Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

     Examen de la proposition de loi portant création d’une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et expérimentation d’une comptabilité du XXIème siècle (n° 2355) (M. Dominique Potier, rapporteur)                             2

     Examen de la proposition de loi visant à étendre la qualité de pupille de la Nation aux enfants des sauveteurs en mer décédés dans le cadre de leur mission de sauvetage et à assurer les besoins de financement de la Société nationale de sauvetage en mer (n° 2147) (Mme Valérie Rabault, rapporteure)                            21

     Examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide (n° 2353) (M. Christophe Bouillon, rapporteur)               33


Mercredi
27 novembre 2019

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 24

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 9 heures.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission examine la proposition de loi portant création d’une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et expérimentation d’une comptabilité du XXIème siècle (n° 2355) (M. Dominique Potier, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dans le cadre de la journée réservée aux initiatives du groupe Socialistes et apparentés (SOC), qui aura lieu le 5 décembre, trois textes sont soumis à notre commission. Le premier porte sur la création d’une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et sur l’expérimentation d’une comptabilité du XXIème siècle. Le rapporteur en est Dominique Potier.

M. Dominique Potier, rapporteur. Sous la XIVème législature, j’étais venu devant la commission des Lois pour faire adopter la proposition de loi relative au devoir de vigilance. J’espère que la proposition que formule aujourd’hui le groupe Socialiste connaîtra le même succès.

Les dispositions relatives au devoir de vigilance avaient été adoptées l’avant-dernier jour de la précédente législature, pour être immédiatement contestées par toutes les forces ultra-libérales et conservatrices de l’époque. Adoptée in extremis, la notion de devoir de vigilance s’est pourtant enracinée dans notre pays et rayonne à l’échelle européenne. Non moins de six nations s’inspirent aujourd’hui du droit français, tandis que plusieurs forces associatives et syndicales œuvrent de manière convergente pour consacrer cette notion dans une directive européenne. Un groupe de travail des Nations unies se penche également sur le sujet depuis quelques années.

Si je vous tiens ce discours, c’est pour apporter la preuve qu’au sein de minorités ou de forces politiques d’opposition naissent parfois des idées qui, sans avoir trop de force au départ, peuvent néanmoins prospérer ensuite au fil du temps. C’est pourquoi j’aimerais que, loin de toute posture politicienne de rejet a priori, vous puissiez adopter une attitude d’écoute des arguments que nous allons développer. Permettez-moi d’ailleurs de souligner, madame la présidente, que l’examen de la proposition de loi le 5 décembre s’inscrit dans un processus global, ce jour promettant d’être marqué par d’autres événements que la niche socialiste dans l’ordre du jour de l’Assemblée.

Cinq propositions, dont trois à caractère fortement écologique, ont été déposées par notre groupe. Elles sont toutes le fruit d’un travail de fond. Je pense au plan de rénovation énergétique proposé, à l’instant même, par nos collègues Jean-Louis Bricout et Boris Vallaud en commission des Affaires économiques. Je pense aussi à la question du crime d’écocide et à sa reconnaissance telle qu’elle va être proposée tout à l’heure par notre collègue Christophe Bouillon.

Nos trois propositions visent à conférer du crédit à la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Elles contribuent à l’élaboration d’un récit social et écologique à la hauteur du drame annoncé et confirmé par l’ONU. Un journal du soir titrait récemment sur une « décennie perdue » et sur le caractère drastique et dramatique des mesures que nous aurons à prendre pour réduire de 7 % les émissions de gaz à effet de serre dans la décennie qui vient.

Les trois propositions de loi que j’ai évoquées sont au rendez-vous de l’histoire tragique qui met en cause notre humanité, entendue aux deux sens du terme, c’est-à-dire la dignité humaine et notre maison commune. J’aimerais que vous entendiez nos propositions comme des contributions à un combat commun. Par-delà l’adversité éventuelle entre nous, nous partageons en effet un ennemi commun : la menace d’effondrement de notre humanité.

Ma proposition s’inscrit également dans la ligne de défense des nouvelles entreprises, que nous avions déjà portée devant vous, avec Boris Vallaud et d’autres collègues, il y a deux ans, également dans le cadre d’une niche parlementaire. Il s’agissait de redonner une nouvelle perspective à l’entreprise et de réformer le code civil dans un sens différent de celui du plan d’action pour la croissance et la transformation de l’entreprise, dit loi PACTE, en ce qu’il prenait en compte les externalités subies par l’entreprise allant au-delà de la recherche des bénéfices pour ses sociétaires. Il était aussi question de codétermination de nouvelles règles de partage de la valeur, et de transparence fiscale sur le plan international. Enfin, je mettais en avant l’idée d’un label public RSE, idée née pour la première fois dans cette proposition de loi, déposée en décembre 2017.

Nous revenons aujourd’hui sur ce sujet après l’avoir approfondi. Je voudrais rendre hommage à la dizaine de personnalités de la société civile, syndicalistes, militants de l’économie sociale et solidaire (ESS), entrepreneurs et experts universitaires qui ont travaillé pendant une dizaine de séances pour élaborer cette proposition de manière précise et lui donner du crédit. Avant même que nous réalisions des auditions permettant de conforter et de vérifier l’existence d’un arc entrepreneurial et social favorable à cette initiative, nous l’avions en effet élaborée au sein d’un cercle de la société civile. Je veux rendre hommage aujourd’hui au bénévolat et à l’altruisme de ses membres.

Il s’agit de sortir de l’archaïsme de la RSE telle qu’elle existe aujourd’hui. Il est possible d’en faire remonter les sources jusqu’au XIXème siècle. Elle a pris forme notamment par le fait de directives européennes adoptées à la suite de la crise des subprimes de 2008. À partir de 2012, la France a adopté des mesures de reporting permettant aux entreprises de rendre compte de leurs activités et, pour les plus grandes d’entre elles, d’annexer ces informations à leurs documents comptables.

Cette obligation ne concerne que les plus grandes entreprises. Pour le reste, il s’agit pour l’essentiel d’un catalogue d’information et d’une stratégie de communication qui peut s’apparenter, la plupart du temps, à une publicité à destination des actionnaires et des clients. Bref, alors que la RSE reposait sur la promesse d’inclure d’autres aspects que la stricte comptabilité financière, elle s’est aujourd’hui fourvoyée dans des démarches illisibles. Ces démarches de communication peuvent livrer une image tronquée de la réalité de l’entreprise.

Pour prendre une image très simple, je pourrais dire que, en recourant à la seule comptabilité financière, l’entreprise donne une vision borgne de sa réalité, tandis qu’en recourant à la RSE telle qu’elle existe aujourd’hui, elle en donne une vision floue. Toute notre initiative vise à faire que nous marchions sur nos deux jambes et que nous regardions avec nos deux yeux, pour arriver à une vision complète et holistique de l’entreprise. Nous considérons qu’il faut le regard d’un tiers, à savoir la médiation de la puissance publique, pour avoir de l’entreprise une vision ni borgne ni floue, mais une vision réelle, qui permette d’estimer sa valeur et de l’inscrire dans les récits sociaux, écologiques et économiques du XXIème siècle.

Nous renonçons, pour notre part, à l’ambition de définir dès aujourd’hui une triple comptabilité qui tienne compte du vivant, de la réalité sociale et de la réalité économique. Sur le plan intellectuel, cela nous paraît une démarche trop ardue. Certes, des expérimentations ont eu lieu. Mais, par humilité, au vu de nos propres forces intellectuelles, et par réalisme politique, nous pensons plutôt engager un processus visant à définir progressivement ce que pourrait être une comptabilité de l’entreprise au XXIème siècle.

Le processus en question comporte trois actes. Le premier, c’est de reconnaître qu’un label public, qui prendrait la forme d’un scoring sur 100 points, permettrait d’identifier la réalité de l’entreprise selon des critères élaborés par la puissance publique de façon démocratique. L’État pourrait définir, avec les parties prenantes et après discussion au Parlement, quelles normes RSE caractériseraient la qualité de l’entreprise, au-delà de ses normes financières. Toute entreprise pourrait ainsi être classée sur ce scoring de 100 points et, pour une question de lisibilité et de communication, se voir attribuer une des trois couleurs, rouge, orange ou vert, en fonction de l’effort qu’elle peut réaliser.

Le principe même d’un label public de la RSE s’inspire, somme toute, de réalisations telles que le label bio « AB ». S’il s’affirme aujourd’hui comme une puissance de transformation de l’agriculture, c’est parce qu’il est fondé sur un contrat fiable entre toutes les parties prenantes : producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs. L’intervention d’un tiers, à savoir de l’État à travers la certification publique, permet à cet entrepreneuriat et inter-entrepreneuriat de prospérer aujourd’hui dans notre pays.

Le scoring permettrait, de façon claire et lisible, de donner aux citoyens, en leur qualité d’épargnants, de potentiels collaborateurs, mais aussi de consommateurs, la possibilité de choisir leur propre modèle économique. Nous sortirions ainsi de la logique du « B to B », celle des relations interentreprises, comme des confusions entretenues par la propagande menée par la puissance privée. Il s’agit de retrouver de la clarté.

C’est, somme toute, une réforme d’esprit libéral dans son acception philosophique, car elle donne aux citoyens une véritable capacité à peser sur leur économie en choisissant les modèles d’entreprises qui leur conviennent. Si nous sommes libéraux, sociaux, écologistes et démocrates, nous pouvons nous rassembler sur cette idée nouvelle pour le XXIème siècle, à savoir que la puissance publique doit énoncer la qualité de l’entreprise. Ce serait suivre le même chemin que la comptabilité moderne qui, au début du XXème siècle, a permis d’établir la véracité des comptes et a constitué un élément déclencheur d’une nouvelle prospérité à l’aube du XXIème siècle. Alors que les plus conservateurs et les plus libéraux étaient, à l’époque, hostiles à cette comptabilité formalisée, elle a permis, en réalité, d’établir des contrats de loyauté entre toutes les parties prenantes, se révélant un moteur pour l’économie du début du XXème siècle.

Face aux menaces de l’anthropocène, en ce début du XXIème siècle, il nous semble pertinent d’ouvrir un nouveau champ de cette comptabilité. La certification proposée le permet : elle s’inscrit dans un cadre européen ; elle est parfaitement articulée avec l’initiative confiée par le ministre Bruno Le Maire au président de l’Autorité des normes comptables, M. Patrick de Cambourg, visant à développer des efforts diplomatiques pour obtenir une nouvelle normalisation européenne. Notre certification serait ainsi, en quelque sorte, le laboratoire français de la future certification européenne.

Notre certification est fondée sur le volontariat. Nous nous sommes beaucoup concertés avec le monde des petites et moyennes entreprises (PME), pour élaborer ce principe, car les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ne sont pas aujourd’hui concernées par le reporting obligatoire ou par le devoir de vigilance.

Notre certification est aussi expérimentale. Non sans humilité, nous pensons devoir établir de manière itérative et progressive les données qui constituent ce nouveau scoring, de telle sorte qu’il devienne un médium entre la société et le monde de l’entreprise. Nous voulons ainsi engager un processus. C’est dans cette logique que nous proposons d’ouvrir le dialogue aujourd’hui.

Mme Coralie Dubost. Monsieur le rapporteur, nous avions déjà largement abordé votre proposition dans le cadre de la loi PACTE, à l’occasion des travaux de la commission spéciale puis de l’examen en séance publique. Je dois saluer le travail que vous fournissez depuis des années dans le même sens. Vous aviez également défendu différents amendements au projet de loi PACTE pour arriver à la création d’un label public d’État en matière de RSE. Ce label aurait remplacé l’ensemble des labels existants aujourd’hui dans le secteur privé – car il en existe plusieurs, qui sont différenciés et gradués – au bénéfice d’un label strictement à la main de l’État. Nous avions rejeté la proposition puisqu’elle ne correspondait pas à la philosophie générale de la loi PACTE, celle d’une économie responsable où l’État joue un rôle d’accompagnement, et non de de rigidification, de normes qui, dans l’ensemble, fonctionnent très bien.

Je dois avouer qu’il y a des points sur lesquels nous nous entendons, mais aussi des points sur lesquels nous restons en désaccord. Je vous rejoins quand vous dites que la bonne échelle normative n’est pas strictement nationale, qu’elle doit être envisagée au niveau international, et particulièrement européen. En revanche, lorsque vous parlez d’archaïsme de la RSE, cela me semble particulièrement injuste à l’endroit de toutes les structures qui ont déjà engagé cette démarche. Selon le rapport Notat-Senard, les entreprises françaises sont particulièrement engagées en la matière, et leur démarche a déjà un impact très positif, tant sur la société que sur leur activité commerciale et leur performance globale.

Vous parlez de la RSE comme d’un concept « flou ». J’ai le regret de vous dire que le flou se trouve, selon moi, plutôt dans votre proposition de loi, qui vient semer la confusion entre ce que constitue la RSE et les performances extra-financières des entreprises, présentées selon des normes de reporting réservées à de grandes entreprises, dans un cadre très réglementé. Ce n’est pas la même chose.

Certes, vous pouvez vous appuyer sur les performances extra-financières et les intégrer à la RSE, mais la RSE est beaucoup plus large. Vous proposez pourtant de transformer la RSE en label public, en normes de comptabilité – qui plus est, en suivant une méthode de scoring insérée par voie d’amendement, puisqu’il n’était pas partie intégrante de votre proposition initiale ! Un scoring sur 100 points me semble très peu susceptible de différencier la diversité des actions que peut mener une structure en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. C’est trop réducteur.

Par ailleurs, l’État conduit déjà des actions de régulation, dans le cadre de politiques dédiées. Il me semble qu’elles doivent rester en l’état. Ainsi, dans le cadre de la politique fiscale, il y a des taxes dédiées en matière environnementale ou en matière sociale. Récemment encore, la majorité en a adopté, notamment la taxation des contrats à durée déterminée trop courts, frappés d’une taxation à 10 euros conçue pour constituer un frein à leur utilisation.

Ainsi, l’État pose des freins dans certains secteurs. Mais qu’il reprenne à son compte et rigidifie toutes les dynamiques RSE, voilà qui serait dommage et empêcherait d’excellentes initiatives privées. Aujourd’hui, les entreprises sont plus créatives que nous, plus créatives que l’État en matière de politique de RSE. Ce serait vraiment dommage de les contrecarrer. Pour toutes ces raisons, j’ai le regret de vous dire, comme je l’avais déjà fait à l’occasion de l’examen de la loi PACTE, que le groupe La République en marche (LaREM) rejette l’idée de la création d’un label public RSE.

Au surplus, souvenez-vous que notre précédente discussion sur le label public RSE nous avait conduits à trouver, en séance publique, un consensus sur un amendement qui a débouché sur l’article 174 de la loi PACTE. Il marquait la première étape, indispensable, que constitue la revue de tous les labels existants, et posait l’idée, non d’un label public – trop rigide étant donné la diversité des secteurs et la diversité des possibles en matière de RSE –, mais d’une matrice rendant lisible, pour nos concitoyens et pour les petites structures, ce qui est favorable ou défavorable en la matière.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. La RSE est un enjeu essentiel pour les entreprises. Les citoyens y accordent d’ailleurs de plus en plus d’importance. Même si la proposition de loi est riche en inventions et en préconisations, cette observation vaut un peu moins sur le plan législatif – des amendements ont cependant été déposés pour l’enrichir.

Vous proposez d’abord que le Gouvernement prenne un décret sur la base d’une concertation menée avec les partenaires sociaux, tandis que les articles suivants prévoient des expérimentations à mettre en œuvre une fois que ledit décret aura été publié. Dans sa version initiale, le texte n’a ainsi de portée juridique immédiate qu’assez limitée.

Par ailleurs, la majorité a mené un travail de réflexion sur des actions concrètes visant à soutenir et valoriser la démarche RSE. Ainsi, l’article 169 de la loi PACTE modifie le code civil pour préciser que toute « société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Il a aussi introduit dans le droit français le concept de raison d’être des entreprises.

La proposition de loi reprend des amendements au projet de loi PACTE déposés par le groupe socialiste. À la suite de l’examen de ces amendements, la loi PACTE a déjà prévu qu’un rapport serait remis au Parlement « sur les conditions de mise en place d’une structure de revue et d’évaluation des labels de responsabilité sociale des entreprises permettant de valoriser des produits, des comportements ou des stratégies ». Je ne fais que reprendre ici le libellé de l’article 174. Comme vous le savez, ce rapport est attendu pour le printemps 2020.

L’attention portée à la démarche RSE se prolonge également dans certaines dispositions du projet de loi relatif à l’économie circulaire, qui est examiné en ce moment en commission. C’est dire si le sujet est important. Notre collègue Philippe Latombe y a d’ailleurs proposé, par un amendement, que l’article L. 2111-3 du code de la commande publique soit modifié pour mieux prendre en compte la RSE.

C’est pourquoi, en l’état, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) ne votera pas en faveur de votre texte.

Mme Cécile Untermaier. La proposition de loi s’inscrit dans une démarche globale, voire englobante, qui inclut les dispositifs législatifs dans des écosystèmes et dans la prise en considération du monde qui nous entoure.

La recherche d’un label public de la RSE de l’entreprise, qui pourrait être délivré par l’État ou par une autorité indépendante, est tout à fait essentielle. Elle doit être, bien sûr, complétée par la prise en compte de notre écosystème. Les entreprises ne peuvent pas s’abstraire de l’écosystème.

C’est une démarche contemporaine que d’accompagner la RSE et que de l’encourager. Cette démarche doit être au cœur de toutes les politiques du XXIème siècle que nous définissons. Il s’agit de mettre le consommateur au cœur du problème, car, finalement, c’est le citoyen qui fait la loi, en quelque sorte, à travers ses choix. La lisibilité que nous recherchons doit lui permettre de se diriger vers telle ou telle entreprise. C’est une démarche de progrès, une démarche dégagée d’une vision libérale ou conservatrice. Elle donne la parole à celui qui doit recourir aux services de l’entreprise.

C’est ainsi que nous avions envisagé les choses dans la loi d’avenir pour l’agriculture. Nous considérions que le citoyen est le mieux à même de protéger le monde agricole, en choisissant les produits de qualité qu’il souhaite dans son territoire. Nous avons échoué sur ce point. Je le regrette, car je pense que cette démarche n’est pas seulement intellectuelle.

De surcroît, la proposition de loi a une résonance européenne et internationale. Dans le cadre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande récemment instituée, des groupes de travail vont être désignés. Nous en constituerons certainement un qui s’intéressera au monde des affaires et au monde économique ; il pourra réfléchir à un code économique qui rapprocherait l’Allemagne et la France. La question de la RSE se posera sans doute à cette occasion.

J’en termine par la lisibilité. À cet égard, nous nourrissons tous des réserves sur le label bio, puisqu’il est très difficile de retrouver sur internet le cahier des charges correspondant. Il en est de même des entreprises et de la RSE. Sur ce sujet, la lisibilité et la transparence doivent pourtant être au rendez-vous dans le monde du XXIème siècle. Telle est la position du groupe Socialiste sur la proposition de loi.

M. Ugo Bernalicis. Je remercie le groupe socialiste de mettre sur la table, grâce à la proposition de loi, le sujet des performances sociales et environnementales des entreprises. Hier, les Nations unies ont émis une mise en garde sur cet enjeu majeur, soulignant l’urgence et l’impérieuse nécessité d’engager des mesures d’une certaine radicalité pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Sans cela, il n’est même pas imaginable de rester en dessous de 1,5 degré d’augmentation de la température mondiale. Or vous savez comme moi que, passé le seuil de 2,5 degrés, voire 3 degrés, le nombre de catastrophes potentielles croît de manière plutôt exponentielle que proportionnelle. Il est donc nécessaire que ce débat aboutisse.

Du point de vue du groupe de La France insoumise (FI), on est même encore en deçà des enjeux. Créer seulement une certification reposant sur un système de points, c’est bien mais ce n’est pas assez. Créer une nouvelle comptabilité pour y intégrer les éléments non financiers va aussi dans le bon sens, mais ce n’est pas assez. Faire reposer sur le citoyen le choix du produit en fonction de la viabilité de l’entreprise, selon un code couleur, c’est bien ; je ne peux pas me déclarer contre, mais ce n’est pas assez.

De manière évidente, nous avons besoin d’outils qui évitent les distorsions de concurrence. Car, messieurs les libéraux, si l’État ne garantit pas que les mêmes règles s’imposent à toutes les entreprises, c’est un problème, puisque cela ne rend pas obligatoire le respect des normes sociales et environnementales. Il est clair qu’il faut aller beaucoup plus loin. En l’état actuel de la situation, le texte va dans le bon sens. Nous y sommes favorables et nous le voterons.

J’entendais à l’instant une collègue de la majorité nous expliquer que la loi PACTE avait réalisé une grande avancée dans la mesure où elle prévoyait la revue des différents labels. Pour ma part, je n’ai pas l’impression que cela soit à la hauteur des enjeux.

J’entendais qu’il faut plutôt faire confiance aux entreprises, au motif que ce ne serait pas à la puissance publique d’imposer quoi que ce soit et que les entreprises sont bien plus innovantes que les États. Je crois qu’en la matière, ni les États ni les entreprises ne sont suffisamment innovants, à lire les rapports de l’ONU et du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Pensons à la catastrophe qui s’annonce ! À un moment donné, soit on continue à tergiverser quitte à ne plus pouvoir faire du business as usual, soit on prend les mesures qui s’imposent, en garantissant un minimum d’égalité entre les entreprises du secteur privé et en faisant en sorte que l’État soit en première ligne pour éviter la catastrophe.

Quant à une certification garantie par l’État, mais conduite par des acteurs privés, on voit aujourd’hui, dans le secteur de l’alimentation bio, les problèmes que cela peut poser. On passe par des intermédiaires privés, mais le marché n’est pas toujours si bien régulé. Des tarifications peuvent parfois poser problème ou se révéler dissuasives pour celui qui veut obtenir la certification.

Évitons de nous heurter aux mêmes écueils. La puissance publique dispose d’outils tels que l’inspection du travail ou les directions régionales de l’équipement, de l’aménagement et du logement. Ces services ont des capacités techniques et d’ingénierie qui, si elles étaient renforcées, pourraient leur permettre de conduire cette certification et, de surcroît, d’accompagner les entreprises en leur proposant des solutions techniques pour s’engager sur la voie de la transition, nécessité impérieuse.

Le groupe France Insoumise est, en tout cas, favorable à la proposition de loi.

M. Sébastien Jumel. Je veux exprimer une reconnaissance appuyée à l’égard de notre collègue Dominique Potier, qui a, dans le domaine de la RSE, le souci de la constance.

Si la main invisible du marché et le laisser-faire suffisaient pour prendre soin des hommes et des femmes qui composent notre société et pour prendre soin de l’environnement, on l’aurait mesuré depuis longtemps ! Au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), nous considérons que la logique d’actionnaire et la recherche du profit – le libéralisme, en somme – broient l’individu et nient l’impérieuse nécessité de prendre soin du climat et de l’environnement. D’où notre attachement au concept d’une loi qui prend soin et d’un État qui protège et qui régule.

De ce point de vue, la proposition de loi ne promet pas la révolution ; elle propose simplement, en adoptant une politique des petits pas, en suivant les enseignements de la théorie du carreau cassé, de franchir les premières étapes. Prenons-en conscience, c’est en inversant la donne et la logique des critères de vie, y compris dans le secteur économique, qu’on pourra prendre en compte la RSE.

Nous sommes dans un contexte politique où les libéraux voient l’environnement comme le dernier outil de nature à les sauver. Ce faisant, ils tombent d’ailleurs dans une forme d’écologie punitive et stigmatisante, divisant les composantes de notre société. Au contraire, la proposition de loi envisage de réconcilier, d’une certaine manière, la lutte des classes et la fonte des glaces.

Il s’agit, quand on parle d’agriculture, d’appréhender les transitions nécessaires avec les agriculteurs. De même, si on parle de pêche responsable, durable et artisanale, prenons conscience de ce que cela ne se fera pas sans les pêcheurs eux-mêmes. La responsabilité sociale et environnementale est, de mon point de vue, une manière de réconcilier la dimension environnementale et la dimension sociale, la fonte des glaces et la lutte des classes.

C’est la raison pour laquelle nous souscrivons à la proposition de loi.

M. Paul Molac. Au nom du groupe Libertés et territoires (LT), je veux saluer l’engagement de Dominique Potier. Sous l’ancienne législature, il avait fait passer une loi sur la RSE, non sans difficulté d’ailleurs. Je connais sa volonté de développer à la fois les valeurs humanistes et l’écologie. Je l’en remercie.

La proposition de loi tend à lier performance économique et responsabilité environnementale. C’est important. Ugo Bernalicis a rappelé tout à l’heure que l’ONU a poussé un cri d’alarme, en annonçant que le réchauffement climatique est beaucoup plus rapide que prévu, ce qui, forcément, posera problème. Nous sommes aussi confrontés à la raréfaction des matières premières. Le mur est devant nous et nous devrons y faire face.

En mettant l’économie au service de l’humain, on la mettra aussi au service de la planète. Cette idée de label est intéressante. Il ne s’agit pas d’une logique punitive, comme on a pu en adopter souvent en matière d’écologie. Il s’agit, au contraire, d’une logique positive, qui permet de valoriser les entreprises jouant le jeu. Je ne crois pas que l’entreprise soit bonne ou mauvaise par nature ; beaucoup dépend du chef d’entreprise. Si jamais les entreprises faisant des efforts ne sont mises en avant et n’y trouvent aucun avantage, je ne vois pas pourquoi elles continueraient d’en faire, sinon pour sauver la planète. Or, quand on est chef d’entreprise, il faut aussi penser à la sauvegarde de son entreprise. Quelquefois, ce n’est pas si simple.

Il serait bien intéressant de disposer d’un label d’État, qui donne droit à une petite compensation financière. Je regrette que mes collègues des groupes LaRem et MODEM reprennent finalement les mêmes arguments que ceux que j’ai pu entendre lorsque vous présentiez votre proposition de loi – des arguments avancés par la droite –, alors même qu’elle n’avait rien de disruptif.

Quelques questions restent cependant en suspens, notamment au regard de l’évaluation. On le sait, dans le cadre d’une proposition de loi, il est difficile de mener à bien une étude d’impact. Malgré ces aspects techniques et le caractère peut-être encore inabouti du texte, notre groupe soutiendra, évidemment, la proposition de loi.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le groupe Les Républicains (LR) ne souhaite pas s’exprimer.

M. Dominique Potier, rapporteur. Pire que l’hostilité, il y a l’indifférence…

M. Guillaume Larrivé. C’est que, monsieur le rapporteur, en vous écoutant, j’avais l’impression d’entendre un cours d’école de commerce d’il y a vingt-cinq ans… Pardon de le dire, mais « la RSE, c’est bien », je l’entendais déjà dans une école de gestion au milieu des années 1990 !

Qu’il y ait des dispositifs de certification, à l’évidence, c’est utile. La vraie question est de savoir s’il faut que ces dispositifs de certification soient publics. Pour ma part, n’étant ni socialiste, ni post-socialiste, ni néo-socialiste, je pense que, malgré votre bonne volonté, compte tenu de la réalité actuelle de l’administration française, ce n’est pas la meilleure idée que de confier une nouvelle mission à des services confrontés à la rareté des ressources publiques en termes de moyens budgétaires et humains. Je ne trouve pas que ce soit la priorité que de demander à des fonctionnaires, quelles que soient leurs qualités individuelles, de se consacrer à une mission de certification de la RSE.

Je suis donc plutôt partisan de labellisations organisées par le secteur privé, sous le contrôle des médias, de l’opinion publique, des consommateurs, des autres entreprises. En réalité, c’est le mot « public » qui me gêne dans la proposition de loi. C’est là, peut-être, cher collègue, une différence majeure entre l’aile libérale des Républicains et le parti socialiste.

M. Dominique Potier, rapporteur. Le caractère public semble constituer une gêne pour votre groupe comme pour la majorité. Or les rapports entre puissance publique et puissance privée sont, à mon sens, l’une des clés de la crise sociale et écologique que nous traversons aujourd’hui. Savoir comment l’une et l’autre peuvent s’éclairer, c’est le sens même de ma proposition.

Vous avez cru bon de mentionner les 25 ans de la RSE. Si vous aviez lu notre rapport, vous y auriez vu que ces idées naissent plutôt au XIXème siècle, dans le courant de la charité prônée par le patronat chrétien. On en parle également, en 1992, au sommet de la Terre de Rio de Janeiro, marqué par le cri d’alarme sur les risques de l’anthropocène et la mobilisation écologique des entreprises – mais cela fait plus de vingt-cinq ans, là aussi. On ne mesure pas la valeur des idées au fait qu’elles soient récentes et immédiates ; certaines ont quelques milliers d’années et continuent à fonder notre civilisation. Votre échelle du temps n’est donc pas la bonne. Voici ma réponse au groupe de droite.

Une autre forme d’expression de droite s’est fait entendre. J’en suis profondément déçu, car j’espérais vraiment que mes idées et propositions constructives, exprimées tout en modestie et en humilité, pouvaient vous rassembler. Savez-vous, madame Dubost, que ce projet nous a valu alliance avec le syndicalisme réformateur, le seul qui ait encore aujourd’hui un peu d’indulgence – je ne sais pas s’il a raison – pour la politique que vous menez ?

Nos soutiens viennent aussi de la CPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises, avec qui nous avons travaillé longuement pour trouver un terrain d’entente acceptable pour les PME françaises. Les grandes entreprises sont certes soumises au devoir de vigilance, issu d’une des rares lois radicalement de gauche qui aient été adoptées au cours de la dernière législature, il n’empêche que les actions bénéfiques des PME les exposent parfois aux discriminations pratiquées par des multinationales désireuses d’imposer des conditions léonines dans les rapports commerciaux. Aussi la CPME aimerait-elle que soient mieux reconnues les PME vertueuses du monde agricole, du monde industriel et du monde artisanal qui affirment leur volonté de bien faire, du fait soit de la conscience de leurs dirigeants, soit de leur positionnement stratégique dans l’économie de marché. Par votre rejet de ma proposition, vous montrez du mépris pour le syndicalisme réformateur, pour le monde de l’ESS et pour les PME qui ont contribué à bâtir ce texte. Il est pourtant profondément démocratique, puisqu’il livre aux citoyens la vérité sur ce qu’est l’entreprise.

Hier, à la cérémonie de lancement d’un baromètre d’opinion sur l’agroalimentaire organisé par Max Havelaar – label quasi public de commerce équitable, qui a fait son chemin à force de persévérance et s’impose aujourd’hui par la reconnaissance dont il jouit auprès des consommateurs et de nos concitoyens –, j’ai entendu le directeur de cette association rappeler à quel point il était attentif à ce que l’État adopte des dispositions comme celles dont je fais la promotion aujourd’hui. Il rappelait aussi, madame Dubost, un chiffre qui devrait ébranler, au moins un petit peu, vos certitudes : chaque année, 17 milliards d’euros sont engagés à faire la publicité de la puissance privée, pour nous dire ce qu’il faut consommer, ce qui est bon dans la vie, ce qui est bon comme société… Face à ces 17 milliards, comment pouvons-nous renoncer à dépenser quelques millions d’euros, au maximum, pour engager un contrôle des certificateurs privés, qui dirait ce que la puissance publique, c’est-à-dire la démocratie, entend par une « bonne entreprise » ?

À la veille de l’effondrement social et écologique, l’effort représente peu de chose, mais vous préférez en permanence le renoncement et la servitude, sous couvert de libéralisme. Vous êtes en train de faire un rapport pour observer l’existant ? Mais enfin, si la RSE marchait, nous le saurions ! Nous sommes à la veille d’un effondrement et vous nous renvoyez à un rapport sur l’état des puissances privées ? Franchement, nous ne sommes pas au rendez-vous ! Avec Boris Vallaud et d’autres, nous en avons assez que, sur ces sujets, on fasse seulement semblant.

Au MODEM, je tiens à dire que, sur le plan étymologique, « prendre en considération » est différent de « prendre en compte ». Prendre en compte dans le code civil et dans la loi PACTE, c’est faire entrer dans une comptabilité – c’est exactement le dessein que nous poursuivons. Prendre en considération, c’est, avec un peu de condescendance, se contenter d’examiner les éventuels risques sociaux ou environnementaux des décisions que l’on prend. Prendre en compte, c’est les intégrer dans une comptabilité. Les deux termes paraissent très proches, mais ils ne recouvrent pas du tout le même dessein politique. Vous devrez choisir et décider, en séance publique, si vous pensez qu’on peut faire semblant sur ces sujets ou s’il faut vraiment engager une transformation.

Si ma position est d’une certaine radicalité, ma proposition est formulée tout en humilité. Elle vise simplement à recréer le cadre d’un libre choix des citoyens quant au modèle économique qu’ils veulent être le leur. Je m’entretenais hier avec des étudiants en économie sociale et politique de l’Institut catholique de Paris, je m’entretiendrai demain avec les étudiants en sciences politiques de Nancy et, après-demain, avec ceux d’AgroParisTech ou de l’ENSAE ; je vois naître une jeunesse qui a besoin de savoir dans quelle entreprise elle va collaborer. Or cette jeunesse ne fera pas confiance au reporting et à la propagande des boîtes. Elle veut connaître la vérité et savoir quel sens elle donne à sa vie et à son engagement.

Je connais aussi, partout, des consommateurs, des femmes et des jeunes, y compris dans des milieux populaires, qui, de plus en plus, affirment leur désir de choix éthique dans leur consommation, comme nous le révèle une récente étude diligentée par OpinionWay. Ceux qui ont le privilège d’avoir de l’épargne aimeraient aussi pouvoir l’investir dans une économie décarbonée et socialement responsable, plutôt que de se voir exposés à la propagande que nous subissons aujourd’hui.

Est-ce que cette proposition profondément écologique, démocratique et libérale mérite vraiment le mépris que vous avez exprimé ? Vous auriez pu prendre la peine d’étudier ma proposition de labellisation. Non, elle ne remplace pas les labels privés – cela aurait été totalement prétentieux ! Elle vise simplement à donner un cadre public de discernement pour évaluer les affirmations des puissances privées. Il ne s’agit évidemment pas de les remplacer.

S’agit-il d’une rigidification, d’un archaïsme, d’une position d’opposition à l’Europe ? Évidemment, non. L’amendement CL8 vise à préciser que nous retenons plutôt une méthode des scores, ou scoring, mais c’est uniquement une question de sémantique, car tout était déjà dans le texte initial, madame Dubost. Quant à l’articulation avec le dessein européen, même Patrick de Cambourg, président de l’Autorité des normes comptables, a estimé, lors de son audition, qu’une expérimentation française concernant 500 ou 1 000 entreprises, dans une filière et un territoire volontaires, fournirait plutôt un appui à notre plaidoyer en faveur d’une norme européenne.

Je voudrais vous sensibiliser un instant, chers collègues, au décalage immense que j’observe entre votre argumentaire et l’état du monde. La dernière société de notation européenne, Vigeo Eiris, a été rachetée par un fonds américain. La dernière, suisse et indépendante, qui appliquait des critères d’inspiration européenne, a été rachetée la semaine dernière par le fonds de pension d’une société américaine. Autrement dit, dans la notation des entreprises, nous avons perdu aujourd’hui la souveraineté de l’établissement des normes et de la mesure de leur performance.

Une souveraineté européenne et une souveraineté démocratique ne supposent-elles pas la capacité de définir, dans notre pays et en Europe, ce qui est bon pour notre société et pour notre planète, et de l’affirmer à travers un système de valeurs et un système de mesures que nous maîtriserions nous-mêmes ? Voilà la question posée. Je regrette que vous n’ayez pas accordé plus de crédit à ma proposition.

S’agissant des rapports commerciaux, il entre bien dans notre dessein de donner à la puissance publique, en l’espèce aux régions, aux départements, aux agglomérations et aux métropoles, la capacité d’intégrer des critères de RSE. La porte est cependant étroite, en raison de directives européennes très contraignantes. Mais il s’agit de permettre à la commande publique de choisir un modèle économique plus vertueux pour son territoire – et pour notre monde.

Ugo Bernalicis, si vous trouvez que cela ne va pas assez loin, nous en sommes évidemment conscients. Je ne propose qu’un levier parmi d’autres. Ce matin même, notre groupe propose à la commission des Affaires économiques un plan Marshall en faveur de la rénovation énergétique, avec un objectif de zéro carbone en 2050 pour l’habitat. Je suis aussi l’auteur d’une loi sur le devoir de vigilance, qui définit des sanctions en cas de manquement à ce devoir ; des procès sont actuellement en cours contre des multinationales. Ma proposition ne remplace donc pas d’autres dispositions. Elle les complète plutôt, en suivant une logique d’« empowerment », de montée en capacité, de la société. Il s’agit d’aider l’entrepreneuriat le plus volontaire pour participer au bien commun.

Cette proposition se veut, enfin, un effort de démocratie. Cécile Untermaier et vous-même avez souligné les failles du label bio. Pour avoir exercé mon métier dans ce secteur pendant un quart de siècle et avoir cheminé avec la fédération des agriculteurs biologiques, je tiens à souligner que ce n’est pas le label qui est aujourd’hui remis en cause, mais son incomplétude. Si nous réécrivions aujourd’hui le label AB, nous y intégrerions un critère de commerce équitable, c’est-à-dire de partage de la valeur pour prévenir les comportements rapaces de la grande distribution dans ce secteur d’activité. Nous inclurions aussi un bilan carbone comme sixième critère, afin de prendre en compte les effets pervers des serres chauffées ou des transports d’effluents.

S’il fallait le faire autrement, la capacité de la norme à énoncer une vérité dans le domaine économique n’en demeurerait pas moins un exercice libéral, sur le plan philosophique. Je regrette qu’une majorité libérale sur le plan économique n’adopte pas la même attitude sur le plan philosophique. Voilà bien un paradoxe.

Un dernier mot pour Paul Molac. Vous avez visé juste en voyant dans le petit accompagnement financier que demandent des PME, un investissement sur l’avenir. Il pourrait prendre la forme d’une reconnaissance de leur action au moment du calcul de l’impôt sur les sociétés ou de la contribution sociale généralisée, voire d’un accès privilégié aux marchés publics. Cette reconnaissance pourrait n’être pas grand-chose sur le plan financier, mais leur apporterait un réel crédit de réputation. Et ce serait un bon investissement pour l’État. Taxer moins et prélever moins de cotisations sociales sur les entreprises qui participent au bien commun, c’est investir dans les solutions. Aujourd’hui, la malbouffe, c’est 800 millions d’euros de propagande en faveur du gras et du sucré et 27 milliards consacrés à la réparation du diabète de type 2 et de l’obésité. Choisir, dans tous les domaines, d’investir un peu dans la qualité des processus de fabrication, et le reconnaître en défiscalisation et en aides sociales, c’est accompagner des solutions de prévention.

La modernité du XXIème siècle reposera sur des politiques préventives capables de nous éviter les effondrements écologiques et sociaux annoncés.

Mme Coralie Dubost. Monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas remettre en cause votre bonne foi, mais il y a vraiment de la confusion dans vos propos.

La CPME n’est pas du tout favorable à votre dispositif, comme d’ailleurs les syndicats des entreprises en général, car il contrecarrerait presque toutes les dynamiques positives déjà enclenchées au titre de la RSE. La CPME a prêté une oreille si attentive aux dispositions de la loi PACTE qu’au lendemain de sa promulgation, des branches départementales de la CPME se sont transformées en sociétés à mission. Ce n’était jamais arrivé !

Cette dynamique a moins d’une année. Alors que la loi PACTE contient beaucoup d’outils, nous vous avions indiqué que votre proposition venait trop tôt. Ma collègue Élodie Jacquier-Laforge a rappelé les étapes franchies : la transformation du code civil qui a conduit à la reconnaissance, certes de façon facultative, de la raison d’être de l’entreprise ; la naissance de la société à mission, formule qui, employée au quotidien, commence à fonctionner dans le même esprit que la società benefit italienne, ce qui laisse espérer l’adoption d’une norme européenne. N’allons pas empêcher ces efforts, ce serait véritablement erroné.

Le secteur de l’ESS n’est pas du tout favorable non plus à votre proposition. Ses membres ne veulent pas que, du fait de mécanismes de reconnaissance ou de compensation fiscale, leur action se confonde avec des actions n’ayant rien à voir avec une dynamique de RSE. Ils sont mus par la volonté de bien agir pour la société et, en même temps, pour leur activité, non parce qu’ils escomptent une récompense fiscale. Ce n’est pas la même philosophie. Ne commettons pas d’erreur sur ce sujet.

Puisque vous évoquez votre rencontre avec Max Havelaar, je ne pense pas qu’il vous ait demandé de remplacer son logo par un logo d’État. Ne vous aurait-il pas dit, au contraire, que l’État doit pouvoir accompagner des démarches telles que la sienne ? Votre discours est cousu de contradictions. Alors que vous voulez que l’État prenne la main sur le label, vous soutenez que l’action de Max Havelaar n’a pu se réaliser que par le consommateur, par nos concitoyens, par les producteurs… Bien sûr ! Il est évident que la reconnaissance la plus qualitative naît de la communauté ; ce n’est pas à l’État de reprendre la main.

Dire que la loi PACTE repose sur des arguments de droite ? Monsieur Molac, toutes ses dispositions relatives à la RSE, telles que le meilleur partage de la valeur ou l’inscription dans le code civil, ont non seulement été rejetées par le groupe LR, mais supprimées au Sénat par les sénateurs de droite. N’entretenez donc pas la confusion ! Le progrès engagé, résultat de l’équilibre trouvé dans la loi PACTE, doit durer et continuer.

Ne dénigrez pas non plus l’article additionnel introduit par voie d’amendement en séance publique. Celui-ci ne se contente pas d’une revue des labels ; il crée une structure de vérification et d’homologation, en un mot une matrice de labels. Il laisse exister les labels, et prépare une matrice pour différents labels reconnue par l’État plutôt qu’un label public d’État. C’est plus pertinent. Cela donne de la visibilité à l’ensemble, en préparant la voie à une norme européenne.

Vous savez l’importance de ce sujet. Ne rentrez pas dans un discours politicien qui nuirait à tous.

Quant au cri d’alarme de l’ONU, il faut y être attentif, tout le monde vous rejoint sur ce sujet. Pourtant, vous savez très bien que la France n’est pas spécifiquement visée. Au milieu des invectives qui entourent ce cri d’alarme, la France apparaît plutôt comme exemplaire. Pour ma part, je veux qu’elle continue à être un emblème en ce domaine.

La France fait beaucoup. Dans le domaine international, le Président de la République a lancé de nombreuses initiatives. Dès le début de son mandat, ce fut l’une de ses premières préoccupations, relayée par le Gouvernement, notamment par le ministère de l’Économie et des finances. Nous avons été les premiers à inscrire la RSE dans le code civil. Ce n’est pas rien ! Ce n’était jamais arrivé depuis Napoléon.

Les efforts se poursuivent d’ailleurs sous la bannière du French Impact, qui fonctionne très bien.

La Commission aborde l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Labellisation des performances sociales et environnementales des entreprises

La Commission examine l’amendement de suppression, CL2, de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Le mécanisme des agences de notation a confirmé dans le passé son manque de fiabilité. Il a été démontré à de multiples reprises, en particulier à l’occasion de la crise financière de 2008, qu’on ne pouvait pas se fier à leurs évaluations, notamment en raison des caractéristiques de leur organisation, que l’on retrouve précisément dans ce texte. Par ailleurs, une telle pratique risque de conduire au name and shame, ce qui aurait pour effet, non pas d’avantager certaines entreprises, mais de porter préjudice à d’autres. Une bonne notation sera vue, non pas comme le reflet d’un comportement vertueux, mais comme une norme à respecter, et une mauvaise notation sera perçue comme le fruit d’un comportement à condamner. Cela risque d’entraîner des dérives portant atteinte à la liberté d’entreprendre.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je suis évidemment défavorable à cette proposition de suppression de l’article 1er.

Comme l’examen des amendements ira assez vite, je me permets de prendre le temps de répondre à la responsable du groupe majoritaire. Nous avons fait un travail sérieux, comme il se doit à l’Assemblée nationale. Nous avons mené des auditions ; nous avons reçu la CPME, mais aussi des représentants de l’économie sociale et solidaire, aux côtés desquels nous cheminons depuis des années. J’ai fait la conclusion de plusieurs forums avec des responsables de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Nous dialoguons avec toutes ces organisations – notre complicité avec l’ESS, en particulier, remonte à plusieurs années. Or, elles sont favorables à la proposition de loi ; nous l’avons même bâtie ensemble techniquement. Je réfute donc vos allégations.

Quant à l’association Max Havelaar, je vais vous dire la vérité, même si elle est cruelle pour vous : ses membres sont tellement fiers de leur combat héroïque pour créer un label privé, ayant une vraie radicalité et imposant un contrôle éthique, et qui a réussi à percer – de ce point de vue, il constitue pour ainsi dire l’exception –, qu’ils craignent, étant donné le contexte politique actuel, que la labellisation publique amenuise sa portée. Cela dit, sur le fond, ils apportent leur soutien total au principe d’une reconnaissance fondée, non pas uniquement sur les produits – le cacao, le café, que sais-je encore –, mais aussi sur la réalité des processus de l’ensemble de l’entreprise.

Dès lors, je ne vois pas comment vous pouvez affirmer le contraire de ce que j’entends comme rapporteur et de ce que je bâtis au quotidien dans mes combats, dont certains remontent à plus de vingt-cinq ans. Voilà ce que je voulais dire pour rétablir la vérité au sujet de ceux qui soutiennent la proposition de loi. À vrai dire, je n’ai pas entendu les arguments que vous avez donnés dans d’autres bouches que celles des représentants de l’Association française des entreprises privées (AFEP).

Il aurait pu y avoir au moins, de votre part, un dialogue, une ouverture. Faire un rapport en vue de légitimer des labels privés, ce n’est pas la même chose que ce que je propose. Ce processus est long et incertain, comme le processus au niveau européen. Une expérimentation montre le courage d’une nation, sa capacité d’innovation : nous l’avons vérifié en grandeur nature avec le devoir de vigilance. C’est cela qui impressionne les autres pays et, ce faisant, crée un leadership européen et donne lieu à des développements internationaux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. Dominique Potier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le dispositif sur le plan sémantique, sans remettre en cause, bien sûr, le contenu de l’article. Il s’agit d’insérer, au début du premier alinéa, les mots « Un label public général permet de refléter ». Vous auriez pu souscrire à cette nouvelle formulation, madame Dubost : le dispositif permettrait ainsi de refléter la réalité de l’engagement écologique et social de l’entreprise. Cela permet d’introduire le principe du scoring sur 100 points, selon une méthode explicitée tant dans l’exposé sommaire que dans l’article lui-même.

M. Ugo Bernalicis. Il faut vraiment avancer dans ce domaine, effectivement.

À la suite de Dominique Potier, je voudrais, moi aussi, rétablir une vérité. Notre collègue de la majorité, Coralie Dubost, nous a dit que la France faisait énormément et que ce n’était pas notre pays qui était montré du doigt par l’ONU. Or un avis du Haut Conseil pour le climat, rendu il y a deux mois, montre que la France n’est pas du tout sur les rails pour atteindre l’objectif, qu’elle s’est elle-même fixé, de la neutralité carbone d’ici à 2050.

Libre à vous de vous dire que vous faites plein de choses – des rapports ou encore la matrice publique pour des labels privés. Dans dix ans, vous viendrez nous dire que vous ne comprenez pas pourquoi le changement climatique a quand même eu lieu, pourquoi les catastrophes naturelles se sont quand même produites, alors que vous aviez le champion de la Terre dans votre équipe. On peut se mettre des œillères, refuser de lire le rapport du Haut Conseil pour le climat et ceux du GIEC, ignorer les mises en garde de l’ONU et se dire que tout ce qu’on fait est génial, mais les faits scientifiques sont là, qui poussent à agir concrètement.

La proposition de créer un scoring est certes en deçà des objectifs que nous devrions nous fixer, mais elle permet d’amorcer la démarche, de se placer dans une perspective intéressante. Par ailleurs, le fait que la puissance publique intervienne, ou à tout le moins que la labellisation soit publique, permet de remettre de la démocratie dans le processus, de réintroduire l’intérêt général. Ce n’est pas la négation de ce qui se fait de bien dans le privé ; il s’agit de se réapproprier collectivement les objectifs que nous nous fixons.

M. Sébastien Jumel. D’abord, sur la forme, il pourrait être intéressant d’éclairer les membres de la commission sur la volonté de la majorité de considérer que les niches parlementaires peuvent nourrir la loi. Les niches de l’opposition vont-elles être prises en compte par la majorité ? Si la réponse est non, il y a là une forme de mépris à l’égard de la démocratie parlementaire.

Ensuite, s’agissant de la RSE de l’État, ce qui s’est passé récemment avec la SNCF a, tout au contraire, donné l’illustration de la non-responsabilité sociale et de l’irresponsabilité environnementale. Le Gouvernement avait annoncé 3 milliards d’euros d’investissements. Or, selon le journal Le Monde, il manque 400 millions d’euros pour procéder ne serait-ce qu’aux régénérations de lignes prévues. Autrement dit, même lorsque l’État a la main, même lorsqu’il dispose d’une arme pour déclarer la guerre au réchauffement climatique – quoi de mieux pour cela que le transport ferroviaire ? –, il est un contre-exemple, il verse dans le renoncement. L’autosatisfaction dont le Gouvernement fait montre dans ce domaine ne convainc donc personne. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la démarche initiée par notre collègue Dominique Potier.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CL9 du rapporteur.

M. Dominique Potier, rapporteur. À la demande des acteurs de l’ESS, nous élargissons, avec cet amendement, les cibles du texte : il s’agira non seulement des sociétés, mais de toutes les entités qui relèvent de l’ESS, y compris donc les associations et entreprises à but non lucratif, qui contribuent au bien commun. Ainsi, nous réintégrons l’ensemble du secteur des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), telles que définies dans la « loi Hamon ». C’est un amendement technique, mais qui a aussi une certaine portée politique.

L’argument de notre collègue Ugo Bernalicis me semble très pertinent : une majorité parlementaire, pas davantage qu’une entreprise, ne peut se contenter de proclamer que ce qu’elle fait est bien. De la même façon qu’il faut accepter l’avis du Haut Conseil pour le climat signalant une différence entre la trajectoire climatique et les réalisations concrètes, les entreprises devront accepter que l’on évalue, grâce au label, la différence entre ce qu’elles disent et ce qu’elles font.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Expérimentation de mesures visant à favoriser les entreprises les plus vertueuses

La Commission examine l’amendement de suppression, CL6, de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement CL6 vise à supprimer l’article 2, qui prévoit, à titre expérimental, d’autoriser l’État et les personnes morales de droit public à tenir compte de la notation dans le cadre des procédures de marchés publics. Si l’intention est louable, la mettre en œuvre dès maintenant me semble prématuré : les notes attribuées par les agences ne sont pas parole d’évangile, et tout ne doit pas être décidé en fonction de cette notation. C’est tellement vrai que, début 2019, des entreprises se sont mis en tête de noter à leur tour les agences de notation extra-financières, et le résultat n’avait pas été tendre pour ces dernières.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, nous avons perdu notre souveraineté en matière de notation sociale et environnementale. Il me semble donc disproportionné de punir les entreprises en les empêchant de concourir dans des procédures de marchés publics en fonction de la notation RSE obtenue. Par ailleurs, comme l’ont dit certains de nos collègues, il faut en finir avec l’écologie punitive. Cela ne me semble pas être la bonne méthode, en effet. Pour ces raisons, je propose la suppression de l’article 2.

M. Dominique Potier, rapporteur. Madame Ménard, je désespère de réussir à combler le fossé idéologique abyssal qui nous sépare !

Sur le plan technique, je me permets de vous dire que vous n’avez pas lu le texte, car il n’y est pas question d’agences de notation. On parle bien d’une reconnaissance par l’État sur la base d’un scoring établi par la puissance publique. Il ne s’agit pas de se fier à ce que racontent les agences de notation ou bien les entreprises elles-mêmes à travers le reporting RSE tel qu’il est pratiqué actuellement. Nous proposons un véritable changement de paradigme pour répondre à une demande des entreprises de nos territoires. Celles-ci nous disent que, tant dans la commande publique que dans leurs rapports commerciaux avec les grandes multinationales, elles sont écrasées par des critères établis de façon léonine. Redonner de la puissance de négociation sur la base d’une vérité de l’entreprise établie de façon objective, c’est précisément faire l’inverse de ce dont vous nous accusez. Je suis donc, évidemment, défavorable à votre amendement.

M. Paul Molac. D’une part, il s’agit de permettre de tenir compte de ces données ; ce n’est donc pas une obligation. D’autre part, on connaît, quand on est élu local, les difficultés qui peuvent se poser avec les marchés publics : certaines entreprises font des propositions moins-disantes et, par la suite, ne tiennent pas leurs engagements – les délais s’allongent et les prix augmentent. C’est un vrai problème. Or les élus sont tenus par un cahier des charges destiné à garantir la concurrence, et il est parfois bien difficile de retenir non pas le moins-disant mais le mieux-disant.

La disposition proposée donnera tout simplement aux élus la possibilité de peser, de décider de retenir telle entreprise plutôt que telle autre, ce que ne permet pas le seul respect des règles strictes de la concurrence. Cela me paraît donc important.

Enfin, je voudrais répondre à Mme Dubost que j’ai parlé, non pas de la loi PACTE, mais de l’ancienne RSE, que M. Potier avait déjà présentée durant la précédente législature.

M. Dominique Potier, rapporteur. Paul Molac a rappelé à dessein l’humilité et la modestie de cette proposition de loi. Elle s’adresse effectivement aux entreprises volontaires, et donne simplement la possibilité aux collectivités qui le souhaiteraient de se saisir de l’outil que nous créons. Il n’y a rien d’obligatoire – nos collègues des groupes FI et GDR pourraient d’ailleurs le regretter. Le texte vise à mettre un pied dans la porte, à permettre au moins l’expérimentation de ce volontarisme.

Madame Dubost, vous avez évoqué à mon propos une attitude politicienne. C’est stupéfiant ! Le dispositif a été construit avec la société civile, en dialogue avec vous. Il s’agit d’un processus volontaire et expérimental, mais aussi qui converge avec ce que vous affirmez, en tout cas avec les intentions que vous affichez. N’y a-t-il donc aucun espace pour que l’opposition contribue à la recherche de solutions ? À chaque fois, nous sommes renvoyés aux prérogatives de la majorité, à son seul calendrier, à son autosatisfaction devant ce qu’elle fait déjà de formidable. C’est parfaitement désespérant !

En méprisant à ce point l’opposition, en lui refusant toute capacité à participer à la recherche de solutions, même quand elle s’appuie sur des forces qui nous sont communes – la CFDT ou la CPME –, vous provoquez une fracture dans la société politique qui ne sera pas sans lien avec les fractures existant dans la société.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision CL10 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Attribuer des marchés publics en prenant comme critère de choix la performance sociale et environnementale n’est pas souhaitable. D’abord, ce n’est pas une garantie de qualité. Ensuite, l’avantage dont dispose l’entreprise bien notée doit être un avantage fiscal et social. Toutefois, ce n’est pas parce que certaines entreprises doivent pouvoir bénéficier de ces avantages que d’autres doivent subir un préjudice résultant de l’octroi de cet avantage. On ne peut pas porter atteinte au développement d’une société en en favorisant une autre. Les avantages fiscaux et sociaux ne posent pas ce type de problème.

C’est, en revanche, le cas pour l’attribution préférentielle de marchés publics. Ces attributions doivent reposer sur la compétence et non sur l’idéologie et le « greenwashing ». Par ailleurs, dès lors que la création de nouvelles mesures entraîne l’apparition de nouvelles infractions visant à les contourner, il y a fort à craindre que les entreprises détournent ce dispositif et que se mettent en place toutes sortes de trafics d’influence.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je suis, évidemment, défavorable à cet amendement.

J’en profite pour donner un argument que j’ai oublié dans mon propos liminaire. Dans certains pays européens, mais aussi aux États-Unis, la différenciation fiscale est expérimentée. Cela se fait de manière autoritaire en Chine pour accélérer la transition écologique, mais tel n’est pas notre modèle. Dans certains États américains qui ne sont pas favorables à la logique de Trump, le processus est engagé de façon volontaire, notamment pour accélérer le changement des entreprises. Nous sommes donc en train de refuser un outil qui est déjà utilisé ailleurs.

M. Philippe Latombe. Comme l’a dit ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, un amendement de notre groupe est en cours de discussion, dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, afin d’intégrer la RSE dans la procédure d’attribution des marchés publics. En effet, nous nous heurtons actuellement à un problème juridique qui a conduit le Conseil d’État a annuler un appel d’offres au motif que la collectivité publique avait intégré des critères de RSE. Telle n’est pas la philosophie que nous souhaitons défendre. Pour nous, la commande publique doit être un des vecteurs d’amélioration des entreprises et de dissémination en leur sein des principes de la RSE.

S’il n’est pas question de suivre madame Lorho et d’adopter son amendement, il n’en demeure pas moins que nous sommes réservés sur les modalités techniques de la proposition de loi. Nous souhaitons voir comment les avancées que nous enregistrons dans divers textes se conjuguent.

M. Ugo Bernalicis. Je suis persuadé que la transition passera par la commande publique : c’est vraiment le minimum syndical que nous puissions nous imposer à nous-mêmes. Cela pourrait d’ailleurs favoriser la réimplantation d’entreprises sur le sol national. Actuellement, on ne peut pas inscrire des critères écologiques pour faire en sorte qu’une entreprise située à quelques kilomètres soit favorisée par rapport à celle qui est installée à l’autre bout du continent, voire de la planète. Prenons un exemple, choisi tout à fait au hasard. Imaginons que l’Assemblée nationale décide de passer à 100 % de papier recyclé dans sa commande publique : peut-être cela permettrait-il de réimplanter en France une entreprise produisant du papier recyclé ? Si nous ajoutions de tels critères, nous pourrions éviter d’aller chercher des entreprises en Allemagne, en Italie, en Europe de l’Est ou ailleurs dans le monde, notamment en Chine – je pense à la fermeture de l’entreprise Arjowiggins, dont certains ont dû suivre le dossier.

En adoptant la logique d’une attribution de la commande publique à des entreprises vertueuses, nous pourrions recréer des filières et un tissu industriel qui nous font cruellement défaut, ce qui porte atteinte notamment à notre souveraineté.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Expérimentation d’une nouvelle norme comptable

Les amendements identiques CL4 de Mme Marie-France Lorho et CL7 de Mme Emmanuelle Ménard sont retirés.

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 : Gage financier

La Commission est saisie de l’amendement de suppression, CL5, de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Si l’ambition écologique est louable, elle ne saurait être satisfaite à n’importe quel prix. Il serait ainsi contre-productif de régler un problème en en créant un autre. Faire peser le coût de cette ambition sur les Français, à un moment où la pression fiscale est à son plus haut niveau et suscite déjà de graves tensions, n’est pas souhaitable.

La charge du dispositif pèserait sur le contribuable, car le présent article prévoit une majoration de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il n’est pas normal que les personnes physiques assument une charge visant à financer un dispositif au bénéfice des sociétés. C’est pourquoi je propose la suppression de l’article 4.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La commission a rejeté tous les articles. La proposition de loi sera donc examinée en l’état le 5 décembre dans l’hémicycle.

M. Dominique Potier, rapporteur. Je vous remercie de votre écoute et de votre accueil dans cette commission.

Le mot « politicien » m’a profondément blessé. Je pense incarner à peu près le contraire de ce terme, madame Dubost. Il n’y a rien de plus modéré, constructif et progressif que cette proposition de loi qui, encore une fois, ne vise qu’à donner à la société les moyens de peser vraiment sur l’économie. Elle vient en complément d’une partie de ce que nous avons esquissé dans la loi PACTE. Elle est le fruit d’un long travail qui reflète l’évolution des sociétés, dont nous voyons la manifestation partout ailleurs. Elle s’appuie sur des forces qui, à mon sens, consolident le pacte républicain – le monde des PME, l’ESS, le syndicalisme dans son ensemble. La réfuter relève, pour le coup, du dogmatisme et d’une incapacité presque ontologique de la majorité à co-construire des solutions.

Je puis témoigner du fait que, pour des questions autrement plus importantes – le devoir de vigilance ou la loi Sapin 2 –, nous avions, quant à nous, été capables de réunir des majorités, d’accepter des amendements d’une tout autre portée émanant des Républicains, du centre ou des écologistes. Je voudrais donc exprimer ma profonde déception au moment où nous achevons l’examen de cette proposition de loi.

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La Commission examine la proposition de loi visant à étendre la qualité de pupille de la Nation aux enfants des sauveteurs en mer décédés dans le cadre de leur mission de sauvetage et à assurer les besoins de financement de la Société nationale de sauvetage en mer (n° 2147) (Mme Valérie Rabault, rapporteure).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme la présidente Valérie Rabault, rapporteure de la proposition de loi visant à étendre la qualité de pupille de la Nation aux enfants des sauveteurs en mer décédés dans le cadre de leur mission de sauvetage et à assurer les besoins de financement de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

Mme Valérie Rabault, rapporteure. Merci de m’accueillir au sein de la commission des Lois : c’est pour moi une première.

Ce texte que le groupe Socialistes et apparentés a souhaité proposer pour sa journée réservée découle d’une longue histoire. Durant la précédente législature, notre ancienne collègue Chantal Guittet avait été chargée d’une mission sur la SNSM, dont elle avait abordé l’ensemble des aspects, de la reconnaissance de l’association à son financement. La présente proposition de loi reprend certaines des recommandations qu’elle avait formulées dans son rapport qui, malheureusement, n’avait pas connu de suite. J’espère qu’il n’en sera pas de même au cours de cette législature.

Chacun se souvient que, le 7 juin dernier, trois sauveteurs de la SNSM ont trouvé la mort au large des Sables-d’Olonne alors qu’ils tentaient de porter secours à un marin-pêcheur en détresse. Cette terrible épreuve a suscité une grande émotion dans notre pays et a mis en lumière la contribution de la SNSM et de ses 8 000 bénévoles, mais aussi les difficultés auxquelles cette association est confrontée.

Née dans les années 1960, la SNSM prend en charge la moitié des interventions réalisées par des moyens nautiques. Elle est présente dans 218 stations du littoral et a secouru près de 7 200 personnes en 2018 – ce qui est énorme – au cours de plus de 3 900 interventions, soit une augmentation de près de 20 % de son activité depuis 2013. Sa situation financière est fragile, puisque les deux tiers de ses ressources varient chaque année. Depuis 2012, l’effort consenti par les pouvoirs publics s’est accru : la subvention de l’État a augmenté de 4,2 millions d’euros et l’association a bénéficié de l’affectation d’une partie du produit de certaines taxes. Toutefois, la SNSM doit faire face à d’importants défis, dont le principal consiste à renouveler sa flotte. Acquérir des bateaux, cela coûte très cher. Par ailleurs, les sauveteurs, qui concourent au service public du sauvetage en mer, ne bénéficient d’aucune reconnaissance ni d’accompagnement budgétaire ou financier de la part de l’État lorsqu’ils engagent une opération.

La proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter ce matin comporte deux articles principaux. L’article 2 prévoit de donner à la SNSM des moyens lui permettant d’investir chaque année. On estime, en effet, qu’il lui faudra remplacer entre 70 et 140 navires pendant les dix prochaines années, ce qui rend nécessaire de la doter de ressources pérennes. La majorité actuelle a conscience de la situation puisque, dès 2017, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, un amendement visant à attribuer à la SNSM une partie du produit des taxes affectées avait été adopté.

Comme vous le savez, les taxes affectées sont plafonnées : tout ce qui dépasse le plafond fixé retourne dans le budget général de l’État. Je trouve, pour ma part, ce principe tout à fait sain – alors même que, dans mon groupe, tout le monde n’est pas d’accord, mais c’est la position que je défends – car il permet au législateur de garder la main : ainsi, on ne vote pas des taxes affectées dont on ne contrôlerait jamais le montant. La majorité avait donc décidé, en cas de dépassement du plafond, d’affecter une partie du produit de ces taxes à la SNSM plutôt que de le voir retourner dans le budget général de l’État.

L’intention était louable, mais cela n’a pas fonctionné, car le rendement des taxes affectées choisies était trop faible et les sommes récoltées étaient consommées pour ce qui était leur objet premier. De ce fait, cette année, dans le projet de loi de finances pour 2020, un amendement du Gouvernement a été adopté afin d’augmenter la dotation budgétaire de l’État au profit de la SNSM. L’article 2 de la proposition de loi, qui a été écrite en juillet, soit bien avant que le Gouvernement ne dépose l’amendement en question, prévoit une affectation de taxes selon le même principe que ce qui a été voté en 2017, mais ne vise pas les mêmes taxes. Je le dis d’emblée pour éviter les malentendus et la langue de bois : je n’en fais pas un point de blocage. Étant donné que le principe d’une hausse du financement de la SNSM a déjà été voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, je comprendrais que l’article 2 ne soit pas retenu.

L’article 1er porte sur la reconnaissance symbolique et matérielle. Les symboles sont importants, surtout au regard du sacrifice consenti par ces sauveteurs. Le Premier ministre l’a dit hier, le mot « sacrifice » est le plus souvent abstrait, mais il prend une autre dimension quand certains donnent effectivement leur vie – on l’a vu à l’occasion du terrible drame ayant entraîné la mort de treize militaires au Mali. Il est donc important que la Nation manifeste sa reconnaissance symbolique et matérielle – j’insiste sur ces deux mots – aux sauveteurs en mer.

Les trois sauveteurs décédés au mois de juin dernier aux Sables-d’Olonne ont été nommés au grade de chevalier de la Légion d’honneur par le Président de la République et cités à l’ordre de la Nation dès le mois de juin 2019. Mais cette citation, quoique nécessaire, demeure honorifique et n’offre aucune protection ni reconnaissance particulières à leurs familles, notamment à leurs enfants, qui sont devenus orphelins de père. Il paraît difficile, quand on observe l’action des sauveteurs en mer, de ne pas rapprocher leur bénévolat de celui des sapeurs-pompiers volontaires, puisqu’ils accomplissent, eux aussi, des missions de secours d’urgence aux personnes en exposant leur vie à des risques considérables. Par ailleurs, lorsqu’ils interviennent en mer, dans la très grande majorité des cas, c’est sur ordre du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS), c’est-à-dire qu’ils sont missionnés par la puissance publique. Ils se rendent disponibles de manière extrêmement rapide, malgré leur activité professionnelle – puisque, je le rappelle une fois encore, ils sont bénévoles – et sont soumis à un régime d’astreinte très similaire à celui des sapeurs-pompiers volontaires. Pour autant, malgré cet engagement, ils ne bénéficient pas de la même protection de la part de l’État. Une loi de 1991 a aligné le régime applicable aux sapeurs-pompiers volontaires en cas de maladie contractée ou d’accident survenu en service sur celui des pompiers professionnels, qui sont des fonctionnaires territoriaux, mais il n’y a rien eu de semblable pour les sauveteurs en mer.

Par ailleurs, l’expression de la reconnaissance de la Nation par l’intermédiaire d’une citation à titre posthume n’a pas les mêmes conséquences matérielles pour les familles de sauveteurs en mer et celles des sapeurs-pompiers volontaires. Cette reconnaissance permet aux familles de sapeurs-pompiers volontaires de bénéficier de mécanismes protecteurs en matière de pensions de réversion et de droits de succession et leur a ouvert la voie des emplois réservés. Les familles des sapeurs-pompiers sont également accompagnées par l’Œuvre des pupilles, association à but non lucratif reconnue d’utilité publique, qui offre une protection d’une qualité et d’un niveau tels que les pompiers n’ont jamais souhaité que leurs enfants puissent bénéficier de la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation, ce qui leur a pourtant été proposé à plusieurs reprises.

Aucun dispositif de la sorte n’existe pour les enfants des sauveteurs décédés en mer. Certes, ces derniers peuvent être indemnisés en leur qualité de collaborateurs occasionnels du service public, et ils bénéficient du régime de prévoyance des marins, puisque la SNSM verse des cotisations et des contributions à ce titre, mais la réforme des retraites, si elle remet en cause ou supprime le régime spécial des marins, pourrait mettre également en péril cette protection. Je suppose que nous aurons un débat sur cette question au moment de l’examen de la réforme, mais il paraît indispensable, en tout état de cause, de mettre en œuvre une reconnaissance et une protection effectives des familles de sauveteurs en mer décédés en opération. Cette protection doit venir directement de l’État, en reconnaissance de la mission accomplie au service de l’intérêt général.

La qualité de pupille de la Nation, traditionnellement reconnue aux orphelins de guerre depuis sa création en 1917, a progressivement été étendue à d’autres, notamment aux enfants des victimes du terrorisme, aux enfants de magistrats et de membres des forces de sécurité, de démineurs, d’élus, de professionnels de santé, de victimes d’actes de piraterie et de tout agent public « mort pour le service de la Nation ». Cette reconnaissance offre aux enfants une protection matérielle et morale particulière, exercée par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui s’ajoute à celle des familles et peut se traduire par la prise en charge, partielle ou totale, de leur entretien et de leur éducation, en cas de besoin ou d’insuffisance des ressources de la famille.

L’article 1er a donc pour objectif de reconnaître la qualité de pupille de la Nation aux enfants dont le parent ou le soutien de famille membre de la SNSM a été tué lors de l’accomplissement d’une opération de secours en mer, est décédé des suites d’une telle opération – car on peut n’avoir été que blessé et mourir par la suite – ou se trouve dans l’incapacité de pourvoir à ses obligations et à ses charges de famille à la suite d’une telle opération.

Cette proposition de loi, qui comporte deux articles principaux, n’a d’autre ambition que d’accorder à la SNSM et à ses sauveteurs des moyens – même si, à cet égard, une réponse a déjà été apportée dans le projet de loi de finances pour 2020 – et une reconnaissance. J’espère que nous saurons nous rassembler au moins autour du principe d’une reconnaissance.

M. Jean-Pierre Pont. Madame la rapporteure, je pense que nous allons pouvoir naviguer ensemble !

Faisant suite au drame intervenu en juin dernier au large des Sables-d’Olonne, marqué par la disparition de trois sauveteurs en mer bénévoles, votre proposition de loi comporte deux articles principaux ayant pour but, d’une part, d’étendre la qualité de pupille de la Nation aux enfants de sauveteurs en mer décédés dans le cadre de leur mission de sauvetage et, d’autre part, d’augmenter les ressources financières de la SNSM.

La qualité de pupille de la Nation, instaurée, comme vous l’avez rappelé, par la loi du 27 juillet 1917, a d’abord été réservée aux orphelins de guerre. Elle a ensuite été étendue par différentes lois, en 1990 et 1993, dans des circonstances bien précises, aux enfants de victimes d’actes de terrorisme, mais aussi aux enfants de certains fonctionnaires, personnels civils, personnes titulaires d’un mandat électif ou professionnels de santé, qui seraient tués par l’acte volontaire d’un tiers dans l’exercice de leurs fonctions.

Il est évident que les sauveteurs en mer, qui sont des bénévoles faisant partie d’une association relevant de la loi de 1901 et reconnue d’utilité publique, remplissent une mission d’intérêt général concourant à la sécurité publique. Les trois sauveteurs péris en mer alors qu’ils essayaient de porter secours à autrui lors du drame de juin dernier forcent le respect. Comme le disait le Président de la République, les Français « ont reconnu dans cet acte de bravoure ce qui, à la fin, constitue notre peuple : le fait d’être capable de donner sa vie pour un compatriote, cette solidarité inconditionnelle qui nous lie et qui a permis d’écrire les plus belles pages de l’histoire de notre pays ». Ainsi, accorder la qualité de pupille de la Nation aux enfants de parents décédés dans l’exercice de leur mission de sauvetage en mer représente une juste reconnaissance de l’engagement de ces derniers pour la préservation de la vie des autres. L’adoption par la Nation offrira à ces enfants une protection matérielle – en particulier en ce qui concerne la prise en charge de leur éducation – et morale particulière que nous leur devons. L’article 1er est donc une avancée qui prend la mesure de ce sacrifice. Nous le soutenons.

L’article 2 concerne le financement de la SNSM. Vous proposez l’affectation à cette fin d’une fraction des droits de timbre sur les passeports sécurisés, dans la limite d’un plafond de 5 millions d’euros.

Le Gouvernement s’est, de longue date, engagé aux côtés de la SNSM, ainsi qu’en témoignent les chiffres. Stabilisée à 3,5 millions d’euros pendant la période 2015-2017, la subvention versée par l’État a été portée à 6 millions d’euros pour l’année 2018. Grâce aux députés du groupe LaREM, la SNSM s’était vu affecter, dans la loi de finances pour 2018, une partie du produit du droit annuel de francisation et de navigation et du droit de passeport applicable aux grands navires de plaisance. Toutefois, le rendement de ces taxes a été moindre qu’escompté. Aussi, soucieux du bon fonctionnement de la SNSM et conscient de la nécessité de renouveler sa flotte, le Gouvernement, soutenu par la majorité parlementaire, a-t-il choisi d’augmenter de 73 % la dotation budgétaire de l’association. Cette augmentation, qui représente 4,5 millions d’euros, porte ainsi la part du financement de l’État à 10,7 millions pour 2020, contre 6,2 millions en 2019.

Cet effort sans précédent doit permettre à la SNSM de mettre pleinement en œuvre sa stratégie de modernisation. Cette dotation, assurée par des crédits, est un progrès par rapport à l’affectation de taxes, compliquées à gérer sur le plan budgétaire et par essence fluctuantes. Nous nous en félicitons. L’engagement du Président de la République de nous battre « pour faire vivre ce beau modèle, solidaire et fraternel du sauvetage en mer » est ici respecté. L’augmentation du budget de la SNSM pour 2020 est donc une avancée réelle, qui satisfait l’article 2 de la proposition de loi.

Permettez-moi d’insister sur l’engagement du Gouvernement en faveur de notre modèle de sauvetage en mer. Reconnu grande cause nationale pour l’année 2017, le sauvetage en mer fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’État et le Gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son attachement à la singularité du modèle de la SNSM. Une table ronde sur le devenir de la SNSM a, d’ailleurs, été organisée par la ministre de la Transition écologique et solidaire, le 7 novembre dernier, au cours de laquelle de nombreuses réflexions ont été lancées concernant l’amélioration du statut des bénévoles, de la gouvernance de la SNSM et de son financement. Il faut donc avoir une appréhension globale du sujet et adopter une approche de long terme.

En conclusion, si l’article 1er constitue une avancée pour les enfants de sauveteurs en mer décédés dans l’exercice de leur mission, l’article 2 me semble déjà satisfait, et je me réjouis des actions entreprises par le Gouvernement pour soutenir la SNSM, qui sauve chaque année plusieurs dizaines de vies.

M. Jean-Louis Masson. Je l’ai déjà fait en particulier, mais je renouvelle publiquement mes très chaleureuses félicitations à notre collègue Valérie Rabault pour cette initiative législative portant sur une question qui tient à cœur à nombre d’entre nous, et à moi en particulier, d’abord en tant qu’élu d’une circonscription côtière où est installée une station de la SNSM, à Hyères, ensuite parce que je fais partie de la grande famille des usagers de la mer.

La sécurité en mer est une mission indispensable et dangereuse. Elle est largement assurée par les bénévoles de la SNSM, association régie par la loi de 1901, reconnue d’utilité publique par décret du 30 avril 1970. La SNSM assure une mission de service public en France métropolitaine et outre-mer. Ce sont 8 000 personnes environ qui, chaque année, en sauvent en moyenne 9 000, auxquelles s’ajoutent toutes celles qui auront été sensibilisées aux dangers de la mer grâce à l’inlassable travail de prévention mené par la société.

L’énoncé des données du sujet soumis à nos délibérations et à notre vote est édifiant. Notre devoir relève de l’évidence, l’authenticité de l’engagement de ces hommes et de ces femmes appelle une réponse tout à la fois grande et sobre, celle d’un remerciement sincère pour leur engagement. Je souhaite d’ailleurs rappeler, comme vous l’avez fait, madame la rapporteure, les faits tragiques du 7 juin 2019. Ce jour-là, trois sauveteurs de la station des Sables-d’Olonne sont décédés lors d’une intervention de secours à un bateau de pêche en pleine tempête.

Nous devons aux familles un témoignage concret de la reconnaissance de la République. Certes, rien ne saurait compenser la perte tragique d’un être cher – une épouse, un époux, un père, une mère –, mais l’assistance à la scolarité, à la formation, à l’emploi, et les exonérations fiscales qu’emporte le statut de pupille de la Nation peuvent leur permettre d’assumer le deuil comme la reconstruction d’une vie en limitant l’acuité des soucis liés aux considérations matérielles. Il s’agit de ne pas ajouter la précarité à la souffrance.

En ce qui concerne l’article 2, je ne souscris pas totalement à ce que vient de dire notre collègue de La République en marche. Il vise à consolider les financements de la SNSM. Il s’agit tout autant de garantir des moyens pour assurer les missions avec efficacité et sécurité que de témoigner, une fois encore, notre respect républicain pour le dévouement sans faille des bénévoles. Selon moi, l’État devrait s’engager davantage dans le financement de la SNSM, dont les ressources principales ne proviennent pas, précisément, de fonds publics.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains remercie vivement notre collègue Valérie Rabault et apportera son soutien et ses voix, avec responsabilité, enthousiasme et sobriété, au texte qu’elle nous propose.

M. Jimmy Pahun. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission.

La SNSM constitue un rouage essentiel du sauvetage en mer. C’est grâce à ses 8 500 bénévoles embarqués qu’est assurée la sécurité des plaisanciers en France métropolitaine et outre-mer. La SNSM est une association ancienne, née de la volonté de la communauté maritime de s’organiser pour assurer un principe qui reste cher aux marins : la solidarité. Ce sont donc des bénévoles qui contribuent, avec des services de l’État, au sauvetage en mer. Ce point a son importance.

Les auteurs de la proposition de loi rappellent que la SNSM est financée à 80 % par des dons privés. Cette caractéristique est due tout simplement au modèle unique des sauveteurs en mer, qu’il ne faut pas remettre en cause, car tous y sont attachés. Néanmoins, nous sommes d’accord pour dire que l’État doit faire davantage, en particulier dans un contexte d’évolution pour la SNSM : il lui faut renouveler sa flotte et assurer la formation des équipages, qui sont de moins en moins composés de professionnels.

Le groupe MODEM est évidemment favorable à ce que le statut de pupille de la Nation soit accordé aux orphelins dont l’un des parents est décédé lors d’une opération de secours ou des suites de celle-ci. Cette mesure hautement symbolique se justifie par la mission d’intérêt général et de sécurité publique qu’effectuent bénévolement les sauveteurs de la SNSM. Les sauveteurs en mer agissent sans prétention ; ils font simplement leur devoir de marin. Accorder à leurs orphelins le statut de pupille de la Nation leur apporte une juste reconnaissance en même temps que la garantie que leurs enfants seront placés sous l’aile protectrice de l’État. Je remercie donc la rapporteure Valérie Rabault et le groupe Socialistes et apparentés d’avoir présenté cette proposition qui, je le crois, fait consensus.

Le MODEM est moins favorable à l’article 2, qui affecte une fraction plafonnée des droits de timbre sur les passeports sécurisés à la SNSM. Nous partageons le même objectif de pérennisation des financements de la SNSM, mais le moyen proposé ne nous paraît pas le meilleur. Il est vrai qu’une taxe affectée offrirait un financement pérenne. J’avais, pour ma part, souligné la pertinence d’un tel dispositif en tant que rapporteur pour avis sur le budget des affaires maritimes, mais il me paraissait plus cohérent que ce soient les acteurs directement concernés par le sauvetage en mer qui contribuent au financement de la SNSM. Le groupe MODEM avait, en conséquence, déposé un amendement visant à affecter une fraction plafonnée du permis plaisance qui représenterait, à raison de 120 euros le permis, environ 8 millions d’euros par an.

Je tiens à saluer l’engagement du président Ferrand et des ministres Élisabeth Borne et Gérald Darmanin dans la recherche d’une solution de consensus. Il a, en effet, été décidé d’augmenter la subvention allouée à la SNSM de 4,5 millions d’euros. Il conviendra, l’année prochaine, de rester attentif à l’inscription de la même somme, car les besoins pour la formation et le renouvellement de la flotte devront être satisfaits pendant plusieurs années. Le groupe MODEM ne peut être favorable à l’affectation d’une taxe, comme le propose le groupe Socialistes et apparentés. Nous suggérons plutôt à nos collègues socialistes ainsi qu’à tous ceux qui se soucient du financement de la SNSM de veiller ensemble, l’an prochain, à sa pérennité dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances.

Merci, madame Rabault, d’avoir présenté cette proposition de loi. Vous donnez de la visibilité à la mission des sauveteurs en mer et vous leur apportez une juste reconnaissance en conférant le statut de pupille de la Nation à leurs orphelins.

Mme Cécile Untermaier. Je remercie Valérie Rabault, qui préside notre groupe Socialistes et apparentés, d’avoir présenté cette proposition de loi à laquelle, vous l’imaginez bien, nous sommes très favorables. Je tiens à souligner la qualité de son travail de rapporteure.

L’approche globale qu’elle développe a vu le jour dès le mois de juillet, avant même le projet de loi de finances, avec cet article 1er grâce auquel, comme l’a très bien dit notre collègue des Républicains, on fait en sorte de ne pas ajouter la précarité à la souffrance.

L’article 2 était, quant à lui, pleinement justifié. Nous sommes satisfaits qu’un pas important ait été accompli dans le cadre du projet de loi de finances, et je pense que notre groupe n’y est pas pour rien. Il est vrai, toutefois, que la question de la pérennité du financement de la SNSM reste entière. Nos discussions d’aujourd’hui nous permettront de rappeler, lors du prochain projet de loi de finances, combien elle est nécessaire alors que cette association doit revoir son parc de bateaux. Nous devons bien évidemment accompagner cet engagement fort.

Nous sommes tout à fait satisfaits de l’accueil consensuel fait par l’ensemble des groupes à cette proposition de loi. Pour ma part, j’ai une interrogation concernant la situation des collaborateurs occasionnels d’un service public, qui, en venant de leur propre chef au secours de personnes, remplissent aussi une mission d’intérêt général. Je sais que tel n’est pas l’objet de ce texte, mais je propose à Valérie Rabault de prolonger cette réflexion dans le cadre d’une prochaine proposition de loi.

M. Paul Christophe. Le groupe UDI-Agir et Indépendants vous remercie d’avoir déposé cette proposition de loi et pour la clarté de votre exposé des motifs.

Né aux Sables-d’Olonne, familialement attaché à cette commune et au sauvetage en mer, j’avais pris la parole, le 11 juin dernier, à la suite de l’hommage rendu par la représentation nationale aux trois sauveteurs de la SNSM péris en mer, pour solliciter l’octroi du statut de pupille de la Nation à tous les enfants de sauveteurs qui perdent la vie en secourant les marins en danger.

Ces hommes laissent, en effet, derrière eux des familles endeuillées et des enfants qui grandiront sans père. En cas de décès, le statut de ces derniers est plus que précaire puisque les textes en vigueur ne prévoient pas toujours de les aider. Si les enfants du défunt pourront compter sur la solidarité des familles et des amis pour se reconstruire, l’État reste malheureusement le grand absent. Le drame des Sables-d’Olonne a notamment rappelé que le statut de pupille de la Nation ne pouvait pas leur être automatiquement accordé.

Après avoir saisi officiellement le Président de la République à ce propos, j’ai également déposé une proposition de loi afin d’étendre ce statut aux enfants des personnes blessées ou tuées au cours d’opérations de secours déclenchées en cas de crise de sécurité civile. Je salue donc votre proposition de loi et j’entends évidemment m’y associer.

Un tel drame nous rappelle que, quotidiennement, des femmes et des hommes œuvrent, parfois bénévolement et souvent dans l’ombre, pour assurer notre sécurité et nous venir en aide en mettant leur propre vie en danger. Qu’ils interviennent en mer, dans les airs ou sur terre, ces personnes participent chaque jour aux opérations de sécurité civile et, à ce titre, prennent de nombreux risques.

Ainsi, au regard du principe d’égalité, nous nous interrogeons sur le dispositif de votre proposition, en particulier sur la limitation du statut aux seules opérations de secours de personnes en détresse en mer. Pourquoi ne pas inclure les enfants des autres personnels participant aux opérations de sécurité civile plutôt que de limiter le statut à la seule SNSM ? Cela risque d’introduire une forme de gradation entre les différentes missions de sauvetage selon leur terrain d’action et, in fine, d’instaurer une manière d’inégalité de droit entre les enfants.

Enfin, nous vous rejoignons s’agissant de votre proposition d’allouer des moyens suffisants à la SNSM pour assurer sa pérennité. Actuellement, le financement de son budget repose essentiellement sur la générosité et la confiance des donateurs privés. La SNSM dispose ainsi d’un budget annuel de fonctionnement de l’ordre de 32 millions d’euros, dont seulement 20 % de subventions publiques. Ainsi la question des moyens financiers pour le sauvetage des marins en détresse se pose-t-elle, et d’autant plus que le nombre d’interventions de la SNSM explose puisqu’il est passé de 4 867 en 2013 à 8 891 l’an dernier.

Au titre de la mission de service public confié à la société, il semble donc primordial que l’État investisse en conséquence dans son financement. Cependant, au regard des dispositions financières favorables à la SNSM introduites dans le projet de loi de finances pour 2020, nous nous interrogeons sur la faisabilité des mesures que vous proposez et nous souhaitons quelques éclaircissements quant à leur soutenabilité.

M. Ugo Bernalicis. La France insoumise ira dans le même sens que la plupart de nos collègues. Je salue cette proposition de loi pour les sauveteurs en mer qui agissent bénévolement, ce qui constitue d’ailleurs la singularité de notre système – je ne m’interrogerai pas plus avant à ce propos, car ce n’est pas notre objet.

Je salue l’article 1er visant à octroyer le statut de pupille de la Nation aux orphelins d’une personne décédée en mer en ayant porté secours au nom de l’intérêt général, pour le bien de tous.

Il convient, évidemment, de trouver des ressources pérennes au financement de la SNSM. Notre système de bénévoles coûte bien moins cher que d’autres en Europe, ce qui rendrait d’ailleurs opportun que ceux-ci puissent disposer de capacités d’intervention matérielles et techniques à la hauteur des besoins. Vous proposez de flécher une partie des recettes plafonnée à hauteur de 5 millions. Je comprends l’astuce, mais je ne suis pas très favorable à cette idée de plafond, car si l’activité augmente, un forfait ne permet pas de la suivre. Vous avez ciblé les immatriculations ; Sébastien Jumel avait, quant à lui, proposé de jouer sur une autre taxe, en fonction de la taille des bateaux. Je ne sais pas ce qu’il doit en être, mais il faut un dispositif qui soit plus dynamique que le forfait.

En l’état des choses, l’article que vous proposez va néanmoins dans le bon sens puisqu’il augmente les capacités financières de la SNSM. Nous le soutenons donc, mais nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat pour sanctuariser des ressources publiques qui, rappelons-le, comptent pour très peu dans le fonctionnement de la société.

M. Sébastien Jumel. Le drame des Sables-d’Olonne a suscité une émotion légitime dans nos ports, parmi la communauté maritime et dans l’ensemble de la Nation. Comme à chaque fois, les déclarations d’amour fusent mais, le temps passant, elles s’effacent et les promesses avec.

Il existe un vrai risque que le modèle original de la SNSM, reposant sur l’altruisme, le bénévolat, l’engagement, soit à très court terme fragilisé ; qu’il n’y ait plus les moyens de financer la formation ; que la flotte ne soit pas renouvelée, ne permettant plus ainsi d’assurer le maillage nécessaire pour répondre à cette fonction régalienne qu’est la sécurité maritime.

S’agissant de l’inscription de 4,5 millions d’euros supplémentaires de dotation au budget de l’État, je ne suis pas d’accord. Nous étions ensemble au ministère des Transports, cher collègue, avec le président de la SNSM et les présidents de stations. Tout le monde l’a dit, ces 4,5 millions n’assurent pas la pérennité du système ; il faut trouver les moyens de consolider l’originalité du modèle français de secours en mer.

J’ajoute que cinquante-quatre collègues issus de tous les groupes ont soutenu ma proposition de loi, qui avait le mérite de dire à l’État qu’il n’était plus possible de faire la manche pour secourir en Manche – puisque c’est mon littoral. Il n’est pas acceptable que ces marins, sur les quais, soient obligés de vendre des casquettes et des écussons pour financer une mission régalienne !

Votre proposition de loi, madame la présidente Rabault, répond à une double préoccupation. Lorsque l’on donne sa vie pour en sauver d’autres, la moindre des choses, c’est que la Nation soit au rendez-vous de la solidarité avec ceux qui restent. Le Président de la République s’est engagé devant les familles des victimes à octroyer ce statut de pupille de la Nation, et il faut que cet engagement soit tenu. Par ailleurs, votre proposition de financement a le mérite d’indiquer que le compte n’y est pas. Le groupe GDR la soutiendra, mais si la majorité refuse d’appréhender sérieusement, concrètement, le financement de la solidarité des gens de mer, elle prendrait une lourde responsabilité.

La loi « NOTRé », portant nouvelle organisation territoriale de la République, a bousculé la capacité des collectivités locales à financer la SNSM. Les régions, les départements – pas en Normandie, où ils se sont mis d’accord – jouent au ping-pong pour savoir qui finance quoi. La situation est, dès lors, fragilisée : 187 stations permanentes ne sont pas assurées de pouvoir poursuivre leur mission ; 32 centres ne savent pas comment financer les formations. Il y a donc urgence.

J’espère que le comité interministériel de la mer à venir, le CIMER, tiendra parole et que le Parlement pourra guider le Gouvernement en proposant une orientation, une direction. Nous en serons heureux, mais quand j’entends parler de 4,5 millions d’euros… Je ne crois plus au père Noël depuis longtemps. Les saucisses ne poussent pas sur les arbres, et la petite souris ne dépose pas d’argent sous l’oreiller. Il faut que le MODEM arrête de croire tout ce qu’on lui raconte ! Il faut que l’État joue son rôle et que la loi de finances permette l’exercice des fonctions régaliennes. Voilà ce que nous disent les hommes en orange, qui sont profondément attachés à la solidarité des gens de mer ! J’étais avec eux au Tréport, samedi. Tous les patrons de stations, réunis, attendent que nous soyons au rendez-vous.

M. Jean-Félix Acquaviva. Le groupe Libertés et territoires soutient, naturellement, cette proposition de loi et nous remercions la rapporteure de l’avoir défendue, car elle favorise une plus grande reconnaissance des sauveteurs en mer et organise enfin la nécessaire solidarité à l’égard des enfants dont les parents sont décédés en mission. D’autres intervenants l’ont dit avant moi, quoi de plus normal ?

Par la voix d’Olivier Falorni, notre groupe avait d’ailleurs demandé au Gouvernement d’étendre la qualité de pupille de la Nation aux enfants des sauveteurs en mer décédés dans le cadre de leur mission de sauvetage dès le drame survenu en juin dernier aux Sables-d’Olonne. Permettez-moi de rendre une nouvelle fois hommage aux victimes et à leurs familles.

En outre, nous partageons l’idée que le mécanisme de financement proposé est utile et permettra de garantir les moyens pérennes indispensables à la réalisation des missions de service public assurées par la SNSM, sans entraîner une augmentation des impôts. Certes, 4,5 millions ont été inscrits en projet de loi de finances, mais les mécanismes précédemment prévus n’ont pas fonctionné et il est aujourd’hui nécessaire de revenir sur la question. Il est normal, lorsque l’on parle de sécurité en mer, que l’on trouve enfin les moyens d’assumer nos responsabilités. Selon nous, ce sera le cas avec cette proposition de loi.

Enfin, nous considérons que cette dernière pourrait être enrichie par l’extension de la mention « Mort pour le service de la Nation » à toute personne bénévole décédée en accomplissant une mission de secours public. Ce serait là un hommage national rendu aux citoyens qui ont choisi de s’engager au service de la collectivité, de l’intérêt général, et qui l’ont payé de leur vie.

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis évidemment favorable à 100 % à cette proposition de loi, ce qui prouve que certains sujets transpartisans dépassent les considérations politiques et méritent toute notre attention.

Je profite de cette intervention pour témoigner de mon soutien et réitérer mon immense admiration aux sauveteurs en mer qui, comme nous l’avons vu récemment aux Sables‑d’Olonne, risquent leur vie en faisant leur devoir de marin. Je pense, aussi, aux sauveteurs en mer de Valras, dans ma circonscription. Mon immense admiration, au même titre que celle que je porte, par exemple, à nos pompiers ou à nos guides de montagne. Il convient de les soutenir et de protéger leurs missions mais, également – et c’est ce que vous faites dans ce texte – de mieux protéger les familles qu’ils laissent parfois derrière eux et, en particulier, leurs enfants.

Vous l’avez rappelé, madame la présidente Rabault, la SNSM est une association qui demeure financièrement fragile, car elle doit faire face, année après année, à des frais de fonctionnement et d’investissement toujours plus lourds. En 2017, ces dépenses s’élevaient à environ 31 millions d’euros hors investissement ; or 80 % de ses ressources proviennent de fonds privés. Le budget d’investissement, y compris pour le nécessaire remplacement d’une partie de la flotte, avoisine 14 millions d’euros pour la seule année 2018.

J’ai, moi aussi, déposé une proposition de loi pour pérenniser les financements de la SNSM et je me réjouis de constater que nous nous rejoignons. J’aurais toutefois aimé ajouter deux dispositions à votre texte mais je n’ai pas pu le faire, uniquement pour des raisons techniques. J’essaierai de déposer des amendements en séance publique.

La première : compte tenu des sacrifices consentis par les sauveteurs, je souhaiterais donner aux bénévoles de la SNSM les mêmes droits que ceux des sapeurs-pompiers volontaires en matière de retraite, en leur accordant des trimestres supplémentaires dès lors qu’ils s’investissent durant de longues années.

La seconde : je souhaiterais faire reconnaître le droit à pension pour les membres de la SNSM dans le cadre de leurs missions d’entraînement, d’assistance et de sauvetage dont le caractère de « personnes en danger » n’est pas réel et immédiat. À ce jour, la loi ne permet pas à un bénévole blessé lors d’une opération de remorquage d’un bateau en panne de moteur par temps calme d’avoir un droit à pension. Il me semble qu’il faudrait remédier à cette situation.

Je salue donc votre proposition de loi, que je voterai sans réserve.

M. Éric Diard. Bien évidemment, je salue aussi la proposition de loi de Mme Rabault. Il est vrai que l’intérêt de ce texte dépasse largement les clivages politiques que l’on a pu observer au sein de notre commission.

Vous avez raison, madame Rabault, rien n’est pire pour un enfant que de perdre ses parents prématurément. Mon père était pupille de la Nation ; par pudeur, il m’en a peu parlé mais je sais qu’il a été très touché par le drame qu’il a vécu. C’est encore pire lorsqu’une telle perte survient lors d’un accident de travail. Nous avons rappelé le drame du 7 juin 2019, dans lequel trois pères, morts en héros, ont été arrachés à leurs enfants alors qu’ils tentaient de sauver la vie d’un pêcheur pris dans les vagues.

Dans certains métiers – policier, gendarme, pompier – le danger fait partie intégrante des missions. C’est aussi le cas pour les sauveteurs en mer ; or les enfants de ces derniers ne peuvent pas bénéficier du statut de pupille de la Nation.

Je suis député d’une circonscription côtière et je sais que, même en Méditerranée, être sauveteur en mer n’est pas une activité comme les autres. C’est une vocation qui, la plupart du temps, est exercée à titre bénévole et, si toute œuvre de bénévolat mérite le respect, celle-ci doit être admirée, car elle se fait au péril de sa vie.

Cette proposition de loi n’allègera évidemment pas la douleur des familles, mais elle honore la dette morale que la France a contractée envers ceux qui ont consenti au sacrifice ultime pour sauver des vies. Comme vous le dites dans votre exposé des motifs, les enfants des sauveteurs en mer entrent parfaitement dans le statut de pupille de la Nation, défini aux articles L. 411-1 à L. 411-11 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

L’adopter permettra à notre commission puis à notre assemblée de mettre fin à cette injustice que nous a rappelé le drame du 7 juin dernier, et d’envoyer enfin le signal fort aux sauveteurs en mer que notre République n’oublie jamais ceux qui ont donné leur vie pour les autres.

M. Arnaud Viala. Je vous remercie pour ce travail, madame la rapporteure.

Je ne suis pas élu d’une circonscription ou d’un département côtier, mais ma circonscription compte des grands lacs où des sauveteurs, souvent bénévoles, se mettent au service des populations et des touristes qui y pratiquent diverses activités.

Votre proposition concerne la SNSM, qui assure l’immense majorité des sauvetages dans notre pays, mais d’autres associations mériteraient la même attention dans le domaine du sauvetage nautique et aquatique.

J’ai rapporté cette année le budget de la sécurité civile et je me suis penché sur l’activité et les préoccupations de nombre d’associations. Sans doute faudrait-il élargir le dispositif que vous proposez à ces sauveteurs-là, comme bien des orateurs l’ont dit ce matin, car eux aussi courent des risques chaque jour, bénévolement, pour assurer des missions de sécurité.

Le modèle français est, en la matière, tout à fait particulier puisque la sécurité de nos concitoyens, pour une large part, repose sur des bénévoles. Nous pouvons défendre collectivement une telle proposition afin d’enrichir la proposition de loi que vous défendez ce matin et dont je suis heureux qu’elle recueille l’aval de l’ensemble des groupes de cette commission.

Mme Valérie Rabault, rapporteure. Je remercie chaque intervenant des différents groupes et je me réjouis des propos qui ont été tenus.

J’ai relevé particulièrement trois questions lors de vos interventions.

Pourquoi réserver le statut de pupille de la Nation aux seuls enfants de sauveteurs en mer de la SNSM ? Pour deux raisons. Il s’agit, tout d’abord, d’un premier pas et les autres sauveteurs ne sont en rien exclus. Ensuite, depuis très longtemps, la SNSM est structurée en association et son action est reconnue. Pour des raisons de compatibilité avec le droit européen, il faut toujours faire attention lorsqu’il s’agit du statut de bénévole – nous avons en ce moment une discussion sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Il convient donc de cadrer strictement le dispositif pour éviter des interprétations autres, et d’autant plus que dans une grande majorité des cas, les sauveteurs en mer interviennent sur le mandatement du CROSS, institution de l’État : tout se passe comme s’ils avaient un ordre de mission militaire. C’est cela qui explique le caractère restrictif de cette proposition de loi. J’imagine qu’une extension sera possible, car il s’agit non d’exclure, je le répète, mais de faire un pas afin que l’on puisse progresser dans cette direction-là, tout en bordant la situation au regard du droit européen.

La deuxième raison est celle du financement, que vous avez été plusieurs à soulever. M. Masson a évoqué une taxe de 2 euros sur un permis qui en coûte 120. Pourquoi n’avons‑nous pas souhaité procéder ainsi ? Parce que le Gouvernement ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires. Il ressort des documents budgétaires que, pour plus de 150 taxes affectées, le rendement dépasse le plafond, ce qui signifie que la marge est suffisante pour qu’elles ne tombent pas dans le budget de l’État.

La question des droits en matière de retraite ne figure pas, en effet, dans cette proposition de loi. Un premier pas a été accompli lors de l’examen de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels puisque les points formation obtenus lors de l’exercice de missions bénévoles, notamment pour les sapeurs-pompiers volontaires, peuvent être utilisés ensuite dans le cadre, par exemple, d’une reconversion professionnelle. Le même mécanisme peut être prévu pour les sauveteurs en mer, mais cela relèverait plutôt de la réforme des retraites que le Gouvernement prépare. Il faut s’assurer, de surcroît, que cela entre dans le cadre européen. Je persiste à penser que les textes financiers doivent être pensés dans leur globalité et je déposerai des amendements à ce propos à la loi sur les retraites qui sera présentée. Quoi qu’il en soit, je partage cet objectif.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. L. 411-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) : Reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation aux orphelins de sauveteurs en mer décédés en mission

La Commission adopte l’article sans modification.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. À l’unanimité !

Article 2 (art. 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 et de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012) : Affectation à la SNSM d’une fraction du produit des droits de timbre sur les passeports sécurisés

La Commission rejette l’article.

Article 3 : Gage financier

La Commission adopte l’article sans modification.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CL3 de la rapporteure.

Mme Valérie Rabault, rapporteure. J’ai déposé cet amendement après avoir entendu les développements de l’orateur de la majorité s’opposant à l’adoption de l’article 2, que nous venons de rejeter. Afin que cette proposition soit votée dans l’hémicycle, ce que j’espère, son titre doit être évidemment en relation avec les articles. Je vous propose, dès lors, de le modifier en supprimant la partie relative au financement de la SNSM.

La Commission adopte l’amendement et le titre de la proposition de loi est ainsi modifié.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Selon la procédure d’examen simplifié, cette proposition de loi sera examinée dans l’hémicycle le 5 décembre prochain. Vous pourrez déposer des amendements.

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*     *

La Commission examine la proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide (n° 2353) (M. Christophe Bouillon, rapporteur).

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Je vous remercie, tout d’abord, de m’accueillir à la commission des Lois pour y rapporter cette proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, que le groupe Socialistes et apparentés a choisi d’inscrire à l’ordre du jour de sa journée réservée.

Je commencerai mon propos en rappelant ce que vous savez déjà tous : nous sommes mal partis – nous, c’est l’humanité ! Si l’on en croit tous les rapports produits sur les sujets environnementaux, les choses ne se présentent pas bien. Sur le front du changement climatique, si nous ne réduisons pas notre consommation d’énergies fossiles, les scientifiques anticipent un réchauffement de 7° C par rapport à l’ère préindustrielle. Le pergélisol a commencé à fondre et on ne sait quel organisme piégé depuis des milliers d’années il pourrait libérer. En termes de biodiversité, nous serions entrés dans une extinction de masse. Quant à l’acidification des océans, elle tue les coraux et menace la vie sous-marine autant que l’alimentation des populations côtières.

Je ne veux pas m’étendre sur ce tableau peu réjouissant mais je dois compléter ce préambule en soulignant que nous dépassons, l’une après l’autre, les limites planétaires identifiées par les chercheurs. En malmenant notre environnement, c’est tout l’équilibre de la planète qui menace de s’effondrer.

C’est ce constat qui a mené des juristes de haut rang à promouvoir l’idée d’une incrimination pénale d’écocide, c’est-à-dire de mise en danger délibérée et massive de notre environnement. Ce concept existe déjà en droit international. Héritage des bombardements américains sur le Vietnam avec le fameux Agent orange, la destruction de l’environnement dans un but militaire est considérée par la Cour pénale internationale comme un crime de guerre. On ne peut donc pas dire qu’il s’agit d’une idée saugrenue.

Nous devrions pouvoir réprimer les mêmes agissements lorsqu’ils sont commis en temps de paix, que ce soit par des individus ou par des personnes morales. Nous devons pouvoir réprimer le fait de dégrader volontairement les biens communs de l’humanité, y compris ceux sur lesquels ne s’exerce aucune souveraineté étatique – c’est le cas notamment de la haute mer, de la haute atmosphère et des pôles.

Bien sûr, je sais ce qui me sera répondu : il faudrait pour cela un traité international. Ce serait l’idéal, en effet, l’instrument parfait pour poursuivre un crime contre toutes les nations, comme le dit classiquement le droit de la mer à propos de la piraterie. Nous devons néanmoins nous rendre à l’évidence : l’échec des tentatives d’inscription de l’écocide dans le Statut de Rome, qui régit la Cour pénale internationale, montre que des intérêts puissants sont à l’œuvre pour l’empêcher. Ce sont les mêmes forces qui tentent aujourd’hui de démembrer l’accord de Paris sur le climat, et nous les connaissons bien.

Qu’on ne nous dise pas non plus que nous devons agir sur le plan européen. D’abord, parce que nous le faisons déjà : des représentants français à Strasbourg livrent le même combat face aux mêmes adversaires. Ensuite et surtout, parce que nos voisins européens ne courent pas les mêmes risques que la France : l’orpaillage illégal, c’est en France et pas sur le continent européen ; le risque de forages offshore dans le Canal du Mozambique est encouru par nos compatriotes de Mayotte et pas par les Européens ; les coraux de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, gravement menacés par l’acidification, c’est encore en France. Ne faisons pas ici de l’Europe, comme trop souvent ailleurs, l’alibi de nos renoncements !

Je défends devant vous cette proposition de loi pour agir au niveau français, à travers notre droit pénal de l’environnement, notoirement complexe et mal maîtrisé par les magistrats. Les juristes y voient une raison simple : les incriminations ne figurent pas dans le code pénal. Je gage que, depuis le début de cette législature, à l’été 2017, la commission des Lois, qui est compétente pour le droit pénal, a peu modifié le code de l’environnement.

Ma proposition de loi a pour objet de renforcer le droit de l’environnement en durcissant les sanctions encourues pour certaines pollutions, mais aussi et surtout en définissant de nouvelles infractions véritablement dissuasives. Je reprends à mon compte les propos que m’a confiés en audition la spécialiste Valérie Cabanes : l’objectif n’est pas de mettre des gens en prison, mais de créer une sanction pénale efficace et crédible qui puisse être factorisée dans l’analyse économique. Quand des actionnaires demandent des rendements toujours plus élevés, la tentation est grande de leur donner satisfaction si l’on ne risque que quelques dizaines de milliers d’euros d’amende et quelques mois de sursis. Je suis convaincu que les réflexions seront plus mesurées quand le risque sera le jury populaire de la cour d’assises, la réclusion criminelle pour le dirigeant et une amende de 20 % du chiffre d’affaires mondial sur les comptes consolidés.

Nous avons conçu le dispositif précisément pour qu’il soit à la hauteur des enjeux, qui sont globaux. Nous défendons l’imprescriptibilité et la compétence universelle des juridictions françaises. Nous voulons que chacun sache, avant de commettre son forfait, qu’il n’échappera pas à la sanction par une pirouette juridique.

Enfin, qu’est-ce que l’écocide, dont nous entendons punir la commission, la provocation et l’association afin de le commettre ? Nous avons volontairement retenu une définition très restrictive de l’infraction. Je me répète : je ne souhaite pas incriminer un accident, un acte involontaire même déraisonnable, une négligence même coupable ; nous avons déjà des instruments juridiques pour cela. L’objectif est de frapper fort pour les actes les plus odieux, les plus délibérés, les plus destructeurs, ceux dont les conséquences sont massives et irréparables à l’échelle de la vie humaine. C’est parce que le périmètre de l’infraction est volontairement très réduit que je vous propose de le réprimer par des peines aussi lourdes et par des moyens aussi exceptionnels.

Chers collègues, un dernier élément juridique pour vous convaincre : aujourd’hui, un kilogramme de corne de rhinocéros se négocie plus cher qu’un kilogramme de cocaïne. Trafiquer des espèces protégées, c’est trois ans d’emprisonnement au sens du code de l’environnement, sept ans dans le cadre d’une bande organisée. Trafiquer des stupéfiants en bande organisée, au sens du code pénal, c’est la réclusion criminelle à perpétuité. Je ne dis pas qu’il faille protéger l’environnement, la faune et la flore autant que la vie humaine ; les peines que je vous propose d’instaurer en répression de l’écocide sont volontairement inférieures à celles prévues pour un meurtre. Néanmoins, chacun doit comprendre que, à se contenter de bonnes paroles, nous ne parviendrons à rien. C’est ce que ce texte vous propose de changer aujourd’hui, pour que la France se montre à l’avant-garde dans ce combat, pour qu’elle entraîne avec elles les nations qui travaillent sur ce fléau. C’est la condition même pour que nos enfants connaissent un monde vivable et un environnement préservé.

Le génocide et le crime contre l’humanité ont marqué le XXe siècle. L’écocide est le combat du XXIe siècle.

M. Didier Paris. Je remercie le rapporteur d’avoir très bien exposé les raisons qui l’ont amené à déposer cette proposition de loi. Objectivement, aucun d’entre nous, ici, ne peut être aveugle aux enjeux environnementaux que vous décrivez et à la criminalité environnementale qu’il serait vain de nier. Néanmoins, même si je connais la précision avec laquelle vous abordez les problèmes, vous serez peut-être déçu de mes réponses. Il reste que votre proposition de loi soulève d’assez nombreuses difficultés.

Tout d’abord, avons-nous vraiment besoin d’un nouveau texte ? La question se pose parce que nous disposons déjà d’un ensemble complet de règles : dix ans d’emprisonnement pour ce qui relève de délits, non de crimes – vous avez raison de faire la différence –, ce qui n’est pas rien, notamment afin de lutter contre la pollution en haute mer que vous avez signalée. Que ces incriminations figurent dans le code pénal ou dans le code de l’environnement, quelle différence pour les magistrats ? Ils savent se référer à un texte où qu’il soit.

À cela s’ajoute un ensemble de mesures civiles et administratives, même si certaines peuvent être améliorées – je pense aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Rappelons-nous le drame écologique de l’Erika, dans lequel la Cour de cassation a reconnu la responsabilité pleine et entière de l’affréteur Total. Le groupe La République en marche considère que nous disposons déjà d’une législation adaptée. La loi n° 95‑101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier », a largement balisé le champ des responsabilités en instaurant le principe pollueur-payeur.

Vous l’avez dit : les choses n’ont pas encore abouti sur le plan politique. L’été dernier, le Président de la République a fortement appelé l’attention des membres du G7 sur le drame amazonien. La conscience internationale doit encore progresser. Ce n’est pas le droit pénal français qui y aidera, même si les règles qu’il contient ont, bien évidemment, leur intérêt. Nous devons absolument développer les mécanismes de prévention et je n’ai pas le sentiment que ce soit le cas avec ce texte, dont votre parti a proposé une première rédaction au Sénat qui l’a rejetée.

Nous devons également poursuivre la réflexion en cours à travers la mission confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable afin de renforcer l’effectivité du droit de l’environnement. Nos règles sont claires et puissantes, mais il faut s’attacher à la façon dont elles sont exécutées.

Se posent ensuite des difficultés de nature constitutionnelle. La définition de l’écosystème que vous proposez me semble par trop imprécise, difficile à incarner et susceptible de nombreuses interprétations pour correspondre à la nécessité absolue de la clarté de la loi pénale, de la lisibilité des textes. Ce n’est pas un an d’emprisonnement qui est en jeu ! L’objectif n’est pas de jeter les gens en prison, avez-vous dit, mais vingt ans de réclusion criminelle sont à la clef. Je ne comprends donc pas ! Si ce n’est pas de l’écologie punitive, je ne comprends pas non plus ! La définition des atteintes portées à l’écosystème ne suffit pas à fonder la condamnation que vous proposez.

En outre, cette définition doit être validée sur le plan international. Quel serait le sens d’une répression française qui ne s’insèrerait pas dans une logique internationale reconnaissant le même principe de protection de l’écosystème ?

Le crime d’écocide, vous avez raison, ne s’applique en l’état qu’aux faits de guerre et non en période de paix mais, dans le premier cas, on explique les raisons pour lesquelles le dommage procède d’une action volontaire, alors que votre texte ne fonde le principe de légalité que sur les conséquences du non-respect de telle ou telle règle.

Enfin, d’autres problèmes juridiques se posent. Le Conseil constitutionnel veille scrupuleusement à la proportionnalité de la faute et de la sanction pénale attachée. Or, on peut, en l’occurrence, avoir un doute. Il en va de même s’agissant de l’individualisation des peines – et je ne parle pas seulement de la répression criminelle que vous proposez.

Par ailleurs, pouvons-nous considérer aussi facilement que vous le faites que l’atteinte très imprécise à l’environnement, quelles que soient ses conditions, doit être placée sur le même plan que le génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ? Personnellement, je ne le souhaite pas. Nous avons récemment eu l’occasion de discuter de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, de même que de la compétence universelle des juridictions françaises, avec notre collègue sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur. La loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de trouver un moyen terme, contrairement à votre texte si excessif. Revenons aux principes élémentaires et hiérarchisés du droit !

Le groupe La République en marche n’est pas favorable à votre proposition de loi.

M. Antoine Savignat. Au nom du groupe Les Républicains, je suis d’accord avec notre collègue Didier Paris. Cette question est évidemment importante ; nous ne pouvons ni n’avons le droit d’y être indifférents, mais la façon dont vous l’abordez est à tout le moins surprenante. La question fondamentale de l’écologie est une nouvelle fois abordée sous l’angle punitif – je le dis d’autant plus librement qu’en général, c’est à ma famille politique qu’est reproché un abord répressif des problèmes.

Vous avez certes raison : notre consommation d’énergie, nos processus de production et nos modes de déplacement ont un effet néfaste sur la planète. Mais votre évocation du trafic de cornes de rhinocéros prouve que votre texte est dangereux car, à vous entendre, on peut tout y mettre. Ce trafic, certes répréhensible et réprimé, relève-t-il d’une atteinte irréversible à un écosystème ?

Mmes Cécile Untermaier et George Pau-Langevin. Oui !

M. Antoine Savignat. Qu’est-ce qu’un écosystème ? Est-il constitué par la planète dans son ensemble ou est-ce aussi l’aquarium installé dans mon bureau ? Faute de définition, tout peut y entrer. Un tel flou, comme l’a dit M. Didier Paris, pose problème.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’une atteinte irréversible ? À partir de quand et à quelle échelle considère-t-on cette irréversibilité ? À la fin du Moyen‑Âge, tout le bois ayant été exploité, il n’y avait quasiment plus de forêts en France ; au XVIIIe siècle, à peu près toutes les grandes forêts avaient été détruites pour construire des flottes. Cette atteinte portée à l’écosystème était grave, mais elle était réversible et les forêts ont été replantées.

En l’état, nous ne voterons pas votre texte.

M. Philippe Latombe. Je tiens d’abord à remercier le rapporteur pour son travail. Les questions écologiques ont une acuité aujourd’hui majeure, notamment face à l’urgence climatique et aux atteintes à la biodiversité. Les attentes de nos concitoyens sont de plus en plus fortes et pressantes. Il est évident que nous devons agir, afin de protéger notre planète des effets délétères de l’activité humaine, et organiser les conditions d’une meilleure cohabitation avec l’environnement.

Votre proposition de loi insère dans le code pénal un crime d’écocide, ainsi que des crimes et délits connexes, notamment un délit de provocation à l’écocide. Les sanctions prévues sont lourdes : pour un écocide, vingt ans de prison et 10 millions d’euros d’amende ou, dans le cas d’une personne morale, 20 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’exercice précédent. Vous proposez également des peines complémentaires – interdiction des droits civiques, civils et de famille, ou confiscation des biens de la personne condamnée. Votre texte prévoit, en outre, l’imprescriptibilité de l’écocide, au même titre que les génocides et les crimes contre l’humanité, et la compétence universelle des juridictions françaises pour la répression de cette infraction. Par ailleurs, vous proposez la création d’un délit d’imprudence caractérisée ayant contribué à la destruction grave d’un écosystème. Enfin, vous aggravez les sanctions pénales environnementales.

Il s’agit d’un texte ambitieux, aménagé et complété, par rapport à la proposition de loi présentée il y a quelques mois par le sénateur Jérôme Durain et les membres du groupe socialiste au Sénat. Néanmoins, il nous semble que plusieurs réserves, formulées lors de l’examen de la proposition de loi sénatoriale, s’appliquent également à votre texte. L’arsenal juridique français en matière de droit de l’environnement est plutôt fourni. Il peut être enrichi et complété, mais nous pensons que cela nécessite une réflexion et un travail minutieux. Une mission gouvernementale est actuellement en cours, qui vise à renforcer l’effectivité du droit de l’environnement. Elle se penche notamment sur l’éventuelle nécessité d’une spécialisation des magistrats. Je pense judicieux de nous appuyer sur ce travail, mené conjointement par le conseil général de l’environnement et du développement durable et l’inspection générale de la justice, pour engager une réforme du droit de l’environnement. Elle pourra, si besoin, inclure la notion d’écocide.

Enfin, nous souhaitons poser la question de la reconnaissance de la personnalité juridique d’écosystèmes. La Nouvelle‑Zélande l’a fait pour un volcan et une rivière ; d’autres pays font de même à l’image de l’Inde. Une telle réflexion pourrait être menée dans le cadre global que nous appelons de nos vœux. D’un point de vue juridique, cela permettrait de sécuriser la notion d’atteinte et, partant, les sanctions idoines. Nombre d’auteurs considèrent en effet que le crime d’écocide, tel que vous le présentez, se heurte au principe de légalité et, pour ce qui est de son caractère supranational, au principe de souveraineté.

Le groupe Modem et apparentés n’est donc pas opposé sur le fond à votre proposition de loi, mais nous pensons nécessaire d’envisager le problème de manière plus globale et utile d’attendre les conclusions du rapport que je viens de mentionner.

Mme Cécile Untermaier. Je m’exprimerai quelques minutes, puis M. Dominique Potier prendra la parole également.

Quelle que soit son issue, il me semble que l’Assemblée nationale se grandit de mettre un tel texte à l’ordre du jour de la commission des Lois. La France doit être à l’avant-garde, comme elle l’a été avec la Charte de l’environnement. L’écocide, à notre sens, constitue une réponse à un élan citoyen massif, sans doute beaucoup plus moderne que les élus et le législateur.

Nous savons tous que ce n’est pas une sanction pénale qui va empêcher le criminel d’abîmer l’environnement. J’ai été sensible aux propos tenus par notre rapporteur, à savoir qu’une répression crédible peut être un élément important pour les actionnaires d’une multinationale. La protection de notre environnement et de la biodiversité passe par l’élaboration d’une échelle des peines adaptée. Les exemples donnés par le rapporteur étaient tout à fait parlants.

La démocratie environnementale nous attend. Les demandes fusent de partout. Notre arsenal pénal doit être au niveau de ces exigences. Au regard de l’importance des enjeux, il nous faut agir au niveau international. Nous proposerons de poursuivre la réflexion au sein de l’Assemblée parlementaire franco‑allemande afin d’évoluer ensemble sur la question de l’écocide.

M. Dominique Potier. La doctrine ne cesse d’évoluer. Les droits humains et les droits environnementaux apparaissent de plus en plus comme une seule et même cause. L’écocide est une atteinte aux droits de l’homme. Je voudrais féliciter le rapporteur pour son initiative, inspirée de celle du sénateur Jérôme Durain, qui nous permet de traduire l’évolution de la doctrine.

Plusieurs remarques des collègues des groupes Les Républicains et La République en marche me rappellent les réserves exprimées lorsque nous avions bâti la loi n° 2017‑399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. L’absence d’une doctrine définie et le manque de référence législative ne nous ont pas freinés. Grâce à quelques amendements au cours de la procédure législative, nous avons aujourd’hui un texte bien établi – les premiers procès vont s’ouvrir bientôt – et qui prospère en Europe. Ne soyons pas timides ! La majorité doit se défaire de son réflexe consistant à rejeter presque tous les textes proposés en niche. Il faut engager un dialogue vertueux permettant de consolider juridiquement la proposition de loi, au fur et à mesure de la navette, et élaborer ensemble une loi solide pour être au rendez‑vous du XXIe siècle.

Mme Mathilde Panot. Je voudrais commencer par remercier les députés socialistes de mettre à l’ordre du jour le crime d’écocide. Nous soutiendrons évidemment cette proposition de loi, qui faisait d’ailleurs partie du programme L’Avenir en commun. Nous avons besoin d’un tel texte.

Si des mesures et des contraventions sont prévues pour répondre aux incivilités les plus communes et s’il existe des sanctions administratives à l’encontre de certaines entreprises coupables de délits polluants ou d’infractions réprimées par le code de l’environnement, il n’existe pour l’heure aucune réponse pénale adaptée à la criminalité environnementale industrielle. Les sanctions actuelles sont extrêmement faibles au vu des impacts sur l’écosystème, comme nous avons pu le vérifier récemment : après avoir reconnu avoir déversé de l’eau bétonnée dans la Seine, Vinci s’est vu infliger une amende de 375 000 euros. Ce n’est rien du tout au regard de l’essor du grand banditisme environnemental et de ses conséquences dramatiques. Selon un rapport d’Interpol, le braconnage, le trafic de déchets toxiques ou encore le commerce d’espèces protégées représenteraient entre 70 et 213 milliards de dollars, et le pillage de la nature est la première ressource des terroristes et des mafias – avant le trafic de drogue.

Nous devons inverser cette hiérarchie des normes qui subordonne la protection de l’environnement au principe de la libre concurrence. L’urgence écologique ramène l’espèce humaine à son statut d’espèce alors qu’a lieu la sixième extinction de masse des espèces. En trente ans, 80 % des insectes ont disparu en Europe. Or, sans eux, ce sont les rendements agricoles qui vont radicalement chuter, ainsi que l’annoncent les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). L’espèce humaine ne peut pas survivre sans un écosystème favorable. Les crimes commis aujourd’hui par les industriels mettent en péril la vie et la survie de l’espèce humaine.

La proposition de loi permet d’opérer une bifurcation écologique qui doit imposer le respect de l’environnement aux entreprises ainsi qu’à leurs filiales. Je ne peux m’empêcher de penser ici à l’accident de Bhopal, en 1984, lorsqu’une filiale d’Union Carbide Corporation avait explosé et produit un nuage toxique responsable de la mort de plusieurs milliers de personnes et de la maladie de 300 000 autres. Les sols avaient été empoisonnés pour une très longue période ; 20 000 personnes sont aujourd’hui encore exposées à de l’eau contaminée. En 1989, la filiale avait payé 470 millions de dollars, soit 715 euros par victime, mais aucune responsabilité pénale n’avait été imputée à la société mère. Nous pensons que la société mère doit avoir une responsabilité pénale. Dans le cas de l’accident de Bhopal, les systèmes de sécurité étaient tous défaillants ou en réparation.

Pour nous, la proposition de loi est plus que bienvenue : elle est nécessaire. Elle pose aussi la question de la police de l’environnement et des moyens donnés pour faire appliquer la loi, à l’heure où le ministère de la transition écologique et solidaire subit des coupes budgétaires telles que, depuis 2013, 13 250 équivalents temps plein ont été supprimés.

M. Stéphane Peu. À mon tour, je voudrais remercier le groupe socialiste et le rapporteur pour leur proposition de loi. Il me semble que nous avons affaire, depuis plusieurs décennies, à un grand paradoxe. La notion d’écocide est née au début des années 1970, au moment de la guerre du Vietnam, après l’utilisation massive par l’armée américaine de l’Agent orange, un défoliant chimique qui a eu des conséquences dramatiques pour la population et pour l’environnement – conséquences encore visibles aujourd’hui. À la suite du conflit, le droit international a évolué, notamment le droit de la guerre. En 1976, la convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (ENMOD) a exclu l’usage de toute arme pouvant avoir des conséquences irréversibles sur l’environnement. Au début des années 2000, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a qualifié de crime de guerre l’utilisation d’armes ayant des conséquences irréversibles sur l’environnement.

Ainsi, les atteintes irréversibles sur l’environnement sont punies en temps de guerre et non en temps de paix, ce qui est paradoxal et contraire même à la hiérarchie existant entre le droit de la guerre et le droit commun. Certains pays se sont dotés, dans leur législation nationale, d’un droit relatif à l’écocide – le Vietnam, entre autres. La proposition de loi vient utilement corriger ce paradoxe ; elle place notre droit à la hauteur des enjeux du XXIe siècle en matière d’environnement.

Nous saluons le fait que la proposition de loi soit plus précise et, partant, moins sujette à caution que celle discutée au Sénat il y a quelques mois. Néanmoins, la notion d’acte intentionnel peut être complexe à définir. Tout en soutenant votre proposition de loi, nous nous interrogeons sur l’intérêt qu’il aurait pu y avoir à dissocier l’écocide de l’écocrime, comme le trafic de déchets ou d’animaux, qui obéissent à des logiques typiquement mafieuses sans relever directement de l’écocide. Toujours est‑il que nous pensons que votre proposition de loi représente une formidable avancée. L’écocide doit devenir le cinquième crime contre la paix aux côtés du crime contre l’humanité, du crime de guerre, du génocide et du crime d’agression.

M. Paul Molac. La législation française est insuffisante sur plusieurs points. J’en donne pour exemple les amendes qui ne sont pas proportionnelles au chiffre d’affaires des entreprises, mais forfaitaires : elles sont ainsi dissuasives pour les petites sociétés, mais pas du tout pour les multinationales. Les sanctions administratives sont, à notre sens, également insuffisantes.

Vous avez parlé de la guerre du Vietnam : aucun préjudice économique n’avait alors été pris en compte. En Bretagne, en 1978, deux hommes politiques – Alphonse Arzel et Charles Josselin – sont allés réclamer justice à Chicago contre la société propriétaire de l’Amoco Cadiz. Le litige a duré vingt ans avant d’obtenir gain de cause. La somme obtenue ne correspondait environ qu’à la moitié de l’estimation du préjudice. Malheureusement, nous avons subi une seconde catastrophe, celle de l’Erika en 1999. Total a dû verser 200 millions d’euros pour un préjudice estimé à quelque 370 millions d’euros. Même si une telle somme est dissuasive, on voit bien qu’elle ne correspond pas aux dommages subis, qui sont également moraux. La Cour de cassation avait pris en compte le préjudice écologique, ce qui était une bonne chose.

Pour ce qui est de la proposition de loi, on peut s’interroger sur un problème de hiérarchie, qui mettrait l’écocide au niveau du crime contre l’humanité. Néanmoins, la catégorisation en crime me paraît importante dans la mesure où elle permet de franchir un cap. Je comprends les réserves de M. Didier Paris : il est gênant de placer l’écocide au même rang que l’Holocauste. Malgré tout, nous devons progresser pour tenir compte de la gravité réelle de tels crimes. Nous sommes engagés dans une guerre climatique. Le compte à rebours a été enclenché. Au lieu de rejeter la proposition, le mieux serait de l’amender pour la parfaire et nous permettre de progresser. La loi devrait montrer l’exemple au niveau international. En promulguant des lois avant les autres, certains pays entraînent dans leur sillage le reste de la communauté internationale. Les normes européennes finissent ainsi par s’aligner sur l’État-membre le mieux-disant.

Nous ne pouvons pas rester au milieu du gué. C’est pour cela que mon groupe proposera des amendements au cours de l’examen en séance publique afin de parvenir, autant que possible, à un compromis.

Mme Emmanuelle Ménard. En 2050, si la population mondiale poursuit sa croissance et si les modes de consommation et de production actuels ne changent pas, nous aurons besoin de deux planètes pour maintenir nos modes de vie. Il faut agir. Si nous sommes absolument convaincues, Mme Marie‑France Lorho et moi‑même, par le but recherché dans la proposition de loi, nous sommes en revanche plus que dubitatives quant aux moyens imaginés pour y parvenir. Vous souhaitez créer un nouveau crime, celui d’écocide. Or, l’arsenal juridique français est déjà armé contre les atteintes à l’environnement. Il conviendrait plutôt d’appliquer les sanctions prévues et, le cas échéant, de les renforcer. Arrêtons l’inflation législative et la logique de l’écologie punitive, qui montre ses limites depuis longtemps !

Le néologisme « écocide » renvoie, dans l’esprit des Français, au terme de « génocide ». Il ne me semble ni adéquat, ni judicieux, de mettre les atteintes à l’environnement sur le même plan que des génocides. Si graves que soient les dommages subis par notre planète, ce parallèle me semble indécent. Je ne me permettrai jamais de mettre la destruction de la forêt amazonienne au niveau de l’Holocauste. Pourtant, c’est, sans le dire, ce que voudrait faire votre texte. De même, lorsque vous souhaitez punir la provocation à commettre un écocide, cela me paraît disproportionné en comparaison, par exemple, de la provocation directe au terrorisme.

Vous poussez les choses très loin, jusqu’au principe de la compétence universelle pour l’écocide. C’est, en droit, la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu du crime et sans égard pour la nationalité des auteurs ou des victimes. Or, la France a une interprétation restrictive de cette compétence pour les crimes les plus graves – interprétation qui la met d’ailleurs quasiment en contradiction avec ses engagements internationaux. Il me semble que notre combat devrait plutôt être d’élargir les possibilités d’exercice de la compétence universelle de nos juges pour les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité avant d’imaginer la mettre en œuvre pour les atteintes à l’environnement.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas votre proposition de loi même si, je le répète, nous saluons votre objectif de protection de notre planète. Les grandes lignes de notre argumentation ayant été présentées, nous défendrons beaucoup plus succinctement nos amendements.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. J’entends les arguments avancés. Certains collègues ont évoqué la proposition de loi de M. Jérôme Durain au Sénat qui aurait mérité certains des reproches que vous nous avez adressés, notamment pour ce qui concerne le flou de sa définition. La qualification de « grave » avait ainsi suscité plusieurs questions des sénateurs. La définition que je vous propose, inspirée par les commentaires d’éminents juristes spécialisés dans le domaine de l’environnement, est, au contraire, très restrictive. Elle ne porte pas atteinte à l’aquarium de M. Savignat. (Sourires) Elle mentionne précisément l’intentionnalité de l’action et le caractère étendu, spatialement et temporellement, irréversible et irréparable de l’atteinte. Aucune confusion, aucun flou n’est possible !

Vous avez également évoqué un défaut de clarté. En ce qui concerne le droit de l’environnement, on est confronté à une difficulté que vous avez eu la pertinence de rappeler : trouver des éléments concernant les atteintes portées à l’environnement dans de nombreux codes – le code rural, le code de l’urbanisme, le code des collectivités territoriales, le code de l’environnement ou encore le code pénal. Par ailleurs, selon le professeur Laurent Neyret, le manque de visibilité et de lisibilité, voire d’efficacité et d’effectivité du droit pénal de l’environnement, trouve souvent sa source, assez paradoxalement, dans un excès de précision et de technicité. Dans le code pénal, le vol est défini comme « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Ma définition de l’écocide ne me paraît pas d’une telle imprécision.

Vous avez développé l’argument selon lequel nous serions incapables de définir l’écocide. Or, nous l’avons fait dans le code civil, à l’article 1247, en définissant le préjudice écologique. De la même façon, vous avez avancé que nous disposerions d’un arsenal juridique robuste, ce qui n’est pas le cas. Nombre d’amendes prévues pour des atteintes gravissimes ne sont pas à la hauteur des enjeux ; elles sont très peu dissuasives. Pour Vinci, qui a reconnu avoir déversé de l’eau bétonnée dans la Seine, l’amende de 375 000 euros n’avait rien de dissuasif. Reconnaître l’écocide permettrait de respecter la gradation des peines, mais aussi de dissuader de commettre des actes irréversibles, irréparables et étendus. Notre définition est extrêmement restrictive, ce qui justifie la rigueur du dispositif des peines.

Je vous entends également lorsque vous avancez qu’il faudrait agir au niveau international. La France, au sein des cénacles internationaux, ne se cache pas de porter l’étendard environnemental. On se souvient des échanges de l’été avec le Brésil autour de la forêt amazonienne, la France rappelant qu’elle était un pays amazonien et que nous étions directement concernés. On ne peut pas vouloir donner des leçons à la terre entière et refuser d’introduire dans notre code pénal une définition de l’écocide, qui tienne compte des débats actuels en droit de l’environnement.

On me dit d’attendre les conclusions des travaux en cours avant d’essayer de rendre le droit pénal de l’environnement cohérent. En vérité, nous avons déjà la matière pour cela. Ce qui manque, c’est le courage politique de l’inscrire dans notre droit. Soit on décide de tout attendre des juristes, soit on assume la responsabilité du législateur. Notre collègue Dominique Potier l’a rappelé : si l’on avait manqué de courage politique pour inscrire dans la loi le devoir de vigilance, on en serait encore à se donner des rendez-vous autour de belles formules.

Il ne s’agit pas d’une forme d’écologie punitive. Il y a une différence fondamentale entre ce que l’on a appelé ainsi et le fait de punir les actes les plus odieux contre la nature. Nous sommes légitimes à le faire. Dans le préambule de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, il est précisé que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation.

Par ailleurs, évitons les faux procès. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de mettre en parallèle l’Holocauste et l’écocide. Le quantum de peine est volontairement différent : vingt ans de réclusion d’un côté et la perpétuité de l’autre. Je vous invite tous à la prudence sur la question sémantique. Alors que nous sortons des états généraux sur le féminicide, il ne faudrait pas utiliser « écocide » pour le crime le plus élevé contre l’environnement ? Bien loin de moi l’idée de comparer l’écocide, le génocide et le féminicide ; néanmoins, cela n’empêche pas d’apporter, pour chacun de ces sujets, une réponse à la hauteur. Notre texte propose une définition restrictive : elle fait l’articulation entre une approche par le dommage ou par l’intention et elle tient compte d’un ensemble de débats actuels.

Ne faisons pas mine de découvrir la question de l’écocide, qui a été discutée récemment encore au niveau de la Cour pénale internationale. Un argument solide a été souligné par M. Stéphane Peu : ce qui est condamné en temps de guerre ne l’est pas en temps de paix. Les atteintes que connaît l’environnement de manière gravissime ont bien lieu en temps de paix. Il existe une attente très forte, non seulement dans l’opinion publique, mais aussi de la part de ceux qui considèrent que, pour enrayer les phénomènes que nous connaissons dans le domaine climatique et contenir une criminalité environnementale en pleine expansion, la France doit avoir le courage politique de se doter d’un texte de cette nature.

Pour conclure, je propose aux collègues qui sont intervenus pour indiquer qu’il fallait corriger le texte de le faire par voie d’amendement. Une proposition de loi n’est pas à prendre ou à laisser.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL16 de Mme Emmanuelle Ménard.

Titre IER
Des nouvelles incriminations pénales liées à l’Écocide

Article 1er (art. 413‑15 à 413‑19 [nouveaux] du code pénal) : Crime d’écocide et infractions associées

La Commission examine l’amendement CL17 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer l’article aux termes duquel le crime d’écocide devrait être commis en connaissance des conséquences. Ceci exclut notamment les catastrophes industrielles, qui ne sont pas toujours prévisibles.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement CL18 de Mme Emmanuelle Ménard.

La Commission examine l’amendement CL19 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Mme Ménard laisse entendre que la plupart des accidents sont de nature fortuite. Mais lorsque l’on décide de forer le sous‑sol pour l’extraction des produits miniers, les conséquences sont parfois de nature plutôt délibérées ; de même, quand on passe une rivière au mercure pour en recueillir l’or, les conséquences sur l’environnement ne sont pas accidentelles mais délibérées. C’est également la même chose lorsque l’on assèche une mer en coupant les fleuves qui l’alimentent. Avis défavorable.

M. Éric Diard. Est-ce que l’accident industriel relève de l’écocide et non, par exemple, le trafic organisé d’espèces sauvages ?

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Je vous remercie de m’offrir l’occasion d’apporter des précisions. L’accident industriel n’est pas concerné, étant donné que la définition comporte la notion d’intentionnalité. Quant au trafic d’animaux, il est intentionnel par nature et relève donc de l’écocide.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement CL12 de Mme MarieFrance Lorho.

Elle examine ensuite l’amendement CL20 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’atteinte à l’environnement pourrait être punie plus fortement que celle portée à un être humain. Une telle conception de la nature me semble disproportionnée.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Vous me prêtez des intentions que je n’ai pas. Le meurtre est puni de trente années de réclusion ; l’écocide serait puni de vingt ans.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL21 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à rétablir le principe de proportionnalité.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Je profite de l’occasion pour rappeler qu’une amende pénale n’est pas une indemnisation : il s’agit bien de punir un comportement répréhensible, pas d’en réparer les conséquences – ce qui est le rôle de l’action civile.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL22 de Mme Emmanuelle Ménard, CL15 de Mme MarieFrance Lorho et CL23 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle passe à l’examen de l’amendement CL24 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 19 pour mieux se conformer au principe de proportionnalité des peines.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Sur ce sujet, comme sur celui de l’inscription du principe du bien commun dans la Constitution, pour rééquilibrer le poids de la propriété privée ou de la liberté d’entreprise, les renvois systématiques à d’autres études ou d’autres colloques, au lieu d’entrer dans une logique de navette et de construction, sont assez irresponsables. Le rejet quasi-systématique de propositions constructives, vers lesquelles nous devrions converger, ne contribue pas à la définition d’un débat démocratique qui puisse apaiser notre société.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur Potier, vous étiez présent lors de l’adoption à l’unanimité de la précédente proposition de loi. Ne dites donc pas que les rejets seraient systématiques !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 (art. L. 2141‑1 du code de la commande publique) : Exclusion de plein droit des procédures de passation de marché public des personnes reconnues coupables d’une infraction instituée au précédent article

La Commission examine l’amendement CL25 de Mme Emmanuelle Ménard.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Exclure des passations de marché public une société qui sacrifie l’environnement à la recherche de la performance me semble parfaitement légitime. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 (art. 413‑20 et 413‑21 [nouveaux] du code pénal) : Délit d’imprudence caractérisée ayant contribué à la destruction grave d’un écosystème

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL11 de Mme MarieFrance Lorho puis l’amendement CL26 de Mme Emmanuelle Ménard.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 (art. L. 2141‑12 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté d’exclusion des procédures de passation de marché public des personnes reconnues coupables du délit institué au précédent article

La Commission examine l’amendement CL27 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à supprimer l’article. Un acheteur pourrait exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation pour écocide. Cela me semble contraire au droit à l’erreur défendu par la majorité.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Avant l’article 5

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL7 de Mme MarieFrance Lorho.

Titre II
De l’imprescriptibilité et de la compétence universelle applicable au crime d’Écocide

Chapitre premier
Dispositions modifiant le code pénal

Article 5 (art. 133‑2 du code pénal) : Imprescriptibilité de la peine réprimant un écocide

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression, CL28, de Mme Emmanuelle Ménard.

Puis elle rejette l’article 5.

Chapitre II
Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Article 6 (art. 7 du code de procédure pénale) : Imprescriptibilité de l’action publique contre l’écocide

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression, CL29, de Mme Emmanuelle Ménard.

Puis elle rejette l’article 6.

Article 7 (art. 689‑11‑1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Compétence universelle des juridictions françaises pour la répression de l’écocide

La Commission examine l’amendement CL30 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Aux termes de l’article 7, la France pourrait s’arroger, sur les crimes d’écocide, une compétence universelle, alors qu’elle en a une conception très restrictive. Il me paraît préférable de commencer par reconnaître la compétence universelle pour les crimes commis à l’encontre des hommes avant de l’envisager pour ceux qui frappent notre environnement.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. Nous avons besoin de ces dispositions pour sanctionner les crimes commis hors de toute juridiction, en haute mer, dans l’atmosphère et aux pôles. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 7.

Titre III
Du renforcement des sanctions nales environnementales

Article 8 (art. L. 173‑2 du code de l’environnement) : Aggravation des sanctions réprimant le manquement à une obligation de déclaration ou d’autorisation de travaux

La Commission rejette l’article 8.

Article 9 (art. L. 216‑6 du code de l’environnement) : Aggravation des sanctions réprimant la pollution des eaux et des milieux aquatiques et marins

La Commission rejette l’article 9.

Article 10 (art. L. 218‑48 du code de l’environnement) : Aggravation des sanctions réprimant les pollutions marines par des opérations d’immersion de déchets en mer

La Commission rejette l’article 10.

Article 11 (art. L. 331‑26 du code de l’environnement) : Aggravation des sanctions réprimant les activités irrégulières dans un parc national

La Commission rejette l’article 11.

Article 12 (art. l. 332‑25 du code de l’environnement) : Aggravation des sanctions réprimant les atteintes à l’environnement commises dans les réserves naturelles

La Commission rejette l’article 12.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n’y a pas lieu de la mettre aux voix dans son ensemble. Le débat aura lieu en séance publique sur le texte initial.

 

La réunion s’achève à 12 heures 20.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sarah El Haïry, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M Sébastien Jumel, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Pierre Person, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Dominique Potier, M. Bruno Questel, Mme Valérie Rabault, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Xavier Breton, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Philippe Gosselin, M. Aurélien Pradié, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - Mme Bérangère Abba, M. Paul Christophe, M. Jimmy Pahun, Mme Mathilde Panot, Mme George Pau-Langevin