Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de M. Emmanuel Chiva, directeur de l’agence de l’innovation de défense.


Mercredi
3 juin 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 57

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Françoise Dumas,
présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Mme la présidente Françoise Dumas. M. le directeur de l’agence de l’innovation de défense (AID), nous vous accueillons pour la première fois dans notre commission. Créée en septembre 2018 et rattachée à la direction générale de l’armement, votre agence vise à fédérer les initiatives d’innovation du ministère des armées en assurant leur coordination et leur cohérence. Comme indiqué dans le document d’orientation de l’innovation de défense, l’AID a vocation à être « un chef d’orchestre pour l’innovation de défense ». Elle doit, « permettre de gagner en réactivité pour capter les avancées et les ruptures, en particulier celles issues du domaine civil ». Son ambition est « de transformer les résultats des projets d’innovation en produits et services au profit des forces et des utilisateurs du Ministère ».

Votre agence a lancé, dès le 19 mars, un appel à projets doté de 10 millions d’euros, visant à faire émerger des solutions directement mobilisables dans la lutte contre le covid-19. Au 12 avril, 2 580 projets émanant de petites ou grandes entreprises, de start-up, de laboratoires de recherche, d’universités, voire d’agents du ministère des armées ont été déposés et 34 ont été sélectionnés. On peut citer le projet de kit immunologique de dépistage sanguin de la PME NG Biotech, l’automate mobile de l’entreprise BforCure qui réalise des tests PCR, ou encore la plateforme WaKED-Co, qui utilise l’intelligence artificielle pour classer et analyser l’importante documentation scientifique et clinique sur le covid-19. Pourriez-vous faire un bilan de cet appel à projets ?

Parallèlement, l’AID a poursuivi ses actions traditionnelles, dont les appels à projets auprès des grandes écoles scientifiques ou l’appel à projet dit Astrid maturation 2020, pour soutenir les projets de recherche duaux à caractère innovant ou les appels à projets de thèse. Pouvez-vous en dresser un bilan ?

Enfin, quelles sont vos relations avec l’ONERA, l’institut franco-allemand de recherche Saint-Louis et les différents lieux d’innovation au sein de la délégation générale à l’armement (DGA), comme le Battle Lab Terre, ou au sein d’autres établissements, comme l’institut de recherche biomédicale des armées ?

M. Emmanuel Chiva, directeur de l’agence de l’innovation de défense. Madame La Présidente, Mesdames et Messieurs les députés de la commission de la Défense nationale et des forces armées, je suis très heureux de pouvoir me présenter devant votre commission, dans son ensemble, pour la première fois depuis la création de l’Agence de l’Innovation de Défense en Septembre 2018. Naturellement, nous aurions tous préféré que cette audition se déroule dans un contexte différent ; néanmoins c’est une grande fierté que de vous présenter aujourd’hui l’action qui a été celle de notre Agence et notamment durant cette crise sans précédent.

La vision de la ministre des armées, lorsqu’elle a créé cette agence que j’ai l’honneur de diriger, était de disposer d’un chef d’orchestre de l’innovation de défense qui puisse également jouer le rôle d’accélérateur de projets, en particulier en s’ouvrant à l’innovation civile. Être devant vous aujourd’hui, c’est donc également l’occasion de vous parler alors que nous venons de clôturer notre premier véritable exercice, et que nous avons structuré une nouvelle organisation de l’innovation de défense, orientée projets, avec l’objectif de produire des résultats tangibles, concrets, rapides, conformes à l’ambition portée par la loi de programmation militaire.

De ce point de vue, l’action de l’Agence pendant la crise valide ce nouveau fonctionnement de l’innovation de défense, conformément à une instruction ministérielle signée par Mme la ministre le 7 mai dernier. Nous y reviendrons, car cela fait partie du retour d’expérience que je souhaitais partager avec vous. Vous me permettrez donc maintenant de vous décrire quelle a été et quelle est notre action dans le contexte de cette pandémie.

Dès le début de la crise sanitaire l’Agence de l’Innovation de Défense s’est pleinement engagée dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre le COVID-19. L’Agence a ainsi lancé, au nom du Ministère des Armées, le jeudi 19 mars 2020 un appel à projets visant à capter et soutenir le développement de projets innovants pour lutter contre la pandémie. La conception et le lancement de cet appel à projet se sont déroulés dans des délais très courts, puisque le lancement est intervenu 7 jours après le premier discours du Président de la République annonçant la fermeture des établissements scolaires, et deux jours après l’entrée en vigueur du confinement. Je tiens d’ailleurs à préciser que tout le pilotage de cet appel à projet s’est opéré dans le plus grand respect des règles sanitaires imposées à toute la population, avec des personnels de l’Agence tous mobilisés en télétravail.

Sur le fond, cet appel à projets portait sur la recherche de solutions innovantes, d’ordre technologique, organisationnel, managérial ou d’adaptation de processus industriels, pouvant répondre aux défis posés par la crise du Covid-19. L’objectif poursuivi était de dé-risquer l’innovation et de préparer l’industrialisation, le cas échéant. Les solutions proposées devaient être directement mobilisables afin de protéger la population, soutenir la prise en charge des malades, réaliser des tests et diagnostics, surveiller l’évolution de la maladie au niveau individuel et l’évolution de la pandémie, ou aider à limiter les contraintes pendant la période de crise sanitaire.

Cet appel à projets visait donc un champ large d’innovations. Il s’agissait là d’un choix volontaire de la part du Ministère des Armées, motivé par la diversité des besoins et la volonté résolue de capter les meilleurs projets. Le périmètre de notre appel à projets a par ailleurs su être adapté en fonction de l’évolution constante de la situation. Par exemple, l’ensemble des propositions concernant les masques de protection ont été rapidement transférées vers la Direction Générale des Entreprises (DGE) qui a piloté la task force interministérielle spécifique sur ce sujet, soutenue par la DGA qui a apporté son soutien technique. La recherche de solutions pouvant répondre aux besoins en matière de tests (qu’ils soient virologiques, sérologiques, antigéniques ou de détection en environnement) est également rapidement devenu l’une de nos priorités.

En termes de financement, un budget de 10 M€ TTC a été mobilisé pour l’ensemble de l’appel à projets afin d’être en mesure d’apporter un soutien financier a plusieurs projets d’intérêts. Les projets reçus sont issus d’entreprises, de personnes physiques ou de laboratoires, mais également d’agents du Ministère des Armées au titre de ce que l’on appelle l’innovation participative. Les propositions de projets ont été évaluées au fur et mesure des dépôts, selon 3 critères principaux : l’impact (sur la gestion de crise, la population, les soignants, etc.) ; la crédibilité (faisabilité technique, sérieux scientifique, statut du déposant) ; le calendrier (compatible avec le tempo de la crise). À ces trois critères centraux est venu s’ajouter un facteur d’analyse supplémentaire : le potentiel de dualité dans les usages futurs. Cela signifie que nous avons analysé dans quelle mesure les projets retenus pourraient à moyen ou long terme présenter des applications pour le monde de la Défense, et particulièrement la « santé et la protection militaire ». Il y a donc eu une anticipation de ce que pourrait être le deuxième temps de chaque projet, une fois la crise sanitaire actuelle jugulée. L’apport d’une innovation pouvant bénéficier à la santé de nos militaires constituait naturellement un avantage supplémentaire que nous avons pris en compte.

Pour chaque projet, trois décisions étaient possibles :  le rejet de la proposition ; le transfert de la proposition vers un autre ministère ou vers un autre appel à projets, plus adapté ; l’accompagnement par le ministère des armées.

À la clôture de l’appel à projet, le 12 avril 2020, l’Agence de l’innovation de Défense avait reçu 2584 propositions correspondant à 1 milliard 150 millions d’€ en demandes de financement. Nous avons donc dû être sélectifs. Sur ce total de 2584 propositions, 2547 propositions ont été rejetées ou transférées vers d’autres acteurs de la lutte contre le Covid 19. Près de 40 projets ont été retenus par le Ministère des Armées. À ce jour 22 marchés ont été notifiés pour autant de projets qui sont désormais en phase active d’accompagnement. Nous sommes en train de finaliser les démarches contractuelles concernant les autres projets. Dès que l’ensemble des marchés auront été notifiés, et donc que la liste définitive des projets retenus sera stabilisée, nous pourrons vous l’adresser afin qu’elle puisse, le cas échéant, être annexée au compte rendu de cette audition. Nous nous réjouissons de pouvoir souligner que parmi la quarantaine de projets sélectionnés, 1/3 est issu de l’innovation participative interne au Ministère des Armées, c’est-à-dire des projets imaginés, proposés et portés par des militaires ; ce qui nous rappelle le caractère innovant par nature de notre ministère et de ses personnels militaires. Les projets d’innovation participative ont capté un financement cumulé d’un peu plus de 2M€, et les projets issus du secteur privé ont capté en cumulé 7,9M€, ce qui signifie une consommation complète de l’enveloppe initiale de 10M€.

Les projets retenus offrent des solutions innovantes dans les domaines de la détection du virus et des diagnostics ; de la décontamination et la protection ; de l’aide à la décision et la gestion de crise ; de la prise en charge des patients ; et de l’innovation en matière de matériels médicaux. Je pourrai vous en donner quelques exemples, à votre convenance

Voilà pour les éléments d’organisation et de cadrage de cet appel à projet, j’aimerais maintenant faire un point plus précis sur la méthode inédite mise en place pour déployer concrètement le soutien à ces projets.

Tout d’abord concernant le dépôt des propositions, nous avons veillé à mettre en place une procédure spécifique qui permette de répondre à l’urgence de la situation. Un système de démarches simplifiées a ainsi été instauré grâce aux outils numériques fournis par la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (la DINUM). Ce système a réellement permis de répondre aux exigences de la situation, tout en constituant une expérimentation grandeur nature pour notre Agence. Une expérimentation fructueuse, qui nous encourage à envisager la pérennisation de ce mode simplifié de dépôt de projets, afin de faciliter encore la relation entre le ministère et les innovateurs. L’ensemble des projets proposés via la plateforme « démarches simplifiées » a ensuite été réceptionné par notre guichet unique. Si vous me le permettez, je vais en dire quelques mots.

Lors de la création de l’Agence, l’une de nos priorités était d’offrir aux innovateurs un accès facilité à notre ministère. Le guichet unique est le point d’entrée, comme son nom l’indique, unique, qui a vocation à centraliser toutes les propositions de projets afin de les orienter par la suite vers les interlocuteurs et processus appropriés. Ce principe de guichet unique se retrouve dans la plupart des grandes organisations où il peut être difficile d’identifier un point d’entrée pertinent. Le guichet unique est opérationnel depuis janvier 2019, il a été essentiel dans la phase de montée en puissance de l’Agence. Dans le cadre de cet appel à projets, ce guichet a été un outil indispensable, permettant à l’ensemble des innovateurs d’être orienté vers un interlocuteur clairement identifié. Ce fut particulièrement pertinent pour cet AAP qui se destinait à énormément d’acteurs qui n’ont pas l’habitude de travailler avec notre ministère, puisqu’ils nous venaient du monde de la santé. On peut donc dire que cet AAP s’est fondamentalement engagé dans une démarche d’innovation ouverte. En interne, la centralisation a permis une gestion performante de l’information, en amont du processus de filtrage des dossiers. L’expérience de l’AAP a donc conforté notre conviction que le guichet unique est un outil capital pour garantir la captation des projets innovants et la réactivité de notre structure.

Une fois les projets parvenus à l’Agence, ils ont chacun été évalués par différentes équipes successives. Ces équipes outre l’Agence associaient la DGA (notamment Maîtrise NRBC), et le Service de Santé des Armées principalement, mais également des experts particulièrement concernés par certains projets d’innovations, issus de l’ensemble du ministère des Armées et qui sont venus nous soutenir (le commissariat aux armées et le Battle Lab Terre de l’Armée de Terre par exemple, nous ont détachés des personnels en renfort). Le parcours d’un projet proposé était donc le suivant :               L’équipe ALPHA avait tout d’abord la charge d’une mission de filtrage générique (Go / No Go selon le respect ou non des critères de base de l’AAP, à cette étape, 82% des projets ont été rejetés) ;               l’équipe BRAVO, avait ensuite la mission d’analyser les dossiers ayant passé le filtrage et de décider s’ils devaient être soutenus, écartés ou bien faire l’objet de demandes de précisions supplémentaires ;              les dossiers retenus étaient ensuite adressés à l’équipe CHARLIE, en charge d’affiner les cas d’usage et de délivrer l’approbation finale ;               enfin l’équipe DELTA, assurait la phase de finalisation du soutien, c’est-à-dire l’étape de contractualisation réactive.

Grâce à l’organisation mise en place, la durée moyenne d’instruction d’un dossier reçu dans le cadre de cet AAP a été de 5 jours, entre la réception du dossier et la décision finale de soutien ou non du projet. Pour permettre de tenir ce rythme un comité de pilotage des projets s’est réuni chaque jour, 7j/7 pendant toute la durée de l’AAP afin de procéder aux arbitrages.

Une fois sélectionnés, les projets retenus bénéficient d’un soutien financier. Dans le cas de l’innovation participative (encore une fois, l’innovation venue des personnels militaires du ministère des armées) ce soutien prend la forme d’une délégation de gestion financière. Pour les projets portés par des acteurs externes, le soutien aboutit à la conclusion d’un marché.

Afin d’être au rendez-vous des exigences de délais imposées par cette crise, nous avons mis en place une équipe de contractualisation rapide. Cette équipe était composée de cinq acheteurs de la division achat mutualisée Agence-CATOD et de six acheteurs d’autres divisions achat du service des achats d’armement de la DGA qui ont répondu à l’appel à volontaires que nous avions lancé. Nous tenons à saluer ici leur soutien. Leur mobilisation a permis d’assurer la notification de chaque marché dans un délai moyen de 6 à 20 jours. Pour vous fournir deux exemples, l’appel à projets a été lancé le 19 mars ; la première lettre de délégation de finances pour un projet d’innovation participative a été signée le 27 mars, et le premier marché a été notifié le 31 mars.

Pour permettre cette efficacité, chaque chef de projet a été binômé à un acheteur. La mise en place de ces petites équipes dynamiques et volontaires a permis des échanges en boucle courte, réactifs, avec l’ensemble des parties prenantes. Elles ont permis de mener de front l’ensemble des étapes de conduite du projet et ainsi de compresser les délais de traitement. Ces marchés ont été passés en s’appuyant d’une part sur des modèles de marché simplifiés et éprouvés et d’autre part sur les dispositions de la commande publique les plus adaptés à chacun des projets sélectionnés (dispositions relatives à l’urgence de crise et à la recherche et développement, marchés à procédure adaptée et décret du 24 décembre 2018 relatif aux marchés de produits et services innovants). Les pratiques de contractualisation qui ont été utilisées n’ont pas vu le jour dans le cadre de cet AAP. L’ensemble de ces pratiques, désignés par le terme de « contract factory » dans le DOID 2019, a prouvé tout son sens dans le cadre de cet AAP et créé des résultats concrets grâce à leur mise en œuvre effective par des équipes conçues pour mener des actions rapides.

Pour finir sur le cycle de vie des projets lancés dans le cadre de l’AAP, j’aimerais rappeler que la sélection de ces projets n’est pas une fin en soi mais bien le début d’une aventure. Cette quarantaine de projets intègre désormais le plan de charge de l’Innovation Défense Lab, de la cellule d’innovation participative, mais aussi de certaines unités de management concernées à la DGA et experts de la Direction Technique qui accompagneront leur développement sur les prochains mois, voire plus longtemps si certains projets le nécessitent. L’une des particularités qui caractérisent les projets retenus réside dans le fait que leur passage à l’échelle n’est pas envisagé uniquement dans le cadre du ministère des Armées. En effet, les projets retenus suite à l’appel à projet vont désormais être soutenus par le ministère des Armées pour leurs phases de recherche et développement, et de pré-industrialisation, à des fins d’expérimentation et d’évaluation. Puis leur passage à l’échelle pourra être assuré par le Ministère des Armées, mais aussi par d’autres administrations publiques, qui seront susceptibles de passer des commandes massives des solutions développées suite à l’AAP.

Tout au long du pilotage de cet appel à projets, nos équipes ont été en contact avec des experts issus du Ministère des Armées (la DGA, et le SSA ont déjà été cités, mais aussi la DGNUM, la Cellule de Coordination de l’Intelligence Artificielle de Défense, ou encore le réseau des Labs d’armée) ; mais elles ont également assuré le lien avec d’autres ministères notamment pour partager les dossiers pertinents entre les initiatives portées par chaque entité. Le ministère des Solidarités et de la Santé, le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et l’Agence Nationale de la Recherche ont été des interlocuteurs importants durant cette période. Cette coopération interministérielle se poursuit actuellement avec la mise en place prochaine d’une plateforme partagée sur laquelle les entités publiques ayant piloté des appels à projets dans le cadre de la crise, pourront partager leurs résultats, et notamment les projets reçus mais non retenus. Cet outil servira de plateforme de « repêchage », un projet non retenu selon les critères de l’AID pouvant potentiellement intéresser l’ANR par exemple.

En conclusion le pilotage de cet appel à projet a été pour notre agence une validation de l’instruction ministérielle de l’innovation de défense qui est désormais publiée (signature de la ministre le 7 mai) et une source d’enseignement, sur de nombreux points.

Une validation tout d’abord : cet exercice inédit a permis de confirmer la pertinence du nouveau fonctionnement du soutien à l’innovation de défense. Il a confirmé l’intérêt de disposer d’un acteur fédérateur, qui soit en capacité de mobiliser et d’orchestrer des projets d’innovation d’ampleur, impliquant des acteurs multiples au sein de notre ministère, et en relations avec les autres administrations publiques. Quand on n’est chef d’orchestre, on ne joue pas de tous les instruments… Cette expérience nous confirme également l’importance capitale de l’agilité et de l’audace dans notre action. Face à une menace inédite, il a été nécessaire de prendre pleinement la mesure de la situation pour porter l’action du Ministère des Armées en matière de réponses innovantes aux besoins du monde de la santé. Je pense pouvoir dire que nous avons su collectivement être au rendez-vous, notamment grâce à la mise en place de ces démarches simplifiées qui ont été d’une grande pertinence et constituent un retour d’expérience sur lequel nous capitaliserons.

La complémentarité entre le mode d’innovation ouvert et planifié prend également tout son sens dans une telle situation. L’entreprise B for Cure en est un très bon exemple. Aujourd’hui accompagnée jusqu’à sa phase de pré-industrialisation grâce à l’AAP, cette entreprise est en fait soutenue par notre Ministère depuis 2013. Bénéficiaire des dispositifs ASTRID, puis ASTRID MATURATION et enfin RAPID, cet AAP nous a permis de capitaliser sur les efforts passés pour accompagner le projet jusqu’au bout de son développement.

Tout le pilotage de cet appel à projets et les innovations qui en seront issues, n’ont été possibles que grâce à la mobilisation sans faille du personnel de l’Agence de l’Innovation de Défense et l’ensemble des volontaires du Ministère des Armées. Ensemble, ils ont rendu possible la contribution de notre institution à l’effort national de réponse à la crise du covid-19. Je souhaiterais ici, devant vous, les en remercier.

J’aimerais clôturer ces développements en soulignant un point essentiel : alors que notre pays anticipe progressivement « l’après » et recherche les leviers disponibles pour relancer notre économie, ébranlée par les semaines de confinement, notamment dans le secteur industriel, l’innovation de défense saura contribuer activement à cette relance. Avec 890 M€ engagés en 2019 dont 99% ont irrigué directement la base industrielle et technologique de Défense française, l’innovation de défense peut être un outil majeur de la relance économique, j’en suis intimement convaincu.

M. Jean-Michel Jacques. L’AID a montré qu’il était possible de réaliser des démarches simplifiées, rapides et efficaces. Comment entendez-vous maintenir la fluidité des procédures ? Quelles sont les relations entre l’agence et le Battle-Lab Terre et les lab de la marine et de l’armée de l’air ?

M. Jean-Jacques Ferrara. La quarantaine de projets retenus, dont la presse s’est fait l’écho, seront-ils bien notifiés ?

En décembre, la presse a révélé que le premier marché passé par l’AID a été notifié à une société israélienne, au détriment d’une société estonienne et d’une société française. Comment expliquez-vous le choix opéré par l’agence et pouvez-vous garantir qu’une telle erreur ne se produira plus ? J’associe à ma question mon collègue François Cornut-Gentille.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le prototype de respirateur artificiel MakAir est l’un des tout premiers projets universitaires à obtenir le soutien de la DGA et de l’AID. Ce montage a-t-il vocation à se reproduire ? Quels outils l’AID a-t-elle mis en place pour collaborer avec le monde universitaire ?

M. Joaquim Pueyo. La Commission européenne vient de présenter sa proposition de cadre financier pluriannuel 2021-2027 comprenant le plan de relance proposé par la France et l’Allemagne. Cependant, le fonds européen de la défense est amputé de plus de 2 milliards et le rapport présenté aux ministres européens de la défense montre qu’un grand nombre de projets pourraient ne jamais voir le jour. Avez-vous des contacts avec l’agence européenne de défense et envisagez-vous de travailler avec elle ?

M. Jean Lassalle. Comment ferez-vous travailler efficacement le secteur militaire avec le secteur civil ? Comment entendez-vous faire progresser les projets dans le cadre européen, au moment où les crédits sont en baisse ?

M. Bastien Lachaud. Le premier marché passé pour un démonstrateur a été notifié à une société israélienne pour un matériel d’occasion, au détriment d’une société estonienne et d’une société française. Comment expliquez-vous ce choix ?

Le 27 mai, la presse a eu la primeur de la trentaine de projets sélectionnés par votre agence, dont près d’une dizaine risquent de ne pas être notifiés. Pourquoi avez-vous communiqué sur des sujets dont vous n’aviez pas la certitude de la pertinence ?

M. André Chassaigne. Afin d’assurer la veille des technologies émergentes dotées d’un potentiel de rupture, quel est la nature du lien existant entre les correspondants pour l’innovation du ministère des armées ou d’autres ministères et les experts de la direction technique de la DGA ?

Pour assurer notre supériorité opérationnelle, nous devons disposer de technologies novatrices en autonomie nationale ou dans le cadre de dépendances mutuellement consenties. Le planeur hypersonique et les armes à énergie dirigée électromagnétiques ou laser sont-ils développés dans un cadre strictement français ou en partenariat ?

M. Emmanuel Chiva. Tous les projets retenus ont un fort potentiel de dualité et de seconde vie puisque le facteur de dualité a été un critère de sélection important. Les solutions retenues peuvent ainsi être adaptées à l’ensemble des menaces virologiques pour usage dans les hôpitaux militaires métropolitains ou en opération. Par exemple : les respirateurs MakAir sont utilisables dans les bâtiments de la marine dépourvus de salle de réanimation ; l’outil de veille pour les publications scientifiques WaKED-Co peut être utilisé à des fins de renseignement en source ouverte ; les automates de la société BForCure peuvent détecter la contamination dans des bâtiments de la marine ou sur des bases en Opex.

L’instruction ministérielle de l’innovation de défense prévoit l’intégration de l’action de l’Agence dans un réseau national de l’innovation. L’Agence conduit donc une action coordonnée avec l’ensemble des acteurs du Ministère qui sont parties prenantes en matière de soutien à l’innovation ce qui nous permet d’assurer un réel maillage territorial. Nous avons d’excellentes relations avec tous les clusters techniques de la DGA et les laboratoires des armées et services. Nous avons ainsi mis en place un système de labélisation par délégation qui permet à ces composantes de sélectionner des projets d’intérêt pour leur structure tout en bénéficiant du soutien de l’AID si besoin.

Pour répondre de façon coordonnée aux questions de MM les députés Ferrara et Lachaud : par souci de transparence, nous avons précisé dans la présentation à la presse que 22 de ces marchés avaient été notifiés et que 15 autres étaient en cours de notification. Tous les marchés n’ont pas encore été notifiés car des négociations sont toujours en cours. Si l’un des projets n’était pas notifié, nous disposons d’une liste complémentaire de projets intéressants qui pourraient bénéficier de notre soutien. Notre but est de trouver des solutions innovantes, de les financer, tout en restant vigilants sur les conditions d’engagement de l’argent public.

Le choix du projet Robopex n’est pas une erreur mais une décision pleinement assumée. En revanche, l’article publié dans le magazine Challenge contenait plusieurs erreurs factuelles. Nous n’avons pas acquis de matériel étranger, nous avons financé une expérimentation à petite échelle, puisqu’il s’agit d’une série de 5 robots, visant à définir le cadre d’emploi d’un robot mule en opération. Nous avons lancé une compétition européenne afin d’acquérir un robot et de le tester en opération. La PME vainqueur de la compétition n’est pas israélienne mais 100 % française. Elle a proposé d’assembler en France, des composants mécaniques et électroniques d’origine israélienne, de la même manière qu’une entreprise utilise des composants d’origine chinoise pour assembler un ordinateur. On ne peut donc pas dire que nous avons acquis un robot israélien. Je le répète, il ne s’agit pas d’acquérir une grande série de robots dans le cadre du programme Scorpion par exemple. Il s’agit de procéder à une expérimentation qui nous permettra de déterminer les contours de ce que pourrait être le robot mule de demain, répondant au mieux aux besoins de nos forces. Cette expérimentation permettra de définir la meilleure adéquation entre classe de robot et usage notamment. Cette initiative a fait parler d’elle car c’était la première fois qu’une expérimentation était notifiée aussi vite, après un essai au centre d’entraînement au combat en zone urbaine de l’armée de terre, pleinement intégrée à cette démarche.

Le projet MakAir, destiné à pallier la pénurie de respirateurs, a mobilisé un collectif de 350 universitaires. Si fort heureusement la tension sur la disponibilité des respirateurs s’est résorbée en France cette technologie pourra toutefois trouver d’autres débouchés salutaires, notamment dans certains pays étrangers ; par exemple en Afrique ou cette offre de respirateurs low cost pourrait répondre à un besoin réel. Concernant les relations de l’Agence avec le monde universitaire, nous finançons quelque 400 thèses universitaires par an (130 thèses nouvelles par an). Nous collaborons avec l’ANR sur les dispositifs ASTRID et ASTRID Maturation, pour lequel nous allons faire passer le nombre d’appels à projet d’un à deux ou trois par an. Nous sommes associés à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Je déplore comme vous la réduction de l’enveloppe du fonds européen de la défense. Nous travaillons déjà avec l’agence européenne de défense afin de mutualiser la recherche en matière de défense et favoriser l’autonomie stratégique européenne. Le document de référence d’orientation de l’innovation de défense (DrOID), mise à jour du Document d’Orientation de l’Innovation de Défense 2019, qui paraîtra dans les prochaines semaines, précisera les priorités européennes de coopération.

Faciliter le travail entre les civils et les militaires est l’une des missions de l’AID. Le mélange de civils, militaires opérationnels et ingénieurs de l’armement fait sa force. Je suis moi-même issu du secteur privé. L’innovation défense Lab compte des chefs de projet officiers de marine, officiers de l’armée de terre et de l’armée de l’air, gendarmes ou ingénieurs de l’armement. La collaboration entre ces personnels est vertueuse pour la conduite de nos projets.

Les responsables innovation (RI) de l’agence font le lien avec le monde universitaire et coordonnent l’encadrement des thèses financées par le ministère. Nous avons une cellule d’innovation ouverte qui est en charge d’opérer une veille technologique la plus vaste possible C’est pourquoi nous avons par exemple envoyé une équipe au Consumer Electronic Show (CES), à Las Vegas. Nous avons une collaboration intégrée avec la direction technique de la DGA, nous œuvrons de façon coordonnée pour assurer une veille performante dans les domaines d’innovation de rupture prioritaires définis par le DrOID Nous échangeons par ailleurs avec le ministère de l’intérieur et le ministère de l’économie et des finances notamment.

La supériorité opérationnelle et l’autonomie stratégique figureront au premier plan des priorités présentées dans le DrOID. Le projet VMAX de planeur hypersonique est développé en France. Nous avons dégagé des crédits supplémentaires pour les armes à énergie dirigées. Des expérimentations de systèmes lasers pour la lutte anti-drones sont en cours, et les travaux sur le canon électromagnétique de l’institut Saint-Louis sont une référence européenne.

M. Fabien Gouttefarde. Quelles conclusions tirez-vous de l’expérimentation des essaims de drones associés à l’intelligence artificielle, réalisée avec des écoles, en partenariat avec la DGA ?

M. Charles de La Verpillière. Pourriez-vous fournir des exemples concrets de la vingtaine de projets notifiés ? Dans le cadre de l’appel à projets, avez-vous été associé au développement de l’application StopCovid ?

Mme Séverine Gipson. De nombreuses solutions seront utiles au-delà de la crise du covid-19, pour les secteurs de la santé et de la défense. Au moins deux entreprises de ma circonscription ont déposé un projet et apprécié votre collaboration. Pouvez-vous garantir que la démarche d’innovation ne s’effacera pas avec la fin de la pandémie ?

Mme Sabine Thillaye. Avez-vous reçu des réponses en provenance de pays partenaires européens ? Votre financement n’était pas cumulable avec les financements flash de l’agence nationale pour la recherche ou de la Commission européenne. Ne s’est-on pas privé ainsi d’une force de frappe ?

M. Jacques Marilossian. Un projet comme celui de la PME BforCure, qui va obtenir un financement de 1,8 million, peut-il bénéficier au secteur civil, dans le cadre d’une recherche duale pour lutter contre la pandémie au niveau européen ? Le fonds européen de la défense ou le programme-cadre de recherche et développement Horizon 2020 peut-il être activé ?

M. Thibault Bazin. Avez-vous tenu compte de l’origine du capital des déposants ? Y a-t-il eu un engagement d’enracinement des projets sur notre sol ? Avez-vous assorti les financements au secteur privé de garanties de développement dans notre pays et de non-transfert à l’étranger, qu’il s’agisse du capital ou des futurs sites de production ?

M. Thomas Gassilloud. Quelles actions de l’AID sont propres à promouvoir l’intérêt impérieux de la maîtrise technologique ? Comment l’AID communique-t-elle en direction de nos concitoyens ?

Mme Sereine Mauborgne. J’avais incité une petite entreprise qui souhaite depuis longtemps travailler dans le secteur de la défense à répondre à votre appel à projets. Alors qu’elle proposait une technologie duale basée sur une innovation de rupture pour traiter la pollution de l’aire dans les espaces fermés, elle a eu beaucoup de mal à trouver auprès de l’AID et de la DGA la possibilité d’une expérimentation gratuite. Qu’en sera-t-il demain de la grande effervescence au sein de l’AID ?

M. Jean-Louis Thiériot. L’AID s’assure-t-elle que les entreprises retenues ne basculeront pas sous un contrôle étranger ? Des industriels et des groupements comme Photonis rencontrent des difficultés de financement liées à la mode de la finance éthique et de la responsabilité sociale et environnementale. Quels sont les moyens de remédier à cette tendance de nature à plomber notre innovation de défense et notre BITD ?

M. Didier Le Gac. Il y a quelques jours, j’accompagnais Florence Parly à l’ENSTA Bretagne, à Brest. Quelles sont les relations entre l’agence et le monde universitaire ? Est-ce pour vous un vivier ?

Mme Natalia Pouzyreff. Au regard des plans de relance français et européen et des changements de doctrine en matière de financement, comment mieux positionner nos PME ? Dans le programme Horizon 2020, les PME françaises sont insuffisamment représentées. Existe-t-il un accompagnement particulier pour les faire accéder aux appels d’offres et les inciter à coopérer davantage ?

Puisque la crise ouvre de nouvelles perspectives, peut-on envisager la conversion d’avances remboursables en subventions à l’innovation et d’augmenter la participation au cofinancement de projets entre les PME, la DGA et l’AID ?

M. Pierre Venteau. Dès le début, votre agence a montré sa capacité d’adaptation et en matière de cohésion territoriale. Des antennes régionales de l’AID pourraient-elles être créées pour accélérer la décentralisation ?

M. Christophe Lejeune. L’agence a réduit le délai de traitement des dossiers. La réactivité face aux contraintes administratives n’est-elle pas la première innovation que nous attendions ? Ce modèle doit être gravé dans le marbre du plan de relance. Par ailleurs, avez-vous les moyens humains et financiers de continuer à relever les défis technologiques qui sont les nôtres ?

M. Nicolas Meizonnet. Le projet EasyCov retenu par l’AID doit conduire à l’élaboration d’un test salivaire de dépistage cofinancé par la région Occitanie. C’est une belle preuve de coopération entre secteur public et secteur privé, puisque la société héraultaise Sys2Dag agit en partenariat avec le CHU de Montpellier. Quel est l’état d’avancement du projet ?

M. Emmanuel Chiva. La conduite d’un challenge portant sur les technologies d’essaim de drone, le 12 mars, a donné lieu à une collaboration enrichissante avec différentes écoles. Les résultats en cours d’analyse alimenteront la construction de maquettes et de démonstrateurs sans moyens industriels lourds et aideront à qualifier la menace de technologies aux pouvoirs nivelants.

Nous n’avons joué aucun rôle dans le développement de l’application StopCovid dont le développement a été piloté par une task force interministérielle.

Parmi les exemples concrets de projets retenus, je citerai la fourniture par l’entreprise Ferrari de membranes antivirales destinées à contrôler l’environnement sanitaire, fabriquer des bâches, des tentes, recouvrir des poignées de porte ou des brancards. Le projet WaKED-Co, qui utilise l’intelligence artificielle pour compiler et mettre en forme des sources d’information hétérogènes à destination des chercheurs et du grand public. À noter que ce projet a été sélectionné par le Ministère de la Santé et des Solidarités et va servir dans le prolongement de la gestion de crise. Le projet ONADAP promu notamment par le centre pluridisciplinaire Borelli et l’hôpital d’instruction des armées Percy, permettra de modéliser la situation sanitaire du personnel soignant à l’échelle d’un hôpital ou d’un service hospitalier, d’anticiper la propagation du virus et de développer un démonstrateur d’aide à la décision avec l’apport de l’intelligence artificielle.

Les projets qui ont été retenus dans le cadre de l’AAP ont désormais intégré le plan de charge de l’Innovation défense Lab, de la cellule de soutien à l’innovation participative ou encore d’unités de management de la DGA qui vont désormais accompagner le développement de ces projets. Les managers d’innovation sont garants de l’aboutissement de ces projets. L’effort de soutien va donc naturellement perdurer. Indépendamment de l’appel à projets, le guichet unique reste ouvert et des sociétés peuvent continuer à soumettre des projets. La dualité est un gage de poursuite des développements au-delà du cadre de l’appel à projets. L’innovation ouverte, qui interagit avec le monde civil, est une des priorités assumées de l’agence et mentionnée dans le DrOID.

Nous avons effectivement reçu quelques réponses issues de pays européens mais elles ne figurent pas parmi les projets retenus. Quant au co-sponsoring avec d’autres dispositifs comme le financement flash ou le financement de l’Union européenne, il était incompatible, en termes de calendrier, avec le critère de rapidité imposé par notre appel à projets. Toutefois, lorsqu’un projet était non éligible à notre AAP mais nous semblait intéressant dans le cadre d’autres dispositifs, nous l’avons partagé, notamment à l’ANR pour l’orienter vers un dispositif de financement plus adapté.

Le fonds européen de la défense est inadapté pour le co-financement d’innovations comme celle de BforCure, puisque la vocation de ce fond est le financement de projets portant sur la défense uniquement. En revanche, nous pourrions envisager des synergies avec le programme Horizon 2020. L’agence est dotée d’une direction internationale au sein de laquelle un responsable des relations avec les structures européennes examine les possibilités de synergie entre les différents programmes de financement.

L’origine du capital des entreprises déposantes a bien fait partie des critères étudiés dans notre AAP au titre de l’analyse du statut et du sérieux du déposant. Nous n’avions pas imposé la condition d’enracinement dans la durée, mais l’examen des projets étant à notre discrétion nous y avons accordé une attention particulière, avec le soutien du service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE) de la DGA. Ayant vocation à préparer l’industrialisation, nous avons examiné les capacités de production ou de filières de réactifs sur le territoire français.

La technologie liée à la défense tend à susciter de la défiance. Dans un souci de vulgarisation, j’ai déjà fait quelque 300 interventions dans différents médias à vocation grand public. Lorsque l’Agence est représentée dans des magazines tels que Society, L’Usine nouvelle ou Paris Match, cela nous permet de réaliser des actions d’explication et de vulgarisation de sujets techniques. Par exemple cela permet de s’exprimer sur le sujet de l’intelligence artificielle et de présenter sa plus-value en matière de systèmes d’aide à la décision ou d’analyse dans le domaine de la santé. Des projets comme EasyCov montrent au grand public que les investissements consacrés à l’innovation de défense ne se limitent pas seulement aux systèmes d’armes. Pour garantir un développement dans la durée, nous ne finançons pas des recherches uniquement dédiées à la défense. Au Forum innovation défense qui s’est tenu en 2018, nous avons présenté le projet Block-Print d’impression en 3D de peau humaine sur le corps des grands brûlés. Financé grâce à des moyens du dispositif ASTRID, ce projet dépasse le champ de l’innovation technologique de défense. Cet aspect dual est de nature à favoriser l’acceptabilité de l’innovation comme priorité du ministère des armées.

Le projet TERRAOPUR évoqué par Mme la députée Mauborgne est porté par la PME STarklab et l’institut Pasteur de Lille Il permet de purifier rapidement l’air et les surfaces en présence d’organismes pathogènes notamment du virus responsable du COVID 19. À l’avenir, ce projet pourrait être utilisé aussi bien pour dépolluer l’air du métro, que pour décontaminer des sous-marins ou autres bâtiments dans des bases opérationnelles avancées. Ce projet a été notifié le 4 mai. Les difficultés évoquées tiennent au fait que nous étions en train de structurer le guichet unique et qu’il nous fallait trouver un sponsor opérationnel pour valider le soutien accordé au projet.

Les entreprises françaises ayant des activités dans le monde de la défense peinent actuellement à trouver des solutions de financement pour les accompagner dans leurs phases de développement. En effet, les acteurs français du financement sont frileux à se positionner sur ce marché pour des raisons dites d’éthiques et surtout d’image. Il convient donc de trouver de nouveaux leviers de financements pour ces sociétés. Avec le S2IE de la DGA, nous co-pilotons le fonds DEFINVEST doté de 50 millions d’euros pour soutenir les PME critiques. L’agence s’emploie avec Bpifrance à la création d’un nouveau fonds d’investissement souverain sectoriel pour consolider le développement de sociétés en capital-risque. Il s’agit pour nous d’être présents le plus tôt possible dans le pacte d’actionnaires pour accompagner le développement des entreprises notamment dans une optique de protection de la souveraineté. Dans le cas de Photonis, si nous avions été associés au pacte d’actionnaires, nous aurions pu anticiper la difficulté.

La DGA a la tutelle de quatre écoles, l’agence assure la gouvernance et l’animation au quotidien de ces tutelles. Nous avons établi une feuille de route afin de financer des projets d’innovation, d’orienter ces écoles vers des projets innovants en matière de défense, d’acculturer les écoles à la formation à l’innovation de défense et de faire percoler les réseaux. Par la suite, cette feuille de route sera élargie à toutes les écoles du ministère des armées, voire à des écoles hors ministère.

Après tout, ceux qui seront aux commandes des futurs systèmes de combat ont aujourd’hui 15 à 20 ans : prendre en compte la jeunesse est donc essentiel dès lors que l’on prépare le futur de la défense.

Pour le soutien et l’accompagnement de nos PME, nous travaillons au niveau ministériel sur un plan de relance dans lequel l’innovation sera l’un des outils mobilisables. Un chantier pour la valorisation de l’innovation a été engagé. Le Forum innovation défense, dont la prochaine édition se tiendra du 19 au 21 novembre 2020 sous la Grande Arche de La Défense, nous permet, tous les deux ans, de mettre en avant les projets innovants soutenus par notre Ministère et de valoriser nos PME partenaires. L’ensemble de la commission est d’ailleurs convié à venir découvrir ces projets.

Nous examinons la possibilité d’octroi d’avances remboursables. Nous avons d’abord essayé de faire mieux avec ce que nous avions déjà en place et de surtout ne pas casser ce qui fonctionnait bien, comme les dispositifs ASTRID et RAPID. Le DrOID 2020 prévoit un panel de solutions pour adapter nos dispositifs afin de les rendre encore plus performants.

Nos ressources humaines étant limitées, nous avons préféré appliquer le principe de subsidiarité pour assurer un maillage territorial de qualité. Les acteurs locaux connaissent le mieux l’implantation et les réalités des innovateurs dans leur territoire. L’instruction ministérielle du 7 mai 2020 sur l’innovation de défense donne aux « Labs » la capacité d’examiner localement les projets, voire de décider du soutien financier de certains grâce à la délégation de labélisation. Les clusters de la DGA agrègent des centres d’expertise de la DGA, les forces présentes et l’ensemble du tissu économique et industriel local. Les innovations les plus intéressantes peuvent remonter au comité permanent d’accélération de l’innovation (CPAI) qui sélectionne des projets qui bénéficieront du soutien de l’Agence. Nous jouons bien notre rôle de chef d’orchestre et d’accélérateur en utilisant les nombreuses ressources déjà disponibles au sein du Ministère et réparties sur l’ensemble du territoire.

Nous avons les moyens humains de tenir dans la durée. L’agilité et la réactivité doivent être « gravées dans le marbre » de notre action. C’est ainsi que la ministre a conçu l’agence de l’innovation de défense.

Le projet EasyCov a pour but de réaliser un dépistage salivaire en moins de quarante-cinq minutes. L’intérêt est d’avoir un panel de solutions mobiles ou fixes. C’est pourquoi nous avons décidé de financer entre autres les projets BforCure, EasyCov ou NG Biotech. L’objectif du projet EasyCov est de fournir 82 500 tests par jour au prix unitaire de 15 euros.

Mme Monica Michel. Quel est le niveau de maturité technologique des projets retenus ? Quand atteindront-ils le stade de la commercialisation ? Quel suivi est prévu pour accompagner les lauréats ?

M. Emmanuel Chiva. Pour répondre aux critères de notre AAP tous les projets retenus devaient pouvoir être accompagnés jusqu’à une phase de pré-industrialisation. Pour autant les niveaux de maturité des projets proposés étaient très hétérogènes avec des niveaux de TRL variables. Les projets relevant de la recherche plus amont ont été orientés soit vers l’ANR, soit vers d’autres guichets de l’agence pour être accompagnés par d’autres dispositifs. Nous sommes là pour défricher, accélérer mais nous ne pouvons pas fonctionner seuls. Associant toutes les compétences, nous ne sommes pas des centralisateurs mais des accélérateurs et des transmetteurs de relais. Dans le cadre de cet AAP la mission était de « dérisquer » les innovations et de préparer la pré-industrialisation.

Tels sont les enseignements que nous avons tirés de cet appel à projets. Ce mode d’action perdurera, puisque c’est l’ADN de l’agence. Nous sommes là pour prendre des risques tout en garantissant la bonne utilisation des financements publics.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci d’avoir répondu avec précision à toutes nos questions et d’avoir montré la réactivité et l’agilité de votre agence de création récente. Vous avez souligné votre rôle d’accélérateur. La crise a montré que nous pouvions progresser. Tête de proue, vous avez su entraîner et collaborer, trouver les partenaires et renforcer la chaîne de l’innovation.

Nous aurons le plaisir de nous retrouver pour suivre votre accompagnement de nos entreprises sur l’ensemble du territoire. La défense doit participer au plan de relance économique du pays. Vous avez montré les talents d’innovation de nos entreprises et de notre tissu industriel.

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La séance est levée à onze heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Benjamin Griveaux, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean Lassalle, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Jean-François Parigi, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre