Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272) :

 Audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, puis examen pour avis et vote des crédits de la mission Santé ainsi que des articles rattachés (Mme Caroline Fiat, rapporteure pour avis)              2

 Audition de Mmes Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, puis examen pour avis et vote des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ainsi que des articles rattachés (Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis)              27

– Présences en réunion..............................49

 

 

 


Mercredi
30 octobre 2019

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 12

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 30 octobre 2019

La séance est ouverte à 17 heures.

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La commission procède dabord à laudition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur les crédits la mission Santé du projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272) (Mme Caroline Fiat, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous concluons aujourd’hui nos travaux sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020. La semaine dernière, nous avons examiné la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d’affectation spéciale Pensions, puis nous avons auditionné, hier, la ministre du travail, avant de débattre de la mission Travail et emploi. Nous examinons aujourd’hui les missions Santé et Solidarité, insertion et égalité des chances. Comme l’année dernière, deux discussions se succéderont, l’une sur la santé, l’autre sur la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances. Les amendements seront examinés à l’issue de chacune de ces discussions, après le départ des membres du Gouvernement.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Vous étudiez aujourd’hui le budget de la mission Santé du projet de finances pour 2020. Ce budget est marqué par une évolution importante de son périmètre, du fait du transfert à l’assurance maladie du financement de deux agences, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’Agence nationale de santé publique (ANSP), ce qui se traduit par une baisse de 20 % des crédits de la mission. Ces crédits ne représentent toutefois qu’une petite partie des financements que les pouvoirs publics consacrent à la politique de santé, lesquels sont pour l’essentiel discutés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Je commencerai par évoquer le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui sera doté, en 2020, d’un peu plus de 200 millions d’euros, dont un tiers sera consacré au financement de l’Institut national du cancer (INCa) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Cette dernière verra par ailleurs sa subvention augmenter de 8 millions d’euros, en compensation de la suppression de la taxe sur le vapotage. Comme je vous l’annonçais l’année dernière, nous avons poursuivi notre réflexion sur un financement intégral par l’assurance maladie de l’ANSM et l’ANSP, ce qui nous conduit à transférer le financement de ces deux opérateurs dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. L’activité de ces agences a en effet trait à des produits – des médicaments – ainsi qu’à une activité – la prévention –, dont l’essentiel du financement dépend déjà de l’assurance maladie. Ce transfert renforce donc la cohérence des leviers d’action du ministère dont j’ai la charge. Les crédits de prévention au sein du programme 204 s’élèvent à 53 millions d’euros, après transfert de Santé publique France – autre dénomination de l’ANSP. Ce montant ne représente toutefois, je le rappelle, qu’une part très modeste du financement de la prévention. La création cette année d’un document de politique transversale permet de préciser que ces crédits représentent à peine plus de 1 % des quelque 3 milliards d’euros qui seront consacrés en 2020 à la prévention en santé par le budget de l’État.

Toutefois, la prévention dépasse très largement le champ du budget de l’État. Il faut en effet considérer l’ensemble des financements disponibles, quel qu’en soit le support, pour apprécier l’évolution des moyens qui y sont consacrés. La prévention institutionnelle, pour n’évoquer que celle-ci, est passée de 5,79 milliards d’euros en 2008 à 6,24 milliards d’euros en 2018, soit une augmentation de 7,8 % – ces montants sont retracés dans l’annexe 7 au PLFSS. Pour autant, cette évolution n’est pas homogène : sur les dix dernières années, elle s’est accrue, en moyenne, de 0,3 % par an entre 2008 et 2016, et de 2,7 % entre 2016 et 2018. Cette tendance s’est accélérée en 2019, notamment avec l’élargissement des missions du fonds national de lutte contre le tabac au champ des addictions ; celui-ci voit ses dépenses prévisionnelles augmenter à hauteur de 119,7 millions d’euros en 2019, contre 100 millions en 2018 et 30 millions en 2017.

Toutes les décisions que j’ai prises vont ainsi dans le sens d’une augmentation des crédits consacrés à la prévention, et les résultats sont là. Grâce aux mesures phares relatives à la lutte contre le tabagisme du plan priorité prévention, le nombre de fumeurs quotidiens a diminué de 1,6 million entre 2016 et 2018. Nous allons faire plus encore. Ainsi, pour 2020, le plan national santé environnement 4, qui s’intitulera « Mon environnement, ma santé », accordera la priorité à des actions simples et concrètes, permettant à chacun d’évoluer dans un environnement favorable à sa santé. Il s’agira de faciliter l’accès aux informations sur la qualité de l’environnement et de diffuser des messages de bonnes pratiques afin que chacun soit responsable de son environnement et de sa santé.

Le programme 204 regroupe également les dépenses d’indemnisation des victimes de la Dépakine. La gestion de ce dispositif d’indemnisation est, comme vous le savez, assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Ce mécanisme, qui a connu une montée en charge progressive du fait de la complexité des questions juridiques et médicales soulevées lors de l’examen des dossiers, va faire l’objet d’ajustements structurants visant à accélérer le traitement des demandes. À la suite du vote à l’unanimité de la résolution présentée par Véronique Louwagie, le Gouvernement proposera en séance publique un amendement visant à simplifier le dispositif. À cet effet, les deux instances qui le composent, le collège d’experts et le comité d’indemnisation, seront fusionnées. Par ailleurs, afin de faciliter l’indemnisation des victimes, il est proposé de fixer dans la loi des dates à partir desquelles le lien entre le préjudice et le défaut d’information sera présumé : il s’agira de 1982 pour les malformations congénitales et de 1984 pour les troubles du développement comportemental et cognitif. Les victimes pourront ainsi être indemnisées plus aisément, sans risque que leur dossier soit déclaré irrecevable.

Pour achever l’évocation des crédits du programme 204, je veux signaler la progression des moyens de l’agence de santé des îles Wallis et Futuna, sur laquelle repose exclusivement le système de santé pour l’ensemble de la population de ce territoire et sa gratuité au titre de la solidarité nationale. Sa dotation sera majorée en 2020 de 7 millions d’euros, pour la porter à 42,5 millions d’euros, afin de développer prioritairement la santé publique et la prévention, et de renforcer l’offre de soins, notamment grâce au déploiement de la télémédecine, conformément aux recommandations du rapport de la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du contrôle général économique et financier, rendu en mai 2019.

Le second programme de la mission, le programme 183, est consacré pour l’essentiel à l’aide médicale de l’État (AME). J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler dans l’hémicycle lors du débat du 30 septembre : le Gouvernement et la majorité sont attachés aux grands principes qui guident aujourd’hui notre politique d’accès aux soins et aux droits des personnes migrantes ; il n’est pas envisageable de les remettre en cause. Je pense en particulier au droit à la protection de la santé, qui est non seulement un principe constitutionnel mais qui s’inscrit également dans le cadre des engagements internationaux que nous avons souscrits. Nous n’allons donc pas remettre en cause les objectifs visés par les dispositifs de prise en charge de soins existants : les « soins urgents », assurés dès l’arrivée sur le territoire en l’absence de couverture santé ; l’aide médicale de l’État, qui permet de dispenser des soins essentiels, en ville comme à l’hôpital, pour des ressortissants étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire depuis plus de trois mois et ayant un niveau de ressources inférieur à un certain seuil ; la protection universelle maladie (PUMA), enfin, accessible aux demandeurs d’asile dès le dépôt de leur demande.

Ces dispositifs sont indispensables, pour des raisons humanitaires et de santé publique, bien sûr, mais aussi pour des objectifs de maîtrise budgétaire : nous savons que la prise en charge tardive d’une maladie est systématiquement plus coûteuse que la réalisation de soins, à temps, par la médecine de ville. Nous savons aussi que la dépense d’AME est dynamique et qu’elle représente un montant non négligeable (848 millions d’euros en 2018), même si elle ne constitue que 0,5 % des dépenses d’assurance maladie. Toutefois, cette dépense alimente parfois une défiance à l’égard du système, voire des fantasmes, qu’il est difficile de déconstruire.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité nous interroger sur l’efficience de nos dispositifs et documenter le sujet de manière rationnelle. En lien avec Gérald Darmanin, une mission sur l’AME et les soins urgents a été confiée à l’IGAS et à l’Inspection générale des finances (IGF). Notre objectif est que le rapport vous soit remis en amont de l’examen de la mission Santé du PLF en séance publique, soit début novembre. Dans cette attente, je souhaite tout de même vous indiquer que la mission écarte résolument toute mesure qui restreindrait le panier de soins ; elle a indiqué, par ailleurs, qu’il ne serait ni opportun ni efficace de réinstituer un droit de timbre et ne retient pas davantage l’idée de créer un ticket modérateur. Sur ce dernier point, la mission confirme les propos que j’ai tenus devant votre assemblée lors du débat sur l’immigration. La mission devrait faire des propositions concernant l’amélioration de la lutte contre la fraude et contre les pratiques abusives. Elle a enfin constaté le risque d’abus, que j’ai évoqués, concernant les demandeurs d’asile, qui ont accès à la PUMA dès le dépôt de leur requête. Je rappelle que cette règle est dérogatoire au droit commun, lequel prévoit qu’une personne n’exerçant pas d’activité professionnelle a accès à la protection maladie à l’issue d’un délai de carence de trois mois. Les recommandations de cette mission pourront mener à la présentation d’amendements par le Gouvernement en séance publique, même si je tiens à rappeler que le rapport des inspections générales n’engage pas le Gouvernement.

Nous devons être responsables dans la lutte contre les fraudes et les abus, mais aussi nous adapter aux problématiques de la prise en charge des soins aux migrants, qui sont des personnes particulièrement vulnérables. Pour cela, nous devons mener des démarches pour aller vers ces populations et les faire accéder aux soins et aux droits. C’est la raison pour laquelle nous avons sollicité les agences régionales de santé afin qu’elles structurent un parcours de santé destiné aux primo-arrivants, pour adapter les soins délivrés aux problématiques spécifiques vécues par les personnes immigrées et aux vulnérabilités liées au parcours de migration.

Tels sont, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes de la mission Santé. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Caroline Fiat, rapporteure pour avis. J’ai l’honneur de vous présenter mon avis sur les crédits de la mission Santé. Comme l’a souligné la ministre, cette mission subit cette année une transformation structurelle, puisque le financement de deux grandes agences sanitaires, l’ANSP et l’ANSM, est désormais assuré par l’assurance maladie, et relève donc de la loi de financement de la sécurité sociale, comme nous l’avons vu la semaine dernière. Du fait de ce transfert, les crédits de la mission perdent près de 20 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 et se montent, cette année, à un peu plus de 1,1 milliard d’euros contre plus de 1,4 milliard d’euros en 2019. Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins supporte seul la diminution des crédits de la mission. Il perd près de 265 millions au titre de ses crédits de fonctionnement, soit les trois quarts de ce qui avait été voté l’an dernier.

Les crédits destinés à l’INCa connaissent une légère diminution. L’INCa est certes soumis au même régime d’économies que les autres opérateurs, mais on peut se demander si cette diminution est pertinente, au moment où des efforts particuliers sont engagés, notamment en matière de cancérologie pédiatrique. Même si elle ne relève plus, désormais, de ce programme, je ferai une remarque identique concernant l’ANSM, dont les moyens sont réduits dans des proportions encore supérieures. J’observe en outre que la quasi-totalité des agences sanitaires sont extraites de la mission Santé, ce qui devrait sans doute nous inviter à la réflexion. L’action 11 s’intitule encore Pilotage de la politique de santé publique mais, concrètement, elle ne sert plus à piloter grand-chose, puisque Santé publique France est désormais financée par l’assurance maladie et que la très grande part des crédits de cette action financent l’ONIAM et diverses actions juridiques et contentieuses. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous faire part de la réflexion du Gouvernement sur cette question ?

Cela étant, je relève, au sein de ce même programme, que les crédits de l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna bénéficient d’un accroissement considérable, notamment pour développer la prévention et contribuer à réduire, à terme, le poids exorbitant des dépenses liées aux évacuations sanitaires. La forte augmentation – à hauteur de 40 % – des crédits destinés à la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation, dans le cadre de l’action 15, est également à souligner.

Avant de vous présenter les deux axes d’analyse que j’ai choisi de traiter dans cet avis budgétaire, je voudrais saluer une autre nouveauté de cette mission : la présentation d’un document de politique transversale portant sur le programme 204. Cette étude répond à une demande que nous avions formulée l’an dernier, par un amendement qui reprenait une proposition faite par Ericka Bareigts et Cyrille Isaac-Sibille dans leur rapport d’information sur la prévention santé en faveur de la jeunesse. Ce document permet d’avoir enfin une vision d’ensemble des crédits que l’État consacre à la prévention. L’amélioration de l’information du Parlement sur ce sujet est précieuse.

J’en viens à la présentation des deux sujets – d’une brûlante actualité – qu’il m’a paru opportun, et je dirais même essentiel, d’étudier. Le premier, qui concerne le programme 204, a trait à l’indemnisation des victimes de la Dépakine. Cette année a en effet été marquée par deux événements : d’une part, l’annonce par Sanofi, en début d’année, de son refus de participer au dispositif d’indemnisation ; d’autre part, le vote par notre assemblée d’une résolution demandant notamment la fusion du collège d’experts et du comité d’indemnisation institués auprès de l’ONIAM, afin de faciliter les procédures et d’accélérer l’indemnisation des victimes. J’ai tenu à auditionner l’ensemble des parties prenantes de ce dossier douloureux, à savoir Sanofi, l’Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (APESAC), l’ANSM et l’ONIAM.

Je retire de ces entretiens que la position de Sanofi est – objectivement – tout à fait inacceptable et que la décision de Mme la ministre des solidarités et de la santé de demander à l’ONIAM de se retourner contre le laboratoire est entièrement justifiée. Il ne fait en effet aucun doute que la responsabilité du laboratoire est fortement engagée, tant en ce qui concerne la défectuosité du médicament que le manque d’information sur les risques encourus par les patientes. C’est ce qui a été jugé en première instance en 2015 et confirmé en 2017 en appel. C’est également ce qui ressort de l’instruction des dossiers par le collège d’experts auprès de l’ONIAM, qui a reconnu Sanofi unique responsable dans les deux tiers des dossiers. Dans d’autres cas, le laboratoire partage la responsabilité avec l’État. Globalement, la responsabilité de Sanofi, intégrale ou partielle, est engagée dans plus de 90 % des cas. Malgré cela, l’entreprise nous dit clairement qu’elle s’en lave les mains et que la solidarité nationale peut payer. Le laboratoire allègue que le dispositif n’est pas impartial et qu’il n’admettra l’éventuelle mise en cause de sa responsabilité que devant les tribunaux. En tout état de cause, estime-t-il, sa position n’empêche pas les victimes d’être indemnisées par l’ONIAM. Cette attitude est, de mon point de vue, scandaleuse.

Cette entreprise dispose évidemment de tous les moyens pour faire traîner les procédures au mépris de l’intérêt des familles, et elle ne s’en prive pas. J’ajoute que les propos qu’a tenus le président de Sanofi France au cours de son audition ne me rassurent aucunement : absolument rien ne garantit que, si la cassation était favorable aux victimes, Sanofi considérerait que cette décision ferait jurisprudence. On peut craindre des procédures interminables dans chaque affaire où le laboratoire sera impliqué et pour laquelle l’ONIAM se retournera contre lui. Je vous renvoie à mon avis pour plus de détails, mais il me paraît d’ores et déjà indispensable de s’assurer de la soutenabilité financière du dispositif à long terme. Madame la ministre, où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ? Je salue le travail de l’APESAC, et tout particulièrement de sa présidente, Marine Martin, dans sa bataille sur le dossier de la Dépakine.

Le second volet de mon propos porte sur l’AME, financée par le programme 183, à l’égard de laquelle de fortes inquiétudes se sont manifestées ces derniers mois. Elles sont nées du lancement, au début de l’été, d’une nouvelle mission confiée à l’IGAS et à l’IGF, sur laquelle très peu d’informations ont filtré. Cela a alimenté l’angoisse des acteurs de terrain, qui y ont vu un risque de remise en question d’une prestation sociale d’une importance majeure, ainsi que Mme la ministre l’a souvent rappelé. Cette question me semblant essentielle, j’ai tenu à consacrer une grande partie de mon avis budgétaire à une analyse détaillée des arguments avancés contre l’AME. Je vous invite bien sûr à vous y reporter pour avoir connaissance de tous les détails, mais je voudrais vous en exposer les principales conclusions, qui montrent que l’adage « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » n’a rien perdu de son actualité.

Tout d’abord, l’AME serait une prestation sociale trop coûteuse. Qu’en est-il, en fait ? Nous y consacrons certes plus de 900 millions d’euros, mais il faut rappeler que ce budget ne représente que 0,4 % des quelque 203,5 milliards de la consommation globale de soins et de bien médicaux. Cela ramène le sujet à de justes proportions. En outre, malgré l’importance de la part prise par les hospitalisations, sur laquelle je reviendrai, il faut aussi savoir que la consommation médicale par bénéficiaire de l’AME est très inférieure à la dépense moyenne par assuré social.

Ensuite, l’AME proposerait un panier de soins trop important. En fait, ce dernier est plus réduit que celui des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), et un certain nombre de prestations ou de dispositifs en sont exclus, comme l’accès aux programmes de prévention. À ce propos, l’ensemble des acteurs de terrain – parmi lesquels on peut citer Médecins du monde, France Assos Santé, le Samu social ou encore l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – ainsi que d’autres observateurs – le Défenseur des droits ou l’Académie nationale de médecine – plaident instamment pour un rééquilibrage.

C’est pour bénéficier de l’AME qu’on immigrerait en France, entend-on parfois. En fait, toutes les études montrent que les raisons médicales ne constituent un motif de migration que pour 3 % des intéressés. La preuve en est que plus de 80 % des migrants en situation précaire ayant droit à une couverture maladie n’en ont, en réalité, aucune. Par ailleurs, dans leur très grande majorité, les migrants découvrent leur état de santé dégradé lorsqu’ils consultent, tardivement, bien après leur arrivée dans notre pays. C’est précisément la raison pour laquelle les hospitalisations, que j’évoquais précédemment, représentent une part aussi élevée dans les dépenses de l’AME. Enfin, les principales pathologies pour lesquelles sont soignés les bénéficiaires de l’AME sont liées à la grande précarité – VIH ou tuberculose, notamment – et ont fréquemment été contractées dans notre pays.

La France serait aussi plus généreuse envers les migrants que ses voisins. En fait, globalement, ce que proposent la Belgique, l’Allemagne, la Suède ou le Royaume-Uni n’est pas fondamentalement différent de ce que notre pays a inscrit dans le panier de soins.

Un autre argument est encore avancé, selon lequel l’AME ferait l’objet d’une fraude très élevée. En réalité, c’est une prestation particulièrement contrôlée à tous les niveaux.

Deux pistes sont le plus souvent évoquées : l’introduction d’un droit de timbre et la réduction du panier de soins. Contre l’avis de l’IGAS et de l’IGF, qui avaient vivement déconseillé cette mesure, qu’elles considéraient économiquement inefficace et dangereuse pour la santé publique, le Gouvernement avait néanmoins introduit un droit de timbre en 2011. Il a dû brusquement rétropédaler un an plus tard. Quant à la réduction du panier de soins, on se rappelle, par exemple, les amendements déposés en ce sens lors du débat sur la loi immigration l’an dernier. En 2012, l’Espagne a restreint le panier de soins aux seules urgences pour éviter un prétendu « tourisme sanitaire ». Il en est résulté une augmentation du taux de mortalité au sein de la population migrante de 15 %, et le gouvernement espagnol est revenu sur cette mesure l’an dernier. Toute la communauté médicale, les associations, nombre d’experts internationaux – tels ceux de l’Organisation internationale pour les migrations – sont vent debout contre l’hérésie et la catastrophe que représenterait, pour la santé publique et notre système de soins, l’introduction d’une telle mesure dans notre pays.

Compte tenu de ces éléments, je voudrais demander à Mme la ministre – même si elle a largement abordé ce sujet dans son propos liminaire – quelles sont les pistes de travail que le Gouvernement explore actuellement et quels volets de l’AME il entend réformer, pour quelles raisons et quelles finalités.

M. Marc Delatte. Si la santé n’a pas de prix, elle a un coût, à l’heure où il nous faut repenser notre système de santé. Face aux défis et aux enjeux d’un monde, d’une société en profonde mutation, avec l’accélération des connaissances, des techniques, du recours au numérique, l’ouverture du champ des possibles, comment concilier l’offre et la qualité des soins accessibles à tous, dans l’esprit de nos valeurs républicaines, de la solidarité nationale et du respect de la dignité de chacun ? Comment concilier ces valeurs et l’équilibre financier nécessaire pour assurer à nos concitoyens l’accès aux soins, partout en France, sans oublier nos territoires d’outre-mer ?

Curieux paradoxe d’un pays où l’espérance de vie est l’une des plus longues au monde, où la protection sociale est l’une des meilleures, où la recherche en santé est avancée, où les exploits médico-chirurgicaux sont salués par l’ensemble de la communauté scientifique internationale, mais où persistent encore de nombreuses inégalités sociales et territoriales. La prévention, l’éducation – afin que chacun soit pleinement acteur de sa santé – sont, madame la ministre, l’une de vos priorités : bouger, manger mieux, prévenir les cancers grâce à un dépistage accru, lutter contre les addictions, notamment le tabac et l’alcool. Les résultats sont probants. Les mesures effectives et celles qui seront appliquées prochainement, en relation avec le vieillissement et la perte d’autonomie – une meilleure prise en charge des maladies chroniques, telles le diabète, l’insuffisance rénale ou cardiaque – répondent également aux préoccupations de nos concitoyens.

La solidarité est aussi un maître-mot de votre vision globale de notre système de santé : solidarité envers les plus fragiles, liée au grand âge, au handicap et envers tous ceux qui n’ont pas la liberté de choix, du fait d’un parcours semé d’écueils. La solidarité implique la réparation, pour les victimes de l’amiante ou de la Dépakine, mais elle s’exprime aussi par l’AME, dans le pays des Droits de l’Homme : c’est une question de valeurs. C’est la raison pour laquelle il faut non seulement la maintenir mais aussi en évaluer l’efficience.

La reconnaissance des acteurs de santé dans leur engagement quotidien, prégnante et légitime, est également au cœur de vos préoccupations. Elle passe par une reconnaissance salariale, l’établissement de conditions de travail plus satisfaisantes mais aussi une meilleure organisation de notre système de soins, pour en optimiser l’offre tout en développant l’interface entre la ville et l’hôpital, au moyen, par exemple, des communautés professionnelles territoriales de santé. L’enjeu est de repenser le système de santé, trop hospitalo-centré, qui doit aussi se tourner vers l’ambulatoire en médecine et en chirurgie, par l’effet d’une volonté et d’une intelligence collectives, en responsabilité.

Madame la ministre, quelles pistes vous semblent-elles aujourd’hui prioritaires pour concilier les missions de santé publique, dans le cadre d’une réflexion éthique, et les moyens financiers qui leur sont dévolus ? Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer l’efficience de l’AME et de la protection universelle maladie ?

Mme Josiane Corneloup. La mission Santé comprend les dépenses de santé qui ne sont pas retracées dans le budget de la sécurité sociale mais dans celui de l’État. Elle est composée de deux programmes : le programme 183 Protection maladie, qui concerne la politique de l’aide médicale d’État, c’est-à-dire l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière – soit 82 % des crédits de la mission – et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui rassemble 18 % des crédits. Les crédits inscrits sur cette mission s’établissent à 1,1 milliard d’euros, en diminution de 20 % par rapport à 2019, en raison d’un effet de périmètre majeur. La dotation globale de la mission Santé connaît en effet une très forte baisse. Le financement des deux opérateurs principaux, rattachés au programme 204, est transféré à partir de 2020 à l’assurance maladie, et est donc examiné dans le cadre du PLFSS. La simplification des circuits de financement des agences sanitaires est certes nécessaire, mais de tels transferts successifs ont entraîné une diminution de 70 % des crédits du programme 204 depuis 2012. La disparition, cette année, de 60 % des crédits budgétés sur ce programme soulève la question de la capacité de pilotage par l’État de la politique de santé publique.

Quand la baisse des crédits atteint de telles proportions, on est en droit de se demander, à l’image de la Cour des comptes, si la contrainte budgétaire ne risque pas de faire obstacle à l’accomplissement de leur mission, pourtant essentielle.

Par ailleurs, ce transfert a bien été compensé cette année dans le PLFSS, mais la pratique, depuis quelque temps, qui consiste à ne plus compenser certaines dépenses décidées par l’État est inquiétante pour l’avenir.

Les crédits du programme 183 s’établissent à 942 millions d’euros, au même niveau qu’en 2019. Le regain observé en 2019, de + 3 % et le dynamisme du coût moyen par bénéficiaire doit inciter à la plus grande prudence. L’évolution de la dépense, de + 46 % entre 2011 et 2020, conduit à s’interroger sur la soutenabilité du dispositif sur le long terme.

Le Gouvernement estime que le renforcement de la lutte contre la fraude à l’AME permettra de limiter le caractère inflationniste de cette dépense en 2020. Cette démarche va dans le bon sens, mais cela reste largement insuffisant. L’AME est caractérisée par une prévisibilité complexe de la dépense, qui se traduit par une budgétisation approximative, souvent en deçà des besoins réels. Il est temps de réformer de façon structurelle ce dispositif, afin d’assurer sa soutenabilité financière et son acceptabilité par nos concitoyens.

Il conviendra également de se saisir des conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF et des propositions de réforme du dispositif. Outre les difficultés de prévision de la dépense, liées à la nature même de cette politique publique, l’information contenue dans les documents budgétaires est partielle et ne livre pas une véritable analyse de cette politique publique. À titre d’exemple, la donnée relative au pays d’origine des bénéficiaires de l’AME n’est pas conservée par l’assurance maladie. Elle permettrait pourtant d’en savoir plus sur le lien entre flux migratoires et évolution du nombre des bénéficiaires.

Ces considérations font apparaître un problème de fond, la difficulté d’établir la réalité des chiffres. La transparence manque sur le coût total des dépenses de santé pour les étrangers en situation irrégulière. Les dépenses d’AME ne couvrent en effet qu’une partie de la prise en charge de ces personnes par le système de santé. La réforme de l’AME doit s’inscrire dans un débat plus global, sur l’efficacité de la politique migratoire de la France d’une part, et sur l’importance des soins non facturables et des créances irrécouvrables par les hôpitaux au titre des soins apportés aux personnes étrangères en situation irrégulière inéligibles à l’AME, d’autre part.

La dotation allouée au financement du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, confiée à l’ONIAM, s’établit à 39,4 millions d’euros en 2020 contre 65,7 millions d’euros en 2019, ce qui représente une baisse de 40 % des crédits. Cette diminution reflète la forte sous-consommation des crédits prévus sur le dispositif depuis 2018, du fait d’un retard important dans sa mise en œuvre et de son utilisation par les victimes bien plus limitée qu’anticipée.

Mme Nathalie Elimas. La mission Santé revêt une importance particulière puisqu’elle met en œuvre les outils et les circuits de financement de la stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement. Elle s’inscrit dans la continuité du PLFSS adopté hier par notre assemblée.

Les crédits connaissent une baisse globale de près de 20 %, supportée entièrement par le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Cette baisse d’environ 300 millions d’euros est la conséquence du transfert du financement de l’ANSP et de l’ANSM de l’État vers la sécurité sociale.

Nous approuvons la hausse substantielle, de près de 40 %, des crédits consacrés à la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation. L’actualité récente nous a montré que ces risques se multiplient et que des moyens d’envergure sont nécessaires pour y faire face.

Le poste « modernisation et offre de soins » connaît également une amélioration notable et s’inscrit dans la droite ligne des mesures consacrées par le plan « Ma santé 2022 » et de la loi sur l’organisation et la transformation de notre système de santé, promulguée cet été.

Nous déplorons enfin la baisse de la dotation sur la prévention des maladies chroniques. En effet, les moyens alloués à cette action devraient croître au fil des ans, au même rythme que le développement alarmant de ces pathologies.

Nous notons avec satisfaction que le programme 204 est accompagné cette année d’un document de politique transversale apportant une visibilité sur l’ensemble des financements ministériels qui concourent à la politique de prévention en santé. Nous nous en félicitons d’autant plus que nous en sommes à l’origine ! Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, par l’intermédiaire de Cyrille Isaac-Sibille, s’engage depuis le début de la législature sur la consolidation et le développement de la politique de prévention. Ce document témoigne de l’utilité des divers travaux et propositions parlementaires transpartisans conduits depuis deux ans.

Nous proposerons un amendement destiné à poursuivre cet effort de visibilité des moyens destinés à la prévention notamment par les collectivités territoriales et les organismes complémentaires d’assurance maladie. En effet, nous considérons que ce n’est qu’en disposant de chiffres précis et étayés dressant un état des lieux complet que notre pays pourra établir un pilotage efficient de la dépense consacrée à la prévention, mais aussi définir des trajectoires d’évolution à court et moyen termes.

Madame la ministre, nous connaissons votre intérêt pour la prévention, comme vous l’avez montré avec la stratégie « Ma santé 2022 », le plan priorité prévention ou encore le comité interministériel de la santé. Notre groupe est convaincu que la prévention n’est pas seulement l’affaire du secteur médical, d’un seul ministère ou de lois de finances. Dès lors, le passage de Santé publique France dans le giron de la sécurité sociale traduit-il un recentrage de la prévention, sous la seule égide du ministère de la santé ? Pouvez-vous nous assurer que la politique de prévention conservera une dimension large, au niveau de l’État ? Les crédits de l’action de pilotage de santé publique seront-ils suffisants pour répondre aux défis qui nous attendent ?

Je rappelle que le dispositif de l’AME répond à des objectifs humanitaires et de santé publique. S’il est légitime d’examiner ces dépenses de manière approfondie pour éviter tout risque d’abus, la remise en cause du principe de l’accès aux soins serait une erreur. L’impératif est de lutter contre la fraude et d’approfondir la politique d’immigration dans son ensemble, qui fait partie des préoccupations des Français. Le Premier ministre rendra des arbitrages d’ici à la mi-novembre.

Au–delà de ces points de vigilance, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés votera les crédits de la mission Santé pour 2020.

Mme Gisèle Biémouret. Je tiens à saluer le travail de Caroline Fiat, qui redéfinit clairement ce qu’est la réalité de l’AME. Représentant entre 0,4 et 0,5 % du total des dépenses de santé de notre pays, elle véhicule des idées fantasmatiques inversement proportionnelles à son poids.

Le Président de la République vient de dire qu’il refusait un discours simplificateur sur l’immigration. Pourtant, envisager un débat sur l’AME dans l’unique perspective de lutter contre les abus serait une faute grave.

Madame la ministre, si nous avons salué votre position contre la restriction de l’AME aux soins urgents, nous disons notre opposition à la mise en place d’un délai de carence de trois mois. Aucun gouvernement, aucun parti n’a jamais proposé une telle mesure. Vous semblez dire aujourd’hui que ce ne sera pas le cas ; nous conservons cependant quelques craintes devant les injonctions contradictoires du Gouvernement.

Rappelons certains chiffres : 41 % des bénéficiaires de l’AME sont âgés de moins de 30 ans ; la part des mineurs augmente fortement, l’âge moyen des consultations des centres de Médecins du monde s’élève à 10 ans et 9 mois ; 42 % des femmes enceintes ont un retard de suivi de grossesse, 92 % ne disposent d’aucun droit ouvert à la couverture maladie ; enfin, 50 % des bénéficiaires présentent un retard de recours aux soins selon les médecins et 40 % nécessitent des soins urgents ou assez urgents.

Imposer un délai de carence fragiliserait des personnes déjà très vulnérables, les précariserait encore davantage. Plus de la moitié des personnes dans les campements sont des demandeurs d’asile. Ce serait un non-sens en termes de santé individuelle et de santé publique. La convergence vers les urgences, déjà saturées, désorganiserait le système de santé.

Le groupe Socialiste et apparentés soutient au contraire l’intégration de l’AME à l’assurance maladie, demandée par les associations de terrain, le Défenseur des droits ou l’Académie nationale de médecine. Notre groupe est comme vous, il n’a ni totem, ni tabou mais il lui reste encore des principes et des valeurs !

Mme Agnès Firmin Le Bodo. La mission Santé a évidemment un périmètre limité, l’essentiel de nos politiques publiques en matière sanitaires relevant du PLFSS. Les moyens consacrés à la mission diminuent de 20 % en 2020, à hauteur de 1,14 milliard d’euros, principalement en raison du transfert au budget de la sécurité sociale du financement de deux agences, l’ANSM et l’ANSP.

Concernant l’AME, le groupe UDI, Agir et Indépendants est en faveur d’une approche conjuguant humanité et mesure, afin d’en maintenir l’efficience. Il faut être vigilant pour que son coût ne devienne pas insupportable pour nos finances publiques. Il convient aussi de rappeler que la suppression du dispositif ne serait pas synonyme d’économies, puisque le coût de la prise en charge des personnes en situation irrégulière serait alors assumé par les services d’urgences, donc par les hôpitaux. Par ailleurs, en permettant à ses bénéficiaires un accès aux soins de ville, l’AME permet une prise en charge en amont des pathologies, ce qui permet d’éviter les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence.

Le maintien au même niveau des crédits demandés pour 2019 et 2020, à hauteur de 934 millions d’euros, soulève cependant plusieurs questions. Est-ce réaliste, alors que le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter depuis la création de l’AME en 2003 ? Entre 2017 et 2018, selon les chiffres du projet annuel de performances pour 2020, 2 271 personnes supplémentaires ont bénéficié du dispositif. Dans ce contexte, il est prévu, parallèlement aux actions de lutte contre l’immigration irrégulière, d’accentuer les efforts sur la gestion des dispositifs et de renforcer les contrôles. Or le pourcentage de dossiers d’AME contrôlés a diminué entre 2018 et 2019 de 0,8 %, pour s’établir à 10 %. Est-il possible d’atteindre 12 % en 2020 ?

Pour améliorer la gestion de l’AME, un projet de centralisation de l’instruction des demandes sera mis en œuvre progressivement au cours du dernier trimestre 2019, au sein des caisses d’assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille. Cette mutualisation devrait permettre des économies de gestion de l’ordre de 3,5 millions d’euros par an, grâce à la diminution du nombre des équivalents temps plein chargés de l’instruction des dossiers et à la centralisation de la fabrication des cartes sur le pôle de Cergy. Ce projet n’engendrera-t-il pas engendrer des coûts supplémentaires ?

Les crédits consacrés au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) n’évoluent pas entre 2018 et 2019 et restent stables, à 8 millions d’euros. Je note que le pourcentage de décisions présentées aux victimes de pathologies graves dans le délai légal de six mois n’a pas atteint son objectif de 90 % prévu en 2019 et s’est établi à 80 %. De même, la prévision pour 2020 n’est pas à la hauteur de la cible de 90 %. Le pourcentage des offres d’indemnisation du FIVA payées aux victimes dans le délai de deux mois passe de 92 à 95 % entre 2018 et 2019 mais se situe en dessous de la cible de 99 % prévue dans les projets de lois de finances pour 2019 et pour 2020. Pourriez-vous nous donner des précisions ?

Nous renouvelons notre interrogation sur la contribution de l’État aux ressources du FIVA, plafonnée à 8 millions d’euros depuis 2017, alors qu’elle était de 13,4 millions d’euros en 2016, soit une baisse de 40 %. Ce montant est insuffisant au regard des responsabilités assumées par l’État dans le scandale de l’amiante.

Le programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, a fait l’objet d’importantes mesures de périmètre, ce qui explique la majeure partie des baisses de crédits, à hauteur de 268 millions. Je tiens néanmoins à saluer les performances des campagnes antitabac, qui produisent tous leurs effets. Nous avons voté un amendement au projet de loi relatif à la bioéthique visant à lancer une campagne de prévention sur l’infertilité. Quelle suite y est-elle donnée ? Enfin, il me semble urgent d’agir, en matière de prévention, sur la contraception des jeunes femmes, un sujet dont on parle très peu.

Enfin, je note que l’indicateur des délais de traitement des autorisations de mise sur le marché des médicaments a été supprimé, en raison du transfert de l’ANSM à l’assurance maladie en 2020. Il est important pour la France que l’objectif d’un délai de 500 jours soit maintenu. Il n’est pour l’instant pas atteint ; cela est significatif de la baisse d’attractivité de notre pays pour les industriels et représente une perte de chance pour les patients, que les dispositifs d’autorisation temporaire d’utilisation ne parviennent qu’imparfaitement à compenser.

Mme Jeanine Dubié. Je voudrais tout d’abord remercier Caroline Fiat pour son rapport étayé et approfondi, et pour les précisions qu’elle a apportées sur l’AME, sujet particulièrement clivant. Ce rapport permet d’objectiver la question et de couper court à certaines affirmations infondées.

Face à la diminution de 20 % des crédits alloués aux programmes de prévention et de protection maladie, je ne peux qu’exprimer la déception du groupe Libertés et Territoires. Cette baisse répond à la même logique que celle qui commande le PLFSS, les moyens sont insuffisants pour permettre au système de soins de relever les défis auxquels il est confronté.

La stratégie nationale de santé 2018-2022 devait permettre de développer les mesures de prévention, afin de lutter contre les inégalités territoriales et sociales d’accès aux soins. Le groupe Libertés et Territoires aurait apprécié que ces mesures concernent en priorité les personnes les plus fragiles. Nous attendions surtout que ce budget pour 2020 traduise l’ambition affichée par le Gouvernement en matière de prévention. Or, en figeant les crédits dédiés aux actions Santé des populations et Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, le Gouvernement n’allie pas la parole aux actes et envoie de mauvais signaux en matière d’égalité d’accès aux soins. Ce sont pourtant ces ressources qui financent la sensibilisation des plus vulnérables, comme les migrants, les femmes victimes de violences, les détenus ou les personnes atteintes de pathologies lourdes.

Les moyens alloués au programme 204 doivent permettre de conduire des opérations conséquentes de prévention et de santé publique, pour une meilleure couverture vaccinale, contre le tabac ou pour la prévention des maladies neurodégénératives. Alors que de telles actions sont indispensables, le budget pour 2020 interroge sur la capacité réelle du Gouvernement à piloter une politique de santé ambitieuse en la matière.

Concernant les risques liés à l’environnement et à l’alimentation, nous saluons les 7 millions d’euros supplémentaires consacrés aux actions de prévention. Je note avec satisfaction que le plan chlordécone 3 intensifie les actions de surveillance et de recherche. Mais ce budget montre que le Gouvernement a définitivement fermé la porte à une indemnisation de la population antillaise. C’est regrettable, alors même qu’une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet devrait bientôt rendre son rapport.

Le programme 183, qui porte notamment sur l’AME, souffre du même manque d’ambition budgétaire, puisque les crédits stagnent. Nous partageons l’objectif du Gouvernement, qui est d’accentuer ses efforts contre les fraudes, mais maintenir les crédits consacrés à l’AME au même niveau que l’an dernier – une première depuis 2013 – paraît insuffisant. Les débats que nous avons eus autour de l’AME, dans le cadre du débat sur l’immigration, ne doivent pas conduire à diminuer nos efforts pour soigner chacun, quel que soit son statut.

Rappelons que l’AME ne représente que 0,4 % de la consommation globale de soins et de biens médicaux et qu’une grande majorité des bénéficiaires n’y ont pas recours. Ce dispositif a été créé pour subvenir aux besoins de personnes en grande précarité, particulièrement exposées aux risques de santé en raison de leurs conditions de vie difficiles. Ne pas assurer un accès aux soins primaires à ces personnes qui cumulent les difficultés sanitaires et sociales conduirait la collectivité à devoir assumer des dépenses plus importantes, notamment hospitalières. Cette aide d’urgence doit être maintenue et préservée. Il ne fait aucun doute que sa suppression pure et simple aurait des conséquences sanitaires et financières graves pour l’ensemble de la population.

Madame la ministre, lors du débat sur la politique migratoire à l’Assemblée nationale, vous avez défendu avec fermeté le principe de solidarité, au cœur de l’AME, « pour des raisons humanitaires et des impératifs de santé publique ». Pourtant, il semble que votre position a évolué et notre groupe s’interroge sur les orientations prises par le Gouvernement à l’issue des recommandations de l’IGAS et de l’IGF – il est d’ailleurs regrettable de ne pas avoir reçu leurs conclusions avant l’examen de ce budget. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

M. Adrien Quatennens. Je commencerai évidemment par saluer l’excellent travail de ma collègue Caroline Fiat. Alors que le contexte est grave, cet exercice budgétaire montre une nouvelle fois son caractère inadapté, puisqu’il s’agit de passer à travers le fameux tunnel des 3 % de déficit des sujets aussi importants que ceux qui se rapportent à la santé.

Faire des économies dans ce domaine ne répond pas aux enjeux politiques. Un simple regard porté sur la situation de l’hôpital public, les déserts médicaux, le taux de renonciation aux soins, les carences en matière de prévention, ou encore l’affaiblissement de l’État face aux industriels, comme l’a révélé le scandale de la Dépakine, montre qu’il faut des moyens supplémentaires !

Madame la ministre, vous avez répété que l’enjeu principal ne résidait pas dans l’allocation de moyens supplémentaires, mais dans une meilleure organisation, une restructuration, un redéploiement. Pourtant, dans les domaines que je viens d’évoquer, démonstration est faite que ce qu’il manque, ce sont des moyens supplémentaires. Nous sommes certains que le pôle public du médicament, que nous appelons de nos vœux, serait tout à fait adapté aux enjeux du moment ; nous sommes certains qu’un modèle 100 % sécurité sociale, grâce auquel les assurés n’auraient pas à débourser un seul euro pour se faire soigner, est non seulement finançable, mais adapté aux enjeux.

Je redis ici l’impérieuse nécessité, pour la représentation nationale, de connaître dans cette période de discussion budgétaire vos intentions en matière de déploiement de moyens nouveaux pour l’hôpital. Face à la colère des hospitaliers qui ne faiblit pas, vous avez répété que vous gardiez des éléments sous le coude, et que vous les proposeriez peut-être en novembre. Nous y sommes, et si vous avez des déclarations à faire ce soir, notre commission vous écoutera avec attention !

Le travail salutaire mené par Caroline Fiat sur l’AME permet de désenfumer le sujet. L’AME honore la France ; elle ne représente pas cette charge considérable dénoncée par ceux qui demandent à la supprimer. Ceux-là feraient mieux de méditer sur les conséquences sanitaires d’une telle suppression : ne savent-ils pas que les microbes ne demandent pas leurs papiers à ceux qu’ils attaquent ? Non, la charge financière de l’AME n’est pas insurmontable pour un pays comme le nôtre : la France a un devoir d’humanité envers ceux qui se déplacent, qu’il s’agisse de les soigner ou de les accueillir.

J’observe qu’il existe un angle mort dans les débats sur l’immigration, qui devrait davantage retenir notre attention que le fameux appel d’air redouté de certains : il s’agit des raisons qui poussent les gens à quitter leur pays et à se déplacer, et à notre responsabilité. Car personne ne choisit de s’exiler sans souffrance, et personne ne compare les systèmes de soins avant de partir ! Cela sera encore plus vrai demain lorsque les conséquences du changement climatique pousseront des centaines de millions de personnes à se déplacer – croyez-moi, elles n’auront pas le temps de choisir leur destination, fût-elle dotée d’un dispositif tel que l’AME ! Notre part de responsabilité dans le changement climatique, dans les conflits, dans les accords commerciaux inégaux, et donc dans l’émigration, est un sujet bien plus important que celui de l’AME, et c’est un honneur pour moi que d’avoir pu l’évoquer au sein de cette commission.

Mme Geneviève Levy. La maladie de Lyme progresse en France et dans le monde. Nous assistons à une explosion de cas sur le territoire et désormais, 700 000 de nos compatriotes sont touchés. Cette augmentation, particulièrement fulgurante entre 2017 et 2018, est inquiétante. Pourtant, la maladie se propage dans le silence le plus total ; seuls résonnent les échos des polémiques sur les recommandations de bonne pratique publiées par la Haute Autorité de santé (HAS). Il faudrait agir et se donner les moyens d’agir. Cette action ne peut passer que par la recherche fondamentale, clinique et appliquée, pour améliorer les traitements. Quels sont les crédits que vous comptez consacrer à la lutte contre cette maladie ?

Mme Martine Wonner. Madame la rapporteure, je connais votre sensibilité à l’égard des plus vulnérables, et je vous remercie pour le travail que vous avez mené. Sans surprise, madame la ministre, ma question porte sur le programme 183. Les discussions que nous avons entamées avec vous vont se poursuivre dans les heures à venir. Les chiffres établissent que seuls 12 % des bénéficiaires de l’AME y ont recours. Rester à budget constant signifie que l’État anticipe – certains diraient même souhaite – que le taux de recours à l’AME diminue. Dans le cas contraire, et si le nombre de demandeurs devait augmenter, l’État choisirait de réduire le panier de soins.

Je sais à quel point nous pouvons vous faire confiance et combien vous êtes attachée à l’AME. Réduire l’accès au dispositif serait très clairement une erreur, tout comme le report erratique sur les permanences d’accès aux soins de santé. Quelle est votre vision, madame la ministre, de l’AME pour 2020 ?

Mme Isabelle Valentin. L’AME est caractérisée par une prévisibilité complexe de la dépense, qui se traduit par une budgétisation approximative. La réforme structurelle de ce dispositif semble indispensable pour assurer sa soutenabilité financière et l’acceptabilité par nos concitoyens. La difficulté d’établir la réalité des chiffres est le problème de fond. Il existe en effet un manque de transparence sur le coût total des dépenses de santé de ces personnes, qui ne sont couvertes qu’en partie par l’AME. Lors du débat sur la politique migratoire de la France et de l’Europe, vous avez expliqué, madame la ministre, qu’un accord préalable pourrait être requis pour certains soins non vitaux et qu’une réduction du panier de soins pourrait être envisagée. Avez-vous avancé sur ces pistes de réflexion ?

Mme Stéphanie Rist. Je voudrais revenir sur la diminution du périmètre du programme 204 en raison du transfert des financements des opérateurs principaux vers l’assurance maladie. Depuis 2012, il a perdu plus de 70 % de ses crédits. Ces transferts doivent nous interroger sur la pérennité du programme dans le PLF : ses crédits sont-ils voués à être intégralement transférés au PLFSS ? Y aurait-il un bénéfice à le faire, notamment au regard de nos débats parlementaires autour des enjeux de compensation entre l’État et la sécurité sociale ?

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, trois semaines après le débat sur l’immigration et alors qu’un rapport de l’IGF et de l’IGAS doit être publié prochainement, nous sommes tous dans l’attente d’une législation claire sur l’AME. Son évaluation constitue une première étape indispensable avant toute modification de ses principes – à ce sujet, vous avez vous-même évoqué plusieurs pistes telles que la réduction du panier de soins, les contrôles ou encore le panier de soins nécessaires –, mais ne permet pas de se saisir de l’ensemble du problème dans un contexte d’augmentation du nombre de bénéficiaires, comme cela a été rappelé.

Il est temps de réformer de manière structurelle le dispositif pour permettre une meilleure acceptabilité, à la fois sur le plan financier et pour nos concitoyens. Il s’agit bien évidemment d’un sujet très sensible et, si nous devons accueillir avec respect les personnes malades, nous devons aussi prendre nos responsabilités. J’aimerais donc savoir quels sont vos nouvelles propositions et vos engagements, afin que nous puissions avancer sur ce sujet.

M. Thierry Michels. Madame la ministre, vous avez mis en évidence dans votre exposé l’importance de la prévention dans nos politiques publiques, qui constitue le meilleur investissement possible pour les fonds que l’État et la collectivité nationale mettent à notre disposition. Cette prévention doit se nourrir de l’innovation au plus proche du terrain, des besoins et des acteurs.

L’innovation des territoires, c’est l’enjeu du programme « Territoires d’innovation », ce dispositif d’investissement de 450 millions d’euros annoncé par le Premier ministre en septembre dernier. La ville et l’Eurométropole de Strasbourg ont été sélectionnées pour porter le projet « Strasbourg : territoire de santé de demain ». La subvention prévue par l’État est de 10,6 millions d’euros et le potentiel d’investissement par l’État de 25 millions d’euros.

Madame la ministre, votre ministère a-t-il prévu d’allouer des crédits au programme « Strasbourg : territoire de santé de demain » au travers des différents modes de financement du Grand plan d’investissement ? Comment la répartition des crédits va-t-elle s’opérer et quelle gouvernance votre ministère va-t-il mettre en place pour suivre la transformation de ce territoire et son ambition à un horizon de dix ans ? Comment est envisagée la diffusion des bonnes pratiques développées sur le territoire ? Enfin, de manière plus générale, quelle est votre vision de la place de l’innovation – je pense en particulier à l’intelligence artificielle, et à l’exploitation massive de données dans l’orientation des politiques publiques en matière de prévention ?

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, j’ai trois questions à vous poser.

La première concerne la maladie de Lyme. Lundi après-midi, dans le cadre de l’examen des crédits du budget de la recherche en séance publique, nous avons défendu un amendement visant à augmenter les crédits pour la recherche sur cette maladie – qui, comme vous le savez, cause d’importantes souffrances à un grand nombre de personnes qui en sont atteintes –, mais cet amendement a été refusé par le Gouvernement, en la personne de votre collègue Mme Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. J’aimerais connaître votre position sur ce point.

Ma deuxième question porte sur le transfert des crédits de Santé publique France vers le PLFSS, un transfert qui fait naître quelques inquiétudes. Si la totalité des crédits est maintenue cette année, on peut se demander si ce sera encore le cas l’année prochaine : il ne faudrait pas que ce transfert pèse sur les politiques de prévention et, plus largement, sur l’ensemble des politiques développées par Santé publique France.

Enfin, la Cour des comptes, dont nous avons récemment reçu le Premier président ici même, vient de souligner dans son rapport une très forte diminution du nombre de donneurs d’organes. Pouvez-vous nous préciser quelles orientations vous souhaitez donner à la politique mise en œuvre en la matière ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Madame la ministre, la prévention constitue une préoccupation pour tous les groupes, et à cet égard chacun se félicite que la stratégie nationale de santé comporte un plan Priorité prévention. J’aurai trois questions à vous poser à ce sujet.

Premièrement, êtes-vous toujours favorable au « jaune » budgétaire adopté la semaine dernière en commission des finances, et à ce que les organismes complémentaires d’assurance maladie y soient intégrés au même titre que les dispositions relatives à la formation professionnelle pour les entreprises ?

Deuxièmement, en ce qui concerne les bénéficiaires de l’AME et la prévention, que pensez-vous de l’idée consistant à faire appel aux centres d’examens de santé pour proposer des bilans à la population concernée ?

Troisièmement, on peut craindre que le délai de carence de la PUMA rende impossible la prise en charge urgente des problèmes de santé mentale dont pourraient souffrir les demandeurs d’asile qui, comme on le sait, ont souvent été exposés à des traumatismes importants. Qu’en pensez‑vous ?

Mme Émilie Bonnivard. Madame la ministre, au-delà du cadre de la mission Santé, je souhaite connaître votre position sur deux problématiques fondamentales de l’hôpital public, notamment dans les territoires ruraux et de montagne. En début de semaine, j’ai reçu les représentantes des professionnels de santé – infirmiers, aides-soignantes et agents des services hospitaliers – du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, qui forme un ensemble avec l’hôpital local de Modane et l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes d’Aiguebelle, et j’ai également pu échanger avec la direction du centre. Ces rencontres m’inspirent deux questions fondamentales.

Premièrement, comment accepter le fait que les personnels concernés ne puissent ni récupérer leurs heures supplémentaires en raison de tensions dans les effectifs et de difficultés de recrutement, ni se les faire payer du fait de contraintes budgétaires ?

Deuxièmement, à l’heure où l’on sait que les hôpitaux peinent à recruter suffisamment d’aides-soignantes, ce métier souffrant d’un déficit d’attractivité, des mesures de revalorisation salariale sont-elles envisagées pour remédier à ce problème ?

Mme Delphine Bagarry. Madame la ministre, vous avez évoqué l’éventualité d’un amendement visant à ce qu’un délai de carence de trois mois de résidence s’applique aux personnes souhaitant bénéficier de la PUMA. Comment une telle disposition peut-elle être prise dans le cadre de la mission Santé, alors que la PUMA relève du régime et du financement de la sécurité sociale ? Par ailleurs, s’il faut procéder à un alignement, pourquoi ne pas faire le choix du mieux-disant en n’imposant aucun délai de carence à personne ?

Mme la ministre. Je pense avoir répondu dans mon propos liminaire aux questions de Mme Fiat portant sur l’AME et sur la Dépakine. Pour ce qui est de la baisse des crédits de l’INCa, je rappelle qu’elle est extrêmement faible, puisqu’elle représente une variation de moins de 2 %. Les crédits, qui se sont élevés à 42,36 millions d’euros en 2018 et à 42,16 millions d’euros en 2019, seront de 41,27 millions en 2020. L’année 2020 sera celle de l’évaluation du Plan cancer, et le contrat d’objectifs et de performance de l’Institut pour 2015-2018 a été prolongé d’un an, le temps de procéder à cette évaluation du Plan cancer, afin que nous puissions proposer de nouvelles orientations pour l’avenir.

La diminution des crédits de 0,9 million d’euros s’obtient au moyen d’économies de fonctionnement de l’Institut, et j’ajoute que les crédits du programme 204 portant sur l’INCa ne représentent pas la totalité des budgets de l’Institut, dont la moitié du financement provient du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Les crédits de recherche sont partagés par moitié entre des crédits gérés par l’INCa – pour un montant d’une trentaine de millions d’euros, me semble-t-il, du moins était-ce le cas quand j’étais présidente de cette institution – et des crédits gérés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – c’est d’ailleurs dans le cadre de ce budget qu’ont été augmentés les crédits alloués à la recherche sur les cancers des enfants. Au total, les légers ajustements financiers auquel il est procédé ne mettent en péril ni le Plan cancer, ni les programmes de recherche, et j’espère vous avoir rassurée sur ce point.

Monsieur Delatte, vous m’avez interrogée sur l’efficience de nos programmes d’accès aux soins pour les personnes étrangères, et sur les moyens d’améliorer l’aide médicale d’État et la PUMA. Comme vous, nous attendons les conclusions du rapport IGAS-IGF. Il n’y a aucune remise en cause des grands principes de l’AME. Comme je l’ai dit, il n’y aura pas de réduction du panier de soins, puisqu’il semble que le rapport IGAS-IGF ne le recommande pas – je n’ai pas encore pu prendre connaissance de ce document, mais c’est en tout cas ce qui ressort des premières discussions que nous avons eues avec les rapporteurs. Par ailleurs, le principe de la participation financière des pays bénéficiaires a été supprimé – j’avais déjà affirmé devant la représentation nationale que je ne retiendrais pas cette solution qui me paraît aboutir à restreindre l’accès à l’AME et à accroître en contrepartie le recours aux soins urgents, ce qui représente un simple report des dépenses sur l’hôpital public s’accompagnant d’un report de nombreux bénéficiaires de l’AME vers des services d’urgence déjà saturés.

Je suis convaincue que pour améliorer l’acceptabilité du dispositif, nous avons la responsabilité de lutter contre les fraudes et que, si ces fraudes représentent une faible proportion des demandes lorsqu’on cherche à en évaluer l’ampleur, c’est que le dispositif actuel se prête davantage à des pratiques qui en constituent un dévoiement qu’à de véritables fraudes. Ce dévoiement n’est pas le fait des migrants de la porte de la Chapelle ni, plus généralement, des personnes qui fuient leur pays ou des immigrés venant d’Afrique, mais de personnes pratiquant ce qu’on appelle le tourisme médical. Connaissant parfaitement le dispositif légal, elles entrent en France en étant munies de visas touristiques, et accèdent ensuite à l’AME en prétendant ne pas avoir de papiers et être hébergées sur le territoire depuis plus de trois mois. Quand on regarde les dossiers de ces personnes, on constate qu’ils répondent aux conditions requises pour accéder à l’AME : légalement, il ne s’agit donc pas de fraudes, mais d’un dévoiement. Je souhaite lutter contre ce phénomène qui, s’il est difficile à évaluer, nuit considérablement à la crédibilité d’un dispositif indispensable pour les personnes vulnérables.

Il existe un autre problème, celui de l’accès à la PUMA par des demandeurs d’asile provenant de pays dits sûrs. C’est précisément ce type de cas qui est aujourd’hui à l’origine d’une hausse du nombre de demandes : nous constatons une énorme augmentation des demandes d’asile provenant de Géorgie et d’Albanie, notamment, qui sont a priori des pays sûrs. On peut se demander s’il n’y a pas, là aussi, un dévoiement du dispositif d’accès à la PUMA par des personnes qui viennent en France dans le but spécifique de se faire soigner. Afin d’y remédier, nous avons donc envisagé un délai de carence de trois mois, et attendons les conclusions du rapport IGAS-IGF pour nous prononcer définitivement.

J’estime que, parallèlement aux dispositifs visant à limiter les abus, nous devons faire en sorte que les personnes ayant vraiment besoin de l’AME, et qui y recourent très peu, puissent avoir réellement accès aux soins. Je rappelle qu’aujourd’hui, seulement 12 % des personnes présentes en situation irrégulière en France depuis moins d’un an ont recours à l’AME, ce qui montre bien que la plupart des personnes arrivant sur notre territoire connaissent mal le dispositif et ne demandent pas l’accès à l’AME. Il y a donc un enjeu en termes d’amélioration de l’accès aux soins pour ces personnes migrantes – je pense notamment aux migrants de la porte de la Chapelle, qui demandent rarement à bénéficier de l’AME.

Nous devons améliorer l’accès aux soins sur la question du psychotrauma, et pour cela nous augmentons les subventions aux associations spécialisées pour les troubles psychiques, et renforçons les équipes mobiles de psychiatrie de précarité, qui ont développé des partenariats avec les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile.

Toujours au sujet de l’AME, vous estimez, madame Corneloup, que limiter la fraude est insuffisant, que l’on ne dispose pas de données suffisantes sur la réalité des flux et qu’il y a un manque de transparence sur la réalité des dépenses. On ne peut pas dire qu’il y ait un manque de transparence, puisqu’il se trouve que la France est, à ma connaissance, le seul pays européen à être doté d’un dispositif spécifiquement destiné aux étrangers malades, ce qui permet d’avoir une visibilité sur les dépenses. La France est le seul pays à avoir une AME dont les dépenses ne sont pas intégrées à celles de l’assurance maladie, ce qui fait que ces dépenses sont tout à fait transparentes, et votées par le Parlement. Les autres pays ont, eux, beaucoup de difficultés à savoir ce qu’ils dépensent réellement pour les étrangers malades.

Cela dit, nous devons chercher à améliorer notre visibilité en termes de consommation de soins de chaque bénéficiaire, afin de disposer d’une meilleure traçabilité par rapport au coût global. Nous travaillons également à rendre plus lisible l’estimation des dépenses de soins pour les demandeurs d’asile – qui ont accès à la PUMA, et non à l’AME –, car des progrès restent à accomplir pour améliorer la traçabilité dans ce domaine. Enfin, nous souhaitons également lancer des travaux en vue d’améliorer le recouvrement des dettes hospitalières.

Je vais maintenant répondre de façon globale à Mme Fiat, Mme Corneloup, M. Delatte, Mme Firmin Le Bodo et M. Quatennens, qui m’ont tous interrogée sur la capacité de pilotage par l’État et le transfert du financement des agences à l’assurance maladie. Si nous transférons le financement de ces agences, c’est d’abord parce qu’elles sont pilotées de façon disparate – parfois au sein du budget de l’État, parfois dans le cadre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Qu’il s’agisse de la pharmacovigilance ou de la prévention dans le champ de la santé publique, toutes ces agences sont en réalité étroitement liées aux négociations conventionnelles sur les médicaments ou aux politiques de prévention non institutionnelles, conduites notamment par les professionnels de santé eux-mêmes. C’est pourquoi, depuis quelques années, on centralise le financement de la totalité des agences au sein du sixième sous-objectif de l’ONDAM. Cela n’est en rien un renoncement au pilotage étatique : il s’agit d’un simple transfert de budget. Le Parlement vote aussi bien l’ONDAM que les crédits ministériels, et la ministre de la santé arbitre aussi bien sur la construction de l’ONDAM – donc le sixième sous-objectif – que sur son budget.

La nature d’établissement public de l’État n’est donc en rien remise en cause pour ces agences : au contraire, l’un des objectifs poursuivis par le transfert du financement des agences est de pouvoir disposer d’une vision unifiée des politiques de santé, grâce à un débat éclairé sur le PLFSS – sur ce point, les choses vont se trouver simplifiées, car nous avons aujourd’hui un débat morcelé entre le PLFSS et le PLF.

La réalisation d’un document de politique transversale est une première étape et la deuxième pourrait consister en l’établissement d’un jaune budgétaire, mais à l’heure actuelle c’est surtout la fusion avec l’annexe 7 du PLFSS qui continue de manquer à nos débats, alors qu’elle représente d’ores et déjà 200 milliards d’euros de dépenses de santé ; une annexe commune pourrait même être envisagée – c’est en tout cas un objectif partagé par le Gouvernement.

La question de l’avenir du programme 204 se posera évidemment l’année prochaine, et il est tout à fait envisageable que les actions qui y demeureront rejoignent à terme le programme 183. En l’état actuel des choses, aucune hypothèse n’est écartée et ce point fera l’objet de travaux cet hiver. Enfin, la compensation est faite à la sécurité sociale et le pilotage unifié dans l’ONDAM est plus simple, moins rigide, et vise à être plus global et plus intelligent.

Madame Biémouret, vous proposez l’intégration de l’AME dans la PUMA. Nous ne pensons pas que l’amélioration de la prise en charge des ressortissants étrangers en situation irrégulière passe par l’intégration des bénéficiaires de l’AME à l’assurance maladie. Premièrement, cela pose des questions de principe : l’assurance maladie est aujourd’hui une assurance couvrant un risque et financée en très grande partie par les cotisations des salariés, alors que, du fait de leur situation irrégulière, les personnes actuellement couvertes par l’AME n’ont pas vocation à s’inscrire dans le système contributif de l’assurance maladie. Cela ne manquerait pas d’augmenter les fantasmes et les crispations sur ces sujets, tout en marquant le désengagement de l’État sur le champ de la solidarité : au total, ce serait un mauvais signal relatif à la prise en charge sur notre territoire des étrangers en situation irrégulière.

Vous avez évoqué le fait que le délai de carence de trois mois pour l’AME n’est pas supportable. Or c’est pour la PUMA et les demandeurs d’asile que la question de ce délai se pose. L’AME est déjà assortie d’une condition de trois mois de résidence sur le territoire : on ne change donc rien au délai pour l’AME. Je me permets de vous rappeler que le parti socialiste n’est pas le seul à avoir des principes et des valeurs, madame Biémouret...

Je pense vous avoir déjà répondu au sujet du pilotage, madame Elimas. Comme vous l’avez compris, notre objectif est avant tout de lutter contre la fraude et le dévoiement – une pratique qui, au regard des dossiers examinés, n’est pas toujours une fraude à proprement parler, mais justifie cependant que nous cherchions à lutter contre afin de préserver la pérennité du dispositif.

Madame Firmin Le Bodo, vous avez évoqué la question des contrôles. À l’heure actuelle, les contrôles sur l’AME portent sur 10 % des dossiers, un chiffre que nous espérons porter à 12 % en 2020 grâce à la centralisation des dossiers dans les trois caisses, qui permettra aussi une bien meilleure visibilité des établissements, qui ont une activité particulièrement élevée en termes d’AME.

Vous m’avez également interrogée au sujet du FIVA. Il est tenu de faire une offre dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande d’indemnisation ; or le délai moyen de présentation en 2019, toutes décisions confondues, satisfait ce délai légal, puisqu’il est en moyenne de trois mois et deux semaines sur l’ensemble des dossiers. Nous ne pensons donc pas qu’il soit utile de modifier aujourd’hui quoi que ce soit au FIVA.

Pour ce qui est de la campagne sur l’infertilité, je dirai qu’il faut que nous la construisions, et pour cela commencer par rassembler les compétences pour savoir comment la mener – car elle n’était pas dans les tiroirs au moment où nous avons débattu de la loi de bioéthique.

Madame Valentin, vous m’avez interrogée sur la soutenabilité de l’AME. Les dépenses pour les bénéficiaires de l’AME à l’échelon individuel augmentent de 0,5 % par an, contre 1,6 % par an pour la PUMA : l’augmentation des dépenses de santé des bénéficiaires de l’AME est beaucoup moins importante que la moyenne de l’augmentation des dépenses de santé pour les bénéficiaires de la PUMA, ce qui montre bien que la population concernée ne surutilise pas le dispositif de l’AME, bien au contraire. Les nouveaux bénéficiaires de l’AME étaient 140 000 en 2018, un chiffre stable depuis trois ans, ce qui nous permet de compter non seulement sur la stabilité, mais sur la diminution qui devrait résulter de la mise en œuvre de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière.

Monsieur Quatennens m’avait interrogée sur l’hôpital, mais il est parti, ce qui me dispense de lui répondre...

Madame Levy, je veux vous dire que le ministère de la santé porte une attention particulière à la maladie de Lyme. Comme vous le savez, nous avions saisi la HAS afin de pouvoir émettre des recommandations sur cette maladie. Cinq centres de référence pour la prise en charge des maladies vectorielles à tiques sont prévus dans le plan national : il s’agit du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et Saint-Étienne, du CHU de Marseille, du CHU de Rennes, du CHU de Strasbourg et du groupement hospitalier du territoire de Villeneuve-Saint-Georges. Ces centres sont associés à la réflexion et aux travaux d’actualisation des recommandations par la HAS. L’urgence pour nous est de mettre fin à l’errance diagnostique et à la souffrance des patients : pour cela, un travail est actuellement mené sur la prise en charge des patients en ville comme en milieu hospitalier, avec un renforcement des actions de prévention, des supports d’informations, des applications et des précautions à l’intention des randonneurs. Cet ensemble de mesures constitue un plan pour la maladie de Lyme.

Madame Wonner, je crois vous avoir répondu sur le non-recours à l’AME, et je vous confirme notre intention de travailler en direction des populations vulnérables.

Je vous ai également répondu, madame Rist, sur le transfert des financements des opérateurs principaux vers l’assurance maladie.

Monsieur Perrut, vous m’avez demandé quels engagements je compte prendre au sujet de l’AME et la PUMA : j’attends évidemment de prendre connaissance du rapport de l’IGAS et de l’IGF, même si les propositions qu’il contient n’engagent pas le Gouvernement, avant de me prononcer sur l’évolution de ces deux dispositifs.

Pour ce qui est des financements prévus pour les territoires de santé, monsieur Michels, ce sont là des sujets pilotés par Jacqueline Gourault, puisque ce sont des crédits du ministère de la cohésion des territoires – étant précisé que le ministère de la santé porte un regard sur tout ce qui entre dans le champ de la santé.

Pour ce qui est de la place de l’innovation et de l’intelligence artificielle dans le champ de la santé, nous sommes extrêmement mobilisés, puisque ces questions ont été au centre des débats sur le projet de loi relatif à la bioéthique – notamment quand il s’est agi de la création du health data hub et de son pilotage –, mais aussi dans le cadre de l’examen du PLFSS 2019 et de la présentation de la stratégie Ma santé 2022. Le health data hub, qui est en train de se constituer et dont je pense annoncer la mise en route courant novembre, va rendre possible la centralisation des données de santé anonymisées avec un très haut degré de sécurisation, de nature à empêcher de remonter vers les individus en partant des données et permettre à la France d’être extrêmement compétitive dans le champ de l’intelligence artificielle en santé.

Monsieur Lurton, je vous ai répondu sur la maladie de Lyme. Pour ce qui est du don d’organes, comme vous le savez, la loi relative à la bioéthique de 2011 a autorisé le don croisé entre paires de donneurs et de receveurs, de façon à compenser la baisse du nombre de donneurs d’organes. Dans une certaine mesure, il faut se réjouir de ce constat, puisqu’il résulte de la diminution de la mortalité précoce de nos concitoyens, notamment de la mortalité routière. Cependant, nous devons mieux informer les Français sur le principe selon lequel chacun est un donneur d’organes dès lors qu’il n’a pas fait part de son vivant de son opposition au don.

Madame Bagarry, vous me demandez comment un délai de carence pour la PUMA pourrait être inscrit dans le PLF. En fait, si nous introduisons un délai de carence pour la PUMA, nous sommes obligés de permettre l’accès aux soins urgents, c’est pourquoi cela peut se faire dans le PLF comme dans le PLFSS – nous devons réfléchir pour déterminer quel est le meilleur levier à activer.

Par ailleurs, vous suggérez de supprimer le délai de carence pour tous les assurés. Aujourd’hui, le dispositif nécessite que le bénéficiaire soit résident en France de manière stable et régulière, et le fait de l’accorder dès le premier jour à toutes les personnes qui arrivent sur le territoire lui ferait perdre sa qualité consistant à rendre accessible l’accès aux soins pour les personnes résidant de façon stable et régulière sur notre territoire : le délai de carence, qui vient concrétiser ce critère de stabilité et de résidence, doit donc être maintenu.

Modifier les conditions d’application du délai de carence constituerait une mesure réglementaire et ne nécessiterait donc pas une inscription dans le PLFSS – à l’inverse, les soins urgents devraient figurer en PLF : nous inscririons donc l’accès aux soins urgents pendant trois mois pour les demandeurs d’asile dans le PLF.

Pour ce qui est du non-paiement des heures supplémentaires que vous avez évoqué, madame Bonnivard, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à cette question portant sur une situation particulière, n’ayant pas pris part aux discussions dont vous faites état. Tout ce que je peux dire, c’est que les personnels de santé sont très bien couverts lorsqu’ils font des heures supplémentaires – ils ont notamment la possibilité d’implémenter leur compte épargne-temps –, mais je suis disposée à examiner de manière plus approfondie la situation à laquelle vous faites référence.

Pour ce qui est des aides-soignantes, Mme El Khomri m’a rendu hier son rapport sur l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie. J’ai annoncé que je lançais une conférence sociale sur ces métiers, à laquelle seront associés les partenaires sociaux, mais aussi les départements, qui sont responsables des financements des aides à domicile. Cette conférence sociale, qui aura lieu d’ici à la fin de l’année, donnera lieu à des discussions sur la revalorisation des parcours et des carrières, mais aussi sur la revalorisation financière, comme je m’y suis engagée hier.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Santé.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé.

La commission se saisit ensuite des amendements portant articles additionnels rattachés à la mission Santé.

Après l’article 78

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS8 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, AS18 de M. Jean-Carles Grelier, AS24 de M. Paul Christophe, AS33 de M. Cyrille Isaac-Sibille, ainsi que les amendements identiques AS9 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, AS17 de M. Jean-Carles Grelier, AS23 de M. Paul Christophe et AS32 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. L’amendement AS8 vise à créer un « jaune » budgétaire dans le cadre de la stratégie nationale de santé.

En effet, le plan de prévention présenté en mars 2018 marque un tournant avec une approche transversale essentielle à l’ensemble des politiques gouvernementales. Il s’agit là d’une action ambitieuse qui mérite d’être clarifiée en mettant en cohérence les différents types de financements de la politique de prévention.

Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie pointe d’ailleurs une dispersion de l’organisation et des financements de la prévention. La création de ce « jaune » budgétaire retracera ainsi les financements de l’État, de l’assurance maladie, des collectivités locales et des organismes complémentaires afin d’étayer la programmation financière et d’apprécier les moyens d’intervention pluriannuels mobilisables. Il complètera le « jaune » relatif aux dépenses de l’État.

J’ajoute que le contrôle du Parlement en sera facilité.

L’amendement de repli AS9 s’explique quant à lui par l’objection soulevée en commission des finances concernant les organismes complémentaires d’assurance maladie, dont les dépenses ne sont pas considérées comme publiques bien que ces derniers concourent à une politique publique. Je l’ai dit tout à l’heure à Mme la ministre : dans le registre de la formation professionnelle, la contribution des entreprises est bien intégrée au « jaune » budgétaire et il est donc tout à fait possible de le faire pour les organismes complémentaires, dont le rôle est très important dans la politique de prévention.

J’espère donc que la commission adoptera le premier amendement que j’ai défendu.

M. Alain Ramadier. Les amendements AS18 et AS17 sont défendus.

M. Paul Christophe. Comme mon collègue Francis Vercamer, je ne manque jamais de vous interpeller quant à certaines disparités territoriales. Il me semble qu’un parallèle peut être fait avec la politique de prévention. L’adoption de l’amendement identique AS24 serait très utile car nous pourrions ainsi disposer d’une vision globale des politiques de prévention à l’échelle de l’ensemble des acteurs de santé, nous pourrions également éviter les doublons ainsi que la perte d’efficacité induite et mieux cibler les efforts, en adéquation avec les besoins territoriaux.

M. Brahim Hammouche. Il s’agit par l’amendement IIAS-33 de disposer d’une vision plus transversale et globale des actions menées grâce à un « jaune » budgétaire consacré à la politique de prévention en santé et visant à évaluer l’ensemble des financements dévolus à cette politique, qu’elle soit le fait de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales ou des complémentaires de santé. Une telle annexe récapitulerait l’ensemble des moyens consacrés à la politique de prévention et de la promotion de la santé en associant donc les organismes complémentaires d’assurance maladie.

L’amendement de repli AS32 se réfère quant à lui à la politique de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales mais sa philosophie est identique : il s’agit, à partir de la loi de finances, de rendre plus lisibles les politiques de prévention et de promotion de la santé.

Mme la rapporteure pour avis. Je partage l’objectif de ces différents amendements afin que la représentation nationale soit mieux informée grâce à un document retraçant l’ensemble des financements de la prévention, bien au-delà des seuls financements de l’État qui nous sont présentés cette année pour la première fois dans le document de politique transversale. Cela me semble tout à fait positif.

Néanmoins, autant il me semble a priori relativement aisé pour le Gouvernement de compiler l’information disponible pour nous présenter les financements publics – ceux de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales – autant il me paraît plus difficile de réunir celle relative aux financements émanant de ces organismes privés que sont les organismes complémentaires.

C’est pourquoi, entre ces deux séries d’amendements, je suis plutôt favorable aux amendements de repli qui centrent la demande sur les financements de l’État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales. Avis de sagesse s’agissant de la première série.

M. Marc Delatte. Ces amendements demandent un « jaune » budgétaire sur la politique de prévention sanitaire, document rassemblant l’ensemble des moyens consacrés à la politique de prévention et de promotion de la santé de l’État mais, également, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales et des organismes complémentaires d’assurance maladie.

Un amendement de notre collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe demandant la publication d’un « orange » budgétaire sur la politique de prévention sanitaire a déjà été adopté l’an dernier. Ce dernier rassemble l’ensemble des crédits de l’État relatifs à cette politique et a été publié cette année. La publication de ce rapport conforte l’ambition du virage préventif suivi par la ministre et la majorité et sans doute pourrait-on penser dans un premier temps à la création d’une annexe commune aux PLF et PLFSS sur la politique de prévention, comme l’a suggéré Mme la ministre.

Pour autant, le groupe La République en Marche est globalement favorable à l’ensemble de la première série d’amendements identiques.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Mme la rapporteure pour avis a fait état de quelques craintes s’agissant de la possibilité d’intégrer les financements des organismes complémentaires. Or c’est tout à fait possible, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques le fait déjà, en effet. Elle dispose donc d’un certain nombre d’informations pouvant être communiquées. Un accès à ces données me paraît tout à fait pertinent.

La commission adopte les amendements identiques AS8, AS18, AS24 et AS33.

En conséquence, les amendements identiques AS9, AS1, AS23 et AS32 tombent.

La commission est saisie de l’amendement AS34 de M. Philippe Berta.

M. Brahim Hammouche. Nous proposons que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le financement et l’évolution du financement des centres de référence maladies rares, lesquels font état de difficultés persistantes dans leur perception depuis le processus de labellisation de 2017.

Les maladies rares concernent 3 millions de personnes en France, dont 75 % d’enfants atteints de l’une des 7 000 pathologies rares qui sont à 80 % d’origine génétique. Grâce aux trois plans nationaux maladies rares successifs, la France est pionnière dans l’organisation de la recherche et du traitement de ces pathologies qui repose sur 23 filières, 387 centres de référence et plus de 1 800 centres de compétence.

Pour mener à bien leurs missions, des moyens dédiés sont alloués aux centres de référence. Or des manquements dans le versement de ces crédits par les structures hospitalières qui les hébergent sont régulièrement dénoncés. Cet amendement vise donc à dresser un état des lieux du financement – et de son évolution – de ce maillon essentiel pour la prise en charge des maladies rares.

Mme la rapporteure pour avis. La question soulevée par cet amendement est très importante. Notre pays se situe en effet à la pointe de la recherche sur les maladies rares. Le troisième plan national maladies rares, dont les ambitions sont importantes, a été lancé l’an dernier pour la période allant jusqu’à 2022. Dans une optique de prévention, il convient de saluer l’élargissement du périmètre néonatal, qui fait l’objet d’un financement spécifique pour le dépistage de nouvelles maladies. Cela étant, les informations dont nous disposons sont assez succinctes et je suis donc favorable à votre demande de rapport.

M. Marc Delatte. La France a pris de l’avance sur les autres pays dans la prise en charge des maladies rares grâce aux différents plans que nous avons lancés. La ministre de la santé a engagé en 2018 le troisième plan national maladies rares et toutes les structures de prise en charge ont été labellisées.

Le financement accordé dans le cadre du plan national et le label permettent de coordonner la recherche, de mener des expertises, de lancer des recours, mais une large partie de l’activité de ces centres est financée par les soins. Si des efforts restent à faire, il n’en demeure pas moins que les crédits sont ventilés entre ces centres en toute transparence.

Votre amendement est donc satisfait. En tout cas, le groupe La République en Marche y est défavorable.

M. Brahim Hammouche. Je le retire d’autant moins qu’il a été rédigé par le professeur Berta, qui est un professionnel reconnu dans ce domaine. La vigilance dont il fait montre s’explique probablement par les difficultés rencontrées quotidiennement. Je le maintiens donc en espérant en la sagesse de notre assemblée afin qu’il soit adopté.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS69 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement proposé par Médecins du monde est nourri des observations de France Assos Santé, de nombre d’associations ainsi que du Défenseur des droits. Il s’agit d’intégrer les bénéficiaires de l’AME au régime général de la sécurité sociale. Un rapport doit permettre de clarifier la situation.

M. Marc Delatte. Cet amendement vise donc à ce qu’un rapport soit remis concernant l’intégration de l’AME au régime général d’assurance maladie. Or nous ne sommes pas favorables à une telle mesure.

En effet, les deux dispositifs relèvent de deux logiques complètement différentes. L’AME, à laquelle nous sommes attachés, vise à soigner des personnes qui vivent sur notre territoire en situation irrégulière, qui sont très vulnérables et qui, à ce titre, relèvent de l’action sociale et humanitaire financée par l’État. Notre système de sécurité sociale est en revanche fondé sur des contributions obligatoires des assurés dont la contrepartie permet une couverture universelle face aux aléas de la vie.

Par ailleurs, une telle intégration comporterait de lourdes implications, notamment, financières, et l’on peut craindre que l’évolution suggérée n’aboutisse à l’effet inverse de celui escompté en alimentant le déficit de l’assurance maladie et en aggravant les difficultés financières de notre système de sécurité sociale.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Mme Jeanine Dubié. C’est un sujet important qui méritera réflexion.

Il existe en effet différents dispositifs pour des personnes en situation de précarité – CMU, CMU complémentaire, AME... – et le Gouvernement est par ailleurs animé par une ambition de simplification. Nous ne ferons donc pas l’économie d’une réflexion sur la couverture sociale de l’accès aux soins pour la population dans sa globalité.

M. Brahim Hammouche. La demande d’un rapport sur une situation qui est aujourd’hui très confuse et parfois même illisible me semble très intéressante, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un rapport parlementaire. Le tiers que nous sommes apporterait un éclairage indépendant et autonome par rapport à telle ou telle orientation, ce qui permettrait de nourrir un débat serein et positif afin de disposer des chiffres et de connaître les expériences quotidiennes qui, parfois, nous échappent, ce qui nous entraînent parfois à mêler les termes et les actions. Pour ne pas ajouter de la misère à la précarité, il importe de regarder celle-ci en face et de l’évaluer. C’est aussi notre rôle de parlementaires de faire ce travail de terrain.

Mme la rapporteure pour avis. M. Delatte et moi-même avons des appréciations différentes et un rapport permettrait, précisément, de répondre à nos interrogations respectives. In fine, nous pourrions peut-être nous retrouver. Je rappelle que les représentants de toutes les associations que nous avons rencontrés et le Défenseur des droits nous ont fait part de cette demande qui, vous le voyez, n’a rien de partisan, de « pro-France insoumise ». Un rapport serait donc en l’occurrence très important pour apporter des réponses concrètes au lieu de raisonner à partir d’opinions subjectives.

La commission rejette l’amendement.


La commission procède ensuite à l’audition de Mmes Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272) (Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis).

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La mission Solidarités, insertion et égalité des chances contient quatre programmes relevant de plusieurs ministères. Le programme 157 Handicap et dépendance, qui vous sera présenté par Sophie Cluzel, le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes, le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes et le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, concernant les crédits de fonctionnement des ministères sociaux.

La budgétisation proposée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 traduit les engagements présidentiels en matière d’inclusion, de protection des personnes vulnérables et de lutte contre les inégalités pris dans le cadre de 1’acte II du quinquennat. L’action du Gouvernement vise ainsi à apporter des réponses concrètes aux attentes de nos concitoyens.

Dans cette optique, les crédits présentés en PLF 2020 sont en hausse de 8 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2019, soit près de 1,8 milliard d’euros de crédits supplémentaires pour appliquer les politiques en faveur des travailleurs modestes, des familles vulnérables, des personnes dépendantes et celles en situation de handicap, ainsi que pour lutter contre les inégalités et violences faites aux femmes.

Les principales réformes défendues et financées dans le cadre du présent PLF concernent ainsi cinq priorités.

Tout d’abord, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018 est assortie d’un budget de 8,5 milliards d’euros pour l’ensemble du quinquennat. Elle est mise en œuvre depuis 2019 et s’appuie sur de nouvelles modalités de conduite de l’action publique : la contractualisation État-conseils départementaux et la participation des personnes concernées.

Le programme 304 contient l’essentiel des crédits destinés à appliquer les engagements de la stratégie.

Des mesures importantes, emblématiques et concrètes en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté ont été lancées en 2019 : le déploiement de 150 points conseil budget, la tarification sociale des cantines permettant d’offrir des repas équilibrés à moins de 1 euro, la distribution de petits déjeuners à l’école pour 37 000 – puis 100 000 voire 200 000 – élèves issus de familles défavorisées des quartiers prioritaire de la ville.

Par ailleurs, la première étape de contractualisation État­départements de 2019 témoigne de l’intérêt de ces derniers pour cette démarche puisque la quasi-totalité des départements s’est engagée, ainsi que les deux métropoles de Toulouse et Nantes.

Les actions inscrites dans les conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi portent essentiellement sur le soutien à la parentalité, la protection maternelle et infantile, la levée des freins périphériques à l’emploi, l’inclusion numérique, l’accès à l’alimentation, la participation des personnes, la réussite éducative.

Ainsi, un an après son démarrage, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présente des réalisations concrètes dans nos territoires.

En 2020, 219 millions d’euros de crédits du programme 304 seront consacrés à la mise en œuvre de cette stratégie, dont une enveloppe de 175 millions d’euros, en hausse de 40 millions d’euros par rapport à 2019, consacrée à la deuxième année de contractualisation avec les départements.

Ensuite, depuis le 1er janvier 2019, la prime d’activité est revalorisée de 90 euros pour les salariés au SMIC dans le cadre des mesures d’urgence économiques et sociales. Cette réforme permet d’augmenter les montants moyens de prime d’activité versés mais également d’ouvrir le bénéfice de la prime d’activité à de nombreux foyers qui y deviennent éligibles.

En un an, le nombre d’allocataires a ainsi crû de 52 %, soit 1,25 million de nouveaux bénéficiaires en 2019. Associée à la hausse du SMIC, cette prime permet désormais d’offrir un gain mensuel de pouvoir d’achat atteignant jusqu’à 100 euros pour un travailleur rémunéré au SMIC.

Les crédits de prime d’activité inscrits en PLF 2020 s’élèvent ainsi à 9,5 milliards d’euros, en hausse de 0,7 milliard d’euros.

En outre, la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Guyane et à Mayotte opérée depuis le 1er janvier 2019 sera étendue à compter du 1er janvier 2020 au département de La Réunion, soit 0,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires au sein du programme 304. Au total, la recentralisation du RSA dans ces trois territoires ultra­marins concernera 127 000 personnes.

Enfin, la politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat, s’inscrit dans la lignée du comité interministériel de l’égalité entre les femmes et les hommes de 2018.

Par ailleurs, 2020 sera l’année de la concrétisation des mesures élaborées dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales lancé le 3 septembre 2019 par le Premier ministre et dont les annonces sont attendues pour le 25 novembre. Alors que près d’une femme meurt tous les trois jours suite aux violences qu’elle a subies, ce Grenelle sonne la mobilisation générale avec la présence d’acteurs de terrain, de professionnels, d’associations et de familles de victimes mais, également, de l’ensemble du Gouvernement, notamment, de la garde des sceaux, Nicole Belloubet, du ministre en charge du logement, Julien Denormandie, du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

Au-delà des moyens financiers appuyant les actions qui seront mises en œuvre, cette mobilisation générale vise une transformation ambitieuse des pratiques professionnelles et la mise à disposition pour les différents acteurs d’une palette d’outils opérationnels adaptés à la protection des victimes et de leurs enfants, tel le bracelet électronique anti-rapprochement.

Tels sont les principaux axes de ce budget.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Sur la période 2017-2020, le budget attaché au programme 157 a progressé de l,6 milliard d’euros avec, pour la seule année 2020, une augmentation de 300 millions d’euros.

Le montant de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) atteindra au 1er novembre prochain – après-demain ! – 900 euros, soit 90 euros de plus qu’en 2017. Cette revalorisation exceptionnelle représente un engagement de près de 2 milliards d’euros pour l’ensemble du quinquennat.

Elle fait pleinement partie des mesures de lutte contre la pauvreté subie des personnes en raison de leur handicap et, depuis 2017, elle a été revalorisée de près de 11 %. Il ne s’agit pas là d’un effort anecdotique mais d’un véritable investissement, d’un progrès concret et majeur en termes de solidarité à l’égard des personnes en situation de handicap.

Ainsi, 90 % de l’ensemble des bénéficiaires – plus de 1,2 million de personnes – disposeront pleinement de cette mesure de revalorisation : les personnes seules bénéficieront d’une AAH revalorisée et 60 % de celles qui vivent en couple – à peu près 24 % de l’ensemble des allocataires, soit environ 270 000 personnes – disposeront d’une revalorisation à plein.

Cet investissement va de pair avec l’ensemble des engagements mis en œuvre pour une société plus inclusive et plus ouverte à la différence, dans toutes ses dimensions. À ce titre, le budget du programme 157 renforce l’emploi accompagné – plus de 2 000 personnes en sont bénéficiaires -, lequel doit permettre un soutien adapté et gradué tant aux personnes qu’aux employeurs pendant tout leur parcours professionnel et, ainsi, ouvrir et rendre possible de nouveaux choix pour les personnes, qui, je le rappelle, sont confrontées à un chômage de masse que nous devons combattre.

Dans cette bataille pour une société du choix, les professionnels des établissements et services d’aide par le travail et les personnes qui y travaillent auront bien sûr toute leur place. Nous travaillerons avec les associations aux améliorations que nous pouvons apporter pour une plus grande fluidité et une plus grande diversification des parcours.

Le budget du programme 157 comprend 1,375 milliard d’euros pour la garantie des ressources des travailleurs handicapés. Je vous rappelle également que la part du fonctionnement relève de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) médico-social et qu’elle s’élève à plus d’1,5 milliard d’euros. L’engagement est donc massif en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, répondant ainsi à leur demande.

Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis. Dotés de 17,8 milliards d’euros en 2017, les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances progressent fortement sous cette législature puisque pour l’année 2020, ce sont 25,5 milliards d’euros qui sont programmés, soit une hausse de 30 % du budget consacré aux solidarités avec, en particulier, la revalorisation de la prime d’activité et l’élargissement du champ des bénéficiaires, celle de l’AAH et la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, sur laquelle je reviendrai.

Au-delà de ces postes de dépense symboliques, ce sont l’ensemble des actions du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes qui sont dynamiques : augmentation conséquente des crédits destinés aux pratiques innovantes, à l’aide alimentaire, à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles ; doublement de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine – qui malgré tout semble insuffisante, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

En tout, le programme 304 progresse de 14 %, passant de 10,4 milliards d’euros de crédits de paiement en 2019 à 11,9 milliards d’euros pour 2020.

La hausse des crédits du programme 157 Handicap et dépendance est quant à elle plus modérée. Outre l’augmentation de l’AAH, les crédits consacrés à l’emploi accompagné bénéficieront d’une enveloppe supplémentaire de 3 millions d’euros, ce que je tiens à souligner.

Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes reste stable. Il est en très léger reflux puisque sa dotation diminue d’environ 25 000 euros en raison d’un transfert vers un autre programme. Les crédits alloués à l’égalité entre les femmes et les hommes sont, en fait, répartis entre les différentes missions du budget et s’élèvent au total à 1,116 milliard d’euros. Nous pourrons évaluer grâce au document de politique transversale si les financements mobilisés augmentent réellement et permettent de suivre les orientations retenues pour cette grande cause nationale du quinquennat.

Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative voit ses crédits baisser, notamment à cause d’un transfert vers d’autres missions.

J’ai décidé de réaliser, dans le cadre de mon rapport pour avis, une étude approfondie du budget consacré à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, qui est dotée de 215 millions d’euros pour 2020. Le but de cette stratégie est avant tout de lutter contre les inégalités de destin et l’assignation sociale. Un des axes prioritaires consiste à agir au stade de l’enfance et de la petite enfance, ce que la plupart des personnes auditionnées ont salué.

La stratégie interministérielle repose tout d’abord sur une contractualisation avec les départements, pour un montant total de 175 millions d’euros. Tous les départements, sauf deux, se sont mobilisés, ainsi que deux métropoles. C’est indéniablement un succès.

Cette démarche, qui est placée sous la conduite du délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, Olivier Noblecourt, a permis aux acteurs concernés de s’approprier la stratégie, grâce au partage d’un état des lieux et d’objectifs à atteindre. Un travail spécifique a porté sur les indicateurs de performance retenus afin d’évaluer les résultats de la stratégie dans les territoires. Je tiens à saluer l’esprit de coconstruction qui a prévalu.

La publication de rapports d’exécution au niveau départemental permettra de revoir chaque année l’attribution des crédits en fonction des actions réalisées. Je crains, à cet égard, qu’une indexation des dotations sur les résultats des indicateurs de performance puisse nuire à la réussite du plan dans certains territoires. En tout cas, il ne faudrait pas priver de crédits les départements où la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté aura le plus de mal à produire des résultats, malgré les efforts consentis : c’est peut-être, au contraire, dans ces territoires que les financements devront augmenter. La contractualisation pourrait atteindre là ses limites.

Par ailleurs, des mesures d’investissement social, auxquelles 40 millions d’euros sont consacrés, commencent à être mises en œuvre.

En ce qui concerne les petits déjeuners à l’école, la phase de préfiguration qui s’est déroulée de mars à juin 2019 a concerné 37 000 élèves, dans 300 écoles. L’évaluation de cette mesure à la fin de l’année scolaire permettra de définir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs.

Le dispositif de tarification sociale des cantines, qui est une incitation destinée aux communes de moins de 10 000 habitants éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) cible, ne semble pas avoir donné des résultats satisfaisants à la rentrée 2019 : seulement 100 mairies rurales y ont eu recours. Les délais nécessaires à l’instauration d’une tarification sociale et la perspective des élections municipales peuvent avoir constitué des freins pour les communes.

Nous espérons qu’il y aura des résultats plus significatifs à la fin de l’année prochaine. La restriction aux écoles élémentaires, qui est la principale difficulté identifiée, sera levée l’an prochain, mais je m’interroge également sur la pertinence du critère d’éligibilité à la DSR cible. Députée d’un territoire appartenant à l’hyper-ruralité, je connais les règles d’attribution de cette dotation et leurs limites : on voit bien l’écart entre le critère qui a été retenu et la situation de certaines communes rurales.

S’agissant de la mixité sociale dans les crèches, plusieurs acteurs que j’ai auditionnés ont dit craindre que le dispositif n’aboutisse, dans certaines structures, non pas à de la mixité mais au contraire à une concentration de publics précaires. Olivier Noblecourt a souligné, en réponse, que l’objectif était précisément d’éviter toute forme de spécialisation ou de concentration et qu’un travail était en cours avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) afin d’identifier les meilleurs critères possibles pour l’attribution du bonus.

Comme la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes est de nature interministérielle, l’étude que j’ai réalisée va au-delà des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances : je me suis également intéressée à d’autres mesures relatives à l’enfance, à la jeunesse et à l’insertion par l’emploi.

La contractualisation entre l’État et les départements ne peut se comprendre que dans le cadre d’une approche globale. À titre d’exemple, les maraudes mixtes État-département qui visent à détecter les enfants à la rue n’ont aucune utilité si elles ne permettent pas de réaliser une mise à l’abri des familles. Il faut donc étudier leur articulation avec le plan « Logement d’abord », qui relève du ministère de la ville.

Pilotées par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, les maraudes mixtes qui vont commencer dans les prochaines semaines s’adressent à un public large, dans une logique d’accompagnement social consistant à aller vers les publics en grande difficulté.

En ce qui concerne le logement, la précarité énergétique doit être au cœur des réflexions : les mineurs exposés à l’humidité et aux moisissures, au manque de luminosité, au bruit et au froid courent bien plus que les autres le risque d’attraper des maladies pouvant conduire à des inégalités en matière d’apprentissage.

L’obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans fait également partie de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Cette mesure entrera en vigueur à la rentrée 2020.

Deux chantiers essentiels font encore l’objet de concertations. Il s’agit, d’une part, du revenu universel d’activité, qui vise à simplifier les conditions d’accès aux prestations sociales en fusionnant le plus grand nombre possible d’entre elles, à lutter contre le non‑recours aux prestations, estimé à 30 %, et à favoriser le retour à l’emploi et, d’autre part, du service public de l’insertion, qui tend à remédier aux limites actuelles des dispositifs d’insertion des publics les plus éloignés du marché du travail, notamment les bénéficiaires du RSA.

Je précise que cette présentation n’est pas complète : la stratégie interministérielle traverse, en effet, tous les champs de l’inclusion sociale...

Au-delà des multiples aspects positifs de cette stratégie, j’ai constaté lors de mes auditions quelques manques sur lesquels je voudrais vous interroger.

La culture, le sport et les loisirs sont les parents pauvres, à ce stade, de la stratégie interministérielle. Ne faudrait-il pas intégrer davantage d’actions dans ces différents domaines qui offrent de vrais moyens d’action en matière d’émancipation et d’ouverture et constituent également des catalyseurs d’insertion ?

Les étudiants m’ont dit qu’ils étaient de plus en plus nombreux à ne pas avoir d’assurance complémentaire santé. La stratégie interministérielle ne pourrait-elle pas comporter des actions en la matière, notamment pour faciliter l’accès des étudiants à la complémentaire santé solidaire ?

Par ailleurs, même si ce sujet relève aussi du ministère de la cohésion des territoires, ne faudrait-il pas prévoir des moyens supplémentaires en ce qui concerne le droit opposable à la domiciliation ? C’est souvent la clef de l’accès aux droits.

Je voudrais évoquer, en dernier lieu, le calendrier de nos travaux. Cette mission budgétaire a déjà été examinée par la commission des finances : je me demande pourquoi nous nous prononçons dans un second temps alors que nous sommes censés éclairer, par notre avis, la commission saisie au fond. D’un autre côté, certains collègues de la commission des finances m’ont dit qu’ils avaient l’impression de ne servir à rien, car c’est nous qui entendons le Gouvernement.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Rien n’empêche la commission des finances d’auditionner également des membres du Gouvernement.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. La réduction des inégalités et la protection des personnes vulnérables sont des axes forts de la politique suivie depuis le début du quinquennat, en particulier depuis que la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a été présentée par le Président de la République. Vous appliquez cette stratégie, mesdames les secrétaires d’État, avec force et conviction.

Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances progresseront une fois de plus en 2020 : une augmentation de 6,7 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 2019 est en effet prévue. Cette hausse correspond essentiellement à la revalorisation de la prime d’activité et de l’AAH, mais elle permettra aussi d’appliquer de nombreuses autres mesures concrètes.

Le budget que nous examinons traduit quatre grandes ambitions du Gouvernement et de la majorité.

La première est la revalorisation du travail, en particulier pour les plus modestes. La hausse de la prime d’activité, au début de l’année, a permis une augmentation de revenu allant jusqu’à 100 euros nets par mois pour les bénéficiaires de la prime qui sont rémunérés au SMIC. Au premier trimestre 2019, 4 millions de foyers ont perçu cette prime, ce qui représente 1,25 million de nouveaux allocataires. Comme l’a souligné un rapport remis au Parlement par le Gouvernement, « la revalorisation de la prime dactivité apporte un soutien significatif au pouvoir dachat des travailleurs aux revenus modestes ». Ce rapport met en évidence l’effet bénéfique de la mesure sur le travail : « De par le complément de revenus mensuels quelle apporte aux bénéficiaires, [la revalorisation de la prime] accroît lattractivité à reprendre une activité et à augmenter sa quotité de travail ».

La deuxième ambition est la lutte contre la pauvreté. Le taux de pauvreté augmente depuis vingt ans dans notre pays. On compte presque neuf millions de personnes pauvres en France, dont près de trois millions se trouvent dans une situation de privation matérielle grave. La stratégie de lutte contre la pauvreté a pour ambition d’améliorer durablement les conditions de vie des plus fragiles. Les crédits prévus pour cette stratégie seront portés à 215 millions d’euros en 2020.

Afin de réaliser un accompagnement plus efficace, 175 millions d’euros seront consacrés à une contractualisation renforcée avec les départements autour de mesures telles que la lutte contre les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance (ASE), le renforcement de l’insertion socioprofessionnelle des allocataires du RSA et des jeunes, le financement de formations pour des travailleurs sociaux des conseils départementaux, la création d’un premier accueil inconditionnel, le développement de référents de parcours et de maraudes mixtes ainsi que le renforcement de la prévention spécialisée.

Par ailleurs, 40 millions d’euros seront consacrés à des mesures d’investissement social, comme l’amélioration des conditions de vie pour les enfants hébergés à l’hôtel, la mise en œuvre d’un plan de formation des professionnels de la petite enfance, d’une tarification sociale dans les cantines et de petits déjeuners à l’école ou encore la généralisation des points conseil budget.

Ces actions sont essentielles car notre pays reste très marqué par le déterminisme social – il faut en moyenne six générations pour qu’une personne issue d’une famille très modeste atteigne le niveau moyen de la population.

La troisième ambition est la construction d’une société réellement inclusive. Cette priorité du quinquennat concerne 12 millions de Français si l’on prend en compte les personnes en situation de handicap et leur famille. L’objectif est de permettre à chacun de choisir librement son mode de vie en facilitant l’accès au droit commun et en offrant des dispositifs adaptés aux besoins. Une enveloppe de 12,2 milliards d’euros est prévue, principalement pour financer l’AAH, dont le montant connaîtra une seconde hausse depuis le début de cette législature, comme nous nous y étions engagées – l’AAH sera portée à 900 euros par mois. À cela s’ajoutent de nombreux autres dispositifs de soutien, notamment dans le cadre de l’action Pilotage du programme et animation des politiques inclusives, qui comprend l’accompagnement dans l’emploi.

La quatrième ambition concerne l’égalité entre les femmes et les hommes. Au-delà des 29,8 millions d’euros qui figurent dans la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, l’enveloppe interministérielle dédiée à cette grande cause du quinquennat s’élèvera à 1,1 milliard d’euros en 2020, soit le double du montant prévu en 2019. L’engagement de vos ministères sur ce sujet, mesdames les secrétaires d’État, se traduit par des actions en matière d’information, de prévention, d’accompagnement et de prise en charge pour les femmes victimes de violence. Cela passe notamment par un dispositif d’accueil de jour, des lieux d’écoute, une permanence téléphonique – le 3919 –, le financement de référents départementaux pour les victimes, un soutien associatif en matière d’égalité professionnelle et le versement d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle dans le cadre de la sortie de la prostitution.

Les crédits alloués aux programmes de cette mission budgétaire permettront d’appliquer de nombreuses mesures concrètes, ambitieuses et volontaristes, qui contribueront à endiguer durablement la pauvreté dans notre pays, à revaloriser le travail, pour tous, et à agir pour l’égalité entre tous. Tel est l’engagement du Gouvernement et des députés de la majorité. Continuons ensemble, avec force et conviction, sur cette voie.

M. Bernard Perrut. Le budget pour 2020 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances augmentera de 6,7 % par rapport au budget 2019, ce qui représente près de 1,6 milliard d’euros de crédits supplémentaires et un total de 25,5 milliards.

Cette évolution positive correspond aux annonces faites par le Gouvernement dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Il est prévu de consacrer 8,5 milliards d’euros à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes d’ici à 2022. Je tiens à insister sur ce point, car il faut donner les mêmes chances de réussite à tous les jeunes et à tous les enfants, quels que soient les origines, les quartiers et les catégories sociales.

Malgré les annonces et les dispositions prises jusqu’à présent, les conditions de vie des personnes les plus précaires ne se sont pas améliorées. Selon une estimation de l’INSEE, le taux de pauvreté aurait même augmenté de 0,6 point – il serait passé à 14,7 % de la population française.

Toutes les actions du programme Inclusion sociale et protection des personnes seront en hausse. Néanmoins, l’évolution globale des crédits s’explique principalement par l’augmentation du montant de la prime d’activité, qui représente plus de 90 % des moyens du programme.

La revalorisation de 90 euros qui a été décidée n’est pas forfaitaire et appliquée à chaque allocataire : elle est progressive pour ceux qui perçoivent entre 0,5 et 1 SMIC puis plafonnée à 90 euros entre 1 SMIC et un peu plus de 1,5 SMIC. Les ménages qui ont les salaires les plus faibles ne sont donc pas tous concernés par la revalorisation de la prime, ou ils le sont peu. Qui plus est, la prime d’activité ne sera pas indexée sur l’inflation, comme c’est déjà le cas cette année, ce qui conduira à une baisse du pouvoir d’achat pour les ménages. Comment remédier, mesdames les secrétaires d’État, à cette situation surprenante ?

J’aimerais également revenir sur l’action Qualification en travail social, dans le cadre de laquelle se poursuit une réflexion en profondeur sur l’évolution du travail social afin de répondre aux nouveaux besoins sociaux, comme à ceux que l’on constatait déjà auparavant. Les crédits étant en baisse depuis plusieurs années, on peut s’interroger sur la possibilité d’assurer une amélioration de la qualité des formations, qui est un objectif ambitieux mais nécessaire. Au-delà des annonces, quelles sont vraiment les intentions du Gouvernement si vous ne prévoyez pas les moyens indispensables ?

Comme l’année dernière, c’est surtout le volet relatif au handicap qui est mis en exergue dans ce budget, avec le parachèvement de l’augmentation du montant de l’AAH, qui était étalée sur trois ans. La Cour des comptes a récemment posé la question de la soutenabilité du dispositif compte tenu de la progression du nombre d’allocataires – j’espère que nous pourrons continuer à le financer. Si l’on peut se satisfaire de la revalorisation de l’AAH, dont le montant sera porté à 900 euros par mois à partir du 1er novembre prochain, je regrette que d’autres mesures aient pour effet d’atténuer cette hausse, notamment la disposition relative au plafond de ressources pour les couples, qui tend à enlever l’AAH à un certain nombre de personnes, et la suppression du complément de ressources. Peut-on accroître encore les efforts budgétaires, madame la secrétaire d’État, afin de mieux anticiper le nombre réel des allocataires et surtout de porter enfin le montant de l’AAH au niveau du seuil de pauvreté – soit 1 026 euros par mois pour une personne seule ?

Je voudrais évoquer, une fois de plus, la question de l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap, qui est également chère à Gilles Lurton. Vous affichez une ambition en la matière, mais les moyens ne sont pas encore à la hauteur des besoins. N’oublions pas les établissements spécialisés, notamment les instituts médico-éducatifs, le manque de places et les enfants qui se trouvent sans solution d’accueil, pour le plus grand désarroi des parents que nous recevons.

Les attentes sont également grandes en matière de dépendance. Pourtant, le « bleu » budgétaire reste peu concerné par cette question : les seules réponses figurent dans le PLFSS, qui prévoit une hausse des crédits de 500 millions d’euros. Alors que le secteur sanitaire et le secteur médico-social sont sous tension – nous traversons une crise dans les services d’urgence et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, où les professionnels se heurtent à des difficultés croissantes pour exercer leurs missions –, ce n’est qu’une timide mise à niveau. Les besoins se chiffrent en milliards d’euros. Le rapport de Mme El Khomri sur les métiers du grand âge préconise de mobiliser 825 millions d’euros par an afin d’embaucher des milliers de salariés supplémentaires et de mieux les rémunérer. Nous attendons avec impatience la future loi sur l’autonomie : il faut trouver des solutions pour les aidants, pour rénover les maisons de retraite et pour organiser l’investissement nécessaire à la prise en charge du grand âge.

S’agissant de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, j’aimerais revenir sur la contractualisation entre l’État et les départements, qui sont les chefs de file en matière d’action sociale dans les territoires. C’est une approche novatrice qui vise à mobiliser des moyens renforcés au service d’objectifs définis en commun. Je veux saluer non seulement l’augmentation des montants alloués dans le cadre de la contractualisation mais aussi le climat de collaboration entre les acteurs concernés et la méthode choisie. Pourriez-vous, mesdames les secrétaires d’État, faire un bilan des conventions qui ont été conclues, notamment du point de vue de l’ASE, et nous préciser les missions des hauts-commissaires à la lutte contre la pauvreté ?

M. Brahim Hammouche. Nous nous réjouissons que les crédits de cette mission budgétaire soient revus à la hausse, pour la troisième année consécutive. Une augmentation de près de 1,6 milliard d’euros est prévue, dans le droit fil des actions engagées par le Gouvernement et la majorité depuis deux ans et demi.

Notre pays compte près de neuf millions de pauvres, ce qui représente 14 % de la population. On observe une augmentation du nombre de personnes qui passent sous le seuil de la pauvreté monétaire. Les crédits que nous examinons s’adressent en premier lieu à ces publics, qui sont divers sur le plan sociologique et beaucoup trop nombreux dans un pays comme la France, c’est-à-dire dans une République démocratique et sociale.

Les efforts budgétaires qui sont réalisés visent à atteindre plusieurs objectifs sur le plan de l’inclusion et de la justice sociétales.

Il y a d’abord la revalorisation de la prime d’activité, dont le montant maximal a été augmenté de 90 euros au 1er janvier dernier et dont le champ des bénéficiaires a été élargi dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, adoptée en décembre dernier : plus d’un million de personnes supplémentaires bénéficient désormais de cette mesure. Près de 20 % des allocataires ont entre 18 et 25 ans – c’est dire l’attention particulière qu’il faut porter à nos jeunes concitoyens.

Les crédits prévus pour 2020 tiennent également compte de la revalorisation de l’AAH, dont le montant s’élèvera à 900 euros par mois, à taux plein, à compter du 1er novembre prochain. Cette mesure financière ne doit pas éclipser les efforts que la société tout entière doit consentir pour parvenir à une inclusion concrète et efficiente des personnes en situation de handicap. Nous connaissons l’engagement de la secrétaire d’État, Mme Cluzel : nous la soutenons dans le travail de tous les instants qu’elle réalise.

Par ailleurs, ce budget permettra d’appliquer la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, qui a notamment pour ambition de rompre avec l’hérédité sociale, la reproduction sociale de la pauvreté, et de garantir les droits fondamentaux de tous les enfants. La montée en charge progressive de ce dispositif global devra permettre d’arriver à plus de 8 milliards d’euros de financement à la fin du quinquennat. Pouvez-vous nous préciser, madame Dubos, la feuille de route pour 2020 en ce qui concerne le fléchage des financements ?

Les crédits en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes seront sanctuarisés, ce qui permettra de financer, entre autres, des actions de promotion des droits, de prévention et de lutte contre les violences sexistes. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Toutefois, je note que les crédits prévus pour l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS), versée dans le cadre de la sortie de la prostitution, continuent de diminuer et qu’aucune mesure n’a été prise pour arriver à un meilleur taux de recours à ce dispositif. Je crois que des efforts sont nécessaires dans ce domaine.

En ce qui concerne la protection et l’accompagnement des jeunes vulnérables, dont nous avons débattu récemment dans le cadre de l’excellent travail réalisé par la présidente de notre commission, nous saluons l’augmentation significative des crédits alloués à la lutte contre les sorties sèches de l’ASE à l’enfance dans le cadre des contrats « jeunes majeurs » et de la contractualisation avec les départements, qui est en cours de finalisation.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés estime qu’il est important de pérenniser le travail parlementaire qui a été engagé dans ce domaine en intensifiant le dialogue avec les parties prenantes – les départements et les hauts-commissaires à la lutte contre la pauvreté, qui ont récemment été nommés. Il y a en particulier la question de l’harmonisation des pratiques entre les départements pour ce qui est de l’évaluation de la minorité et de la prise en charge des mineurs isolés. Que pouvez-vous nous dire en la matière ?

La question des chibanis fait l’objet de constats récurrents et partagés. Le dispositif actuel – l’aide à la réinsertion familiale et sociale (ARFS) – est inapproprié. Il est trop complexe et donc peu utilisé : il ne comptait que 36 bénéficiaires en 2018. Ce sont les conditions absurdes d’éligibilité qui sont en cause : il faut vivre seul et résider dans un foyer pour travailleurs migrants lorsqu’on séjourne en France, alors que ces structures sont complètement saturées. Je note avec satisfaction que vous prévoyez une augmentation de 200 000 euros des crédits, mais je souhaiterais connaître plus en détail les projets de réforme de ce dispositif.

J’aimerais également appeler votre attention sur le chèque énergie, que Mme Bagarry évoque dans son rapport. C’est un dispositif solidaire et équitable visant à lutter contre la précarité énergétique. Alors que leur situation financière devrait leur permettre d’y prétendre, des ménages qui bénéficient d’un dispositif d’intermédiation locative mais n’ont pas de bail glissant ne sont pas éligibles au chèque énergie, puisqu’ils ne sont pas assujettis à la taxe d’habitation – elle est payée par l’association locataire. Je sais que vous travaillez à de nouvelles modalités : pouvez-vous faire un point d’étape sur vos réflexions dans ce domaine ?

Enfin, vous connaissez mon intérêt pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Il me tarde de connaître les précisions que vous pourrez nous apporter au sujet du calendrier du plan pluriannuel qui a été annoncé cet été ainsi que vos propositions d’action.

Mme Gisèle Biémouret. Le groupe Socialistes et apparentés a émis un certain nombre de réserves lors des débats sur le PLF et le PLFSS pour 2020 au sujet des résultats de la politique de lutte contre les inégalités sociales qui est affichée par le Gouvernement dans le cadre de sa politique fiscale et budgétaire. Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances seront facialement en hausse, mais leur analyse conduit à s’interroger sur les finalités du Gouvernement.

L’augmentation des crédits pour 2020 est presque intégralement liée au financement de la prime d’activité, à la suite des mesures d’urgence économiques et sociales qui ont été adoptées en décembre 2018. Pour la deuxième année consécutive, vous allez sous-revaloriser cette prime, de seulement 0,3 %, au lieu de l’indexer sur l’inflation. Par ailleurs, la revalorisation de 90 euros est progressive et non forfaitaire : les ménages travaillant le moins ou ayant les salaires les plus faibles n’en bénéficient pas.

S’agissant de l’AAH, dont nous avons déjà longuement débattu dans le cadre du PLFSS, vous allez priver de toute revalorisation un peu plus de 67 000 allocataires en abaissant le plafond de ressources pour les personnes en couple – le coefficient multiplicateur sera désormais de 1,81. Par ailleurs, les effets de la revalorisation seront presque nuls pour les personnes handicapées qui n’auront plus de complément de ressources.

Comme nous l’avons dit lors du vote de la première partie du PLF, nous nous opposons formellement à la sous-revalorisation de certaines aides et prestations sociales car cela affecte les plus pauvres : ils ne profitent pas des mesures que vous avez décidées, alors que les inégalités continuent d’augmenter. À titre d’exemple, les 21,3 millions de foyers non imposables ne bénéficient pas de la baisse de l’impôt sur le revenu et les 5 millions de foyers non assujettis à la taxe d’habitation ne profitent pas de sa suppression. J’ai utilisé hier, à l’occasion des explications de vote sur le PLFSS, le terme d’« invisibles », et je le reprends aujourd’hui. Il faut enrayer le sentiment d’injustice qui grandit et met à mal notre cohésion sociale dès lors que toute une partie de nos concitoyens – les très pauvres, les invisibles – sont exclus de vos mesures.

S’agissant des autres programmes, les financements prévus sont décevants.

L’action 19, censée être la clef de voûte de la stratégie de lutte contre la pauvreté, sera dotée de 215 millions d’euros. Ces crédits, dont ne voit pas très bien quel est le fléchage, ne représentent que 1,8 % du montant global qui a été annoncé pour cette stratégie, alors qu’elle va entrer dans sa deuxième année. Quelle montée en puissance envisagez-vous ?

Les crédits de l’action 15, relative au travail social, sont sous-dimensionnés par rapport aux déclarations que nous avons entendues, du côté de l’État, sur le caractère central de cette question. Après l’important travail qui a été mené par le précédent Gouvernement en ce qui concerne la rénovation des formations au travail social, il faudrait réaliser un investissement financier bien supérieur à ce que vous prévoyez.

Enfin, je voudrais revenir sur l’annonce de la suppression de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). Cet observatoire, créé en 1998 par le Gouvernement de Lionel Jospin dans le cadre de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, a produit d’excellents rapports qui permettent d’avoir une connaissance fine des mécanismes économiques et sociologiques en cause – les budgets nécessaires pour participer à la vie sociale, par exemple, ou encore l’invisibilité de certains publics. L’annonce de la suppression de l’ONPES a suscité une réaction d’incompréhension chez les acteurs du monde académique et associatif. Une tribune a été publiée par des spécialistes des questions de pauvreté et de précarité. Comme eux, nous aimerions connaître le motif de la suppression de l’ONPES. Est-ce, comme l’affirment les auteurs de la tribune, en raison de la nature de cet observatoire, qui arrête ses thématiques d’étude en toute indépendance et dont les conclusions ne vont pas toujours dans le même sens que les politiques gouvernementales, ce qui est justement précieux ?

M. Paul Christophe. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances témoigne de l’effort public particulier qui est réalisé dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de la réduction des inégalités. L’engagement de l’État en faveur des plus vulnérables est une expression de la solidarité toute particulière dont notre société doit faire preuve avec les plus démunis.

Les crédits pour 2020 augmenteront de 6,8 %, soit le même taux de progression que l’an dernier. Cette hausse s’explique par l’évolution de l’AAH, dont le montant s’élèvera à 900 euros à partir du mois de novembre, et surtout par la revalorisation de la prime d’activité, d’environ 100 euros par mois au niveau du SMIC. Cette revalorisation, qui devait initialement s’étaler sur tout le quinquennat, a été accélérée en raison des mouvements sociaux.

S’agissant du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui permet de conduire la politique gouvernementale de lutte contre la pauvreté et dont la principale dépense est la prime d’activité, je souhaite revenir plus particulièrement sur l’action 11. Il est prévu une augmentation significative du budget affecté à la prime d’activité, dont le montant et le nombre de bénéficiaires ont massivement augmenté depuis le début de l’année. Bien que nous nous réjouissions de l’augmentation du recours à la prime d’activité, cette évolution suscite des interrogations. Le revenu universel d’activité (RUA) qui est en cours d’élaboration doit voir le jour, sauf erreur de notre part, à enveloppe constante. Selon le site du ministère de la santé, où se déroule une consultation en ligne à propos du RUA depuis le début du mois d’octobre, la complexité du système actuel favorise le non-recours aux aides sociales. L’hypothèse d’une refonte des minima sociaux à enveloppe constante est-elle crédible si cela s’accompagne d’une augmentation du recours aux droits ?

Ainsi, la prime d’activité qui a fait l’objet d’une campagne du Gouvernement pour lutter contre le non-recours a occasionné une hausse du nombre de foyers allocataires de 52 % en un an ; j’aimerais avoir votre avis à ce sujet.

Les crédits du programme 157 Handicap et dépendance contribuent très majoritairement au soutien au revenu des personnes handicapées par le biais du financement de l’AAH, qui représente 86 % des dépenses du programme.

Le Gouvernement poursuit plusieurs politiques concernant l’AAH : tout d’abord, une politique de revalorisation exceptionnelle, avec une augmentation progressive de son montant de 860 euros en novembre 2018 à 900 euros en novembre 2019. Cette augmentation, correspondant à 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat, représente un réel effort en direction des personnes vivant avec un handicap, qu’il convient de saluer.

Ensuite, le Gouvernement poursuit une politique de facilité d’attribution : ainsi, depuis 2019, l’AAH peut être attribuée sans limitation de durée aux personnes qui présentent un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % et des limitations d’activité non susceptibles d’évolution favorable. Il s’agit là d’un effort de simplification également remarquable.

Nos interrogations concernent la troisième dimension de la politique du Gouvernement : le rapprochement de l’AAH des autres minima sociaux, avec la prise en compte des revenus du conjoint. Ainsi, le plafond de l’allocation pour les couples, qui était originellement de 200 %, a été porté à 189 % en 2018 et sera de l’ordre de 180 % dès le mois de novembre 2019. Nous restons opposés à la prise en compte des revenus du conjoint dans le plafond de versement de l’AAH, car elle revient à instaurer une relation de dépendance de la personne en situation de handicap vis-à-vis de son conjoint ou de sa conjointe. Elle conduit en pratique à créer des situations de minorité au sein du couple et constitue une triple peine : aux problèmes de santé liés au handicap s’ajoutent les problèmes d’argent, qui mettent parfois en péril les couples, sans même évoquer les cas malheureux de violence. Selon une étude menée en 2016par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les femmes en situation de handicap sont celles qui sont le plus victimes de violences physiques et sexuelles au sein du couple.

Nous restons convaincus que l’AAH n’est pas un minimum social comme les autres, la situation des personnes vivant avec un handicap étant malheureusement le plus souvent irréversible. Il n’est ainsi pas possible de la comparer au RSA.

Enfin, nous notons avec regret la légère diminution, quelque 25 000 euros, des crédits liés au programme 137 Égalité entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement s’est engagé à revenir sur cette diminution par amendement ; nous l’accompagnerons dans cette démarche en vue de la séance.

Mme Jeanine Dubié. Le taux de pauvreté a augmenté en France l’an dernier. Les chiffres révélés par l’INSEE il y a deux semaines montrent en effet qu’en 2018, 14,7 % de la population se situait sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de 0,6 point par rapport à l’année 2017. Ces chiffres démontrent que malgré tous les efforts engagés depuis plusieurs années par différents gouvernements, la situation ne s’améliore pas. Les dispositifs mis en œuvre pour en éradiquer les causes n’ont pas prouvé leurs effets.

Je salue dans cette mission la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, car elle s’appuie sur une approche contractuelle avec les départements qui en sont le chef de file. Je suis convaincue qu’il s’agit là de la bonne approche : c’est en mutualisant les moyens que l’on pourra effectivement progresser dans cette lutte.

Ces conventions portent à la fois sur la prévention des sorties sèches de l’ASE, sur une meilleure insertion des bénéficiaires du RSA, sur le premier accueil social inconditionnel, sur les référents de parcours, etc. Le socle de ces conventions vise les problématiques sociales qui bien souvent ne sont pas traitées dans leur globalité. Cette contractualisation doit se poursuivre. Combien de conventions ont-elles été signées ? Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Par ailleurs, madame la rapporteure pour avis, je pense qu’une coquille figure dans votre rapport : à l’avant-dernière page de la conclusion, vous évoquez le caractère récent des signatures de ces conventions, qui empêche pour l’instant d’établir un bilan des crédits affectés à la contractualisation. Vous ajoutez que la définition d’indicateurs précis permettra de disposer de rapports d’exécution que les départements devront publier au plus tard le 31 mars 2019. S’il ne s’agit pas d’une coquille, pourriez-vous nous donner quelques éléments de contexte quant aux bénéfices de ces conventions ?

S’agissant de la protection et de l’accompagnement des enfants, et notamment de l’action 17, les crédits progressent de 13,3 % ; ils concernent notamment le dispositif d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés. Pourquoi le scénario d’un transfert de ces compétences à l’État n’a-t-il pas été retenu ? Il me semble en effet que cette piste avait été évoquée.

Concernant le programme 157 Handicap et dépendance, je salue la revalorisation de l’AAH, qui sera portée à 900 euros par mois à compter du 1er novembre 2018 : la promesse du Gouvernement a été tenue. Toutefois, nous regrettons une fois encore sa sous-indexation à 0,3 %. Quelle est la place de l’AAH, qui est un dispositif compensatoire à un handicap et à l’incapacité d’exercer une activité professionnelle, dans le futur dispositif du RUA ? Ce point inquiète beaucoup les associations et les personnes en situation de handicap. Pouvez-vous nous préciser si l’AAH sera exclue du RUA ?

Enfin, concernant le programme 137 Égalité entre les hommes et les femmes, nous constatons une diminution des crédits, alors que le Gouvernement a érigé l’égalité entre les femmes et les hommes au rang de grande cause nationale du quinquennat. Compte tenu du fait que des travaux seront restitués dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, ne pensez-vous pas que ces budgets ne seront pas à la hauteur des ambitions ?

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire. Je vous remercie tout d’abord de m’accueillir dans le cadre de l’examen pour avis des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Je salue le travail de Mme la rapporteure pour avis, avec laquelle j’ai eu le plaisir d’œuvrer en étroite collaboration cette année.

Avec 25,5 milliards d’euros demandés en 2020, la mission est un vecteur fondamental de la réalisation des engagements du Président de la République en faveur du pouvoir d’achat et de l’inclusion sociale.

J’évoquerai quatre principaux points.

Tout d’abord, la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité, avec 9,5 milliards d’euros inscrits au budget pour l’année 2020 et plus de 4 millions de bénéficiaires. Je tiens à souligner l’efficacité de ce dispositif, ainsi que l’effort budgétaire réalisé depuis deux ans. J’entends les différentes critiques, soulignant que cela n’est pas suffisant et pointant dans le même temps un manque de maîtrise des dépenses : certaines incohérences me font sourire.

L’AAH a également fait l’objet d’une revalorisation sensible. Son taux plein sera porté à 900 euros dès le 1er novembre 2019 et les crédits consacrés à cette allocation s’établiront à 10,6 milliards d’euros. Dans la perspective de la définition du RUA, il sera nécessaire de sanctuariser les crédits consacrés aux personnes en situation de handicap ; je ne doute pas, mesdames les ministres, que vous nous le confirmerez. Il sera également nécessaire de préserver les spécificités existantes en matière de recherche d’emploi pour ces personnes.

Par ailleurs, les crédits du programme 137 Égalité entre les hommes et les femmes font l’objet d’une mesure de périmètre en 2020. Si le volume total des crédits est maintenu, il serait préférable de revenir sur ce transfert ; un amendement en ce sens a été adopté en commission des finances.

Enfin, s’agissant de l’aide à la réinsertion des migrants dans leur pays d’origine, j’avais formulé des recommandations à ce sujet dans un rapport antérieur. Cette prestation n’a pas connu la montée en charge attendue ; elle est en effet victime de dysfonctionnements, au premier rang desquels figurent des conditions d’octroi trop restrictives. Le Gouvernement a pour projet, semble-t-il, de présenter un amendement modifiant le cadre d’attribution de cette aide, au regard notamment des crédits supplémentaires prévus au budget 2020. Je ne peux qu’approuver cette démarche. Nous avons déposé, avec Mme la rapporteure pour avis, un amendement visant à alimenter le débat et à expérimenter un élargissement des conditions d’octroi.

M. Alain Ramadier. J’associe à mes propos Mme Geneviève Levy. Nous souhaitons appeler votre attention sur la situation des mineurs non accompagnés, que les collectivités territoriales ne parviennent plus à prendre en charge. En effet, leur nombre augmente de manière exponentielle : l’Assemblée des départements de France (ADF) en recense plus de 40 000 présents dans le territoire en 2018, soit une multiplication par quatre depuis 2015. Dans nos villes, nous n’arrivons plus à faire face et les associations ne parviennent pas non plus à suivre cette augmentation, faute de structures à la bonne échelle et de personnels formés.

Ces mineurs passent leurs journées dans la rue, sans occupation, et une partie d’entre eux tombe fatalement aux mains des réseaux. La gestion de ces jeunes est humainement compliquée, d’autant que les financements ne suivent pas. En effet, la participation de l’État à la prise en charge des mineurs non accompagnés est très largement insuffisante, malgré les nouveaux dispositifs négociés âprement entre l’État et les départements, tels que l’aide de 500 euros par jeune évalué ou l’aide dégressive pour la mise à l’abri. En définitive, 14 % seulement des dépenses sont assumés par l’État, le reste étant à la charge des départements. Une telle charge n’est pas tenable pour nos territoires : nous devons trouver des solutions pérennes le plus rapidement possible.

Mme Martine Wonner. Je souhaite souligner la qualité du travail de Mme la rapporteure pour avis concernant la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

S’agissant de la déclinaison du plan pauvreté, dont le budget interministériel passe de 151 millions à 215 millions d’euros, le rapport pointe que l’ensemble des conseils départementaux se sont engagés dans une contractualisation, à l’exception de deux d’entre eux. Cette démarche semble donc rencontrer un véritable succès, mais en tant que législateurs, nous devons être attentifs au déploiement des mesures dans l’ensemble des territoires.

Quelles propositions seraient susceptibles d’amener 100 % des territoires sur ce chemin vertueux de la contractualisation de la solidarité envers les plus vulnérables ?

Mme la secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie d’avoir souligné les éléments importants de ces missions, qui répondent à un véritable besoin et correspondent aux orientations du Gouvernement pour l’acte II.

Vous m’avez interpellée au sujet des indicateurs de performance dans le cadre de la contractualisation avec les départements. Celle-ci est signée pour une durée de trois ans. Elle s’appuie sur un constat de départ établi en amont et sur des objectifs à atteindre séquencés par année. Les crédits, comme les objectifs, augmentent d’année en année. Il avait été annoncé aux départements que leurs données chiffrées seraient relevées : elles seront en effet communiquées le 31 mars 2020, au titre de l’année 2019. Nous serons alors en mesure de continuer à leur verser les sommes relatives à la contractualisation, en fonction de leurs résultats. Ce suivi de résultats vise à accompagner la montée en compétences des départements en fonction de leurs engagements. Les départements avaient connaissance des indicateurs lors de la signature des conventions et avaient compris que les financements y seraient conditionnés.

Les crédits relatifs aux deux départements qui n’ont pas signé ces conventions ont été redistribués à des acteurs qui nous avaient sollicités et qui contribuent, avec des projets innovants – réseau Cocagne, par exemple – à la lutte contre la pauvreté et à la promotion d’une alimentation durable avec la distribution de paniers solidaires.

Sur les cantines à 1 euro et la DSR cible, je rappelle que cette dotation est précisément octroyée aux communes rurales fragiles, à partir de plusieurs paramètres, dont le revenu médian des familles. Nous avons voulu apporter des moyens financiers supplémentaires aux familles ayant des ressources moindres : le montant s’établit à 1 euro pour les familles et à deux euros par repas, versés directement aux communes par l’État. En effet, 100 communes sur un total de 10 000, c’est encore modeste. Cependant, la montée en charge de ce dispositif n’a débuté que le 1er avril 2019 et il n’est pas obligatoire. Je souligne que les modalités de remboursement sont très simples : une délibération des communes et une déclaration chiffrée par quadrimestre suffisent. Ainsi, en fin d’année 2019 l’Agence de services et de paiement remboursera aux communes les montants correspondants aux déjeuners servis aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre. Les montants consolidés seront disponibles en janvier ou en février 2020. Concrètement, les 100 communes sont celles qui ont voté une délibération en ce sens et qui avaient déjà instauré une tarification sociale avant le 1er avril 2019.

S’agissant du « bonus mixité » pour les crèches, je vous rappelle qu’il a été instauré à compter du 1er janvier 2019. J’ai reçu les acteurs que vous évoquez ; ils m’ont exprimé leurs craintes à ce sujet. J’ai demandé à la CNAF de réaliser en 2020 une évaluation de ce bonus au titre de l’année 2019. Des ajustements seront apportés si nécessaire, afin d’éviter une ghettoïsation des crèches et de permettre à ce bonus une pleine efficacité en matière de mixité.

Les maraudes mixtes s’appuient sur les diagnostics des départements, qui signalent les familles à la rue. Des moyens complémentaires sont alors apportés. Des montants importants, s’inscrivant dans le cadre de l’hébergement d’urgence en 2020, ne font pas partie de cette mission ; ils s’élèvent à plus de 100 millions d’euros, dont 55 millions d’euros pour l’hébergement stricto sensu et 45 millions d’euros consacrés aux dispositifs de sortie vers le logement durable. Ces montants complètent donc l’accompagnement effectué dans le cadre du logement.

En matière d’accès à la culture, au sport et aux loisirs, tout n’est pas détaillé dans le texte. Ainsi, nous finançons un projet, dont la contractualisation avec la fédération des acteurs de la solidarité, Cultures du cœur et Petits débrouillards est récente. En trois ans, 350 000 euros seront versés pour favoriser l’accès à la culture des familles et des enfants issus des centres d’hébergement. En outre, dans le cadre de la contractualisation avec les départements, des enveloppes ont été laissées libres ; certains d’entre eux choisissent alors de financer l’accès au sport ou à la culture pour tous les jeunes, comme levier d’insertion sociale et professionnelle, notamment pour les bénéficiaires du RSA. Les premiers éléments chiffrés nous seront communiqués dans le cadre de la contractualisation avec les départements.

Les étudiants pourront bénéficier de la complémentaire santé solidaire à partir du 1er novembre 2019, en fonction de leurs ressources et de leur situation, dès lors qu’ils ne sont pas rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

La domiciliation est la première mission historique des centres communaux d’action sociale (CCAS) ; elle s’inscrit dans le cadre des dotations de fonctionnement des collectivités territoriales. Parallèlement, nous travaillons avec les associations et les CCAS pour objectiver le phénomène de la non-domiciliation. En effet, la domiciliation est cruciale pour l’accès aux droits, nous en sommes tout à fait convaincus.

Madame Cloarec-Le Nabour, je vous remercie d’avoir apporté des éléments complémentaires aux propos de Sophie Cluzel et de moi-même.

Monsieur Perrut, nous partageons l’objectif d’égalité des chances ; c’est pourquoi nous avons proposé l’instauration des repas à 1 euro dans les cantines rurales. En effet, les deux tiers des communes rurales n’ont pas instauré de tarifs sociaux. Les petits déjeuners gratuits sont proposés notamment dans les quartiers de la politique de la ville, mais bien évidemment, les communes rurales qui en éprouvent le besoin peuvent demander leur mise en œuvre. Ces petits déjeuners sont servis non pas seulement à certains enfants mais à l’ensemble d’une classe ou d’un établissement scolaire, de façon à éviter la stigmatisation. Il en va de même pour le bonus territoire et le bonus mixité, qui s’adressent à l’ensemble du territoire.

Les chiffres de l’INSEE que j’ai évoqués sont non consolidés à ce stade, car ils ne tiennent pas compte du dispositif de réduction du loyer de solidarité. Les seuls chiffres consolidés dont nous disposons correspondent à la période 2010-2017. La stratégie de lutte contre la pauvreté a été annoncée en septembre 2018 par le Président de la République ; les premières mesures ont été appliquées en 2019 et les premiers résultats sont encore très récents. Quoi qu’il en soit, j’entends vos inquiétudes. Sachez que les 8,5 milliards d’euros ont concrètement pour objectif la prévention et la lutte contre la pauvreté. Les mesures de bon sens comme les réformes de plus grande ampleur, tels le RUA et le service public de l’insertion, visent bien à lutter contre la pauvreté.

Une disposition importante de la stratégie de lutte contre la pauvreté porte sur la transformation du travail social. Cela passe par une collaboration avec le Haut Conseil du travail social et des mesures prises dans le cadre des contractualisations avec les départements. Nous apportons des moyens financiers supplémentaires pour permettre aux départements de financer la formation de leurs travailleurs sociaux, par exemple à l’accueil social inconditionnel ou aux référents de parcours. Nous avons prévu, sur trois ans, 5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 8 millions d’euros dédiés à la formation des 600 000 professionnels de la petite enfance. La formation doit suivre l’évolution des pratiques.

À ce jour, 99 contractualisations avec des départements ont été finalisées. Les Hauts‑de‑Seine et les Yvelines font exception, en raison de leur projet de fusion. Mais nous travaillons avec ces deux départements pour qu’ils soient en mesure de procéder à la contractualisation en 2020. En effet, nous souhaitons une homogénéité sur le territoire pour l’ensemble de nos concitoyens. Par ailleurs, je rappelle que les crédits non alloués à ces deux départements ont été redéployés au bénéfice de mesures qu’il nous semblait important d’essaimer dans l’ensemble du territoire. Deux métropoles, Nantes et Toulouse, ainsi qu’un territoire particulier, le bassin minier, ont également été identifiés. Je tiens à préciser que les fonds apportés par l’État dans le cadre de cette contractualisation sont neutralisés dans le cadre du plan présenté à Cahors en 2017. La méthodologie innovante à l’œuvre dans ce processus de contractualisation consiste à s’appuyer sur un diagnostic territorial partagé avec les départements. Il s’agit d’identifier les besoins des territoires et les modalités d’accompagnement correspondantes. Ainsi, les sommes allouées pour éviter les sorties sèches de l’ASE dépendent très concrètement du nombre de jeunes qui auront 18 ans au cours de l’année ou des deux années à venir.

Les hauts-commissaires, qui ont pris leurs fonctions le 2 septembre 2019, auront pour mission de coordonner tous les services de l’État pour l’application des mesures de bon sens – petits déjeuners, repas à 1 euro –, mais aussi d’animer la stratégie au niveau régional. En effet, il existe des conférences régionales ainsi que quinze groupes de travail qui se réunissent régulièrement autour de différentes thématiques ; ils peuvent bénéficier de moyens supplémentaires pour porter des projets. Les haut- commissaires ont également pour mission l’accompagnement et l’information des collectivités territoriales et des autres acteurs dans le déploiement des différentes mesures. En d’autres termes, leur rôle consiste à orchestrer, avec les services de l’État et les collectivités territoriales, l’application de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Chaque année, au moment de la collecte des données chiffrées, ils épauleront aussi les départements dans l’élaboration des bilans de la contractualisation.

La feuille de route prévoit 219 millions d’euros pour 2020, contre 150 millions d’euros pour 2019, dont 175 millions d’euros dans le cadre de la contractualisation avec les départements, contre 135 millions d’euros en 2019. Le reste de ce montant se répartit comme suit : 10 millions d’euros pour les petits déjeuners à l’école, 9 millions d’euros pour la tarification sociale des cantines, 6 millions d’euros pour la deuxième phase du déploiement des points conseil budget, avec 250 points supplémentaires, 8 millions d’euros pour la formation des professionnels de la petite enfance, 5 millions d’euros pour celle des travailleurs sociaux et 2 millions d’euros pour accompagner le déploiement de la participation des personnes concernées à l’élaboration des politiques publiques. Nous avons voulu en effet provoquer un choc de participation : il s’agit d’accompagner les personnes « invisibles » et inaudibles, afin que leur prise de parole soit maintenant entendue.

S’agissant des mineurs non accompagnés, je vous renvoie au travail effectué par Adrien Taquet. La refonte de l’arrêté de l’évaluation de minorité, visant à préciser nationalement les attendus de l’évaluation, avec un guide des bonnes pratiques, sera finalisée dans les tout prochains jours.

L’ARFS des anciens migrants a été créée en 2017 ; elle prend la forme d’une aide financière destinée à accompagner le rapprochement familial des travailleurs migrants âgés, dits chibanis, qui partagent leur vie entre leur pays d’origine et les foyers de travailleurs migrants ou les résidences sociales en France. Cette aide n’a pas atteint son objectif, comme cela a été souligné dans le rapport de Mme Stella Dupont, mais aussi dans le rapport d’information du 13 juin 2018. Face à ces constats, et conformément à l’engagement que j’ai pris devant vous l’année dernière, j’ai confié à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) la rédaction d’une note portant sur le bilan de l’application de l’ARFS et sur des propositions de réforme, que j’analyserai avec beaucoup d’attention. Nous reviendrons sur l’assouplissement des conditions d’application de cette aide.

Concernant l’AFIS et la sortie de la prostitution, le budget pour 2020 maintient la dotation de 2,1 millions d’euros pour les actions déconcentrées. Il prévoit, pour les actions menées au niveau national, une enveloppe de 1,7 million d’euros, dont 1,2 million d’euros pour l’AFIS. La mobilisation de cette aide a été ralentie par plusieurs facteurs : la publication de quatre décrets, l’objectivation du phénomène au niveau local, afin d’identifier les acteurs, et l’installation de commissions départementales, placées sous l’autorité du préfet.

S’agissant du chèque énergie, un suivi est réalisé par Mme Élisabeth Borne. Nous procédons à son évaluation et travaillons à une meilleure information des publics. Nous formons les travailleurs sociaux pour qu’ils accompagnent et informent les bénéficiaires. À cet égard, on peut parler de l’information au « dernier bureau », comme on parle du « dernier kilomètre ».

Madame Biémouret, vous m’avez interrogée sur l’effet de la prime d’activité sur les plus pauvres. Le taux de pauvreté a connu – je vous livre des chiffres non consolidés – une baisse de 0,4 % grâce à la prime d’activité – 0,9 % pour les familles monoparentales. Les ménages les plus pauvres perçoivent une prime d’activité supérieure, puisqu’il s’agit d’une prestation différentielle dépendant du revenu. La prime va être revalorisée de 0,3 %, mais cette revalorisation dite « maîtrisée » s’ajoute à toutes celles qui ont eu lieu au cours des derniers mois.

La question relative aux « invisibles » renvoie à tout ce que nous mettons en œuvre dans le cadre du RUA. La contractualisation conclue avec les départements sur laccompagnement global a pour objet de permettre à ces personnes daccéder à lemploi, de bénéficier dune aide réelle et de lever lensemble des freins liés à leurs difficultés au quotidien.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur l’ONPES. Il n’est pas question de le faire disparaître mais de l’arrimer au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). Les missions de l’ONPES sont maintenues, et seront exercées avec la même indépendance. Nous sommes en train de travailler avec l’ONPES et le CNLE pour définir la meilleure articulation possible entre eux et assurer au mieux les missions actuelles, essentielles pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion.

Monsieur Christophe, monsieur Ramadier, vous avez appelé mon attention sur le programme 135. Le budget de l’État qui finance les subventions reste inchangé. La somme de 25 000 euros a été directement affectée aux frais de gestion de la délégation régionale outre‑mer aux droits des femmes et à l’égalité – il ne s’agit en aucun cas d’une diminution des crédits. Néanmoins, pour gagner en lisibilité, un transfert du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes au programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes doit intervenir par amendement gouvernemental.

Mme la secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la rapporteure pour avis, culture, sport et loisirs sont en effet essentiels et font l’objet d’un travail pleinement interministériel. Nous voulons, par exemple, avoir des crèches inclusives, en les faisant bénéficier d’un « bonus inclusif », qui est à l’étude par la CNAF. Il en va de même des centres de loisirs. Nous travaillons sur les fonds de territoires pour aider les communes, singulièrement les plus petites d’entre elles, à mieux accueillir les enfants en situation de handicap. S’agissant du sport, nous appliquons une feuille de route très dense – « Sport et handicap » – avec la ministre des sports, destinée à assurer l’accès au sport pour tous. Elle connaîtra une accélération avec la préparation des Jeux olympiques et paralympiques. Comme vous le savez, mon secrétariat d’État est rattaché au Premier ministre et, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire est en charge de la société inclusive et travaille à l’application de toutes ces actions.

Je vous remercie, madame Cloarec-Le Nabour, d’avoir salué le travail engagé et d’avoir rappelé que l’emploi accompagné augmente assez fortement – de fait, plus de 3 millions de personnes en bénéficient. C’est un vrai levier d’insertion professionnelle. Nous devons développer le job coaching, qui accompagne la personne et incite le collectif de travail à ouvrir les portes de l’entreprise à la mesure des demandes qui lui sont adressées – les services offerts étant réactivables et pérennes.

Monsieur Perrut, vous avez relevé l’augmentation de l’AAH tout en regrettant que cette prestation soit toujours conjugalisée. C’est le cas de nombre d’allocations, mais l’AAH est beaucoup plus favorable, puisque le foyer bénéficie tant de l’abattement de droit commun de 10 % sur les revenus d’activité que d’un abattement spécifique de 20 %. On tient donc déjà compte, par ces mesures bénéficiant à l’ensemble du couple, de la situation de handicap.

Je tiens à préciser que personne n’est perdant. Nous fléchons l’allocation en direction de ceux qui en ont le plus besoin. Je rappelle que 90 % de ses bénéficiaires – dont le nombre excède 1,1 million – la perçoivent à taux plein. Son montant se rapproche du seuil de pauvreté. Nous réalisons un accompagnement en matière d’aide personnalisée au logement. Par ailleurs, nous avons développé la complémentaire santé, en offrant un panier de soins beaucoup plus étoffé et en réduisant considérablement le reste à charge pour les personnes en situation de handicap, lesquelles vont voir leur pouvoir d’achat augmenter. Nous nous employons aussi à abaisser le coût des aides techniques en réexaminant la liste de ces dernières, qui ne l’avait pas été depuis vingt ans et qui est totalement obsolète. Nous entendons ainsi parvenir à un juste remboursement des aides techniques dont les personnes ont besoin. Il s’agit, là encore, de réduire le reste à charge, en diminuant les coûts. De la même façon, nous avons lancé un groupe de travail avec les associations pour mieux rembourser les fauteuils roulants et développer l’économie circulaire. Cela permettra, là encore, de réduire les coûts et, partant, de diminuer le reste à charge, ce qui est mon objectif premier.

Je veux dire un mot de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui est délivrée au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L’aide humaine assurée grâce à la PCH est exonérée d’impôt sur le revenu, ce qui contribue aussi au pouvoir d’achat des bénéficiaires.

En outre, l’ONDAM médico-social, augmente de 2,4 % – ce qui représente un effort de 300 millions d’euros – pour atteindre 12,1 milliards, hors congé proche aidant, qui relève du PLFSS 2020. Nous nous efforçons de prendre en considération les besoins des personnes handicapées dans leur globalité. Je sais que vous y êtes extrêmement sensibles.

Enfin, le plan d’accompagnement des aidants, doté de 400 millions d’euros, propose, par exemple, des plateformes de répit – en particulier grâce à un accueil temporaire – et des initiatives de « relayage ». Il s’agit véritablement d’une stratégie globale pour soutenir ces personnes. Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, nous entendons valoriser les professionnels, sur la base du rapport El Khomri, sur lequel nous allons travailler avec Agnès Buzyn, dans la perspective du plan grand âge et autonomie.

Monsieur Hammouche, vous avez évoqué la bientraitance, sur laquelle la Haute Autorité de santé (HAS) est en train de travailler. Je veux saluer, à ce propos, l’excellent rapport de Denis Piveteau et Alice Casagrande. Des groupes de travail sont à l’œuvre. Nous recevons de très nombreuses sollicitations de personnes désireuses d’y participer. Mon objectif est de réaliser une enquête directement auprès des personnes concernées, dans les établissements médico-sociaux, pour connaître leur niveau de satisfaction. L’établissement de ce lien direct constitue un enjeu essentiel, car nous devons construire notre politique publique pour les personnes. Ce ne sera pas simple, car certains résidents des établissements médico-sociaux éprouvent parfois des difficultés à communiquer, mais l’amélioration de la prise en considération des besoins de ces personnes constitue, j’y insiste, un enjeu sociétal essentiel. Nous construisons une très belle feuille de route avec la HAS.

Monsieur Christophe, vous avez souligné la grande avancée que constituait l’accès au droit, les droits à vie, la simplification. De fait, nous devons renforcer la simplification pour les personnes en situation de handicap, qui ne cessent de nous dire combien les politiques menées sont complexes. Il y a là un enjeu primordial. Nous devons y travailler avec les 101 MDPH, et donc avec les départements. C’est une question que vous avez largement évoquée. Pour ma part, je m’appuierai sur la stratégie de contractualisation. On déplore une iniquité en termes d’évaluation, de traitement, de prise en compte des besoins des personnes. Nous nous efforçons d’y remédier avec l’ADF et un grand nombre de départements. J’ai lancé la démarche « territoires 100 % inclusif » avec plusieurs d’entre eux. On perçoit bien la nécessité d’améliorer le parcours des personnes, leur accès au droit et, surtout, de simplifier. Si les droits à vie constituent une avancée considérable, ils ne sont pas encore assez développés. Je fais mon tour de France, en assurant des permanences citoyennes dans les MDPH, pour m’assurer de l’application de ces mesures, discuter avec les personnes et réfléchir aux moyens de simplifier les règles.

Monsieur Perrut, vous avez fait part de vos attentes en matière d’école inclusive. Je tiens à rappeler que l’éducation nationale consacre plus de 2,6 milliards à la scolarisation des élèves handicapés. Je vous donne rendez-vous lundi 4 novembre, date à laquelle nous allons installer le comité de suivi du grand service public de l’école inclusive. Fidèles à notre méthode, nous avons procédé à une concertation avec l’ensemble des parties prenantes avant d’élaborer ce grand service public, de le mettre en place – et, par la suite, d’en assurer le suivi. Lundi prochain, nous allons procéder à une évaluation, qui vous sera communiquée, si vous le souhaitez, pour constater les avancées réalisées. Une vraie dynamique est à l’œuvre. Plus de 25 000 élèves en situation de handicap ont poussé la porte de l’école ; nous constatons un puissant mouvement en ce sens. L’éducation nationale a bâti une organisation exceptionnelle et, surtout, les professionnels du handicap apportent pleinement leur coopération, entrent dans les écoles, offrent leur concours ; des équipes mobiles, des pôles inclusifs d’accompagnement localisés se développent. Je pourrai vous détailler très précisément ces mesures à l’issue du comité de pilotage du 4 novembre. Nous pourrons reprendre contact à ce sujet.

Beaucoup de questions ont été posées sur le revenu universel d’activité, en relation avec l’AAH. Nous avons engagé une concertation avec les associations. Plusieurs d’entre elles, issues du Conseil national consultatif des personnes handicapées, ont exprimé leurs inquiétudes. Christelle Dubos et moi-même les avons reçues et leur avons exposé les garanties que nous souhaitions mettre en place. D’abord, le versement de l’AAH ne serait pas conditionné à la reprise du travail, puisqu’on sait que près de 80 % des allocataires sont empêchés de travailler, ou peuvent très difficilement le faire. L’ensemble des crédits consacrés au handicap seront préservés : tel était le postulat de base. Cela étant, nous entendons mieux prendre en considération, à travers le RUA, les attentes de ceux qui veulent retravailler. Nous nourrissons, en la matière, une ambition très forte. C’est pourquoi je me suis engagée à réunir un groupe de travail spécifique pour améliorer l’insertion en fonction des parcours professionnels. Il nous faut améliorer la lisibilité du dispositif. On l’a dit complexe, il est aussi, parfois, illisible : comment savoir quel sera son salaire six mois après avoir repris une activité ? En effet, je vous rappelle que l’AAH est maintenue pendant le semestre suivant la reprise de l’activité, puis qu’elle diminue en sifflet. Je le répète, le mécanisme est incompréhensible pour ses bénéficiaires. Le RUA permettra de mettre à plat le dispositif et d’améliorer la reprise du travail, en améliorant la lisibilité de notre politique publique.

Par la sanctuarisation des crédits consacrés au handicap et l’absence de conditionnalité du RUA à la reprise de l’activité, nous montrons que nous tenons compte de la spécificité des personnes en situation de handicap. Nous pourrons développer l’accès à l’emploi accompagné et le service public de l’insertion. Tout se tient, et c’est pourquoi nous travaillons main dans la main, avec Christelle Dubos, pour appliquer cette stratégie.

Comme vous l’avez souligné, les femmes handicapées subissent une double peine, puisqu’elles sont deux fois plus victimes de violences. Nous travaillons avec Marlène Schiappa à ce sujet. Nous avons proposé, dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, de recenser les centres de ressources existants et de les étendre à toutes les régions, afin que les femmes handicapées, comme les professionnels, aient accès à ces ressources. La formation des professionnels doit être le maître-mot pour libérer la parole des femmes handicapées.

Mme la secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Christophe, vous manifestiez une inquiétude quant au budget du RUA. Comme je l’ai dit aux différents acteurs, si on intègre de nouveaux publics – je pense aux jeunes de 18 à 25 ans – et si le taux de recours est plus important, le budget augmentera. Notre seul objectif, avec Agnès Buzyn, est de lutter contre la pauvreté – réduire son taux comme son intensité. Il ne s’agit en aucun cas de réaliser des économies sur les dépenses sociales.

La commission examine ensuite les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Article 38 et état B

La commission est saisie de deux amendements identiques, AS72 de la rapporteure pour avis et AS49 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de rétablir à son niveau de l’année dernière le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mme la secrétaire d’État a indiqué que les crédits, à hauteur de 25 000 euros, seraient apportés par un amendement gouvernemental, mais nous avons choisi avec Stella Dupont, rapporteure spéciale, de présenter par principe cet amendement, car il répond à la grande cause nationale du quinquennat qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la rapporteure spéciale. C’est, semble-t-il, une mesure de périmètre qui a entraîné cette réduction faciale des crédits de 25 000 euros. Cet amendement, de nature tout à fait symbolique, a été adopté en commission des finances.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Le groupe La République en Marche votera pour ces amendements, qui font écho à l’engagement du Président de la République et de la ministre.

La commission adopte les amendements.

Puis, suivant lavis favorable de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à ladoption des crédits modifiés de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, modifiés.

Enfin, la commission se saisit des amendements portant articles additionnels rattachés à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Après larticle 78

La commission est saisie de deux amendements identiques, AS74 de la rapporteure pour avis et AS47 de la rapporteure spéciale.

Mme la rapporteure pour avis. Nous proposons de lancer une expérimentation pour que lARFS des anciens migrants, inclue dans ce budget, soit effective et touche un public plus large. En 2019, en effet, on na dénombré que vingtneuf bénéficiaires de cette aide. Nous estimons que les conditions daccès, et notamment lobligation de résidence dans un foyer, sont trop restrictives. Il sagirait dassouplir les critères déligibilité dans les régions où les personnes concernées résident majoritairement, en Île-de-France, en Auvergne- Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte dAzur.

Mme la rapporteure spéciale. Effectivement, cette aide na jamais trouvé son public car les conditions daccès ne lont pas permis. Cette expérimentation – façon de contourner lobstacle de larticle 40 – vise principalement à assouplir le critère lié au logement, qui constitue le principal frein. En effet, tant pour obtenir laide la première fois que pour renouveler la demande, il faut être hébergé dans un foyer collectif. Or lorsquun migrant repart dans son pays dorigine, il est évident que sa place au foyer nest pas laissée vacante en attendant son retour. Il sagit de modifier cette condition daccès, qui nest pas pertinente.

La ministre souhaite voir ce dispositif évoluer, les crédits sont là. Dans le cadre de mon rapport, j’ai auditionné l’IGAS et des conclusions devraient être rendues prochainement. Malheureusement, j’ai compris, par la voix de Christelle Dubos, que l’évolution ne viendrait pas par un amendement gouvernemental. Je trouve cela dommage, car les chibanis sont vulnérables et vivent dans des conditions très précaires. Je regrette que l’on ne puisse pas avancer aujourd’hui sur cette question.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Le groupe La République en Marche votera ces amendements. Nous attendons l’évaluation de l’IGAS sur ce dispositif qui connaît un taux élevé de non-recours et espérons que l’assouplissement des règles concernant l’hébergement apportera rapidement une solution.

La commission adopte les amendements.

La séance est levée à 20 heures 30.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 17 heures

 

Présents. Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Véronique Hammerer, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, Mme Martine Wonner

 

Excusés. - Mme Justine Benin, M. Jean-Pierre Door, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Fadila Khattabi, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Stella Dupont, Mme Cendra Motin