Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Examen, pour avis, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (n° 2731) (Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis)              2

– Informations relatives à la Commission..................22


Mercredi 18 novembre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (n° 2731) (Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, notre commission s’est saisie pour avis des articles 8, 8 bis, 8 ter et 11 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Renforcer l’efficacité de la réponse pénale face aux atteintes à l’environnement, tel est l’objectif des articles 8, 8 bis, 8 ter et 11 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, sur lesquels la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis. Les dispositions relatives à la création d’un parquet européen n’ayant pas trait à la protection de l’environnement, elles ne seront pas examinées par notre commission.

La réponse pénale environnementale repose sur trois piliers : l’établissement de règles, la réalisation de contrôles et l’application de sanctions. Son efficacité doit être renforcée.

De nombreuses infractions environnementales sont déjà inscrites dans notre droit : la France dispose à cet égard d’un important corpus législatif, regroupé dans le code de l’environnement, mais aussi présent dans le code forestier, le code rural et de la pêche maritime ou encore le code minier. La préservation de l’environnement constitue aussi une exigence constitutionnelle depuis l’intégration dans le bloc de constitutionnalité de la Charte de l’environnement de 2004, qui prévoit que « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Enfin, la loi dite « biodiversité » de 2016 a inscrit dans le code civil la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique.

La France dispose également des moyens de contrôler le respect des règles en matière environnementale. La loi dite « biodiversité » avait créé l’Agence française pour la biodiversité (AFB), devenue Office français de la biodiversité (OFB) par la loi du 24 juillet 2019. Le même texte renforce les prérogatives des inspecteurs de l’environnement, chargés de missions de polices administrative et judiciaire, pour prévenir et réparer les atteintes à l’environnement.

Le droit de l’environnement est donc relativement riche et les moyens de contrôle de son application ont été progressivement renforcés. Ce qu’il manque, c’est que des sanctions soient effectivement appliquées lorsque des infractions environnementales sont commises. Ce qui nous manque, ce n’est pas un droit de l’environnement, mais une justice pour l’environnement.

« Une justice pour l’environnement », c’est le titre du rapport remis par la mission d’inspection conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale de la justice (IGJ) à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la garde des Sceaux en octobre 2019.

Nous sommes appelés à légiférer pour améliorer la cohérence et l’effectivité de la réponse pénale aux atteintes à l’environnement. L’article 8 tend à créer une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale et des juridictions spécialisées dans les atteintes à l’environnement. Les articles 8 bis et 8 ter, ajoutés par le Sénat en première lecture, visent à modifier deux articles du code de l’environnement. Enfin, l’article 11 crée une peine complémentaire, l’interdiction de paraître dans les transports publics.

Le contentieux de l’environnement représente une faible part de l’activité des juridictions. Au cours de la dernière décennie, la part des affaires traitées par les parquets en matière environnementale a représenté seulement 0,5 % du total, tous contentieux confondus. La grande majorité des infractions environnementales font l’objet de mesures alternatives aux poursuites et sont peu sanctionnées.

Si les mesures alternatives aux poursuites peuvent être adaptées aux infractions de faible gravité, la réponse pénale doit être suffisamment effective et dissuasive pour éviter la commission et la réitération d’atteintes graves à l’environnement. Elle doit aussi prévoir systématiquement la recherche de la remise en état.

Fort de ces constats, le projet de loi crée une nouvelle procédure pénale, la convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale, suivant une recommandation de la mission d’inspection conjointe « justice et environnement », dont je veux saluer le travail. Cette procédure est inspirée de la CJIP en matière de fraude fiscale et de corruption, créée par la loi du 9 décembre 2016. Elle impose à la personne morale mise en cause une ou plusieurs obligations : verser une amende d’intérêt public ; régulariser sa situation ; assurer la réparation du préjudice écologique résultant des infractions.

Au cours de mes auditions, je me suis assurée de la bonne articulation de la CJIP en matière environnementale avec le mécanisme de transaction prévu à l’article L. 173-12 du code de l’environnement. Cette procédure mérite toutefois d’être améliorée : les amendements que j’ai déposés prévoient notamment de revoir l’échelle des peines du code de l’environnement, trop peu dissuasives pour les personnes morales, et d’ainsi rendre la convention incitative pour les personnes mises en cause.

Les auditions ont aussi fait apparaître l’absence de spécialisation du contentieux de la plupart des infractions portant atteinte à l’environnement. Si les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) sont compétentes, de manière marginale, pour le traitement du contentieux spécifique relatif à la pollution maritime, de même que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) pour le traitement de certains contentieux très complexes, le contentieux de l’environnement relève principalement de la compétence des juridictions de droit commun.

Il s’agit pourtant d’un contentieux technique, complexe à appréhender, pour lequel la recherche de la remise en état doit être systématisée autant que possible. La volonté d’accroître la spécialisation des juridictions en droit de l’environnement s’est déjà manifestée par le passé : les circulaires aux parquets de 2005 et de 2015 avaient ainsi généralisé la désignation de magistrats référents pour le contentieux de l’environnement dans les parquets généraux et les parquets. Toutefois, cette spécialisation demeure timide et inégale sur le territoire.

L’article 8 prévoit, et il convient de s’en réjouir, la création d’une juridiction pour l’environnement dans le ressort de chaque cour d’appel. Je proposerai d’étendre leur champ de compétence aux infractions qui, bien qu’ayant de graves conséquences environnementales, sont inscrites dans d’autres codes – c’est le cas des infractions prévues au code rural et de la pêche maritime relatives aux végétaux et aux produits phytopharmaceutiques.

Je proposerai également de renforcer l’expertise environnementale de ces pôles régionaux spécialisés en autorisant l’exercice des fonctions d’assistants de justice spécialisés par des fonctionnaires de catégorie A et B relevant du ministère la transition écologique. Ceux-ci devront aussi exercer dans les pôles de santé publique, aux côtés des fonctionnaires des ministères de la santé, de la recherche et de l’agriculture.

À terme, j’estime que le contentieux environnemental, civil comme pénal, devra être regroupé encore davantage devant ces juridictions.

L’article 8 ne traduit que deux des recommandations du rapport « Une justice pour l’environnement », qui en comporte une vingtaine – dont certaines, il est vrai, relèvent du domaine réglementaire. Je soutiendrai plusieurs amendements, portant articles additionnels, qui s’en inspirent.

Pour dissuader davantage la réitération, je proposerai de considérer, au regard de la récidive, les infractions aux milieux physiques et aux espaces naturels comme une même infraction. Je proposerai aussi de permettre aux associations de protection de l’environnement, au même titre que les associations de consommateurs, de demander à la juridiction civile ou pénale saisie d’ordonner toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites.

Je proposerai également de porter à deux ans maximum, au lieu d’un, le délai d’ajournement lorsque le tribunal ordonne des mesures de remise en état ou de réparation des dommages causés à l’environnement, afin de tenir compte du délai de mise en œuvre de ces mesures.

Enfin, je proposerai que la juridiction puisse prescrire, comme peine complémentaire ou alternative à l’emprisonnement, la réalisation par le condamné d’un stage de sensibilisation à la protection de l’environnement.

L’article 8 bis modifie le code de l’environnement afin de préciser qu’une décision de remise en état n’est pas nécessairement prononcée après l’arrêt de l’installation ou de l’activité.

L’article 8 ter complète le code de l’environnement en précisant qu’un navire qui a rejeté des eaux de ballast peut faire l’objet d’une immobilisation par le procureur de la République ou le juge d’instruction, dans l’attente du paiement d’un cautionnement.

Enfin, l’article 11 instaure une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics au sein du code des transports. Cette mesure, considérée comme un cavalier législatif dans le projet de loi d’orientation des mobilités, permettra notamment d’améliorer la lutte contre la récidive dans des affaires de vol ou d’attouchements commis dans les transports en commun.

M. Christophe Arend. Je tiens d’abord à saluer la qualité du travail de la rapporteure pour avis, malgré le contexte difficile, sur ce projet de loi qui a recueilli un large consensus au Sénat.

Notre législation se fonde sur l’intégration de la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité. Le dispositif répressif a évolué sous l’influence des directives européennes et grâce aux avancées législatives nationales, comme l’inscription du préjudice écologique dans le code civil. Le contentieux environnemental relève le plus souvent de la compétence des juridictions répressives de droit commun, mais il peut aussi être traité par des juridictions spécialisées comme les JIRS, les JULIS ou les pôles de santé publique.

L’article 8 crée une convention judiciaire d’intérêt public, une forme de plaider coupable qui permet à l’État de transiger sans juge, comme c’est le cas avec la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La majorité confirme par cet acte le positionnement central des préoccupations environnementales dans ses choix politiques. Cet instrument concret, véritable gage de célérité et de dissuasion pénale, contribuera en outre à désemboliser les procédures judiciaires. Le nouveau dispositif garantira néanmoins le droit des victimes à obtenir réparation de leur préjudice devant la juridiction civile.

L’article 8 bis corrige une malfaçon de la loi portant création de l’Office français de la biodiversité. L’article 8 ter vise à renforcer le système de recouvrement des amendes et la réparation des dommages en matière de pollution maritime : le navire ayant procédé à un rejet d’eaux de ballast, intentionnel ou non, sera immobilisé dans les eaux territoriales jusqu’au paiement du cautionnement.

Ce texte, enrichi des amendements que le groupe de La République en Marche soutiendra, n’est pas une opération de communication instituant l’achat d’un droit à polluer sous couvert de greenwashing ; il inscrit la justice environnementale dans la politique du ministère de la transition écologique et dans la stratégie de développement durable de notre majorité.

M. Jean-Marie Sermier. En prévoyant de créer dans chacune des trente-six cours d’appel une juridiction spécialisée dans le traitement d’infractions portant gravement atteinte à l’environnement, l’article 8 constitue une étape supplémentaire dans le mouvement de spécialisation des juridictions initié en 1986. Bien que la plupart des atteintes à l’environnement relèvent d’une juridiction de droit commun, les JULIS, les JIRS et les pôles de santé publique traitent déjà de certains contentieux fort complexes. En effet, les affaires relatives au droit de l’environnement requièrent des délais beaucoup plus longs : M. le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, rappelle que le délai est de vingt-deux mois en première instance contre onze mois pour les autres affaires et de quarante-cinq mois en appel contre trente-trois mois pour les autres affaires.

L’article 8 ter, ajouté par le Sénat, qui permet l’immobilisation des navires ayant rejeté des eaux de ballast, chargées de substances nuisibles ou pathogènes, vient utilement compléter le dispositif.

Le groupe Les Républicains sera attentif aux travaux de notre commission et votera en fonction du sort réservé aux amendements.

M. Bruno Millienne. C’est la première fois que notre commission, saisie pour avis, examine un projet de loi relatif à la justice pénale et au contentieux. Court et technique, à rebours des nombreux textes sur lesquels nous nous sommes penchés jusqu’à maintenant, son caractère inédit ne doit pas nous faire oublier l’importance des sujets qu’il traite.

Avec le caractère majoritairement transfrontalier des informations financières, la création d’un parquet compétent à l’échelle de l’Union européenne pour lutter contre les atteintes aux intérêts financiers était devenue indispensable. Après plus de dix ans de négociations, le Parquet européen devient le symbole de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

S’agissant plus particulièrement des articles dont nous sommes saisis pour avis, je ne peux que saluer, au nom du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, la volonté du Gouvernement d’assurer un traitement plus efficace des atteintes à l’environnement. Si celles-ci surviennent de façon quasi quotidienne, le contentieux environnemental ne représente que 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des condamnations civiles.

L’objectif du texte est de rendre la justice environnementale efficace et efficiente, en l’organisant sur trois niveaux. Au premier niveau, les affaires courantes sont jugées par les tribunaux judiciaires de chaque département. La justice de proximité semble être adaptée pour apporter une réponse rapide et parfois même très dissuasive, comme le montre le montant des amendes infligées à des banques, entreprises du numérique ou de l’aéronautique dans certaines affaires récentes. Les pôles régionaux spécialisés constitueraient le deuxième échelon, pour le traitement des atteintes graves contre l’environnement, sans qu’il soit nécessaire de créer de nouvelles structures et d’engager des moyens supplémentaires, puisque tout existe déjà. Enfin, à l’échelon national, les pôles de santé publique seraient saisis des accidents industriels et technologiques majeurs, comme celui de Lubrizol, encore présent dans tous les esprits, et les accidents nucléaires.

Cette nouvelle organisation permettrait d’alléger les procédures. Sa lisibilité est d’autant plus importante que les citoyens sont davantage attachés à la protection de la biodiversité et condamnent de plus en plus vivement les atteintes qui lui sont portées. Ces pôles spécialisés permettront d’apporter une réponse judiciaire adaptée aux attaques contre l’environnement, pour lesquelles la réponse pénale n’a jamais été à la hauteur des dommages infligés.

Enfin, je salue l’article 11, qui tend à réparer une situation très dommageable pour les usagers des transports en commun, puisque les coupables de crimes et de certains délits pourront se voir infliger une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport public. C’est non seulement une évidence, mais une nécessité.

Pour toutes ces raisons, le groupe MoDem et Démocrates apparentés soutiendra ce projet de loi, en espérant que son examen se déroulera dans les mêmes conditions qu’au Sénat, puisqu’il y a été adopté à la quasi-unanimité.

M. Gérard Leseul. La création du Parquet européen s’inscrit dans la perspective de la construction d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice ; pour respecter la souveraineté des États en matière judiciaire, son organisation est décentralisée. Il s’agit d’une coopération renforcée, procédure qu’il faudrait davantage promouvoir au niveau européen.

Ce texte prévoit la création, dans le ressort de chaque cour d’appel, d’un pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement. La compétence territoriale d’un tribunal judiciaire serait ainsi étendue au ressort de la cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par le code de l’environnement. Malheureusement, le texte exclut les délits prévus par le code minier, le code forestier, le code rural ou encore le code de l’urbanisme. Il se prive aussi de compétences civiles, alors que la double compétence se justifiait pourtant et aurait pu s’étendre au contentieux civil relatif à la prévention et à la réparation du préjudice écologique et au devoir de vigilance en matière environnementale.

Le projet de loi prévoit aussi de créer une CJIP en matière environnementale, qui permet aux signataires d’éviter les poursuites. En pratique, cette justice négociée permet aux entreprises de s’assurer une impunité à faible coût : pas d’inscription au casier judiciaire, pas de déclaration de culpabilité. Dans le cadre d’un droit en construction comme celui de l’environnement et même s’il est proposé d’augmenter le quantum des amendes, il ne nous semblait pas souhaitable d’étendre la CJIP à la matière environnementale ; à tout le moins aurait-on pu en aménager la procédure afin que tous les droits des parties civiles soient respectés. Si la création de cette CJIP devait être entérinée, il faudrait renforcer les moyens afin de contrôler les mises en conformité décidées à l’issue d’une CJIP.

Légiférer sur la justice environnementale doit être l’occasion de pallier les lacunes, notamment l’absence, dans le code pénal, de délit général d’atteinte ou de mise en danger de l’environnement. Mon prédécesseur, M. Christophe Bouillon, avait beaucoup travaillé sur le sujet l’année dernière et défendu une proposition de loi sur la reconnaissance de l’écocide en droit français. Malheureusement, cette idée a été balayée d’un revers de la main par la majorité… avant de revenir sur le devant de la scène au printemps, portée par la prise de conscience citoyenne sur le climat.

Citer l’écocide dans les débats sur ce texte permettrait de renforcer un message politique puissant : il faut protéger l’environnement au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation et répondre à l’attente exprimée directement par nos concitoyens. Si ce texte est intéressant, le groupe Socialiste et apparentés sera très vigilant tout au long de son examen.

M. Loïc Prud’homme. L’ambition de ce texte est de rénover la justice pénale environnementale en créant de nouvelles juridictions pour l’environnement et une CJIP, adaptation des procédures pénales françaises au nouveau Parquet européen.

Relevons au passage la schizophrénie de la construction européenne en matière environnementale, puisque l’Union est capable d’autoriser des centaines de pesticides, sur le fondement d’études tout à fait contestables présentées par leurs fabricants, tout en prétendant s’occuper de la qualité de l’air et de l’eau dans les États membres. À la schizophrénie vient s’ajouter l’hypocrisie, sachant que, depuis des lustres, l’Union européenne se garde bien de faire quoi que ce soit contre le dumping environnemental.

La plupart des atteintes à l’environnement sont commises, de façon délibérée, par des entreprises peu scrupuleuses. Celles-ci agissent en toute impunité puisqu’il n’existe, pour l’heure, aucune réponse pénale adaptée à cette criminalité industrielle. Les exemples ne manquent pas, mais je manque de temps pour les citer.

Les sanctions prononcées sont en outre fort peu dissuasives. Vinci, qui avait reconnu avoir déversé de l’eau chargée de béton directement dans la Seine, a récemment écopé d’une amende de seulement 50 000 euros…

J’ai parlé d’hypocrisie à propos de l’Union européenne : c’est le terme que l’on peut retenir s’agissant de la proposition de création de cette fameuse convention judiciaire d’intérêt public. Cette procédure permettrait au procureur de conclure un accord avec une personne morale, mise en cause pour un délit environnemental, en lieu et place d’un procès. Ce mécanisme transactionnel est une aubaine pour les entreprises pollueuses : la CJIP leur permettra de payer une amende négociée plutôt que de s’engager dans un procès pouvant déboucher sur la reconnaissance de leur culpabilité. La CJIP pourrait ainsi être synonyme de droit à polluer. Il s’agit d’une conception économique de la justice, puisque les entreprises pourront anticiper le coût financier de leurs infractions.

Certains de nos collègues ont nié que cette procédure transactionnelle s’apparente à un droit à polluer, au motif que cette procédure n’est pas automatique, qu’elle n’est qu’une option. En réalité, compte tenu du manque de moyens – la réforme se fait à moyens constants alors que la justice est déjà bien à la peine –, les procureurs privilégieront la CJIP pour gagner du temps et désengorger les tribunaux.

Bref, sitôt qu’on en gratte le vernis, on se rend compte que ce projet de loi n’est, une fois de plus, qu’un texte d’affichage, sans effet positif et concret sur le droit environnemental.

M. Hubert Wulfranc. Nous voilà réunis pour donner notre avis sur un projet de loi pour une justice écologique : une justice écologique plus spécialisée, certes, mais aussi, selon nous, plus expéditive… Dès lors que ce texte prévoit d’affecter au traitement de ces affaires des magistrats dédiés tout en créant une forme de plaider-coupable environnemental, il nous semble à double tranchant.

Certes, la technicité des questions plaide en faveur de l’instauration de pôles spécialisés, composés de magistrats dédiés, dans chaque cour d’appel, mais toutes les affaires ne seront pas jugées au sein de ces nouvelles structures. Les dossiers les plus simples, qui peuvent être les plus attentatoires à la vie quotidienne de nos concitoyens et à l’environnement, continueront à être traités par les tribunaux judiciaires ; à l’inverse, les accidents les plus graves, comme celui de l’incendie de l’usine Lubrizol, continueront à relever des pôles spécialisés. Entre les deux, ce projet de loi prévoit de créer, dans le ressort des cours d’appel, des juridictions spécialisées qui s’occuperont des atteintes à l’environnement comme la pollution des sols ou les infractions à la réglementation des espèces protégées. Selon des associations de défense de l’environnement, une telle spécialisation a déjà fait ses preuves dans d’autres pays européens ; encore faudrait-il accorder à la justice des moyens à la hauteur de l’enjeu. On peut craindre, hélas, que ce ne soit pas le cas.

L’accélération des procédures et l’instauration d’un circuit alternatif par le biais d’une forme de plaider-coupable n’est pas sans risques. Les auteurs d’une infraction environnementale, entreprise ou collectivité, dès lors qu’elles reconnaîtraient leur responsabilité, pourront se voir proposer par le juge de conclure une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale et de s’épargner ainsi un procès : la responsabilité de tout un système pourrait en être diluée. Le champ de compétence de ces juridictions devrait être élargi à d’autres responsabilités, par exemple de faire respecter du devoir de vigilance imposé aux grandes entreprises, pour l’heure totalement passé sous silence.

Mme Danielle Brulebois. Concrètement, qu’est-ce qui va changer dans nos départements ? Les procureurs chargés de poursuivre les infractions au code de l’environnement sont le plus souvent surchargés de travail : du coup, le traitement de ces affaires traîne souvent en longueur et il n’est pas rare qu’elles soient classées sans suite.

M. Martial Saddier. Je remercie tous ceux qui ont cité la Charte de l’environnement, comme l’avait voulu le Président de la République de l’époque, M. Jacques Chirac, et à la rédaction de laquelle j’ai pu participer avec M. Jean-Marie Sermier ou Mme Constance Le Grip. Intégrée au bloc de constitutionnalité, elle est aujourd’hui la pierre angulaire de nos discussions.

La spécialisation des parquets est une bonne nouvelle. Nous avons tous eu vent – et moi le premier dans ma circonscription – d’affaires classées sans suite, par manque de temps ou tout simplement de formation des magistrats qui ont pu méconnaître la réalité de certains dégâts environnementaux.

Je regrette cependant que ces juridictions spécialisées soient rattachées aux cours d’appel alors que, quelles qu’aient été les majorités, les gouvernements successifs ont toujours eu tendance à vouloir les supprimer. Si elles devaient, hélas ! disparaître un jour, je crains que le parquet ne se retrouve trop éloigné du contentieux environnemental local.

Mme Chantal Jourdan. Les moyens seront-ils suffisants pour contrôler et sanctionner le respect des règles en matière environnementale ? Le manque de personnel a été rappelé, en particulier au sein de l’Office français de la biodiversité. Il y a tout lieu de s’en inquiéter.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que ce texte est bienvenu et représente une avancée majeure pour protéger l’environnement et répondre aux attentes de nos concitoyens. Le besoin d’une justice spécialisée est devenu évident.

Certains considèrent que la création d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale n’est pas une avancée suffisante, mais c’est un premier pas qui permet surtout d’aller plus vite : les juridictions peuvent mettre des mois, voire des années, à rendre leur décision alors que la CJIP pourra être négociée très rapidement. Cela ne veut pas dire que l’on acceptera tout et n’importe quoi. Le procureur proposera une amende assortie de certaines obligations pour le contrevenant et la décision, loin d’être prise en catimini, devra être validée par le tribunal, dans le cadre d’une audience publique où la partie civile aura toute sa place : rien ne l’empêche de réclamer des dommages et intérêts.

Par ailleurs, l’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention, s’ils ne sont pas inscrits au casier judiciaire, seront publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise ou, à défaut, de l’établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient. Le fait de ne pas s’être conformé aux dispositions du code de l’environnement aura donc fait l’objet de toute la publicité requise.

Enfin, le montant de l’amende pourra être très important, jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel, et sera assorti d’obligations précises : une remise en état, le respect d’un certain délai. Surtout, la conclusion d’une CJIP ne sera qu’une alternative aux poursuites : le procureur de la République pourra très bien décider de ne pas proposer de convention et de poursuivre. L’affaire sera alors jugée devant une juridiction pénale, comme toutes les affaires pénales, au cours d’une audience à laquelle seront présentes les parties civiles, des organisations non gouvernementales, etc.

Concrètement, madame Danielle Brulebois, nous allons mettre en place des juridictions dans le ressort de la cour d’appel pour certaines atteintes à l’environnement : les affaires seront jugées dans un des tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel, qui verra sa compétence territoriale étendue à tout le ressort de la cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits en question. Un décret fixera la liste de ces pôles spécialisés. Chez moi, le Vaucluse fait partie du ressort de la cour d’appel de Nîmes : ce pourra être Carpentras ou Avignon, ou un autre ; en tout état de cause, le tribunal judiciaire qui sera choisi pour traiter de ces affaires aura compétence dans tout le ressort de la cour d’appel de Nîmes. Mais il n’est pas question, monsieur Martial Saddier, de supprimer les cours d’appel : je me suis battue avec mes confrères pour les préserver, car nous en avons besoin. Bien entendu, il y aura des gradations : si les faits ne sont passibles que d’une contravention, le juge d’instruction renverra l’affaire devant le tribunal de police compétent, et les atteintes plus graves seront jugées au sein des cours d’appel ; mais dans tous les cas, on aura affaire à des juges spécialisés, et c’est le gros avantage de ce texte.

C’est précisément parce que les juges ne sont pas formés à ce type de procédures que l’on enregistre si peu de contentieux et autant de classements sans suite. Cela sera moins le cas à l’avenir, d’autant plus que les juges seront assistés par des fonctionnaires du ministère de la transition écologique qui leur apporteront leur expertise : on ne fera pas juger n’importe quoi par n’importe qui.

Monsieur Gérard Leseul, vous avez relevé à juste titre que des infractions relevant notamment du code minier ont été oubliées. Je présenterai un amendement pour y remédier : profitons de l’occasion pour remettre dans la couche toutes les autres infractions liées à l’environnement, mais prévues dans d’autres codes. C’est plus logique, et autant le faire dès maintenant.

Enfin, certains ont comparé la convention judiciaire d’intérêt public à la procédure du plaider-coupable. Ce n’est pas tout à fait pareil. La convention reste une transaction tandis que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité devant le procureur de la République (CRPC) impose l’assistance d’un avocat. Surtout, la CRPC est inscrite au casier judiciaire, contrairement à la convention judiciaire d’intérêt public, qui demeure une transaction. Bien sûr, il n’y aura pas de deuxième négociation : en cas de réitération, l’entreprise ira sans doute directement devant le tribunal correctionnel. Par ailleurs, s’il n’y a pas d’inscription au casier judiciaire, la convention fait tout de même l’objet d’une publicité puisqu’elle est notamment publiée sur le site internet du ministère de la justice.

 

La commission en vient à l’examen des articles.

 

Article 8 (articles 41-1-3 [nouveau] et 180-3 [nouveau] et chapitre II [nouveau] du titre XIII bis du livre IV du code de procédure pénale) : Dispositions relatives à la lutte contre les atteintes à l’environnement

 

La commission est saisie de l’amendement CD2 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement, dont je viens de parler, vise à étendre le champ de compétence des pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement, prévus à l’article 8 du projet de loi, à des infractions ayant un fort impact environnemental mais qui sont inscrites dans d’autres codes que le code de l’environnement. C’est notamment le cas des dispositions du code forestier, de certaines infractions prévues au code minier ou encore des infractions prévues au code rural et de la pêche maritime relatives aux végétaux et aux produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Aubert. Permettez-moi d’en profiter pour interroger la rapporteure pour avis au sujet de l’amende. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 décembre 2013, a considéré que le critère, retenu par le législateur, de fixation du montant maximum de la peine infligée à une personne morale – 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, en l’espèce – était susceptible de revêtir un caractère manifestement disproportionné à la gravité de l’infraction en ce qu’il ne dépendait pas du lien entre l’infraction à laquelle il s’applique et le chiffre d’affaires.

Vous proposez de porter à 30 % du chiffre d’affaires le montant maximal de la peine encourue. Comment liez-vous le montant de l’amende à la gravité de l’infraction ? En d’autres termes, l’impact environnemental peut être grave mais sans que l’on puisse reprocher au contrevenant une intention de nuire ou une négligence : ce peut être la conséquence d’un accident involontaire. Dans ce cas, peut-on raisonnablement prononcer une amende égale à 30 % du chiffre d’affaires au risque de tuer l’entreprise ? Par exemple, les faits de corruption sont passibles, eux aussi, d’une amende pouvant atteindre 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel mais, dans ce cas, l’intention est caractérisée alors qu’un accident environnemental peut être plus ou moins volontaire. Comment introduire la notion de responsabilité individuelle des décideurs dans le calcul de l’amende ?

Pour ce qui est de la transaction elle-même, quel serait l’intérêt, pour une entreprise, de recourir à une telle procédure si elle est rendue publique ? Lorsque vous recourez à ce genre de procédure, c’est précisément dans le but d’éviter un procès susceptible de porter atteinte à votre image, surtout si le procureur lui-même estime que votre responsabilité n’est pas complètement engagée. Ne risque-t-on pas de couper la voie à cette transaction en la rendant publique ou en l’entourant d’une trop grande publicité ? Ne vaut-il pas mieux alors aller au procès ?

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. La question évidemment mérite d’être posée : comment calculer l’amende, à plus forte raison si le préjudice n’est pas encore constaté ? Le projet de loi prévoit que le montant de l’amende ne pourra dépasser 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Répétons-le : la conclusion d’une telle convention n’est pas obligatoire. Si l’entreprise refuse de payer une telle amende parce qu’elle considère ne pas avoir commis d’infraction ou ne pas en avoir les moyens, libre à elle de la refuser et d’aller plaider sa cause devant une juridiction pénale. Il fallait fixer un plafond.

Pour ce qui est de la publication, elle revêt un caractère dissuasif. Il fallait, à tout le moins, que soit mentionné quelque part le fait que cette entreprise avait commis une infraction grave au code de l’environnement. Cela étant, parce qu’il fallait trouver un équilibre, il n’est prévu de publier l’ordonnance de validation, le montant de l’amende et la convention que sur les sites internet des ministères de la justice et de l’environnement; l’inscription au casier judiciaire aurait été beaucoup plus dissuasive. La mention de l’infraction présente l’autre avantage d’inciter l’entreprise à travailler aux moyens de réparer les dommages causés et d’éviter de nouveaux dégâts. L’idée est de ne pas la marquer à vie d’une condamnation infamante mais de lui permettre de continuer à travailler et, notamment, à accéder aux marchés publics.

M. Gérard Leseul. Ces 30 % du chiffre d’affaires ne sont effectivement qu’un plafond : nous verrons, à l’usage, à quel niveau se situeront les négociations.

Nous soutiendrons cet amendement, mais je regrette que le champ de compétence des pôles régionaux spécialisés n’ait pas été étendu aux infractions inscrites dans le code de la consommation et le code de l’urbanisme qui couvrent des secteurs fortement concernés par les problèmes environnementaux.

M. Christophe Arend. L’amendement CD2 tend à répondre aux préoccupations de l’ensemble de nos collègues. Quant au taux de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel, il s’agit bien d’un plafond, mais l’amendement CD12 que la rapporteure pour avis nous proposera dans un instant ne pourra qu’inciter le ministère de la justice à revoir toute l’échelle des peines des sanctions prévues par le code de l’environnement d’ici à la séance.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle examine l’amendement CD15 rectifié de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rendre possible l’exercice des fonctions d’assistant de justice spécialisé dans les pôles régionaux spécialisés instaurés à l’article 8 du projet de loi par des fonctionnaires de catégorie A et B relevant du ministère de l’environnement. Il est important de s’appuyer sur des personnes qui connaissent la matière pour disposer d’expertises fiables.

M. Julien Aubert. N’aurait-il pas été intéressant d’étendre la fonction d’assistant de justice spécialisé aux fonctionnaires d’autres ministères comme ceux de l’agriculture ou de l’économie ? C’est vrai, il faut connaître le droit de l’environnement, mais les décisions de justice qui seront rendues auront des conséquences économiques évidentes. Il serait intéressant de disposer d’expertises variées.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. La possibilité de se faire assister par des fonctionnaires d’autres ministères existe déjà pour les pôles de santé publique. De plus, je pense qu’il est toujours possible, dans le cadre d’une procédure, de faire appel à des experts. L’ambition de ce projet de loi est d’abord de renforcer la protection de l’environnement et il fallait que les mesures prévues en témoignent. Rien n’empêche, le cas échéant, de solliciter l’avis d’un expert dans un autre domaine, par exemple l’économie. Je ne vois pas pourquoi ce qui est déjà possible dans le cadre d’une procédure pénale ne le serait pas en l’espèce.

M. Julien Aubert. Il faut quand même faire attention à l’impartialité de la justice ! Imaginez que pour juger d’actes de délinquance, les magistrats sollicitent l’assistance de fonctionnaires de catégorie A ou B du ministère de l’intérieur ! On pourrait craindre que cette expertise ne soit colorée d’une culture « maison ». Le ministère de l’environnement a pu être parfois critiqué pour son action jugée trop activiste par certaines entreprises. C’est pour cette raison que je vous pose la question. La diversité des expertises permettrait de restaurer l’équilibre, qui peut être menacé par la culture ministérielle.

M. Christophe Arend. Cet amendement vise à renforcer la compétence des juridictions. En l’espèce, le sujet n’est pas celui de la délinquance en général mais de la délinquance environnementale et il ne me semble pas aberrant, dans ce contexte, de faire appel à des experts du droit de l’environnement.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Les experts inscrits sur les listes des cours d’appel sont tous assermentés. Ils ont prêté serment devant la cour d’appel. L’impartialité de la justice ne sera pas remise en cause si l’on fait appel à eux.

M. Jean-Marie Sermier. M. Julien Aubert a raison. Nous ne doutons pas de la qualité des experts mais, quels qu’ils soient, ils restent des experts, formés dans un domaine particulier pour en maîtriser tous les aspects. Si tous les experts sollicités sont issus du ministère de l’environnement, on peut s’interroger sur le maintien des grands équilibres. Le ministère de l’agriculture n’a pas été cité par hasard : nombre de sujets, on le sait, touchent aux pratiques agricoles, à l’organisation de nos territoires. La situation serait plus équilibrée si l’ensemble des ministères étaient représentés au travers des experts.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Les assistants spécialisés venus du ministère de l’environnement travailleront avec le parquet en permanence, mais cela n’empêchera pas de solliciter des experts extérieurs à chaque fois que l’on a besoin d’être éclairé sur un point précis, qui relève de leur domaine. Autrement dit, l’un n’empêche pas l’autre et je ne pense pas qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle étudie l’amendement CD3 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. L’amendement vise à supprimer la compétence du tribunal judiciaire de Paris concernant les affaires de pollution des eaux maritimes présentant une grande complexité, afin que celles-ci relèvent de la compétence des juridictions du littoral spécialisées. Cette compétence se justifie peu dans la mesure où le tribunal judiciaire de Paris n’a jamais eu à connaître de dossiers au titre de cette compétence et qu’il n’est pas l’une des six JULIS, ce qui signifie qu’il n’a pas de compétence particulière en matière de pollution des eaux maritimes. Il me semble inutile de maintenir cette compétence qui n’est pas exercée alors que les JULIS réalisent un travail remarquable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8, modifié.

 

Après l’article 8

 

La commission est saisie de l’amendement CD9 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à étendre aux associations environnementales agréées des compétences que détiennent déjà les associations de consommateurs agréées en application de l’article L. 621‑2 du code de la consommation. Il permet ainsi aux associations de protection de l’environnement de demander à la juridiction civile ou pénale saisie d’ordonner « toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ». Il convient en effet de garantir l’égalité d’accès à la justice, surtout pour les associations qui interviennent régulièrement sur le terrain.

M. Julien Aubert. Vous souhaitez étendre un droit jusqu’ici réservé à certaines associations. Ne risque-t-on pas de voir d’autres organisations, œuvrant dans d’autres domaines, réclamer les mêmes prérogatives ? Un tel amendement ne manquera pas d’entraîner une judiciarisation accrue et une multiplication des recours qui, à moins d’augmenter massivement les effectifs des tribunaux, risquent de conduire à un engorgement et, finalement, à un défaut de droit.

Par ailleurs, qui sont ces associations de protection de l’environnement agréées ? Si certaines sont tout à fait neutres, d’autres, très militantes, n’hésitent pas à utiliser la justice comme un moyen de faire progresser leur cause – ce qui peut être légitime, mais n’en pose pas moins un problème en termes d’organisation de la justice sur le territoire.

M. Martial Saddier. Cet amendement ne sacralise-t-il pas le droit à l’indemnisation au civil des associations environnementales qui saisiraient une juridiction ?

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas d’un droit à l’indemnisation, mais d’un droit d’accès à la justice civile. Les associations pourront porter la parole de ceux qui en sont adhérents – ou pas – pour demander à la justice de faire cesser un trouble ou un agissement illicite, mais elles ne seront pas pour autant indemnisées.

Pour ce qui est de la nature des associations agréées, monsieur Aubert, nous avons simplement été saisis par plusieurs associations qui nous ont demandé à pouvoir user de cette faculté. Quoi qu’il en soit, il me semble opportun d’ouvrir aux associations de protection de l’environnement l’accès au droit dont bénéficient déjà les associations de consommateurs.

M. Alain Perea. Je considère pour ma part que les associations de consommateurs et les associations de protection de l’environnement n’agissent pas dans le même domaine.

Sitôt qu’on lui demande de faire cesser un trouble, le juge administratif répond souvent en suspendant immédiatement des autorisations. Certes, votre amendement ne concerne pas la juridiction administrative, mais il pose de nombreux problèmes au regard de l’action que mènent ces associations qui prétendent protéger l’environnement en multipliant les recours, d’autant que le juge a plutôt tendance à aller dans leur sens, comme le montrent les auditions que je mène actuellement dans le cadre de la mission d’information commune sur le délit d’entrave à l’exercice d’activités légales. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement.

M. Julien Aubert. Je viens de consulter la liste des associations agréées, car il est intéressant de voir à qui l’on ouvrirait ce recours. Y figurent notamment la Fédération nationale des chasseurs, Paysages de France, Patrimoine Environnement, mais aussi Générations futures, le réseau « Sortir du nucléaire » et l’association Robin des bois… Parmi ces associations agréées, on trouve donc aussi bien des structures en quelque sorte institutionnelles que des organisations politiques et militantes, qui feront un tout autre usage de cette possibilité de recours. Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas non plus cet amendement.

M. Jean-Marc Zulesi. La rapporteure pour avis a surtout été guidée par un principe d’équité dans l’accès au droit, entre les associations de protection de l’environnement, dont M. Aubert lui-même a bien montré la diversité, et les associations de consommateurs. Le groupe La République en Marche votera donc cet amendement.

M. Jean-Marie Sermier. Nous sommes là sur une ligne de crête qui manifestement a été dépassée en permettant à des structures militantes, dont l’action est parfaitement légitime, d’intenter des recours devant les juridictions alors que les organisations professionnelles représentant l’agriculture ou l’industrie n’en ont pas le droit. Ce texte, bien ficelé au départ, est en train de déraper. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le groupe Les Républicains vient de voter plusieurs amendements à vos côtés ; nous sommes ouverts à une avancée en matière de juridiction environnementale, mais pour qu’elle soit efficace, encore faut-il qu’elle soit sincère et mesurée. Si cet amendement était adopté, elle deviendrait franchement militante et nous ne pourrions plus soutenir ce texte.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je ne qualifierais pas de dérapage ce qui peut être une valeur ajoutée apportée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire…

M. Vincent Thiébaut. Je comprends le sens de cet amendement et l’objectif poursuivi par la rapporteure pour avis. Toutefois, je m’interroge sur la pertinence et l’efficacité de cette proposition, au vu des simplifications législatives que nous avons récemment votées. La multiplication des recours peut retarder de nombreux projets, notamment des projets à vertu environnementale comme le développement des énergies renouvelables. Alors que nous avons mené, depuis le début de la législature, un travail de simplification, en particulier dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), n’est-on pas en train de rajouter une couche de complexité ?

Mme Danielle Brulebois. Si certaines associations de protection de l’environnement sont sérieuses et effectuent un travail utile, d’autres viennent d’on ne sait où et agissent en réalité pour le compte de lobbies – je pense par exemple à l’association L214. La notion d’association de protection de l’environnement est très vague : nous ne pouvons pas laisser à ces organisations un tel pouvoir sans préciser ce que nous voulons réellement.

M. Gérard Leseul. Le groupe Socialistes et apparentés votera cet amendement, qui va dans le bon sens. Il faut ouvrir la possibilité de se saisir des questions environnementales à l’ensemble des représentants de nos concitoyens.

M. Bruno Millienne. Si la proposition de la rapporteure pour avis va dans le bon sens – dans tous nos territoires, nous constatons des agissements illicites contre lesquels nous avons du mal à lutter –, la définition même de ces associations agréées pose problème. Imaginez que des organisations très militantes obtiennent un agrément : cela affaiblirait tout ce que nous avons mis en place jusqu’à présent, notamment dans le cadre du projet de loi ASAP, comme vient de le rappeler M. Thiébaut. Nous venons de voter un texte visant à simplifier les procédures, et nous viendrions maintenant les alourdir ? Je ne dis pas que je ne partage pas l’esprit de cet amendement, mais qu’il n’est pas assez cadré. Il faut à tout le moins le retravailler en vue de la séance publique. À ce stade, je ne le voterai pas.

Mme Frédérique Tuffnell. Je suis tout à fait d’accord avec M. Millienne : il faut mieux encadrer cette nouvelle disposition et préciser le périmètre des associations de protection de l’environnement concernées. Il est important d’être au clair sur ce point et donc, peut-être, de retravailler cet amendement.

M. Christophe Arend. Le groupe La République en Marche soutient la démarche de notre rapporteure pour avis, qui a proposé cet amendement pour des raisons d’équité. Les juridictions saisies par les associations pourront prendre ou non des mesures conservatoires. Du débat que nous venons d’avoir, il ressort que l’amendement pourrait gagner en précision, s’agissant notamment de la définition des associations de protection de l’environnement concernées. Nous sommes ouverts à la discussion. C’est pourquoi je demande à la rapporteure pour avis de bien vouloir retirer son amendement pour le retravailler de manière consensuelle.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. J’ai bien entendu vos inquiétudes. Nous pouvons craindre, c’est vrai, que des associations politiques n’en profitent et n’utilisent le tribunal pour dire ou faire n’importe quoi. Cependant, nous ne parlons pas ici de n’importe quelles associations : mon amendement concerne uniquement les associations agréées par l’État, dans les conditions précisées à l’article L. 141-2 du code de l’environnement, dont il existe une liste publiée sur le site du ministère de la transition écologique. Si les pouvoirs publics considèrent qu’elles vont au-delà de leur objet, ils peuvent leur retirer l’agrément. Mon but est de permettre à ces associations de se faire les porte-parole de ceux qui considèrent que de graves infractions au droit de l’environnement ont été commises. Si je comprends vos inquiétudes, je ne vois pas comment je pourrais rendre le dispositif encore plus lisible, dans la mesure où je renvoie déjà à des articles existants du code de l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame la rapporteure pour avis, je vous invite très chaleureusement à préciser votre amendement afin de le représenter en séance publique.

 

La commission examine l’amendement CD5 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement, discuté et travaillé avec France Nature Environnement, vise à supprimer le délit d’entrave aux fonctions d’un inspecteur de l’environnement en cas de non-présentation à une audition libre. Les sanctions sont en effet disproportionnées – six mois de prison et 15 000 euros d’amende – au regard des faits commis, qui relèvent parfois d’une simple contravention. Dès lors, cette disposition présente un risque d’inconstitutionnalité. Un tel délit n’a d’ailleurs pas d’équivalent dans la procédure pénale et semble peu nécessaire dans la mesure où la quasi-totalité des convocations à des auditions libres en matière environnementale donnent effectivement lieu à comparution – c’est en tout cas ce qui est ressorti des auditions que j’ai conduites en tant que rapporteure pour avis.

M. Christophe Arend. Nous avons tout à fait compris le sens de votre amendement. Cependant, les 15 000 euros d’amende et les six mois d’emprisonnement sont entendus comme des peines maximales pouvant être proportionnées, à l’instar de l’amende ne pouvant dépasser 30 % du chiffre d’affaires évoquée à l’article 8. Votre amendement pourrait malheureusement être interprété comme une révision à la baisse de l’échelle de valeurs des sanctions, notamment en cas d’obstacle aux fonctions. Le groupe La République en Marche et la majorité présidentielle souhaitent que les peines encourues revêtent un caractère réellement dissuasif – toutes proportions gardées, naturellement. Les grands enjeux environnementaux le valent bien. C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi nous voterons contre.

L’amendement est retiré.

 

Article additionnel après l’article 8 (article 706-2 du code de procédure pénale) : Exercice des fonctions d’assistant de justice spécialisé dans les pôles de santé publique par des fonctionnaires du ministère de la transition écologique

 

La commission en vient à l’amendement CD4 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rendre possible l’exercice des fonctions d’assistant de justice spécialisé dans les pôles de santé publique par des fonctionnaires de catégories A et B relevant du ministère de la transition écologique. Cette possibilité est déjà offerte aux fonctionnaires des ministères de la recherche, de la santé et de l’agriculture, en vertu de l’article 706-2 du code de procédure pénale.

M. Julien Aubert. Si j’étais un peu taquin – mais je ne le suis jamais (Sourires) –, je retournerais l’argument que vous m’avez opposé tout à l’heure quand je plaidais pour l’intégration de fonctionnaires d’autres ministères au sein des pôles spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement… Pourquoi permettre aux fonctionnaires relevant du ministère de la transition écologique d’exercer la fonction d’assistant de justice dans les pôles de santé alors que vous considérez, dans le même temps, que les fonctionnaires d’autres ministères ne peuvent intervenir dans les pôles d’environnement qu’en tant qu’experts et non y travailler en qualité d’assistants ? Il faut à un moment donné que les règles soient les mêmes pour tout le monde ; il n’y a pas à privilégier tel ou tel secteur. De deux choses l’une : ou bien nous suivons une logique de pôles avec des assistants de justice qui peuvent venir de tous les ministères, ou bien ils ne peuvent venir que du ministère concerné par le pôle en question et les autres interviennent à titre d’experts. Mais on ne peut pas faire deux poids, deux mesures.

M. Bruno Millienne. Vous êtes taquin, mais votre intervention n’est pas dénuée de sens !

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Vous aimez le débat, monsieur JulienAubert ! C’est précisément parce que les pôles de santé publique ont une compétence en matière de santé environnementale que des fonctionnaires de catégories A et B relevant du ministère de la transition écologique doivent pouvoir y exercer la fonction d’assistant de justice. Et cela pourrait en plus rendre le processus de décision plus efficace.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 8 bis (article L. 173-1 du code de l’environnement) : Violation d’une mise en demeure de remise en état après la cessation d’activités d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 bis, sans modification.

 

Article additionnel après l’article 8 bis (article L. 173-8-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Mise en cohérence du montant de l’amende pour certaines infractions environnementales avec celui prévu par la convention judiciaire d’intérêt public

 

La commission est saisie de l’amendement CD12 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à mettre en cohérence, pour les infractions au code de l’environnement punies d’au moins 75 000 euros d’amende, le montant maximal de l’amende avec celui de l’amende prévue par la convention judiciaire d’intérêt public instaurée à l’article 8 du projet de loi. Sans une revue de l’échelle des peines dans le code de l’environnement, le recours à cette convention risque en effet d’être limité par la faiblesse du montant des amendes encourues par les personnes morales en cas d’infraction au code de l’environnement, comparé au montant de l’amende prévue dans le cadre de la convention. Je propose donc que le montant maximal de l’amende encourue en cas d’infraction au code de l’environnement soit porté au décuple de l’avantage tiré ou escompté de l’infraction, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires.

M. Christophe Arend. Je comprends votre volonté d’encourager le ministère de la justice à revoir l’échelle des peines prévues dans le code de l’environnement. Le groupe La République en Marche souhaite aussi que le ministère puisse, d’ici à la séance publique, aller au bout de la démarche dans laquelle il s’est engagé. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Article additionnel après l’article 8 bis (article L. 173-9 du code de l’environnement) : Prolongation du délai d’ajournement en cas de mesures de remise en état ou de réparation des dommages

 

La commission examine l’amendement CD13 de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à porter à deux ans maximum, au lieu d’un an, le délai d’ajournement de la peine lorsque le tribunal ordonne des mesures de remise en état ou de réparation des dommages causés à l’environnement, afin de tenir compte du délai de mise en œuvre de ces mesures.

Cette proposition est de nature à rendre plus effectives les mesures de remise en état. Le temps judiciaire passe très vite. En un an, la personne condamnée n’a pas toujours le temps de remettre en état le site affecté par ses agissements ; l’augmentation du délai d’ajournement lui permettra de le faire. Je précise que ce délai de deux ans sera un délai maximal, et qu’il sera toujours possible de revenir devant le juge au bout d’un an. Il faut être pragmatique…

La commission adopte l’amendement.

 

Article additionnel après l’article 8 bis (article L. 173-13 [nouveau] du code de l’environnement) : Définition de la récidive pour certains délits environnementaux

 

La commission en vient à l’amendement CD11 rectifié de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à mieux réprimer les comportements multirécidivistes en assimilant certains délits environnementaux à une même infraction dans le cadre de la récidive. En d’autres termes, nous considérerons les cas d’atteintes renouvelées à l’environnement comme une récidive, si ces infractions concernent, respectivement, les milieux physiques, les espaces naturels, le patrimoine naturel ou la prévention des pollutions, risques et nuisances. Si vous avez déjà été condamné pour l’une de ces infractions, on considérera que vous la commettez à nouveau, dès lors qu’elle relève du même volet environnemental : vous serez alors multirécidiviste et votre peine sera d’autant plus lourde.

La commission adopte l’amendement.

 

Article additionnel après l’article 8 bis (article 131-5 du code pénal) : Création d’une peine de stage de sensibilisation à la protection de l’environnement

 

La commission examine l’amendement CD14 rectifié de la rapporteure pour avis.

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Je propose que la juridiction puisse prescrire, comme peine complémentaire ou alternative à l’emprisonnement, la réalisation par le condamné d’un stage de sensibilisation à la protection de l’environnement, comme il en existe aujourd’hui en matière de sécurité routière, de citoyenneté ou de lutte contre le sexisme. Une telle mesure, complémentaire aux mesures de remise en état, permettra de réduire la réitération d’infractions environnementales.

Aujourd’hui, il n’existe pas de stage de sensibilisation à la protection de l’environnement. Il serait peut-être bon d’en créer afin d’expliquer aux personnes condamnées que leurs agissements sont mauvais pour notre terre.

M. Bruno Millienne. Je suis tout à fait séduit par l’esprit de votre amendement – il vaut mieux apprendre aux personnes condamnées à devenir responsables que de les mettre en prison –, mais le délai d’application de la peine risque de poser problème. Si le stage de sensibilisation à la protection de l’environnement se déroule quatorze ou quinze mois après le prononcé de la peine, il ne servira pas à grand-chose ! Or c’est bien ce qui se passe pour les délits en matière de citoyenneté : dans les faits, les travaux d’intérêt général sont exécutés au bout de douze à quatorze mois.

Mme Frédérique Tuffnell. Je m’étonne que le suivi d’un stage de sensibilisation puisse être considéré comme une peine alternative à l’emprisonnement. Cette alternative risque d’être très sollicitée, ce qui pourrait même être contre-productif. Il vaudrait mieux prévoir une peine seulement complémentaire.

M. Alain Perea. La commune dont j’ai été maire a accueilli certains jeunes condamnés à ce genre de peines alternatives. C’est un très bon outil, qui permet un réel accompagnement des personnes. Je suis donc très favorable à cet amendement.

Pour être taquin, et sans vouloir imiter M. Julien Aubert, j’espère que les fameuses associations de protection de l’environnement dont nous parlions lors de l’examen de l’amendement CD9 s’engouffreront dans cette brèche et proposeront des stages de sensibilisation avec autant de force que celle dont elles font preuve dans leurs actions militantes…

Plusieurs députés. Et les associations de chasseurs aussi ?

M. Alain Perea. Les chasseurs le feront.

M. Martial Saddier. Je ne suis pas opposé au principe de ces stages, mais j’abonderai dans le sens de Mme Frédérique Tuffnell. Pour être condamné à de la prison ferme pour un motif environnemental, il faut y mettre du sien… Si nous permettons au juge de proposer un stage de sensibilisation comme alternative à de la prison ferme, quel signal allons-nous envoyer ? Oui aux stages, mais, par pitié, pas comme alternative à l’emprisonnement !

Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis. Je comprends que nous approuvons tous le principe du stage de sensibilisation à la protection de l’environnement. Dans la pratique, ce genre de stage, qui existe aussi pour d’autres délits, notamment en matière de citoyenneté, n’est pas automatique : il est décidé par le juge en fonction du dossier qu’il examine. Il peut d’abord être considéré comme un avertissement : si la personne n’a jamais été condamnée auparavant et passe devant un tribunal pour la première fois, le magistrat pourra être sensible aux explications qu’elle donnera à l’audience et lui offrir cette possibilité. C’est pourquoi je propose que ce stage soit, en fonction des dossiers et des antécédents de l’intéressé, notamment de son casier judiciaire, une peine complémentaire à l’emprisonnement ou une alternative. Il faut rester positif.

Quant au délai d’exécution des stages, évoqué par M. Bruno Millienne, il dépend des cas. Il arrive que les stages soient suivis au bout de trois, quatre ou cinq mois. Le condamné a plutôt intérêt à se montrer disponible pour la réalisation de ce stage. En tant qu’avocate, je n’imagine pas un stage de sensibilisation deux ans après le prononcé de la peine : cela n’aurait aucun intérêt. Dans la pratique, les services du tribunal conviennent d’un rendez-vous avec le condamné et font en sorte d’organiser le stage assez rapidement, dans les trois ou quatre mois, afin que la sanction soit comprise et effective.

Mme Danielle Brulebois. L’idée est bonne : alors que nos prisons sont surpeuplées, nous ne pouvons pas enfermer tout le monde sans arrêt. Mais plutôt que d’organiser des stages de sensibilisation au contenu incertain, pourquoi n’imposerions-nous pas aux condamnés des travaux environnementaux d’intérêt général – prendre un sac plastique et nettoyer le bord des routes, par exemple ? Au moins, cela servirait à quelque chose ; ce serait peut-être plus pédagogique et plus dissuasif.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il me semble que cela existe déjà.

M. Bruno Millienne. Je comprends bien vos arguments, madame la rapporteure pour avis, mais la rédaction de votre amendement risque de poser problème. Peut-être faudrait-il déposer deux amendements différents : le premier viserait les récidivistes, pour lesquels la réalisation du stage serait complémentaire à la peine principale à laquelle ils sont condamnés, qu’il s’agisse ou non d’une peine d’emprisonnement, tandis que le second amendement serait réservé aux primo-délinquants, auxquels la réalisation du stage serait proposée comme une alternative à une condamnation, quelle qu’elle soit. Au demeurant, pardonnez-moi la boutade, rien n’interdirait d’organiser ces stages en prison, où les jardins partagés, ce peut aussi être une bonne idée…

M. Jean-Marc Zulesi. À l’instar de M. Alain Perea qui a évoqué son expérience de maire, j’aimerais moi aussi saluer tous les maires qui s’engagent dans ce type de dispositif ; il faut que les associations de protection de l’environnement se rapprochent de ces élus qui jouent le jeu afin de créer ce stage de sensibilisation.

Mme Danielle Brulebois a évoqué la nécessité d’être au plus proche du terrain. Nous souhaitons tous que ce stage ne se limite pas à de l’observation et qu’il permette un passage à l’acte sur le terrain ; mais ce n’est pas à la loi de dire s’il doit comporter une action de ramassage des déchets au bord des routes.

Je voterai donc cet amendement, quitte à le retravailler afin de différencier le cas des multirécidivistes et celui des primo-délinquants.

Mme Souad Zitouni, rapporteure. Merci de votre soutien, monsieur Jean-Marc Zulesi. Les stages de sensibilisation sont d’ores et déjà prévus par le code pénal, ils font l’objet d’une discussion avec le juge lors de l’audience, en fonction des éléments du dossier. La rédaction que nous proposons est donc conforme au code pénal. Un multirécidiviste ne se verra pas forcément proposer un stage de sensibilisation : si on lui a déjà donné la possibilité de suivre un stage la première fois et qu’il recommence, on ne va pas lui en proposer un la deuxième fois… Quant au contenu, il ne sera pas uniquement théorique : les stages pourront consister à faire du ramassage ou remettre en état. Cela ne se limite pas à écrire un dossier…

Les travaux d’intérêt général eux aussi sont prévus dans le code pénal. Il n’est pas nécessaire de les définir dès le prononcé de la peine, ils peuvent être déterminés sur le terrain, par l’association saisie ou l’administration. Quand un juge prononce une peine de travaux d’intérêt général, il ne sait pas ce qu’il y aura derrière : c’est seulement une fois la décision rendue que l’association va contacter le condamné pour lui indiquer l’endroit et le contenu des travaux d’intérêt général : ramasser, remettre en état, planter, etc. Mais ce n’est pas à la loi de le définir explicitement.

M. Christophe Arend. Nos débats explicitent la volonté du législateur, et seront pris en compte pour interpréter ces dispositions. Nous avons fait état de notre préoccupation sur la nature complémentaire ou alternative de ces sanctions. Elles peuvent certainement être complémentaires à une peine de prison, nous sommes plus réservés sur l’opportunité d’en faire des alternatives à des délits graves sanctionnés de prison.

Le groupe La République en Marche votera cet amendement, qui va dans le sens que nous souhaitons, mais nous aimerions que la rapporteure pour avis le modifie en séance publique pour préciser la nature complémentaire ou alternative de ces mesures de sensibilisation.

M. Bruno Millienne. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés votera contre cet amendement, mais c’est un vote contre bienveillant… Nous souhaitons que cet amendement soit retravaillé de manière à marquer clairement la différence entre mesures complémentaires et alternatives. C’est pour nous le cœur du problème.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 8 ter (article L. 218-84 du code de l’environnement) : Immobilisation des navires ayant rejeté des eaux de ballast

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ter, sans modification.

 

 

Article 11 (chapitre III [nouveau] du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, article 230-19 du code de procédure pénale, article 20-4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 et article 121-8 [nouveau] du code de la justice pénale des mineurs) : Création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11, sans modification.

 

Enfin, la commission émet un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

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Informations relatives à la Commission

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à la nomination de :

– M. Julien Aubert, rapporteur sur la proposition de loi visant à raisonner le développement de l’éolien (n° 2781) ;

– Mme Constance Le Grip, rapporteure sur la proposition de loi visant à permettre l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports (n° 687 rectifié).

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