Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

     Suite de l’examen des articles du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (n° 2357) (M. Bruno Questel, rapporteur)                            2

 


Jeudi
7 novembre 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (n° 2357) (M. Bruno Questel, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, hier soir, nous nous sommes arrêtés à l’article 11. Nous reprenons donc nos travaux ce matin par l’examen des amendements après l’article 11.

M. Sacha Houlié. Madame la présidente, trois réunions sont prévues aujourd’hui. Vous paraît-il possible de terminer l’examen du texte dans ce délai ? En effet, nous devons être demain dans l’hémicycle pour examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales (RCT) ». Il risque d’être compliqué de reprendre nos travaux sur le présent projet de loi ensuite… Nous n’avons pas encore reçu de convocation rectificative. Peut-être pouvons-nous terminer ce soir ? Nous avons besoin d’en savoir plus pour nous organiser.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je n’ai pas envoyé de convocation rectificative car j’espère en effet que nous allons terminer l’examen du texte aujourd’hui. En accord avec les responsables des groupes, nous pourrons éventuellement prolonger nos débats ce soir.

Après l’article 11

La Commission examine l’amendement CL71 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. L’octroi des sièges au conseil communautaire tient compte de la population municipale. De ce fait, les stations touristiques, dont la contribution financière aux instances communautaires est pourtant importante, sont souvent sous-représentées car leur population à l’année est faible. L’amendement vise à tenir compte de la population telle que prise en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour la représentation de ces communes au sein de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

M. Bruno Questel, rapporteur. Nous avons eu ce débat sur un autre amendement hier. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, mon avis est défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Mon avis sera également défavorable. En outre, cette disposition ne serait pas conforme à la Constitution. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL739 de Mme Laure de La Raudière.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Cet amendement vise à traiter le problème des charges engendrées, pour un EPCI, par le retrait d’une commune. Par exemple, lorsqu’une commune n’a pas financé l’actif de l’EPCI sur ses ressources budgétaires, elle ne devrait pas pouvoir récupérer une part d’actif proportionnelle à son nombre d’habitants.

M. Bruno Questel, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer les modalités de transfert de biens et immeubles entre EPCI et communes en cas de transfert de compétences. Mais je vous demanderai de le retirer car son objet me semble beaucoup plus large que ce que vous nous avez présenté.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Mon cabinet travaille avec Mme de La Raudière sur le sujet. Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire, en supprimant l’alinéa, l’amendement supprime également une petite marge de manœuvre afin que l’EPCI puisse négocier les aspects financiers du retrait avec la commune. Je pense que ce n’est pas l’objectif de Mme de La Raudière. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Avant l’article 11 bis A

La Commission examine en discussion commune les amendements identiques CL1076 de Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, CL978 de Mme Bérangère Couillard, CL1079 de Mme Marie-Pierre Rixain et CL1128 de Mme Anne Blanc, ainsi que les amendements CL469 de Mme Cécile Untermaier, CL690, CL692 et CL693 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL560 de Mme Laurence Gayte, les amendements identiques CL1172 du rapporteur, CL674 de M. Vincent Bru et CL1048 de M. Sacha Houlié, ainsi que l’amendement CL840 de M. Paul Molac.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’amendement CL1076 a pour objet de supprimer le seuil de 1 000 habitants pour l’application du scrutin de liste paritaire aux élections municipales.

Mme Bérangère Couillard. L’amendement CL978 propose d’appliquer le scrutin de liste paritaire aux élections municipales pour toutes les communes. Cela permettra de renforcer la présence des femmes dans les exécutifs locaux. En l’état actuel du droit, seules les communes de moins de 1 000 habitants ne sont pas soumises à des règles paritaires. Il est donc nécessaire d’étendre cette obligation à l’ensemble des communes de notre pays.

Cette proposition a reçu le soutien de l’Association des maires de France (AMF), de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), de différentes associations d’élus, du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et, bien évidemment, de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Faut-il le rappeler, l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat.

Au-delà de la parité, l’AMRF plaide pour le scrutin de liste afin que les conseils municipaux soient élus sur un projet, qu’on en finisse avec le panachage, la parité n’étant qu’une conséquence du scrutin de liste.

Mme Fiona Lazaar. L’amendement CL1079 est issu des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes,

Depuis plus d’un an, nous avons procédé à un cycle d’auditions sur la parité à l’échelon local, partant du constat que des marges de progrès demeurent. Nous avons ainsi entendu l’Association des maires de France, l’Association des maires ruraux de France, l’Assemblée des communautés de France (AdCF) et l’association Elles aussi.

Pour porter nos propositions, nous nous étions saisis de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires et avions, en parallèle, déposé une proposition de loi rassemblant assez largement sur les bancs de notre assemblée. Nous nous accordons tous, je crois, à reconnaître la nécessité de généraliser le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes.

Notre amendement propose donc de supprimer le seuil de 1 000 habitants. Nous avons néanmoins prévu des dispositifs dérogatoires pour les plus petites communes, afin de respecter les impératifs constitutionnels et de garantir un fonctionnement effectif des institutions locales. Nous avons parfaitement conscience, en effet, des difficultés à trouver des candidates et des candidats dans les petites communes. Je salue, à cet égard, l’engagement des élus, si déterminant pour nos territoires !

Certains disent que la généralisation du scrutin paritaire serait une contrainte de plus. Je m’inscris en faux contre cette idée reçue : ce n’est pas une contrainte, mais une opportunité, celle de mieux associer les femmes à la vie politique et de dépasser les stéréotypes de genre qui perdurent encore trop souvent. Certains candidats disent avoir du mal à trouver des colistiers. Mais on constate, hélas, trop souvent qu’ils n’ont pas ou peu sollicité les femmes.

L’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause de ce quinquennat. Nous devons envoyer un signal fort, mais aussi la traduire concrètement dans tous les secteurs. Nous avons engagé cet effort dans le monde du travail et dans la fonction publique ; faisons-le également dans nos instances électives locales.

Mme Anne Blanc. Dans le même esprit, l’amendement CL1128 propose d’appliquer le scrutin de liste paritaire aux élections municipales pour toutes les communes afin de renforcer la présence des femmes dans les exécutifs locaux.

En outre, ce mode de scrutin permettra à tous les candidats de porter un projet politique dans le cadre d’une liste, même s’ils se présentent dans une commune de moins de 1 000 habitants. C’est une autre avancée importante.

Afin de prévenir toute difficulté dans la composition des listes paritaires dans les plus petites communes, un dispositif dérogatoire est introduit : les listes pourront être composées d’autant de candidats que de conseillers municipaux nécessaires pour que le conseil municipal soit réputé complet au sens de l’article 11 septies introduit par le Sénat.

Par cet amendement, Stéphane Boudu et moi-même, co-rapporteurs pour avis au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, nous associons à l’initiative portée par la présidente de la commission des Lois et par la délégation aux droits des femmes.

Mme Cécile Untermaier. La parité est en effet la grande cause du quinquennat. Nous avons ici l’occasion de le montrer. Les communes de moins de 1 000 habitants représentent 74 % des communes de France. Mais les femmes y sont sous-représentées – moins de 35 % des conseillers municipaux et 17 % des maires. Monsieur le ministre, vous avez écarté la parité au sein des exécutifs locaux pour des motifs de nature constitutionnelle et de pragmatisme que vous nous avez expliqués hier. En revanche, après en avoir discuté longuement avec mon groupe, nous considérons que la parité lors de l’élection ne peut se voir opposer les mêmes motifs. C’est pourquoi l’amendement CL469 propose que le scrutin de liste paritaire soit étendu aux communes de moins de 1 000 habitants. Vous évoquez le principe de pluralisme des opinions. Nous vous avons entendu. Un amendement ultérieur proposera l’incomplétude des listes, qui peut constituer une réponse dans les petites communes. Cela a été dit, mais je le répète, l’Association des maires ruraux et l’AMF sont favorables à cet amendement.

Enfin, ce dispositif protège aussi davantage le maire qu’un scrutin plurinominal. Nous le défendrons avec beaucoup de conviction.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Les amendements CL690, CL692 et CL693 mettent en place le dispositif que mes collègues ont déjà présenté. L’amendement CL690 prévoit une application dès 2020, le CL692 après 2020, en cas d’élections partielles, et le troisième, le CL693, pour les élections de 2026. Cela étant, je soutiendrai, parmi tous les amendements en discussion commune, ceux introduisant une souplesse dans le nombre de candidats à présenter dans les petites communes.

Une telle évolution va dans le sens de l’histoire. Je ne vais pas revenir sur la place des femmes en politique, ni vous rappeler quand une femme a été nommée pour la première fois Premier ministre dans notre pays. Je ne reviendrai pas non plus sur l’incapacité des femmes ou sur la façon dont elles ont obtenu le droit de vote – ce n’est pas le Parlement qui le leur a donné… Les réformes constitutionnelles de 1999 et de 2008 ont conforté leur place en politique et dans le monde de l’entreprise. Je l’ai rappelé lors de la discussion générale, l’attente de nos concitoyens est forte. Nous avons besoin que des hommes et des femmes s’engagent. C’est tout l’objet de ce projet de loi : faciliter l’engagement.

Mme Laurence Gayte. L’amendement CL560 vise à instaurer le scrutin de liste applicable aux communes de plus de 1 000 habitants aux 74 % de communes françaises comptant moins de 1 000 habitants. Il s’agit d’améliorer la parité, avec une alternance obligatoire, et réduire le nombre de conseillers municipaux en fonction de la population de la commune, afin de respecter le principe de pluralisme.

M. Bruno Questel, rapporteur. La parité est bien sûr fondamentale. Elle doit être portée par toutes et tous, en dehors de considérations partisanes ou de conjonctures législatives ou politiques. Mais elle mérite aussi d’être sécurisée juridiquement. À la faculté, les professeurs de droit nous rappelaient souvent l’impérieuse nécessité d’être vigilant à la constitutionnalité des textes. En tant que rapporteur du projet de loi, je considère précisément que nous n’avons pas tous les éléments pour sécuriser juridiquement le dispositif prévoyant la suppression totale du seuil d’habitants pour l’application du scrutin de liste paritaire.

L’amendement CL1172 vise donc à rendre possible l’application de ce scrutin aux communes de 500 habitants et plus au lieu de 1000 actuellement. Cela permettra un progrès non négligeable en termes de parité.

J’appelle votre attention sur un fait important : en 2014, plus de soixante communes n’ont pas été en capacité d’élire des conseillers municipaux compte tenu des règles alors applicables. Avec la suppression du seuil, plusieurs centaines pourraient être dans ce cas. Or nous ne sommes pas élus pour fragiliser le droit en vigueur. Celui-ci mérite d’être encore travaillé. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements au profit de celui que je présente.

M. Vincent Bru. Notre groupe soutient les amendements d’Élodie Jacquier-Laforge, mais nous avons également déposé l’amendement de repli CL674, identique à celui du rapporteur.

Nous souhaitons que le projet municipal soit un projet commun, un projet d’équipe. Beaucoup de maires me l’ont dit lorsque je les ai rencontrés : lorsqu’un adjoint décède ou démissionne, celui qui a le plus de voix veut devenir adjoint or ce n’est pas forcément une bonne chose. La baisse du seuil à 500 habitants permettra de réaliser ce travail d’équipe sur la base d’un projet commun et de résoudre certains problèmes très concrets qui se posent aux toutes petites communes.

M. Sacha Houlié. Le 8 mars 2017, le Président de la République, alors en campagne, avait lancé un appel à l’engagement des femmes en politique et annoncé que, s’il était élu, l’égalité femmes-hommes serait déclarée grande cause du quinquennat. Cela s’est traduit dès les élections législatives : investitures paritaires de La République en Marche, puis parité des députés de la majorité à l’Assemblée nationale.

Désormais, la question se pose pour les élections municipales. Nous souhaitons, à cette occasion, faire un nouveau progrès. Il m’est particulièrement cher puisque j’ai succédé à Catherine Coutelle, ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes, et que je viens d’un département où avait été élue Édith Cresson, première femme Premier ministre de France.

Mais nous voulons que ce droit soit réel, et non formel ou virtuel. C’est pourquoi nous souhaitons le sécuriser juridiquement, en tenant compte des avis du Conseil d’État et des décisions du Conseil constitutionnel et en évitant d’ajouter des dispositifs qui pourraient le déstabiliser. Les « bricolages électoraux » à la veille des élections sont toujours mal perçus...

C’est pourquoi, au nom du groupe La République en Marche, nous vous proposons de franchir un nouveau palier et d’appliquer le scrutin de liste paritaire pour les communes de 500 habitants et plus, soit à un nombre supplémentaire significatif de communes en France.

M. Paul Molac. L’amendement CL840 propose également d’abaisser le seuil à 500 habitants – ce n’est peut-être pas le meilleur mais il semble faire consensus. Dans ma circonscription, une commune de 190 habitants compte plus de femmes que d’hommes au conseil municipal et le maire est aussi une femme ! On pourrait donc peut-être abaisser encore ce seuil. En tout cas, la démarche est la bonne. Globalement, la conquête du suffrage universel n’a pas été un long fleuve tranquille pour l’humanité, c’est le moins qu’on puisse dire…

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Nous débattons d’un projet de loi sur l’engagement. Celui de chaque citoyen et citoyenne est donc au cœur du texte. Au Sénat, en co-construction, nous avons d’ailleurs veillé à ce que nos concitoyens en situation de handicap ne soient plus confrontés à des discriminations dans leur engagement en tant qu’élus locaux. Nous devons rechercher tout ce qui concourt à améliorer l’égalité, afin de garantir à tous la possibilité de s’engager dans la vie publique.

Le projet de loi cherche aussi à répondre à la crise de l’engagement, inquiétante dans la perspective des prochaines élections. Dans les communes rurales, cette crise ne concerne malheureusement pas que les femmes. Je vous l’ai déjà dit, pour la première fois, nous redoutons de ne pas trouver suffisamment de citoyens volontaires pour s’engager de manière quasi bénévole dans les communes. Il est plus compliqué de trouver des sapeurs-pompiers volontaires aujourd’hui qu’il y a vingt ans, tout comme il est plus compliqué de trouver un salarié pour s’engager dans le syndicat de l’entreprise, des présidents d’associations bénévoles, etc. La démocratie locale n’échappe pas à cette crise de l’engagement.

Paradoxalement, le nombre de femmes qui s’engagent dans les conseils municipaux a plutôt tendance à augmenter – elles sont particulièrement volontaires pour s’investir dans la vie locale. Pour autant, ce n’est pas satisfaisant car nous n’avons pas atteint la parité.

En 2014, dans 40 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants, strate de démarrage de la proportionnelle, une seule liste s’est présentée aux élections. Donc dans près d’une de ces communes sur deux, nos concitoyens n’ont pas eu de choix ! C’est aussi une des conséquences de la crise de l’engagement. Cela doit nous interpeller car, depuis la Révolution française, la démocratie locale passe par les communes. En outre, alors que l’on réfléchit à approfondir la décentralisation et à redonner beaucoup de pouvoirs aux communes, nous ne pouvons avoir de doute sur leur gouvernance. Voilà pour le contexte.

Parlons également de droit puisque nous sommes à la commission des Lois. Avec des seuils différents, vos amendements visent tous à modifier le mode de scrutin et à instaurer la proportionnelle pour aboutir à la parité. C’est bien parce qu’on change le mode de scrutin et qu’on instaure la proportionnelle qu’on pourra obtenir la parité.

Il y a donc deux sujets : le mode de scrutin et la parité. S’agissant de parité, dans l’absolu, j’y suis bien sûr très favorable dans toutes les communes. Mais il faut tenir compte des difficultés juridiques liées au mode de scrutin et à l’instauration de la proportionnelle dans toutes les communes de France.

Pour faire avancer la parité, il y a deux moyens : d’une part, la modification du mode de scrutin – ce fut le cas pour les conseils départementaux avec le binôme, pour les conseils régionaux avec les scrutins de liste et pour le Sénat dans la partie renouvelable à la proportionnelle – ; d’autre part, la sanction financière – les formations politiques qui ne présentent pas des candidatures paritaires pour les élections législatives au niveau national doivent s’acquitter d’une amende. Il suffit ensuite d’analyser les choix de chaque formation politique. Tout n’est pas dans la loi, c’est aussi politique. Ce choix, c’est aussi celui que font les formations politiques qui investissent actuellement des candidats pour les élections municipales dans les villes les plus importantes de notre pays… Je ferme cette parenthèse.

Ensuite, il faut avoir l’humilité de reconnaître que les majorités successives ont beaucoup fait pour la parité. Ainsi, le gouvernement de François Hollande a été courageux en faisant le choix du binôme paritaire dans les conseils départementaux. Cela impliquait de redécouper les cantons et d’en créer de plus importants. Nous avons un peu perdu en proximité, mais c’est une bonne réforme et les conseils départementaux sont désormais paritaires.

Il nous reste à parcourir le « dernier kilomètre ». Nous devons d’abord nous demander avec la même humilité pourquoi cela n’a pas été fait avant, nos prédécesseurs n’étant pas moins-disants. Pourquoi la commission mixte paritaire qui a examiné la dernière modification de la loi a-t-elle retenu ce seuil de 1 000 habitants ? Il s’agissait – et il s’agit toujours – de tenter de concilier deux principes constitutionnels, dont le Conseil constitutionnel tout comme les élus, les parlementaires et les ministres, sont les garants : la parité et le pluralisme.

Notre pays compte 18 300 communes de moins de 500 habitants et 3 300 communes de moins de 100 habitants. Ce n’est ni anecdotique, ni négligeable… Dans ces dernières, entre 85 et 90 % des habitants sont inscrits sur les listes électorales. Mesdames et messieurs les députés, membres de la commission des Lois, jusqu’à quel seuil garantit-on la pluralité des listes ? J’ai la faiblesse de penser que c’est le cas jusqu’à 500 habitants. C’est pourquoi je me rallierai à l’amendement du rapporteur. Dans les communes de moins de 500 habitants, et encore plus dans celles de moins de 100 habitants, il ne faut pas qu’au motif d’instaurer la parité en modifiant le mode de scrutin, on aboutisse à ce qu’il n’y ait plus qu’une liste qui se présente, sans même évoquer les risques de censure par le Conseil constitutionnel…

En outre, comment justifier que, dans ce texte visant à protéger les communes les plus rurales, on prenne une mesure qui conduise finalement à réduire le nombre d’élus au conseil municipal ? Je suis favorable aux mesures d’incomplétude du conseil municipal, je l’ai dit à la présidente de la commission des Lois, et j’ai commencé à accompagner leur intégration au projet de loi au Sénat. Mais je ne suis pas favorable à une diminution du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes. En premier lieu parce qu’il n’y a pas eu de concertation. On ne peut parler à longueur de temps de coproduction et prendre une décision aussi lourde de conséquences sans dialogue avec les principaux intéressés. En second lieu, parce qu’aussi beau que soit ce combat politique, au sens noble du terme – celui de la parité –, la diminution du nombre d’élus dans les petites communes rurales serait mal perçu. Après la création des communes nouvelles, même si elles sont des instruments de liberté, la diminution du nombre d’élus ruraux apparaîtrait dans les campagnes comme le début d’un mouvement visant la disparition des communes. Certains ne manqueraient pas d’évoquer les baisses de DGF intervenues dans le passé… Soyons donc très attentifs : ce texte doit être une belle loi pour tous, toutes sensibilités politiques confondues. Il doit protéger les communes, surtout rurales. En outre, rien n’a été réclamé ouvertement en la matière. Au Sénat, il y a également eu quelques tentatives, mais aucun président groupe n’a pris position.

Autre ligne rouge : on ne modifie pas le mode de scrutin le 15 novembre pour le mois de mars 2020. Les dispositions électorales du projet de loi ne sauraient s’appliquer en 2020.

Le sujet étant sérieux, nous l’avons largement documenté sur le terrain constitutionnel. Comme je m’y étais engagé, je vous fais part des éléments de l’avis de la section de l’intérieur du Conseil d’État du 22 novembre 2012 : il rappelle que la parité est un objectif constitutionnel, mais que le pluralisme est un objectif constitutionnel « plus contraignant ». La décision du Conseil constitutionnel date quant à elle de mai 2013.

Le Conseil d’État avait transmis cet avis suite à la saisine du précédent gouvernement sur le projet de loi précité, qui a conduit à abaisser le seuil pour le scrutin de liste aux élections municipales de 3 500 habitants à 1 000 habitants. Lors des débats, l’Assemblée nationale souhaitait porter le seuil à 500 et le Sénat à 1 500. La CMP a tranché pour 1 000 habitants ! Déjà, à l’époque, l’Assemblée considérait qu’il y avait un risque à moins de 500 habitants. Le Sénat, quant à lui, ne voulait pas trop contrarier les communes !

Les différentes formes d’engagement ne doivent pas se concurrencer. On ne peut modifier un mode de scrutin jusqu’à pénaliser tout le monde dans son engagement – hommes et femmes. Les mesures de correction du scrutin à la proportionnelle proposées par les amendements supprimant le seuil actuel risquent en effet d’aboutir à des conseils municipaux de cinq personnes dans les communes de moins de 100 habitants. Nous aurions cependant politiquement tort de rester à 1 000 habitants. Je sais que l’abaissement du seuil ne fait déjà pas consensus mais, au nom du Gouvernement, je souhaite que nous avancions. En supprimant complètement le seuil, nous prenons un risque absolu de censure, avec tout ce que cela implique, car le pluralisme n’est plus garanti, mais à 500 habitants, on peut emprunter le chemin de crête.

Je suis donc favorable aux amendements de consensus CL1172, CL674 et CL1048. Je demande le retrait des autres.

Mme Yolaine de Courson. Sans la parité absolue voulue par le Président de la République, beaucoup d’entre nous ne seraient pas là. Personnellement, je ne serai sûrement pas là car de nombreux candidats masculins avaient demandé l’investiture pour les élections législatives. Il faut donc saluer cette formidable avancée.

Dans les années soixante-dix, au nom de mes convictions féministes, je me suis battue pour nos droits. C’est pourquoi je suis gênée de tenir les propos qui vont suivre. Avant d’être députée, j’étais maire d’un village de moins de 100 habitants, comptant alors sept conseillers municipaux. Je suis toujours conseillère municipale. Ma circonscription comprend trois cent quarante-trois communes, chacune comptant 180 habitants en moyenne. De nombreux territoires ruraux sont dans la même situation.

Comment avons-nous choisi nos colistiers ? Martine avait un tracteur, José aimait bien animer des fêtes, Françoise voulait s’occuper de l’administratif. Nous étions sans étiquette et ce sont nos compétences qui nous ont rassemblés, pour le bien commun de notre village. Dans les communes de moins de 200 habitants, c’est souvent comme cela.

Dans de telles conditions, appliquer la parité sur les listes risque d’être très compliqué. Le projet de loi nous est présenté comme un texte de simplification. Faisons en sorte qu’il le demeure. Dans les petites communes, nous sommes en effet submergés par les démarches administratives et nous avons bien du mal à nous en sortir. Nous avons les mêmes obligations que les plus grandes communes, mais pas les mêmes outils. Alors qu’un maire devrait être là pour animer son village, il passe des heures dans son bureau à comprendre comment les normes nationales s’appliqueront à sa commune… Quand vous êtes élu, vous ne connaissez pas toujours le métier. À cet égard, la formation, prévue par le projet de loi, est indispensable.

Personnellement, je suis donc favorable au seuil de 500 habitants, ainsi qu’à l’amendement de Mme Gayte qui prévoit que le premier adjoint ou le vice-président doit être du sexe opposé. Ce serait une belle avancée.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je suis une femme, issue de la ruralité, très favorable à la parité, mais totalement opposée aux amendements visant à instaurer le scrutin de liste dans toutes les communes. Je partage pleinement les propos de Mme de Courson et de M. le ministre. Je ne suis pas contre la parité car, sans elle, je ne serai pas là. Mais le premier frein de la parité, c’est nous, les femmes, car nous nous interrogeons toujours sur nos capacités à nous engager. Or l’engagement est la clé. Introduire la parité à tous les niveaux dessert notre cause, d’autant que cela implique un scrutin de liste.

J’ai appelé toutes les communes rurales de mon département, le Tarn. Tout le monde est favorable à la parité, et elle est naturelle à chaque fois qu’elle est possible. Mais imposer un scrutin de liste est antidémocratique. Ainsi, je connais des maires élus, et réélus, alors qu’ils étaient seuls à se présenter. Le panachage actuellement autorisé est favorable à l’expression de la pluralité et de la diversité ! Dans nos territoires, les gens se choisissent autour d’un projet ! En imposant le scrutin de liste, on va faire rentrer l’appareil politique dans toutes les communes. Cela m’effraie, comme la plupart des maires !

M. Erwan Balanant. Monsieur le ministre, vous aimez nous dire que ce texte est issu du Grand débat et des quatre-vingt-seize heures d’échanges entre le Président de la République et les maires, autrement dit de la volonté de répondre aux questions qu’ils posent. Or je constate que les deux principales associations de maires de France, l’AMF et l’AMRF, sont favorables à la parité dans les conseils municipaux sans seuil. Alors écoutons-les !

S’agissant du Conseil constitutionnel, il a précisément rendu une décision sur une question de priorité constitutionnelle, selon laquelle le principe de parité permet « au législateur d’instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales […]. À cette fin, il est loisible au législateur d’adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant ».

Sur le pluralisme, il est fréquent qu’il n’y ait qu’un seul candidat dans un scrutin uninominal. Dans ce cas, il n’y a pas de pluralisme dans l’élection.

Enfin, et c’est le plus important pour moi, c’est une question sociétale. Nous législateurs, ne pouvons pas répéter sans cesse que nous voulons la parité et l’égalité entre les femmes et les hommes et ne pas aller au bout de la démarche, c’est-à-dire abaisser le seuil à zéro habitant.

Pour conclure, imaginez simplement qu’une femme vivant dans une commune de moins de 500 habitants pourra saisir le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité.

M. André Chassaigne. En ce petit matin, je voudrais rappeler un grand soir, celui du 21 avril 1944 où le député communiste Fernand Grenier a fait voter à l’Assemblée consultative provisoire, sous l’égide du général de Gaulle, un amendement accordant aux femmes le droit de vote et d’éligibilité. Cet amendement était ainsi rédigé : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. » Il y a eu ensuite un cheminement législatif, mandat après mandat, et des avancées.

Je voudrais maintenant vous faire part de mon vécu. J’ai le privilège d’être élu municipal depuis 1977. J’ai été conseiller municipal, maire-adjoint, et maire pendant vingt-sept ans de mon village qui a tantôt compté moins de 500 habitants, tantôt davantage, parfois même juste 500 habitants. Au départ, le conseil municipal était constitué uniquement d’hommes. Aujourd’hui, grâce à une volonté politique, au sens noble du terme, la parité est respectée. Elle a permis un enrichissement extraordinaire du fait d’un regard différent sur les choses de la vie, d’une sensibilité spécifique, de la prise en compte de problèmes qui ne l’étaient pas auparavant de la même façon. La parité, j’en suis convaincu, est un apport dans notre fonctionnement démocratique.

Elle a aussi l’avantage d’intégrer dans les conseils municipaux de nos petites communes rurales les populations nouvelles…

M. Erwan Balanant. Tout à fait !

M. André Chassaigne. … de sortir de ce clivage entre les familles anciennes et ceux que l’on appelait il y a peu de temps encore les néoruraux. Cela oblige à avoir des listes avec une diversité hommes-femmes et une diversité d’origines.

M. Arnaud Viala. Je veux d’abord remercier M. le ministre d’avoir posé la question dans le bon sens. Effectivement, il s’agit de savoir ici si on veut un scrutin à la proportionnelle dès le premier habitant ou si on considère que l’exercice de la démocratie locale exige un scrutin de bon sens, pragmatique, correspondant aux réalités, jusqu’à un seuil qui reste à définir. À cette question, la réponse est claire : politiser inutilement et verrouiller en quelque sorte une liste qui sera, dans la quasi-totalité des cas, au mieux unique au pire inexistante et entre les deux incomplète, nous paraît être une erreur manifeste.

On ne peut pas opposer ceux qui seraient partisans de la parité et ceux qui y seraient réticents. La parité est un but que nous poursuivons tous, et nous souhaitons qu’elle se développe. Mais on peut faire confiance pour cela à celles et ceux qui composent des équipes pour faire en sorte que les femmes et les hommes y aient toute leur place, ce qui est déjà largement le cas.

S’agissant du seuil, je voudrais soumettre une réflexion à notre commission. Alors que 85 % des communes de l’Aveyron comptent moins de 500 habitants, je ne crois pas que le seuil de 500 habitants soit adapté. On note en revanche une différence dans l’écosystème communal entre zéro et 1 000 habitants. En effet, une commune de 1 000 habitants comprendra notamment davantage de commerces, de services, et la vie y est sensiblement différente que dans une plus petite commune. Cela peut donc justifier le seuil tel qu’il a été défini jusqu’à présent. On se fera plaisir en l’abaissant à 500 mais cela risque d’engendrer un effet de bord très préjudiciable à la démocratie locale.

Mme Coralie Dubost. Je suis très engagée sur la parité que j’ai beaucoup défendue dans les entreprises. En tant que rapporteure du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, j’ai ainsi fait adopter plusieurs amendements en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec notamment un renforcement des sanctions dans les conseils d’administration qui n’appliquent pas les quotas. Je fais partie de ceux qui pensent qu’on n’avance pas si on n’impose pas un objectif quasi inatteignable. Mais ce serait une erreur de l’imposer dès 2026 dans les petites communes.

Il faut saluer la bonne dynamique défendue par le groupe La République en Marche et par le rapporteur qui consiste à abaisse le seuil à 500 habitants. Peut-être pourrait-on envisager une trajectoire pour l’avenir qui permettrait de prévenir et de former. Mais il ne faut pas qu’on se prive de l’occasion d’avoir de belles listes dans des communes. À cet égard, je voudrais vous parler de Buzignargues, une petite commune de ma circonscription que j’affectionne tout particulièrement. Je tiens à saluer sa maire, Agnès Rouvière-Esposito, qui n’a pas un conseil municipal paritaire puisqu’il est composé de moins de femmes que d’hommes mais dont les postes à responsabilité sont occupés par des femmes. En effet, la première adjointe est une femme, le deuxième adjoint est un homme, et la troisième adjointe est une femme. Si on adopte cet amendement, cette liste ne sera plus possible. Ce serait une erreur. On rencontre déjà beaucoup de difficultés à trouver des femmes qui s’engagent en politique, notamment en tête de liste. Or elles ne pourront pas aller jusqu’au bout car elles risquent de ne pas trouver suffisamment d’autres femmes pour pouvoir établir des listes dans les petites communes.

Sensibilisons, accompagnons, donnons une trajectoire. Mais il est trop tôt pour aller au-delà. Je ne voudrais pas priver Mme Rouvière-Esposito de son beau mandat et de son beau conseil municipal.

Mme Marie Guévenoux. Je suis réservée, moi aussi, sur la portée de ces amendements tant il est malheureusement difficile de composer des listes paritaires, en particulier dans les petites communes rurales. Comme l’a rappelé Coralie Dubost, cette difficulté s’impose y compris quand les têtes de liste sont des femmes. Telle est la réalité. Il convient donc de nous assurer que le mécanisme que l’on prévoit n’est pas trop contraignant, au point d’empêcher la constitution de listes dans des petites communes.

 Le projet de loi est très attendu parce qu’il doit répondre à une crise des vocations, les citoyens ayant du mal à s’engager à cause notamment de contraintes toujours plus nombreuses. Pourquoi en rajouter une ? D’autant qu’elle ne tient pas compte de la spécificité des petites communes et qu’elle risque d’entraîner des effets de bord dommageables, y compris pour la parité. Une femme peut avoir envie de faire une liste différente de celle de l’homme qui se présente dans votre petite commune. Si la difficulté à trouver d’autres candidates femmes s’impose à elle, le pluralisme politique ne sera pas respecté, puisqu’elle ne parviendra pas à constituer une liste paritaire. Vous conviendrez que cela sert peu la cause des femmes.

Je suis donc personnellement très réservée sur ces amendements, même sur ceux qui prévoient d’abaisser le seuil à 500 habitants, sauf à diminuer le nombre de conseillers municipaux – ce que vous ne souhaitez pas, monsieur le ministre.

Mme Hélène Zannier. Je ne peux que saluer toutes les initiatives allant dans le sens d’une meilleure représentation des femmes dans la politique. Cela étant, bien évidemment, et je vous rejoins monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’opposer parité, élections municipales, représentation des femmes. C’est un combat que nous menons tous depuis un certain temps.

À mon tour, je souhaite apporter mon témoignage. Je suis élue d’une circonscription qui compte 107 communes. Pour avoir participé à plusieurs reprises à des assemblées générales d’associations de maires ruraux, je peux dire que ces maires craignent tous que l’abaissement du seuil à zéro ne soit trop contraignant, alors même qu’ils font des efforts depuis de nombreuses années pour attirer les femmes dans les conseils municipaux. Plusieurs communes pourraient même se retrouver sans exécutif.

Vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à la suppressiont du seuil. Pour être totalement franche celui de 500 habitants me paraît même très contraignant.

Mme Nadia Hai. Je suis arrivée trop tard pour défendre l’amendement CL747, mais suffisamment tôt pour me satisfaire de la réponse de M. le ministre sur les amendements identiques CL1172, CL674, CL1048 et CL1118. Je partage ce qui a été dit s’agissant des aspects juridiques et de la difficulté de constituer des listes dans les petites communes.

Je suis membre de la Délégation aux droits des femmes et j’accorde une importance particulière à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la parité. Il me semble que ce combat doit être mené sur tous les fronts, notamment sur celui de la politique et de la constitution des listes. Mais imposer la parité à des communes de moins de 500 habitants paraît vraiment très risqué pour constituer des listes alors que nous incitons précisément nos concitoyens à participer à la vie politique. Ajouter une contrainte de cette nature serait vraiment contre-productif. Concentrons-nous sur l’essentiel, c’est-à-dire sur l’engagement des femmes en politique, quel qu’il soit, mais n’imposons pas. Ne soyons pas contre-productifs dans le combat que nous avons à mener tous ensemble.

Mme Catherine Kamowski. Je suis dans une position difficile dans la mesure où le groupe auquel j’appartiens souhaite soutenir les amendements visant à abaisser le seuil à 500 habitants tandis que la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation dont je suis secrétaire défend la parité à partir du premier habitant. Aussi vais-je vous donner ma position personnelle.

C’est en 2001 que la parité s’est appliquée dans les communes de plus de 3 500 habitants, et je ne serais peut-être pas là si je n’avais pas bénéficié de cet effet de parité qui m’a fait entrer en politique, comme c’est le cas de nombreuses femmes aujourd’hui députées. À cette époque, j’ai entendu exactement les mêmes débats, avec les mêmes craintes – sincères ou non – et les mêmes propositions. C’est pourquoi je suis plutôt favorable à la suppression du seuil, ce qui ne m’empêchera pas de voter les amendements présentés par mon groupe qui proposent un seuil de 500 habitants.

Certains considèrent qu’il sera difficile de trouver suffisamment de femmes dans les petites communes pour respecter la parité dans le conseil municipal. Dans une commune de 250 habitants qui compte une centaine de femmes, il faudra en trouver cinq !

Avec un seuil à 500 habitants, on risque d’aboutir à une égalité à deux vitesses : il y aura d’un côté les femmes qui habitent dans les communes de plus de 500 habitants et qui bénéficieront des mesures de parité, et de l’autre celles qui ont le malheur de vivre dans les communes de moins de 500 habitants où la parité ne pourra pas s’appliquer, ou en tout cas pas tout de suite. J’en appelle aux femmes de France : elles doivent toutes pouvoir bénéficier des mêmes mesures de parité.

M. Raphaël Schellenberger. J’entends que certaines causes nécessitent qu’on porte atteinte à certaines libertés. C’est précisément le propre de notre travail de législateur de définir la limite entre la contrainte et l’espace de liberté. Il s’agit ici de savoir si l’on fait confiance ou non aux élus locaux, aux candidats locaux, aux gestionnaires de collectivités ou potentiels gestionnaires de collectivités qui se présentent aux élections. J’avais cru comprendre que nous devions examiner un texte sur les libertés, sur la confiance à l’endroit des élus locaux. Or, sur la question de la parité, on est en train de leur dire qu’on ne leur fait pas confiance. Peut-être à juste titre.

Comme on est dans la litanie des exemples personnels…

M. André Chassaigne. C’est une liturgie !

M. Raphaël Schellenberger. … histoire de ne pas être rangé tout de suite dans la catégorie de l’homme blanc de moins de cinquante ans élu, et donc disqualifié pour parler des questions de diversité dans la vie politique, je vais vous raconter mon parcours personnel. Lorsque j’ai été élu maire de ma commune de Wattwiller en 2014, j’ai rencontré des problèmes pour constituer ma liste parce qu’il me manquait des hommes – je ne doute pas que la parité protégera aussi un jour les hommes. Je citerai aussi l’exemple de cette femme pour qui j’ai un profond respect et qui est devenue maire grâce au suffrage uninominal direct – avec un scrutin de liste, elle n’aurait jamais été élue maire – ou encore celui de cette autre femme, maire d’une commune de moins de 500 habitants alors que le conseil municipal compte trois femmes.

La contrainte sur la parité risque de poser un problème de démocratie. Alors que nous voulions soutenir l’engagement dans les territoires, je crains que ces mesures ne soient contre-productives.

Mme Laetitia Avia. Je crois que tout le monde ici partage ces objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes et de parité. Il est important d’en prendre acte. Mais que faisons-nous concrètement pour avancer en la matière ?

Le Conseil constitutionnel indique que, lorsque nous devons conjuguer des valeurs cardinales, nous devons le faire avec responsabilité. En l’occurrence, nous devons conjuguer égalité et pragmatisme, parité et vitalité de notre vie démocratique.

Au-delà, à quoi sert le législateur, en quoi les lois qu’il élabore permettent-elles de faire vraiment évoluer la société ? Si des lois suffisaient à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes, cela se saurait. Si tel était le cas, je ne crois pas que les députés du groupe Socialistes et apparentés auraient quitté l’hémicycle à seize heures quarante-sept mardi dernier. Il y a des lois qui prévoient l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Or cette égalité salariale n’existe toujours pas. Il y a des lois qui assurent la parité dans les investitures. Or la parité n’existe toujours pas dans l’hémicycle de notre assemblée. La loi constitue un socle, et j’y suis attachée, mais il y a aussi d’autres éléments qui interviennent.

M. Chassaigne a parlé de volontarisme, en tout cas de volonté de terrain. Il nous appartient en effet d’agir, d’apporter des évolutions, mais pas en tant que législateurs : comme femmes et hommes politiques que nous sommes.

Raphaël Schellenberger a rappelé quel était l’objectif de ce texte. Prenons un peu de hauteur et souvenons-nous que si nous discutons aujourd’hui de ce projet de loi, c’est parce que nous voulons dire aux élus locaux que nous leur faisons confiance, que nous voulons leur donner plus de flexibilité, que nous essayons d’améliorer la façon dont ils travaillent en partant du terrain et de leur quotidien. Veillons, par notre vote sur ces amendements, à ne pas aller à l’encontre de cet objectif que nous défendons collectivement.

Mme Anne Blanc. Monsieur le ministre, vous avez rappelé que ces amendements pouvaient faire courir un risque constitutionnel. J’y suis sensible, bien sûr. Je m’interroge néanmoins sur la position du Conseil constitutionnel en matière de pluralisme. Peut-on vraiment parler de pluralisme, dans les petites communes lorsqu’on constate des candidatures isolées ou la présence de deux ou trois candidats seulement ? On sait qu’il s’agit bien souvent de règlements de comptes, d’histoires de famille, de village. Souvent, ce n’est pas l’intérêt général qui est mu au travers de ce pseudo-affichage de pluralisme.

Il y a, dans ma circonscription, des communes de plus de 2 000, 3 000 ou 4 000 habitants qui, lors des dernières élections municipales, n’ont présenté qu’une liste, tandis qu’une commune de 112 habitants avait trois listes complètes. Rejeter ces amendements reviendrait à considérer que les communes de moins de 500 habitants ne sont pas en mesure de s’organiser, de se fédérer, de présenter un projet communal, de parvenir à la parité.

Il faut interpeller les membres du Conseil constitutionnel sur l’égalité, car ce texte vise l’égalité et l’équité de traitement. Nous devons oser franchir un grand pas vers une égalité en matière de mode de scrutin dans l’ensemble des communes de notre pays.

M. Jean-René Cazeneuve. Je suis, moi aussi, dans une position assez inconfortable puisque la Délégation aux collectivités territoriales s’est en effet prononcée en faveur de la parité à partir de zéro habitant.

Je respecte bien évidemment tous ceux qui se battent pour la parité. J’appartiens à une génération qui mène le combat pour que l’égalité devienne une réalité de tous les jours dans le domaine professionnel, de l’éducation… Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont pour la parité, et de l’autre ceux qui sont contre : nous sommes tous pour le pluralisme.

Cela étant, les maires ruraux, qui eux aussi se battent pour instaurer un maximum de parité sur leur liste, vivraient la mesure ici proposée comme une contrainte. Le dispositif est donc un peu orthogonal par rapport à notre projet de loi qui souhaite donner des libertés supplémentaires.

Par ailleurs, je ne crois pas qu’il faille prendre le risque de faire reculer le pluralisme : le coût serait trop important pour notre démocratie.

Enfin, abaisser le seuil à 500 habitants représente déjà un grand pas. Des milliers de femmes supplémentaires seront ainsi élues à partir de 2026. Cela aura une valeur d’exemplarité, de capillarité pour toutes les petites communes et favorisera l’engagement des femmes. Ce geste fort permettra de montrer la direction.

M. Guillaume Gouffier-Cha. J’ai hésité à prendre la parole, et je tiens à préciser que ma réflexion est personnelle.

Alors que nous partageons tous le même objectif, la question est effectivement de savoir comment faire pour parcourir le dernier kilomètre, pour reprendre l’expression employée par M. le ministre. Cela nous renvoie au nombre de communes que compte la France. Il est trop important selon moi mais c’est le fruit de notre histoire. Et la France, grand pays d’Europe, est peu peuplé, mais peuplé presque partout. Il reste que ce grand nombre de communes engendre des difficultés d’engagement politique, une crise locale qui contraint les élus et qui fait qu’il est difficile de répondre à toutes les demandes en matière de services publics, de politique publique sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi il importe, selon moi, d’entretenir, de pousser, d’accélérer le mouvement de rapprochement, de fusion, de création de communes. Ce n’est pas en accordant des exceptions aux plus petites communes que nous atteindrons nos objectifs, notamment en matière d’engagement politique et de représentativité politique.

Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique au cours duquel des demandes d’exceptions dans le recrutement d’agents publics avaient été formulées, dérogeant ainsi aux règles de droit commun. Nous les avions rejetées au motif que les mêmes règles doivent s’appliquer partout sur l’ensemble du territoire.

Mme Cécile Untermaier. Je constate que c’est au travers d’amendements sur ce projet de loi que l’on s’interroge sur la parité. Je le regrette, car nous ne disposons pas d’une étude d’impact. Vous avez raison de vouloir remettre la commune au cœur de la vie démocratique, mais il aurait été utile de poser la question de la parité en amont. Les sénateurs socialistes ont présenté un amendement en ce sens que nous avons bien évidemment repris.

Dans ces conditions, il est difficile pour le Gouvernement d’aboutir à un atterrissage convenable. Nous voterons ces amendements qui visent à abaisser le seuil à 500 habitants car, comme on dit, c’est toujours mieux que rien. Mais on ne gouverne pas sans risque, monsieur le ministre. Les associations d’élus sont derrière vous, et ils sont favorables à la mesure de suppression du seuil, à moins qu’ils tiennent un double langage.

Vous souhaitez que le dispositif entre en vigueur en 2026, ce que je comprends. Je me range à votre avis. En revanche, je suis moins d’accord avec vous sur le pluralisme car je ne vois pas en quoi la constitution d’une liste paritaire y fait obstacle. C’est n’avoir qu’une seule liste qui fait obstacle au pluralisme. Or c’est de plus en plus souvent le cas, même pour les communes de plus de 1000 habitants, ce qui devrait nous interroger.

Sur le seuil, les communes de moins de 500 habitants, qui sont pourtant nombreuses, vont devenir une espèce rare dans laquelle la femme n’aura pas la même valeur que dans une commune de plus de 500 habitants. Les femmes de France pourront se sentir curieusement discriminées selon leur lieu d’habitation. En outre, quel message envoyons-nous depuis Paris en laissant entendre qu’une commune de moins de 500 habitants ne saura pas faire la parité et qu’il convient de lui laisser encore du temps ?

Enfin, et même si je vous suis sur le risque que représenterait une censure, je rappelle que c’est à l’article 1er de la Constitution qu’est inscrit le principe selon lequel la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Il n’est question du pluralisme que plus loin dans le texte. L’article 1er de la Constitution, ce n’est pas rien !

Mme Fiona Lazaar. Je me réjouis d’entendre que la Délégation aux collectivités territoriales soutient l’idée d’une parité dès le premier habitant, ce qui est en phase avec les échanges que nous avons pu avoir au sein de la Délégation aux droits des femmes avec l’Association des maires de France, l’Association des maires ruraux de France ou l’Assemblée des communautés de France.

À quoi ce seuil de 500 habitants correspond-il dans les faits ?

Enfin, dans l’amendement que nous proposons au titre de la Délégation aux droits des femmes, nous avons levé le biais constitutionnel en prévoyant un dispositif de souplesse pour les petites communes. En outre, les mesures ne seraient applicables qu’en 2026, ce qui laisse le temps de s’organiser pour constituer ces listes.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Dans un communiqué de presse du 28 janvier 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et les associations nationales d’élus locaux appelaient à légiférer dans les plus brefs délais pour renforcer la parité dès 2020. Le constat était d’ores et déjà sans appel : en l’absence de contraintes paritaires, l’égalité n’advient pas. Je suis d’accord, la loi ne suffit pas, mais c’est un préalable.

Enfin, je rappelle à mon tour que l’article 1er de notre Constitution indique que : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. » Je vous invite donc, mes chers collègues, à être audacieux en franchissant ce pas, et à aller ainsi dans le sens de l’histoire.

M. Alain Perea, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Abaisser le seuil à 500 habitants n’est pas une bonne mesure parce que ceux qui sont pour la parité totale ne seront pas satisfaits et ceux qui sont contre continueront à dire qu’on a ajouté des contraintes supplémentaires. Au final, c’est une cote mal taillée qui ne satisfera personne.

Bien sûr, la parité totale fait courir un risque de constitutionnalité, mais les grandes avancées se sont faites en prenant des risques. Ayons le courage de faire ce dernier pas, ce dernier kilomètre. Ceux qui ont fait du sport savent que c’est souvent le kilomètre le plus difficile à parcourir.

On les connaît ces maires qui nous expliquent pourquoi ils ne parviennent pas à la parité. M. Chassaigne disait qu’elle permettrait en outre d’intégrer dans les conseils municipaux des néoruraux, des nouveaux arrivants et arrivantes. Au-delà, cela nous aidera également à avoir une nouvelle génération d’élus et à élire des femmes maires qui auront un nouvel état d’esprit, ce qui est très important.

Mme Laurence Gayte. Ne l’oublions pas, en abandonnant l’objectif de parité pour les communes de moins de 500 habitants, nous allons mettre de côté 52,3 % des communes et passer à côté de l’ambition que nous souhaitons porter. Comme Alain Péréa, je pense qu’il ne faut pas opposer parité et pluralisme, la parité fait partie du pluralisme. Lorsque nous aurons imposé l’idée, elle ne sera plus considérée comme une contrainte.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous remercie tous d’avoir contribué à cet échange serein, qui a d’ailleurs donné lieu, monsieur Chassaigne, à un rappel historique fondamental sur la place des femmes dans la vie politique.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui me conduisent à vous demander de retirer les amendements qui visent à abaisser le seuil à zéro habitant. Les contingences constitutionnelles ont été rappelées sans ambiguïté par le ministre. Je regrette que la délégation aux droits des femmes, à la différence de la délégation aux collectivités territoriales, ne se soit pas saisie du texte. Les amendements défendus aujourd’hui le sont donc à titre individuel.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je donne la parole à Mme Fiona Lazaar, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, pour répondre au rapporteur sur ce point.

Mme Fiona Lazaar. La délégation aux droits des femmes a déposé une proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires. Les travaux ont été menés, nous avons échangé avec les différents acteurs. C’est en ce sens qu’un amendement a été déposé, cosigné par plusieurs membres de la délégation, dont sa présidente, sa vice-présidente, et des députés n’appartenant pas au groupe de La République en Marche.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je vous remercie pour la qualité et le sérieux de ce débat. Il se clôt sur la parité, mais la question de départ, qui importe sur le plan juridique, est celle de la proportionnelle. Et dans cette enceinte où l’on écrit la loi, c’est bien le débat juridique qui doit nous guider.

Je ne reviens pas sur l’opportunité de la parité, j’ai répété dix fois que j’y étais favorable. Certaines associations d’élus se sont engagées. L’AMF a pris position, non sans difficulté, et en l’absence de consensus, ainsi que me l’a rappelé François Baroin. Que sa proposition soit ou non constitutionnelle, il appartient au Parlement, au Gouvernement et au juge constitutionnel d’en juger. Mon esprit taquin me pousse à rappeler aussi aux députés de la majorité que l’AMF leur demande de renoncer à la réforme de la taxe d’habitation : il arrive donc que ses positions ne soient pas forcément les mêmes que les nôtres.

J’ai entendu beaucoup d’arguments en faveur de la parité, et c’est bien naturel, puisqu’elle fait consensus. Sur le pluralisme, en revanche, je ne suis pas d’accord avec tous les intervenants. Madame la députée Anne Blanc, malgré ses multiples imperfections – tir aux pigeons, bazar généralisé –, le mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants demeure très libre, donc très démocratique. On perd toujours à organiser les candidatures et il est bon qu’il n’y ait pas de contrôle préalable. Ainsi, chaque citoyen, dès lors qu’il est éligible, qu’il n’est pas en situation d’incompatibilité et qu’il a un suppléant qui remplit les mêmes critères peut être candidat aux élections législatives. C’est tout le débat sur les listes communautaires. Le pluralisme est largement garanti par le mode de scrutin actuel.

Monsieur le député Erwan Balanant, la rupture d’égalité existe potentiellement dans les pratiques politiques, mais elle n’existe pas en droit. N’importe qui peut déclarer sa candidature aux élections municipales. Pendant longtemps, les listes à la proportionnelle étaient des freins à la parité, parce que l’obligation de parité n’existait pas : la formation politique ou la tête de liste pouvait composer la liste comme bon lui semblait, avec autant d’hommes que souhaité, et rarement des femmes. C’est ce que le législateur est venu corriger en imposant la stricte parité dans les listes.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, n’importe quel citoyen, homme ou femme, peut être candidat. En droit, il n’y a pas de rupture d’égalité. Après, c’est un problème de pratiques. Les noms des femmes sont-ils plus souvent rayés que ceux des hommes ? Je n’en suis pas certain. En revanche, je suis convaincu qu’il est plus difficile pour une femme de se porter candidate. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce projet de loi comporte des mesures d’accompagnement. Il ne faut pas se raconter d’histoires, l’engagement des femmes, même lorsqu’il y a un scrutin de liste, tient à des détails comme l’heure des réunions de commissions, le jour du conseil municipal ou le délai de convocation – mille sujets qui ne relèvent pas de la loi.

Il n’y a pas de rupture d’égalité, et tous les arguments tendant à dire qu’il y aurait deux sortes de femmes, celles qui habitent dans les communes de plus de 500 habitants et les autres, ne sont pas fondés juridiquement. Ils sont valables sur le plan politique… comme tous les arguments d’ailleurs. Ce sur quoi nous devons trancher, et c’est la raison pour laquelle j’émets un avis très favorable sur les amendements du rapporteur, de MM. Bru, Houlié et Cazeneuve tendant à abaisser le seuil à 500 habitants, c’est le pluralisme. Le problème consiste à ne pas créer d’inégalité entre ceux qui peuvent avoir le choix entre plusieurs offres politiques, quand bien même il n’y en a qu’une, et ceux qui, quoiqu’il arrive, n’en ont qu’une. Ce n’est pas une moindre affaire, cela représente deux cents ans de combat.

Je n’essaie pas d’enjamber le Conseil constitutionnel, ou de le tutoyer sur la concurrence entre pluralisme et parité. J’appelle simplement de mes vœux un mécanisme qui fonctionne, qui ne risque pas d’être censuré. Une fois de plus, je ne pense pas que la parité soit secondaire, mais il faut concilier les objectifs constitutionnels. Le Conseil d’État et le juge constitutionnel se sont largement prononcés sur le sujet, grâce, d’ailleurs, à la majorité à laquelle vous apparteniez, madame la députée Cécile Untermaier. Il m’appartient donc de rappeler, en tant que ministre, que si un amendement abaissant le seuil à zéro habitant était adopté, ce serait certes une bonne nouvelle pour la parité, mais la disposition serait inconstitutionnelle.

M. Raphaël Schellenberger. Madame la présidente, je souhaiterais que vous exerciez une vigilance toute particulière au moment des votes. Nous sommes nombreux aujourd’hui, et cela n’a pas posé de problème jusqu’alors. Mais on sent bien que la majorité, notamment, est partagée sur le sujet. Or il y a dans cette salle beaucoup de députés qui, n’étant pas membres de la commission, n’ont pas le droit de voter.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Cela me semble évident. J’ai sous les yeux, et comme toujours, une liste des membres de la commission présents.

La Commission rejette les amendements identiques CL1076, CL978, CL1079 et CL1128, puis les amendements CL469, CL690, CL692, CL693 et CL560.

La Commission adopte les amendements identiques CL1172, CL674, CL1048, et CL1118.

En conséquence, l’amendement CL840 tombe.

La Commission examine les amendements CL694, CL695 et CL696 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Pour obtenir une alternance, nous proposons que la première personne de la liste, paritaire, soit d’un sexe différent de celui du maire.

Je ne referai pas le débat sur la place des femmes et la parité. Pour une meilleure représentation de la société, il faut que le taux de femmes élues soit élevé, mais il faut aussi qu’elles soient plus nombreuses dans les exécutifs et davantage investies dans l’intercommunalité. Je rappelle que 84 % des maires sont des hommes, et que ce sont les maires qui sont représentés dans les conseils communautaires.

À ce sujet, je regrette de ne pas avoir pu défendre un amendement visant à ce que le pacte de gouvernance prévoie que les équipes « tendent vers la parité ». Il aurait été très bénéfique d’inciter les équipes municipales à veiller à une meilleure représentation des femmes dans l’intercommunalité.

M. Bruno Questel, rapporteur. Coralie Dubost a parfaitement illustré dans son intervention combien cet amendement serait un frein aux initiatives locales visant une meilleure représentation des femmes dans les exécutifs communaux. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. S’agissant des EPCI, je ne suis pas opposé à une rédaction qui obligerait le conseil, lors de l’élaboration du pacte de gouvernance, à réfléchir à l’objectif de parité, non seulement pour les postes de vice-président, mais aussi pour les commissions. Ce serait, en quelque sorte, une obligation de moyens. Je reviens à la philosophie du texte : le respect des objectifs est important, mais il faut laisser une part de liberté aux élus locaux. Au passage, cela permettrait aux oppositions de constater que certains objectifs ne sont pas remplis – le combat politique se mène là aussi. Je ne serais pas défavorable à un tel amendement en séance, si toutefois vous en retravailliez la rédaction.

Sur le présent amendement, mon avis sera défavorable, pour une simple et bonne raison : il ne s’agit là que de protocole. Comme vous le savez, le tableau des adjoints est dissocié des fonctions réelles : le premier adjoint peut être chargé de bien peu de chose, quand le dixième adjoint aura reçu une très large délégation, comprenant l’urbanisme, la sécurité et les finances. Dans les toutes petites communes rurales, le maire, qui travaille, a souvent un premier adjoint retraité pour les réunions qui se font en journée. Ce sont des choses bien éloignées des grands combats, je dois l’avouer, mais qui font que l’organisation du bureau municipal est une pâte molle. Il y a autant de vérités que de villages.

Je reste persuadé que l’abaissement du seuil à 500 habitants, que vous venez d’adopter, entraînera mécaniquement une meilleure représentation des femmes dans les exécutifs locaux. D’ailleurs, le Sénat, suivant l’avis favorable du Gouvernement, a introduit des listes « chabada » pour les bureaux locaux. Il était encore possible, et fort inélégant, de placer cinq hommes en premier, puis cinq femmes ensuite dans un tableau d’adjoint. Désormais, la liste alternera les hommes et les femmes, et le tableau commencera par le premier adjoint, non par le maire. Votre amendement modifierait les choses, car le maire est élu d’un côté, les adjoints de l’autre.

M. Philippe Gosselin. Je ne reviendrai pas sur la parité, que tout le monde défend, au même titre que le pluralisme. Au-delà des aspects théoriques, il conviendrait de prendre en compte la réalité de la vie locale. Je m’étonne, et je ne suis pas le seul, de ce côté très intemporel, parfois hors sol, des questionnements. Je ne suis pas condescendant, je ne dis pas que nos collègues n’ont pas d’expérience, mais lorsque l’on connaît la vie locale, l’engagement dans une petite commune, on peut s’étonner de certains propos.

S’agissant du mode de scrutin, il faut savoir que la position de l’AMF sur la suppression du seuil pour l’application du scrutin de liste paritaire a été très contestée par les adhérents de base que sont les maires des communes rurales, toutes sensibilités confondues. Ceux-ci s’efforcent d’organiser des équipes municipales qui soient plurielles, composées d’actifs, de retraités, de jeunes, de moins jeunes, d’hommes et de femmes. Cela s’avère déjà très compliqué. Pourquoi vouloir normer à tout prix ? On passe à côté du bon sens, des pactes de gouvernance. La réalité est beaucoup plus simple : la libre administration des collectivités locales, cela commence par des conseils qui peuvent s’organiser à peu près librement, tout en respectant quelques grands principes.

M. Erwan Balanant. Vous avez raison de dire qu’il ne faut pas trop de règles mais, vous le savez aussi bien que moi, la démocratie s’organise autour de règles. J’ai eu la curiosité de relire les débats de 2001 : cela donne l’impression amusante d’un retour vers le futur ! La contrainte n’est pas antidémocratique, elle participe à l’organisation sociale, elle est le fruit d’un choix que la société a fait.

Je rappelle, et ne le prenez pas comme une provocation, que certains partis politiques paient des amendes tous les ans parce qu’ils ne sont pas parvenus à la parité. Si 38 % des députés sont des femmes – ce qui n’est pas encore la parité –, c’est tout simplement parce qu’un jour, un candidat à la présidentielle a tapé du poing sur la table et exigé qu’il y ait dans son parti autant de femmes que d’hommes éligibles aux législatives. Faut-il le rappeler, on est encore loin du compte. Jusque-là, seules les contraintes ont permis d’avancer. Laetitia Avia a dit : « Ce n’est pas la loi qui fait la parité » ; mais sans la loi, il n’y aurait pas eu la parité !

Mme Élodie Jacquier-Laforge. L’adoption de l’amendement de Sacha Houlier à l’article 1er ayant fait tomber de nombreux amendements, je n’ai pas pu défendre celui qui visait à introduire l’objectif de parité dans le pacte de gouvernance. Je retravaillerai volontiers sur cette proposition, monsieur le ministre.

Dans le règlement de l’Assemblée, nous avons aussi avancé sur la question de la parité au Bureau. Nos collègues Les Républicains ont objecté qu’ils manquaient de femmes. L’idée, et je pense que tout le monde est d’accord, est de « tendre vers » la parité.

J’ai bien entendu vos objections, monsieur le ministre, et les remarques de mes collègues. Je ne retirerai pas ces amendements car ils sont porteurs d’un message : oui, nous voulons que les femmes s’engagent et qu’elles soient présentes, à parité, dans les listes communautaires et municipales !

La Commission rejette successivement les amendements

Article 11 bis A (art. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales) : Élection paritaire des adjoints dans les communes de plus de 1 000 habitants

La Commission examine l’amendement CL924 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. L’article 11 bis A impose la parité dans la liste des adjoints dans les communes de plus de 1 000 habitants. C’est une rigidité, qui plus est superflue, qu’il convient de supprimer.

Mes collègues et moi avons beaucoup de mal à supporter le procès qui est fait en permanence au groupe Les Républicains. Nous ne sommes pas du tout opposés à la parité, nous avons défendu calmement, avec des arguments étayés, une vision de l’exercice de la démocratie locale par rapport à la proportionnelle, qui n’a absolument rien à voir avec la parité. Nous adhérons au principe de parité, nous souhaitons que les femmes s’engagent en politique à tous les niveaux. Mais nos points de vue se nourrissent de notre expérience d’élus de terrain : nous faisons état des difficultés que rencontrent les petites collectivités à s’organiser lorsque les règles sont trop strictes. Je souhaite que l’on cesse de nous stigmatiser, notre famille politique n’est pas moins favorable à la parité, à la liberté ou à l’égalité que d’autres. C’est insupportable et je vous demande, madame la présidente, d’y veiller.

M. Erwan Balanant. Je ne stigmatise pas Les Républicains, je sais qu’il y a beaucoup d’hommes et de femmes impliqués sur ces questions et que l’on doit certaines des avancées, comme la loi Copé-Zimmerman, à votre famille politique.

J’aimerais rappeler quelques chiffres : dans les intercommunalités où, pour différentes raisons, n’existe aucune contrainte en la matière, 7,5 % des présidents sont des femmes, les exécutifs sont composés à 18 % de femmes et l’on dénombre 14 % de bureaux exclusivement masculins. Les conseillères communautaires occupent 31 % des sièges. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quand il n’y a pas de contrainte, la parité ne progresse pas. La loi a toujours été le seul moyen de faire avancer la parité dans notre pays.

M. Bruno Questel. Je veux témoigner qu’en amont de l’examen de ce texte, nous avons échangé avec beaucoup de sérénité et dans un esprit constructif avec les députés Les Républicains. Je tiens à les en remercier.

Sur l’amendement, je rappelle que les listes pour l’élection des adjoints sont déjà paritaires. Je vous suggère donc de le retirer, monsieur Viala.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Pour le coup, cette disposition, qui impose d’alterner les candidats de chaque sexe, a été votée au Sénat. Comme je le disais à l’instant à Mme Élodie Jacquier-Laforge, il faut tenir un équilibre. Autant il est compliqué d’imaginer un binôme dans les petites communes rurales, autant il n’est pas difficile de parvenir à la parité parmi les adjoints dans les communes de plus de 1 000 habitants. Le conseil municipal est déjà paritaire, il n’y a donc pas de problème de disponibilité. La liste « chabada » est une présentation élégante, qui ne présage en rien de la répartition des fonctions, à laquelle le maire procède par voie d’arrêté. Cet article nouveau, adopté par la plupart des groupes au Sénat, donne une base légale à beaucoup de bonnes pratiques locales, comme à Vernon.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Arnaud Viala. Je ne le ferai pas, car cette rigidité me semble excessive. Lorsque le scrutin est à la proportionnelle, la parité est atteinte d’emblée dans la constitution de la liste. On peut imaginer que le bureau reprendra, en gros, les premiers noms de la liste, et qu’il sera composé alternativement d’un homme et d’une femme. Mais imposer la parité par la loi empêchera que le bureau soit composé à majorité de femmes, si d’aventure elles sont plus nombreuses à être impliquées et désireuses de s’investir. Je ne vois pas ce que la loi apporte de plus, dans la mesure où le scrutin prédestine, en quelque sorte, les bureaux municipaux.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL1218 du rapporteur, CL302 de Mme Marie-Pierre Rixain, CL467 de Mme Cécile Untermaier, CL1223 de la présidente Yaël Braun-Pivet, CL888 de Mme Bérangère Couillard, CL746 de Mme Nadia Hai et CL557 de Mme Laurence Gayte.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, eu égard à l’abaissement du seuil à 500 habitants.

Mme Nadia Hai. Je retire l’amendement CL746.

Mme Laurence Gayte. La répartition des postes au sein des exécutifs locaux reflète d’importantes inégalités. La part des femmes dans les conseils municipaux est de 40 %, mais plus on s’éloigne de la fonction de maire, plus les fonctions sont occupées par des femmes : elles sont 17 % parmi les maires, 29 % parmi les premiers adjoints, 38 % parmi les deuxièmes adjoints, 43 % parmi les autres adjoints et conseillers. L’amendement CL557, qui vise aussi les intercommunalités, propose que la liste des candidats aux fonctions d’adjoint soit composée alternativement d’un candidat de chaque sexe, le premier adjoint étant d’un sexe différent de celui du maire.

M. Bruno Questel, rapporteur. Trop de rigidité : avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Avis favorable sur l’amendement de coordination du rapporteur.

Je demande le retrait des amendements suivants et émets un avis défavorable sur l’amendement CL557.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, vous présentez cet amendement comme un amendement de coordination. C’est juste sur le plan juridique, mais cela nous prive d’un débat. En effet, on pourrait imaginer que les communes entre 500 et 1 000 habitants puisse bénéficier d’une souplesse supplémentaire en ayant la capacité d’organiser leur bureau municipal comme elles l’entendent. Lorsque l’on regarde au cas par cas les situations sur lesquelles va déboucher l’instauration de la proportionnelle dans les communes de plus de 500 habitants, y compris dans le bureau municipal, on se dit que ces positions sont jusqu’au-boutistes.

L’amendement CL746 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL1218.

En conséquence, les amendements CL302, CL467, CL1223, CL888 et CL557 tombent.

La Commission adopte l’article 11 bis A modifié.

Article 11 bis B (art. L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de la priorité donnée aux adjoints dans l’attribution de délégations par le maire

La Commission adopte l’article 11 bis B sans modification.

Article 11 bis C (art. L. 247-1 [nouveau] du code électoral) : Possibilité pour les candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants

La Commission est saisie de l’amendement CL1173 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 11 bis C. Je m’en remets aux explications du ministre, car nous sommes dans le domaine réglementaire.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. J’ai passé près d’une demi-heure au Sénat à réexpliquer la différence entre nuançage et étiquetage. Le nuançage est assuré par le préfet, c’est un travail réglementaire : il s’agit tout simplement de dire de quelle nuance politique est tel ou tel élu dans le conseil municipal. Cela existe depuis le début de la République.

L’étiquetage est ce que le candidat renseigne au moment de son dépôt de candidature. C’est une procédure déjà très libre : vous pouvez mettre tout ce que vous voulez, ou même rien. Je vous propose de ne pas changer la règle. Un candidat peut être fier de se réclamer de telle ou telle formation politique, mais il peut aussi se targuer d’être libre et indépendant.

Le problème porte sur le nuançage. Beaucoup de parlementaires ont pu comprendre que le préfet allait apposer lui-même une étiquette sur le candidat. Il n’en est rien. Le préfet procède au nuançage, par décret, une fois les personnes élues, afin de les placer sur l’échiquier politique.

Cet article créait une confusion importante et je suis favorable à sa suppression. Le ministre de l’intérieur, en charge des élections, prendra une instruction pour repréciser aux préfets comment doit fonctionner le nuançage auquel il sera procédé après les élections municipales. Cet exercice répond à des seuils, car il est inopérant sur les toutes petites communes rurales.

M. Raphaël Schellenberger. J’avais déposé un amendement permettant, justement, de nuancer la rédaction de cet article. Le plus simple est de le supprimer et nous voterons en faveur de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 bis C est supprimé.

Article 11 bis (art. 43 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) : Possibilité pour tout citoyen de représenter les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les départements et les régions au sein des comités syndicaux

La Commission est saisie de l’amendement CL968 de M. Stéphane Baudu.

M. Stéphane Baudu. Je vous propose de maintenir l’article 43 de la loi NOTRE, qui a mis fin à deux mécanismes compliqués. L’un permettait à tout citoyen non élu de représenter sa commune ou son EPCI au sein des syndicats mixtes ; l’autre à tout conseiller municipal de représenter son EPCI au sein d’un syndicat mixte.

Trop souvent, la politique de l’EPCI ou de la commune n’est pas complètement appliquée au sein des syndicats mixtes, il est donc nécessaire d’y maintenir un lien opérationnel et direct avec les EPCI et les communes, en évitant que les communes et les EPCI n’y soient représentés par un citoyen non élu, ou un conseiller municipal non-communautaire dans le cas des EPCI.

M. Bruno Questel, rapporteur. Monsieur Baudu, je vous demande de retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement CL1230 que je présente ensuite. Il supprime uniquement le premier alinéa de l’article, et non l’intégralité du dispositif adopté par le Sénat.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je suis très attaché à ce que des élus siègent au sein de ces instances. Je sais qu’il est pratique, face aux difficultés que l’on éprouve parfois à trouver des volontaires pour siéger dans les syndicats mixtes, de nommer un citoyen. Mais la remise en cause progressive de la démocratie représentative me préoccupe fortement. Or il est délicat que des citoyens non élus siègent au sein de syndicats aux compétences étendues et dont les budgets peuvent représenter plusieurs fois ceux des communes adhérentes. Pour le reste, que le représentant soit élu communautaire ou conseiller municipal, tant qu’il est élu, je m’en contente.

M. Raphaël Schellenberger. Nous sommes également attachés à ce principe : ce sont des élus qui doivent siéger dans les instances qui décident de l’utilisation de fonds publics. En revanche, supprimer l’article 11 bis serait contre-productif du point de vue de l’engagement et de la liberté d’organisation des institutions locales. Permettre à un conseiller municipal, qui n’est pas conseiller communautaire, de siéger dans un syndicat dont est membre le conseil de communauté, et non la seule commune, peut être intéressant.

Prenons un exemple concret : la compétence « eau et assainissement » exercée de droit par l’intercommunalité, mais déléguée à une commune. C’est l’intercommunalité qui est membre de droit du syndicat mixte, mais elle pourrait choisir de désigner des conseillers municipaux qui ne sont pas conseillers communautaires, puisque l’exercice de la compétence se situe au niveau municipal.

La suppression de l’article dans sa totalité me semble contraire à l’esprit de la loi.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement du rapporteur CL1230.

Elle en vient aux amendements identiques CL710 de M. Vincent Thiébaut et CL816 de M. Patrick Hetzel.

M. Vincent Thiébaut. L’amendement CL710 proposé par le syndicat des eaux et de l’assainissement de l’Alsace a pour objet de permettre aux EPCI, avec ou sans fiscalité propre, ainsi qu’aux syndicats mixtes membres d’un syndicat mixte ouvert (SMO), de choisir, pour l’élection des délégués appelés à siéger au comité de ce SMO, des membres de leur organe délibérant ou bien des conseillers municipaux de leurs communes adhérentes, comme l’article L.5711-1 du CGCT, tel que modifié par l’article 11 bis du projet de loi, le prévoit pour les syndicats mixtes fermés.

M. Raphaël Schellenberger. Notre amendement CL816 est identique, il vient du même organisme alsacien. L’argument est le même qu’à l’amendement précédent, dans ce cas pour un syndicat supracommunautaire et non infracommunautaire. Il est cohérent avec les autres mesures de cet article.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis favorable à ces amendements de bon sens.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Avis favorable, mais il conviendra d’apporter quelques modifications rédactionnelles pour la séance afin de prendre en compte les différentes typologies de syndicats.

La Commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL1035 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 11 bis modifié.

Article 11 ter (art. 1609 nonies C du code général des impôts) : Mission prospective de la commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT)

La Commission est saisie de l’amendement CL969 de M. Stéphane Baudu.

M. Stéphane Baudu. Je propose la suppression de l’article 11 ter. Nous parlons beaucoup de simplifications et de liberté, mais, en l’occurrence, nous sommes loin du compte. La disposition ajoutée par le Sénat au code des impôts est obscure : l’estimation prospective qui y est mentionnée doit-elle être fournie avant la décision de transfert, ou bien après la décision de transfert, mais avant le rapport obligatoire de la commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT) ? Ne rendons pas plus complexe un dispositif qui l’est déjà suffisamment.

Supprimer cet article servirait l’objectif de simplification et de liberté, il faut faire confiance aux élus de l’EPCI pour mettre en œuvre les travaux prospectifs qu’ils jugent nécessaires à la prise de décision, sans les figer dans la loi.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je partage vos objectifs, mais il ne faut pas oublier les élus municipaux et les conseillers municipaux. Tous doivent débattre, notamment grâce aux travaux de la CLECT. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Le rapport de la CLECT n’est pas obligatoire. Cette dernière ne se réunit que si le président de l’EPCI ou un tiers des membres le demandent.

Cette disposition répond en outre à une forte demande de l’Association des maires ruraux de France et fait suite à certains travaux sénatoriaux en réponse au traumatisme causé par la loi NOTRE. Si des éléments sur les attributions de compensations avaient été disponibles avant les décisions de transfert, peut-être que certaines décisions auraient été différentes. Il est curieux de recevoir des informations après que tout a été décidé, et il semble logique d’interroger en amont l’instance amenée à évaluer et à éclairer le conseil communautaire.

Je comprendrais l’argument concernant la liberté à laisser aux élus si cette procédure était obligatoire, mais elle n’est pas automatique.

M. Stéphane Baudu. Je ne retire pas l’amendement, car je reste dans ligne que vous avez fixée, monsieur le ministre : simplification et liberté. Il est possible d’atteindre cet objectif si les élus comprennent que c’est un bon dispositif pour anticiper les transferts compliqués. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour simplifier et ne pas tout écrire dans la loi, allons jusqu’au bout en supprimant cet article.

M. Raphaël Schellenberger. Ce n’est pas une question de liberté locale : la CLECT n’exerce pas de compétence locale, elle gère les conséquences des choix du conseil de communauté ou de la structuration de l’EPCI. Il n’y a ni contrainte supplémentaire, ni entrave à une liberté. Il s’agit au contraire d’éclairer l’élu local avant qu’il ne prenne sa décision.

Aujourd’hui, la CLECT n’intervient que pour gérer les conséquences d’une décision, et non pas en amont pour permettre au conseil de communauté de prendre une décision éclairée. Cet article permet de demander à la CLECT une étude d’impact financier du choix soumis à la communauté, il n’entrave pas sa liberté.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cette mission prospective permet d’informer l’ensemble des élus, qu’ils soient membres de la CLECT ou pas.

La Commission rejette l’amendement.

Puis la Commission adopte l’article 11 ter sans modification.

Article 11 quater (art. L. 5211-43 du code général des collectivités territoriales) : Composition de la commission départementale de la coopération intercommunale

La Commission est saisie de trois amendements identiques CL1174 du rapporteur, CL675 de M. Vincent Bru et CL1110 de M. Stéphane Baudu.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose la suppression de l’article 11 quater. Les ratios introduits par le Sénat ne respectent pas, en effet, la répartition équitable des responsabilités au sein des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI).

M. Vincent Bru. Cet article manifeste une certaine méfiance à l’égard des intercommunalités, ce qui est contraire à l’esprit de cette loi.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Avis favorable.

La Commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’article 11 quater est supprimé.

Après l’article 11 quater

La Commission est saisie de l’amendement CL230 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement propose que les communes qui concluent une convention puissent en fixer librement les outils de gouvernance. Actuellement, la loi impose ces modalités de gouvernance de façon rigide.

J’ai plus particulièrement à l’esprit l’obligation de supprimer un maximum de syndicats de communes que la loi NOTRe impose aux CDCI. Des syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) ont été dissous, et la création de nouveaux SIVU a été empêchée. Dans nombre de cas, il n’est pas nécessaire de créer un syndicat intercommunal pour que les communes exercent en commun les compétences qu’elles souhaitent, mais il faut leur permettre de décider des outils de gouvernance de cette compétence partagée.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je suis plutôt convaincu par cette approche, mais je n’émettrai pas d’avis et je m’en remets à celui du Gouvernement.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je proposerai à la commission d’adopter l’amendement CL229, que nous examinerons ensuite, qui prévoit une adaptation du droit local.

Je vous invite, en revanche, à retirer l’amendement CL230, qui va créer plus de difficultés qu’il ne va en résoudre. La loi de 1996 prévoit déjà certaines dispositions, et nous n’avons pas connaissance de difficultés à ce sujet à l’exception du cas particulier qui fait l’objet de l’amendement suivant. Mon cabinet est à votre disposition pour plus de précisions.

M. Raphaël Schellenberger. Je retire l’amendement, je le déposerai peut-être en vue de la séance en fonction du résultat des échanges avec votre cabinet.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL229 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement propose la suppression d’une disposition du droit local d’Alsace Moselle – fait assez rare pour être souligné – qui interdit la conclusion de conventions entre les communes d’Alsace-Moselle.

Je le rappelle, le droit local d’Alsace-Moselle est un ensemble de normes maintenues en vigueur lors de son annexion par l’Allemagne, puis de son retour à la France. Il s’agit d’un certain nombre de règles hétéroclites qui étaient souvent en avance sur le droit français du moment.

En l’occurrence, après la Première Guerre mondiale, les communes d’Alsace-Moselle pouvaient conclure des conventions dans un nombre limité de domaines, notamment pour partager la construction de réseaux d’adduction d’eau. Aujourd’hui, le droit général permet de conclure des conventions dans un plus grand nombre de domaines que le droit local, qui n’offre plus d’avantage. Je propose donc de supprimer la disposition de droit local.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement. L’article 11 quinquies A est ainsi rédigé.

Article 11 quinquies (art. L. 2113-4 du code général des collectivités territoriales) : Assouplissement de la procédure de création de communes nouvelles dont le territoire est situé sur deux départements ou régions

La Commission examine l’amendement CL716 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. L’article 11 quinquies est un ajout du Sénat. Il supprime le droit de véto dont disposent les départements et les régions pour s’opposer au redécoupage de leurs limites géographiques lorsque des communes veulent fusionner en communes nouvelles.

Or cette suppression du droit de veto crée un risque d’instabilité du découpage administratif et territorial français. Elle contrevient au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, et au fait qu’il est impossible pour une collectivité d’imposer une décision à une autre. Un projet de fusion de communes qui modifierait le territoire d’un département ou d’une région ne saurait aboutir sans l’accord de ces entités. Je propose donc de supprimer l’article 11 quinquies.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Avis favorable à l’amendement de suppression. Le problème est de déterminer la solution alternative, et la question n’est pas anodine.

Les communes nouvelles sont un instrument de liberté, et c’est très bien. Elles peuvent s’associer comme elles le souhaitent, à deux, trois ou plus. Elles peuvent se constituer à cheval sur deux EPCI : la méthode pour régler ce cas est prévue. Elles peuvent également se constituer à cheval sur deux départements : les conseils départementaux doivent donner leur accord pour modifier les limites départementales, car il ne peut y avoir de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. Il en va de même si la commune nouvelle se constitue à cheval sur deux régions.

Mais dans le cas – que Mme Givernet et d’autres connaissent bien – où les deux conseils départementaux ne sont pas d’accord, tandis que les conseils municipaux le sont, les limites départementales ne peuvent être modifiées que par la loi. Nous nous retrouvons alors dans la situation que vous avez connue lors du débat de la proposition de loi de Mme Gatel sur les communes nouvelles : des amendements concurrents proposent qu’une commune soit rattachée à l’un ou l’autre des départements. Je souhaite bien du courage aux députés qui ne connaissent pas les lieux pour décider ! Le Gouvernement lui-même a bien du mal à émettre un avis sur d’autres fondements que les liens d’amitié, ce qui est limité pour organiser la carte territoriale. La démocratie locale s’est exprimée pour mieux constater son désaccord et l’on demande à la représentation nationale de trancher. Ce n’est pas un sujet partisan, puisque l’on constate que les positions peuvent être très différentes au sein d’un même groupe politique. Et nous pouvons aboutir à la situation dans laquelle l’Assemblée ayant décidé de rattacher la commune nouvelle à un département, le Sénat à un autre, c’est à une commission mixte paritaire qu’il reviendra de trancher !

Afin de remédier à ce blocage, plusieurs solutions s’offrent à nous, et certaines sont très imparfaites.

La première consiste à ne rien faire, la commune nouvelle ne sera pas créée, et nous ne dirons « non » à personne. Ce n’est ni très élégant, ni très respectueux. Il est préférable de clairement décider que cette création sera impossible, plutôt que de laisser la procédure de fusion inaboutie car aucune loi n’autorise la modification des limites départementales.

La deuxième solution consiste à prévoir que la décision est prise par décret. C’est celle retenue par les sénateurs : partant du constat qu’une assemblée parlementaire n’est pas en mesure de prendre des décisions « individuelles », cette responsabilité est laissée au Gouvernement. Mais les limites départementales relèvent du domaine de la loi, pas du domaine réglementaire ! C’est d’ailleurs heureux car changer les limites départementales modifie en conséquence celles des cantons, et potentiellement des circonscriptions électorales. Pour permettre la création d’une commune nouvelle, on mettrait donc le doigt dans un engrenage aux nombreuses conséquences juridiques. En outre, un décret pris sur de telles bases juridiques serait cassé en Conseil d’État.

La troisième solution est un peu sévère : elle consiste à ne pas autoriser la création de communes nouvelles à cheval sur deux départements sans accord des deux conseils départementaux. Comment gérer de telles situations depuis Paris, en effet ? Nous avons pensé à des systèmes de consultation de la population, mais quelle population devrait être consultée ? Si les limites départementales sont modifiées, c’est toute la population des départements concernés qui devrait être consultée, ce qui implique d’organiser des référendums dans tous ces départements… Ce n’est pas réaliste.

Ma réflexion est en cours, rien n’est arrêté, mais à l’heure où je vous parle, il me semble que la sagesse commande qu’une commune nouvelle ne puisse se créer à cheval sur deux départements que si les deux conseils départementaux sont d’accord. En cas de désaccord, la liberté locale rend impossible la création de cette commune nouvelle. Telle est ma position personnelle – ce n’est pas encore celle du Gouvernement.

C’est un problème que nous n’avions pas envisagé et que nous devons trancher pour l’avenir, car les cas pourraient se multiplier après les élections municipales.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis opposé à cet amendement de suppression, qui ne concerne qu’un cas d’espèce, que ma collègue Virginie Duby-Muller connaît bien. Il est dommage de brandir le risque de mise en cause de l’intégrité du découpage territorial de la République alors que cela ne relève que d’effets de bords. Il ne s’agit pas de troquer une commune avec un État étranger, mais de déterminer si elle doit être rattachée à un département ou un autre. Les arguments avancés me semblent excessifs.

Il est regrettable, dans un texte qui tend à soutenir l’engagement municipal des maires pour la construction de pactes de gouvernance locaux, d’empêcher deux communes qui veulent créer une commune nouvelle de mener ce projet à terme.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Schellenberger : les limites départementales ne sont pas une petite affaire. Effectivement, si l’on ne considère que la Savoie et la Haute-Savoie, ou la Charente et la Charente-Maritime, il peut sembler inutile de consacrer autant de temps à ces histoires de communes nouvelles. Mais nous créerions une base légale qui pourrait ensuite être utilisée par des centaines de communes. Or aux frontières entre départements plus riches et plus pauvres, par exemple, avec des communes de grande superficie, les effets sur la carte départementale pourraient ne pas être négligeables. En outre, il est difficile de concevoir que les élus municipaux puissent modifier la carte départementale sans l’accord des élus départementaux ou de l’État.

Je partage votre déception, monsieur Schellenberger, mais la « non-fusion » serait de la responsabilité les deux conseils départementaux, pas de celle du Parlement ou du Gouvernement. Il sera toujours possible de créer une commune nouvelle à cheval sur deux départements, mais la démocratie locale impose que les collectivités en question soient d’accord. Charge aux maires des communes concernées d’aller trouver une majorité favorable dans les conseils départementaux. Nous devons être cohérents : nous ne pouvons pas proclamer notre attachement à la liberté locale puis, si les décisions des conseils départementaux ne nous conviennent pas, modifier la loi pour les évincer.

Avis favorable à la suppression de l’article, pour trouver, d’ici à la séance, une rédaction qui s’approche de la proposition de Mme Givernet.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 quinquies est supprimé.

Après l’article 11 quinquies

La Commission est saisie des amendements CL718 et CL717 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. Je vous remercie, monsieur le ministre, nous devons effectivement faire preuve d’imagination pour réorganiser les collectivités territoriales avec plus de flexibilité, et je crois que vous avez très bien saisi les enjeux. Notre collègue a évoqué Mme Duby-Muller, qui est elle-même conseillère départementale. Je tiens à rappeler que les deux présidents de conseils départementaux concernés par le projet de fusion ne se sont jamais rencontrés sur le sujet. J’ai organisé de ma propre initiative une réunion il y a deux semaines, à laquelle ils ne sont pas venus. Elle aurait permis d’expliquer les points de négociation, car en cas de redécoupage des départements, il est évident que des compensations doivent être prévues pour permettre aux projets d’aller à leur terme.

Je vous soumets maintenant deux amendements, qui concernent les projets de fusion de ma commune de Seyssel dans l’Ain et de la commune de Seyssel en Haute-Savoie, et de deux autres communes en Charente et Charente-Maritime. Je propose d’expérimenter le fonctionnement de communes à cheval sur deux départements, sachant qu’il est déjà possible de faire fonctionner des communautés de communes sur deux départements. La répartition des compétences que je propose entre les départements est peut-être imparfaite, mais l’expérimentation doit permettre de surmonter les questions de découpage administratif et de compétences institutionnelles. Il s’agit d’une proposition dont nous aurons le temps de discuter d’ici à la séance publique.

M. Bruno Questel, rapporteur. Nous aurons effectivement le temps de travailler à ces amendements en vue de la séance, je vous propose de les retirer dans l’immédiat.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je vous demande moi aussi de retirer ces deux amendements. J’ai donné un avis favorable à votre amendement précédent car je veux que nous aboutissions à une solution claire et nette.

Votre proposition aurait des impacts sur l’organisation de l’État : quel préfet serait compétent ? Vous suggérez de retenir celui qui est compétent sur le lieu où est située la mairie, mais cela revient à donner au conseil municipal le pouvoir de décider dans quel département la commune est située de facto. La commune sera réputée appartenir à ce département pour les questions d’ordre public et pour la dotation d’équipement des territoires ruraux…

Je comprends que vous avez fait au mieux pour résoudre une difficulté locale liée au manque de bonne volonté de certains, mais je pense plus clair de prévoir que sans accord entre les conseils départementaux, les communes ne peuvent pas fonctionner. Sinon, pourquoi certaines grandes régions ne pourraient-elles considérer qu’un département est à cheval sur leurs deux territoires ?

Nos concitoyens se plaignent du millefeuille administratif et veulent une clarification. Une commune dans un département, un département entier dans une seule région, cela ne fonctionne pas si mal.

Mme Olga Givernet. Le but est d’être imaginatif. Merci pour votre réponse. Je retire les amendements et poursuivrai la discussion avec vous d’ici à l’examen en séance publique.

Les amendements CL718 et CL719 sont retirés.

La Commission en vient aux amendements identiques CL55 de Mme Émilie Bonnivard, CL72 de M. Xavier Roseren et CL271 de Mme Frédérique Lardet.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CL55 de ma collègue Émilie Bonnivard souligne que l’octroi des sièges au conseil communautaire et dans les instances intercommunales est fondé sur la population municipale, et ne prend pas en compte la population touristique. Sans revenir sur la question de la surreprésentation des communes dans lesquelles il n’y a pas d’électeurs, nous demandons un rapport détaillé sur ce point afin d’avoir une connaissance plus précise de ce phénomène.

M. Xavier Roseren. Il s’agit de la représentation des stations touristiques au sein des EPCI. J’ai compris quelles étaient les difficultés juridiques, mais il est important de disposer d’une évaluation de la situation et de définir des mesures pour l’améliorer. Cet amendement demande donc un rapport sur la représentativité des communes peu peuplées mais dont l’apport financier est important.

Mme Frédérique Lardet. Le rapport demandé permettrait d’éclaircir la situation une fois pour toutes et de prendre une position définitive.

M. Bruno Questel, rapporteur. À l’aune des convictions que nous lui connaissons, je salue la force que M. Schellenberger a mise dans son argumentation. (Sourires.)

Plus sérieusement, j’appelle votre attention sur la boîte de Pandore qui serait ouverte au regard des principes constitutionnels et juridiques si nous acquiescions à votre demande. Avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je rends un avis défavorable par principe à toute demande de rapport.

Ce sujet doit être traité par le pacte de gouvernance. Ce qui vaut pour le tourisme vaut également pour les grandes intercommunalités dans lesquelles il y a quelques gros pôles industriels, des zones d’activité ou de grands quartiers prioritaires de la politique de la ville. Lorsque de grands enjeux dépassent le ressort territorial de la collectivité, ils soulèvent des questions de répartition des fonds – traitée dans le PLF – et des questions de gouvernance.

Sans remettre en cause la proportionnalité de la représentation démographique, le pacte de gouvernance pourrait prévoir que lorsqu’une commune touristique est affectée par une décision, l’avis du maire de cette commune doit être demandé ; de même s’agissant des communes comprenant des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il est possible de le prévoir en respectant l’esprit de ce texte, mais ne rendons pas ces procédures obligatoires avec des dispositions qui ne seraient pas constitutionnelles, ou des demandes de rapport qui ne produisent pas de droit. Je demande le retrait de ces amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Au-delà du sarcasme du rapporteur (Sourires), je remercie le ministre pour sa réponse, d’autant qu’il semble avoir retenu une proposition que j’ai formulée hier : la possibilité de créer des règles contraignantes pour les EPCI dans les pactes de gouvernance. Je pensais aux PLUI, mais les communes de montagnes peuvent également être concernées. Je ne retire pas l’amendement de ma collègue, mais je m’engage à travailler avec elle sur la proposition présentée hier.

M. François Pupponi. Je confirme les propos du ministre : nous avons de nombreux exemples de communes comprenant des quartiers prioritaires de la ville auxquelles les intercommunalités retirent leur solidarité. Il faut trouver des moyens pour que ces communes puissent s’exprimer et ne soient pas ainsi pénalisées – les égoïsmes locaux existent partout. La question est compliquée, mais nous pouvons trouver une solution acceptable pour tout le monde d’ici à la séance.

La Commission rejette ces amendements.

Article 11 sexies (art. L. 5711-6 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Institution d’une faculté de retrait d’un syndicat mixte après une fusion

La Commission adopte l’amendement de coordination du rapporteur CL1175.

Puis elle adopte l’article 11 sexies modifié.

Avant l’article 11 septies

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CL517 de M. Charles de Courson et CL470 de Mme Cécile Untermaier.

Mme George Pau-Langevin. L’amendement CL470 propose d’adapter le barème relatif au nombre de conseillers municipaux pour créer une nouvelle strate pour les communes entre 500 à 999 habitants.

Actuellement, la troisième strate rassemble l’ensemble des communes entre 500 et 1 499 habitants, et amalgame donc des communes dont la population varie du simple au triple.

Un barème plus progressif nous paraîtrait plus adapté, nous proposons donc que le conseil municipal des communes dont la population est comprise entre 500 et 999 habitants compte treize membres, et que celui des communes dont la population est comprise entre 1 000 et 1 499 habitants en compte quinze.

M. Charles de Courson. L’amendement CL517 correspond à une demande exprimée par de nombreux élus locaux, qui estiment que les conseils municipaux des petites communes comprennent un nombre trop important de conseillers. Il est donc proposé de passer de sept à cinq conseillers pour les communes de moins de 100 habitants, de onze à neuf conseillers pour les communes comprenant entre 100 et 499 habitants, de quinze à treize conseillers pour les communes comprenant entre 500 et 999 habitants, et de dix-neuf à dix-sept conseillers pour les communes comprenant entre 1 000 et 2 499 habitants.

Mes chers collègues, il est de plus en plus difficile de trouver des candidats aux élections municipales. Dans l’un de mes arrondissements, comprenant 48 000 habitants pour 113 communes, on comptait aux dernières élections 57 communes – la moitié, donc – où le nombre de candidats était inférieur ou égal au nombre de postes à pourvoir. Dans trois communes, il n’y avait même aucun candidat, et il a fallu que le sous-préfet se fâche et dise aux maires sortants que, s’ils ne trouvaient pas de candidats, il engagerait la procédure de fusion des communes. Finalement, trois candidats se sont présentés dans l’une des communes, et depuis ce temps ils font tourner la commune à trois… Dans ces circonstances, il me semble que réduire de deux le nombre de conseillers requis va dans la bonne direction.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ce sujet a déjà été évoqué lors de la discussion générale et à l’occasion de l’examen de plusieurs amendements. Je répète que le présent projet de loi n’a pas vocation à traiter du nombre de conseillers municipaux, et je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je me suis effectivement déjà exprimé à de nombreuses reprises sur ce thème. Les propositions qui sont faites à ce sujet ne sont pas forcément mauvaises, mais j’estime que nous devons nous donner encore une chance avant de devoir procéder ainsi.

Le Gouvernement a accompagné le Sénat dans l’adoption de mesures permettant à un conseil municipal de fonctionner correctement lorsqu’il n’est pas réputé complet. Comme vous le savez, aujourd’hui, en effet, lorsqu’un conseil municipal n’est pas complet, certaines choses ne sont pas possibles, notamment l’élection du maire. Ainsi, une démission peut entraîner des élections partielles importantes.

Après les auditions et réflexions que j’ai menées dans le cadre de la préparation de ce projet de loi j’ai considéré que l’idée consistant à diminuer immédiatement le nombre de conseillers municipaux n’était pas encore mature – je rappelle que le présent projet de loi a surtout vocation à essayer de refaire fonctionner le bloc communal dans de meilleures conditions.

Par ailleurs, quand certains se demandent si le nombre de conseillers municipaux n’est pas trop élevé, d’autres – je dis « d’autres », mais ce sont parfois les mêmes – redoutent qu’une telle diminution puisse être un premier pas vers la suppression des communes. Je comprends très bien cette réaction, car il me semble que c’est une question que je me poserais moi-même si le nombre de conseillers municipaux commençait à diminuer dans les communes rurales. On entend déjà la petite musique à propos des communes nouvelles – qui ne sont cependant constituées que de façon librement consentie –, qui contribue à entretenir le doute sur les intentions du pouvoir central parisien à l’égard des communes rurales.

Dans ce texte qui a essentiellement vocation à remettre un peu d’électricité dans l’engagement dans la vie locale, j’ai donc préféré opter pour deux séries de mesures. Les premières sont celles qui accompagnent l’engagement – nous allons y venir dans un instant. Les secondes partent du principe que, s’il peut arriver au cours d’un mandat qu’il n’y ait pas suffisamment de monde pour constituer un conseil municipal, ce n’est pas une raison pour réduire définitivement le nombre de conseillers, qui pourrait à nouveau être suffisant au cours du mandat suivant – nous avons déjà eu un débat similaire tout à l’heure à propos de la parité et de la proportionnelle.

Je comprends tout à fait que vous ayez envie d’avancer, et c’est tout à votre honneur, mais je souhaite plutôt que vous retiriez ces amendements. Il me semble en effet qu’il vaut mieux pour le moment laisser inchangé le nombre d’élus dans les conseils municipaux. Tentons d’abord de mettre quelques gouttes d’huile dans le fonctionnement du bloc communal, sous la forme d’éléments de simplification – pouvoir fonctionner au tiers, suppression des élections partielles en cas d’incomplétude – pour permettre au conseil municipal de fonctionner à effectifs réduits. Mon souci, c’est de ne prendre aucune mesure de réduction du nombre de conseillers municipaux qui soit irréversible, car il est évident que, si on diminue légalement ce nombre, on ne va pas faire une nouvelle loi quelques mois plus tard pour l’augmenter à nouveau.

Soyons prudents car l’enfer est pavé de bonnes intentions et, à vouloir bien faire en diminuant le nombre de conseillers municipaux, je crains qu’on n’envoie un message négatif aux communes. Laissons un peu de temps aux dispositifs que nous mettons en place dans le cadre de ce projet de loi afin qu’ils aient une chance de prospérer. Si, dans quelque temps, nos successeurs estiment qu’il est vraiment nécessaire de réduire le nombre de conseillers municipaux, il sera toujours temps de le faire.

J’ajoute, enfin, que certains des dispositifs que vous proposez seraient impossibles à mettre en œuvre, car ils ne sont pas compatibles avec d’autres, déjà adoptés. Je pense par exemple à la réduction du conseil municipal à cinq conseillers, qui ne peut s’accorder avec le système consistant à permettre au conseil de fonctionner au tiers de ses effectifs habituels : c’est non seulement compliqué du point de vue de l’arithmétique, mais également assez douteux au regard des règles constitutionnelles – et il faut bien dire qu’une collégialité limitée à deux ou trois conseillers, ce n’est pas vraiment l’esprit du texte.

J’espère vous avoir convaincus. En tout cas, j’y ai mis du cœur !

M. Charles de Courson. Votre réponse montre, monsieur le ministre, qu’on ne veut pas regarder la dure réalité, à savoir que les effectifs sont trop élevés pour les communes jusqu’à 500, voire 1 000 habitants, et qu’on se contente donc de proposer de petits aménagements comme si cela allait tout régler.

Croyez-moi, j’ai été maire durant trente-deux ans – en tout, cela fait trente-six ans que je suis conseiller municipal –, et je peux vous dire qu’on a de plus en plus de mal à trouver des conseillers ! Autrefois, les gens venaient spontanément se présenter et s’inscrire sur la liste ouverte que nous tenions. De nos jours, si vous n’allez pas les chercher, vous n’avez même pas le nombre de candidats requis, comme le montrent les chiffres des dernières élections municipales. Il faut ouvrir les yeux !

Beaucoup de maires disent qu’ils préfèrent être entourés de deux ou trois adjoints très investis que d’un conseil municipal au complet, mais dont les membres ne viennent plus assister aux réunions. Même dans certaines communes de 3 000 habitants, on commence à avoir des problèmes de présence – et je ne parle pas des syndicats intercommunaux –, qui impliquent d’appeler systématiquement les gens pour atteindre le quorum.

Ce texte ne va pas jusqu’au bout. Vous vous contentez de proposer des palliatifs quand le système ne fonctionne manifestement plus. Mon amendement, qui consiste à réduire de deux le nombre de conseillers municipaux, est très modéré. Mais cela vaut mieux que de se cacher derrière son petit doigt. Je suis sûr que ce qu’on a constaté il y a six ans n’est rien par rapport à ce qu’on va voir en mars prochain ! Demandez aux préfets de faire la synthèse des données recueillies sur le terrain. Peut-être prendrez-vous enfin conscience de l’ampleur de la crise – qui ne fera que s’accentuer si on ne réduit pas le nombre de conseillers municipaux.

Mme George Pau-Langevin. Je précise qu’avec notre amendement, nous n’avons pas la prétention de régler la grave question de la crise des vocations aux fonctions de conseiller municipal, mais simplement de rééquilibrer les strates.

M. Alexis Corbière. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission, madame la présidente. Avec tout le respect que j’ai pour nos collègues Charles de Courson et George Pau-Langevin, je dois dire que je partage certains des propos qu’a tenus M. le ministre, et que je suis radicalement en désaccord avec les amendements proposés quant à la teneur idéologique qu’ils véhiculent.

Certes, nous avons un problème politique de fond en raison du fait que nombre de nos concitoyens se tiennent désormais à distance des lieux de représentation politique, estimant que ceux-ci ont de moins en moins de pouvoir, et que la concentration des pouvoirs dans les mains du maire rend la fonction de conseiller municipal souvent peu intéressante. Cependant, j’estime que ce serait la pire des choses que de ne chercher qu’à faire disparaître les symptômes plutôt que la maladie elle-même : en agissant ainsi, nous finirons par accepter qu’une seule personne soit nommée, et nous n’aurons rien réglé…

La situation actuelle ne doit pas être niée, mais elle doit être considérée pour ce qu’elle est, à savoir un symptôme du fait que les communes, peut-être en raison des politiques de décentralisation qui ont été menées, se sentent désormais écrasées : les gens pensent qu’il est inutile d’aller siéger au conseil municipal, qu’on y perd son temps du fait de l’absence d’enjeux.

Pour remédier à cela, la solution consisterait sans doute à redonner un pouvoir de contrôle politique aux communes et aux citoyens. En tout état de cause, ce serait une démarche plus intéressante que celle consistant à diminuer le nombre de conseillers municipaux. Ne nous y trompons pas : quand les lieux de contre-pouvoir se réduisent – il est question que ce soit le cas pour le Parlement, puisqu’il est aujourd’hui proposé de réduire le nombre de députés et de sénateurs –, il en est un qui, lui, reste toujours aussi puissant, à savoir la Présidence de la République ! C’est une tendance à laquelle je suis pour ma part farouchement opposé : j’estime au contraire que notre pays devrait compter un plus grand nombre d’élus, et que le Président de la République devrait détenir beaucoup moins de pouvoir.

Toutes ces questions donnent lieu à un débat fertile et utile, mais pour ma part je suis défavorable aux amendements proposés et j’estime que nos collègues seraient bien avisés de les retirer – mais ce n’est pas à moi de le leur demander !

M. Raphaël Schellenberger. Je n’ai pas grand-chose à ajouter au brillant argumentaire que vient d’exposer notre collègue.

Certes, il n’est pas simple de trouver aujourd’hui des gens disposés à s’engager au sein d’une commune, mais n’oublions pas que la situation actuelle résulte des choix que nous avons faits pour le système politique local : des élus bénévoles qui s’engagent au service de leur commune. Nous savons tous qu’au moment des élections municipales, il existe toutes sortes de raisons d’aller chercher telle ou telle personne pour lui demander de s’inscrire sur la liste : l’un a des compétences administratives, l’autre possède un tracteur… Cela fait également partie de la réalité de la gestion de nos communes : on fait avec les moyens du bord, et c’est aussi ce qui permet une certaine efficacité dans la gestion de la dépense publique.

On peut critiquer cette situation au motif qu’elle serait marquée par une inégalité entre les territoires ruraux, qui auraient un service public bricolé par les élus locaux, et les territoires plus urbains, qui bénéficieraient de services professionnalisés. Toutefois, reconnaissons que cela n’empêche pas le système de fonctionner, même si c’est au prix d’un effort : cet effort, nous devons le souhaiter et même l’encourager plutôt que de chercher à le réduire, qui plus est en sa dimension la plus sensible : la démocratie, la collégialité, le débat.

Moi aussi, j’aurais aimé avoir moins d’élus dans mon conseil municipal, et surtout moins d’élus d’opposition (Sourires) car, en réduisant le nombre d’élus, on réduit la possibilité d’une expression diversifiée… Ce que je veux dire, c’est qu’avoir un nombre d’élus élevé, c’est évidemment un peu plus difficile à gérer, c’est plus exigeant, mais c’est aussi le gage de résultats plus satisfaisants pour nos concitoyens.

Il me paraît tout à fait antinomique de multiplier, comme on cherche à le faire actuellement, ces outils de démocratie participative ou consultative que sont les conseils de développement, la consultation citoyenne ou encore les référendums locaux, et d’affaiblir dans le même temps la démocratie participative, qui est pourtant aujourd’hui le système le plus équilibré pour la prise de décisions publiques.

Enfin, il me paraît tout à fait justifié d’établir, comme l’a fait avant moi notre collègue, un parallèle entre la réduction du nombre de conseillers municipaux et celle du nombre de parlementaires : cela me semble poser des questions essentielles en termes de pluralité et de démocratie.

M. Rémy Rebeyrotte. Je voudrais tout de même modérer un peu les propos de M. Corbière…

M. Alexis Corbière. Ce n’est pas facile ! (Sourires.)

M. Rémy Rebeyrotte. …si c’est possible, effectivement – je reconnais que c’est une gageure.

Il existe encore des communes dotées d’un mode de gouvernance qui fait que c’est un très grand honneur et un grand plaisir, pour ceux qui entrent au conseil municipal de ces communes, d’accéder ainsi à la possibilité de travailler et de s’engager au service de l’intérêt général. Chacun sait à quel point le réseau des élus est important dans notre pays, et que c’est une grande responsabilité que celle consistant à tenir la République au quotidien auprès de nos concitoyens.

Comme l’a dit M. le ministre, laissons aux mesures que nous adoptons le temps de produire leurs effets, voyons ce qu’elles vont donner, et profitons-en pour essayer de relancer auprès de nos concitoyens l’intérêt qu’il y a à faire partie d’un conseil municipal, à être en lien avec son intercommunalité, ainsi qu’avec des collègues de l’autre sexe. Sur ce dernier point, il me semble que si la parité est si difficile à mettre en œuvre, c’est notamment en raison de la difficulté qu’il y a à convaincre certaines femmes d’entrer dans les instances démocratiques. C’est un fait, il existe encore une différence culturelle dans ce domaine et je suis toujours frappé de constater, quand j’ai à établir une liste, qu’il est beaucoup plus difficile de persuader les femmes que les hommes de s’y joindre : certaines femmes, pourtant dotées de compétences rares, voire exceptionnelles, manquent de confiance en elles-mêmes, ce qui fait qu’elles n’osent pas franchir le pas. Si nous arrivions à remonter la pente dans ce domaine, peut-être n’aurions-nous même pas à nous poser la question du nombre de conseillers dans nos communes, car les choses pourraient s’améliorer de ce simple fait.

Je le répète, laissons passer un peu de temps afin de voir quels effets les mesures contenues dans le texte vont déjà pouvoir produire.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je suis assez d’accord avec M. Corbière, mais je ne le rejoins pas sur l’analogie qu’il établit avec le Parlement, car celui-ci ne connaît pas de crise de l’engagement – or, les amendements qui viennent d’être présentés ont bien pour objet d’apporter des solutions au fait qu’on trouve de moins en moins de gens pour assumer les fonctions de conseiller municipal.

Par ailleurs, quand vous me dites que votre amendement consistant à diminuer de deux le nombre de conseillers municipaux de chaque tranche n’est pas bien méchant, je ne suis pas tout à fait d’accord, monsieur de Courson. Peut-être n’avez-vous eu l’intention de rédiger qu’un amendement d’appel, ce qui expliquerait qu’il n’indique pas toutes les modifications que son adoption nécessiterait d’apporter au code général des collectivités territoriales : quoi qu’il en soit, la mise en œuvre des dispositions que vous proposez aurait de nombreuses conséquences, que ce soit sur la règle du tiers, sur le nombre d’adjoints, calculé en fonction du nombre de conseillers municipaux – et on sait que, dans les petites communes, ce sont souvent le maire et ses adjoints qui font tourner la boutique –, ou encore sur la désignation des grands électeurs…

M. Charles de Courson. Ça, c’est une réaction de sénateur !

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Non, ce que je dis concerne tout le Parlement. Je vais refaire du Corbière : les schémas de représentation en disent long sur notre histoire républicaine…

M. Alexis Corbière. Restez modéré, monsieur le ministre !

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Au contraire, j’essaie de battre un record sur l’échelle de Rebeyrotte ! (Sourires.)

Vous me reprochez de ne pas aller jusqu’au bout de la logique de ce texte, monsieur de Courson : or, il y en a qui le font en proposant de regrouper les communes, éventuellement de force. Pour ma part, je peux concevoir qu’il y ait un débat sur ce point, mais j’estime que le regroupement obligatoire constitue une solution extrême, à laquelle je suis très hostile. Entre le statu quo et cette solution, il ne peut y avoir que des propositions intermédiaires, qu’il s’agisse des nôtres ou des vôtres…

Le vrai sujet est sans doute celui-ci : devons-nous conserver le système actuel, en ne lui apportant que quelques mesures d’assouplissement pour faciliter son fonctionnement – en l’occurrence, celle que vous proposez me semble créer beaucoup plus de difficultés qu’elle n’en règle –, ou nous avouer sans fard qu’il y a trop de communes dans notre pays, et mettre en place des schémas de regroupement – une solution à laquelle je confirme être opposé ?

En l’état actuel des choses, nous vous soumettons un texte de loi ayant simplement vocation à redonner goût aux Français à l’engagement, ce qui pourrait déjà régler bien des problèmes.

La Commission rejette successivement les amendements.

TITRE IER BIS
SIMPLIFIER LE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL MUNICIPAL

Article 11 septies (art. 2121-2-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et art. L. 258 du code électoral) : Réduction du nombre de sièges à pourvoir dans les conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants pour être réputés complets

La Commission est saisie de l’amendement CL1176 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement CL1176 clarifie la rédaction de l’article 11 septies adopté au Sénat.

Je rappelle que cet article a pour objet de réduire, en cas de besoin, le nombre de sièges à pourvoir dans les conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants pour qu’ils soient réputés complets et qu’ils puissent procéder à l’élection du maire et des adjoints si besoin est.

Mon amendement précise toutefois que cette souplesse n’est possible qu’au terme du second tour de scrutin plurinominal. Portant sur les communes de moins de 100 habitants, il sera complété par un second amendement portant sur les communes de moins de 500 habitants : le CL1177.

Par ailleurs, il satisfait l’amendement CL108 de Mme Chavrier – mais je n’aurai pas à lui demander de le retirer, puisqu’elle ne semble pas présente pour le défendre…

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. La disposition qui est ici présentée par M. le rapporteur fait partie des mesures réversibles, qui n’abîment pas ce que nous souhaitons préserver par ailleurs. J’y suis donc favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Les amendements CL1077, CL976 et CL1129 tombent.

La Commission examine l’amendement CL1177 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je viens de défendre cet amendement.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement CL1179 de coordination du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 septies modifié.

Article 11 octies (art. L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales) : Facilitation de l’élection du maire et de ses adjoints en cas d’incomplétude du conseil municipal

La Commission examine l’amendement CL1180 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous propose de supprimer l’article 11 octies dont les dispositions me semble superflues.

En effet, le texte comprend déjà deux assouplissements substantiels pour l’élection des maires et de leurs adjoints, prévus par l’article 11 septies pour le début de mandature que nous venons d’examiner, et par l’article 11 nonies pour la fin de mandature.

L’article 11 octies va plus loin : l’élection du maire et des adjoints pourrait avoir lieu valablement à tout moment du mandat à condition que le conseil ait perdu moins d’un dixième de ses membres, arrondi à l’entier supérieur. Je considère pour ma part qu’il convient d’éviter qu’en cours de mandature, s’il y a lieu de procéder à l’élection d’un nouveau maire, le résultat issu des élections municipales ne soit faussé par des vacances de postes survenues dans l’intervalle.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 11 octies est supprimé.

Article 11 nonies (art. L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales, art. L. 258, L. 224-30, L. 270, L. 360, L. 380, L. 885-32, L. 272-6, L. 428, L. 436 et L. 437 du code électoral et art. L. 122-5 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie) : Assouplissement des conditions obligeant l’organisation d’élections municipales partielles en cas d’incomplétude du conseil municipal

La Commission est saisie de l’amendement CL1181 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement CL1181 est une disposition de coordination avec les dispositions de l’article 11 septies.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CL1078 tombe.

La Commission adopte l’amendement CL1039, de correction d’une erreur de référence, du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CL1182 du rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Défendu.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. J’émets sur cet amendement un avis de sagesse, car je tiens à ce que la question ultramarine soit traitée dans le cadre de l’ordonnance. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la commune a un statut juridique très particulier, exigeant des consultations qui ne le sont pas moins. J’insiste sur ce point : toutes les questions ultramarines, notamment celles relatives au Pacifique, méritent de faire l’objet d’une ordonnance.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 nonies modifié.

Après l’article 11 nonies

La Commission examine l’amendement CL970 de M. Stéphane Baudu.

M. Stéphane Baudu. L’amendement CL970 vise à apporter un remède aux déboires vécus par les communes de moins de 1 000 habitants lorsque les démissions en cascade des conseillers municipaux sont dues à une incapacité du maire à animer le travail de son conseil municipal. En l’absence de démission du maire, ces situations conduisent à une immobilisation de la commune, les élections complémentaires ne permettant pas de résoudre l’origine de la difficulté.

Dès lors, la seule issue dans le droit actuel consiste en une décision de destitution du maire, prise en conseil des ministres, et qui n’intervient qu’après constitution d’un dossier devant prouver l’incapacité du maire ou des agissements manifestement contraires à l’intérêt de la commune. Ce dispositif est lourd et rarement mis en œuvre. Il est donc proposé d’intégrer au code électoral une disposition prévoyant qu’il est procédé à la réélection du maire et de ses adjoints après chaque élection complémentaire.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je comprends tout à fait la préoccupation que vous exprimez avec cet amendement. Toutefois, je crains que le dispositif que vous proposez ne puisse résoudre que quelques cas, sans doute très dommageables pour les communes concernées, mais restant très rares. Dès lors, j’estime qu’il vaut mieux laisser les élus locaux traiter de leurs propres affaires et s’en remettre à la démocratie locale, c’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Cet amendement est bien vu, mais il me semble que son application pourrait avoir des conséquences n’apparaissant pas forcément au premier abord. Dans une commune de plus de 1 000 habitants – de plus de 500 habitants en 2026 –, dès lors qu’il y aura eu plusieurs listes, en cas de démission, ce sont les suivants de liste qui montent et pourvoient. La question de la complétude ne se pose donc pratiquement jamais, et nous sommes par ailleurs en train d’introduire des règles permettant au conseil de fonctionner à effectif réduit en cas de besoin, c’est-à-dire quand la liste est épuisée.

Nous devons aussi nous projeter dans l’objectif de la stabilisation de l’édifice communal car, si la commune fonctionne bien et si elle est une institution populaire au sein de la République, c’est aussi parce qu’elle constitue un point de stabilité. Le maire n’est pas responsable devant le conseil municipal comme l’est le Gouvernement devant l’Assemblée nationale. Certes, il est l’émanation du conseil municipal qui a été élu, mais il ne connaît ni minorité de blocage, ni motion de censure – à juste titre, car tel n’est pas le sens de la démocratie locale. J’ajoute que le maire devient agent de l’État, et qu’il a donc d’autres prérogatives dont il doit assurer par ailleurs la pérennité.

Dans une commune de moins de 1 000 habitants, s’il y a beaucoup de démissions, il est démocratique de procéder à une élection complète, afin de tenir compte des changements importants qui ont pu avoir lieu dans le village et conduire à ce que la majorité change de camp – c’est ce qui me fait regarder l’amendement avec intérêt. Cependant, dans les faits, il suffit que quelques-uns quittent le conseil d’une petite commune pour provoquer systématiquement des élections municipales partielles de complétude – ce qui peut être un moyen délibéré de déstabiliser le maire.

M. Stéphane Baudu. Le maire reste en place !

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Quand vous avez un conseil municipal composé de neuf personnes, dont trois ont décidé de démissionner, le départ d’une quatrième personne déclenche des élections complémentaires, ce qui a pour conséquence que le maire et des adjoints sont démissionnaires d’office, et qu’il faut tout recommencer – et si les choses ne vont pas mieux, il y a à nouveau des démissions, et ainsi de suite…

C’est parce qu’il y a toujours eu un verrou imaginé par le législateur que, globalement, on parvient à conserver une certaine stabilité. Quand il y a des démissions, elles sont tantôt le fait de personnes qui partent pour des raisons personnelles, tantôt le fait de personnes qui ont l’intention de solliciter les suffrages de leurs concitoyens ; or, si cette dernière pratique est tout à fait démocratique, le maire a tout de même été élu – je souligne au passage que, si les députés sont soumis au pouvoir de dissolution du Président de la République, les sénateurs ne le sont pas.

Comme vous le voyez, le maire s’inscrit dans cette notion de permanence que nous devons nous attacher à préserver – exception faite des cas très précis où le préfet peut le suspendre pour certains motifs, ou d’une révocation en conseil des ministres, qui ne peut avoir lieu que dans des cas également très précis et très encadrés, au moyen d’un décret pouvant, de par sa nature même, être contesté devant un magistrat.

La mise en œuvre de la proposition contenue dans l’amendement CL970 nous placerait face à quelque chose de tout à fait inédit, qui constituerait selon moi une importante source d’instabilité, c’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

M. Alexis Corbière. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Baudu, mais je veux surtout signaler mon désaccord avec la position exprimée par M. le ministre. Certes, le code général des collectivités territoriales donne ce pouvoir aux maires, mais j’estime qu’il faut défendre l’idée selon laquelle c’est une liste, un conseil municipal en son entier qui est élu. Celui qui est premier de la liste est en quelque sorte annoncé comme le prochain maire, mais c’est tout de même dans le cadre du conseil municipal qu’on décide vraiment qui sera le prochain maire.

Si un tiers du conseil municipal vient à démissionner, c’est qu’il y a un gros problème, et je ne vois pas pourquoi il faudrait que le maire reste en place en dépit de la crise : la solution à une telle situation passe forcément par l’élection d’un nouveau maire – soit le même qu’avant, soit un autre. Alors que le conseil municipal est en France l’un des rares lieux où le pouvoir s’exerce de façon un peu collective, je trouve pour le moins étrange que, pour repousser l’amendement de notre collègue, vous défendiez le fait que le maire a actuellement la possibilité de rester en place contre vents et marées – ce qui, d’un point de vue démocratique et républicain, n’est pas acceptable !

M. Rémy Rebeyrotte. Et si on prévoyait une élection chaque année ?

M. Alexis Corbière. Je vous remercie pour cette contribution enrichissante, cher collègue, qui me laisse penser que – par rapport à vous, du moins – je suis peut-être plus modéré qu’on ne l’imagine. Cependant, bien que m’appelant Corbière, je suis à consommer sans modération ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Pour ma part, j’ai tendance à penser que le ministre et le rapporteur ont partiellement raison tous les deux. J’ai été témoin, dans une commune, d’une situation où le maire avait complètement dérapé, ce qui avait entraîné la démission de tout le conseil municipal, tandis que lui était resté en place. À l’issue des élections qui avaient suivi, il s’était retrouvé avec un conseil composé de cinq ou sept conseillers municipaux d’une autre étiquette politique que la sienne. Quand il est venu me demander conseil, je lui ai dit qu’il n’avait guère à craindre d’être révoqué, puisqu’on ne comptait jusqu’à présent qu’un seul cas de révocation dans notre arrondissement qui remontait à 1914 : le maire de Vitry-le-François avait été révoqué pour avoir fui devant l’ennemi, et la ville fut ensuite administrée durant quatre ans par une délégation spéciale, avec à sa tête un président.

Pour en revenir à la commune dont j’évoquais le sort, elle s’est trouvée durant des mois dans une situation très délicate, avec un maire en désaccord avec ses conseillers. La seule solution pour en sortir a été que le conseil municipal vote contre le budget, afin d’aboutir à une situation de blocage qui incite le sous-préfet à saisir le ministre de l’intérieur, sur le constat du fait qu’il n’y avait plus de fonctionnement possible.

M. Bruno Questel, rapporteur. Exactement !

M. Charles de Courson. Pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise, il faudrait modifier l’amendement et préciser que seule la majorité du conseil municipal fait l’objet des élections complémentaires éventuellement organisées. Dans ce cas, monsieur le ministre, je pense que vos objections – au demeurant parfaitement justifiées, car il y a des gens qui passent leur temps à démissionner pour se faire réélire – tomberaient.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je connais bien cette situation pour l’avoir vécue personnellement : j’ai été élu maire en 2002, sur la base du Meccano que vient de décrire M. de Courson, à savoir le blocage du vote du budget de la municipalité, et j’étais alors minoritaire. Ce qui me gêne dans l’amendement de notre collègue Baudu, c’est le mécanisme de démission automatique qu’il prévoit, qui me paraît situé hors des clous. En effet, on ne peut pas, à partir de tel ou tel événement jouant le rôle de couperet, considérer que le maire élu par son conseil municipal est réputé démissionnaire en raison du déclenchement d’un mécanisme auquel il est étranger : d’un point de vue juridique, cela pose un problème.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Si vous retirez votre amendement, monsieur Baudu, je m’engage à ce que nous examinions la possibilité de le réécrire ensemble. Il m’apparaît en effet que, dès lors qu’on a prévu la complétude, cela signifie que l’on pourrait tomber à un effectif très bas – par définition, les communes concernées sont celles comprenant moins de 500 habitants et, par ailleurs, nous avons prévu la règle des 10 %.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Baudu ?

M. Stéphane Baudu. Je retire mon amendement au bénéfice de la proposition que vient de faire M. le ministre de le retravailler ensemble.

L’amendement est retiré.

Avant l’article 12 A

La Commission est saisie de l’amendement CL1087 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. Cet été, le maire d’une toute petite commune située près de Toulouse a été agressé en défendant seul, et dans l’urgence, l’accès à un terrain municipal – à la suite de quoi M. le ministre est venu le soutenir, ce qui a évidemment été apprécié. Cet événement a été pour les maires l’occasion d’exprimer leur impuissance grandissante face à la lourdeur et à la complexité des procédures administratives, qui épuisent les élus et les éloignent de leurs missions premières.

Pour y remédier, l’amendement CL1087 vise à ce que le Gouvernement, conjointement avec les associations d’élus, propose, dans un rapport remis l’année prochaine à la représentation nationale, une réforme de simplification des normes relatives aux pouvoirs de police du maire.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ce que vous proposez fait déjà l’objet du présent projet de loi, chère collègue, c’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je vois cet amendement comme un amendement d’appel à toutes les dispositions dont nous allons débattre dans quelques instants. Certes, il faut rendre effective l’autorité du maire, mais je ne pense pas que la remise d’un rapport puisse y contribuer efficacement, c’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement, avant que nous n’examinions les mesures destinées à assurer l’opérationnalité des pouvoirs de police du maire, ainsi que celles visant à leur fournir un accompagnement juridique et psychologique.

L’amendement est retiré.

TITRE II
LIBERTÉS LOCALES : RENFORCER LES POUVOIRS DE POLICE DU MAIRE

Article 12 A (art. L. 2121-41 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Présentation de l’action de l’État en matière de sécurité devant le conseil municipal

La Commission examine les amendements identiques CL676 de M. Vincent Bru et CL925 de M. Arnaud Viala.

M. Vincent Bru. L’amendement CL676 vise à supprimer la proposition du Sénat prévoyant que le chef de la circonscription de sécurité publique présente devant le conseil municipal de commune de sa circonscription l’action de l’État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.

D’une part, une telle mesure semble un peu compliquée à organiser sur le plan pratique ; d’autre part, le conseil municipal n’est pas compétent en matière de police.

Ce que j’ai constaté durant les vingt-deux années où j’ai été maire de ma commune, c’est qu’il y a des rencontres très fréquentes entre le maire et les responsables de la police ou de la gendarmerie, et que le maire a ensuite tout loisir d’évoquer ces questions devant son conseil municipal. Je ne suis pas sûr que la procédure assez lourde qui est ici proposée soit vraiment efficace.

M. Arnaud Viala. Dans mon département, qui compte près de 300 communes, on imagine mal comment les deux ou trois représentants de la sécurité publique vont se répartir pour pouvoir se rendre au moins une fois par an dans toutes les communes. Par ailleurs, dans l’immense majorité des cas, il existe déjà des modalités de concertation et de partage d’information sur les enjeux de sécurité, qu’il faut laisser vivre en évitant de les encadrer de façon trop rigide.

En revanche, M. le ministre m’ayant fait savoir « en off » que, s’il était favorable à une modification de l’article 12 A, il préférait que cela se fasse au moyen de l’amendement CL842, que nous allons examiner dans quelques instants, je retire mon amendement au profit de celui qui a ses faveurs.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous remercie d’avoir spontanément proposé de retirer votre amendement, monsieur Viala, et j’invite M. Bru à en faire de même. J’indique d’ores et déjà que je serai favorable à l’amendement CL842 que vous venez de citer, et qui sera présenté dans un instant par M. Molac.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je souhaite le retrait des amendements CL676 et CL925, et j’émettrai un avis favorable à l’amendement CL842. Le Gouvernement souhaite que les services de l’État puissent venir présenter une fois par an, devant chaque conseil municipal, l’action de l’État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance pour la commune concernée. Je précise que l’État pourra être représenté par le préfet, le sous-préfet, un officier de gendarmerie ou encore un chef de circonscription de sécurité publique dans la police : ce n’est pas à la loi de dire qui va venir – il serait pour le moins curieux que le préfet ne puisse pas venir de lui-même s’il le souhaite, alors que le commandant de police local aurait cette possibilité.

M. Vincent Bru. Je retire mon amendement.

Les amendements CL676 et CL925 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CL842 de M. Yannick Favennec Becot.

M. Paul Molac. L’amendement CL842 a effectivement vocation à régler les problèmes que viennent d’évoquer nos deux collègues. Le préfet étant responsable de la bonne marche des services de l’État dans son département, il me paraît évident qu’il doit avoir la possibilité de se rendre auprès des conseils municipaux de son département, ou de déléguer cette mission s’il le souhaite. En outre, les gendarmes directement en contact avec les maires, pourront toujours venir devant le conseil pour expliquer comment fonctionne la sécurité et quels liens ils ont avec le maire ou un délégué désigné par celui-ci.

Enfin, certaines communes ont mis en place des commissions extra-municipales ayant une compétence particulière dans le domaine de la sécurité au sens large, c’est-à-dire aussi bien la prévention de la délinquance que les catastrophes naturelles. L’ensemble de ces dispositifs forme un système qui fonctionne plutôt bien.

M. Bruno Questel, rapporteur. Favorable.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL86 de Mme Catherine Kamovski, CL111 de Mme Fannette Charvier, CL102 de Mme Jacqueline Dubois et CL312 de Mme Marie-Pierre Rixain tombent.

La Commission adopte ensuite l’article 12 A modifié.

Après l’article 12A

La Commission examine l’amendement CL477 de Mme Cécile Untermaier.

Mme George Pau-Langevin. Nos collègues maires nous ont alertés. Parfois, quand ils déposent plainte contre l’un de leurs administrés qui a commis un délit, ils le croisent régulièrement mais restent sans nouvelles de la plainte ! L’amendement obligerait le procureur de la République, ou son représentant, à procéder à l’audition du maire dans le mois suivant le dépôt de la plainte. Ainsi, ce dernier serait informé du sort réservé à sa plainte.

M. Bruno Questel, rapporteur. Chère collègue, je suis fermement défavorable au dispositif que vous proposez. Cela ne manquerait pas de générer des lourdeurs au sein des parquets. Vous évoquez une « audition » devant le procureur, impliquant donc l’application du code de procédure pénale. Ce serait à la fois lourd et fastidieux pour les procureurs.

En outre, j’ai été maire pendant quinze ans et j’ai déposé plainte plus souvent qu’à mon tour… Si cela avait impliqué une audition obligatoire devant le procureur, des kilomètres de voiture et des heures de perdues, je n’aurais pas fait la démarche…

Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. L’idée est séduisante. Vous avez raison, le Sénat l’a également souligné, il est important de renforcer les liens entre les parquets et les municipalités, mais ce dispositif n’est pas le bon.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Je vous demanderai également de bien vouloir retirer votre amendement pour une autre raison. Suite à la disparition tragique du maire de Signes en août dernier, la garde des Sceaux devrait en effet signer, en début de semaine prochaine, une circulaire de politique pénale, à laquelle le ministère en charge des collectivités territoriales a contribué. Elle explicitera le devoir d’information des parquets envers les élus locaux dans différents cas de figure – qu’ils soient victimes ou parties prenantes lorsque l’événement s’est déroulé dans leur commune.

En procédure pénale, peu de dispositions fixent des délais aux procureurs. Le faire uniquement pour les élus serait original, mais relève à mon sens plus de la circulaire pénale. Vous avez l’engagement du Gouvernement : dans quelques jours, nous vous communiquerons la circulaire.

Mme George Pau-Langevin. Cette circulaire sera une bonne chose. L’actualité récente souligne en effet de manière dramatique que les élus ne sont pas toujours armés pour exercer en toute sécurité les pouvoirs importants qui leur sont confiés pour qu’ils fassent respecter l’ordre public dans leur commune. Nous attendons la circulaire avec impatience, mais je ne retire pas l’amendement car les élus y tiennent beaucoup.

M. Raphaël Schellenberger. Si la rédaction de l’amendement n’est pas opérante, le principe est essentiel et mériterait d’être retravaillé pour la séance publique.

Les attaques contre les maires se multiplient. Le cas dramatique de Signes est malheureusement l’arbre qui cache la forêt. Au quotidien, les maires sont agressés verbalement ou physiquement, pour l’institution qu’ils représentent ou du fait de la mission qu’ils exercent. Or le système pénal n’est pas armé et considère parfois ces dossiers un peu trop à la légère. Pourtant, on attaque un des piliers de la République ! Si nous ne réagissons pas, c’est toute la République qui risque d’être affaiblie ! Nous devons trouver les moyens légaux de protéger les maires. Nous devons leur permettre de se protéger, en tant que personne et dans leur fonction car ils sont l’incarnation territoriale la plus proche de nos concitoyens de cette République à laquelle nous tenons tous.

La Commission rejette l’amendement.

 

La réunion s’achève à 13 heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Pascal Brindeau, M. Vincent Bru, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Stéphane Baudu, Mme Anne Blanc, M. Christophe Blanchet, M. Lionel Causse, M. Jean-René Cazeneuve, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Alexis Corbière, Mme Bérangère Couillard, M. Charles de Courson, Mme Yolaine de Courson, Mme Laurence Gayte, Mme Olga Givernet, Mme Nadia Hai, Mme Frédérique Lardet, Mme Fiona Lazaar, Mme Annaïg Le Meur, Mme Sandrine Mörch, M. Alain Perea, M. François Pupponi, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, Mme Agnès Thill, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Luc Warsmann