Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) :

- Suite de l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » 

. Politique de développement durable (Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis) 2

- Examen pour avis des crédits de la mission « Cohésion des territoires » (M. Guillaume Garot, rapporteur pour avis) 2

 


Mardi 3 novembre 2020

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur le rapport pour avis de Mme Aude Luquet « Politiques de développement durable » et des crédits de la mission « Cohésion des territoires » sur le rapport pour avis de M. Guillaume Garot.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous poursuivons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021.

M. Guillaume Garot, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Je souhaite tout d’abord remercier les administrateurs pour leur travail. C’est une force pour notre Parlement que de pouvoir compter sur une fonction publique de ce niveau-là.

Je vais donc vous présenter les crédits de la partie de la mission « Cohésion des territoires » dont est saisie pour avis notre commission. Ils sont répartis entre deux programmes : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».

Ces deux programmes ne couvrent qu’une petite partie de l’ensemble des crédits de la mission – 271 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sur près de 16 milliards d’euros pour la mission dans sa globalité. Ils illustrent les lignes de force que le Gouvernement entend donner à l’ensemble de la mission, et quant à l’implication de l’État dans des actions très variées, et quant au partenariat avec les acteurs locaux et aux politiques de contractualisation.

Le programme 112, en baisse de 5 % par rapport à 2020, est doté de 231 millions d’euros en CP. Toutefois, il faut être honnête, les crédits de la mission « Plan de relance » apportent 44 millions d’euros supplémentaires à ses actions, ce qui représente une hausse globale significative.

Le programme 112 comporte deux grands types d’actions : d’abord, celles du Fonds national pour l’aménagement et le développement des territoires (FNADT), avec 360 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 186 millions d’euros en CP en comptant le plan de relance ; ensuite, le soutien aux opérateurs, fléché vers Business France mais, surtout, vers l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), avec 60,9 millions d’euros. La principale nouveauté de ce programme, c’est donc l’ANCT, qui est également l’opérateur de ce dernier, et dont on fêtera bientôt la première année d’existence. J’ai choisi de m’arrêter un peu plus longuement sur les débuts de l’agence et sur la première action qu’elle pilotera, le programme « Petites villes de demain ».

Le programme 112 est notamment destiné à financer les contrats de plan État-région (CPER). Je voulais tout d’abord m’intéresser à la génération 2021-2027 mais leur élaboration a pris du retard en raison de l’épidémie de covid-19, ce qui est parfaitement compréhensible. La semaine dernière, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a confié à notre commission quelques éléments sur les grandes orientations des prochains CPER, qui mobiliseront plus de 20 milliards d’euros engagés par l’État, et autant par les régions.

J’ai eu beaucoup de mal à obtenir des réponses de la part de Régions de France, qui a refusé d’être auditionné, ce qui est une mauvaise manière faite au Parlement et ce qui n’est pas la meilleure façon de défendre l’intérêt de ces collectivités.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » (PITE) couvre une variété d’actions sur lesquelles l’État souhaite prendre la main dans des territoires spécifiques en regroupant les moyens habituellement répartis entre plusieurs ministères. Le programme est géré, pour le compte du Premier ministre, par le ministère de l’intérieur.

Pour 2021, le PITE compte sept actions : Eau et agriculture en Bretagne, Plan exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse, Plan chlordécone, Plan Littoral 21, Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, Service d’incendie et de secours de Wallis et Futuna, Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire.

Ces actions totalisent 41 millions d’euros en autorisations d’engagement et 40,5 millions en crédits de paiement.

Quels constats tirer de l’observation attentive de ces crédits de la mission « Cohésion des territoires » ?

Tout d’abord, ce budget est difficilement lisible.

En effet, aux crédits « classiques » s’ajoutent ceux du plan de relance, ce qui représente certes une masse financière importante mais ce qui est aussi un peu « sportif » pour le législateur qui doit contrôler les dépenses sans disposer de correspondances automatiques entre l’une et l’autre masses de crédits.

Ensuite, que se passera-t-il après 2021 et 2022 et la fin du plan de relance ? Que penser de la pérennité et de la durabilité de la hausse constatée ? C’est un vrai problème, non seulement pour le contrôle budgétaire, je l’ai dit – et ce n’est pas le plus grave – mais pour les opérateurs, pour les collectivités locales : qu’adviendra-t-il des actions qui ont été engagées ? Dans quelle mesure l’État les accompagnera-t-elles dans la durée, et à quelle hauteur ? Ce sont les questions que l’on se pose sur le terrain. Le législateur se doit donc de prendre date de manière à pouvoir contrôler précisément et strictement la variation des crédits dans les budgets à venir. J’espère que le Gouvernement pourra nous apporter des réponses et qu’il respectera ses engagements.

Je prends l’exemple de l’ANCT. Elle doit encore s’affirmer et souffre non seulement d’un déficit de visibilité mais de moyens financiers très limités et mal définis. Elle signera plusieurs conventions de partenariat avec des opérateurs tiers, notamment l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Or, les documents annexés au PLF ne font état d’aucune augmentation spécifique des crédits budgétaires de ces partenaires pour abonder des opérations menées avec eux, ce qui soulève des questions quant à l’engagement effectif de ce bras armé que devrait être l’ANCT dans l’application des politiques et des actions de la mission « Cohésion des territoires ».

Par ailleurs, s’il est bon que les préfets soient les délégués territoriaux de l’ANCT – plus on est proche du terrain, plus on est efficace – eux non plus ne bénéficient pas de moyens supplémentaires. Ils devront donc mener des actions et mettre en œuvre des projets sans que, au moment où nous parlons, ils disposent de moyens humains supplémentaires pour se tenir aux côtés des collectivités locales, en particulier pour l’ingénierie de projets.

Enfin, je souhaite revenir sur deux actions auxquelles le rapport consacre une analyse plus poussée et qui me permettront de partager avec vous d’autres observations.

Les orientations du programme « Petites villes de demain » se veulent innovantes à travers une offre d’accompagnement « sur mesure » aux communes et intercommunalités éligibles à ce label.

Du point de vue comptable, le programme prévoit de mobiliser 3 milliards d’euros sur une période de six ans, de 2021 à 2026, à destination de 1 000 communes ou intercommunalités. C’est aux préfets qu’incombe le choix des communes éligibles ce qui, sur le papier, est une bonne chose : nous sommes en effet nombreux à demander une plus grande déconcentration de l’action de l’État. Néanmoins, il faudra se montrer très vigilants : tant mieux si les préfets ont une nouvelle responsabilité mais il conviendra de les accompagner car leurs choix devront être solidement étayés et ils devront pouvoir résister aux pressions locales ou aux conséquences d’éventuelles déceptions. Ils devront donc bénéficier de moyens humains supplémentaires pour que les décisions prises soient argumentées.

J’en termine par l’action « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire ». Incluse dans le contrat d’avenir signé en février 2019 avec la région Pays de la Loire, elle répond à une situation qui s’est largement dégradée, particulièrement en aval du bassin de la Loire et en Vendée : en 2017, seuls 13 % des cours d’eau de cette région étaient en bon état écologique.

Les actions menées en Bretagne ont permis d’obtenir de meilleurs résultats car le partenariat entre l’État et les opérateurs locaux a été efficace mais, dans la région Pays de la Loire, les acteurs locaux sont découragés. Face à une batterie d’indicateurs et de critères, nous avons du mal à valoriser les progrès réalisés. La qualité des eaux demeure insuffisante alors que des actions sont menées, que des efforts sont réalisés et qu’ils doivent être reconnus, ce que ne permettent pas les critères en vigueur. La mobilisation des différents acteurs est donc moins efficace ; or, dans ce domaine, elle doit être effective dans la durée. Je sais que cela est valable dans d’autres secteurs et pour d’autres enjeux partout en France.

Dans la période où nous sommes, la solidarité envers les territoires les plus vulnérables devra à l’évidence jouer, et c’est tout le sens du plan de relance. Le risque n’est pas pour 2021 mais pour la suite, pour la visibilité des projets, des orientations, des crédits. J’appelle donc votre attention sur la nécessité de mobiliser les acteurs dès aujourd’hui mais aussi pour demain, durablement.

Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission car ils sont en augmentation, il faut le reconnaître, mais il faut rester très vigilant pour les raisons que j’ai exposées.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ». Vous avez été destinataires de mon projet d’avis, je ne reviendrai donc ici que sur les éléments les plus importants de mon analyse des crédits du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ».

Je salue l’augmentation globale des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Notre pays est résolument engagé dans la transition écologique et la mise en œuvre d’un aménagement durable des territoires ; ce budget en traduit, cette année encore, la concrétisation. C’est d’autant plus le cas cette année que la mission « Plan de relance » porte également une ambition écologique très forte : la relance sera verte, avec plus de 30 milliards d’euros destinés à la transition écologique.

Concernant le programme 217, j’évoquerai mes satisfactions, mais également des points de vigilance. Je m’arrêterai ensuite sur les deux thèmes que j’ai souhaité approfondir : les moyens informatiques et les écoles d’ingénieurs inscrites au programme.

Le programme 217 est le programme support de la mise en œuvre des politiques publiques de trois ministères : le ministère de la transition écologique, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministère de la mer.

À quelques exceptions près, il porte l’essentiel des effectifs de ces trois ministères, hors opérateurs. C’est très important, j’y reviendrai. Il assure également le financement des activités transverses – fonctions juridiques, moyens de fonctionnement et numériques, ou encore politique immobilière.

Il finance également trois autorités administratives indépendantes (AAI) : la Commission nationale du débat public (CNDP), l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Mon avis dresse la situation de ces trois AAI, avec une inquiétude particulière pour la CNDP.

Enfin, le programme 217 assure une partie du financement de deux opérateurs – deux écoles d’ingénieurs –, sur lesquels je reviens longuement dans l’avis : l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), dans laquelle j’ai pu me rendre, et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), que la situation sanitaire ne m’a pas permis de visiter mais dont j’ai pu auditionner à distance la direction, des chercheurs et des étudiants.

Je reviens sur un point essentiel : ce programme ne finance donc pas une politique en particulier, mais bien l’ensemble des moyens, notamment humains, nécessaires à la réalisation de toutes les politiques environnementales. En conséquence, les autres programmes, déjà présentés à notre commission ou qui vont l’être, relèvent du programme 217 pour leurs effectifs.

La diminution annuelle des crédits du programme 217 signifie donc que les effectifs des trois ministères, et donc ceux consacrés à la mise en œuvre de politiques publiques dont les moyens augmentent, baissent. En 2021, et pour la treizième année consécutive, le schéma d’emplois des effectifs du programme sera négatif, à –780 équivalents temps plein (ETP).

Il faut s’interroger sur l’effet du cumul de ces suppressions d’effectifs qui inquiète aussi bien les représentants syndicaux que le secrétariat général. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement pour envoyer un signal au Gouvernement.

Je l’indique dans mon avis : il semble contradictoire de renforcer chaque année les exigences environnementales et les politiques publiques dans le champ du développement durable, tout en poursuivant de telles suppressions d’effectifs.

Cette évidence s’applique également à la Commission nationale du débat public (CNDP) : la participation citoyenne est partout mise en avant mais, en 2021, la CNDP risque de perdre un ETP, alors qu’elle a déjà de grandes difficultés à assurer ses missions. Là encore, je vous proposerai un amendement.

Toutefois, le ministère semble avoir largement pris conscience de ces difficultés : lors de son audition, la secrétaire générale du pôle ministériel m’a indiqué qu’une « revue des missions » serait engagée dès 2021 pour réfléchir à ce que devra être le ministère demain, aux métiers et politiques prioritaires, aux missions et aux compétences. Je salue cet élément de concertation positif ajouté à l’agenda social du ministère.

En outre, des efforts sont réalisés pour ne pas fragiliser outre mesure les politiques portées par le ministère et les suppressions d’effectifs ne se font pas à l’aveugle : les services de l’État au niveau départemental sont relativement préservés, même si je considère qu’ils devraient l’être encore davantage ; certaines politiques – la prévention des risques par exemple – également ; enfin, on s’efforce de préserver l’expertise, en maintenant le niveau des effectifs de catégorie A. Ces efforts sont positifs.

Hormis ce point d’attention, la gestion du pôle ministériel est exemplaire. Malgré l’impact de la crise, la prévision d’exécution 2020 est soutenable, les dépenses atypiques ayant été compensées par des minorations de dépenses. Je salue également une démarche de rationalisation de la dépense publique par des mesures d’organisation, ainsi que la maîtrise des dépenses de fonctionnement et des dépenses immobilières. Voilà des économies qui ne nuisent pas à la qualité de service !

J’en viens maintenant aux deux sujets que j’ai souhaité approfondir. D’abord, les moyens informatiques des trois ministères. Jusqu’en 2020, ils connaissaient globalement une progression annuelle, mais celle-ci demeurait souvent modeste et les agents étaient encore trop souvent dotés d’équipements ou de logiciels vétustes, lorsqu’ils en étaient équipés.

La crise du coronavirus a mis les ministères face à leurs insuffisances sur ce sujet. On nous l’a clairement indiqué : les investissements contraints des années précédentes ont eu un impact sur le taux d’équipement – limité – des agents. Je salue donc le déblocage immédiat de moyens pour équiper les agents : même si tous n’ont pas pu l’être à ce stade, 2,3 millions d’euros ont été mobilisés pour acheter et configurer des postes de travail, des téléphones portables, renforcer la sécurité des accès au réseau, adapter les outils de visioconférence, ou encore mettre à niveau les infrastructures de réseau.

Il faut aller encore plus loin afin que le télétravail monte en puissance de manière pérenne au sein des ministères. Un effort budgétaire conséquent est inscrit au projet de loi de finances pour 2021 en faveur des moyens informatiques ; il faut le soutenir et l’encourager. En outre, la réflexion avec les organisations syndicales sur l’environnement de travail numérique va se poursuivre, permettant, je l’espère, de lever les obstacles culturels au développement du télétravail.

Concernant les écoles – l’ENPC et l’ENTPE – je souhaite partager avec vous mon très grand enthousiasme, mais également quelques inquiétudes. Ces écoles sont fortement engagées dans le développement durable et l’aménagement du territoire : les chercheurs rencontrés et les installations visitées illustrent ce travail permanent pour réduire notre empreinte environnementale et préparer notre adaptation au réchauffement climatique. J’ai souhaité, à chaque fois, échanger avec des étudiants, conscients de leur rôle à venir sur ce sujet.

Mais je m’inquiète car les subventions pour charges de service public (SCSP) des deux écoles diminuent annuellement, tout comme leur plafond d’emplois. Il s’agit, naturellement, d’inciter les écoles à développer leurs ressources propres et à devenir moins dépendantes des subventions ministérielles. Cependant, le maintien d’un plafond d’emplois élevé est une condition sine qua none au développement de ressources propres : seul le recrutement de nouveaux chercheurs permettra en effet l’émergence et le développement de nouveaux partenariats. Je vous proposerai donc par amendement d’augmenter les SCSP des deux écoles du montant équivalent aux cinq ETP qu’il est prévu de supprimer pour 2021, en demandant ensuite au Gouvernement de relever d’autant le plafond d’emplois des deux opérateurs.

Mon principal point d’alerte concerne donc les effectifs. Il faudra absolument tenir compte de cette situation pour les prochains exercices budgétaires, sans quoi la capacité d’agir des ministères pourrait être fragilisée.

Il faut tout de même saluer les efforts faits pour cibler les baisses d’effectifs et maintenir la qualité de service des ministères, ainsi que l’annonce d’une « revue de missions » pour l’an prochain. Au global, la gestion est rigoureuse et rationnelle, et les crédits globaux de la mission témoignent, je le disais en introduction, d’une réelle ambition écologique.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Hubert Wulfranc. Je ne reviendrai pas sur l’excellent rapport de M. Guillaume Garot, que nous avons commenté la semaine dernière avec mon collègue M. Gérard Leseul. Je partage totalement ses conclusions.

Je m’attarderai sur le rapport très éclairant de notre collègue Mme Aude Luquet. Si je voulais être taquin, je dirais que je m’en suis tenu aux têtes de chapitre. Ce n’est pas le cas ! Mais on pourrait résumer votre avis par la citation suivante : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! ». En analysant les crédits relatifs à la masse salariale, et donc aux emplois du ministère, on constate que le Gouvernement continue de dépeupler ce ministère de ses femmes et de ses hommes, agents du service public, qui mettent concrètement en œuvre les politiques publiques environnementales, que ce soit directement ou de manière transversale, partout sur le territoire. On constate le même dépeuplement au sein des grands opérateurs de l’État : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), Office national des forêts (ONF), Office français de la biodiversité (OFB), etc.

Cette politique d’abandon apporte un démenti cinglant aux promesses claironnées sur tous les tons : dans de telles conditions, comment les politiques publiques de transition écologique, de l’énergie, des transports peuvent-elles être opérationnelles sur l’ensemble du territoire ?

Deux cent quarante-six postes sont supprimés dans le secteur des transports, cent quatre-vingt-quinze dans le champ de l’amélioration de l’habitat, quatre-vingts dans celui de l’eau et de la biodiversité. Les amputations sont majeures en région et dans les départements.

Madame la rapporteure pour avis, votre rapport est une alarme, une alerte même, que vous avez bien voulu porter à notre connaissance.

M. Jacques Krabal. M. Guillaume Garot a fait un exposé brillant des programmes 112 et 162. Je salue son honnêteté intellectuelle : même si j’ai noté quelques divergences entre la présentation orale et le rapport écrit, la conclusion est la même. Nous pouvons toujours exprimer des réserves ou des mises en garde, mais nous ne pouvons pas passer sous silence l’augmentation des crédits, tellement rare qu’elle mérite d’être signalée.

Je m’arrêterai à ce qui nous semble source d’espoir : il faut que l’aménagement du territoire ne soit pas une vieille lune, ou la continuité du « déménagement du territoire ». Nous avons le sentiment que la transition doit s’accélérer et que l’Agence nationale de la cohésion des territoires doit être son bras armé. Aujourd’hui, plus que jamais, nous constatons que notre pays manque de cohésion, probablement suite aux lacunes de l’aménagement du territoire.

En outre, s’agissant du rôle des préfets, je souhaite que les parlementaires soient associés à la définition du programme « Petites villes de demain » – 1 000 communes devraient être accompagnées, dont 61 pour les Hauts-de-France.

Enfin, le réseau France Services progresse ; on ne peut donc pas dire qu’on abandonne les services publics dans les territoires ruraux ! Il s’agit simplement d’une nouvelle organisation.

Pour conclure, je partage votre avis, le plan de relance est un atout, avec la mise en place d’un budget vert à hauteur de 30 milliards d’euros. Je ne peux donc que nous inviter à émettre un avis favorable sur ces crédits.

Mme Nathalie Sarles. Je remercie Mme Aude Luquet pour son rapport. Le programme dont elle est la rapporteure pour avis est important puisqu’il concerne les agents notamment mobilisés en faveur du plan de relance, de la Convention citoyenne pour le climat et de la préparation de la présidence de la France à l’Union européenne. Comme vous, nous avons noté la trajectoire de diminution des effectifs, à l’œuvre depuis plusieurs années. Nous le regrettons et serons vigilants. Il serait bon qu’une évaluation soit effectuée, même si nous avons bien conscience que la rationalisation des dépenses est de rigueur dans le contexte actuel.

L’écologie, ce sont aussi les moyens donnés aux différents acteurs pour financer la transition : ils s’élèvent à 1,2 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021, auxquels s’ajoutent les 30 milliards d’euros du plan de relance. Nous saluons cet effort.

Vous avez émis des réserves concernant les deux écoles d’ingénieurs, qui forment les cadres ministériels de demain. Il est important en effet que les crédits soient mobilisés.

Nous partageons vos interrogations concernant les moyens numériques, d’autant que les agents doivent à nouveau télétravailler et qu’ils ont donc besoin de moyens renforcés.

M. Jean-Marie Sermier. Je félicite nos deux rapporteurs pour avis, même si l’un paraît plus sportif que l’autre, les crédits semblant bien complexes à retrouver en détail !

On ne peut évidemment que se féliciter de l’augmentation des crédits alloués à l’aménagement du territoire, mais rappelons également que les crédits du plan de relance sont ponctuels et ne doivent donc pas être assimilés à des crédits de fonctionnement ou d’investissement « normaux ».

Ensuite, le rapport entre crédits de paiement et autorisations d’engagement du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) est très déséquilibré : peu de crédits de paiement et beaucoup d’autorisations d’engagement. Je ne sais pas si nous pourrons tenir le rythme…

Je l’ai rappelé à la ministre il y a quelques jours, les parlementaires doivent absolument être associés à l’élaboration des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027. Or, dans le Jura, ils ne le sont toujours pas.

Nous avons déjà longuement débattu de l’ANCT au moment de sa création. Elle dispose d’un budget de 60,9 millions d’euros. Avez-vous une idée du nombre de ses agents ? Il me semblait qu’en consolidant toutes les structures qui composent cette nouvelle agence, on approchait mille personnes. Si vous faites un calcul rapide, ce budget risque donc de passer intégralement dans la masse salariale ! Quels sont aujourd’hui les moyens de l’ANCT, en dehors des capacités intellectuelles, importantes, de ses personnels ? Il faut qu’elle dispose de crédits de recherche et des moyens de réaliser des études.

Le programme 217 finance quasi intégralement la masse salariale de trois ministères puisqu’environ 92 % des crédits y sont affectés. Vous l’avez peu évoqué, mais il serait catastrophique que le plan de relance vienne aussi financer cette masse salariale ! Disposez-vous de données précises sur ce point ?

Vous évoquez une baisse de 780 ETP. Je rappelle qu’il faut ramener cette baisse au nombre de postes – 36 915. Soyons honnêtes, le groupe Les Républicains ne peut pas demander à l’État de réduire son train de vie et ne pas être favorable à cette légère baisse, qui représente 2 % des personnels, de même niveau que les exercices précédents (– 813 en 2019 et – 799 en 2020). Nous assumons donc la baisse car on ne peut à la fois plaider pour une diminution des impôts et une hausse des dépenses. Pour autant, les 321 transferts vers d’autres ministères sont-ils compris dans ces 780 ETP ?

Pour conclure, il est essentiel de préserver les emplois dans les territoires, notamment pour permettre une mutualisation avec les collectivités locales, ainsi que ceux relevant du domaine de l’eau, quitte à ce que leur nombre baisse.

M. Bruno Millienne. Merci aux rapporteurs pour avis pour leur travail. Merci pour votre honnêteté intellectuelle, désormais légendaire, monsieur le ministre. Tout en saluant l’effort réalisé dans ce budget en faveur du développement durable, puisque 30 milliards d’euros seront consacrés à la transition écologique, je m’inquiète notamment de la baisse des ressources humaines. Ce sont 780 postes supplémentaires qui seront supprimés dans les trois ministères en 2021, qui sera la treizième année consécutive de diminution des effectifs dédiés à cette mission, en contradiction avec l’ambition affichée par le Gouvernement en matière de transition écologique.

Le principe selon lequel il est possible de faire mieux avec moins ne doit pas être la seule boussole de nos choix budgétaires. Je n’aimerais pas que nous en venions au système de fonctionnement de l’Office national des forêts (ONF) ou de l’Office français de la biodiversité (OFB) ou à ce qui se passe dans les Yvelines, où le conseil départemental a dû conclure un partenariat avec une association de bénévoles, Éco‑garde, parce qu’il n’y avait personne le week-end pour surveiller et sécuriser nos espaces naturels. Voyons avec le Gouvernement comment limiter la casse pour cette année. Nous aimerions avoir plus de détails sur ces suppressions de postes, à commencer par leur localisation. Si l’on peut concevoir certaines optimisations au sein des ministères, on voit difficilement comment supprimer massivement des postes dans les territoires, alors qu’ils ont besoin d’effectifs.

M. Patrick Loiseau. Je vous remercie, monsieur Guillaume Garot, pour votre présentation de la mission, en particulier des deux programmes 112 et 162. L’objectif de cohésion et d’aménagement des territoires est transversal et interministériel. Comme vous le dites, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de doter cette mission d’un montant de 15,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 15,99 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits sont en légère augmentation, ce dont nous pouvons nous réjouir.

Vous faites toutefois état d’un certain nombre de points de vigilance, à commencer par le risque d’éparpillement des crédits entre cette mission et celle du plan de relance, alors que l’objectif est le même et que des actions peuvent être financées par l’une ou par l’autre. Il est important que la provenance et l’affectation des crédits soient lisibles et cohérentes. Savez‑vous comment cette répartition a été prévue ? Plus généralement, comment les crédits de la mission « Plan de relance » s’articulent‑ils avec ceux de la mission « Cohésion des territoires » ?

Concernant les dispositifs de contractualisation, vous alertez sur la complexité et sur la multiplicité des dispositifs avec des parties et des objectifs différents – contrats de ruralité, CPER ou programme « Action cœur de ville ». Ne pensez‑vous pas, au contraire, qu’un tel panorama et une telle diversité de dispositifs contractuels permettent de répondre à des besoins précis et identifiés pour les différentes collectivités, conformément au principe de différenciation selon les besoins de chaque territoire ?

M. Gérard Leseul. Le programme 217 n’est pas anodin, puisqu’il est le support d’une action interministérielle. Son champ est large et ses enjeux cruciaux. Des moyens ont été rapidement déployés pour outiller les agents en matériel informatique, afin de basculer massivement en télétravail, ce qui est une bonne chose et démontre une capacité d’adaptation à un moment où il fallait réagir vite. Cette transformation numérique du mode de travail devra être poursuivie. Si quelques points sont positifs, d’autres sont inquiétants. Le programme est une nouvelle fois marqué par une suppression d’effectifs au sein des ministères. Depuis 2018, 4 000 emplois ont été supprimés. J’ai bien compris que 321 ETP allaient être transférés. Néanmoins, à périmètre constant, une telle baisse d’effectifs, surtout dans la crise actuelle et face aux défis environnementaux qui se dressent devant nous, ne se justifie pas rationnellement. Par ailleurs, la présentation de la rapporteure pour avis laisse penser que l’ENPC et l’ENTPE, qui pourraient être encore plus au cœur de notre grande transition écologique, ne sont pas suffisamment soutenues.

Concernant la mission « Cohésion des territoires », il faut saluer la contribution financière non négligeable apportée pour développer les maisons France Services, largement inspirées par les maisons de services au public du précédent quinquennat. Leur offre a été élargie avec l’arrivée de neuf opérateurs. Elles ont également bénéficié d’une enveloppe de 30 000 euros par an, dont on peut regretter qu’elle n’ait pas augmenté. Leur nouveau cahier des charges implique d’inévitables contreparties locales – locaux, équipements, personnel. Les collectivités devront mettre la main à la poche. Si 856 structures ont été labellisées en septembre dernier, il n’en reste pas moins que 860 cantons sont encore totalement dépourvus de maisons France Services, alors que l’objectif était de tous les équiper à l’horizon de 2022.

Par ailleurs, s’agissant de la fracture numérique, avant de parler de 5G, il faudrait tout faire pour développer la 4G.

Enfin, pour ce qui est du programme « Petites villes de demain », dont nous avons beaucoup entendu parler, je rappellerai, à la suite du rapporteur pour avis, que la définition des conditions d’éligibilité relève du préfet, ce qui est une bonne chose, mais qu’il faut aussi faire attention à ce qu’elles soient souples dans leur application. J’ai ainsi fait part à Mme la ministre de l’existence de regrettables petits trous dans la raquette.

Mme Maina Sage. Nous sommes, comme nos collègues, ravis de la hausse des crédits mais inquiets en ce qui concerne la baisse des effectifs du programme 217. J’ai entendu, madame la rapporteure pour avis, que vous aviez déposé un amendement à ce sujet. Mais comment cette nouvelle baisse est‑elle justifiée, alors que nous sommes à la croisée des chemins et que l’écologie et la cohésion territoriale sont deux des priorités du plan de relance ? Cela me semble incohérent.

S’agissant de la mission « Cohésion des territoires », je partage les interrogations du rapporteur pour avis, qui s’inquiétait de la capacité à absorber les crédits supplémentaires. Avons‑nous les moyens humains et techniques pour les déployer ? Se pose d’ailleurs la question de la dépense réelle des crédits de 2020. Je souhaiterais également avoir plus d’informations sur le volet territorialisé du plan de relance. Vos enquêtes, monsieur le rapporteur pour avis, vous ont‑elles permis d’en savoir plus sur la territorialisation de ces crédits ?

Concernant les maisons France Services, de nouveaux partenariats sont‑ils envisagés pour enrichir l’offre ? Pour ce qui est du label « cités éducatives », comment favorisez‑vous l’accès des quartiers à ce dispositif et comment mieux y impliquer les comités territoriaux ? Enfin, dans le cadre du renouvellement urbain, comment mieux impliquer les habitants, qu’il s’agisse de leur consommation d’énergie ou d’autres pratiques qui ont un effet sur l’environnement ?

M. François-Michel Lambert. On nous a dit que ce projet de loi de finances faisait la part belle à l’écologie. Or, même si la dimension environnementale du budget 2021 constitue un progrès, nous sommes encore très loin du pas de géant annoncé à cor et à cri par la majorité. C’est particulièrement flagrant à la lumière des crédits du programme 217, qui diminuent encore une fois cette année. Cela se traduit par de nouvelles suppressions de postes au sein des ministères – même le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés les a critiquées – et plus particulièrement de celui de l’écologie. Ce sont 1 579 ETP en deux ans qui auront disparu, au moment où nous devons affronter des catastrophes comme l’incendie de l’usine Lubrizol et des choix gouvernementaux à l’instar du maintien des néonicotinoïdes ou de la poursuite de l’utilisation du glyphosate, autrement dit des enjeux qui nécessitent des contrôles et des accompagnements humains. Nous ne répéterons jamais assez que l’ambition écologique ne doit pas se cantonner à de grandes directives et à des incantations ; elle a besoin de femmes et d’hommes pour veiller à sa bonne application sur le terrain.

À l’heure où nos concitoyens réclament davantage de démocratie directe, celle‑là même dont le Gouvernement a fait son mantra avec la Convention citoyenne pour le climat, il est essentiel de garantir à la Commission nationale du débat public (CNDP) des moyens suffisants pour mener à bien son activité de veille, en respect du principe constitutionnel de participation du public. Or, avec une baisse de ses crédits de fonctionnement et de sa masse salariale, il y a fort à parier qu’elle rencontrera des difficultés pour répondre à sa mission, ce qui est en totale contradiction avec les avancées démocratiques issues de l’ordonnance de 2016, que nous utilisons très peu au sein de la CNDP.

Par ailleurs, l’appel à la relocalisation d’activités stratégiques et les nouvelles formes de travail nous invitent à reconsidérer l’aménagement de notre territoire. Alors que ces dernières années ont été celles du « tout métropole », nous devons rééquilibrer notre pays avec tous nos territoires ruraux et intermédiaires, pour permettre aux Français de travailler là où ils veulent. Pour développer le télétravail, il faut aller beaucoup plus loin. Or il n’existe pas de politique publique pour accompagner son déploiement. Les hésitations de la ministre du travail, lors de la séance de questions au Gouvernement, étaient à cet égard révélatrices ! Le télétravail peut jouer un rôle majeur dans la maîtrise de la mobilité et participer, de ce fait, à réduire le réchauffement climatique.

Je salue l’augmentation des crédits dédiés à la politique de l’aménagement du territoire. L’ANCT bénéficie d’une légère augmentation. Son budget atteint ainsi les 60 millions d’euros, ce qui reste toutefois très loin des 150 à 200 millions d’euros préconisés dans le rapport « Ruralités : une ambition à partager ». Le déploiement des 2 000 maisons de services au public de nouvelle génération, soit des maisons France Services, d’ici à 2022 est un objectif ambitieux, d’autant qu’il s’accompagne d’une montée en gamme des services proposés. Toutefois, on peut s’interroger sur le périmètre retenu : le canton. N’aurait‑il pas mieux valu privilégier un maillage en adéquation avec les bassins de vie et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), d’autant que les cantons sont des périmètres très fluctuants et politiques ?

Un regret enfin concernant le retard pris dans les négociations des CPER. Comme M. le rapporteur pour avis, je m’inquiète que les collectivités territoriales soient à ce stade encore trop peu associées à l’élaboration des contrats. Nous sommes trop dans la déconcentration et pas encore dans la décentralisation.

M. Loïc Prud’homme. L’aménagement du territoire ne relève pas d’un bricolage sur un coin de bureau. Or le plan de relance participe d’un tel bricolage : il n’est ni pérenne ni suffisant pour prétendre que l’aménagement du territoire est considéré comme il devrait l’être. Nous plaidons en faveur d’un État visionnaire et planificateur, accompagné dans cette tâche par des moyens humains, comme cela a été unanimement reconnu, ce qui est, soit dit en passant, assez croquignolesque de la part de ceux qui votent depuis trois ans leur baisse. Nous en avons besoin pour produire des analyses, pour s’assurer du respect de la trajectoire décidée ensemble et pour surveiller l’application de la loi sur le terrain.

Deux points, à ce sujet, doivent particulièrement retenir notre attention. Le premier concerne les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Notre territoire compte 500 000 sites classés, pour 1 600 agents, dont l’industriel Yara, qui stocke notamment du nitrate d’ammonium, à l’origine de l’explosion du port de Beyrouth, ou Lactalis, dont les nombreux sites ne respectent pas la réglementation et polluent les eaux. Pour passer d’un contrôle aléatoire une fois tous les demi‑siècles ou tous les siècles à un contrôle tous les cinq ans, il faudrait au moins 7 000 postes supplémentaires, quand on en évoque cinquante. Pour justifier l’allégement de la réglementation, on nous oppose la lenteur d’instruction des dossiers. Mais des agents en plus, ce sont aussi des instructions de dossiers plus rapides pour les industriels qui souhaitent s’installer – et La France insoumise n’est bien évidemment pas contre leur installation. Au lieu de cela, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) déréglemente. Ainsi, il sera bientôt possible de faire démarrer des travaux avant même d’avoir obtenu les autorisations environnementales, ce qui n’est pas acceptable.

Le deuxième point concerne la ressource en eau. Nous avons besoin de surveiller drastiquement l’usage de cette ressource. Or, l’OFB, qui est notamment en charge de la police de l’eau, n’est pas doté de suffisamment d’agents pour faire respecter la réglementation actuelle, déjà assez peu restrictive, à mon sens. Il faut absolument renforcer ses moyens, tout comme ceux des agences de l’eau. Je plaide, en ce sens, pour une augmentation des redevances, afin d’alimenter le fonds de paiement pour services environnementaux que nous avions proposé avec Mme Frédérique Tuffnell. Nous devons absolument regarder cela de plus près. Enfin, la question des métabolites est un point aveugle de la législation sur l’eau. Ils ne sont pas assez recherchés, alors même que leur présence pose des problèmes sanitaires importants.

La lutte contre la fracture numérique représente un enjeu d’aménagement du territoire fondamental. On nous avait promis, il y a vingt ans, que la 4G couvrirait le territoire, alors que ce n’est toujours pas le cas. Une « start up nation » qui se veut moderne devrait pouvoir déployer la fibre partout, quand les postes, télégraphes et téléphones (PTT) l’ont fait dans les années quatre-vingt avec le téléphone filaire. Pourquoi la cinquième puissance du monde n’est‑elle pas capable de développer la fibre partout sur son territoire, afin de garantir cet accès vital aux réseaux numériques ? Toutes ces urgences doivent être prises en compte dans les budgets.

Mme Frédérique Tuffnell. Je me suis plus particulièrement intéressée aux actions 02 et 11 du programme 162, qui visent à améliorer la qualité de l’eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l’environnement. Je pense que l’on gagnerait à se focaliser sur le suivi et l’évaluation.

Il ne faut pas oublier qu’une baisse des recettes fiscales des collectivités territoriales est attendue en 2020, en lien avec la crise de la covid. Je crains, par conséquent, que ce programme ne mobilise pas assez de crédits pour aider à la reconquête de la qualité des cours d’eau. Pour ces deux actions, les crédits sont pratiquement équivalents à ceux de 2020, sauf erreur de ma part. Pour ce qui est du programme dans son ensemble, les autorisations d’engagement s’élevaient à 45,38 millions d’euros dans le PLF pour 2020, et elles seront de 40,99 millions en 2021. Je ne vois donc pas d’augmentation…

L’eau, comme l’a dit M. Loïc Prud’homme, est au carrefour des politiques publiques menées en matière d’aménagement du territoire. Le plan de relance ne pourra pas être une réussite si on ne règle pas la question de l’eau, sur le plan de la qualité et sur celui de la quantité.

Mme Danielle Brulebois. Je félicite les rapporteurs pour avis pour la qualité de leur travail.

Vous avez évoqué une réduction des effectifs au sein des ministères et de deux grandes écoles nationales, l’ENPC et l’ENTPE. Il s’agit pourtant de métiers d’avenir, pour lesquels il faut recruter des jeunes. Existe-t-il une volonté de développer l’apprentissage ? Par ailleurs, où en est la parité ?

M. Gérard Leseul. Il faut traiter la fracture numérique comme une question prioritaire – sans doute avant de développer de nouvelles technologies, comme la 5G. De quelle manière l’enveloppe de 490 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 125 millions d’euros en crédits de paiement qui est prévue pour le développement du numérique en 2021 sera-t-elle consommée ?

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Je vais répondre d’une manière transversale aux questions portant sur la baisse des effectifs, le numérique, les moyens informatiques, les mutualisations et la prévention des risques.

S’agissant des effectifs, une baisse de 780 ETP est prévue. Les transferts ne sont pas inclus dans ce nombre, monsieur Jean-Marie Sermier.

Cela sera fait avec discernement : le taux d’effort n’est pas le même pour l’administration centrale, les services régionaux et les services départementaux. Pour ces derniers, la baisse des effectifs est moins importante : le taux d’effort est de 1,8 %, contre 2,3 % pour les services régionaux et 3,2 % pour l’administration centrale. L’objectif, selon les auditions que j’ai menées, est que l’échelon départemental reste l’échelon principal de l’État décentralisé. Par ailleurs, l’expertise des ministères sera préservée. Un schéma d’emplois positif est en effet prévu pour les catégories A.

S’agissant de la prévention des risques, aucun poste ne sera supprimé. Une réorganisation doit permettre de créer 50 postes d’inspecteurs des installations classées – vous l’avez relevé, monsieur Prud’homme, même si vous avez estimé qu’il en faudrait 7 000. Vous avez considéré par ailleurs que la législation était trop souple en la matière, mais c’est votre avis…

Je tiens à rappeler qu’une « revue des missions » sera menée – cela ressort de mes échanges avec la secrétaire générale du ministère – pour mettre en exergue les missions et les compétences prioritaires. On peut penser que ce travail, qui sera réalisé dans le cadre d’une concertation, permettra de mesurer l’impact des baisses successives des effectifs et de déterminer s’il faut poursuivre dans cette voie.

S’agissant des moyens informatiques, les crédits seront portés à 33 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2021.

En ce qui concerne l’évolution des effectifs – je reviens un peu en arrière –, il est beaucoup question de réaliser des mutualisations et des rationalisations. Même si on peut regretter le nombre d’emplois supprimés, on peut imaginer, lorsqu’il y a une mutualisation – on sait que cela peut être le cas dans les collectivités ou dans certaines institutions –, que c’est pour assurer une optimisation. Certains postes peuvent être supprimés à bon escient, notamment lorsque les besoins se réduisent.

Le plan de relance n’aura aucun effet sur la masse salariale, monsieur Sermier.

Madame Nathalie Sarles, je partage votre vigilance quant à l’évaluation, mais aussi quant au numérique et au télétravail. Il faudra un cadre – je crois que le Gouvernement y travaille. Les syndicats sont assez inquiets. Il faut en particulier se pencher sur le droit à la déconnexion et faire en sorte qu’on puisse travailler dans les meilleures conditions possibles.

Comme l’a souligné M. François-Michel Lambert, la question de la mobilité se pose notamment : il s’agit d’imaginer un peu différemment notre manière de travailler et de nous déplacer. Par ailleurs, j’ai répondu aux questions portant sur la prévention des risques.

S’agissant des écoles que vous avez évoquées, madame Danielle Brulebois, il n’y a pas d’apprentis dans toutes les formations. Le souci de la parité est très fort : il me semble qu’il y a pratiquement 40 % de jeunes femmes dans chacune des deux écoles.

M. Guillaume Garot, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». S’agissant des effectifs de l’ANCT, monsieur Jean-Marie Sermier, les éléments qui m’ont été transmis font état de 330 ETP et de quelques dizaines de mises à disposition en provenance d’autres administrations, soit un total de 370 postes. On est loin de ce qui avait été imaginé dans le cadre des premières épures.

En ce qui concerne les maisons France Services, vous avez complètement raison de souligner, monsieur Gérard Leseul, que 860 cantons ne sont toujours pas dotés de ces structures.

Elles correspondent à une belle idée, sur le papier. Néanmoins, réfléchissons un peu : l’État dit qu’il va mettre de l’argent sur la table, avec les opérateurs du service public, mais il demande aux collectivités locales de contribuer aussi, ce qui est un peu paradoxal. Elles sont ainsi appelées à participer à la réparation de politiques dont elles ont été les victimes. Nous sommes tous concernés, y compris ceux qui sont de ma sensibilité politique : c’est le résultat d’années et d’années de recul, de désengagement de l’État dans les territoires – il faut le reconnaître.

Il me paraît fondamental qu’il y ait une présence humaine – cela rejoint ce qu’a dit M. Gérard Leseul – pour accompagner tous ceux qui ont des difficultés avec le numérique. Ce n’est pas une question de génération. Les maisons France Services n’auront d’intérêt que si elles assurent un véritable accompagnement humain de la transition économique. C’est un enjeu social. L’intérêt majeur, pour ne pas dire le seul intérêt, des maisons France Services est de restaurer une présence humaine dans les territoires.

Pour ce qui est de la territorialisation du plan de relance, madame Maïna Sage, ce que j’ai compris est que ce sont les régions qui seront sollicitées. Elles auront à piloter, dans leur territoire, la mise en œuvre des grandes orientations. Il faudra regarder attentivement ce qu’il en est dans les contrats de plan État-région. Je ne peux pas vous en dire davantage pour le moment.

Vous avez tout à fait raison de dire, monsieur François-Michel Lambert, qu’il faut trouver un bon équilibre entre la déconcentration et la décentralisation : elles doivent aller de pair. C’est vrai pour les CPER mais aussi dans d’autres cadres. Il faut associer les élus : on ne peut pas laisser les préfets piloter tout seuls. Des concertations étroites doivent avoir lieu sur le terrain, et il ne faut pas oublier les parlementaires. Nous avons une connaissance fine de la réalité de nos territoires – M. Jean-Marie Sermier a insisté sur ce point.

Même si cela ne concerne pas les programmes dont je suis le rapporteur pour avis, je veux dire que rien ne sera possible, s’agissant du contrôle exercé par l’État, si des moyens humains ne sont pas déployés sur le terrain. M. Loïc Prud’homme a raison, même si on peut s’interroger sur le niveau auquel on doit placer le curseur. En ce qui concerne les risques industriels, nous avons besoin de renforcer, année après année, les effectifs d’inspecteurs. C’est un des enseignements des crises que nous avons connues, y compris récemment en Normandie. Il en est de même pour l’OFB et la police de l’eau.

Quant à l’action « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire », madame Frédérique Tuffnell, on m’a indiqué qu’il existe un projet – qui devrait bientôt être réalisé – de création d’un groupement d’intérêt public (GIP), afin d’assurer la collecte des données et suivre les actions menées. Les crédits concernés sont davantage issus de l’agence de l’eau que de l’État – il faut le dire en toute honnêteté.

En matière de numérique, M. Gérard Leseul a pointé un problème de lisibilité dans le PLF – c’est vrai. Les 490 millions d’euros de crédits qu’il a évoqués sont à cheval sur deux missions budgétaires : celles relatives à la cohésion des territoires et au plan de relance. Il faudrait éclaircir la question pour l’avenir, je le redis. Je souligne néanmoins, là encore pour être honnête, que 240 millions d’euros sont prévus dans le cadre du plan de relance pour la poursuite du déploiement de la fibre, ce qui permettra d’agir – mais il faudra obtenir des résultats le plus rapidement possible.

 

La commission en vient à l’examen des crédits.

 

Article 33 et état B : Crédits du budget général

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

 

Puis la commission en vient à l’examen des amendements relatifs à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Elle examine l’amendement II-CD62 de la rapporteure pour avis.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Il s’agit, comme je l’ai annoncé, d’un amendement d’appel qui vise à lancer une alerte sur les conséquences induites par le cumul de treize années de suppression d’effectifs au sein des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires, des relations avec les collectivités territoriales et de la mer. Malgré le renforcement budgétaire de certains programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », tous connaissent, à l’exception de celui portant sur la prévention des risques, des suppressions de postes.

Mon amendement tend à maintenir les effectifs, en particulier dans les territoires, en affectant 18,7 millions d’euros supplémentaires de crédits de titre 2 au programme 217, ce qui correspondrait à la mise à zéro du schéma d’emplois pour 2021.

M. Jean-Marc Zulesi. Je tiens à mettre en avant le travail réalisé par la majorité et par le Gouvernement : une hausse de 1,2 milliard d’euros du budget du ministère de la transition écologique est prévue pour 2021. Par ailleurs, ces moyens seront complétés dans le cadre du plan de relance : 30 milliards d’euros, soit 30 % du total, seront spécifiquement consacrés à des projets d’aménagement du territoire et de développement durable. Pour ces raisons, même si nous entendons votre appel au sujet de la réduction des effectifs, mon groupe ne votera pas en faveur de cet amendement.

M. Jean-Marie Sermier. J’ai compris où seraient affectés les 18,7 millions d’euros supplémentaires mais pas où ils seraient prélevés.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Ils seraient pris sur le programme « Énergie, climat et après-mines ».

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CD63 de la rapporteure pour avis.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. J’ai évoqué tout à l’heure le rôle et la situation de la CNDP, qui perdrait un ETP en 2021. J’ai déposé l’amendement II-CD63 en guise de repli par rapport au précédent : il s’agit d’annuler le schéma d’emplois négatif qui est prévu pour cette commission, en lui octroyant 50 193 euros supplémentaires de crédits de titre 2. Cela me paraît d’autant plus nécessaire que la participation citoyenne est un enjeu d’avenir.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CD64 de la rapporteure pour avis.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Dans le même esprit, cet amendement tend à préserver l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE) en annulant leurs schémas d’emplois négatifs.

Ces écoles jouent un rôle de précurseur en matière de transition écologique. Or, leur situation est critique du point de vue des plafonds d’emplois. La ministre de la transition écologique s’était engagée, lors de son audition, à soutenir ces écoles.

Je propose de flécher 340 950 euros pour annuler les baisses de trois et de deux ETP respectivement prévues s’agissant de l’ENPC et de l’ENTPE.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CD4 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. S’agissant des ICPE, 30 000 inspections avaient lieu en 2006, après l’incident d’AZF à Toulouse. Il y en a aujourd’hui 18 000 par an. Si on en croit les promesses du Gouvernement, leur nombre devrait augmenter de 50 %, ce qui porterait le total à 27 000 inspections par an. On ne serait donc pas au même niveau qu’après AZF : le compte n’y est pas.

Ce n’est pas un sujet anodin : des accidents majeurs ont eu lieu, notamment à la station d’épuration d’Achères et à l’usine de Lubrizol, ce qui a démontré l’insuffisance des contrôles et les lacunes du dispositif en vigueur. Depuis, des rapports pointant la responsabilité de l’État dans ces catastrophes, notamment le manque de personnel consacré à la prévention des risques, se sont entassés. L’absence de renforcement des inspections a de lourdes conséquences en matière environnementale mais aussi sur le plan humain.

Je plaide de nouveau pour que les choses soient faites correctement : c’est un sujet trop important, trop grave. Il existe 500 000 sites de ce type sur l’ensemble du territoire : nous sommes potentiellement tous concernés. Notre amendement vise donc à renforcer les moyens prévus.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Comme je l’ai indiqué, il n’y aura aucune suppression d’effectifs en ce qui concerne la politique de prévention des risques. Au contraire, de nouveaux postes sont prévus, au moyen d’un redéploiement. Par ailleurs, vous voudriez prélever des crédits au sein du programme « Infrastructures et services de transport », ce qui, symboliquement, n’est pas le meilleur endroit. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. Vous n’ignorez pas les contraintes liées à la recevabilité des amendements. La ligne budgétaire visée n’est peut-être pas la plus opportune, symboliquement, je peux l’entendre, mais je comprends que vous êtes d’accord avec nous, hormis sur ce point. Je vous laisserai donc prendre les crédits ailleurs…

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-CD52 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement concerne les emplois du ministère de la transition écologique, qui est le plus en pointe sur ce que devrait être la politique d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement et de transition écologique. Nous considérons que l’État doit agir en tant qu’organisateur et planificateur en la matière. Il faudrait prévoir des moyens cohérents avec l’urgence climatique à laquelle nous faisons face.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Mon amendement II-CD62 allait dans le même sens, mais le montant que j’ai proposé était bien inférieur – vous incluez les transferts et vous surestimez les effets du schéma d’emplois pour 2021. Je ne peux donc pas émettre un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à l’amendement II-CD55 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Vous avez tous en mémoire ce week-end du 2 octobre dernier, où la tempête Alex a violemment frappé le département des Alpes-Maritimes. Le bilan humain est très lourd, le coût financier dépasse déjà le milliard d’euros et de nombreux foyers sont toujours sinistrés. Comme le précisait encore récemment un rapport de l’ONU, ces phénomènes aux conséquences dévastatrices se produiront plus fréquemment en raison du changement climatique.

Météo-France est un opérateur de l’État extrêmement précieux pour modéliser et évaluer avec précision la force et la fréquence de tels évènements. Nous avons donc plus que jamais besoin de lui. Or, que fait l’État face à une telle urgence ? Il supprime des postes : 323 équivalents temps plein (ETP) en moins entre 2017 et 2020, et encore 95 ETP en passe d’être supprimés en 2021. Certes, le budget de Météo-France augmente cette année mais les chiffres sont trompeurs : 18 millions d’euros sont accordés à la recherche spatiale, tandis que l’expertise géographique et météorologique perd 4,7 millions d’euros. Il est impossible de justifier l’affaiblissement d’un tel opérateur.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis du programme « Paysages, eau et biodiversité ». Il convient d'abord de souligner que le budget total de Météo-France devrait passer de 373 à 393 millions d'euros entre la loi de finances initiale pour 2020 et le PLF 2021.

Toutefois, comme vous l'indiquez dans votre amendement, cette augmentation résulte essentiellement de la hausse de la contribution de Météo-France à l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques. À côté de cet engagement, il est vrai que la subvention pour charges de service public est en repli de quelques millions d'euros, conformément aux engagements pris par Météo-France dans le cadre de son projet d'établissement et de la démarche « Action Publique 2022 », et aux économies générées dans ce cadre.

Cela se traduit par des évolutions organisationnelles comme l'adaptation de la présence territoriale aux besoins justifiant une proximité géographique, la centralisation de certaines fonctions techniques et administratives et de nouvelles modalités d'organisation du travail, qu'il convient de mener à leurs termes. C'est ce qui explique notamment la fermeture de certains centres territoriaux, notamment à Marignane, Angers ou Calvi.

Cependant, pour répondre à ses besoins immédiats, Météo-France a obtenu un relèvement des emplois hors plafond de 10 ETP, dont cinq contrats d'apprentissage. Dans ce cadre, il ne paraît pas nécessaire de revenir sur la trajectoire financière prévue pour 2021.

À moyen terme, il sera toutefois indispensable de dégager des crédits supplémentaires pour la modernisation de ses équipements et pour la prochaine génération de supercalculateur : l'opérateur fait ainsi état d'un besoin d'investissements de 18,8 millions d'euros en 2023 et de 9,7 millions d'euros pour 2024. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. Si je traduis votre novlangue, l’adaptation de la présence territoriale signifie la suppression de sites, ce que l’on ne peut que déplorer tant l’implantation territoriale de Météo-France est un atout. Ce n’est pas anodin que l’opérateur soit présent à Marignane. Les représentants du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), que j’ai auditionnés plusieurs fois dans le cadre de mes missions, assurent que le pourtour méditerranéen sera le premier à subir les changements climatiques et la fréquence d’événements redoutables.

Par ailleurs, dix agents supplémentaires et des investissements dans de super-calculateurs me semblent bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour affronter les changements climatiques qui sont devant nous.

M. Jean-Marc Zulesi. Il ne faut pas laisser croire que nous laissons de côté la prévention des risques naturels majeurs, dont le budget augmente de 56 %, avec près de 74 millions d’euros. Au total, 240 millions d’euros permettront de mieux connaître et surveiller les risques et, surtout, d’accompagner les citoyens et les collectivités.

Par ailleurs, plusieurs parlementaires comme M. Patrice Perrot ou M. Yannick Haury se sont engagés pour Météo-France.

Mme Maina Sage. Je souhaite évoquer les travaux que nous avons menés il y a deux ans dans le cadre d’une mission sur la gestion des risques climatiques majeurs qui portait sur l’ensemble du territoire, hexagonal et ultramarin. Nous avons rencontré les acteurs de ce secteur, dont Météo-France, qu’ils travaillent au siège parisien ou dans les antennes déployées sur l’ensemble du territoire.

Il apparaît que les besoins d’investissement sont prioritaires, je suis d’accord avec notre rapporteur pour avis. Les effectifs de Météo-France diminuent, certes, mais cela s’explique aussi par la modernisation des outils, l’informatisation, l’optimisation. Les évolutions technologiques sont en l’occurrence très rapides pour Météo-France mais aussi pour le réseau avec lequel cet opérateur travaille et qui comprend notamment le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) ou le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Dans ces domaines, la priorité, là encore, est à de meilleurs investissements, à la dotation de moyens exceptionnels. Le supercalculateur est très attendu afin d’affiner la maille des prélèvements et des observations des phénomènes climatiques.

Je peux comprendre la diminution des moyens, qui correspond d’ailleurs au projet de l’établissement mais l’important, selon nous, est de savoir si elle est justifiée : parfois, c’est le cas, parfois, cela l’est moins. Je siège comme suppléante à l’Office français de la biodiversité (OFB) et nous sommes confrontés à la même situation. L’Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ou des structures locales n’ont pas les mêmes besoins en termes de moyens et d’effectifs.

En l’occurrence, je ne suis pas favorable à cet amendement mais il est bon de s’interroger et de donner plus d’explications quant aux diminutions du nombre d’ETP.

M. Damien Pichereau. En tant que rapporteur pour avis sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports », je constate qu’en trois amendements, vous avez voulu amputer le programme de plus de 80 millions d’euros, autant de moins pour les déplacements à vélo ou pour les lignes ferroviaires, ce qui n’est pas très cohérent avec ce que nous voulons et avec ce que vous défendrez demain matin dans le cadre d’autres amendements. Ce n’est pas qu’un jeu d’écriture ! Il y a aussi le symbole !

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement II-CD56 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Je vais encore faire plaisir à M. Damien Pichereau en lui piquant à nouveau un peu d’argent mais je ne résiste pas à la suavité de sa voix – voilà, c’est dit. Il est en train de devenir un Insoumis et il cherche la petite bête pour faire croire à son désaccord avec ces amendements de bon sens. (Sourires.)

L’IGN, l’Institut national de l'information géographique et forestière, a lui aussi besoin d’être soutenu alors qu’il perd 36 ETP. Là encore, ses nombreux domaines d’intervention ne sont pas anodins : calcul des parcelles agricoles, cartographie des habitats naturels, etc. L’IGN produit des cartographies très précises, notamment des cours d’eau, certains d’entre eux ayant été déclassés pour qu’il soit donné libre cours à des pratiques agricoles peu vertueuses sur de fins chevelus, en amont de nos bassins-versants.

Porter un nouveau coup à l’IGN, cela revient à passer par pertes et profits toutes ces mauvaises manières faites à l’environnement, dont l’IGN est un acteur important pour mieux connaître et mieux préserver notre territoire face aux défis que nous devrons affronter.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. La subvention pour charges de service public est stable par rapport à l’année dernière, même si le plafond d’emplois baisse de 36 ETP. À l’avenir, c’est une évidence, l’IGN aura besoin de maintenir sa capacité de recrutement. Mais, lors de son audition, son directeur nous a confirmé que le schéma d’emplois pour 2021 restait soutenable.

En outre, dans le cadre du plan de relance, l’IGN va bénéficier de 22 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en 2021, ce qui lui permettra d’initier le développement de la technologie dite LIDAR haute densité. Cet outil facilitera le travail de l’IGN et permettra notamment le suivi de la reconstitution des peuplements et de l’état sanitaire des forêts.

M. Loïc Prud’homme. Comme pour Météo-France, je note que le rapporteur pour avis estime que les baisses d’ETP sont problématiques, puis « emballe » cela dans les millions du plan de relance. Mais ces baisses ne sont pas symboliques : trente-six ETP par-ci, cinquante par-là, quatre-vingts ailleurs, et trois cents encore. Au final, ce sont des milliers d’emplois dans la sphère de l’environnement et de l’aménagement du territoire qui disparaissent.

Pour emballer ces baisses, on nous vend des supercalculateurs et de la technologie. C’est à l’image de la « start-up nation » ! Mais derrière les calculateurs et les logiciels, il faut des hommes et des femmes, qui alimentent les modèles, réfléchissent à leur amélioration, les développent, etc.

Ce budget est conforme à votre trajectoire depuis trois ans : une contrition maximum de l’État, qui va se retrouver désarmé face aux enjeux que nous devons affronter. Cette trajectoire est dangereuse – les événements récents me donnent raison. J’aimerais avoir tort, mais je crains que les événements climatiques futurs ne nous donnent à nouveau raison…

La commission rejette l’amendement.

 

 

Après l’article 54

La commission examine l’amendement II-CD2 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit d’une demande de rapport pour 2022, afin d’évaluer le budget au regard des objectifs de la France en matière d’environnement et de biodiversité.

Je me répète, mais je crains que toutes ces coupes budgétaires et ces réductions d’effectifs ne se fassent au détriment de la planification de la transition écologique et ne nous désarment complètement face au changement climatique. Nous ne serons plus capables d’y répondre, et encore moins de préparer le futur !

Année après année, le budget est réduit à la portion congrue : retrouver des compétences, former des personnels, reconstituer des équipes sera malheureusement beaucoup plus compliqué et plus long que de détruire méthodiquement ce qui a été construit.

Cette demande de rapport vise donc à alerter sur la trajectoire, qui n’est pas la bonne ; les événements climatiques le confirment.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis. Vous indiquez la suppression de 1 314 ETP dans votre exposé sommaire. Ce n’est pas la réalité : je l’ai précisé, la baisse est de 780 sur le programme 217 et de 170 pour les opérateurs. Votre chiffre comprend notamment les transferts.

Cela n’enlève rien cependant à votre argumentation. Comme je l’ai souligné, il conviendrait de mesurer l’impact du cumul de treize années de réduction d’effectifs avant de poursuivre dans cette voie. Le ministère va prochainement lancer, dans le cadre d’une concertation, une « revue des missions » qui permettra de procéder à cette analyse que vous appelez de vos vœux.

Votre demande me semble donc satisfaite mais, le sujet étant important, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous achèverons demain matin l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » avec les affaires maritimes et les transports terrestres et fluviaux.