Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Audition de M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, discussion générale et examen des articles du projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d’un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires (n° 3021)              2

 Information relative à la Commission.................2

 

 

 

 


Mardi
2 juin 2020

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 65

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
 

 


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La réunion débute à 17 heures 40.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, puis examine le projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d’un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires (n° 3021) (M. Guillaume Vuilletet, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce projet de loi a été déposé le mercredi 27 mai et il sera examiné en séance publique le vendredi 5 juin.

Nous avons le plaisir d’accueillir le ministre de l’Intérieur. Après son propos liminaire, je donnerai la parole au rapporteur et aux porte-paroles des groupes, pour cinq minutes chacun. Nous devons examiner une trentaine d’amendements.

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur. C’est un plaisir d’être parmi vous, au sein de la commission des Lois et dans cette salle de la commission des Finances où j’ai siégé durant cinq ans.

Chacun le sait, la crise sanitaire a eu de nombreuses conséquences. Elle a changé notre vie quotidienne, nos habitudes, et elle a aussi interrompu le cours d’un exercice démocratique important, celui des élections municipales.

Dans 30 143 communes, un conseil municipal complet a pu être désigné à l’issue du premier tour, le 15 mars, et la vie municipale a ainsi pu reprendre. Les nouveaux conseils municipaux, ainsi que leur maire et leur exécutif se sont installés il y a quelques jours. Dès que les conditions sanitaires l’ont permis, le Gouvernement – je crois que c’est aussi ce que souhaitent les parlementaires – a voulu aller vite pour les accompagner. Il s’agit d’une bonne nouvelle, d’un pas symbolique supplémentaire dans le retour à une vie normale, mais ces élus sont aussi autant d’acteurs avec lesquels nous travaillons pour réussir le déconfinement. Nous savons que nous pouvons compter sur eux, nouveaux ou anciens élus à nouveau légitimés par le suffrage. Les communes concernées peuvent ainsi reprendre leurs projets locaux et les investissements si nécessaires à notre pays et à nos concitoyens.

Toutefois, le processus électoral ayant été interrompu pour 4 855 communes et 16,5 millions d’électeurs, notamment des grandes villes, un second tour sera nécessaire.

Lors de l’examen du projet de loi d’urgence sanitaire du 23 mars dernier, vous avez déjà eu l’occasion de discuter des modalités de son organisation. Deux cas de figure avaient été présentés : sur le fondement des recommandations du conseil scientifique, soit les conditions sanitaires permettaient l’organisation d’un second tour d’ici la fin du mois de juin et le conseil des ministres pouvait procéder à la convocation des électeurs, soit ce n’était pas le cas et il fallait reprendre les opérations électorales à zéro dans les communes concernées.

Le 18 mai, le conseil scientifique a rendu son avis. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons consulté les élus et les responsables des partis politiques pour connaître leur sentiment. Là encore, sur le fondement des recommandations du conseil scientifique et à partir de toutes les consultations que nous avons menées, nous avons pris la décision de convoquer les électeurs pour un second tour de scrutin le 28 juin. Mercredi dernier, j’ai présenté en conseil des ministres deux décrets en ce sens.

C’était une décision lourde, qui n’a pas fait l’objet d’un consensus de l’ensemble des partis politiques même si une majorité y était favorable. L’opinion de ceux qui en ont contesté le principe est aussi légitime que celle de chacun d’entre nous mais le Gouvernement estime avoir pris une décision responsable, qui s’accompagne d’un certain nombre d’aménagements pour que la campagne et le scrutin se déroulent dans le respect des règles sanitaires.

C’était également une décision prudente car elle est réversible. Si, dans les jours qui viennent, le conseil scientifique estime que le contexte sanitaire n’est plus compatible avec le déroulement de la campagne et du scrutin, la tenue du second tour serait alors annulée et les élections municipales reportées pour les communes n’ayant pas encore installé leur conseil municipal.

Je me suis trouvé dans une situation un peu paradoxale au conseil des ministres puisque, d’une part, j’ai présenté un décret convoquant les électeurs pour le 28 juin, d’autre part, j’ai présenté le texte dont nous allons discuter, qui nous permet de parer à toutes les éventualités.

Ce projet de loi permet donc d’annuler la tenue du second tour le 28 juin, ainsi que les résultats du premier tour – sauf pour les candidats élus à cette occasion – et d’organiser un nouveau scrutin à deux tours, au plus tard au mois de janvier 2021 dans toutes les communes ou secteurs concernés. Dans les communes qui comptent moins de 1 000 habitants, où une partie du conseil municipal a été élu dès le premier tour, ces deux tours ne porteraient que sur les sièges vacants.

Ensuite, et c’est important, ce texte permet à la vie locale de se poursuivre. Ainsi, il proroge à nouveau, dans les communes où le premier tour n’a pas été conclusif, le mandat des conseillers sortants, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants dont le conseil municipal n’a été que partiellement élu.

Dans ce cas particulier, les conseillers élus au premier tour n’entreront en fonction que lorsque le conseil municipal aura été entièrement renouvelé. De même, l’entrée en fonction des conseillers d’arrondissement de Paris élus dès le premier tour du 15 mars est reportée jusqu’à celle des autres élus parisiens.

Par ailleurs, nous savons tous combien les EPCI sont essentiels dans la conduite des politiques locales. Le projet prévoit donc leurs modalités de fonctionnement pendant cette période transitoire.

Enfin, ce texte clôt le cycle électoral en cours en permettant le remboursement des frais de campagne des listes candidates aux élections des 15 et 22 mars ainsi que du 28 juin. Dans l’hypothèse de leur annulation, toutes les dépenses engagées par les candidats doivent évidemment être intégrées dans les comptes de campagne et, dans les communes de plus de 9 000 habitants, remboursées. Par ailleurs, dans cette même hypothèse, le report des élections sénatoriales prévues en septembre 2020 serait nécessaire. C’est l’objet du projet de loi organique que j’ai également présenté en conseil des ministres la semaine dernière.

Comme le conseil scientifique nous y a encouragés, le contexte sanitaire particulier que nous connaissons nous conduira à prendre des mesures pour aménager les règles de la campagne électorale et celles relatives au vote proprement dit. Des décrets et des circulaires sont en préparation.

En ce qui concerne la campagne électorale, il conviendra d’assurer une offre gratuite d’hébergement des professions de foi qui ont été validées par la commission de propagande électorale, de rendre possible l’apposition d’une deuxième affiche électorale et d’assurer la prise en charge des frais d’impression par l’État. Pour la tenue de l’élection à proprement parler, nous assouplirons le régime des procurations. Les délégués d’officier de police judiciaire pourront davantage se déplacer et ils pourront recueillir des procurations dans différents lieux ouverts au public. La nécessité d'un motif pour établir une procuration sera supprimée.

En tenant compte une fois de plus des préconisations du conseil scientifique, cela nous permettra d’adresser aux maires et aux présidents des bureaux de vote des recommandations pour l’organisation des bureaux et le dépouillement mais, aussi, de prendre en charge les dispositifs de protection sanitaire des électeurs et des personnes participant à la tenue des bureaux.

Si des initiatives législatives devaient être prises pour compléter ce dispositif, le projet de loi dont nous discutons, sur lequel l’urgence est déclarée, constitue à notre avis le vecteur adéquat.

Ce texte est ainsi celui de la prudence et de la responsabilité, en ce qu’il permet un éventuel report des élections municipales dans 4 855 communes – ce que personne ici ne souhaite, me semble-t-il. Toutefois, il comporte également un second volet important concernant les élections consulaires.

Ces dernières auraient dû se tenir les 16 et 17 mai derniers, or, ce n’était pas possible compte tenu de la situation sanitaire et des réponses différentes apportées par chaque État pour y faire face. La loi du 23 mars a par conséquent suspendu l’organisation de ce scrutin jusqu’en juin et prorogé le mandat des élus consulaires.

Nous avons également suivi l’avis du conseil scientifique s’agissant de ces élections. Selon lui, l’état mondial de la pandémie ne permet pas l’organisation de ce scrutin à cette échéance dans de bonnes conditions. Le texte propose donc qu’elles se déroulent en mai 2021 et de proroger les mandats des conseillers en place. Il prévoit aussi de maintenir les élections consulaires suivantes en 2026 pour garder la cohérence d’ensemble de nos calendriers électoraux.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est nécessaire. Il permet partout en France que la vie locale, indispensable à la relance de notre pays, reprenne ses droits.

Anticiper, prévoir : c’est le sens de notre engagement et de ce texte, même s’il est un peu paradoxal : il doit nous permettre de stabiliser la situation pour les élections consulaires et d’anticiper un risque épidémique éventuel que, bien entendu, personne ne souhaite, aucun indicateur ne le laissant d’ailleurs présager.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Nous sommes à un moment particulier de la lutte contre l’épidémie puisque nous avons entamé la phase 2 du déconfinement et que nous devons à la fois reprendre le cours de nos activités sociales et économiques et continuer à faire preuve de prudence en appliquant les gestes barrières et la distanciation physique. Cette étape est donc particulièrement sensible et suscite de nombreuses questions et attentes de nos concitoyens et des élus, fortement investis dans la gestion de la crise.

Nous avons une responsabilité importante puisqu’il nous revient de décider ce qu’il sera possible de faire pendant les prochaines semaines dans un contexte épidémiologique incertain.

La décision d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin prochain est à mon sens emblématique de cette situation. Nous considérons en effet pour plusieurs raisons qu’il est nécessaire de poursuivre les opérations électorales.

Malgré le début de la crise sanitaire, les résultats du premier tour ont montré combien les Français sont attachés à ce scrutin local si particulier dans notre vie démocratique. Ils ont ainsi commencé à désigner leurs élus de proximité et peut-être importe-t-il encore davantage en cette période de respecter l’expression de leurs suffrages.

Par ailleurs, ces élus locaux sont des élus de terrain, du quotidien, ceux qui peuvent répondre aux questions, parfois aux inquiétudes, et qui accompagnent la reprise progressive des activités locales.

Je considère, à titre personnel, que cette décision était la bonne, compte tenu du l’avis du conseil scientifique et de ses recommandations sanitaires pour la bonne organisation de la campagne et du vote. Elle était également nécessaire en raison d’une économie locale très largement dépendante de l’action publique et qui méritait de pouvoir repartir – je pense, en particulier, au secteur du bâtiment.

Nous devons toutefois rester prudents, comme nous y invite le conseil mais aussi la communauté scientifique et nos soignants. Je pense aussi aux Français qui ne souhaitent pas revivre une période de confinement en cas de deuxième vague.

Ce projet de loi et le projet de loi organique déposé concomitamment au Sénat sont donc nécessaires pour sécuriser l’organisation des opérations de vote permettant de clore la période des élections municipales. Il s’agit d’établir les conditions dans lesquelles un éventuel nouveau scrutin devrait être organisé en janvier prochain dans les quelques 5 000 communes qui n’ont pas intégralement renouvelé leur conseil municipal lors du premier tour du 15 mars dernier. Je ne reviens pas sur le détail des mesures proposées puisque vous les avez très largement présentées, Monsieur le ministre.

Il m’apparaît en revanche nécessaire de clarifier les dispositions que nous nous apprêtons à examiner. J’ai ainsi déposé un amendement visant à rappeler en préalable que ces dernières n’ont vocation à s’appliquer que si le scrutin de juin prochain ne peut avoir lieu du fait de l’évolution sanitaire. C’est en cas d’une évolution sanitaire défavorable que les dispositions qui suivent devront être appliquées. C’est peut-être là une manière de résoudre le paradoxe que vous avez soulevé puisque ce texte ne s’appliquera peut-être pas.

Le report des élections consulaires devra, quant à lui, être conservé car nous ne pouvons anticiper ce que sera la situation sanitaire mondiale comme nous l’avons fait au plan national.

Je souhaiterais, à présent, vous poser deux questions.

La première concerne la possibilité d’utiliser une double procuration pour le scrutin du 28 juin – il s’agirait, par exemple, pour un mandataire, de pouvoir voter pour ses deux parents âgés en leur évitant ainsi de se déplacer ou de prendre des risques. Je sais que notre assemblée n’est pas la seule à se préoccuper de cette situation. Je tiens à cet égard à saluer le travail des sénateurs, en particulier des présidents Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille. Je souhaite donc avoir votre avis : si nous adoptons ce texte rapidement – c’est l’objectif – et s’il prévoit la possibilité d’une double procuration, comme nous le souhaitons, pensez-vous pouvoir mettre en œuvre rapidement les dispositions réglementaires et la communication nécessaires pour que les électeurs puissent s’en saisir ?

Ma seconde question porte sur les conseils municipaux des villes de moins de 1 000 habitants qui n’ont pas été intégralement renouvelés lors du premier tour de scrutin. Le Gouvernement a choisi le maintien des équipes en place jusqu’en janvier prochain si l’hypothèse d’une nouvelle consultation se vérifiait. Une autre possibilité aurait été l’installation d’un exécutif provisoire, comme le défendent nos collègues Les Républicains dans un amendement à venir. Dans ce cas, un nouvel exécutif serait désigné à l’issue définitive du scrutin. À titre personnel, je pense que les citoyens peuvent difficilement accepter une instabilité des exécutifs mais quels sont les retours du terrain dont vous disposez sur la façon dont les choses se passent dans ces communes ? Qu’en est-il des discussions entre les élus dont le mandat est prorogé et ceux nouvellement élus, qui attendent de prendre leurs fonctions ? J’imagine que les situations sont très différentes selon les territoires et peut-être pourrez-vous en donner quelques exemples.

Quoi qu’il en soit, nos débats devraient se dérouler sereinement car nous sommes tous convaincus qu’il faut aboutir rapidement et que le scrutin doit se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Nos travaux doivent permettre de ne pas avoir à légiférer à nouveau mais souhaitons surtout que les élections se déroulent bien le 28 juin !

M. Sacha Houlié. Je vous remercie de votre présence en commission, monsieur le ministre, pour l’examen de ce texte visant à reporter éventuellement le second tour des élections municipales, lequel a déjà été reporté puisqu’il devait avoir lieu le 22 mars.

Il vise à tirer les conclusions de l’avis du conseil scientifique dont celui-ci fera part quinze jours avant le scrutin qui pourrait conclure que la date de report arrêtée par le Premier ministre – le 28 juin – ne peut être respectée en raison d’une dégradation du contexte sanitaire et d’une seconde vague de covid-19.

Si la décision appartiendra in fine au Gouvernement, il convient de prévoir les dispositions législatives permettant d’en tirer les conclusions, comme en disposent les articles 1er à 3 du texte.

La situation est inconfortable pour le Parlement puisqu’il s’agit de légiférer en quelque sorte à l’aveugle et que tout est possible.

L’éventuelle annulation du second tour est donc prévue, les résultats du premier tour étant quant à eux garantis pour les candidats élus, comme c’était déjà le cas dans le cadre de la loi du 23 mars dernier. Le texte prévoit également la fixation de l’organisation d’un nouveau scrutin au plus tard en janvier 2021, conformément à l’avis du Conseil d’État sur la loi relative à l’d’état d’urgence sanitaire. Se poseraient alors des questions sur le début de la campagne, les seuils de remboursement, la prorogation du mandat des élus non renouvelés – qu’il s’agisse des conseils municipaux, des conseils métropolitains ou des EPCI –, de la suspension de toute élection partielle, de la clôture de la campagne et de son remboursement.

Pour clarifier les dispositions proposées, notamment pour nos concitoyens et pour les élus locaux qui devront appliquer le texte, le groupe La République en Marche soutient la proposition du rapporteur visant à « remettre le texte à l’endroit » en disposant d’emblée que l’élection doit avoir lieu normalement le 28 juin, sauf décision contraire du Gouvernement entraînant de facto l’application de ce projet.

Au nom de notre groupe, je souhaite adresser trois messages au Gouvernement.

Le premier est notre souhait de voir adopté un amendement sur la double procuration car le déplacement dans un bureau de vote peut présenter des risques pour certains publics, l’état d’urgence étant quant à lui prolongé jusqu’au 10 juillet.

Le deuxième consiste à appeler le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour proroger les procurations établies au premier tour et assurer ainsi une plus grande facilité d’expression à travers des modalités relevant du pouvoir réglementaire et visant à faciliter leur établissement : le premier tour a montré en effet que la participation n’a pas été à la hauteur de nos attentes. La loi, par ailleurs, devrait indiquer comment agir face à un foyer épidémique dans telle ou telle ville. Si le second tour n’y est pas possible, comment réagirons-nous, de manière à éviter une annulation globale ?

Le troisième expose nos refus. Nous sommes opposés au vote électronique, qui n’est pas sécurisé et qui n’est pas applicable dans des délais aussi brefs. Nous considérons également que l’exercice du droit de vote est un acte civique et qu’il faut se déplacer. Nous sommes aussi opposés au vote par correspondance en raison de son coût – 80 millions –, de la lourdeur de son organisation et des risques possibles de fraude ; qui plus est, il impliquerait de se déplacer au bureau de poste comme on se rend au bureau de vote et, comme tel, ne remplacerait pas utilement ce dernier.

Vous l’aurez compris, notre groupe soutiendra la volonté du Gouvernement de reporter également les élections consulaires compte tenu de la méconnaissance de l’évolution mondiale de l’épidémie. Nous aménagerons ce qui peut l’être, en proposant que ces élections se tiennent « au plus tard » en mai 2021.

Nous sommes tous pressés de pouvoir clore cette séquence électorale dans les meilleures conditions possibles pour les candidats comme pour les électeurs.

M. Raphaël Schellenberger. Ne nous leurrons pas : il ne faudrait pas que ce texte, qui se justifie par une éventuelle annulation du second tour, cache la mascarade du premier tour. Le jeudi qui a précédé sa tenue, le Président de la République prenait la parole pour dédramatiser la situation et deux jours après, le Premier ministre invitait presque tous les Français à rester chez eux alors que les élections se déroulaient le lendemain.

Ce n’est pas parce qu’à plus de trois semaines du deuxième tour nous travaillons à partir d’hypothèses concernant la situation sanitaire que ces élections ont été gérées d’une manière démocratiquement acceptable : la totalité des communes françaises, la veille du premier tour, a subi le contrecoup des annonces du Premier ministre, responsables de l’effondrement de la participation et des doutes sur la sincérité du scrutin.

Au premier jour de la phase 2 du déconfinement, les bars et les restaurants ont rouvert, et c’est tant mieux, mais on laisse entendre qu’il serait manifestement plus dangereux d’aller voter que de boire un verre à une terrasse ! On laisse ainsi se développer un climat anxiogène qui ne devrait pas servir à masquer le rejet massif dont vous faites l’objet de la part de la population.

Le flou demeure, avec des hypothèses sur les régimes transitoires – je pense aux intercommunalités –, sur la campagne électorale – la première semaine se déroulera sans que l’on sache si le second tour aura effectivement lieu ! Bon courage aux équipes de campagne pour essayer d’expliquer tout cela à des citoyens qui veulent s’exprimer sur des projets municipaux ! Par ailleurs, les partis politiques jouent un rôle constitutionnel et il ne faudrait pas que ce texte l’affaiblisse.

Le titre du projet, qui est bien brouillon, s’étale sur deux lignes : là encore, bon courage à qui essaiera de le lire d’une traite sans reprendre sa respiration !

En outre, le texte ne mentionne pas que si le second tour ne pouvait pas avoir lieu le 28 juin, il devrait se tenir le plus vite possible. Or, c’est cela qui est en jeu : même si des élections doivent être réorganisées, elles doivent avoir lieu le plus rapidement possible, ne serait-ce que pour assurer le bon fonctionnement des intercommunalités de qui dépend une part très importante de la commande publique. Celle-ci est à l’arrêt alors que nous en avons grandement besoin pour relancer notre économie. Toutes les entreprises attendent que les élus s’installent et si les intercommunalités ne sont pas légitimées faute de disposer d’une seule instance politique claire au sein de leur organe délibérant ou de leur exécutif, la relance en pâtira.

Enfin, nous regrettons que ce texte ne propose rien pour faciliter le vote. Nous avons certes un peu parlé des procurations mais, madame la présidente, l’amendement que nous avons déposé concernant la double procuration a été jugé irrecevable ! Notre amendement concernant le vote par correspondance a subi le même sort alors que vous venez de dire, monsieur le ministre, que ce texte était le bon vecteur législatif. La présidente de la commission des Lois peut-elle revoir sa position ? Sinon, est-ce vraiment le bon véhicule ? Ne risque-t-il pas une sortie de route législative ? Si, entretemps, le second tour est effectivement possible, ce texte sera caduc. La question des procurations et du vote par correspondance relève-t-elle donc de ce texte ou d’un autre ? Quoi qu’il en soit, si l’élection a bien lieu le 28 juin, il faut absolument faciliter l’accès au vote. Telle est la position du groupe Les Républicains.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’est pas parce que nous sommes dans la salle de la commission des Finances que je me substitue à son président, qui a jugé vos amendements relatifs au vote par correspondance irrecevables au titre de l’article 40, car ils créent une charge.

J’ai quant moi déclaré recevables ceux qui concernent la double procuration mais je crois que vous avez présenté un amendement abordant les deux sujets, y compris le vote par correspondance, raison pour laquelle il a été déclaré globalement irrecevable.

M. Frédéric Petit. Le groupe Modem et apparentés estime souhaitable que l’élection ait lieu le 28 juin. Nous soutenons l’amendement CL24 et le sous‑amendement CL35 de nos collègues du groupe de La République en marche et présenterons un amendement relatif à la double procuration, afin de faciliter l’élection. Si elle ne devait pas avoir lieu le 28 juin, nous devrions réfléchir au vote par correspondance, qui existe depuis longtemps pour les Français de l’étranger et que j’encourage pour les élections nationales.

Les élus locaux à l’étranger ont été exemplaires dans la gestion de la crise. Ne l’oublions pas, lorsque nous réviserons leur statut. Ils ont apporté une aide fondamentale, notamment pour les rapatriements. Il ne me semble pas judicieux de préciser que les élections consulaires auront lieu au plus tard en mai. C’est une élection compliquée, dans cent trente circonscriptions sur toute la planète. Mieux vaut fixer clairement l’élection en mai, afin d’éviter toute incertitude, sachant que l’instabilité sanitaire est multipliée par cent trente, mais aussi que les listes elles‑mêmes sont instables, certains Français ne sachant s’ils vont rester dans des pays où ils se trouvent en difficulté.

Mme George Pau-Langevin. Si l’épidémie semble se calmer, il n’est pas impossible qu’une deuxième vague surgisse et que les élections doivent être reportées. Conformément à l’avis du Conseil d’État qui dispose que le report doit être encadré dans le temps, nous entendons qu’il faille prévoir ce cas. Le mandat des conseillers municipaux et communautaires serait prorogé, y compris dans les communes de moins de mille habitants. Nous entérinons également le report des élections consulaires en mai 2021.

Le texte est une solution de secours. Le groupe Socialistes et apparentés a bien compris que nous allions devoir vivre avec le covid‑19 encore un certain temps, en l’absence de traitement et de vaccin. La vie doit donc reprendre, afin d’éviter que les conséquences collatérales d’un confinement prolongé ne viennent alourdir le bilan humain, économique et social déjà lourd. La paralysie qu’ont connue les collectivités locales retarde la reprise, qui repose souvent sur l’investissement public. L’enjeu est de retrouver l’activité la plus normale possible, en maîtrisant au mieux la diffusion du virus. Le deuxième tour du scrutin municipal ne doit, bien évidemment, avoir lieu que si les conditions sanitaires sont réunies. Aussi ce texte conservatoire permet‑il son annulation si le comité scientifique émettait des réserves sérieuses.

Le groupe socialiste n’a ainsi pas d’objection majeure à formuler. Il regrette néanmoins que la pratique des procurations ne soit pas facilitée.

M. Thierry Benoit. Pour avoir représenté le président Jean‑Christophe Lagarde à une réunion à Matignon au début du mois de mars, je peux vous affirmer qu’aucun représentant des groupes politiques de notre assemblée n’avait suggéré de reporter le premier tour des élections municipales. À dix jours de l’échéance, personne n’imaginait la gravité de la situation. Les élus du premier tour sont désormais installés, ce qui est une bonne chose, parce que nous avons besoin d’eux, tout comme des futurs élus des 5 000 communes concernées par les dispositions du présent texte.

Ce dernier pourrait également proposer des mesures utiles dès le 28 juin. C’est pourquoi notre groupe a déposé un amendement, afin que le remboursement forfaitaire de la part de l’État des dépenses électorales engagées pour le premier tour du 15 mars 2020 intervienne au plus tard un mois après la validation des comptes. Concernant les procurations, nous estimons que l’état d’urgence sanitaire doit constituer en soi un motif pour y recourir. Nous avons également déposé un amendement visant à faire bénéficier un mandataire de deux procurations, de sorte à soutenir la participation. Les élus locaux ont en effet un rôle déterminant à jouer dans le déconfinement et le processus de reprise économique et il convient que cette élection se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Notre groupe a donc un a priori favorable au projet de loi.

Mme Sylvia Pinel. Alors que plusieurs scenarii ont été avancés ces dernières semaines concernant la tenue du second tour, la situation est loin d’être satisfaisante d’un point de vue démocratique, concernant la gouvernance des collectivités territoriales. La décision du Gouvernement de maintenir le premier tour des élections et de reporter le second a créé un imbroglio politique et juridique unique en son genre. Il vous a fallu imaginer un mode de fonctionnement provisoire des collectivités, qui a pu créer des frustrations, des incompréhensions ou des freins dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences.

Le 28 juin, le second tour se tiendra si la situation sanitaire le permet. Mais qu’en sera‑t‑il de la sincérité du scrutin ? Le conseil scientifique nous a paru très prudent sur les effets de la campagne au regard de la propagation du virus et, par ricochet, sur le scrutin. Même s’il a déclaré que le scrutin pouvait se tenir, il a appelé l’attention sur les conséquences d’une multiplication des contacts sociaux, notamment à l’occasion de la campagne. Est‑il dès lors responsable d’acter le second tour aussi rapidement ? Ne valait‑il pas mieux attendre septembre ? Difficile d’avoir des certitudes.

Nous regrettons que le vote électronique et le vote par correspondance ne soient pas envisagés. Par ailleurs, quel assouplissement du dispositif des procurations pourrait être mis en place ? Enfin, comment entendez‑vous favoriser le respect des règles sanitaires pendant la campagne ?

Nous sommes conscients de la nécessité d’anticiper le report des élections, si le second tour ne pouvait se tenir le 28 juin. L’esprit de responsabilité qui nous anime doit être guidé par la volonté de redonner confiance à nos concitoyens dans notre démocratie. Les Français ont l’impression d’être en partie dépossédés de leur droit de choisir leurs représentants, et les candidats de leur droit de faire campagne et de convaincre. Il est temps de tourner la page d’une période qui a porté atteinte à de nombreux droits et d’en finir avec cet entre‑deux. Notre groupe ne s’opposera pas au texte que vous présentez.

M. Christophe Euzet. On peut toujours ressasser des débats éculés sur les conditions d’organisation du premier tour et faire de la polémique ; mais aujourd’hui tout le monde est content de voir la démocratie locale redémarrer et, avec elle, la commande publique – les élus locaux réclament d’ailleurs plus de souplesse à l’administration sur ce sujet. Si les élections se tiendront dans des conditions particulières, elles me semblent compatibles avec l’exigence de sincérité du scrutin. Envisager leur annulation relève du bon sens juridique si les conditions sanitaires n’étaient pas réunies et prouve la responsabilité du Gouvernement. Le Conseil d’État a constaté la complexité de la situation, étant donné que certaines dispositions ont vocation à s’appliquer et d’autres non selon l’évolution de la situation. Il a également regretté le choix de modifier le dispositif d’urgence partiellement obsolète que nous avons adopté en mars dernier, qui complique, à certains égards, le travail d’amendement des parlementaires – un avis que je ne partage pas.

Le texte tire les conséquences de la situation sanitaire et prévoit l’hypothèse d’un nouveau report. Le report des élections consulaires est, quant à lui, acquis, tout comme la programmation des élections en Nouvelle‑Calédonie et en Polynésie, où le risque sanitaire est très modéré. Il prévoit d’autres mesures qui s’imposeraient logiquement en cas de report. Notre groupe a toutefois relevé une possible contradiction entre le désir de mobiliser fortement la commande publique et le déficit de légitimité des exécutifs provisoires qui pourraient être mis en place dans les EPCI. Toutefois, nous voterons ce texte de bon sens, étroitement corrélé à la loi d’urgence du 23 mars.

M. Éric Diard. Ma voix diffère un peu de celle de la majorité de mon groupe, même si je me réjouis de l’installation des 30 000 conseils municipaux. La poursuite des opérations électorale était réclamée par les élus, mais elle n’intéresse pas particulièrement les Français, en pleine crise sanitaire et économique. La fin du mois de septembre me semblait plus propice, étant donné que l’état d’urgence sanitaire se prolonge au moins jusqu’au 10 juillet. Je m’inquiète de la sincérité du scrutin, alors qu’il y aura eu plus de trois mois d’écart entre les deux tours. Organiser le second tour au mois de juin ressemble à une partie de poker. Mais maintenant que les cartes sont distribuées, je souhaite que la partie aille jusqu’au bout.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à la double procuration pour un mandataire résidant dans une même commune.

S’agissant de savoir si ce projet de loi est le bon véhicule législatif, je rappelle qu’une proposition de loi sur les procurations est examinée en ce moment au Sénat. Néanmoins, étant donné que l’urgence n’a pas été déclarée sur ce texte et qu’un vote conforme par l’Assemblée nationale est peu probable, les dispositions proposées ne pourront pas entrer en vigueur à temps, alors que ce texte nous permettra d’être rapides et efficaces sur cette question.

Très peu de cas de tensions autour du maintien des exécutifs en place nous ayant été rapportés, ce n’est pas le critère qui a motivé la tenue des élections au mois de juin.

En ce qui concerne l’ajout du préambule définissant le 28 juin comme date des élections, rappelons que le décret de convocation a été adopté. La logique n’est pas celle du stop and go : le second tour aura lieu le 28 juin, sauf si le Conseil scientifique décide, quinze jours auparavant, que la situation sanitaire ne le permet pas. Il suffirait alors d’un décret en conseil des ministres pour annuler le scrutin. L’échéance est donc bel et bien celle du 28 juin. Méfions‑nous, en voulant bien faire, de complexifier et de rigidifier l’application des textes, comme cela a été le cas avec la loi d’urgence du 23 mars. On me reproche ainsi la date de dépôt des listes au 2 juin, alors que le Gouvernement souhaitait conserver l’échéance habituelle, soit le mardi précédant l’élection.

La durée de validité des procurations enregistrées pour le premier tour sera bien prolongée. Des amendements seront discutés dans quelques instants sur la double procuration.

Mon ministère prendra en charge le coût de toutes les contraintes sanitaires, pendant la campagne et le jour de l’élection, qu’il s’agisse des masques, du gel hydroalcoolique ou des panneaux en plexiglas.

La question des clusters se pose pour certains territoires. La jurisprudence montre que, par simple arrêté préfectoral, nous pouvons annuler une élection sur une partie du territoire, en cas de circonstances exceptionnelles – séisme ou glissement de terrain, par exemple. Nous pouvons sécuriser, par décret, ce dispositif juridique de report ciblé, même si nous ne l’avons pas prévu dans le texte. Nous pouvons également envisager un amendement en séance afin de le fixer dans la loi.

En vous écoutant parler de la mascarade du premier tour, monsieur Schellenberger, je relisais une excellente interview d’Éric Ciotti dans Le Journal du dimanche, le jour de l’élection, qui montre que nos certitudes sont toujours relatives et qu’il est toujours plus facile de commenter des faits a posteriori

De même, madame Pinel, nous aurions créé une situation unique en son genre. Mais la gestion mondiale de la pandémie est également assez unique en son genre, et les décisions que nous avons dû prendre aussi.

Je note la démarche de M. Petit sur le vote par correspondance. Quand nous avons rencontré les partis politiques, beaucoup ont dit qu’il fallait tout étudier mais qu’il n’était pas sain d’apporter trop vite des modifications substantielles aux modalités du vote. Qui plus est, il y a un risque de créer un mode d’élection fondamentalement différent entre le premier et le second tour. Si le vote par correspondance ne pourra pas être discuté dans le cadre de ce texte, je suis favorable à la création d’un groupe de réflexion pour en examiner les modalités, tout comme pour le vote électronique, qui, dès lors que nous disposerons d’une solution d’identité numérique sécurisée, ce qui est notre objectif à moyen terme, doit pouvoir également être étudié.

Compte tenu des délais contraints, mais aussi du coût qui a conduit à l’irrecevabilité de l’amendement sur le vote par correspondance, et du fait que, pour obtenir le suivi du courrier qui serait renvoyé avec le bulletin de vote, il faut de toute façon se présenter au bureau de poste, donc y avoir un contact physique, il faudra ouvrir ce chantier de réflexion.

Je partage les remarques de M. Petit sur les élections consulaires qui sont très différentes des élections au niveau local.

Mme Pau-Langevin a exprimé un regret sur les procurations mais j’espère que le débat permettra d’aborder ce sujet. Nous sommes d’avis que la situation sanitaire devrait être une cause suffisante pour délivrer des procurations. Nous modifierons le texte par décret pour que la cause de la demande de procuration soit supprimée et que toute demande soit permise sur le simple fait que les personnes en font la démarche. Je rappelle aussi que, grâce aux délégués des OPJ, nous souhaitons assouplir les démarches pour obtenir une procuration.

Sur le remboursement des comptes de campagne du premier tour, de mémoire, les comptes du premier et du second tour ne sont pas distingués. Il faut que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques contrôle le premier tour avant d’en permettre le remboursement. Toutefois, je prends l’engagement de procéder au plus vite au remboursement, dès que les comptes seront apurés, afin de tenir compte de difficultés de trésorerie des candidats que je comprends parfaitement.

J’ai évoqué, madame Pinel, le caractère unique de la situation actuelle et du débat politique, ainsi que l’assouplissement du vote par procuration. Pour les modalités de la campagne électorale, nous rédigerons une circulaire qui reprendra toutes les préconisations du conseil scientifique pour son bon déroulement.

Une question que nous n’avons pas encore totalement tranchée, techniquement, est celle des réunions publiques. En zone verte, le décret publié hier désigne les établissements pouvant recevoir du public, dans certaines conditions sanitaires. C’est un peu plus délicat en zone orange, donc en Île-de-France, mais l’article 3 de ce décret prévoit que le préfet puisse, pour les actions liées à l’intérêt national, autoriser ponctuellement des réunions publiques. Nous sommes en train d’examiner comment permettre ces réunions de la façon la plus souple possible, en s’appuyant évidemment sur la responsabilité des organisateurs. Nous transmettrons une instruction aux préfets et une note aux candidats à cette fin.

J’ai répondu à M. Euzet. Enfin, je note la réserve de M. Diard quant à la tenue de l’élection le 28 juin.

M. le rapporteur. La situation est unique. Personne ne dit que l’élection municipale de 2020 restera dans les mémoires comme s’étant déroulée de façon optimale, mais c’est justement parce que nous sommes dans une situation unique et que notre pays subit, comme les autres, cette crise mondiale, que nous devons nous adapter. Bien sûr, l’avis du conseil scientifique qui a orienté la décision du Gouvernement indiquait qu’il n’y a aucune garantie que la situation soit plus favorable en septembre qu’en juin, et qu’en revanche nous multiplierions les risques en organisant deux tours en septembre plutôt qu’un seul en juin.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL24 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’objet du présent amendement est de rappeler que les dispositions des articles 1 à 3 ne s'appliqueront que si le second tour des élections municipales prévues en juin prochain ne peut se tenir au regard des circonstances sanitaires. Il présente le double avantage d’être plus intelligible pour nos concitoyens et de ne pas imposer un nouveau texte si cette hypothèse se confirmait.

M. le ministre. Le Gouvernement y est favorable sous réserve que la Commission considère qu’elle épuise ainsi la compétence du législateur. Je suggère que l’annulation éventuelle de ce scrutin soit fixée par décret et que l’on donne une base légale au pouvoir réglementaire si les élections ne pouvaient se tenir.

M. Raphaël Schellenberger. Dans la loi sur l’état d’urgence, la date du 23 mai n’était pas une contrainte supplémentaire pour le Gouvernement, qui aurait pu produire avant cette date ultime et de sa propre initiative un rapport scientifique sur l’installation des conseils municipaux ou la convocation du second tour. Je tenais à apporter cette précision car vous semblez dire, monsieur le ministre, que le travail accompli par le Parlement, en urgence mais très sérieusement, au mois de mars était mal fait ; je crois au contraire que ce travail était bien réfléchi.

M. le rapporteur. Je pense que l’amendement CL36 à l’article 1er répond à la préoccupation du ministre.

M. le ministre. Monsieur Schellenberger, je ne suis pas sûr que les candidats qui auront dû déposer leurs listes, ce soir au plus tard, soient persuadés qu’il était bon que la loi prévoie cette date aussi loin de l’élection.

La Commission adopte l’amendement. L’article 1er A est ainsi rédigé.

Article 1er (art. 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19) : Annulation du second tour des élections municipales

La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL36 ainsi que les amendements rédactionnels CL12, CL13, CL14 et CL15 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL5 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL23 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL3 de M. Guillaume Larrivé.

M. Raphaël Schellenberger. Notre collègue Guillaume Larrivé propose une solution pour que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseils municipaux n’ayant pas été élus complets à l’issue du premier tour entrent dans un fonctionnement plus normal dans le cas où l’élection viendrait à être décalée, en attribuant les sièges restant à pourvoir aux conseillers municipaux sortants pris dans l’ordre du tableau. C’est dans l’esprit de ce que nous avons voté en décembre 2019 dans la loi dite « Engagement et proximité ».

M. le rapporteur. Avis défavorable car, dans la pratique, on le sait, quelqu’un peut ne pas être élu au premier tour et devenir tout de même maire. Il serait compliqué de dire aux gens qu’ils auront un maire provisoire, qui sera éventuellement déjugé lors du scrutin de janvier prochain. Nous sommes dans une situation exceptionnelle, certes, mais la solution proposée rendrait les choses encore plus incompréhensibles.

M. le ministre. Même avis.

M. Sacha Houlié. Dans la loi « Engagement et proximité », nous avons abaissé à neuf élus les seuils de complétude des conseils municipaux dans les très petites communes. Nous avions travaillé sur ce sujet à cause du « tir aux pigeons » qui fait que les maires conduits à prendre des décisions peu populaires peuvent n’être élus qu’au second tour alors même qu’ils ont vocation à exercer cette fonction exécutive. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. Raphaël Schellenberger. J’ai longuement réfléchi avant de cosigner l’amendement. Dans les cas auxquels j’ai pensé, rien ne contredit vos propos, monsieur le rapporteur. Si un maire sortant a été la cible d’un « tir aux pigeons » et n’est pas passé au premier tour, il ferait partie de ceux qui seraient repêchés dans ce conseil municipal transitoire.

La complétude des conseils municipaux votée dans la loi « Engagement et proximité » ne résout pas cette situation puisque l’incomplétude acceptable pour les deux derniers membres du conseil n’est constatée qu’à l’issue du second tour. L’amendement apporte donc bien une solution.

M. le rapporteur. On ne parle pas ici des derniers mais de la moitié des membres du conseil municipal : ce ne sont pas les mêmes proportions. Par ailleurs, c’est une chose de constater, de façon démocratique, qu’il n’y a que x élus parce qu’un nombre insuffisant de citoyens ont voulu se présenter, c’en est une autre de dire qu’il est possible de substituer à des candidats des conseillers en poste. Donner une légitimité transitoire à ces derniers est de nature à troubler très durablement le fonctionnement des municipalités.

M. Rémy Rebeyrotte. C’était une vraie demande tant que la question du 28 juin n’était pas tranchée, parce que rester aux responsabilités devenait très lourd pour des personnes qui n’entendaient pas se représenter, mais ce n’est plus le cas.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL28 de M. Jean-Christophe Lagarde.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL18 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CL29 de M. Jean-Christophe Lagarde.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL19 du rapporteur.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL30 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Thierry Benoit. C’est le fameux amendement qui vise à ce que le fait même d’être en état d’urgence suffise à faire valoir le vote par procuration.

M. le rapporteur. Sur le fond, j’y suis extrêmement favorable mais j’ai cru comprendre que l’amendement était satisfait par la loi « Engagement et proximité » et les mesures réglementaires en cours de préparation. Je laisserai donc le ministre compléter la réponse.

M. le ministre. L’amendement sera très vite satisfait, raison pour laquelle je demande son retrait. Le décret est en cours de préparation, afin que cette disposition entre en vigueur dans les meilleurs délais.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL32 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées par le ministre préalablement.

M. Sacha Houlié. Aux termes de la loi « Engagement et proximité », la possibilité de procuration pour les personnes ne résidant pas dans la commune d’inscription électorale sera ouverte à partir de 2022.

M. le ministre. Des développements sont en cours pour faire évoluer le répertoire électoral unique (REU). Nous avons posé à l’INSEE la question d’une mise en œuvre plus rapide mais c’est techniquement assez lourd et nous ne pourrions pas rendre cela opérationnel pour le 28 juin. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement CL31 de M. Jean-Christophe Lagarde ainsi que des deux amendements identiques CL10 de M. Sacha Houlié et CL26 de M. Frédéric Petit.

M. Thierry Benoit. L’amendement CL31 est défendu, mais j’aimerais entendre le ministre à ce propos.

M. Sacha Houlié. L’amendement CL10 est un peu meilleur puisqu’il s’agit de préciser que le nombre de procurations portées par une même personne est limité à deux et d’appliquer cette possibilité au seul scrutin de juin prochain.

M. Erwan Balanant. S’il y a un sujet sur lequel je suis très conservateur, ce sont les affaires électorales : j’aime le processus électoral tel qu’il est. Nous déposons cet amendement car la situation est particulière, mais il ne faudrait pas que cette double procuration devienne la norme.

M. le rapporteur. Je saisis l’occasion de revenir sur le vote par correspondance, qui n’est pas abordé en raison des irrecevabilités prononcées sur le fondement de l’article 40 de la Constitution. M. Houlié a rappelé que la mesure aurait coûté 80 millions, mais nous devrons avoir ce débat qui n’est pas simple. Je ne sais pas si je suis aussi conservateur que M. Balanant mais il faut faire extrêmement attention en matière de révision des processus électoraux. Néanmoins, dans le cas présent et vu les circonstances, je donne un avis favorable aux deux amendements identiques.

M. le ministre. J’ai noté que, s’il ne restait qu’un progressiste dans cette salle, ce serait moi…

L’amendement CL31 permet la double procuration quelle que soit l’élection, c’est un amendement général pour toutes les élections à venir alors que le texte ne porte que sur l’élection du 28 juin, tout comme les amendements identiques. Par conséquent, je demanderai le retrait du CL31 au profit des deux autres amendements.

L’amendement CL31 est retiré.

La Commission adopte les amendements CL10 et CL26.

Article 2 (art. 1 à 5 de l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l’établissement de l’aide publique pour 2021, art. 15 et 17 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif et art. 4 de l’ordonnance n° 2020-413 du 8 avril 2020 visant à assurer la continuité de l’exercice des fonctions exécutives locales durant l’état d’urgence sanitaire) : Conséquences de l’annulation du second tour prévu au mois de juin 2020 et de l’organisation d’un nouveau scrutin

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Coordination relative au report des élections sénatoriales de la série 2

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Dans la mesure où tout ce qui est organisé dans les six mois précédant l’élection sénatoriale doit entrer dans les comptes de campagne, nous proposons que le décret portant convocation des collèges électoraux pour le prochain renouvellement des sénateurs de la série 2 soit publié au plus tard six mois avant l’échéance.

M. le rapporteur. Cette question pourra être abordée dans le cadre du projet de loi organique prévoyant un report du scrutin à septembre 2021. Par ailleurs, les dispositions de l’article 3 prévoient simplement que les règles de droit commun encadrant la propagande électorale et le financement de la campagne s’appliquent à ce scrutin. Il me semble difficile d’arrêter six mois à l’avance le jour exact de la tenue du scrutin en septembre 2021 ; il sera toutefois possible, une fois l’échéance connue, d’indiquer clairement aux candidats quand la campagne débutera. Avis défavorable.

M. le ministre. Il n’est pas nécessaire d’introduire des rigidités dans la loi lorsque les dispositions entourant la convocation des collèges électoraux sont d’ordre réglementaire. En outre, si l’amendement était adopté, il ne deviendrait plus possible de fixer, ainsi que nous l’espérons, les élections à la fin du mois de septembre 2020.

M. Raphaël Schellenberger. Je retire l’amendement pour le retravailler. S’agissant du calendrier, nous sommes dans l’incertitude. Que l’on ne connaisse pas à deux semaines près la date exacte du scrutin n’est pas un problème, mais que l’on ignore le début officiel de la période de la campagne électorale fragilise son déroulement et, in fine, la validité de l’élection.

M. Rémy Rebeyrotte. Quel dommage ! C’eût été très novateur de reporter les élections sénatoriales à la demande d’un député Les Républicains !

M. le ministre. Dans l’hypothèse d’un report des élections, les dispositions figurant à l’article 3 s’appliqueront.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 3.

Article 4 : Report des élections consulaires

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL25 et CL20 du rappporteur.

Puis elle examine l’amendement CL33 de M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié. Il s’agit d’inscrire dans la loi que les élections consulaires auront lieu en mai 2021, au plus tard, de façon à pouvoir les avancer si la situation le permettait.

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec Frédéric Petit, il ne s’agit pas, comme pour les élections municipales, d’aller au plus vite. Toutefois, il est souhaitable d’adapter les décisions à la situation sanitaire ; la souplesse qu’introduit cet amendement est donc bienvenue. Avis favorable.

M. le ministre. Pour le Quai d’Orsay, il n’est pas nécessaire de coordonner les modalités de report des élections consulaires sur celles des élections municipales. Des contraintes d’organisation plus lourdes justifient de fixer une date de scrutin stable ; en outre, le retroplanning de 90 jours pour le décret de convocation des collèges électoraux rigidifie le processus. Décaler les élections d’un an, de date à date, permet de mieux maîtriser le calendrier. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant. Frédéric Petit estime qu’il vaut mieux prévoir longtemps en avance ces élections. Notre groupe votera contre cet amendement.

M. Sacha Houlié. Je consulterai mes collègues députés des Français de l’étranger, Pieyre-Alexandre Anglade et Anne Genetet, avec qui j’ai préparé cet amendement, sur l’opportunité de le présenter en séance. Pour l’heure, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL21 et CL22 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4

Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du ministre, la Commission rejette l’amendement CL8 de M. M’Jid El Guerrab.

Titre

La Commission examine l’amendement CL2 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Le titre, qui n’est pas assez long… doit aussi préciser que le projet de loi tend à sécuriser l’établissement des procurations électorales et à autoriser le vote par correspondance pour le second tour des élections municipales de 2020 en raison de l’épidémie de covid-19.

M. le rapporteur. J’apprécie la licence poétique du groupe LR mais mon avis sera défavorable : d’une part, nous n’avons pas retenu le vote par correspondance, d’autre part, il serait dommage d’attenter à la concision du titre… (sourires.)

M. le ministre. Le titre que vous proposez ne correspond pas au texte sur lequel vous allez vous prononcer. Si votre amendement était retenu, je n’ose imaginer l’acronyme que cela aurait produit ! Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

La réunion se termine à 19 heures 10.


Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Guillaume Vuilletet rapporteur sur le projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d’un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires (n° 3021).

 

 


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Membres présents ou excusés

 

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Pierre Cordier, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Sacha Houlié, Mme George Pau-Langevin, Mme Sylvia Pinel, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Pacôme Rupin, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Guillaume Vuilletet

 

Excusés. - Mme Coralie Dubost, Mme Emmanuelle Ménard, M. Arnaud Viala

 

Assistaient également à la réunion. - M. Thierry Benoit, M. Fabien Di Filippo, M. Frédéric Petit