Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 Audition, en visioconférence, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères                2

 

 


Mercredi
20 mai 2020

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 46

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


  1 

Audition, en visioconférence, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères

La séance est ouverte à 15 heures.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. La crise actuelle touche toute la planète et déstabilise la vie de chacun. De nombreuses questions se posent, notamment sur la relation sino-américaine, l’équilibre du monde et la place de l’Europe. Pendant la pandémie, les autres crises ne se sont pas arrêtées ; leur intensité a même parfois augmenté, notamment au Proche et au Moyen-Orient, en Libye et au Sahel, où des groupes liés à l’État islamique ou à al-Qaïda s’affrontent quotidiennement.

Nous vous avons, monsieur le ministre, transmis la semaine dernière les premières recommandations de notre groupe de travail sur les réseaux diplomatiques, consulaires et culturels. Les réseaux de notre diplomatie d’influence sont mis à rude épreuve durant la crise, notamment les Instituts français, les Alliances françaises et le réseau d’enseignement du français à l’étranger, qui doivent bénéficier d’une aide d’urgence mais aussi de mesures destinées à assurer leur consolidation dans le temps long.

Notre deuxième groupe de travail traite du développement et de l’aide humanitaire. La France a choisi de relancer son aide publique au développement et a pris des positions importantes au sujet de la dette des pays africains. Le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) sera l’occasion de tirer les enseignements de la crise.

Le troisième groupe de travail, relatif à l’action économique extérieure, nous invite, au-delà du nécessaire soutien d’urgence des activités liées au tourisme, à repenser ce secteur en profondeur. Il faut aller vers un tourisme plus durable et plus qualitatif.

Nous souhaitons que vous portiez une attention particulière aux propositions faites au nom de notre commission. Le dialogue et l’écoute réciproque sont plus que jamais nécessaires en temps de crise.

La France et l’Allemagne ont proposé de créer un fonds de relance de 500 milliards d’euros reposant sur un emprunt inédit que la Commission européenne souscrirait au nom de l’Union pour les régions et les secteurs les plus touchés en Europe. C’est une avancée extrêmement importante. Êtes-vous raisonnablement optimiste sur la possibilité d’un accord de l’ensemble des États membres ? Comment les choses vont-elles s’organiser avec le projet de relance économique que la Commission européenne doit mettre sur la table le 27 mai prochain ?

D’autres orientations importantes ont été annoncées lors du sommet franco-allemand, en particulier à propos de la souveraineté dans le domaine de la santé, de la stratégie industrielle et du droit de la concurrence. Je souhaite que l’Union européenne puisse appliquer ces propositions bienvenues le plus rapidement et le plus complètement possible.

L’Assemblée mondiale de la santé a accompli une avancée qu’il faut saluer, en adoptant à l’unanimité une résolution présentée par l’Union européenne, visant à procéder à une évaluation impartiale, indépendante et complète de la réponse internationale au covid-19, afin d’améliorer les capacités mondiales de préparation aux pandémies.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Je prendrai connaissance avec beaucoup d’intérêt des propositions de vos groupes de travail et j’essaierai de les intégrer à mon action. C’est dans les moments de crise qu’on réalise souvent de grandes avancées.

Notre diplomatie reste pleinement mobilisée pour soutenir nos compatriotes à l’étranger, renforcer la coopération européenne et développer une riposte internationale efficace et solidaire. La santé est un bien commun à défendre ensemble.

S’agissant de nos ressortissants en déplacement, nous avions répertorié 110 000 personnes souhaitant revenir à la mi-mars, et nous avons permis le retour de 186 000 Français – rien de tel n’avait jamais été fait. Le centre de crise et nos représentants dans les postes ont bien travaillé. Tout le monde voulait revenir en même temps, alors que les vols étaient suspendus et les espaces aériens fermés. On ne pouvait qu’affréter des avions ou agir avec Air France. Au Maroc, qui a interdit le franchissement de ses frontières, supprimé les vols de ses compagnies nationales et fermé son espace aérien brutalement le 13 mars, nous avons constaté une difficulté récente. Alors que nous avons déjà ramené 30 000 de nos compatriotes, un nouveau flux se manifeste, qui nous conduit à prendre des initiatives nouvelles. Nous ne constatons pas de mouvements similaires dans d’autre pays.

J’ai présenté aux députés représentant les Français résidant à l’étranger notre dispositif de soutien en matière sanitaire, sociale et scolaire à destination des familles françaises et du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Il consiste en une augmentation des bourses de 50 millions d’euros, la possibilité d’échelonner les paiements et la facilitation des inscriptions pour l’année prochaine. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée de votre groupe de travail selon laquelle les postes doivent apporter une assistance et des conseils juridiques aux familles. En parallèle, nous avons ouvert une avance de trésorerie de 100 millions d’euros pour tous les établissements, quels que soit leur statut et la nature de leur lien avec l’État. Les établissements partenaires du réseau ne bénéficient pas, en temps normal, des mêmes facilités que ceux en gestion directe, mais ce sont souvent eux qui sont le plus dans le besoin aujourd’hui, notamment au Liban. Ces mesures concrètes et importantes trouveront une traduction budgétaire dans le troisième projet de loi de finances rectificative. Avec les dispositions sanitaires sur lesquelles je ne reviens pas, elles sont la manifestation, appréciée je crois, de notre solidarité avec nos compatriotes résidant à l’étranger et du soutien qui leur est nécessaire.

Le faux départ de l’Europe au début de la crise ne l’a pas empêchée de réagir avec beaucoup de force, à travers des aides budgétaires d’urgence et la programmation d’investissements pour la recherche, la mobilisation par la Banque centrale européenne (BCE) de 750 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 540 milliards décidés dans le cadre de l’Eurogroupe pour les entreprises, les États et les travailleurs européens.

L’initiative franco-allemande vise, non pas à gérer la crise, mais à se projeter dans l’avenir. L’un de ses piliers est la création d’un fonds de relance de 500 milliards d’euros financés par de la dette levée sur les marchés financiers par la Commission européenne, ce qui est historique. Trois autres piliers sont constitués par :

– l’affirmation de la souveraineté européenne en matière de santé, à travers notamment la constitution de stocks stratégiques et de capacités d’achat et de production communs, une action coordonnée en matière de recherche, un dispositif de prévention des épidémies et l’établissement de méthodes communes pour identifier les cas, ce qui est extrêmement nouveau et important ;

– l’accélération de la transition en matière écologique et numérique, priorité que la crise ne doit pas remettre en cause ;

– le renforcement de la souveraineté économique de l’Europe, par l’identification des biens d’importance stratégique pour notre sécurité, en particulier des points de vue sanitaire, alimentaire et numérique, l’identification des vulnérabilités d’approvisionnement, et la mise en œuvre des dispositions nécessaires à la reconfiguration des chaînes de valeur
– diversification des fournisseurs, développement de nos propres capacités de production et d’investissement en Europe. C’est une avancée significative qui avait été anticipée par quelques initiatives, telle la filière européenne de batterie.

L’autre grande question du moment sur le plan européen est l’impératif de coordination au niveau des frontières. Jusqu’au 15 juin, les frontières extérieures de l’Europe sont fermées. Les Français et les résidents permanents qui veulent revenir doivent observer une période de quatorzaine volontaire, à domicile ou dans le lieu de leur choix. Les frontières intérieures de l’espace européen ne sont pas fermées, mais des contrôles coordonnés sont réalisés avec nos partenaires. Nous avons tenu à faciliter le passage lors de la première phase du déconfinement pour les frontaliers, les personnels de santé, les transporteurs internationaux et les résidents en France : plus de points de frontière ont été ouverts, nous allons vers des contrôles mobiles et nous travaillons à une attestation unique avec nos partenaires frontaliers. Il n’y a pas, à ce niveau, de quatorzaine spécifique, car les situations épidémiologiques sont proches et les mesures de gestion de la crise ont été coordonnées. Nous allons augmenter progressivement les capacités et nous évaluerons la situation le 15 juin – nous pourrons alors faire un bilan de la deuxième phase du déconfinement, qui aura commencé le 2 juin. Si la pandémie continue à s’affaiblir en France, l’activité touristique pourra reprendre très fortement.

Au niveau international, l’Union européenne a lancé, sur proposition de la France, l’initiative ACT-A qui a permis de mobiliser 7,3 milliards d’euros lors de la conférence des bailleurs du 4 mai dernier, la France contribuant à hauteur de 510 millions d’euros. Le but est de renforcer la coordination entre les acteurs mondiaux de la santé et les États qui veulent bien participer en proposant un modèle économique et juridique alternatif à la compétition pour que les vaccins et les traitements deviennent des biens publics mondiaux, selon des règles du jeu que chacun devra respecter afin d’éviter une marchandisation qui ne serait pas très acceptable moralement ni sur le plan de l’efficacité. Quatre objectifs ont été fixés : l’accès universel aux vaccins, aux traitements et aux diagnostics à un prix raisonnable ; des productions en quantités suffisantes ; une utilisation optimale des ressources ; un partage des savoirs et des savoir-faire ainsi qu’une mutualisation des brevets. Nous avons défendu cette modification du système de santé mondial lors de l’Assemblée mondiale de la santé, qui poursuivra ses travaux jusqu’à la fin de l’année.

Nous souhaitons que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) soit reconnue et respectée, parce qu’elle constitue le seul outil universel en matière de santé, mais nous sommes d’accord sur la nécessité de la rénover pour la renforcer. Son rôle normatif doit être accru, car les mécanismes de vérification du règlement sanitaire international ne sont pas suffisants. Son rôle d’alerte doit être amélioré par la création d’un Haut Conseil de la santé humaine et animale composé de grands scientifiques, qui serait chargé d’alerter les gouvernements et d’informer les sociétés, dans le cadre de l’OMS mais d’une manière autonome, comme le fait le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ses moyens financiers doivent également être augmentés afin qu’elle puisse assurer complètement ses missions et qu’elle soit autonome en matière de gestion.

Enfin, la réalisation d’un bilan indépendant sur les origines et le développement de la pandémie a été approuvée par 194 pays.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il faudrait aussi que l’OMS puisse évaluer les situations sanitaires d’une façon indépendante – les États peuvent accepter ou non une évaluation à l’heure actuelle.

Mme Anne Genetet. Nous avons été interpellés sur la souffrance des agents du ministère, liée à la charge de travail, qui ne semble pas être perçue par leur autorité centrale. Comment souhaitez-vous y répondre ?

Quelles réponses apporterez-vous aux correspondants français à l’étranger de nos agences de voyages ?

Quelles suites diplomatiques souhaitez-vous donner à la condamnation, en Iran, de notre compatriote Fariba Adelkhah ? En ce qui concerne les tensions entre Israël et la Palestine, nous avons lu avec beaucoup d’intérêt le discours de notre représentant permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, Nicolas de Rivière. Là aussi, quelles suites diplomatiques envisagez-vous ? Comment le Parlement pourrait-il vous aider ?

M. Michel Herbillon. J’appelle votre attention sur la situation extrêmement délicate de l’Alliance française de Siem Reap, au Cambodge, qui avait ouvert ses portes il y a un peu plus d’un an grâce au soutien financier et matériel d’un groupe de restauration et d’hôtellerie, et qui est emblématique à bien des égards.

Par ailleurs Taïwan, pays considéré comme exemplaire dans sa gestion de la crise sanitaire, n’est plus membre observateur de l’OMS depuis 2016, depuis l’élection de la présidente actuelle, qui entame aujourd’hui son second mandat : qu’en pensez-vous ?

M. Bruno Joncour. Le Premier ministre israélien a réaffirmé sa volonté d’annexer rapidement certains territoires palestiniens, en violation du droit international mais en application du plan conçu par l’administration américaine. Comment la France envisage-t-elle d’aborder ce dossier avec ses partenaires européens et d’user de son influence auprès des Nations unies pour fixer les limites de cette tentative d’annexion ?

M. Jean-Paul Lecoq. En dehors des belles paroles, de quels moyens la France et l’Europe disposent-elles pour empêcher le gouvernement israélien de mettre en œuvre le plan Trump ? Comment votre ministère réfléchit-il à cette question avec le Président de la République ?

En Turquie, les maires kurdes sont arrêtés, condamnés et emprisonnés les uns après les autres. Que comptez-vous faire vis-à-vis de ce régime autoritaire qui, comme d’autres, reste indifférent à l’action diplomatique ?

Quand les Français bloqués au Maroc vont-ils pouvoir rentrer ?

M. Pierre Cabaré. Pouvez-vous préciser la position de la France quant à la participation de Taïwan à l’OMS, et vis-à-vis de la prise de fonction de la présidente de cette grande démocratie, Mme Tsai Ing-wen, qui entame son second mandat ?

M. Christian Hutin. On peut dire ce que l’on veut du Plaquénil, il sera toujours plus efficace dans la lutte contre la pandémie que l’OMS qui, par son influence davantage politique que sanitaire, ressemble de plus en plus à la Société des Nations des années 1920 et 1930.

Comment son financement, dont le coût semble excessif, va-t-il évoluer si l’on doit en outre lui adjoindre un Haut Conseil ? N’est-elle pas trop sensible aux influences politiques ?

M. M’jid El Guerrab. Ne peut-on pas lever temporairement les règles sanitaires afin que davantage de nos compatriotes bloqués au Maghreb prennent place dans les vols vers la métropole qui ont pu être affrétés ? Majoritairement binationaux, ils ont le sentiment que la France leur tourne le dos. La binationalité est-elle un problème ?

En Algérie, l’engorgement exceptionnel dû à la raréfaction des liaisons aériennes hebdomadaires a engendré sidération, colère puis violence : nos agents consulaires se font régulièrement agresser et insulter, et des manifestations ont lieu devant les consulats. Une solution globale, comme celle de mars dernier, ne peut-elle être imaginée ? Pouvez-vous détailler l’initiative spécifique au Maroc ?

M. le ministre. Les autorités marocaines et algériennes ont décidé, le 13 mars dernier, de fermer leurs frontières et leurs aéroports, et de suspendre les vols de leurs compagnies nationales.

Au Maroc, 30 000 de nos compatriotes ont pu être ramenés très rapidement, des autorisations ayant été nécessaires pour chaque vol. Nous n’attendions pas la nouvelle vague, constituée en effet de binationaux. Nous devons les rapatrier, mais nous sommes contraints par la réglementation sanitaire sur place. Nous nous employons à organiser davantage de vols, mais sachez que, au Maroc, une autorisation est requise pour chaque passager. Par ailleurs, en phase de déconfinement, on ne peut pas déroger aux règles de distanciation définies par le Haut Conseil de la santé publique, ni dans le métro ni dans les transports aériens.

Nous travaillons avec Air France pour que soient désormais assurés, non plus seulement sept vols hebdomadaires Alger-Paris, mais trois liaisons quotidiennes. La compagnie ASL, qui a racheté les droits d’Aigle Azur, étudie également un programme de vols pour l’Algérie.

Au Maroc, nous faisons en sorte d’avoir davantage de vols au départ de Marrakech et de Casablanca. Air France étudie le renforcement de ses vols sur le pays, et nous travaillons avec ASL à la possibilité d’organiser des vols à partir d’autres villes du royaume. Pour compenser la fermeture de l’aéroport d’Oujda, nous avons mis en place un service de cars gratuits vers Marrakech, mais ils ne sont pas pleins. Avec nos agents consulaires, nous faisons ce que nous pouvons, et nos compatriotes, à qui nous avions tout de même demandé de s’identifier, doivent les respecter.

Nos compatriotes voyageant en camping-car sont rapatriés par voie maritime à partir d’Agadir : deux traversées ont déjà eu lieu, une troisième se déroulera fin mai, d’autres, assurées par une autre compagnie maritime espagnole, devant intervenir ensuite.

Manifester de façon intempestive devant les consulats ne constitue pas, à mon sens, la meilleure attitude quand il s’agit de lutter contre la pandémie, d’autant que nous avons, dans le reste du monde, rapatrié la plupart de nos compatriotes, qu’ils aient été en haut de la Cordillère des Andes ou dans les îles perdues des Philippines.

Nos agents, auxquels je rends un hommage particulier, ont beaucoup souffert, je le sais, de leurs conditions de travail, de la perte de proches, se sentant parfois en danger. Nous avons cherché à renforcer le dialogue social, mis en service une cellule de soutien psychologique, et des plans de reprise d’activité différenciés leur sont dédiés.

J’ai indiqué aux parlementaires des Français résidant hors de France que, s’agissant des entrepreneurs français établis à l’étranger, je m’apprêtais à saisir Proparco, qui, consciente des engagements qui doivent être pris à cet égard, peut les appuyer, soit en les informant des dispositifs locaux de soutien, soit en les faisant bénéficier de certains dispositifs financiers.

En Iran, notre compatriote Roland Marchal a été libéré le 23 mars à la suite de beaucoup de pressions. Nous avons fait savoir aux autorités iraniennes que la condamnation à six ans de prison de Mme Fariba Adelkhah ne se fondait sur aucun élément sérieux ni fait établi, qu’elle revêtait donc un caractère politique et était parfaitement inacceptable. Le Président de la République a adressé un message particulier au président Hassan Rohani en ce sens.

S’agissant des activités nucléaires, l’Iran continue de violer le Plan d’action global commun, ou JCPoA. Notre priorité reste d’éviter qu’une crise de prolifération nucléaire ne vienne ajouter à l’instabilité de la région ainsi qu’à la crise sanitaire. Sur la même ligne que les Allemands et les Britanniques, nous travaillons avec nos partenaires russes et chinois à la préservation de l’accord de Vienne. Nous avons mobilisé le mécanisme de règlement des différends le 14 janvier dernier, pour faire comprendre à l’Iran, par le dialogue, que dans son intérêt, comme dans celui de la communauté internationale, il doit revenir à ses engagements.

Nous ferons tout pour que l’Alliance française de Siem Reap, proche du site touristique d’Angkor, demeure ouverte, la difficulté résidant dans la défaillance de son mécène, le groupe privé hôtelier Thalias. Je m’y implique personnellement. Consigne a été donnée à notre ambassadeur pour que sa pérennité soit assurée en attendant que la reprise de l’activité touristique permette soit que le groupe hôtelier reprenne sa place, soit de trouver d’autres partenaires.

Nous sommes favorables à ce que Taïwan redevienne membre observateur de l’Assemblée mondiale de la santé, ne serait-ce que pour éviter un vide sanitaire territorial. Dans un contexte de renforcement de la conflictualité entre la Chine et les États-Unis, nous avons obtenu, en manière de compromis, que la question de son statut soit discutée en fin de session.

D’une façon plus générale, la position de la France sur Taïwan reste immuable depuis 1964 et la reconnaissance de la République populaire de Chine : elle considère qu’il n’existe qu’une seule Chine et qu’un rapprochement doit intervenir entre les deux rives du détroit, tout en se gardant de toute provocation. N’ayant pas reconnu Taïwan, et même si nos relations économiques sont, à l’instar de celles que l’île entretient avec la Chine continentale, importantes, notre pays n’était logiquement pas représenté lors de l’investiture de Mme Tsai Ing-wen.

Pour ce qui est du Haut Conseil, ce n’est pas une question d’argent : il s’agit qu’une instance scientifique indépendante puisse donner l’alerte en matière de santé. Nous souhaitons également une réforme de l’OMS, s’inscrivant dans le cadre d’une refonte du système sanitaire mondial et permettant une plus grande indépendance financière de l’organisation qui, à l’heure actuelle, perçoit de chaque État à la fois une contribution obligatoire et une contribution complémentaire, liée à des opérations – c’est cette seconde que les États-Unis ne veulent plus verser, faisant preuve d’une réticence malvenue.

L’installation du nouveau gouvernement israélien met un terme à une crise politique qui dure depuis décembre 2018. La France s’en félicite, et je vais rapidement prendre contact avec mon homologue israélien. Cela dit, avec cette investiture, la menace d’une annexion partielle de la Cisjordanie à brève échéance se trouve renforcée, puisque, selon l’accord de coalition, le Premier ministre peut soumettre cette décision à l’approbation du Gouvernement et de la Knesset dès le 1er juillet, sous réserve d’avoir obtenu l’assentiment des États-Unis. Outre que cela constituerait une violation grave de l’un des principes fondamentaux du droit international et permettrait de justifier l’occupation de territoires par la force, ce qui n’est pas acceptable, cela remettrait en cause de manière irréversible la solution des deux États et la recherche d’une paix durable. Nous travaillons avec plusieurs États européens, notamment l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne, en vue de mener une action commune de prévention et éventuellement de riposte. Parallèlement, nous avons des contacts avec la Jordanie et l’Égypte, signataires des accords de paix avec Israël, afin qu’ils passent des messages au gouvernement israélien. Nous en avons aussi avec les autorités palestiniennes, sans lesquelles aucune initiative ne pourrait être prise, et qui ont fait connaître leur intention de rompre certains accords internationaux portant sur la sécurité dans les territoires occupés. Nous voulons que tout le monde revienne à la table des négociations.

M. Meyer Habib. Plutôt que de demander aux personnes en provenance de pays hors UE, comme le Vietnam, l’Australie, les Émirats arabes unis ou Israël, où l’on compte très peu de cas, de se soumettre à un isolement de quatorze jours, ne serait-il pas plus logique de les tester ?

S’agissant de l’extension de la souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain, il n’existe pas de consensus européen. La Grèce, la République tchèque, la Pologne ou la Hongrie sont loin de partager la position observée par la France depuis un demi-siècle : l’attachement obstiné aux frontières de 1967 n’a jamais permis de faire avancer la paix, au contraire. Les dirigeants palestiniens ont toujours repoussé les solutions à deux États, ultra-avantageuses, des accords d’Oslo, du plan Barak et du plan Olmert. La France va-t-elle une nouvelle fois s’ériger en fer de lance d’une campagne anti-israélienne, sans tenir compte des vérités historiques ? Pensez-vous qu’il soit de son intérêt de prendre la tête de ce qui s’apparente à une croisade diplomatique contre l’État d’Israël ?

Mme Aude Amadou. Pensez-vous que l’ONU soit prête à reconstruire une doctrine du multilatéralisme fondée sur les biens publics mondiaux, afin d’en garantir une approche plus efficace, plus éthique et plus adaptée aux enjeux contemporains ?

M. Didier Quentin. Que pensez-vous des chances de réussite du projet de plan de relance européen ? Ne faudrait-il pas sortir du système actuel de décision à l’unanimité, comme le préconise Pascal Lamy ?

Il semble que la modernisation des frégates que la France avait vendues à Taïwan dans les années 1990 constitue une nouvelle source de tensions avec Pékin : pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ?

Mayotte se trouve dans une situation sanitaire très préoccupante, notamment en raison d’une immigration illégale massive venue des Comores, qui refusent de réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement. Quelles initiatives entendez-vous prendre face à cette mauvaise volonté de l’Union des Comores ?

Et n’oublions pas l’Alliance française de Siem Reap, au Cambodge.

Mme Isabelle Rauch. Au milieu des jeux de pouvoir et d’influence, comment éviter que l’OMS ne devienne un terrain d’affrontement politique, ce qui fragiliserait cette organisation et sa capacité à répondre efficacement aux crises sanitaires mondiales ? Comment mettre en pratique l’exigence de solidarité au sein de l’OMS pour endiguer cette nouvelle fragilisation d’un multilatéralisme qui garantit la paix et la coopération entre les nations depuis la fin de la guerre froide ?

M. Éric Girardin. Quand pourrons-nous voir l’Europe de la santé se réaliser ? À quel rythme ce projet va-t-il avancer ?

Quelles entreprises françaises et européennes, notamment du secteur pharmaceutique et d’équipements sanitaires, pourraient être mobilisées ? Faut-il s’attendre à la naissance d’un géant ? Si oui, les obstacles à l’émergence de leaders européens pourraient-ils être levés à la suite des discussions entre le gouvernement français et ses partenaires européens ?

Comment inciter l’industrie européenne à se spécialiser dans les secteurs d’avenir que sont les biomédicaments, la lutte contre l’antibiorésistance, les thérapies géniques ou encore l’e-santé ?

M. Alain David. Je sais que vos équipes font le maximum, mais j’insiste, moi aussi, sur le fait que des milliers de Français sont encore bloqués au Maroc, souvent malades et dans l’impossibilité de renouveler leurs traitements, et parfois sans travail, donc sans ressources.

Qu’en est-il de l’essai Discovery, qui a pris un retard énorme et pourrait se solder par un échec ?

Quelles démarches notre diplomatie entend-elle effectuer pour apaiser les tensions au sein de l’OMS et lui permettre de jouer pleinement son rôle durant la pandémie ?

M. Pierre Cordier. Les restrictions aux frontières sont prévues pour durer jusqu’au 15 juin. En l’absence d’un assouplissement avant cette date, je crains que les régions frontalières, en particulier les Ardennes, ne soient confrontées à d’importantes difficultés économiques. Que pourriez-vous faire pour éviter cela ?

Mme Ramlati Ali. Je vous remercie d’être intervenu la semaine dernière pour aider les ressortissants mahorais bloqués à Dubaï.

Le dispositif d’aide exceptionnelle pour les Français vivant à l’étranger ne semble pas avoir été étendu à ceux qui y sont bloqués du fait de la fermeture des frontières ou de l’arrêt des vols commerciaux, et qui en subissent le coût. Afin de rétablir l’égalité, avez-vous envisagé un dispositif d’aide exceptionnelle à leur intention ?

M. le ministre. Monsieur Habib, vous avez parlé d’une croisade diplomatique contre Israël dont la France prendrait la tête : ce n’est pas acceptable de s’exprimer ainsi de la part d’un parlementaire français.

M. Meyer Habib. Je suis un élu libre et j’assume mes propos !

M. le ministre. C’est d’autant plus inacceptable que vous aviez certainement connaissance du communiqué dans lequel je disais : « Dans lesprit damitié et de coopération qui préside aux relations franco-israéliennes, [la France] réaffirme sa volonté de continuer à travailler avec le nouveau gouvernement israélien dans la lutte contre la pandémie du covid-19 et dans les nombreux domaines qui font la richesse de notre relation, ainsi que son attachement indéfectible à la sécurité dIsraël et son engagement aux côtés dIsraël pour la sécurité régionale. » Vous êtes allé trop loin, monsieur Habib !

Pour ce qui est de la quatorzaine volontaire demandée aux Français revenant d’un pays situé hors de l’Union européenne, elle est fondée sur l’idée que nos compatriotes sont responsables ; si elle ne s’applique pas aux personnes revenant de pays européens, c’est parce que la plupart de ces pays ont adopté des modalités de déconfinement similaires aux nôtres. Un allégement pourra intervenir à partir du 15 juin : sans doute ne sera-t-il maintenu une quatorzaine – obligatoire, cette fois – que pour les personnes revenant de certains pays où la pandémie continuera à sévir de façon virulente. Nous ne pouvons transiger sur cette préoccupation essentielle qu’est pour nous la sécurité sanitaire des Français.

Si tout va bien, nous allons assouplir progressivement les mesures de protection, et j’espère que les Belges pourront bientôt aller boire une bière dans les Ardennes. En attendant, chacun doit prendre son mal en patience et respecter les mesures de précaution qui s’imposent si nous voulons sortir durablement de la pandémie. Il ne faut pas précipiter les choses, sous peine de devoir revenir en arrière.

Les huit Mahorais bloqués à Dubaï sont effectivement en train de rentrer en France, si ce n’est déjà fait.

Il est compliqué d’assurer la solidarité nationale sous la forme d’une aide financière apportée à tous les Français bloqués à l’étranger. De même, nous ne pouvons faire droit à toutes les demandes, notamment à celles consistant à prendre en charge des nuits d’hôtel et des repas pour les Français qui, de retour de l’étranger, doivent passer par Paris avant de rejoindre leur domicile en province : l’État n’est pas une assurance tous risques ! Cela dit, les consulats peuvent débloquer des aides sociales d’urgence pour les cas exceptionnels, afin d’éviter que nos compatriotes ne se retrouvent à la rue.

L’initiative franco-allemande relative au plan de relance a été plutôt bien accueillie par la Commission et par les États membres. Quant à passer à la majorité qualifiée, il faudrait pour cela un vote à l’unanimité !

La crise sanitaire a entraîné la fermeture des frontières entre le département de Mayotte et les Comores, interrompant les reconduites d’étrangers en situation irrégulière. Nous avons multiplié les actions auprès des autorités comoriennes, qui vont reprendre les réadmissions avec toutes les garanties sanitaires.

S’agissant des frégates, nous appliquons strictement le communiqué franco-chinois de 1994 concernant les ventes d’armes entre la France et Taïwan.

La mise en œuvre du plan de relance nécessitera de modifier le droit de la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne pour les filières stratégiques, comme le médicament. Certains obstacles nous rendant moins compétitifs, il faudra réformer les règles des marchés publics afin de permettre le contrôle des investissements stratégiques. Le contexte politique le permet, avec l’affirmation forte de la souveraineté sanitaire européenne par la mise en commun des stocks stratégiques, des capacités de production et d’achat, des plans de prévention des épidémies et des centres de recherche.

Concernant nos ressortissants au Maroc, nous devons établir la liste des binationaux, car les autorités marocaines veulent vérifier qu’il s’agit bien de résidents en France. Nous devons ensuite identifier les passagers et affréter des vols spéciaux avec Air France, dont les avions partent à vide puisque les frontières marocaines sont fermées. Concernant les camping-caristes présents à Agadir, le Quai d’Orsay s’occupe de les ramener par voie de mer, les bateaux n’étant hélas pas toujours pleins.

Pour apaiser les tensions à l’Organisation mondiale de la santé, nous avons pris l’initiative d’une résolution affirmant que vaccins et traitements font partie des biens publics mondiaux, et demandant une réforme de l’OMS. Le président Xi a validé cette évolution, y compris le concept de bien public mondial. Chaque pays, pauvre ou riche, doit pouvoir bénéficier des vaccins et des traitements en temps utile et simultanément.

M. Frédéric Petit. La création d’une ligne budgétaire spéciale Sauvegarde des réseaux dinfluence à l’intérieur du programme 185 permettrait, pendant un an ou deux, d’identifier l’aide que nous apportons. Que pensez-vous de notre suggestion de mettre à jour, d’ici au projet de loi de finances initial, les contrats d’objectifs et de moyens (COM) des opérateurs, afin de ne pas arrêter les réformes ?

Mme Samantha Cazebonne. Si l’avance versée à l’enseignement français à l’étranger par l’Agence France Trésor se transforme en crédits budgétaires, sera-t-il possible de verser une aide à toutes les familles, sans lesquelles notre diplomatie d’influence ne pourrait exister ?

Mme Liliana Tanguy. L’Europe de la santé est une priorité, qui doit être dotée de compétences concrètes. Or l’élargissement des compétences de l’Union nécessiterait une modification des traités européens. Le renforcement de la coopération sanitaire pourrait-il se faire sur le modèle de la coopération renforcée en matière de défense ? Est-il possible de créer en Europe une autorité pour la recherche et le développement avancé dans le domaine biomédical, comme existe la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) aux États-Unis, pour assurer une régulation en cas de menace pandémique, chimique ou biologique ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. La question n’est pas de créer une nouvelle compétence européenne mais, au contraire, de renforcer notre compétence nationale, puisque ce sont les pays disposant d’une liberté de manœuvre qui ont eu le moins de victimes.

Le remboursement des 500 milliards du plan de relance sera effectué sur la base des contributions au budget de l’Union européenne. La France, qui contribue à hauteur de 20 %, devrait recevoir au moins 100 milliards pour y gagner ! L’Allemagne et la France paieront pour d’autres : c’est donc une fausse solution.

Pour surmonter la crise, il faudra soit assumer une dette très lourde, soit opter pour de la création monétaire. Comment réagiront la BCE et l’Allemagne à l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui signe la fin du rêve de certains de mutualiser la dette ?

Mme Marion Lenne. Comment vont nos compatriotes condamnés à mort au Levant ? Envisagez-vous, à terme, leur rapatriement ?

Mme Bérengère Poletti. Les dotations budgétaires de l’Institut Pasteur ont diminué ces dernières années. Entendez-vous renforcer sa présence en Afrique ?

Une experte de l’OMS a recommandé la création d’un nouveau comité sur la santé plutôt qu’un groupe d’experts indépendants sur le modèle du GIEC : quelle solution a votre préférence ?

Une partie des Ardennes entre comme une presqu’île dans la Belgique. Est-il possible de trouver une solution bilatérale pour appliquer la règle des 100 kilomètres à ces deux territoires et soutenir ainsi le commerce, qui dépend grandement de la clientèle transfrontalière ?

M. Hervé Berville. Le projet de loi actant la fin du franc CFA et sa transformation en eco a été présenté aujourd’hui en conseil des ministres : quand sera-t-il examiné ?

La solidarité internationale est essentielle pour surmonter la crise : quand le projet de loi de programmation concernant l’aide publique au développement reviendra-t-il à l’Assemblée nationale ?

Mme Mireille Clapot. Pour les plus de 11 millions de prisonniers dans le monde, les préconisations de l’ONU et de l’OMS en matière de santé publique ne sont pas toujours respectées, l’accès aux soins n’étant pas assuré en cas de surpopulation dans les prisons. Que peut faire la France pour ces prisonniers ?

Mme Frédérique Dumas. Le trafic d’essence est la principale source de financement du terrorisme au Sahel ; les camions-citernes circulent toujours, même lorsqu’il y a des combats. Estimez-vous normal que les soldats français périssent et risquent leur vie, alors que nous fermons les yeux sur ce trafic ? Cela contribue à développer le sentiment anti-Français, dont nous sommes toujours prompts à dénoncer les raisons, tout en refusant de regarder la réalité en face. Il faut s’attaquer à la racine du mal : le financement même de ces réseaux. Qu’allez-vous faire pour mettre fin à cette impunité et protéger les populations locales ainsi que nos soldats ?

Mme Sira Sylla. Depuis l’attaque d’Yrgou en janvier 2019, les ONG alertent sur les massacres ethniques qui visent les Peuls, au nom de la lutte contre le terrorisme. Que peut faire la France ? Est-il envisageable qu’une enquête soit diligentée par la justice internationale ou dans un cadre bilatéral ? Ne doit-on pas impliquer l’ambassadeur du Burkina Faso en France ?

M. Jean François Mbaye. Après l’accord sur le retrait des troupes américaines, on craint en Afghanistan une recrudescence de la violence sur fond d’épidémie de covid-19. Avez-vous des précisions sur la situation ?

M. Jean-Louis Bourlanges. Pour être adoptée, l’initiative franco-allemande doit être approuvée à l’unanimité par les États membres de l’Union européenne, donc également par des pays extérieurs à la zone euro, alors qu’elle conditionne directement l’avenir de cette dernière. Comment réagissent nos partenaires de l’est de l’Europe ?

Je connais le cas d’un Franco-marocain, résident français, arrivé au Maroc le 9 mars et qui n’a pas pu en repartir comme prévu, le 17, son vol ayant été annulé. Le consulat n’a accusé réception de son signalement que le 1er avril. Depuis, il est bloqué à Fès. Manifestement, quelque chose ne fonctionne pas dans la gestion des files d’attente. Pouvez-vous apporter des réponses à ce monsieur ?

Mme Nicole Le Peih. Vous avez qualifié l’annexion de la vallée du Jourdain en perspective de violation grave du droit international, et considéré qu’on ne pourrait agir qu’avec les Palestiniens : quelles sont les chances de faire aboutir les négociations, et dans quels délais ?

M. Jacques Marilossian. Après cette pandémie et face à la montée en puissance de la Chine, qui, en 2008, était encore qualifiée de pays émergent, ne serait-il pas opportun de lancer une nouvelle réflexion, sous forme d’un livre blanc, sur les orientations de notre politique étrangère pour les dix prochaines années ?

M. Rodrigue Kokouendo. La France s’est engagée à verser 1,2 milliard d’euros pour lutter contre la propagation du covid-19 en Afrique. Cette aide est nécessaire, mais ne devrions-nous pas affirmer davantage notre rôle en aidant dès maintenant l’Afrique à préparer l’après-pandémie, par exemple en adaptant son système de production agricole en prévision d’autres catastrophes, sanitaires ou naturelles ?

M. le ministre. Je n’ai pas le sentiment que nos opérateurs qui travaillent à l’étranger soient en demande d’une modification des COM, ni que la création d’une nouvelle ligne budgétaire soit nécessaire. Si cela devait néanmoins ressortir du travail de votre commission, je le prendrai en considération.

L’avance de France Trésor, je l’ai déjà dit, devait nous permettre d’aller vite, sans attendre le prochain exercice budgétaire. Ces financements sont destinés à l’ensemble des familles et des établissements du réseau, et leur répartition sera faite selon les besoins par les ambassadeurs. Pour l’heure, nous « sauvons les meubles », nous verrons ensuite les modalités futures d’inscription de ces crédits. Je compte beaucoup sur votre commission pour cela.

Il existe un Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, basé à Stockholm. Il n’a hélas pas les moyens de jouer pleinement son rôle. Nous voulons donc lui donner les capacités nécessaires pour agir dans le cadre de l’Europe sanitaire, qui fait consensus, car la mutualisation des recherches et des capacités participe de la protection et de la sécurité de nos concitoyens. En outre, mettre en œuvre l’Europe de la santé ne nécessite pas de modifier les traités.

Nous avons initié, avec le Président de la République, un dispositif de financement ACT-A, qui diffère de la BARDA américaine en ce qu’il repose sur le principe selon lequel le vaccin est un bien public mondial. C’est une innovation considérable et un pas en avant formidable pour la sécurité sanitaire mondiale.

Les modalités de remboursement du plan de relance de 500 milliards ne sont pas encore fixées. Je n’anticiperai pas.

En ce qui concerne l’arrêt de la Cour de Karlsruhe, et la BCE et la Commission ont réagi, la première pour rappeler sa détermination à tout faire pour assurer la stabilité des prix, la seconde pour rappeler la primauté du droit de l’Union et l’indépendance de la BCE dans la mise en œuvre de la politique monétaire, et évoquer une éventuelle procédure d’infraction pour manquement contre l’Allemagne. La Cour de justice a également rappelé sa compétence exclusive pour se prononcer sur la validité des actes de l’Union ainsi que le caractère obligatoire de ses arrêts pour les juridictions nationales.

Des terroristes français ont, en effet, été condamnés à mort par la justice irakienne. J’ai personnellement demandé au Président de la République irakien que la peine capitale ne leur soit pas appliquée.

Je me suis déjà exprimé sur la pointe des Ardennes où les contraintes sanitaires sont très pénalisantes. Nous discutons avec les Belges pour assouplir les contrôles aux frontières, mais je ne peux pas prendre de mesures dérogatoires.

Il y a trente-deux instituts Pasteur dans le monde, dont sept en Afrique. L’institut de Dakar est essentiel pour la réalisation des tests, et celui de Madagascar joue un rôle important pour la surveillance épidémiologique. Nous avons augmenté leurs financements, en particulier pour ceux qui travaillent sur le covid-19.

Dans le cadre de la transformation du franc CFA en eco, le rôle de la France se limitera désormais à celui de garant financier de la zone, la parité fixe et la convertibilité en euro étant maintenues. Le projet de loi devrait être prochainement examiné par le Parlement, concrétisant les engagements pris par le Président de la République à Ouagadougou.

Quant à la révision de la LOP-DSI, personne ne comprendrait qu’elle n’ait pas lieu, mais la pandémie a bousculé l’agenda parlementaire et retarde son examen.

Je ne reviens pas sur ma position concernant une possible annexion d’une partie de la Cisjordanie. Je m’entretiens régulièrement avec Mahmoud Abbas et son ministre des affaires étrangères, comme je m’entretiens avec mes homologues israélien, égyptien et jordanien. Se contenter de paroles incantatoires à l’intention de l’Autorité palestinienne ne suffira pas, il faut faire en sorte que les principes du droit international soient respectés par toutes les parties. Telle est notre position, qui n’a rien à voir, je le rappelle, avec une croisade.

Au Sahel, la zone des trois frontières est le cadre de combats entre des groupes terroristes affiliés à l’État islamique et des groupes liés à al-Qaïda. De tout temps, ces groupes se sont financés grâce au trafic d’essence, d’armes ou de drogue. Les militaires de Barkhane n’ignorent rien de ces opérations, qui s’étendent jusqu’en Libye et au Nigéria. Ils les interceptent dès qu’ils le peuvent, et notre souhait est de les combattre.

Au Burkina Faso, nous sommes vigilants à la manière dont sont traités les prisonniers. Nous avons à plusieurs reprises fait savoir aux autorités burkinabées que toute exaction commise par l’armée était intolérable.

En Afghanistan, il faut saluer l’accord intervenu entre le Pachtoune Ashraf Ghani et le Tadjik Abdullah Abdullah, qui se disputaient le résultat de l’élection présidentielle. Il était urgent que le pays dispose d’autorités régulières, au moment où les Américains négociaient avec les talibans un échange de prisonniers et un retrait progressif de leurs troupes, tandis que les talibans devaient, de leur côté, négocier avec les autorités afghanes. Cette situation complexe avait suscité un fort regain de violence. Souhaitons que le fait qu’Ashraf Ghani prenne la présidence de l’État, et Abdullah Abdullah la présidence du Haut Conseil pour la réconciliation nationale contribue à apaiser les tensions. L’attaque récente de la maternité de MSF montre néanmoins que, pendant la pandémie, le terrorisme continue.

Monsieur Bourlanges, nous allons examiner la situation du ressortissant français qui n’a pu faire partie des 30 000 ressortissants français rapatriés du Maroc.

La réaction de nos partenaires européens, y compris parmi les nouveaux États membres, à l’initiative franco-allemande nous paraît plutôt positive. L’Autriche est la seule à avoir manifesté son opposition. Nous espérons que la force de conviction de l’Allemagne et de la France permettra de rallier l’unanimité.

Entreprendre une réflexion sur les grandes orientations de notre politique étrangère : pourquoi pas ? Le renforcement de la conflictualité entre la Chine et les États-Unis sous n’importe quel prétexte – Taïwan ou l’OMS –, semble malheureusement me donner raison quant à ma vision pessimiste du monde d’après. Face à cela, notre meilleure carte est la multiplication des initiatives multilatérales, qui s’avèrent payantes, qu’il s’agisse de la mise en œuvre du dispositif ACT-A, de la résolution de l’OMS demandant une évaluation des origines de la pandémie et de sa propagation, ou de l’initiative franco-allemande sur le plan de relance.

Il y a eu enfin l’initiative spectaculaire du Président de la République de mobiliser dix-huit chefs d’États européens et africains en faveur de l’Afrique où, fort heureusement, la pandémie ne s’est pas développée comme on le craignait. Pour autant, l’Afrique souffre de la pénurie alimentaire provoquée par l’interruption des échanges. C’est pourquoi la France a lancé l’idée d’un pont aérien humanitaire européen destiné à la distribution de produits alimentaires et de matériel sanitaire. Le premier vol a eu lieu il y a dix jours vers la République centrafricaine ; une trentaine d’autres sont programmés tout au long du mois de juin.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci, monsieur le ministre. Dans ces temps difficiles, il faut garder confiance et lucidité, et nous comptons sur la France et sur l’Europe pour ne pas laisser s’exacerber les conflits entre grandes puissances.

Nous comptons sur vous pour que votre ministère regarde avec attention nos propositions sur la répartition de l’aide financière destinée aux réseaux de l’enseignement français à l’étranger, qui s’inscrivent dans une réflexion sur le long terme. Il est plus nécessaire que jamais d’écouter ce qu’ont à dire les parlementaires, qui ont une connaissance concrète du terrain.

La séance est levée à 17 heures 35.

----------------


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M’jid El Guerrab, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, M. Mustapha Laabid, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Mounir Mahjoubi, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. François de Rugy, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Michel Fanget, M. Claude Goasguen, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Buon Tan

Assistaient également à la réunion. - M. Bruno Fuchs, M. Jacques Marilossian, M. Gwendal Rouillard