Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

         Audition, ouverte à la presse, de M. Jean Jouzel, climatologue, directeur de recherche émérite au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), président d’honneur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).                             2

         Informations relatives à la Commission.................. 22

 

 

 


Mercredi  
5 février 2020

Séance de 09 heures 30

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Audition, ouverte à la presse, de M. Jean Jouzel, climatologue, directeur de recherche émérite au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), président d’honneur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

La séance est ouverte à 9 heures 40.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous avons le grand honneur de recevoir aujourd’hui pour une audition ouverte à la presse Jean Jouzel, glaciologue et climatologue mondialement reconnu. Vous avez reçu de très nombreux prix scientifiques, dont la médaille d’or du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 2002, ainsi que le Prix Nobel de la paix en 2007 avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Vous avez du reste été vice-président de son groupe scientifique de 2002 à 2015. Vous êtes également membre de la délégation française à la conférence mondiale sur le climat, et directeur de recherche émérite au CEA. Je vous remercie de votre présence.

Les questions du climat et de la biodiversité sont vraiment au cœur des travaux de notre commission des affaires étrangères et de ses nombreuses missions d’information. Nous avons du reste eu l’occasion hier de nous rencontrer à un colloque portant sur la biodiversité. La commission des affaires étrangères a notamment mené des missions d’information sur le climat, désormais presque permanentes, mais également sur les forêts, sur les pôles, sur les mers et les océans, sur les espèces menacées, ainsi que sur les conflits générés par le réchauffement climatique et les très nombreuses dégradations de l’environnement. De plus, nous en mènerons une très prochainement sur la question stratégique des matières premières.

Au fil du temps, et c’est heureux, la diplomatie environnementale est devenue un élément clé de notre diplomatie internationale, en raison du nombre important d’événements majeurs. Les travaux du GIEC ont évidemment contribué à la prise de conscience mondiale de l’importance de la question climatique. Dès 1987, vous aviez publié une série d’articles dans la revue Nature, qui a marqué un véritable tournant, en démontrant le rôle du dioxyde de carbone (CO2) dans le réchauffement climatique à partir de l’étude de carottes glaciaires.

Le cinquième rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2014, a constitué un formidable outil de sensibilisation et de prise de conscience. Il a alimenté les travaux de la vingt-et-unième conférence des parties (COP), ayant débouché en 2015 à Paris sur l’adoption de l’accord international sur le climat.

Dans cette commission des affaires étrangères, nous savons tous que le dérèglement climatique favorise les crises, les conflits, et les migrations forcées. Il est considéré par la communauté scientifique comme un multiplicateur et un accélérateur de menaces. Il s’agit évidemment d’un risque supplémentaire majeur pour l’équilibre, la stabilité et le développement du monde.

Face à cette situation alarmante, qui met en péril l’équilibre de long terme de notre planète, vous plaidez pour un « optimisme raisonné ». Après la COP climat de Madrid, qui a été perçue comme un échec, vous nous direz ce que vous attendez de la prochaine, qui se tiendra à Glasgow.

Vous nous direz également s’il existe d’autres moyens d’agir, en dehors de ces grandes conventions. Je pense bien sûr aux actions locales, au rôle des entreprises, des associations, mais également aux coopérations entre États volontaires, qu’il faudrait à mon sens favoriser sur des objectifs très concrets.

Enfin, je pense plus que jamais nécessaire de faire fonctionner ensemble les différents accords internationaux, et d’enfin assurer entre eux une véritable cohérence. Il s’agit d’un débat important pour notre commission. Je pense évidemment aux accords qui portent sur le climat et la biodiversité. Ces deux questions doivent en effet être mises désormais sur un même mode de traitement. Nous l’avons du reste dit hier lors du colloque. Je pense aussi à tous les accords qui concernent le commerce international, l’agriculture, l’alimentation, ou encore la santé. Tous devraient s’inscrire dans une cohérence globale, constituer un socle homogène, et ne pas être traités séparément, ce qui est trop souvent le cas.

M. Jean Jouzel, climatologue, professeur émérite au CEA, président d’honneur de l’IDDRI. Je vous remercie de votre invitation. Il faut tout d’abord rappeler la réalité du réchauffement climatique. 2019 a été la deuxième année la plus chaude que nous ayons connue depuis cent cinquante ans. Les cinq dernières années sont parmi les plus chaudes que nous ayons connues sur cette période. Le réchauffement est bien là, partout à la surface de la planète.

Ce n’est pas une surprise, car au niveau mondial, nous avons collectivement modifié depuis deux cents ans la composition de l’atmosphère, en particulier le taux de dioxyde de carbone, mais également de méthane, de protoxyde d’azote, ainsi que de toute une série de composés. Ces gaz ont la propriété de piéger une partie du rayonnement solaire une fois qu’il a été réfléchi à la surface de la planète.

Ces gaz à effet de serre sont bienvenus. Le premier d’entre eux est la vapeur d’eau. Sans eux, nous ne serions pas là, et la température sur Terre serait de – 20 degrés Celsius. Ce n’est donc pas l’effet de serre en lui-même qui est inquiétant, mais son augmentation. Nous ne modifions pas directement la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, mais l’augmentation des taux de dioxyde de carbone et des autres gaz à effet de serre est liée à l’activité humaine depuis deux cents ans.

En matière d’émissions, les chiffres officiels de 2019 ne devraient pas être très différents de ceux de 2018, malgré une légère augmentation. 37 milliards de tonnes de dioxyde de carbone ont été émises au niveau mondial, notamment en raison de la consommation des combustibles fossiles et de la fabrication du ciment. Cette dernière génère de 1 à 2 milliards de tonnes. L’essentiel provient cependant de la combustion du gaz, du pétrole, ou du charbon. 5 à 6 milliards de tonnes sont le fruit de la déforestation, l’année dernière risquant d’être marquée par les feux en Sibérie, en Amazonie et en Australie. Cela représente en tout environ 44 milliards de tonnes de dioxyde de carbone par an.

Pour tenir compte des autres gaz à effet de serre, on parle d’équivalents CO2, en tenant compte de leurs propriétés différentes. Ils représentent environ 10 milliards de tonnes, dont une partie non négligeable est liée à l’agriculture et à l’alimentation. Elles émettent notamment du méthane et du protoxyde d’azote, bien qu’il ne s’agisse pas des seules sources.

Je ne suis donc pas surpris par la situation actuelle. Les quantités de dioxyde de carbone ont augmenté de 40 % et celles de méthane ont plus que doublé. Nous avons ainsi augmenté la quantité de chaleur disponible pour chauffer l’ensemble du système climatique. Nous avons délibérément augmenté le chauffage, d’à peu près 1 %. Nous ne pouvons donc pas être surpris que la température augmente.

L’essentiel de cette chaleur, de l’ordre de 93 %, va dans l’océan. Seul 1 % se retrouve dans l’atmosphère. Il est évidemment important de regarder ce qui se passe là où nous vivons, mais nous devons également être attentifs à l’océan. L’élévation du niveau de la mer témoigne sans appel de la réalité du réchauffement climatique. Elle est de trois millimètres chaque année. Un millimètre est lié à la dilatation de l’océan. En effet, l’océan se réchauffe, un peu moins vite que les continents, et donc se dilate. Les deux millimètres supplémentaires sont pour l’essentiel dus à la fonte des glaces, qu’il s’agisse des glaciers continentaux ou, depuis les années 1990, de ceux du Groenland et de l’Antarctique, chacun pour un tiers.

Cette élévation du niveau de la mer, qui est un problème, y compris au niveau mondial, constitue un double témoignage du réchauffement climatique, à travers le réchauffement de l’océan et la fonte des glaces. Le climat que nous vivons aujourd’hui est vraiment celui que nous avions envisagé dans les premiers rapports du GIEC. Il l’est au niveau du rythme de son réchauffement, de l’ordre de 0,2° par décennie. Celui-ci ne peut être observé année après année, mais l’est très clairement à l’échelle de la décennie. Si chaque année n’est pas nécessairement plus chaude que la précédente, chaque décennie l’est.

Le climat actuel confirme également les prévisions des premiers rapports du GIEC quant à l’intensification de certains événements extrêmes dans différentes régions. Cette intensification n’est pas systématique ni uniforme. Ces événements extrêmes, tels que la chaleur en Australie, qui est une des composantes de la propagation des incendies, étaient envisagés il y a vingt ans, tout comme les événements intenses de précipitation ou de sécheresse dans d’autres régions. Les modélisateurs du GIEC l’avaient envisagé il y a vingt ans, ce qui devrait nous amener à prendre au sérieux ce qu’ils envisagent pour les trente ans à venir et au-delà.

Ce que nous envisageons dépend évidemment largement de ce que nous allons faire. Madame la présidente, je crois que vous avez souvent auditionné des climatologues. Les conséquences, si l’on ne fait rien, entraîneront une augmentation de la température de 4° ou 5°. Je ne détaillerai pas l’ensemble de ces conséquences, pour me concentrer sur l’aspect international, mais ne rien faire n’est pas ce qu’il faut faire.

J’ai toujours défendu la classe politique, au sens large et noble du terme, car je pense que la communauté scientifique a bénéficié de son écoute dès l’origine. Le GIEC est créé en 1988, et son premier rapport date de 1990. Dans notre domaine, comme dans celui de la biodiversité, il existe cette dualité entre la classe politique et la communauté scientifique. Celle-ci ne comprend pas que les climatologues, mais également les scientifiques qui regardent les solutions à mettre en œuvre, et les adaptations nécessaires. La composition du GIEC est très large, et c’est sa force. Il aborde l’ensemble des aspects du réchauffement climatique, non seulement ses causes et ses conséquences, mais également les solutions à mettre en œuvre. Il n’émet que des diagnostics, et non des recommandations aux politiques.

Il est vrai que son premier rapport de 1990 a entraîné la première convention climat de 1992 au sommet de la Terre de Rio. Il faut également citer la convention biodiversité ainsi que celle sur la désertification. Ces conventions se mettent en place à un rythme différent, mais selon un même mécanisme. D’un côté, la communauté scientifique émet un diagnostic, et non des recommandations. De l’autre, le monde politique se retrouve. Dans le cadre de la convention climat, on parle des COP, dont la première s’est tenue à Berlin en 1995. La biodiversité connaît un retard de onze COP, puisqu’elle connaîtra cette année sa quinzième édition en Chine, alors que la COP pour le climat de Glasgow sera la vingt-sixième.

D’une certaine façon, le monde politique international au sens large a connu une prise de conscience rapide. L’objectif de la convention climat, de bon sens, est de prendre des mesures pour que l’effet de serre arrête d’augmenter. Dans sa forme originelle, la première convention climat de 1992 ne prévoyait pas d’objectifs chiffrés, et se contentait d’affirmer un objectif de stabilisation. Or, la stabilisation de l’effet de serre exige de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. En 1990, nous émettions en effet environ 20 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. La végétation en absorbe une partie, et l’océan un peu plus de la moitié. 45 % de ces émissions restent cependant dans l’atmosphère. Le méthane a une durée de vie relativement courte, mais ses concentrations augmentent également. La limitation de l’effet de serre exige ainsi de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que l’océan et la biosphère continentale ne sont capables d’en absorber. Le dioxyde de carbone peut l’être, mais non les autres gaz.

Ces objectifs sont de bon sens. Celui-ci prévaut, puisque le protocole de Kyoto invitait les pays développés à réduire leurs émissions d’environ 5 % par rapport à 1990 sur la période 2008-2012. Il s’agissait d’un objectif bien dimensionné. Comment dès lors expliquer l’échec du protocole de Kyoto ? Les émissions n’ont en effet pas cessé d’augmenter.

Deux éléments peuvent l’expliquer, à commencer par sa non-ratification par les États-Unis, suite à la victoire de George W. Bush sur Al Gore lors de l’élection présidentielle américaine de 2000. Les États-Unis avaient en effet signé le protocole, mais George W. Bush a refusé de le ratifier. Le contexte était donc un peu différent de celui d’aujourd’hui, marqué par la politique de Donald Trump. George W. Bush a néanmoins fait perdre une dizaine d’années à la lutte contre le réchauffement climatique. Les États-Unis, qui auraient dû prendre le leadership de la lutte contre le réchauffement climatique, ne l’ont pas fait sous sa présidence.

Le second élément est l’émergence de la Chine. Personne n’aurait imaginé qu’elle connaîtrait une augmentation de ses émissions d’un facteur 2,5 entre 2000 et 2010. Les émissions chinoises ont dépassé celles des États-Unis en 2005, et sont aujourd’hui deux fois plus importantes que les leurs.

La COP 15 de Copenhague de 2009 a été un échec, notamment en raison de la crise économique, alors même qu’elle portait l’espoir de l’entrée dans la deuxième phase du protocole de Kyoto pour 2013-2020. L’accord qui en est issu est très peu ambitieux, puisque les seuls pays à s’être engagés dans cette deuxième phase sont les pays européens. L’Union européenne a en effet adopté en 2008 le paquet climat-énergie, et son objectif « 20-20-20 ». Il sera vraisemblablement respecté. Nicolas Sarkozy avait du reste joué un rôle pour sa mise en place lors de la présidence française de l’Union européenne. Malheureusement, seuls l’Europe et quelques autres pays se sont fixé des objectifs chiffrés. Ils ne représentent cependant qu’un peu plus de 10 % des émissions. La seconde phase du protocole de Kyoto est donc marquée par l’échec de la conférence de Copenhague, puisque très peu de pays ont consenti à faire des efforts en dehors de l’Europe.

La convention climat comprend alors que ces conférences n’ont été que peu efficaces et se fixe la feuille de route de Durban dans l’idée de changer son fusil d’épaule. Il ne s’agit plus de fixer des objectifs aux différents pays, mais de leur demander ce qu’ils peuvent et veulent faire. Cette stratégie est celle de l’accord de Paris, véritable succès, dont la grande force est l’universalité. Presque tous les pays l’ont ratifié. Le seul parmi les grands pays à ne pas l’avoir fait est la Turquie, qui ne sait toujours pas si elle est un pays riche ou un pays pauvre. Peut-être est-ce une vision simpliste, mais c’est l’impression que j’en ai, vu de l’extérieur.

On peut considérer que cette universalité est une bonne démarche. Cet accord a néanmoins un double défaut. Son universalité a perdu de sa force depuis quatre ou cinq ans. Les États-Unis vont s’en retirer à la fin de l’année. C’est acté. Pratiquement tous les pays ont ratifié cet accord, mais l’exemple américain produit un effet d’entraînement, avec les retraits quasi officieux du Brésil, de l’Australie, de la Russie, ou de certains pays pétroliers. Tous ces pays traînent des pieds, et l’accord a perdu de cette force que constituait son universalité. En effet, lorsque vous demandez à des gens ce qu’ils peuvent faire vis-à-vis d’un problème, et qu’en face vous avez des objectifs, il n’existe aucune raison que les engagements soient à la hauteur de ceux-ci. C’est ce qu’il se passe dans le cadre de l’accord de Paris.

Un autre élément fondamental a changé entre les trois grands accords de Kyoto, de Copenhague et de Paris. Il a commencé à être discuté à Copenhague. Il s’agit du passage de l’objectif qualitatif de la conférence originelle à un objectif chiffré. Celui-ci consiste à prendre des mesures pour que le réchauffement climatique n’excède pas 2°, et si possible 1,5° par rapport à l’époque préindustrielle, sachant que le monde a déjà connu un réchauffement de 1° depuis cette période. L’objectif de 2° est donc un objectif de 1° par rapport à aujourd’hui.

Nous sommes aujourd’hui dans le sixième cycle du rapport du GIEC. La conférence de Paris s’est complètement appuyée sur son cinquième rapport, et je pense que nous pouvons saluer les politiques pour cela. J’ai eu la chance d’être à la fois impliqué dans le GIEC et membre de la délégation française aux différentes conférences climats. Je dois en être à ma vingtième depuis 2001. Je les ai toutes faites et les ai donc vécues de l’intérieur. On peut donc penser que les politiques écoutent les scientifiques.

Par la suite, nous sommes allés encore plus loin que l’accord de Paris. Trois rapports du GIEC ont été réalisés depuis. Un gros rapport sortira en 2021-2022. Du côté français, ma collègue Valérie Masson-Delmotte a été très impliquée. De plus, des rapports spéciaux, en particulier le rapport 1.5, confirment l’importance d’une variation de 0,5°. Nous avons tout intérêt à rester proches d’un objectif de 1,5° plutôt que de 2°. Certains rapports sur la cryosphère et l’océan, ainsi que sur la gestion durable des terres sont également très intéressants.

Où en sommes-nous par rapport à ces engagements ? Il faut regarder les chiffres. Le rapport 1.5, et cela a été pris en compte par les accords internationaux, indique que l’objectif de 1,5° exigerait une division par deux de nos émissions d’ici 2030 et une neutralité carbone en 2050. Je tiens à le dire, il existe une écoute au niveau français. J’adhère complètement à la loi sur la transition énergétique. La difficulté ne réside cependant pas dans la loi ou dans la compréhension entre le monde scientifique et politique. Les objectifs de cette loi sont ambitieux. La neutralité carbone est affichée dans la loi. Je vous remercie de l’avoir votée. Ce n’est pas là que le bât blesse, mais dans sa mise en œuvre. Cela est également vrai au niveau international.

Je citerai quelques chiffres importants. En repartant du chiffre de 54 milliards de tonnes d’équivalents CO2 émises pour l’année 2019, si nous ne faisons rien pour lutter contre le réchauffement climatique, en 2030, nous en émettrons entre 65 et 70 milliards de tonnes. Cela nous entraînerait vers un réchauffement de 4° à 5°. Si les pays respectent leurs engagements pris dans l’accord de Paris, nous serons à 55 milliards de tonnes. Nous pouvons donc espérer stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre entre 2020 et 2030. Nous serons alors sur une trajectoire d’au moins 3° supplémentaires dans la seconde moitié du siècle. Ce serait égoïste vis-à-vis des jeunes générations. Il leur sera en effet très difficile de s’adapter. Nous leur demandons de pomper une partie du dioxyde de carbone que nous émettons actuellement sans compter dans l’atmosphère. Si nous voulions tenir l’objectif de 2°, il faudrait que nos émissions atteignent 40 milliards de tonnes en 2030, et les diviser par deux pour atteindre 1,5°. La neutralité carbone devrait être atteinte en 2070 ou 2080 pour 2°, et dès 2050 pour 1,5°.

Nous faisons donc face à un vrai mur. Le principe essentiel au niveau international pour y faire face me semble être la solidarité. Nous n’arriverions à une neutralité carbone en 2050 que si tous les pays, tous les secteurs d’activité, et tous les citoyens de cette planète regardent dans la même direction. Il faudrait vraiment que chaque investissement à partir d’aujourd’hui s’inscrive dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’adaptation. Nous participions hier, avec Mme la présidente Marielle de Sarnez, à un colloque sur la biodiversité. Il s’agit d’une question tout aussi importante.

J’étais à Madrid, pour cette COP climat initialement prévue au Chili. Il ne s’y est pas passé grand-chose. Mon propos consiste à dire qu’il faut remonter les ambitions de l’accord de Paris sur 2020-2030, mais cette remontée ne peut être marginale. Tenir l’objectif de 2° exige de multiplier par trois les engagements qui ont été pris, et par cinq pour 1,5°. Or où en sommes-nous ? On constate l’alliance d’un ensemble de pays volontaires pour remonter leurs ambitions dans le cadre de l’accord de Paris. J’en suis très heureux, mais ils ne représentent qu’environ 10 % des émissions. Nous sommes donc encore loin du compte.

La nouvelle Commission européenne s’inscrit dans une logique positive. Les textes votés sont toujours parfaits, puisque la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a réussi, à l’issue de discussions que je pense difficiles avec la Pologne, à fixer comme objectif une réduction des émissions de 50 % à l’horizon 2030 et une neutralité carbone à horizon 2050. L’Europe s’alignerait ainsi sur le rapport 1.5. Une loi climat au niveau européen devrait également être votée en mars 2020.

Le contexte international est donc très important. Le dernier point que je souhaiterais évoquer à propos de cette notion de solidarité est l’absolue nécessité que les pays développés, malgré le retrait des États-Unis, tiennent leurs promesses collectivement. Ils doivent également mettre à disposition des pays en voie de développement 100 milliards d’euros chaque année à partir du 1er janvier 2021, pour les aider à lutter contre le réchauffement climatique et s’y adapter. Nous devons les aider à se développer, car même si nous arrêtions toutes nos activités, si les trente prochaines années sont les Trente Glorieuses des pays en voie de développement, nous irions dans le mur collectivement. La solidarité doit donc jouer. Il faut absolument les aider à lutter contre le réchauffement climatique.

M. François de Rugy. Monsieur Jouzel, je vous remercie pour votre présentation, et pour ce que vous avez dit sur la politique de la France. Je souhaiterais rebondir sur le fait qu’il s’agit d’un enjeu de civilisation que de ne pas imposer aux générations futures, c’est-à-dire également à nous-mêmes, des effets dramatiques que l’on peut déjà commencer à toucher du doigt. Je pense à l’Australie, mais il est également possible d’évoquer la France métropolitaine, avec un certain nombre de phénomènes très concrets, tels que l’extension ou l’intensification des périodes de sécheresse, et donc les problèmes d’accès à l’eau. Nous n’aurions pas pu imaginer ces phénomènes dans notre pays il y a de cela quelques années.

Vous avez également souligné, et il est extrêmement important de le rappeler, car il s’agit d’un vrai choix politique, qu’il s’agit d’un enjeu de politique internationale par excellence. S’il y a bien un domaine où l’on ne peut pas imaginer que la souveraineté nationale de chaque État permette d’obtenir des résultats sans coordination, sans accords et engagements communs, c’est bien celui-ci. Il faut le dire. On ne peut laisser croire aux Français qu’il suffirait que chaque pays mène sa politique dans son coin pour y arriver, car cela n’est évidemment pas le cas. Il est du reste très frappant de voir que les dirigeants du monde qui font profession de foi de souverainisme et de nationalisme sont en général ceux qui contestent l’utilité même d’une politique sur le climat. Cela est particulièrement vrai pour le président des États-Unis, Donald Trump.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille rien faire au niveau national, et qu’il faille attendre que d’autres s’engagent. C’est aussi le choix de la France que d’être volontariste en la matière, et il est important de le rappeler. On ne peut entraîner d’autres pays qu’en agissant soi-même.

Vous avez évoqué les effets délétères du retrait officiel des États-Unis des accords de Paris. Donald Trump l’avait du reste annoncé pendant sa campagne. Souvent on pense, dans notre pays, que ce qui est dit pendant les campagnes électorales n’a pas vocation à être réalisé ensuite. Mais il l’avait dit, et il l’a fait. Il faut donc toujours faire attention à son vote, car il a toujours des conséquences.

Vous avez également évoqué le retrait officieux de certains pays, et cela est plus inquiétant. On avait pu penser qu’aucun autre pays ne s’engouffrerait dans la brèche. Constatez-vous également un retrait en termes d’investissements et de recherche de la part de ces pays, à commencer par les États-Unis ? Par ailleurs, quel levier envisagez-vous pour relancer l’action internationale, et notamment les COP ? La politique de veto commercial, ou à tous le moins d’inclusion systématique de l’application de l’accord de Paris dans les accords commerciaux, ou les mécanismes d’inclusion carbone aux frontières, comme l’envisage l’Union européenne, seraient-ils des leviers efficaces ?

M. Bernard Deflesselles. Je suis heureux de retrouver M. Jean Jouzel. Nous nous sommes côtoyés de nombreuses fois au cours des dix dernières années à travers les COP. J’ai aussi eu le bonheur de l’auditionner pour mes rapports à la commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères, avec mes collègues Nicole Le Peih et Jérôme Lambert.

La situation est assez dramatique, il faut le rappeler. Elle l’est, car chacun comprend que nous ne tiendrons jamais les objectifs de 1,5°, voire de 2° de l’accord de Paris. Tous les rapports du GIEC montrent que nous nous inscrivons bien plus dans des tendances de 3,2° à 3,5°. 3,5°, c’est énorme. On n’a pas l’air de se rendre compte de ce que cela signifie. Je rappelle le fait que la température moyenne mondiale a augmenté de 1° depuis le dernier siècle. 3,5°, c’est un saut dans l’inconnu, extraordinairement difficile à comprendre.

Nous avons connu une vingt-cinquième COP à Madrid, qui a eu très peu d’effets. Nous n’en attendions pas grand-chose. Il faut dire aussi que nous ne sommes pas aidés. Nous avons parlé de Donald Trump, qui est sorti de l’accord de Paris, ou du président du Brésil, Jair Bolsonaro. Je rappelle que la COP 25 devait avoir lieu au Brésil, et qu’il a refusé de l’accueillir, alors qu’il dirige un pays de 200 millions d’habitants qui comprend le poumon vert que nous savons. La conférence a dû être organisée au Chili. En effet, de guerre lasse, il a bien fallu qu’un pays d’Amérique latine le remplace. Les événements du Chili ont fait que Madrid a dû finalement organiser cette COP en trois semaines. Tout le monde se tourne désormais vers Glasgow et la COP 26. C’est là qu’il faudra revisiter nos ambitions.

Ces ambitions sont terribles. Vous l’avez redit, il ne s’agit pas simplement de les rehausser, mais de les rehausser très fortement. Or, aujourd’hui, environ 180 pays ont signé l’accord de Paris et des feuilles de route. C’est la force de cet accord, puisque c’est la première fois qu’on a demandé aux pays des Nations unies d’en établir, et de s’engager, à horizon 2020, 2025, ou 2030. Mais aujourd’hui, ils doivent rehausser leurs ambitions. Quand on dit que nous n’avons qu’un an pour réagir, c’est la réalité. Il faut impérativement qu’à cette COP 26 de Glasgow, qui se tiendra de fin novembre à début décembre 2020, les 180 pays signataires de l’accord de Paris rehaussent leurs ambitions. Or, nous savons aujourd’hui que cela sera très compliqué. D’après mes calculs, 70 pays s’y sont engagés, mais ils ne représentent que 8 % des émissions. L’effort est donc devant nous. Il faut également rappeler que si l’Union européenne, avec la nouvelle présidente de la Commission européenne, est très allante sur le sujet, elle ne représente que 10 % des émissions.

Je souhaiterais terminer sur ce point, pour que nous ayons du recul, ainsi qu’un exemple. Ce qui est intéressant, ce sont les émissions par habitant. Le taux chinois est de 7 tonnes par habitant pour 1,4 milliard de Chinois. Cela représente 28 % des émissions mondiales. Les États-Unis sont à 16 tonnes par habitant, sur une population de 320 millions. La France est aux alentours de 5 tonnes, car nous sommes évidemment bien placés. Le saut qualitatif qu’il nous faut faire en cette année 2020 pour préparer la COP de Glasgow est extraordinairement difficile. La neutralité carbone pour 2050 est un bel objectif de l’Union européenne, et de la France. Là aussi, la marche sera extrêmement difficile à sauter.

M. Michel Fanget. Monsieur Jouzel, nous partageons tous ici l’idée que vous faites partie de ces grands experts et chercheurs qui ont été de véritables lanceurs d’alerte sur les grands sujets environnementaux. Vos travaux ont largement été repris, jusque dans le domaine politique, comme en témoignent notamment les études et missions menées par notre commission.

Il n’en demeure pas moins que, de notre point de vue, nous devons traduire cela en actes, et dans le droit, pour contrer les effets du réchauffement climatique, et œuvrer à l’édification d’un monde plus respectueux de son environnement. Cela est d’autant plus urgent que les effets sur les peuples commencent à se faire sentir de manière pressante. Il nous faut de fait avancer, non pas en nous repliant sur nous-mêmes, mais en fixant avec nos voisins et les États du monde les normes qui préservent notre planète. C’est pourquoi ces sujets sont devenus des enjeux majeurs pour notre diplomatie.

Dans ce cadre, quels vous semblent être les moyens les plus concrets dont dispose un État pour influer sur ses voisins ? Comment faire en sorte que les accords économiques soient aussi des accords mieux-disant en matière environnementale, pour que nous puissions avancer concrètement dans les objectifs que nous nous sommes fixés ?

M. Alain David. Avec mon collègue Frédéric Petit, nous menons actuellement une mission pour étudier les conséquences géostratégiques du changement climatique. Nos échanges de ce matin confirment que nous devons vous auditionner plus spécifiquement, vous ou d’autres membres de votre groupe d’experts. Je pense en particulier à Valérie Masson-Delmotte, ou à Pascale Braconnot.

Je me permettrai de vous interroger sur le sujet de la plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes, dont la France, depuis le 1er juillet 2019, exerce pour un an la présidence, conjointement avec les îles Fidji. Cette organisation, opportunément créée après la COP 21, vise à améliorer la protection des personnes déplacées dans le contexte du changement climatique et de la multiplication des catastrophes naturelles. Elle est pour l’instant composée de dix-huit États, et de deux organisations internationales, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La plateforme doit émettre des propositions pour faire face aux défis que pourraient représenter les quelque 140 millions de déplacés climatiques dans le monde d’ici 2050. Selon vous, quelle priorité pourrait se donner la France pour réussir cette coprésidence ?

M. M’jid El Guerrab. Pour le député de la neuvième circonscription des Français établis à l’étranger que je suis, le constat est sans appel et des plus alarmants. Si nous devions continuer sur la même trajectoire, l’Afrique de l’Ouest connaîtra une augmentation particulièrement importante du nombre de journées chaudes, aussi bien dans le cadre d’une augmentation de la température moyenne mondiale de 1,5° que de 2°.

Ainsi, aucune région du monde n’a peut-être été autant touchée que le Sahel, avec une croissance démographique estimée 2,8 % par an, dans un environnement ou les ressources naturelles, y compris terrestres et hydriques, diminuent. La région est l’une des plus dégradées du monde sur le plan environnemental. Les augmentations de température de l’ordre d’une fois et demie plus importantes que dans le reste du monde ne devraient pas arranger la situation. Fortement dépendante de l’agriculture pluviale, le Sahel subit régulièrement des sécheresses et des inondations, avec d’énormes conséquences sur la sécurité alimentaire, du fait des conflits armés, de la violence et des opérations militaires. Quelque 4,9 millions de personnes ont été déplacées en 2019, tandis que 24 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire urgente dans l’ensemble de la région. Le changement climatique est déjà considéré comme un multiplicateur de menaces, exacerbant les problèmes existants. Ainsi la région est particulièrement vulnérable au changement climatique, avec 300 millions de personnes touchées. La sécheresse, la désertification, et la rareté des ressources ont aggravé les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. La faiblesse de la gouvernance a entraîné des fractures sociales. Tout cela constitue un terreau fertile pour l’enrôlement des groupes terroristes.

Ainsi, je souhaiterais vous demander comment enrayer le scénario catastrophe qui se prépare au Sahel, et qui aura également un impact sur les pays occidentaux. Dans votre exposé, je comprends que là encore, les États-Unis sont « nos ennemis », et non nos alliés, comme on s’évertue à le penser depuis déjà quelques années. Comment répondre à certaines populations africaines qui estiment aujourd’hui être les premières victimes du réchauffement climatique, alors qu’elles n’en sont pas responsables ?

Je note également l’injustice faite aux jeunes générations. Les générations dont vous, êtes, et auxquelles je commence à appartenir, ont pollué, ont sali notre planète, et ont rempli nos océans de plastique. Comment faire pour qu’elles prennent leurs responsabilités ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Tout mon groupe et moi-même souhaitions vous témoigner notre estime et notre respect. Pour être rapide, nous croyons que c’est perdu, et que le changement climatique est commencé, compte tenu de la disposition des grandes forces dans le monde, et notamment des États-Unis. Cela n’exempte pas la Chine de ses propres responsabilités, mais il nous semble que celle-ci essaie de faire quelque chose, tandis que nous sommes certains que les États-Unis ne font rien du tout, et sont extrêmement satisfaits d’eux-mêmes, et de ce qu’ils entreprennent. Il me semble qu’à la COP 21, nous avons signé pour 1,5° ou 2°. En réalité, nous n’avons inscrit l’objectif de 1,5° que pour satisfaire les pays qui ont ou sont de petites îles. Mais les engagements cumulés nous conduisent à 3,5°, si l’on additionne les dossiers présentés par chaque pays. Par conséquent, c’est perdu.

Cela me coûte de le dire, car des conséquences doivent être tirées de ce constat. Le réchauffement n’est pas linéaire. Vous avez bien fait de le rappeler, car beaucoup pensent qu’il va faire de plus en plus chaud. Cela satisferait les frileux comme moi, mais ce n’est pas ce qui va se passer. C’est par bonds que le réchauffement se fait. Il provoque des catastrophes et des ondes de choc d’un coup, auxquelles personne n’est préparé.

Deuxièmement, le réchauffement n’est pas homogène. Nous, les Français, sommes déjà confrontés à ces deux aspects. La mer Méditerranée se réchauffe plus vite que les autres mers et océans du monde, puisqu’elle n’est connectée que par treize kilomètres à l’océan mondial. Ce réchauffement donne déjà des pluies diluviennes sur le sud du pays, et rien ne va s’arranger dans ce domaine.

D’un autre côté, les changements géopolitiques nous affectent. Les guerres du Sahel, et en particulier du Mali, empruntent l’essentiel de leurs ressources au fait qu’il y a une population autour du lac Tchad qui a perdu toute possibilité d’existence sur place.

Nous savons donc que c’est commencé. Je ne suis pas d’accord pour qu’on s’en remette seulement à des vœux pieux et à des lamentations conjuguées, et qu’on dise que les États-nations ne peuvent rien en attendant que l’humanité universelle s’engage. Bien sûr qu’il le faut, et que l’Organisation des Nations unies (ONU) est le bon organe pour ce faire. Mais nous pouvons ouvrir un autre chemin. Si les Français font la démonstration qu’on peut faire autrement qu’en détruisant tout, tout en maintenant un niveau de vie correct, et qu’on peut faire face aux catastrophes, nous convaincrons tous les autres. Il n’y a pas de peuple ou de dirigeant qui soit mauvais par essence. Mais ils ne croient pas qu’on puisse faire autrement. Ils pensent que ce monde est le seul possible.

Je vous demande votre avis sur deux idées. Nous croyons à la planification écologique. C’est l’idée de la préparation d’un ensemble, qui va de la formation des travailleurs à la modification des processus de production.

Enfin, la règle verte vous paraît-elle une bonne idée ? Elle consiste à harmoniser le cycle de la prédation humaine avec celui de la nature, et à ne pas lui prendre davantage que ce qu’elle peut reconstituer. Serait-il possible, utile, et profitable de poser une règle comme celle-ci ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je remercie M. Jouzel d’être devant nous ce matin, à un moment où la question écologique va aussi s’imposer dans le cadre des élections municipales. Il s’agit d’un moment important, et de proximité vis-à-vis des citoyens français.

L’exposé que vous nous avez fait me rappelle qu’au moment où je suis entré fortement en politique, il y avait débat quant à la réalité de ces problèmes. Vous avez dû avoir par le passé un débat avec Claude Allègre, et je pense qu’il n’a pas rendu service à l’évolution des mentalités à ce moment-là, puisqu’il donnait des arguments non démontrés à ceux qui voulaient continuer à défendre l’enrichissement plutôt que la planète. Aujourd’hui, nous portons encore ce poids-là. La loi de l’argent fait faire n’importe quoi. Je pense peut-être que regagner en démocratie dans nos pays et dans les différents pays du monde permettra d’atténuer les effets sur le climat des économies. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Je partage avec Jean-Luc Mélenchon un intérêt pour les questions d’éducation. Malheureusement, nous n’avons pas encore un niveau de formation de l’ensemble de nos enseignants suffisant pour que cette question, dès le plus jeune âge, soit intégrée dans l’éducation de nos peuples.

J’ai eu l’occasion d’échanger avec les jeunes qui se battent contre le réchauffement climatique à l’occasion des marches du vendredi. Avec Michel Fanget, nous avons abordé avec eux la question de la bombe atomique. Car on dit qu’il faut préserver la planète, et faire en sorte que, dans les trente ou cinquante ans qui viennent, on puisse laisser à nos enfants une planète acceptable. Mais dans le même temps, on continue à considérer que la bombe atomique est un outil important, alors qu’il coûte cher, et qu’il peut détruire la planète, non pas en quelques décennies, mais en quelques minutes. Or cette question n’est pas abordée. Je pense qu’elle devrait l’être.

Je terminerai sur la question des accords commerciaux. On dit qu’il faut harmoniser nos accords internationaux. Or, quand je vois des accords comme l’accord économique et commercial global avec le Canada ou CETA, ou l’ensemble des accords de commerce internationaux, y compris avec la Nouvelle-Zélande, je m’interroge sur leur impact climatique. On continue à les signer et à les défendre, alors que toutes les organisations non gouvernementales (ONG) nous démontrent que ce genre de politique est absurde en matière de climat. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur cette question. Cela permettra à notre commission, quand elle aura à se prononcer sur ces différents accords, d’avoir en tête les réflexions que vous nous aurez apportées.

M. Mustapha Laabid. Monsieur Jouzel, je suis en parfait accord avec vos propos sur l’urgence climatique. Je souhaiterais toutefois revenir sur certaines de vos déclarations. Vous avez été vice-président du conseil scientifique du GIEC, dont le rapport met en avant la nécessité d’une gestion durable des terres. Parmi les pistes évoquées figure la transformation du système alimentaire mondial, qui représenterait entre 21 % et 37 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Comment peut-on imaginer s’appuyer sur ce levier, alors même que selon l’ONU, nous serons 10 milliards d’habitants en 2030, avec un très grave problème systémique de faim dans le monde et de malnutrition dans les pays du Sud ?

Si des efforts doivent être faits en matière de consommation alimentaire, n’y a-t-il pas de secteurs où nous pourrions agir plus vite et plus facilement ? La filière agroalimentaire est systématiquement pointée du doigt, alors qu’il existe pourtant d’autres leviers, dont l’impact pourrait être plus immédiat. Par exemple, Erwan Autret, ingénieur à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), rappelle que l’industrie du textile est la cinquième plus émettrice en gaz à effet de serre, la deuxième en occupation des sols, et la troisième en consommation d’eau. Un rapport de l’ONU estime qu’il faut 7 500 litres d’eau pour fabriquer un jean. Un jean, c’est l’équivalent de l’eau bue par un être humain pendant sept ans, sans oublier le pétrole, matière première du polyester, essentiel à la production de masses de textiles. Pourquoi ce levier n’est-il pas une priorité dans les rapports du GIEC ? Pourquoi ne pas agir prioritairement sur la seconde industrie la plus polluante du monde, alors qu’il apparaît qu’il est plus simple et plus urgent de le faire ?

Enfin, peut-on lutter contre le réchauffement climatique quand des pays tels que les États-Unis, la Russie, et bien d’autres, refusent de faire bon accueil aux différents rapports du GIEC ? Si seuls les pays les plus vertueux participent à cette dynamique, devons-nous allumer une chandelle, ou maudire l’obscurité, comme Jean-Luc Mélenchon a bien su le faire ?

Mme Nicole Le Peih. Depuis 2017, vous mentionnez l’importance pour nos sociétés de savoir non seulement lutter contre un réchauffement climatique devenu inévitable, mais aussi de s’y adapter. Dans le cadre d’une mission d’information sur la neutralité carbone, nous avons auditionné le climatologue Hervé Le Treut. Il invitait à mettre l’accent sur l’adaptation des territoires par une protection anticipée des différentes régions, à travers l’urbanisme, et de nouveaux modes d’agriculture et d’infrastructures. Moi-même agricultrice en Bretagne, je mesure le virage à prendre, qui implique peut-être même une perte d’autonomie alimentaire pour la France. En effet, nous connaissons désormais des obstructions permanentes à chaque construction d’un bâtiment d’élevage. Pouvez-vous nous détailler votre point de vue sur cette question ?

Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur le principe même de neutralité carbone, présentée par la Commission européenne comme un objectif à atteindre dès 2050. Votre travail en tant que scientifique vous semble-t-il suffisamment pris en compte par vos interlocuteurs politiques ? De plus, quelle échelle est la plus pertinente pour mettre en place des politiques de baisse d’émissions ? L’Europe semble-t-elle bien engagée sur cet objectif ? Une échelle plus large serait certainement plus efficace.

M. Pierre Cabaré. Monsieur Jouzel, votre engagement pour la vie de l’homme sur la Terre est exemplaire. Quelles circonstances vous ont décidé à vous passionner pour le climat ?

Par ailleurs, nous parlons beaucoup aujourd’hui de biocarburants. Je souhaiterais connaître votre avis sur le futur proche de cette filière, car il y a urgence. Comment peut-elle évoluer plus rapidement vers une utilisation nous permettant une diminution importante de notre consommation d’énergies fossiles ?

Vous nous confiez trois clés pour une société bas-carbonée. La première est la sobriété énergétique. Nos industriels font sans cesse des progrès en la matière, comme on le voit pour le transport aérien et routier, mais malheureusement très peu pour le transport maritime de marchandises.

La deuxième est la lutte contre le gaspillage alimentaire. J’aime cette idée, car elle nous concerne tous. C’est ce que nous faisons chacun qui portera la résolution.

Je voudrais également savoir ce que vous pensez de l’hydrogène comme carburant de demain. Je dis demain, mais il l’est déjà aujourd’hui, car nous avons déjà des centrales de production d’hydrogène. Je partage l’idée que la transition énergétique doit être mondiale, non pas pour sauver la planète, mais l’homme sur la planète, à un moment où, je vous cite, « la France porte une diplomatie environnementale efficace, avec des résultats, ce qui nous permet à chacun d’être optimiste, et très engagé sur les solutions ».

Mme Nicole Trisse. La France dispose du deuxième parc de réacteurs nucléaires au monde, et comme dans de nombreux autres pays, les déchets ultimes les plus radioactifs sont conditionnés dans des blocs de verre cristallisé coulés dans des cylindres d’acier inoxydable. Cette vitrification est destinée à assurer le confinement de la radioactivité sur le très long terme, pour des matières qui peuvent être radioactives pendant des dizaines de milliers d’années. Une étude récente, pilotée par l’université de l’Ohio, a mis en lumière le fait que la corrosion du verre ou de la céramique utilisés pour confiner ces déchets est accélérée de façon significative dans certaines conditions. Cela pourrait donc avoir comme conséquence une libération des matières radioactives.

Cette étude ne donne pas de chiffres, et il faut bien évidemment rester prudent quant à son interprétation. Cela nous invite néanmoins à nous interroger sur le stockage des déchets nucléaires. Je souhaiterais savoir si vous avez entendu parler de cette étude, et ce que vous en pensez. Plus largement, quelles sont vos recommandations quant à la gestion des déchets nucléaires ?

Mme Amélia Lakrafi. Dans notre monde totalement globalisé et connecté, la production et le stockage des données croît, en raison de l’utilisation d’internet par de plus en plus d’êtres humains, ce qui constitue en général un progrès, mais aussi du fait de l’apparition de nouveaux usages et outils tels que le cloud, les smartphones, le streaming, ou l’internet protocol television (IPTV). Le simple citoyen, qui est avant tout un consommateur, n’est absolument pas sensibilisé à ces sujets. Il serait difficile pour lui de revenir en arrière, et de renoncer à des outils qui font désormais partie de notre quotidien à tous.

Or, ces usages font s’accroître de manière exponentielle la production et le stockage de données, et leur impact environnemental n’est plus du tout anecdotique. Selon certaines estimations, il y aurait déjà plus de 4 000 centres de données sur Terre, utilisant des millions de serveurs. Leur consommation d’énergie électrique double tous les quatre ans, causant un rejet massif de dioxyde de carbone. Les émissions de gaz à effet de serre attribuables au numérique auraient déjà dépassé celles de l’aviation civile. Certes, les acteurs de ce marché commencent à prendre certaines mesures, comme en atteste l’apparition du concept de green technique, et les États impulsent certaines politiques visant à mettre en œuvre les transitions énergétiques. Toutefois, l’utilisation d’internet va croissante, à toute vitesse, tandis que la question de l’impact environnemental de l’économie numérique commence juste à se poser.

Je désire donc savoir comment les experts du climat, qu’il s’agisse du GIEC ou de la communauté scientifique en général, appréhendent ce phénomène. Quelles solutions peuvent être proposées aux citoyens, qui font un usage de ces technologies sans savoir que mettre en copie plusieurs personnes dans un mail, ou en envoyer un où figure un simple « OK », peut consommer énormément d’énergie ?

Mme Mireille Clapot. Je voudrais attirer l’attention de ceux qui nous regardent sur les bouleversements géopolitiques résultant du réchauffement climatique. En d’autres termes, le réchauffement climatique n’est pas une mauvaise affaire pour tout le monde. Je pense à la Russie, qui verra le pergélisol fondre, et libérer ainsi l’accès à des métaux précieux. C’est une vision à court terme, bien sûr, mais qui peut profiter à la Russie. On sait également que la libération de gaz à effet de serre par ces sols sera une véritable bombe à retardement.

Ma question portera plutôt sur l’ouverture de la route maritime de l’Arctique. Les autorités russes ont parfaitement saisi l’opportunité stratégique d’ouvrir une route commerciale. Appelée la route maritime du Nord, elle partira de Mourmansk, plus grande ville russe du cercle arctique, et se terminera dans le détroit de Béring. Il ne s’agit pour l’heure que d’un essai. Cette route n’est pas commercialement viable, car il n’est possible d’y naviguer que trois mois par an. Le volume des cargaisons qui vont l’emprunter ne cesse pourtant d’augmenter, l’objectif étant d’atteindre 80 millions de tonnes par an d’ici 2025.

Bien sûr, cette route maritime, qui longe les cotes septentrionales de la Sibérie, permettra à la Russie d’exploiter ses énormes richesses en pétrole, gaz, minerai, nickel et cobalt. Mais le risque existe de fragiliser davantage cette zone en l’exploitant. Pour y remédier, la Russie propose un aménagement du territoire, où des réserves naturelles protégées cohabiteraient avec des zones d’exploitation. Qu’en pensez-vous ? Est-il possible de parvenir à un équilibre entre le développement économique d’une part, et la préservation de la nature arctique et de ses biosystèmes uniques d’autre part ?

Mme Anne Genetet. Je souhaiterais aborder deux points, le rôle de l’Asie et la question des accords commerciaux. Je suis élue d’une circonscription très vaste, qui comporte notamment toute l’Asie et l’Australie, et qui subit les conséquences actuelles du changement climatique. Vous avez parlé de l’Australie, et des actuels incendies liés à une sécheresse inédite. Je souhaiterais également citer le Bangladesh, qui connaît des inondations très importantes, ainsi que des pays et régions soumis à la montée des eaux, tels que les Maldives, le Vietnam ou le détroit du Mékong.

L’Asie jouera ou non un rôle prépondérant. Je pense au grand projet chinois des nouvelles routes de la soie, avec ses ports, ses lignes ferroviaires, ses aéroports, ses infrastructures, son think tank, et son centre de financement et de développement. La Chine estime pouvoir à elle seule maintenir la température mondiale en dessous de 2°. Je nourris quelques réserves à ce propos.

Un manque de stratégie peut parfois conduire en Asie à des solutions tout à fait absurdes. J’en côtoie quotidiennement, tels les purificateurs d’air installés sur des autoroutes, ou la climatisation de rues entières. Des replantages d’arbres se muent par ailleurs en échec. Quelle crédibilité accordez-vous aux données que fournissent ces pays, en particulier la Chine, l’Asie du Sud-Est, et l’Inde ?

De plus, nous préparons avec cette région du monde un certain nombre d’accords commerciaux. Le ministère de la transition écologique et solidaire souhaiterait y inscrire trois critères, pour s’assurer du respect des accords de Paris. Il souhaiterait tout d’abord que les États fournissent leurs contributions déterminées au niveau national, qui est une description détaillée de leurs actions climatiques. Par ailleurs, ils devraient communiquer l’inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre. Enfin, ils devront transmettre un rapport de transparence bisannuel, qui décrira les mesures politiques mises en œuvre pour atteindre ces objectifs. Que pensez-vous de ces trois critères ? Vous semblent-ils suffisants pour s’assurer du respect des accords de Paris ?

Mme Liliana Tanguy. La lutte contre le réchauffement climatique est notre priorité, et celle de la Commission européenne. Vous l’avez souligné, il est urgent d’agir, et c’est ce que vise le pacte vert de l’Europe, présenté en décembre 2019. En tant que coprésidente du groupe d’étude économie maritime de l’Assemblée nationale, je souhaite vous interroger sur les mesures relatives à l’économie maritime contenues dans ce pacte. Je pense notamment à la protection des écosystèmes, à l’approvisionnement énergétique, et au transport maritime. On sait que ce dernier est à l’origine de plus de 13 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau européen. À cet égard, la Commission européenne propose d’aligner le prix du transport à ses conséquences sur l’environnement. Elle souhaite pour ce faire revoir les exonérations fiscales des combustibles maritimes, étendre le système européen d’échange des quotas d’émissions, et réglementer l’accès des navires les plus polluants aux ports de l’Union européenne. En tant qu’ancien vice-président du conseil scientifique du GIEC, de telles mesures vous semblent elles pertinentes ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. J’ai quand même le sentiment, en écoutant les uns et les autres, qu’il existe de nombreuses contradictions au niveau européen et au niveau français. Je souhaiterais avoir votre avis sur ce que j’appelle ces contradictions, voire même ces hypocrisies.

La première d’entre elles est au niveau européen. On nous explique qu’il faut atteindre la neutralité carbone en 2050. Or, nous ne représentons que 10 % des émissions des gaz à effet de serre. Cela signifie que nous allons faire le travail pour les autres. Dans le même temps, nous commerçons avec ces autres, et ce sont ces mêmes dirigeants et cette même Commission européenne qui signent des traités, tels que le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), ou l’accord avec le Mercosur. Ils n’ont de plus fait preuve d’aucune fermeté vis-à-vis de la Chine pendant dix ans. Vous avez cité les chiffres extravagants d’explosion de ses émissions de gaz à effet de serre. Tout cela est donc très sympathique. On culpabilise les Européens, et on commerce avec des pays qui polluent. En réalité, nous transférons nos pollutions. Le Haut Conseil pour le climat a ainsi révélé que la moitié des émissions pouvaient être dues aux importations. Sans changer de modèle économique, sans relocaliser, et sans taxer le carbone à l’entrée aux frontières, nous nous retrouverons avec 3,5° ou 4° supplémentaires, puisque rien ne changera. Et on ne fait rien pour que ça change.

La seconde contradiction est française, et elle est éclatante. Comme l’écrit le Haut Conseil pour le climat, nous avons un modèle électrique décarboné grâce à l’énergie nucléaire, mêlée à l’hydraulique. De plus, nous échouons complètement dans l’objectif de réduction des émissions pour le logement et le transport, comme en atteste le bilan 2015-2018. Or, l’essentiel des politiques menées et des déclarations des gouvernements successifs, et surtout de l’actuel, a consisté à subventionner des énergies électriques intermittentes en remplacement d’une énergie déjà décarbonée.

Je ne comprends donc toujours pas la cohérence de la politique énergétique française. On nous explique qu’il faut fermer des centrales nucléaires, et s’arrêter à 50 %. Si elles sont dangereuses, pourquoi s’arrêter à 50 %, et si elles ne le sont pas, pourquoi les fermer ? De plus, pourquoi les remplacer par des énergies renouvelables intermittentes, qui coûtent une fortune, qui alimentent des importations, qui détruisent nos paysages, et qui n’améliorent en rien la situation climatique, alors même que les milliards d’euros gaspillés pour ce faire seraient mille fois plus utiles pour aider nos compatriotes, et notamment les plus modestes, à changer de mode d’énergie, à isoler leur fenêtre, et à rattraper leur retard en matière de logement, qui est le grand point noir français ?

Enfin, c’est curieux, on ne parle jamais de la démographie. Il faut que ce soient les Premiers ministres malien ou nigérien qui parlent de la catastrophe du Sahel. Si on ne maîtrise pas la démographie en Afrique, il est clair que nous aurons encore plus de mal à maîtriser le réchauffement climatique.

Mme Annie Chapelier. Je vous remercie pour votre exposé, qui nous rappelle quelles sont les véritables priorités. La transition énergétique a un coût, et le pacte-finance climat est une solution pour remédier au problème de son financement. Quel en est le bilan aujourd’hui et peut-on espérer qu’il devienne un véritable traité au niveau européen ?

Mme Marion Lenne. Beaucoup de choses ont été dites sur les accords internationaux. Alors que la guerre commerciale s’intensifie, amplifiée par des problèmes internes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et tandis que la jeunesse se soulève pour crier sa détresse écologique par le biais de Greta Thunberg, lors du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a voulu démontrer que les accords commerciaux, en plus de créer de nouveaux débouchés, pouvaient devenir des instruments au service de la protection de l’environnement. Il a notamment déclaré que nous ne signerons plus d’accords commerciaux avec les puissances qui ne respectent pas l’accord de Paris.

Cet accord est marqué d’intentions louables, mais non contraignantes. Est-il suffisant, et véritablement porteur de sens ? À l’heure où les climatosceptiques sont de plus en plus nombreux, pouvons-nous combiner un modèle consumériste, composé d’échanges commerciaux inévitables, et la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité ? Comment alors modifier les règles du commerce international pour préserver notre planète ? Enfin, croyez-vous en la refonte de la politique commerciale de l’Union européenne, ou est-il contradictoire de vouloir tendre à des accords de libre-échange verts ?

M. Hubert Julien-Laferrière. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le commerce international, c’était évidemment le progrès. Le protectionnisme avait amené à la fois la crise et la guerre. Aujourd’hui, l’impératif climatique change la donne. Il était normal avant d’importer des marchandises qu’on produit par ailleurs. Aujourd’hui, nous nous posons des questions, car le transport des marchandises génère nécessairement des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, fallait-il ou non ratifier le CETA ?

M. Jean Jouzel. Tout d’abord, je vous remercie de votre engagement à tous et de votre intérêt pour ces questions. Ils sont de votre ressort. Les aspects internationaux doivent être au cœur des politiques de lutte contre le réchauffement climatique, même si les aspects nationaux et européens doivent l’être également.

Il existe un grand effort de recherche aux États-Unis en matière de climat, ainsi qu’en Europe. Contrairement à ce qu’avait annoncé Donald Trump au tout début de son mandat, il n’y a pas eu de diminution massive du soutien à la recherche. On peut néanmoins regretter le démantèlement ou le désengagement de certaines organisations au niveau fédéral, et en particulier de l’Environmental Protection Agency (EPA), à la tête de laquelle ont été nommés des climatosceptiques. Malgré les craintes que nous pouvions nourrir, il existe toujours un soutien pour la recherche aux États-Unis, car il est important pour un pays d’être présent sur ces questions. Je suis moi-même membre de l’académie des sciences aux États-Unis, et mes collègues ne se plaignent pas spécialement. On ne pourra donc pas dire de Donald Trump qu’il provoque un retrait massif en matière de recherche aux États-Unis.

Sur les accords internationaux, il faudra que la conférence de Glasgow soit à la hauteur. Certaines conférences climat sont plus importantes que d’autres. C’était le cas de celles de Kyoto, de Copenhague et de Paris, et ce sera le cas de celle de Glasgow. On peut également reconnaître au Royaume-Uni le fait d’être très dynamique en matière de politique climatique. J’espère que le Brexit ne rompra pas ce dynamisme. Le succès de la COP 21 a largement tenu à la diplomatie de Laurent Fabius et de ses équipes pendant un an et demi. Il faut reconnaître que la diplomatie environnementale est essentielle. Mon souhait est qu’elle soit au cœur de la politique de Boris Johnson au cours de la prochaine année. Il faut que le Royaume-Uni conserve le dynamisme qu’il a toujours eu jusqu’à présent.

La question est de savoir comment intégrer la dimension environnementale aux accords économiques. Cela me semble être du ressort de l’Assemblée nationale et du gouvernement, plus que des scientifiques dont je suis. Je pense que cette diplomatie environnementale est importante. Ursula von der Leyen a par exemple pris l’engagement d’inscrire les critères permettant de limiter le réchauffement climatique à 1,5° au cœur de sa diplomatie. Si cela prévaut au niveau européen, je ne vois pas comment il n’en irait pas de même au niveau français à l’échelle de dix ans. Je pense qu’il est essentiel que la transition écologique, qui recouvre les questions de climat, de biodiversité et de l’ensemble des objectifs de développement durable, soit au cœur de notre action. Cela sera décliné au niveau européen, et je pense qu’il est également possible de le décliner au niveau des accords commerciaux cités.

Je pense que la plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes est une excellente initiative. La France s’y est largement impliquée après la COP 21, et elle doit être amplifiée. Il est clair que des risques existent au niveau planétaire, et dans certains pays plus que dans d’autres, et notamment dans ceux à faible niveau de développement. Cette plateforme s’inscrit avant tout dans une logique de prévention et d’alerte. C’est important. Des systèmes d’alerte se sont mis en place, par exemple pour les tsunamis dans certaines régions, bien que ceux-ci ne soient pas liés au réchauffement climatique. Ces systèmes d’alerte s’appuient beaucoup sur des observatoires scientifiques, qui doivent continuer à être développés.

La température des continents croît deux fois plus vite que celle des océans. Le Sahel connaîtra un réchauffement de 3° ou 4°, voire un peu plus. Ce sont des régions très fragiles, d’autant plus que la mousson africaine peut être modifiée. Elle l’est déjà de façon naturelle, mais cette modification peut être amplifiée. Des travaux de recherche continuent sur ces questions, mais il faut porter une attention particulière à l’Afrique. Je pense que l’Europe devrait renforcer ses collaborations avec ce continent. Nous sommes aux portes de l’Afrique en termes de migration et la seule façon d’opérer serait que l’Europe aide l’Afrique, non seulement à s’adapter au réchauffement climatique, mais aussi à se développer sur un mode qui ne soit pas celui de nos Trente Glorieuses.

M. Jean-Luc Mélenchon rappelle, sans remettre en cause la réalité du réchauffement climatique, les difficultés que nous aurons à respecter l’objectif de 2°, la non-linéarité de certains phénomènes et la fragilité de régions telles que la Méditerranée. La planification écologique et la règle verte sont au cœur de ses propositions. Je pense que la planification écologique reprendrait la logique de l’accord de Paris, tout en étant plus contraignante. Il faut vraiment qu’au-delà de l’adhésion, un mécanisme se mette en place, qui permette d’aller de l’avant en matière de transition écologique au sens large. Je ne suis pas profondément hostile à la planification, mais la logique pour l’heure est surtout celle de l’adhésion des États. Celle-ci passe par une solidarité, mais également par un engagement tel que la règle verte qu’Ursula von der Leyen souhaite mettre en place au niveau européen. J’y suis quand même assez favorable.

L’éducation est un sujet qui m’est cher. L’importance de l’éducation à la transition écologique et à tous ses aspects est évidente. C’est d’ailleurs largement suite à la mobilisation des jeunes que le ministre Jean-Michel Blanquer a décidé la modification des programmes du primaire et du secondaire. Ils l’ont été par le conseil supérieur des programmes, avec un renforcement des disciplines dont on parle aujourd’hui. L’enseignement supérieur est également en train de s’y intéresser. La ministre Frédérique Vidal m’a ainsi chargé de présider un groupe de travail, mis en place le 3 février 2020, pour voir ce qui pouvait être fait dans ce cadre. L’éducation doit également être faite en Afrique. Sans éducation, il sera difficile de progresser sur les questions démographiques.

Je me suis souvent exprimé sur les règles de l’OMC, qui visent avant tout à l’intensification des échanges. Cette intensification passe par des accords commerciaux, dont on comprend bien qu’ils ne sont pas favorables à la lutte contre le réchauffement climatique. Ils ne pourraient l’être que si des règles vertes étaient réellement appliquées, ce qui est encore loin d’être le cas. Je ne suis pas spécialiste de cette question, mais les gens en discutent beaucoup, et je sais par exemple que les accords commerciaux sont un grand objet de discussion dans la Convention citoyenne pour le climat. Il est clair que ces accords devraient réellement être mis en place avec l’objectif de participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Or, cela les contraint énormément. Il faut trouver un moyen de faciliter les échanges, mais de telle sorte que le climat n’en souffre pas. On voit bien que c’est une équation assez difficile. Même les échanges virtuels, basés sur notre amour pour internet, ne sont pas tout à fait neutres. 8 % des émissions de gaz à effet de serre seront ainsi liés à notre utilisation du numérique d’ici 2025. Il faut encourager tout le monde à en prendre la mesure. Les grandes entreprises s’en préoccupent. J’ai ainsi prononcé une conférence il y a deux mois, à l’invitation d’Orange, sur le thème « numérique et gaz à effet de serre ».

La gestion durable des terres au niveau mondial est une difficulté soulignée dans le dernier rapport du GIEC. Elle présente le risque de compétition entre les logiques alimentaires et énergétiques. Il y a beaucoup à faire du côté de l’agriculture, y compris beaucoup d’opportunités, mais il existe un risque quand on parle de reforestation et d’utilisation de la biomasse. Nous devons trouver un équilibre entre la nécessité de nourrir 10 milliards d’habitants et la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut également prendre des mesures contre le gaspillage alimentaire et travailler probablement sur le régime alimentaire lui-même, comme le souligne le GIEC.

Par ailleurs, peut-on lutter contre le réchauffement climatique quand les États-Unis et la Russie ne valident pas ses rapports ? Cela a été le cas pour le rapport 1.5, et c’est tout à fait regrettable. Le dernier rapport sur la gestion durable des terres a également donné lieu à beaucoup de discussions. De plus, et ce n’était pas le cas il y a vingt ans, certains États acceptent les rapports du GIEC, mais sans en souligner la qualité, ce qui est généralement fait dans toutes les conventions climat. L’accord de Paris s’appuyait ainsi complètement sur le cinquième rapport du GIEC. Mais depuis, et c’est regrettable, certains pays, sans les remettre en cause, essaient d’en minimiser l’impact et l’intérêt.

Je partage avec Mme Nicole Le Peih d’être Breton et très impliqué dans le monde agricole. Je donne régulièrement des conférences sur ces questions, en particulier en Bretagne. Je souligne à cette occasion la nécessité que le monde agricole prenne à bras le corps le problème du réchauffement climatique, ainsi que les opportunités qui y sont liées, telles que le développement du renouvelable, ou l’initiative 4 pour 1 000. Il existe en effet des opportunités, en particulier pour les territoires. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le dynamisme économique est la clé de la réussite de la transition écologique. Ce dynamisme ne consiste pas à rester sur notre civilisation et notre mode de développement accrochés aux combustibles fossiles. Cela consiste au contraire à faire cette transition, et le monde agricole est évidemment concerné. Il faut être capable de mener de front à la fois la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité d’assurer l’alimentation de 10 milliards d’habitants en 2050.

Ma passion pour les questions climatiques est un peu le fait du hasard. Je voulais être chercheur et je travaillais sur la formation de la grêle dans un laboratoire où le célèbre glaciologue Claude Lorius apportait ses échantillons. Je suis donc passé assez naturellement de l’étude des glaces de la grêle à celle des glaces et des neiges de l’Antarctique. Il est vrai que la recherche, c’est passionnant. Je vous encourage donc également à la soutenir. Je me suis ainsi intéressé aux évolutions passées de notre climat. Dans les années 1990, je me suis impliqué dans le GIEC et cela m’a conduit à m’intéresser à son évolution future. J’ai également été directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, ou se menaient beaucoup des travaux concernant l’océan. Ma carrière s’est donc déroulée de façon naturelle, et je suis toujours aussi passionné par la recherche. J’essaie d’encourager les jeunes à s’y engager. Je me suis également beaucoup investi auprès du ministère de la transition écologique et solidaire en ce sens.

Je redis également la nécessité de biocarburants efficaces. Nous en sommes aujourd’hui à la troisième génération. J’ai également confiance dans l’intérêt de l’hydrogène, en particulier pour le transport poids lourds, et peut-être aussi pour les trains. Il y a des choses à faire en la matière, pour peu que l’hydrogène soit produit à partir d’énergies renouvelables ou nucléaire.

Je ne suis pas au courant de l’étude de l’université de l’Ohio que mentionne Mme Nicole Trisse. Il est vrai que je ne suis pas spécifiquement le problème de la gestion des déchets nucléaires. Je suis au CEA depuis cinquante-deux ans, et j’ai assez confiance dans les travaux que conduisent mes collègues. Je ne suis pas du tout un spécialiste du nucléaire, mais j’ai confiance dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). J’ai confiance dans leur jugement, et dans les travaux que conduit la communauté scientifique. J’espère que ces études seront prises en compte. On peut également se poser la question de l’abandon récent de la génération IV des réacteurs nucléaires. Il s’agit peut-être du point le plus important par rapport aux déchets nucléaires, puisqu’il ne sera plus possible de boucler le cycle en cas d’abandon de cette génération, ce qui semble être le cas.

Certains pays peuvent bénéficier, ne serait-ce que temporairement, du réchauffement climatique. Cela n’est pas si simple pour la Russie. Le réchauffement ouvre certes des voies maritimes, mais la fonte du pergélisol fragilise aussi certaines infrastructures, routes ou oléoducs. Le pergélisol fond de plus en plus profondément chaque année, et il ne sera pas facile de maintenir certaines infrastructures dans ce cadre. Il n’existe donc pas, y compris en Russie, que des avantages au réchauffement climatique. Mais, du point de vue stratégique, économique, et des ressources, il est vrai que cela peut être intéressant. J’ai travaillé à Iekaterinbourg, avec des collègues russes et ils écoutaient quand je parlais du réchauffement climatique. Il existe également en Russie des travaux de recherche sur ces questions. Il est vrai que le réchauffement climatique rend accessibles différentes ressources. Total est d’ailleurs très impliqué dans ces régions. Mais une autre manière de voir le problème est qu’il faut laisser où il est 90 % du pétrole, du gaz et du charbon facilement accessible non exploité. On peut donc se poser des questions globalement. Il est clair que la poursuite de l’exploitation de certaines réserves est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Il existe bien évidemment un intérêt pour d’autres ressources, mais l’on constate les difficultés de l’exploration et du transport en Arctique. Cela n’est pas si simple pour le moment. Mais un réchauffement climatique important libérerait dès 2050 l’océan Arctique pendant deux ou trois mois d’été et rendrait possibles ces transports longue distance, qui font gagner quelques milliers de kilomètres en transport. Cela demeure néanmoins presque anecdotique comparé aux conséquences négatives au niveau planétaire du réchauffement climatique.

Sur la crédibilité des données dans certains États d’Asie, Mme Anne Genetet a raison. Quand on compare les déclarations des différentes provinces chinoises à celle de la Chine au niveau global, il existe une différence, qui n’est d’ailleurs pas si importante, de l’ordre de 10 % à 15 %. Heureusement, nous avons d’autres moyens pour obtenir de bonnes données. Mais, dans certains pays, elles manquent, tout comme les observations. Il n’y existe pas de tissu de recherche, ce qui n’est pas le cas en Chine. La recherche y explose, avec de très bons chercheurs.

J’ai noté qu’Ursula von der Leyen proposait dans le pacte vert un certain encadrement des émissions du transport maritime. J’y suis assez favorable. Il faut être clair, si nous continuons à ne taxer ni le transport aérien ni le transport maritime, nous n’y arriverons jamais. Il faut prendre des mesures très claires. Nous verrons comment cela se déclinera dans la loi, mais l’idée de porter une attention particulière au transport maritime européen est certainement intéressante.

Je me suis déjà exprimé, en tant que co-rapporteur au titre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Le CESE a en effet conclu que la loi était équilibrée. Dans la loi énergie et climat figure cet objectif de moins de 50 % de l’électricité française d’origine nucléaire à horizon 2035. Pourquoi est-ce équilibré ? Nous sommes dans un contexte particulier en France. 80 % de notre électricité est d’origine nucléaire, et elle représente un peu moins de 25 % de notre énergie. Cela nous permet d’avoir des émissions un peu plus faibles que d’autres pays européens comparables. Mais nous importons beaucoup, comme l’a indiqué le rapport du Haut Conseil pour le climat, que je connais bien, puisque je m’apprête à rendre un avis sur lui au titre du CESE.

Au niveau international, le nucléaire représente actuellement 5 % de l’énergie primaire. Aucun scénario ne prévoit qu’il dépasse 10 % à horizon 2050, tandis que le renouvelable au niveau mondial devrait alors atteindre 50 %. Je parle bien d’énergie, c’est-à-dire de la somme de l’électricité, de la chaleur, et de la mobilité. Je pense donc que la France a intérêt à développer les énergies renouvelables, sans quoi elle se mettra en dehors de la marche du monde. Il faut donc trouver cet équilibre. Il est nécessaire que la France ait une visibilité sur le renouvelable. Je me pose toujours des questions à ce titre. Il existe 3 000 ou 4 000 éoliennes offshore en Europe, mais aucune en France ne fonctionne encore.

Je vous remercie, madame Annie Chapelier, d’évoquer le pacte-finance climat. Je m’y suis beaucoup investi avec Pierre Larrouturou. Ce dernier continue à s’y consacrer, puisqu’il est rapporteur du budget au niveau européen. Il est ainsi possible qu’une banque européenne pour le climat et la biodiversité soit créée, ce que nous proposions. Pour le moment cependant, les chiffres envisagés ne sont pas du tout à la hauteur. Il faudra probablement faire mieux, même si cela va dans le bon sens. Si l’Europe veut respecter l’objectif de réduction de 50 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, il faut investir plus.

Fallait-il ratifier le CETA ? Je me suis déjà exprimé sur cette question. Il existe de vraies difficultés avec les accords commerciaux. Il faudrait que des règles vertes soient incluses dans ces accords. La solidarité internationale passe aussi par des échanges.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur Jouzel, je ne comprends pas votre raisonnement, car vous savez très bien que, s’il y a des éoliennes dans d’autres pays d’Europe, c’est parce qu’une production d’énergie par le gaz ou le charbon complète leur intermittence. Quand vous dites qu’il n’y a pas de grandes différences entre nos émissions et celles des autres pays européens, je signale que la production d’électricité allemande produit six fois plus de gaz à effet de serre, et l’électricité polonaise dix fois plus. J’aimerais donc qu’on m’explique comment la réduction du programme nucléaire va faire baisser les émissions dans notre pays.

M. Jean Jouzel. Il existe un triple objectif dans la loi : la neutralité carbone à horizon 2050 ; la division par deux de notre consommation d’énergie, qui est souvent oubliée ; et la diminution de la part du nucléaire. Je suis en la matière très légaliste, peut-être trop, mais la France n’arrivera à tenir ces objectifs que si elle est capable de le faire également en matière de renouvelable, ce qui n’est pas le cas actuellement. Vous savez très bien que les 23 % d’énergie renouvelable promis en 2020 dans le cadre de l’objectif « 20-20-20 » ne seront pas respectés. Nous sommes plutôt à 19 %. Il s’agit d’un équilibre à trouver. Les problèmes d’intermittence sont beaucoup moins cruciaux que vous ne l’indiquez. Électricité de France (EDF) nous dit qu’elle pourrait accepter jusqu’à 40 % d’intermittence. Il y aura de plus des progrès très notables en termes de stockage d’ici 2030. Il ne faut pas non plus réfléchir de façon figée quand on parle du renouvelable. Les coûts diminuent. Je ne suis pas du tout antinucléaire, mais je redis que la loi me semble équilibrée.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il me reste à vous remercier. L’ensemble de notre commission est bien d’accord sur l’objectif de rehausser le niveau d’ambition pour la COP 26 de Glasgow. Derrière cet objectif, il faudra cependant trouver les mécanismes pour qu’entre ambition et réalisation, il existe un véritable lien. Ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

La séance est levée à 11 heures 25.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Jérôme Lambert et M. Frédéric Petit, co-rapporteurs de la mission d’information sur la géopolitique des matières premières.


Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Amadou, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pascal Brindeau, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Olivier Dassault, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Pierre-Henri Dumont, M.Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, Mme Olga Givernet, M. Christian Hutin, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Sonia Krimi, M.Mustapha Laabid, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Mounir Mahjoubi, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, Mme Nicole Trisse

Excusés. - Mme Ramlati Ali, Mme Clémentine Autain, M. Yves Blein, Mme Samantha Cazebonne, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, M. Éric Girardin, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, Mme Aina Kuric, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch, M. Hugues Renson, Mme Sira Sylla, M. Guy Teissier, M. Sylvain Waserman

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri