Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de Madame l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice de la maintenance aéronautique au Ministère des Armées.

 


Mercredi
1er juillet 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 63

session extraordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Françoise Dumas,
présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, avant d’en venir à notre ordre du jour, je voudrais saluer un nouveau commissaire, Philippe Meyer, du groupe Les Républicains, qui nous rejoint à la suite du départ de notre ami Laurent Furst, élu maire de Molsheim. Je salue également Aurélien Taché, qui a rejoint récemment notre commission au titre du groupe Écologie démocratie solidarité.

Madame la directrice, votre première audition devant la commission remonte à près de deux ans, puisque nous vous avions reçue le 4 juillet 2018, quelques semaines après votre prise de fonction à la tête de la toute nouvelle direction de la maintenance aéronautique (DMAé).

À l’époque, vous aviez décrit la philosophie qui serait celle de votre direction pour accroître la disponibilité des flottes et refondre la gouvernance du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, conformément aux directives de la ministre des armées.

C’est sur la base aérienne d’Évreux-Fauville, chère à nos collègues Séverine Gipson et Fabien Gouttefarde, que Florence Parly avait annoncé, le 11 décembre 2017, une profonde réforme du MCO aéronautique que l’on pourrait résumer en deux points : d’une part, la création de la direction de la maintenance aéronautique, venue se substituer à la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD), et, d’autre part, un processus de globalisation et de verticalisation des contrats de maintenance noués avec les acteurs industriels.

« Il faut que ça vole ! », disait alors la ministre, se faisant le relais des personnels qui, au sein des unités, ressentent parfois frustration et découragement face à des taux de disponibilités bien trop bas. Deux ans plus tard, je serais tentée de vous demander : « Est-ce que cela vole ? ».

Nous savons d’ores et déjà que de nombreux contrats ont été signés. Je pense au contrat RAVEL pour le soutien du Rafale, ou encore au contrat CHELEM, pour une partie des hélicoptères de manœuvre. Les premières améliorations sont palpables. Je pense notamment à l’amélioration de la disponibilité des Fennec de l’aviation légère de l’Armée de Terre (ALAT). Enfin, il faudra du temps avant de retirer les pleins effets de cette réforme.

L’amélioration rapide de la situation est d’autant plus nécessaire que nos engagements en opérations demeurent intenses et qu’au sein des forces, la trop faible disponibilité des matériels pénalise la formation des équipages et la préparation opérationnelle.

La loi de programmation militaire (LPM) et les budgets annuels votés par le Parlement depuis lors prévoient des crédits importants pour l’entretien programmé des matériels. Cet effort financier sensible doit se traduire sur le terrain, au sein des unités.

Vous savez l’intérêt que portent l’ensemble des parlementaires à ces questions. Aussi, vais-je vous laisser la parole, avant un temps d’échange sous forme de questions-réponses avec les députés.

Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice de la maintenance aéronautique du ministère des armées. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureuse de me présenter de nouveau devant vous, deux ans après ma première venue, immédiatement après la création de la DMAé.

Je suis accompagnée de M. l’ingénieur en chef de l’armement, André Sallat, chef des responsables de projet au sein de la DMAé.

Comme vous l’avez rappelé, face aux trop faibles taux de disponibilité de nos aéronefs militaires, alors que l’engagement sur le terrain et les besoins sont toujours aussi importants, la ministre a décidé, fin 2017, la mise en œuvre d’un plan ambitieux de transformation du MCO aéronautique. Cette réforme visait à améliorer l’efficacité de notre soutien en supprimant les interfaces inutiles, en inscrivant les travaux dans une logique de performance de bout en bout et en accordant à notre industrie des responsabilités plus importantes en contrepartie d’engagements.

Pour cela, nous avons créé, il y a deux ans, la direction de la maintenance aéronautique dont je vais vous présenter les premiers résultats, car c’est un travail de longue haleine.

Le premier axe du plan de transformation est la simplification de la gouvernance du MCO aéronautique.

Chaque année, un contrat d’objectif et de performance signé par le major général des armées et par moi-même définit les objectifs annuels de la direction en contrepartie des ressources financières allouées. Un comité directeur du MCO aéronautique, présidé par le chef d’état-major des armées, se réunit une fois par an pour faire le bilan de l’activité de l’année précédente et orienter les travaux de l’année à venir. En outre, au niveau de la ministre, de nombreux comités stratégiques font des points d’avancées de la réforme.

Le deuxième axe est la refonte des stratégies de soutien des flottes d’aéronefs, conformément aux orientations fixées par la ministre des armées.

Le foisonnement des marchés de MCO, passés de manière transverse par tranches annuelles, sans engagement de longue durée, présentait un risque fort de coupure d’exécution contractuelle et de dilution des responsabilités. Pas moins de vingt-deux contrats assuraient le soutien de la flotte Rafale ! La stratégie de verticalisation et de globalisation confie à un maître d’œuvre unique un périmètre d’action couvrant la quasi-intégralité de l’aéronef et inclut la gestion logistique des stocks grâce à des contrats de longue durée. Désormais, nous pouvons fixer des objectifs de haut niveau précis de disponibilité de flotte ou de pièces au guichet et des engagements forts de la part des industriels, lesquels seront rémunérés en fonction de l’atteinte de ces objectifs.

Afin de tirer tous les bénéfices de ces contrats, en particulier leur verticalisation, nous renforçons la coordination entre acteurs étatiques et acteurs industriels pour accélérer et fluidifier les échanges d’informations, dans une relation de confiance gagnant-gagnant. Cette dynamique a été initiée par la création de plusieurs plateaux permanents État-industrie. Par exemple, pour l’A400M, un plateau co-localisant les équipes au plus près des aéronefs a été mis en place à Orléans depuis avril 2020. Réunissant des responsables de la DMAé, du soutien de l’armée de l’air, de l’industriel Airbus et du service industriel de l’aéronautique (SIAé), il permet, par échange quotidien entre les partenaires, d’optimiser l’emploi des ressources étatiques et industrielles, d’améliorer la disponibilité au quotidien et de mieux répondre aux besoins des forces.

Pour les industriels retenus, la stratégie que nous avons portée donne de la visibilité et limite les risques. Elle leur permet de mieux organiser leurs prestations, la chaîne d’approvisionnement et de sous-traitance et de planifier les investissements sur le long terme. La visibilité et les moyens que nous leur apportons nous permettent de réaliser du soutien à coûts maîtrisés dans la durée.

La démarche est pragmatique. Chaque flotte est organisée au cas par cas par le responsable des projets afin d’adapter les solutions aux contraintes des forces, mettre en place le schéma contractuel le plus performant, tout en garantissant à nos forces le niveau d’autonomie nécessaire à la conduite de leurs engagements en OPEX.

Nous avons déjà mis en place le soutien verticalisé de quatre flottes. Comme vous l’avez dit, Madame la présidente, le marché du maintien en condition opérationnelle de la flotte des dix-huit Fennec de l’armée de terre, notifié en janvier 2019, offre à l’ALAT la capacité de conduire son action de formation et d’entraînement sur hélicoptère pour dix ans. De juin à décembre 2019, 3 650 heures de vol ont été réalisées, contre un peu moins de 2 500 pour l’année 2018. Nous avons pu réaliser mille heures de vol supplémentaires, alors que le contrat n’était en vigueur que depuis six mois.

Ce marché permet, à volume financier comparable, une activité aérienne conforme aux besoins de l’armée de terre, de réaliser en continu la formation de ses équipages et de mettre fin aux difficultés d’enchaînement des stages de formation par manque de disponibilité des aéronefs. En 2020, cette flotte de Fennec de l’ALAT réalise environ 125 heures de vol par semaine, ce qui devrait permettre un doublement de l’activité par rapport à 2018, malgré la baisse d’activité des mois de mars et avril, liée à la crise de la covid-19.

Concernant la flotte Rafale, le contrat RAVEL qui verticalise pour une dizaine d’années le soutien des cellules et des équipements, hors moteurs, vise à augmenter, d’ici à 2023, la disponibilité d’une dizaine d’appareils air et marine pour atteindre les objectifs de la LPM. S’y ajoutent des gains qualitatifs pour nos forces, par la réduction des prélèvements sur avion, la diminution des tâches sans plus-value opérationnelle, l’anticipation des traitements d’obsolescence.

Les premiers résultats sont encourageants. Ce marché a déjà permis de réduire le nombre d’appareils en attente de décision, souvent depuis plusieurs mois. Dix Rafale de l’armée de l’air étaient en attente de décision en avril 2019, contre seulement deux en décembre dernier. De même, alors que six Rafale de la marine étaient en attente en avril 2019, deux seulement l’étaient en juin 2020. La mise en place d’un plateau entre l’industriel Dassault et le personnel de la DMAé à Bordeaux permet des gains de temps en fluidifiant les échanges. Il n’a fallu qu’un très court délai pour valider l’impression 3D d’une pièce de dépannage d’un Rafale embarqué sur le porte-avions, victime d’une avarie sur un levier de commande de vidange carburant.

Le contrat CHELEM de plus de onze ans, relatif aux flottes de Cougar, Caracal et EC225, notifié en décembre dernier vise à la fois à améliorer la disponibilité de pièces au guichet, la réponse aux questions techniques et à externaliser le soutien complet d’une partie de la flotte Cougar, soit jusqu’à cinq appareils à la fin de l’année. Comme le contrat RAVEL, il s’appuie sur la mise en place de guichets sur les sites des armées en métropole, permettant aux mécaniciens de conduire leurs travaux sans attente de pièces et sur un plateau permanent à Bordeaux.

Bien que la notification soit récente, nous commençons à en voir les premiers résultats. Après cinq mois d’activité et le transfert à l’industriel du soutien de deux Cougar, plus de 220 heures de vol de mission d’entraînement et de préparation opérationnelle au profit de l’ALAT ont déjà été effectuées, c’est-à-dire 25 % de l’ensemble de leur activité aérienne sur la même période. Le rythme d’activité des Cougar a doublé par rapport à la situation antérieure : 300 heures de vol par an pour les aéronefs dont la maintenance a été confiée à l’industriel, contre 150 heures, les années précédentes.

Par ailleurs, le délai moyen de réponse aux questions techniques urgentes est désormais inférieur à quatre jours, contre plus de sept jours auparavant. Pour les questions techniques dites de routine, ce délai est passé de deux mois jusqu’à moins de dix jours.

La dernière verticalisation concerne la flotte de Dauphin et de Panther de la marine nationale. Nous avons passé très récemment avec le SIAé un marché de soutien complet jusqu’à fin 2029, qui augmentera la disponibilité de plus de 20 %. Les verticalisations du soutien se poursuivront, en 2020 pour l’ATL2 et le Mirage 2000, et dans les années qui suivent.

Troisième axe du plan de transformation est la restructuration de la DMAé, validée par la ministre. Son objectif est de renforcer les compétences en augmentant la proportion de personnels de niveau 1 et en améliorant la stabilité des équipes grâce à l’augmentation du nombre de personnels civils au sein de la direction, afin d’obtenir 50 % de personnels civils et 43 % de personnels de niveau 1 en 2025. En 2019, nous avons été amenés à recruter 79 agents fonctionnaires et contractuels dans les domaines des achats, des finances, des contrats et des spécifications techniques. Nous avons 26 % de personnel civil et 32 % de niveau 1. La mise en œuvre de l’ensemble de ce processus est prévue tout au long de la LPM.

Un autre chantier ouvert par la DMAé est l’amélioration de la navigabilité étatique. Indispensable pour la sécurité des vols, elle peut être perçue comme un frein à la performance, en raison notamment d’une organisation complexe et de multiples acteurs et processus. Au premier semestre 2020, nous avons lancé une étude en commençant par un état des lieux qui a montré que le besoin de traçabilité était consommateur de temps administratif pour nos mécaniciens, en raison de l’absence de système d’information unifié. Le futur système d’information logistique unique et spécifique du MCO aéronautique Brasidas, destiné à remplacer un ensemble hétéroclite de quelque 70 systèmes d’information qui ne couvrent pas l’intégralité des besoins, devrait soulager nos mécaniciens. Le dialogue compétitif est en cours et la notification est prévue d’ici la fin de l’année. Nous attendons des propositions d’amélioration de la navigabilité de nature à améliorer d’importants points de disponibilité.

Enfin, nous continuons à pousser et mettre en œuvre l’innovation, levier important de gain de disponibilité pour les années à venir. Le déploiement du projet OptaForce, outil collaboratif visant à optimiser la planification des visites d’aéronefs, est prévu au deuxième semestre 2020. Le projet de petit drone Donecle, outil d’inspection visuelle automatisée des aéronefs, fera gagner du temps aux mécaniciens en leur évitant de poser des échelles pour faire eux-mêmes l’inspection visuelle, et permettra d’enregistrer les données, dans un souci de traçabilité. Dans le domaine de la fabrication additive, nous avons mis à disposition des forces et du SIAé quatre imprimantes 3D, afin d’expérimenter la réalisation d’outillage et de prototypes au plus près des utilisateurs.

Le travail ne s’est pas arrêté pendant la crise sanitaire. Parce que les forces poursuivaient leurs opérations et continuaient à voler, il était indispensable que la DMAé reste présente et active. Conformément aux consignes du ministère, un plan de continuité de l’activité de la DMAé a immédiatement été mis en œuvre. Nous nous sommes réorganisés en quelques jours avec des personnels en télétravail et d’autres dont la présence était indispensable sur site, tout en respectant les règles de distanciation sociale.

Nous avons mis en place une cellule de crise. Je me suis entretenue par visioconférence avec les représentants des principales organisations syndicales afin de leur présenter la mise en œuvre du plan de continuité et d’échanger sur l’organisation de crise au sein de la DMAé. Les instances représentatives des personnels militaires ont également été convoquées. Les mesures présentées aux représentants militaires et aux représentants civils ont été accueillies favorablement.

Le lien avec les industriels est resté étroit, au moyen de réunions hebdomadaires par téléconférences avec les principaux industriels et d’échanges quotidiens au sein des flottes pour anticiper les difficultés et mettre en place des actions correctives. La première action a consisté, en lien avec les armées, à prioriser les actions de nos industriels. L’accent a été mis sur les visites presque terminées, afin que les aéronefs sortent et soient disponibles dans les forces. Nous avons également demandé à l’industriel de décaler, lorsque c’était possible, les visites périodiques de maintenance.

Un exemple concret de réactivité et de bonne coordination des équipes de la DMAé avec les industriels pendant la crise sanitaire est celui des aménagements à apporter aux hélicoptères. Sur toutes les familles d’hélicoptères, des références de produits désinfectants et des procédures de désinfection ont rapidement été proposées tant pour les utilisateurs que pour les aéronefs dédiés au combat. Ces procédures ont été mises à jour à mesure que le retour d’expérience des missions le requérait. De plus, les équipes techniques DMAé et les armées, supportées par l’industriel, ont configuré les hélicoptères pour transporter des patients sous assistance médicale complète. Les convertisseurs électriques destinés à alimenter le matériel médical dans la cabine ont été installés en un temps record sur des Caïman et des Caracal.

En outre, attentive aux difficultés des PME, la DMAé a mis en œuvre la décision de la ministre d’accélérer les paiements. En moins de trois semaines, malgré la crise sanitaire, le stock de factures impayées a été divisé par deux.

La structure globale du MCO aéronautique a ainsi maintenu un niveau de production suffisant pour soutenir l’activité opérationnelle des armées. Les acteurs concernés ont pu se réorganiser rapidement en s’appuyant sur un nombre suffisant de personnels motivés et résilients, tant civils que militaires. La majorité des industriels privés a fait preuve d’une remarquable réactivité pour mettre en œuvre les plans de continuité et trouver les solutions pragmatiques pour pérenniser le MCO de nos appareils. Le niveau de nos stocks de pièces de rechange et les capacités de production industrielles ont été suffisants pour soutenir l’activité, en baisse pendant les mois de mars et avril. Les défauts d’approvisionnement sont restés limités. Les réseaux de transport nationaux et intra-européens ont globalement bien fonctionné.

En conclusion, deux ans après la création de la DMAé, les résultats sont encourageants. Les premiers contrats verticalisés démontrent des gains de performance à coûts maîtrisés. Les recrutements confirment l’attractivité des métiers du soutien. Les actions engagées sur des sujets aussi divers que la simplification de la navigabilité ou la prise en compte de l’innovation progressent et vont donner des résultats. Le plan de transformation n’est pas terminé, mais il est en bonne voie. Nous devons confirmer ces résultats et garantir la disponibilité des aéronefs dont nos forces ont besoin pour réaliser leurs missions.

Mme la présidente Françoise Dumas. Votre direction a pris toute son ampleur et sa pertinence. Le confinement a représenté une mise à l’épreuve pour vous et les industriels. Nos auditions, nous ont permis de mesurer combien la réactivité de la DGA, la vôtre et la résilience des industriels avaient permis de couvrir les besoins essentiels nos armées.

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis du budget de l’armée de terre. Si la verticalisation des contrats, notamment pour les premières heures de vol, affecte lourdement le budget de l’armée de terre, nous nous interrogeons sur l’autonomie stratégique en matière de stock de pièces. Comment s’est opéré le transfert des stocks de pièces du soutien étatique vers les industriels, notamment pour les Fennec dont le soutien a été entièrement transféré à une entreprise privée ? Avez-vous un pouvoir de contrôle des pièces pour évaluer l’autonomie stratégique ?

M. Jean-Louis Thiériot. S’agissant de la verticalisation, le stock de pièces transféré aux industriels est-il suffisant pour gérer la survenue d’un conflit de haute intensité et combien de temps nous permettrait-il de tenir ou de remonter en puissance ?

Avec mon excellent collègue Griveaux, nous sommes engagés dans une mission sur le rôle de l’industrie de défense dans le plan de relance. La totalité de la chaîne d’approvisionnement, qui joue un rôle important dans le maintien en condition opérationnelle, est touchée par la crise. Comment pourrions-nous soutenir des sous-traitants en difficulté ?

Le chef d’état-major des armées fait régulièrement part de son inquiétude au sujet du fonctionnement du MCO, notamment en opération extérieure, eu égard à ce qu’il considère comme des risques de civilisation. Quelle est la part conservée par nos armées ? Sur les théâtres d’opérations extérieures, jusqu’à quel niveau des militaires assurent-ils ce soutien ? En cas de risque important, comment gérer ce type de situation ?

Mme Josy Poueyto. À l’occasion d’une passionnante table ronde, nous avons compris que nos armées devaient évoluer pour répondre aux enjeux de demain et aux nouvelles menaces. Le domaine aérien se prépare à une mutation profonde - dans le ciel aussi, nos capacités opérationnelles doivent répondre à des besoins de masse. Mais la technologie, toujours plus évoluée, augmente les coûts et réduit nos marges de manœuvre. Le retour de la haute intensité nous interroge. Nos opérations de maintenance doivent être prévues dès la conception, comme ce fut le cas pour le Lynx marine. Jusqu’où miser sur des aéronefs de plus en plus sophistiqués ? Ne peut-on pas s’orienter, comme aux États-Unis, vers une combinaison de haute technologie et d’appareils d’ancienne génération dont la production serait maintenue ? Un matériel plus rustique répondant néanmoins aux besoins doit être plus simple à entretenir en opération.

M. Joaquim Pueyo. La nouvelle organisation de la direction de la maintenance aéronautique donne plus de lisibilité aux partenaires privés et améliore la performance du maintien en condition opérationnelle, mais quelles sont les marges de progrès ? En matière de maintenance, la coopération européenne pourrait-elle être renforcée ?

M. Jean Lassalle. Où en est l’enquête sur le grave accident d’hélicoptère survenu à Pau, le 15 avril dernier, faisant un mort, après d’autres accidents ayant touché un Tigre et Cougar, à la fin du mois de novembre ?

M. Alexis Corbière. Le célèbre rapport du sénateur Vinçon de 2002 évoquait un taux de disponibilité de nos hélicoptères de 30 à 40 % ? Lors de votre précédente audition, vous pointiez le nombre de 21 sous-traitants qui rendaient les réparations compliquées. Sachant qu’en OPEX, le taux de disponibilité est plus élevé, on peut en déduire que nous avons du matériel en difficulté. Le taux de disponibilité de nos hélicoptères a-t-il été amélioré ?

Mme Sabine Thillaye. Vous avez brièvement évoqué la conception en 3D de certaines pièces détachées. En début d’année, un Rafale a volé avec des pièces ainsi conçues. Est-ce une solution d’avenir pour le remplacement de certaines pièces ? Comment évaluez-vous cette expérience ?

M. Thomas Gassilloud. La 3D est d’une importance capitale, et l’opération Résilience en a fourni des exemples sur le territoire national.

Depuis plus d’une dizaine d’années, la disponibilité technique opérationnelle (DTO) avait cumulé d’importants retards. Une réponse structurelle a été apportée, il y a deux ans, par la création de la DMAé. Des indicateurs en ont-ils mesuré l’apport ? Eu égard à la réponse budgétaire de la LPM, la crise offre une possibilité d’accélération, au moment où le secteur aéronautique fait face à des difficultés. Airbus annonce 15 000 suppressions d’emplois. Des efforts sont prévus en la matière, mais les armées ont des besoins opérationnels. Comment les efforts en matière de MCO aéronautique seront-ils répartis entre les armées ? Je pense notamment à l’ALAT de l’armée de terre.

Environ 20 % des pilotes de chasse et 40 % des pilotes d’aviation tactique ne peuvent s’entraîner sur tout le spectre de leur mission à cause de problèmes de DTO, les efforts étant orientés vers les OPEX. La réorganisation de la maintenance prend-elle en compte la préparation opérationnelle ?

M. André Chassaigne. La SIAé, régie par le code du commerce, doit, dans sa réponse aux appels d’offres, prendre des engagements stricts entraînant parfois des difficultés d’application. Par exemple, pour les quatorze C-130 dont la maintenance est assurée à Clermont-Ferrand et à Orléans, il est difficile de tenir le taux de disponibilité de 75 %. Quand quatre appareils sont dans les ateliers, la disponibilité n’est que de 71 %. Il y a des retards d’approvisionnement en pièces, qui ne sont pas imputables au SIAé, et il y a parfois des découvertes sur des appareils de médiocre qualité, fabriqués au Portugal. Autre exemple, le contrat de soutien à l’hélicoptère NH90 par les ateliers de Cuers et de Lanvéoc a été signé tardivement. Des salariés étant prêts à partir à la retraite, se pose un problème de continuité du savoir-faire.

Si on ajoute les 40 millions d’euros de déficit lié à la covid, on peut se demander si engagements en matière de bâtiments industriels seront tenus. Un rapport du ministère relatif aux infrastructures invitait à la prise en compte du besoin d’infrastructures dans le volet logistique des nouveaux contrats verticaux de MCO. En outre, 315 recrutements étaient prévus au SIAé pour 2020, dont 107 ouvriers d’État indispensables pour répondre aux contrats. J’ajouterai qu’au moment où l’aéronautique privée rencontre des difficultés, par ces embauches et par d’autres, le SIAé peut servir d’amortisseur social.

Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Legrand-Larroche. Concernant les stocks de pièces, il faut voir de quelle situation nous partions. Ils étaient parfois insuffisants. Faute de renouvellement pendant plusieurs années, nos aéronefs étaient souvent immobilisés par manque de pièces. Nous transférons la gestion des stocks à des industriels privés avec lesquels nous signons des contrats, mais nous ne leur en transférons pas la propriété. Nous avons un droit de regard sur les stocks, qui restent propriété de l’État. Il leur revient de les gérer, c’est-à-dire de les entretenir, de mieux anticiper leur diminution et leur passage sous un seuil critique et de les régénérer. Lorsqu’on commande des pièces de rechange, le délai de production est de douze à vingt-quatre mois. L’industriel doit gérer les stocks mieux que nous jusqu’à présent et être mieux capable que nous d’anticiper, gérer les pièces, les réparer, en racheter.

Nos mécaniciens des armées doivent garder la compétence d’intervention sur les aéronefs, en particulier en opération extérieure, où ce sont toujours eux qui interviennent. Ce que nous faisons en métropole est destiné à soulager les mécaniciens. L’externalisation du soutien des Fennec de l’ALAT répondait à une demande de l’armée de Terre qui, par manque de mécaniciens pour réaliser les opérations de maintenance, se retrouvait avec des appareils indisponibles. L’externalisation du soutien des appareils écoles dont l’activité est reproductible et aisément prévisible a permis à l’armée de Terre de réaffecter des mécaniciens au soutien d’hélicoptères Puma et de réduire leur indisponibilité pour manque de ressources humaines.

Concernant notre tissu industriel, nous sommes attentifs à l’état des maîtres d’œuvre mais également à celui de leur chaîne de fournisseurs. En aéronautique, le client « défense » est souvent petit, comparé au reste de l’industrie. Les difficultés rencontrées par l’industrie aéronautique civile sont alarmantes pour certains de nos fournisseurs de rang 2 ou 3, qui risquent de perdre une grosse part de leur clientèle. Nous volons beaucoup moins que l’aéronautique civile et nous ne représentons pas la majorité de leurs commandes. En liaison étroite avec la DGA, qui a mis en place une mission d’examen, nous faisons remonter des cas d’industriels présentant des fragilités. Dans tous mes contacts réguliers avec les maîtres d’œuvre, je leur demande comment ils estiment leur chaîne de sous-traitance, quelles en sont les fragilités, afin de ne pas perdre de fournisseurs importants. C’est un souci constant depuis le début de la crise. Nous poursuivrons cette action puisque, malheureusement, la crise de l’aéronautique civile risque de durer.

Nos aéronefs doivent répondre aux conditions des opérations extérieures et être capables de répondre à la menace. Les plus vieux sont fragiles et moins bien adaptés. Du point de vue du MCO, moins on a de flottes différentes, moins l’entretien est coûteux et plus il est facile. On peut disposer de stocks plus importants de pièces de rechange et on n’a pas besoin de former les mécaniciens sur beaucoup de flottes. Le projet hélicoptère interarmées léger (HIL) lancé récemment, qui vise à remplacer plusieurs flottes d’hélicoptères, aura des effets très positifs en termes de MCO. Du point de vue capacitaire, je comprends le besoin de flottes différentes, mais égoïstement, du point de vue de MCO, moins il y a de flottes et plus le soutien est facile.

Quant aux accidents qui ont endeuillé nos armées à la fin de l’année dernière et au début de cette année, je ne suis pas en charge des enquêtes. Nous avons immédiatement examiné avec les forces si un élément des matériels ou le MCO était en cause. Ce n’était pas le cas. Les flottes n’ont d’ailleurs pas été arrêtées. Si quelque chose apparaissait dans les enquêtes, nous serions informés mais, à ce stade, rien n’a été mis en évidence.

En aéronautique, on ne peut pas utiliser du matériel dont la fabrication n’a pas été certifiée conforme aux normes de sécurité aérienne et dont on ne s’est pas assuré de la tenue dans la durée. L’impression 3D peut être une solution pour des pièces qui ne contribuent pas à la sécurité aérienne ou dont on peut s’assurer qu’elles répondent aux conditions imposées, comme nous l’avons fait pour le Rafale. Une expérimentation est en cours pour définir le cadre d’utilisation de l’impression 3D, mais nous ne pourrions pas, aujourd’hui, valider la fabrication de toutes les pièces. Nous allons l’orienter vers des pièces non structurales, qui ne concourent pas à la sécurité des vols ou des pièces dont on peut rapidement dédouaner l’application.

La réforme a été notamment mise en place pour pallier le manque d’entraînement de nos pilotes. Le soutien de nos appareils assurait à nos forces la disponibilité nécessaire en opération au détriment de l’activité en métropole. Nous savions que la mise en place des actions demanderait quelque temps. La remise à niveau du stock de pièces de rechange nécessitant douze à vingt-quatre mois, il fallait des actions plus rapides pour garantir des formations plus rapides. L’externalisation a été retenue pour les Fennec et pour cinq Cougar afin de libérer immédiatement des heures de vol pour la formation et l’entraînement en attendant que nos autres actions produisent leur effet et améliorent significativement la disponibilité. Auparavant, l’armée de terre devait suspendre des stages de formation sur les Fennec, donc ne pas qualifier ses pilotes aux vols en condition IFR (Instrument Meteorological Conditions) faute de disponibilité d’aéronefs. Le général commandant de l’école au Luc me disait récemment qu’il ne rencontrait plus ce problème et que les causes de non-vol se limitaient aux conditions météo, ce qui est très satisfaisant à entendre pour les équipes qui ont consenti d’énormes efforts.

Le SIAé est un élément capital de notre MCO. J’ai participé à la mise en place du rapatriement du soutien du C-130 au SIAé, qui était auparavant effectué par la société OGMA, au Portugal. Le SIAé est une clé de voûte. Nous venons de signer avec lui un contrat de dix ans pour le soutien des hélicoptères Dauphin et Panther de la marine. Il n’y a aucune raison d’inquiétude ni pour qu’il revoie ses investissements ou son plan d’embauche.

M. Fabien Gouttefarde. Comme la présidente le rappelait, la maintenance aéronautique a connu une petite révolution, notamment sur la base aérienne d’Évreux. La ministre avait souhaité sa prise en compte systématique lors de la conception de l’équipement neuf. La verticalisation des contrats de MCO vise à responsabiliser les industriels et à n’avoir qu’un chef de file pour gérer la relation contractuelle avec les autres prestataires du MCO, ce qui doit entraîner pour lui un surcroît de responsabilité, laquelle incombait précédemment au ministère. Comment la DMAé pilote-t-elle les coûts associés aux opérations de MCO et s’assure-t-elle de leur maîtrise ? Comment s’assurer que les TPE-PME ne sont pas lésées dans ce processus ? Un effort de partage de la marge économique est-il réalisé sur toute la chaîne de sous-traitance ?

M. Christophe Lejeune. Le MCO est une ligne de crête militaire. Vous devez optimiser la disponibilité opérationnelle des aéronefs et respecter les lignes budgétaires. Ces deux points ayant été largement évoqués ce matin, ma question portera sur le niveau de formation et le recrutement des personnels civils et militaires œuvrant au MCO. Comment gérer monde civil et nécessités spécifiques à un théâtre de guerre ? Quelle est la limite à l’externalisation du MCO pour nos armées ?

M. Christophe Blanchet. Vous avez dit qu’il faut douze à vingt-quatre mois pour obtenir des pièces. Quel est notre niveau de dépendance vis-à-vis de pays étrangers, alliés ou non, pour l’entretien des matériels achetés à l’étranger ?

Mme Séverine Gipson. Députée de la première circonscription de l’Eure où se trouve la base aérienne 105 d’Évreux, je suis avec intérêt le projet ambitieux de mise en commun de dix aéronefs C-130J et j’apporte mon plein soutien à la mise en œuvre de cette unité binationale qui mobilisera 260 militaires français et allemands. La France et l’Allemagne s’engagent ainsi mutuellement à un niveau inédit, parachevant une coopération historique dans un modèle de transport tactique aérien né dans les années 1960 autour du C-160 Transall et conforté dans le cadre du développement de l’A400M. Projet phare de la coopération franco-allemande, l’implantation d’une unité binationale sur la base aérienne d’Évreux participe à la construction de l’Europe de la défense et au renforcement de l’initiative européenne d’intervention engagé à l’initiative du Président de la République. Un article pointait récemment les difficultés persistantes du MCO sur ces appareils. Comment entendez-vous l’adapter à ce nouveau type d’unité franco-allemande utilisant des avions américains ?

Mme Nathalie Serre. Madame la directrice, vous avez parlé des drones facilitateurs des opérateurs. Qu’en est-il des drones opérationnels dont la Cour des comptes juge dans son rapport annuel de 2020 le parc vieillissant ? Quel est leur taux d’indisponibilité pour maintenance ? Les drones que nous achetons à l’étranger, notamment aux États-Unis, sont-ils examinés par nos services de maintenance avant d’être utilisés par notre armée, ne serait-ce que pour s’assurer de l’absence de mouchards ? Leur maintenance est-elle effectuée par nous ou par les vendeurs ?

Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche. La verticalisation doit s’opérer à coûts maîtrisés. Dans le passé, à chaque renouvellement de contrat, on constatait une augmentation de coût supérieure à 20 %. En verticalisant, nous donnons à l’industriel une visibilité à long terme – dix ans -, et nous lui attribuons le pilotage des stocks. Le coût d’un marché résulte de la manière dont il voit et provisionne le risque. Lui donner la capacité de diminuer les risques et de s’organiser dans la durée doit permettre d’amortir le surcoût résultant de la gestion de la chaîne des sous-traitants. Avant de signer un contrat de verticalisation, nous nous assurons qu’il n’augmenterait pas le coût à l’heure de vol des aéronefs. Le coût de l’heure de vol ne varie pas, mais si le nombre d’heures de vol augmente, ce qui est notre objectif, cela peut coûter plus cher, dans le respect de la LPM. L’objectif est de maîtriser le coût de l’heure de vol et d’empêcher l’augmentation importante des coûts constatée ces dernières années.

Nous sommes très attentifs à ce que nos industriels maîtres d’œuvre traitent correctement les TPE et les PME. Nous appliquons le pacte PME, ce qui nous permet de demander aux industriels de fournir les sous-contrats qu’ils passent avec les PME. Je rencontre régulièrement des représentants de PME, voire des responsables de PME particulières, pour m’assurer que les choses se passent correctement.

S’agissant de la limite de l’externalisation, je le répète, nos maintenanciers en OPEX sont des personnels des forces et non de l’industrie privée. Il s’agit, pour nos maintenanciers des forces d’avoir la formation nécessaire pour intervenir efficacement en opération extérieure. En revanche, le soutien industriel en métropole peut être assuré soit par l’industrie publique, au travers du SIAé, soit par l’industrie privée.

Concernant la souveraineté, quand nous achetons des aéronefs aux États-Unis, nous dépendons de ce pays pour l’approvisionnement des pièces de rechange. En revanche, pour les équipements achetés en coopération, le soutien est assuré par les entreprises européennes ayant réalisé l’équipement. Nous n’avons pas rencontré de difficultés pendant la crise covid, en particulier, pour l’A400M. Lors du confinement complet en Espagne, des entreprises pouvaient déroger. Nous avons tout de suite demandé que les programmes en coopération bénéficient de cette dérogation, ce qui a été accepté par l’Espagne. Airbus a pu continuer à travailler sur nos matériels alors même que le reste de l’activité s’était arrêté.

Les difficultés de MCO concernent les anciennes versions C-130H, aéronefs très vieillissants. Le soutien des C-130J qui viennent d’arriver et pour lesquels nous n’avons pas de souci particulier est encore assuré dans le cadre du contrat FMS (Foreign Military Sales) conclu avec les Américains. À partir de septembre, deux officiers allemands rejoindront la DMAé afin que nous travaillions ensemble sur le soutien de ces appareils à l’issue des contrats d’acquisition FMS passés par la France et l’Allemagne avec les États-Unis.

Notre parc de drones est hétéroclite. Il est composé de drones vieillissants, comme le système de drone tactique intérimaire (SDTI) de l’armée de terre, dont nous attendons impatiemment le successeur, le Patroller, et de beaucoup de petits drones, que nous achetons pour nos forces ou pour nos forces spéciales, dont nous assurons le soutien et pour lesquels nous n’avons pas de souci particulier de disponibilité. Enfin, le Reaper, drone américain qui joue un grand rôle pour nos forces, ne souffre pas de difficulté de disponibilité.

M. Joachim Son-Forget. Vous le faites remarquer, le parc de drones est hétéroclite, certains ressemblent à de gros avions et d’autres à des gadgets, comme les quadcopters, dont des modèles de la grande distribution ont été détournés par les forces. Cela fait-il partie des expertises que vous avez besoin de développer, expertises fondamentalement différentes de votre cœur de métier ?

M. Pierre Venteau. En 2017, le ministère des armées a choisi de simplifier la chaîne de responsabilité et d’amoindrir les coûts du maintien en condition opérationnelle. Désormais, un chef de file unique, contractuel civil de la base industrielle et technologique de défense (BITD), agit par appareil. Vous avez évoqué la situation espagnole pour les A400M d’Airbus durant la crise du covid-19, mais globalement, le secteur civil s’est montré plus sensible aux arrêts d’activité. Le recours à un acteur civil plutôt qu’à un acteur intégré à nos services des armées a-t-il révélé, durant la crise sanitaire, une forme de fragilité ?

M. Philippe Folliot. En dépit du caractère hétéroclite des aéronefs des alliés au sein de l’OTAN, existe-t-il une vision d’ensemble en matière d’interopérabilité de la maintenance, eu égard aux OPEX ou aux opérations menées par l’Alliance ? Je pense notamment aux avions de combat du futur.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Comment la DMAé établit-elle le partage entre la MCO étatique effectuée par la SIAé et celle réalisée par les industriels ?

Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche. La DMAé assure déjà la gestion logistique des biens de tous les matériels aéronautiques, jusqu’aux micro-drones. Se pose ensuite la question de la valeur du drone. Est-il jetable ? En ce cas, nous n’en assurons pas la maintenance. Peut-on fournir de petites pièces de rechange ou peut-on aller encore plus loin ?

Je n’ai pas eu l’impression que le secteur civil avait été sensible à la crise du covid-19. Nos industriels ont bien réagi. Ils se sont arrêtés quatre ou cinq jours, pour s’organiser et permettre à leurs personnels de revenir dans des conditions sanitaires correctes, éventuellement en les faisant travailler en alternance par demi-équipes et en effectuant des désinfections intermédiaires. Les personnels dit « cols blancs » étaient présents en télétravail. S’il y a une activité qu’ils ont maintenue pendant cette crise, c’était bien le MCO de nos forces. En contact régulier avec eux, non seulement ils me le disaient mais, quand je faisais part d’une difficulté, ils y répondaient. Ils me disaient même que c’était pour leurs équipes un élément de motivation pour venir travailler malgré la crise. Bien sûr, la productivité n’est pas maximale, car les règles de distanciation sociale ne sont pas de nature à faciliter l’entretien d’un avion, mais que l’on soit industriel ou opérationnel, la contrainte est la même, et cela ne remet pas en cause le modèle actuel.

Concernant l’interopérabilité de la maintenance, nous pouvons travailler avec nos camarades étrangers lorsque nous achetons des programmes en coopération, sous réserve qu’ils acceptent d’entrer dans cette démarche. Pour l’A400M, nous avons mis en place un stock de pièces commun entre nations du programme, à l’exception de l’Allemagne, qui ne l’a pas souhaité. Cela permet d’avoir un stock moins important et de le faire circuler. Je souhaite que ce soit le cas de tous les programmes en coopération. Nous ne mettons jamais le SIAé en compétition, ce qui n’aurait pas de sens. La première question que nous nous posons est de savoir si le SIAé est pertinent pour assurer le soutien d’une flotte. Si la réponse est oui, nous le lui attribuons, si la réponse est non, nous nous tournons vers un industriel civil. C’est pourquoi le soutien du Dauphin, du Panther et du C-130, une partie du soutien de l’A400M, les visites de l’A400M sont assurés par le SIAé. Les visites du Puma, de la Gazelle, la majorité des visites des Tigre ou des NH-90 sont assurées par le SIAé. Les modernisations du Rafale, le soutien du Mirage 2000 et de l’Atlantique 2 sont assurés par le SIAé. En revanche, nous ne lui confions pas le soutien d’aéronefs très civils et dépourvus de spécificités militaires, comme les A310 ou les A340.

Mme la présidente Françoise Dumas. Madame la directrice, les informations précises que vous nous avez fournies sont rassurantes quant à l’évolution de la disponibilité de nos matériels. Nous nous inscrivons tout de même dans la perspective d’une crise alarmante pour les entreprises et les industries duales, confirmée par de récentes nouvelles. Dans le cadre de nos travaux, nous avons déjà parlé de cette double crise, une crise de l’offre pour les activités militaires, puisque l’outil industriel doit produire assez pour honorer les commandes et continuer à assurer le MCO, et une crise de la demande pour les activités civiles des entreprises duales, aggravée par le contexte international. Que certains pays freinent nos importations et que de grandes puissances profitent de la situation pour proposer un renforcement de leurs industries peuvent mettre à mal les nôtres, avec les conséquences qui peuvent en résulter pour la chaîne d’approvisionnement.

À vos côtés, nous serons vigilants pour suivre l’évolution des activités industrielles, la capacité à fournir du matériel à nos forces militaires et le maintien en condition opérationnelle, afin que vous puissiez continuer à travailler dans de bonnes conditions. Votre travail ininterrompu durant cette période, comme celui des services de la DGA ont largement contribué à atténuer les effets de la crise et à maintenir un bon niveau d’activité et de protection des forces armées par des matériels adaptés.

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La séance est levée à dix heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Marie Fiévet, M. Philippe Folliot, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Benjamin Griveaux, M. Fabien Lainé, M. Jean Lassalle, M. Christophe Lejeune, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Florence Morlighem, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, Mme Nathalie Serre, M. Joachim Son-Forget, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

 

Excusés. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Jacques Marilossian, Mme Natalia Pouzyreff, M. Bernard Reynès, M. Gwendal Rouillard, Mme Laurence Trastour-Isnart