Compte rendu

Mission d’information de
la conférence des Présidents sur
l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19
 

 

 Audition de M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique covid-19, de M. Arnaud Fontanet, Mme Lila Bouadma et M. Bruno Lina, membres du Conseil scientifique covid-19                            2

 

 

 


Jeudi
18 juin 2020

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 23

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Présidence
de Mme Brigitte Bourguignon


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Mission d’information de la conférence des Présidents sur
l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions
de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19

18 JUIN 2020

La séance est ouverte à 10 heures 30.

Présidence de Mme Brigitte Bourguignon.

 

La mission d’information procède à l’audition de M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique covid-19 ainsi que de M. Arnaud Fontanet, Mme Lila Bouadma et M. Bruno Lina, membres du Conseil scientifique covid-19.

 

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire en auditionnant le professeur Jean‑François Delfraissy, président du Conseil scientifique covid-19, accompagné de trois membres de ce conseil, M. Arnaud Fontanet, Mme Lila Bouadma et M. Bruno Lina.

Lors de la crise sanitaire, devant la nécessité d’agir quasiment en temps réel et de la façon la plus pertinente possible, alors que les inconnues sur le virus et l’épidémie étaient nombreuses – et elles le sont toujours –, le Président de la République et le Gouvernement ont choisi d’appuyer leurs décisions sur des expertises scientifiques. C’est ainsi qu’a été mis en place dès le 11 mars 2020 le conseil scientifique que vous présidez, monsieur Delfraissy. La loi du 23 mars 2020, l’a ensuite pérennisé et en a inscrit le principe dans le code de la santé publique dès lors que l’état d’urgence sanitaire est déclaré.

Le conseil a rendu 17 avis ou note, tous publics, à chacune des étapes de la gestion de la crise, le dernier consistant en une analyse épidémiologique en prévision du scrutin du 28 juin 2020.

La mission d’information vous avait entendu mi-avril, date à laquelle commençait une réflexion sur les conditions d’un futur déconfinement. Deux mois plus tard, nous avons jugé important de tirer avec vous un premier bilan de la crise sanitaire. Quel regard portez-vous sur le déroulé des événements et les décisions qui ont été prises ? Quelles conclusions faudrait-il en tirer en termes de moyens, d’organisation sanitaire et de mobilisation de la recherche ? Enfin, comment peut-on anticiper les prochains mois et apprécier le risque d’un retour redouté de l’épidémie ?

 (Les personnes auditionnées prêtent serment.)

M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique covid19. Professeur d’immunologie, j’ai passé la plus grande partie de ma carrière à lutter contre le VIH‑SIDA. À ce titre, j’ai dirigé l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, puis l’Institut de microbiologie et des maladies infectieuses. J’ai également été nommé délégué interministériel de la lutte contre Ebola. Pour répondre aux crises sanitaires, j’ai été à l’origine de la création d’une structure de recherche sur les maladies infectieuses émergentes (REACTING, Research and action targeting emerging infectious diseases).

J’ai souhaité être auditionné avec trois membres du Conseil scientifique covid-19, pour souligner que ce conseil représente une œuvre commune, issue d’une construction humble sur des sujets difficiles, où les inconnues restent nombreuses ; une œuvre au service du citoyen, et qui tente de mettre en œuvre une intelligence collective.

Dans mon propos liminaire, j’aborderai cinq points : qui nous sommes ; comment nous avons fonctionné ; quelles sont nos relations avec les agences françaises et les institutions étrangères ; quelles relations nous entretenons avec le politique ; enfin, ce que nous ne sommes pas et n’avons pas été.

Mme la présidente a rappelé la création du conseil, le 11 mars, sous la forme d’un objet non identifié, reposant non sur un décret mais sur une nomination, confirmée ensuite dans le cadre de la loi relative à l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Je reconnais volontiers que je n’ai pris conscience de la gravité de la crise que relativement tardivement, aux alentours du 20 février, après une réunion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui portait non sur la crise sanitaire mais sur la vision éthique de celle-ci. J’avais été frappé par le fait que les Chinois ne disaient rien, et j’ai pensé qu’ils masquaient certaines réalités.

Outre les données italiennes, celles de nos collègues réanimateurs commençaient à s’accumuler. S’y ajoutaient les premiers contacts avec les modélisateurs. À ce moment, j’ai lancé un signal d’alerte à la nouvelle conseillère santé de l’Élysée, qui a abouti, le 5 mars, à une réunion de 23 scientifiques, dont plusieurs d’entre nous, puis à la constitution du Conseil scientifique covid-19.

Le comité est multidisciplinaire, ce qui fait la richesse du groupe. Il comprend à la fois des virologues, des spécialistes des maladies infectieuses, un médecin réanimateur, des modélisateurs, des experts en santé publique ainsi que des chercheurs en sciences humaines et sociales car une crise sanitaire devient rapidement politique et finit toujours en crise sociétale. Une représentante de la société civile, la vice-présidente de l’association Agir tous pour la dignité (ATD) Quart monde nous a rejoints ultérieurement.

Le choix des membres s’est effectué très vite, les 10 et 11 mars, entre les propositions du ministre des solidarités et de la santé, celles de la conseillère santé de l’Élysée et les miennes. Je n’avais jamais rencontré certains membres, dont Lila Bouadma, qui a été une superbe découverte, mais j’en connaissais d’autres, sur lesquels m’appuyer, tels Bruno Lina et Arnaud Fontanet.

Multidisciplinaire, ce conseil est un comité d’experts auprès du Gouvernement, pour éclairer les décisions gouvernementales. Je ne le redirai jamais assez : c’est le Gouvernement qui décide. L’existence d’un troisième pouvoir sanitaire en France, dont il a été question à une époque dans les journaux, est une vaste blague. Les décisions sont naturellement gouvernementales.

Plus de 100 réunions se sont tenues en trois mois, par téléphone. Nous avons rapidement délaissé la vidéo, après avoir constaté que des personnes extérieures pouvaient accéder à nos échanges. Ces conversations quotidiennes, qui se tenaient souvent le soir, week-end compris, ont abouti à des décisions collégiales. Nous partions des idées de chaque spécialiste, pour construire une position commune.

Ce mode de fonctionnement n’est pas nouveau, ni spécifiquement français. De nombreux comités scientifiques du même modèle se sont constitués en Europe. Par ailleurs, ce mécanisme de construction commune existe en médecine : l’approche par le haut (top-down) des mandarins a beaucoup évolué au cours des quinze dernières années. La majorité des décisions se prend à partir d’une construction commune.

Comme vous l’avez souligné, nous avons souhaité rendre des avis, par écrit, en toute transparence. Nos avis ont toujours été publiés parfois avec un décalage un peu trop long. Ce mode de travail peut paraître original, mais il ne l’est pas. C’est la construction par laquelle la médecine et la science modernes prennent des décisions, en se fondant sur l’interdisciplinarité.

Une dynamique de groupe s’est créée. Je remercie ces personnalités de haut niveau scientifique et médical, qui ont constitué un comité de haut niveau. Elles ont pleinement joué le jeu, malgré une charge de travail très lourde, soit dans le soin, soit dans la recherche.

Nous avons publié un règlement intérieur dès la fin du mois de mars ou le début d’avril. Tous les membres du conseil ont déposé des déclarations publiques d’intérêts (DPI). Si des liens d’intérêts étaient susceptibles d’avoir une importance sur certains éclairages, un déport était prévu. Vous verrez cependant que nous n’avons pas pris position sur les aspects thérapeutiques.

Deux moments ont structuré la vie du comité. Tout d’abord, les avis 1 à 4 relatifs au confinement et à ses conséquences ont été rendus alors que la situation nous sidérait nous-mêmes. Nous avons cherché comment aider les décideurs politiques à prendre une décision aussi difficile que le confinement généralisé. Je l’ai dit, je n’ai pas dormi pendant trois ou quatre nuits suivant ces avis. En l’absence totale de certitude, il était très difficile, en notre âme et conscience, d’aider à prendre cette décision, devant ce qui ne s’était jamais produit.

Une deuxième série d’avis relève davantage d’une vision stratégique. Après avoir aidé à la décision du confinement, il s’agissait d’aider à organiser la sortie du confinement, pour éviter d’y retomber, une porte de sortie que nous n’envisageons pas. Cette vision stratégique repose sur une réflexion de santé publique.

Ainsi, l’avis n° 6 sur le déconfinement détaille les outils et les prérequis, et aboutit à proposer la date de début mai. Le Président de la République a ensuite tranché pour le 11 mai. L’avis rendu après le déconfinement, présente quatre scénarios pour les semaines à venir ainsi qu’un plan de prévention et de préparation, à mener durant la période plus calme dans laquelle nous sommes entrés.

Nous avons beaucoup insisté sur la gouvernance – qui est le pilote dans l’avion durant toute cette période ? Le pilotage vise non seulement à décider mais aussi à faire appliquer les grandes options prises, par l’ensemble des services de l’État, au niveau opérationnel. La question est toujours d’actualité.

S’agissant des aspects opérationnels, qui n’étaient pas de notre ressort, nous avons vu avec bonheur se constituer la mission Castex. Pendant un mois, nous avons eu du répondant : nous obtenions des éléments de construction de réponses à chaque série de problèmes que nous soulevions. Cet été, après cette mission, il sera entre autres essentiel de rendre la gouvernance entre l’échelon central et les territoires plus fluide qu’elle ne l’a été jusqu’à présent.

Nous en venons aux relations avec les agences et les différentes structures académiques. On peut s’interroger sur l’opportunité d’un nouveau conseil, alors que la France dispose d’une série d’agences sanitaires. Nous n’avons pas demandé à constituer un comité scientifique : nous y avons été nommés. Ne souhaitant pas apparaître comme une couche supplémentaire, à la française, nous avons voulu dès le début interagir avec les agences.

Nous avons ainsi proposé à Santé publique France d’être un observateur permanent. Ses représentants ont participé à nombre de nos réunions. J’ai personnellement demandé au président du Haut Conseil de la santé publique de faire partie du comité scientifique, ainsi que, s’agissant de la recherche, à Yazdan Yazdahpanah, qui pilotait REACTING. L’enjeu du comité était de montrer ce qu’il pouvait apporter de plus par rapport aux agences.

Nous avons aussi essayé d’entretenir des relations avec l’Académie de médecine, l’Académie des sciences et l’ensemble des sociétés savantes en leur expliquant qui nous étions et ce que nous faisions, en leur posant des questions, en leur demandant des éléments scientifiques supplémentaires, portant par exemple sur le virus et l’environnement, s’agissant du comité national de la recherche scientifique (CNRS), sur le virus et le climat, ou en invitant de grands scientifiques à nos réunions téléphoniques.

Nous avons aussi eu des relations avec des homologues étrangers puisque tous les pays, avec des modèles différents, selon leur histoire ou leur capacité à opter pour le fédéralisme ou un centralisme à la française, ont établi des comités scientifiques comme le nôtre.

Mon quatrième point porte sur les relations avec le politique. La crise est sans précédent. Si j’ai vécu des crises très difficiles – le VIH SIDA, il y a trente-cinq ou quarante ans, ou Ebola, en Guinée, dont les Français se sont peu aperçus –, je n’avais jamais connu un impact aussi brutal. Cette crise, qui frappe par sa rapidité, a donné l’impression que tout s’accélérait.

Nous avons été nommés par les politiques. Pourtant, nous avons passé notre temps à dire que la décision était celle du politique, que nous étions seulement là pour l’éclairer. Nous avons essayé de garder une autonomie et une indépendance, avec un équilibre difficile à trouver, mais qui l’a été en partie. Nous avons donné un éclairage d’experts indépendants, sans notion de hiérarchie. Nous appartenons tous à des structures diverses et n’avions pas à rendre compte, comme un directeur d’agence sanitaire ou un directeur d’administration : nous étions indépendants.

Vous le savez, dans le modèle français, le milieu médical est très indépendant, parfois trop. Il y a une indépendance de pensée, une liberté de ton, qui n’est pas celle d’un directeur d’agence. Finalement, nous n’étions qu’un groupe d’experts qui se réunissaient tous les jours. Notre parole était donc libre.

La science et le politique sont des mondes différents. Il fallait faire comprendre au politique que le doute et l’incertitude font partie intégrante de la science. On avance en science que si l’on a des doutes et de l’incertitude. Le politique dit qu’il a besoin de savoir pour prendre des décisions. Pourtant, le doute et l’incertitude sont des éléments essentiels. Sans eux, il n’y a plus de science.

Le temps de la science n’est pas le temps médiatique. Il n’est pas non plus le temps du politique. La science prend du temps. En quinze jours, on ne construit pas des essais thérapeutiques contrôlés, ni une vision de la réaction immunitaire très particulière de ce virus. Le politique attend pourtant des résultats à très court terme.

Je ne suis pas certain que la construction de la relation entre science et politique ait été mise à plat au cours des vingt dernières années. Or c’est une vraie question. Au-delà de la crise sanitaire, il ne s’agit pas que la science se substitue au politique. Dans la relation d’échange fructueux qui se noue, le modèle du conseil scientifique mérite d’être poursuivi et réfléchi.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, il n’y a pas de troisième pouvoir médical. Cette relation délicate avec le politique s’est globalement construite dans un climat de confiance. Je pense que les membres du Conseil scientifique sont d’accord avec moi sur ce point. On essaye en permanence de me faire dire que cela s’est mal passé avec le pouvoir politique. La réponse est non. Un climat de confiance s’est installé avec les conseillers de Matignon et l’Élysée, avec lesquels nous entretenions des liens journaliers voire plurijournaliers. Dans une telle situation de crise, nous leur avons donné des signaux avec des notes informelles et des coups de fil. Des réunions de haut niveau se sont tenues avec le Président de la République et le Premier ministre tous les quinze jours, plus fréquemment pour les quatre premières réunions. Elles se sont poursuivies, parfois avec certains membres seulement du comité scientifique, en vidéo au début, puis à l’Élysée. Des notes et des avis publics ont été rédigés.

Nous avions tous souhaité être transparent envers nos concitoyens. Le rôle du conseil scientifique est d’éclairer le politique, mais aussi, dans une certaine mesure, le citoyen. Nous n’avions rien à y gagner. Nous n’avions qu’à y perdre : nous sommes auditionnés aujourd’hui et serons vraisemblablement soumis à une série de questions, ce qui est d’ailleurs normal. Notre rôle a été d’apporter ce que nous pouvions faire de mieux, pour le citoyen.

Nos propositions ont été plutôt acceptées. Des positions divergentes ont été émises, notamment sur les écoles ou les comités de liaison citoyenne. J’ai estimé que les décisions top-down, que le politique avait logiquement prises au début de la crise, pouvaient laisser place à un dialogue avec la société civile pour assurer la sortie du confinement et le suivi du déconfinement et à la création d’un comité citoyen. Les politiques ne nous ont pas suivis sur ce point. Je leur ai dit qu’ils avaient tort et que je le regrettais. Un dialogue sur ce que pensait la société au moment du déconfinement aurait été utile.

Néanmoins, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, les avis du Conseil scientifique font tous entendre une même petite musique, qui insiste sur la responsabilité de chacun. Dans une série de domaines, vous êtes responsable de la décision que vous prenez – remettre vos enfants à l’école, vous confiner davantage si vous avez plus de 70 ans. On m’a fait dire que j’avais souhaité que toutes les personnes de plus de 70 ans soient confinées. Non, il s’agit simplement d’une recommandation car, ne l’oublions pas, 85 % des décès concernent des personnes de plus de 70 ans. Nous l’avons su un peu au début, beaucoup à présent, et cela reste une question pour la suite.

Télécharger l’application StopCovid ou choisir son lieu de confinement après un dépistage d’infection, relèvent également de la responsabilité citoyenne. Le conseil scientifique a fait de ce message sa petite musique, et a convaincu le Gouvernement de le diffuser.

Je terminerai mon propos par ce que nous ne sommes pas et ce que nous n’avons pas été. Je l’ai dit, nous ne sommes pas une instance de décision. Nous avons été une instance éclairant le Gouvernement. Les décisions ont été politiques et gouvernementales.

Nous ne sommes pas non plus une instance pérenne, comme une agence. Nous disparaîtrons le 9 juillet. Nous aurions même souhaité disparaître avant, mais la loi ne le permet pas. Les instances de l’État semblent pourtant en ordre de marche et notre apport est aujourd’hui plus limité, à moins de faire état de nos réflexions sur une deuxième vague.

Nous ne sommes pas et n’avons pas été une instance opérationnelle : nous n’avons eu aucune action directe sur la commande des tests ou la mise en œuvre des recommandations. Celles-ci se sont appuyées sur le Haut Conseil de la santé publique et les différentes directions sanitaires de l’État. Nous étions là pour indiquer ce qu’il fallait faire, mais ne disposions pas du pouvoir de passer les commandes ou d’orienter vers certaines directions.

En revanche, nous avons rendu des avis très clairs sur plusieurs points, notamment sur une clarification de la gouvernance, afin de déterminer qui de l’échelon central ou des territoires devait piloter l’action, ou la répartition entre les agences régionales de santé (ARS) et les grandes directions, avec ce mois très particulier d’interactions avec la mission Castex.

Bien que cela puisse sembler curieux car certains membres du conseil, moi le premier, sont spécialistes du médicament, nous n’avons pas eu à nous occuper de recherche ni de thérapeutique. Un second comité a été créé, le Comité analyse recherche et expertise (CARE), dirigé par Françoise Barré-Sinoussi. Il était destiné à faire des recommandations sur des aspects de science fondamentale ainsi que sur des essais cliniques et thérapeutiques. Nos avis le montrent, nous sommes restés dans une attitude visant à considérer qu’aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité – c’est d’ailleurs toujours le cas – et qu’aucun vaccin n’est disponible. Dans ces conditions, nous ne pouvions pas faire de préconisation en termes de santé publique.

Pour conclure, l’évolution des connaissances durant la période peut expliquer certaines de nos difficultés ou certains changements. Cela est normal car nous avons affaire à un virus très difficile. J’ai pu parler de ce virus comme d’une « vacherie », et je maintiens ma position, même si elle n’est pas tout à fait politiquement correcte.

S’il n’est pas raisonnable de changer tout le temps, ne jamais changer et ne pas tenir compte de l’évolution des connaissances l’est aussi. Comme juste exemple, s’agissant de la transmission et de la transmissibilité, on peut citer la construction progressive des notions de gouttelettes ou de lieux 3C – espaces confinés, à forte densité et contacts étroits –, qui restent d’actualité. De manière inattendue, les recherches récentes montrent l’existence de supercontaminateurs, et superdisséminateurs, qu’il faudrait pouvoir définir, et dépister. La vision de la transmission de la maladie où une personne en infecte quelques autres, est peut-être battue en brèche par ces supercontaminateurs. L’histoire n’est pas finie.

De même, la notion d’immunité en population, c’est-à-dire la fraction de la population qui a fabriqué une immunité de type anticorps, se construit progressivement. Si nous pensions atteindre une immunité de 30 à 40 % début mars, des travaux, notamment ceux d’Arnaud Fontanet, ont montré qu’elle n’atteignait que 8 à 10 %.

La signification même des anticorps a été revue. À un moment donné, les scientifiques se demandaient si leur présence signifiait que la personne avait été en contact avec le virus ou si elle était en partie protégée. La réponse est plus claire à présent. Nous pourrons revenir sur ce point, si vous le souhaitez.

La relation entre enfants et virus a également changé par rapport à ce que nous pensions au début de l’épidémie.

Nous pourrons aborder, avec vos questions, notre vision concernant les phases de l’été et de l’automne, que nous avons établie avec suffisamment de clarté.

Je remercie l’ensemble de nos concitoyens, qui ont vécu une période extrêmement difficile. Le 17 mars, depuis mon balcon, j’ai vu Paris s’éteindre. J’ai toujours fait confiance aux Français pour les grandes décisions. Ils ont été très bons élèves, et ont fait beaucoup mieux qu’on ne veut le dire. Ils ont contribué à un choix sanitaire et à protéger les plus anciens.

Je remercie aussi l’ensemble des membres du conseil scientifique. Appuyés par notre jeune stagiaire de l’Institut d’études politiques, ils ont réalisé un travail quantitatif extraordinaire avec plus de 100 réunions, week-end compris – pour le qualitatif, je vous laisse juger.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Le 30 janvier 2020, l’OMS a déclaré l’urgence de santé publique de portée internationale. Considérez-vous que la décision d’installer le conseil scientifique, le 11 mars, est intervenue assez tôt ?

Le 20 mars, vous avez déclaré dans le journal Le Monde que la France n’avait pas suivi une stratégie de dépistage aussi active que d’autres pays tels que la Corée du Sud ou l’Allemagne parce qu’elle en était incapable. Auriez-vous préconisé le dépistage systématique de la population si nous en avions eu les moyens ? Est-il avéré qu’une telle politique aurait permis de ralentir significativement l’épidémie ?

M. Jean-François Delfraissy. Il est très difficile de répondre s’agissant de la date d’installation du conseil scientifique. Moi-même, j’ai réagi relativement tard, autour du 20 février. Quatre éléments m’ont alors alerté.

Tout d’abord, lors de la réunion à l’OMS à Genève, à laquelle j’assistais en ma qualité de président du Comité consultatif national d’éthique, j’ai été frappé de constater que les Chinois ne répondaient à aucune question de façon sérieuse, alors que soixante experts mondiaux des situations de crise étaient rassemblés.

Ensuite, j’étais bien informé de la situation en Italie du nord. Contrairement à l’image parfois véhiculée, l’Italie n’est pas moins développée que la France dans le domaine médical. Les équipes médicales y sont d’un excellent niveau, et les interactions avec les États-Unis sont meilleures que les nôtres. J’ai compris que s’ils étaient dépassés, nous le serions aussi.

Par ailleurs, les premiers retours de nos collègues réanimateurs faisaient apparaître une situation anormalement tendue à la fin février.

Enfin, les modélisateurs commençaient à fournir des éléments qui, sans être pris pour argent comptant, devaient être considérés et confrontés à la réalité du terrain.

Si nous avions été nommés quelques jours plutôt, aurions-nous été capables de transmettre des informations suffisamment fiables pour que le pouvoir politique prenne la décision d’un confinement de toute la population ? Parmi les autres pays européens ayant décidé un confinement, la France se situe à un niveau intermédiaire. N’oublions pas en outre que la France dispose de toute une série d’agences…

S’agissant du dépistage, nous avons appris à l’Élysée le 12 mars que le nombre de tests de diagnostics RT-PCR disponibles et réalisés chaque jour était de 3 000 à 4 000, alors qu’il était plus important en Allemagne. Nous avons plaidé pour l’augmentation du nombre de tests, et nous nous en sommes occupés de façon opérationnelle, mais il faut prendre en compte la réalité de nos capacités à ce moment donné. Une stratégie a été décidée entre le mois de janvier et le mois de février, elle ne permettait pas l’utilisation des tests de façon plus globale que le tracing des clusters – qui avait été parfaitement réalisé.

Arnaud Fontanet vous l’expliquera : nous aurions de toute façon connu la pandémie en France. Elle aurait peut-être été moins importante sans l’épisode de Mulhouse, probablement lié à des effets de supercontamination dont nous ignorions tout à l’époque.

Rappelons enfin que quatre grandes régions ont subi 70 % de la mortalité. De telles disparités territoriales se constatent aussi au Royaume-Uni, en Italie ou en Espagne. Les raisons de cette hétérogénéité ne sont pas connues, mais le confinement a certainement permis d’éviter la diffusion de la pandémie sur tout le territoire.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Monsieur Delfraissy, vous avez remercié les Français, je vous remercie à mon tour pour votre mobilisation. Les membres du conseil scientifique occupent des fonctions importantes, ils ont néanmoins dégagé du temps au service de la collectivité dans un moment de crise. Je disais hier au Professeur Salomon qu’il a rythmé la vie – et la chronobiologie – de nos concitoyens lors de ses conférences de presse quotidiennes. Vous faites également partie des visages de cette crise.

Beaucoup de critiques ont été adressées au conseil scientifique, je ne les fais pas miennes. Certains lui ont reproché de se substituer aux institutions démocratiques, agissant comme un pouvoir scientifique à la place du pouvoir politique, tandis que d’autres considèrent qu’il a été la caution de décisions prises ailleurs, notamment à propos des élections municipales.

Nous cherchons à tirer toutes les leçons de cette crise, pas uniquement dans le domaine médical, pour émettre des propositions nous permettant d’être plus performants et mieux préparés s’il fallait faire face à des circonstances analogues.

Avez-vous eu le sentiment que ce conseil scientifique a été utile ? Des instances comparables ont-elles été mises en place dans d’autres pays ? Quel regard portez-vous sur la concurrence ou la coexistence de votre conseil avec les institutions sanitaires déjà installées : Haut Conseil de la santé publique, Haute Autorité de santé, comité CARE ? Nous avons eu l’impression d’une multiplication des instances, que d’autres allaient se créer pour coordonner la coordination, aboutissant à une forme de confusion. Cela pose la question de la gouvernance, à l’échelon central et à l’échelon territorial. Dans les départements, nous avons connu un grave déficit de gouvernance, notamment à propos des EHPAD : les instructions et les équipements ont manqué, et la position des ARS n’était pas claire. Le président du département des Alpes-Maritimes a demandé la fermeture d’un établissement dont trente-neuf résidents étaient décédés, à Mougins, mais l’ARS s’y est opposée. Ces instances régionales, éloignées du terrain, vous paraissent-elles pertinentes ? L’échelon national fixe une stratégie que l’échelon local est censé mettre en œuvre, mais cet échelon intermédiaire pose problème.

Dans une interview parue dans le Journal du dimanche du 7 juin, dont le titre était « Laissons les gens vivre », vous assumez avoir proposé le confinement lors des trois journées difficiles des 12, 13 et 14 mars, la décision revenant aux politiques. Vous dites que ce n’était pas une bonne décision, mais la moins mauvaise étant donné les outils dont nous disposions : 3 000 tests par jour en France contre plus de 50 000 en Allemagne. En conscience, avez-vous le sentiment que le confinement aurait pu être évité ? Et si une deuxième vague de même ampleur ou plus forte survenait – l’histoire a montré que c’était possible – que devons-nous faire pour être prêts en termes d’équipements de protection, de tests, de masques, de capacités d’accueil en services de réanimation ? Comment une gouvernance renouvelée pourrait transformer cette moins mauvaise décision en une bonne décision ?

M. Jean-François Delfraissy. Il est difficile de porter un jugement sur l’utilité du conseil scientifique dont nous faisons partie. Ma carrière est faite, je suis un vieux monsieur. D’ailleurs, je me protégerai en cas de deuxième vague, et je n’ai pas encore physiquement revu mes petits-enfants.

Plusieurs éléments méritent d’être relevés. Tout d’abord, les membres du conseil scientifique n’ont pas de lien hiérarchique envers l’autorité politique ou les grandes instances, ce qui leur laisse une liberté de parole essentielle.

Ensuite, la multidisciplinarité du conseil, qui n’est pas si évidente dans la recherche française, permet un exercice d’intelligence collective. Il n’y a pas de grand sauveur, mais une intelligence collective. J’ai vécu cette expérience lors de la lutte contre le VIH, dans laquelle la communauté scientifique française a été au plus haut niveau. Cette organisation doit être perpétuée pour les maladies émergentes.

Les avis ou les notes que nous avons produits pouvaient répondre à une commande de l’État – comme au sujet des élections – mais nous avions aussi une faculté d’autosaisine, ce qui donne une liberté totale. Nous pouvions donc aborder n’importe quel problème, et le pouvoir politique devait réagir. Les agences de l’État doivent en revanche justifier leurs actions, leurs choix, et négocier les moyens qui leur seront alloués avec les ministères de tutelle. Ce n’est pas du tout notre cas.

Enfin, je trouve important que le conseil scientifique soit un organe éphémère. Si une deuxième vague venait à apparaître et que l’état d’urgence sanitaire était réactivé à partir de la fin du mois d’octobre, il serait sain que le conseil scientifique soit composé de personnes différentes. Deux ou trois membres pourraient assurer la transition, mais sur le fond, il faudrait une vision différente.

Dans les autres pays, les modèles ne sont pas les mêmes. L’Allemagne, État fédéral, a plus tenu compte des Länder. Au Royaume-Uni, une instance équivalente à la nôtre a été créée, mais son fonctionnement est moins transparent : la composition du comité scientifique n’était pas publique et il ne produisait pas de notes écrites. Nous avons rédigé un article pour le Lancet décrivant notre mode de fonctionnement pour le faire connaître internationalement.

Le sujet des rapports entre la capitale et les régions m’est cher. Un certain nombre de grandes décisions doivent être prises à Paris, puis modulées régionalement. C’est normalement le rôle des ARS, mais nous avons constaté des prises de position différentes des directeurs d’ARS sur certains sujets – les EHPAD sont un bon exemple – et nous avons signalé les disparités.

M. Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique covid-19. À la date de sa décision, nous n’avions pas d’autre choix que le confinement. Les services de réanimation faisaient face à l’urgence, – Lila Bouadma pourra en témoigner. Dans le Grand Est et le nord de l’Île-de-France, l’afflux inhabituel de patients avec des formes cliniques extrêmement sévères de pneumopathies inflammatoires montrait qu’une situation grave se développait. Nous constations l’évolution en Italie, en avance sur nous d’une dizaine de jours, où la situation prenait une tournure très grave. En outre, les éléments tirés des modèles mathématiques dessinaient le départ d’une courbe exponentielle. En projetant ces estimations à quelques jours ou semaines, les réanimations auraient été incapables de prendre certains patients en charge.

En Europe, l’Italie et l’Espagne étaient dans la même situation que nous. Ces deux pays ont choisi le confinement, pour sauver les réanimateurs et les patients en réanimation et ceux des services de maladies infectieuses, qui étaient condamnés à être submergés. Dans certaines régions de France, nous avons connu des situations critiques et nous sommes passés sur le fil. Des initiatives de qualité ont dû être prises pour augmenter le nombre de patients en réanimation ou pour les transférer.

Les autres pays européens, dans lesquels la situation était mieux maîtrisée à la mi-mars, ont tous choisi le confinement. Seule la Suède a opté pour une forme alternative de confinement, et elle s’interroge aujourd’hui sur cette décision. L’épidémiologiste qui a promu cette approche plus dosée exprime aujourd’hui ses regrets. Tous les États européens, quelle qu’ait été leur situation au 15 mars, ont finalement fait le choix du confinement. Ceux qui ont tardé l’ont payé cher. Ainsi, le Royaume-Uni connaîtra probablement la mortalité la plus élevée des États européens, et les États-Unis ou le Brésil, qui ont tergiversé, seront probablement les pays les plus touchés dans le monde.

Pour nous, le confinement était imposé par la crise qui se préparait dans les salles de réanimation. Les autres États européens qui n’étaient pas dans cette situation critique ont aussi pris cette décision, pour geler la situation et préparer la suite. Nous avons tous compris que la rapidité d’évolution de cette épidémie était telle que nous serions pris par surprise si nous tentions de la contrôler en la laissant se développer.

Seuls quelques pays d’Asie ont réussi à gérer la situation sans passer par un confinement : Taïwan, la Corée du Sud, Hong-Kong et Singapour. Ils ont pu traverser cette période malgré leur proximité avec la Chine grâce à une série de mesures. C’est un ensemble de mesures qui permet de contrôler l’épidémie, pas une mesure en particulier. Les tests seuls ne suffisent pas. Les tests massifs pratiqués en Corée du Sud ont permis de tracer les personnes dépistées positives, d’identifier leurs contacts, et de les isoler. Ces pays ont aussi la culture du port du masque. Et il y a beaucoup de comportements proscrits lorsque l’on porte un masque – dont j’ai d’ailleurs été témoin dans cette salle ! L’hygiène des mains est également très importante. D’autres moyens ont été mis en place, notamment informatiques, permettant le suivi très efficace des contacts. D’autres encore ont été utilisés à des degrés divers : télétravail, fermeture des transports et des écoles… Ces pays étaient bien préparés par la crise du SRAS de 2003. Ils vivent en outre avec la crainte de voir une grippe d’origine animale se transmettre aux humains et se répandre dans leur pays – les épidémies de grippe sont souvent parties d’Asie. C’est donc un ensemble de mesures qui leur a permis de passer la crise. La situation y reste néanmoins très tendue au quotidien : de nouveaux clusters ont été découverts à Pékin, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour.

En Europe, tous les pays sont passés par une période de confinement pour leur permettre de s’organiser. Du 15 mars à la fin du mois d’avril, nous avons préparé les outils pour gérer la période qui s’ouvre.

M. Damien Abad. Monsieur Fontanet, vous avez dit, à propos du confinement, que vous n’aviez pas eu le choix. En cas de nouvelle vague, aurons-nous le choix entre un confinement généralisé, comme celui qui a été fait, et un confinement territorialisé, ou par classe d’âge ?

Au moment du déconfinement, le 11 mai, la réouverture des écoles a suscité des controverses. Que sait-on aujourd’hui de la propagation du virus chez les enfants ?

J’aimerais, enfin, vous entendre au sujet du risque de deuxième vague. Si l’on regarde l’histoire des grandes pandémies respiratoires, on constate que, dans huit cas sur dix, elles régressent pendant l’été : y a-t-il une composante saisonnière dans le covid-19 ? On note aussi que, dans cinq cas sur dix, elles récidivent à l’automne : quel est le risque d’assister à une récidive du coronavirus cet automne ? Et quel est le risque d’assister à une mutation du virus ?

M. Boris Vallaud. Professeur Delfraissy, vous semblez penser que les Français n’ont pas mesuré le travail accompli par le conseil scientifique. Je veux vous détromper : je crois qu’ils vous sont très reconnaissants. Je le suis moi-même et je tenais à vous le dire.

La stratégie que vous avez suggérée à l’exécutif a-t-elle été, oui ou non, déterminée par la disponibilité des masques et des tests ? La directrice générale de Santé publique France, Mme Geneviève Chêne, nous a expliqué hier que l’Institut Pasteur avait mis au point très tôt un test PCR. Pourquoi a-t-on tellement tardé à tester les gens, et surtout à massifier les tests ? Lors de votre audition devant la mission d’information, vous aviez dit que la France aurait des leçons à tirer de la gestion allemande : pouvez-vous en dire plus ?

S’agissant de la gouvernance, on a pu se demander si la création du conseil scientifique ne venait pas pallier un défaut d’expertise des structures existantes, notamment de Santé publique France. Même si vous avez bien dit que le conseil scientifique ne devait avoir qu’un rôle transitoire, avez-vous le sentiment que c’est un outil qui nous manquait et qui mériterait d’être pérennisé, sous une forme ou sous une autre ?

Vous avez indiqué que l’épidémie, dans 70 à 80 % des cas, n’avait concerné que quelques régions. Le déconfinement ayant été régionalisé, le confinement aurait-il pu l’être, lui aussi ? Dans les Landes, dont je suis élu, la population a respecté le confinement, même si elle se sentait peu concernée par le risque.

Enfin, on note une recrudescence épidémique en Chine. Le monde entier a pâti du manque d’information venant de Chine au début de l’épidémie : qu’en est-il aujourd’hui ?

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, vous avez dit que vous étiez fier des Français. Et nous, nous sommes fiers de ce que vous avez fait.

Vous avez rappelé que la liberté de ton et l’indépendance étaient au cœur de votre engagement. Avez-vous jamais retenu votre plume ? Avez-vous toujours couché sur le papier ce que vous pensiez ?

Le manque de coordination entre les agences en France, que vous avez reconnu à mots couverts et que les auditions réalisées depuis deux jours ont mis en lumière, me plongent dans le plus grand désarroi. Heureusement que vous êtes là ! Ferez-vous des préconisations pour que nous soyons mieux armés si nous devons faire face à une nouvelle pandémie ?

On sait que les centres nationaux de référence (CNR) étaient capables, dès le 17 janvier, de faire des tests massivement, comme en Allemagne. Mais on a brandi ce problème d’écouvillons qui n’était absolument pas crédible. L’a-t-on fait pour protéger une entreprise française – vous savez à laquelle je pense – au risque de revivre le drame de 1983, dont tout le monde se souvient ?

Au sujet des masques, on a tout entendu. En tant que scientifiques, quelle est votre préconisation pour la suite ?

M. Julien Borowczyk. Je veux, moi aussi, vous remercier pour votre action : face à une physiopathologie méconnue, les décisions sont souvent difficiles à prendre. Le confinement était effectivement nécessaire pour limiter l’engorgement des services de réanimation.

Vous avez rappelé l’importance de la transversalité dans la composition du conseil scientifique. Vous avez évoqué la transversalité horizontale, mais aussi verticale, entre l’échelon national et l’échelon régional. Pensez-vous qu’il faille pérenniser cette forme de transversalité ?

Professeur, vous avez été au cœur de la lutte contre le virus Ebola en 2014. Y a-t-il eu une évolution dans les stratégies de prise en charge des épidémies depuis lors ? J’ai l’impression qu’on s’est beaucoup focalisé sur les risques épidémiques grippaux et qu’on a un peu négligé les syndromes respiratoires. La stratégie qui consiste à ne plus dépister à partir d’un certain moment était connue et appliquée. Doit-on la faire évoluer ? D’un point de vue sociétal, nous n’avons pas la culture du port du masque, de la prévention, de l’hygiène. Doit-on progresser sur ces questions pour être mieux préparés face à d’autres épidémies ?

M. Arnaud Fontanet. Le confinement national a permis aux régions qui n’étaient pas encore touchées de ne pas l’être. Je comprends que la situation ait pu paraître étrange dans l’ouest de la France, où le virus a très peu circulé, mais on savait qu’il avait une capacité de propagation extrêmement rapide et, en figeant la situation le 17 mars avec le confinement national, on a permis aux zones qui étaient préservées de le rester.

M. Damien Abad. Le blocage des déplacements n’aurait-il pas suffi ?

M. Arnaud Fontanet. Il aurait été difficile à appliquer. On sait que le blocage des frontières ne marche pas, parce que les gens contournent l’interdit : il ne fait gagner que cinq à dix jours sur la propagation d’une épidémie. À l’intérieur d’un pays, il est encore plus facile de le contourner. En tout cas, je n’en aurais pas pris le risque. Le fait d’avoir confiné d’emblée à l’échelle nationale a permis de préserver les régions de l’ouest de la France. De la même façon, les pays d’Europe qui ont confiné au 15 mars – l’Allemagne, le Danemark, la Norvège, la Finlande, l’Autriche, la Hongrie, l’Estonie, la Grèce et le Portugal – ont tous évité une épidémie. C’était un choix sage et il a été payant.

J’en viens à la question des écoles. Le modèle de la grippe nous avait appris que les écoles sont des foyers très importants de transmission et de propagation des épidémies grippales. Mais nous savions que nous n’étions pas face à la grippe... Le coronavirus du SRAS en 2003 n’avait pas touché les enfants, sans qu’on n’ait jamais su pourquoi, peut-être parce qu’ils étaient peu exposés – cette épidémie n’avait concerné que 8 000 personnes dans le monde, les données étaient peu nombreuses. Lorsque ce nouveau coronavirus est arrivé, je me suis demandé le rôle que les enfants allaient jouer dans sa transmission. Les premiers éléments dont nous avons disposé n’étaient pas simples à interpréter. Très vite, nous avons su que les enfants faisaient des formes mineures de la maladie, voire asymptomatiques. Les formes graves restent vraiment l’exception.

Les enfants peuvent-ils être infectés et contagieux ? Sur cette question, nous avions peu d’éléments au mois de mars. On en sait plus aujourd’hui. S’agissant d’abord de l’infection, les données sont discordantes, selon qu’on raisonne au sein de la cellule familiale ou de façon plus globale. Lorsqu’un adulte est infecté au sein d’une famille, la probabilité d’être infecté est la même pour les adultes et pour les enfants – mais on n’a que trois études sur ce sujet. En revanche, les enquêtes transversales en population montrent que les enfants sont moins souvent infectés, vraisemblablement parce qu’ils sont moins exposés.

Les enfants peuvent-ils infecter les autres ? Les études familiales qui ont été menées montrent que des enfants peuvent avoir un test PCR positif, même s’ils n’ont aucun symptôme ou des symptômes mineurs. Ils gardent le virus pendant huit à dix jours dans la gorge et excrètent du virus dans les selles jusqu’à un mois. On sait aujourd’hui que le virus rejeté dans les selles n’est pas dangereux – mais c’était une inquiétude au début. En revanche, le virus qu’ils ont dans la gorge est contagieux. L’équipe du docteur Christian Drosten, en Allemagne, et une équipe suisse ont mesuré la charge virale dans la gorge des enfants : la concentration virale y est la même que chez les adultes. Le 12 mars, nous disposions de peu d’études mais elles montraient que la concentration virale n’était pas moins importante chez les enfants : l’une d’elles avait paru dans la revue Nature Medecine, qui est très réputée.

Nous savions donc que les enfants faisaient des formes très peu symptomatiques, mais qu’ils avaient du virus dans la gorge à une concentration très similaire à celle des adultes. Rien ne nous disait qu’ils ne pouvaient pas être très contagieux pour leur entourage. C’est ce qui nous a amenés à dire que les écoles pouvaient constituer un lieu de propagation du virus.

Les données, par la suite, ont été peu nombreuses. Une étude réalisée par l’Institut Pasteur, et dans laquelle nous avons été impliqués, a été réalisée à la fin du mois de mars sur un lycée de Crépy-en-Valois. Nous nous sommes aperçus, en réalisant un dépistage sérologique, qu’au cours des quinze premiers jours de février, l’épidémie avait touché 38 % des lycéens, 43 % des enseignants et 59 % des personnels non-enseignants de ce lycée. Cette étude montrait donc que, chez les lycéens, le virus est capable de se transmettre comme chez les adultes. Les adolescents développent des formes de la maladie et ont une contagiosité assez proches de celles des adultes : je pense donc que pour les lycéens, et vraisemblablement aussi pour les collégiens, il faut rester extrêmement prudent.

À ma connaissance, aucune étude n’a montré, où que ce soit dans le monde, le cas d’un foyer épidémique dans une école maternelle ou primaire. Nous avons fait une enquête à Crépy-en-Valois, dont les résultats seront bientôt publiés : ils laissent entendre qu’il n’y a pas eu de diffusion dans les écoles primaires, comme on aurait pu le redouter. Les études internationales menées en Australie et en Irlande, comme le cas des Contamines en France, sont plutôt de nature à nous rassurer. Il n’y a pas de risque zéro, mais on a l’impression que les enfants sont peu contagieux entre eux, peu contagieux pour leurs enseignants, et qu’un assouplissement des règles est raisonnable.

Ce que je viens de vous résumer, ce sont trois mois de recherches. Les choses se sont construites petit à petit. Le choix que nous avons fait le 12 mars n’était pas un choix facile, mais c’est celui qu’ont fini par faire tous les pays européens. Pour la période qui s’ouvre, j’appelle toujours à la prudence dans les collèges et les lycées, même si aucune autre étude que celle réalisée à Crépy-en-Valois n’a montré un cas de contamination dans un lycée : il s’agit peut-être d’un cas exceptionnel. Dans les écoles, chez les enfants de moins de dix ans, la transmission semble beaucoup plus faible : c’est ce qu’ont corroboré des études réalisées par des pédiatres français.

J’en viens aux masques. Le mode de transmission de ce virus a été pour nous un vrai point d’interrogation. Nous sommes partis du modèle de transmission que nous connaissions le mieux, celui du coronavirus du SRAS, qui se transmet par des gouttelettes, projetées jusqu’à un mètre de distance. Dans cette hypothèse, le port du masque est recommandé, à la fois pour éviter d’émettre des gouttelettes et pour protéger son nez et sa bouche de possibles projections. Si les gouttelettes tombent sur des surfaces, l’hygiène des mains est essentielle puisqu’on risque de s’infecter en portant ses mains à son visage.

Le SRAS nous avait appris que les personnes n’étaient contagieuses que trois à quatre jours après l’apparition des symptômes : c’est d’ailleurs ce qui nous a permis de contenir cette épidémie, puisqu’on pouvait isoler les gens symptomatiques, avec de la fièvre et de la toux, avant qu’ils ne soient contagieux.

Malheureusement, la première publication qui nous est parvenue au mois de février, dans le New England Journal of Medicine, nous a appris que des personnes qui n’étaient pas encore symptomatiques pouvaient transmettre le virus. On reçoit toujours de façon critique une publication qui remet en cause un dogme. Certains ont dit que la personne qui était censée ne pas avoir de symptômes en avait déjà. La polémique a duré quinze jours au sein du monde scientifique. D’autres publications ont paru et, à la fin du mois de février, la possibilité d’une transmission au cours de la période pré-symptomatique était avérée. On a même appris que des gens pouvaient faire des infections sans présenter aucun symptôme et qu’ils étaient certainement contagieux, mais moins.

Tout cela a remis en cause notre dogme et ce que nous avions appris du SRAS. Nous étions face à un virus qui peut être transmis avant le début des symptômes, y compris par des personnes présentant des symptômes mineurs, voire ne présentant aucun symptôme. Son contrôle devenait donc extrêmement difficile et c’est à ce moment que l’importance du masque est devenue évidente : si l’on peut transmettre la maladie alors même que l’on n’a aucun symptôme, il faut que tout le monde porte un masque.

Les choses se sont encore compliquées quand on s’est aperçu que ce virus était en concentration extrêmement élevée dans le fond de la gorge, jusqu’à mille fois supérieure aux concentrations que l’on constatait avec le coronavirus du SRAS, qui se fixait au fond des poumons. De ce fait, les personnes porteuses de ce nouveau coronavirus sont capables d’émettre des quantités de virus très importantes, y compris en parlant. C’est alors qu’est apparu un nouveau mode de propagation, qui n’était pas encore prouvé mais qui devenait de plus en plus plausible, la transmission par les aérosols. On s’est aperçu que des particules de quelques microns de diamètre peuvent rester en suspension dans l’air pendant douze heures et contenir un ou plusieurs virus, du fait de la concentration extrême du virus dans le fond de la gorge. La transmission par des aérosols restant en suspension dans l’air est donc possible mais elle n’est heureusement pas très fréquente. Si elle l’était, le nombre de reproduction, c’est-à-dire le nombre secondaire de cas pas personne infectée ne serait pas de 2 ou 3 mais de 15 à 20, comme pour la rougeole.

Ce que l’on a appris depuis, c’est que la suspension de particules virales dans ces aérosols permet au virus de se maintenir dans des lieux confinés. Et la plupart des clusters que l’on découvre apparaissent dans des lieux confinés : des lieux hébergeant des travailleurs migrants, des abattoirs, certaines entreprises. Le port du masque est donc utile dans les lieux confinés, parce qu’il ne protège pas seulement des gouttelettes, dont la distance physique permet déjà de se protéger, mais aussi de ces aérosols. Je ne veux pas créer une inquiétude généralisée, parce que je crois que ce mode de transmission reste relativement restreint, mais il est clair que les lieux confinés, comme les bateaux de croisière ou le Charles-de-Gaulle, se prêtent à ce genre de transmission. Il faut donc veiller à aérer, revoir les systèmes de ventilation et porter absolument un masque dans le métro.

Vous le voyez, nos connaissances ont énormément évolué en trois mois. Nous étions partis d’un modèle de transmission par gouttelettes à un mètre, face auquel le lavage des mains, la distance physique et le masque suffisaient, à un modèle plus complexe, dans lequel le port du masque devient plus important.

M. Bruno Lina, membre du Conseil scientifique covid-19. Le 7 janvier, les Chinois partagent la séquence génétique d’un nouveau coronavirus. Le 10 janvier, le laboratoire de l’hôpital de la Charité à Berlin propose un premier test PCR, dont plusieurs laboratoires en France, dont le mien, font l’acquisition. Mi-janvier, l’Institut Pasteur met au point un test PCR amélioré, qui reste le meilleur d’après nos évaluations. Une des difficultés auxquelles nous avons été confrontés dans le déploiement de ces tests, éminemment manuels, c’est qu’ils nécessitent des outils dont la plupart des laboratoires de diagnostic ne sont plus dotés car ils sont équipés d’automates, machines fermées aux réactifs captifs. Autrement dit, ils n’ont plus le matériel nécessaire pour se servir des kits qu’ils reçoivent, aussi excellents soient-ils. Le déploiement n’a donc pu être fait à la hauteur de ce qui était attendu, d’autant que les fournisseurs ont été confrontés à une très forte hausse de la demande mondiale pour adapter les tests aux automates. Les difficultés d’approvisionnement ont donc empêché les laboratoires de répondre aux besoins. Dans mon laboratoire, à une certaine période, nous n’avions des tests PCR que pour deux jours. Nous avons dû procéder à 200 à 300 tests par jour, niveau jamais atteint pour un pathogène. Aucun virus n’a nécessité 3 500 tests par jour en France par le passé, pas même le H1N1 pendant l’épidémie de 2009. Le test lui-même n’est que le dernier maillon d’une chaîne qui comprend réactifs, consommables, machines et bien sûr prélèvements. Or l’explosion de la demande mondiale a provoqué une pénurie d’écouvillons. Nous nous sommes ainsi retrouvés, à un moment donné, avec un nombre insuffisant d’écouvillons et de kits, qui plus est peu adaptés aux équipements actuels des laboratoires. Nous avons dû en permanence nous adapter à la situation, notamment en nous échangeant des prélèvements entre laboratoires.

Notre premier mouvement a été de nous tourner vers les producteurs pour leur demander du matériel. Nous avons fait du co-développement opérationnel pour ouvrir les outils de diagnostic. Ensuite, nous sommes passés à un niveau supérieur afin que les laboratoires puissent faire face à une réémergence du virus en utilisant des outils à l’ancienne.

Certains se demandent si les clusters en Chine peuvent être à l’origine d’une deuxième vague. En réalité, le virus est beaucoup plus présent en Amérique du Sud et en Afrique qu’en Chine. Le cas de la Chine nous apprend que nous ne sommes pas à l’abri d’une deuxième vague alors qu’il fait chaud, même si nous savons que l’hiver joue un rôle d’amplification. La deuxième vague ne nécessite pas non plus de mutation préalable du virus. Je vous rassure, les mutations ne sont pas forcément une mauvaise nouvelle car certaines ont tendance à réduire la virulence des virus. Nous pourrions nous étendre sur la mutation D614G observée dans la protéine Spike, qui expliquerait une transmission accrue, mais ce ne sont que des hypothèses. Le virus est extrêmement stable en ce moment. Rappelons que le virus de la grippe H1N1, extrêmement variable, a mis cinq ans à muter. L’épidémie peut repartir chez nous, ce qui fait du maintien des mesures d’hygiène et des gestes barrières un enjeu particulièrement important.

M. Jean-François Delfraissy. Compte tenu des particularités de ce virus, qui ressemble à un virus grippal, l’ensemble du conseil scientifique estime que le risque d’une deuxième vague venant de l’hémisphère sud et revenant vers l’Europe à la fin du mois d’octobre, en novembre ou en décembre doit être considéré. Nous avons fait part de cette position aux autorités politiques de notre pays. Il faut se préparer pour éviter de se retrouver dans la même situation que le 12 mars.

Le conseil scientifique estime qu’un confinement généralisé ne serait ni possible ni souhaitable. Il ne serait pas accepté par nos concitoyens pour de multiples raisons, économiques, mais aussi sociétales. Comment faire pour expliquer que nous devrons distinguer une population jeune, pour laquelle les risques sont faibles, qui pourra continuer à travailler en prenant toutes les précautions nécessaires et une population plus âgée, pour laquelle les risques sont plus élevés ? Cette population, il faudra lui conseiller de se protéger grâce à un confinement partiel – on m’accusera encore de l’ostraciser mais comme j’en fais moi-même partie, je me sens à l’aise pour le dire. Tout cela est à construire.

Nous avons beaucoup parlé de santé publique mais peu de médecine. On peut imaginer qu’un médicament de prévention sera mis au point d’ici là mais nous n’aurons pas de vaccin, à cette période, contrairement à ce que nous entendons trop souvent en ce moment. Nous insistons beaucoup dans notre avis n° 7 sur ce scénario-là. Espérons que nous nous tromperons ! Notre rôle est d’exposer ce qui pourrait éventuellement se passer. Il s’agit d’anticiper pour prendre toutes les dispositions nécessaires et préparer les Français à ce type de situation.

Comme vous l’aurez constaté, j’ai une assez grande liberté de ton. L’écrit limite un peu. C’est la raison pour laquelle je vous ai dit que nous avions beaucoup de discussions informelles, y compris avec le plus haut niveau de l’État.

Après le 9 juillet, date de la disparation du conseil scientifique, rien ne nous empêchera de continuer à nous réunir. La grande question est : que va-t-on faire à la rentrée ? Le Gouvernement et les autorités sanitaires doivent mettre noir sur blanc dès le début du mois de juillet ce qu’ils prévoient pour le 6 septembre. Notre principal retour d’expérience, le voici : la préparation pour lutter contre l’impréparation.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Pourquoi l’Allemagne a-t-elle réussi à produire une quantité de tests près de vingt fois supérieure à celle de la France ?

M. Bruno Lina. En Allemagne, pays fédéral, les missions de santé publique et de surveillance sont déclinées Land par Land. Dans chacun d’eux, les laboratoires ont été dimensionnés de façon beaucoup plus adaptée à la situation, et bien avant les nôtres. Christian Drosten, le virologue de la Charité, informé très tôt de la circulation du virus dans son pays, a élaboré une analyse des risques de manière anticipée. Cette structure organisationnelle et des circuits d’information plus courts ont permis une meilleure réactivité. Peu d’autres pays, à part l’Autriche, ont été capables d’activer ce niveau de réponse.

M. Éric Ciotti, rapporteur. En France, il y a eu des conflits pour décider qui devait tester. J’ai vécu dans mon département trois semaines d’arbitrage entre le CHU et des organismes universitaires et de recherche. La mobilisation des laboratoires vétérinaires départementaux a mis du temps à se mettre en place. Pour septembre, il faudra fluidifier notre organisation.

M. Bruno Lina. C’est une question de fond : aurait-il été possible de disposer d’un outil diagnostic plus rapidement ? À un moment donné, nous n’avons plus été en mesure de faire des tests, faute de matériel de prélèvement. C’est la raison pour laquelle des dispositifs alternatifs ont été évoqués, avec plus ou moins de succès. Il faut tenir compte de ce type de contraintes pré-analytiques et post-analytiques. Il n’est pas toujours simple pour un laboratoire de récupérer des échantillons, de les envoyer dans un autre laboratoire, puis de ressaisir à la main les résultats, qui ne sont pas transmis sous un format informatisé. Certaines structures, comme les labos vétérinaires, sont mieux équipées mais objectivement il vaut mieux que ce soit des laboratoires de biologie humaine qui s’occupent de ces tests.

M. Jean-François Delfraissy. Nous avons rattrapé notre retard et nos capacités de tests sont désormais largement équivalentes à celles de l’Allemagne. Seulement, il y a une sous‑utilisation des plateformes, qu’elles soient publiques ou privées. Le message du « Faites‑vous tester » n’est pas encore passé dans la population. On peut le comprendre en cette période mais il ne faut pas y renoncer pour la suite. Par ailleurs, ne perdons surtout pas notre capacité à procéder à 70 000 à 90 000 tests par jour pendant l’été. Nous avons mis du temps à mettre en place ce modèle. Maintenons-le actif et utilisons-le de façon intelligente en proposant des tests à certaines parties de la population. Il doit être opérationnel à la rentrée.

M. Damien Abad. Envisagez-vous d’autres types de tests moins douloureux ?

Si je comprends bien, monsieur Delfraissy, vous écartez la piste d’un confinement territorialisé au profit d’un confinement limité aux populations les plus fragiles. Me le confirmez-vous ?

Si vous considérez qu’il y a beaucoup de personnes asymptomatiques ou peu symptomatiques, pourquoi n’intervenez-vous pas dans le débat public pour inciter à une généralisation du port du masque ?

Estimez-vous que le message de l’OMS en faveur des tests s’adressait aussi à la France ?

Mme Martine Wonner. Nous ne remercierons jamais assez les soignants. Je suis heureuse que vous puissiez nous dire ce qu’ont accompli les services de réanimation, madame Bouadma.

Quels rapports entreteniez-vous avec les cellules de crise de l’Élysée, de Matignon, de la DGS, de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ? Aviez-vous le sentiment d’être compris quand vos interlocuteurs n’étaient pas médecins ?

Une personne a quitté le conseil scientifique. Cette décision s’explique-t-elle par des motivations particulières ? A-t-elle été remplacée ?

Avez-vous eu suffisamment de retours directs du terrain ? Les médecins généralistes ont-ils joué un rôle analogue aux médecins Sentinelles ?

N’avez-vous pas eu des doutes à certains moments sur la stratégie thérapeutique ? N’y a-t-il pas eu une confusion entre-temps de la recherche et temps du soin, qui a été en quelque sorte empêché pour les médecins de première ligne ?

M. Joachim Son-Forget. Merci, madame, messieurs, d’avoir ajouté un risque à l’exercice de votre métier de clinicien ou de chercheur en devenant membre du comité scientifique. Il est sain, comme vous le faites, de savoir se remettre en question, position peu comprise en politique.

Sur les tests et les masques, on a eu l’impression que du côté des politiques on niait l’importance de certaines stratégies pour justifier les manquements et les gens ont eu du mal à comprendre les avis discordants. Professeur Delfraissy, vous avez été convaincu très tôt de l’importance des tests massifs, avant même l’appel du directeur général de l’OMS, début mars – peu après, Jérôme Salomon déclarait que les tests n’avaient aucun intérêt pendant la phase aiguë de l’épidémie. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je ne vous ai pas beaucoup entendu au moment du scandale du Lancet. Qu’avez-vous conseillé au Président de la République ou au ministre de la santé ? J’ai mené une partie des investigations. C’est moi qui ai identifié la directrice des ventes, employée fictive qui avait fait des photos de charme.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Pourriez-vous en venir au sujet ?

M. Joachim Son-Forget. C’est le sujet, madame la présidente ! Car sur la foi de ces articles, des décisions d’interruption des essais portant sur l’hydroxychloroquine ont été prises au niveau international. Des données ethniques ont-elles été utilisées pour analyser les cas de patients français, comme le disent les études publiées dans The Lancet et le New England Journal of Medicine ? Ont-elles été collectées ? Sont-elles fantasmées ? Avez-vous eu des informations précises sur les patients français inclus dans l’étude ? Qui est derrière cette escroquerie ? J’aimerais que vous nous donniez votre avis car nous n’avons pas encore obtenu de réponses de la part du ministère de la santé ou du directeur général de la santé.

M. Bertrand Pancher. Après que le conseil scientifique a été mis en place par le Président de la République au début du mois de mars, notre groupe, Libertés et Territoires, a souligné les écueils liés à cette création ex nihilo et a demandé que votre instance s’appuie sur des structures existantes comme le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Elle est composée de personnalités très compétentes mais elle a rendu des avis tardifs, parfois, hélas, une fois les décisions politiques prises. Lorsque le Président de la République s’est adressé aux Français, le 12 mars, vous ne vous étiez réunis qu’une seule fois, pour votre installation. Le Président a fait à cette occasion des annonces lourdes de conséquences mais vous n’avez rendu public votre avis que le lendemain, le 13 mars. Le 15 avril, vous vous êtes rendus à la convocation de notre mission d’information sur le Covid-19 : nous avons appris que vous preniez vos distances avec la décision de la sortie du confinement généralisé fixée pour le 11 mai. Il est apparu aussi que le conseil n’était pas unanimement favorable au confinement total. Je vous ai demandé lors de cette audition si vous aviez eu des débats internes à ce sujet. Vous ne m’avez pas répondu précisément. Je vous ai écrit quelques jours plus tard pour réitérer ma demande, toujours pas de réponse – je suis toutefois certain que cela n’est dû qu’à la lourdeur de vos tâches et à l’insuffisance de vos moyens.

En cette période de crise, la confiance dans les rouages de l’État est essentielle, c’est la clef de la réussite. Cependant, outre l’absence de transparence dans la gestion des masques et des tests, se posent des questions de méthode. J’ai appris par la presse que vous aviez demandé des moyens pour créer un comité de liaison avec la société. Je sais que vous défendez la démocratie sanitaire. Je partage cette vision. Pouvez-vous nous indiquer quels furent les manques en ce domaine et nous dire vos préconisations ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Il me semble intéressant également d’avoir de plus amples précisions sur les respirateurs.

Mme Lila Bouadma. Les services de réanimation comptent 5 000 lits qui sont généralement occupés. Toutefois, nous avons eu la chance de constater une large diminution du nombre des malades habituels pendant le confinement, même si celui-ci a eu par ailleurs des effets délétères. C’est ainsi que nous avons pu accueillir 7 000 malades, ce qui a nécessité la création de 2 000 lits supplémentaires.

Nous devons réfléchir à une future organisation pour faire face à une prochaine vague. Chaque hôpital, chaque structure de soins a progressivement augmenté sa capacité en trouvant des lits dans des structures qui n’étaient pas adaptées à la réanimation. C’est une expérience qu’il ne faut pas renouveler. Nous devons établir un ordre dans l’ouverture des lits, par hôpital et par structure, en pensant aux meilleures adaptations possibles.

Quant aux respirateurs, bien évidemment, nous avons failli en manquer. Tous les soirs dans mon service, nous nous posions la question de savoir si nous pourrions ventiler le prochain malade. Nous avons utilisé des ventilateurs de domicile, que nous avons demandé à des sociétés privées de nous fournir. Des ventilateurs de transport ont été fabriqués en urgence, mais ils ne sont pas adaptés à la ventilation des malades en phase aiguë de Covid-19. Ils peuvent avoir une utilité quand il y a un grand nombre de patients, notamment pour ceux qui sont dans la phase de sevrage. Reste qu’ils ne sont pas d’une grande efficacité. Surtout, il ne suffit pas, pour faire de la réanimation, d’avoir des respirateurs, même par dizaines de milliers. Il faut des médecins et des soignants et des bouteilles d’oxygène et nous n’en avons pas en suffisance. Personnellement, je ne vois pas comme on aurait eu le personnel nécessaire pour les 10 000 ventilateurs.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Ces ventilateurs de transport fabriqués en urgence correspondent-ils à la commande annoncée par le Président de la République ?

Mme Lila Bouadma. Ces 8 500 ventilateurs fabriqués en urgence conviennent pour le transport de malades qui ne sont pas dans un état grave. Ils ne sont pas adaptés à la prise en charge d’un afflux massif de patients.

M. Boris Vallaud. Où en est-on pour les curares ? Nous avons posé des questions précises au Premier ministre sur l’état des stocks et l’anticipation des besoins mais nous n’avons pas obtenu de réponses.

Pourriez-vous nous dire un mot de la coopération entre l’hôpital public et le secteur privé ? On s’est parfois interrogé sur le bien-fondé du transfert de malades vers des hôpitaux publics éloignés alors qu’il y avait des disponibilités dans des hôpitaux privés plus proches.

Mme Lila Bouadma. S’agissant des médicaments, le conseil scientifique a rédigé plusieurs notes d’alerte. De nombreux réanimateurs, dans mon service en particulier, manquaient de médicaments. Comme les tests, ces anesthésiques faisaient l’objet d’une demande mondiale. Et dans notre avis n° 7, nous avons abordé la question de la prévisibilité de la distribution. Pendant la crise, nous n’étions pas du tout certains d’obtenir le lendemain tel médicament. Une telle situation ne saurait se reproduire. Les soignants doivent savoir quel est l’état des stocks et comment ils seront distribués.

J’ai entendu des cliniques privées dire qu’elles avaient peu ou pas travaillé alors que nous étions débordés dans les structures publiques – mon service fait partie de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. C’est un dysfonctionnement : il était indispensable qu’elles travaillent également. Dans notre avis n° 7, nous avons insisté sur la nécessité de préciser le rôle des établissements publics et des établissements privés. Ces derniers doivent participer car la deuxième vague pourrait être plus importante que la première. Les ARS auront à établir un plan de montée en puissance de l’ouverture des lits selon les structures. Nous avons quelques semaines, voire quelques mois pour nous préparer.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Pour les hypnotiques et curares, on nous a décrit une gestion très centralisée des achats qui empêchaient les hôpitaux d’en obtenir. Nous pouvons comprendre, d’une certaine manière, qu’un tel contingentement ait été établi parce qu’il y avait un risque de pénurie. Toutefois, d’autres pays n’ont pas été confrontés aux mêmes problèmes, notamment l’Italie.

Mme Lila Bouadma. Les cliniciens au lit du malade ont été confrontés à un flou sur l’état et la distribution des stocks. Dans mon hôpital, au bout d’un certain temps, nous ne savions plus très bien comment obtenir les médicaments car tout était réquisitionné. Nous avons rédigé des notes d’alerte à ce sujet car l’incertitude ajoute au stress des soignants. Je ne sais pas comment les stocks seront réapprovisionnés et distribués si nous sommes à nouveau face à une crise.

M. Jean-François Delfraissy. Effectivement, il existe une pénurie de médicaments destinés aux malades atteints du Covid en réanimation, des patients atteints de pathologies lourdes nécessitant des semaines de ventilation, caractéristiques particulières que les Chinois ne nous ont pas décrites à l’OMS. Les Anglais ont été confrontés aux mêmes problèmes. Le milieu associatif s’est beaucoup mobilisé au niveau européen. Un tel nombre de patients ventilés est une situation inédite. Cela renvoie aussi à un important enjeu de souveraineté : quelle est la capacité de chaque pays à disposer des produits de base pour la fabrication des médicaments indispensables ?

M. Bruno Lina. Je vais évoquer essentiellement les tests virologiques, les tests sérologiques, en cours de déploiement, en sont des compléments. Nous cherchons à mettre au point des méthodes de prélèvement plus simples et des techniques alternatives. Les prélèvements salivaires ne posent pas de problèmes de collecte mais sont plus compliqués à analyser que les prélèvements nasopharyngés classiques. L'amplification isotherme médiée par les boucles (LAMP) semble plus rapide que la technique PCR tout en offrant les mêmes capacités analytiques. En outre, elle repose sur de petits dispositifs mobiles qui pourraient avoir une excellente sensibilité et être utilisés en biologie déportée. Parmi les alternatives, citons encore les tests antigéniques, encore de qualité médiocre puisque leur taux de sensibilité n’est que de 25 % à 30 %, ce qui implique de passer à côté de 70 % des patients. Des recherches portent aussi sur la détection à partir de l’air expiré.

La philosophie des tests massifs est de parvenir à une identification précise, à combiner avec les mesures d’isolement et le contact tracing afin de casser les chaînes de transmission. C’est une stratégie très importante à laquelle il faudra avoir largement recours lors de la deuxième vague.

M. Jean-François Delfraissy. Si la relation de dialogue et d’information s’est essentiellement faite avec le plus haut sommet de l’État – Matignon et l’Élysée –, nous avions des relations avec l’ensemble des cellules de crise et des cabinets. Nous recevions de nombreuses informations, et toutes celles que nous demandions étaient disponibles. Les relations étaient très fluides.

Une personne a en effet quitté le Conseil scientifique covid-19 après sa création. Il s’agit de Didier Raoult, qui a souhaité travailler de façon différente. Je connais bien cet excellent scientifique, depuis très longtemps. J’ai fait partie du conseil d’administration de son institut. Il m’apparaissait légitime qu’il prenne part à ce comité scientifique car il mène une vraie réflexion. Il a finalement souhaité prendre de la distance. Nous lui avons proposé de revenir, après l’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Il a alors souhaité quitter le conseil. Vous lui poserez la question. Je regrette sa décision, car le dialogue aurait été plus simple si nous avions pu le poursuivre.

S’agissant des retours des élus de terrain, chacun de nous possède des réseaux, soit dans les milieux hospitalo-universitaires, soit à l’étranger. Ainsi, je connais bien tous les opérationnels des États-Unis, par exemple au sein du NIH (National Institutes of Health), et le réseau des épidémiologistes. C’est ce qui fait la force d’une stratégie de groupe.

Le conseil scientifique compte un médecin généraliste, qui avait lui-même son réseau de généralistes. Nous avons parlé aux professeurs de Strasbourg et de Colmar une dizaine de fois, et je connais personnellement le doyen de Strasbourg. Un des rôles des membres du Conseil scientifique, en dehors de nos réunions, consistait à passer de nombreux coups de téléphone pour savoir ce qui se passait sur le terrain, et ne pas en être coupés. Lila Bouadma a appelé tous les services de réanimation pour connaître leur situation et les blocages.

Quant à l’organisation de la recherche, le groupe CARE a été nommé à cette fin. Nous en étions parfaitement informés. Je connais bien REACTING, structure dans laquelle je suis également impliqué, comme Arnaud Fontanet. Nous sommes des chercheurs. Chacun son rôle. Le nôtre était d’aider le politique à prendre de grandes décisions de stratégie de santé publique. Étant donné qu’aucun médicament n’avait fait la preuve de son efficacité contre le covid-19 et qu’aucun vaccin n’était disponible, notre attitude a consisté à attendre les résultats des grands essais internationaux.

Il est faux de dire que nous n’avons pas tenu compte du soin, et d’opposer le soin à la recherche. Tous deux sont des missions essentielles de tout médecin, en particulier hospitalo-universitaire. Cette médecine a été ma vie, et l’on peut faire de la très grande recherche tout en s’occupant très bien, quotidiennement, des patients.

Mme Martine Wonner. Ce n’était pas le sens de ma question.

M. Jean-François Delfraissy. S’agissant du scandale du Lancet, nous avions d’autres enjeux à traiter, avec l’avis n° 7.

Je ne vous cache pas que je sors de cette période avec un certain malaise. La science, la médecine, de façon générale, pas seulement en France, contrairement à ce que l’on dit, ont été un peu bousculées. On a vu de très nombreux non-sachants devenir des sachants sur les divers plateaux de télévision, avec des effets d’annonce, des commentaires. Cela continue et je ressens un certain malaise. Il nous faudra renouer, une fois de plus, la confiance avec les Français, qui est fondamentale. La relation médecin-patient, qui est bien meilleure dans le modèle français que dans les pays anglo-saxons, a été touchée. Lors des États généraux de la bioéthique, j’avais déjà senti une remise en cause de la relation entre les patients et les médecins. Nous devrons reconstruire cette confiance, de manière cohérente et inclusive.

La publication de nos avis a parfois été décalée. Nous n’avons disposé d’un site web qu’à partir du 16 mars – nous nous sommes battus pour en avoir un pour assurer la transparence de nos avis. C’est pourquoi les trois avis rendus aux autorités gouvernementales à partir du 12 n’ont été publiés qu’à cette date. Dans d’autres cas, les autorités de santé ont pris le temps de pleinement assimiler nos avis avant de les publier, ce qui explique qu’ils ne soient sortis que quatre jours plus tard. En tout cas, les autorités avaient nos avis avant de prendre leurs décisions, nous n’avons pas couru après les déclarations des politiques, nous les avons toujours précédés.

La démocratie sanitaire est un sujet qui m’est cher. La santé repose sur un triangle : les politiques – qui prennent les décisions et votent les lois –, les experts et médecins, et les citoyens. Lors de la crise du VIH nous avons construit une relation avec le milieu associatif qui nous a beaucoup fait évoluer. La maladie n’appartient pas au médecin, son rôle est d’accompagner le patient. Je pense que cette construction a fait défaut lors de la crise du covid‑19, et la constitution d’un comité de citoyens me paraît nécessaire. Il n’est pas trop tard : ce comité citoyen de liaison pourrait s’appuyer sur des structures existantes, à l’exemple du conseil national du sida et des hépatites virales. Cela permettrait de mener une réflexion en cas de deuxième vague, de faciliter l’acceptation de mesures difficiles et d’anticiper les problèmes générationnels.

Pour conclure, j’ai deux messages à faire passer. Premièrement, il faut anticiper pour mieux préparer. Deuxièmement, je pense que nous devons avoir une vraie réflexion sur la construction et sur l’avenir de la santé publique en France.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vais laisser la parole au rapporteur pour un mot de conclusion.

M. Joachim Son-Forget. Monsieur Delfraissy, vous n’avez pas répondu à ma question ! Étiez-vous favorable à la généralisation des tests dès le début du mois de mars ? Vous ne m’avez pas non plus répondu au sujet de l’article du Lancet ! Avez-vous été consulté au sujet de cet article, en même temps que le HCSP ? C’est important, car des décisions dramatiques ont été prises à l’époque.

M. Jean-François Delfraissy. Nous n’avons pas été saisis sur les données du Lancet : ce n’était pas notre rôle. Nous les avons lus comme tous les membres de la communauté scientifique, mais nous n’avons eu aucun rôle dans les décisions qui ont été prises. Elles l’ont été par des agences, comme le HCSP.

Sur les tests, je crois que Bruno Lina vous a déjà répondu. Début mars, je préconisais une utilisation assez large des tests, mais je vous rappelle que nous en réalisions 3 000 à 4 000 par jour et que nous sommes rapidement entrés en confinement. Notre stratégie était double : fabriquer des tests pour pouvoir en faire, fin avril ou début mai, plusieurs dizaines de milliers par jour ; et, dans l’intervalle, utiliser particulièrement les tests dans les EHPAD – je pourrai vous fournir des documents.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Monsieur le président, madame et messieurs, je vous remercie. Vous avez évoqué à plusieurs reprises des notes d’alerte que vous avez adressées aux pouvoirs : j’imagine qu’elles sont distinctes des avis publics que vous avez rendus et notre commission souhaiterait en avoir connaissance.

M. Jean-François Delfraissy. Il y a trois ou quatre notes de ce type, qui vous seront transmises. Mais quand j’ai évoqué des communications informelles, je pensais surtout à des communications téléphoniques.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie.

 

 

 

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19

 

 

Réunion du jeudi 18 juin 2020 à 10 heures 30

Présents. - M. Damien Abad, M. Olivier Becht, M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, Mme Françoise Dumas, M. David Habib, M. Bertrand Pancher, Mme Barbara Pompili, M. Bruno Questel, M. Joachim Son-Forget, M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Vigier, Mme Martine Wonner