Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de Mme Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale.


Jeudi
30 avril 2020

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 46

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Françoise Dumas,
présidente

 


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La séance est ouverte à dix heures trente.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Madame la Secrétaire générale, un grand merci, avant tout, au nom de l’ensemble de mes collègues, pour avoir accepté de vous prêter à l’exercice inédit de cette audition par visioconférence. Je sais votre emploi du temps très chargé, aussi mes collègues et moi sommes très sensibles à la disponibilité qui est la vôtre l’égard de la représentation nationale.

Avant toute chose, je voudrais exprimer au nom de l’ensemble de mes collègues la profonde tristesse qui a été la nôtre à l’annonce du décès du sergent Pierre Pougin, lors d’un entrainement d’une mission de sauvetage en hélicoptère. Le sergent Pierre Pougin était sauveteur plongeur héliporté de l’escadron hélicoptère « Pyrénées » de la base aérienne de Cazeaux. Nous adressons nos condoléances à sa famille, ses camarades et ses amis.

Ce juste hommage étant rendu, je reviens à l’objet de notre audition.

Est-il besoin de le rappeler, le SGDSN ne relève pas du Ministère des Armées mais du Premier ministre et il est compétent pour tout ce qui s’appelait naguère la sécurité civile, et que l’on préfère aujourd’hui appeler sécurité nationale.

Le SGDSN joue un rôle central en matière de préparation et de réponses aux crises. Il est l’organe chargé d’analyser les risques et les menaces. Il est celui aussi qui assiste le Premier ministre dans la direction politique et stratégique de la crise. C’est lui enfin qui tire les enseignements des crises, en proposant au besoin d’adapter les plans, directives et organisations.

Ses actions se sont notamment inscrites ces dernières années dans la lutte contre le terrorisme et la crise actuelle le ramène à une thématique ayant suscité un des premiers plans de l’après-guerre froide, sinon le premier, le plan pandémie grippale  de 2004 qui a été co-rédigé avec le ministère de la santé dans la perspective d’une pandémie d’un virus H5 N1 de grippe aviaire, pandémie qui n’est jamais survenue. Ce plan, après avoir subi diverses modifications fut en revanche mis en oeuvre lors de la pandémie d’origine porcine H1N1 en 2009, ce qui a donné lieu, chacun ici s’en souvient ici, à de nombreux commentaires sur ce qu’aurait été alors la trop forte réaction de l’Etat. Ce plan de pandémie grippale, a été ensuite modifié à plusieurs reprises, et a servi de base pour la réponse gouvernementale à la pandémie qui nous touche actuellement.

Le rôle du SGDSN est un rôle éminent, au sens premier du terme : il est là pour conseiller les plus hautes autorités de l’Etat, le Président de la République dans le cadre des conseils de défense, le Premier ministre dans celui de la réponse stratégique à la crise, en lien bien sûr avec les principaux ministères concernés par les réponses sectorielles.

Vos lourdes responsabilités étant ainsi rappelé, je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur trois points.

Premier point : la chronologie. Vous le savez, certains reprochent au gouvernement actuel d’avoir trop tardé à prendre conscience des risques de pandémie mondiale liés au coronavirus. Est-il possible de savoir quand le SGDSN a pris conscience de la réalité de ce risque ?

Deuxième point, pourriez-vous nous décrire l’organisation de la conduite de la réponse à la crise ? Quelles sont les principaux acteurs concernés, comment est assuré la coordination ?

Troisième point, vous le savez également, de nombreuses interrogations se sont faites jour sur la constitution de stocks stratégiques en matière de produits de santé, au sens large de cette définition. Pourriez-vous nous dire comment cela est organisé, les responsabilités des uns et des autres, et quelle a été l’évolution de la doctrine en la matière, s’il y en a eu une ?

Encore une fois merci de votre présence parce que le regard  et l’expertise du SGDSN est pour nous très précieux.

Je voudrais demander à l’ensemble de nos collègues de couper leur micro et caméra et de ne les rétablir que lorsque je leur donnerai la parole pour une question. Cela devrait permettra de fluidifier les prises de parole en économisant de la bande passante. Le secrétariat pourrait le faire mais les députés perdraient alors la maîtrise de ces instruments, et je préfère compter sur votre auto-discipline. Je compte à la fois sur vous pour couper et rétablir les micros aux moments opportuns.

Ces recommandations étant faites, Madame Landais, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Mme Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale. Le SGDSN s’est d’abord organisé pour continuer de remplir, de manière dématérialisée, ses missions essentielles comme le contrôle de l’exportation des matériels de guerre – la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) se réunissant désormais en audio ou en visioconférence grâce aux outils sécurisés Osiris et Horus – ou le chantier de l’Instruction générale interministérielle n° 1300 essentiel en vue de moderniser la gestion des informations classifiées.

Sa mobilisation en matière de sécurisation des communications l’a également conduit à tenir, à la demande du Président de la République, des conseils de défense en visioconférence.

Le décret du 21 avril 2020 a par ailleurs donné naissance à un service à compétence nationale dénommé « opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés » fusionnant une sous-direction de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le Centre des transmissions gouvernemental (CTG).

Le SGDSN continue en outre à travailler avec la direction interministérielle du numérique (DINUM) au renforcement du réseau interministériel de l’État et à sa capacité à prendre le relais du Réseau interministériel de base uniformément durci (RIMBAUD).

La crise a bien entendu eu un impact sur l’action de l’ANSSI en matière de protection contre les attaques cyber, qu’elle assure notamment auprès des opérateurs d’importance vitale (OIV) – auprès des centres hospitalo-universitaires (CHU) par exemple – et sur le plan stratégique.

Elle continue en outre, compte tenu de la très nette augmentation de la petite cybercriminalité due à notre nouvelle exposition collective au risque numérique, à veiller sur le Groupement d'intérêt public action contre la cyber-malveillance (GIP ACYMA).

Elle participe également au côté des équipes de Cédric O à la réflexion sur l’application StopCovid, et se trouve très mobilisée en matière de systèmes d’information et de plateformes de traitement de données hétérogènes nécessaires à la gestion et au pilotage de la crise.

Le SGDSN a également été chargé de coordonner, notamment avec le Service d'information du Gouvernement (SIG), les efforts en matière de lutte contre la manipulation d’informations, la crise sanitaire pouvant être aggravée par certaines d’entre elles conduisant nos concitoyens à adopter des comportements totalement contre-productifs.

Il coordonne également, notamment avec la direction générale des entreprises (DGE) de Bercy et au travers du comité de liaison « Colisé », la sécurité économique puisqu’il faut protéger les acteurs détenant des savoir-faire ou des technologies stratégiques qui peuvent aiguiser l’appétit de pays partenaires ou adversaires.

Le retour d’expérience de la crise impliquera de se réinterroger sur les concepts de résilience, de souveraineté, d’autonomie stratégique et sur la relocalisation sur le sol national de certaines capacités productives : le SGDSN y veillera, en collaboration notamment avec la DGE et avec le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI).

Plus précisément, dans le cadre de la crise du Covid-19, le SGDSN a d’abord rempli un rôle de préparation de la nation. Ce rôle donne lieu à la rédaction de plans interministériels, aujourd’hui au nombre de quinze, dont le pilotage est assuré  par la direction de la protection et de la sécurité de l’État (DPSE) : lutte contre des acteurs malveillants, contre le terrorisme, contre la menace cyber ou liés à des risques technologiques, industriels, naturels ou sanitaires. Dans ce champ sanitaire, figure notamment, le PNPLPG, né en 2004 et dont la dernière version date de 2011. Certes,  s’agissant d’un plan concernant une pandémie de grippe, il tablait sur la découverte à brève échéance d’un vaccin et n’était donc pas directement applicable au le Covid-19 qui est un virus distinct. Mais il a inspiré notre réflexion au début de la crise, dans sa version non sanitaire, notamment lorsque nous avons élaboré avec le ministère des solidarités et de la santé un guide d’aide à la décision stratégique diffusé auprès de tous les autres ministères le 26 février dernier.

Si le SGDSN ne joue en principe aucun rôle dans la conduite opérationnelle de la crise, aux termes de la circulaire d’organisation de la gestion de crise du 1er juillet 2019 qui détaille notamment les différentes dimensions de la cellule interministérielle de crise (CIC) – celle-ci a été activée le 17 mars –, il a pourtant été amené à apporter son aide et à renforcer les équipes du ministère de la santé. Il travaille en outre très activement sur l’anticipation et, à court terme, à la préparation du compte à rebours qui nous sépare du 11 mai, et aux différentes hypothèses – flambée de violence, captation de tous les vaccins par une puissance étrangère, déplacements massifs de populations– qui nous écarteraient du scénario idéal de sortie de crise.

Le SGDSN anime également le réseau des hauts fonctionnaires de défense et de sécurité, également, pour la grande majorité d’entre eux, secrétaires généraux des ministères, qui a été mobilisé au début de la crise notamment pour activer les plans de continuité de l’activité et qui l’est aujourd’hui dans la perspective de la reprise prochaine.

Il a par ailleurs été chargé de missions inédites. À la suite de la réquisition par le Gouvernement début mars des masques sanitaires au profit du monde de la santé, assouplie le 21 mars pour les importations inférieures à 5 millions d’unités mais interdisant toute exportation, il a ainsi dû garder un œil sur les demandes de pays voisins, dans une logique de solidarité européenne qui l’a parfois conduit à permettre l’exportation de de volumes contrôlés.

J’en viens à la chronologie, en rappelant que le SGDSN ne fait aux termes de l’article R*1132-3 du code de la défense, que suivre l’évolution des crises en lien avec les départements ministériels concernés, ce qui explique qu’il peut suggérer au Premier ministre d’activer la CIC. Il n’est pas chargé de la détection et de l’analyse des signaux faibles d’un risque sanitaire montant et n’en a d’ailleurs pas les moyens. Cette responsabilité revient en effet au ministère de la santé. Je vous renvoie à cet égard aux propos de Jérôme Salomon et Katia Julienne devant la mission d'information Covid-19. C’est donc logiquement leur ministère qui, dès le 10 janvier, a été entièrement à la manœuvre, d’abord pour envoyer un message aux agences régionales de santé (ARS), puis un autre, le 14 janvier, aux établissements de santé, sachant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’avait fait officiellement état de la découverte du virus que le 7 janvier.

Le Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) a quant à lui été activé et renforcé dès le 22 janvier, comme le Centre de crise sanitaire à la fin de ce même mois : il n’y a donc pas eu de temps de latence dans la prise de conscience de la crise sanitaire.

Après avoir demandé au chargé de mission compétent de faire le lien avec la direction générale de la santé (DGS) dès le 21 janvier, avant de détacher entièrement cet effectif auprès du directeur général de la santé, le SGDSN a organisé dès le 29 janvier une première réunion sur la nature de la crise et sur la dimension interministérielle de la réponse à y apporter.

On a pu croire pendant un moment que la crise resterait circonscrite à son aspect sanitaire et à son point d’origine, comme cela avait été le cas pour d’autres épidémies. Le stade 1, dans lequel la France s’est trouvée placée dès janvier avait pour objet d’empêcher l’entrée du virus sur le sol national, le stade 2, déclenché le 29 février, de freiner sa propagation, et le stade 3, déclenché le 14 mars, de gérer les effets de la pandémie présente. C’est à ce dernier stade, qui s’est notamment concrétisé par le confinement,  que l’importance de la crise a justifié que sa gestion ne relève plus seulement du centre de crise sanitaire mais aussi, pour le champ non sanitaire, de la cellule interministérielle de crise (CIC), activée le 17 mars. L’aspect interministériel était déjà présent avant cette date puisque, dès le 29 janvier, le SGDSN avait réuni les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité et que, fin février, Jérôme Salomon a annoncé la constitution d’une task force à ses côtés où tous les ministères étaient représentés. Les aspects sanitaires et non sanitaires sont donc gérés par des pôles dédiés, auxquels il faut ajouter le centre de crise du MEAE, mais sous la supervision du cabinet du Premier ministre, grâce à une CIC de synthèse assurant une action d’ensemble cohérente.

Pour répondre à votre dernière question, je me garderai de dresser un tableau exhaustif des stocks de produits de santé, d’abord parce que je n’ai la vision que d’une petite partie. Nous consacrons actuellement nos efforts à la gestion de la crise, et non à déterminer ce qui s’est passé au cours des années précédentes. Si, en tant que fonctionnaire, j’ai constamment en tête l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », je pense que nous ne sommes pas forcément en mesure de rendre compte dès aujourd’hui de tout ce qui a pu se passer. Mais la question est légitime. Par ailleurs, mon institution est chargée de la coordination de la préparation à la crise et non de la constitution de stocks, a fortiori quand cette dernière relève d’un secteur ministériel particulier. En vertu du code de la défense et du code de la santé publique, le ministère de la santé doit préparer le système sanitaire à la crise et dispose pour cela d’outils – autrefois l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), aujourd’hui Santé publique France. Ce qui relève de la responsabilité du SGDSN, c’est de savoir si les moyens sectoriels, civils et militaires, sont coordonnés de façon satisfaisante, et pas de se prononcer sur le fait que les stocks stratégiques de chaque ministère sont suffisants ou non, même si, selon les domaines et les crises envisagées nous pouvons avoir plus ou moins d’outils ou de leviers à notre disposition  et donc plus ou moins de visibilité sur les moyens ministériels de réponse à la crise.

Le SGDSN a publié en 2013 un document aujourd’hui abondamment commenté dans les médias, intitulé « Nouvelle doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». Désignée à tort comme une rupture dans la doctrine de constitution des stocks, cette note portait en fait sur un champ spécifique, celui de la protection des travailleurs employés par les ministères, les établissements publics et les opérateurs d’importance vitale Au-delà de la question des masques, ces quelques pages visaient à préciser les dispositions imposées par le code du travail aux employeurs concernés, en relayant une position affirmée dans un avis de 2011 par le Haut conseil de la santé publique sur les indications respectives du port du masque FFP2 – qui protège son porteur des virus – et du masque chirurgical – qui empêche son porteur de projeter des gouttelettes sur les autres. Saisi par le directeur général de la santé à la suite de la polémique de 2010 sur ce qui a été présenté comme un surstockage de capacités, le HCSP réaffirme en 2011 que le port généralisé du masque par la population française n’est pas justifié et qu’il vaut mieux privilégier les gestes barrières, notamment la distanciation physique ; quant au masque FFP2, jusqu’alors regardé comme un outil de portée générale, il est désormais réservé à certains professionnels de santé appelés à se trouver en contact très étroit avec les malades, le masque chirurgical devant suffire dans les autres cas – une doctrine rappelée par les sociétés savantes au début de la crise du coronavirus.

C’est ce qui explique que nous ayons dit, dans notre publication de 2013, que le masque chirurgical était indiqué pour un contact simple avec le public, et que le FFP2 devait être réservé aux cas dans lesquels les gestes barrières ne pouvaient être appliqués – cette distinction s’appliquant aux travailleurs en général. Cette doctrine n’a donc pas vocation à déterminer la conduite à tenir vis-à-vis des malades et des cas contact, ni à porter une appréciation sur la volumétrie des stocks. Force est de reconnaître qu’elle recèle des ambiguïtés qui ont pu conduire certains à s’en saisir pour justifier telle ou telle position. Cependant, dès lors qu’elle affirme que le port du masque n’est pas obligatoire dans toutes les situations – notamment dans celles où l’aménagement des postes et l’organisation du travail permettent de respecter la distanciation physique –, il est logique qu’elle indique que les employeurs publics ont la responsabilité d’apprécier l’opportunité de constituer des stocks.

Cette doctrine a été émise à un moment où l’on considérait que les employeurs publics devaient constituer des stocks prépositionnés, proches de leur usage potentiel, plutôt que centralisés. L’un des objets de notre réunion du 29 janvier a précisément consisté à vérifier si les ministères dont les agents risquaient de se trouver exposés disposaient de stocks de masques. ,  Les situations étaient variables mais c’était le cas chez certains et  nous avons d’ailleurs redirigé une partie de ces stocks vers les soignants, qui en avaient un besoin urgent. En résumé, il s’agissait d’une nouvelle doctrine dans le sens où elle affirmait un nouvel usage du masque FFP2 par rapport au masque chirurgical, mais en aucun cas d’une rupture dans l’appréciation du dimensionnement des stocks stratégiques de produits de santé.

M. Loïc Kervran. Le nombre, la typologie et les secteurs dont relèvent les opérateurs d’importance vitale sont-ils appelés à évoluer ? Y a-t-il une concordance entre l’activité de ces OIV et les activités essentielles à la vie de la Nation ?

M. Thibault Bazin. Quelles sont, selon vous, les erreurs qu’a pu commettre le SGDSN dans la préparation de la gestion de cette crise inédite ? Le plan de préparation n’aurait-il pas dû être actualisé depuis 2011 ? Les réunions du 21 et du 29 janvier n’auraient-elles pas dû déboucher sur la décision immédiate d’acheter des masques ? Dans ma circonscription, des masques stockés dans un hangar n’ont jamais été réclamés par personne, ce qui a semé le trouble durant la période où cet équipement faisait défaut : comment expliquez-vous cela ? Pensez-vous avoir une vision précise de l’ensemble du stock de masques ? J’ai cru comprendre qu’en stade 3, on avait arrêté de suivre les cas contact : cela résulte-t-il de vos préconisations, ou aurait-on pu constituer les brigades de détection depuis plusieurs semaines ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Les questions portant sur la sécurité sanitaire mettent en évidence celle de la dépendance au numérique, comme le montrent les débats sur l’application StopCovid ou la gestion quotidienne des dadas sur le virus. Sur ce dernier point, il semble que l’offre nationale et européenne soit lacunaire : pour le traitement massif de données, nous dépendons de l’offre étrangère, notamment de la société Palantir, proche des autorités américaines. La crise sanitaire actuelle ne rappelle-t-elle pas la nécessité de disposer d’un service alternatif souverain, ou du moins européen, qui nous permettrait de garder le complet contrôle des données de santé, aussi sensibles que les données de sécurité intérieure ?

M. Joaquim Pueyo. Les dispositifs techniques qui pourraient être mis en place afin de retracer les contacts des personnes contaminées et de prévenir la propagation de l’épidémie donnent lieu à de nombreuses controverses, et je suis sceptique sur l’efficacité d’une application par ailleurs très discutable sur le plan de l’éthique et des libertés. Une cellule de projet, mise en place sous l’égide de votre secrétariat général, aurait pour objet de croiser de multiples sources – sanitaires, télécoms et autres – afin de retracer les chaînes de propagation de l’épidémie et l’évolution géographique de la contamination, afin de disposer d’un outil de pilotage centralisé.

Si la technique peut effectivement être utile, elle ne doit pas déboucher sur un fichage remettant en cause nos principes éthiques fondateurs. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Bastien Lachaud. Dans la mesure où le SGDSN affirme qu’il appartient à chaque employeur d’apprécier l’opportunité de constituer un stock de masques, peut-on en déduire que le ministère de la santé a mal évalué le volume de masques à stocker pour couvrir les besoins des soignants – ses salariés dans les hôpitaux publics – face à l’épidémie ?

Pouvez-vous nous préciser les volumes de commandes de masques passées par l’État, qui me semblent relever des commandes stratégiques dépendant du SGDSN, entre le 7 janvier, date de l’apparition du virus, et le 15 mars, début du confinement ?

Pour ce qui est de l’approvisionnement alimentaire, l’ONU craint le doublement du nombre de personnes dans le monde souffrant de la famine, qui pourrait être de plus de 250 millions d’ici à la fin de 2020. Le Vietnam et le Kazakhstan ont annoncé limiter leurs exportations de riz et de farine. La Russie a débloqué un million de tonnes de son stock stratégique, et 55 % des stocks sont chinois à l’heure actuelle. Alors que l’Europe dispose d’un stock représentant 12 % de sa consommation annuelle, ce qui est l’un des stocks les plus faibles du monde – les États-Unis sont à 25 % –, l’export céréalier français a bondi ces dernières semaines. Quelles sont les analyses, les moyens de suivi et les plans du SGDSN visant à éviter une pénurie alimentaire dans notre pays ?

M. André Chassaigne. Le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2013, prévoyait : « En matière sanitaire, la circulation des personnes et des marchandises, la concentration de populations dans des mégalopoles et la défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises majeures. Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement. »

Le risque d’une pandémie de coronavirus était donc connu des pouvoirs publics et documenté depuis des années. Notre capacité d’anticipation et de prospection apparaît perfectible. Quel rôle pourrait jouer le SGDSN, riche de son expérience de coordination interministérielle ? La tâche a été rendue plus difficile par une succession de réformes de l’État, et du fait que notre modèle économique est centré sur le court terme. N’est-il pas indispensable de revenir à un modèle de plus long terme et moins ciblé sur les seules pandémies connues ?

Mme Claire Landais.  Il nous semble que le champ des OIV actuellement retenu ne comprend pas toutes les activités essentielles au pays en période de pandémie. Ainsi, la grande distribution n’en fait pas partie alors que nous mesurons notre chance qu’elle ait tenu. L’intendance et la logistique sont des métiers stratégiques que l’État doit réinvestir. La crise va nous conduire à repenser la définition des secteurs concernés par le dispositif sur les OIV.

Il peut sembler troublant que le plan « Pandémie grippale » ait été actualisé à quatre ou cinq reprises au cours de la décennie 2000, mais pas depuis 2011. Ces actualisations faisaient suite à un grand nombre d’alertes de l’OMS. Au cours de la décennie suivante, d’autres menaces dont les menaces bactériennes et non virales, ont accaparé l’attention. Bien sûr, nous aimerions prévoir la réponse à des virus inconnus, mais comment savoir quels seront les bons réflexes ? Nous nous sommes raccrochés à tout ce qui était pertinent dans le plan « Pandémie grippale », ce qui nous a permis de gagner beaucoup de temps au début de la crise.

Au cours de la décennie 2010, nous avons continué à nous préparer dans le champ sanitaire. Un nouveau plan variole a ainsi été élaboré, et nous avons beaucoup travaillé sur les menaces NRBC. Nous étions surtout préoccupés par les acteurs malveillants à la suite des attaques terroristes, et il est vrai que nous imaginions d’abord le risque sanitaire sous cet angle. En tout état de cause, les plans et les exercices réalisés n’ont pas été inutiles pour réagir à la pandémie. Le plan de 2011 était toujours adapté à une pandémie grippale, mais ses aspects sanitaires ne l’étaient pas totalement s’agissant d’une pandémie causée par un virus inédit.

Le SGDSN a une vision plus nette lorsque les plans ont un volet capacitaire, mais tous n’en ont pas. Dans le domaine NRBC, qui implique beaucoup de coordination entre les ministères et de chasse aux doublons ou aux oublis, nous pouvons aiguillonner les administrations, sans toutefois avoir de capacité de contrôle étroit sur elles. Il n’en va pas de même pour les plans qui n’ont pas de volet capacitaire.

Au moment de la réquisition des masques, il n’a pas été question d’aller récupérer tous les stocks partout en France. Le décret de réquisition portait sur tous les stocks de masques FFP2, tandis que seuls les masques chirurgicaux stockés chez les producteurs et les distributeurs étaient concernés. Nous ne pouvions pas connaître tous les lieux de stockage de masques chirurgicaux, et nous n’avions pas les moyens d’aller les récupérer. Des stocks ont été récupérés au sein de l’État, chez certains opérateurs et quelques entreprises privées, mais forcément d’autres sont passés au travers des mailles du filet. Et il est très compliqué d’un point de vue logistique d’acheminer des stocks centralisés sur le terrain. Santé publique France se serait épuisé à envoyer des équipes récupérer de petits stocks de masques avant de les recentraliser puis de les redistribuer.

Il est donc possible que des stocks peu volumineux soient restés oubliés dans des hangars, mais il était normal de concentrer nos outils logistiques pour récupérer les gros volumes.

 

Cet effet de taille s’est aussi manifesté lorsque l’importation de masques a été libéralisée le 21 mars dernier. Une possibilité de réquisition a été prévue pour les commandes supérieures à 5 millions, mais elle n’a été que peu utilisée car les commandes du ministère de la santé ont été tellement massives que la gestion des petits flux aurait inutilement détourné ses moyens.

Cet outil a néanmoins permis à certains importateurs de se signaler et de devenir par la suite des fournisseurs importants de Santé publique France.

 

Le SGDSN ne prend aucune part à la définition de la doctrine de tests et de détection. Je peux en revanche vous indiquer que dans la logique du plan « Pandémie grippale », au stade 3, la priorité n’est plus au suivi des contacts pour identifier les foyers d’infection, mais à la prise en charge des malades. La question redevient essentielle au moment de déconfiner la population, mais nous n’avons pas pris part à la définition de la doctrine d’identification des cas contacts.

Cette crise nous permet de mesurer l’ampleur de notre dépendance aux outils numériques, particulièrement dans les centres hospitaliers et le secteur de la santé. Le SGDSN fait partie de ceux qui réfléchissent à la constitution de capacités propres, nationales ou européennes, pour ne pas recourir à des outils risquant d’être utilisés par des acteurs étrangers, stratégiques ou criminels. Nous travaillons à l’émergence de solutions souveraines ; la réflexion sur les plateformes de traitement de données hétérogènes est conduite avec des industriels français.

Il n’existe pas d’équipe projet sous l’égide du SGDSN pour l’élaboration d’un outil de pilotage centralisé, mais l’ANSSI soutient et conseille ceux qui réfléchissent aux outils de pilotage. Le compromis entre le besoin d’efficacité pour gérer la crise et la protection des libertés publiques est réévalué, mais pour l’ANSSI et le SGDSN, la crise ne justifie pas tout. Il faut continuer à concilier la protection des libertés individuelles et l’efficacité de l’action publique en période de crise. Ainsi, l’application StopCovid est élaborée en lien avec la CNIL, et il n’est pas acquis que la centralisation des données soit toujours dangereuse, tout dépend qui en a la charge, avec quels mécanismes de pseudonymisation, et de conservation. La décentralisation des données entre les mains d’acteurs mus par des logiques commerciales n’est pas forcément une meilleure solution. Nos guides éthiques restent précieux en période de crise, les aménagements qui y sont apportés disparaîtront une fois la crise passée.

Je ne souhaite pas me prononcer sur l’évaluation du nombre de masques par le ministère de la santé. Nous sommes en phase de gestion de crise, et tant les soignants que le personnel administratif de ce ministère sont admirables.

La commande de masques ne dépend pas du SGDSN, les stocks de produits de santé dépendent du ministère de la santé, par l’intermédiaire de son opérateur Santé publique France.

Il n’y a pas de plans portant sur l’approvisionnement alimentaire en général, mais le plan sur la pandémie grippale et le guide d’aide à la décision stratégique prévoient la surveillance des éventuelles tensions sur l’approvisionnement alimentaire et des mécanismes de contrôle des prix. Il n’y a pas à ce jour de tensions sur l’approvisionnement alimentaire français.

Le SGDSN ne joue pas un rôle de lanceur d’alerte en cas de crise car nous n’avons pas d’outils de détection avancée. Nous recevons les alertes, notamment des services de renseignement, et nous les transmettons au reste de l’administration. En revanche, l’anticipation et la prospective font partie de notre métier. Mais la capacité de l’État à faire cet exercice d’anticipation est limitée, et ce n’est pas forcément une priorité pour les agents de l’État pris par l’action administrative quotidienne. Il n’est pas évident de leur demander de s’extraire du quotidien pour penser à long terme. Nous tentons de le faire, la crise nous rendra peut-être plus audibles.

M. Jean-Jacques Ferrara. Notre intention n’est pas de polémiquer mais de souligner des dysfonctionnements. Personne ne peut raisonnablement affirmer que l’épidémie de coronavirus est une surprise, puisque ce type de risque est évoqué dans les Livres blancs de 2008 et de 2013 ainsi que dans la Revue stratégique de 2017. Nous disposons de divers plans, mais ne sommes-nous prêts à les mettre en œuvre que sur le papier ?

Mme Patricia Mirallès. Le risque NRBC (Nucléaire, radiologique, biologique et chimique) doit faire l’objet d’une attention renforcée. À la lumière de la crise, le SGDSN recommanderait-il aux autorités une montée en gamme des capacités de lutte contre ce risque au sein des armées ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En matière de cyber-sécurité, nos propres négligences représentent un risque important. Aussi serait-il opportun que vos services organisent dès que possible une réunion, notamment avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, afin de nous informer des comportements préventifs que nous pourrions adopter.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je souscris à votre proposition.

M. Fabien Gouttefarde. Comment pouvons-nous améliorer la compétence du SGDSN en matière de préparation de la réponse aux crises ? Sur quels rapports de prospective vous fondez-vous ? Quels effectifs consacrez-vous à la quinzaine de plans que vous avez mentionnée ? Chaque plan ne doit-il pas être complété par un volet capacitaire, en lien avec les ministères concernés ?

Mme Monica Michel. Quelle stratégie le SGDSN recommande-t-il d’adopter pour la gestion future du stock de masques ?

M. Jacques Marilossian. Il serait souhaitable que nous produisions nos propres masques et que nous cessions d’en importer. À cet égard, peut-être devrions-nous évaluer de nouveau nos collaborations avec la Chine.

La reconstitution de virus par génie génétique est évoquée dans la Revue stratégique de 2017. Dès lors, devons-nous revoir nos recommandations stratégiques sur les armes biologiques produites par des États non démocratiques ? La transparence peut-elle devenir une condition sine qua non de tout projet de coopération ?

M. Nicolas Meizonnet. L’an dernier, 120 hôpitaux auraient fait l’objet de cyber-attaques, lesquelles sont susceptibles de désorganiser l’activité des personnels soignants. Constate-t-on actuellement une recrudescence de ce type d’attaques envers les établissements de santé ? Sommes-nous en mesure d’y faire face et d’identifier leur origine ?

Mme Claire Landais. Selon tous les militaires que j’ai pu côtoyer au ministère de la défense, les plans sont conçus, non pas pour être appliqués d’un bout à l’autre d’une crise, mais pour s’y préparer et pouvoir s’organiser rapidement lorsqu’elle survient. La réalité peut dépasser ce qui est prévu sur le papier, mais le travail de planification et l’organisation d’exercices demeurent précieux.

Dans le champ des risques NRBC, les plans sont complétés par un volet capacitaire majeur, une programmation pluriannuelle et un contrat général interministériel qui offre une visibilité de l’intervention de chaque acteur et de leur mise en cohérence en cas d’attaque. C’est un modèle dont nous pourrons nous inspirer, mais le SGDSN est un service du Premier ministre qui agit dans le cadre d’une coordination interministérielle ; il n’a pas l’autorité pour contrôler les stocks ou les capacités de chaque ministère. Un tel modèle n’est donc pas facile à appliquer à l’ensemble des risques auxquels nous réfléchissons.

Nous organiserons dès que possible, avec l’ANSSI mais aussi avec les services de renseignement s’ils en sont d’accord, une réunion pour vous présenter notamment les questions d’hygiène informatique ou de protection face à des ingérences étrangères.

Associer un volet capacitaire à chaque plan serait idéal ; encore faut-il pouvoir le suivre dans la durée. Au sein du SGDSN, environ 25 personnes travaillent à l’élaboration des plans – dont les fiches-mesures sont pilotées par les ministères –, mais la direction des affaires internationales, stratégiques et technologiques compte également des experts qui suivent les crises internationales. Cependant, nous ne disposons pas de bataillons importants consacrés à la formation à la gestion de crise, à l’organisation d’exercices ou à la planification de sécurité nationale. Peut-être devrons-nous y réfléchir pour renforcer notre capacité d’anticipation.

A priori, ce n’est pas au SGDSN de réfléchir à la stratégie de constitution d’un stock de masques pour l’avenir. Il peut cependant avoir un rôle à jouer en la matière – à vrai dire, c’est déjà le cas – si la question du dimensionnement de nos capacités productives nationales se pose et dépasse le champ de la santé. Nous avons, certes, fait appel à des importations chinoises massives, mais nous avons des capacités productives nationales. Les quatre producteurs de masques français ont, du reste, fait preuve d’un grand civisme et la production nationale a beaucoup augmenté en volume. C’est un élément stratégique pour la reconstitution des stocks, qui devront être roulants. Outre ces capacités productives de masques sanitaires, une filière distincte de production de masques en tissu lavables a été créée sous l’impulsion de la secrétaire d’Etat à l’économie et de la direction générale des entreprises, avec l’aide notamment de la direction générale de l’armement, et des études sont en cours pour rendre les masques des soignants réutilisables.

Il est évident que nous devrons être plus attentifs à certaines de nos coopérations internationales. Cela commence par l’adoption d’une culture de la sécurité, de la contre-prolifération et de la protection de la propriété intellectuelle et de nos actifs stratégiques, que le SGDSN s’efforce depuis longtemps de diffuser auprès des acteurs de la recherche notamment, sans toujours parvenir à les convaincre complètement car leur culture de l’ouverture et de la transparence qui est aussi un gage d’avancée de la recherche n’est pas toujours facile à concilier avec la nôtre. Mais nous les incitons à ne pas être naïfs et à ne pas livrer toutes leurs informations dans le cadre de leurs coopérations internationales…

Avant la crise, certains établissements de santé ont fait l’objet de cyber-attaques très lourdes. Le degré de préparation à la survenue d’une cyber-crise majeure dans le monde de la santé n’est pas très élevé. Celui-ci a pris conscience de ces enjeux, mais il y a un certain retard à rattraper. L’ANSSI a fait des offres de services pour parer aux risques les plus importants. En matière de « rançongiciels », les petits cybercriminels s’en donnent, hélas, à cœur joie, mais les établissements hospitaliers ne font pas spécifiquement l’objet, depuis le début de la crise, de menaces stratégiques ou d’exactions de gros acteurs cybercriminels.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous nous faisons l’écho, vous l’aurez compris, de ce que nous entendons sur le terrain. La parole publique est souvent écrasée par les interprétations médiatiques. Je vous remercie donc pour la clarté et la précision de vos réponses, ainsi que pour votre honnêteté et votre humilité. Cette crise doit nous conduire à nous interroger sur notre approche des risques sécuritaires ou de l’autonomie stratégique de défense, dont les aspects sanitaires font évidemment partie. Nous devons tirer humblement les leçons des erreurs et des éventuels dysfonctionnements. En tout cas, nous ne doutons pas de votre capacité de mobilisation pour nous protéger.

Nous avons beaucoup d’efforts à faire dans le domaine de la logistique, dont les métiers ont pu être dépréciés au profit d’aspects plus techniques. De fait, on s’aperçoit que les incompréhensions ont parfois pour origine des dysfonctionnements qui interviennent dans le dernier kilomètre, même si certaines carences sont indéniables.

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La séance est levée à douze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Thibault Bazin, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jacques Marilossian, M. Nicolas Meizonnet, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Bernard Reynès, M. Gwendal Rouillard, M. Joachim Son-Forget, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau

Excusés. - M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, Mme Albane Gaillot, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, Mme Laurence Trastour-Isnart