficaces, nous avons besoin d’adapter la mise en œuvre à certaines particularités des Outre-mer. J’aurai l’occasion de me déplacer prochainement avec M. Sébastien Lecornu dans un des départements d’outre-mer pour regarder comment nous garantissons la bonne application du plan en Outre-mer. C’est pour moi un enjeu absolument capital, et je le dis à tous mes amis ultramarins : nous veillerons à ce qu’ils soient les bénéficiaires de ce plan de relance et qu’ils puissent en voir les résultats concrets le plus vite possible.

Monsieur François-Michel Lambert, nous sommes extrêmement favorables au transport ferroviaire. Nous avons prévu dans le plan de relance près de cinq milliards d’euros pour la SNCF. Comme l’a dit le patron de la SNCF lui-même, M. Jean-Pierre Farandou, c’est une somme considérable qui doit nous permettre à la fois d’éponger les pertes de la SNCF liées à la crise de la Covid et d’investir massivement dans le fret ferroviaire, comme vous l’appelez de vos vœux – je partage totalement vos vues à ce sujet. Elle permettra également de rouvrir au moins une ligne de train de nuit, le Paris-Nice, puis nous verrons en fonction des résultats et de la soutenabilité de ces dispositifs si d’autres lignes peuvent être rouvertes, ainsi que des petites lignes, dont le nombre sera déterminé avec le Premier ministre d’ici quelques jours.

Monsieur Stéphane Demilly, je partage totalement vos propos sur l’aéronautique, qui fait pour moi partie des secteurs qui font l’objet des préoccupations les plus vives, pour une raison simple : c’est l’un des secteurs pour lesquels nous ne sommes pas capables de définir le moment où l’activité reprendra. Est-ce que ce sera dans trois mois, dans six mois, dans un an ? C’est tellement dépendant de la crise sanitaire et du retour de la confiance, de la reprise des échanges commerciaux entre les États-Unis, la Chine et l’Europe, que nous sommes dans la plus grande incertitude. Nous avons donc prévu, pour accompagner ce secteur stratégique pour la France, tout un dispositif extraordinairement puissant. D’abord, un dispositif de maintien des compétences avec l’activité partielle de longue durée (APLD), qui va être ciblée en particulier sur l’aéronautique. Nous avons voulu augmenter fortement les moyens pour l’APLD pour l’aéronautique dans le cadre du plan de relance, pour la formation et les reconversions.

Nous avons également mis en place un fonds de 630 millions d’euros pour soutenir les PME et les aider à se consolider quand c’est nécessaire, car c’est un secteur qui ne s’est pas consolidé depuis de nombreuses années. Nous avons demandé, sur les délocalisations, des engagements par les grands donneurs d’ordres, notamment avec la charte du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), signée dans le cadre du plan aéronautique de juin pour ne pas engager de mouvements de délocalisation. Nous veillerons à ce que cette charte signée par l’ensemble des acteurs aéronautiques français soit rigoureusement respectée. Je crois foncièrement à l’intérêt de travailler sur la base d’un système de volontariat, de contreparties, de chartes, mais cela ne peut marcher que si c’est vérifié et respecté. Et si jamais cela ne devait pas être respecté, nous en tirerions les conséquences. Je ferai ainsi preuve de la plus grande vigilance sur ces questions de délocalisation, et je réunirai la filière prochainement pour faire le point sur l’application du plan aéronautique, sur le respect des engagements et sur les mesures complémentaires qui pourraient être nécessaires.

Monsieur Loïc Prud’homme, pardonnez-moi de vous le dire avec franchise, je ne porte aucun pin’s d’aucune formation syndicale ou professionnelle que ce soit, et je pense que ce que vous dites est tout simplement faux. Or, on ne fait pas de la bonne politique, on n’a pas de bons échanges dans une commission comme celle-ci si l’on part sur des bases fausses.

Quand vous dites que ce plan est fait pour les très grandes entreprises et qu’il oublie les petites, c’est tout simplement faux, c’est un mensonge. Le plan de relance bénéficiera largement aux PME et aux TPE. Vous prenez les impôts de production et vous affirmez que cette baisse ne bénéficie qu’à 268 entreprises ; c’est faux. Pardon, mais une TPE ou une PME paye aussi des impôts de production. N’importe quel député ici, dans sa circonscription, sait parfaitement qu’une entreprise de quinze ou vingt salariés qui fait du bâtiment, des travaux publics, de la restauration à domicile paie ses impôts de production comme Total ou comme n’importe quelle autre entreprise française. Les impôts de production, hélas, touchent toutes les entreprises. Et si l’on veut un chiffre précis, un tiers de la baisse de ces impôts bénéficiera aux TPE et PME ; sur 20 milliards d’euros, 6,4 milliards d’euros iront à ces petites entreprises. Je ne laisserai donc pas dire que la baisse des impôts de production est faite pour les grandes entreprises. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : elle est faite pour l’industrie, pour les ouvriers et pour un tiers pour les TPE et PME.

Vous pouvez ajouter à ces 6,4 milliards d’euros tout ce dont les PME et TPE bénéficieront au titre du renforcement des bilans des entreprises. Nous avons prévu 3 milliards d’euros pour les fonds propres des entreprises. La moitié, soit 1,5 milliard d’euros, ira aux TPE et PME. Nous avons donc bien fait attention à ce qu’elles soient servies dans ce plan de relance.

Ensuite, je prendrai un troisième exemple : qui réalisera la rénovation des bâtiments publics ? Qui engagera les travaux pour la rénovation énergétique des bâtiments ? Aujourd’hui, la rénovation thermique des bâtiments publics concerne à 84 % des TPE et PME. Et tous les élus ici présents savent parfaitement que la rénovation énergétique d’une école, d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), d’une université bénéficie à des petites entreprises, à des PME locales. À 84 %, ce sont elles qui bénéficieront de ces travaux de rénovation énergétique, donc sur les 4 milliards d’euros, 3,4 milliards d’euros pourraient revenir aux TPE et PME. Au total, en soutien direct et indirect via des politiques de rénovation énergétique, nous estimons que sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 40 milliards d’euros pourraient bénéficier directement ou indirectement aux PME et TPE. Cela me permet de vous dire, monsieur Loïc Prud’homme, que vos arguments sont faux et que nous avons fait attention dans l’élaboration de ce plan de relance à ce qu’il bénéficie aussi aux petites et aux moyennes entreprises.

Madame Yolaine de Courson, madame Laure de La Raudière, vous avez posé des questions proches, à la fois sur la sélectivité des entreprises et sur la filière hydrogène. Sur la sélectivité des entreprises qui pourront bénéficier des prêts participatifs, je rappelle que nous avons fait ce choix pour éviter que l’État devienne garant d’entreprises qui seraient toutes au bord de la faillite, ce qui exposerait terriblement le contribuable français. Il y aura donc une sélectivité dans la manière dont ces prêts seront accordés. Les banques auront elles aussi une participation dans ces prêts afin qu’elles soient exposées à ce risque, sans quoi il serait porté intégralement par l’État. Cela nous permettra de fournir aux PME les fonds propres dont elles ont besoin.

Quant à la structuration de la filière hydrogène sur le territoire, il y a déjà un certain nombre de sites industriels directement concernés qui font de l’hydrolyse, qui produisent des réservoirs avec Faurecia, des piles à combustible avec McPhy. Vous avez des centres de recherche comme Belfort. Nous avons réalisé une cartographie précise de ces sites qui doit permettre à tout le territoire français de bénéficier de la montée en puissance de l’hydrogène.

Mme Stéphanie Kerbarh. Monsieur le ministre, après la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, je me réjouis que 570 millions d’euros soient consacrés au soutien et au développement de cette économie. J’aimerais vous interroger sur le détail de ces mesures. Tout d’abord, des mesures sont-elles prévues pour la filière papier ? Je pense notamment à l’usine de recyclage de papier de la Chapelle Darblay, seule usine qui possède un process de désencrage des encres minérales, une liaison ferroviaire avec Paris ainsi qu’une chaudière biomasse. Par ailleurs, les mesures semblent principalement passer par l’abondement du fonds économie circulaire de l’ADEME. Mais des mesures fiscales telles que le suramortissement pour transformer l’outil productif vers l’économie circulaire peuvent-elles également être envisagées ? Enfin, vous annoncez 84 millions d’euros pour la modernisation des centres de tri. Peut-être pourriez-vous nous préciser s’il s’agit bien d’un abondement complémentaire aux fonds de l’ADEME ?

Mme Valérie Beauvais. Dans le plan de relance que vous avez présenté, vous avez annoncé 1,2 milliard d’euros dédié à la transition agricole. Parmi les mesures qui seront mises en œuvre figure la création d’un crédit d’impôt haute valeur environnementale (HVE). Rappelons que la certification HVE comporte trois niveaux différents, dont le plus exigeant impose des indicateurs de résultat dans les quatre thèmes suivants : biodiversité, protection phytosanitaire, fertilisation, gestion de l’eau. Si ce crédit d’impôt est attendu par les agriculteurs et les viticulteurs, il serait opportun qu’il puisse bénéficier à un grand nombre d’entre eux et soit donc a minima attribué au niveau 2 de certification, et non uniquement au niveau 3 qui, comme vous le savez, implique de nouveaux investissements, une hausse des coûts de production et une baisse de la production. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, vos intentions à ce propos ?

Mme Sandra Marsaud. Avec 15 milliards d’euros pour l’innovation et la relocalisation industrielle, vous présentez un plan volontariste et inédit pour un nouveau souffle pour nos filières industrielles. Vous avez également voulu que cette relance se fasse au plus près des territoires et garantisse le développement d’une économie circulaire. La filière verre, dont les fours en France se situent au plus près des régions viticoles, satisfait ces ambitions. Pour l’accompagner face aux concurrents, la BPI a fait le choix d’investir en 2015 pour un acteur important de la filière, Verallia, notamment aux côtés d’un fonds d’investissement américain.

Premièrement, dans un cadre concurrentiel féroce, allons-nous accompagner la filière verre pour qu’elle adapte son outil au double besoin de compétitivité et de proximité ? Deuxièmement, comment l’État s’assure-t-il que la BPI intègre la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans ses critères d’éligibilité, et particulièrement la notion d’encouragement des circuits courts et de conservation des savoir-faire ?

M. Vincent Descoeur. Monsieur le ministre, je me réjouis que la rénovation thermique des bâtiments figure en bonne place dans ce plan de relance, et je souhaite vous faire partager quelques réflexions de la mission que je préside sur ce sujet.

Les acteurs de la rénovation thermique, associations ou professionnels, insistent sur la nécessité de disposer d’un cadre réglementaire stable. Aussi est-il indispensable que l’effort budgétaire envisagé s’inscrive dans le temps et ne soit pas limité aux années 2021 et 2022 si l’on veut lutter efficacement contre la précarité énergétique et atteindre les objectifs affichés à l’horizon 2040. Pour que la relance soit au rendez-vous et que tous les territoires en profitent, il faut aussi s’assurer que les PME aient accès à ces marchés, ce qui suppose un plan de formation adapté et la simplification des procédures. Enfin, il faudra veiller à ce que le reste-à-charge pour nos concitoyens soit suffisamment attractif pour que les travaux soient au rendez-vous. Tout cela est à faire d’ici l’annonce des dispositions plus précises, au début du mois d’octobre.

Mme Sophie Panonacle. Le plan de relance marque aussi l’ambition maritime de la France : pas moins de 650 millions d’euros pourront être mobilisés pour concrétiser la volonté du Président de la République d’accélérer notre stratégie maritime, et 250 millions d’euros seront directement consacrés au verdissement des ports et au renforcement de notre modèle de pêche et d’aquaculture durables.

Toutefois, notre ambition ne doit pas se limiter à cet effort, et la coalition pour la transition écologique et énergétique du maritime portée par le Cluster Maritime français et par l’ADEME constitue une première action concrète de recherche collective de solutions pour atteindre les objectifs de 2030 et de 2050. Ces initiatives doivent se doubler d’un engagement fort de l’État pour construire une économie maritime compétitive et décarbonée.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que les projets maritimes pourront profiter pleinement des dispositifs transverses prévus dans le plan de relance et qu’ils seront durablement soutenus par vos services, à l’instar d’autres filières ?

M. Patrick Loiseau. Monsieur le ministre, je vous remercie pour la présentation de ce plan de relance et de ses différents volets. Nous mesurons l’engagement du Gouvernement pour rebâtir l’économie ; je tiens donc à saluer le travail accompli.

Un point me semble fondamental : il s’agit de l’investissement dans la transition écologique et du développement de technologies vertes. Pour cela, le programme d’investissements d’avenir (PIA) dispose de plusieurs atouts ; il permettra d’accompagner les projets innovants créateurs de valeur pour l’économie, en particulier en matière de transition écologique. Ce plan mentionne l’importance de la territorialisation et l’implication des collectivités locales. Pouvez-vous préciser quelle marge de manœuvre pourront avoir les collectivités ? Les financements pourront-ils être adaptés selon les spécificités locales ? Et comment les éventuels financements privés seront-ils pris en charge dans le financement des projets concernés ?

Mme Danielle Brulebois. Je vous ai entendu parler avec beaucoup de satisfaction de la clause « achat local » dans le code des marchés publics. En effet, il faut essayer d’éviter que l’argent français ne parte en Chine ou ailleurs. On pourrait faire jouer la solidarité entre les entreprises ; une entreprise qui a été largement aidée pourrait acheter, par exemple, des étiquettes dans l’entreprise voisine plutôt que de les commander en Chine.

De même, je voulais attirer votre attention sur les difficultés de la lunetterie. Depuis le plafonnement du remboursement à 100 euros des montures, ce sont des lunettes chinoises qui s’écoulent en grande partie chez nos opticiens. C’est donc là aussi une partie de l’argent français qui part en pays étranger.

M. Emmanuel Maquet. Le volet environnemental de cette relance est un rendez-vous audacieux face à l’Histoire. Les Français le veulent, l’économie en profitera dans des secteurs non délocalisables. Tout concorde pour faire de la question environnementale un véritable réservoir de croissance.

Mais qu’elle soit environnementale, économique ou sociale, cette relance ne repose pour l’instant que sur une seule base : la confiance. Avec 1,3 % de croissance en 2019, nous pensions déjà que le remboursement de la dette serait compliqué et nous reportions notre prévision de retour à l’excédent budgétaire. Maintenant que nous en sommes à -11 %, monsieur le ministre, quel niveau de croissance faudrait-il atteindre pour que la dette ne soit pas in fine payée par les Français, que la confiance soit retrouvée et que finalement, l’épargne accumulée retrouve le chemin de l’économie réelle ?

Mme Sandrine Le Feur. Le 3 septembre, à travers le plan de relance, un soutien massif a été accordé aux transports. L’objectif est clair : retrouver notre souveraineté industrielle. Pourtant sur nos territoires, la donne est très différente. Je n’évoquerai pas ici le cas de Brittany Ferries, puisque vous vous êtes déjà exprimé sur le sujet, mais je tiens à parler de la situation de la filiale Hop! d’Air France, installée à Morlaix, où près de 300 emplois sont toujours menacés. Quelles sont aujourd’hui les garanties pour les salariés et le maintien du site ? Comment l’État peut-il mettre en œuvre ces mesures de relocalisation, d’accompagnement des territoires et des industries sur Morlaix ? Comment les partenaires locaux peuvent-ils y être associés ?

1,5 milliard d’euros d’aide publique pour les trois prochaines années seront investis pour soutenir la recherche et le développement et l’innovation du secteur aéronautique dans la durée. Doté de 300 millions d’euros dès 2020, l’objectif est de faire de la France l’un des pays les plus avancés dans les technologies de l’avion « propre ». N’est-ce pas là l’opportunité pour le Gouvernement d’accompagner au mieux le site de Morlaix ?

Mme Nathalie Bassire. Monsieur le ministre, vous avez élaboré avec le Gouvernement un plan ambitieux de relance, dont 7 milliards d’euros sont prévus pour le développement de l’hydrogène en France. Comme vous le savez, La Réunion dispose de tout l’écosystème nécessaire : l’énergie renouvelable avec le photovoltaïque, l’eau de mer – je pense à l’éolien offshore –, la volonté régionale dont le programme opérationnel (PO) du Fonds européen de développement régional (FEDER) est en cours de révision, l’université, des laboratoires de recherche adéquats. Notre territoire insulaire est donc un territoire d’expérimentation idéal pour une mise en œuvre concrète, rapide et fructueuse de ce plan national. La Réunion, vous l’aurez compris, est très intéressée et a de nombreux projets. Aussi, accepteriez-vous de nous accompagner, avec les ministères des Outre-mer et de la transition écologique, afin d’avancer concrètement sur ce sujet majeur de la transition écologique et de la relance économique à La Réunion ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Madame Stéphanie Kerbarh, je vous confirme que l’économie circulaire est un des enjeux importants de ce plan, à la fois directement, avec le soutien à cette économie et indirectement, avec la mise en place d’une filière industrielle très ambitieuse qui pourra bénéficier du soutien du programme d’investissements d’avenir (PIA).

S’agissant de la Chapelle Darblay, vous savez que le groupe VPK, qui n’est pas petit, avait présenté une offre de reprise avant la crise de la Covid-19, avec une conversion de la production de papier journal en carton ondulé. Compte tenu de la Covid-19, ce groupe a été fragilisé et a dû renoncer à son projet. Cela fait partie, hélas, des aléas de la vie économique et des retournements liés à la crise de la Covid-19. Un accord majoritaire sur un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été validé le 15 juillet. Nous sommes maintenant mobilisés à la fois pour la reconversion des salariés concernés par le PSE, mais également pour la relance de l’activité papetière dès que les conditions économiques le permettront. Je partage totalement votre analyse ; je considère que la Chapelle Darblay a un avenir, que ce site a des atouts réels. Comme je l’ai fait à plusieurs reprises, par exemple dans la métallurgie avec Ascoval, je me battrai jusqu’au bout pour offrir un avenir à ce site de papeterie. S’agissant du suramortissement, je vous confirme qu’ils peuvent bénéficier de ces mesures.

Madame Valérie Beauvais, sur le crédit d’impôt à haute valeur environnementale, le choix qui a été fait est de le maintenir uniquement au niveau 3. Je connais les débats sur ce sujet. L’intérêt de le maintenir à ce niveau est de conserver un niveau d’exigence plus élevé, avec des critères plus stricts. Nous avons fait un choix environnemental ; je vois bien l’intérêt qu’il pourrait y avoir à l’élargir au niveau 2, mais nous voulons garder des critères exigeants, et je pense qu’il est préférable de le maintenir au niveau 3.

Madame Sandra Marsaud, Verallia est une entreprise que nous suivons de près. Issue de la branche emballages de Saint-Gobain, leader dans le secteur de l’emballage en verre, Verallia est confrontée à une chute de ses activités et a engagé un plan de restructuration qui implique 150 suppressions de postes pour ajuster sa capacité de production en France et améliorer sa performance industrielle. Effectivement, ce plan implique la fermeture d’un four sur le site de Cognac, où 80 emplois seront supprimés. Pour le coup, c’est un four qui était en fin de vie. Si nous voulons que Verallia arrive à rebondir après la crise actuelle, il nous semble préférable de poursuivre ces adaptations afin de lui permettre de repartir du bon pied.

Monsieur Vincent Descoeur, je confirme que la simplification des procédures est un enjeu absolument majeur. Toute la difficulté sera de trouver le bon équilibre entre la simplification des procédures pour accélérer le décaissement des 100 milliards d’euros du plan de relance, qui sont un vrai défi, et le respect de règles environnementales auxquelles nous sommes tous attachés. J’ai fixé un objectif ambitieux de 30 % de décaissement en 2021. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet et je ferai prochainement des propositions au Premier ministre avec Mme Barbara Pompili. Si nous voulons accélérer la transition écologique, il faut aussi simplifier un certain nombre de procédures pour aller plus vite.

Madame Sophie Panonacle, je souligne que l’ambition est maintenue sur la question portuaire et maritime. Nous avons prévu dans le plan de relance 200 millions d’euros spécifiquement consacrés à l’activité portuaire, avec notamment des dispositifs sur l’électrification des quais et sur l’intermodalité ferroviaire, qui est absolument essentielle pour réussir cette politique maritime.

Monsieur Patrick Loiseau, est-ce qu’il y aura une marge de manœuvre des collectivités locales ? C’est une question absolument fondamentale dans l’exécution du plan de relance. Ce plan réussira si tout le monde joue le jeu et si nous travaillons dans une approche collective avec les organisations syndicales, les organisations patronales, les fédérations professionnelles – que je recevrai de manière très régulière pour m’assurer que le plan avance dans de bonnes conditions – ainsi qu’avec les élus locaux. Je pense ici notamment aux régions, qui ont la compétence économique, et aux mairies, qui porteront un certain nombre de projets, notamment en rénovation énergétique des bâtiments publics ou en valorisation des transports « doux ».

Nous avons annoncé la nomination de sous-préfets à la relance. Il faut que dans chaque département, ces sous-préfets puissent aller recueillir les projets des mairies et accélérer leur mise en œuvre. Là aussi, la question m’est beaucoup posée : nous n’allons pas retenir uniquement de nouveaux projets, car si nous attendons que de nouveaux projets émergent sur la base de ce plan de relance, le quinquennat sera fini avant que nous ayons engagé un seul euro. Je préfère retenir des projets qui sont déjà « dans les tuyaux », pour lesquels les appels d’offres sont prêts, voire ont été passés, pour lesquels les études d’impact et environnementales ont été réalisées, des projets qui n’attendent qu’un financement pour démarrer. Nous allons prendre ces projets, accélérer leur mise en œuvre, nous assurer de leur compatibilité avec notre ambition environnementale, et donc accélérer les milliers de projets à travers la France qui étaient à court de financement et qui pourront être soutenus par le plan de relance. Nous visons l’efficacité économique et environnementale. Je préfère donc, une fois encore, reprendre des projets existants en mal de financement plutôt que de vouloir à tout prix attendre des projets nouveaux. Ce qui compte, c’est que l’activité économique redémarre et que l’on accélère la transition écologique dans notre pays. Les collectivités locales seront donc par définition directement associées à la mise en œuvre du plan.

De manière encore plus technique, certaines lignes du plan de relance sont directement entre les mains des collectivités locales – je pense par exemple à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), à laquelle nous avons dédié un milliard d’euros. Ce milliard d’euros est bien à disposition des collectivités locales.

Madame Danielle Brulebois, je rappelle que tous les projets de relocalisation industrielle visent à renforcer notre indépendance vis-à-vis de la Chine et de l’Asie de manière générale. Il ne s’agit pas de relocaliser toutes les activités industrielles en France ; nous n’y arriverions pas, et ce serait vendre des illusions aux Français. Mais un certain nombre d’activités peuvent l’être, notamment des activités critiques pour les Français – je pense premièrement aux principes actifs de médicaments. Les Français ne peuvent pas accepter que nous dépendions totalement de l’Asie pour ces principes essentiels, par exemple en matière d’anesthésie ou pour des traitements courants. Nous allons donc faire le nécessaire pour nous doter en France des procédures de fabrication de ces principes actifs.

Pour prendre un deuxième exemple, nous pouvons citer les technologies dont dépend la valeur de chaînes industrielles entières. Prenez une voiture électrique : nous allons passer du XXe siècle avec ses voitures thermiques, au XXIe siècle avec ses voitures électriques, et la transition, comme toujours, ira beaucoup plus vite que prévu, contrairement à tous ceux qui prédisent qu’elle sera lente et progressive. Non allons être surpris par sa vitesse dès qu’il y aura des bornes électriques en nombre suffisant, que le prix du véhicule électrique aura baissé – car il reste très élevé, même pour de petits véhicules, même avec la prime de 7 000 euros apportée par le Gouvernement français. Le nombre de ventes va exploser comme il l’a déjà fait au cours des six derniers mois. 45 000 véhicules de ce type ont ainsi été vendus en l’espace de quelques mois. Mais à quoi sert-il de vendre des véhicules électriques en France si le tiers de la valeur de chaque voiture, c’est-à-dire la batterie, est produit en Chine ou en Corée du Sud ? C’est une ineptie économique. Nous avons donc décidé de rapatrier la production de batteries électriques en France. Nous le faisons sur la base d’un projet franco-allemand auquel sont désormais associés d’autres pays comme la Pologne. Nous avons une usine pilote qui a été ouverte à Nersac, en Nouvelle-Aquitaine, et qui fonctionne. La première usine de production de masse de batteries électriques ion-lithium liquide de France ouvrira courant 2022. C’est la preuve que nous pouvons réussir cette relocalisation, que c’est une question de volonté et de capacité à poser une vision industrielle pour le pays.

Veuillez m’excuser pour la longueur de mes réponses, je vous propose de prendre toutes les questions en suspens sous forme écrite et j’y répondrai dans les meilleurs délais.

Monsieur Emmanuel Maquet, la question de la dette est absolument majeure. Nous avons fait le choix stratégique de soutenir l’emploi et nos entreprises face à une crise d’une brutalité sans équivalent. Cela représente 460 milliards d’euros déjà mis sur la table. Nous faisons le deuxième choix de la relance par 100 milliards d’euros de dépense publique, que nous assumons.

En revanche, il faut être très clair vis-à-vis des Français, contrairement à ce que j’entends ces derniers temps sur les chaînes de télévision. Chacun y prend position, comme il se doit en démocratie. J’entends certains responsables politiques – j’écoutais
M. Adrien Quatennens il y a peu de temps dire « On ne remboursera pas la dette ». Nous rembourserons notre dette et il est essentiel que le ministre des finances français garantisse qu’il va la rembourser, sans quoi nous risquons de nous trouver à court d’investisseurs. La question est de savoir quand et comment nous comptons la rembourser, et tout d’abord de séparer la dette liée à la crise sanitaire du reste de la dette. Nous allons ainsi cantonner cette dette et en étaler le remboursement jusqu’à 2042, c’est-à-dire sur vingt ans, en retenant exactement le même calendrier que l’Allemagne.

Nous la rembourserons en premier lieu par le retour de la croissance, puisque nous souhaitons avoir le même niveau de développement économique début 2022 que celui que nous avions avant la crise. À ce sujet, je rappelle à tous les esprits chagrins que nous avions alors l’une des meilleures performances économiques de la zone euro. En deuxième lieu, nous souhaitons rembourser cette dette en conservant un principe de responsabilité des finances publiques. Avec le Premier ministre, nous avons refusé d’augmenter le nombre d’emplois publics dans la fonction publique d’État en 2021. Il s’agit d’un choix courageux, car en période de crise économique caractérisée par un grand nombre de suppressions d’emploi, la facilité est de répondre à cette crise conjoncturelle par des embauches structurelles payées sur cinquante ans. Je pense que cela aurait été une erreur. La troisième façon de rembourser cette dette est de maintenir des réformes de structure. Nous allons ainsi poursuivre la réforme d’Action Logement et vous connaissez mon attachement à la réforme des retraites, que je considère indispensable pour garantir l’équilibre financier et la justice de notre système de retraites par répartition.

Voilà mes convictions : ce n’est pas parce que nous dépensons pour soutenir les entreprises et les salariés que nous mettons en place un système « open bar ». Nous avons fixé des règles de fonctionnement, des principes de décaissement de ces 100 milliards d’euros et des orientations stratégiques. Nous investissons, nous ne finançons pas du fonctionnement.

Madame Sandrine Le Feur, je sais que Hop! suscite beaucoup de réactions locales d’inquiétude légitime. Je tiens à saluer le travail que vous réalisez pour y répondre et pour essayer de construire des solutions. Je rappelle qu’il n’est pas prévu de suppressions de postes d’ici 2023. Nous avons demandé à ce que des propositions adaptées soient formulées auprès des salariés s’agissant des mutations, des aides à la mobilité, du télétravail, quand cela est possible, et que des solutions locales soient trouvées. Nous ne connaissons pas encore les solutions définitives, mais Air France y travaille. Nous avons aussi renouvelé auprès d’Air France le rappel d’associer l’ensemble des acteurs, et bien entendu les élus, aux réflexions pour trouver des solutions concrètes et acceptables. On ne peut pas réussir en séparant, mais bien en rassemblant les acteurs. C’est ce que nous demandons à Air France, et nous continuerons à suivre de très près le développement du tissu industriel aéronautique et la situation spécifique de Hop! à Morlaix.

Enfin, l’île de La Réunion a énormément d’atouts en matière de transition écologique. Je considère donc qu’on peut y porter de magnifiques projets dans des secteurs extraordinairement divers. J’ai eu l’occasion de m’y rendre à plusieurs reprises pour voir des projets de ce type. Nous sommes prêts à les soutenir et toutes les propositions des élus seront les bienvenues.

Je vous remercie.

Mme la présidente Véronique Riotton. Merci, monsieur le ministre. Je vais à présent citer les collègues qui souhaitaient vous poser une question et qui l’enverront auprès de notre secrétariat : M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Frédérique Tuffnell, M. Jean-Marc Zulesi, M. Michel Delpon, M. Loïc Dombreval, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Martial Saddier et M. Jean-Luc Poudroux.

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 16 h 10

 

Présents. - Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, Mme Valérie Beauvais, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Michel Delpon, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, M. Loïc Dombreval, Mme Nadia Essayan, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Chantal Jourdan, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Philippe Naillet, Mme Claire O'Petit, Mme Sophie Panonacle, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - M. David Lorion, Mme Mathilde Panot, Mme Laurianne Rossi, M. Gabriel Serville, M. Hubert Wulfranc

 

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Hugues Ratenon