Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de M. le général François Lecointre, chef d’état-major des armées


Mercredi
22 avril 2020

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 43

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Françoise Dumas,
présidente

 


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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Avant tout, je tenais à vous remercier, général, au nom de l’ensemble de mes collègues, d’avoir accepté de vous prêter à l’exercice inédit d’une audition par visioconférence.

À titre liminaire, je me permets de souligner que si cette audition se tient à huis clos, les technologies que nous utilisons aujourd’hui ne nous permettent pas de garantir la confidentialité absolue de nos propos. Souvenons-nous en lorsque nous prenons la parole... Le service de l’informatique de l’Assemblée nationale m’a toutefois informé que nous devrions pouvoir disposer à compter de la semaine prochaine d’un outil plus sécurisé pour nos auditions à huis clos, fourni par Orange, une entreprise française.

Général, les armées contribuent à la lutte contre la propagation de l’épidémie de Coronavirus dès avant le lancement par le président de la République, le 25 mars dernier, de l’opération « Résilience ».

Chacun se souvient ainsi du rapatriement depuis Wuhan de près de 200 de nos compatriotes, le 31 janvier 2020, par les avions « blancs » de l’Esterel, comme du déploiement en Corse du « Tonnerre », les 20 et 21 mars, afin d’acheminer vers Marseille plusieurs patients, dont 6 en urgence vitale.

L’EMR de Mulhouse lui-même est opérationnel depuis le 24 mars, tandis que des évacuations par les airs avaient débuté précédemment, après l’activation du kit MORPHEE, dès le 17 mars.

Depuis le lancement de « Résilience », les armées ont intensifié leurs actions, en métropole comme outre-mer, dans les trois volets de l’opération : sanitaire, logistique et protection.

Votre audition est d’abord l’occasion, général, de vous entendre sur les modalités de cette opération. Et j’en profite pour vous exprimer toute la fierté et la reconnaissance de la Nation devant la mobilisation des Armées aux côtés des autorités civiles dans la lutte contre l’épidémie.

Toutefois, la vie des armées n’est pas seulement ponctuée par la lutte contre l’épidémie.

En premier lieu, elles sont elles-mêmes frappées par le virus. Le cas du porte-avions et, plus largement du groupe aéronaval, est emblématique. Il soulève de multiples questions auxquelles la ministre et vous-même avez déjà apporté quelques réponses ces derniers jours. Nous attendons avec impatience le résultat des deux enquêtes diligentées à ce sujet. Nous souhaitons cependant connaître plus précisément votre sentiment sur la menace de désorganisation des armées françaises du fait de l’expansion de ce virus et quelles sont les mesures qui ont été prises pour y parer.

En deuxième lieu, les opérations se poursuivent sur le terrain, en France (Sentinelle, Harpie) comme en OPEX. Il y a une semaine, une frappe aérienne a neutralisé plusieurs terroristes dans le Liptako, après qu’ils ont été repérés par un drone Reaper. Au total, entre le 8 et le 15 avril, une centaine de sorties aériennes ont eu lieu dans le cadre des opérations Barkhane et Chammal. Là encore, nous souhaiterions savoir les conséquences de cette crise sur l’organisation des OPEX, notamment l’organisation des relèves, et s’il y a eu modification des missions qui leur ont été confiées.

En troisième lieu enfin, cette crise est l’occasion je suppose, d’intenses réflexions sur le format et l’organisation des Armées françaises, notamment la pertinence des stocks et le recours à la sous-traitance. J’ai conduit de nombreux entretiens avec les responsables de la BITD qui m’ont fait part des difficultés qu’ils traversent pour maintenir leur production. Avez-vous d’ores et déjà tiré un certain nombre de conclusions pour augmenter la résilience des armées en cas de prochaines crises épidémiologiques ? Et avez-vous identifié des secteurs où il conviendrait d’accentuer les efforts ?

Voilà, général, les divers sujets sur lesquels nous aimerions connaître votre sentiment.

Sans plus tarder, je vous laisse la parole.

M. le général d’armée François Lecointre, chef d’état-major des armées. Si elle ne constitue pas une surprise stratégique puisqu’elle avait été identifiée dans le Livre blanc de 2013 et confirmée par la revue stratégique de 2017, la crise planétaire que nous traversons se distingue par trois aspects : elle provoque un repli de tous les pays, constitue un égalisateur de puissance et fait peser une menace sérieuse tant sur l’économie mondiale, que sur la sécurité internationale et les systèmes politiques. Cette crise ne fait que conforter le diagnostic que nous avions déjà posé et qui militait pour un renforcement de la résilience de la Nation, et en particulier de son outil principal, les armées.

Elle a ainsi conduit les armées à adapter leur dispositif : tout en continuant à assurer la défense des intérêts de la France, elles ont apporté – notamment dans les domaines sanitaire, logistique et de protection, sans que dans ce dernier domaine les militaires ne se substituent aux forces de sécurité intérieure – leur soutien aux autorités civiles à travers l’opération Résilience.

Ce soutien, comme le veut notre fonctionnement, fait de commandement vertical et de subsidiarité, s’est exprimé au travers d’un mode à la fois centralisé dans son commandement et déconcentré dans son exécution. Il a ainsi été conduit au niveau déconcentré dans chaque zone de défense et de sécurité, par les officiers généraux de zone de défense et de sécurité (OGZDS) qui se sont appuyés sur les délégués militaires départementaux (DMD) et les commandants de bases de défense (ComBdD), mais aussi par les commandants de zone maritime (CZM), le Commandement de la défense aérienne et les opérations aériennes (CDAOA) ainsi que, outre-mer, par les commandements supérieurs (COMSUP) des forces armées. Cette organisation, qui offre l’opportunité d’une grande centralisation des directives et d’une grande déconcentration de leur application, doit être réaffirmée. Chacun de ces grands subordonnés a ainsi noué un dialogue constructif avec l’ensemble des autorités civiles.

Fort de cette organisation, nous avons choisi de conserver au niveau national la gestion de moyens critiques, comme l’élément militaire de réanimation qui a été engagé près de l’hôpital de Mulhouse, mais aussi les moyens maritimes engagés pour initialement rapatrier des malades de Corse puis plus tard vers l’outre-mer, et enfin les moyens aériens pour soulager le Grand Est et l’Île‑de‑France. La partie décentralisée est caractérisée par la mise en œuvre de moyens comme des hélicoptères, ou pour délivrer un appui spécifique et adapté aux besoins locaux, qu’il s’agisse d’aménagements de sas hospitaliers, de renforts des différentes cellules de crise ou autres concours. Cette contribution, qui a pu apparaître symbolique, a en réalité parfois été décisive, en particulier lorsqu’il s’est agi de fournir des capacités uniques : je pense notamment au service de décontamination du 2e régiment de dragons NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique).

Nous avons ainsi été au rendez-vous de toutes les demandes de concours et réquisitions qui nous ont été adressées au cours de cette crise importante : en moyenne, c’est plus de 3 000 militaires y ont répondu quotidiennement.

Au-delà des missions opérationnelles, les armées doivent absolument maintenir une capacité de réserve d’intervention. Cela, certes, va à l’encontre de la logique d’efficience suivie par toute administration. Cette réserve est cependant nécessaire en cas d’opération nouvelle, soit à l’extérieur, soit sur le territoire national, le niveau de menace demeurant par ailleurs extrêmement élevé – 30 000 militaires et 12 000 pompiers militaires sont toujours, en ce moment même, en posture opérationnelle.

Les postures permanentes ont été maintenues, sur terre, avec notamment les opérations Sentinelle et Harpie, dans les airs et sur mer ainsi que dans le champ cyber, où le niveau de protection a été rehaussé devant le risque d’attaque virale.

Les départs en opération extérieure ou outre-mer sont par ailleurs désormais associés à une phase de quatorzaine. En Afrique, l’opération Barkhane se poursuit avec nos partenaires, dans la dynamique du sommet de Pau avec des résultats importants dans le Liptako et le maintien du tempo de la mise en place de la Task Force Takuba, qui verra sa capacité opérationnelle initiale déclarée cet été comme prévu. L’opération Irini a été lancée en Méditerranée en remplacement de l’opération Sophia ; elle a vocation à surveiller le respect de l’embargo sur les armes à destination de la Libye.

Nous poursuivons dans le Golfe Persique, avec nos partenaires européens, l’opération Agénor, en liaison avec l’opération américaine Sentinel. Au Levant, l’adaptation de notre dispositif en Irak ne signifie pas un retrait total : nous luttons toujours contre Daech.

Maintenir cette action opérationnelle s’impose : nos compétiteurs stratégiques nous observent et évaluent notre capacité de résilience. Délaisser certains théâtres, en particulier au Sahel, anéantirait des années d’efforts et entraînerait le repli de nos partenaires. Ce maintien est un élément majeur de notre crédibilité.

Ce virus n’a pas épargné les armées, et elles ont été affectées comme l’ensemble de la population par la maladie et le poids du confinement sur le moral et les familles. Le cas du Charles de Gaulle est à ce titre illustratif de l’ampleur que cette infection virale peut avoir dans nos milieux parfois très contraints.

Malgré cette vulnérabilité, je suis très fier que notre institution ait été l’une des principales à maintenir son activité et poursuivre ses missions sans rien lâcher. Concrètement, pour conserver notre capacité opérationnelle et maintenir les fonctions essentielles tout protégeant nos hommes et leur famille, nous avons dû adapter notre fonctionnement. Rapidement, nous avons mis en place un plan de continuité de l’activité (PCA) qui était prêt depuis 2013 et qui définissait l’organisation ad hoc en cas de pandémie virale. Celui-ci a été ajusté au fur et à mesure de la montée du péril en Asie. 

Il a ensuite fallu mettre en place des structures dédiées pour gérer cette nouvelle menace qui a la particularité de peser autant, voire plus, sur les fonctions socle et de l’arrière habituellement préservées. La crise, initialement conduite par le ministère de la santé et des solidarités compte tenue de la prépondérance de son volet sanitaire, s’est rapidement étendue à d’autres domaines au point de devenir un enjeu interministériel, ce qui a justifié la mise en place d’une cellule interministérielle de crise. De même, est apparu au sein du ministère des armées le besoin de mettre sur pied d’abord une cellule dédiée au suivi de l’opération Résilience, au centre de planification et de conduite des opérations, mais aussi un plateau ministériel de crise, hébergé à l’état-major des armées, et placé sous la responsabilité du major-général des armées. Il permet à notre ministre gestion transverse et bonne anticipation des conséquences de cette crise. Ces structures se retrouvent au niveau déconcentré sous les ordres des officiers généraux de zone de défense et de sécurité. Ces derniers ont en effet pour mission de coordonner les différents services du ministère au niveau zonal et régional, en marquant un effort particulier au profit des commandants de base de défense, à qui j’ai confié la pleine autorité sur la chaîne de soutien interarmées.

Nous maintenons les opérations stratégiques en nous adaptant pour conduire cette crise, en conservant une réserve tout en continuant à planifier des opérations pouvant être déclenchées si la situation se dégrade. Pour ce faire, il nous a été nécessaire de suspendre - au moins en partie - plusieurs activités moins essentielles, pour protéger les armées et leur famille. Ce faisant, nous accumulons une « dette organique » qui pourrait porter préjudice à la continuité de nos engagements opérationnels et dont la résorption dans les meilleurs délais constituera ma priorité : il en va effectivement tant de notre efficacité opérationnelle que de la sécurité de nos hommes, notre armée de plein-emploi se trouvant aux limites de ses capacités. Il me faut évaluer le risque que nos hommes courent à être exposés au Covid-19 et celui qu’ils courront demain face à un ennemi qui pourrait leur être supérieur si la préparation opérationnelle idoine leur faisait défaut, et trouver un équilibre le plus juste possible entre les exigences de cette dernière, la soutenabilité de notre modèle et la préparation de l’avenir.

Comment revenir à un modèle d’armée complet, dans un monde post-crise Covid 19 plus dangereux encore compte tenu du comportement violent de certains acteurs régionaux, d’un probable repli américain précipité et de l’activisme chinois ? Il ne faudra pas désarmer et poursuivre, sinon accélérer, notre effort dans le cadre de la loi de programmation militaire. Je compte sur les parlementaires pour porter ce message.

Au-delà des possibles ruptures capacitaires à venir, les limites que j’ai déjà décrites ici perdurent dans notre organisation et dans notre fonctionnement. Depuis des années, on privilégiait le management sur le commandement, l’efficience sur l’efficacité et la logique de flux sur la logique de stock. Sans surprise, la crise a révélé que l’externalisation, comme la délocalisation de fonctions vitales et le manque tant de réserves de ressources humaines militaires que d’épaisseur organique constituent autant d’entraves à notre pleine efficacité. Tout cela continue de peser sur les armées, et au moment où l’on compte sur les armées pour être l’instrument principal de la résilience de l’État, ces faiblesses apparaissent plus criantes encore. En réalité, notre épaisseur et notre organisation qui étaient en cours de reconstitution ne devront surtout pas être fragilisées et il faudra continuer l’effort entrepris, en plus de celui pour résorber la dette contractée.

Au-delà de leurs capacités, les armées ont apporté un état d’esprit marqué par une intelligence de situation, une culture du risque et un savoir-faire dans l’élaboration de décisions dans l’incertitude.

Enfin, cette crise démontre que nos armées doivent être taillées non pas pour ce qu’elles font au quotidien, mais pour ce qu’elles peuvent être amenées à accomplir dans des circonstances exceptionnelles. La préservation de la singularité militaire, garante de notre efficacité, devra plus que jamais guider nos choix à venir.

Mme Patricia Mirallès. Le récent rapport bisannuel sur la LPM 2019-2024, qui permet de mesurer la réalisation des engagements du ministère, mentionne certains retards de livraison dus à des difficultés rencontrées sur certaines chaînes de production. Ne risquent-ils pas d’entamer la capacité de projection de nos forces ?

M. Charles de La Verpillière. La crise du Covid-19 a notamment révélé la vulnérabilité de notre système militaire au risque bactériologique dont a témoigné l’immobilisation du Charles de Gaulle. Comment comptez-vous résorber la dette organique de nos armées en particulier l’année prochaine, lors de la revoyure de la LPM ?

M. Fabien Lainé. La presse n’a recensé que peu de cas de Coronavirus dans la bande sahélo-saharienne. Qu’en pensent nos forces stationnées sur place ? Quelles sont les implications de la quatorzaine ?

M. Joaquim Pueyo. La commission devra en effet débattre de l’après-Covid, au moment de la revoyure. La pandémie vous a-t-elle conduit à redéployer certaines forces au sein de l’opération Sentinelle ? Ne craignez-vous pas que des terroristes profitent de la situation sur le théâtre de l’opération Barkhane ?

M. Olivier Becht. Le député de Mulhouse que je suis remercie l’armée, notamment le service de santé des armées (SSA) et les régiments de l’armée de Terre qui ont permis d’ériger l’hôpital militaire de campagne, pour le concours qu’elle a apporté à la gestion de la crise sanitaire. Je regrette que certaines administrations civiles n’aient pas fait preuve de la même agilité.

M. Yannick Favennec Becot. Le développement de la pandémie mettra-t-il en difficulté l’opération Barkhane, tant au plan opérationnel que politique ? La pénurie de masques a entraîné un prélèvement sur les stocks militaires : comment comptez-vous les reconstituer pour faire face à vos besoins ?

M. André Chassaigne. Pour les hôpitaux de campagne, voyez-vous une faiblesse pour les moyens mobiles, pas uniquement en réanimation ? Comment améliorer la perception du risque biologique, prévenir plus précocement une épidémie et limiter l’exposition de nos soldats ?

M. le général d’armée François Lecointre. Je ferai part de vos remerciements et de vos félicitations aux armées.

Madame Mirallès, il est encore trop tôt pour évaluer le retard des livraisons d’équipements neufs mais celui-ci est inéluctable. Nous essaierons, autant que possible, de le rattraper tant il nous pénalise.

Nous sommes particulièrement attentifs à ce que la dette organique ne se creuse pas dans les domaines du maintien en condition opérationnelle, des munitions et de l’infrastructure. Si, faute d’une relance rapide de l’activité industrielle, la situation perdure, nous rencontrerons des difficultés d’ici à la rentrée de septembre et nous devrons alors adapter nos postures opérationnelles.

La dette organique est également très sensible en matière de recrutement et de formation de nos effectifs. Nous devons être attentifs à un redémarrage le plus rapide possible, en particulier pour l’armée de Terre. Toutes nos écoles de formations ont été arrêtées au début de la crise ; toutefois, plusieurs formations ont d’ores et déjà repris, en particulier dans les domaines sensibles comme la formation des atomiciens ou celle des plongeurs d’armes, pour lesquelles nous ne pouvons pas nous permettre de retards.

Monsieur de La Verpillière, Monsieur Chassaigne, notre système de santé a été profondément transformé lors de la professionnalisation des armées. Nos moyens ont été considérablement réduits et nous avons tout concentré sur nos capacités d’armées d’emploi et de projection. Le système de santé des armées a lui aussi été profondément modifié depuis la professionnalisation et il lui est aujourd’hui demandé de se montrer très efficace dans la médicalisation de l’avant, au détriment de la capacité de faire face à une crise de grande ampleur. Ainsi le nombre d’hôpitaux d’instruction des armées a été réduit et nous ne pouvons faire ce que nous imaginions être capables de faire lors de la Guerre froide. Aujourd’hui, nous devons réfléchir à la création d’une structure médicale modulable plus importante.

Monsieur de La Verpillière, la résorption de la dette organique devra être pensée avant l’actualisation de la loi de programmation militaire, dès la sortie de crise. Il n’y a aucune raison de réviser à la baisse nos ambitions de consolidation de notre modèle d’armée complet. La crise que nous vivons et la dégradation des relations internationales qui en résultera militent pour le maintien de l’effort que nous avons envisagé. Je compte sur l’ensemble des députés pour faire valoir que nos besoins, en valeur absolue, restent les mêmes.

Monsieur Lainé, je ne suis pas à même de vous dire quelle est la situation sanitaire dans la bande sahélo-saharienne car nos forces sont engagées dans des zones où elles ont peu de contact avec la population des grandes villes. J’ignore également l’impact exact de cette crise sur la population africaine, sinon que celle-ci est extrêmement jeune et que son rapport à la mort est très différent de chez nous. Cette population est exposée par ailleurs à un très grand nombre d’autres pathologies très graves et récurrentes comme le paludisme, qui provoquent sans doute – dans l’indifférence générale – plus de morts que le COVID 19.

En ce qui concerne l’impact sur nos propres forces, moins d’une cinquantaine d’entre eux a été contaminée par le Covid-19 depuis le début de la crise. À ce stade, les conséquences opérationnelles sont donc quasi inexistantes pour l’opération Barkhane. Nous veillons à rester le plus rigoureux possible dans la gestion des différents cas, qu’ils soient possibles ou confirmés.

La question de la quatorzaine se pose pour toutes les missions, à l’aller et au retour. Elle est quasi-systématique avant, à des degrés d’intensité divers selon la sensibilité des missions : quatorzaine simple et quatorzaine avec tests, en amont, voire en amont et en aval. Nous gardons des tests pour les hommes engagés dans les missions les plus sensibles ou celles qui ont lieu loin d’infrastructures sanitaires. Au retour, les quatorzaines sont conformes au mode général de confinement de la population, le cas du Charles de Gaulle étant particulier. Nous verrons comment faire évoluer notre doctrine.

En tout état de cause, nous sommes attentifs aux exigences des pays dans lesquels nous envoyons nos hommes.

La mise en quatorzaine peut provoquer un décalage de la durée des missions, comme ce fut le cas pour la relève du poste de commandement interarmées de théâtre au Tchad.

Avant leur départ, nous avons également placé en quatorzaine les unités envoyées en renfort outre-mer.

Je reste attentif à ce que nous puissions autant que possible effectuer les relèves dans les délais prévus pour ne pas peser sur la capacité opérationnelle des hommes ni sur le moral de leur famille.

Monsieur Pueyo, nous avons pu faire basculer 1 500 hommes de l’opération Sentinelle vers l’opération Résilience en raison de la baisse de l’activité publique en France. Lors du déconfinement progressif, l’opération Résilience se poursuivra sans doute et nous verrons comment faire remonter en puissance Sentinelle.

Nous ferons également un retour d’expérience sur l’organisation actuelle afin de tirer profit de notre répartition territoriale, chaque zone étant capable d’engager des personnels dans un préavis très court au service des autorités civiles locales. Fort des enseignements de Résilience, peut-être pourrons-nous alors diminuer les effectifs permanents de Sentinelle tout en garantissant la même réactivité.

Sur les théâtres d’opérations extérieures, nos ennemis se saisissent déjà de certaines opportunités. Au Levant, nous constatons une remontée en puissance de Daech, avec une relance de leurs activités dans la moyenne vallée de l’Euphrate et dans la région de la Badiya, en Syrie, et dans la région de Kirkouk en Irak. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas baissé la garde. Dans la zone sahélienne, comme nous y concentrons nos efforts, l’État islamique au grand Sahara (EIGS) n’a pas relevé la tête. Cette organisation pratique toujours une stratégie d’évitement face aux nombreux coups que nous lui portons et à la remontée en puissance des forces partenaires maliennes ou nigériennes.

Nous sommes également attentifs à la situation dans le nord du Burkina Faso et aux saisies d’opportunités que pourraient entraîner les tensions qui se développent entre les mouvements RVIM et EIGS.

Monsieur Becht, je suis très touché par vos propos, que je transmettrai à l’ensemble de mes troupes. Malgré la désorganisation progressive des armées en raison de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et d’une trop grande civilianisation, nous avons su préserver la culture de la planification et de la gestion du risque – qui serait utile à d’autres administrations de l’État – mais aussi grâce à une organisation à la fois très centralisée et déconcentrée.

Monsieur Favennec Becot, le stock de masques des armées, que nous continuerons à entretenir, permet de faire face à plus d’une dizaine de semaines d’activité. Nous devrons être attentifs à établir la doctrine d’emploi des masques « grand public » et à constituer des stocks, mais je n’ai pas d’inquiétude particulière.

Aucune consommation ou réquisition des stocks par les administrations civiles n’a eu lieu.

M. Bastien Lachaud. Je remercie les armées pour leur engagement.

Pouvez-vous confirmer l’information selon laquelle, selon le Washington Post, le renseignement militaire américain aurait prévenu la Maison blanche dès le mois de novembre que la Chine était confrontée à l’apparition d’un nouveau virus ? Notre renseignement a-t-il été pris en défaut ?

Malgré le confinement, certaines unités doivent former des réservistes pour l’opération Sentinelle. Nos forces sont-elles saturées ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Je salue l’exceptionnelle mobilisation de nos armées et je vous assure du soutien de nombre de commissaires lors des discussions budgétaires à venir.

Quels moyens la France peut-elle consacrer à l’opération Irini d’embargo sur les armes en Libye ? Nos bâtiments pourront-ils arraisonner des navires de pays alliés mais pas forcément amicaux – je pense à la Turquie ?

Les personnes secourues en mer qui pourraient être porteuses du virus seront-elles transférées en Grèce, comme c’était prévu à l’origine ?

M. Nicolas Meizonnet. En cas de troubles à l’ordre public après le confinement, un scénario a-t-il été envisagé impliquant non seulement un engagement massif des forces de police mais, aussi, de la réserve opérationnelle de niveau 2 (RO2) alors que, selon deux rapports, la réserve de sécurité nationale souffre d’un manque d’organisation ? Des dispositions sont-elles ou seront-elles prises ?

M. Thibault Bazin. Je remercie nos armées pour leur engagement.

Pourriez-vous envisager une accélération du programme de travaux dans les infrastructures de soutien afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de nos militaires et de participer au plan de relance du BTP ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Nous sommes très fiers de nos armées.

Êtes-vous inquiet quant à l’exécution de la loi de programmation militaire ? Avez-vous envisagé une prospective sur des hypothèses de remise en cause de projets qu’elle contient ?

Le rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire de septembre 2019 a alerté sur la situation critique du service de santé des armées pour faire face à ses missions. Une telle situation sera-t-elle prise en compte pour rétablir les capacités de ce service indispensable ?

M. Jean-Michel Jacques. Les Français attendent beaucoup de leur armée, et elle a beaucoup fait, mais elle se doit également de disposer de réserve en cas de coup dur. La situation que nous connaissons peut être profitable pour convaincre ceux qui doivent l’être de maintenir son budget afin qu’elle puisse répondre à des activités duales. Ainsi le service de santé des armées peut-il à la fois intervenir dans le domaine spécifiquement militaire tout en fournissant, comme c’est le cas actuellement, de nombreuses prestations aux civils. Il en est de même dans la recherche et le développement. Considérez-vous également que cette situation soit une opportunité ?

M. le général d’armée François Lecointre. Je suis incapable de dire si les services de renseignement ont été destinataires d’une information faisant état de l’ampleur des contaminations en Chine. Je n’ai pas d’éléments à donner à ce sujet.

L’emploi des réservistes a été poursuivi en respectant les gestes barrière, selon une culture militaire faisant la part entre risques encourus et missions à remplir. Le même principe s’applique à la préparation opérationnelle des forces qui seront engagées dans les relèves. Les armées sont en mesure de faire face aux besoins en hommes, mais il est important de mettre à profit l’élan généreux des réservistes et de recourir à cette force pour les missions sur le territoire national, et j’ai donné aux OGZDS des directives en ce sens.

Une frégate est déjà engagée dans l’opération Irini et une autre le sera en mai. Des vols de surveillance maritime et de renseignement seront assurés par des Falcon 50. Des équipes de visite embarquées à bord de la frégate La Provence, en mission dans le canal de Syrie, sont en mesure d’intervenir à bord d’un navire. Si l’Europe va au bout de sa détermination, elles pourront, sur la base des informations fournies, effectuer des visites de bâtiments de commerce, y compris battant pavillon de pays alliés, dès lors qu’ils sont suspectés de trafic d’armes au profit de la Libye. Car il s’agit bien d’une opération de contrôle. Lors des négociations sur le mandat de la force Irini, des mécanismes de freins ont été mis en place à la demande de certains pays membres : si l’opération devait prendre un tour humanitaire et concourir au sauvetage de personnes en mer, les bâtiments seraient alors retirés de la zone.

Les notes de renseignement qui évoquaient des risques de trouble à l’ordre public ne venaient pas des armées.

La garde nationale est un vocable désignant les réserves du ministère de l’intérieur, police et gendarmerie, et les réserves des armées, directions et services, chacune de ces réserves restant sous la responsabilité organique des ministères et, au sein du MINARM, des chefs d’état-major. La réserve opérationnelle de premier niveau (RO1), parfaitement organisée et entraînée, pleinement intégrée et indissociable de l’active, monte en puissance depuis quatre ans avec beaucoup d’efficacité. Différents exercices décentralisés de convocation de la réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2) sont effectués chaque année dans les différentes armées. Cependant, l’activation de cette réserve soulève encore des questions : pour un soldat quittant le service actif, le fait d’être automatiquement versé dans la RO2, soumis à l’obligation légale de disponibilité et donc mobilisable, en cas de prise de décret en situation de crise grave, pourrait-il constituer un frein à la reconversion et à l’embauche ?

Je n’imagine pas que des troubles à l’ordre public puissent atteindre une ampleur telle que nous serions contraints de faire appel, au-delà de l’engagement des forces armées en substitution des forces de police pour des missions de garde statique, aux réserves, qu’il s’agisse de la RO2 ou même de la RO1.

La relance exige que nous fassions de la dépense publique intelligente. Or le ministère des armées sait dépenser l’argent public – c’est un atout que nous devons faire valoir – aussi bien dans les grands programmes d’infrastructures que dans le soutien des armées, le fonctionnement des armées et le MCO. La dépense publique, déconcentrée auprès des bases de défense, irriguera immédiatement le tissu économique local et donc national. Nous sommes bien positionnés pour cela.

La crise met en exergue la nécessité pour l’État de confirmer son rôle et de consolider ses institutions régaliennes. Il serait paradoxal qu’elle conduise à renoncer aux efforts prévus dans la LPM. Je me méfie simplement de calculs qui mèneraient, sur la base d’un PIB en forte baisse, à réduire les ressources en valeur absolue.

Le service de santé est parvenu à un équilibre particulièrement délicat, entre une médecine de l’avant, engagée dans les OPEX, et une médecine de spécialités, exercée dans les hôpitaux d’instruction des armées. Nous devrons tirer les enseignements de l’importance des hôpitaux de campagne mais nous ne pourrons pas faire croître le service de santé indéfiniment, d’autant que ce sont des activités duales. Par ailleurs, plus ces activités duales sont à haute valeur ajoutée, plus le décalage dans les rémunérations et les contraintes avec le monde civil est criant.

M. Jacques Marilossian. Craignez-vous que des acteurs non étatiques ou des puissances étrangères puissent profiter de l’immobilisation du Charles de Gaulle pour lancer des actions ? Pouvez-vous faire un point sur l’état sanitaire de la base de Djibouti ?

Mme Natalia Pouzyreff. Les armées européennes partagent avec les armées françaises la culture de la gestion de crise. Dans ce domaine, y a-t-il lieu de renforcer les capacités européennes ? Avez-vous été appelés à accentuer la collaboration avec vos partenaires de l’initiative européenne d’intervention (IEI) ? Il semblerait que le dispositif RescUE de protection civile n’ait pas été engagé. De son côté, l’OTAN a annoncé une réflexion sur la gestion de crise.

M. Jean-Jacques Ferrara. Pourriez-vous nous renseigner sur l’emploi du drone Reaper au Sahel ? La base de Creil, après le retour de l’escadron Esterel, a été mise en cause comme une source possible de contamination de la zone. Qu’en est-il réellement ? Quelles sont les conséquences de l’annulation des grands exercices internationaux ?

Mme Monica Michel. Les armées disposent de moyens exceptionnels qui peuvent se révéler indispensables pour le transport des personnes et des matériels dans une situation d’urgence. Bien que ces moyens soient déjà fortement mobilisés pour les missions habituelles, les armées ont jusqu’ici répondu à toutes les demandes. Pourraient-elles répondre à une demande de montée en puissance ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. La décontamination du Charles de Gaulle a été finalement annoncée, mais elle relève d’une entreprise spécialisée. En dehors des questions de sécurité, confier une telle mission à une entreprise privée ne révèle-t-elle pas un déficit capacitaire de nos forces armées ? L’autonomie de nos forces n’aurait-elle pas été compromise si un tel scénario s’était produit à l’étranger ?

M. le général d’armée François Lecointre. Je n’ai pas de crainte concernant le Charles de Gaulle. Nous avons abrégé sa mission dès que nous avons appris le déclenchement de l’épidémie en le faisant rentrer immédiatement à Toulon. La seule contrainte opérationnelle a été l’annulation d’une mission complémentaire qu’il devait effectuer en Méditerranée, et ma seule véritable inquiétude réside dans la santé de nos marins. La décontamination est très rapide et sera achevée très prochainement, aussi le porte-avions sera à nouveau opérationnel lorsque l’équipage le sera. Son immobilisation ne devrait pas durer au point d’obérer son engagement et son emploi.

Nous avons déployé des moyens de détection sur la base de Djibouti, qui dispose par ailleurs d’un centre médical performant et de moyens de réanimation.

À propos de la coopération internationale, le dispositif RescUE de protection civile n’a pas été particulièrement efficace. Les armées européennes ont pu coopérer à travers les dispositifs existants et dans le cadre de relations bilatérales. Le commandement européen du transport aérien (EATC) a fait ses preuves et cela m’encourage dans l’idée que nous devons renforcer le service européen d’action extérieure, l’État-major de l’Union européenne (EMUE). C’est pourquoi nous devons nous assurer que la capacité militaire de planification et de conduite de crise (MPCC) soit placée sous les ordres de l’EMUE.

Avec les Britanniques et les Néerlandais, nous avons mis sur pied une cellule interarmées et interalliés de planification aux Antilles, sous l’autorité du COMSUP, pour aider les pays de l’arc Caraïbe à gérer cette crise avec les moyens que nous y avons déployés, comme nous l’avions fait après le passage d’Irma.

L’emploi du s au Sahel est particulièrement efficace ; nous usons de ces capacités complémentaires avec la retenue qui sied à un emploi éthique de cette arme.

Le doute a été levé depuis plusieurs semaines, la base de Creil n’est en rien à l’origine de la contamination. Plus on avance dans la connaissance de ce virus, plus on mesure que la contamination ne trouve pas son origine dans le retour des Français rapatriés de Chine.

L’annulation des exercices internationaux a des conséquences, par exemple, sur la qualification de nos moyens et de nos forces : l’exercice Citadelle Guibert devait permettre la qualification de notre État-major pour la CJEF (Combined Joint Expeditionary Force). Nous conservons l’essentiel, la préparation opérationnelle de nos outils de combat, mais une absence durable d’exercices internationaux nous fera perdre en efficacité et en interopérabilité.

Nous devons être attentifs à l’évolution de la coalition conduite par les États-Unis au Levant. S’agissant de la coalition pour le Sahel, dont nous sommes un des leaders, nous avons maintenu la conférence de lancement de la force Takuba ; nous devrions disposer d’une capacité opérationnelle initiale dès le mois de juillet afin de conserver le tempo défini lors du sommet de Pau.

Les moyens logistiques des armées sont exceptionnels, mais comptés. Il convient de distinguer les moyens que les armées sont les seules à détenir et qui sont requis par une situation d’urgence – l’A400M, capable d’atterrir sur des pistes réduites et qui part en Polynésie aider aux liaisons inter-îles ; le porte-hélicoptères amphibie, particulièrement utile dans les départements d’outre-mer – des moyens plus courants, que nous mettons à disposition alors que le secteur civil est contraint par le confinement – les camions de transport, par exemple. Nous sommes en train de préparer un appui à la phase de déconfinement, en gardant à l’esprit que nous ne devons pas faire concurrence aux entreprises de logistique qui reprendront alors leur activité.

La décontamination du Charles de Gaulle a été effectuée à 90 % par le 2e régiment de dragons, spécialisé dans le domaine NRBC. Les 10 % restants ont effectivement été confiés à une entreprise privée. Nous avons ainsi pu continuer à répartir les moyens du 2e RDNRBC sur l’ensemble du territoire national, y compris outre-mer.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, vous aurez sans doute perçu combien nous sommes attentifs à ce que les armées poursuivent leur montée en puissance. Quelles que soient les nouvelles contraintes budgétaires, nous serons attentifs à éviter à ce que la baisse prévue du PIB ait des répercussions sur l’effort de défense, qui lui-même participera à la relance de notre économie.

La culture de la planification est plus que jamais précieuse, tant sur le plan organisationnel que territorial.

Je vous prie de transmettre à vos frères d’armes l’expression de notre gratitude. La résilience vous est naturelle mais elle est à nos yeux exceptionnelle. Nous sommes tous à vos côtés.

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La séance est levée à seize heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Louis Aliot, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean‑Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Nicolas Meizonnet, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Thierry Solère, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Charles de la Verpillière

 

Excusés. - M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Gilles Le Gendre